N° 1302

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 6
 

 

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

 

 

PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Marc Le FUR

 

Député

____


 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Les limites actuelles de L’aide publique au développement de la France ont motivé une réorientation profonde

A. La France aide peu relativement à ses principaux partenaires européens

B. L’aide de la France ne bénéficie pas aux pays qui en ont le plus besoin

1. Une part limitée de l’aide soutient les pays les moins avancés et prioritaires

2. La préférence française pour le prêt n’est pas propice au soutien des pays les plus fragiles

II. Le budget pour 2019 traduit un effort financier important et un renouvellement des outils de l’aide au développement

A. Les nouvelles priorités du gouvernement ont guidé l’élaboration du budget de l’aide au développement

1. Le budget 2019 s’inscrit de façon cohérente dans la trajectoire des 0,55 %

2. L’effort devra être poursuivi à un niveau similaire dans les prochains budgets

3. Les outils de l’aide seront renouvelés afin de les adapter aux nouvelles priorités stratégiques

a. La part bilatérale de l’aide sera augmentée afin de mieux traduire les priorités françaises

b. La part du don doit être renforcée afin de faire correspondre les priorités politiques et les outils de l’aide

B. Les crédits de la mission Aide publique au développement déclinent ces nouvelles orientations stratégiques

1. Le programme 110 Aide économique et financière au développement

a. L’aide économique et financière multilatérale

b. L’aide économique et financière bilatérale

c. Le traitement de la dette des pays pauvres

2. Le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement

a. L’aide projet et la coopération bilatérale

b. Les contributions multilatérales et communautaires

3. Le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers

4. Les taxes fiscales affectées complètent les crédits de la mission

III. Les conditions du succès de la trajectoire de l’aide française doivent encore être réunies

A. Le renouvellement du pilotage stratégique et des outils de l’aide

1. Un long processus de réforme qui aboutit à un faible pilotage stratégique de l’aide française

2. L’unification du pilotage politique et budgétaire de l’aide au développement est un horizon incontournable

3. Les nouvelles orientations de l’aide au développement imposent de repenser les outils de l’AFD

B. Le manque de lisibilité budgétaire porte préjudice à l’évaluation de l’aide au développement

1. La structure budgétaire de l’aide au développement est complexe et gagnerait à être réorganisée autour de ses différents outils

2. L’harmonisation des contrôles et le renforcement de l’évaluation sont nécessaires afin de prévenir la dégradation de la qualité de l’aide

IV. L’effort conséquent demandé à la nation implique certaines contreparties de la part des pays bénéficiaires

A. L’effort de la France doit s’accompagner d’un effort des pays bénéficiaires en matière migratoire

B. L’effort de la France doit permettre à nos entreprises de bénéficier d’opportunités dans les pays aidés

1. L’aide liée est strictement limitée au niveau international et ne représente qu’un poids marginal dans l’APD française

2. L’AFD assure des retombées économiques importantes pour les entreprises françaises

3. L’accès des entreprises aux financements de l’AFD doit être facilité

Examen en commission

Article 39 et état B

Article 72 Souscription à l’augmentation de capital de la Banque mondiale

Article 41 et état D

personnes auditionnées par le rapporteur spécial

Classement des pays bénéficiaires de l’APD française en 2016


 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 96,8 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial.

 

 

 


—  1  —

   Introduction

Le budget 2019 pour l’aide publique au développement s’inscrit dans un contexte renouvelé. Après des années de baisse des crédits, en particulier sous le précédent quinquennat, et le recours à des outils peu favorables aux pays les plus fragiles, le Gouvernement semble avoir pris conscience de la nécessité d’une nouvelle ambition pour l’aide française.

L’aide publique au développement (APD) constitue en effet l’un des trois « D » censés guider la stratégie française d’influence au niveau international : diplomatie, défense, développement. Or, à bien des égards, le développement était devenu le parent pauvre de cette stratégie.

Le renouveau de l’aide française était d’autant plus impérieux que la position historique de la France auprès de certains de ses partenaires, singulièrement en Afrique subsaharienne, tend à s’éroder. De nouvelles puissances se saisissent de l’outil de l’aide au développement pour faire avancer leurs objectifs économiques ou politiques.

Cette prise de conscience est salutaire. Les discours sur le respect des droits de l’homme peu suivis d’actes concrets, ne doivent plus servir à masquer l’absence d’ambition politique. Le renouveau de l’aide de la France est une occasion pour celle-ci d’approfondir les relations historiques qu’elle entretient avec ses partenaires d’Afrique subsaharienne, et d’ouvrir de nouvelles opportunités de coopération.

Le rapporteur spécial salue les nouvelles orientations de l’aide française. La réflexion stratégique qui a présidé à l’élaboration de ce projet de budget va dans le bon sens. Ces nouvelles orientations supposent néanmoins un effort considérable pour les finances publiques, qu’il faudra tenir sur les prochaines années.

Dès lors, certaines contreparties doivent être recherchées. Face au défi migratoire, il est essentiel que l’effort français s’accompagne d’un effort de la part des pays aidés. En particulier, ces derniers doivent coopérer loyalement avec la France dans la gestion des flux migratoires illégaux.

Par ailleurs, il est plus que temps que le formidable potentiel des entreprises françaises, actives de longue date en Afrique, soit pleinement mis à profit, au lieu d’être régulièrement dénoncé et attaqué. Ces entreprises sont soumises à des exigences en matière de transparence que d’autres pays n’appliquent pas. Elles disposent d’une connaissance du terrain, des cultures et des populations qui en font des partenaires fiables pour les autorités locales.

Le rapporteur spécial sera attentif à ces orientations et continuera ses travaux sur ces sujets essentiels, à l’occasion en particulier de l’examen de la prochaine loi d’orientation et de programmation pour l’aide au développement qui sera présentée au printemps 2019.

 


I.   Les limites actuelles de L’aide publique au développement de la France ont motivé une réorientation profonde

La répartition de l’aide française selon les différents outils est retracée dans le tableau ci-dessous.

Versement d’aide publique au développement selon les outils

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

APD totale

8 542

8 005

8 149

8 701

10 052

APD bilatérale

5 123

4 909

4 649

5 102

5 898

(i) Soutien budgétaire

171

148

115

112

851

(i) Soutien bilatéral de caractère général aux organisations, programmes et financements groupés

89

53

52

157

174

(iii) Interventions de type projet

2 029

2 379

2 162

2 419

2 261

(iv) Experts et autres formes d’assistance technique

782

734

702

684

644

(v) Bourses et autres frais d’études

797

792

741

766

816

dont coûts imputés des étudiants

738

648

593

618

655

(vi) Allégement de la dette

524

23

125

79

92

(vii) Frais administratifs non compris ailleurs

388

413

423

463

497

(viii) Autres dépenses dans le pays donneur

344

369

332

432

563

dont aide aux réfugiés dans le pays donneur

341

366

328

422

552

APD multilatérale

3 419

3 095

3 499

3 599

4 153

(i) Organismes des Nations Unies

190

164

215

247

246

(ii) Union européenne

1 711

1 771

1 751

2 223

2 133

(iii) Association Internationale de Développement (AID)

400

440

794

390

393

(iv) Autres organisations de la Banque Mondiale (AMGI, BIRD, SFI)

24

25

24

0

0

(v) Banques régionales de développement

245

166

229

395

500

(vi) Fonds pour l'environnement mondial

34

34

51

51

50

(vii) Protocole de Montréal

8

7

8

8

8

(viii) Autres organismes

808

488

427

287

823

Source : réponse au questionnaire budgétaire

L’aide publique au développement versée par la France est aujourd’hui peu satisfaisante à plusieurs égards.

A.   La France aide peu relativement à ses principaux partenaires européens

La conférence des Nations unies sur le financement du développement, qui s’est tenue en 2002 à Monterrey, au Mexique, a fixé l’objectif pour les pays donateurs de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement. Cet objectif a été repris par l’Union européenne et constitue l’horizon de la trajectoire de l’aide française après 2022. L’objectif des 0,7 % est complété par celui des 0,2 % consacrés aux pays les moins avancés (PMA), élaboré dans le cadre de l’Agenda 2030 du développement durable.

Pays atteignant l’objectif des 0,7 %

 

En % du RNB

En millions de USD

Allemagne

0,66

23 844

Royaume-Uni

0,70

18 425

Turquie

0,950

9 109

Suède

1,01

5 380

Norvège

0,99

3 943

Danemark

0,72

2 314

Luxembourg

0,996

408

France

0,43

11 057

Source : OCDE.

Les États-Unis représentent un cas particulier : plus gros contributeurs à l’aide publique au développement en valeur absolue avec 35,3 milliards de dollars en 2017, ils ne consacrent en réalité qu’une petite partie de leur RNB à cette aide (0,18 %).

Néanmoins, la nature des dépenses financées fait apparaître une situation plus contrastée. En effet, alors que l’aide au développement fait l’objet d’un large consensus dans les pays nordiques, le niveau de l’effort allemand est fortement lié aux dépenses engagées pour l’accueil des réfugiés, qui représentent 25 % de l’aide allemande en 2017.

Néanmoins, les règles de calcul de l’OCDE n’autorisent à prendre en compte ces dépenses au titre de l’APD que la première année de l’accueil, ce qui explique la baisse observée par rapport à 2016. La coalition gouvernementale s’est néanmoins engagée à atteindre le ratio de 0,7 %, dont entre 0,15 à 0,2 % pour l’aide aux pays les plus pauvres.

 

 

Le cas du Royaume-Uni souligne les effets d’un engagement gouvernemental fort en faveur de l’APD. Alors que la trajectoire de réduction de la dépense publique y a été très volontaire ces dernières années, l’objectif des 0,7 % du RNB consacrés à l’aide au développement a été atteint en 2013 et maintenu depuis. Le Royaume-Uni a ainsi consacré 18 milliards de dollars à l’APD en 2017, dont 11 milliards de financements bilatéraux, soit 61 % du total de son aide.

L’effort français en matière d’aide au développement atteint pour sa part 0,43 % du RNB en 2017 – ce qui en fait néanmoins le troisième bailleur de fonds du G7 en pourcentage du revenu national. Cet effort est en baisse depuis 2010 comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Effort des principaux pays européens en matière d’APD

(en % du RNB)

Source : OCDE.

B.   L’aide de la France ne bénéficie pas aux pays qui en ont le plus besoin

1.   Une part limitée de l’aide soutient les pays les moins avancés et prioritaires

La France cherche à concentrer son effort de solidarité dans un nombre restreint de 19 pays prioritaires. Conformément aux décisions prises à partir de 2014, la France doit verser au moins la moitié des subventions de l’État et les deux tiers de celles mises en œuvre par l’AFD à un nombre limité de pays prioritaires.

Les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018 prolongent ces orientations. Il prévoit que la moitié de l’effort en subvention de l’État et les deux-tiers des subventions mises en œuvre par l’AFD bénéficieront aux 19 pays prioritaires.

Les pays prioritaires de l’aide française

Autres Catégories de pays et territoires éligibles à l’APD selon l’OCDE

 

47 pays les moins avancés (PMA)

Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Bhoutan, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Comores, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Îles Salomon, Kiribati, Lesotho, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Népal, Niger, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République démocratique populaire lao (Laos), République Unie de Tanzanie, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Sud-Soudan, Tchad, Timor-Leste, Togo, Tuvalu, Vanuatu, Yémen et Zambie.

 

Pays à faible revenu

Pays à revenu intermédiaire tranche inférieure (PRITI)

Pays à revenu intermédiaire tranche supérieure (PRITS)

RNB/habitant inférieur ou égal à 1 005 dollars américain en 2016

RNB/habitant compris entre 1 006 et 3 955 dollars américains en 2016

RNB/habitant compris entre 3 956 et 12 235 dollars américains en 2016

République populaire démocratique de Corée, Zimbabwe

Arménie, Bolivie, Cabo Verde, Cameroun, Cisjordanie et bande de Gaza, Congo, Côte d’Ivoire, Égypte, El Salvador, Géorgie, Ghana, Guatemala, Honduras, Inde, Indonésie, Jordanie, Kenya, Kirghizistan, Kosovo, Maroc, Micronésie, Moldova, Mongolie, Nicaragua, Nigeria, Ouzbékistan, Pakistan, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, République arabe syrienne, Sri Lanka, Swaziland, Tadjikistan, Tokélaou, Tuniqué, Ukraine et Vietnam.

Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Azerbaïdjan, Belarus, Belize, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Brésil, Chine, Colombie, Costa Rica, Cuba, Dominique, Équateur, ARYM, Fidji, Gabon, Grenade, Guinée équatoriale, Guyana, Îles Cook, Îles Marshall, Iran, Iraq, Jamaïque, Kazakhstan, Liban, Libye, Malaisie, Maurice, Mexique, Monténégro, Montserrat, Namibie, Nauru, Niu, Palaos, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Sainte-Hélène, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Samoa, Serbie, Suriname, Thaïlande, Tonga, Turkménistan, Turquie, Venezuela, Wallis-et-Futuna

Source : OCDE.

Or, l’aide publique au développement française connaît aujourd’hui certains biais qui interrogent son efficacité. Comme l’indique le tableau ci-dessous, la part de l’aide française versée aux 47 pays les moins avancés (22 %) est comparable à celle bénéficiant aux pays de la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire (26 %).

Aide Publique au Développement française en fonction des pays receveurs

(en millions d’euros)

 

2016

Pays les moins avancés (PMA), total

1 902

22 %

Autres pays à faible revenu (PFR)*, total

134

2 %

Pays à revenu intermédiaire tranche inférieure (PRITI), total

2 128

25 %

Pays à revenu intermédiaire tranche supérieure (PRITS), total

2 246

26 %

Pays en développement non spécifiés par revenu

2 201

26 %

* République populaire démocratique de Corée et Zimbabwe

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

L’évolution observée ces dernières années n’est pas favorable, puisque la France consacrait encore 29 % de son aide aux PMA et 24 % aux PRITS en 2013. L’effort bilatéral français en faveur des PMA atteint 0,08 %, alors même que la France souscrit à l’objectif européen d’atteindre les 0,20 %. Des pays comme la Suède (0,26 %) ou le Royaume-Uni (0,22 %) ont déjà atteint cette cible.

