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N° 1448

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à encadrer
le démarchage téléphonique et lutter contre les appels frauduleux
(n° 1284)

PAR M. Christophe NAEGELEN

Député

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 Voir le numéro : 1284.


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. le dÉmarchage « lÉgal » est aujourdhui insuffisamment encadrÉ

A. le fichier Bloctel doit garantir la possibilité pour les particuliers de manifester leur opposition au démarchage téléphonique

1. Le principe du droit dopposition régit la question du démarchage téléphonique

2. Ce droit dopposition est, en pratique, incarné par le fichier Bloctel, géré par la société Opposetel

B. ce fichier présente des lacunes et requiert une amélioration

1. Le fichier Bloctel a permis dobtenir certains résultats significatifs

2. Toutefois, les nombreuses lacunes mises en avant appellent une réforme du dispositif

II. la fraude par téléphone est un fléau qui se répand et doit être traité urgemment

A. les pratiques de fraude aux numéros surtaxés sont nombreuses et touchent les français les plus vulnérables

B. La rÉglementation est trop lacunaire et insuffisamment efficace

III. lobjectif de la proposition de loi : renforcer le droit dopposition au démarchage et mieux lutter contre la fraude

A. améliorer linformation du consommateur quant aux appels de démarchage téléphonique

B. amÉliorer lefficacité du dispositif bloctel

1. Réaliser une évaluation de la société Opposetel

2. Accroître les sanctions pour les personnes contrevenant à la réglementation relative au droit dopposition au démarchage

C. donner aux opÉrateurs les moyens de lutter contre la fraude aux numéros surtaxés

TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEn des articles

Article 1er (art. L. 221-16 du code de la consommation) Précision du contenu des appels de démarchage commercial

Après l’article 1er

Article 1er bis (nouveau) (art. L. 223-1 du code de la consommation) Obligation pour les entreprises qui démarchent de saisir régulièrement lorganisme gérant la liste dopposition et de respecter la charte des bonnes pratiques élaborée par cet organisme sous peine de sanctions

Article 2 Audit de la société Opposetel

Article 2 bis (nouveau) (art. L. 223-4 du code de la consommation) Procédure de contrôle de lorganisme chargé de la gestion de la liste dopposition au démarchage

Article 2 ter (nouveau) (art. L. 242-12 du code de la consommation) Augmentation des sanctions à lencontre des professionnels ne respectant pas larticle L. 221-16 du code de la consommation relatif au message de présentation en début de démarchage et à l’engagement du consommateur après présentation et acceptation d’une offre

Article 2 quater (nouveau) (art. L. 242-14 du code de la consommation) Augmentation des sanctions à l’encontre des professionnels ne respectant pas l’article L. 221-17 du code de la consommation relatif à l’interdiction de l’utilisation de numéros masqués pour les appels de démarchage

Après l’article 2

Article 3 (art. L. 242-16 du code de la consommation) Augmentation des sanctions à lencontre des contrevenants à la législation relative au droit dopposition au démarchage téléphonique

Après l’article 3

Article 4 (art. L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques)  Augmentation des sanctions contre lutilisation dautomates dappel à des fins de prospection commerciale sans autorisation préalable du consommateur

Article 4 bis (nouveau) (art. L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques) Interdiction de l’utilisation d’automates d’appel pour vérifier la présence d’un consommateur à son domicile ou la bonne attribution du numéro de téléphone

Article 5 (article L. 223-1 du code de la consommation) Encadrement du démarchage téléphonique en cas de relations contractuelles préexistantes

Article 6 (art. L. 224-51 du code de la consommation)  Possibilité pour les opérateurs de communications électroniques de suspendre laccès à un numéro surtaxé affecté à un service fraudeur

Après l’article 6

Article 7 (nouveau) (art. L. 224-54-2 [nouveau] du code de la consommation)  Obligation pour les opérateurs exploitant un numéro à valeur ajoutée d’en suspendre l’accès en cas d’injonction de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation

Article 8 (nouveau) (art. L. 522-6 du code de la consommation)  Publicité des sanctions prononcées par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Liste des contributions écrites reçues par le rapporteur


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   introduction

Cette proposition de loi est le fruit d’un travail de longue haleine, entamé il y a plusieurs mois. En mai 2018, votre rapporteur avait déposé une proposition de loi ne concernant que le démarchage téléphonique. Cette proposition de loi était similaire à celle déposée par le député M. Pierre Cordier, débattue en séance publique en juin 2018. Ces deux textes reprenaient eux-mêmes une précédente proposition visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique, déposée en 2011 au Sénat par M. Jacques Mézard.

Mais les auditions et les recherches ont continué avec plusieurs objectifs : d’une part le démarchage téléphonique, pour lequel il est important de prendre tous les arguments en compte afin d’avoir un positionnement objectif entre l’obligation de consentement préalable, l’opt-in, et le droit d’opposition au démarchage, l’opt-out ; d’autre part la fraude aux numéros surtaxés, qui n’était pas abordée précédemment et qui constitue un vrai sujet concret de préoccupation pour nos concitoyens, sur lequel il fallait agir.

Tout d’abord, le démarchage téléphonique est une nuisance pour beaucoup de Français, contre laquelle il est impératif d’agir rapidement. Selon une enquête réalisée par l’UFC‑Que Choisir en 2017, 100 % des Français ayant répondu jugent le démarchage téléphonique « agaçant » et la majorité d’entre eux l’estiment en recrudescence. Les principaux secteurs de démarchage seraient l’habitat (68 %), le solaire et l’éolien (55 %), l’énergie (42 %), les assurances (38 %) et les communications (33 %). Au-delà de la gêne que cela constitue, il n’est pas rare de constater une véritable pression à l’achat, voire un abus de faiblesse, notamment sur des publics vulnérables comme les jeunes adolescents et les personnes âgées. De plus l’agacement est aussi dû à des appels intempestifs tels que des sondages, ou encore d’autres types d’appels ne pouvant être intégrés dans le dispositif d’opposition, la liste Bloctel.

Mais il est aussi important de prendre en considération l’importance du démarchage téléphonique pour l’activité économique de notre pays. En effet, le démarchage téléphonique est une activité nécessaire tant à nos entreprises qu’au secteur d’emploi qu’il représente. Les appels « sortants » assurent aujourd’hui 56 000 équivalents temps plein en France, soit en réalité bien davantage d’emplois, car beaucoup de postes sont à temps partiel. Ce chiffre de 56 000 emplois, transmis par le Conseil national de la consommation, est, en outre, probablement sous-estimé, car il ne recense que les emplois en centres d’appels ou dans de grandes entreprises ayant mis en place de tels pôles d’activité en leur sein. Il ne prend pas en compte les emplois occasionnels dans de petites ou moyennes entreprises. Au total, on estime aujourd’hui à environ 270 000 le nombre d’emplois en centres d’appels en France – regroupant les emplois consacrés aux appels entrants et ceux consacrés aux appels sortants – dont 75 % en centres d’appels internes aux entreprises ([1]). Enfin, il est raisonnablement possible de considérer que les emplois indirects (notamment dans les fonctions dites « support » des centres d’appels) et induits (par le surcroît de chiffre d’affaires généré par le démarchage) sont au moins équivalents au double des emplois directs dans le démarchage téléphonique. L’importance de ce secteur d’activité est particulièrement avérée sur certains territoires : 24 % des emplois et 16 % des sites de province dans le démarchage téléphonique sont situés dans le Nord-Pas-de-Calais ([2]). 50 % des centres d’appels sont situés dans le quart Nord‑Est du territoire national. Il est également important de signaler que ces emplois ne sont pas précaires : la main-d’œuvre est majoritairement qualifiée (52 % des salariés sont Bac + 2) et diversifiée (les taux d’emplois de femmes, de seniors et de personnes handicapées sont en croissance) ([3]).

Au-delà du seul secteur de la relation client, ce démarchage est également essentiel pour certaines entreprises, tous secteurs confondus, pour lesquelles près de 70 % des contacts se font par téléphone, de même que toute l’activité de fidélisation de leur clientèle, indispensable à la pérennité de leur activité. Certaines l’utilisent de manière ponctuelle, pour informer leurs clients de campagnes de promotion, par exemple, mais toutes soulignent l’importance de ce moyen de communication avec leurs clients. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), consultée par votre rapporteur, indique que certains secteurs y sont très dépendants, comme l’immobilier, le bâtiment, ou de nombreuses activités de services et de commerce. Elle précise constater que « ce sont souvent des très petites entreprises (TPE), encore plus que des petites et moyennes entreprises (PME), qui sont utilisatrices de cette pratique qu’elles considèrent comme essentielle au développement, voire à la survie, de leur activité […]. De plus, la place du démarchage téléphonique est d’autant plus forte que la publicité dans la presse écrite locale, par affichage ou par radios et télévisions locales n’est pas accessible financièrement à des TPE, même à de nombreuses PME ». Enfin, en zone rurale, où le développement de la clientèle est faible du fait d’une moins forte densité de population, ce démarchage particulièrement nécessaire.

C’est pourquoi, il n’apparaît pas souhaitable d’interdire le démarchage en tant que tel, ni même de le remplacer par un système de consentement préalable – alors que le consentement par défaut du consommateur est aujourd’hui admis, jusqu’à ce qu’il manifeste son opposition. Un tel système serait difficile à mettre en pratique, nuirait à l’activité économique, et ferait courir le risque d’une fuite des centres d’appels à l’étranger, où la réglementation pourrait être plus facilement contournée et où les contrôles seraient plus compliqués à mener. La France enregistre d’ailleurs une baisse pour la deuxième année consécutive des emplois dans ce secteur (– 2,2 % d’emplois), lorsque l’activité à l’étranger (dite « offshore ») a, elle, connu une croissance de 10,1 % ([4]).

De plus cela ne résoudrait en rien le problème, car seules les entreprises vertueuses en tiendraient compte.

Il importe donc de travailler à une amélioration du fonctionnement et de l’efficacité du mécanisme d’opposition au démarchage téléphonique, notamment en garantissant la pleine transparence des appels effectués à des fins de démarchage ou de prospection commerciale, mais également en augmentant les contrôles et en s’assurant que les sanctions à l’égard des contrevenants soient suffisamment dissuasives.

Ensuite, il est également apparu indispensable d’ajouter à cette proposition de loi la dimension qui manquait aux précédentes : celle de la lutte contre la fraude aux numéros surtaxés, qui constitue un préjudice très important pour un grand nombre de Français, en particulier parmi les populations vulnérables, et dont l’encadrement apparaît aujourd’hui insuffisant. Il s’agit, en particulier, de renforcer les sanctions et de responsabiliser les opérateurs téléphoniques pour mettre fin aux pratiques frauduleuses qui leur sont signalées.

C’est l’objet de la présente proposition de loi, qui a pour ambition d’être à la fois juste, équilibrée et protectrice :

– juste, car elle responsabilise tous les acteurs ;

– équilibrée et protectrice car elle favorise le droit d’opposition au démarchage, l’opt out, tout en augmentant les sanctions, en clarifiant la relation contractuelle, en sauvegardant l’emploi en France et en intégrant la lutte contre les appels frauduleux.


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I.   le dÉmarchage « lÉgal » est aujourd’hui insuffisamment encadrÉ

A.   le fichier Bloctel doit garantir la possibilité pour les particuliers de manifester leur opposition au démarchage téléphonique

1.   Le principe du droit d’opposition régit la question du démarchage téléphonique

Le démarchage téléphonique est encadré par la réglementation française.

Cet encadrement repose sur la possibilité, offerte à tous les consommateurs, de manifester leur opposition à être démarchés par téléphone à des fins commerciales ou à ce que leurs données personnelles soient utilisées à cette fin. Il s’agit d’un mécanisme dit d’ « opt-out », où le consentement est supposé acquis, mais où la liberté est laissée aux consommateurs de refuser le démarchage (par opposition à un système dit d’ « opt-in », où le consentement préalable du consommateur avant tout démarchage serait requis).

Ainsi, l’article L. 223-1 du code de la consommation dispose que « le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut gratuitement s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique ». Il est alors interdit à un professionnel, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur cette liste, sauf en cas de relations contractuelles préexistantes.

En outre, l’utilisation et la transmission des données personnelles –notamment le numéro de téléphone – à des fins de prospection ou de démarchage commercial sont également proscrites.

Cette interdiction figure dans la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite loi « informatique et libertés », qui prévoit, à son article 38 dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, que « toute personne [...] a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur ».

De la même manière, le code des postes et des communications électroniques dispose, à son article R. 10, que « toute personne [...] peut obtenir gratuitement de l’opérateur auprès duquel elle est abonnée ou du distributeur de ce service [...] que les données à caractère personnel la concernant issues des listes d’abonnés ou d’utilisateurs ne soient pas utilisées dans des opérations de prospection directe [...] ».

Enfin, aux termes de l’article L. 226-18-1 du code pénal, « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne, lorsque ce traitement répond à des fins de prospection, notamment commerciale, ou lorsque cette opposition est fondée sur des motifs légitimes, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende ».

2.   Ce droit d’opposition est, en pratique, incarné par le fichier Bloctel, géré par la société Opposetel

Ce droit d’opposition est, en pratique, incarné par la possibilité pour les consommateurs de s’inscrire sur une liste répertoriant les personnes ne souhaitant pas être démarchées, liste que doivent consulter les entreprises avant une opération de démarchage.

En effet, l’inscription sur les listes « rouge » ou « orange » des opérateurs permet de ne pas figurer dans les annuaires. Toutefois, les démarcheurs n’utilisent pas uniquement les annuaires téléphoniques pour constituer leurs fichiers de numéros : donner son ou ses numéros dans le cadre d’une opération commerciale peut conduire, selon la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), à la constitution de listes qui peuvent être revendues.

C’est pourquoi, en application de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, une liste spécifique, dite « Bloctel », a été mise en place. Cette liste est gérée par la société Opposetel, désignée par l’arrêté du 25 février 2016 comme l’organisme chargé de gérer la liste d’opposition au démarchage téléphonique, dans le cadre d’un contrat de délégation de service public valable pour une durée de cinq ans. La société Opposetel a ainsi mis en place, au 1er juin 2016, le fichier Bloctel, et le site internet www.bloctel.gouv.fr sur lequel peuvent s’inscrire gratuitement – par une demande en ligne ou par courrier – tous les consommateurs ne souhaitant pas faire l’objet de prospection ou de démarchage téléphonique.

Comme l’indique l’article R. 223-2 du code de la consommation, ce fichier « permet aux entreprises qui recourent au démarchage téléphonique de bénéficier de fichiers de prospection actualisés desquels sont retirées [par Opposetel] les coordonnées des consommateurs inscrits sur la liste d’opposition ».

Le dispositif est financé par les entreprises, qui acquittent une redevance pour soumettre et faire expurger leurs fichiers de coordonnées téléphoniques des numéros des consommateurs inscrits sur Bloctel. Cette redevance est composée de la manière suivante :

– une part fixe comprenant, outre les frais d’inscription acquittés lors de l’adhésion au service, ceux correspondant au coût annuel de gestion du dossier ouvert par l’organisme pour chaque professionnel adhérent ;

– une part variable correspondant aux charges annuelles de l’organisme liées à la collecte, l’enregistrement, la conservation et la gestion des numéros de téléphone des consommateurs, et à la fréquence d’utilisation de cette liste d’opposition par le professionnel. Son montant est calculé en fonction du nombre et de la taille de ses fichiers ainsi que du nombre de consultations de l’organisme afin que celui-ci les vérifie ou les actualise.

L’article R. 223-6 du code de la consommation précise, par ailleurs, que le professionnel qui exerce, à titre habituel, une activité de démarchage téléphonique, saisit de manière régulière, et au moins une fois par mois, l’organisme Opposetel, pour s’assurer de la conformité de ses fichiers de prospection commerciale avec la liste d’opposition au démarchage. Le professionnel qui n’a qu’accessoirement recours au démarchage téléphonique consulte cet organisme avant toute campagne de démarchage. Enfin, lorsqu’une entreprise effectue une campagne de démarchage téléphonique pour une entreprise qui l’a mandatée, c’est le donneur d’ordres qui est responsable du respect de la réglementation en vigueur et doit s’acquitter des frais dus à Bloctel. Les professionnels qui vendent ou acquièrent des fichiers de numéros téléphoniques doivent également s’assurer que ces fichiers ont été expurgés des numéros inscrits sur Bloctel.

Alors qu’il est, par principe, interdit à tout professionnel de démarcher par téléphone un consommateur inscrit sur la liste d’opposition, plusieurs exceptions sont notables. Des consommateurs inscrits sur la liste pourront, en effet, être appelés :

– par les professionnels avec lequel ils ont des relations contractuelles préexistantes ;

– pour des appels de prospection en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines ;

– pour des motifs ne concernant pas la vente de biens ou de services et n’étant pas considérés comme de la prospection commerciale, tels que les appels émanant d’instituts d’études et de sondage, d’associations à but non lucratif ou d’un service public.

Tout particulier qui reçoit un appel de démarchage – en dehors des cas listés ci-dessus – alors qu’il est inscrit sur la liste d’opposition peut remplir un formulaire de réclamation sur le site internet du dispositif Bloctel.

B.   ce fichier présente des lacunes et requiert une amélioration

1.   Le fichier Bloctel a permis d’obtenir certains résultats significatifs

Le fichier Bloctel a permis d’obtenir certains résultats significatifs. Ainsi, depuis son entrée en vigueur en 2016, près de 3,9 millions de personnes s’y sont inscrites, pour un total de 8,8 millions de numéros de téléphone recensés (soit en moyenne 2,27 numéros par consommateur). 226 000 fichiers de professionnels ont été traités, représentant 155 milliards de numéros de téléphone et 5 milliards de numéros repoussés ([5]). En moyenne, en 2018, chaque numéro de téléphone inscrit sur le registre Bloctel a été retiré plus de huit fois par semaine des listes de prospection téléphonique. Le dispositif a donc, indéniablement, évité de nombreux appels.

2.   Toutefois, les nombreuses lacunes mises en avant appellent une réforme du dispositif

Pourtant, plusieurs lacunes sont à relever, qui altèrent l’efficacité du dispositif.

Ainsi, depuis le début de l’année 2018, 287 500 signalements de consommateurs inscrits sur Bloctel et continuant à recevoir des appels de démarchage à des fins commerciales ont été recensés (dont 88 % pour des signalements de numéros différents). 113 000 consommateurs sont à l’origine de ces réclamations (ils en font en moyenne 2,5 chacun). Sur ces réclamations, la très grande majorité porte sur des entreprises qui ne sont pas adhérentes à Bloctel.

Les secteurs les plus signalés sont l’habitat et la rénovation (82 % des signalements), l’énergie (79 % des signalements), le secteur bancaire et assurantiel (49 %) ou encore la voyance (32 %).

Il est toutefois à noter que, depuis le début de l’année 2018, 28 % de ces réclamations concernent en réalité des incitations au rappel vers des numéros surtaxés, et 22 % des signalements concernent des appels par automates (délivrant des messages préenregistrés de démarchage ou incitant à rappeler un numéro, éventuellement surtaxé).

Au total, d’après les enseignements d’une étude réalisée par Bloctel en novembre 2018, les personnes inscrites sur la liste indiquent ressentir « une diminution significative des appels (environ 50 %) mais qui reste insuffisante et par moment insupportable ». Selon une enquête réalisée par l’UFC‑Que Choisir en 2017, 60 % des Français ayant répondu observent une diminution du nombre de démarchage, mais seulement 18 % estiment que le démarchage a « beaucoup baissé » et 40 % des inscrits ne perçoivent pas de changement.

Cette efficacité modérée résulte de plusieurs facteurs.

En premier lieu, le nombre d’entreprises qui soumettent leurs fichiers à Bloctel pour les expurger des données téléphoniques des particuliers inscrits est trop faible : au 1er octobre 2018, seules 1 062 entreprises avaient souscrit à Bloctel, dont 655 seulement avaient encore un abonnement en cours, alors que la consultation du fichier constitue une obligation pour l’ensemble de celles qui se lancent dans des opérations de démarchage téléphonique, dont le nombre est, sans aucun doute, bien supérieur. La CPME indique également « constater avec regret la non-connaissance de ce dispositif par de nombreuses TPE et PME, même pour celles qui réalisent du démarchage téléphonique en toute conscience ». Parmi les explications avancées figure celle de tarifs qui seraient trop élevés, en particulier pour de petites entreprises.

Par ailleurs, l’autorité administrative en charge de ce sujet, la DGCCRF, organise trop peu de contrôles, qui conduisent à trop peu de sanctions. Les réclamations de consommateurs ont ainsi conduit à 638 contrôles depuis 2016, dont plus de 200 depuis le 1er janvier 2018. Entre juillet 2016 et janvier 2018, la traçabilité des numéros appelant grâce aux réclamations enregistrées sur le site a permis de sanctionner 134 entreprises, ce qui parait peu au regard du nombre d’appels quotidiens.

Enfin, les sanctions prononcées sont faibles, ce qui interroge sur leur caractère dissuasif. Ces sanctions administratives sont de 15 000 euros (€) pour une personne physique qui contacte une personne inscrite sur le fichier d’opposition et de 75 000 € s’il s’agit d’une personne morale. En outre, ces sanctions ne sont pas publiées, et n’ont ainsi pas d’effet sur l’image d’une marque ou d’une entreprise, ce qui en atténue la portée.

