N° 1302

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 35
 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Olivier DAMAISIN

 

Député

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPAles observations DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

données clés

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : LE COMPTE Daffectation spÉciale pensions

I. L’ÉQUILIBRE DU CAS PENSIONS RESTE ASSURÉ EN 2019

A. Les dépenses PROGRESSENT MODÉREMENT

B. Le solde du CAS Pensions reste excédentaire

II. PROGRAMME 741 : LES DÉPENSES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES

A. LE RÉGIME SPÉCIAL DE LA FONCTION PUBLIQUE D’ÉTAT

B. LES DÉPENSES DU PROGRAMME 741

1. Le facteur démographique

2. Le facteur prix

a. Une revalorisation modérée des pensions en 2019

b. Pas de revalorisation du point d’indice

C. LES RECETTES DU PROGRAMME 741

1. Le taux de cotisation salariale poursuit sa trajectoire à la hausse

2. Les taux de contribution employeur névoluent pas en 2018

3. Les effets en recettes de la revalorisation du point d’indice

III. PROGRAMME 742 : LE RÉGIME DES OUVRIERS D’ÉTAT EST DE PLUS EN PLUS DÉSÉQUILIBRÉ

A. LE RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DES OUVRIERS D’ÉTAT

B. LE DÉSÉQUILIBRE DU RÉGIME S’aggrave

IV. PROGRAMME 743 : LES DÉPENSES DE PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE DÉCROISSENT

Deuxième partie : la mission rÉgimes sociaux et de retraite

I. PROGRAMME 198 : LE DÉSÉQUILIBRE des rÉgimes spÉciaux des transports terrestres S’ACCROÎT ET TIRE LES DÉPENSES VERS LE HAUT

A. la subvention de soutien au rÉgime de retraite de la sncf en lÉgÈre augmentation

1. Un régime spécial structurellement déficitaire

2. Une subvention en augmentation sous l’effet de la revalorisation des pensions de retraite et de la hausse des frais de gestion

a. La revalorisation des pensions de retraite à 0,3 %

b. La hausse des frais de gestion

3. Un problème d’insincérité budgétaire ?

a. Une sous-budgétisation chronique

b. La question de l’apurement de la dette contractée par l’État

B. LES CRÉDITS DÉDIÉS À L’ÉQUILIBRE DU RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DE LA RATP sont en hausse de 3,8 %

1. Le déséquilibre du régime s’accentue sous l’effet de la dégradation du ratio démographique et de pratiques qui tirent les dépenses vers le haut

a. Un déséquilibre démographique qui s’accentue

b. Des pratiques coutumières qui pèsent sur le montant des pensions

2. La subvention de l’État est en nette augmentation

3. La caisse veille à maîtriser ses coûts de gestion

C. DES CRÉDITS STABLES POUR LES DISPOSITIFS DE PRÉ-RETRAITE ET COMPLÉMENTs DE RETRAITE DES CONDUCTEURS ROUTIERS

1. Le budget dédié au congé de fin d’activité des conducteurs routiers est stable

2. Un budget identique pour le complément de pension des conducteurs routiers

II. PROGRAMME 197 : LA PARTICIPATION DE L’ÉTAT À L’ÉQUILIBRE DU RÉGIME DE RETRAITE ET DE SÉCURITÉ SOCIALE DES MARINS RECULE

1. La subvention pour charges de service public est en baisse, conformément à la nouvelle COG 2016-2020

2. Le déficit du régime tend à se réduire légèrement sous l’effet de la baisse du nombre de pensionnés et du montant des pensions

3. Le montant de la subvention d’équilibre diminue de plus de 8 millions d’euros

III. PROGRAMME 195 : LE RÉGIME COMPLÉMENTAIRE DES EXPLOITANTS AGRICOLES

1. Le régime complémentaire des exploitants agricoles : un régime sous perfusion

2. Des crédits en baisse de 7 % pour les régimes fermés

EXAMEN EN COMMISSION

Article 39 et état B

Article 41 et état D

Personnes auditionnées par le rapporteur spécial

ANNEXE 1 : ARTICLE DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE  LISTANT LES RÉGIMES SPÉCIAUX

Annexe 2 : MESURE DE REVALORISATION DES RETRAITES À 0,3 % dans le plfss 2019

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la date limite pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires était fixée au 10 octobre 2018.

À cette date, 96 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à la rapporteure spéciale de la présente mission.


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   PRINCIPAles observations DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les dépenses versées sur la mission Régimes sociaux et de retraite et sur le CAS Pensions sont, en 2019, modérées par la limitation à 0,3 % du taux de revalorisation des pensions de retraite et d’invalidité.

La mesure, prévue à l’article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, permet de réaliser sur le périmètre de la mission Régimes sociaux et de retraite une économie de 110 millions d’euros en 2019 et de 200 millions d’euros en 2020.

Pour 2019, les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite sont ainsi en baisse de 47,9 millions d’euros, soit – 0,76 % par rapport à 2018.

Cette baisse apparente cache une augmentation de 43,6 millions d’euros des crédits demandés sur le programme 198, qui traduit l’aggravation du déséquilibre des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Côté SNCF, la hausse des crédits permet de mieux calibrer le montant prévisionnel de la subvention versée à la caisse de retraite (l’exécution 2018 confirme une fois de plus une sous-budgétisation de 41,8 millions d’euros en LFI 2018) et d’apurer la dette de 100 millions d’euros contractée auprès d’elle. Côté RATP, la hausse s’explique par la dégradation du ratio démographique du régime et par des dépenses de pensions tirées vers le haut du fait des mesures salariales spéciales qui ont accompagné la réforme du régime des retraites de 2008.

Par ailleurs, sur cette mission, le rapporteur spécial note :

– concernant le régime spécial de retraite des marins, la volonté de l’État de ne pas prendre intégralement en charge les dépenses de pensions non couvertes par des cotisations, ce qui conduira à réduire la trésorerie de l’ENIM ;

 la suppression de la taxe sur les farines (article 9 du PLF), dont le produit est aujourd’hui entièrement affecté au régime complémentaire de retraite des exploitants agricoles ; afin de compenser la perte de recettes, l’article 19 du PLFSS modifie la fraction du produit du droit de consommation sur les alcools qui lui est affectée, de 4,18 % à 6,87 %, au détriment toutefois du régime de base des exploitants agricoles.

Quant au CAS Pensions, pour 2019, ses dépenses s’établissent à 59,01 milliards d’euros (+ 1 % par rapport à 2018) tandis que les recettes prévisionnelles atteignent 60,59 milliards d’euros (+ 0,13 % par rapport à 2017). Si le solde du compte d’affectation spéciale reste excédentaire, on observe toutefois un ralentissement de la progression des recettes, qui ne compense plus la progression des dépenses. Par ailleurs, le déséquilibre du régime des ouvriers d’État s’aggrave en raison de la volonté de limiter les embauches sous ce statut.


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   données clés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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   INTRODUCTION

Le présent rapport porte sur deux missions budgétaires, la mission Régimes sociaux et de retraite et le compte d’affectation spéciale Pensions, traités ensemble car ils regroupent à eux deux lensemble des dépenses de l’État au titre de régimes spéciaux d’assurance vieillesse, soit que l’État verse directement leurs pensions aux bénéficiaires de ces régimes lorsqu’il en est l’employeur (CAS Pensions), soit qu’il contribue à l’équilibre financier des caisses gestionnaires au nom de la solidarité nationale (mission Régimes sociaux et de retraite).

Au préalable, il faut rappeler que le système de retraite français est marqué par une pluralité de régimes. Pour ce qui concerne la couverture de base du risque vieillesse, qui est obligatoire, on en trouve quatre catégories : outre le régime général des salariés, les régimes des professions agricoles et les régimes des non-salariés non-agricoles, il existe une quinzaine de régimes dits spéciaux.

Historiquement, il s’agit de régimes d’employeurs qui ont perduré après 1945, en dépit de la volonté d’après-guerre de rassembler tous les actifs dans un régime unique.

Ainsi, l’ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale a admis la subsistance de certains régimes préexistants, limitativement énumérés à l’article 61 du décret n° 46-1378 du 8 juin 1946 (article R. 711-1 du code de la sécurité sociale, cf. annexe I).

Ces régimes sont qualifiés de spéciaux car, fonctionnant sur la base d’une solidarité restreinte à une profession, un statut ou une entreprise, ils sont autonomes du régime général dans leur gestion (autrefois assurée directement par l’employeur, les dépenses de pensions étant intégrées aux charges de l’entreprise ; elles sont désormais confiées à des caisses ad hoc), leur organisation (guichets uniques pour l’assurance de base et complémentaire) et leur financement (pas d’adossement au régime général) — bien qu’il existe des mécanismes de compensation financière entre régimes ([1]).

En outre, les règles qu’ils appliquent en matière d’âge d’ouverture des droits et ou pour le calcul de la pension diffèrent de celles du régime général et des régimes alignés ([2]). Ils doivent toutefois fournir des prestations « équivalentes à celles du régime général » (article R. 711-17 du code de la sécurité sociale).

 

En revanche, les pensions servies dans ces régimes sont revalorisées dans les mêmes conditions que dans le régime général et les régimes alignés, c’est-à-dire qu’elles sont indexées sur l’inflation.

Pour 2019, tandis que la direction du budget avait initialement envisagé une revalorisation basée sur une hypothèse d’inflation à 1,5 %, il a été décidé de limiter le taux de revalorisation à 0,3 %. Il en sera de même en 2020.

LÉtat nintervient pas systématiquement dans le financement de ces régimes spéciaux, mais il le fait en tant quemployeur pour ce qui concerne le régime d’assurance vieillesse des fonctionnaires civils et des militaires et celui des ouvriers d’État. Les contributions de l’État employeur sont incluses dans les dépenses de personnel versées par les autres missions budgétaires. Elles constituent dès lors des recettes de l’État, qui ne sont pas versées au budget général mais directement affectées aux dépenses de pensions de ces agents. Ces opérations sont retracées dans le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions.

En outre, l’État intervient dans le financement des régimes spéciaux dans l’incapacité de s’autofinancer, soit par le biais de subventions d’équilibre – versées justement par la mission Régimes sociaux et de retraite (régimes de la RATP, de la SNCF, des marins…) ou par d’autres missions du budget général (régimes de l’Opéra de Paris et de la Comédie-Française, subvention d’équilibre au FSPOEIE) –, soit par le biais de taxes affectées (régime de retraite des exploitants agricoles, régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières). Signalons à ce stade que la Cour des comptes a regretté à plusieurs reprises que la mission Régimes sociaux et de retraite ne donne pas une vision complète des subventions d’équilibre versées par l’État.

Si, en 2018, 64,7 milliards d’euros de crédits ont été inscrits au budget de l’État pour le financement de l’ensemble de ces dépenses, pour 2019 il est proposé de rehausser ce budget à 65,3 milliards d’euros, dont 6,28 milliards d’euros pour les dépenses de la mission Régimes sociaux et de retraite et 59,05 milliards d’euros pour les dépenses du CAS Pensions.

Cette hausse des dépenses, qui correspond à un taux d’évolution de + 0,9 % entre la LFI 2018 et le PLF 2019, est maîtrisée par rapport à l’année dernière (+ 1,2 % entre 2017 et 2018), grâce à la revalorisation limitée à 0,3 %.

Le présent rapport présente l’analyse du rapporteur spécial sur :

  1. l’évolution des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite entre la loi de finances initiale pour 2018 et le projet de loi de finances pour 2019 ;
  2. les variations de recettes et de dépenses prévisionnelles du CAS Pensions entre 2018 et 2019, et sur le solde prévisionnel.

 

Ce rapport, en revanche, ne porte pas sur les impacts budgétaires de la réforme systémique à venir.

En effet, si à terme les régimes spéciaux ont vocation à disparaître au profit d’un système universel à points, toutes les hypothèses restent ouvertes quant à l’entrée en vigueur de la réforme, aux modalités de la transition des régimes actuels vers le nouveau régime et quant à sa gouvernance. Il est donc difficile, à ce stade, de déterminer les conséquences de cette réforme systémique sur le niveau des crédits de la mission.

À ce stade, la concertation se poursuit. M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, a fixé une méthode consistant à impliquer aussi bien les services de l’État que les organisations syndicales et les citoyens (plateforme consultative en ligne, ateliers citoyens…).

S’agissant des régimes spéciaux, si les caisses gestionnaires n’ont pas encore été associées, des réunions de travail se sont tenues avec la SNCF et la RATP, en présence de la direction de la sécurité sociale et de la direction du budget.

