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N° 1302
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019
(n° 1255),
TOME III
examen de la seconde partie
moyens des politiques publiques |
Par M. Joël GIRAUD
Rapporteur général,
Député
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SOMMAIRE
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Pages
SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
TITRE PREMIER AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019 – CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Article 39 Crédits du budget général
Article 40 Crédits des budgets annexes
Article 41 Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers
II. – Autorisation de découvert
Article 42 Autorisations de découvert
TITRE II AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS
Article 43 Plafonds des autorisations d’emplois de l’État
Article 44 Plafonds des emplois des opérateurs de l’État
Article 45 Plafonds des emplois des établissements à autonomie financière
Article 46 Plafonds des emplois de diverses autorités publiques
TITRE III REPORTS DE CRÉDITS DE 2018 SUR 2019
Article 47 Majoration des plafonds de reports de crédits de paiement
TITRE IV DISPOSITIONS PERMANENTES
I. – Mesures fiscales et budgétaires non rattachées
Article 48 Insertion d’une clause anti-abus générale en matière d’IS
Article 50 Élargissement du dispositif du crédit-vendeur
Article 53 Plafonnement de l’abattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs
Article 55 Prorogation des aides fiscales à l’économie ultra-marine, assortie de mesures anti-abus
Article 56 Aménagement des règles d’évaluation de la valeur locative des locaux industriels
Article 57 Prorogation d’un an du crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE)
Article 59 Réduction à 5,5 % du taux de TVA sur certaines prestations de gestion des déchets
Article 60 Renforcement du supplément de TGAP relatif aux biocarburants
Article 61 Obligation de télé-déclaration de la taxe sur les salaires
Article 63 Encaissement des recettes fiscales par un organisme autre que le comptable public
Article 64 Rationalisation et simplification de la fiscalité du tabac
Article 65 Augmentation maîtrisée des prestations sociales
Article 67 Garantie de l’emprunt de l’UNESCO pour la rénovation d’un bâtiment
Article 68 Garantie par l’État des emprunts de l’Unédic émis en 2019
Administration générale et territoriale de l’État
Aide publique au développement
Article 72 Souscription à l’augmentation de capital de la Banque mondiale
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Écologie, développement et mobilité durables
Article 76 Évolution du régime de la redevance pour pollutions diffuses
Engagements financiers de l’État
Gestion des finances publiques
Immigration, asile et intégration
Recherche et enseignement supérieur
Article 78 Renforcement de la mobilité étudiante
Relations avec les collectivités territoriales
Article 80 Décalage de la date d’entrée en vigueur de l’automatisation du FCTVA
Article 81 Soutien à l’investissement local
Solidarité, insertion et égalité des chances
Article 82 Création d’une nouvelle bonification de la prime d’activité
Article 83 Simplification des compléments à l’allocation aux adultes handicapés (AAH)
Sport, jeunesse et vie associative
CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres
CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État
CAS Participations financières de l’État
CAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs
CCF Avances à l’audiovisuel public
CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
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SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Lors de ses réunions du mercredi 7 novembre et du jeudi 8 novembre 2018, la commission a examiné les articles dits « de récapitulation » (articles 39 à 47), ainsi que les mesures fiscales et budgétaires non rattachées (articles 48 à 71) du présent projet de loi de finances.
TITRE PREMIER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019 – CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Article 39
Crédits du budget général
Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des missions et programmes du budget général de l’État au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.
Les crédits du budget général sont présentés dans les annexes relatives à chaque mission budgétaire et figurent à l’état B annexé au présent projet de loi de finances.
Le montant des crédits bruts ouverts sur le budget général est fixé à 478,98 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 464,48 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), au lieu de 450,24 milliards d’euros en AE et 446,25 milliards d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2018 ([1]).
Les crédits nets du budget général, c’est-à-dire déduction faite des remboursements et dégrèvements, s’élèvent à 343,29 milliards d’euros en AE et 328,79 milliards d’euros en CP, au lieu de 330,27 milliards d’euros en AE et 326,28 milliards d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2018.
L’évolution des crédits du budget général est commentée en détail dans la fiche n° 10 du tome I du présent rapport général ([2]).
*
* *
À l’occasion de l’examen des crédits des différentes missions, la commission a adopté douze amendements, constituant des propositions de modification de l’état B, à hauteur de 126 millions d’euros.
amendements de modification de l’État b adoptÉs par la commission
(en millions d’euros)
Numéro d’amendement |
Auteurs |
Mission |
Impact budgétaire |
Objet |
II-CF431 |
Laurent Saint-Martin |
Action et transformation publiques |
50 |
Création d’un fonds pour l’accélération du financement des start-ups d’État |
II-CF314 |
Jacques Savatier |
Administration générale et territoriale de l’État |
1 |
Financement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour les projets de dématérialisation des procédures de recueil et de traitement des comptes de campagne. |
II-CF491 |
Jean-Baptiste Moreau |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
1,4 |
Renforcement des effectifs de contrôle de FranceAgriMer |
II-CF489 |
Jean-Baptiste Moreau et Dominique Potier |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
0,45 |
Expérimentation des fermes DEPHY, qui utilisent des produits alternatifs aux pesticides |
II-CF877 |
Mohamed Laqhila |
Cohésion des territoires |
1 |
Financement du plan chlordécone |
II-CF507 |
Éric Coquerel et le groupe de La France Insoumise |
Écologie, développement et mobilité durables |
18,91 |
Création d’un nouveau programme Économie sociale et solidaire |
II-CF423 |
Joël Giraud |
Économie |
14 |
Maintien du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) |
II-CF488 |
Olivia Gregoire et Xavier Roseren |
Économie |
1 |
Financer l’activité de garantie des prêts aux entreprises de Bpifrance |
II-CF402 |
Émilie Bonnivard, Virginie Duby-Muller et Martial Saddier |
Économie |
0,14 |
Subvention en faveur des associations Vacances & Familles et Vacances ouvertes |
II-CF769 |
Éric Woerth, Émilie Bonnivard, Marie-Christine Dalloz, Patrick Hetzel, Valérie Lacroute, Marc Le Fur, Véronique Louowagie, François Parigi et Jean-Pierre Vigier |
Recherche et enseignement supérieur |
18 |
Financement de la recherche contre le cancer pédiatrique |
II-CF645 |
Amélie de Montchalin, Fabrice Le Vigoureux et Jean-Luc Fugit |
Recherche et enseignement supérieur |
10 |
Financement de l’IFP Énergies nouvelles |
II-CF648 |
Amélie de Montchalin, Fabrice Le Vigoureux et Jean-Luc Fugit |
Recherche et enseignement supérieur |
10 |
Rétablissement des crédits pour le programme dont l’amendement précédent a annulé les crédits |
Total |
125,9 |
|
Source : commission des finances.
L’impact des douze amendements adoptés est neutre en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur le total des crédits bruts ouverts sur le budget général. Cela résulte de l’application du premier alinéa de l’article 47 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]), qui définit les règles de recevabilité des amendements. Ceux-ci doivent de façon systématique compenser les ouvertures de crédits par une annulation de crédits à due concurrence sur d’autres programmes de la même mission.
*
* *
La commission est saisie d’un amendement II-CF1342 de Mme Sabine Rubin.
M. Éric Coquerel. Nous présenterons une série d’amendements d’appel destinés à montrer notre désaccord avec le montant de certains crédits de ce budget d’austérité.
Nous pointons plusieurs baisses de crédits : 15 milliards d’euros en moins, soit 2 %, pour la mission Travail et emploi, qui devrait être une priorité pour notre pays ; 1,2 milliard, soit 8 %, en moins pour la mission Cohésion des territoires ; 10 % en moins pour les crédits de l’agriculture ; 0,3 % en moins pour le budget de l’éducation nationale malgré tous les beaux discours.
M. le Rapporteur général. Vous proposez de supprimer l’article 39, qui ouvre tous les crédits pour le budget général de l’État, puis les articles qui déclinent les crédits par mission et par compte spécial. Je donnerai un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements qui font disparaître purement et simplement le budget de l’État.
M. le président Éric Woerth. C’est peut-être le but...
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du Rapporteur général, la commission adopte l’article 39 et l’état B, modifiés compte tenu des votes précédemment intervenus lors de l’examen successif des différentes missions.
*
* *
Article 40
Crédits des budgets annexes
Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des budgets annexes au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.
Les crédits correspondants sont présentés à l’état C annexé au présent projet de loi de finances.
Évolution des crÉdits des budgets annexes
(en millions d’euros)
Budget annexe |
Loi de finances initiale pour 2018 |
Projet de loi de finances pour 2019 |
||
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
|
Contrôle et exploitation aériens |
2 131 549 675 |
2 131 549 675 |
2 120 738 515 |
2 120 738 515 |
Publications officielles et information administrative |
183 292 856 |
173 287 856 |
176 011 746 |
166 006 746 |
Total |
2 314 842 531 |
2 304 837 531 |
2 296 750 261 |
2 286 745 261 |
Source : loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances.
Les crédits du budget annexe Contrôle et exploitation aériens sont en retrait de 0,5 % par rapport au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2018.
Les crédits du budget annexe Publications officielles et information administrative sont en recul de 4 % en AE et de 4,2 % en CP par rapport au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2018.
Au total, les crédits des budgets annexes sont en diminution de 0,8 % en AE et en CP.
*
* *
La commission examine l’amendement II-CF1343 de Mme Sabine Rubin.
M. Éric Coquerel. Nous nous opposons à la baisse de dotation du budget annexe Publications officielles et information administrative. Nous ne voulons pas d’un Journal officiel low cost au risque d’affecter une mission régalienne de l’État.
Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 40 et l’état C sans modification.
*
* *
Article 41
Crédits des comptes d’affectation spéciale
et des comptes de concours financiers
Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des comptes d’affectation spéciale (CAS) et des comptes de concours financiers (CCF) au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances. Les crédits de ces comptes sont détaillés à l’état D annexé au présent projet de loi de finances.
Évolution des crÉdits des comptes spÉciaux
(en millions d’euros)
Comptes spéciaux |
LFI 2018 |
PLF 2019 |
Écart LFI 2018/PLF 2019 |
||
AE |
CP |
AE |
CP |
CP |
|
CAS Aide à l’acquisition de véhicules propres |
388,0 |
388,0 |
570,0 |
570,0 |
182,0 |
CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 337,2 |
1 337,2 |
1 296,7 |
1 296,7 |
– 40,5 |
CAS Développement agricole et rural |
136,0 |
136,0 |
136,0 |
136,0 |
0 |
CAS Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale |
360,0 |
360,0 |
360,0 |
360,0 |
0 |
CAS Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage |
1 632,7 |
1 632,7 |
1 709,7 |
1 709,7 |
77,0 |
CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État |
524,6 |
581,7 |
391,3 |
483,0 |
-98,7 |
CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce |
148,0 |
167,3 |
118,0 |
125,7 |
– 41,6 |
CAS Participations financières de l’État |
5 000,0 |
5 000,0 |
10 000,0 |
10 000,0 |
5 000,0 |
CAS Pensions |
58 411,0 |
58 411,0 |
59 015,0 |
59 015,0 |
604,0 |
CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs |
383,2 |
383,2 |
359,2 |
359,2 |
– 24,0 |
CAS Transition énergétique |
7 184,3 |
7 184,3 |
7 279,4 |
7 279,4 |
95,1 |
Sous-total CAS |
75 505,1 |
75 581,4 |
81 235,3 |
81 334,7 |
5 753,3 |
CCF Accords monétaires internationaux |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
CCF Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics |
16 578,5 |
16 578,5 |
11 343,5 |
11 343,5 |
– 5 235,0 |
CCF Avances à l’audiovisuel public |
3 894,6 |
3 894,6 |
3 859,6 |
3 859,6 |
– 35,0 |
CCF Avances aux collectivités territoriales |
107 064,4 |
107 064,4 |
110 610,9 |
110 610,9 |
3 546,5 |
CCF Prêts à des États étrangers |
1 613,5 |
1 654,6 |
1 245,4 |
1 114,3 |
– 540,3 |
CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
1 900,3 |
200,3 |
50,1 |
325,1 |
124,8 |
Sous-total CCF |
131 051,3 |
129 392,4 |
127 109,4 |
127 253,4 |
– 2 139,0 |
Total |
206 556,4 |
204 973,8 |
208 344,7 |
208 588,1 |
3 614,3 |
Source : loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances.
Les crédits des CAS sont en hausse de 5,8 milliards d’euros par rapport au niveau adopté en loi de finances initiale pour 2018.
Cela résulte principalement des éléments suivants :
– une augmentation des crédits du CAS Participations financières de l’État, à hauteur de 5 milliards d’euros, au titre des opérations en capital menées par l’État (augmentations de capital, dotations en fonds propres, avances d’actionnaire et prêts assimilés) et notamment des opérations de privatisations envisagées et prévues dans le cadre du projet de loi relative au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), concernant le groupe ADP et la Française des Jeux ;
– et une augmentation des crédits du CAS Pensions, à hauteur de 604 millions d’euros du fait de la dynamique propre de la dépense, corrélée notamment à l’augmentation des départs à la retraite.
Les crédits des CCF sont en baisse de 2,1 milliards d’euros par rapport au niveau voté en loi de finances initiale pour 2018.
Cette diminution résulte principalement de deux mouvements contraires :
– une baisse sur le CCF Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, pour 5,2 milliards d’euros, liée principalement au remboursement des avances octroyées au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune. Cela résulte de la résorption progressive des retards de paiement induits par la mise en place des nouvelles dispositions de la politique agricole commune (PAC) 2014-2020 ;
– et une hausse sur le CCF Avances aux collectivités territoriales, pour 3,5 milliards d’euros, notamment au titre des avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes.
En 2019, le solde des comptes spéciaux, qui regroupent également les comptes de commerce et les comptes d’opérations monétaires visés à l’état E annexé au présent projet de loi de finances, s’établirait à 0,6 milliard d’euros, en progression de 2,4 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2018.
Évolution du solde des principaux comptes spÉciaux
(en milliards d’euros)
Comptes spéciaux |
Exécution 2017 |
LFI 2018 |
Prévisions exercice 2018 |
Écart LFI 2018/ Prévisions exercice 201 |
PLF 2019 |
CAS Participations financières de l’État |
– 0,8 |
0,0 |
– 2,7 |
– 2,7 |
0,0 |
CAS Pensions |
1,9 |
2,1 |
1,5 |
– 0,6 |
1,6 |
CAS Transition énergétique |
– 0,3 |
0,0 |
0,4 |
0,4 |
0,0 |
CCF Avances aux collectivités territoriales |
0,2 |
0,5 |
0,5 |
0,0 |
0,0 |
CCF Prêts à des États étrangers |
– 0,1 |
– 1,3 |
– 0,2 |
1,1 |
– 0,7 |
CC Soutien financier au commerce extérieur |
3,9 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Autres comptes |
0,7 |
– 0,3 |
– 0,4 |
– 0,1 |
– 0,2 |
Total |
5,5 |
1,0 |
– 0,8 |
– 1,8 |
0,6 |
Source : présent projet de loi de finances.