Montants d’APD versés aux 19 pays prioritaires

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017*

APD bilatérale nette

687

724

767

613

716

Dons hors Annulations de dette et refinancements

556

558

530

509

536

Prêts bruts

126

240

207

185

253

Prêts nets

69

163

123

141

179

Annulations de dette et refinancements nets

62

3

116

-37

1

APD multilatérale imputée

405

365

497

499

nc

APD totale

1 092

1 089

1 264

1 112

 

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Les financements reçus en 2016 par les 19 pays prioritaires sont retracés dans le tableau ci-dessous.


APD versée aux pays prioritaires de l’aide française

(en millions d’euros)


Pays du Sahel

Autres pays prioritaires

Burkina Faso

98

Bénin

42

Mali

96

Burundi

19

Mauritanie

24

Comores,

20

Niger

106

Djibouti

48

Tchad

58

Éthiopie

126

Total Sahel

382

Gambie

5

 

 

Guinée

47

 

 

Haïti

54

 

 

Liberia

15

 

 

Madagascar

69

 

 

République centrafricaine

48

 

 

RDC

111

 

 

Sénégal

102

 

 

Togo

28

Total 19 pays prioritaires

1 112


—  1  —

Source : commission des finances.

Les 19 pays prioritaires reçoivent ainsi, en 2016, seulement 12,8 % de l’aide publique au développement française. L’aide au développement que la France verse aux pays du Sahel est particulièrement peu adaptée à la situation de fragilité que ces derniers connaissent.

L’aide publique au développement française au Sahel

Les pays du Sahel constituent une priorité géographique particulièrement importante pour l’aide française, au regard des fragilités de la zone et de la capacité limitée des États à financer les investissements de base au profit de la population.

En 2016, la France leur a alloué un montant d’aide total de 485 millions d’euros, dont 304 millions d’euros d’aide bilatérale.

Aide bilatérale allouée aux pays du Sahel

(en millions d’euros) 

Source : ministère de l’intérieur.

En 2019, 429 millions d’euros d’aide bilatérale et multilatérale imputée sont prévus pour le Sahel. Cette somme ne représente que 5 % de l’aide française et est inférieure aux dépenses militaires du pays dans la zone (573 millions d’euros en 2015 pour l’opération Barkhane). Par ailleurs, les prêts sont l’outil le plus mobilisé, alors même que la fragilité des pays de la zone incite les autres bailleurs nationaux multilatéraux à recourir presque exclusivement au don.

Le Sahel devra ainsi faire l’objet d’une attention particulière dans la nouvelle trajectoire de l’aide française. S’il reste difficile d’estimer la part de l’effort financier qui viendra soutenir les pays de la zone, plusieurs projets ont été mis en œuvre par l’AFD qui témoignent d’une attention renouvelée à la zone.

Dans le cadre de l’initiative Tiwara évoquée plus loin et de l’Alliance Sahel, un projet de soutien à la jeunesse et aux collectivités locales pour la formation et l’emploi de 10 millions d’euros a été initié en mars 2018 pour 4 ans. Ce projet doit bénéficier à 3 000 personnes de 14 à 40 ans en leur permettant de se former et de trouver un emploi.

Le programme régional intégré « Trois frontières » mené conjointement par l’AFD, Expertise France et la direction de la coopération et de la sécurité (DCSD) du ministère des affaires étrangères est actif aux frontières du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Il doit soutenir le redémarrage de l’activité économique et favorise le renforcement de l’État de droit dans la zone frontalière.

L’aide française bénéficie encore essentiellement à des pays à revenu intermédiaire (PRI), comme l’indique la liste des 10 pays les plus aidés en 2016. Parmi ces pays, 5 font partie de la tranche supérieure (PRITS), la dernière catégorie de pays éligibles à l’APD. Les autres font partie de la tranche intermédiaire (PRITI).

Les 10 premiers bénéficiaires de l’APD française en 2016

(en millions d’euros)

Rang

Pays

Montant d’APD brute reçu en 2016

1

Turquie

613

2

Maroc

518

3

Jordanie

306

4

Côte d’Ivoire

298

5

Égypte

276

6

Cameroun

262

7

Inde

256

8

Colombie

215

9

Tunisie

191

10

Mexique

183

Source : document de politique transversale.

Le premier pays prioritaire de cette liste est la République démocratique du Congo (RDC), qui occupe la treizième place avec une aide totale de 136 millions d’euros.

L’aide française ne bénéficie dès lors pas aux pays qui en ont le plus besoin. Le rapporteur spécial s’interroge ainsi sur l’efficacité d’une politique d’aide au développement qui jusqu’ici a essentiellement permis de soutenir des pays à revenu intermédiaire.

Le Gouvernement s’est néanmoins engagé ces dernières années dans un rééquilibrage de l’aide vers les pays les plus défavorisés.

Ainsi, les crédits du Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), instrument d’aide projet du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) doivent désormais être engagés à hauteur de 50 % au bénéfice des 19 pays pauvres prioritaires (PPP). Cet instrument est un complément essentiel à l’aide projet gérée par l’AFD, puisqu’il permet au ministère de couvrir un ensemble de projets de faible envergure (moins d’un million d’euros) mais à fort impact.

Au niveau européen, la France parvient à faire valoir ses intérêts. Ainsi, sur la période 2014-2020, environ 19 % des ressources du FED (soit 5,8 milliards d’euros) sont octroyées aux pays prioritaires (21,75 % en 2015), et cinq des pays prioritaires figurent parmi les 10 pays les plus aidés par le FED.

Enfin, les principales institutions multilatérales auxquelles participe la France sont fortement orientées vers les PMA, comme le souligne l’indicateur 1.1 du PAP évoqué cidessus : en 2017, 74 % des ressources des banques multilatérales de développement ont été affectées aux 47 pays les moins avancés, en forte hausse par rapport à 2016 (64 %).

2.   La préférence française pour le prêt n’est pas propice au soutien des pays les plus fragiles

Comme le notait le rapporteur spécial à l’occasion de l’examen des crédits demandés pour 2018 au titre de la mission Aide publique au développement, la concentration de l’aide française sur les pays à revenus intermédiaire s’explique notamment par la tendance à recourir de plus en plus aux prêts.

Sur la dernière décennie, les dons ont en moyenne représenté 67 % de l’APD brute française : c’est 15 points de moins que pour l’ensemble des pays donateurs de l’OCDE. La croissance des prêts par rapport aux dons a commencé en 2008 : leur part est passée de 9 % en 2007 à 32 % en 2015, alors qu’elle restait relativement stable (de 9 % à 12 %) chez l’ensemble des donneurs de l’OCDE.

Évolution de la répartition entre dons et prêts

Sources : OCDE, CAD 1 et CAD 2a.

Les prêts présentent en effet l’avantage de pouvoir, grâce à l’effet de levier, maximiser le montant de l’aide tout en minimisant son coût budgétaire. Ce choix de l’État est manifesté par l’indicateur 2.1 du programme 110 qui rend compte de l’effet de levier (montant d’aide au développement apportée par l’AFD sous forme de prêt par euro de subvention de l’État).

Or, la recherche de l’effet de levier maximum a un effet sur les pays destinataires de cette aide. En effet, plus le pays est considéré comme sûr, plus l’effet de levier pourra être fort. Ainsi, en 2016, l’effet de levier des PMA bénéficiaires de prêts était de 7,5, contre 55 pour les pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure (PRITS). La recherche de l’effet de levier conduit donc à aider davantage les pays les plus sûrs au détriment des pays les plus vulnérables que sont les PMA.

II.   Le budget pour 2019 traduit un effort financier important et un renouvellement des outils de l’aide au développement

Les constats exposés plus haut ont motivé une réforme ambitieuse de l’aide publique au développement française, annoncée par les conclusions du Comité interministériel de coopération internationale et de développement (CICID) du 8 février 2018.

A.   Les nouvelles priorités du gouvernement ont guidé l’élaboration du budget de l’aide au développement

Les crédits demandés en 2019 au titre de la mission Aide publique au développement traduisent effectivement les nouvelles orientations de l’aide française.

1.   Le budget 2019 s’inscrit de façon cohérente dans la trajectoire des 0,55 %

Comme le notaient les députés Rodrigue Kokuendo et Bérangère Poletti dans un récent rapport ([1]), l’augmentation envisagée revient à passer d’un total d’aide de 10,588 milliards d’euros à 14,270 milliards, soit une augmentation de près de 3,682 milliards d’euros, ou environ 35 % en quatre ans. Cela représente un effort considérable.

Les crédits demandés en 2019 s’inscrivent dans cette trajectoire.

évolution des crédits de la mission

 

2018

2019

Différence

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P110

840 500 721

961 413 997

1 310 045 000

1 079 032 439

+ 469 544 279

+ 117 618 442

P209

1 843 426 432

1 739 101 535

3 209 353 520

2 018 743 769

+ 1 365 927 088

+ 279 642 234

Total mission

2 683 927 153

2 700 515 532

4 519 398 520

3 097 776 208

+ 1 835 471 367

+ 397 260 676

Source : PAP 2019.

Le transfert des crédits de bonification des prêts depuis le programme 853 vers le programme 110 (545 millions d’euros en 2018) entraîne une augmentation des autorisations d’engagement de la mission de 1,8 milliard d’euros. À périmètre budgétaire constant, la progression de ces crédits est cependant due essentiellement à la hausse des autorisations d’engagement du programme 209 au titre du financement de l’aide-projet de l’AFD.

En cohérence avec les annonces faites par le Gouvernement et avec l’objectif d’atteindre les 0,55 % du revenu national brut en 2022, les autorisations d’engagement de la mission augmentent fortement en 2019. Cette hausse est sans équivalent dans le reste du budget général de l’État. L’effort porte essentiellement sur le programme 209, avec une hausse de l’ordre de 1,37 milliard.

Les crédits de paiement augmentent moins vite, de + 14,71 %, à hauteur de 397 millions d’euros. Certains acteurs de l’aide au développement voient dès lors dans la trajectoire française une hausse en trompe-l’œil puisque, en soustrayant la part de la taxe sur les transactions financières affectée à l’AFD réintégrée dans le budget de l’État, l’effort financier en crédits décaissables en 2019 n’atteindrait qu’environ 130 millions d’euros.

Le rapporteur spécial ne s’associe pas à ces critiques. Les projets en matière d’aide au développement prennent du temps, parfois entre 5 et 7 ans pour les dons-projets de l’AFD. La hausse des autorisations d’engagement est un préalable indispensable pour permettre d’identifier les projets éligibles à l’aide française, et représente en 2019 un effort très sensible demandé à la Nation. Prévoir une trajectoire aussi ambitieuse en crédits de paiement dès l’année prochaine aboutirait vraisemblablement à une sous-consommation des crédits.

L’attribution des crédits de paiement nécessaires pour couvrir ces engagements fera néanmoins l’objet, à l’occasion de l’examen des prochains projets de budget, de toute l’attention du rapporteur spécial.

2.   L’effort devra être poursuivi à un niveau similaire dans les prochains budgets

Le Gouvernement a annoncé une hausse graduelle du taux d’effort français pour l’aide au développement.

trajectoire envisagée de l’effort financier de la France

 

2018

2019

2020

2021

2022

Taux d’effort (en %)

0,44

0,44

0,47

0,51

0,55

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Cette évolution, qui émane du relevé de conclusions de la réunion du CICID de février 2018, n’a pas été formalisée dans une disposition législative approuvée par le Parlement et reste la seule indication chiffrée de la trajectoire financière envisagée par le Gouvernement. Il n’a pas été communiqué, à ce stade, d’éléments plus précis concernant les volumes de crédits concernés ni la répartition des efforts selon les différents vecteurs de l’aide.

Une programmation plus précise est néanmoins déclinée jusqu’en 2020 uniquement dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022.

Plafond de crédits de la Loi de programmation des finances publiques
2018-2022

(en milliards d’euros de crédits de paiement)

 

2017

2018

2019

2020

Mission Aide publique au développement

2,58

2,68

2,81

3,10

La différence observée entre loi de programmation et loi de finances pour 2019 s’explique par le surcroît de recettes pour l’État lié à la réintégration de la taxe sur les transactions financières (TTF), à hauteur de 270 millions d’euros. Le plafond des crédits de paiement fixé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) en 2020 devrait donc être augmenté de cette même somme afin de prolonger la logique.

Néanmoins, l’augmentation prévue devra s’appuyer sur les dépenses dites « pilotables », soit la mission budgétaire Aide publique au développement et le Fonds de solidarité pour le développement (FSD). Les autres dépenses incluses dans le document de politique transversale (DPT) Politique française en faveur du développement (aide aux réfugiés, écolage, certaines dépenses en faveur des territoires d’outre-mer) ainsi que les contributions aux Fonds européens de développement (FED) dépendent en effet moins des choix gouvernementaux.

Le rapporteur spécial note que l’essentiel de l’effort annoncé porte sur la fin du quinquennat (+ 0,04 point en 2020 et 2021). Il sera ainsi particulièrement attentif à ce que ces annonces soient respectées.

Néanmoins, la révision de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, prévue par son article 15, pourrait être l’occasion d’inscrire dans la loi une programmation budgétaire plus complète et plus rigoureuse que celle en vigueur actuellement. Le Gouvernement a annoncé qu’une telle loi devrait être présentée au printemps 2019.

Le rapporteur spécial sera très attentif à ce que la trajectoire de l’aide soit précisée de façon suffisamment fine pour assurer la pleine information du Parlement et du citoyen. Les montants d’aide devront être exposés en détail, ainsi que les outils privilégiés et la part des différents canaux de versement de l’aide. Aux côtés de l’examen des crédits de la mission Aide publique au développement au moment du projet de loi de finances, la discussion de cette future loi doit être un moment privilégié de réflexion sur les orientations de l’aide française.

3.   Les outils de l’aide seront renouvelés afin de les adapter aux nouvelles priorités stratégiques

Les nouvelles orientations de l’aide françaises traduisent la volonté de renforcer la part du canal bilatéral dans le versement de l’aide ainsi que la part du don.

a.   La part bilatérale de l’aide sera augmentée afin de mieux traduire les priorités françaises

La part de l’aide française transitant par le canal bilatéral (58 %) est singulièrement plus faible que la moyenne de l’OCDE (74 %). Elle a connu une baisse importante sur les dernières décennies, puisque 78 % de son aide transitait par le canal bilatéral en 1990.