Il a notamment été demandé aux entreprises de travailler sur des éléments macro-économiques afin de mesurer les effets sur la rémunération nette des agents de la bascule vers un système universel de retraite, de formuler des hypothèses de compensation de la perte de rémunération nette et d’étudier les différents scenarii possibles visant à maintenir certaines spécificités permettant aux agents qui subissent de fortes contraintes de pénibilité de partir avant 62 ans.

Le rapporteur s’engage à suivre avec attention les évolutions à venir de ces régimes, ainsi que les conséquences pour les agents.

    


   PREMIÈRE PARTIE : LE COMPTE D’affectation spÉciale pensions

Le compte d’affectation spéciale Pensions a pour objet de présenter de manière agrégée l’ensemble des régimes de retraite et d’invalidité dont l’État a la charge.

Ces dépenses de pensions de retraite et d’invalidité n’étant pas couvertes par la masse des recettes du budget général mais par des recettes particulières, par dérogation au principe d’universalité budgétaire, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([3]) a prévu l’existence d’un compte d’affectation spéciale (CAS) pour retracer l’ensemble de ces opérations.

Formellement, le CAS Pensions a été créé par la loi de finances initiale pour 2006 ([4]) ([5]). Il retrace les opérations budgétaires relatives au versement des pensions de retraite et d’invalidité des fonctionnaires de l’État et des militaires (section I), des ouvriers d’État (section II), ainsi que d’autres pensions et avantages à vocation viagère (section III). Chacune de ses sections constitue un programme budgétaire au sens de la LOLF.

En 2019, les dépenses prévisionnelles du CAS Pensions s’établissent à 59,01 milliards deuros (+ 1 % par rapport à 2018) tandis que les recettes prévisionnelles atteignent 60,59 milliards deuros (+ 0,13 % par rapport à 2017).

Les recettes progressent donc moins vite que les dépenses, mais le solde prévisionnel pour 2019 reste excédentaire de 1,58 milliard d’euros, portant le montant du solde cumulé à plus de 8 milliards d’euros.

 

ÉVOLUTION DES RECETTES ET DÉPENSES DU CAS PENSIONS EN 2019

(en millions d’euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

 

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

P 741  Pensions civiles et militaires

56 696

56 935

+ 0,04 %

54 627

55 360

+ 1,3 %

2 436

1 574

P 742 Pensions des ouvriers d’État

1 951

1 941

 0,5 %

1 921

1 934

+ 0,6 %

29,7

5,9

P 743 Autres pensions

1 862

1 720

 7,7 %

1 862

1 720

–7,6 %

0

0

Total

60 515

60 595

+ 0,13 %

58 411

59 015

+ 1 %

2 466

1 580

I.   L’ÉQUILIBRE DU CAS PENSIONS RESTE ASSURÉ EN 2019

En 2019, si les recettes progressent plus lentement que les dépenses, l’équilibre du compte d’affectation spéciale reste assuré, avec un solde prévisionnel d’1,58 milliard d’euros.

A.   Les dépenses PROGRESSENT MODÉREMENT

Depuis sa création en 2006, les dépenses du CAS Pensions ont fortement progressé. De 2007 à 2013, elles sont passées de 46,47 milliards d’euros à 55,6 milliards d’euros, à un rythme de + 3 % par an en moyenne.

Puis, ce rythme de progression des dépenses a ralenti. Depuis 2014, elles sont passées de 56,49 milliards d’euros à 58,65 milliards d’euros (montant prévisionnel pour 2018), à un rythme de + 0,98 % par an en moyenne.

Les dépenses pour 2019 s’inscrivent dans cette tendance puisque leur montant prévisionnel est de 59,01 milliards d’euros, soit une hausse de 574 millions d’euros qui correspond à une progression modérée de + 1 % par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2018 (moindre qu’entre 2017 et 2018 : + 1,3 %). Les dépenses de pensions civiles et militaires (+ 1,3 %) progressent plus vite que les dépenses de pensions des ouvriers d’État (+ 0,6 %). Quant aux dépenses de pensions viagères, elles sont plutôt en recul, de  – 7,6 %.

 

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DU CAS PENSIONS DEPUIS 2017

 

 

 

 

Les recettes prévisionnelles, quant à elles, progressent plus lentement que les dépenses, de + 0,13 % entre 2018 et 2019.

B.   Le solde du CAS Pensions reste excédentaire

Pour 2019, si le solde du CAS Pensions reste excédentaire (1,58 milliard d’euros), l’excédent est moindre qu’en 2018 (2,47 milliards d’euros). Le solde cumulé du CAS Pensions continue néanmoins de progresser.

 

L’article 21-II de la LOLF prévoit qu’un compte daffectation spéciale doit être équilibré à tout moment. Cela signifie que le solde cumulé du compte doit toujours rester positif.

 

Article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

 

II. – […] En cours dannée, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre dun compte daffectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées, sauf pendant les trois mois suivant sa création. Durant cette dernière période, le découvert ne peut être supérieur à un montant fixé par la loi de finances créant le compte. Si, en cours d’année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, par arrêté du ministre chargé des finances, dans la limite de cet excédent. Au préalable, le ministre chargé des finances informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des raisons de cet excédent, de l’emploi prévu pour les crédits ainsi ouverts et des perspectives d’exécution du compte jusqu’à la fin de l’année.

Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante, dans les conditions prévues aux II et IV de l’article 15, pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Pour cette raison, la loi de finances pour 2006 a doté le CAS Pensions, dès sa création, d’une recette exceptionnelle d’1 milliard d’euros, à titre de marge.

À ce solde initial se sont ajoutés les soldes dégagés d’année en année, de sorte que le montant du solde cumulé du compte daffectation spéciale atteint, en 2018, un niveau record de 6,8 milliards deuros, qui devrait encore s’accroître d’1,58 milliard d’euros au vu du solde prévisionnel pour 2019, pour dépasser 8 milliards d’euros en fin d’année prochaine.

Ce montant ne se traduit pas par une immobilisation de trésorerie sur un compte de l’État (pas d’effet « cagnotte ») et ne peut pas non plus être utilisé pour financer d’autres types de dépenses, dans la mesure où il n’ouvre pas droit à la consommation de crédits budgétaires supplémentaires. Il permet seulement d’assurer à chaque instant que toutes les dépenses du CAS Pensions auront été financées par des recettes préalables en lien direct avec la dépense, comme requis par la LOLF.

Ainsi, en théorie, le CAS Pensions pourrait afficher des soldes déficitaires dans les années à venir sans faillir à l’exigence d’équilibre.

Si le solde prévisionnel du compte d’affectation spéciale s’annonçait déficitaire lors d’un exercice budgétaire ultérieur, ce qui n’est pas à exclure compte tenu de la dynamique de progression des dépenses, l’existence de cet excédent théorique permettrait de ne pas répondre par une augmentation immédiate des taux de cotisations.


II.   PROGRAMME 741 : LES DÉPENSES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES

La première section du CAS Pensions, qui correspond au programme 741 de la mission, retrace les opérations budgétaires relatives au versement des pensions de retraite et d’invalidité aux fonctionnaires civils et militaires. Elle regroupe 94 % des crédits de la mission.

Pour 2 019, cette première section du CAS Pensions affiche des recettes prévisionnelles dun montant de 56,93 milliards deuros, en hausse de 239 millions d’euros par rapport à 2018 et 55,36 milliards deuros de dépenses, soit 733 millions d’euros de dépenses supplémentaires.

Ainsi, les dépenses de pensions augmentent plus vite que les recettes, mais ces dernières restent néanmoins suffisantes pour financer les dépenses, de sorte que le solde prévisionnel du programme 741 est excédentaire de 1,57 milliard d’euros.

 

ÉQUILIBRE EN RECETTES ET EN DÉPENSES DU PROGRAMME 741

(en millions deuros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Programme 741

LR 2017

LFI 2018

PLF 2019

LR 2017

LFI 2018

PLF 2019

LR 2017

LFI 2018

PLF 2019

55 876

56 696

56 935

53 880

54 627

55 360

1 995

2 436

1 574

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir du rapport annuel de performances pour 2017 et du projet annuel de performances 2019 du compte d’affectation spéciale Pensions.

A.   LE RÉGIME SPÉCIAL DE LA FONCTION PUBLIQUE D’ÉTAT

Le régime spécial de la fonction publique d’État, qui est le régime de retraite et d’invalidité des fonctionnaires civils, des magistrats de l’ordre judiciaire et des militaires, compte 2,4 millions de pensionnés pour 2 millions d’agents cotisants, soit un ratio brut de 0,83.

Défini dans le code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), ce régime contient en réalité plusieurs régimes distincts. Ainsi, le régime des militaires contient de nombreuses règles spécifiques, en donnant droit par exemple à des bonifications (octroi de trimestres non cotisés), mais aussi au bénéfice d’un droit à pension immédiat en cas d’invalidité provenant d’une blessure de guerre (même sans invalidité permanente).

Le régime spécial de retraite des militaires est issu des lois du 11 et 18 avril 1831 et celui des fonctionnaires civils de la loi du 9 juin 1853 qui a unifié plusieurs régimes antérieurs. Maintenus en 1945 comme nombre de régimes spéciaux, ils ont été codifiés dans le code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR).

Depuis 2009, ces régimes sont gérés par le service des retraites de l’État (SRE) qui est en charge de liquider les pensions. Créé par le décret n°2009-1052 modifié du 26 août 2009, le SRE est un service à compétence nationale intégré à la direction générale des finances publiques.

Il assure la gestion administrative et financière des régimes de retraite et d’invalidité de l’État, en pilotant notamment les comptes individuels de retraite (CIR) ouverts au nom de chaque fonctionnaire et alimentés en continu par leurs employeurs.

Le régime de la fonction publique d’État prévoit le versement :

– de pensions de retraite et d’invalidité pour les fonctionnaires civils (action 1) :

– de pensions de retraite et d’invalidité pour les militaires (action 2) :

– d’allocations temporaires d’invalidité (action 3) : les fonctionnaires civils qui souffrent d’une invalidité temporaire sans pouvoir reprendre immédiatement leurs fonctions ni pouvoir être admis à la retraite peuvent être reconnus en état d’invalidité temporaire et bénéficier d’une allocation temporaire d’invalidité (ATI), revalorisée chaque année au 1er avril.

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir du PAP 2019

B.   LES DÉPENSES DU PROGRAMME 741

Pour 2019, les dépenses prévisionnelles du programme 741 s’établissent à 55,36 milliards d’euros, soit 93,6 % des dépenses totales du CAS, contre 93,5 % en 2018 et 93,3 % en 2017.

Ces dépenses sont estimées en hausse de 604 millions d’euros en 2019, soit + 1,3 % par rapport à 2018, ce qui est supérieur à la moyenne de progression des dépenses observée entre 2014 et 2017 (+ 0,96 % par an) mais bien moindre qu’entre 2008 et 2014 (+ 3,5 % par an). La hausse des dépenses de pensions en 2019 est cependant plus modérée chez les militaires (+ 1,5 %) que chez les fonctionnaires civils (+ 0,7 %). En outre, les dépenses prévisionnelles au titre des allocations temporaires d’invalidité sont en légère baisse de 0,1 %.

Évolution des dépenses du programme 741

 

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

01-741  Fonctionnaires civils

44 496

45 163

+ 1,5 %

02-742 Militaires

9 994

10 060

0,7 %

03-743 Allocations temporaires d’invalidité

137,5

137,4

0,1 %

Total

58 411

59 015

+ 1,3 %

Cette variation à la hausse des dépenses de pensions s’explique essentiellement par un facteur démographique (1), lié au fait que les entrées de pensions sont estimées supérieures aux sorties en 2019 (augmentation du stock de pensionnés), et de manière plus secondaire par un facteur prix avec la revalorisation des pensions (2).

 

 

 

 

 

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir des données fournies par le ministère

1.   Le facteur démographique

Pour 2019, le service des retraites de l’État prévoit 24 200 nouveaux pensionnés supplémentaires, dont 23 500 fonctionnaires civils et 700 militaires. Cela correspond à une augmentation de 1 %. Si la progression du stock de retraités est estimée supérieure en 2019 qu’en 2018 chez les fonctionnaires civils, en revanche chez les militaires elle est moindre en 2019 (+ 700 vs. + 900 en 2018).

 

 

2018

2019

Fonctionnaires civils

Entrées de pensions

droit direct

droit dérivé

78 200

57 700

20 500

80 400

59 600

20 800

Sorties de pensions

droit direct

droit dérivé

56 600

37 000

19 600

56 900

37 400

19 500

Écart

+ 21 600

+ 23 500

Militaires

Entrées de pensions

droit direct

droit dérivé

20 000

11 100

8 900

19 600

10 900

8 700

Sorties de pensions

droit direct

droit dérivé

19 100

9 100

10 000

18 900

9 100

9 800

Écart

+ 900

+ 700

 

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir des données fournies par le ministère.