Les comptes Participations financières de l’État, Transition énergétique, Avances aux collectivités territoriales et Soutien financier au commerce extérieur seraient à l’équilibre en 2018.
Le solde du compte Prêts à des États étrangers serait négatif du fait d’un niveau de dépenses établi à 1,1 milliard d’euros pour un niveau de recettes de 372 millions d’euros.
En 2018, le solde du compte Pensions serait de nouveau positif à 1,6 milliard d’euros, en raison de recettes supérieures aux dépenses. Le solde cumulé du compte s’élèverait à 6,8 milliards d’euros fin 2018, soit 8,4 milliards d’euros fin 2019.
*
* *
À l’occasion de l’examen des crédits des différents comptes spéciaux, la commission a adopté un amendement déposé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, visant à modifier le titre du programme 792 Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants. La nouvelle dénomination serait Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants en faveur d’une mobilité plus propre ou active. Cela viserait à élargir les dispositifs d’aides au-delà de l’actuelle prime à la conversion. Ceux-ci prendraient la forme de contributions financières en faveur du remplacement de véhicules polluants par d’autres moyens de mobilité, tels que le vélo, le vélo à assistance électrique, ou encore la trottinette à assistance électrique ou non.
*
* *
La commission examine l’amendement II-CF1344 de Mme Sabine Rubin.
M. Éric Coquerel. Nous sommes en désaccord avec le montant des crédits ouverts pour les comptes d’affectation spéciale et les comptes de concours financiers pour 2019. Nous notons des baisses de crédits de 2,5 % pour le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public alors même que ce secteur aurait besoin de davantage de financements.
Le Gouvernement n’est pas en reste avec le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, qui finance pourtant les collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières. Cela fait écho à d’autres débats que nous avons eus sur la faiblesse de l’offre de transports communs qui pénalisent des personnes en difficulté qui n’ont pas d’autres moyens de se déplacer.
Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 41 et l’état D sans modification.
*
* *
II. – Autorisation de découvert
Article 42
Autorisations de découvert
Le présent article autorise les découverts des comptes de commerce et des comptes d’opérations monétaires, qui sont détaillés à l’état E annexé au présent projet de loi de finances. Les justifications des autorisations de découvert demandées sont quant à elles présentées dans les annexes relatives à chacune de ces deux catégories de comptes.
Les comptes de commerce et les comptes d’opérations monétaires
Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif (1).
Les comptes d’opérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif (2).
(1) Article 22 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
(2) Article 23 de la LOLF.
Le présent article prévoit ainsi que les autorisations de découvert accordées pour 2019 s’élèvent :
– à 19 860 809 800 euros au titre des comptes de commerce ;
– et à 250 000 000 euros au titre des comptes d’opérations monétaires.
La loi de finances initiale pour 2018 avait fixé les autorisations de découvert aux niveaux suivants :
– 19 880 809 800 euros au titre des comptes de commerce ;
– et 250 000 000 euros au titre des comptes d’opérations monétaires.
Conformément à l’article 42 de la LOLF ([4]), les découverts sont votés par compte spécial. La décomposition des autorisations de découvert pour 2019 est ainsi prévue :
Découvert des comptes de commerce
(en millions d’euros)
Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires |
125 |
Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire |
23 |
Couverture des risques financiers de l’État |
506 |
Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État |
0 |
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État |
19 200 |
Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés |
0 |
Opérations commerciales des domaines |
0 |
Régie industrielle des établissements pénitentiaires |
0,6 |
Renouvellement des concessions hydrauliques |
6,2 |
Soutien financier au commerce extérieur |
0 |
Total |
19 860,8 |
découverts des comptes d’opérations monétaires
(en millions d’euros)
Émission des monnaies métalliques |
0 |
Opérations avec le Fonds monétaire international |
0 |
Pertes et bénéfices de change |
250 |
Total |
250 |
*
* *
La commission examine l’amendement II-CF1345 de Mme Sabine Rubin.
M. Éric Coquerel. Il s’agit là encore d’un amendement d’appel qui a pour but de s’opposer à la baisse des autorisations de découvert accordées aux ministres au titre des comptes de commerce et des opérations monétaires.
Vous figez ces autorisations de découvert au lieu de faire confiance aux gestionnaires publics.
Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 42 et l’état E sans modification.
*
* *
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TITRE II
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS
Article 43
Plafonds des autorisations d’emplois de l’État
Le présent article fixe les plafonds des autorisations d’emplois par ministère et par budget annexe.
En application du 6° du I de l’article 34 de la LOLF ([5]), la première partie de loi de finances de l’année fixe le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État.
Ce plafond est fixé pour 2019, à l’article d’équilibre du présent projet de loi de finances (article 38), à 1 964 659 équivalents temps plein travaillé (ETPT), au lieu de 1 960 333 ETPT en loi de finances initiale pour 2018.
En application du 2° du même article, la seconde partie de la loi de finances détermine la répartition de ces plafonds par ministère et par budget annexe. Le présent article présente cette répartition. En application de l’article 43 de la LOLF, ces plafonds donnent lieu à un vote unique.
L’évolution des plafonds des autorisations d’emplois par ministère par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 est la suivante.
Évolution des plafonds des autorisations d’emplois par ministère
(en équivalents temps plein travaillé – ETPT)
Ministère |
Plafond des autorisations d’emplois prévu LFI 2018 |
Plafond des autorisations d’emplois prévu PLF 2019 |
Écart |
Action et comptes publics |
126 536 |
124 973 |
– 1 563 |
Agriculture et alimentation |
30 362 |
30 097 |
– 265 |
Armées |
274 580 |
274 595 |
15 |
Cohésion des territoires |
573 |
564 |
– 9 |
Culture |
11 148 |
11 089 |
– 59 |
Économie et finances |
13 137 |
12 801 |
– 336 |
Éducation nationale |
1 021 721 |
1 027 527 |
5 806 |
Enseignement supérieur, recherche et innovation |
8 016 |
7 960 |
– 56 |
Europe et affaires étrangères |
13 530 |
13 669 |
139 |
Intérieur |
287 325 |
287 771 |
446 |
Justice |
84 969 |
86 629 |
1 660 |
Outre-mer |
5 525 |
5 548 |
23 |
Services du Premier ministre |
11 536 |
11 701 |
165 |
Solidarités et santé |
9 938 |
9 524 |
– 414 |
Transition écologique et solidaire |
40 805 |
39 850 |
– 955 |
Travail |
9 251 |
9 012 |
– 239 |
Total Budget général |
1 948 952 |
1 953 310 |
4 358 |
Contrôle et exploitations aériens |
10 677 |
10 686 |
9 |
Publications officielles et information administrative |
704 |
663 |
– 41 |
Total Budgets annexes |
11 381 |
11 349 |
– 32 |
Total général |
1 960 333 |
1 964 659 |
4 326 |
Source : loi de finances pour 2018 et présent projet de loi de finances.
Au niveau global, le plafond des autorisations d’emplois pour le budget général s’élève à 1 953 310 ETPT, soit une augmentation de 4 358 ETPT par rapport au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2018.
Le plafond des autorisations d’emplois pour les budgets annexes s’élève à 11 349 ETPT, soit un niveau en baisse de 32 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.
Au total, le plafond des autorisations d’emplois de l’État (budget général et budgets annexes) s’élève à 1 964 659 ETPT, en augmentation de 4 326 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.
Cela résulte principalement à des mesures de transfert et de périmètre, représentant une augmentation de 6 310 ETPT. Celles-ci correspondent essentiellement à la poursuite du plan de transformation des contrats aidés du ministère de l’éducation nationale en contrats pérennes d’accompagnement d’élèves en situation de handicap (AESH), à hauteur de 6 400 ETPT.
Le Rapporteur général salue la présentation, à périmètre constant, de l’évolution du schéma d’emplois de l’État (budget général et budget annexes) par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, qu’il avait réclamé de ses vœux l’an dernier. Celle-ci permet d’identifier les mouvements de créations et de suppressions de postes au sein des différents ministères. Les ministères dont le schéma d’emplois est le plus négatif sont les suivants :
– action et comptes publics (– 1 947 équivalents temps plein, ETP) ;
– éducation nationale (– 1 800 ETP) ;
– et transition écologique et solidaire (– 811 ETP).
À l’inverse, les ministères suivants bénéficient d’un schéma d’emplois significativement positif :
– intérieur (+ 2 153 ETP) ;
– justice (+ 1 300 ETP) ;
– et armées (+ 466 ETP).
*
* *
La commission est saisie de l’amendement II-CF1346 de Mme Sabine Rubin.
M. Éric Coquerel. Nous nous opposons au niveau des plafonds des autorisations d’emplois de l’État pour 2019. Le Gouvernement prévoit de très nombreuses suppressions de postes dans la fonction publique pour 2019 : avec les créations de postes au ministère de l’intérieur, au ministre des armées et au ministère de la justice, on en arrive à un solde net de 4 200 suppressions. Citons, entre autres, 2 321 postes supprimés au ministère des comptes publics, 1 800 postes supprimés au ministère de l’éducation, 1 078 postes supprimés au ministère de la transition écologique et solidaire... Vous poursuivez ainsi le démantèlement de notre administration et donc de l’État.
Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 43 sans modification.
*
* *
Article 44
Plafonds des emplois des opérateurs de l’État
Le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État à 401 468 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour 2019 au lieu de 404 472 ETPT en loi de finances initiale pour 2018, soit une baisse 3 004 emplois.
plafond d’emplois des opérateurs de l’état
(en ETPT)
Missions (opérateurs de l’État) |
Plafond des autorisations d’emplois |
Plafond des autorisations d’emplois PLF 2019 |
Écart |
Action extérieure de l’État |
6 765 |
6 530 |
– 235 |
Administration générale et territoriale de l’État |
443 |
358 |
– 85 |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
14 340 |
14 003 |
– 337 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
1 327 |
1 317 |
– 10 |
Cohésion des territoires |
379 |
281 |
– 98 |
Culture |
14 361 |
14 106 |
– 255 |
Défense |
6 603 |
6 564 |
– 39 |
Direction de l’action du Gouvernement |
597 |
597 |
0 |
Écologie, développement et mobilité durables |
19 791 |
19 578 |
– 213 |
Économie |
2 591 |
2 563 |
– 28 |
Enseignement scolaire |
3 359 |
3 276 |
– 83 |
Gestion des finances publiques et des ressources humaines |
1 328 |
1 195 |
– 133 |
Immigration, asile et intégration |
1 879 |
1 984 |
105 |
Justice |
580 |
617 |
37 |
Médias, livre et industries culturelles |
3 023 |
3 004 |
– 19 |
Outre-mer |
127 |
127 |
0 |
Recherche et enseignement supérieur |
259 376 |
259 387 |
11 |
Régimes sociaux et de retraite |
319 |
307 |
– 12 |
Santé |
1 658 |
1 624 |
– 34 |
Sécurités |
267 |
279 |
12 |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
8 368 |
8 198 |
– 170 |
Sport, jeunesse et vie associative |
580 |
657 |
77 |
Travail et emploi |
55 558 |
54 063 |
– 1 495 |
Contrôle et exploitation aériens |
812 |
812 |
0 |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
41 |
41 |
0 |
Total |
404 472 |
401 468 |
– 3 004 |
Source : loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances.
La baisse résulte marginalement de l’effet en année pleine du schéma d’emplois négatif de 2018, qui diminue le plafond d’emplois des opérateurs de l’État à hauteur de 178 ETPT. Elle résulte essentiellement du schéma d’emplois négatif de l’année 2019 à hauteur de 2 593 ETP, ayant un impact à la baisse de 1 416 ETPT sur le plafond d’emplois.
Les schémas d’emplois négatifs portent principalement sur les opérateurs relevant des ministères suivants :
– du travail (– 1 385 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (– 1 081 ETPT) et de Pôle emploi (– 400 ETPT) ;
– de l’action et des comptes publics (– 336 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois des Instituts régionaux d’administration (– 109 ETPT) ;
– de la transition écologique et solidaire (– 267 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de Voies navigables de France (– 109 ETPT), de Météo France (– 94 ETPT) et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (– 101 ETPT) ;
– des solidarités et de la santé (– 252 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois des Agences régionales de santé (– 170 ETPT) ;
– de l’Europe et des affaires étrangères (– 166 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger
(– 235 ETPT) ;
– et de l’agriculture et de l’alimentation (– 137 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de l’Office national des forêts (– 226 ETPT).
Parallèlement, le ministère de l’intérieur bénéficie d’un schéma d’emplois positif, à hauteur de 125 ETP. Enfin, les mesures de périmètre, de transfert, de corrections et abattements techniques ont un impact négatif sur le plafond d’emplois des opérateurs de l’État, à hauteur de 1 410 ETPT.
*
* *
La commission examine l’amendement II-CF1347 de Mme Sabine Rubin.
M. Éric Coquerel. Les opérateurs de l’État vont souffrir de ce budget 2019 puisque le Gouvernement prévoit de supprimer 3 004 emplois au sein d’institutions comme le Centre national de la recherche scientifique, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, Météo France ou Pôle emploi. Cet affaiblissement de nos capacités est une atteinte portée à l’intérêt général.
Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement II-CF970 de Mme Barbara Pompili.
Mme Barbara Pompili. Je défends, avec cet amendement, la possibilité de redonner un peu de souffle aux agences de l’eau et aux parcs nationaux, qui voient leurs effectifs baisser assez régulièrement, malgré un très fort besoin de personnel sur le terrain. C’est d’autant plus dommageable que les agences de l’eau ont vu leurs compétences étendues à la gestion de la biodiversité par la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ces emplois sont absolument essentiels, dans la mesure où ils font le lien avec les territoires, les collectivités, et permettent aux agences de l’eau de s’affirmer comme les partenaires de la mise en place des politiques liées à cette précieuse ressource.
Afin de pouvoir récupérer un peu d’ETPT, je suis allée chercher là où les effectifs avaient augmenté : essentiellement la Société du Grand Paris (SGP), et la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE).