Dès lors, il importe de travailler à une amélioration du fonctionnement de Bloctel et du mécanisme d’opposition au démarchage téléphonique, sans pour autant remettre en cause le principe du droit d’opposition pour le remplacer par une obligation de consentement préalable, qui entraînerait d’importants bouleversements économiques pour nos entreprises, notamment les PME, ainsi que pour le secteur des centres d’appels. En outre, l’opt-in ne permettrait pas de résoudre le problème des appels frauduleux, qui se multiplient.

La réponse doit être double :

– une incitation faite aux entreprises d’adhérer à Bloctel, par des campagnes de communication à grande échelle : il est indispensable de s’assurer du respect, par les professionnels, de leurs obligations légales qu’ils ne peuvent plus ignorer ;

– une amélioration de l’efficacité du dispositif par davantage de contrôles et de sanctions.

 

Le démarchage téléphonique par automate d’appel

Le démarchage téléphonique par automate d’appel est une pratique qui se répand mais qui se situe pourtant à mi-chemin entre la fraude et la légalité.

Comme l’indique la DGCCRF, le démarchage publicitaire par messages téléphoniques préenregistrés est légal, sous réserve que le consommateur ait donné de façon explicite son accord pour recevoir ce type d’appel ([6]). Pour ces cas particuliers, c’est bien l’optin qui prévaut, et non l’opt-out.

Toutefois, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ces systèmes sont utilisés à plusieurs fins, notamment pour :

– diffuser un message préenregistré au consommateur lorsqu’il décroche ou l’enregistrer sur sa messagerie vocale en cas de non-réponse ;

– effectuer des tentatives d’appels de très courte durée afin qu’un numéro s’affiche dans l’historique des appels manqués du consommateur et qu’il soit rappelé par ce dernier ;

– composer automatiquement les numéros d’une liste de destinataires et les mettre en relation avec un interlocuteur après avoir vérifié que l’appelé est disponible. Ainsi, comme l’explique l’UFC‑Que Choisir, « afin de limiter au maximum les pertes de temps, des sociétés de télémarketing ont recours à des systèmes de gestion des appels qui se chargent de composer automatiquement le numéro du destinataire avant qu’un téléopérateur ne soit disponible. Il peut arriver qu’aucun conseiller ne soit en mesure de prendre l’appel au moment où le destinataire décroche. Ce dernier se retrouve alors sans personne au bout du fil ».

Ces automates peuvent également être utilisés à grande échelle pour vérifier que certains numéros sont bien attribués (éventuellement avant de revendre des fichiers actualisés) ou estimer sur quelles plages horaires les consommateurs sont le plus souvent à domicile (à des fins de démarchage ultérieur).

Il en résulte, en tout état de cause, une nuisance importante, générée par la sonnerie intempestive du téléphone, à toute heure de la journée, et sans, le plus souvent, qu’un interlocuteur ne réponde au consommateur qui décroche.

Afin de renforcer la confiance des utilisateurs dans les appels qu’ils reçoivent, qui peuvent être légaux et légitimes, et de permettre aux opérateurs de mieux gérer les flux d’appels émis par ces systèmes automatisés, l’ARCEP a pris, à l’été 2018, une décision prévoyant qu’à compter du 1er août 2019, certains numéros territorialisés (les numéros géographiques – 01 à 05 –, non géographiques – 09 – et mobiles à 10 chiffres) ne pourront plus être utilisés en tant qu’identifiant présenté à l’appelé pour des appels émis par des systèmes automatisés. Pour la mise en œuvre de cette disposition, l’ARCEP recommande aux opérateurs de prendre les mesures nécessaires, par exemple en mettant en œuvre sur leurs réseaux des dispositifs techniques et en insérant des clauses dans leurs contrats leur permettant d’interrompre l’acheminement des appels émis au départ de leurs réseaux, transitant à travers eux ou terminés sur ceux-ci qui présentent un numéro territorialisé comme identifiant d’appelant, dès lors qu’il apparaît, au regard des caractéristiques du flux d’appels, qu’ils sont émis par un ou plusieurs systèmes automatisés d’appels.


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II.   la fraude par téléphone est un fléau qui se répand et doit être traité urgemment

A.   les pratiques de fraude aux numéros surtaxés sont nombreuses et touchent les français les plus vulnérables

À côté des démarchages commerciaux intempestifs – qui peuvent être légaux – les Français subissent aussi, de plus en plus fréquemment, des pratiques frauduleuses assises sur des numéros surtaxés. Celles-ci visent, en particulier, les publics les plus vulnérables, notamment les personnes âgées ou les adolescents, qui sont également une cible de choix, attirés par la promesse de gains d’argent, de places de spectacles ou de produits de mode.

La mise en place de numéros surtaxés n’est pas illégale s’ils correspondent à un réel service : la fraude consiste à les détourner de leur finalité en incitant les consommateurs à composer ces numéros dits de « service à valeur ajoutée » pour des motifs trompeurs au seul profit de leurs exploitants, sans leur fournir de service effectif ainsi, souvent, qu’à les pousser à multiplier les appels ou à rester le plus longtemps possible en ligne. La facturation du service ou de l’achat est portée en « hors forfait » sur la facture de téléphonie et prélevée en même temps que l’abonnement mensuel sur le compte du client. L’opérateur de téléphonie reverse par la suite le montant au fournisseur du service.

Numéros surtaxés : le fonctionnement

Les numéros surtaxés, ou numéros de services à valeur ajoutée (SVA) sont des numéros professionnels attribués à des entreprises ou à des administrations pour donner accès à un service lié à leur activité. Le service peut être payant ou gratuit selon le choix du fournisseur.

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et l’Association française du multimédia mobile (AFMM) attribuent ces numéros surtaxés à des opérateurs de communications téléphoniques, dits « opérateurs SVA », qui peuvent les vendre à des fournisseurs de services (chaînes de télévision, services de météorologie, services de renseignements, etc.). Certains fournisseurs de services peuvent revendre ces numéros à d’autres.

Lorsqu’un consommateur appelle un numéro de service à valeur ajoutée, il doit lui être délivré un message gratuit d’information sur le prix global susceptible de lui être facturé (décomposé en coût de l’appel et coût du service) quand celui-ci excède le tarif souscrit auprès de son opérateur téléphonique pour les appels vers les numéros fixes français. Ce message doit être délivré dès le début de l’appel et être d’une durée supérieure à 10 secondes. Un signal sonore matérialise la fin de cette information et la mise en application des conditions tarifaires annoncées ([7]).

Une tarification simplifiée des SVA est entrée en vigueur le 1er octobre 2015. Elle distingue le coût de la communication téléphonique et le coût (exprimé en euros par minute ou euros par appel) du service à valeur ajoutée. Elle signale trois types de tarification : gratuite (identificatifs 0800 à 0805), banalisée au coût d’une communication normale, mais sans paiement du service lui-même (identificatifs 0806 à 0809), et majorée ou surtaxée, c’est-à-dire avec un service payant, en plus du coût de communication (identificatifs 081, 082, 089 et de nombreux numéros de quatre chiffres commençant par 3). En parallèle, les professionnels du secteur ont instauré une signalétique « couleur » permettant d’identifier la tarification des numéros (verte pour gratuite, grise pour banalisée et violette pour majorée).

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/imgs/breve/2017/numeros-surtaxes.jpg

Plusieurs pratiques de fraude sont recensées :

– les appels en absence ou « ping call » : il s’agit d’une technique frauduleuse consistant, pour une société, à appeler un numéro de téléphone en ne laissant sonner qu’une seule fois. Le destinataire, n’ayant pas eu le temps de décrocher, essaie alors de rappeler le numéro du correspondant qui s’est affiché, en réalité un numéro surtaxé auquel ne correspond aucun service à valeur ajoutée. Il est souvent trompé par l’aspect « classique » du numéro de téléphone utilisé, qui peut prendre l’apparence d’un numéro de téléphone fixe situé dans sa localité ;

– les appels par des téléopérateurs indiquant au consommateur qu’il doit rappeler un autre numéro de téléphone – surtaxé – pour confirmer la réception d’un colis, déplacer un rendez-vous médical, etc. Les téléopérateurs qui répondent au numéro rappelé, parfois de véritables acteurs, font en sorte de garder le consommateur au bout du fil le plus longtemps possible, notamment en lui indiquant avoir des difficultés techniques à enregistrer les informations transmises. Le coût de la communication pèse alors sur l’utilisateur, sans que celui-ci ne sache nécessairement qu’il s’agit d’un appel surtaxé ;

– les appels par automate laissant des messages incitant le consommateur à rappeler son conseiller bancaire, son médecin, ou toute autre personne à un numéro qui sera surtaxé ;

– les fraudes utilisant des mécanismes de micro-paiement. Le micro‑paiement par téléphone permet d’acheter un contenu ou un service de faible montant, de quelques centimes à une trentaine d’euros. Ce système de paiement peut revêtir différentes formes : l’appel à un numéro surtaxé (par exemple pour accéder à un service de météo) ; l’envoi d’un SMS surtaxé (par exemple pour acheter une sonnerie) ou l’utilisation du service pour réaliser rapidement de petits achats en ligne. Dans ce type de fraude, il est demandé au consommateur de rappeler un ou plusieurs numéros surtaxés afin d’obtenir un ou plusieurs codes, qu’il doit ensuite fournir au « vendeur » ou à l’organisateur du jeu concours. Il faut parfois rappeler plusieurs dizaines de fois pour obtenir les 5 ou 6 codes exigés pour valider l’obtention d’un gain ou recevoir le lot chez soi. Ces codes sont nécessaires au fraudeur afin qu’il puisse ensuite récupérer auprès de l’opérateur de communications téléphoniques et du fournisseur du service à valeur ajoutée la somme générée par l’appel. Ces solutions de micro-paiement en ligne, qui ne requièrent pas d’accord parental, rendent les adolescents particulièrement exposés à ce type d’arnaque.

Pour l’ensemble de ces pratiques frauduleuses, le spoofing, ou usurpation de numéro, permet aux fraudeurs de gagner la confiance des consommateurs (en ne les alertant pas avec un numéro débutant par 0 890), mais également de réduire leur traçabilité par les pouvoirs publics.

Ces pratiques sont en forte augmentation. Ainsi, selon une étude d’Europol, le préjudice de la fraude aux numéros surtaxés dans l’Union européenne serait passé de moins de 2 milliards d’euros (Md€) en 2013 à 11 Md€ en 2017. Récemment, quatre personnes salariées de la société Viva Multimedia, petite société parisienne suspectée d’être un intermédiaire fournissant à d’autres les numéros surtaxés nécessaires à leur fraude, et d’avoir ainsi obtenu plus de 38 millions d’euros de gains en trois ans, ont été mises en examen pour escroquerie en bande organisée.

Toutefois, les petits montants escroqués – quelques euros ou dizaines d’euros – n’incitent souvent pas leurs victimes à porter plainte, quand bien même le préjudice collectif et le gain pour les auteurs sont très élevés.

B.   La rÉglementation est trop lacunaire et insuffisamment efficace

Malgré ces pratiques qui se multiplient, la réponse des pouvoirs publics apparaît, à l’heure actuelle, trop faible.

Ces fraudes ne rentrent pas dans le champ de compétence de l’opérateur Opposetel, car elles ne constituent pas du démarchage commercial.

Il est vrai qu’elles sont, le plus souvent, difficiles à tracer, car l’opérateur qui appelle utilise généralement un numéro erroné ou usurpe le numéro d’une entreprise ou d’un particulier : 90 % des démarchages intempestifs ne peuvent être sanctionnés car les numéros ne correspondent pas à la personne qui réalise réellement l’appel, ce qui entretient une forme d’impunité. Un travail étroit a toutefois été instauré avec les opérateurs téléphoniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), pour permettre de faciliter l’identification des entreprises à l’origine des appels. L’ARCEP étudie également des solutions pour éviter l’usurpation de numéros. Sa décision du 24 juillet 2018 ([8]) a notamment pour objet d’encadrer la pratique de modification de l’identifiant d’appelant, qui permet, certes, à des entreprises d’offrir un service client simplifié tout en organisant leurs centres d’appels sur différents sites, mais fait également l’objet de dérives nombreuses : la décision recommande qu’à compter du 1er août 2019, les opérateurs mettent en œuvre des mesures nécessaires pour permettre l’interruption immédiate des appels ou messages utilisant des numéros usurpés (notamment des numéros en apparence français alors que l’appel vient de – ou transite par – l’international).

Plusieurs dispositifs existent aujourd’hui, dont l’efficacité est contestable :

– la mise à disposition d’un annuaire inversé des numéros surtaxés, qui permet notamment d’obtenir des informations sur un numéro surtaxé, son tarif et la nature du service fourni par le professionnel, pour vérifier s’il est utilisé frauduleusement ou non (disponible sur www.infosva.org) ([9]). Le contrat qui lie l’opérateur à son abonné disposant d’un numéro à valeur ajoutée doit prévoir que l’abonné lui fournisse les informations nécessaires et l’informe avec un préavis suffisant de toute modification, sous peine de suspension de l’accès à son numéro voire de résiliation du contrat ([10]). Un mécanisme de signalement impose également à l’opérateur de vérifier les renseignements présents dans cet annuaire afin de procéder, en cas d’inexactitude, à la suspension de l’accès au numéro et, le cas échéant, à la résiliation du contrat ([11]) ;

– la plateforme « 33 700 », dispositif de signalement qui permet aux consommateurs d’alerter gratuitement leurs opérateurs de SMS ou d’appels qu’ils jugent suspects (en envoyant un SMS au 33 700 rédigé de la manière suivante : « spam vocal » suivi du numéro jugé suspect) ([12]). Ce numéro est géré par l’Association française du multimédia mobile (AFMM), qui regroupe notamment Bouygues Telecom, Orange et SFR, mais il est utilisable par tout consommateur, quel que soit son opérateur. En cas d’escroquerie massive et avérée, les opérateurs signalent le numéro frauduleux aux autorités ;

– l’option de blocage proposée par les opérateurs de téléphonie. Depuis le 1er mars 2018, tous les opérateurs doivent proposer gratuitement à leurs clients de pouvoir bloquer les appels et les SMS vers certains numéros surtaxés ([13]). Il faut pour cela se rendre sur son compte client, sur le site de son opérateur.

Cependant, ces outils n’ont pas pour but de traiter un litige en particulier. Ils permettent surtout à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) et à la DGCCRF de cibler leurs contrôles et d’amorcer des enquêtes générales, pour faire tomber des réseaux ou des entreprises spécialisées dans les arnaques, voire des structures de blanchiment d’argent.

Des enquêtes ont ainsi été menées par la DGCCRF et des sociétés de fourniture de services à valeur ajoutée ont été condamnées pour pratique commerciale trompeuse et pratique commerciale agressive. En parallèle, la DGCCRF a mené des contrôles sur 8 opérateurs téléphoniques affectant les numéros à valeur ajoutée les plus signalés au 33 700 (deux tiers des signalements à eux seuls). Au total, entre janvier 2017 et juin 2018, 69 sociétés ont été contrôlées, conduisant à l’établissement de 36 procès-verbaux pénaux pour pratiques commerciales trompeuses ou agressives transmis à la justice (ainsi qu’un procès-verbal pour non-respect de la directive européenne sur la protection des données et 9 procès‑verbaux administratifs). Onze infractions constatées ont été réalisées par des sociétés de droit étranger, notamment d’autres pays de l’Union Européenne ou d’Afrique ([14]).

Toutefois, pour les consommateurs, obtenir un remboursement est extrêmement compliqué. Selon une enquête du Monde ([15]) sur les fraudes aux numéros surtaxés ciblant les adolescents, la trentaine de jeunes dont les témoignages ont été recueillis indique avoir eu de grandes difficultés à se faire rembourser les sommes escroquées, les opérateurs et fournisseurs de services associés à des numéros surtaxés se renvoyant mutuellement la responsabilité de ce remboursement.

En conséquence, un constat est partagé tant par les consommateurs que par les entreprises et les professionnels du démarchage : celui d’une trop faible efficacité du droit en vigueur pour lutter contre le démarchage téléphonique intempestif mais également contre les appels frauduleux.


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III.   l’objectif de la proposition de loi : renforcer le droit d’opposition au démarchage et mieux lutter contre la fraude

La proposition de loi porte un double objectif, celui de renforcer l’effectivité du droit d’opposition au démarchage téléphonique, d’une part, et celui de mieux lutter contre la fraude, d’autre part.

A.   améliorer l’information du consommateur quant aux appels de démarchage téléphonique

La proposition de loi a pour objet d’améliorer l’information du consommateur quant aux appels de démarchage et aux sollicitations commerciales qu’il reçoit, afin d’en assurer une plus grande transparence.

Larticle 1er oblige toute personne effectuant un appel de démarchage à se présenter de manière exhaustive dès le début de l’appel (c’est-à-dire à indiquer son identité, le nom de la personne qui l’emploie, le cas échéant l’identité de la personne pour le compte de laquelle elle effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci). Elle devra également rappeler au consommateur son droit à s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique et développer l’ensemble des sigles employés. Il s’agit de garantir une meilleure information du consommateur afin qu’il puisse déceler plus aisément la nature commerciale de l’appel.

Larticle 5 clarifie la nature des relations contractuelles préexistantes pouvant justifier qu’un professionnel démarche l’un de ses clients, inscrit cependant sur le fichier Bloctel. Il s’agit ici de sécuriser les entreprises qui appellent leurs clients et de rassurer les clients concernés, en précisant dans la loi le cadre dans lequel le démarchage téléphonique doit pouvoir être autorisé, pendant une période fixée à six mois après l’exécution du dernier contrat ou à la durée pendant laquelle le professionnel conserve des obligations à l’égard de son client.

B.   amÉliorer l’efficacité du dispositif bloctel

1.   Réaliser une évaluation de la société Opposetel

Larticle 2 propose d’organiser un audit de la société Opposetel, qui gère le fichier Bloctel, pour en relever les dysfonctionnements et en accroître l’efficacité dans la lutte contre le démarchage intempestif.

2.   Accroître les sanctions pour les personnes contrevenant à la réglementation relative au droit d’opposition au démarchage

Larticle 3 a pour objet de renforcer les sanctions contre les contrevenants au dispositif d’opposition au démarchage, c’est-à-dire les professionnels démarchant des personnes pourtant inscrites sur la liste d’opposition, ne soumettant pas leurs fichiers à des fins d’expurgation des numéros de consommateurs ayant manifesté leur volonté de ne pas être démarchés ou transmettant les coordonnées téléphoniques de consommateurs inscrits sur le fichier Bloctel à d’autres professionnels à des fins de démarchage.

Larticle 4 renforce également les sanctions, cette fois-ci à l’encontre des professionnels effectuant des prospections directes au moyen d’un système automatisé de communications électroniques, d’un télécopieur ou de courriers électroniques utilisant les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé préalablement son consentement à recevoir des prospections directes par ce moyen.

Il s’agit de rendre ces sanctions effectivement dissuasives.

C.   donner aux opÉrateurs les moyens de lutter contre la fraude aux numéros surtaxés

Larticle 6 a pour objet d’améliorer la lutte contre la fraude aux numéros surtaxés en donnant aux opérateurs le pouvoir et la responsabilité de couper les lignes frauduleuses dont ils auraient connaissance, et de reverser l’argent lié à la surtaxe aux consommateurs lésés. Il convient, en effet, de sécuriser au plan juridique l’action des opérateurs qui coupent les lignes faisant l’objet de signalements de consommateurs – action contre laquelle, aujourd’hui, les fournisseurs de service se retournent en justice – mais aussi de leur permettre de ne pas reverser aux fraudeurs les sommes liées au trafic issu d’une escroquerie avérée.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

   DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mercredi 28 novembre 2018, la commission a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux (n° 1284), sur le rapport de M. Christophe Naegelen.

M. le président Roland Lescure. Nous examinons ce matin la proposition de loi n° 1284 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, déposée par le groupe UDI, Agir et Indépendants (UAI), et renvoyée à notre commission.

Cette proposition de loi sera débattue en séance publique le jeudi 6 décembre, dans la « niche » du groupe UAI.

Nous avons déjà discuté d’une première proposition de loi sur la question du démarchage téléphonique, dont M. Pierre Cordier ici présent était l’auteur et le rapporteur, et qui a été débattue en séance publique à l’Assemblée en juin dernier.

Ce sujet est important pour nous comme pour les Français, ce qui explique qu’un nouveau texte soit déposé aujourd’hui : nous souhaitons tous protéger les consommateurs contre une nuisance bien réelle mais également permettre aux entreprises de développer leur activité. Beaucoup de travail a été accompli sur ces questions, par de nombreux députés, sur tous les bancs, en lien notamment avec le Conseil national de la consommation (CNC).

Le texte que vous présentez, Monsieur Naegelen, comporte trois articles communs avec le premier texte et trois articles nouveaux. Nous aurons également à examiner trente-cinq amendements. Je précise que j’ai déclaré irrecevable un amendement de M. Ruffin, l’amendement CE12, qui ne présentait pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, conformément à l’article 45 de la Constitution. Vous aurez tous noté que le Conseil constitutionnel est de plus en plus à cheval sur les cavaliers, si je peux me permettre cette expression elle aussi un peu cavalière… Nous devons rester en phase avec l’objet des propositions et projets de loi que nous discutons.

Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Christophe Naegelen. Le démarchage téléphonique et les appels frauduleux sont un sujet important. M. Pierre Cordier avait déposé une proposition de loi au mois de mars et j’en ai déposé une similaire au mois d’avril. Ces deux propositions reprenaient celle qui avait été déposée en 2011 par M. Jacques Mézard, à l’époque sénateur et concernaient principalement l’opt-in.

Le but du texte que je vous soumets aujourd’hui est un peu différent : il s’agit d’aller plus loin. Après l’examen de la proposition de loi de M. Cordier, nous avons continué à travailler et à poursuivre les auditions ; nous avons, par ailleurs, été entendus par le CNC. C’est ainsi que nous nous sommes rendu compte de deux choses.

Tout d’abord, l’opt-in (l’obligation de consentement préalable avant le démarchage) n’est pas la réponse adéquate, notamment par rapport aux emplois de ce secteur d’activité. On évalue à quelque 56 000 équivalents temps plein (ETP) le nombre d’emplois directs de personnes travaillant dans des centres d’appel en France ; si l’on inclut les emplois indirects et induits, le chiffre atteint 280 000 personnes. L’emploi étant l’une de nos priorités, il est important de le sauvegarder ; c’est pourquoi l’opt-out est privilégié à l’opt-in.

Ensuite, il est essentiel de sécuriser le plus possible le consommateur. Cela passe notamment par un audit du service rendu par Bloctel, pour voir s’il fonctionne bien ; c’est l’objet de l’article 2.

L’UFC-Que Choisir a conduit en 2017 une étude montrant que la majorité des personnes interrogées estiment le démarchage téléphonique non seulement agaçant, mais en recrudescence. Au-delà de la gêne qui en résulte, il n’est pas rare de constater une véritable pression à l’achat, voire des abus de faiblesse, notamment envers des publics vulnérables comme les adolescents et les personnes âgées.

Vous avez, Monsieur le président, parlé de trois articles communs aux deux propositions de loi. Dans la mesure où je présenterai un amendement modifiant l’article 1er, il n’y aura donc en réalité que deux articles communs, les articles 3 et 4 relatifs aux sanctions. On peut toujours discuter des montants à quelques euros près mais je ne voyais pas l’intérêt de revenir sur les sanctions proposées : en, revanche, il était important de simplifier le message d’annonce délivré par le démarcheur au moment où il appelle le consommateur.

L’article 5 redéfinit la relation contractuelle préexistante autorisant le démarchage, car le vide juridique actuel peut mettre des entreprises en danger. Sans article de loi précis, les entreprises, qui peuvent se faire contrôler, risquent des amendes importantes et surtout laissées à l’appréciation de l’administration de contrôle ; une définition claire et précise permettra de ne plus laisser de place à l’interprétation.

L’article 6 sera l’objet de nombreux amendements afin de tenir compte des auditions que nous avons conduites. Il s’agit de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne, parmi lesquels les opérateurs téléphoniques. On parle toujours du démarchage, mais le terme est un peu galvaudé : il faut savoir que 28 à 40 % des appels intempestifs faisant l’objet de signalements des consommateurs ne relèvent pas du démarchage, mais de l’appel frauduleux. Le recours à l’opt-in ne réglerait donc en rien le problème de ces appels frauduleux et n’a d’effet que sur les démarcheurs vertueux : ceux qui travaillent aujourd’hui dans l’illégalité continueraient de le faire, même avec l’opt-in. Sans parler du risque de voir des emplois quitter la France pour des pays étrangers où la réglementation est moins contraignante. L’opt-in n’est donc vraiment pas la bonne solution.

Le but de cet article 6 est donc de responsabiliser les opérateurs. Ceux-ci auront désormais la possibilité, sitôt qu’ils reçoivent des signalements, de suspendre l’accès au numéro utilisé par l’éditeur. Il y a quelques années, l’entreprise Viva Multimedia se fit couper sa ligne par son opérateur, Colt, filiale de SFR, celui-ci considérant qu’elle était utilisée pour des appels illégaux. Viva Multimedia porta plainte et le tribunal de commerce lui donna raison : Colt fut obligé de rétablir la ligne. Les préjudices ont continué et ce n’est que quelques mois plus tard que l’on s’est rendu compte que ce que faisait Viva Multimedia était, en effet, illégal. L’entreprise a été liquidée, mais après avoir réalisé entre-temps 38 millions de chiffre d’affaires en trois ans… Si l’opérateur avait eu, à l’époque, un texte de loi sur lequel s’appuyer, le jugement du tribunal aurait sans doute été différent. C’est un exemple parmi d’autres. L’article 6 constitue, à cet égard, une véritable avancée par rapport aux textes précédents, en permettant de lutter contre des appels frauduleux.

J’ai déposé plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 6 dont le but est de sécuriser l’opérateur. Celui-ci pourra, je l’ai dit, couper la ligne dès lors qu’il aura reçu des signalements suffisants ; mais il y sera systématiquement tenu dès l’instant où lui aura été transmise une injonction administrative de la part de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui aura constaté le comportement déloyal d’un fournisseur de produit ou de service à valeur ajoutée.

Dès lors que l’opérateur est tenu de le faire, il faut bien sûr prévoir des sanctions au cas où il ne ferait rien ; et surtout, il devra rembourser les consommateurs. C’est là aussi une avancée car nous le responsabilisons : s’il ne coupe pas la ligne, c’est lui qui devra rembourser toutes les sommes prélevées aux consommateurs.

Je souligne l’importance du CNC et je salue le travail de tous les députés qui, depuis le début, se sont attachés à travailler sur cette question : M. Pierre Cordier avec sa proposition de loi, Mme Annaïg Le Meur et M. Nicolas Démoulin qui ont été auditionnés comme moi par le CNC et avec lesquels la majorité des auditions ont été conduites. Car le démarchage téléphonique et la lutte contre les appels frauduleux sont des sujets qui doivent être travaillés par tout le monde, et non par un seul député ou un seul groupe parlementaire.

La présente proposition de loi a pour ambition d’être à la fois juste et protectrice : juste car, tout en défendant les consommateurs, elle cherche à préserver l’emploi en France ; protectrice pour nos concitoyens, en ce qu’elle permet de lutter tout à la fois contre les nuisances et les fraudes. Il s’agit de mettre fin à une double forme d’illégalité que constituent, d’une part, le fait d’exercer une pression à l’achat sur les personnes vulnérables et, d’autre part, l’incitation à l’appel de numéros surtaxés. Je ne doute pas que nos débats seront constructifs et permettront d’aller encore plus loin.

M. Roland Lescure. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Annaïg Le Meur. Je tiens tout d’abord à saluer le travail commun accompli ces derniers mois, notamment avec M. Nicolas Démoulin, après l’examen de la proposition de loi de notre collègue Pierre Cordier. Depuis le mois de juin, en effet, près de vingt auditions ont été conduites, en plus des réunions à Bercy. C’est aussi le fruit du travail de coconstruction mené à bien avec notre rapporteur, M. Christophe Naegelen.

Les appels à domicile intempestifs représentent une véritable intrusion dans la vie privée et familiale qui nourrit l’exaspération des Français. Je suis sûre que, parmi nous, chacun aurait une anecdote ou un exemple précis d’appel non désiré reçu tard le soir ou au cours des repas. Ces types d’appels peuvent même arriver plusieurs fois par jour, voire, dans les cas les plus graves, se muer en véritable harcèlement téléphonique.

Ces nuisances sont en partie dues à un double phénomène.

D’une part, nous avons des entreprises qui font de la prospection commerciale par téléphone ; c’est leur droit de chercher à vendre leurs produits, dès lors qu’elles respectent les règles en vigueur, et le droit de chacun de préserver son intimité. Le dispositif Bloctel, créé par la loi dite « Hamon » du 17 mars 2014, avait pour but d’encadrer ce type de démarchage. L’objectif était de permettre aux personnes qui ne souhaitent pas être démarchées de s’inscrire sur une liste d’opposition. Or, bon nombre d’entreprises ne sont toujours pas inscrites sur le registre Bloctel, et certaines obéissent à une déontologie pour le moins douteuse. Ce sont ces entreprises que la présente proposition de loi souhaite sanctionner.

D’autre part, un phénomène inquiétant n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années au point de représenter la majorité des appels indésirables : je veux parler des escroqueries et arnaques aux numéros surtaxés, perpétrées par des individus opérant bien souvent depuis l’étranger. Autrement appelés ping calls, ces appels décrochés-raccrochés incitent le destinataire à rappeler un numéro surtaxé possédé par l’éditeur frauduleux.

Ces appels intempestifs touchent l’ensemble des Français, mais nuisent surtout aux personnes les plus fragiles, celles qui méconnaissent l’usage des nouvelles technologies, des règles de la consommation ou qui ont parfois tout simplement du mal à refuser la proposition d’un démarcheur insistant. Ce sont ces publics que le groupe La République en Marche souhaite protéger.

La présente proposition de loi prévoit un élargissement suivant deux axes : l’encadrement des pratiques du démarchage téléphonique et la lutte contre les appels frauduleux aux numéros surtaxés. Je souscris à l’ambition de ce texte. Je sais que des collègues ici présents souhaitent introduire l’opt-in dans les relations commerciales, voire interdire purement et simplement le démarchage téléphonique. Ce n’est pas l’objet du texte de ce jour et cela ne semble pas opportun. Mieux vaut s’appuyer sur l’existant pour protéger le consommateur. Les dispositifs tels que Bloctel sont largement perfectibles ; il convient donc de renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas les obligations qui leur incombent.

Je suis également favorable à la création d’un audit de la délégation de service public attribuée à la société Opposetel, délégataire du service Bloctel.

Enfin, nous défendrons un amendement visant à étendre les sanctions aux professionnels qui ne filtrent pas les données téléphoniques de leurs fichiers en excluant les numéros des personnes inscrites sur Bloctel.

L’autre partie du texte vise à mieux lutter contre les arnaques aux numéros surtaxés organisées par des éditeurs frauduleux. Il s’agit de créer un cadre juridique solide afin que les opérateurs de téléphonie puissent suspendre les lignes téléphoniques dès lors qu’ils reçoivent des signalements de comportement frauduleux. Les sommes dues à l’éditeur de services à valeur ajoutée (SVA) frauduleux seront également reversées aux consommateurs. Nous soutiendrons ces dispositions qui doivent permettre de stopper l’arnaque dès lors qu’elle est connue.

Après en avoir discuté avec notre rapporteur, je reste très réservée sur certaines propositions qu’il souhaite introduire : ainsi la suppression des dérogations accordées aux instituts de sondage et aux éditeurs de journaux, ou la définition du lien contractuel entre une entreprise et la personne démarchée. Je propose que nous les retravaillions ensemble, comme nous l’avons fait depuis le début, en vue de la séance.

Pour le reste, le groupe La République en Marche soutient cette proposition de loi.

M. Pierre Cordier. J’avais effectivement eu l’occasion d’évoquer ce sujet il y a quelques semaines, à la suite des sollicitations de nos concitoyens qui sont plus qu’agacés par ces démarchages téléphoniques le matin de bonne heure, à midi, la journée, le soir, à de nombreuses reprises. L’objectif de la proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains (LR) et défendue par moi-même était de limiter ces effets sur nos concitoyens.

Avant toute chose, je pose la question : comment régler ce problème sans que nos concitoyens donnent leur accord pour être démarchés téléphoniquement ? Nous pouvons disserter des heures ou des jours sur la question, la solution doit nécessairement passer par le consentement des consommateurs. Il peut se trouver, nous l’avons constaté lors de l’examen de notre proposition de loi, des citoyens qui sont d’accord pour être démarchés, que cela ne dérange pas et qui sont au contraire contents de recevoir des propositions commerciales qu’ils jugent intéressantes. Ils sont peu nombreux, mais il y en a. Comment régler le problème sans demander le consentement des consommateurs, autrement dit sans passer par l’opt-in ?

La question de l’emploi dans les centres d’appel, évoquée par M. Naegelen, se pose, bien sûr, mais rappelons ce que disait à ce propos M. Jacques Mézard au Sénat : « Il ne s’agit pas de faire le procès systématique des centres d’appel. En effet, pour dire les choses telles qu’elles sont, la plupart de ces centres d’appel fonctionnent depuis le Maroc, l’Inde ou ailleurs ; les 110 000 emplois en suspens constituent donc, là encore, une fumisterie ».

J’avais été très déçu de la manière dont les choses ont été abordées dans l’hémicycle, le Gouvernement déposant des amendements de dernière minute pour supprimer des articles. J’ai trouvé cette démarche quelque peu cavalière. Au bout du compte, il ne restait plus que trois articles dans la proposition de loi que j’avais déposée. Ces articles sont repris dans la proposition de loi de M. Naegelen, puisque son article 1er correspond à mon article 2, tel qu’il a été adopté, son article 3 à mon article 6, adopté, et son article 4 à mon article 7.

Mme Delphine Gény-Stephann, qui était encore ministre, souhaitait créer – encore et toujours – une commission pour discuter. Nous nous étions retrouvés au ministère avec quelques députés ; je ne sais si d’autres réunions ont été organisées depuis lors. Cela se passait le vendredi après-midi et j’avais indiqué à la haute fonctionnaire responsable que ce n’était pas le meilleur jour… Je n’ai pas été réinvité et je ne sais si ces travaux se sont poursuivis. M. Naegelen me fait signe que non : cette commission n’a donc finalement même pas vu le jour. C’est assez décevant.

Je reste sur mes positions et je présenterai plusieurs amendements dans la discussion.

Mme Aude Luquet. À travers cette proposition de loi, en lien avec celle qui a été présentée par nos collègues LR, nous démontrons notre volonté d’agir sur un sujet qui préoccupe nombre de nos concitoyens – neuf Français sur dix se disent excédés par la répétition d’appels non sollicités – en y apportant une réponse qui soit à la hauteur des désagréments subis.

La prospection commerciale peut être perçue et vécue comme une démarche intrusive par les personnes sollicitées. Nous accueillons donc avec intérêt cette seconde proposition de loi, qui part d’un constat simple : si la législation permet au consommateur de disposer d’un droit d’opposition grâce au dispositif Bloctel voté dans la loi Hamon, nombre d’entreprises peu scrupuleuses ne respectent pas le droit existant et font que Bloctel est à ce jour un échec. Force est de constater, en effet, que ce dispositif n’apparaît pas satisfaisant, comme le démontre le nombre conséquent de consommateurs qui continuent d’être harcelés par des appels non sollicités. Ce démarchage devient un véritable fléau pour les consommateurs, notamment les plus fragiles, plus prompts à céder à des pratiques trompeuses ou à un harcèlement téléphonique, qui relèvent de l’abus de faiblesse.

Il appartient donc au législateur de renforcer la protection des consommateurs face aux dérives constatées. Pour ce faire, notre action doit reposer sur deux piliers : le renforcement des obligations des entreprises et le durcissement des sanctions. Car on peut ajouter toutes les obligations que l’on veut, si les sanctions ne sont pas dissuasives, les résultats ne seront pas au rendez-vous.

Au-delà des nouvelles obligations imposées aux professionnels, cette proposition de loi impose la réalisation d’un audit de la société Opposetel, délégataire du service Bloctel. Cet article nous paraît intéressant pour permettre l’identification d’éventuels freins ou carences dans le dispositif. En effet, depuis son lancement en juin 2016, sur les trois millions de personnes inscrites sur la liste Bloctel, un tiers a procédé à des réclamations à la suite de la persistance de ces appels incessants. Deux ans après, force est de constater que cette plateforme n’a pas donné les résultats attendus.

Nous avons toutefois une réserve sur l’article 6 qui vise à lutter contre les appels frauduleux à l’aide de numéros surtaxés. Je souhaiterais vous entendre, Monsieur le rapporteur, sur sa mise en œuvre dans la pratique.

La réponse au démarchage abusif ou frauduleux doit passer, je l’ai dit, par un durcissement des sanctions. C’est l’objet des articles 3 et 4 du texte, qui les augmentent significativement. Je me réjouis d’ailleurs que l’article 4 ait été intégré dans votre proposition de loi puisque je l’avais moi-même déposé et fait voter sous la forme d’un amendement au mois de juin, dans la proposition de loi de nos collègues Les Républicains.

Dans le prolongement de ces articles et dans un souci d’harmonisation, le groupe Mouvement démocrate et apparentés et apparentés défendra deux amendements visant à renforcer les sanctions pour les professionnels abusant de l’usage de numéros masqués et pour ceux qui ne respecteraient pas les obligations prévues à l’article L. 221-16 du code de la consommation, en cohérence avec l’article 1er de la proposition de loi.

En conclusion, dans une volonté partagée de lutter plus efficacement contre le démarchage téléphonique abusif et les appels frauduleux, le groupe Mouvement démocrate et apparentés se prononcera en faveur de cette proposition de loi.

M. Thierry Benoit. Le groupe UDI, Agir et Indépendants soutient naturellement cette proposition de loi de M. Naegelen.

Grâce à ces journées d’initiative parlementaire qui permettent aux formations politiques de présenter des propositions de loi, le député est dans son rôle et dans son cœur de métier : la proposition de loi déposée par notre collègue Christophe Naegelen touche très directement au quotidien de nos concitoyens.

Je comprends la remarque de M. Pierre Cordier. J’étais le porte-parole de mon groupe quand il a défendu son texte. Le cœur des deux textes est similaire : il s’agit de lutter contre ce que certains appellent de l’agacement, d’autres du harcèlement, et qui peut parfois aller jusqu’à la fraude ou l’escroquerie : car si le démarchage ne vise souvent qu’à prendre des rendez-vous ou à sonder les gens, il peut s’agir de vendre des services ou des biens alors que l’interlocuteur n’est pas toujours armé, au téléphone, pour refuser une offre frauduleuse.

Cette proposition de loi a le mérite de pointer l’ensemble des responsabilités des différents acteurs : les sociétés qui démarchent, les opérateurs, mais également l’usager lui‑même, auquel il appartient de faire preuve de vigilance. Elle rappelle la nécessaire transparence, accroît les contrôles et prévoit, ce qui me paraît déterminant, une aggravation des sanctions. Si nous voulons dissuader les auteurs de ces actes frauduleux, le seul moyen est d’alourdir sévèrement les sanctions, et la proposition de loi présente à cet égard un réel intérêt. C’est le cas également pour les fraudes aux numéros surtaxés.

Personne n’oublie que, dans ce sujet, c’est surtout le téléphone fixe qui est concerné, et, par le fait, des femmes et des hommes qui restent beaucoup à la maison. Pour ce qui me concerne, je ne suis pas très sollicité : il y a longtemps que je n’utilise plus mon téléphone fixe à la maison, et surtout, je ne suis jamais à la maison… Mais les personnes retraitées qui avancent en âge sont plus souvent chez elles et donc plus souvent sollicitées. Ce sont surtout ces publics que vise cette proposition.

Transparence, responsabilité, sanction, encadrement des pratiques sont les buts de cette proposition de loi, que je soutiendrai au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants. J’adresse tous mes compliments à M. Christophe Naegelen, mais je ne saurais oublier que notre collègue Pierre Cordier a également beaucoup travaillé sur le sujet, comme M. Jacques Mézard auparavant. Cela montre que c’est un sujet transcourant, un vrai sujet du quotidien.

M. François Ruffin. Pour ma part, je n’ai plus de ligne fixe : je l’ai supprimée parce que tous les jours, tous les midis, tous les soirs, je recevais des appels pour me vendre des portes, des fenêtres, des cuisines, des casseroles, des cheminées, des caisses de vin de Bourgogne, des abonnements téléphoniques, des abonnements télé, des abonnements internet, des chaussettes triple épaisseur, des doudounes auto-chauffées, des brosses à dents électriques, des peignes magiques et des trèfles à quatre feuilles… Au bout du fil, il y avait une voix, parfois une voix d’ici, parfois une voix aux rondeurs africaines, parfois même la voix métallique d’un robot. Le plus souvent, à peine le combiné décroché, je raccrochais. Je me sentais harcelé dans mon intimité, agressé dans ma tranquillité, et j’agressais à mon tour : au mieux, je dégainais un poli « non merci » et le plus souvent un « virez-moi de vos listes, arrêtez de m’emmerder ! », tout en éprouvant immédiatement du remords, parce que je connais l’envers et l’enfer du décor.

Au début des années 2000, beaucoup de centres d’appel se sont installés dans ma ville, Amiens, où le mètre carré de bureaux était moins coûteux et la main-d’œuvre picarde moins chère qu’à Paris. Les élus d’alors nous ont vendu ces centres d’appel comme les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Nous étions la « SiliSomme Valley » et une banderole était déployée devant la gare : « Bill Gates serait fier de nous ».

Quand je suis allé rencontrer les salariés de ces centres d’appel qui se sont installés à Amiens, j’ai découvert des OS du combiné. C’est le taylorisme des Temps modernes avec des Charlot en version service. Je vous lis quelques témoignages :

« T’as cinquante secondes, point. Si tu dépasses la minute, t’es mal. À peine tu raccroches, hop, deux secondes plus tard, nouvel appel : tu décroches, tu saisis le nom, le prénom et la ville sur ton clavier, tu files l’info, tu raccroches. Nouvel appel : tu décroches et ainsi de suite ». Sans oublier la dictature d’un reporting quotidien – à vrai dire heure par heure – individuel et par pool, des chiffres qui s’affichent en permanence sur les écrans des chefs d’équipe. Lors de la préparation de ma proposition de loi sur le burn-out, j’ai interrogé un certain nombre de salariés de ces centres d’appel : ils m’ont raconté leur vie : un très fort turnover, beaucoup de mal-être, des crises de larmes, et j’en passe.