 

 

 

Ce facteur démographique explique plus de 90 % de la hausse des dépenses prévisionnelles en 2019. Les prévisions d’entrées et de sorties à venir l’année prochaine entraînent un surcoût par rapport à 2018 estimé à 369 millions d’euros, auquel s’ajoute l’impact en année pleine des entrées et sorties intervenues au cours de l’année 2018, estimé à 183 millions d’euros, soit au total 552 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2019.

La progression permanente du stock des pensionnés s’explique par l’allongement de la durée de vie, qui ne permet pas une régulation des entrées de pensions par des sorties de pensions équivalentes.

Une façon de juguler la progression du stock serait de ralentir les entrées de pensions en retardant l’âge de la retraite. C’est l’objet de la réforme de 2010, qui a relevé l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans. Si cette mesure a permis de ralentir la progression du nombre de pensionnés depuis 2011, elle atteint aujourd’hui son effet maximal. Ainsi, désormais, seul le relèvement des autres bornes d’âge (âge d’annulation de la décote et limite d’âge) pourrait contribuer à ralentir les entrées de pensions.

Déterminants « démographiques » de la hausse des dépenses en 2019

(en millions d’euros)

 

Fonctionnaires civils

Militaires

Total

Impact en année pleine des entrées de pensions 2018

+ 827

+ 137

+ 964

Impact en année pleine des sorties de pensions 2018

– 613

– 168

– 781

Impact des entrées de pensions 2019

+ 876

+ 160

+ 1 036

Impact des sorties de pensions 2019

– 526

– 141

– 667

TOTAL

+ 564

 12

+ 552

Toutefois, le SRE prévoit que le nombre de départs en retraite devrait commencer à décroître à compter de 2019, sous l’effet de la baisse des départs parmi les fonctionnaires d’Orange et de La Poste, qui sont des populations « fermées » sans nouveaux cotisants.

2.   Le facteur prix

Deux types de revalorisations peuvent influer sur le niveau de dépenses : la revalorisation annuelle des pensions de retraite et d’invalidité, dont les modalités sont fixées aux articles L. 161-23-1 (pensions de retraite) et L. 341-6 (pensions d’invalidité) du code de la sécurité sociale et, dans une moindre mesure puisqu’elle n’agit que sur le montant des pensions des nouveaux entrants, la hausse de la valeur du point d’indice de la fonction publique.

Pour 2019, cet « effet prix » est estimé à 168 millions d’euros. C’est la conséquence de la revalorisation, modérée, prévue pour les pensions de retraite (1er janvier) et d’invalidité (1er avril).

 

Impact des revalorisations sur la hausse des dépenses en 2019

En millions d’euros

Fonctionnaires civils

Militaires

Total

Effet de la revalorisation des pensions d’invalidité de 1 % intervenue au 1er avril 2018

+ 7

+ 1

+ 8

Effet de la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier 2019 et d’invalidité au 1er avril 2019 (+ 0,3 %)

+ 126

+ 27

+ 153

Impact des révisions de pensions en 2019

+ 7

0

+ 7

TOTAL

+ 140

+ 28

+ 168

a.   Une revalorisation modérée des pensions en 2019

Ces dernières années, plusieurs évolutions législatives ont abouti à aligner les règles de revalorisation des pensions des fonctionnaires sur celles du régime général.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2004, les pensions des fonctionnaires civils et des militaires sont indexées sur l’évolution des prix hors tabac, à l’instar des retraites du régime général. L’article L16 du code des pensions civiles et militaires de retraite renvoie à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, cette revalorisation a lieu tous les ans au 1er janvier.

 

Article L16 du code des pensions civiles et militaires de retraite 

Les pensions sont revalorisées dans les conditions prévues à l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.

Article L161-23-1 du code de la sécurité sociale

Le coefficient annuel de revalorisation des pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui est fixé, au 1er janvier de chaque année, par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25.

Article L161-25 du code de la sécurité sociale

La revalorisation annuelle des montants de prestations dont les dispositions renvoient au présent article est effectuée sur la base d'un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques l'avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées.

Si ce coefficient est inférieur à un, il est porté à cette valeur.

Les pensions d’invalidité des fonctionnaires civils et des militaires sont elles aussi revalorisées chaque année en fonction de l’inflation, selon les articles L27 à L29 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Cependant, par dérogation à la règle fixée à l’article 16 de ce code, cette revalorisation a lieu chaque année le 1er avril.

Article L29 du code des pensions civiles et militaires de retraite

(pension d’invalidité quand l’invalidité ne résulte pas du service)

 

Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service […] peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; […]. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services […]. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale.

 

Article L27 du code des pensions civiles et militaires de retraite

(pension d’invalidité quand l’invalidité résulte du service )

 

Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes […] peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande […]. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services […]. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale.

 

Article L341-6 du code de la sécurité sociale

 

Les salaires servant de base au calcul des pensions et les pensions déjà liquidées sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25.

Les rentes viagères d’invalidité (RVI), versées aux fonctionnaires civils qui ont été admis à la retraite à la suite d’une invalidité, sont revalorisées dans les mêmes conditions, c’est-à-dire tous les ans au 1er janvier, suivant l’inflation.

Enfin, les allocations temporaires d’invalidité (ATI), versées aux fonctionnaires civils qui peuvent continuer une activité, sont revalorisées tous les ans au 1er avril en fonction de l’inflation.

 

Article 6 du décret n°60-1089 du 6 octobre 1960

Après la radiation des cadres et sous réserve des dispositions de l'article 7 ci-après, l'allocation continue à être servie sur la base du dernier taux d'invalidité constaté durant l'activité. Le montant de l'allocation est alors revalorisé dans les conditions prévues par l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale.

Cependant, si l'allocation n'a pas encore donné lieu à la date de radiation des cadres à la révision après cinq ans prévue à l'article 5, un nouvel examen des droits du bénéficiaire est effectué à ladite date.

En aucun cas le taux de l'invalidité indemnisée par l'allocation maintenue après la radiation des cadres ne peut faire l'objet d'une appréciation ultérieure en fonction de l'évolution de cette invalidité

Article L341-6 du code de la sécurité sociale

Les salaires servant de base au calcul des pensions et les pensions déjà liquidées sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25.

Or, l’article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([6]), adopté en première lecture par cette assemblée le 5 novembre, prévoit de limiter à 0,3 % le taux de revalorisation des pensions de retraite et d’invalidité en 2019 et 2020.

Cette première catégorie de revalorisation est plus coûteuse que celle qu’engendre la hausse du point d’indice, puisqu’elle touche tout le stock de pensions en paiement au jour de la revalorisation.

Cependant, le taux de 0,3 % permet une modération de l’augmentation des dépenses par rapport à l’hypothèse où les dépenses de pension et d’invalidité auraient été revalorisées au niveau de l’inflation. Selon la direction du budget, le taux de revalorisation aurait alors été de 1,3 %.

Cette décision s’inscrit dans la droite ligne des mesures prises ces dernières années pour limiter la revalorisation des pensions.

Ainsi, l’année dernière, il avait été décidé de décaler au 1er janvier la date de revalorisation des pensions de retraite ([7]), afin de l’aligner avec celle du minimum vieillesse, ce qui conduisait à repousser la revalorisation prévue le 1er octobre 2018 au 1er janvier 2019, donc à l’absence de revalorisation en 2018.

Cette mesure avait permis une économie de 157 millions d’euros au titre des pensions de retraite versées aux fonctionnaires civils et militaires.

Pour 2019, la hausse des dépenses de pensions civiles et militaires induite par la revalorisation à 0,3 % se limite à 147 millions d’euros, dont 120 millions d’euros pour les pensions civiles et 27 millions d’euros pour les pensions militaires.

 

b.   Pas de revalorisation du point d’indice

Les revalorisations du point d’indice sont moins coûteuses que les revalorisations annuelles des pensions puisqu’elles n’ont d’impact que sur les pensions des nouveaux entrants – dans la mesure où elles ont pour effet d’augmenter le traitement indiciaire brut des agents, sur la base duquel la pension est calculée – et non sur le montant des pensions déjà liquidées.

Il n’est pas prévu de revalorisation du point d’indice en 2019, de même qu’en 2018.

Mais il est à noter que l’augmentation du point d’indice prévue par le décret n° 2016-670 du 25 mai 2016 continue de produire des effets en dépenses. Ce décret avait prévu une augmentation progressive du point d’indice, devant atteindre 1,2 % en 2018. En 2018, cette mesure a engendré 21 millions d’euros de dépenses supplémentaires. En 2019, l’impact sur les dépenses est également de 21 millions d’euros

Si le point d’indice avait été revalorisé de 1 % en 2019, les dépenses auraient augmenté de 9 millions d’euros en 2018.

C.   LES RECETTES DU PROGRAMME 741

Les recettes affectées aux dépenses de pensions de retraite et d’invalidité des fonctionnaires civils et des militaires sont composées pour l’essentiel des contributions des employeurs et des cotisations salariales, ainsi que le prévoit l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, cf. détail ci-dessous.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation de ces recettes de 239 millions d’euros par rapport à 2018. Celle-ci compense à peine 33 % de la hausse des dépenses afférentes, tandis que pour 2018 la hausse des recettes compensait 68 % de la hausse des dépenses.

Ces dépenses sont intégralement financées par des recettes propres, provenant à 73 % des contributions de lÉtat-employeur (lesquelles sont assises sur les sommes payées aux agents à titre de traitement ou de solde), à 14 % des contributions des autres employeurs de fonctionnaires et militaires (dont La Poste et Orange SA) et à 11,5 % de la retenue pour pension supportée par les fonctionnaires. Le reste des recettes est issu de reversements et transferts.

Il faut noter que, s’agissant de l’État-employeur, trois taux distincts sont applicables selon que l’État cotise pour un fonctionnaire civil (taux « civil »), pour un militaire (taux « militaire ») ou qu’il contribue au titre des ATI (taux « allocations temporaires d’invalidité »). Quant aux autres employeurs de fonctionnaires civils et militaires, ils contribuent selon un taux aligné depuis 2009 sur le taux « civil », sauf La Poste et Orange SA qui utilisent un « taux d’équité concurrentiel » (TEC).

 

VENTILATION DES DÉPENSES ET DES RECETTES DU PROGRAMME 741
PRÉVISIONS POUR 2019 (en millions deuros)

Dépenses

Recettes

Action 1 Fonctionnaires civils relevant du CPCMR

Retenues pour pensions des personnels civils

5 557,8

Pensions civiles (1)

43 976

Contributions employeur des ministères et des budgets annexes au titre des personnels civils

31 778

Compensation démographique pour le personnel civil (2)

162

Contributions des autres employeurs de fonctionnaires civils de l’État

6 095,9

Transfert État-CNARCL (3)

336

Cotisations salariales et contributions de l’employeur Orange SA

740,6

Affiliations rétroactives (4)

16

Cotisations salariales et contributions de l’employeur La Poste

1 090,4

Autres dépenses

6,1

Retenues pour pensions au titre des personnels militaires

907,1

Action 2 Militaires relevant du CPCMR

Contributions des autres employeurs publics au titre des militaires

7,9

Pensions militaires (1)

9 645

Contributions employeurs des ministères au titre des personnels militaires

10 081,3

Compensation démographique pour le personnel militaire (2)

135

Contribution des employeurs au titre de l’allocation temporaire d’invalidité (ATI)

156,7

Affiliations rétroactives (4)

213

Recettes au titre des validations des services auxiliaires (5)

69

Autres dépenses

0,5

Retenues pour pension au titre du rachat des années d’études (6)

4,2

Action 3 Allocations temporaires d’invalidité

Versements de la CNRACL (3)

551,7

Allocations temporaires d’invalidité (ATI)

137,5

Versements du Fonds de solidarité vieillesse

1

 

 

Récupération des indus de pensions

15

 

 

Autres recettes diverses

6,6

Total

54 627

Total

57 063

Source : Commission des finances, à partir du PAP 2018 de la mission CAS Pensions.

(1) Les pensions de la fonction publique d’État sont versées aux fonctionnaires civils et militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR).

(2) En vertu des articles L. 134-1 et L. 134-2 du code de la sécurité sociale, les régimes d’assurance vieillesse excédentaires, comme celui de la fonction publique d’État, sont tenus d’effectuer des transferts de compensation vers les régimes qui subissent des déséquilibres démographiques et de capacité contributive.