Part de l’aide selon le type de canal emprunté

(montants en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les mérites respectifs de l’aide bilatérale et multilatérale sont débattus.

– L’aide multilatérale doit permettre une démultiplication de l’influence de la France qui, à condition de verser des contributions significatives, se trouve représentée au sein des grandes instances internationales dont elle peut alors contribuer à définir l’orientation, ce qui en retour nous permet de bénéficier de leur soutien pour l’atteinte de nos objectifs. Le risque est celui de la dispersion, la participation à un nombre trop élevé d’institutions multilatérales pouvant diluer l’aide et les priorités françaises.

– À l’inverse, l’aide bilatérale permet de concentrer efficacement les financements français, sur des partenaires et des secteurs identifiés comme prioritaires. Le risque est cette fois d’aboutir à une aide trop concentrée sur un nombre restreint de pays et de thématiques pour porter efficacement la stratégie française.

Si chacun de ces vecteurs de l’aide présente des avantages, la part de l’aide multilatérale apparaît aujourd’hui trop importante. Le Gouvernement s’est ainsi engagé à procéder à un rééquilibrage en faveur de l’aide bilatérale, comme l’indiquent les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018 : « les deux-tiers de la hausse moyenne cumulée des autorisations d’engagement de la mission budgétaire APD d’ici à 2022 contribueront à la composante bilatérale de l’APD ». De fait, la composante bilatérale de l’aide augmente fortement dans le PLF pour 2019 (+ 1,37 milliard sur le programme 209 soit + 51 % an AE) alors même que la part multilatérale tend à décroître.

Le rapporteur salue cette nouvelle orientation de l’aide, qui doit renforcer la capacité de la France à porter ses priorités sur la scène internationale. Néanmoins il tient à souligner que, contrairement à l’aide multilatérale, qui consiste en des versements ponctuels à des organismes internationaux, l’augmentation de l’aide bilatérale suppose en amont un travail d’identification et de supervision de projets, et donc une augmentation des moyens des administrations chargées de l’aide bilatérale et des moyens de l’AFD.

Il veillera donc à ce que la réalisation des ambitions de la France ne se traduise pas par une augmentation trop importante des moyens humains et matériels dédiés à la gestion de l’aide.

b.   La part du don doit être renforcée afin de faire correspondre les priorités politiques et les outils de l’aide

Le relevé de conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 indiquait « qu’en vue d’engager résolument la hausse de notre aide bilatérale et des dons projets vers les pays prioritaires, l’AFD bénéficiera de moyens accrus, y compris au moins un milliard d’autorisations d’engagements dès 2019 ».

Le rapporteur spécial constate avec satisfaction que cette orientation est effectivement mise en œuvre dans le projet de loi de finances pour 2019. Les autorisations d’engagement au titre de l’aide projet de l’AFD augmentent ainsi de 1,2 milliard financé depuis le programme 209.

Le don permet en effet d’atteindre plus facilement les 19 pays prioritaires de l’aide française, pour lesquels le prêt est moins intéressant étant donné les faibles perspectives de rentabilité.

B.   Les crédits de la mission Aide publique au développement déclinent ces nouvelles orientations stratégiques

La mission Aide publique au développement regroupe deux programmes sous la responsabilité respective du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère en charge de l’économie et des finances. Les crédits demandés en 2019 viennent traduire les nouvelles orientations du Gouvernement pour l’aide française.

1.   Le programme 110 Aide économique et financière au développement

Le programme 110 Aide économique et financière au développement est placé sous la responsabilité de la direction générale du Trésor (DGT) du ministère en charge de l’économie.

Les crédits en autorisations d’engagement du programme progressent fortement entre 2018 et 2019 (+ 56 %). Cela tient à la réintégration de l’ensemble des crédits de bonifications de prêts de l’Agence française de développement (AFD) au sein du programme 110. À la suite d’une requalification statistique, les crédits de bonification du programme 853, rattaché au compte de concours financiers Prêts à des États étrangers sont désormais classés en dépense publique au sens du traité de Maastricht. Il a donc été décidé de financer la bonification des prêts uniquement à partir du programme 110 à partir de l’exercice 2019. Ainsi, la bonification de prêt sur l’action progresse de 624,5 millions d’euros d’autorisations d’engagement entre 2018 et 2019.

Évolution des crédits du programme 110

 

Exécution 2017

2018

2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 Aide économique et financière multilatérale

1 426 150 795

576 427 944

430 870 721

594 361 154

71 515 000

648 391 535

02 Aide économique et financière bilatérale

323 866 562

248 117 058

409 630 000

263 001 153

1 238 530 000

338 594 551

03 Traitement de la dette des pays pauvres

404 065 435

107 444 404

0

104 051 690

0

92 046 353

Total

2 154 082 793

931 989 406

840 500 721

961 413 997

1 310 045 000

1 079 032 439

Évolution par rapport à N-1

302,62 %

4,60 %

-60,98 %

3,16 %

55,86 %

12,23 %

Source : RAP 2016 et 2017 et PAP 2018 et 2019.

Le programme rassemble également les crédits destinés aux banques et fonds multilatéraux de développement, à la bonification des prêts de l’Agence française de développement (AFD) ainsi qu’au financement des annulations de dette multilatérale et bilatérale.

a.   L’aide économique et financière multilatérale

Les crédits demandés au titre de l’action 01 Aide économique et financière multilatérale dépendent essentiellement des financements accordés aux organisations internationales et du rythme de reconstitution des différents fonds sectoriels. Le rythme des autorisations d’engagement est ainsi très irrégulier et il ne faut donc pas voir dans la forte baisse observée sur l’action entre 2018 et 2019 un choix budgétaire défavorable à l’action multilatérale de la France en matière d’aide au développement. De nombreuses décisions de reconstitution devraient d’ailleurs intervenir en 2020, ce qui nécessitera d’abonder de nouveau l’action de façon importante.

Évolution des crédits de l’aide multilatérale du programmE 110

Source : RAP 2016 et 2017, PAP 2018 et 2019

La hausse marquée des autorisations d’engagement en 2017 était en effet liée au renouvellement de l’engagement de financement de l’Association internationale de développement, qui constitue le guichet concessionnel en charge du versement des fonds alloués par la Banque mondiale, à hauteur de 1,06 milliard d’euros d’autorisations d’engagement.

En 2019, les principales organisations internationales financées sont retracées dans le tableau ci-après.


financement des institutions multilatérales
et des principaux fonds internationaux en 2019

(en millions d’euros de crédits de paiement)

 

CP pour 2019

Groupe de la Banque mondiale (BM)

346,54

Banque africaine de développement (BAfD)

123,17

Banque asiatique de développement (BAsD)

11,50

Fonds pour l’environnement mondial (FEM)

56,6

Fonds international de développement agricole (FIDA)

12,3

Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal (FMPM)

11,3

Source : PAP 2019.

Les décaissements sont également importants au titre des grands programmes de l’ONU :

– Le Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) ;

– Le Programme alimentaire mondial (PAM) qui agit contre la faim et la malnutrition ;

– Le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF) ;

– L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ;

– Le programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) ;

– L’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Contribution 2018 de la France aux grands programmes de l’ONU

(en millions d’euros)

 

Contribution française en 2018

Rang de la France parmi les donateurs

HCR

32,9

17

PAM

0,1

20

UNICEF

10,7

18

UNRWA

9

18

PNUD

8,8

28

OMS

0,3

15

Total

61,8

 

La France effectue un suivi de l’action de ces institutions multilatérales afin d’aligner leurs priorités avec les siennes. Ainsi, l’indicateur 1.1 du programme 110 retrace la part des ressources subventionnées de ces institutions qui sont affectées aux zones géographiques prioritaires. Par ailleurs, le calcul de l’aide multilatérale imputée à la France indique qu’une part importante de cette aide est reversée à la géographie prioritaire de la France, en particulier l’Afrique subsaharienne.

Répartition géographique de l’APD multilatérale imputée à la France
en 2016

Montant (en millions d’euros)

Part dans l’APD multilatérale imputée totale (en %)

Afrique, total

1 535

43,73

dont Afrique sub-saharienne (interventions mono-pays)

1 195

34,05

dont Afrique du Nord

213

6,08

dont Afrique sub-saharienne (interventions régionales)

126

3,60

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial sera attentif au suivi de ces indicateurs, au regard de l’importance des crédits accordés à l’aide multilatérale. Ils permettent en effet de s’assurer que les crédits alloués aux organisations internationales financent effectivement les priorités françaises.

b.   L’aide économique et financière bilatérale

La direction générale du Trésor gère trois types d’aides bilatérales retracées dans l’action 02 Aide économique et financière bilatérale : la bonification des prêts de l’AFD, les aides budgétaires globales et la coopération technique.

Les crédits dédiés à la bonification des prêts de l’AFD, sont en forte hausse sur le programme en raison du transfert des crédits du programme 853, qui comptait 545 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2018. Le programme 110 a désormais vocation à couvrir l’ensemble des crédits de bonification de prêts, ce qui est un facteur de lisibilité.

L’activité de prêt de l’AFD en 2017

En 2017, l’AFD a octroyé 4,6 milliards d’euros de prêts concessionnels dans les États étrangers, dont 4 milliards de prêts souverains et 0,6 milliard à des entités non souveraines.

Par ailleurs, 2,3 milliards d’euros de prêts ne faisant pas appel à des crédits budgétaires de l’État ont été octroyés, notamment par la filiale Proparco de l’AFD destinée au secteur privée.

L’aide bilatérale gérée par la direction générale du Trésor comprend également les aides budgétaires globales dont l’objectif est d’apporter un soutien budgétaire de stabilisation macroéconomique ou un appui aux stratégies nationales ou régionales de développement. Étant donné leur caractère peu pilotable au regard des objectifs stratégiques de la France en matière d’aide, il ne s’agit pas d’un outil privilégié, et leur montant reste stable en 2019 avec 60 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement.

En dernier lieu, des crédits sont prévus au titre du financement des actions l’expertise et de l’ingénierie, qui comprennent trois subventions :

– au Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP), à hauteur de 20 millions d’euros ;

– à l’établissement « Expertise France » pour 5,85 millions d’euros ;

– au programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC) avec 4,5 millions d’euros de crédits de paiement.

c.   Le traitement de la dette des pays pauvres

Le volume de crédits demandés au titre du programme dépend également des décisions d’annulation de dettes au niveau multilatéral dans le cadre du Club de Paris ou au niveau bilatéral selon les règles fixées par les accords dits « Dakar I » et « Dakar II » annulant l’encours des créances d’aide publique au développement sur certains pays d’Afrique subsaharienne.

Le programme 110 porte les crédits dédiés au financement des annulations de dette bilatérale.

Aucune nouvelle annulation de dette bilatérale n’est prise en charge en 2018 et 2019, ce qui explique l’absence d’autorisations d’engagement sur les deux derniers exercices. Les crédits de paiement, qui atteignent 91 millions d’euros, servent à couvrir les allégements passés. Trois pays risquent encore d’occasionner des charges pour la France au titre de l’allégement du stock de leur dette : le Soudan, la Somalie et l’Érythrée.

Le financement des annulations de dette est également porté par le programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dette envers la France du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers. Il doit être abondé de 245 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en 2019.


2.   Le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement

Le programme 209 est placé sous la responsabilité du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE).

Évolution des crédits du programme

 

Exécution 2017

2018

2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02 Coopération bilatérale

456 139 670

480 177 265

683 247 317

573 209 159

1 989 773 453

793 450 441

05 Coopération multilatérale

151 167 102

157 008 502

145 095 739

150 809 000

188 395 739

194 109 000

07 Coopération communautaire

742 450 744

742 450 744

849 852 395

849 852 395

878 033 740

878 033 740

08 Dépenses de personnels concourant au programme

177 674 217

177 624 217

164 313 981

164 313 981

153 150 588

153 150 588

09 Actions de codéveloppement

1 624 324

2 911 568

917 000

917 000

0

0

Total

1 529 056 057

1 560 172 296

1 843 426 432

1 739 101 535

3 209 353 520

2 018 743 769

Évolution par rapport à N-1

 3,30 %

0,33 %

20,56 %

11,47 %

74,10 %

16,08 %

Source : RAP 2016 et 2017, PAP 2018 et 2019

L’action 08 rassemble les dépenses de personnel relatives au programme 209. Ces crédits financent 1 513 équivalents temps plein travaillé (ETPT) des différentes directions de la direction générale de la mondialisation (DGM) du ministère des affaires étrangères et, dans les pays non éligibles à l’aide au développement, des services de coopération et d’action culturelle (SCAC) et des établissements culturels. Le rapporteur spécial souligne le manque de lisibilité des documents budgétaires sur ces effectifs, puisqu’il est indiqué que ces personnels sont en charge à la fois du programme 209 et du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence qui relève d’une autre mission budgétaire.

L’action 09 n’a plus été abondée à partir de 2017, mais des redéploiements internes avaient été rendus nécessaires afin de couvrir des crédits en cours sur les deux dernières années. Aucun crédit n’est demandé pour 2019.

a.   L’aide projet et la coopération bilatérale

Le programme 209 porte l’essentiel de la hausse des autorisations d’engagement prévues (+ 1,37 milliard) afin de traduire les nouvelles orientations de l’aide française telles qu’issues des conclusions du CICID du 8 février 2018. Il a vocation à mettre en œuvre deux des nouvelles priorités : le renforcement de la part de l’aide transitant par le canal bilatéral – deux tiers des moyens additionnels d’ici à 2022 – et le doublement du volume d’aide transitant par les organisations non gouvernementales (ONG).

Les crédits demandés doivent également financer les instruments bilatéraux de réponse aux urgences humanitaires, que la France cherche en effet à développer afin de renforcer ses capacités de réponse aux crises et de stabilisation des contextes de fragilités. La mission de stabilisation relevant du Centre de crise et de soutien (SDCS) du MEAE est dotée de crédits supplémentaires en 2019, de même que la facilité d’atténuation des vulnérabilités dite « Minka » de l’Agence française de développement présentée plus loin. Les crédits demandés au titre de l’opération « Gestion et sortie de crise » augmentent ainsi de 13,7 millions d’euros, soit + 16 %.