Alors que faire, à la fois pour les clients ainsi démarchés au bout du fil et pour les salariés de ces centres d’appel ? Monsieur le rapporteur, cela ne vous surprendra pas de ma part si je vous dis que votre proposition de loi ne va pas assez loin. Je la trouve emberlificotée, vachement techno. Je pense que les gens ne vont pas piger quelle démarche il faut faire pour s’extraire du démarchage. L’opt-out, le système Bloctel, tout cela ne paraît pas à la hauteur. Que faire ? On trouvera peut-être dans ce pays quelques personnes qui souhaitent vraiment qu’on leur vende une cuisine au moment où, eux, sont dans la leur, mais je pense qu’ils sont rares. Il faut purement et simplement interdire le démarchage téléphonique, interdire ce qu’on appelle dans les centres d’appel les appels sortants. C’est un métier nuisible où les salariés sont là pour essuyer les injures toute la journée, ce qui n’est quand même pas agréable.

Et les emplois, me direz-vous ? Faites des appels entrants un vrai service. Il faut que la majorité et le Gouvernement se penchent sur cette question. Cela permettrait aux gens qui téléphonent chez Engie parce qu’ils ont un problème avec leur facture de gaz d’avoir rapidement au bout du fil quelqu’un qui connaît le dossier, quelqu’un qui peut le suivre du début à la fin, et éventuellement quelqu’un à proximité. Actuellement, ils n’ont personne au bout du fil puisque Engie a décidé de délocaliser sa plateforme. Je le répète, faites des appels entrants un vrai service, avec des temps de pause pour les salariés : c’est ainsi que vous créerez des emplois, et des emplois de qualité. Voilà un vrai projet pour la relation clients : relocaliser, ne plus sous-traiter, ne plus maltraiter.

M. Sébastien Jumel. En écoutant François Ruffin, j’ai pensé à la chanson de Boris Vian, La Complainte du Progrès :

« Autrefois pour faire sa cour

« On parlait d’amour

« Pour mieux prouver son ardeur

« On offrait son cœur

« Aujourd’hui, c’est plus pareil

« Ça change, ça change

« Pour séduire le cher ange

« On lui glisse à l’oreille :

« Ah, Gudule ! Viens m’embrasser et je te donnerai…

« Un frigidaire, un atomixer, un canon à patates, un repasse-limaces… » (Sourires.) La liste de François Ruffin, au bout du compte.

Vous êtes tranquilles chez vous, en famille, au repos – tant que le travail n’est pas généralisé le dimanche – et on vous emmerde au téléphone dans le seul but finalement de réaliser des ventes frauduleuses, en tout cas de généraliser les abus de faiblesse. J’ai en tête ce chiffre de 40 000 personnes âgées vulnérables, fragiles, victimes chaque année d’abus de faiblesse. Il serait urgent qu’un texte de loi se préoccupe de cette situation.

La proposition de loi de notre collègue Christophe Naegelen va dans le bon sens : on consolide le dispositif Bloctel, cela ne mange pas de pain. Elle prévoit en effet que l’existence du service Bloctel doit être rappelée au consommateur au début de la conversation. Par ailleurs, il est proposé de réaliser un audit de Bloctel afin d’en relever les dysfonctionnements. Ayez en tête, chers collègues, le fait que le gérant d’Opposetel, M. Éric Huignard, est très actif dans les mouvements patronaux. On me dit même qu’il défend les intérêts de la filière du data, du digital, que c’est un des représentants éminents du capitalisme de connivence ; autant dire que la délégation de service public confiée à une entreprise qui a le monopole de gestion du dispositif Bloctel, très onéreux et finalement peu efficace, mériterait un contrôle approfondi.

Notre collègue propose enfin de sécuriser les entreprises qui appellent leurs clients et de préciser dans la loi la nature de leurs relations contractuelles. Pourquoi pas ?

M. François Ruffin a indiqué, à juste titre, que les centres d’appel, présentés dans chaque territoire comme le nouvel eldorado de l’économie réelle, n’étaient en fait que des représentants de l’économie virtuelle animés d’un seul souci : aller à la chasse aux subventions dans chaque territoire, et déménager une fois celles-ci chopées… Sans parler de l’esclavage moderne que cela représente pour les salariés, précarisés, pressurés et en situation de mal-être professionnel permanent.

En résumé, c’est un texte de loi qui ne mange pas de pain, moins ambitieux que celui qui avait été présenté en début d’année. Il n’intègre pas les abus de faiblesse et la maltraitance financière et il ne propose pas l’opt-in, qui constituait pourtant le cœur de la démarche du texte précédent. Cela dit, tout ce qui va dans le bon sens, même quand c’est insuffisant, mérite d’être accompagné. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi.

Ce serait, du reste, une bonne chose qu’une proposition de loi émanant d’un groupe de l’opposition, d’un député qui a travaillé, puisse faire l’objet d’un examen sans sectarisme, sans ostracisme ni présupposé, et que cette approche puisse faire jurisprudence dans le nouveau monde. Et cela vaut pour cette proposition de loi comme pour d’autres : je vous rappelle que, l’an dernier, des propositions pourtant très percutantes, touchant au burn-out ou encore à la lutte contre les marchands de sommeil avaient été présentées par le groupe Communiste ; or, on nous a renvoyés dans nos quarante mètres sans même en avoir lu la première ligne… J’espère que ce nouvel élan fera des petits.

M. le président Roland Lescure. C’est le but. Et puisque vous parlez d’élan, je vous rappelle que la proposition de loi sur les marchands de sommeil qui avait été examinée en détail ici même a vu un certain nombre de ses dispositions retenues dans le cadre de la loi ELAN, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique… Je pense que, dans cette commission tout au moins, nous avons toujours eu à cœur d’examiner les propositions de loi, d’où qu’elles viennent, avec l’honneur et le travail dus à leur rang.

M. Dominique Potier. À mon tour, je m’associe aux félicitations qui ont été adressées au rapporteur pour son travail pragmatique et efficient, même si l’on ne va jamais assez loin sur ces sujets. Aussi le groupe Socialiste soutiendra-t-il cette proposition de loi qui devrait faire l’objet d’un vote unanime, comme cela a été le cas pour le texte présenté la semaine dernière par le groupe MODEM sur la protection des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale. Je souligne qu’une proposition de loi du groupe Socialiste avait été acceptée…

M. le président Roland Lescure. Monsieur Potier, permettez-moi de vous interrompre quelques instants.

Mes chers collègues, il y a depuis ce matin un bruit de fond constant. Monsieur Di Filippo, je ne souhaitais nommer personne, mais ce bruit vient plutôt de votre côté. Je voudrais donc que vous écoutiez avec respect…

M. Fabien Di Filippo. Religieusement !

M. le président Roland Lescure.… sans religion, les orateurs.

Monsieur Potier, vous pouvez poursuivre.

M. Dominique Potier. Une proposition de loi, disais-je, très pragmatique du groupe Socialiste sur les outre-mer et le foncier, portée par M. Serge Letchimy, a également été acceptée. Ces propositions de loi pragmatiques, consensuelles, qui font avancer les choses et qui redonnent confiance aux groupes d’opposition sont de bonnes nouvelles et le signe d’une ouverture d’esprit. Cela honore notre travail parlementaire.

Je tiens à remercier M. François Ruffin pour avoir souligné la mauvaise conscience qui nous habite autour des deux victimes : la personne interpellée par un coup de fil intempestif, mais également le salarié à l’autre bout du fil, qui a rarement choisi ce travail. Il s’agit donc de rétablir ces deux victimes dans leur dignité en instaurant de nouvelles règles de droit et de sanction telles que vous les proposez, Monsieur le rapporteur.

Votre proposition de loi m’amène à évoquer un champ encore peu exploré : celui de la civilité sur internet avec les questions d’anonymat, de harcèlement et de responsabilité, et celles à caractère commercial. Je ne me sens pas compétent dans ce domaine, mais si certains se sentent une vocation pour aborder ce sujet, je les invite à s’en emparer. Cela permettrait de progresser sur ce point. Outre la question des appels téléphoniques, celle de la gestion des médias et multimédias peut devenir extrêmement agressive pour nos concitoyens.

Le présent texte vient renforcer un dispositif initié par M. Benoît Hamon par la loi de 2014 relative à la consommation qui allait dans le sens d’une meilleure régulation de l’économie de marché et du respect des consommateurs. À l’époque, ce projet de loi, dont j’avais été le rapporteur, avait fait réagir les lobbies de la vente par correspondance qui s’étaient évertués à en limiter la portée. Je suis heureux, et j’ai plaisir à le souligner, que, cette fois encore, on ne cède pas à ce genre de pressions et que l’on s’inscrive dans l’économie du futur, respectueuse des droits des personnes.

Remarquons que la loi dite « Hamon » contenait des dispositions qui venaient renforcer celles des lois dites « Lagarde » successives sur la protection contre le crédit revolving et le droit des consommateurs. En 2019, une directive européenne fera l’objet d’un examen législatif dans le cadre d’un texte présenté par Mme Loiseau. Or cette directive européenne revient largement sur les protections que nous avions alors apportées aux consommateurs face aux dangers du crédit revolving. J’espère que nous ferons preuve de la même vigilance et de la même unanimité qu’aujourd’hui pour protéger les plus faibles face aux plus forts et que nous serons du côté du droit des personnes les plus fragiles.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je remercie tous les orateurs pour leurs différentes remarques.

Monsieur Cordier, si vous m’aviez écouté religieusement, vous sauriez que ma proposition de loi comporte deux articles communs à la vôtre qui concernent les sanctions. Si j’avais modifié le montant des sanctions, on m’aurait reproché de l’avoir fait dans le seul but de me distinguer de votre texte. J’ai estimé que les sanctions qui avaient été prévues dans votre proposition de loi étaient justes ; je les ai donc reprises. C’était aussi une manière de rendre hommage au travail que vous aviez réalisé.

M. Pierre Cordier. C’est joliment dit !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Mais à l’exception des sanctions, tout le reste est différent.

M. Pierre Cordier. Non !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si. 50 % de notre proposition de loi a trait au démarchage. En la matière, vous étiez dans l’opt-in, et nous dans l’opt-out.

M. Pierre Cordier. On est d’accord !

M. Nicolas Démoulin. C’est un peu l’essentiel !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Quant aux 50 % restant, ils concernent les appels frauduleux, dont vous ne parliez pas dans votre proposition de loi. L’article 6 prévoit des mesures contre ces appels frauduleux.

M. Pierre Cordier. Grâce à un amendement de notre collègue Démoulin de La République en Marche.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Pendant les auditions, nous nous sommes aperçus qu’entre un quart et la moitié des appels qu’on appelle des démarchages téléphoniques sont, en fait, des appels frauduleux. Le problème, c’est que le terme de démarchage est un peu galvaudé. Les gens disent qu’ils sont embêtés par du démarchage – M. Ruffin et M. Jumel ont joliment décrit ces situations en utilisant des mots qui leur sont propres : mais est-ce véritablement du démarchage ?

Premier type de démarchage : un robot qui fait sonner un téléphone, donc qui embête les gens qui sont chez eux, dans le seul but de vérifier si la ligne existe et de constituer un fichier de données que l’on revend. J’ai déposé un amendement qui vise à interdire ce genre de pratiques.

Deuxième type de démarchage : le démarchage téléphonique légal, fait par des entreprises vertueuses…

M. Richard Ramos. Qui ont pignon sur rue !

M. Christophe Naegelen, rapporteur.… inscrites sur Bloctel et qui démarchent selon les règles qui leur sont imposées par le système Bloctel et par la loi.

Troisième type de démarchage : celui des entreprises qui ne se sont pas inscrites sur Bloctel qui, tablant sur le fait que les sanctions sont plutôt légères, prennent le risque de faire du démarchage intempestif et d’embêter les gens. Les articles 3 et 4 prévoient des sanctions plus lourdes, ce qui permettra, je l’espère, de les « menacer » un peu plus afin de les dissuader.

Quatrième type de démarchage enfin : les appels purement et simplement frauduleux.

Ces quatre types d’appels résument ce que, parfois abusivement, on considère comme du démarchage. C’est pour cela que la sémantique est importante : le terme est souvent galvaudé. Le démarchage intempestif, ce n’est pas uniquement le vendeur de cuisines ou de toute votre liste à la Prévert…

M. Sébastien Jumel. De canons à patates !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il y a aussi ces robots et ces entreprises frauduleuses, mais également des démarcheurs vertueux que l’on doit protéger.

M. Jumel et M. Ruffin ont parlé des centres d’appel et des conditions de travail qui y règnent, ce que je peux entendre et comprendre. Mais les statistiques montrent que 50 % des personnes travaillant dans des centres d’appel ont un niveau bac + 2 ; et le démarchage téléphonique est loin d’être uniquement le fait des centres d’appel : ce sont aussi beaucoup de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), où les conditions de travail ne sont pas celles que vous avez pu décrire. Il faut aussi penser à elles, parce que ce démarchage vertueux engendre du chiffre d’affaires qui permet de sécuriser l’emploi.

Monsieur Cordier, je veux bien écouter tout ce qu’on veut, mais ce serait bien la première fois que je vous verrais être d’accord avec l’ancien ministre Jacques Mézard sur les centres d’appel…

M. Pierre Cordier. Ne jugez pas ma position sur ce qu’a dit Jacques Mézard ! Cela n’a rien à voir !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Mais à un moment donné, c’est de la pure démagogie et de la pure mauvaise foi.

M. Pierre Cordier. Je trouve vos propos un peu déplacés et peu conformes à l’ambiance habituelle de cette commission !

M. le président Roland Lescure. Monsieur le rapporteur, répondez aux questions des orateurs !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vous avez dit, grosso modo, que ma proposition de loi ne résolvait rien et qu’elle reprenait trois articles de la vôtre. Ce n’est pas du tout le cas. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Madame Luquet, l’article 6 est capital, c’est la pierre angulaire de cette proposition de loi. Il concerne les appels frauduleux tandis que les autres articles prennent en compte le démarchage téléphonique. Tout à l’heure, j’en ai cité un exemple flagrant, celui de l’entreprise Viva Multimedia et de l’opérateur Colt. Si on n’intègre pas les opérateurs, si on ne sécurise pas le travail des opérateurs, on ne pourra pas mettre un terme à ces agissements frauduleux qui représentent, je le répète, entre 28 et 40 % des signalements d’appels intempestifs. Ce qui est paradoxal, c’est que les opérateurs eux-mêmes le demandent : nous leur donnons des règles pour les sécuriser, tout en prévoyant des sanctions pour ceux qui ne les respecteraient pas. N’oublions pas que, au-delà des quatre gros opérateurs dont on parle toujours, il y en a, au total, 120, plus ou moins vertueux. Si l’on ne fixe pas des sanctions, les gros opérateurs auront tendance à couper la ligne, parce qu’ils sont davantage sous le feu des projecteurs. Mais, du coup, les éditeurs illégaux se tourneront vers les plus petits opérateurs qui estimeront que le jeu en vaut la chandelle : n’oublions pas que 25 % des recettes vont à l’opérateur. Il est donc nécessaire de sécuriser le dispositif en obligeant à couper la ligne s’il s’agit d’un appel frauduleux qui vise un public sensible. Voilà pourquoi, j’y insiste, cher collègue Thierry Benoit, l’article 6 est la pierre angulaire de la proposition de loi, même si bon nombre d’orateurs se sont davantage focalisés sur le démarchage proprement dit, qui n’est pas le seul objet de ma proposition de loi. La part des appels frauduleux est extrêmement importante.

Monsieur Potier, je vous remercie pour vos propos. Vous avez parfaitement raison : la possibilité de rester anonyme, sur les réseaux sociaux notamment, fait que l’on peut se permettre tout et n’importe quoi sur internet et déverser des flots de haine et d’injures. Il va vraiment falloir nous mettre à travailler là-dessus : il devient de plus en plus difficile d’expliquer à nos concitoyens qu’ils doivent se laisser insulter sans que l’État ne fasse rien.

M. Nicolas Démoulin. Le démarchage téléphonique et les appels frauduleux sont devenus une plaie pour nombre de nos concitoyens. La proposition de loi présentée par M. Cordier, dont nous avions longuement discuté, ne résolvait pas le problème. Je me réjouis du travail qui a été réalisé avec le rapporteur Christophe Naegelen, dans le cadre d’une niche réservée à un groupe de l’opposition, qui plus est, pour aboutir à des mesures efficaces. M. Jumel s’est déclaré plutôt satisfait de ce texte, et j’en suis ravi. Si cette proposition avait été soumise il y a six mois, elle aurait connu le même sort car elle répond à la problématique, ce qui n’était pas le cas de celle de M. Cordier qui s’était focalisée sur l’opt-in alors que ce n’est pas la solution au démarchage. C’est même l’inverse puisque les entreprises vertueuses ne passeront pas par l’opt-in, ce qui revient à favoriser les entreprises qui fraudent.

M. Pierre Cordier. N’importe quoi !

M. Nicolas Démoulin. Ce qui est important, c’est que la loi soit efficace, ce qui n’était pas le cas de la vôtre, Monsieur Cordier. D’ailleurs, vous aviez reconnu, lors de l’examen de votre texte, qu’il était perfectible.

M. Pierre Cordier. Cela ne veut pas dire qu’il n’était pas efficace !

M. Dino Cinieri. Je tiens à remercier notre collègue Pierre Cordier d’avoir été le premier à nous alerter en déposant une proposition de loi, que j’ai immédiatement cosignée, qui répondait à l’exaspération légitime de nos concitoyens et dont, Monsieur le rapporteur, vous vous êtes largement inspiré.

Il existe en effet un service appelé Bloctel, issu de la dernière loi de modernisation de l’économie. Mais force est de constater que ce service est totalement inefficace. Si vous tapez le mot « Bloctel » sur un moteur de recherche, vous tomberez sur des témoignages qui vont tous dans le même sens : « Ras-le-bol », « Harcèlement », « Insupportable ». Pas moins de 91 % des Français se déclarent plus qu’agacés par ces appels intempestifs.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir à nouveau permis ce débat dans le cadre de la niche du groupe UDI, Agir et Indépendants. Mais pourquoi n’allez-vous pas au bout de la démarche en proposant l’opt-in ? Le système Bloctel est une grande déception. C’est pourquoi nous voulons, sans plus attendre, réaffirmer le droit du consommateur à ne pas être dérangé en permanence à son domicile, dans son cadre familial. J’espère, chers collègues de la majorité, que vous cesserez de tergiverser et que vous adopterez nos amendements qui complètent cette proposition de loi, afin de garantir à nos concitoyens la sérénité à laquelle ils ont droit.

M. Julien Dive. Bien que l’on parle de téléphonie ou de numérique au cœur d’un sujet comme celui-ci, c’est bien d’humain qu’il s’agit, du consommateur qui en a ras le bol, qui est agacé de recevoir appel sur appel.

Comme M. François Ruffin, je me suis rendu dans un centre d’appel, à Chauny dans le département de l’Aisne, où j’ai pu échanger avec les gens qui y travaillent. Je me suis même plié à l’exercice : je me suis assis derrière l’ordinateur et j’ai passé des appels téléphoniques. C’est vrai, ce n’est pas un métier aisé. Ce n’est pas agréable de se faire envoyer paître par le consommateur qui, à l’autre bout du fil, en a lui-même ras-le-bol. Il faut donc effectivement engager une réflexion sur le bien-être professionnel de ces opérateurs. Mais on a bien compris que ce n’était pas l’objet de cette proposition de loi, qui est de mieux encadrer le démarchage téléphonique. Il y a quelques mois, M. Pierre Cordier avait déjà travaillé sur cette question. À ceux qui disent que sa proposition de loi était perfectible, je réponds qu’il appartenait aussi à chaque parlementaire de l’amender pour la rendre meilleure. C’est bien la raison d’être du droit d’amendement, dont il nous appartient d’user en commission comme en séance publique.

Monsieur le rapporteur, je veux juste vous alerter sur un sujet qui est passé entre les mailles du filet de votre proposition de loi : celui des messageries vocales, tout aussi abusives pour les consommateurs.

M. Éric Straumann. Bien évidemment, ce texte va dans le bon sens, mais je suis convaincu que cela ne suffira pas. Nous sommes tous sollicités, essentiellement par des personnes âgées d’ailleurs, qui ont des lignes fixes dont les numéros de téléphone sont encore dans les annuaires. J’ai de la famille en Allemagne, et on m’a dit qu’ils ne sont jamais sollicités. Je sais que la réglementation y est très sévère : l’amende pour un appel non sollicité est de 50 000 euros. Ce genre de sanction a-t-il eu un impact sur l’économie des centres d’appel en Allemagne ? Regardons donc un peu ce qui se passe là-bas, parce que je suis sûr que le sujet va redevenir d’actualité ici dans quelques années, voire quelques mois.