Les effectifs de la SGP connaîtront un quasi-doublement et devraient atteindre à peu près à 430 ETPT. Dans ces conditions, 15 ETPT représentent moins de 3,5 % de ses effectifs. Il serait donc possible de prélever ces 15 ETPT sans grever pour autant l’activité du Grand Paris, qui est évidemment essentielle. Pour ce qui est du canal Seine-Nord, les effectifs de la SCSNE pourraient quant à eux tripler, alors que pour l’année 2019, la mission essentielle de la société se limitera à faire des acquisitions foncières et à commander des études. Dans ces conditions, un doublement des effectifs devrait suffire.
L’objectif est de desserrer l’étau sur les parcs nationaux et les agences de l’eau, sans pour autant pénaliser ces établissements.
M. le Rapporteur général. En tant que cosignataire, je suis favorable à cet amendement. Et je remercie par avance de sa générosité Gilles Carrez, qui a récupéré beaucoup d’argent hier pour la SGP...
M. le président Éric Woerth. Avant de céder la parole aux uns et aux autres, je voudrais dire à Mme Pompili qu’on ne peut ainsi pas retirer à la SCSNE un tiers de ses emplois. Cela fait vingt ans, peut-être vingt-cinq, voire plus, que l’on parle de ce canal ; nous arrivons à un moment majeur. L’État et la région Hauts-de-France, qu’elle connaît bien, ont rendu sa réalisation possible. Tout le monde est d’accord, et n’a jamais été aussi d’accord ; c’est à peu près financé. On entre dans la phase opérationnelle, et il va falloir commencer à travailler de façon rationnelle et juridiquement organisée.
Ce serait un très mauvais signal de vouloir réduire les emplois naissants d’un projet qui a mis vingt-cinq ans pour sortir de terre. Nous n’avons pas tellement de grands projets d’infrastructures en France, où la tendance est plutôt de réduire la voilure. Telle est mon opinion pour ce qui touche au canal Seine-Nord et les quinze emplois que vous voulez lui retirer.
M. Gilles Carrez. Je commencerai en remerciant M. le Rapporteur général de nous avoir aidés hier à trouver des recettes complémentaires hier pour la SGP.
Le rapport que nous avions commandé à la Cour des comptes et qu’elle nous a remis en janvier dernier traitait de deux aspects du projet du Grand Paris : son financement et les emplois. Or, la Cour nous a recommandé, ce qui est tout à fait exceptionnel de sa part, d’augmenter le nombre d’emplois d’un opérateur de l’État.
Ce projet a vu ses coûts passer de 25 à 35 milliards d’euros et il s’est avéré que les effectifs en assistance à maîtrise d’ouvrage étaient deux fois supérieurs à ceux de la maîtrise d’ouvrage directe. La Cour des comptes a alors mis en évidence qu’il fallait absolument étoffer, muscler la maîtrise d’ouvrage et relever fortement le plafond d’emplois. C’est la raison pour laquelle celui-ci a été porté à 400 ETPT.
Selon la Cour, si on veut vraiment s’en tenir aux 35 milliards prévus, nous avons besoin d’un maître d’ouvrage qui soit capable d’assumer les opérations. Et contrairement au canal Seine-Nord Europe, les tunneliers sont déjà en train de creuser, et il faut pouvoir les contrôler dans leur travail.
M. le président Éric Woerth. Mais on a aussi commencé à creuser pour le canal Seine-Nord Europe...
Mme Christine Pires Beaune. Je vais soutenir l’amendement de notre collègue Pompili, parce que je connais les parcs nationaux et que je pense qu’ils ont vraiment besoin d’effectifs.
Je ne me prononcerai pas sur le gage qu’elle propose ; mais j’en profite pour signaler au Rapporteur général qu’il serait bon à l’avenir, en cas de suppressions de postes, que l’on revienne vers nous pour nous dire exactement où elles ont été effectuées.
Je vais prendre un exemple sans citer le nom de l’opérateur de l’État concerné. Je me suis amusée à rechercher dans les rapports d’activité cinq ans en arrière, et j’ai constaté qu’il avait rendu des postes dans toutes les régions, excepté une seule, qui en a gagné au lieu d’en perdre. Voilà pourquoi je souhaiterais savoir, région par région, où les postes ont été supprimés, quel que soit le ministère touché – l’intérieur, la justice, l’éducation, etc.
M. Éric Coquerel. Je vais aussi soutenir cet amendement : d’abord, je ne suis pas très favorable au Grand Paris quand je vois la tournure que prennent cette métropolisation et sa gouvernance ; ensuite, le Gouvernement peut toujours lever le gage s’il le veut ; enfin, je rejoins les propos qu’a tenus Barbara Pompili sur les agences de l’eau.
M. le président Éric Woerth. Parfois les gages n’ont aucun sens. En l’occurrence, celui-ci en a un, éminemment politique. Et c’est justement ce sens politique que l’on combat.
Mme Barbara Pompili. Monsieur Carrez, même si cet amendement est adopté, la SGP verra ses effectifs passer à 415 ETPT ; autrement dit, ils dépasseront les 400. Je ne voudrais en aucun cas que l’on puisse croire que je veux empêcher la réalisation du Grand Paris, dont les travaux sont en cours. Simplement, il me semble possible de prélever 3,5 % de ses effectifs, pour répondre, ailleurs, à d’autres besoins.
Pour ce qui est du canal Seine-Nord, je ne peux pas laisser dire que l’on veut réduire les effectifs : on propose de les doubler au lieu de les tripler, ce qui n’est pas vraiment pareil. J’ajoute que j’ai eu l’occasion d’en parler avec un certain nombre d’élus des Hauts‑de‑France, notamment au premier d’entre eux. Il n’était pas ravi, mais il a compris que l’objectif n’était pas d’empêcher la construction du canal Seine-Nord Europe. De toutes les façons, en 2019, la SCSNE n’aura que des acquisitions foncières à mener et des études à commander. Pour faire cela, franchement, 30 ETPT me paraissent suffisant.
M. le président Éric Woerth. On ne peut pas réfléchir de façon générale sur les ETPT. Imaginez que vous préleviez 15 ETPT quelque part et que ce soient les plus utiles ? Cela ne marche pas comme ça ! Aujourd’hui, on est suffisamment attentif à ne pas multiplier à l’excès les effectifs pour ne pas avoir, en plus, à les calibrer.
Pour ma part, je ne suis pas un spécialiste du canal Seine-Nord Europe, mais je vais aux réunions comme tous les élus concernés. J’ai bien vu qu’on entrait dans une phase opérationnelle, qui nécessitait la constitution d’une véritable équipe. Plusieurs milliards d’euros sont en jeu. C’est une infrastructure extrêmement coûteuse qui, je l’espère, sera extrêmement utile à notre pays. On enverrait un signal très négatif au moment où ce projet de canal est en train de se concrétiser.
M. Jean-Louis Bourlanges. J’irai dans le sens de Gilles Carrez. Quand on s’est penché sur les problèmes de la SGP, on a repéré, parmi les nombreuses causes de retards et de dérapages financiers, l’insuffisance de l’encadrement, qui s’est avérée très préjudiciable. Ce n’est donc pas du tout le poste où il faut faire des économies. Et je m’étonne qu’un homme aussi sage, aussi pondéré que notre Rapporteur général s’oriente sur cette voie ! Il est tout à fait légitime que Mme Pompili défende un tel amendement. Mais venant de M. Giraud, qui est responsable de l’équilibre d’ensemble, je ne comprends plus !
M. le Rapporteur général. C’est peut-être parce que je suis ici le plus vieil administrateur vivant d’un parc national depuis 1989 !
Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, je comprends l’intérêt de ces grands travaux. Cela étant, les parcs nationaux ne sont pas des gadgets. Or on va créer un nouveau parc national sans avoir budgété aucun ETPT supplémentaire sur les parcs nationaux.
M. le président Éric Woerth. J’ai aussi, dans ma circonscription, le parc naturel régional des Trois Forêts. Je ne juge donc pas les parcs nationaux en tant que tels.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF976 et II‑CF977 de Mme Barbara Pompili.
Mme Barbara Pompili. L’Autorité de sécurité nucléaire (ASN), qui n’est plus à présenter, assure la sûreté des installations nucléaires, et surtout des personnes qui y travaillent et qui vivent autour. Depuis quelques années, ses missions ont beaucoup augmenté, notamment ces derniers temps, avec la découverte de fraudes sur les futures pièces de réacteurs – les EPR, mais pas seulement.
L’ASN demande à pouvoir développer une section anti-fraude qui lui permettrait de travailler avec des experts sur la question ; c’est absolument crucial dans une période charnière pour le nucléaire. Pour cela, elle a besoin de 15 ETPT supplémentaires sur trois ans. Voilà pourquoi mon amendement II-CF976 propose de créer six ETPT supplémentaires, au lieu de deux, en 2019 ; l’amendement II‑CF977, de repli, se limite à trois ETPT supplémentaires.
M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. Éric Coquerel. Je soutiens ces deux amendements. Je rappelle que ce service de lutte contre la fraude a déjà été mis en place par l’ASN, avant même de disposer des crédits permettant la création des ETPT correspondants pour remplir cette mission cruciale au regard des risques qui se développent.
On nous répond souvent que l’ASN est un peu « privilégiée » par rapport à d’autres opérateurs. C’est oublier que le domaine sur lequel elle intervient est d’une grande importance en termes de sécurité. Les gens de l’ASN se sont adressés à nous, et nous les avons auditionnés. Je crois vraiment qu’il faut en tenir compte, d’autant que cela ne concerne qu’un nombre restreint d’ETPT.
Enfin, au-delà de la création de ces ETPT, c’est l’expérience accumulée, qui est importante, qui pourra ainsi se transmettre. J’espère donc qu’un de ces deux amendements sera accepté. L’autre jour, en séance, c’est passé très près puisqu’il a fallu procéder à un vote par assis et levé. J’espère que cette fois-ci, la commission des finances enverra un signe favorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’article 44 sans modification.
*
* *
Article 45
Plafonds des emplois des établissements à autonomie financière
Le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des établissements à autonomie financière (EAF) pour 2019.
Cette disposition, prévue à l’article 76 de la loi de finances pour 2009 ([6]), complète les dispositifs de plafonnement des autorisations d’emplois de l’État et des opérateurs de l’État.
Elle est applicable aux emplois d’établissements dépourvus de la personnalité morale et qui ne constituent pas des opérateurs de l’État. Cette catégorie d’établissements est visée à l’article 66 de la loi de finances pour 1974 ([7]), qui prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles « l’autonomie financière pourra être conférée à des établissements et organismes de diffusion culturelle ou d’enseignement situés à l’étranger et dépendant du ministère des affaires étrangères ».
Ces établissements relèvent du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Leur liste est fixée par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre en charge du budget ([8]).
Le plafond des autorisations d’emplois s’applique uniquement aux agents de droit local recrutés à durée indéterminée.
plafonds des emplois des établissements à autonomie financière
(en équivalents temps plein – ETP)
Mission Action extérieure de l’État |
Plafond LFI 2012 |
Plafond LFI 2013 |
Plafond LFI 2014 |
Plafond LFI 2015 |
Plafond LFI 2016 |
Plafond LFI 2017 |
Plafond LFI 2018 |
Plafond PLF 2019 |
Programme Diplomatie culturelle et d’influence |
3 540 |
3 600 |
3 564 |
3 489 |
3 449 |
3 449 |
3 449 |
3 449 |
Source : lois de finances initiales et présent projet de loi de finances.
Ce plafond, fixé à 3 449 ETP, est stable depuis la loi de finances initiale pour 2016. Il est à noter que le plafond est exprimé en ETP et non en ETPT, comme pour le plafond des autorisations d’emplois de l’État, des opérateurs de l’État ou de diverses autorités publiques.
Par conséquent, le Rapporteur général appelle à une harmonisation de la méthode de fixation des plafonds des emplois des établissements à autonomie financière avec les autres catégories de plafonds d’emplois de l’État, afin qu’ils puissent également être exprimés en ETPT.
*
* *
La commission est saisie de l’amendement II-CF1348 de M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. Cet amendement d’appel a pour but de dénoncer la situation que connaissent les établissements à autonomie financière, c’est-à-dire les établissements de diffusion culturelle ou de recherche situés à l’étranger et dépendant du ministère de l’Europe et des affaires étrangères – principalement les instituts français à l’étranger qui participent, tout le monde en conviendra, au rayonnement de notre culture et de notre langue.
Le plafond d’emplois de ces établissements reste le même qu’en 2017 et 2018, mais dans le même temps, leurs dotations baissent de plus de 5 %, alors qu’elles avaient déjà baissé de plus de 5 % entre 2017 et 2018. Nous pensons au contraire qu’il faudrait augmenter les moyens et les effectifs des instituts français à l’étranger.
M. le Rapporteur général. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 45 sans modification.
*
* *
Article 46
Plafonds des emplois de diverses autorités publiques
Le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des autorités publiques indépendantes (API) et des autorités administratives indépendantes (AAI) dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond des emplois rémunérés par l’État.
La loi de finances pour 2012 ([9]) a instauré la fixation de ce plafond d’autorisations d’emplois. Celle-ci avait également prévu la création d’une annexe générale au projet de loi de finances de l’année relative aux API et aux AAI dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État ([10]). Cette annexe générale est désormais prévue à l’article 23 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ([11]).
Ces dispositions sont de nature à améliorer l’information du Parlement, à renforcer le contrôle de l’évolution des effectifs au sein des API et des AAI, ainsi que le suivi de leurs dépenses. Cependant, le Rapporteur général ne peut que regretter la transmission tardive de l’annexe générale.
Les plafonds des emplois des autorités publiques indépendantes, fixés en loi de finances initiale, sont relativement stables sur moyenne période.
Évolution des plafonds d’emplois des autorités publiques indépendantes
(en ETPT)
Autorité |
LFI 2012 |
LFI 2013 |
LFI 2014 |
LFI 2015 |
LFI 2016 |
LFI 2017 |
LFI 2018 |
PLF 2019 |
Écart entre LFI 2018 et PLF 2019 |
ACPR – Autorité de contrôle prudentiel et de résolution |
1 121 |
1 121 |
1 121 |
1 121 |
1 121 |
1 121 |
1 050 |
1 050 |
0 |
AFLD – Agence française de lutte contre le dopage |
65 |
65 |
64 |
62 |
62 |
62 |
62 |
70 |
+ 8 |
AMF – Autorité des marchés financiers |
469 |
469 |
469 |
469 |
469 |
469 |
475 |
475 |
0 |
ARAFER – Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières |
52 |
56 |
59 |
63 |
68 |
75 |
75 |
78 |
+ 3 |
CSA – Conseil supérieur de l’audiovisuel |
– |
– |
– |
284 |
284 |
284 |
284 |
284 |
0 |
H3C – Haut Conseil du commissariat aux comptes |
43 |
50 |
50 |
55 |
58 |
61 |
65 |
65 |
0 |
HADOPI – Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet |
71 |
71 |
71 |
71 |
65 |
65 |
65 |
65 |
0 |
HAS – Haute Autorité de santé |
409 |
411 |
394 |
395 |
394 |
395 |
395 |
425 |
+ 30 |
MNE – Médiateur national de l’énergie |
47 |
46 |
41 |
41 |
41 |
41 |
41 |
41 |
0 |
Total |
2 277 |
2 289 |
2 269 |
2 561 |
2 562 |
2 573 |
2 512 |
2 553 |
+ 41 |
Source : lois de finances initiales, présent projet de loi de finances.