Le programme porte également la rémunération de l’AFD pour les prestations réalisées pour le compte de l’État, à hauteur de 98,9 millions d’euros en 2019. Cette dépense est en forte hausse par rapport au niveau demandé en 2018 (34,5 millions d’euros, soit + 187 %). En effet, les modalités de calcul de la rémunération versée à l’AFD sont fixées par la convention-cadre du 4 janvier 2007 entre l’AFD et l’État.

Au regard des nouvelles orientations de l’aide française et des nouveaux objectifs fixés à l’Agence, une révision des modalités de rémunération inscrites dans la convention-cadre, qui devrait aboutir en 2019, permettra d’encadrer la hausse de la rémunération de l’AFD en lien avec l’augmentation de son activité, tout en préservant l’équilibre financier du groupe.

Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif à la révision de cette convention-cadre. Il importe aujourd’hui de prévoir une rémunération qui corresponde effectivement aux coûts engagés par l’AFD pour permettre l’augmentation de son activité, tout en favorisant la réalisation de gains de productivité et d’économies d’échelle au sein de l’Agence.

Cette révision devra également prendre en compte la réorientation de l’aide française en faveur du don, qui devrait modifier l’équilibre financier du groupe, et prévoir les modalités d’accélération des processus de décaissement des crédits au sein de l’Agence.

b.   Les contributions multilatérales et communautaires

Le programme 209 finance par ailleurs les contributions volontaires aux Nations-Unies. Témoins de l’engagement de la France en faveur du multilatéralisme, ces contributions sont portées à 109,6 millions d’euros, en hausse de 17 % par rapport à 2018.

La priorité à l’éducation fixée par le Gouvernement se traduit également en 2019 avec un abondement du Partenariat mondial pour l’éducation à hauteur de 26 millions d’euros, contre 20 millions en 2018 – dont 6 financés sur le programme 209, et 14 par le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui est un outil extrabudgétaire financé par taxe affectée.

En dernier lieu, le programme 209 rassemble les crédits destinés à financer le Fonds européen de développement (FED). Avec un versement de 4,43 milliards pour la période 2014-2020, la France est le deuxième contributeur européen derrière l’Allemagne. Ces crédits atteignent 878 millions d’euros en 2019, en hausse de 3,3 % par rapport à 2018.

Le FED permet à la France de porter ses priorités géographiques puisque 23,7 % des crédits du 11e FED bénéficient aux 19 pays prioritaires de l’aide française.

3.   Le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers

Les quatre programmes du compte de concours financiers sont sous la responsabilité de la direction générale du Trésor.

Le programme 851 Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France finance des projets participant au développement de pays étrangers en faisant appel à des biens et services produits en France. C’est l’un des instruments de « l’aide liée » évoquée plus loin.

Le programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France retrace l’effort financier de la France en matière d’allégement de la dette dans le cadre de l’initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE).

Le programme 853 Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers finançait, avant 2019, une partie de la bonification des prêts de l’AFD. La baisse des crédits du compte de concours financiers vient de la requalification des crédits de bonification des prêts de l’AFD à partir du programme 853 en dépense publique au sens du traité de Maastricht. Il a donc été décidé de regrouper les crédits finançant la bonification des prêts de l’AFD sur le programme 110. Le programme 853 n’a donc plus vocation à recevoir de nouvelles autorisations d’engagement.

Le programme 854 Prêts à des États étrangers dont la monnaie est l’euro a été mis en place en 2010 afin d’accorder des prêts bilatéraux à la Grèce. Il ne devrait plus être sollicité à l’avenir en raison de la mise en œuvre d’outils européens de prêt (Fonds européen de stabilité financière puis Mécanisme européen de stabilité).


Crédits demandés en 2019 pour le Compte de concours financiers

 

2018

2019

Évolution programme

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P851

800 000 000

353 100 000

1 000 000 000

480 950 000

25,00 %

36,21 %

P852

268 450 000

268 450 000

245 350 000

245 350 000

– 8,60 %

– 8,60 %

P853

545 000 000

1 033 000 000

0

388 000 000

– 100,00 %

-

P854

0

0

0

0

-

-

Total

1 613 450 000

1 654 550 000

1 245 350 000

1 114 300 000

– 22,81 %

– 32,65%

Source : PAP 2019

4.   Les taxes fiscales affectées complètent les crédits de la mission

Souvent qualifiées de « financement innovant », les deux taxes fiscales affectées à l’aide publique au développement apportent une source importante de crédits supplémentaires.

La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), créée par la loi de finances rectificatives du 30 décembre 2005, est fondée sur l’article 302 bis K du code général des impôts (CGI). Il s’agit d’une contribution additionnelle à la taxe de l’aviation civile, assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués en France, qui est perçue au profit du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Le produit de la taxe est affecté au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) dans la limite d’un plafond de 210 millions d’euros qui résulte de l’article 46 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2018.

La taxe sur les transactions financières (TTF), prévue à l’article 35 ter ZD du CGI, a été créée par la loi de finances rectificatives du 8 février 2012. La taxe est assise sur les opérations d’achat d’actions de sociétés françaises. Elle est également perçue au profit du Fonds de solidarité pour le développement, dans la limite d’un plafond de 528 millions d’euros, la part restante revenant à l’État.

Évolution du montant des taxes affectées au développement

(en millions d’euros)

 

2016

2017

2018

2019

TSBA

210

210

210

210

TTF affectée au FSD

260

528

528

528

Total FSD

470

738

738

738

TTF affectée à l’AFD

237,1

270

270

0

Total taxes affectées au développement

707,1

1 008

1 008

738

Source : réponse au questionnaire budgétaire

L’article 29 du projet de loi de finances pour 2019 supprime la part de TTF affectée à l’AFD pour réintégrer les montants correspondants au budget général de l’État. 270 millions d’euros viennent ainsi abonder les crédits de la mission APD. Aussi, la réintégration de cette part de taxe affectée ne minore-t-elle en aucun cas l’effort français au titre de l’aide au développement.

Les circuits financiers des taxes affectées au développement demeurent complexes.

circuit des taxes affectées

 

C:\Users\CMICHE~1\AppData\Local\Temp\Untitled Diagram-6.jpg

 

 

C:\Users\CMICHE~1\AppData\Local\Temp\Untitled Diagram-5.jpg

 

 

Source : commission des finances

Aussi, le rapporteur spécial incite la Gouvernement à poursuivre la réflexion concernant la réintégration dans le budget général de l’ensemble des taxes affectées au financement du développement. Cela lui permettrait de profiter pleinement des possibilités offertes par la LOLF de dissocier la gestion des autorisations d’engagement et des crédits de paiement. En particulier, il éviterait ainsi l’accumulation de trésorerie au sein de structures extrabudgétaires.


III.   Les conditions du succès de la trajectoire de l’aide française doivent encore être réunies

Afin de s’assurer que les nouvelles orientations de l’aide française se concrétisent, plusieurs conditions doivent être réunies.

A.   Le renouvellement du pilotage stratégique et des outils de l’aide

Des priorités claires et un pilotage politique et stratégique volontaire doivent être fixés pour la politique française en faveur du développement.

1.   Un long processus de réforme qui aboutit à un faible pilotage stratégique de l’aide française

Le pilotage de l’aide française a fortement évolué depuis 1998 et la disparition du ministère de la Coopération. Autonome administrativement et budgétairement, il gérait les dons, alors que la Caisse centrale de coopération économique, ancêtre de l’AFD, octroyait et gérait les prêts.

La réforme du 4 février 1998 a abouti à la fusion du ministère de la Coopération et du ministère des affaires étrangères, le ministère des Finances conservant un rôle de représentation de la France au sein des institutions financières multilatérales. Elle a également dissocié la fonction stratégique de la fonction opérationnelle, confiée à l’AFD.

En dernier lieu, la réforme devait permettre de renforcer les dispositifs d’orientation, d’arbitrage et de coordination entre les acteurs avec la création du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) et du Haut conseil de la coopération internationale placé auprès du Premier ministre afin de rassembler les différents acteurs de l’aide (administrations centrales, collectivités, organisations non-gouvernementales, parlementaires, membres du Conseil économique, social et environnemental, représentants de la recherche, des syndicats et du secteur privé).

Le rôle de l’AFD dans la gestion opérationnelle des outils de l’aide a été progressivement renforcé, par exemple en 2009 avec le transfert depuis le ministère des affaires étrangères des initiatives concernant les ONG.

Ces réformes successives ont néanmoins abouti à un certain éclatement du pilotage politique et opérationnel de l’aide. Malgré la mise en place d’organes de coopération interministériels, avec en particulier la création d’un poste de ministre délégué au développement entre 2012 et 2017, le bicéphalisme entre direction générale de la mondialisation (DGM) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) et direction générale du Trésor (DGT) subsiste.

Il rend en particulier difficile le pilotage stratégique de l’aide, d’autant que ces deux directions ne contrôlent directement qu’un peu plus de 30 % du montant total de l’aide française.

La comparaison avec les modèles de gestion de l’aide en Europe souligne l’importance de l’unification de ce pilotage. Au Royaume-Uni, le Department for International Development (DFID) gère 72 % de l’aide britannique et considère ce chiffre comme insuffisant et préjudiciable à un bon pilotage.

2.   L’unification du pilotage politique et budgétaire de l’aide au développement est un horizon incontournable

La trajectoire d’augmentation de l’aide jusqu’à 0,55 % du revenu national brut impose de revoir le pilotage de la politique d’aide française au développement. L’augmentation des volumes financiers doit aller de pair avec une clarification des priorités et l’établissement d’une stratégie constante et volontaire.

Le rapporteur spécial salue les avancées esquissées ces derniers mois en la matière, avec la création d’un Conseil du développement présidé par le Président de la République. Il lui semble en effet que le chef de l’État occupe la position la plus adaptée pour permettre une articulation de la stratégie française en matière d’aide avec les autres politiques menées par la France.

La révision de la loi du 7 juillet 2014 de programmation et d’orientation doit néanmoins être l’occasion de préciser cette stratégie et de détailler la trajectoire des financements et des outils. Elle devra fournir un cadre plus précis que le prochain projet de budget devra respecter, au risque sinon de remettre en cause les orientations stratégiques esquissées.

3.   Les nouvelles orientations de l’aide au développement imposent de repenser les outils de l’AFD

La disparition du ministère de la Coopération en 1998 a entraîné, comme exposé plus haut, une dissociation de la fonction stratégique de conception et d’orientation de la politique d’aide, conservée par les ministères, et les fonctions opérationnelles de mise en œuvre et de gestion des outils, confiée à l’Agence française de développement (AFD).

L’Agence s’est vue progressivement confier des prérogatives supplémentaires, ce qui a permis d’unifier la mise en œuvre des crédits opérationnels. Aujourd’hui, les ministères gèrent peu de crédits d’APD qu’ils sont amenés à décaisser directement.

L’AFD a ainsi développé une expertise reconnue par les acteurs de terrain et un réseau étendu et dense d’implantations au sein des différents pays. De façon générale, l’Agence dispose de solides procédures de passation des marchés et de gestion des risques : les projets financés s’appuient pour l’essentiel sur des maîtrises d’ouvrage locales et sont accompagnés d’une assistance technique et d’un renforcement des capacités pour la maîtrise d’ouvrage.

Le rapporteur spécial a pu constater la qualité de l’action de l’AFD sur le terrain lors de son déplacement au Mali début 2018. Il salue le professionnalisme des équipes qui permet d’assurer une grande qualité aux projets portés. La coordination avec les équipes du ministère des affaires étrangères y est fructueuse, au bénéfice du pays aidé. La coopération des différents acteurs sur le terrain est parfois plus difficile.

Trois acteurs interviennent : le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’économie et des finances, à travers la mission économique, et l’AFD. Dans ce dispositif, l’ambassadeur doit jouer un rôle déterminant de coordination.

Le rapporteur spécial invite ainsi le Gouvernement à poursuivre ses réflexions concernant la rationalisation de la coordination au niveau local entre les différents acteurs de l’aide. Une institutionnalisation de la répartition des rôles et des procédures pourrait contribuer à réduire les tensions qui peuvent surgir entre les différents services.

Deux difficultés suscitent également l’inquiétude du rapporteur spécial concernant l’articulation des procédures de l’AFD avec les objectifs volontaristes du Gouvernement en matière d’aide publique au développement.

En premier lieu, il est essentiel de rendre l’Agence plus agile dans le processus de décision et de mise en œuvre des projets. Comme l’indique l’examen par les pairs de 2018 réalisé dans le cadre de l’OCDE, un manque de délégation d’autorité opérationnelle et une insuffisance de ressources humaines sur le terrain font que les projets sont largement instruits au siège, avec un manque de coordination avec les autorités nationales et de prises en compte de leurs besoins.

En particulier, le circuit décisionnel n’apparaît pas assez souple pour assurer un lien efficace entre aide d’urgence ou de stabilisation et soutien au développement. Entre l’engagement des crédits au titre d’un don-projet de l’AFD et le décaissement des crédits, il faut compter aujourd’hui entre 5 et 7 ans.


Cette durée est trop longue si le Gouvernement veut atteindre les 0,55 % du revenu national d’ici 2022, qui ne prennent en compte que les décaissements effectifs. Ainsi, aujourd’hui, c’est essentiellement le ministère des affaires étrangères qui dispose des outils de gestion de l’urgence, en particulier le Fonds de stabilisation du Centre de crise et de soutien qui doit être doté 45,7 millions d’euros en 2019.

Le recours à la procédure d’appel d’offres à l’ensemble des phases du projet, si elle permet d’assurer un haut niveau de qualité et de respect des normes relatives à l’aide liée, contribue à complexifier et à ralentir le processus de décaissement des fonds. Il semble opportun de réfléchir à un assouplissement de ces règles afin d’améliorer la souplesse des interventions de l’AFD.

En second lieu, la montée en charge de la part du don dans l’aide française – 4 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2022 – implique d’adapter le fonctionnement de l’AFD.

Historiquement construite sur un modèle bancaire, l’Agence ne dispose pas nécessairement des moyens matériels et en compétences pour gérer le volume de dons envisagé.

Le rapporteur spécial sera très attentif à ces évolutions, étant donné la double exigence de maîtrise des coûts de fonctionnement de l’Agence et de juste couverture des dépenses engagées pour la mise en œuvre de l’aide.

Le rapporteur spécial note cependant deux points de progrès, qu’il salue.