M. Richard Ramos. Le texte que nous examinons aujourd’hui est une première réponse au problème du démarchage téléphonique, car les gens en ont vraiment ras-le-bol d’être dérangés ; mais il ne résout pas la question plus globale de la protection des consommateurs contre les messages non désirés qui apparaissent sur internet. Il faudra aller encore plus loin et légiférer sur ce point. Le téléphone, c’est l’outil d’autrefois ; aujourd’hui les gens qui vont sur internet doivent pouvoir bénéficier de la même protection. Ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui n’est que le premier pas de ce qu’il faudra faire demain.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Monsieur Dive, on sait bien que les conditions de travail des opérateurs dans les centres d’appel ne sont peut-être pas toujours optimales. Vous soulevez, à juste titre, le problème des messageries vocales. J’ai déposé un amendement qui vise à interdire les robots qui font sonner un téléphone dans le seul but de vérifier si l’abonné est là et de revendre les fichiers ; n’hésitez pas à déposer à votre tour un amendement qui interdirait également les robots qui laissent des messages. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, c’est notre rôle de législateur de le faire. Ces messageries sont souvent des appels frauduleux, et non du démarchage intempestif : on vous fait croire, par exemple, que c’est un message de votre banquier qui vous demande de le rappeler à tel numéro, en l’occurrence un numéro surtaxé. Cela relève non du démarchage téléphonique, mais des appels frauduleux, objet de l’article 6 qui prévoit de couper l’accès au numéro. Dans certains cas effectivement, ces appels sont émis par des machines ; en la matière, un amendement serait le bienvenu.

Monsieur Ramos, dans la continuité de ce que disait M. Potier à propos d’internet, nous allons effectivement devoir protéger nos concitoyens. Il suffit de visiter un site internet une seule fois pour que des publicités pour ce site vous rappellent cette visite et vous incitent à consommer. Il faudra travailler à cette problématique.

 

 


—  1  —

   EXAMEn des articles

Article 1er
(art. L. 221-16 du code de la consommation)
Précision du contenu des appels de démarchage commercial

1.   L’état du droit

Aux termes de l’article L. 221-16 du code de la consommation, « le professionnel qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d’un bien ou sur la fourniture d’un service indique au début de la conversation son identité, le cas échéant l’identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci ».

Toutefois, le professionnel n’est pas tenu de préciser le nom de la personne morale qui l’emploie, si celle-ci est distincte de la personne pour le compte de laquelle il effectue l’appel. Par ailleurs, il n’est tenu de mentionner le nom de la personne pour le compte de laquelle il effectue l’appel que « le cas échéant », cette dernière mention pouvant être interprétée de manière extensive. Enfin, les sigles employés n’ont pas impérativement à être développés. Ceci pose des difficultés, dans la mesure où certaines entreprises de démarchage jouent sur l’homonymie des sigles pour tromper le consommateur démarché.

En outre, aux termes de l’article L. 223-2 du code de la consommation, le consommateur n’est informé de son droit à s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique qu’en deux circonstances :

– lorsqu’un professionnel est amené à recueillir auprès d’un consommateur des données téléphoniques ;

– lorsque ce recueil d’information se fait à l’occasion de la conclusion d’un contrat (le contrat doit alors mentionner, de manière claire et compréhensible, l’existence de ce droit pour le consommateur).

Ce droit n’est, en revanche, pas rappelé au début de chaque appel de démarchage téléphonique.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 1er propose une nouvelle rédaction de l’article L. 221-16 du code de la consommation, pour rendre obligatoire, dès le début de l’appel, et de manière explicite, la mention de :

– l’identité de la personne qui appelle ;

– l’identité de la personne morale qui l’emploie ;

– l’objet social de la société qui l’emploie ;

– l’identité de la personne pour le compte de laquelle l’appel est effectué si elle est distincte de l’employeur ;

– la nature commerciale de l’appel.

Cet article impose aussi que la personne qui effectue le démarchage développe les sigles qu’elle emploie.

Enfin, il rend obligatoire pour la personne effectuant le démarchage d’indiquer au consommateur la possibilité dont il dispose de s’inscrire gratuitement sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique s’il ne souhaite pas faire l’objet de prospection par téléphone. De même qu’à chaque courriel ou SMS de démarchage, il est proposé de se désinscrire de la liste d’envoi ou d’indiquer ne plus souhaiter recevoir ce type de messages, une telle possibilité doit être rappelée au début de chaque appel téléphonique.

Le consommateur qui reçoit un appel de prospection commerciale doit ainsi être en mesure de savoir avec précision à quel interlocuteur il a affaire. Il doit en résulter pour lui une plus grande facilité à identifier la nature commerciale de l’appel.

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement de votre rapporteur ayant pour objet de simplifier le message d’annonce délivré en début d’appel par le professionnel contactant un particulier à des fins commerciales, afin de faciliter l’identification, par ce consommateur, des informations les plus pertinentes.

Seules sont apparues nécessaires la mention de l’identité de la personne qui appelle et celle de l’entreprise pour le compte de laquelle l’appel est effectué, ainsi que la nature commerciale de l’appel. La distinction entre l’employeur (par exemple une centrale d’appels) et la personne pour le compte de laquelle l’appel est effectué (par exemple une entreprise de vente de produits d’entretien), ainsi que la mention de l’objet social de la société qui emploie la personne réalisant l’appel ne sont pas apparues indispensables et auraient pu, au contraire, déporter la vigilance du consommateur sur de mauvaises informations.

*

*  *

La commission est saisie de l’amendement CE10 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Il s’agit de demander la pure et simple interdiction du démarchage téléphonique. D’après un sondage, plus de neuf Français sur dix se disent excédés par ce démarchage en constante recrudescence et par ces appels à répétition.

J’entends les propos du rapporteur. Que dit-il pour ne pas aller franchement vers l’interdiction du démarchage téléphonique ? Il s’inquiète pour les TPE et les PME ; mais celles-ci opèrent un type de démarchage qui n’a rien à voir avec le démarchage que nous dénonçons. En général, elles démarchent des clients très ciblés, qui peuvent être dans leur zone de proximité ou avoir déjà appartenu à un fichier. Je suis moi-même patron d’une petite PME journalistique, d’une association : lorsque nous démarchons, nous ne sous-traitons pas à un centre d’appel, nous le faisons directement, en nous servant de nos propres fichiers d’anciens abonnés ou de gens proches de nous, et non en prospectant à l’aveugle.

Ensuite, il ne faut pas se leurrer : l’essentiel du démarchage téléphonique est massivement sous-traité.

Dernier argument : l’emploi, l’emploi, l’emploi ! Mais j’aimerais qu’on se préoccupe avec la même vigueur de l’emploi lors des délocalisations massives des centres d’appel vers le Maroc, la Tunisie, le Sénégal et ainsi de suite. C’est cela qu’il faut refuser si l’on veut préserver l’emploi. Mais dans ce secteur, l’emploi est déjà, pour une bonne part, délocalisé à l’étranger.

Et on ne peut pas dire : « l’emploi, l’emploi, l’emploi ! » s’agissant d’activités nocives, voire nuisibles : nuisible aux gens, mais également nuisible à l’environnement. Si l’on veut changer de système, il ne faut plus aller vers le « consommer, consommer, consommer », et inciter les gens à acheter des choses dont ils n’ont pas besoin ou qu’ils n’imaginaient pas acquérir. Je pense que l’on a affaire à une activité nuisible qu’il faut purement et simplement interdire. Allons vers l’interdiction du démarchage téléphonique.

M. le rapporteur. Une précision, cher collègue : 75 % des appels proviennent des entreprises, en interne, et seulement 25 % viennent des centres d’appel. Dans une large majorité des cas, le démarchage est le fait des TPE et des PME elles-mêmes.

Oui, l’emploi est extrêmement important, et nous ne parlons pas seulement d’emploi dans les centres d’appel. Et ces emplois ne sont pas forcément toujours qualifiés. Enfin, vous avez compris l’orientation de cette proposition : l’opt-out. Voilà pourquoi je serai défavorable à votre amendement.

M. Guillaume Kasbarian. Je voudrais abonder dans le sens du rapporteur concernant les TPE-PME. L’amendement CE10 dispose : « La prospection commerciale par téléphone est interdite. » Il n’y a pas d’exception, tout le monde est concerné, c’est une disposition générale et globale. La prospection est totalement interdite. Mettez-vous deux secondes à la place du peintre en bâtiment qui a besoin de son téléphone pour appeler sa base clients et leur demander si tout se passe bien, s’ils n’ont pas besoin de faire une pièce en plus, s’ils veulent tester la nouvelle peinture qu’il a reçue, ou reparler de tel projet pour la salle de bains… Mettez-vous à la place du plombier : « Pour la chaudière, ce ne serait pas mal que je repasse, on avait dit qu’on ferait éventuellement un diagnostic pour changer de chaudière… »

Mettons-nous juste à la place de l’artisan qui utilise son téléphone portable tous les jours pour contacter ses clients et leur proposer un service en plus, et qui a besoin de cet outil de travail. Tout le monde ne travaille pas dans une PME de journalisme, il y a des gens qui ont besoin de leur téléphone au quotidien, et on ne peut pas leur dire : « Votre téléphone est nuisible, mettez-le à la poubelle et débrouillez-vous pour trouver des clients. »

Si l’on pouvait parfois réfléchir de façon concrète, en se mettant à la place de l’artisan, plutôt que de faire de grands discours sur le caractère nuisible du démarchage, je crois que ça aiderait pas mal nos artisans.

M. Thierry Benoit. Ma remarque sera la même que celle que j’avais faite au moment du débat de la proposition de loi de M. Pierre Cordier. Si l’on interdit la prospection dite « commerciale », je pense à M. François Bayrou qui va appeler M. Richard Ramos pour lui dire : « Monsieur Ramos, avez-vous renouvelé la cotisation à mon grand mouvement qui s’appelle le MODEM ? » Et cela va poser un problème, car je ne veux pas priver M. François Bayrou de ses adhérents au MODEM ! (Sourires.)

L’amendement de nos collègues n’est pas insensé, mais tel qu’il est proposé, on ne peut pas l’accepter. La relation par téléphone entre un vendeur et son client ou un vendeur et son prospect ne peut pas s’interdire. Un artisan ou un professionnel dans un secteur d’activité peut appeler un certain nombre de ses clients pour savoir s’ils sont satisfaits d’un produit ou du service qui leur a été fourni. On ne peut pas, par un seul amendement, interdire la prospection téléphonique.

M. le président Roland Lescure. J’ose espérer que M. Ramos n’attend pas un appel de M. Bayrou pour renouveler sa cotisation, mais ce sont ses affaires… (Sourires.)

M. Pierre Cordier. Sur cette question, j’ai déposé après l’article 1er un amendement visant à garantir le consentement des particuliers, mais en excluant du dispositif les entreprises de moins de cinquante salariés. Nous avions débattu de cette question lors de l’examen de la proposition de loi que j’ai déposée. M. Kasbarian a pris l’exemple d’un peintre, mais il y a beaucoup d’autres exemples d’artisans qui appellent régulièrement leur clientèle, souvent des gens qu’ils connaissent, pour proposer un nouveau produit. Il serait intéressant d’adopter mon amendement CE2 tout à l’heure car il permettrait à toutes ces petites PMI et PME de continuer à démarcher les clients avec lesquels elles travaillent régulièrement.

M. François Ruffin. Monsieur le rapporteur, votre chiffre de 75 % d’appels soi‑disant émis en interne par les entreprises ne correspond pas à la réalité vécue par ceux d’entre nous qui ont encore une ligne téléphonique fixe : il suffit d’entendre le bruit de fond, comme si l’on était dans un poulailler, provoqué par toutes les personnes qui passent des coups de fil en même temps pour comprendre que l’appel n’est pas émis depuis une PME… La très grande majorité des coups de téléphone que reçoivent les particuliers ne viennent pas du plombier du coin, mais bien de grands centres d’appel.

Si vous trouvez notre amendement peut-être un peu brut de décoffrage, sous‑amendez-le ! Introduisons des nuances pour que les patrons de TPE-PME puissent, non pas démarcher de nouveaux prospects, mais s’appuyer sur leur base clients. C’est parfaitement possible et j’ai confiance dans le courage des parlementaires présents et leur volonté de travail pour sous-amender cette disposition en vue de l’hémicycle.

M. le président Roland Lescure. Je comprends que nous souhaitions tous avoir des conversations que nous avons déjà eues, ça ne me dérange pas, j’ai le temps, mais il faut être conscient que nous avons déjà eu un certain nombre de ces débats il y a quelques mois, et que l’objectif de cette proposition de loi est de compléter les dispositions précédemment adoptées.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement CE20 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de simplifier l’article 1er. Tel qu’il est actuellement rédigé, il obligerait à présenter tout appel de la façon suivante : « Bonjour, je suis M. Naegelen, j’appelle pour la société CallCenter, qui est une entreprise de démarchage téléphonique. Cet appel est passé pour le compte de la société X, qui est distincte de mon employeur. Il est de nature commerciale ». Nous proposons de simplifier cette présentation : « Bonjour, je suis M. Naegelen, j’appelle pour la société X, et cet appel est de nature commerciale. » L’interlocuteur au bout du fil aura compris, le message est raccourci et un peu plus clair.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er, modifié.

Après l’article 1er

La commission examine les amendements CE17 de Mme Stéphanie Do et CE5 de M. Pierre Cordier.

Mme Stéphanie Do. L’amendement CE17 a pour objet d’encadrer les plages d’horaires auxquelles un professionnel peut effectuer un démarchage téléphonique de nature commerciale. Cet amendement poursuit l’objectif de la présente proposition de loi de préserver l’équilibre entre l’intérêt des consommateurs et la sauvegarde des emplois liés à cette activité.

M. Pierre Cordier. Les appels téléphoniques de démarchage téléphonique doivent être effectués dans le respect de la vie privée et à des horaires qui n’entraînent pas une gêne de la vie familiale. Mon amendement CE5 vise à encadrer dans la pratique la prospection téléphonique en la limitant à certains jours de la semaine et certaines plages horaires, dans le même esprit que l’amendement de notre collègue de la République en Marche, qui procède d’une démarche intelligente. Vous voyez, Monsieur le rapporteur, qu’entre l’opt-in et l’opt-out, je ne suis pas aussi obtus que vous… Je n’ai pas voulu reprendre la parole suite aux mots que vous avez prononcés tout à l’heure à mon égard, nous ne sommes pas là pour nous lancer dans des guéguerres stériles, mais pour avancer. Je vous invite à être plus modéré dans vos propos.

M. le rapporteur. Les deux amendements sont bons. Ma préférence ira toutefois à l’amendement CE17 ; celui de M. Pierre Cordier est très intéressant, mais il impose des horaires fixes, ce qui me paraît plutôt relever du domaine réglementaire. La rédaction de Mme Do permet de se donner davantage de temps de réflexion sur les horaires acceptables.

Mme Annaïg Le Meur. Je serai plus nuancée que le rapporteur. La notion d’horaires a déjà été discutée lors de l’examen de la première proposition de loi sur le démarchage téléphonique, et nous avions convenu que cela relevait du règlement.

J’aurai tendance à suggérer un retrait, et à adopter l’amendement CE21 que nous examinerons par la suite, qui prévoit le respect d’une charte de bonnes pratiques par les professionnels, quitte à renforcer cette charte en y incluant les horaires par un sous‑amendement. Ce sont vraiment des dispositions de nature réglementaire, qui n’ont pas leur place dans la loi.

M. le président Roland Lescure. Retirez-vous votre amendement, Madame Do ?

Mme Stéphanie Do. Je serai plutôt d’avis de suivre l’avis du rapporteur…

M. Pierre Cordier. Les plages horaires que je mentionne dans mon amendement – 9 heures à 12 heures et 14 heures à 19 heures – répondent à une vraie demande de nos concitoyens qui se plaignent d’être dérangés à midi, le soir tard ou le matin de bonne heure.

M. Guillaume Kasbarian. J’ai une question opérationnelle : comment les choses vont se passer pour des activités qui fonctionnent très tôt le matin ou très tard le soir ? Prenons l’exemple d’un marché de gros qui vend des produits de bouche à des restaurateurs. Nous avons été à Rungis, et nous savons que le travail commence à trois heures du matin. Des vendeurs de gros font du commerce avec des opérateurs qui viennent leur acheter leurs marchandises, et ces personnes peuvent avoir besoin de téléphoner, et faire du démarchage commercial en appelant des restaurateurs pour leur demander s’ils prennent leurs coquilles Saint-Jacques ou le poisson qui leur reste.

Si l’on dit que des horaires seront arrêtés par le ministre de la consommation, ne risque-t-on pas d’entraver certaines activités qui fonctionnent très tôt le matin ou tard le soir ?

M. Richard Ramos. Il me semble que l’on confond client et prospect. Un client, c’est quelqu’un à qui l’on a déjà envoyé une facture : on doit être libre, me semble-t-il, d’établir une relation commerciale avec quelqu’un qui a choisi librement de venir.

En revanche, je pense qu’il faut interdire la prospection dans la mesure où elle ne profite pas aux PME, mais seulement aux grands groupes. On voit très peu de PME faire de la prospection. Peut-être même que si nous l’interdisions, nos petites foires locales retrouveraient un rôle. Je pense donc qu’il faut interdire la prospection, mais laisser libre les relations avec les clients.

M. le rapporteur. Monsieur Kasbarian, nous nous situons dans le cadre du code de la consommation, autrement dit dans le cadre des relations entre les entreprises et les particuliers. Les relations entre entreprises relèvent d’un autre domaine.

La commission rejette l’amendement CE17.

Puis elle rejette l’amendement CE5.

M. François Ruffin. Monsieur le président, le vote se déroulait normalement, manifestement l’amendement allait être adopté…

M. le président Roland Lescure. Non, Monsieur Ruffin, vous ne pouvez pas dire cela.

M. François Ruffin. Seule une main et la vôtre s’étaient levées pour voter contre, et vous relancez les députés par un « Allons, on se réveille », pour qu’automatiquement, les mains se lèvent dans la majorité et rejettent l’amendement… Cela ne me paraît pas une pratique correcte.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Ruffin, je reconnais que mon langage est un peu franc ; mais il vous en arrive d’en user de bien plus franc, y compris à l’adresse de nos collègues… J’entends rester maître de la tenue des débats.

M. Julien Dive. Monsieur le président, ce que dit François Ruffin n’est pas faux. Hier soir, un amendement est passé en séance publique à une voix, parce que la majorité n’était pas au rendez-vous ; mais c’est son problème. Ce matin, vous mettez au vote l’amendement, et le fait de relancer les députés peut porter à confusion sur le déroulement du vote. C’est seulement cela qu’a voulu relever François Ruffin.

M. le président Roland Lescure. Reconnaissons que la majorité est au rendez-vous aujourd’hui. Sans vouloir polémiquer, j’ai aussi vu un certain nombre de députés autour de la table relancer certains de leurs collègues qui n’avaient pas compris que nous étions passés au vote du second amendement.

Je vais dorénavant m’abstenir de réveiller tout le monde, je le dis une fois pour toutes : nous sommes passés à l’examen des articles et au vote sur les amendements, que tout le monde se concentre et lève clairement la main lors des scrutins !

La commission est saisie de l’amendement CE30 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de mettre fin à l’exception au droit d’opposition au démarchage qui prévaut en matière de sondages. Les appels par des instituts de sondage sont fréquents et nuisent à la tranquillité des Français.

M. Nicolas Démoulin. Votre amendement pose tout de même un petit problème, Monsieur le rapporteur : par définition, un institut de sondages est censé avoir un panel représentatif des citoyens. En interdisant d’appeler des personnes qui sont inscrites sur Bloctel, on porterait, par définition, atteinte à la représentativité qui est l’essence de la qualité d’un sondage.

Le groupe de La République en Marche votera contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE6 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Nous en revenons à la philosophie du texte que j’avais défendu il y a quelques semaines concernant l’accord exprès des citoyens qui signent un contrat, notamment avec un opérateur de téléphonie, pour le démarchage. Aujourd’hui, il est seulement prévu une information.

Il est proposé que lorsque ce recueil d’information se fait à l’occasion de la conclusion d’un contrat, le contrat mentionne, de manière claire et compréhensible, l’existence de ce droit pour le consommateur.

Nous parlions tout à l’heure d’efficacité. Pour être efficaces, il faut simplement que le consommateur donne son consentement.

M. le rapporteur. Cher collègue, je vais revenir sur mes propos de tout à l’heure, peut-être un peu excessifs, et je vous prie de m’en excuser. Mais il est vrai que nos deux propositions de loi traduisent deux visions totalement différentes. Forcément, mon avis sur cet amendement sera défavorable.

Mme Annaïg Le Meur. Je suis d’accord avec le rapporteur, et le groupe de La République en Marche ne votera pas cet amendement. Ce n’est pas parce que nous nous intéressons au même objet, à la même thématique, que l’on adopte la même approche.

On peut aborder la thématique globale du démarchage téléphonique de différents points de vue. Nous avons choisi un point de vue différent du vôtre, qui était fixé sur l’opt-in. On peut en discuter, mais ce n’est pas le propos du jour.

M. Pierre Cordier. La simple différence entre nous est que je recherche l’efficacité, au lieu de tourner autour du pot comme nous sommes en train de le faire ici. C’était aussi le cas avec Bloctel, mon intention était que le consommateur donne son accord pour être démarché. Il y a une différence de vue claire : je recherche l’efficacité, pas vous.