L’augmentation du plafond de 41 ETPT entre 2018 et 2019 concerne :
– principalement la Haute Autorité de santé – HAS (+ 30 ETPT), compte tenu de la reprise depuis le 1er avril 2018 des activités et des personnels de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) par la HAS ([12]). Le « jaune » budgétaire relatif aux autorités administratives et publiques indépendantes précise que le nombre d’ETPT effectif au sein de la HAS devrait augmenter dans les mois qui viennent, en raison de recrutements en cours et conformément à l’augmentation du plafond d’emplois ;
– l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – ARAFER (+ 3 ETPT), compte tenu de l’extension des missions de l’ARAFER dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ([13]) ;
– et l’Agence française de lutte contre le dopage (+ 8 ETPT).
*
* *
La commission en vient à l’amendement II-CF1349.
M. Éric Coquerel. Cet autre amendement d’appel a pour but de s’opposer au niveau des plafonds des autorisations d’emplois de diverses autorités publiques visées par l’article 46. Je pense à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, une institution intégrée à la Banque de France, chargée de la surveillance de l’activité des banques et des assurances en France. Son rôle est essentiel et nous sommes en droit de nous inquiéter du gel de son plafond d’emplois. Mais on peut dire la même chose de l’Autorité des marchés financiers.
M. le Rapporteur général. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 46 sans modification.
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TITRE III
REPORTS DE CRÉDITS DE 2018 SUR 2019
Article 47
Majoration des plafonds de reports de crédits de paiement
L’article 15 de la LOLF prévoit que les crédits de paiement disponibles sur un programme à la fin de l’année peuvent être reportés sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs. Ce report est mis en place dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits, sur le même titre, du programme à partir duquel les crédits sont reportés. Il est pris par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé.
S’agissant des crédits hors dépenses de personnel, le même article 15 précise que « ce plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances ».
Le Parlement peut donc accorder au Gouvernement une souplesse de gestion permettant un report supérieur à 3 % des crédits initiaux du programme sur l’exercice budgétaire suivant, à la condition que ces crédits ne portent pas sur des dépenses de personnel.
Le présent article a pour objet de prévoir cette exception au titre de sept programmes au lieu de quinze programmes en loi de finances initiale pour 2018. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait cette exception pour trois programmes. Le Gouvernement avait étendu cette exception à d’autres programmes par le biais d’amendements, en cours d’examen du projet de loi.
Le montant de ces reports, non communiqué par le Gouvernement à la date de la rédaction du présent rapport général, sera présenté de manière prévisionnelle en loi de finances rectificative de fin d’année. Aux termes du IV de l’article 15 de la LOLF, les arrêtés de report sont publiés au plus tard le 31 mars de l’année suivant la mise en œuvre de ces reports.
Les programmes concernés par la majoration des plafonds de reports de crédits de paiement sont les suivants.
Programmes concernés par une majoration de reports
de crédits de paiement
Mission |
Programme |
Motif de report |
Aide publique au développement |
Aide économique et financière au développement |
Report d’une opération de traitement de dette d’un État étranger |
Conseil et contrôle de l’État |
Conseil d’État et autres juridictions administratives |
Report sur 2019 du financement d’une opération immobilière |
Justice |
Conseil supérieur de la magistrature |
Report d’investissements informatiques |
Conseil et contrôle de l’État |
Cour des comptes et autres juridictions financières |
Report d’attributions de produits destinés à financer des programmes immobiliers |
Sport, jeunesse et vie associative |
Jeux olympiques et paralympiques 2024 |
Garantir le respect des engagements de l’État au financement de la livraison des ouvrages olympiques |
Action extérieure de l’État |
Présidence française du G7 |
Report sur 2019 de dépenses liées à l’organisation du sommet du G7 |
Action et transformation publiques |
Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants |
Dépenses immobilières réalisées dans le cadre du Grand plan d’investissement (GPI) |
Source : présent projet de loi de finances.
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La commission examine l’amendement II-CF1267 de M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. La loi organique relative aux lois de finances plafonne à 3 % les reports de crédits, d’une année sur l’autre, pour chaque programme de chaque mission. L’article 47 permet toutefois des dérogations pour certains programmes, et dans la plupart des cas, nous soutenons cette mesure.
Nous nous opposons cependant à ce qu’elle s’applique au programme Présidence française du G7. Nous pensons que les crédits de ce programme qui n’ont pas été consommés en 2018 sont inutiles, et n’ont donc pas à être reportés sur 2019. Au-delà, nous souhaitons dénoncer globalement l’allocation de fonds à la présidence du G7, symbole de l’enfermement dans une diplomatie de clubs oligarchiques, qui n’a pas sa place dans une institution comme l’ONU.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer la septième ligne du tableau de l’alinéa 2, qui concerne le G7.
M. le Rapporteur général. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 47 sans modification.
Elle adopte ensuite la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019, modifiée.
Enfin, elle adopte l’ensemble du projet de loi de finances pour 2019, modifié.
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TITRE IV
DISPOSITIONS PERMANENTES
I. – Mesures fiscales et budgétaires non rattachées
Article 48
Insertion d’une clause anti-abus générale en matière d’IS
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article transpose en droit français, à travers un nouvel article 205 A du code général des impôts (CGI), la clause anti-abus générale en matière d’impôt sur les sociétés (IS) prévue à l’article 6 de la directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, dite directive « ATAD » (pour « anti-tax avoidance directive », soit directive contre l’évasion fiscale).
Cette clause anti-abus générale permettra à l’administration d’écarter les montages :
– dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est l’obtention d’un avantage fiscal contre l’objet ou la finalité du droit applicable ;
– et qui ne sont pas authentiques, c’est-à-dire qui ne reposent pas sur des motifs commerciaux valables.
Il s’agit d’une formulation identique à celle de la clause anti-abus prévue au 3 de l’article 119 ter du CGI et applicable au régime mère-fille en vertu du k du 6 de l’article 145 du même code. Cette clause mère-fille étant couverte par la nouvelle clause générale, elle est abrogée par le présent article.
En revanche, la nouvelle clause anti-abus générale n’écrase pas la clause anti-abus propre au régime spécial des fusions prévue au III de l’article 210‑0 A du CGI, dont le contenu est distinct et qui restera donc applicable.
Ce dispositif, qui complète utilement l’arsenal français contre l’évasion et la fraude fiscales en matière d’IS, s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 a introduit en droit français la clause anti-abus du régime mère-fille prévue par une directive du 27 janvier 2015.
La clause anti-abus du régime spécial des fusions, prévue par une directive du 19 octobre 2009, a été transposée en droit français par l’article 23 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017.
La directive « ATAD » a été adoptée le 12 juillet 2016, pour une transposition à compter de 2019.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
En plus d’un amendement de précision du Rapporteur général, la commission a adopté, suivant l’avis favorable du Rapporteur général, un amendement de Mme Bénédicte Peyrol créant un rescrit spécifique à la nouvelle clause anti-abus.
Le droit français compte plusieurs outils sanctionnant les montages abusifs qui, tout en semblant conformes à la lettre de la loi, en méconnaissent l’esprit. Certains de ces dispositifs sont issus du droit européen, qui a récemment été enrichi d’une clause anti-abus générale qu’il appartient aux États membres de transposer au plus tard le 31 décembre 2018 pour une application en 2019.
A. Les outils anti-abus en droit français : l’abus de droit et les clauses anti-abus
Les dispositifs juridiques français sanctionnant les montages abusifs peuvent être réunis en deux catégories : l’abus de droit, d’une part, les clauses anti-abus, d’autre part.
Seuls ces dispositifs seront ici étudiés dans la mesure où ce sont eux qui sont concernés par le présent article. Pour une présentation plus complète des autres outils anti-abus, notamment des règles ciblant la manipulation de prix de transfert ou encadrant les sociétés étrangères contrôlées, il est renvoyé au récent rapport de la mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée relative à l’évasion fiscale internationale des entreprises ([14]).
1. La répression de l’abus de droit
L’abus de droit – et sa répression – constitue, pour reprendre la formule du professeur Maurice Cozian, « le châtiment des surdoués de la fiscalité » ([15]).
a. L’abus de droit : une définition stricte et un champ d’application large
La notion d’abus de droit est définie à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) ; elle figurait jusqu’en 1981 à l’article 1649 quinquies B du code général des impôts (CGI).
i. La notion d’abus de droit et ses conséquences
L’abus de droit permet à l’administration d’écarter les actes constitutifs d’une telle notion : ces actes ne lui seront pas opposables.
De ce fait, l’administration est en droit de requalifier l’ensemble des actes passés par le contribuable, ce qui peut entraîner de lourdes conséquences fiscales, qu’il s’agisse de la perte d’un régime préférentiel ou du bénéfice d’un taux d’imposition réduit, ou encore de la soumission à des droits et impôts.
À cette requalification déjà puissante, assortie du paiement de l’impôt normalement dû et d’intérêts de retard, s’ajoutent des majorations particulièrement dissuasives : en application du b de l’article 1729 du CGI, l’abus de droit entraîne l’application d’une majoration de 80 % – elle est ramenée à 40 % si le contribuable n’est pas à l’initiative principale des actes en cause ou n’en est pas le principal bénéficiaire.
L’abus de droit se décompose en deux branches, la fictivité et la fraude à la loi. Dans tous les cas, il suppose une volonté de tromper, qui distingue l’abus de droit de la simple erreur de qualification.
L’abus de droit par fictivité (ou par simulation) vise les actes constitutifs d’un mensonge juridique : ce qui est présenté à l’administration fiscale ne correspond pas à la réalité.
Trois cas de figure sont généralement identifiés au titre de cette première branche :
– l’acte fictif, telle une location fictive qui dissimule une jouissance personnelle du bien aux fins de déduire les charges foncières du revenu ;
– l’acte déguisé, qui camoufle une catégorie juridique derrière une autre : tel est le cas d’une donation déguisée sous l’apparence d’une vente pour échapper aux droits de mutation ;
– l’interposition de personne à travers l’usage d’un prête-nom.
L’abus de droit par fraude à la loi, plus récent, a été introduit par l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 ([16]) mais, avant cette consécration législative, avait déjà été découvert par le Conseil d’État dès 1981 à l’occasion d’une interprétation audacieuse mais opportune ([17]).
● Cette seconde branche de l’abus de droit cible les montages qui, tout en respectant la lettre des normes en vigueur, en méconnaissent l’esprit en « recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs » ([18]).
● À cette condition dite objective, reposant sur une application littérale de textes contraire à l’intention de leurs auteurs, s’ajoute une condition dite subjective, dépendant de l’intention du contribuable. Pour que l’abus de droit par fraude à la loi puisse être reconnu, la motivation du contribuable doit être exclusivement fiscale, les actes n’ayant « pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales » ([19]).
Cette exclusivité fiscale, jugée trop restrictive, a conduit le législateur, en 2013, à une tentative d’assouplissement, afin de lui substituer une motivation principalement fiscale. Cette modification, faite par l’article 100 de la loi de finances pour 2014, a été censurée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’incompétence négative du législateur ([20]).
La motivation fiscale principale et non plus exclusive laissait en effet une grande marge de manœuvre à l’administration. Or, la circonstance que l’abus de droit soit assorti d’une majoration de 80 % fait de celui-ci une règle de nature répressive, qui supposait de la part du législateur d’épuiser sa compétence.
Le caractère répressif de l’abus de droit a été confirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue sur la loi de finances rectificative pour 2015 ([21]).
● Il convient toutefois de nuancer la portée de l’exclusivité fiscale : le juge administratif, singulièrement le Conseil d’État, fait preuve de pragmatisme et admet la qualification d’abus de droit dès lors que la motivation fiscale, sans être exclusive, se révèle absolument déterminante ([22]).
Cette approche pragmatique peut notamment conduire à retenir l’abus de droit vis-à-vis d’une société, quand bien même cette dernière aurait une substance économique tangible, si son interposition dans un montage procède d’une motivation purement fiscale ([23]).
ii. Le champ d’application de l’abus de droit
Si la notion d’abus de droit est strictement entendue, ce qui s’explique par l’ampleur des conséquences que sa reconnaissance entraîne, son champ d’application est très large.
● En premier lieu, l’abus de droit peut porter sur tout type d’actes, qu’ils soient écrits ou oraux (tels qu’un bail verbal), unilatéraux, bilatéraux ou multilatéraux.
D’une manière générale, peuvent être constitutifs d’un abus de droit n’importe quel document ou fait qui manifeste l’intention de son auteur de contourner l’esprit d’une norme à des fins purement fiscales.
● En deuxième lieu, la répression de l’abus de droit vise tous les impôts. Jusqu’en 2008, la doctrine débattait sur ce point, l’article L. 64 du LPF ne mentionnant que les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les impôts sur les revenus et bénéfices et les taxes sur le chiffre d’affaires.
Depuis le 1er janvier 2009 et la modification apportée par l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 précitée, aucun impôt n’est mentionné dans le texte : le dispositif s’applique donc à tous, incluant notamment, en plus de ceux mentionnés, les impôts fonciers ou encore la taxe sur les salaires ([24]).
Par ailleurs, en plus de concerner tous les impôts, cette procédure s’applique aussi bien aux abus portant sur l’assiette de l’impôt qu’à ceux portant sur la liquidation ou le paiement de celui-ci.
● En troisième lieu, les normes dont l’esprit est méconnu par l’acte constitutif d’abus de droit sont, elles aussi, particulièrement larges : la loi, naturellement, mais aussi tous les textes réglementaires pris pour son application, ainsi que les instructions fiscales qui, allant au-delà d’un simple commentaire d’une norme, ajoute à cette dernière.
En outre, le Conseil d’État a récemment consacré de façon expresse l’abus de droit conventionnel, c’est-à-dire l’abus de droit méconnaissant l’esprit d’une convention internationale ([25]).
● Le tableau et le graphique suivants indiquent le montant des droits redressés au titre de la procédure d’abus de droit entre 2013 et 2017, hors majorations de 80 % ou 40 %. Le système informatique de l’administration fiscale ne permet en effet pas d’isoler les pénalités pour un redressement spécifique, ces dernières étant indiquées de manière globale pour un dossier (qui peut comporter plusieurs chefs de redressements).
droits redressés au titre de l’abus de droit (2013-2017)
(en millions d’euros)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
255 |
262 |
740 |
113 |
171 |
Source : direction générale des finances publiques.