D’une part, le récent changement de statut de l’AFD qui, d’établissement de crédits, devient une société de financement, devrait lui permettre de gagner en souplesse dans le choix de ses investissements.

D’autre part, le renforcement de la capacité d’atténuation des vulnérabilités et de réponse aux crises de l’AFD avec le lancement de la « Facilité Minka » témoigne de la capacité d’adaptation de l’Agence. Il s’agit d’un fonds destiné à financer des interventions dans des régions vulnérables et en crise. Le rapporteur spécial suit avec attention le déploiement de cette initiative, qui doit témoigner de la capacité de l’AFD à élargir sa capacité d’intervention et à diversifier les outils mobilisés.

Mieux prévenir les vulnérabilités et répondre aux crises : la facilité « Minka »

La facilité Minka est un fonds de l’AFD lancé en mars 2017 et abondé de 100 millions d’euros par an afin de financer des interventions dans des régions vulnérables et en crise. Le CICID de février 2018 a annoncé le doublement de son montant d’ici 2020, soit 200 millions d’euros annuels.

Le fonds a vocation à intervenir en subventions ou en accompagnement de prêt, en faveur des institutions nationales et locales, des ONG ou des acteurs privés, alloués directement ou par l’intermédiaire de fonds rassemblant plusieurs bailleurs.

Il regroupe en réalité quatre initiatives :

L’initiative Tiwara pour les pays du Sahel (280 millions).

L’initiative Sawa pour les pays affectés par les crises syriennes et irakiennes (290 millions).

L’initiative Ga Songo en République centrafricaine (40 millions).

L’initiative Kouri dans la région du lac Tchad pour les pays touchés par la crise générée par Boko Haram (90 millions).

Ces initiatives ont pour objectif de stabiliser les territoires en luttant contre les vulnérabilités : inégalités sociales, approvisionnement en eau, lutte contre la corruption ou accueil des réfugiés.

B.   Le manque de lisibilité budgétaire porte préjudice à l’évaluation de l’aide au développement

La mission Aide publique au développement ne retrace qu’une partie de l’aide française, dont le montant a connu une forte progression depuis 1999.

1.   La structure budgétaire de l’aide au développement est complexe et gagnerait à être réorganisée autour de ses différents outils

La structure budgétaire de l’APD française est complexe puisqu’elle regroupe 24 programmes budgétaires distincts, gérés par 14 ministères et répartis entre 13 missions. Un compte de concours financiers y est rattaché, ainsi que des taxes affectées.

Comme l’indique le tableau ci-dessous, la mission Aide publique au développement entendue au sens large – y compris les prêts de l’Agence française de développement – ne représente que moins de la moitié du total de l’aide française.

 

 

Aide publique au développement résultant des crédits budgétaires

(en milliards d’euros)

 

2016

2017

En % du total (2017)

TOTAL APD

8 701

10 052

 

dont aide publique au développement résultant des crédits budgétaires

6 319

6 774

67,39 %

dont mission APD hors C2D* et y compris aide à effet de levier (prêts bilatéraux)

3 658

4 558

45,34 %

(i) dont mission APD (hors aide à effet de levier, hors C2D*)

2 217

1 974

19,63 %

(ii) dont tous prêts de l'AFD

1 799

2 458

24,45 %

(iii) dont Autres

2 303

2 342

23,30 %

opérations de prêts (RPE, FMI, AID, Fonds vert)

 359

125

 

* Contrats de désendettement et de développement, voir infra

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les dépenses budgétaires éligibles à l’aide au développement comprennent, outre la mission APD, les dépenses des autres ministères qui répondent à la définition de l’aide publique au développement au sens de l’OCDE. Il s’agit notamment des frais d’écolages, d’accueil de réfugiés, une partie des crédits des programmes 185 (« diplomatie culturelle ») et 105 (« Action de la France en Europe et dans le monde ») et des dépenses d’expertise technique.

Le document de politique transversale (DPT) relatif à la Politique française en faveur de l’aide au développement permet de retracer l’ensemble des crédits budgétaires alloués à l’aide publique au développement. À cet égard, le rapporteur spécial regrette le caractère tardif de la publication du DPT. Le document est arrivé trop tard pour être mis à profit au moment de l’examen des crédits de la mission en commission des finances. Le rapporteur spécial appelle donc le Gouvernement à lui faire parvenir ce document plus en amont de la discussion budgétaire, afin de permettre à la représentation nationale de l’exploiter avec profit.

 

Deux dépenses comptabilisées en APD et non retracées dans la mission : l’écolage et l’accueil des réfugiés

Les règles du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE autorisent la prise en compte de deux dépenses au titre de l’aide au développement et qui ne relèvent pas de la mission APD : l’écolage et l’accueil des réfugiés.

L’écolage correspond à la prise en charge de la formation supérieure d’étudiants ressortissant de pays en développement. Il est calculé en faisant le produit des dépenses engagées pour la prise en charge scolaire des étudiants des universités françaises à partir des programmes 150 et 231 du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (frais d’enseignement et de fonctionnement, bourses et aides sociales) par le nombre d’étudiants ressortissants de pays en développement.

Ces dépenses sont complétées par une part de la subvention versée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). En effet, la part de la subvention versée à des pays éligibles à l’APD est proratisée, pour chaque établissement scolaire, au nombre d’élèves locaux qui y sont scolarisés. En 2017, ce montant atteint 109 millions d’euros, soit 28 % de la subvention versée à l’AEFE et 1,1 % de l’APD totale.

Dépenses d’écolage comptabilisées en APD (en millions d’euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

 

Les dépenses engagées pour l’accueil des demandeurs d’asile sont également prises en compte, dans la limite des douze premiers mois de séjour dans le pays hôte. La détermination des dépenses comptabilisables en APD s’opère à partir du programme 303 Immigration et asile du ministère de l’intérieur en retenant les seules dépenses concernant les plateformes d’accueil, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les hébergements d’urgence et d’accompagnement social. Les dépenses des collectivités territoriales au bénéfice des demandeurs d’asile (nourriture, hébergement, services juridiques) sont également comptabilisées au titre de l’APD.

En 2017, la France a déclaré 552 millions d’euros au titre de l’accueil des réfugiés. La part des coûts liés à l’accueil des réfugiés dans l’APD totale de la France est passée de 4 % en 2015 à 4,8 % en 2016 puis 5 % en 2017.

La prise en compte des dépenses pour l’accueil des demandeurs d’asile illustre le fait que, en matière d’aide au développement, les comparaisons internationales ne sont pas aisées. En Allemagne, les crédits de prise en charge des demandeurs d’asile expliquent le niveau d’effort en matière d’aide au développement du pays ces dernières années. Or, avec la baisse des dépenses d’accueil des réfugiés à prévoir à partir de 2018, son taux d’effort devrait baisser de façon importante.

Dépenses comptabilisées en APD pour l’accueil des réfugiés

*données en cours de traitement pour la Turquie

Source : réponse au questionnaire budgétaire et OCDE


L’attention renouvelée portée à l’évaluation devrait s’accompagner d’une refonte de la maquette budgétaire permettant un meilleur suivi. Une évolution de moyen terme serait la réorganisation de la maquette autour des outils de financements de l’aide, retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution de la maquette envisageable

Programme 110

Prêts

Programme 209

Dons

Taxes affectées

Fonds multilatéraux

Une telle organisation de la maquette préserverait les programmes et les principaux périmètres ministériels actuels, en profitant de l’expertise respective du ministère des affaires étrangères et du ministère en charge de l’économie et des finances. Elle serait par ailleurs très lisible, puisque le versement des crédits serait clairement identifié selon qu’ils financent des prêts, des dons ou des fonds multilatéraux. Les finalités des deux outils du prêt et du don étant bien différentes, le Parlement et, plus largement, le citoyen et la société civile seraient à même de se faire une idée plus précise et plus immédiate de la stratégie gouvernementale en matière d’aide au développement.

La volonté de renforcer la lisibilité de la maquette doit également se poursuivre en faveur du regroupement des différents fonds publics alloués à l’aide au développement. En particulier, la réintégration de l’ensemble des taxes affectées dans le budget général de l’état permettrait d’améliorer l’efficacité du contrôle parlementaire. La réflexion pourrait par ailleurs être poursuivie afin de mieux articuler les crédits de la mission avec les crédits des autres missions budgétaires comptabilisées en aide au développement.

2.   L’harmonisation des contrôles et le renforcement de l’évaluation sont nécessaires afin de prévenir la dégradation de la qualité de l’aide

L’effort demandé aux finances publiques doit être accompagné d’un renouvellement de l’évaluation de l’APD française afin de minimiser le gâchis de fonds publics qu’une telle trajectoire risque d’entraîner. Le citoyen ne peut accepter un tel effort que dans la mesure où l’on peut lui garantir que l’aide répond aux priorités stratégiques du pays et qu’elle atteint ses objectifs.

Or, aujourd’hui, l’éclatement de la répartition des crédits et la dispersion des objectifs politiques et des autorités qui en ont la charge rendent difficile le travail de contrôle du Parlement. Cette situation n’est pas tolérable alors que 6 milliards d’euros supplémentaires seront demandés d’ici 2022.

Les contrôles institutionnels de la politique française d’APD sont de deux types :

– Des contrôles et évaluations internes aux deux ministères en charge des programmes de la mission ainsi qu’à l’Agence française de développement ;

– Des contrôles et évaluations externes de la part du Parlement, de la Cour des comptes et de l’OCDE.

Or, le morcellement des instances d’évaluation ajoutée au cloisonnement budgétaire constitue une des contraintes significatives à la mise en œuvre d’une politique d’évaluation globale de l’aide de la France. Le manque de transparence de l’aide française, préjudiciable à son suivi et à son évaluation, est d’ailleurs régulièrement souligné dans les classements établis par l’ONG Publish What You Fund (32e sur 45 pays en 2018).

Aussi, le rapporteur spécial soutient la proposition d’Hervé Berville ([2]) de créer une commission indépendante d’évaluation, inspirée de la Commission indépendante pour l’impact de l’aide (ICAI) britannique. Celle-ci absorberait les unités d’évaluation des deux ministères de l’APD et de l’AFD ainsi que l’Observatoire des coûts de l’aide, prévu par le CICID de février 2018. Cette institution indépendante rendrait compte de façon régulière au Parlement par la publication d’évaluations thématiques ou sectorielles de projets portés par la France ou les organisations multilatérales.

Le rapporteur spécial sera très attentif à ce que les possibilités de contrôle et d’évaluation soient significativement renforcées. En effet, la trajectoire esquissée par le Gouvernement risque d’aboutir à un abaissement des standards de qualité des projets afin de pouvoir procéder aux décaissements nécessaires pour l’atteinte de l’objectif des 0,55 %.

En particulier, la présentation de rapports réguliers au Parlement, indiquant l’évolution des décaissements et l’avancée des projets, en parallèle de données budgétaires et financières précises est essentielle afin de permettre un suivi effectif de cette trajectoire. Le rapporteur spécial suivra avec attention les dispositifs de suivi de l’aide qui seront proposés dans la future loi d’orientation et de programmation.


IV.   L’effort conséquent demandé à la nation implique certaines contreparties de la part des pays bénéficiaires

L’effort conséquent demandé aux finances publiques doit faire l’objet d’un certain nombre de contreparties en matière d’immigration et de soutien aux entreprises françaises.

A.   L’effort de la France doit s’accompagner d’un effort des pays bénéficiaires en matière migratoire

L’aide publique au développement s’inscrit dans un cadre de coopération global. Elle suppose en particulier la coopération loyale des services du pays récipiendaire de l’aide en matière migratoire.

Les conclusions du CICID ont d’ailleurs reconnu cette nécessité. Le point 9 prévoit ainsi plusieurs orientations visant à mieux lier le développement et la maîtrise des flux migratoires :

– Une aide pour élaborer et renforcer les politiques migratoires des pays éligibles à l’APD, notamment pour des outils et procédures de contrôle et de sécurisation de leurs frontières ;

– L’élaboration conjointe de projets visant à démanteler les réseaux de passeurs et de traite d’êtres humains ;

– Le renforcement de la coopération avec les pays d’origine et de transit pour assurer la mise en œuvre de dispositifs de retour et de réadmission des ressortissants en situation irrégulière ;

– La mise en place de dispositif facilitant la migration régulière, notamment des étudiants ou des jeunes professionnels ;

– La poursuite du soutien au Fonds fiduciaire d’urgence (FFU) en faveur de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière en Afrique.

Le rapporteur spécial salue la prise de conscience de la nécessité de renforcer la coopération entre les autorités françaises et celles des pays aidés en matière migratoire. L’aide publique au développement doit s’inscrire dans le cadre d’une relation plus large entre deux pays qui reconnaissent leur responsabilité partagée. Le citoyen ne peut accepter que l’effort qui lui est demandé ne s’accompagne pas des exigences minimales d’une coopération loyale entre les pays.

Plusieurs leviers existent afin de parvenir à cette coopération. Il est évidemment préférable que la question migratoire soit évoquée dans un cadre de négociation plus large où la France proposerait de fournir des moyens ou une expertise.

Néanmoins, certains pays refusent explicitement de faire diligence aux demandes de la France en matière d’identification de leurs ressortissants ou de délivrance de laissez-passer consulaires. Cette situation est particulièrement marquée pour les cinq pays du Sahel, destination privilégiée de l’effort français en matière d’aide au développement.

Coopération en matière migratoire des pays aidés

 

Accord de réadmission bilatéral ou communautaire

Étrangers interpelés et présumés de la nationalité

Mesures d’éloignement prononcées

Taux de délivrance de laissez-passer consulaires (LPC) dans les délais utiles à l’éloignement (en %)

 

2017

2016

2017

2017

2016

2017

Burkina Faso

Oui (bilatéral)

151

211

182

50 %

25 %

Mali

Oui (bilatéral)

2 431

3 158

3 289

11,8 %

10,7 %

Mauritanie

Non

309

346

816

21,4 %

26,9 %

Niger

Non

110

256

122

0 %

75 %

Sénégal

Oui (bilatéral)

778

1 023

2 252

32,3

32,7 %

Tchad

Non

276

727

360

0

25 %

Source : ministère de l’intérieur

Les taux de délivrance de laissez-passer consulaires particulièrement faibles pour 4 des 5 pays de la zone sont préoccupants au regard des ambitions de l’aide française dans la région. Le Niger, lui, a su approfondir sa coopération avec les pays européens, ce qui se traduit en 2017 par un fort taux de délivrance bien plus élevé (75 %).