M. le président Roland Lescure. Nous avons ce débat depuis un certain temps. Deux visions s’opposent sur les mesures les plus efficaces ; on peut respecter l’une et l’autre, même si je ne suis pas sûr qu’on puisse voter l’une et l’autre…

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE31 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de mettre fin à l’exception au droit d’opposition au démarchage qui prévaut en matière de fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines. Cette exception n’apparaît pas justifiée et entretient une nuisance pénible pour un grand nombre de consommateurs.

Mme Annaïg Le Meur. Mon avis est similaire à celui portant sur l’amendement CE30, qui portait sur les instituts de sondage. Nous n’avons pas entendu ces organismes lors des auditions, et j’aimerais que l’on prenne le temps de les écouter. Nous connaissons les difficultés de la presse papier en ce moment ; interdire le démarchage d’emblée reviendrait peut-être à interdire à M. Ruffin de poursuivre ses activités ! Si nous ne le faisons pas pour lui, prenons au moins le temps d’en discuter tous ensemble. Si cet amendement n’est pas retiré, nous voterons contre.

M. le rapporteur. Je maintiens cet amendement, ne serait-ce que pour le symbole : c’est pour moi une question de justice. Tout le monde doit être sur un pied d’égalité, sans exception.

M. le président Roland Lescure. Et rien n’empêche d’organiser une audition dans les jours qui viennent, avant l’examen de cette proposition de loi en séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE18 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le dispositif Bloctel permet aux professionnels de mettre à jour leurs fichiers de démarchage afin de ne pas importuner les consommateurs qui sont inscrits sur la liste Bloctel. Toutefois, les professionnels chargés de la prospection de journaux, de périodiques ou de magazines ne sont pas soumis à Bloctel.

Plus important encore, ils ne sont pas soumis à l’interdiction de vente ou de location de données personnelles détenues par Bloctel.

Dès lors que ces professionnels n’ont pas l’obligation de respecter les listes d’opposition de Bloctel, il est inconcevable que cet organisme puisse leur fournir par vente ou location les données personnelles et coordonnées téléphoniques des utilisateurs inscrits. Mon amendement tend à supprimer cette possibilité qui porte une atteinte à la protection des données personnelles et va à l’encontre de l’objectif de l’inscription sur une liste d’opposition au démarchage.

M. le rapporteur. Même si cet amendement va un peu moins loin que celui que j’avais proposé à l’instant, j’y suis favorable.

Mme Annaïg Le Meur. Pour notre part, nous restons cohérents et nous serons donc défavorables à cet amendement. Prenons le temps d’auditionner les personnes concernées.

Mme Stéphanie Do. Je retire l’amendement et je le redéposerai en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE2 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Cet amendement vise à garantir le consentement des particuliers au démarchage téléphonique, et non un simple droit d’opposition tel qu’il existe aujourd’hui. Ce droit d’opposition est, en effet, inefficace, dans la mesure où peu en font usage et où le dispositif Bloctel ne réduit pas le nombre d’appels intempestifs chez ceux qui s’y sont inscrits.

À cette fin, l’amendement dispose que les personnes répertoriées sur les listes d’abonnés auprès d’un opérateur de communications téléphoniques doivent donner expressément leur accord pour que leurs données téléphoniques puissent être utilisées à des fins commerciales avant toute prospection ou démarchage. Il précise qu’à défaut d’accord, les données téléphoniques des consommateurs sont réputées confidentielles.

Cette rédaction clarifie le mécanisme du recueil de l’accord : celui-ci pourra se faire soit au moment de la conclusion d’un contrat avec l’opérateur de téléphonie, soit au moment d’un échange avec une entreprise.

Toutefois, de manière à ne pas nuire à l’activité de petites entreprises, l’article ne s’appliquera pas aux entreprises de moins de cinquante salariés dont l’activité principale n’est pas le démarchage ou la prospection téléphonique. Il s’agit notamment de protéger les artisans locaux.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement pour les raisons exposées plus tôt. Au sein des 75 % d’appels réalisés depuis les entreprises, certains sont réalisés par des PME, mais certaines ont plus de cinquante salariés. Votre amendement ne tient pas compte des entreprises qui comptent entre cinquante et deux cent cinquante salariés, qui restent des PME. Et de grands groupes ont leurs propres services de centrales d’appel, et ne passent pas forcément par des centres d’appel.

M. Nicolas Démoulin. Nous revenons à la question de l’opt-in. Je voudrais simplement expliquer à M. Cordier que si, demain, on demande aux Français s’ils souhaitent être appelés pour du démarchage téléphonique, on connaît forcément la réponse : ce sera non. J’apprécie davantage la franchise de M. Ruffin, qui est clair dans ses propos même si je ne suis pas d’accord avec lui : il veut interdire le démarchage téléphonique.

Si nous validions l’opt-in, nous interdirions de fait le démarchage téléphonique normal. Les entreprises frauduleuses ne respecteront pas l’opt-in, parce qu’elles ne passent pas par Bloctel. De ce fait, vous vous attaquez uniquement aux entreprises qui jouent le jeu.

M. François Ruffin. Je soutiendrai cet amendement parce qu’il contribue à assécher le démarchage téléphonique. Lorsque les gens sont appelés chez eux, c’est un véritable poulailler qu’ils entendent à l’autre bout du fil, ce ne sont pas deux personnes qui font des appels frauduleux. Il faut nous acheminer vers l’interdiction de tous ces appels non souhaités qui les dérangent. Notre collègue propose une interdiction tempérée : ceux qui acceptent d’être appelés auraient la possibilité de s’inscrire dans un fichier spécifique. Ils seront alors libres de recevoir tous les appels de la planète !

En l’occurrence, Monsieur le rapporteur, vous vous êtes en train de vous opposer à une disposition qui relève du pur bon sens, vous vous opposez à ce que l’on permette aux gens de ne pas être sollicités chez eux, quand ils ne veulent pas être dérangés, pour des casseroles, des cuisines, des salles de bains, des portes ou des fenêtres. C’est une proposition de pur bon sens que fait mon collègue du groupe Les Républicains : ceux qui veulent recevoir ces propositions pourront en recevoir, et, dans le doute, on considérera que l’abonné ne veut pas en recevoir – car ce sont plus de 90 % des Français qui ne veulent pas en recevoir, et même davantage.

M. Pierre Cordier. Au cours de nos auditions, il est apparu que les entreprises de plus de cinquante salariés sous-traitent souvent leur démarchage à des sociétés spécialisées, tandis que les entreprises comptant entre un et cinquante salariés le font elles-mêmes – je ne rappelle pas l’exemple du peintre que donnait tout à l’heure notre collègue Kasbarian.

J’ai bien noté, Monsieur le rapporteur, que les règles européennes définissent comme petites et moyennes entreprises les entreprises comptant jusqu’à 250 salariés, les règles françaises pouvant être différentes. Cela ne signifie cependant pas que le chiffre de 50 salariés sorte d’un chapeau : il est tiré de la pratique des entreprises.

Par ailleurs, je souscris aux propos de notre collègue membre du groupe La France insoumise sur la simplicité de la démarche proposée et la défense du consommateur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Nous sommes tous d’accord pour défendre le consommateur, chers collègues. Cependant, si nous adoptons une disposition comme celle proposée par notre collègue, ce sont uniquement les entreprises vertueuses qui la subiront. Les entreprises se livrant actuellement à un démarchage intempestif continueront de le faire, la mise en place de l’opt-in n’y changera rien. Seules les entreprises qui respectent les règles seront pénalisées.

M. Pierre Cordier. Je reviens à la remarque de notre collègue Straumann tout à l’heure. L’opt-in a été mis en place en Allemagne, et cela se passe très bien. Pourquoi cela se passerait-il mal en France ?

La commission rejette l’amendement.

Article 1er bis (nouveau)
(art. L. 223-1 du code de la consommation)
Obligation pour les entreprises qui démarchent de saisir régulièrement lorganisme gérant la liste dopposition et de respecter la charte des bonnes pratiques élaborée par cet organisme sous peine de sanctions

La commission a adopté, avec l’avis favorable de votre rapporteur, un amendement proposé par le groupe La République en Marche, instaurant au niveau législatif l’obligation – qui existe au niveau réglementaire ([16]) – pour les entreprises qui réalisent des opérations de démarchage par téléphone, régulières ou ponctuelles, de soumettre leurs fichiers de données téléphoniques au filtre de la liste d’opposition Bloctel.

Celles-ci devront s’assurer de la conformité de leurs fichiers avec la liste d’opposition, au moins une fois par mois si elles exercent une activité régulière de démarchage, et avant toute campagne de démarchage si elles exercent cette activité de manière ponctuelle.

Ce faisant, cet article additionnel étend aux entreprises qui ne respecteraient pas cette obligation de saisine de Bloctel les sanctions prévues par l’article L. 242-16 du code de la consommation pour les contrevenants aux autres dispositions de l’article L. 223-1 du code de la consommation. Ces sanctions, une fois modifiées par la présente proposition de loi, s’élèveront à 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.

La commission a également adopté un amendement proposé par votre rapporteur instaurant l’obligation, pour les entreprises soumettant leurs fichiers de données téléphoniques à l’organisme chargé de la gestion de la liste d’opposition au démarchage, de respecter la charte des bonnes pratiques élaborée par cet organisme.

Cette charte pourra prévoir des dispositions relatives aux horaires d’appels, au non-rappel de consommateur déjà contactés peu auparavant, etc.

Son non-respect sera également passible des sanctions applicables pour le non-respect de l’article L. 223-1 du code de la consommation : 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.

Ces deux amendements portant articles additionnels ont été fusionnés en un article additionnel unique après l’article 1er.

 

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La commission examine l’amendement CE16 de Mme Annaïg Le Meur.

Mme Annaïg Le Meur. Cet amendement propose d’étendre les sanctions prévues à l’article L. 242-16 du code de la consommation au non-respect de l’obligation pour les professionnels ayant recours au démarchage téléphonique de faire expurger de leurs fichiers les numéros de téléphone inscrits sur Bloctel. Les amendements qui suivent proposeront de porter ces sanctions à 75 000 euros pour une personne physique et 350 000 euros pour une personne morale. Ce faisant, nous nous inscrivons dans la continuité de la première proposition de loi de M. Cordier.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, l’amendement est adopté.

La commission est ensuite saisie de l’amendement CE21 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir le respect d’une charte des bonnes pratiques par les professionnels qui s’inscrivent sur Bloctel. Cette charte pourrait notamment prévoir des horaires d’appel, ou des consignes en matière de non-rappel de personnes déjà appelées.

La commission adopte l’amendement.

Article 2
Audit de la société Opposetel

1.   L’état du droit

Au terme de l’article L. 223-4 du code de la consommation, le ministre chargé de l’économie désigne par arrêté l’organisme chargé de la gestion de la liste d’opposition au démarchage téléphonique, après mise en concurrence, pour une durée fixée par voie réglementaire.

L’arrêté du 25 février 2016 portant désignation de l’organisme chargé de gérer la liste d’opposition au démarchage téléphonique désigne la société Opposetel, dans le cadre d’un contrat de délégation de service public pour une durée de cinq ans.

La société Opposetel gère donc le fichier « Bloctel » sur lequel peuvent s’inscrire tous les consommateurs ne souhaitant pas faire l’objet de prospection ou de démarchage téléphonique.

Comme mentionné dans le corps du rapport, cette liste d’opposition fait l’objet de critiques multiples et son efficacité est contestée. Ceci justifie qu’une évaluation de la société qui en assure la gestion soit réalisée, afin d’en identifier les dysfonctionnements, d’améliorer le service proposé et d’optimiser les moyens de l’entreprise.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 2 a pour objet d’imposer, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la proposition de loi, la réalisation d’un audit de la société Opposetel. Cet audit sera réalisé selon des modalités précisées par décret.

Il doit en résulter des propositions permettant d’améliorer de manière concrète l’efficacité de ce service, afin, notamment, que davantage d’entreprises y adhèrent et que les consommateurs qui y sont inscrits voient, de manière significative, le nombre d’appels non-désirés diminuer.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec l’avis favorable de votre rapporteur, un amendement transformant l’audit de la société Opposetel en rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre, par Opposetel, de la délégation de service public qui lui a été confiée pour la gestion de la liste d’opposition au démarchage téléphonique.

Ce rapport devra proposer des pistes d’amélioration de cet outil et évaluer la pertinence des différents dispositifs légaux et réglementaires par lesquels le consommateur manifeste son opposition au démarchage téléphonique et au traitement de ses données à des fins commerciales

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La commission se saisit de l’amendement CE15 de Mme Annaïg Le Meur.

Mme Annaïg Le Meur. Nous sommes tous d’accord : le dispositif Bloctel est très critiqué par les consommateurs, qui considèrent souvent que leur inscription ne s’est pas traduite par une réduction significative du nombre d’appels reçus. Il faut identifier les défaillances du dispositif : cela répondrait à une forte attente.

Parallèlement à l’audit qui sera l’objet de l’amendement CE19 de notre collègue Stéphanie Do, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, douze mois après la promulgation de la loi, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la délégation de service public attribuée pour la gestion de la liste d’opposition au démarchage téléphonique Bloctel – cela concerne la société Opposetel – et puisse ainsi permettre d’améliorer le dispositif.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je reconnais que la rédaction proposée par les auteurs de cet amendement, avec cette demande de rapport, est meilleure et plus logique. En outre, même si cela avait pu m’échapper initialement, étudier, comme vous le proposez, les possibilités d’harmonisation des différents fichiers peut aider à gagner en efficacité. Je suis donc favorable à cet amendement.

M. Pierre Cordier. Par l’amendement CE1, qui tombera si cet amendement CE15 est adopté, je proposais que ce rapport soit remis dans un délai plutôt de trois que de douze mois.

M. Christophe Naegelen. Si nous estimons nécessaire d’agir rapidement, il serait effectivement cohérent, cher collègue Cordier, de retenir un délai réduit à trois mois. J’aurais été favorable à votre amendement s’il n’était voué à tomber.

M. le président Roland Lescure. L’article tel qu’il résultera de l’adoption de l’amendement CE15 pourra faire l’objet d’un nouvel amendement en séance.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé et les amendements CE1 et CE7 tombent.

Article 2 bis (nouveau)
(art. L. 223-4 du code de la consommation)
Procédure de contrôle de lorganisme chargé de la gestion de la liste dopposition au démarchage

La commission a adopté, avec l’avis favorable de votre rapporteur, un amendement présenté par Mme Stéphanie Do, sous-amendé par votre rapporteur, prévoyant le recours régulier à une procédure de contrôle de l’organisme délégataire de service public chargé de la gestion de la liste d’opposition.

Cette procédure devra intervenir une fois par période de délégation, c’est-à-dire une fois par période de cinq ans. Il s’agit de faire en sorte qu’un éventuel futur organisme désigné pour reprendre en charge cette délégation pour une nouvelle période de cinq ans, après mise en concurrence à l’issue de la période actuelle courant jusqu’en 2021, puisse également faire l’objet d’une évaluation destinée à en améliorer l’efficacité.

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*     *

La commission se saisit de l’amendement CE19 de Mme Stéphanie Do, qui est l’objet d’un sous-amendement CE36 du rapporteur.

Mme Stéphanie Do. Le code de la consommation dispose que l’organisme chargé de la gestion de Bloctel est désigné pour une durée maximale de cinq ans. Cet amendement vise à la réalisation d’au moins un audit de cet organisme au cours de cette période. Le dispositif étant récent, il faut viser une certaine efficience pour réduire le prix demandé aux professionnels et encourager les adhésions.

M. Christophe Naegelen. Le sous-amendement CE36 vise simplement à préciser la fréquence de l’audit afin qu’il ait lieu chaque fois que la délégation de service public est renouvelée. Sous cette réserve, je suis favorable à l’amendement CE19.

La commission adopte le sous-amendement CE36.

Puis elle adopte l’amendement CE19 sous-amendé.

Article 2 ter (nouveau)
(art. L. 242-12 du code de la consommation)
Augmentation des sanctions à lencontre des professionnels ne respectant pas larticle L. 221-16 du code de la consommation relatif au message de présentation en début de démarchage et à l’engagement du consommateur après présentation et acceptation d’une offre

La commission a adopté, avec l’avis favorable de votre rapporteur, un amendement présenté par Mme Aude Luquet, prévoyant une augmentation des sanctions à l’encontre des professionnels ne respectant pas les dispositions de l’article L. 221-16 du code de la consommation.

Cet article prévoit que le professionnel qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d’un bien ou sur la fourniture d’un service indique au début de la conversation son identité, le cas échéant l’identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci. Il prévoit également qu’à la suite d’un démarchage par téléphone, le professionnel doit adresser au consommateur, sur papier ou sur support durable, une confirmation de l’offre qu’il a faite. Le consommateur n’est engagé par cette offre qu’après l’avoir signée et acceptée par écrit ou avoir donné son consentement par voie électronique. Ces mesures, s’agissant de l’obligation de présentation, sont renforcées par l’article 1er de la proposition de loi.

Les sanctions prévues pour le non-respect de ces dispositions sont, à l’heure actuelle, de 3 000 € pour une personne physique et de 15 000 € pour une personne morale. Elles paraissent trop faibles pour être effectivement dissuasives.

L’article additionnel adopté les porte à 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale, les harmonisant ainsi avec les sanctions prévues par la présente proposition de loi pour le non-respect des autres dispositions relatives au démarchage téléphonique.

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La commission en vient ensuite à l’amendement CE8 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. Afin de protéger les personnes sollicitées par le démarchage, le code de la consommation impose certaines obligations aux entreprises qui s’y livrent. L’une est définie à l’article L. 221-16 du code de la consommation, et nous l’avons renforcée en adoptant l’article 1er de la présente proposition de loi. Son non-respect est sanctionné, en vertu de l’article L. 242-12 du même code, par une amende de 3 000 euros, si l’auteur de l’infraction est une personne physique, ou par une amende de 15 000 euros, si c’est une personne morale. Face à la recrudescence de ces pratiques abusives et intrusives, ces montants paraissent bien trop faibles et peu dissuasifs. Il convient donc d’harmoniser le montant de ces amendes avec celui des amendes prévues aux articles 3 et 4 de la présente proposition de loi : 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable : il s’agit d’être cohérent avec le renforcement de l’obligation de présentation que nous souhaitons instaurer, ainsi qu’avec l’aggravation des sanctions pour les autres cas de non-respect de la législation applicable au démarchage. Cet amendement me semble bienvenu.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 quater (nouveau)
(art. L. 242-14 du code de la consommation)
Augmentation des sanctions à l’encontre des professionnels ne respectant pas l’article L. 221-17 du code de la consommation relatif à l’interdiction de l’utilisation de numéros masqués pour les appels de démarchage

La commission a adopté, avec l’avis favorable de votre rapporteur, deux amendements identiques présentés par Mme Aude Luquet et par le groupe La République en Marche, prévoyant une augmentation des sanctions à l’encontre des professionnels ne respectant pas les dispositions de l’article L. 221-17 du code de la consommation.

Cet article L. 221-17 prévoit que, lorsqu’un professionnel contacte un consommateur par téléphone à des fins commerciales, l’utilisation d’un numéro masqué est interdite. Le numéro affiché doit être celui du professionnel pour le compte duquel l’appel est effectué (et non, le cas échéant, celui de l’entreprise sous-traitante qui effectue ces appels), de manière à ce que le consommateur puisse rappeler ce professionnel s’il le souhaite.

Les sanctions prévues pour le non-respect de ces dispositions sont, à l’heure actuelle, également de 3 000 € pour une personne physique et de 15 000 € pour une personne morale. Elles paraissent, une nouvelle fois, trop faibles pour être effectivement dissuasives.

L’article additionnel adopté les porte à 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale, les harmonisant ainsi également avec les sanctions prévues par la présente proposition de loi pour le non-respect des autres dispositions relatives au démarchage téléphonique.

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La commission examine ensuite les amendements identiques CE9 de Mme Aude Luquet et CE14 de Mme Annaïg Le Meur.

Mme Aude Luquet. Tout comme le précédent, l’amendement CE9 vise à harmoniser et à renforcer les sanctions encourues par les professionnels qui ne respectent pas les obligations auxquelles ils sont soumis en matière de démarchage téléphonique. En l’occurrence, la sanction telle que prévue à l’article L. 242-14 du code de la consommation, relative aux appels aux consommateurs à l’aide d’un numéro masqué consiste en une amende de 3 000 euros pour les personnes physiques et de 15 000 euros pour les personnes morales. Nous proposons de la porter à 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

Mme Annaïg Le Meur. Je n’ai rien à ajouter au propos de Mme Luquet qui a excellemment défendu mon amendement CE14.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte ces amendements.

Après l’article 2

Puis elle se saisit de l’amendement CE4 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Je propose de demander au Gouvernement un rapport précisant les modalités de constitution d’un fichier centralisé des personnes acceptant d’être démarchées par téléphone et les modalités de consultation de ce fichier par les entreprises souhaitant démarcher les personnes consentantes. Il s’agit ainsi de constituer une liste comparable à la liste Bloctel qui existe aujourd’hui, recensant non pas les particuliers refusant d’être démarchés mais ceux acceptant de l’être.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suis forcément défavorable à cet amendement qui n’a de sens qu’en cas de création d’un droit d’opt-in.

La commission rejette l’amendement.