L’irrégularité des montants redressés, particulièrement saillante en 2015 avec un triplement des montants avant une division par quatre l’année suivante, dépend du nombre de contrôles réalisés et des agissements des contribuables. Cette irrégularité n’a donc rien d’anormale et ne traduit pas une moindre efficacité des équipes chargées des vérifications.
iii. Les garanties entourant la procédure d’abus de droit
● La procédure de l’abus de droit est contradictoire, ce qui implique l’obligation pour l’administration de motiver la notification du redressement.
Par ailleurs, en application de l’article R. 64‑1 du LPF, la décision de mettre en œuvre cette procédure à l’égard d’un contribuable doit être prise par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire : la proposition de rectification doit ainsi être visée par le supérieur hiérarchique de l’agent qui a effectué le redressement.
La majoration de 80 %, quant à elle, doit être motivée.
● L’article L. 64 B du LPF consacre le « rescrit abus de droit », qui permet à un contribuable d’échapper à la procédure de l’abus de droit si, avant de conclure des actes, il a consulté l’administration fiscale centrale afin que celle-ci, disposant de tous les éléments nécessaires fournis par le contribuable, puisse apprécier la portée véritable de l’opération, et que l’administration :
– a confirmé que l’opération ne constituait pas un abus de droit ;
– ou n’a pas répondu au contribuable dans un délai de six mois à compter de sa demande.
● Une autre garantie pour le contribuable, cette fois en aval, réside dans la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit fiscal – cette saisine étant également ouverte à l’administration. La possibilité pour le contribuable de saisir le comité de l’abus de droit fiscal doit figurer dans la notification du redressement.
Le comité donne un avis sur le litige qui lui est soumis. Lorsque cet avis est rendu en faveur du contribuable et que l’administration décide de s’en écarter pour poursuivre la rectification, elle doit en établir le bien-fondé. En revanche, si l’avis corrobore la position de l’administration, c’est au contribuable de démontrer qu’il n’a pas commis d’abus de droit.
Il y a ici une différence substantielle avec les avis rendus par les commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires qui, en application de l’article L. 192 du LPF, sont neutres en matière de charge de la preuve du manquement : cette dernière incombe toujours à l’administration quel que soit le sens de l’avis.
L’acte anormal de gestion
Création prétorienne, l’acte anormal de gestion (AAG) peut être vu comme une exception à la règle selon laquelle l’administration n’a pas à s’immiscer dans la vie des entreprises ni à sanctionner les mauvaises gestions.
Comme l’abus de droit, l’AAG n’implique aucune violation directe de la loi et ne constitue pas stricto sensu une fraude. En revanche, à la différence de l’abus de droit, l’AAG ne suppose pas la méconnaissance de l’esprit des normes (ou une dissimulation) : il sanctionne un acte contraire à l’intérêt social de l’entreprise. Pour Maurice Cozian, l’AAG relève plus de la perversion financière que de l’évasion fiscale, qui n’est que la conséquence de l’acte et non sa cause : la différence avec l’abus de droit est ici manifeste (1).
Sur le fondement de l’AAG, l’administration va rectifier le résultat d’une entreprise :
– en réintégrant le manque à gagner jugé anormal ;
– ou en refusant la déduction de certaines charges. Le refoulement des charges peut être total, si elles sont anormales dans leur principe, ou partiel, si seul leur montant revêt un tel caractère.
En matière d’AAG, la charge de la preuve incombe à l’administration (les déclarations faites par les contribuables sont présumées correctes), sauf en l’absence de déclaration régulière des résultats. Dans une telle hypothèse, l’administration fixe elle-même l’assiette imposable : il appartiendra alors au contribuable, le cas échéant, d’apporter la preuve du caractère excessif de l’assiette ainsi définie.
(1) Maurice Cozian, ouvrage précité, page 98.
2. Les clauses anti-abus spécifiques
Parallèlement à l’abus de droit, existent des clauses anti-abus spécifiques : certaines sont sectorielles et propres à un régime particulier, tandis qu’une autre, à portée générale, ne joue qu’à l’égard d’une catégorie d’actes, les conventions fiscales internationales.
a. La clause anti-abus du régime mère-fille
La clause anti-abus du régime mère-fille résulte d’une directive de 2015 ([26]) modifiant la directive du 30 novembre 2011 portant sur le régime mère‑fille ([27]).
Transposée en droit français par l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([28]), cette clause figure au 3 de l’article 119 ter du CGI, qui exonère – sous condition – de la retenue à la source prévue à l’article 119 bis les dividendes versés par une personne passible de l’IS en France à une personne morale européenne.
L’application de cette clause au régime mère-fille français, c’est-à-dire à l’exonération des dividendes perçus par une société française d’une de ses filiales, résulte du k du 6 de l’article 145 du CGI, portant sur ledit régime et qui exclut de son champ les montages relevant de la définition prévue au 3 de l’article 119 ter.
i. Une clause ciblant les montages non authentiques à l’objectif fiscal principal
● Aux termes de cette clause, sont exclus du bénéfice de l’exonération les dividendes distribués dans le cadre d’un montage (ou d’une série de montages) :
– dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est l’obtention d’un avantage fiscal à l’encontre de la finalité de l’exonération prévue ;
– et qui n’est pas authentique, c’est-à-dire qu’il n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables reflétant la réalité économique.
Cette rédaction constitue une reprise quasiment littérale de l’article 1er de la directive de 2015.
● Il n’est pas possible, en l’état, de connaître les montants redressés sur le fondement de cette clause anti-abus. Le système d’information de l’administration fiscale associe en effet à un même code utilisé pour effectuer des requêtes les articles 119 bis et 119 ter du CGI.
ii. Les notions d’objectif principal et de montage non authentique et leur interprétation à la lumière de la jurisprudence européenne
● La notion d’objectif fiscal principal prévue par la clause anti-abus du régime mère-fille avait été contestée devant le Conseil constitutionnel, les auteurs de la saisine jugeant que l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 méconnaissait, sur ce point, l’autorité de la chose jugée attachée à la décision précitée rendue par le Conseil en 2013 sur la loi de finances 2014, qui censurait la reconnaissance d’un abus de droit en cas de motivation fiscale principale.
Toutefois, dans sa décision du 29 décembre 2015 précitée, le Conseil constitutionnel a relevé que la clause anti-abus du régime mère-fille, qui ne modifie nullement les règles applicables à l’abus de droit, est une règle d’assiette qui n’est pas constitutive d’une sanction punitive – là où l’abus de droit est une règle répressive – et est suffisamment précise ([29]).
● Les notions d’objectif principal et de montage non authentique peuvent paraître floues de prime abord.
La clause joue non seulement si l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux du montage est l’obtention d’un avantage fiscal contraire à la finalité du texte, mais aussi si le montage est dépourvu de motifs commerciaux valables.
Cette double condition s’entend parfaitement en cas d’unicité d’objectif principal. Elle est en revanche de nature à poser problème face à une pluralité d’objectifs principaux.
En effet, dès lors qu’existent au moins deux objectifs principaux et que seul l’un d’entre eux est fiscal, l’autre peut tout à fait reposer sur une réalité économique tangible et des motifs commerciaux valables.
Cette ambiguïté avait été soulignée par Philippe Martin dans la Revue de droit fiscal ([30]) et également avancée par notre collègue Bénédicte Peyrol dans son rapport d’information précité sur l’évasion fiscale internationale des entreprises ([31]).
● Cependant, et comme le Gouvernement l’avait souligné dans ses observations présentées devant le Conseil constitutionnel en réponse à la saisine parlementaire portant sur la loi de finances rectificative pour 2015, la clause anti‑abus doit être lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ([32]).
Cette dernière admet la sanction des montages qui, malgré un respect formel des normes, ont pour objectif essentiel l’octroi d’un avantage fiscal qui serait contraire à l’objectif poursuivi par lesdites normes. Dans sa décision de principe Halifax rendue le 21 février 2006 et portant sur les pratiques abusives en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la Cour de justice a ainsi jugé : « La constatation de l’existence d’une pratique abusive exige, d’une part, que les opérations en cause, malgré l’application formelle des conditions prévues par les dispositions pertinentes de la sixième directive et de la législation nationale transposant cette directive, aient pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif de ces dispositions. D’autre part, il doit également résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que les opérations en cause ont pour but essentiel l’obtention d’un avantage fiscal. » ([33])
Cette position a été reprise deux ans plus tard, toujours en matière de TVA, dans la décision Part Service, la Cour indiquant qu’une « pratique abusive peut être retenue lorsque la recherche d’un avantage fiscal constitue le but essentiel de l’opération ou des opérations en cause » ([34]).
● La notion de montage non authentique ne reposant pas sur des motifs commerciaux valables fait écho à l’artificialité d’une opération soulignée par la Cour de justice dans la décision Halifax précitée, dont le point 75 relevait l’absence de pertinence d’interdire une pratique abusive si les opérations « sont susceptibles d’avoir une justification autre que la simple obtention d’avantages fiscaux » ([35]).
L’absence de réalité économique a été précisée depuis longtemps par la Cour à l’occasion d’affaires portant sur des mesures nationales restreignant la liberté d’établissement au nom de la lutte contre l’évasion fiscale. Dès 1998, dans un arrêt Imperial Chemical Industries, la Cour visait « les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale » ([36]).
Cette notion a été reprise dans la décision de principe Cadbury Schweppes du 12 septembre 2006, qui mentionne les « montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but d’éluder l’impôt normalement dû » ([37]). Elle a été récemment rappelée dans un arrêt Eqiom rendu le 7 septembre 2017 et concernant l’ancienne rédaction de l’article 119 ter du CGI, à travers les « montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dont le but est de bénéficier indûment d’un avantage fiscal » ([38]).
● En conséquence, la clause anti-abus du régime mère-fille joue à l’égard d’opérations motivées par un but essentiellement fiscal et dépourvues de réalité économique.
À l’inverse, le régime mère-fille et l’exonération de dividendes qu’il prévoit reste applicable s’il s’avère que, malgré l’existence de motivations fiscales, la filiale implantée dans un autre État membre exerce des activités économiques effectives ([39]).
Dès lors, s’il existe d’autres objectifs principaux que celui de nature fiscale, ce dernier, pour que la clause anti-abus s’applique, doit revêtir une dimension essentielle sans laquelle l’opération n’aurait pas eu lieu.
b. La clause anti-abus du régime spécial des fusions
● Seconde clause anti-abus sectorielle, la clause anti-abus applicable dans le régime spécial des fusions résulte elle aussi d’une directive européenne : elle est issue de l’article 15 de la directive du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions ([40]).
Cette clause permet l’exclusion du régime spécial des fusions – qui prévoit un sursis d’imposition des plus-values – d’une opération dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la fraude ou l’évasion fiscale, appréciation présumée en l’absence de motifs économiques valables tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés parties à l’opération.
● Bien que relativement ancienne, et en tout état de cause antérieure à la clause anti-abus du régime mère-fille, cette clause n’a été transposée en droit français que l’année dernière par l’article 23 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([41]).
Elle figure au III de l’article 210‑0 A du CGI, et reprend l’économie générale et les termes du dispositif de la directive de 2009 :
– exclusion du régime lorsque l’objectif principal ou l’un des objectifs principal de l’opération est la fraude ou l’évasion fiscale ;
– présomption d’un tel objectif en l’absence de motifs économiques valables tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés parties à l’opération ;
– possibilité pour l’entreprise d’apporter la preuve que l’objectif principal de l’opération n’est pas la fraude ou l’évasion fiscale dans le cadre d’une procédure de contrôle contradictoire en application de l’article L. 10 du LPF.
La Cour de justice, dans un arrêt Foggia rendu en 2011, a précisé que cette clause anti-abus joue à l’égard d’une opération reposant sur plusieurs objectifs, si ceux fondés sur des considérations fiscales revêtent un caractère prépondérant ([42]).
● Indépendamment des limites déjà relevées touchant le système d’information de l’administration fiscale, il n’est pas possible en l’état de connaître les montants redressés sur le fondement de la clause anti-abus du régime spécial des fusions dans la mesure où celle-ci est entrée en vigueur il y a à peine dix mois, le 1er janvier 2018.
c. La clause anti-abus générale de la convention multilatérale de l’OCDE
● Le 7 juin 2017, a été signée à Paris la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (ci-après, la convention multilatérale), élaborée sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans le cadre du projet « BEPS » (pour « Base Erosion and Profit Shifting », soit « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices »).
Cette convention multilatérale, qui concrétise la quinzième action du projet « BEPS », est un instrument inédit constituant un « accélérateur juridique » pour modifier d’un coup plus de mille conventions fiscales bilatérales. La loi autorisant la ratification du texte a été promulguée le 12 juillet dernier ([43]), et l’instrument de ratification de la France a été déposé le 26 septembre suivant.
Seule la clause anti-abus générale prévue par cette convention sera abordée dans les développements suivants. Le lecteur intéressé par une présentation complète de l’instrument, de ses modalités (complexes) de fonctionnement et de son contenu intégral pourra utilement se reporter à l’avis de la commission des finances sur le projet de loi autorisant la ratification de la Convention ([44]).
● L’article 7 de la convention multilatérale, qui constitue l’un des trois standards minimums que toutes les parties doivent retenir, vise à prévenir l’utilisation abusive des conventions fiscales et introduit à cet effet dans les conventions bilatérales couvertes par l’instrument une clause anti‑abus à portée générale.
Cette clause peut prendre trois formes :
– celle du critère des objectifs principaux (« principal purpose test », ou « PPT » en anglais) ;
– celle de la limitation des avantages simplifiée (« limitation of benefits », ou « LOB » en anglais) ;
– celle de « LOB » détaillée.
La France a retenu la clause de « PPT », qui se rapproche des clauses anti‑abus précédemment décrites : elle permet de refuser le bénéfice d’un avantage prévu par la convention bilatérale si l’octroi de l’avantage est l’un des objectifs principaux de l’opération et qu’il n’est pas conforme à l’objet et à la finalité de la convention fiscale.
D’une portée générale dans la mesure où elle vise tous les avantages fiscaux susceptibles d’être octroyés au titre d’une convention, et non simplement certains avantages sectoriels tels que ceux relatifs aux dividendes ou aux intérêts, la clause anti-abus de la convention multilatérale ne joue cependant que vis-à-vis des conventions fiscales couvertes.