Le rapporteur spécial appelle dès lors le Gouvernement à intégrer pleinement la dimension migratoire dans les négociations qu’il mène avec ces pays, à l’exemple de ce qui a été entrepris avec le Niger. En particulier, la multiplication du volume d’aide dans ces pays doit aller de pair avec une plus grande efficacité des procédures d’éloignement, qui sont encore trop entravées par le manque de coopération de la part des autorités des pays d’origine.

Le rapporteur spécial salue néanmoins la mise en place de plusieurs initiatives qui permettent de lutter efficacement contre l’immigration illégale en provenance de différents pays. Il s’agit en particulier de l’assistance en matière d’état civil et de lutte contre la fraude documentaire, d’aide au contrôle des frontières et de lutte contre le trafic de migrants qui ont été mis en œuvre au Mali et en Côte d’Ivoire. Les opérateurs de l’expertise internationale sont particulièrement sollicités en la matière.

– Expertise France bénéficie d’un financement de 29 millions d’euros de la part du Fonds fiduciaire d’urgence (FFU) européen afin d’améliorer la sécurité des populations, le contrôle du territoire et la gestion des espaces frontaliers maliens.

– CIVIPOL (ministère de l’intérieur) bénéficie d’un financement de 25 millions d’euros du FFU afin de fournir un appui aux autorités maliennes dans la mise en place d’un système d’information sécurisé pour la gestion de l’état civil. CIVIPOL porte également un projet de réorganisation de la filière du renseignement ivoirien.

– La direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères gère la formation des forces de sécurité maliennes afin de lutter contre les réseaux de passeurs. Une action de formation des autorités ivoiriennes en matière de lutte contre la fraude documentaire est également en cours.

Le rapporteur spécial se félicite des réussites de cette coopération qui permet de lutter effectivement contre l’immigration illégale. Il sera attentif à leur évolution ainsi qu’à l’évaluation de leurs résultats. Si ces démarches donnent satisfaction, il sera opportun de les étendre aux autres pays de la zone.

S’il est difficile de lier directement aide publique au développement et maîtrise des flux migratoires, il n’est pas tolérable que l’aide française vienne soutenir des pays qui ne prennent pas leurs responsabilités vis-à-vis de leurs ressortissants et de leurs partenaires internationaux. Aussi, il est essentiel de faire de la question migratoire un élément incontournable du cadre de négociation bilatéral entre la France et ses partenaires concernant l’aide au développement.

B.   L’effort de la France doit permettre à nos entreprises de bénéficier d’opportunités dans les pays aidés

L’effort conséquent demandé en matière d’aide au développement doit offrir des opportunités pour les entreprises françaises. Celles-ci disposent en effet d’un savoir-faire essentiel dans de nombreux secteurs cruciaux pour le développement. Par ailleurs, elles sont soumises à des normes de gouvernance et de transparence qui les distingue des entreprises d’autres pays.

La France doit veiller à intégrer les intérêts économiques de ses entreprises dans sa politique de développement en luttant contre la concurrence déloyale. Il serait anormal que la France finance des projets mis en œuvre par des entreprises qui ne respectent pas les mêmes standards de qualité et de lutte anticorruption.

1.   L’aide liée est strictement limitée au niveau international et ne représente qu’un poids marginal dans l’APD française

Les outils de l’aide liée conditionnent l’aide à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises. Les deux outils de l’aide liée française sont les prêts du Trésor (ex-Réserve pays émergents, RPE) qui peuvent être concessionnels (et ainsi comptabilisés en APD) ou non-concessionnels, et le Fonds d’études et d’aide au secteur privé (FASEP).

Les outils de l’aide liée française

L’AFD, applique l’ensemble des préconisations auxquelles a souscrit la France en matière de déliement de l’aide. Cependant, elle profite des exceptions légales pour pérenniser deux outils.

Le premier est les prêts du Trésor, inscrits au programme 851 de la mission Prêts à des États étrangers doté de crédits évaluatifs, qui doivent néanmoins respecter les règles de l’OCDE en matière de crédits à l’exportation. À titre d’exemple, en 2016, des protocoles ont été signés sur des projets importants avec le Sénégal (matériel roulant du train express régional (TER) reliant Dakar à Diamniadio).

Le deuxième outil daide liée est le FASEP, qui finance des études de faisabilité ou de l’assistance technique par des entreprises françaises en amont de projet de développement. Un club de suivi regroupe des entreprises françaises intéressées par l’étude et le projet sous-jacent. Les crédits dédiés à ces outils ne représentent quune part minime de lAPD française (moins de 5 % en 2016).

Ces outils s’inscrivent néanmoins dans les priorités françaises, en particulier concernant les objectifs de développement durable (ODD). Les prêts du Trésor du programme 851 financent ainsi des projets dans les secteurs des transports, de l’environnement, de l’alimentation en eau potable et de l’assainissement, de la gestion des déchets, des énergies renouvelables, de la limitation de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre, de la santé, du numérique et de l’agriculture.

Les crédits de ce programme progressent ainsi de 25 % en autorisations d’engagement, dans le cadre d’un effort de mobilisation pour l’export. Le rapporteur spécial salue cette volonté de mieux recourir au savoir-faire des entreprises françaises. Néanmoins, il ne faut pas voir dans la progression des crédits une hausse conséquente de l’effort en faveur des entreprises français puisque, comme évoqué plus haut, le taux d’exécution de ce chiffre est très bas (35 % en 2015).

2.   L’AFD assure des retombées économiques importantes pour les entreprises françaises

a.   L’AFD s’efforce d’assurer un cadre normatif et concurrentiel permettant aux entreprises françaises d’être compétitives sur les appels d’offres

L’AFD ne pratique pas d’aide liée mais veille à créer à travers son action un environnement favorable à des retombées économiques positives pour les entreprises françaises. Il s’agit notamment d’une des orientations de la « Stratégie française pour l’aide multilatérale 2017-2021 ».

Premièrement, l’AFD oriente son activité de préférence dans les secteurs où le savoir-faire des entreprises françaises permet de répondre aux besoins des pays bénéficiaires de l’APD. Les infrastructures sont ainsi le premier secteur d’activité de l’Agence.

Deuxièmement, l’AFD finance le Fonds d’Expertise Technique et d’Échanges d’Expériences (FEXTE) réabondé à hauteur de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2019. Le FEXTE recueille des projets élaborés par les acteurs de terrain, parmi lesquels les entreprises françaises, correspondant aux demandes des pays éligibles et finance de l’assistance technique, des expertises, de la formation, des études…

Troisièmement, l’AFD lutte contre les pratiques de concurrence déloyale dans les appels d’offres qu’elle finance.

L’évaluation du dispositif réalisée en 2015 montre qu’elle a concerné des marchés de travaux dont l’impact environnemental et social était considéré comme significatif ou fort et pour lesquels ce nouveau dispositif avait été utilisé (travaux publics dans les secteurs des transports, de l’énergie, de l’eau et de l’assainissement, principalement en Afrique subsaharienne). Plus des deux tiers des gagnants des appels doffres sont des entreprises françaises.

b.   Grâce à cet effort, les retombées de l’APD pour les entreprises françaises sont conséquentes

En 2016, 84 % des projets de l’AFD à travers le monde ont impliqué au moins un acteur économique français, soit 730 projets sur les 869 recensés. Cet indicateur est en hausse de trois points par rapport à 2015.

Par ailleurs, la moyenne des parts de marché (en montant) des entreprises françaises dans les appels des bailleurs d’offres internationaux ces trois dernières années s’établit à 56 %. Le chiffre global des retombées est ainsi estimé à 2 693 millions d’euros en 2016 (contre 1 534 millions d’euros en 2015).

Enfin, il faut ajouter à ces montants les autorisations d’engagement AFD en appui aux investissements et projets portés par des acteurs français (143 millions d’euros) et les octrois de fonds de PROPARCO en faveur d’intérêts français. Filiale de l’AFD, ce dernier devra également gagner en réactivité et en efficacité.


3.   L’accès des entreprises aux financements de l’AFD doit être facilité

Le rapporteur spécial souligne le fait qu’un certain nombre d’entreprises actives en matière d’aide au développement rencontrent des difficultés dans leurs relations avec les acteurs publics de l’aide au développement.

En particulier, la lenteur des processus au sein de l’AFD leur paraît préjudiciable à la gestion des projets dans l’urgence. Cette situation est d’autant plus regrettable que la France cherche à renforcer ses capacités d’intervention en matière de prévention et de gestion des crises. L’AFD, acteur-pivot de l’aide au développement, dont l’importance est encore renforcée à la faveur des nouvelles orientations de l’aide française, doit pouvoir développer des procédures plus souples, plus proches du terrain et plus adaptées aux besoins et demandes des autorités locales.

Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du projet « Service civique d’aide à l’insertion » (SCAI), pourtant réclamé par les autorités comoriennes et soutenu par le Gouvernement, est un exemple parmi d’autres des rigidités qui peuvent exister au sein de l’Agence et de la faiblesse de la tutelle que les ministères en charge de l’aide au développement ont les moyens d’exercer.

Le rapporteur spécial sera très attentif à ce que des processus plus souples soient mis en œuvre afin d’accélérer les décaissements au sein de l’AFD. Afin que les entreprises puissent pleinement être associées à l’effort d’aide de la France, il est essentiel que l’Agence puisse travailler plus rapidement. Cela lui permettra de répondre d’autant plus facilement aux situations d’urgence.

 


—  1  —

   Examen en commission

Lors de sa troisième réunion du mercredi 24 octobre 2018, la commission examine les crédits de la mission Aide publique au développement, et de l’article 72, rattaché, ainsi que des crédits du compte spécial Prêts à des États étrangers.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Ce budget marque une rupture après des années de baisse de l’effort français en matière d’aide au développement durant la présidence de François Hollande, passé de 0,45 % du revenu national en 2012 à 0,38 % en 2016 en crédits de paiement. Il s’agit désormais de renouveler un outil essentiel à l’influence internationale de la France. Cette loi de finances est la première étape d’un effort conséquent demandé aux finances publiques. Pour atteindre l’objectif des 0,55 % fixé par le Président de la République en 2022, les crédits doivent encore augmenter de 6 milliards d’euros par rapport à 2016.

La mission Aide publique au développement est concernée au premier chef. Elle est composée de deux programmes : le programme 110 Aide économique et financière au développement, piloté par la direction générale du Trésor, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, piloté par la direction générale de la mondialisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Avant d’aborder l’évolution des crédits, notons que la structure budgétaire de l’aide publique au développement française est complexe : les crédits sont répartis entre vingt‑quatre programmes budgétaires, dans treize missions, gérées par quatorze ministères et une agence. S’y ajoutent des crédits extrabudgétaires. L’objectif de 0,55 % inclut l’ensemble de ces moyens. La mission Aide publique au développement ne représente qu’un quart de l’aide publique française – la moitié en incluant les prêts de l’Agence française de développement (AFD).

Le constat de complexité est partagé par notre collègue Berville, auteur d’un rapport demandé par le Gouvernement sur la rénovation de l’aide publique au développement, et par nos collègues Kokouendo et Poletti, membres de la commission des affaires étrangères.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2019 traduit les nouveaux objectifs du Gouvernement : il prévoit une hausse des autorisations d’engagement de 1,83 milliard d’euros, soit une progression de 68,40 % par rapport à 2018 – sans équivalent dans le budget de l’État. L’essentiel de cette progression porte sur le programme 209 du ministère des affaires étrangères.

Les crédits de paiement progressent moins vite, d’environ 15 % pour l’ensemble de la mission, soit une hausse de 397 millions d’euros. Certains dénoncent donc une hausse en trompe-l’œil des crédits de l’aide publique au développement, notamment ce milliard supplémentaire annoncé par le Gouvernement. Je ne m’associe pas à ces critiques : les projets en matière d’aide au développement demandent du temps, ce qui explique le décalage entre les montants d’engagement et de paiement.

Les priorités sont clairement définies. En premier lieu, la France doit aider davantage les pays qu’elle juge prioritaires – les cinq pays du Sahel et les dix-neuf pays les plus pauvres. Jusqu’à présent, ces priorités étaient assez peu respectées. Nous publierons en annexe du rapport le classement des pays les plus aidés. Parmi les dix pays les plus aidés, seuls deux pays font actuellement partie des « prioritaires » : le Cameroun et l’Éthiopie. On aide beaucoup plus la Chine, la Turquie ou l’Égypte, qui ne sont pourtant pas considérés comme prioritaires...

En second lieu, l’aide bilatérale doit être privilégiée. Je souscris à ce choix. L’aide bilatérale progressera plus vite que le total des crédits de la mission : 2,13 milliards d’euros, contre 1,83 milliard en autorisations d’engagement. Ce rééquilibrage est à saluer car il nous permettra de nous rapprocher de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, où l’aide bilatérale représente 74 %, alors qu’elle n’était que de 58 % en France en 2017.

Au total, les orientations données par le Gouvernement à l’aide publique au développement, reprenant les réflexions de nos collègues, ont pris le bon chemin. Plusieurs sujets m’inquiètent néanmoins. Certes, l’effort financier est conséquent, réorienté vers les pays prioritaires et la part du don est renforcée. Mais cet effort important demandé à la Nation doit s’accompagner de trois sortes de contreparties.

Tout d’abord, la maîtrise des flux migratoires : on ne peut pas aider des pays qui, en retour, sont réticents à accueillir leurs propres ressortissants quand nous les renvoyons chez eux. C’est un sujet sérieux, notamment avec certains pays de la bande sahélienne. Il va sans doute falloir être plus clair à leur égard.

Il n’est également pas tolérable que l’aide française, qui va très sensiblement augmenter, finance des entreprises étrangères dont certaines n’ont pas nos exigences en matière de responsabilité sociale et de transparence. Ce serait paradoxal. Nous demanderons à l’AFD d’y être particulièrement attentive.

En dernier lieu, une meilleure évaluation des projets va devenir indispensable. La montée en puissance des demandes d’aides, du fait de la hausse des crédits, ne doit pas conduire à les accepter tous.