Article 3
(art. L. 242-16 du code de la consommation)
Augmentation des sanctions à lencontre des contrevenants à la législation relative au droit dopposition au démarchage téléphonique

1.   L’état du droit

Au terme de l’article L. 242-16 du code de la consommation, tout manquement aux dispositions de ce code relatives à l’opposition au démarchage téléphonique est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. Il s’agit, en particulier, des sanctions imposées aux opérateurs démarchant des consommateurs ayant manifesté leur refus de l’être en s’inscrivant sur la liste d’opposition Bloctel, ou louant ou vendant des fichiers comportant les coordonnées téléphoniques d’un ou plusieurs consommateurs inscrits sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique.

Le montant de ces amendes apparaît faible au regard des pratiques abusives constatées, effectuées souvent par des entreprises de grande taille aux moyens financiers importants. Ces sanctions semblent, aujourd’hui, trop peu dissuasives pour être efficaces.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 3 propose d’augmenter les sanctions actuellement imposées aux personnes ne respectant pas le droit d’opposition au démarchage téléphonique, pour les porter de 75 000 € à 375 000 € pour les personnes morales, et de 15 000 € à 75 000 € pour les personnes physiques.

Il s’agit de leur conférer un caractère plus dissuasif, de manière à ce qu’elles contribuent effectivement à la lutte contre le démarchage intempestif.

3.   La position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 3 sans modification.

Après l’article 3

La commission se saisit de l’amendement CE3 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Cet amendement a pour objet d’aligner le régime de la prospection téléphonique sur celui des SMS et courriels, qui repose sur le principe du consentement préalable. Il étend aux appels vocaux le champ des dispositions du code des postes et des communications électroniques actuellement applicables aux SMS et courriels. Ainsi, seuls les consommateurs ayant consenti à fournir leurs données téléphoniques pourront être sollicités. Dans le cas contraire, le démarchage téléphonique sera considéré comme illégal. Afin de permettre aux opérateurs de s’adapter, je propose que cette mesure n’entre en vigueur que le 1er juin 2019.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 4
(art. L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques)
Augmentation des sanctions contre lutilisation dautomates dappel à des fins de prospection commerciale sans autorisation préalable du consommateur

1.   L’état du droit

L’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques interdit la prospection directe au moyen d’un système automatisé de communications électroniques, d’un télécopieur ou de courriers électroniques utilisant les coordonnées d’une personne physique, abonné ou utilisateur, qui n’a pas exprimé préalablement son consentement à recevoir des prospections directes par ce moyen.

La prospection directe est ici définie comme l’envoi de tout message (éventuellement message oral préenregistré) destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services.

Cet article s’étend aux appels et messages ayant pour objet d’inciter l’utilisateur ou l’abonné à appeler un numéro surtaxé ou à envoyer un message textuel surtaxé.

L’article précise également qu’il est interdit d’émettre, à des fins de prospection directe, des messages au moyen d’un système automatisé de communications électroniques sans indiquer de coordonnées valables auxquelles le destinataire puisse utilement transmettre une demande tendant à obtenir que ces communications cessent sans frais autres que ceux liés à la transmission de cette demande. Il est également interdit de dissimuler l’identité de la personne pour le compte de laquelle la communication est émise et de mentionner un objet sans rapport avec la prestation ou le service proposé.

L’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques prévoit des sanctions de 3 000 € pour les personnes physiques et de 15 000 € pour les personnes morales contrevenant à ces dispositions. Ces sanctions apparaissant, une nouvelle fois, faibles au regard des nuisances et des fraudes potentielles.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 4 de la proposition de loi a pour objet de renforcer les amendes sanctionnant la prospection directe au moyen notamment d’un automate d’appel, en les portant respectivement à 75 000 € pour les personnes physiques et 375 000 € pour les personnes morales, de manière à les aligner sur les sanctions prévues à l’article L. 242‑16 du code de la consommation, par l’article 3 de la présente proposition de loi.

Il s’agit de garantir le droit du consommateur à ne pas être dérangé contre son gré et de lutter plus efficacement contre une double nuisance :

– celle des appels de démarchage émis par des automates d’appel capables de composer en grand nombre des numéros de téléphone dans le but de délivrer un message préenregistré aux destinataires qui répondent ou de composer automatiquement le numéro du destinataire avant qu’un téléopérateur ne soit disponible, lorsque le consommateur n’a pas explicitement donné son accord pour être démarché de telle manière ;

– celle des appels frauduleux émis par des robots, laissant un message incitant à rappeler un numéro surtaxé sous un motif fallacieux.

3.   La position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 4 bis (nouveau)
(art. L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques)
Interdiction de l’utilisation d’automates d’appel pour vérifier la présence d’un consommateur à son domicile ou la bonne attribution du numéro de téléphone

La commission a adopté un amendement de votre rapporteur interdisant l’utilisation de systèmes automatisés d’appel aux seules fins de vérifier la présence d’un consommateur à son domicile ou la bonne attribution du numéro composé. Ces automates, en effet, génèrent des milliers d’appels, dont la sonnerie constitue une nuisance pour le particulier à qui personne ne répond lorsqu’il décroche, et n’ont pour objet que de constituer des fichiers actualisés qui pourront être revendus.

Le non-respect de cette interdiction sera passible des amendes administratives prévues pour le non-respect de l’ensemble de l’article L. 34-5 du code de la consommation, telles que renforcées par l’article 4 de la présente proposition de loi : 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.

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La commission examine l’amendement CE22 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement vise à l’interdiction de certains appels par automate. Si certains de ces appels sont déjà bien encadrés, un flou entoure en revanche les automates qui génèrent des milliers d’appels dans le seul objectif de vérifier que les numéros sont bien attribués et que le consommateur est bien chez lui à certaines heures – ils raccrochent automatiquement dès l’instant où le consommateur décroche.

Je souhaite interdire ces automates, le seul fait d’être dérangé par une sonnerie intempestive constituant déjà une nuisance.

Mme Annaïg Le Meur. Je vous remercie pour votre pragmatisme, Monsieur le rapporteur. Vous nous proposez une disposition efficace pour régler un problème qui n’avait pas forcément retenu notre attention. Mon groupe sera favorable à cet amendement.

M. François Ruffin. Pouvez-vous préciser, Monsieur le rapporteur, s’il s’agit d’interdire tout appel par automate ?

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Certains appels par automate sont déjà bien encadrés. Ne sont donc concernées par l’amendement que les entreprises dont les appels visent seulement à vérifier si quelqu’un décroche et à quelle heure, pour constituer des fichiers et les revendre.

M. le président Roland Lescure. On sait ainsi que M. Ruffin est chez lui à dix‑neuf heures et qu’on peut l’appeler…

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Exactement.

M. le président Roland Lescure. Mais comment différencier ces automates que nous allons interdire des autres ? Est-ce possible.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Les entreprises qui pratiquent ces appels ne sont pas du tout les mêmes. Et c’est aussi le rôle des opérateurs.

M. Richard Ramos. Pourquoi ne pas interdire tout bêtement les automates ?

M. François Ruffin. Mon idée, Monsieur le rapporteur, était plutôt de soutenir votre proposition de loi : il peut arriver d’avoir envie de jeter des passerelles, mais il vient un moment où ce n’est plus possible. Pourquoi donc ne pas interdire purement et simplement que des robots – pas des humains, mais des robots – puissent déranger des gens chez eux, lorsqu’ils sont avec leurs enfants, pour essayer de leur vendre quelque chose ? Pourquoi chercher à faire le tri entre les robots qui raccrochent et ceux qui ne raccrochent pas ? Il faut tout simplement interdire le démarchage téléphonique par des robots.

Mme Christine Hennion. Cher collègue Ramos, parmi les appels automatisés, il y a ceux des terminaux de paiement. Si vous interdisez ces appels, les paiements par carte bancaire, par exemple, deviendront impossibles.

M. Julien Dive. Une interdiction respectée suppose un moyen de coercition. Quelle sanction serait donc infligée ? Par ailleurs, comment contrôler les automates des entreprises ou des centres d’appel établis à l’étranger ?

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cher collègue Dive, les sanctions sont celles prévues à l’article 4. Pour ce qui est de contrôler les automates établis à l’étranger, c’est effectivement très compliqué.

Par ailleurs, cher collègue Ruffin, l’amendement que je propose va dans le bon sens : il pose une interdiction là où le droit en vigueur n’interdisait rien. Quant aux appels d’automates qui démarchent et demandent de rappeler, ils entrent, quand il s’agit de numéros de services à valeur ajoutée (SVA), de numéros surtaxés, dans la catégorie des appels frauduleux, et les autres sont soumis à une obligation d’opt-in. L’amendement permettra une diminution drastique des appels d’automate restants.

La commission adopte l’amendement.

Article 5
(article L. 223-1 du code de la consommation)
Encadrement du démarchage téléphonique en cas de relations contractuelles préexistantes

1.   L’état du droit

L’article L. 223-1 du code de la consommation interdit à un professionnel de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur la liste d’opposition, « sauf en cas de relations contractuelles préexistantes ».

Toutefois, cette exigence de « relations contractuelles préexistantes » fait l’objet d’interprétations variables. Alors que pour certains, elle désigne un contrat en cours, « préexistant à l’appel », pour d’autres elle renvoie également à un contrat passé, même échu au moment de l’appel. De fait, nombreux sont les consommateurs qui regrettent une utilisation abusive de cette dérogation au droit d’opposition, le démarchage ayant parfois lieu plusieurs années après la fin du contrat, ou pour un produit n’ayant aucun rapport avec l’objet du contrat initial. Il en résulte un grand nombre d’appels intempestifs, dont la légalité n’est ni certaine, ni exclue.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 5 a pour objet de préciser le cadre temporel des relations contractuelles préexistantes permettant à un professionnel de démarcher son ancien client.

Il précise qu’un professionnel ne peut démarcher un client inscrit sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique que s’il a avec ce client  un contrat en cours, des obligations liées à ce contrat (notamment en matière de garantie) ou un contrat échu depuis moins de six mois.

Il s’agit de sécuriser les entreprises qui appellent, légitimement, leurs clients, en précisant dans la loi la nature de la relation contractuelle préexistante dans le cadre de laquelle le démarchage doit pouvoir être autorisé, tout en protégeant les consommateurs contre un démarchage abusif plusieurs années après la fin de ce contrat.

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement proposé par votre rapporteur, apportant plusieurs modifications à l’article 5.

La nouvelle rédaction de cet article :

– codifie les dispositions de l’article 5 à l’article L. 223-1 du code de la consommation, évoquant déjà le sujet des relations contractuelles ;

– supprime le droit de démarchage d’une personne inscrite sur la liste d’opposition tant que le professionnel a des obligations légales ou contractuelles vis-à-vis de son client : ceci inclurait notamment l’intégralité des durées de garanties, pouvant être de plusieurs années, et conduirait les consommateurs à pouvoir être démarchés sur de très longues périodes ;

– précise que le consommateur, même lié par des relations contractuelles en cours ou durant les six mois suivant la fin du dernier contrat, peut exprimer son opposition à être démarché par le professionnel avec lequel il avait conclu ce contrat.

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*     *

La commission en vient à l’amendement CE23 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement a pour objet de codifier le contenu de l’article 5 en le rattachant à l’article L. 223-1 du code de la consommation.

Il supprime le droit de démarchage d’une personne inscrite sur la liste d’opposition Bloctel tant que le professionnel a des obligations légales ou contractuelles vis-à-vis de ce client. Comme nous l’avons vu lors des auditions, cela inclurait notamment l’intégralité des durées de garanties, qui peuvent être de plusieurs années, voire dix ans, et permettrait de démarcher les consommateurs sur de très longues périodes.

Il permet également de préciser que le consommateur, même lié par des relations contractuelles en cours ou durant les six mois suivant la fin du dernier contrat, peut exprimer son opposition au démarchage par le professionnel avec lequel il avait conclu ce contrat.

Mme Annaïg Le Meur. Cet article 5 nous a valu de nombreux débats, et, à mon sens, nous ne sommes pas encore parvenus à une rédaction définitive. Il faut encore y travailler. Qu’est-ce qu’un contrat ? Qu’est-ce qui nous lie avec quelqu’un ? Comment ? Jusqu’à quand ? Faut-il prendre en compte les durées de garanties ? Quelques divergences subsistent. Je propose donc que nous continuions d’en discuter avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et d’autres interlocuteurs. J’ai besoin d’autres réponses pour me prononcer, que ce soit sur l’amendement ou sur l’article. Nous préférons donc nous abstenir, tant sur l’un que sur l’autre.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il me semble tout de même important d’adopter cet amendement dans la mesure où il a pour objet de codifier le contenu de l’article. D’autres amendements pourront être déposés en vue de la séance, et nous pourrons encore améliorer le texte une fois que nous connaîtrons les conclusions du Conseil national de la consommation.

M. le président Roland Lescure. L’abstention du groupe majoritaire permettra certainement l’adoption de cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé.

Article 6
(art. L. 224-51 du code de la consommation)
Possibilité pour les opérateurs de communications électroniques de suspendre laccès à un numéro surtaxé affecté à un service fraudeur

1.   L’état du droit

Les articles L. 224-43 à L. 224-56 du code de la consommation traitent des services à valeur ajoutée.

L’article L. 224-43 prévoit la mise en place par l’opérateur téléphonique exploitant un numéro à valeur ajoutée, par son abonné auquel ce numéro est affecté et, s’il est distinct et par le fournisseur du produit ou du service à valeur ajoutée, d’un dispositif en ligne permettant d’identifier, à partir du numéro d’appel, le nom du produit ou du service accessible à ce numéro, sa description sommaire, ainsi que le nom du fournisseur de ce produit ou service et son contact.

L’opérateur peut suspendre l’accès aux numéros concernés voire résilier le contrat en cas de réitération, si l’abonné auquel les numéros à valeur ajoutée sont affectés ne fournit pas l’ensemble de ces informations ou ne les met pas à jour (article L. 224-47). Enfin, un mécanisme de signalement impose à l’opérateur de vérifier les renseignements fournis afin de procéder, en cas d’inexactitude, à la suspension de l’accès aux numéros concernés et, le cas échéant, à la résiliation du contrat avec l’abonné.

L’article L. 224-51 du code de la consommation dispose que tout fournisseur d’un service de téléphonie à destination du public doit proposer aux consommateurs avec lesquels il est en relation contractuelle un dispositif leur permettant de signaler tout appel ou message textuel non sollicité, émis par des professionnels, ainsi que le numéro de leurs émetteurs.

Les fournisseurs sont tenus d’agréger les signalements par numéro des émetteurs des appels ou messages textuels, ainsi que les numéros auquel le consommateur est invité à envoyer un message ou qu’il est incité à rappeler.

Toutefois, aucune obligation d’action n’est imposée aux opérateurs après un signalement, même répété. Il leur est, au contraire, difficile d’agir. Ainsi, à titre d’illustration, dans l’affaire impliquant l’intermédiaire de fournisseur de services Viva Multimédia, son opérateur téléphonique, Colt, ayant pris l’initiative de suspendre l’accès à l’ensemble des numéros qu’il lui avait alloués et qui avaient fait l’objet de nombreux signalements, a été sanctionné par le tribunal de commerce auprès duquel Viva Multimédia avait porté plainte. Il lui a été demandé de rétablir l’ensemble des numéros suspendus, sous peine de subir une amende de 100 000 €. En effet, sans assise juridique précise, il est très difficile pour les opérateurs de mener une action de suspension ou de résiliation sans risquer que celle-ci ne soit qualifiée de discriminatoire ou d’infondée et, lorsque leurs abonnés fournisseurs de services à valeur ajoutée se retournent contre leurs décisions, les opérateurs perdent le plus souvent. Quelques mois plus tard pourtant, les salariés de cette même société Viva Multimédia étaient mis en examen pour escroquerie en bande organisée.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 6 complète l’article 224-51 du code de la consommation par sept alinéas, ayant pour objet d’améliorer la lutte contre la fraude aux numéros surtaxés.

Il s’agit, en premier lieu, de permettre l’identification du consommateur qui dépose le signalement, afin de certifier ce signalement et d’en assurer le suivi (alinéa 2). Cela doit permettre aux opérateurs de mener des actions sans que leur fondement – les signalements – ne soit jugé illégitime, peu fiable, non crédible ou fallacieux.

Il s’agit également de donner à l’opérateur de communications téléphoniques qui fournit le numéro à valeur ajoutée à son abonné des moyens d’action, dès lors que plusieurs signalements sont effectués par différents consommateurs pour établir le comportement déloyal de l’abonné ou, s’il est distinct, du fournisseur du service à valeur ajoutée. Aux termes de l’article (alinéas 4 à 7), les moyens d’action sont de trois natures :

– l’opérateur de communications téléphoniques doit cesser immédiatement tout reversement des sommes associées aux numéros surtaxés, y compris pour des appels déjà effectués en attente de reversement (alinéa 4). Il s’agit de lui permettre de ne pas reverser le trafic issu d’une fraude avérée à la suite de divers signalements certifiés. En ce cas, les sommes non reversées sont utilisées, dans un premier temps, pour la mise en place et le financement d’un outil permettant aux opérateurs d’assurer le suivi et le remboursement des consommateurs et, dans un second temps, pour indemniser directement les consommateurs (alinéa 7) ;

– l’opérateur peut couper le numéro concerné sans délai afin de protéger les consommateurs des fraudes opérées par ce numéro (alinéa 5) ;

– l’opérateur peut couper l’ensemble des numéros de cet éditeur et résilier le contrat qui le lie à celui-ci (alinéa 6).

Il s’agit, dans les deux derniers cas, de faciliter la coupure des numéros d’un acteur multirécidiviste.

L’article précise (alinéa 8) qu’en cas de défaillance de l’opérateur à faire cesser les pratiques déloyales d’un abonné ou d’un fournisseur de produit ou de service associé à un numéro à valeur ajoutée qu’il opère, l’ensemble des acteurs acheminant du trafic ou effectuant des reversements pour ces services, notamment les opérateurs de boucle locale et les opérateurs de collecte sont fondés à agir en lieu et place de cet opérateur.

L’ensemble de la chaîne de communications téléphoniques doit être mobilisé sur ce sujet.

3.   La position de la commission

Plusieurs amendements de votre rapporteur ont été adoptés à cet article. Il s’agit en particulier :

– de permettre aux consommateurs de déposer des signalements sans avoir à être formellement identifiés, de manière à ne pas entraîner d’hésitation de leur part à le faire. La fiabilité de ces signalements devra toutefois être certifiée ;

– de substituer à l’idée d’un nombre seuil de signalements justifiant l’action d’un opérateur de communications électroniques celle de la simple connaissance, par cet opérateur, d’une action frauduleuse. En effet, un nombre minimal de signalements serait complexe à définir, tant il dépendrait de la nature de l’activité, du trafic associé au fournisseur de service concerné ou encore de la qualité des signalements. La simple connaissance d’agissements illicites doit suffire à permettre à l’opérateur d’intervenir ;

– d’élargir la responsabilité de la suspension de l’accès aux numéros frauduleux à l’ensemble des opérateurs de communications électroniques (et non aux seuls opérateurs exploitant et ayant eux-mêmes affecté le numéro à valeur ajoutée concerné) ;

– de préciser que, lorsque l’opérateur prend la décision de suspendre l’accès à l’ensemble des numéros opérés par le fournisseur de service à valeur ajoutée soupçonné de fraude, cette suspension est, dans un premier temps, temporaire, dans l’attente que le fournisseur concerné prouve l’innocuité de ses autres numéros.

*

*     *

La commission examine l’amendement CE33 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. À la suite des auditions, j’ai déposé un certain nombre d’amendements à l’article 6 visant à le réécrire.

L’amendement CE33 a pour objet de permettre aux consommateurs de faire des signalements sans devoir être formellement identifiés, pour qu’ils n’hésitent pas à le faire.

M. Richard Ramos. Il faut prévoir un garde-fou : il ne s’agit pas de permettre des signalements diffamatoires ; une entreprise pourrait être tentée de discréditer un concurrent.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agira bien de signalements certifiés, précisément pour éviter certains débordements, certains comportements.

M. Richard Ramos. Peut-être un signalement procédant d’intentions malveillantes pourrait-il être l’objet de sanctions…

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je vous invite, cher collègue, à déposer un amendement en ce sens en vue de la séance.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de clarification CE35 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CE24 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit, à l’alinéa 3, de substituer aux mots « dispose de suffisamment de signalements effectués par des utilisateurs certifiés pour établir le » les mots « a connaissance, par tout moyen, du ». Ce qui est plus aisé à définir.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE25 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’élargir la responsabilité de la suspension de l’accès aux numéros frauduleux à l’ensemble des opérateurs téléphoniques plutôt que de la limiter aux seuls opérateurs ayant eux-mêmes affecté le numéro à valeur ajoutée concerné.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite, successivement, les amendements rédactionnels CE26, CE27 et CE28 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CE32 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je propose de supprimer les alinéas 6 et 7 qui imposent aux opérateurs de cesser le versement des recettes liées à la surtaxe aux fournisseurs de service à valeur ajoutée dès lors qu’ils ont connaissance de leur activité frauduleuse pour rembourser ces sommes aux consommateurs. Ces dispositions seront rétablies par un amendement portant article additionnel après l’article 6.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Elle examine ensuite l’amendement CE13 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Cet amendement vise à l’amélioration des conditions de travail dans les centres d’appel. Je l’ai dit : pour moi, il y a une logique : d’une part, on doit interdire le démarchage téléphonique, c’est-à-dire les appels sortants ; d’autre part, il faut améliorer les conditions de travail sur les appels entrants.