(3) La loi de finances pour 2010 a prévu la prise en charge par l’État du coût des pensions des fonctionnaires de l’État ayant intégré la fonction publique territoriale (transfert État –> CNARCL), en échange de la rétrocession à l’État des cotisations et contributions pour pensions prélevées pendant la fin de leur carrière dans la fonction publique territoriale (transfert CNARCL État).

(4) L’article L.65 du CPCMR prévoit que l’État transfère les cotisations salariales et contributions employeurs du CAS Pensions vers le régime général pour les fonctionnaires civils radiés des cadres avant d’avoir accompli la durée de services minimale donnant droit à une retraite de fonctionnaires (2 ans depuis 2011).

(5) L’article L.5 du CPCMR prévoit que les périodes effectuées en tant qu’agents non titulaires par les fonctionnaires titularisés peuvent être prises en compte pour le calcul du droit à pension (validation des services auxiliaires, VSA) ; à cet effet, le régime général d’assurance vieillesse et le régime complémentaire des agents non titulaires reversent à l’État les cotisations et contributions perçues initialement au titre des périodes de travail effectuées.

(6) Les fonctionnaires peuvent racheter les années d’études accomplies dans l’enseignement supérieur, dans la limite de 12 trimestres, pour créer des droits à pension.

 

 

Article L. 61 du code de pensions civiles et militaires de retraite

« La couverture des charges résultant, pour l’État, de la constitution et du service des pensions prévues par le présent code et les lois et règlements en vigueur ainsi que des dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux régimes spéciaux d’assurance vieillesse est assurée par :

Une contribution employeur à la charge de lÉtat, assise sur les sommes payées aux agents visés à larticle L. 2 à titre de traitement ou de solde, à lexclusion dindemnités de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances ;

Une cotisation à la charge des agents visés à larticle L. 2, assise sur les sommes payées à ces agents à titre de traitement ou de solde, à lexclusion dindemnités de toute nature, dont le taux est fixé par décret. Ce taux prend en considération les taux des cotisations à la charge des assurés sociaux relevant de la Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salariés et des institutions de retraite complémentaire visées à larticle L. 922-1 du code de la sécurité sociale pour la partie de leur rémunération inférieure au plafond prévu à larticle L. 241-3 du même code ;

Les contributions et transferts dautres personnes morales, dans les conditions définies par les lois et règlements en vigueur. »

1.   Le taux de cotisation salariale poursuit sa trajectoire à la hausse

Le taux de cotisation salariale (ou retenue pour pension) applicable dans la fonction publique est fixé par décret. L’assiette de la cotisation est constituée des sommes versées aux agents « à titre de traitement ou solde à lexclusion dindemnités de toute nature ».

Entre 1991 et jusquen 2010 inclus, ce taux de cotisation était de 7,85 %. Suite à plusieurs réformes intervenues depuis 2010 (résumées dans le tableau ci-dessous), il est de 10,56 % en 2018 et devrait sétablir à 10,83 % en 2019.

La hausse du taux de cotisation salariale prévue en 2018, de + 0,27 point de pourcentage par rapport au taux de cotisation en vigueur en 2017, explique la hausse des recettes prévue en 2018 pour la section I du CAS Pensions.

 

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Taux de cotisation
(en %)

7,85

8,12

8,39

8,76

9,14

9,54

9,94

10,29

10,56

10,83

11,10

Variation (en points de %)

 

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

Dont réforme de 2010 (1)

 

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

+ 0,27

Dont décret RALC 2012

 

 

 

+ 0,10

+ 0,05

+ 0,05

+ 0,05

 

 

 

 

Dont réforme de 2014

 

 

 

 

+ 0,06

+ 0,08

+ 0,08

+ 0,08

 

 

 

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir des données fournies par la Direction du Budget, Service des retraites de l’État.

Le décret n°2010-1749 du 30 décembre 2010 a prévu l’alignement de l’effort contributif des fonctionnaires sur celui d’un salarié du secteur privé rémunéré au Smic, au moyen d’une hausse de 2,7 points étalée sur 10 ans (+ 0,27 point chaque année de 2011 à 2020).

Le décret n° 2012‑847 du 2 juillet 2012 instaurant la retraite à 60 ans au titre des carrières longues pour les assurés ayant commencé à travailler avant 20 ans a élargi les droits au départ anticipé pour carrière longue et a organisé le financement de cet élargissement par un relèvement supplémentaire du taux de cotisation de + 0,25 point entre 2012 et 2016.

Dans le cadre de la réforme des retraites de 2014, une augmentation supplémentaire du taux de cotisation salariale des fonctionnaires de + 0,3 point a été prévue entre 2014 et 2017, concrétisée par un relèvement de + 0,06 point au 1er janvier 2014 réalisé par le décret n° 2013-1290 du 27 décembre 2013, et une augmentation de + 0,08 point chaque année de 2015 à 2017 réalisée par le décret n° 2014‑1531 du 17 décembre 2014 relatif aux taux de cotisations d’allocations familiales et d’assurance vieillesse de divers régimes de sécurité sociale.

À noter que, si l’esprit de la réforme de 2010 était d’aligner l’effort contributif des fonctionnaires sur celui des salariés du privé, en létat actuel des prévisions, le taux de cotisation des salariés du secteur privé devrait rester supérieur dici à 2020 (soit un taux de 11,20 % pour les salariés du privé contre 11,10 % pour les fonctionnaires et militaires) compte tenu, d’une part des augmentations annoncées dans le cadre de la dernière réforme des retraites et, d’autre part, de l’augmentation de + 0,10 point du taux de cotisation à l’Arrco prévue par l’accord Agirc-Arrco du 13 mars 2013.

2.   Les taux de contribution employeur n’évoluent pas en 2018

Depuis la création du CAS Pensions, dans un contexte d’augmentation des dépenses, les taux de contribution employeur ont fait l’objet de réajustements réguliers de + 2,4 points de pourcentage par an en moyenne entre 2006 et 2016 (taux civils) et de + 2,6 points en moyenne sur la même période pour les taux militaires.

Toutefois, depuis quelques années – 2013 pour les pensions militaires et 2014 pour les pensions civiles – ces taux névoluent plus ils sont fixés respectivement à 126,07 % pour les employeurs des militaires et à 74,28 % pour les employeurs de fonctionnaires civils. En effet, le montant des recettes permet pour le moment de couvrir les dépenses et le solde cumulé du CAS Pensions permet d’assurer l’équilibre du compte à tout instant.

3.   Les effets en recettes de la revalorisation du point d’indice

Si elle a un impact modéré sur les dépenses, la revalorisation du point d’indice prévue par le décret n°2016-670 du 25 mai 2016 a un impact significatif sur les recettes, puisqu’elle permet la hausse du montant des retenues pour pensions et des contributions des employeurs, toutes deux assises sur les sommes payées aux agents à titre de traitement ou de solde.

En 2017, cette mesure a été à l’origine de 430 millions d’euros de recettes supplémentaires et, en 2018, elle a rapporté 70 millions d’euros en recettes. L’effet a donc été supérieur en recettes qu’en dépenses. Néanmoins, cette tendance s’inverse à compter de 2019, l’impact en dépenses (21 millions d’euros) étant plus fort que l’impact en recettes (11 millions d’euros).

EFFETS DE LA REVALORISATION DU POINT D’INDICE SUR LES RECETTES ET LES DÉPENSES DU CAS PENSIONS

(en millions d’euros)

Impact hausse du point

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Impact en recettes

153

583

653

664

675

678

680

Impact en dépenses

2

16

37

58

80

102

125

Total – impact sur le solde

151

567

616

606

595

576

555

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir des données fournies par la Direction du Budget, Service des retraites de l’État.


III.   PROGRAMME 742 : LE RÉGIME DES OUVRIERS D’ÉTAT EST DE PLUS EN PLUS DÉSÉQUILIBRÉ

La deuxième section du CAS Pensions, qui correspond au programme 742 de la mission, retrace les opérations budgétaires relatives au paiement des pensions des ouvriers des établissements industriels de lÉtat et des rentes daccident du travail des ouvriers civils des établissements militaires.

Pour 2019, cette deuxième section du CAS Pensions affiche des recettes prévisionnelles d’un montant de 1,94 milliard deuros, en baisse de 10 millions d’euros par rapport à 2018 (- 0,5 %) et 1,93 milliards deuros de dépenses, soit 13 millions d’euros de dépenses supplémentaires (+ 0,6 %).

Ainsi, comme pour la section 1 du CAS, les dépenses de pensions des ouvriers d’État augmentent plus vite que les recettes. Cependant, les recettes restent supérieures aux dépenses, de sorte que le solde prévisionnel en fin d’exercice est excédentaire de 5,9 millions d’euros.

A.   LE RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DES OUVRIERS D’ÉTAT

Les ouvriers dÉtat, agents à qualification ouvrière ou technique qui relèvent d’un statut spécifique (ni fonctionnaires, ni contractuels), bénéficient dun régime spécial dassurance vieillesse, historiquement mis en place par la loi du 21 mars 1928 afin de les fidéliser.

Ces personnels sont au nombre de 30 194, dont 22 457 employés dans les ministères et 4 589 employés par 300 établissements industriels relevant d’une personne morale autre que l’État : des établissements publics (le conservatoire des arts et métiers, le CNRS, le laboratoire national d’essais, la caisse nationale militaire de sécurité sociale, l’institut géographique national de Saint-Mandé ou Météo France) et des entreprises nationales (GIAT, imprimerie nationale).

EFFECTIF DES OUVRIERS D’ÉTAT PAR MINISTÈRE

Source : Caisse des dépôts et consignations – FSPOEIE
Effectifs au 31 décembre de l’année N
 

 

Le régime des ouvriers d’État est administré par le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de lÉtat (FSPOEIE), géré par la Caisse des dépôts et des consignations et placé sous la double tutelle de la direction du budget et de la direction de la sécurité sociale.

En revanche, pour ce qui concerne la couverture des risques maladie, maternité, invalidité et accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), ils sont soumis au même statut que les agents non titulaires de droit public, c’est-à-dire qu’ils relèvent du régime général de la sécurité sociale.

Seuls les ouvriers civils travaillant dans des établissements militaires relèvent aussi d’un régime spécial pour la prise en charge du risque AT-MP, administré par le Fonds des rentes daccident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), qui lui aussi est géré par la Caisse des dépôts et des consignations.

Les opérations budgétaires relatives à ces régimes figurent dans le CAS Pensions au même titre que celles qui concernent le régime de la fonction publique car les dépenses de pensions sont majoritairement financées par des recettes étatiques venant des contributions de l’État employeur.

B.   LE DÉSÉQUILIBRE DU RÉGIME S’aggrave

Les recettes du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État et du régime des rentes d’accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires sont constituées :

 des retenues à la charge des ouvriers, dont le taux suit une évolution similaire à celle du taux pratiqué pour le calcul des retenues à la charge des fonctionnaires civils : 10,83 % en 2019 ;

 des contributions des établissements employeurs au taux de 34,63 % ;

 d’une subvention déquilibre votée chaque année en loi de finances (1,4 milliard deuros en 2019), qui se répartit entre une subvention inscrite au budget général (répartie sur 8 programmes selon les effectifs d’ouvriers d’État qui y sont rattachés) et une subvention inscrite au budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

C’est l’article 2 du décret n°2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État qui prévoit que l’équilibre du fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) est assuré par le versement d’une subvention d’équilibre depuis le budget général et ce budget annexe.

Le régime se caractérise en effet par la baisse progressive de l’effectif des cotisants (25 605 au 31 décembre 2017 contre 28 151 au 31 décembre 2016), conséquence d’un recul des embauches au statut d’ouvrier d’État.

Les recettes issues des retenues salariales et contributions des établissements employeurs diminuent avec l’effectif des cotisants. 

Si le nombre de pensionnés recule lui aussi (98 590 en 2020 contre 99 190 pensionnés en 2019 selon les prévisions du SRE), cela ne suffit pas à compenser la baisse du nombre de cotisants, ce qui conduit à une dégradation régulière du rapport démographique de ce régime, qui s’établit fin 2018 à 0,26 (contre 0,28 fin 2016), soit l’un des ratios démographiques les plus faibles du champ des régimes spéciaux.

Face à cette aggravation du déséquilibre du régime, laugmentation tendancielle des taux de la contribution employeur (fixée à 34,63 % depuis le 1er janvier 2017) et de la cotisation salariale (taux identique à celui du régime des PCMR, en hausse de 0,27 point de pourcentage par rapport à 2018) ne suffit pas à assurer l’autofinancement du régime.