Pour conclure, l’engagement du Président de la République se traduit très concrètement en termes d’autorisations d’engagement, même si ce n’est pas encore – et logiquement – le cas en termes de crédits de paiement. Les priorités sont réaffirmées et le soutien aux organisations non gouvernementales renforcé dans les pays concernés. Je suis donc favorable à l’adoption de ces crédits.

Mme Émilie Cariou, présidente. Je vous remercie pour ces explications, qui soulignent la belle progression réalisée depuis l’année dernière.

M. Vincent Ledoux. Je salue la qualité du rapport de notre collègue Marc Le Fur, qui connaît bien ce sujet sur lequel il travaille depuis de très nombreuses années. Ce rendez‑vous est important pour la France et pour nous : allons-nous enfin être à la hauteur des engagements pris depuis des décennies, alors que les objectifs n’ont jusqu’à maintenant jamais été atteints ? J’espère qu’au terme de cette mandature, nous, parlementaires, pourrons nous enorgueillir d’avoir contribué à tenir la promesse de notre exécutif. Nous ne devons pas lâcher la bride.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Le Fur, nous avons enfin compris que le vieux logiciel de l’aide publique au développement était périmé et qu’il fallait revisiter nos procédures. Nous ne parlons pas ce soir de boîtes de petits pois, mais de populations qui ont besoin de nous, dans le cadre d’un contrat gagnant-gagnant. Nous ne sommes pas là pour leur faire la charité, mais pour les soutenir, alors qu’elles sont souvent dans une situation paradoxale : ainsi, en Afrique, la croissance est là mais elle n’est pas suffisamment inclusive pour profiter véritablement aux populations.

De même, nos priorités géographiques sont bienvenues. C’est une amélioration.

Vous avez évoqué l’évaluation. Il faut bien sûr évaluer, tout en privilégiant les dons, qui l’étaient insuffisamment jusqu’à présent. La reconnaissance de l’importance du bilatéralisme est essentielle : ce dialogue de peuple à peuple nous permet d’évoquer les sujets qui fâchent. Pour autant, je suis gêné quand vous évoquez la conditionnalité de l’aide publique au développement. Tout n’est pas conditionnable... La fierté et la dignité de certains peuples passent aussi par la reconnaissance de leur autonomie politique. Nous pouvons discuter en bonne intelligence de la gestion des flux migratoires. J’en parle d’autant plus ouvertement que j’ai accompagné le Président de la République au Nigeria. Son discours a été particulièrement clair, totalement décomplexé, puisqu’il a même abordé la question démographique face aux populations locales. Il est jeune, a compris ce qui se passe ; il n’est plus dans le passé mais se projette dans l’avenir.

Certains estiment que nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs, que nous usons d’artifices comptables. Mais nous devons y arriver ! Nous devons montrer notre volonté d’accompagner cette conduite du changement, notamment avec l’AFD, notre principal opérateur. Les bons messages doivent être transmis aux bonnes personnes. Je souhaite une réussite pleine et entière de ce pan de notre politique étrangère, qui n’épuise certes pas nos relations, notamment avec le continent africain, mais constitue une part extrêmement importante de notre action internationale.

Mme Bénédicte Peyrol. Je vous remercie pour cette présentation. Au-delà des moyens, le Président de la République l’a rappelé lors de son discours à la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices à la fin de l’été, ce sont les méthodes de travail que nous souhaitons renouveler : nouvelle gouvernance grâce au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale, rapport d’Hervé Berville proposant de nouveaux modes de fonctionnement, rôle crucial des ambassades avec le renforcement des aides qu’elles pourront verser localement.

Ma question portera sur l’idée de projet de loi d’orientation et de programmation, à laquelle le Président de la République a apporté son soutien. Un tel projet de loi permettrait entériner la nouvelle trajectoire d’aide de notre politique de coopération internationale. Cela nous aiderait-il et à quelle échéance faudrait-il l’examiner ?

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie pour la qualité de votre rapport et des informations fournies.

Nous avons déjà parlé de l’aide publique de développement lors des débats sur la première partie du projet de loi de finances il y a quelques jours. La taxe sur les transactions financières s’est à nouveau invitée dans le débat. Depuis 2012, l’harmonisation de cette taxe à l’échelle européenne est évoquée, mais les avis sont partagés. Cette semaine, nous avons encore abordé le sujet avec une délégation de la commission des finances du Bundestag. Savez-vous si ce dossier avance au niveau européen ?

Vous avez évoqué la maîtrise des flux migratoires. C’est un sujet important : il ne s’agit pas forcément de conditionner les actions engagées, mais d’en améliorer la transparence et la lisibilité. Ne pourrait-on pas légèrement conditionner notre soutien, afin de faire passer un message à certains pays et d’obtenir leur soutien sur ce point ? J’avais déjà soulevé cette question l’an passé. Je la pose à nouveau cette année.

M. Romain Grau. Monsieur le rapporteur spécial, je me joins au concert de louanges sur la qualité de votre travail.

Deux sujets me semblent intéressants : le ciblage de l’aide publique au développement, fondamental si l’on veut obtenir un effet de masse ; le rôle majeur de l’AFD, souligné par tous.

Sait-on évaluer et comparer l’efficacité de l’aide bilatérale et celle de l’aide multilatérale, notamment européenne ? Au Nigeria, au Niger ou ailleurs, on le voit bien : les canaux européens sont très intéressants et d’une grande efficacité pour inciter les pays à évoluer, y compris politiquement, en contrepartie d’un appui à leurs projets de développement.

M. Daniel Labaronne. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie pour cet exposé très intéressant.

Les contreparties, ou la conditionnalité que vous avez évoquée, ne me gênent pas. Nous devons être vigilants sur le respect des principes et des valeurs de la démocratie, sur le respect de l’État de droit, une justice indépendante, un libéralisme politique, la liberté de la presse. N’est-ce pas ce que l’on appelle la bonne gouvernance ?

L’Europe mène également une politique de soutien à l’égard des pays en développement : comment articuler et harmoniser les actions française et européenne ? N’y a‑t-il pas un risque de recoupement ? Comment également articuler ces aides et la francophonie ? La population africaine va doubler en 2050. Le développement du continent est donc un enjeu important si l’on raisonne en termes de flux migratoires. Nous devons aider les pays africains à se développer et à prospérer, dans la stabilité politique et la sécurité. C’est leur intérêt, mais également le nôtre.

M. le rapporteur spécial. Mes collègues, qui ont une grande expérience personnelle de ce sujet, m’ont posé beaucoup de questions !

C’est une évidence, nous avons changé d’époque : avec 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement, nous nous donnons les moyens d’atteindre l’objectif de 0,55 % en 2022. Y arrivera-t-on ? C’est tout l’enjeu, mais nous ne pouvons pour le moment faire de procès d’intention à quiconque.

Il faut effectivement transcrire ces données budgétaires en objectifs que le Parlement devra voter au cours de la mandature. Au vu des moyens investis, le Parlement ne peut se cantonner à une discussion budgétaire de quelques minutes ou de quelques heures. C’était d’ailleurs une des propositions du rapport Berville.

Concernant la taxe sur les transactions financières, c’est le pire moment pour en parler car les grandes capitales européennes « se disputent » l’héritage du Brexit. Nous ne pourrons donc pas progresser sur le sujet. Quand le Brexit aura eu lieu, que chacun aura pris sa part des activités de Londres – Düsseldorf, Paris, Bruxelles ou d’autres villes – et que la situation sera stabilisée, nous pourrons en débattre. L’Allemagne s’y oppose pour le moment et n’évoluera probablement pas avant trois à cinq ans.

Concernant l’immigration, le Président de la République en parle on ne peut plus clairement ! En effet, vous ne pouvez pas demander aux Français un effort considérable – 6 milliards d’euros en plus – sans traduction en termes de politique migratoire ! Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous savons tous que c’est l’obsession de nombre de nos compatriotes. Nous devons donc être cohérents.

Monsieur Labaronne, certes, on parle actuellement moins des autres conditions que vous avez évoquées, mais cela ne me trouble pas, car je crains que la gauche n’en ait beaucoup parlé par le passé pour se désengager de l’Afrique. Cela redevient notre priorité. Or on ne peut avoir le même degré d’exigence à l’égard de certains États, qui n’existent que sur la moitié de leur territoire, que d’autres, moins fragiles. Dans le cas du Mali, l’État central contrôle entre un gros tiers et une petite moitié du territoire. On doit conserver ces exigences, mais à la condition de les relativiser dans le temps et dans l’espace.

La priorité réaffirmée vers l’Afrique va de pair avec la francophonie, mais nous ne devons pas non plus oublier certains pays d’expression anglaise de la zone, notamment ceux qui sont des puissances en devenir et une chance pour l’Afrique, comme l’Éthiopie.

Pour conclure, je regrette que nous ne disposions pas à ce stade de documents essentiels, en particulier de politique transversale. Nous sommes des militants de la loi organique relative aux lois de finances mais encore faut-il que nous disposions des informations qu’exige cette loi ! Or ce n’est pas le cas à ce stade.

Mme Émilie Cariou, présidente. Je vous remercie pour ces explications.

Nous pouvons effectivement débattre de la conditionnalité des aides. En tout cas, nous devons être intraitables sur la corruption, dont le niveau dans certains États rend complètement inefficace notre action et entretient un système néfaste.

M. Vincent Ledoux. Je le redis, cette conditionnalité me gêne, mais nous pourrons en débattre, tout comme de « l’obsession » des Français sur l’immigration. Passez-moi l’expression, mais remettons l’église au milieu du village ! Les Africains ne sont en train d’envahir ni la France, ni l’Europe, contrairement à ce que certains nous font croire en jouant aux apprentis sorciers. C’est extrêmement dangereux.

Les Africains migrent essentiellement sur le continent africain : 70 % des migrations africaines sont réalisées à l’intérieur même du continent. Cela ne nous exonère pas d’une forme de responsabilité vis-à-vis de ceux qui veulent passer coûte que coûte. Souvent, d’ailleurs, ce ne sont pas les plus pauvres ; ils s’inscrivent dans une stratégie familiale, sont souvent diplômés et ont un peu d’argent pour tenter d’arriver en Europe.

L’aide au développement doit impérativement être déconnectée de la problématique des flux migratoires, au risque d’amalgames douteux. Au contraire, il est de notre devoir de rétablir la vérité des faits auprès de nos concitoyens : rassurez-vous, tous les chiffres tendent à démontrer que notre population ne connaîtra aucun changement majeur lié à la démographie africaine au cours des trente prochaines années.

M. Alexandre Holroyd. Je félicite le rapporteur spécial pour son travail remarquable et remercie mon collègue Vincent Ledoux pour ses commentaires éclairés.

Vous avez évoqué le Brexit : aura-t-il des conséquences sur les aides et le fonds de développement européens ? Au-delà de l’aide au développement, nos autres politiques nationale et européenne ont-elles un impact sur le développement économique de ces pays ?

Vous parlez de conditionnalité des aides. Cela me surprend car les pays concernés font surtout appel à de l’expertise institutionnelle – et non au soutien financier de l’AFD. Ils souhaitent renforcer leurs institutions et encadrer leurs marchés ou mieux contrôler leurs frontières grâce à la biométrie. Dans les pays concernés, quelle est la part de l’aide technique par rapport à l’aide purement financière ?

M. le rapporteur spécial. L’aide technique est souvent basique. Ainsi, dans les pays francophones, certains instituteurs ne maîtrisent pas la langue française...

Vous m’interrogez sur l’articulation des aides européenne et française. J’ai pu le constater dans certains pays africains, la coordination est efficace et il n’y a ni concurrence ni opposition. S’agissant d’autres fonds, je ne serai pas aussi affirmatif – on a souvent affaire à de grosses machines. Je m’y pencherai au fur et à mesure de mes rapports.

Avec le Brexit, les Anglais vont réduire leur aide au développement. Actuellement, nous sommes derrière les Anglais, les Turcs et à peu près tout le monde en termes d’aides directes, même en comptabilisant nos propres zones de souveraineté ! L’effort n’est donc pas illégitime. Mais, monsieur Ledoux, on ne peut pas demander un effort aussi considérable à nos compatriotes – le plus gros effort de ce budget – et laisser certains pays refuser d’accueillir leurs ressortissants lorsqu’on les expulse. C’est le cas des Maliens, alors que les Nigériens ont progressé en la matière. C’est donc la preuve qu’on peut progresser !

Article 39 et état B 

La commission, suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, adopte les crédits de la mission Aide publique au développement, non modifiés.

*

*     *

La commission examine l’article 72 rattaché.

Article 72
Souscription à l’augmentation de capital de la Banque mondiale

Le présent article vise à mobiliser les fonds nécessaires à l’augmentation du capital de la Banque mondiale décidée par ses actionnaires en avril 2018 afin d’accroître les ressources du groupe en matière de lutte contre la pauvreté et le changement climatique.

La France, qui souhaite maintenir son influence au sein de cette organisation, a souscrit à cette augmentation de capital, qui porte tant sur des parts de capital appelées que non appelées. La dernière augmentation de capital souscrite, intervenue en loi de finances rectificatives (LFR) pour 2010 ([3]), ne portait que sur du capital non appelé.

A.   Un recours justifié à une disposition de loi de finances afin de maintenir l’activité du groupe Banque mondiale

L’augmentation en capital de la Banque mondiale emprunte deux canaux qui nécessitent une autorisation parlementaire et justifient la présence de cet article en loi de finances.

En effet, la décision de souscrire à une augmentation de capital s’apparente à une convention financière, dont la ratification doit être autorisée par une disposition législative. Ces conventions entrent dans le domaine facultatif des lois de finances aux termes du 7° du II de l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Par ailleurs, les parts de capital non appelé et sujet à appel sont assimilables à des garanties de l’État, comme l’indiquait le rapporteur général dans son commentaire des articles de la LFR pour 2010. La décision de souscrire à une augmentation de capital non appelé fait donc partie du domaine exclusif des lois de finances en vertu du 5° du II de l’article 34 de la LOLF.

Dès lors, un tel article trouve légitimement sa place en loi de finances.

L’accroissement du capital ne concerne que deux des cinq institutions du groupe Banque mondiale ([4]).

La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) appuie les objectifs du groupe en fournissant des prêts, des garanties, des produits de gestion des risques et des services de conseil aux pays à revenu intermédiaire et aux pays pauvres solvables. L’augmentation de capital doit lui permettre de maintenir son niveau d’activité en faveur des pays à revenu intermédiaire et de respecter les ratios prudentiels.