M. Julien Dive évoquait tout à l’heure sa brève expérience dans un centre d’appel téléphonique, avec des appels qui se succèdent toutes les deux secondes, mais la pression est aussi d’une autre nature.

Je citerai par exemple le témoignage d’Alexis : « Je suis entré en « contrat pro » à vingt ans. Notre cheffe d’équipe tenait des propos déplacés : « Vous branlez quoi ? Sortez‑vous les doigts… Réagissez vite ! » Bon, elle est partie, mais les chefs d’équipe sont tous les mêmes : pression, pression, pression ! Dès qu’ils reçoivent un appel de plus haut, de la direction, ils ne sont plus à l’aise et, ensuite, cela retombe sur nous. Ils viennent derrière ton dos, donnent un grand coup sur la table : « Vous n’êtes pas assez rapide ! » Eux-mêmes gèrent mal la pression, et tout le monde était déprimé ».

Je citerai Rodolphe : « Burn-out, c’est presque un mot tabou. Le stress au travail, il faut faire comme si cela n’existait pas. Chez nous, les pleurs, ce n’est plus rien : à côté de moi, une collègue a fait un accident vasculaire cérébral (AVC), il y a eu des ruptures d’anévrisme. On parle du psychologique, mais il y a le physique aussi. On n’en est plus à des gens qui pleurent, on en est à des gens qui partent en ambulance deux ou trois fois par semaine. »

Je citerai Chams : « Ma cheffe d’équipe, elle était insensible, dure avec nous, mais même elle faisait des arrêts maladie, des dépressions, on l’a vue tourner mal. Ma collègue, elle travaillait dans le social auparavant. Quand elle entendait un monsieur qui disait : « J’ai un cancer », elle ne pouvait pas simplement répondre : « On va vous mensualiser, nanani, nanani, nanana… » Et elle avait alors notre chef sur le dos ! »

Ce qui se passe en vérité dans ces centres d’appel, c’est une pression en cascade, c’est la pression du donneur d’ordres sur le sous-traitant centre d’appel – c’est pour cela que nous voulions interdire ou limiter la sous-traitance en la matière. Ensuite c’est à l’intérieur de la structure elle-même qui doit rendre compte au donneur d’ordres, entre la direction, les chefs d’équipe et le salarié. À la fin, l’usure est très rapide. Au bout du compte, il y a peu de cas de burn-out caractérisés, car les gens s’éjectent eux-mêmes : le taux de turnover peut dépasser 20 %, 25 % voire 30 % des effectifs chaque année. On ne dure pas dans ces métiers.

L’un de nos objectifs, au-delà de l’interdiction du démarchage téléphonique, devrait être l’amélioration des conditions de travail des salariés.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Tous ces exemples que vous donnez sont réellement dramatiques. Je comprends le désarroi de tous ces salariés. Le problème est que ce n’est pas l’objet du texte. Par ailleurs, le harcèlement fait déjà l’objet de dispositions spécifiques.

Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Nicolas Démoulin. Il peut y avoir des abus liés au management ou au caractère du patron, mais il faut éviter de trop caricaturer. Pour ma part, j’ai travaillé cinq ans à côté d’un centre d’appel. Je prenais le café avec eux, et j’ai vu que cela se passait assez bien. Il faut, bien sûr, refuser les abus, mais caricaturer les métiers n’est pas rendre service à certains patrons qui font bien leur travail et sont de bons managers. Et, pour certains salariés, c’est un premier travail, car il est assez facile de se faire embaucher dans ces centres d’appel – moi‑même, ce fut d’ailleurs l’une de mes premières expériences professionnelles.

Je suis d’accord pour sanctionner les abus, mais il y a de temps en temps des entreprises vertueuses et qui respectent le code du travail.

M. Thierry Benoit. Je comprends l’esprit de l’amendement de M. François Ruffin mais, comme l’a souligné le rapporteur, ce n’est pas l’objet de la proposition de loi. Le bien-être dans l’entreprise est un vaste sujet, qui mérite que l’on s’y consacre de manière autrement plus approfondie qu’à travers un amendement, aussi fondé soit-il.

M. Richard Ramos. Je soulignerai qu’il y a une distinction à établir selon que les centres d’appel sont intégrés à l’entreprise ou qu’ils dépendent d’un sous-traitant. Dans les centres d’appel intégrés, le chef d’entreprise a un rapport direct avec les salariés qui répondent aux appels et les relations ne sont pas les mêmes. C’est dans les centres d’appel sous-traités que l’on retrouve les formes d’esclavagisme moderne que dénonce M. François Ruffin. Il faudrait pouvoir les différencier dans la loi, mais ce n’est pas évident.

M. François Ruffin. Cet amendement n’a pas été considéré comme un cavalier, à l’inverse d’un autre amendement demandant que le donneur d’ordres soit associé aux plans de sauvegarde des emplois des entreprises sous-traitantes. Mais quand va-t-on donc prendre en compte le sort des salariés ? J’ai cherché toutes les brèches possibles pour poser la question des conditions de travail des téléconseillers ; j’ai donc saisi cette occasion.

Je ne mets en cause aucun patron ou chef d’équipe à titre individuel, car j’estime qu’il s’agit d’un problème structurel. Les donneurs d’ordres, cherchant à serrer les coûts au maximum, serrent le cou au sous-traitant qui, à son tour, serre le cou à son encadrement, qui lui-même serre le cou aux téléconseillers. C’est pour cela qu’il faut lutter contre ces phénomènes par des mesures structurelles inscrites dans la loi. Il n’y a pas lieu de désigner des gentils ou des méchants. Les patrons des centres d’appel ont certainement envie de faire mieux.

Dans le cadre des travaux sur la proposition de loi relative au burn-out, nous avons auditionné une directrice des ressources humaines qui intervenait dans des centres d’appel. Elle nous a dit que lorsqu’elle évoquait les questions relatives aux conditions de travail, au stress et au risque de burn-out, elle sentait qu’elle allait se faire blackbouler – et c’est finalement ce qui lui est arrivé. Tout simplement parce qu’il n’y a pas de marge de manœuvre pour les prendre en compte.

Il nous appartient à nous, législateurs, de donner de l’air à ce système afin qu’il n’étouffe pas tout le monde.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE11 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Je reçois un appel : « Bonjour Monsieur, je suis un analyste de la société Kyrielle. Je vous appelle car nous avons une offre exceptionnelle à vous faire : une cuisine avec tous les équipements intégrés ». Pas très intéressé, je demande à la personne d’où elle appelle et elle me dit : « De Tunisie ». Je lui réponds : « Bon courage à vous et vive la Tunisie ! ».

Avec les centres d’appel délocalisés, nous assistons à un véritable gâchis de l’élite des pays du Maghreb et de l’Afrique noire. Cette jeunesse diplômée prête à aller enseigner dans les campagnes et à gérer des hôpitaux, que lui fait-on faire ? Vendre à distance du foie gras, des forfaits téléphoniques et des grands crus de Bourgogne ! Au lieu de lui faire bâtir un monde meilleur au pays, on lui fait faire un boulot inutile, voire nuisible, un boulot de larbins qui consiste à nous refiler des gadgets. C’est un saccage de la matière grise la plus qualifiée des pays du Sud. Une autre option de développement est pourtant possible.

Un de mes collègues journalistes a rencontré une jeune fille tunisienne nommée Safa, qui vend à longueur de journée des panneaux photovoltaïques. Safa a étudié à l’Institut supérieur des sciences humaines de Tunis où elle a soutenu, en cinquième année de littérature française, un mémoire de deux cents pages consacré à La modification de Michel Butor pour lequel le jury lui a donné la note de 18 sur 20. Elle est prête à aider au développement de son pays, quitte à aller enseigner dans les campagnes et que fait-elle ? Elle passe quarante-cinq heures par semaine dans un centre d’appel pour 300 euros par mois !

Nous devons avoir une autre vision du développement et interdire la délocalisation des centres d’appel. Les services téléphoniques pour des contrats conclus en France doivent être situés en France. Il faut faire en sorte que la matière grise dans les pays du Sud soit utilisée à développer les pays du Sud.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je comprends le principe de votre amendement. Ce serait une bonne chose de pouvoir maintenir les emplois en France. Malheureusement, une telle disposition ne serait pas conforme à la liberté d’établissement. Avis défavorable.

M. Richard Ramos. Effectivement, on peut considérer que cette intelligence doit servir au développement de ces pays, mais peut-on reprocher à une entreprise française qui recherche de la main-d’œuvre non qualifiée d’aller s’installer là-bas ? En créant des emplois, fussent-ils non qualifiés, elle crée de la richesse, elle participe de ce fait au développement. Pensons à Renault à Tanger, qui a permis à des habitants de cette ville de retrouver de la dignité par le travail. Ce sont des sujets complexes qui doivent nous conduire à faire preuve de prudence.

M. Guillaume Kasbarian. Je pense, Monsieur Ruffin, que vous vous trompez dans l’analyse que vous faites de la matière grise au Maghreb. J’ai eu l’occasion de travailler pour une entreprise à Casablanca et je peux vous dire que les jeunes diplômés de l’université ne vont pas travailler dans les centres d’appel après leurs études. Mettre tout le monde dans le même panier, c’est méconnaître le marché du travail au Maghreb. On y trouve des boîtes qui produisent des choses merveilleuses, des jeunes qui innovent, des gens qui occupent des emplois qualifiés et qui gagnent très bien leur vie. Sortons de la caricature.

Mais revenons au fond et aux aspects opérationnels. Relisons votre amendement : « Les services de relation client téléphonique et les conseillers clientèle liés à des contrats conclus en France doivent être situés en France ». Mettons-nous du point de vue des consommateurs. Supposons que j’achète un billet d’avion auprès de British Airways ou de Lufthansa : le contrat est bel et bien conclu en France mais ces compagnies n’ont pas de centres d’appel en France. Comment faire ? Il y a des masses de services et de produits, que ce soit des coques de iPhone ou autre chose, que les gens achètent à des boîtes qui ne sont pas situées en France. Comment le consommateur peut-il entrer en contact avec des conseillers clientèle, comment l’entreprise fait-elle pour contacter le consommateur ?

Mettons-nous à la place des entreprises maintenant. Comment feront-elles pour leurs achats de matière première auprès de sociétés étrangères, en Allemagne, en Belgique ou ailleurs, si vous interdisez toute possibilité d’avoir des conseillers clientèle situés hors de France ? C’est tout le processus d’approvisionnement de sociétés importantes que vous allez paralyser.

M. François Ruffin. Sous-amendez donc, cher collègue… Les Français comprennent très bien ce que je veux dire ; le billet d’avion acheté chez British Airways ou l’approvisionnement des entreprises, tout cela, ce sont vos préoccupations. Mais quand Gaz de France existait encore, tout le monde savait qu’il était possible de se rendre dans un bureau de l’entreprise non loin de son domicile pour résoudre telle ou telle difficulté. Les bureaux ont été fermés pour être remplacés par des centres d’appel, mais ils étaient encore à proximité et il était toujours possible de rencontrer des conseillers. Ensuite, les centres d’appel ont été regroupés par grandes régions, puis ils ont été sous-traités, notamment à une entreprise ayant un centre d’appel à Lyon. Aujourd’hui, Engie a des centres d’appel au Portugal, au Maroc, au Cameroun ou au Sénégal. Je n’ai rien contre ces pays, mais je déplore que les conseillers se retrouvent désormais à des milliers de kilomètres de l’usager. Et cela, c’est quelque chose que les gens sentent : cette cassure de la proximité n’est pas sans lien avec la crise que nous traversons.

La disposition que je propose pourrait, si elle était adoptée, forcer les sociétés comme Engie qui fournissent du gaz et de l’électricité à maintenir leurs centres d’appel en France.

M. Thierry Benoit. Pour moi, cher collègue, vous mêlez deux sujets différents.

Il y a d’abord les relations entre pays du Nord et pays du Sud. Le phénomène que vous décrivez peut être comparé à la désindustrialisation dans les pays du Nord qui s’est accompagnée d’une relocalisation de la production vers d’autres pays d’Europe et d’autres continents.

Il y a ensuite la question des services rendus par les entreprises aux usagers. Et là, je rejoins le mouvement social qui se développe en ce moment. Une partie des populations qui y participent se sent accablée par les charges et par les taxes, elle n’arrive plus à joindre les deux bouts et en même temps, a l’impression qu’il n’y a plus d’humain. On parle de chiffres, on parle d’objectifs, on parle d’équilibres budgétaires, la grande litanie des saints et des grands penseurs, bien plus intelligents que moi, et on oublie l’essentiel : où est la trajectoire humaine et sociale, comme je le demandais la semaine dernière au Premier ministre ?

Les questions que soulève M. François Ruffin correspondent à une réalité mais la réponse qu’il apporte n’est pas la bonne.

M. Guillaume Kasbarian. C’est la deuxième fois, Monsieur Ruffin, que vous m’invitez à sous-amender, mais vos amendements sont très généraux : ils mettent tout le monde dans le même panier, et ils appellent à des mesures radicales comme l’interdiction du démarchage téléphonique ou l’interdiction d’avoir recours à des centres d’appel à l’étranger. Vous dites que les Français comprennent ce que vous dites, mais je crois qu’ils peuvent tout autant me comprendre quand je parle d’un particulier qui achète un article sur internet, d’un artisan ou d’une PME qui se fournissent en matières premières à l’étranger. Je ne parle pas chinois, mais français, et de choses que les particuliers comme les entreprises font tous les jours. La seule différence, c’est que je n’essaie pas de vendre des solutions miracles.

J’entends vos arguments : il est important de développer le made in France et de laisser des centres d’appel implantés en France. Malheureusement, la solution ne peut se résumer à une ligne d’amendement. Les choses sont plus complexes et notre responsabilité politique, c’est d’expliquer la complexité aux Français plutôt que de leur dire des choses qui leur font plaisir.

La commission rejette l’amendement.

Article 7 (nouveau)
(art. L. 224-54-2 [nouveau] du code de la consommation)
Obligation pour les opérateurs exploitant un numéro à valeur ajoutée d’en suspendre l’accès en cas d’injonction de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation

La commission a adopté un amendement proposé par votre rapporteur, prévoyant que, dès lors que l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation constate ou suspecte une fraude opérée par le biais d’un service et d’un numéro à valeur ajoutée, elle adresse à ce service une injonction à cesser son comportement illicite.

Cette injonction devra être transmise à l’opérateur de communications électroniques exploitant le numéro à valeur ajoutée affecté au fournisseur de service concerné, qui aura alors à charge, de manière obligatoire, de suspendre l’accès à ce numéro, ainsi qu’à tous les numéros qu’il a affecté à ce même fournisseur de service ou de produit.

Il devra également cesser le versement des recettes générées par la surtaxe au fournisseur de produit ou de service concerné, pour les rembourser au consommateur.

En cas de non application de ces mesures, les opérateurs seront passibles d’une sanction administrative, plafonnée en fonction de leur chiffre d’affaires.

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*     *

La commission examine l’amendement CE34 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement a pour objet de responsabiliser les opérateurs dans la lutte contre la fraude aux numéros surtaxés afin de protéger au mieux le consommateur. Il a pour objet de prévoir que, dès lors que la DGCCRF constate ou suspecte une fraude opérée par le biais d’un fournisseur de service auquel est affecté un numéro à valeur ajoutée, elle adresse à ce fournisseur de service une injonction à cesser son comportement illicite. Cette injonction est transmise à l’opérateur de communications électroniques qui exploite le numéro à valeur ajoutée associé au service concerné, qui sera alors obligé de suspendre l’accès au numéro concerné, ainsi qu’à tous les numéros qu’il a affectés à ce même fournisseur de services.

M. Nicolas Démoulin. Nous sommes passés rapidement sur l’article 6 alors qu’il est au cœur de la proposition de loi et des solutions qu’elle apporte. Il s’agit de responsabiliser non seulement les éditeurs mais aussi les opérateurs téléphoniques. Je ne veux pas faire leur procès, mais il faut quand même rappeler que ces démarchages téléphoniques et ces numéros surtaxés leur font gagner de l’argent. Je veux féliciter le rapporteur pour son travail : si l’on considère la technicité et la complexité du problème, il faut reconnaître qu’il est allé très loin.

Pour en revenir à l’amendement CE34, nous y sommes tout à fait favorables, puisqu’il va dans le même sens.

La commission adopte l’amendement.

Article 8 (nouveau)
(art. L. 522-6 du code de la consommation)
Publicité des sanctions prononcées par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation

La commission a adopté un amendement proposé par votre rapporteur ayant pour objet de rendre obligatoire la publication des sanctions prononcées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, sauf lorsqu’une exception particulière le justifie.

Cette publication, prévue à l’article L. 522-6 du code de la consommation, est actuellement facultative.

Il s’agit de rendre ces sanctions suffisamment dissuasives : leur publication, qui pourrait affecter l’image d’une marque ou d’une entreprise, est un moyen d’atteindre cet objectif.

Il s’agit également de prendre en compte les recommandations du référé adressé par le Premier président de la Cour des comptes à la Garde des Sceaux et au ministre de l’économie et des finances en décembre 2017, estimant que « l’action de la DGCCRF gagnerait [...] en effectivité si ses décisions les plus significatives étaient davantage rendues publiques [...]. Afin d’accroître la portée des sanctions et l’information du consommateur, la DGCCRF devrait poser le principe d’une publication des sanctions, sauf exception justifiée, comme le font l’Autorité des marchés financiers et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ».

Deux exceptions sont toutefois prévues et pourront justifier une absence de publication ou une publication anonymisée :

– lorsque cette publication serait susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment lorsqu’elle inclut des données personnelles d’une personne physique ;

– lorsque la publication serait de nature à perturber gravement le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. 

*

*     *

La commission se saisit de l’amendement CE29 du rapporteur.

M. Christophe Naegelen. L’amendement a pour objet de rendre obligatoire et non plus facultative la publication des sanctions infligées par la DGCCRF.

Mme Annaïg Le Meur. Nous apprécions vraiment cet amendement qui propose un véritable name and shame pour faire avancer les choses. Nous y sommes donc favorables.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


—  1  —

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Conseil national de la consommation (CNC)

Mme Natalie Jouen Arzur, déléguée générale de l’Association française du multimédia mobile (AFMM)

Mme Géraldine Vial, directeur adjoint à la fédération française des assurances, en charge de la protection des consommateurs et de l’éducation financière

UFC  Que Choisir ? *

M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles

M. Cédric Musso, directeur de l’action politique

Fédération française des télécoms *

M. Olivier Riffard, directeur des affaires publiques

M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques du groupe Orange

Mme Violaine Godet, chargée des affaires parlementaires du groupe Orange

M. Anthony Colombani, directeur des affaires publiques du groupe Bouygues Télécom

Mme Claire Perset, directrice des affaires publiques et de la responsabilité sociale et environnementale du groupe SFR

Mme Marie Liane Lekpeli, chargée de mission d’EITelecoms

Fédération de la vente directe (FVD) *

M. Jacques Cosnefroy, délégué général

M. Pierre Weinstadt, responsable juridique

Association française de la relation client (AFRC)

M. Éric Dadian, président

Institut national de la consommation

Mme Patricia Foucher, chef du service économique, juridique et documentation

Mme Madame Camille Minaud, juriste

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

M. Loïc Duflot, directeur « Internet et utilisateurs »

M. Olivier Delclos, chef de l’unité « Opérateurs et Obligations Légales »

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *

Mme Marianne Mousseron, directrice de mission, direction droit de l’entreprise

M. Jules Guillaud, chargé de mission, direction des affaires publiques

Mme Nathalie Canal, chargée de mission à la FEVAD

Association française du multimédia mobile (AFMM) *

M. Pierre Trocmé, directeur des programmes vocaux

Syndicat professionnel des centres de contacts (SP2C)

M. Patrick Dubreil, président

Opposetel

M. Éric Huignard

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

M. Didier Gautier, directeur du service national des enquêtes (SNE)

Mme Nadine Mouy, sous-directrice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants dintérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants dintérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


Liste des contributions écrites reçues par le rapporteur

 

Confédération des petites et moyennes entreprises *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants dintérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants dintérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r0242.pdf

([2]) Étude du syndicat des professionnels des centres de contact (SP2C) : http://sp2c.org/wp-content/uploads/2015/10/CP-Etude-sectorielle-VF.pdf  

([3]) Idem.

([4]) Idem.

([5]) Données au 1er octobre 2018 transmises par Opposetel

([6]) Article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques.

([7]) Arrêté du 10 juin 2009 relatif à l’information sur les prix des appels téléphoniques aux services à valeur ajoutée

([8]) https://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/18-0881.pdf

([9]) Ce dispositif résulte de l’application de l’article L. 224-43 du code de la consommation, créé par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

([10])  Article L. 224-46 du code de la consommation.

([11]) Article L. 224-47 du code de la consommation.

([12]) Ce dispositif résulte de l’application de l’article L. 224-51 du code de la consommation, créé par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

([13]) Article L. 224-54 du code de la consommation.

([14]) Données issues de la DGCCRF : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/spams-vocaux-et-sms-fraudeurs-plus-en-plus-imaginatifs

([15]) https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/07/05/numeros-surtaxes-la-nouvelle-combine-des-arnaqueurs-pour-viser-les-ados_5326399_4355770.html

([16]) Article R. 223-6 du code de la consommation.