ÉVOLUTION DES TAUX DE COTISATION ET DE CONTRIBUTION AU FSPOEIE

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Taux de contribution salariale

8,12 %

8,39 %

8,49 %

8,76 %

9,14 %

9,94 %

10,29 %

10,56 %

10,83 %

Taux de contribution employeur

33 %

33 %

33,23 %

33,87 %

34,28 %

34,51 %

34,63 %

34,63 %

34,63 %

Source : Direction Générale des Finances publiques, Service des Retraites de l’État.

En conséquence, le montant de la subvention déquilibre devrait continuer de progresser, pour sétablir à 1,45 milliard deuros en 2019 et 1,5 milliard d’euros en 2020, contre 1,43 milliard d’euros en 2018.

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir des données du PAP 2019.


IV.   PROGRAMME 743 : LES DÉPENSES DE PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE DÉCROISSENT

La troisième section du CAS Pensions, qui correspond au programme 743 de la mission, retrace les dépenses et les recettes qui concernent le versement de pensions et allocations qui ne sont pas prises en charge selon une logique contributive, par des cotisations, mais par la solidarité nationale. Ainsi, les recettes proviennent toutes d’autres missions budgétaires.

Ce programme est composé de deux ensembles de dépenses : d’une part, les pensions versées au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ; d’autre part, les pensions, rentes et allocations de régimes de retraite dont l’État est directement redevable, notamment au titre d’engagements historiques et de reconnaissance de la Nation.

Réparties selon sept actions comme présenté ci-dessous, ces dépenses suivent une tendance de contraction lente compte tenu de la démographie des bénéficiaires.

Ainsi, les crédits du programme 743 inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019 s’élèvent à 1,72 milliard d’euros contre 1,86 milliard d’euros en 2018, soit une baisse de 7,5 % par rapport à la loi de finances pour 2017, après une diminution de 4 % entre 2017 et 2018 et de 2,5 % entre 2016 et 2017.

L’action 1 Reconnaissance de la Nation et l’action 2 Réparation sont les plus importantes du programme tant en termes de montants de crédits (97,6 %) que pour le nombre de bénéficiaires (99,4 %).


RÉPARTITION DES DÉPENSES DU PROGRAMME 743 EN 2019
ET JUSTIFICATION DES VARIATIONS DE CRÉDITS ENTRE 2018 ET 2019

En millions d’euros (M€)

LFI 2018

PLF 2019

Part dans la dépense en 2019

Évolution des crédits

Justification de l’évolution des crédits

Action 1 Reconnaissance de la Nation (1)

744,7 M€

709,3 M€

41,26 %

 35,4 M€

Ces dépenses, qui recouvrent la retraite du combattant et, pour une part mineure, les traitements attachés à la Légion d’honneur et à la Médaille militaire, sont financées par le programme 129 Coordination du travail gouvernemental. Elles sont en baisse en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires et malgré les revalorisations régulières : le nombre d’anciens combattants au titre des opérations extérieures ne compense pas la disparition progressive des générations du feu précédentes.

Action 2 Réparation

1 074,2 M€

965,3 M€

56,17 %

108,7 M€

Ces dépenses relatives au paiement des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre sont financées par le programme 169 de la mission Anciens combattants. Elles sont en baisse en 2018 en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires.

Action 3 Pensions dAlsace-Moselle

16 M€

16 M€

0,86 %

0

Ces dépenses relatives au paiement, dans le cadre du régime concordataire, des pensions des ministres des cultes dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, sont financées par le programme 216 Conduite et pilotage des politiques intérieures. Il n’est pas possible de prévoir l’évolution du nombre de bénéficiaires (849 en 2016) car il n’y a pas de corrélation entre l’âge et la mise à la retraite des ministres des cultes.

Action 4 Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

15,37 M€

16,52 M€

0,96 %

1,15 M€

Ces dépenses sont financées par le programme 169 de la mission Anciens combattants. Elles intègrent une revalorisation forfaitaire des rentes de 100 € au 1er janvier 2018.

Action 5 Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

0,05 M€

0,05 M€

0,003 %

0

Ces dépenses sont financées par le programme 198 de la mission Régimes sociaux et de retraite. Elles diminuent avec le nombre de bénéficiaires (plus que 9) de ce régime fermé en voie d’extinction.

Action 6 Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes daccident

12,56 M€

12,53 M€

0,73 %

- 0,03 M€

Ces dépenses, relatives aux pensions et rentes dues au titre du régime d’indemnisation spécifique des sapeurs-pompiers volontaires, sont financées par le programme 161 de la mission Sécurités. Il est difficile de faire des prévisions compte tenu de leur spécificité.

Action 7 Pensions de lORTF

0,017 M€

0,014 M€

0,001 %

- 0,003 M€

Ces dépenses, relatives aux pensions des anciens agents de l’ORTF, sont financées par le programme 198 et baissent avec le nombre de bénéficiaires.

Total

1 863 M€

1 719 M€

100 %

- 145,28 M€

 

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir des données du Service des Retraites de l’État.


—  1  —

   Deuxième partie : la mission rÉgimes sociaux et de retraite

Cette deuxième partie de l’analyse est consacrée à la mission budgétaire Régimes sociaux et de retraite, qui porte les crédits grâce auxquels lÉtat, au titre de la solidarité nationale, assure léquilibre financier des caisses de retraite qui gèrent des régimes spéciaux structurellement déficitaires.

Les régimes concernés par les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite sont ceux des transports terrestres (programme 198), celui des marins (programme 197) et enfin les régimes fermés qui sont en voie d’extinction (programme 195).

Les caractéristiques démographiques de ces régimes sont proches, marquées par un fort déséquilibre cotisants / pensionnés : ils sont donc dans l’impossibilité de s’autofinancer et doivent faire appel à la solidarité nationale.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit un budget de 6,28 milliards d’euros, en diminution de près de 48 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cela correspond à une diminution des crédits des programmes 197 et 195 de 91 millions d’euros et à une augmentation des crédits du programme 198 de 43 millions d’euros. 

Précisons à ce stade que, comme le rappelle régulièrement la Cour des comptes, cette mission budgétaire ne donne pas une vision complète des subventions d’équilibre versées par l’État aux régimes spéciaux. Ainsi, la subvention d’équilibre versée au FSPOEIE, gestionnaire du régime des ouvriers d’État, correspond à des crédits versés par huit programmes budgétaires dépendant d’autres missions ; les subventions d’équilibre versées aux caisses gestionnaires des régimes de l’Opéra national de Paris et de la Comédie française sont inscrites au programme 131 de la mission Culture ; enfin, la subvention versée à la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) est inscrite au programme 174 de la mission Écologie.

Le rapporteur spécial relève par ailleurs deux autres anomalies relatives à la maquette budgétaire de cette mission :

 l’action 3 du programme 198 contient des crédits dédiés à des bénéficiaires de régimes de retraite fermés, qu’il serait préférable de regrouper avec les crédits du programme 195 ;

 a contrario, le programme 195 accueille de manière étrange les crédits dédiés à l’équilibre du régime complémentaire de retraite des exploitants agricoles, qui est un régime ouvert et qui plus est non considéré comme spécial.

 

BUDGET DES RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE POUR 2019

(en millions d’euros)

 

LFI 2018

PLF 2019

Évolution PLF 2019/LFI 2018

en euros (AE = CP)

Demandés

Demandés

en valeur

en %

Programme 198 - Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 119, 817 

4 163,493

+ 43,676

+ 1,06%

Action 3 - Régime de retraite du personnel de la SNCF

3 283,495 

3 303,048

+ 19,553

+ 0,60%

Action 4 - Régime de retraite du personnel de la RATP

709,304 

736,203

+ 26,898

+ 3,79%

Action 5 - Autres régimes

127,017 

124,242

– 2,775

– 2,18%

Programme 197 - Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

824,316

815,698

 8,618

 1,05%

Action 1 - Régime de retraite et de sécurité sociale des marins

824,316

815,698

– 8,618

– 1,05 %

Programme 195 - Régimes de retraite des mines, de la Seita et divers

1 388,088

1 305,150

 82,938

 5,97 %

Action 1 - Versements au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

1 177,431

1 101,475

– 75,956

– 6,45 %

Action 2 - Régime de retraite de la SEITA

153,348

146,915

– 6,434

– 4,20 %

Action 4 - Caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer

2,138

1,6204

– 0,518

– 24,21 %

Action 7 - Versements liés à la liquidation de l’ORTF

0,17

0,14

– 0,03

– 17,65%

Action 11 - Régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles (RCO)

55 

55

0

0,00 %

TOTAL POUR LA MISSION

6 332,229

6 284,340

 47,880

 0,76 %

Source : documents budgétaires.

Ce budget 2019 respecte la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022, qui prévoit une maîtrise des crédits de la mission.

trajectoire de la mission prÉvue en LPFP

 (en milliards d’euros)

 

2017

2018

2019

2020

Régimes sociaux et de retraite

6,31

6,33

6,27

6,30

Source : loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

 

I.   PROGRAMME 198 : LE DÉSÉQUILIBRE des rÉgimes spÉciaux des transports terrestres S’ACCROÎT ET TIRE LES DÉPENSES VERS LE HAUT

Le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, qui contient 66 % des crédits de la mission, retrace les subventions d’équilibre versées par l’État aux caisses de retraite gestionnaires des régimes spéciaux de la SNCF (action 3 ; 80 % des crédits de l’action) et de la RATP (action 4), et de régimes fermés du secteur ferroviaire (action 5).

A.   la subvention de soutien au rÉgime de retraite de la sncf en lÉgÈre augmentation

La SNCF a, dès sa création, mis en place un régime spécial de protection sociale pour ses personnels. Ce régime a été géré en régie, jusqu’au décret n° 2007-730 du 7 mai 2007 qui a créé la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF). Liée à l’État par une convention d’objectifs et de gestion, cette caisse sert 5,3 milliards d’euros de prestations retraite par an.

1.   Un régime spécial structurellement déficitaire

La CPRPSNCF reçoit le montant des contributions patronales libératoires dont s’acquitte la SNCF ainsi que celui des cotisations salariales que cette dernière lui reverse.

La subvention versée par l’État a vocation à compenser la différence entre le montant des produits perçus par la caisse (à 99 % le produit de ces cotisations salariales et patronales) et le montant de ses charges (à 99 % le montant des pensions servies).

Compte tenu du ratio démographique du régime, il existe toujours une différence importante entre le montant des cotisations perçues et celui des pensions servies. En 2018, selon les prévisions, le régime compte
135 014 cotisants pour 259 358 pensionnés, soit un ratio pondéré de 0,62.

Cependant, ce déséquilibre reste stable en 2019 et n’explique donc pas la hausse de la subvention demandée. Si le nombre des cotisants continue de baisser, le nombre prévisionnel des pensionnés diminue lui aussi.

Cette baisse prévisionnelle du nombre des pensionnés est liée, d’une part au recul de l’âge moyen du départ en retraite — passé de 53 ans et 5 mois pour les agents de conduite en 2016 à 53 ans et 8 mois en 2018 et de 57 ans et 10 mois pour les autres agents en 2016 à 58 ans et 1 mois aujourd’hui —, d’autre part à la pyramide des âges.

Dès lors, le nombre annuel de départs en retraite diminue. Selon les prévisions de la caisse, après 6 822 départs en retraite en 2017, 4 500 départs sont prévus en 2019, 3 188 en 2020, 3 470 en 2021 et 3 300 en 2022.

Par ailleurs, la caisse constate que le contexte de la réforme ferroviaire et de celle des retraites n’incite pas les cotisants à liquider au plus vite leurs droits à la retraite en 2018. C’est en 2017 que l’effet psychologique des réformes a joué à la hausse sur le nombre de départs en retraite.

trajectoire prévisionnelle du régime de retraite de la sNCF

(en millions d'euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

Nombre de cotisants

135 014

133 826

132 488

126 014

122 425

Nombre de retraités directs

176 244

174 666

172 173

168 214

165 557

Nombre de réversions

83 114

80 831

78 559

73 337

70 832

Rapport démographique pondéré (réversion : 0,5)

0,62

0,62

0,63

0,62

0,61

Montant des cotisations

2 010,30

2 028,20

2 007,80

1 924

1 855

Montant des pensions versées

5 340,00

5 373,10

5 363,80

5 163

5 093

Subvention de l'État

en millions d’euros

3 283,50

3 303,05

3 349,60

3 258

3 256

Source : CPRPSNCF, réponse au questionnaire budgétaire.

évolution du nombre de cotisants et de pensionnés DU REGIME DE LA SNCF

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

2.   Une subvention en augmentation sous l’effet de la revalorisation des pensions de retraite et de la hausse des frais de gestion

Selon les prévisions de la caisse, le montant des cotisations devrait augmenter de 18 millions d’euros en 2019, quand celui des dépenses de pensions augmentera parallèlement de 33 millions d’euros, soit un delta à financer de 15 millions d’euros.