● La notion d’objectif principalement fiscal, qui peut présenter les mêmes questions d’interprétation que celles évoquées au titre des clauses anti-abus européennes, a été abondamment précisée par l’OCDE dans les commentaires de la version 2017 de son modèle de convention fiscale : la clause joue si l’avantage fiscal est un aspect essentiel de l’opération et que son obtention a revêtu un caractère déterminant ([45]).
d. L’articulation de l’abus de droit et des clauses anti-abus
L’abus de droit et les clauses anti-abus sont de nature différente : le premier est répressif là où les secondes sont des règles d’assiette. Cette différence de nature ne rend pas les deux types d’outils exclusifs l’un de l’autre, mais leur articulation suppose certaines précautions.
Ainsi qu’il a été vu, et en raison de sa nature répressive, l’abus de droit est assorti de certaines garanties procédurales.
Dès lors, si l’administration se place dans un premier temps sur le terrain d’une clause anti-abus puis, dans un second temps, constate que les conditions pour l’application des majorations prévues au titre de l’abus de droit sont réunies, c’est-à-dire si l’opération répond à la définition d’un abus de droit, elle devra alors respecter l’ensemble des garanties et règles de procédures exigées pour la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit.
B. La clause anti-abus générale de la directive « ATAD »
La directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ([46]), plus connue sous son acronyme anglo-saxon « ATAD », pour « Anti-Tax Avoidance Directive » (« directive contre l’évasion fiscale »), constitue une ambitieuse réponse aux défis posés aux États par les pratiques dommageables auxquelles se livrent certains contribuables, en l’occurrence les entreprises.
La directive « ATAD »
S’inscrivant dans la communication chapeau de la Commission européenne du 17 juin 2015 sur un système d’imposition des sociétés plus juste et plus efficace dans l’Union, la directive « ATAD » du 12 juillet 2016 est l’une des multiples initiatives récemment lancées par l’Union européenne pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et renforcer la justice fiscale.
Cette directive contient une batterie de mesures ciblant les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (ou ses équivalents européens) :
– encadrement de la déductibilité des charges financières à son article 4, dont la transposition est assurée par l’article 13 du présent projet de loi de finances ;
– imposition à la sortie pour éviter de transférer des bénéfices vers des paradis fiscaux à son article 5 ;
– clause anti-abus générale à son article 6, dont la transposition fait l’objet du présent article ;
– encadrement des sociétés étrangères contrôlées à ses articles 7 et 8 ;
– lutte contre les asymétries fiscales (dispositifs hybrides) à son article 9.
Une directive « ATAD II » du 29 mai 2017 (1) a été adoptée pour compléter la directive de 2016 s’agissant des dispositifs hybrides associant des pays tiers à l’Union européenne.
(1) Directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.
1. Une clause anti-abus au champ d’application étendu
L’article 6 de la directive « ATAD » consacre une clause anti-abus générale qui s’applique à l’ensemble des contribuables assujettis à l’impôt sur les sociétés (IS) dans un ou plusieurs États membres, conformément à l’article 1er de la directive qui définit le champ d’application de cette dernière.
La circonstance que soient visées des entreprises assujettis à l’impôt dans un seul État membre témoigne de la portée étendue de la directive : ses dispositions s’appliqueront en effet non seulement aux situations transfrontières, mais aussi aux situations purement internes.
Ce périmètre est cohérent dans la mesure où l’évasion fiscale ne se borne pas à des schémas associant plusieurs pays. Cet objectif ressort d’ailleurs clairement de l’exposé des motifs de la directive, qui précise « qu’il est important de s’assurer que les clauses anti-abus générales s’appliquent de manière uniforme à des situations nationales, au sein de l’Union et à l’égard des pays tiers, de sorte que leur champ d’application et les résultats de leur application à des situations nationales et transfrontières soient identiques » ([47]).
2. Une rédaction similaire à la clause anti-abus du régime mère-fille
● La rédaction retenue par l’article 6 de la directive « ATAD » pour la clause anti-abus générale est similaire, pour ne pas dire identique, à celle de la clause anti-abus sectorielle applicable dans le cadre du régime mère-fille.
En effet, aux termes de cet article, les États membres, pour calculer la charge fiscale due par une entreprise au titre de l’IS, peuvent écarter un montage ou une série de montages :
– dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est l’obtention d’un avantage fiscal à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable ;
– qui n’est pas authentique, cette absence d’authenticité étant acquise si le montage ou la série de montage n’est pas mise en place pour des motifs commerciaux valables reflétant la réalité économique.
Les observations faites dans le cadre de l’analyse de la clause anti-abus du régime mère-fille sont transposables au dispositif prévu à l’article 6 de la directive « ATAD », les rédactions étant les mêmes.
En conséquence, les notions d’objectif principalement fiscal et de montage non authentique ne présentent aucune insécurité juridique au titre d’un flou quelconque :
– elles sont balisées par la jurisprudence de la CJUE ;
– elles sont déjà applicables en droit français depuis le 1er janvier 2016 et ont vu leur constitutionnalité reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2015 précitée.
● On pourrait regretter que la directive, alors que la CJUE retient la motivation fiscale essentielle, vise la motivation fiscale principale. Ce regret pourrait d’ailleurs être alimenté par le fait que, dans la proposition initiale de la Commission européenne, l’article 7 ([48]) prévoyait de s’appliquer aux « montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité des dispositions fiscales » ([49]).
Néanmoins, cette apparente divergence rédactionnelle ne doit pas abuser et laisser penser à des différences de champ : la directive sera bien appliquée à l’aune de la jurisprudence de la CJUE, selon les modalités précédemment décrites.
Par ailleurs, le fait que la motivation fiscale principale ait été retenue dans la version finale de la directive est une source de satisfaction plus que d’inquiétude : il s’agit des termes employés dans clause anti-abus mère-fille, qui sont familiers aux entreprises. Il y a ainsi une cohérence normative entre les directives européennes, ce dont il faut se réjouir, ainsi que le relevait Philippe Martin en soulignant qu’il y a « quand même un standard dans les directives européennes » ([50]).
3. Une exigence de transposition permettant une application dès 2019
En application son article 11, la directive « ATAD », à certaines exceptions limitativement énumérées et encadrées dont l’article 6 ne fait pas partie, doit faire l’objet de mesures nationales de transposition devant être publiées au plus tard le 31 décembre 2018 pour permettre une application à compter du 1er janvier 2019.
Le présent article procède à la transposition de l’article 6 de la directive « ATAD » du 12 juillet 2016.
A. La transposition en droit français de la clause anti-abus générale « ATAD »
1. L’insertion d’une clause anti-abus générale en matière d’IS
Le B du I du présent article introduit dans le CGI un nouvel article 205 A qui complète la section I du chapitre II du titre Ier de la première partie du livre Ier du CGI, consacrée aux généralités de l’IS.
Ce nouvel article 205 A reprend littéralement l’article 6 de la directive « ATAD », dont le contenu a déjà été analysé dans les développements précédents consacrés à ce dispositif et à la clause anti‑abus du régime mère-fille, et dont la constitutionnalité de la rédaction a été reconnue en 2015.
Les seules différences rédactionnelles par rapport à cet article 6 consistent en d’inévitables adaptation légistiques qui substituent aux mentions « États membres » et « charge fiscale des sociétés », propres à la directive, la notion plus française d’établissement de l’IS.
Il s’agit donc d’une nouvelle règle d’assiette pour la détermination du résultat imposable à l’IS, qui repose sur des critères connus des entreprises.
2. L’abrogation de conséquence de la clause anti-abus du régime mère‑fille
La nouvelle clause anti-abus générale reprend la rédaction de la clause applicable dans le cadre du régime mère-fille, tout en ayant une portée plus large que celle-ci dans la mesure où elle s’appliquera à toutes les opérations relevant de l’IS.
Dès lors, maintenir la clause du régime mère-fille, qui se trouve totalement couverte par la nouvelle clause, ne se justifie pas.
Tirant les conséquences de ce constat, le A du I du présent article supprime cette clause sectorielle en abrogeant le k du 6 de l’article 145 du CGI, fondement juridique de la clause anti-abus du régime mère-fille.
Le 3 de l’article 119 ter du CGI, auquel renvoie le k du 6 de l’article 145 et qui contient le dispositif de la clause anti-abus, n’est en revanche pas modifié. En effet, cet article 119 ter porte sur l’exonération de retenue à la source applicable aux revenus de capitaux mobiliers versés à une personne morale européenne, et ne concerne donc pas l’IS en tant que tel.
3. Le maintien de la clause anti-abus du régime spécial des fusions
La nouvelle clause anti-abus générale s’appliquera sous réserve de la clause anti-abus propre au régime spécial des fusions prévue au III de l’article 210‑0 A du CGI, ainsi qu’en dispose le dernier alinéa du nouvel article 205 A.
Cette clause du régime spécial des fusions, ainsi qu’il a été vu, est destinée à lutter contre les opérations principalement motivées par la fraude ou l’évasion fiscale, cette motivation étant acquise en l’absence de motifs économiques valables tels que la restructuration ou la rationalisation d’activités.
Son périmètre et ses modalités sont donc distincts de ceux de la clause anti-abus générale, qui ne la recouvre pas. Dès lors, à la différence de la clause du régime mère-fille, son abrogation ne se justifie pas.
4. Une application aux exercices ouverts à compter de 2019
En vertu du II du présent article, le dispositif proposé s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.
Cette date d’entrée en vigueur correspond aux obligations prévues à l’article 11 de la directive « ATAD », assurant la conformité totale du dispositif français à celle-ci.
B. Un renforcement des outils contre la fraude et l’évasion fiscales à l’impact budgétaire difficilement mesurable
L’impact de la nouvelle clause anti-abus générale sur les recettes fiscales n’est pas précisé.
Cette absence de chiffrage est normale dans la mesure où il est objectivement très difficile, sinon impossible, d’apprécier le nombre d’opérations qui tomberont sous le coup de cette clause ainsi que le volume d’assiette – et a fortiori de droits – qui feront l’objet de redressements sur son fondement.
L’évaluation préalable indique que la mise en place de cette clause n’aura pas d’incidence directe sur les recettes publiques. En revanche, il est certain qu’elle aura un impact indirect qui se manifestera de deux manières.
D’une part, la nouvelle règle d’assiette constituée par cette clause anti‑abus générale va renforcer les moyens dont dispose l’administration dans le cadre des contrôles qu’elle opère, ce qui permettra d’augmenter l’assiette imposable et donc, toutes choses égales par ailleurs, les recettes fiscales encaissées.
D’autre part, l’existence de cette nouvelle clause anti-abus pourra avoir un effet comportemental sur les entreprises.
À l’heure actuelle, sauf si elles relèvent du régime mère-fille ou du régime spécial des fusions, les opérations ne tombent pas sous le coup d’une clause anti‑abus si leur objectif est principalement fiscal : il faut que la motivation fiscale soit exclusive pour que l’administration puisse se placer sur le terrain de l’abus de droit.
Désormais, toute opération relevant de l’IS et dont la motivation fiscale n’est que principale, et non plus exclusive, entrera dans le champ de la clause anti‑abus générale qui permettra à l’administration de ne pas tenir compte des montages en cause.
Cette extension substantielle du champ d’un outil anti-abus devrait être susceptible de dissuader certains comportements.
C. Les perspectives d’évolution de la répression de l’abus de droit
Le présent article est l’occasion d’explorer des pistes d’évolution de la procédure d’abus de droit, étudiée dans la première partie de ce commentaire.
1. L’assouplissement de l’abus de droit
Ainsi qu’il a été vu, l’abus de droit, dans sa seconde branche de fraude à la loi, n’est reconnu que si la motivation fiscale est exclusive. Un assouplissement visant à retenir une motivation fiscale principale serait opportun, mais devrait être réalisé en tenant compte de la censure de la précédente tentative faite en 2013.
C’est précisément dans un tel cadre que s’inscrit la proposition n° 6 de la mission d’information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises précitée, qui consiste à créer un abus de droit pour fraude à la loi « à deux étages » ([51]) :
– le premier étage viserait les actes à motivation fiscale principale, sans les majorations prévues au b de l’article 1729 du CGI ;
– le second étage consisterait en l’abus de droit actuel, visant les actes à motivation fiscale exclusive assortis des majorations automatiques.
● Le fait de ne pas assortir le premier étage de majorations automatiques permet de respecter les exigences constitutionnelles posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée rendue sur la loi de finances pour 2014.
En effet, sans majorations automatiques de 80 %, ce premier étage serait non plus une règle répressive, mais une règle d’assiette, au même titre que la clause anti-abus générale transposée par le présent article ou que la clause anti‑abus du régime mère-fille dont la constitutionnalité a été reconnue en 2015.
● Une telle évolution serait complémentaire à la nouvelle clause anti‑abus générale prévue à l’article 205 A du CGI.
Cette dernière, rappelons-le, ne porte que sur l’IS, là où l’abus de droit embrasse l’ensemble des impositions.
Il est donc cohérent et fiscalement vertueux de disposer des mêmes facultés de redressements pour chacun des impôts, sans que l’un d’entre eux fasse l’objet d’outils renforcés et que d’autres ne soient pas traités aussi efficacement.
● Suivant l’avis favorable du Rapporteur général, la commission a adopté un amendement de Mme Bénédicte Peyrol portant article additionnel après l’article 48 et qui met en œuvre cette proposition ([52]).
●Cette évolution utile de l’abus de droit pourrait s’accompagner d’un renforcement de la sécurité juridique des contribuables, là aussi conformément aux préconisations de la mission d’information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises qui proposait la mise en place d’un rescrit sur la nature principale du motif fiscal d’une opération.
L’article L. 64 B du LPF, portant sur le « rescrit abus de droit », pourrait utilement être complété à cet effet : c’est précisément ce que réalise un amendement de Mme Peyrol, adopté lui aussi avec l’avis favorable du Rapporteur général ([53]).
2. La neutralité en matière de charge de la preuve de l’avis du comité de l’abus de droit fiscal
La seconde piste éventuelle d’évolution de la procédure d’abus de droit porte sur l’avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal.
● Ainsi qu’il a été vu, si cet avis corrobore la position de l’administration, la charge de la preuve incombe au contribuable, à qui il appartient de démontrer que les actes ne sont pas constitutifs d’un abus de droit.
Cette charge ne pèse donc sur l’administration que si cette dernière s’écarte de l’avis du comité – et donc dans l’hypothèse où ce dernier ne reconnaît pas l’abus de droit.