La Société financière internationale (SFI) est l’outil de soutien au secteur privé du groupe Banque mondiale. L’augmentation du capital de la SFI doit lui permettre de déployer une nouvelle stratégie d’appui à la création de marché dans les pays les plus pauvres.

La hausse du capital décidée en avril 2018 est de 13 milliards de dollars américains, dont 7,5 milliards pour la BIRD et 5,5 milliards pour la SFI. La France a souscrit à cette augmentation, en cherchant à préserver son influence au sein de la BIRD.

B.   L’augmentation de capital proposée est à la fois générale et sélective afin de préserver l’influence de la France

Les objectifs de la France dans l’augmentation de capital ne sont pas identiques au sein des deux institutions.

Concernant la BIRD, il s’agit à la fois d’une augmentation générale souscrite par tous les actionnaires, qui ne donne pas lieu à modification de la répartition des voix, et d’une augmentation sélective, qui modifie le poids relatif des États au sein de l’actionnariat. La France souhaite en effet maintenir sa place de cinquième actionnaire de la BIRD afin de conserver une chaise unique au conseil d’administration de la Banque. Seuls les cinq premiers actionnaires bénéficient de cette position.

L’augmentation générale de capital de la SFI n’entraîne pas de modification de la répartition des voix entre États actionnaires.

Évolution de la part de la France dans les institutions concernées

 

Accroissement de la part de la France du fait de l’augmentation de capital

Part de la France dans l’actionnariat après augmentation (en %)

Parts appelées

Parts sujettes à appel

3,91 (3,97 précédemment)

Banque internationale pour la reconstruction et le développement

7 315,4

15 851,5

Société financière internationale

261 749

0

4,48 (inchangé)

Source : évaluation préalable des articles et Banque mondiale

C.   Seul Le versement du capital appelé aura un impact budgétaire dans les prochains budgets

L’augmentation des parts de capital appelé entraîne des décaissements dès 2019, contrairement à l’augmentation des parts de capital appelable.

La contribution de la France à l’augmentation du capital appelé de la BIRD et de la SFI implique en effet l’ouverture de 464 millions d’euros d’autorisations d’engagements en 2019. Cette somme sera décaissée sur cinq ans entre 2019 et 2023 à un rythme annuel de 93 millions d’euros de crédits de paiement à partir du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Pour sa part, le capital appelable s’élève à 1 912,2 millions de dollars américains, soit 1 625,4 millions d’euros en retenant un taux de change du dollar vers l’euro de 0,85.

Or, à l’inverse du capital appelé, l’augmentation du capital appelable n’a pas de traduction budgétaire. Comme le soulignait le rapporteur général dans son rapport sur la loi de finances rectificative pour 2010, les parts non appelées peuvent en effet être assimilées à une garantie portant sur les financements émis par les banques, dont la limite de durée peut être soit l’appel de ces parts soit la sortie de la France de ces institutions. Ce capital n’est appelable qu’en cas d’extrême urgence, et la Banque mondiale n’y a jamais eu recours.

Dès lors, seule une partie de l’augmentation en capital souscrite par la France se traduit dans le budget de l’État pour 2019.

Le rapporteur spécial souscrit à l’objectif de conserver l’influence de la France au sein des institutions multilatérales de développement et propose donc d’adopter l’article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 72 rattaché.

*

*     *

Article 41 et état D

Suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits du compte spécial Prêts à des États étrangers, non modifiés.

 

 


—  1  —

   personnes auditionnées par le rapporteur spécial

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

– M. Luis Vassy, directeur adjoint de cabinet

– M. Baptiste Prudhomme, conseiller politique et parlementaire

– M. Laurent Bili, directeur

– M. Thomas Michelon, délégué adjoint des programmes et des opérateurs

– M. Martin Fortes, chargé de mission auprès du Directeur du développement durable

– M. Pascal Roos, chef du pôle budget de la délégation des programmes et des opérateurs

Ministère de l’économie

– M. Cyril Rousseau, sous-Directeur des Affaires Multilatérales et du Développement

– M. Pierre Gaudin, chef du bureau de l'aide publique au développement ;

– Mme Lauranne Duhil, cheffe du service recette

– M. Simon Matet, adjoint au Chef de bureau « Afrique subsaharienne et Agence française de développement »

– Mme Dalcie Thézénas, adjointe au chef de bureau de l’aide publique au développement

Agence française de développement (AFD)

– M. Rémy Rioux, directeur général

– M. Charles Trottmann, directeur de Cabinet

– Mme Zolika Bouabdallah, chargée des relations avec le Parlement

Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN)

– M. Étienne Giros, Président délégué

C2B Conseil

– Général Bruno Clément-Bollée, président


—  1  —

   Classement des pays bénéficiaires de l’APD française
en 2016

 

APD française totale nette
(millions d'euros)

Dons bilatéraux français
(millions d'euros)

APD bilatérale nette
(millions d'euros)

APD française multilatérale imputée
(millions d'euros)

APD totale reçue
(millions d'euros)

PIB 
($ US courants, millions)

PIB par hab
($ US courants, millions)

PED, non spécifiés

1 537

1 281

1 276

260

43 049

NP

NP

Turquie

501

110

92

409

3 613

863 711

10 863

Maroc

364

148

274

89

1 992

103 606

2 893

Jordanie

293

5

258

35

2 739

38 654

4 088

Cameroun

236

77

215

21

756

32 218

1 375

Égypte

233

22

187

46

2 130

332 791

3 478

Inde

230

22

125

105

2 679

2 263 793

1 710

Colombie

184

21

171

13

1 107

282 463

5 806

Mexique

149

20

133

16

809

1 046 923

8 209

Éthiopie

126

7

18

109

4 074

72 374

707

Brésil

124

35

113

12

675

1 796 187

8 650

Nigeria

123

7

53

70

2 501

404 653

2 176

Tunisie

116

71

62

54

627

42 062

3 689

République démocratique du Congo

111

57

32

79

2 107

NR

NR

Niger

106

40

66

39

951

7 528

364

Sénégal

102

76

79

23

736

14 684

953

Kenya

100

8

41

58

2 189

70 529

1 455

Burkina Faso

98

44

59

39

1 023

11 693

627

Ghana

97

4

68

29

1 316

42 690

1 514

Mali

96

46

54

42

1 209

14 034

780

Cisjordanie et bande de Gaza

92

45

37

56

2 402

13 397

2 943

Arménie

91

8

74

17

327

10 572

3 614

Afghanistan

91

33

33

58

4 064

19 469

562

Algérie

88

95

80

7

157

159 049

3 917

Équateur

83

7

74

10

243

98 614

6 019

Ukraine

81

16

16

65

1 523

93 270

2 186

Tanzanie

80

2

24

57

2 318

47 340

878

Viet Nam

79

38

37

41

2 893

205 276

2 171

Pakistan

79

3

18

61

2 953

278 913

1 444

Wallis-et-Futuna

76

77

76

0

85

NR

NR

Cuba

73

71

71

2

2 678

NR

NR

Chine (République populaire de)

73

99

53

20

– 791

11 199 145

8 123

Mozambique

71

11

28

42

1 531

11 015

382

Bangladesh

69

3

13

57

2 504

221 415

1 359

Madagascar

69

48

46

22

622

NR

402

Zambie

68

0

38

30

963

21 064

1 270

Serbie

64

4

4

60

633

38 300

5 426

République dominicaine

60

3

53

7

177

71 584

6 722

Tchad

58

32

29

30

624

9 601

664

République arabe syrienne

55

14

14

41

8 870

NR

NR

Ouganda

55

2

11

44

1 757

24 079

580

Afrique du Sud

55

7

33

22

1 181

295 456

5 275

Haïti

54

35

35

19

1 074

8 023

740

Philippines

51

4

41

10

287

304 905

2 951

République centrafricaine

48

29

27

21

500

1 756

382

Djibouti

48

35

44

3

185

NR

NR

Guinée

47

47

25

22

561

8 200

662

Côte d'Ivoire

45

252

14

31

658

36 373

1 535

Bénin

42

29

25

17

493

8 583

789

Rwanda

39

4

4

35

1 148

8 376

703

Cambodge

38

14

26

12

729

20 017

1 270

Géorgie

36

2

9

27

463

14 378

3 866

Myanmar

36

5

3

32

1 534

63 225

1 196

Iraq

34

9

9

25

2 285

171 489

4 610

Bosnie-Herzégovine

34

1

1

33

445

16 910

4 808

Soudan du Sud

34

0

0

33

1 590

NR

NR

Malawi

32

0

0

32

1 243

5 433

300

Pérou

32

10

25

6

320

192 207

6 049

Indonésie

30

10

15

15

– 112

932 259

3 570

Togo

28

22

19

9

165

4 400

579

Népal

25

1

0

26

1 066

21 132

729

Mauritanie

24

18

16

8

291

4 739

1 102

Soudan

24

3

3

21

810

95 584

2 415

Congo

24

40

19

4

88

NR

NR

Somalie

23

0

0

23

1 169

6 217

434

Zimbabwe

23

2

2

21

655

16 620

1 029

Moldova

22

3

3

19

328

6 750

1 900

Liban

22

47

-1

23

1 139

49 599

8 257

Kosovo

21

1

1

19

370

6 650

3 661

Comores

20

18

17

2

55

617

775

Ex-République yougoslave de Macédoine

20

2

2

17

 

NR

NR

Bolivie

19

8

7

12

696

33 806

3 105

Burundi

19

5

5

14

742

3 007

286

Yémen

18

1

1

17

1 926

27 318

990

Argentine

17

9

9

8

3

545 476

12 440

Gabon

17

20

16

2

42

14 214

7 179

Sierra Leone

17

0

0

17

693

3 737

505

République démocratique populaire lao

17

9

9

7

398

15 806

2 339

Angola

16

5

5

11

207

95 335

3 309

Albanie

16

4

4

12

169

11 864

4 125

Libéria

15

1

0

15

815

2 101

455

Thaïlande

14

10

9

5

228

407 026

5 911

Kirghizistan

14

1

1

13

515

NR

NR

Ouzbékistan

14

1

5

9

457

67 220

2 111

Iran

12

9

9

4

116

418 977

5 219

Sri Lanka

12

4

-5

17

365

81 322

3 835

Nicaragua

11

1

1

10

431

13 231

2 151

Maurice

11

11

4

6

42

12 168

9 631

Honduras

9

3

1

8

412

21 517

3 261

Cabo Verde

9

1

4

5

113

1 617

2 998

Monténégro

9

1

0

9

86

4 374

7 029

Tadjikistan

8

0

0

8

334

6 952

796

Libye

8

4

4

3

179

NR

NR

Guatemala

7

3

3

5

266

68 763

4 147

Costa Rica

7

4

4

3

101

57 435

11 825

Swaziland

7

0

0

7

147

3 721

2 770

El Salvador

7

3

3

4

129

26 797

4 224

Belarus

7

2

2

5

– 22

47 407

4 989

Venezuela

7

6

6

1

43

NR

NR

Kazakhstan

6

4

4

3

61

137 278

7 715

Chili

6

9

5

1

178

247 028

13 793

Papouasie-Nouvelle-Guinée

6

0

0

6

528

20 213

2 500

Mongolie

6

1

2

4

325

11 183

3 694

Paraguay

6

1

1

5

89

27 424

4 078

Guyana

6

0

0

6

70

3 502

4 529

Guinée-Bissau

6

1

1

5

199

1 165

642

Malaisie

6

5

5

1

- 52

296 536

9 508

Namibie

5

0

-1

6

170

10 948

4 415

Gambie

5

0

0

5

92

965

473

Vanuatu

5

2

2

3

129

774

2 861

Samoa

4

0

0

4

88

786

4 030

Timor-Leste

4

0

0

4

228

1 783

1 405

Lesotho

4

0

-1

5

113

2 291

1 040

Érythrée

4

0

0

4

67

NR

NR

Azerbaïdjan

4

2

-1

4

78

37 847

3 879

Jamaïque

4

0

0

4

27

14 057

4 879

République populaire démocratique de Corée

3

1

1

2

120

NR

NR

Fidji

3

1

1

2

109

4 704

5 234

Belize

2

0

0

2

35

1 741

4 745

Panama

2

0

0

2

23

55 188

13 680

Sao Tomé-et-Principe

2

0

0

2

47

343

1 715

Tuvalu

2

0

0

2

34

34

3 084

Sainte-Lucie

2

1

0

2

15

1 667

9 365

Botswana

2

0

0

2

91

15 581

6 924

Guinée équatoriale

2

3

2

0

7

10 685

8 747

Turkménistan

2

0

0

1

33

36 180

6 389

Uruguay

2

2

1

1

18

52 419

15 221

Bhoutan

1

0

0

1

51

2 213

2 774

Îles Solomon

1

0

0

1

182

1 202

2 006

Tonga

1

0

0

1

80

402

3 749

Maldives

1

0

0

1

27

4 224

9 875

Suriname

1

1

0

1

17

3 278

5 871

Îles Cook

1

0

0

1

22

NR

NR

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

1

0

-1

1

9

NR

7 007

Kiribati

1

0

0

1

63

182

1 587

Sainte-Hélène

1

0

0

1

106

NR

NR

Micronésie

0

0

0

0

51

330

3 144

Palaos

0

0

0

0

18

310

14 428

Antigua-et-Barbuda

0

0

0

0

0

1 460

14 462

Nauru

0

0

0

0

23

102

7 821

Niue

0

0

0

0

21

NR

NR

États ex-Yougoslavie

0

0

0

0

6

NR

NR

Montserrat

0

0

0

0

39

NR

NR

Dominique

-1

0

-2

1

8

581

7 906

Grenade

-1

0

-1

0

9

1 056

9 842

Seychelles

-7

2

-8

1

6

1 427

15 076

Îles Marshall

 

 

 

 

12

195

3 665

 


([1]) Rodrigue Kokouendo et Bérangère Poletti, Les nouvelles approches de l’aide publique au développement, rapport d’information n° 1057 de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, enregistré à la Présidence le 12 juin 2018.

([2]) Hervé Berville, « Un monde en commun, un avenir pour chacun », rapport sur la modernisation de la politique partenariale de développement, août 2018.

([3]) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010.

([4]) Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), Association internationale de développement (AID), Société financière internationale (SFI), Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) et Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).