Pour répondre à ce besoin, le montant de la subvention demandée  pour 2019 s’établit à 3,3 milliards d’euros, soit 19,5 millions de plus qu’en 2018.

a.   La revalorisation des pensions de retraite à 0,3 %

L’article 30 du décret du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de la SNCF dispose que la revalorisation des pensions de retraite se fait selon l’article 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite, c’est-à-dire qu’elle est fonction de l’inflation.

Pour 2019, la revalorisation du montant des pensions de retraite au 1er janvier suit la trajectoire fixé en loi de financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire qu’elle est limitée à 0,3 %.

Bien qu’inférieure à l’inflation, cette mesure de revalorisation a pour conséquence une augmentation du montant des pensions de retraite servies, laquelle accroît le déséquilibre financier du régime.

b.   La hausse des frais de gestion

Trois indicateurs du programme 198 fixent des objectifs à la CPRPSNCF afin d’améliorer l’efficience de sa gestion.

Sur l’indicateur 2.1, la cible prévoit des frais de gestion de 25,8 millions d’euros pour 2019, en nette augmentation par rapport à la réalisation 2017 (+ 1,1 million d’euros). En revanche, l’indicateur actualisé pour 2018 est très faible (5,4 millions d’euros) car il tient compte de la plus-value réalisée lors de la cession du siège parisien de la caisse.

L’indicateur 2.2 retrace le coût unitaire d’une primo-liquidation de pensions de retraite : il est également en hausse. Il s’élevait à 270 euros en 2016, 296 euros en 2017, 308 euros en prévision actualisée pour 2018 et la cible est désormais de 327 euros pour 2019. Cette hausse conséquente du prix unitaire est expliquée par la baisse des primo-liquidations, conséquence de la pyramide des âges des agents concernés. Il convient de noter que la reconstitution des carrières est réalisée par l’entreprise SNCF et n’a donc aucun coût pour la caisse, contrairement aux autres régimes de la mission.

Le troisième indicateur témoigne en revanche d’un niveau élevé de récupération des indus, qui s’établit à 94 %. Le responsable de programme souligne que « un taux d’atteinte de 100 % n’est pas possible car, dans certains cas, les coûts de recouvrement excèdent la créance, dans d’autres, l’insolvabilité ou le décès du débiteur conduisent à l’abandonner ».

Le rapporteur prend note de la dégradation des principaux indicateurs de gestion et considère que les coûts de gestion de la caisse pourraient être améliorés.

 

 

Il se réjouit donc qu’une troisième convention d’objectifs et de gestion ait été approuvée par le Conseil d’administration de la CPRPSNCF du 26 juin 2018 ; elle est en cours de signature. Son ambition est de consolider sur la période
2018-2021 les avancées des deux premières COG tout en poursuivant l’amélioration de la qualité du service rendu pour les affiliés avec une recherche accrue d’efficience. 

S’agissant des dépenses de fonctionnement, les efforts d’économie demandés à la Caisse représentent une diminution de 15 % d’ici 2021. L’effort demandé en matière de réduction des effectifs est de – 2 % par an.

3.   Un problème d’insincérité budgétaire ?

a.   Une sous-budgétisation chronique

Les crédits de l’action 3 du programme 198 sont sous-budgétés de façon récurrente depuis 2015. Chaque année, la caisse fait valoir un besoin de financement supplémentaire par rapport au montant qui lui est alloué.

En 2016, il a été nécessaire de trouver en cours d’année un financement complémentaire de 51 millions d’euros. En 2017, un besoin de financement à hauteur de 18 millions d’euros a nécessité le transfert de 4 millions d’euros depuis le programme 195 par décret d’avance ainsi que l’ouverture de 14 millions d’euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative.

En 2018, selon les dernières prévisions, il y aurait encore un décalage de 60 millions d’euros entre le montant nécessaire à l’équilibre des comptes de la caisse et le montant de la subvention inscrit en loi de finances (cf. ci-dessous). Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2018 ont d’ailleurs en partie vocation à couvrir ce besoin de financement supplémentaire.

Si ces décalages peuvent s’expliquer par des aspects conjoncturels tels que, pour 2018, une baisse des cotisations liée aux grèves associées à la réforme ferroviaire, difficile à anticiper, cette sous-estimation systématique pose question.

En outre, pour 2019, le problème pourrait se reproduire puisque la caisse fait valoir un besoin de financement supérieur de 35 millions d’euros au montant inscrit dans le projet de loi de finances.


Les prévisions 2018-2019 de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF)

 

en millions d'euros courants

Prévisions 2018 actualisées

Prévisions 2019

CHARGES

 

 

 

 

 

Service des pensions

5 340,00

5 373,10

Frais de gestion

5,40

25,80

Charges techniques

0,00

0,00

Charges financières

0,30

0,40

Dotation aux provisions

0,00

0,00

TOTAL CHARGES

5 345,70

5 399,30

 

 

 

PRODUITS

 

 

 

 

 

Cotisations salariales et patronales

2 010,30

2 028,20

Produits divers

5,40

0,00

Produits financiers

0,50

0,50

Compensation généralisée

6,00

6,00

Surcompensation

0,00

0,00

Contribution allocation supplémentaire vieillesse et invalidité (ASVI)

0,30

0,30

Contribution de l'Etat

3 323,2 (1)

3 338,5 (2)

 

 

 

TOTAL PRODUITS

5 345,70

5 399,30

(1) le montant de la contribution de l’État du tableau pour 2018 (3 323,10 M€) correspond aux besoins de la caisse pour équilibrer ses comptes et est différent de la LFI 2 018 (3 283,50 M€)

(2) le montant de la contribution de l’État du tableau pour 2019 (3 338,50 M€) correspond aux besoins de la caisse pour équilibrer ses comptes et est différent du PLF 2 019 (3 303,05 M€)

b.   La question de l’apurement de la dette contractée par l’État

Le taux de cotisation patronale du groupe SNCF comporte deux composantes (T1 et T2). Or, en mai 2016, le Conseil d’État a annulé les arrêtés fixant le taux T1 pour les années 2013, 2014 et 2015.

Les annulations se sont traduites par un produit à recevoir par le groupe SNCF de 58 millions d’euros au titre des années 2013 et 2014. La caisse a pu rembourser la SNCF car elle avait provisionné le montant correspondant à la hausse du T1, sans le dépenser, mais cependant l’État doit lui verser le manque à gagner, soit une dette de l’État envers la caisse, au titre des exercices 2013 à 2016, de 99 millions d’euros.

 

Sur ces 99 millions d’euros, 95,8 millions restaient à verser à la fin de l’année 2016. En outre, au titre de l’année 2017, l’État a contracté une dette supplémentaire de 8,3 millions d’euros, en ne couvrant pas intégralement les besoins de financement de la caisse.

En somme, au début de l’année 2018, la créance totale de la caisse sur l’État s’élevait donc à 104,1 millions d’euros.

Le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2018 annonçait qu’elle serait remboursée en 2018.

À l’automne 2017, le rapporteur spécial s’était interrogé sur l’adéquation du montant demandé pour 2018 avec cet engagement, dans un contexte où l’augmentation du montant de la subvention semblait par ailleurs déjà insuffisante pour remédier à la surexécution chronique des crédits de l’action..

Le projet de loi de finances rectificative en cours de discussion à l’Assemblée nationale confirme l’analyse du rapporteur, puisqu’il demande l’ouverture de 115,5 millions d’euros au profit de la caisse au titre de l’année 2018, d’une part pour couvrir un besoin de financement supplémentaire (moindres recettes de cotisation en lien avec le mouvement social du début d'année 2018 et hausse du nombre de départs), d’autre part afin de rembourser la créance que la caisse détient sur l'État à la suite de la décision du Conseil d'État de mai 2016.

Cette demande d’ouverture de crédits en cours d’année 2018 aurait pu être anticipée au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2018. Le montant de la dette était connu et l’engagement de la rembourser déjà pris. Le rapporteur spécial note ici une entorse au principe de sincérité budgétaire.

B.   LES CRÉDITS DÉDIÉS À L’ÉQUILIBRE DU RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DE LA RATP sont en hausse de 3,8 %

Le régime spécial de la régie autonome des transports de Paris (RATP) est né avec la création de cet établissement public à caractère industriel et commercial, par la loi n° 48-506 du 21 mars 1948.

Géré directement par la RATP jusqu’en 2005, il a ensuite été confié à une caisse autonome, la Caisse de retraites du personnel de la RATP (CRPRATP), à partir du 1er janvier 2006. Organisme de sécurité sociale, la CRPRATP est placée sous la double tutelle de la direction de la Sécurité sociale (DSS) et de la direction du Budget, et liée à l’État par une convention d’objectifs et de gestion (COG).

C’est à cet organisme que l’État verse une subvention. Son intervention se justifie par le fait que le régime ne parvient pas à s’autofinancer, en raison d’un déséquilibre chronique entre le nombre de cotisants et de pensionnés.

 

Les crédits prévus pour 2019, qui sétablissent à 736,20 millions deuros, sont en hausse de + 3,79 % par rapport à 2018, après une hausse de + 4,22 % l’an dernier. Cette hausse prévisionnelle de la subvention versée à la CRPRATP est le signe que le déséquilibre du régime continue de s’accroître.

1.   Le déséquilibre du régime s’accentue sous l’effet de la dégradation du ratio démographique et de pratiques qui tirent les dépenses vers le haut

Le régime de retraite de la RATP fait partie des régimes qui connaissent un important déséquilibre démographique.

a.   Un déséquilibre démographique qui s’accentue

Si le régime de la RATP était équilibré à l’origine (ratio cotisants / pensionnés proche de 1 jusqu’en 2009), ses paramètres démographiques se sont dégradés à compter de 2010, de sorte que le nombre de pensionnés excède aujourd’hui largement le nombre de cotisants. Cette dégradation est illustrée par le graphique ci-dessous.

évolution du nombre de cotisants et de pensionnés DU REGIME DE LA RATP

Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

D’après les prévisions, ce régime devrait compter 42 301 cotisants pour 49 177 pensionnés en 2019, soit un ratio démographique de 0,86. À l’horizon 2021, sous réserve que les effectifs de cotisants n’évoluent pas, ce ratio devrait se dégrader à 0,79. À titre de comparaison, il est de 1,33 dans le régime général et de 0,85 dans le régime des PCMR.

En 2019, le nombre de pensionnés augmente de plus de 6 % par rapport à 2018. Ce nombre devrait continuer de croître, de + 8 %, en 2020.

Ce rythme de progression pourrait encore croître car plus de
4 500 cotisants sont aujourd’hui en âge de partir à la retraite mais retardent leur départ pour bénéficier d’une surcote, certains depuis 2008.

 

Cette augmentation forte du nombre de pensionnés est liée, d’une part à l’allongement de l’espérance de vie, d’autre part aux paramètres du régime qui favorisent des départs en retraite précoces, tels que :

     des pensions de réversion servies sans condition d’âge ;

     le non plafonnement des avantages familiaux, qui peuvent en se cumulant conduire à des départs en retraite très précoces.

Ainsi, les personnels de la RATP partent à la retraite à 55,46 ans en moyenne, contre 62,4 ans en moyenne pour les salariés du régime général.

Face à cette augmentation du nombre des pensionnés, les cotisants diminuent en raison de la baisse des embauches sous statut à la RATP.

b.   Des pratiques coutumières qui pèsent sur le montant des pensions

Le rapporteur spécial note qu’il subsiste dans le régime spécial de la RATP quelques pratiques coutumières qui pèsent sur le montant des pensions servies. Il en va ainsi du minimum de réversion ou encore de la majoration des coefficients de rémunération au moment du départ en retraite.

2.   La subvention de l’État est en nette augmentation

Par conséquent, la subvention d’équilibre de l’État est en constante augmentation. Elle s’élevait à 575,3 millions d’euros en 2012 et atteint désormais 736,2 millions d’euros, soit une hausse de 28 % en sept ans.

évolution de la subvention de l’état au régime de retraite de la RATP

 (en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Subvention versée

575,3

611,1

619

618,3

636,6

680,6

709,3

736,2

Source : documents budgétaires.

Aussi, en proportion, la subvention de l’État augmente davantage que le montant des pensions servies. Entre 2012 et 2017, le montant total des pensions servies a augmenté de 13,4 % quand la subvention de l’État a crû de 18,3 %.

Alors que la subvention étatique assurait en 2012 58 % du financement de la caisse de retraite de la RATP (les 42 % restants provenant des cotisations salariales et patronales), elle représente aujourd’hui 61 % des pensions servies.