● Il s’agit d’une procédure différente de celle prévue à l’article L. 192 du LPF, qui prévoit la neutralité en matière de charge de la preuve des avis rendus :
– par les commissions des impôts directes et des taxes sur le chiffre d’affaires prévues à l’article 1651 du CGI et la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 H du CGI, compétentes sur les litiges relatifs à la détermination du bénéfice et du chiffre d’affaires ;
– par le comité consultatif du crédit d’impôt recherche prévu à l’article 1653 F du CGI, compétent sur les litiges afférents aux dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche et au crédit d’impôt innovation ;
– par la commission départementale de conciliation prévue aux articles 1653 A et 667 du CGI, compétente sur les actes constatant la transmission de la propriété, de l’usufruit, de la jouissance ou d’un droit à bail de certains biens, notamment immeubles.
L’avis rendu par l’un de ces organismes dans le cadre d’un litige dont il est saisi n’a pas de conséquence sur la charge de la preuve : celle-ci incombe à l’administration « quel que soit l’avis rendu par la commission ou le comité », aux termes du premier alinéa de l’article L. 192 du LPF.
Les seules hypothèses où la charge de la preuve incombe au contribuable sont :
– les cas dans lesquels la comptabilité comporte de graves irrégularités, étant précisé que la démonstration de ces graves irrégularités incombe à l’administration si le litige est soumis à un juge ;
– les cas dans lesquels est constaté un défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu.
● Il ne paraît pas absurde d’étendre cette neutralité en matière de charge de la preuve à l’avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal.
En effet, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit comme dans celui des contestations portées devant les commissions et comité précédemment mentionnés, la loi offre au contribuable une garantie, celle de pouvoir saisir ces organismes.
Il serait donc paradoxal que l’exercice de cette garantie par le contribuable puisse se retourner contre ce dernier par un « effet boomerang » difficilement justifiable, d’autant moins qu’un tel effet est exclu pour les autres organismes mentionnés. Comme le relevait le professeur Cozian, « l’intervention du comité (...) peut se retourner contre celui que la loi a cherché à protéger » ([54]).
C’est d’ailleurs de telles considérations qui avaient conduit le législateur, en 1987, à rendre neutre en matière de charge de la preuve l’avis rendu par les commissions et comité précités, à travers l’article 10 de la loi du 9 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, dite « loi Aicardi » ([55]).
L’état du droit, s’agissant des effets de l’avis du comité de l’abus de droit, ne paraît ainsi pas satisfaisant, la procédure répressive offrant moins de garanties effectives que la procédure devant les commissions des impôts ([56]).
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La commission examine l’amendement II-CF1262 de M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. L’article 48 va dans le bon sens en matière de lutte contre les pratiques d’évasion fiscale, mais il ne concerne que l’IS et ne prévoit pas de sanctions. Nous vous proposons, pour notre part, de sanctionner les entreprises de la même manière que les contribuables ayant commis un abus de droit, c’est-à-dire en appliquant une majoration de 80 % sur les sommes non prises en compte pour l’établissement de l’impôt.
M. le Rapporteur général. L’article 48 porte sur une règle d’assiette. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Conseil constitutionnel admet la validité d’une telle disposition, comme il l’a fait en 2015 s’agissant de la clause anti-abus du régime « mère-fille ». Si l’on ajoutait une majoration automatique, il ne s’agirait plus d’une règle d’assiette et l’article s’exposerait à un fort risque de censure. Je rappelle aussi que le droit commun du contrôle fiscal reste applicable : si les montages entrant dans le champ de la clause anti-abus se révèlent constitutifs de manquements délibérés ou de manœuvres frauduleuses, ils pourront se voir appliquer les majorations prévues dans ce cadre. J’émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement II-CF1061 de Mme Bénédicte Peyrol.
Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement permettra de tirer les conséquences des modifications apportées aux outils anti-abus grâce à un nouveau rescrit qui aura pour effet de sécuriser les entreprises : elles pourront demander à l’administration fiscale de prendre position en précisant son interprétation.
M. le Rapporteur général. J’émets un avis favorable.
M. Charles de Courson. Cet amendement est très bien, mais je me pose une question de fond : l’article 48 est-il clair ? La jurisprudence va se délecter du critère suivant, qui s’applique aux montages : « à titre d’objectif principal ». Ne risque-t-on pas de se heurter à un problème d’inintelligibilité ou d’absence totale de clarté de la loi ? Il faut voter l’amendement, mais le Rapporteur général pourrait-il nous éclairer ?
M. le Rapporteur général. Nous ne faisons que reprendre rédaction de la clause anti-abus du régime « mère-fille » qui a été validée en 2015 par le Conseil constitutionnel. Il n’y a donc pas de risque sur ce plan.
La commission adopte l’amendement II-CF1061 (amendement II-1947).
Elle adopte ensuite l’amendement de précision II-CF1353 du Rapporteur général (amendement II-1948).
Puis elle adopte l’article 48 modifié.
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La commission examine l’article II-CF1350 de M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. Vous n’avez évidemment pas pu éviter la révélation du scandale des CumEx Files par Le Monde : 3 milliards d’euros auraient été volés à l’État chaque année avec la complicité des trois principales banques françaises
– BNP Paribas, le Crédit agricole et la Société générale. On distingue deux éléments : les CumCum, qui sont des schémas d’optimisation fiscale légaux, et les CumEx, qui sont des schémas de fraude fiscale – ils sont par conséquent illégaux. Notre amendement s’attaque au premier cas : nous rendrons illégales ces pratiques qui sont préjudiciables aux finances publiques de notre pays. On nous a dit il y a un an qu’il fallait libérer le capital pour permettre l’investissement : on a vu que les dividendes ont explosé, mais aussi que lorsque vous donnez la main on vous prend le bras, et que tout cela n’empêche pas de continuer à essayer de frauder le fisc, légalement ou illégalement. L’amendement portera de 80 à 150 % la pénalité de majoration des droits pour ceux qui s’y essaieront.
M. le Rapporteur général. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure en ce qui concerne la constitutionnalité. Nous allons précisément examiner un amendement de Bénédicte Peyrol qui permettra de satisfaire votre demande tout en passant le cap du Conseil constitutionnel, monsieur Coquerel. Je propose donc le retrait de l’amendement ; sinon j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
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Article additionnel après l’article 48
Extension du champ d’application du dispositif de lutte
contre l’abus de droit
La commission est saisie de l’amendement II-CF1066 de Mme Bénédicte Peyrol.
Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement vise à compléter l’article 48, qui prévoit un dispositif anti-abus s’appliquant uniquement à l’IS : nous vous proposons de l’élargir à l’ensemble de la fiscalité. Nous ajouterons ainsi un nouvel étage au dispositif de lutte contre l’abus de droit. Le président de notre commission avait lui-même fait une proposition similaire, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel en 2013. Nous en tirons les conséquences en ne prévoyant pas d’appliquer la majoration automatique de 80 %. En revanche, il pourra y avoir une requalification des cas par l’administration fiscale. Il sera en outre possible de demander un rescrit, ce qui permet de sécuriser le dispositif.
Suivant l’avis favorable du Rapporteur général, la commission adopte l’amendement II-CF1066 (amendement II-1949).
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Article 49
Assouplissement des conditions d’éligibilité au crédit d’impôt
pour le rachat des entreprises par leurs salariés
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article, qui s’inscrit dans le cadre du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), assouplit les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés, prévu à l’article 220 nonies du code général des impôts (CGI).
Ce crédit d’impôt est ouvert aux entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS), constituées exclusivement pour racheter une société. Son montant dépend du degré de participation indirecte dans la société rachetée des salariés de cette dernière.
L’octroi du crédit d’impôt est subordonné à l’implication dans l’opération de rachat d’au moins quinze salariés de la société rachetée ou, si les effectifs de cette dernière n’excèdent pas cinquante, d’au moins 30 % de ceux-ci.
Jugée particulièrement contraignante et susceptible de freiner les reprises par les salariés, cette condition est supprimée par le présent article : ne sera requise la participation que d’un salarié de la société rachetée.
Toutefois, afin d’éviter les abus reposant sur la conclusion de contrats de complaisance, est exigée pour le salarié repreneur une ancienneté d’au moins deux ans dans la société rachetée à la date du rachat.
La mesure sera applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2019, sous réserve d’un accord de la Commission européenne au regard de la législation encadrant les aides d’État. Elle s’appliquera aux opérations de rachat réalisées jusqu’au 31 décembre 2021.
Dernières modifications législatives intervenues
Le crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés a été créé par l’article 38 de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social. Il n’a, depuis, pas fait l’objet de modifications substantielles.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
Outre un amendement du Rapporteur général précisant les modalités d’entrée en vigueur et d’application du dispositif, la commission a adopté un amendement accentuant l’assouplissement proposé du crédit d’impôt :
– à l’initiative du Rapporteur général et de Mme Christine Pires Beaune et des membres du groupe Socialistes et apparentés, le terme du dispositif a été repoussé d’un an, au 31 décembre 2022 ;
– à l’initiative du Rapporteur général, l’ancienneté minimale du salarié impliqué dans l’opération de rachat a été ramenée de deux ans à dix-huit mois
Le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés est un avantage fiscal destiné à faciliter la reprise de sociétés. Ses conditions d’éligibilité contraignantes limitent toutefois son utilisation, appelant à un assouplissement nécessaire.
A. Le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés
Introduit par l’article 38 de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié ([57]) et prévu à l’article 220 nonies du CGI, le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés permet de réduire l’IS dû par la société exclusivement constituée pour le rachat.
1. Les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt
Seules les sociétés exclusivement constituées pour le rachat de tout ou partie du capital d’une société peuvent prétendre au bénéfice du crédit d’impôt.
Trois séries de conditions sont en outre posées par le II de l’article 220 nonies du CGI.
a. L’assujettissement à l’IS dans les conditions de droit commun et l’absence d’appartenance à la même intégration fiscale
En premier lieu, aux termes du 1° de ce II, la société nouvelle et la société rachetée doivent être soumises au régime de droit commun de l’IS. L’assujettissement peut être de plein droit, ce qui est le cas des sociétés de capitaux, ou sur option exercée par une société de personnes.
En revanche, sont exclues les sociétés partiellement ou totalement exonérées d’IS – ainsi que, par définition, celles assujetties à l’impôt sur le revenu.
Les deux sociétés ne peuvent en outre faire partie du même groupe fiscalement intégré au sens des articles 223 A ou 223 A bis du CGI. Dans le cas contraire, il s’agirait en effet d’une opération assimilable au rachat à soi-même, qui ne peut ouvrir droit à un avantage fiscal.
b. L’exigence d’une implication minimale des salariés de la société rachetée dans l’opération de rachat
En deuxième lieu, est exigée une implication minimale des salariés de la société rachetée dans l’opération de rachat.
● En application du 2° du II de l’article 220 nonies, les droits de vote attachés aux parts ou actions de la société nouvelle doivent en effet être détenus :
– par au moins quinze salariés de la société rachetée ;
– ou, si les effectifs de la société rachetée n’excèdent pas cinquante, par au moins 30 % des salariés de cette société (soit quinze salariés pour un effectif de cinquante).
La date prise en compte pour apprécier la qualité de salarié et l’effectif de la société rachetée est celle du rachat.
Ainsi qu’en dispose l’article 46 quater‑0 YZA de l’annexe III du CGI, les salariés retenus pour l’appréciation de cette deuxième condition s’entendent des personnes directement rémunérées par la société rachetée et qui sont titulaires d’un contrat de travail – qui peut être à durée déterminée ou indéterminée.
Ces seuils d’implication minimale des salariés reposent sur l’idée selon laquelle il faut, pour que la reprise puisse être viable, un certain nombre de salariés associés à l’opération.
● Si un nombre minimum de salariés doivent participer au rachat, en revanche, aucune condition n’est posée s’agissant de l’importance de la participation que ces salariés doivent détenir.
Il est donc possible de déconnecter la détention des droits de vote de celle du capital de la société de rachat, circonstance qui est de nature à favoriser la participation dans le capital de la société de rachat d’investisseurs extérieurs « providentiels », les « business angels ».
c. L’approbation de l’opération de rachat par un accord d’entreprise
Enfin, en troisième lieu et conformément au 3° du II de l’article 220 nonies, le rachat doit avoir fait l’objet d’un accord d’entreprise satisfaisant aux conditions prévues au 2° de l’article L. 3332‑16 du code du travail relatif à la mise en place d’un fonds dédié au rachat de titres, c’est-à-dire un accord qui précise :
– l’identité des salariés impliqués dans l’opération de rachat ;
– le terme de l’opération de rachat ;
– le contrôle final de l’entreprise au sens de l’article L. 233‑16 du code de commerce : contrôle exclusif défini au II de cet article ou contrôle conjoint au sens du III du même article.
Le fonds commun de placement dédié au rachat de titres
et les assouplissements prévus par le projet de loi PACTE
L’article L. 3332‑16 du code du travail permet qu’un plan d’épargne d’entreprise établi par accord avec le personnel puisse prévoir l’affectation de sommes à un fonds commun de placement entreprise (FCPE) dédié au rachat :
– des titres de l’entreprise ;
– d’actions émises par des sociétés créées pour le rachat de sociétés en application de l’article 220 nonies ;
– des titres d’une entreprise appartenant au même groupe dans le cadre d’une opération de rachat réservée aux salariés.
● Les sommes inscrites aux comptes des participants à l’opération doivent être détenues jusqu’au terme du rachat et pour une durée d’au moins cinq ans. En application de l’article L. 3332‑10 du code du travail, la somme que chaque salarié peut affecter au FCPE est plafonnée au quart de sa rémunération annuel
La création du FCPE suppose la satisfaction de deux conditions qui correspondent aux deuxième et troisième conditions d’éligibilité du crédit d’impôt prévu à l’article 220 nonies du CGI :
– au moins quinze salariés ou, si les effectifs n’excèdent pas cinquante, au moins 30 % des salariés, sont impliqués dans l’opération de rachat ;
– l’accord avec le personnel précise l’identité des salariés impliqués, le terme de l’opération et le contrôle final.
● Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 9 octobre 2018, prévoit à son article 19 bis (1) un assouplissement et une simplification du FCPE :
– le plafonnement des sommes que le salarié peut affecter au FCPE est porté de 25 % à 100 % de sa rémunération annuelle ;
– la durée obligatoire de détention des titres est ramenée de cinq à trois ans ;
– enfin, le nombre minimum de salariés impliqués dans l’opération de rachat est ramené de quinze à dix et, si les effectifs n’excèdent pas cinquante, de 30 % à 20 % de ceux-ci.
(1) Assemblée nationale, XVe législature, texte adopté n° 179, 9 octobre 2018.
2. Les modalités de calcul et d’imputation du crédit d’impôt
Le montant du crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société dont peut bénéficier la société constituée en vue de l’opération de rachat correspond à l’IS dû par la société rachetée au titre de l’exercice précédent, avant imputation des réductions et crédits d’impôt :
– dans la proportion des droits sociaux détenus indirectement par les salariés dans le capital de la société rachetée et de façon continue pendant l’exercice au titre duquel le crédit d’impôt est calculé ([58]) ;
– et dans la limite du montant des intérêts d’emprunt supportés par la société nouvelle au titre du rachat.