3.   La caisse veille à maîtriser ses coûts de gestion

Si la maîtrise du coût de gestion est un facteur d’économies, le ratio de coût de gestion de la caisse, de 0,48 %, est en baisse par rapport à l’année dernière (0,5 %) et satisfaisant par rapport au niveau fixé par la COG (0,68 %).

De même, le taux de récupération des indus (74 %) est en nette amélioration par rapport à 2016 (55 %) et atteint le taux fixé par la
COG 2017 –2020 (70 % pour l’année 2017, 75 % pour les années 2018 à 2020).

De fait, il est difficile de jouer sur ces facteurs pour espérer faire diminuer le besoin en financement de la caisse.

C.   DES CRÉDITS STABLES POUR LES DISPOSITIFS DE PRÉ-RETRAITE ET COMPLÉMENTs DE RETRAITE DES CONDUCTEURS ROUTIERS

Outre les régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF, le programme 198 finance également les pensions versées au titre de cinq régimes fermés d’anciens services publics de transport de métropole et d’outre-mer ainsi que deux dispositifs de pré-retraite et complément de retraite au bénéfice des conducteurs routiers.

1.   Le budget dédié au congé de fin d’activité des conducteurs routiers est stable

La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport prévoit, depuis 1998, un dispositif appelé congé de fin d’activité (CFA) qui permet aux conducteurs d’entreprises de transport de cesser leur activité professionnelle jusqu’à cinq ans avant l’âge légal de départ en retraite, tout en bénéficiant d’une allocation mensuelle qui s’établit à 75 % du salaire brut.

Depuis le 1er juillet 2011, l’âge d’entrée dans le dispositif est passé de 55 à 57 ans pour tenir compte du passage de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.

Financé par les partenaires sociaux et par l’État, ce dispositif est géré par deux organismes paritaires appartenant au groupe de protection sociale Klésia : le FONGECFA pour les entreprises de transport de marchandises, de déménagement et de transport de fonds et valeurs et l’AGECFA pour les entreprises de transport de voyageurs.

Dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2019, le rapporteur s’était inquiété du montant budgété pour 2017. Ce dernier était en effet en forte baisse par rapport à la diminution modérée du nombre des bénéficiaires. Les faits lui avaient donné raison puisqu’un besoin de financement supplémentaire de 9,3 millions d’euros était apparu en cours d’exercice, portant à 88,7 millions d’euros le total des crédits exécutés au lieu des 79,4 millions d’euros budgétés.  

Pour 2018, l’Etat avait donc relevé le montant de la subvention à 94,67 millions d’euros, malgré la baisse du nombre des bénéficiaires.

Le montant de la subvention demandé pour 2019 est stable. Il s’établit à 95,38 millions d’euros pour un nombre de bénéficiaires estimé à 8 100, quasi identique par rapport à 2018.

 

 

ÉVOLUTION DU BUDGET DÉDIÉ PAR L’ÉTAT AU CFA DEPUIS 2015

Source : commission des finances de l’Assemblée nationale, à partir des documents budgétaires.

2.   Un budget identique pour le complément de pension des conducteurs routiers

L’État finance en totalité le complément de pension versé aux conducteurs routiers qui ne remplissent pas, à l’âge d’ouverture des droits à la retraite, le nombre de trimestres suffisant pour bénéficier d’une pension d’assurance vieillesse du régime général à taux plein (305 bénéficiaires en 2019).

Il finance aussi le remboursement des trimestres manquants aux salariés sortant d’un congé de fin d’activité (445 bénéficiaires en 2019).

Ce dispositif, mis en place par le décret n° 55-1297 du 3 octobre 1955, est géré par la caisse autonome de retraites complémentaires et de prévoyance du transport (CARCEPT).

Les crédits demandés pour 2019 au titre de dépenses de transfert en direction de cette caisse s’élèvent à 2 millions d’euros, un budget stable depuis 2016 malgré l’augmentation du nombre des bénéficiaires, estimés à près de 790 à horizon 2022 (contre 750 aujourd’hui).

II.   PROGRAMME 197 : LA PARTICIPATION DE L’ÉTAT À L’ÉQUILIBRE DU RÉGIME DE RETRAITE ET DE SÉCURITÉ SOCIALE DES MARINS RECULE

Le régime spécial de retraite des marins présente la particularité d’être géré par un organisme qui est à la fois un établissement public administratif – l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM) – et une caisse de sécurité sociale, dès lors placé sous la triple tutelle des ministères chargés du Budget, de la Sécurité sociale et de la Mer.

À ce titre, l’ENIM reçoit de l’État :

– une subvention pour charges de service public (SCSP), destinée à couvrir ses dépenses pour la gestion de la branche vieillesse (1,3 % des dépenses du programme) ;

– une subvention d’équilibre, destinée à compenser l’incapacité du régime à s’autofinancer (98,7 % des dépenses du programme).

Ces deux types de dépenses figurent dans le programme 197 Régime de retraite des marins.

1.   La subvention pour charges de service public est en baisse, conformément à la nouvelle COG 2016-2020

La SCSP versée à l’ENIM pour la gestion de sa branche vieillesse s’établit à 10,67 millions d’euros en 2019, en baisse de 470 000 euros par rapport à 2018.

Cette réduction des dépenses s’inscrit dans le cadrage défini par la nouvelle convention d’objectif et de gestion (COG) pour la période 2016-2020.

Elle correspond à une réduction des effectifs de l’ENIM, qui passent de 329 ETPT en prévision au 31 décembre 2018 (dont 10 ETPT hors plafond) à 307 ETPT prévus pour l’exercice 2019. En cinq ans, la baisse des effectifs est de près de 20 %.

2.   Le déficit du régime tend à se réduire légèrement sous l’effet de la baisse du nombre de pensionnés et du montant des pensions

Le régime spécial de retraite des marins fait partie des plus déséquilibrés sur le plan démographique, avec un ratio très faible de 0,27 en 2016 (30 560 actifs pour 112 784 pensionnés). En conséquence, il est fortement dépendant de la subvention d’équilibre de l’État.

Cependant, ce déséquilibre démographique tend à se résorber légèrement. En effet, le nombre de marins cotisants continue de diminuer mais, dans le même temps, les effectifs des pensionnés se réduisent aussi parallèlement (notamment du fait du recul de l’âge moyen de départ en retraite). Ainsi, selon l’ENIM, à horizon 2050, le régime pourrait compter 23 910 marins cotisants pour 68 419 pensionnés, soit un ratio démographique de 0,35.

De plus, il est observé que le montant moyen des pensions se réduit tendanciellement, parce que les marins ont des carrières plus diversifiées et donc une durée d’affiliation à l’ENIM plus réduite.

3.   Le montant de la subvention d’équilibre diminue de plus de 8 millions d’euros

Le financement du régime de retraite des marins provient avant tout de la subvention d’équilibre qui lui est versée par l’État, laquelle représente 77 % de ses recettes.

Depuis 2016, le montant de la subvention d’équilibre est en diminution. De 842 millions d’euros en 2015, elle est passée à 814 millions d’euros en 2016 (28 millions d’euros d’écart) puis à 817 millions d’euros en 2017 et 813 millions d’euros en 2018.

Pour 2019, cette subvention est budgétisée à hauteur de 805 millions d’euros. La tendance est donc à la baisse, avec un chiffre même inférieur aux prévisions, lesquelles tablaient sur une subvention ramenée à 817 millions d’euros en 2019.

III.   PROGRAMME 195 : LE RÉGIME COMPLÉMENTAIRE DES EXPLOITANTS AGRICOLES

Le programme 197 Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers regroupe des crédits versés aux caisses gestionnaires de régimes fermés mais aussi une subvention à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) pour le financement du régime complémentaire de retraite des exploitants agricoles.

Pour 2019, le budget du programme 197 est de 1,3 milliard d’euros.

1.   Le régime complémentaire des exploitants agricoles : un régime sous perfusion

Le programme 197 accueille une subvention de 55 millions d’euros dédiée au financement du régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles, régime géré par la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) comme le régime de base.

En 2016, c’est à la faveur d’un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2017 qu’une nouvelle action budgétaire a été créée au sein de  ce programme. Il s’agissait alors de financer une mesure prévue par le plan de revalorisation des retraites, consistant à ce que les exploitants agricoles puissent bénéficier d’un montant total des pensions de base et complémentaire au moins égal à 75 % du SMIC.

Le régime de retraite des exploitants agricoles, qui n’est pas un régime spécial au sens de l’article R. 711-1 du code de la sécurité sociale, n’en est pas moins très déséquilibré en raison de ses caractéristiques propres.

Il en résulte que ce régime est « sous perfusion », recevant le produit de plusieurs taxes affectées pour un montant total de 283 millions d’euros auquel s’ajoute, depuis 2017, une subvention de 55 millions versée par le programme 195.

Or, l’article 9 alinéa 13 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit la suppression de la taxe sur les farines ([8]), qui est l’une des taxes dont le produit est affecté au RCO depuis 2018 ([9]).

Cette dernière fait en effet partie des « taxes à faible rendement », qui coûtent plus cher à recouvrer qu’elles ne rapportent.

Afin de compenser la suppression de cette taxe qui rapportait 64 millions d’euros par an au RCO, l’article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 modifie la fraction du produit du droit de consommation sur les alcools qui est affectée au RCO : elle passe ainsi de 4,18 % à 6,87 pour compenser à due concurrence la perte de recettes induite.

Si le rapporteur spécial est satisfait que le Gouvernement ait assuré la compensation de la suppression de la taxe farine, il reste néanmoins vigilant.

Ainsi, selon l’annexe IX du PLFSS 2019, la fraction supplémentaire du produit du droit de consommation sur les alcools qui va au RCO finançait jusqu’alors le régime de base de la MSA. Dès lors, le problème n’est que « déplacé » au sein de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole.

Le rapporteur spécial restera attentif afin que les exploitants agricoles ne pâtissent pas de cette mesure.

ÉVOLUTION ENVISAGÉE DES RESSOURCES DU RCO

 

En millions d’euros

2018

2019

Recettes de cotisations des exploitants agricoles

469

469

Fraction du produit du droit de consommation sur les alcools

219

(fraction de 4,18 %)

283

(fraction de 6,87 %)

Produit de la taxe spéciale sur les huiles

Produit de la taxe farine (1)

64

-

Subvention étatique (programme 195) (2)

55

55

TOTAL

807

807

(1)    Depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018.

(2)    Amendement du gouvernement au projet de loi de finances pour 2017.

2.   Des crédits en baisse de 7 % pour les régimes fermés

Les crédits dédiés aux régimes de retraite en voie d’extinction sont en baisse de 7 % en 2019 par rapport aux crédits votés en LFI pour 2018 (1,39 milliards d’euros).

Le rapporteur spécial note que cette baisse s’accélère puisque les crédits n’avaient diminué que de 3 % entre 2017 et 2018.

Le montant des subventions devrait continuer à baisser jusqu’à l’extinction complète de ces régimes, à mesure que le nombre de pensionnés diminue. Cependant, l’extinction complète d’un régime de retraite est un processus lent. Le projet annuel de performances du programme indique que le régime de la SEITA pourrait ne s’éteindre complètement qu’en 2080 tandis que celui des mines pourrait s’éteindre en 2 100.

CRÉDITS DU PROGRAMME 197 dÉdiÉs aux rÉgimes en voie d’EXTINCTION

(en millions d’euros)

 

CP ouverts en 2017

CP ouverts en 2018

CP demandés pour 2019

Nombre de bénéficiaires en 2018

Date d’extinction du régime (p)

Action 1 Versement au fonds spécial de retraite de la caisse autonome de sécurité sociale dans les mines

1 216

1 177

1 101

242 000

2 100

Action 2 Régime de retraite de la SEITA

157

153

147

8 174

2 080

Action 4 Caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer

2,24

2,14

1,62

92

nc

Action 7 Versements liés à la liquidation de l’ORTF

0,25

0,17

0,14

5

nc

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale, à partir des données du Service des Retraites de l’État.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 30 octobre 2018, la commission examine les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte spécial Pensions.

M. Olivier Damaisin, rapporteur spécial. Je vous remercie, chers collègues, d’être venus si nombreux pour parler des retraites... Nous reviendrons sur le sujet au printemps.

Pour 2019, les crédits dédiés à la mission Régimes sociaux et de retraite, d’un montant de 6,28 milliards d’euros, évoluent à la baisse par rapport aux crédits votés en loi de finances l’année dernière : 6,33 milliards.

Mais ne vous méprenez pas. Non, les régimes spéciaux ne reviennent pas à l’équilibre. Cette tendance correspond en fait à une forte baisse des dépenses de pensions versées aux bénéficiaires des régimes fermés, l’ORTF et la Seita. Cette baisse est presque mécanique puisque ces régimes n’accueillent plus de nouveaux cotisants et ont vocation à s’éteindre. Elle correspond aussi au recul du montant versé à l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM), j’y reviendrai.

Mais, en parallèle, les subventions d’équilibre versées aux régimes de la SNCF et de la RATP continuent d’augmenter fortement, de près de 50 millions d’euros par rapport à 2018. La baisse affichée sur la mission est donc trompeuse, car le déséquilibre de ces régimes s’aggrave.

Ces régimes spéciaux de retraite, vous le savez, peinent à s’autofinancer, car ils comptent un nombre de pensionnés plus élevé que le nombre de cotisants. Cette situation ne s’améliore pas, malgré les réformes paramétriques de ces dernières années.

Pour 2019, 47 millions d’euros supplémentaires sont demandés pour équilibrer ces régimes par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2018.

Le montant prévu en 2019 pour équilibrer la caisse gestionnaire du régime de la SNCF atteint 3,3 milliards, soit 20 millions d’euros de plus qu’en 2018. C’est une augmentation modérée par rapport à celle de 2018 – 30 millions – et à celle de 2017 – 38 millions –, mais qui montre que le déséquilibre du régime s’aggrave inexorablement. Sans compter que le nombre de cotisants devrait encore baisser suite à la réforme ferroviaire, avec une fermeture du statut prévue à compter du 1er janvier 2020.

Côté RATP, le montant prévu pour équilibrer la caisse atteint 736 millions d’euros, soit 27 millions d’euros de plus qu’en 2018. Là encore, l’augmentation est moindre que les prévisions de la direction du budget l’année dernière, qui l’estimaient à 742 millions d’euros en 2019. Néanmoins, comme pour le régime de la SNCF, le nombre des cotisants ne cesse de diminuer en raison de la réduction des embauches sous statut. Sans compter que le régime compte un « stock » de plus de 4 500 personnes qui, bien qu’elles aient atteint l’âge d’ouverture des droits et la durée d’assurance requise pour le taux plein, certaines depuis 2008, préfèrent rester en activité en espérant bénéficier d’une surcote. C’est autant de personnes qui pourraient faire rapidement croître les effectifs de pensionnés. Pour vous donner une petite anecdote, nous avons appris lors des auditions que la plus vieille demande de retraite à la RATP date de 1947, et la personne qui en bénéficie est toujours en vie...

Cette hausse est modérée par les mesures prises pour limiter la revalorisation des retraites en dessous de l’inflation, à 0,3 %. Comme les pensions servies dans le régime général et dans le régime de la fonction publique d’État, les pensions de la SNCF et de la RATP sont revalorisées en fonction de la hausse des prix. Or les retraites n’ont pas été revalorisées en 2018, et pour 2019, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit une revalorisation limitée à 0,3 %, alors que l’inflation est estimée à 1,5 %.

Si tel n’avait pas été le cas, les dépenses auraient été plus importantes encore : sur le périmètre de la mission, on estime à 110 millions d’euros les économies réalisées grâce à cette mesure en 2019.

En ce qui concerne le régime spécial de retraite des marins du commerce et de la pêche, géré par l’ENIM, les crédits sont en légère diminution de 8 millions d’euros sous l’effet de trois facteurs. Tout d’abord, le montant de la subvention pour charges de service public versée à cet opérateur est en baisse de près de 1 million d’euros, car l’ENIM fait un effort de maîtrise de ses dépenses de gestion de la branche vieillesse. Et 7 millions d’euros de moins sont versés pour les dépenses de prestations vieillesse. Le ratio démographique du régime s’améliore légèrement et surtout, l’État a fait le choix de ne pas prendre intégralement en charge les dépenses non couvertes par des cotisations, considérant que l’ENIM peut puiser dans sa trésorerie.

Enfin, sur la mission Régimes sociaux et de retraite, il faut signaler que le programme 195 prévoit 55 millions d’euros pour équilibrer le régime de retraite complémentaire (RCO) des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. Ce régime est très déséquilibré puisque les recettes de cotisations ne couvrent que 57 % du total des charges. Il bénéficie donc, outre cette subvention, du produit de taxes affectées, dont la taxe farine, supprimée par l’article 9 du projet de loi de finances. Je tiens toutefois à vous rassurer, mes chers collègues : la disparition du produit de cette taxe est compensée par l’affectation au RCO d’une fraction plus importante du produit du droit de consommation sur les alcools, qui passe de 4,18 % à 6,87 %.

Quant aux dépenses de pensions retracées dans le compte d’affectation spéciale (CAS), elles sont en hausse elles aussi, pour tenir compte de la revalorisation prévue et de l’augmentation du nombre de pensionnés, sauf les pensions versées sur le programme 743, dont les bénéficiaires se raréfient d’année en année.

Pour financer ces dépenses de pensions, les recettes prévisionnelles restent supérieures aux dépenses.

Les recettes de la section I du CAS, qui financent les pensions des fonctionnaires civils et des militaires, continuent d’augmenter en 2019, bien qu’elles progressent moins vite qu’en moyenne entre 2013 et 2018.

Les recettes finançant les pensions des ouvriers d’État diminuent sous l’effet de la baisse des effectifs. En effet, depuis 2010, le nombre d’ouvriers d’État a été divisé par deux et il recule de 10 % chaque année.

Cependant, les recettes prévisionnelles du CAS restent supérieures aux dépenses : le solde prévisionnel du CAS en fin d’année 2019 reste excédentaire, à 1,5 milliard d’euros. C’est moins que l’année dernière – 2,5 milliards d’euros –, mais cela est loin d’être inquiétant compte tenu du montant du solde cumulé qui dépasse 8 milliards d’euros en 2019, permettant de respecter l’obligation d’équilibre fixée par la loi organique relative aux lois de finances.

En somme, mes chers collègues, ce budget est raisonnable. Il affiche des dépenses certes en hausse, mais maîtrisées, grâce notamment à la mesure de revalorisation à 0,3 % prévue par le PLFSS.

J’émettrai donc un avis favorable sur les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du CAS Pensions.

En tant que rapporteur spécial en charge du budget de l’État dédié aux régimes spéciaux de retraite, je suis par ailleurs avec attention les travaux relatifs à la réforme des retraites en cours. Vous le savez, les régimes spéciaux de retraite vivent leurs dernières heures. Une réforme systémique se prépare, sous l’égide du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye. Le projet de loi devrait nous être soumis entre le mois d’avril et le mois de juin 2019, pour une adoption avant l’été. Cette réforme aura, à terme, un effet sur les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite, puisque les régimes spéciaux de retraite ont vocation à disparaître au profit de ce nouveau régime universel. Cependant, à ce stade, il est difficile d’estimer l’impact sur ce budget.

Nous savons qu’il s’agira d’un système à points et non plus par annuités, mais toutes les hypothèses restent ouvertes, qu’il s’agisse de l’entrée en vigueur de la réforme, des modalités de la transition des régimes actuels vers le nouveau système universel et de sa gouvernance. C’est en tout cas un sujet que je suis avec attention.

M. le président Éric Woerth. C’est un sujet que nous suivons tous avec attention, mais je ne crois pas qu’il soit temps de lancer le débat...

Mme Véronique Louwagie. Vous avez indiqué que la suppression de la taxe sur les farines était compensée par l’attribution d’une quote-part de la taxe sur les alcools à la retraite complémentaire des exploitants agricoles. Mais d’où vient cette quote-part de la taxe sur les alcools ? Était-elle affectée auparavant au budget de la sécurité sociale ? Au budget de l’État ? Ou augmente-t-on tout simplement le taux de la taxe pour dégager ces ressources complémentaires ?

M. le rapporteur spécial. Elle provient du régime de base d’assurance vieillesse des exploitants agricoles.

Mme Véronique Louwagie. Est-ce à dire qu’on prend au régime général des agriculteurs, pour remettre de l’autre côté au régime de retraite complémentaire ?

M. Éric Alauzet. Je confirme que cette suppression est compensée par un relèvement de la taxe sur les alcools de 4,18 % à 6,87 %, décidé dans le cadre du PLFSS, pour un montant de 27 millions sur un total de 55 millions.

Article 39 et état B

La commission adopte les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite, sans modification.

Article 41 et état D

La commission adopte les crédits du compte daffectation spéciale Pensions, sans modification.

 

 


—  1  —

   Personnes auditionnées par le rapporteur spécial

Haut-commissariat à la réforme des retraites : M. Jean-Paul Delevoye, haut‑commissaire à la réforme des retraites, M. Jean-Luc Izard, secrétaire général

Direction du Budget :  Mme Marie Chanchole, sous-directrice des finances sociales, M. Philippe Briard, chef du Bureau des retraites et des régimes spéciaux, M. Florent Uro, chargé de tutelle au sein du Bureau des retraites et des régimes spéciaux

Direction générale des Finances publiques : M. Alain Piau, chef du Service des retraites de l’État, M. Philippe Chataignon, chef du Bureau financier et statistiques, Service des retraites de l’État

Caisse de retraite du personnel de la RATP (CRPRATP) : M. Christophe Rollin, directeur

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF) : M. Pierre Robin, directeur, M. Cédric Brun, sous-directeur du pilotage économique

Établissement national des Invalides de la marine (ENIM) : M. Richard Decottignies, directeur général

 


—  1  —

  ANNEXE 1 : ARTICLE DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
LISTANT LES RÉGIMES SPÉCIAUX

 

Article R711-1 du code de la sécurité sociale

Restent soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale, si leurs ressortissants jouissent déjà d’un régime spécial au titre de l’une ou de plusieurs des législations de sécurité sociale :

1°) les administrations, services, offices, établissements publics de l’État, les établissements industriels de l’État et l’Imprimerie Nationale, pour les fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l’État ;

2°) les régions, les départements et communes ;

3°) les établissements publics départementaux et communaux n’ayant pas le caractère industriel ou commercial ;

4°) les activités qui entraînent l’affiliation au régime d’assurance des marins français institué par le décret-loi du 17 juin 1938 modifié ;

5°) les entreprises minières et les entreprises assimilées, définies par le décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946, à l’exclusion des activités se rapportant à la recherche ou à l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux ;

6°) la société nationale des chemins de fer français ;

7°) les chemins de fer d’intérêt général secondaire et d’intérêt local et les tramways ;

8°) les exploitations de production, de transport et de distribution d’énergie électrique et de gaz ;

9°) la Banque de France ;

10°) le Théâtre national de l’Opéra de Paris et la Comédie Française.


   Annexe 2 : MESURE DE REVALORISATION DES RETRAITES À 0,3 % dans le plfss 2019

Article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019

 

Au titre de 2019 et 2020, par dérogation à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, les montants des prestations et des plafonds de ressources relevant du même article L. 161-25 sont revalorisés annuellement de 0,3 %.

 

Toutefois, ne sont pas concernés par cette dérogation :

1° L’allocation de veuvage mentionnée à l’article L. 356-2 du même code ;

2° L’allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l’article L. 815-1 dudit code et les prestations mentionnées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de ces allocations ;

3° L’allocation supplémentaire d’invalidité mentionnée à l’article L. 815-24 du code de la sécurité sociale, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de cette allocation ;

4° Le plafond de ressources prises en compte pour l’attribution de la protection complémentaire en matière de santé prévu à l’article L. 861-1 du même code ;

5° Le revenu de solidarité active mentionné à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles et l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants mentionnée à l’article L. 117-3 du même code ;

6° Les allocations mentionnées au 2° de l’article L. 5421-2 du code du travail et l’allocation temporaire d’attente mentionnée à l’article L. 5423-8 du même code ;

7° L’allocation pour demandeur d’asile mentionnée à l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

8° L’allocation spéciale pour les personnes âgées mentionnée à l’article 28 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, ainsi que le plafond de ressources prévu pour le service de cette allocation ;

9° L’allocation de solidarité aux personnes âgées et les prestations mentionnées, respectivement, aux 1° et 9° de l’article 7 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de ces allocations.

 


([1])  Article L. 134-1 du code de la sécurité sociale.

([2])  Sont qualifiés de régimes alignés (sur le régime général), le régime des salariés agricoles et le régime des non-salariés non-agricoles : il s’agit de régimes par annuités dans lesquels l’âge d’ouverture des droits, la durée d’assurance requise et le calcul de la pension sont identiques.

([3])  Loi organique n° 2001‑692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

([4])  (3) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

 

([6])  Cf. annexe 1.

([7])  Article 29 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018.

([8])  La taxe sur les farines est prévue par l’article 1618 septies du code général des impôts.

([9])  Cf. article L732-58 du code rural et de la pêche maritime.