● Le taux de participation indirecte des salariés correspond au produit entre, d’une part, la proportion des droits sociaux détenus par les salariés de la société rachetée dans la société nouvelle et, d’autre part, la proportion des droits sociaux détenus par la société nouvelle dans la société rachetée.
Ainsi, si des salariés créent une société pour que cette dernière fasse l’acquisition de 70 % du capital de leur entreprise et qu’ils détiennent 50 % de la société nouvelle, le crédit d’impôt correspondra à 70 % × 50 % = 35 % de l’IS dû par la société rachetée, sous réserve du plafonnement lié aux intérêts.
Pour l’appréciation de la limite reposant sur les intérêts d’emprunt, sont retenus les intérêts dus sur les emprunts contractés par la société nouvelle pour le rachat et qui viennent à échéance au cours de l’exercice au titre duquel le crédit d’impôt est calculé ([59]).
En conséquence, le crédit d’impôt au titre d’un exercice N + 1 correspond à l’IS dû par la société rachetée au titre d’un exercice N, multiplié par le taux de participation indirecte des salariés dans cette société, et dans la limite des intérêts dus par la société nouvelle au titre de l’exercice N + 1.
● Le tableau suivant illustre le calcul du crédit d’impôt sur plusieurs exercices. Dans cet exemple, les salariés détiennent 90 % de la société nouvelle, qui détient 80 % de la société rachetée : le taux de détention indirecte par les salariés est de 72 %. Cette proportion est réputée constante sur la période considérée.
Illustration du calcul du crédit d’impôt
pour le rachat d’une société par ses salariés
Exercice |
N |
N + 1 |
N + 2 |
N + 3 |
N + 4 |
N + 5 |
IS dû par la société rachetée (A) |
150 |
160 |
200 |
300 |
125 |
250 |
Intérêts dus par la société nouvelle (B) |
– |
120 |
115 |
110 |
105 |
100 |
Participation indirecte des salariés dans la société rachetée (C) |
– |
72 % |
72 % |
72 % |
72 % |
72 % |
Crédit d’impôt avant plafonnement |
– |
108 |
115,2 |
144 |
216 |
90 |
Crédit d’impôt après plafonnement |
– |
108 |
115 |
110 |
105 |
90 |
Source : commission des finances.
● Ce double mécanisme d’encadrement du crédit d’impôt à travers, d’une part, la proportion des droits détenus par les salariés, d’autre part, les intérêts dus, se justifie par la nature du crédit d’impôt.
Ce dernier vise en effet à compenser le coût réel pesant sur les salariés à raison du rachat de l’entreprise (fonction des intérêts dus) et à éviter toute double imposition que pourraient supporter les salariés du fait de leur qualité d’actionnaires de la société rachetée et de la société nouvelle.
● En application de l’article 220 R du CGI, le crédit d’impôt s’impute sur l’IS dû par la société nouvelle au titre des exercices au cours desquels les intérêts sont comptabilisés.
Si le montant du crédit d’impôt est supérieur à l’IS dû, l’excédent est remboursé.
3. Les autres avantages fiscaux prévus pour les sociétés créées en vue du rachat de sociétés par leurs salariés
Le crédit d’impôt de l’article 220 nonies du CGI n’est pas le seul avantage fiscal ouvert au bénéfice des sociétés constituées pour le rachat d’entreprises par les salariés de ces dernières.
L’article 732 bis du même code prévoit, en effet, que les acquisitions de droits sociaux effectuées par la société de rachat éligible au crédit d’impôt sont exonérées des droits d’enregistrement prévus à l’article 726 du CGI – pour mémoire, ces droits sont de 0,1 %, 3 % ou 5 % selon la nature des droits cédés.
Cette exonération était initialement prévue au I bis de l’article 726, abrogé par l’article 64 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ([60]) et dont l’article 65 a introduit dans le CGI un nouvel article 732 bis reprenant le principe de l’exonération.
Enfin, l’article 810 quater du CGI prévoit l’enregistrement gratuit des actes constatant les apports mobiliers effectués dans les conditions prévues à l’article 220 nonies du même code.
B. Des conditions contraignantes limitant le recours au crédit d’impôt et freinant la reprise d’entreprises
Les conditions d’éligibilité du crédit d’impôt, surtout celles liées à la participation d’un nombre minimum de salariés à l’opération de rachat, présentent une contrainte qui peut expliquer le faible recours à l’outil, alors que de nombreuses entreprises ne trouvent pas de repreneurs.
1. Un seuil minimal de salariés repreneurs contraignant
Ainsi qu’il a été vu, le bénéfice du crédit d’impôt prévu à l’article 220 nonies du CGI est subordonné à la condition qu’au moins quinze salariés de la société rachetée détiennent les droits de la société nouvelle
– condition fixée à 30 % des salariés si les effectifs n’excèdent pas cinquante.
Cette condition se révèle particulièrement contraignante dans la mesure où elle empêchera le bénéfice de l’avantage fiscal si le seuil n’est pas atteint, alors même que des salariés participent effectivement au rachat, voire sont les uniques repreneurs.
Le seuil ainsi fixé peut donc conduire à la situation paradoxale dans laquelle un petit nombre de salariés reprennent seuls une entreprise sans pouvoir bénéficier du crédit d’impôt, là où une reprise associant des repreneurs extérieurs et des salariés pourra être éligible au crédit d’impôt.
Un tel constat semble aller à rebours de l’objectif initialement poursuivi par le législateur : alléger la charge fiscale lors des phases de démarrage et de consolidation consécutives à une reprise et rendre la reprise par les salariés aussi avantageuse que celles réalisées par des professionnels.
2. Un crédit d’impôt utilisé par quelques dizaines d’entreprises chaque année
L’absence de réel succès du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés se constate à travers le nombre de bénéficiaires du dispositif : depuis 2007, moins de 400 entreprises en tout ont bénéficié de l’outil, le pic étant atteint en 2014 avec 70 bénéficiaires.
Le coût annuel du crédit d’impôt, quant à lui, était inférieur à 500 000 euros pour la période 2007‑2011 et est d’un million d’euros depuis 2012.
Le tableau suivant dresse la synthèse de ces éléments chiffrés, tandis que le graphique ci-après fait état de l’évolution du nombre de bénéficiaires pour la période 2008‑2017 (ce nombre n’est pas disponible pour l’année 2007).
Coût et bénéficiaires du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés (2007-2019)
Année |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 (p.) |
2019 (p.) |
Coût |
ε |
ε |
ε |
ε |
ε |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
Bénéficiaires |
ND |
20 |
10 |
14 |
20 |
27 |
43 |
70 |
59 |
63 |
55 |
ND |
ND |
N.B. : la mention « epsilon » (ε) indique un coût inférieur à 500 000 euros.
Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, tome II, Dépenses fiscales.
L’augmentation continue entre 2009 et 2014 peut s’expliquer par une montée en puissance du dispositif, devenu de plus en plus familier aux entreprises et aux salariés. Depuis 2015, la tendance est erratique mais le nombre de bénéficiaires reste dans un ordre de grandeur voisin de 2014.
En tout état de cause, ce nombre est particulièrement faible au regard du total des entreprises potentiellement éligibles, à savoir toutes les entreprises à l’IS ayant des salariés.
3. Un assouplissement nécessaire pour favoriser la reprise d’entreprises
La reprise d’entreprises est un enjeu économique majeur. Une étude du groupe BPCE de 2014 ([61]) estimait à 185 000 le vivier des très petites entreprises (TPE), des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) susceptibles d’être transmises du fait de l’âge de leurs dirigeants. L’étude soutenait que la cession de ces entreprises, plutôt que leur disparition :
– contribuerait au maintien de 750 000 emplois ;
– pourrait aboutir à créer 150 000 emplois, sous réserve que les reprises soient bien organisées et anticipées.
● Les chiffres sur les reprises d’entreprises sont incomplets, la fin de leur comptabilisation par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2006 ne permettant pas de disposer de données fiables. Un consensus s’est dégagé autour de 60 000 transmissions par an, mais il ne permet pas de disposer d’une vision fine de la situation réelle ([62]).
Sur ces 60 000 entreprises reprises, 90 % emploient moins de cinquante salariés. Par ailleurs, le taux de cession augmente avec la taille de l’entreprise cédée, ainsi que l’illustre le tableau suivant.
taux de cession des entreprises
TPE |
PME de 10 à 19 salariés |
PME de 20 à 49 salariés |
ETI |
2,8 % |
6 % |
7,5 % |
18,2 % |
Source : Mme Fanny Dombre-Coste, Favoriser la transmission d’entreprise en France : diagnostic et propositions, rapport remis au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, et à la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, 7 juillet 2015.
● L’identification des repreneurs est un enjeu crucial eu égard au nombre important de dirigeants déclarant vouloir céder leur entreprise dans les deux ans, qu’illustre le graphique ci-après.
Taux de cession annuel comparé selon l’âge des dirigeants
N.B. : colonne de droite (mauve) : pourcentage des dirigeants pensant céder dans les deux ans ; colonne de gauche (orange) : taux de cessions effectives.
Source : Les Carnets de BPCE L’Observatoire, La cession-transmission des PME 2013, carnets 2015.
Ces données doivent être mises en relation avec la démographie des dirigeants d’entreprises : 48 % des dirigeants des PME comptant entre dix et deux cent cinquante salariés ont plus de soixante-cinq ans ([63]).
● L’intérêt économique des cessions d’entreprises, et donc de la facilitation des reprises, résulte également de la meilleure viabilité des entreprises cédées : le taux de défaillance à trois ans des PME reprises est, dans la plupart des cas, substantiellement inférieur à celui des PME non cédées, comme le montre le graphique suivant, qui repose sur la part des liquidations judiciaires intervenues entre 2006 et 2008 selon le risque initial.
Comparaison des taux de défaillance par taille d’entreprises entre les entreprises cédées et les entreprises non cédées
Source : Les Carnets de BPCE L’Observatoire, La cession-transmission des PME 2013, carnets 2015.
L’évaluation préalable du présent article corrobore ces données :
– le taux de survie à trois ans d’une entreprise reprise est de 74 %, contre 66 % pour les nouvelles entreprises ;
– le taux de survie à cinq ans est de 60 % pour les entreprises reprises, contre 51 % pour les créations ;
– le taux à cinq ans est de 72 % pour les sociétés coopératives de production (SCOP), dont les salariés sont associés majoritaires.
● Enfin, doivent être mentionnées les 30 000 entreprises qui disparaissent chaque année faute de repreneurs ([64]).
C’est d’ailleurs pour faciliter la reprise des entreprises par les salariés, vivier naturel des repreneurs, qu’a été introduit dans le projet de loi PACTE, à l’initiative de députés du groupe La République en Marche, un article 19 bis qui assouplit et simplifie le fonds commun de placement entreprise prévu par le code du travail ([65]).
Ainsi que le souligne l’évaluation préalable de l’article, il existe un important écart entre les cessions qui pourraient associer des salariés et celles qui les associent effectivement : alors que 26 % des dirigeants de PME souhaiteraient céder leur entreprise à leurs salariés, seules 10 % des reprises sont réalisées par ces derniers. L’encouragement et l’accompagnement des salariés dans la reprise de leur entreprise se révèlent donc nécessaires.
S’inscrivant dans le cadre du PACTE, le présent article met en œuvre l’une des mesures mises en avant pour faciliter la transmission d’entreprises : en supprimant le seuil de salariés impliqués dans l’opération de rachat de l’entreprise, il va permettre d’accroître les reprises internes.
A. L’opportun assouplissement des conditions d’éligibilité du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise
Le présent article, qui modifie l’article 220 nonies du CGI, supprime pour une période de trois ans la condition tenant au nombre minimum de salariés impliqués dans l’opération de rachat.
1. La suppression du seuil minimum de salariés impliqués dans le rachat
● Le cœur du dispositif proposé se trouve au 2° du I du présent article, qui réécrit le 2° du II de l’article 220 nonies consacré aux conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés.
Ainsi qu’il a été vu, actuellement, les droits de vote dans la société nouvelle doivent être détenus par un minimum de quinze salariés de la société rachetée ou par 30 % de ses effectifs si ces derniers n’excèdent pas cinquante.
En application du 2° du I de l’article, ce seuil est supprimé : les droits de vote au sein de la société nouvelle devront être détenus « par une ou plusieurs personnes » salariées de la société rachetée.
Dans ces conditions, le bénéfice du crédit d’impôt sera possible même si l’opération de rachat n’implique qu’un seul salarié.
● Le b du 1° du I du présent article modifie également les modalités de calcul du crédit d’impôt prévues au second alinéa du I de l’article 220 nonies, en substituant à la proportion des droits sociaux indirectement détenus par les salariés dans le capital de la société rachetée, la proportion des droits de vote attachés aux actions ou parts de la société rachetée que détiennent indirectement les salariés.
Il s’agit d’une harmonisation opportune avec la rédaction du 2° du II de cet article 220 nonies, que ne modifie pas le présent article sur ce point.
2. Un encadrement pour éviter les abus susceptible d’être atténué
● La suppression du seuil minimum de salariés participant au rachat de l’entreprise à laquelle procède le 2° du I du présent article s’accompagne d’un dispositif anti-abus destiné à lutter contre les contrats de complaisance, introduit par le même 2°.
Les contrats de complaisance visent ceux conclus entre le cédant et un ou plusieurs repreneurs peu avant le rachat afin de satisfaire artificiellement à la condition qu’au moins un salarié participe au rachat et donc bénéficier du crédit d’impôt.
Le dispositif proposé exige que le ou les salariés qui détiennent des droits de vote attachés aux actions ou parts de la société nouvelle soient, à la date du rachat, salariés de la société rachetée depuis au moins deux ans.
Cet encadrement est opportun en ce qu’il prémunit un détournement de l’esprit du crédit d’impôt.
● Néanmoins, la durée minimale de deux ans peut sembler excessive et pourrait se révéler contre-productive si le ou les salariés qui souhaitent racheter la société sont employés depuis moins longtemps.
Certes, il peut être considéré qu’exiger une ancienneté de deux ans garantit que le ou les salariés repreneurs disposent d’une bonne connaissance de l’entreprise, circonstance de nature à renforcer la viabilité de la reprise. Toutefois, une ancienneté moindre, fixée à dix-huit mois, permet de suffisamment bien connaître l’entreprise, surtout si celle-ci est relativement petite, et il serait à l’inverse possible d’objecter qu’une ancienneté de deux a