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N° 1449

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2018.

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, adoptée par le sénat,
visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants,

 

 

 

 

Par MPaul CHRISTOPHE,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat : 565 (2017-2018), 26, 27 rect. et T.A. 11 (2018-2019).

Assemblée nationale :  1353.

 

 


 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaires d’articles

Article 1er Intégration du thème des proches aidants à la négociation collective

Article 2 Indemnisation du congé de proche aidant

Article 2 bis Lutte contre la désinsertion professionnelle de certains salariés à risque

Article 3 Étendre le dispositif de majoration des droits à la retraite prévu pour les proches aidants de personnes en situation de handicap aux proches aidants de personnes âgées dépendantes

Article 4 Affiliation obligatoire à lassurance vieillesse du régime général

Article 5 Extension de lexpérimentation du relayage aux agents publics

Article 5 bis Financement du soutien aux proches aidants par la conférence des financeurs de la prévention de la perte dautonomie des personnes âgées

Article 6 Dispositions relatives à linformation du proche aidant

Article 7 Gage

Annexes

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées

Annexe 2 : Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

COMPTE-RENDU DES débats sur l’examen des articles

Article 1er Intégration du thème des proches aidants à la négociation collective

Avant larticle 2

Article 2 Indemnisation du congé de proche aidant

Après larticle 2

Article 2 bis Lutte contre la désinsertion professionnelle de certains salariés à risque

Article 3 Étendre le dispositif de majoration des droits à la retraite prévu pour les proches aidants de personnes en situation de handicap aux proches aidants de personnes âgées dépendantes

Article 4 Affiliation obligatoire à lassurance vieillesse du régime général

Article 5 Extension de lexpérimentation du relayage aux agents publics

Article 5 bis Financement du soutien aux proches aidants par la conférence des financeurs de la prévention de la perte dautonomie des personnes âgées

Article 6 Dispositions relatives à linformation du proche aidant

Après larticle 6

Article 7 Gage

Après larticle 7

 


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   Avant-propos

● Cette proposition de loi, déposée à l’initiative de notre collègue sénatrice Jocelyne Guidez, et rapportée par notre collègue sénateur Olivier Henno, a été adoptée à l’unanimité en séance publique en première lecture au Sénat.

Visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, cette proposition de loi a trait avant tout à un sujet de société, qui dépasse les clivages partisans et politiques et parle à chacun d’entre nous. Car nous pouvons tous un jour être amené à devenir proche aidant d’un membre de notre famille ou de notre entourage, ou à notre tour, être en position de personne aidée et avoir besoin de nous appuyer sur un proche. Alors que notre système de protection sociale repose de plus en plus sur l’implication des proches aidants, l’enjeu du vieillissement de la population n’est pas sans conséquences pour les quelque huit millions de Français qui aident quotidiennement un de leurs proches à faire face à la perte d’autonomie.

● C’est en 1994 que l’expression de « proche aidant » est employée pour la première fois en France. Il a fallu attendre plus de deux décennies avant qu’une prise de conscience n’émerge dans notre société sur l’existence même de ces proches aidants, que nous côtoyons tous, sans parfois même le savoir. Lié à la sphère de l’intime et de la famille, il n’est souvent pas facile pour un proche aidant lui-même de s’identifier et de se définir comme tel. De nombreux témoignages ont pu nous être rapportés en audition de personnes considérant comme « normal » ou « naturel » de venir en aide à leur proche, bien au-delà de ce qu’ils sont en mesure, physiquement et mentalement, de supporter au quotidien et ce pendant de longues années. Les niveaux d’épuisement des proches aidants sont parfois tels que leur espérance de vie est plus courte que celle de la personne aidée. La première priorité est donc d’aider et d’accompagner ces personnes à se reconnaitre comme « proche aidant » et d’accéder au soutien du reste de la société.  

Or, ce n’est que très progressivement, que le rôle des aidants, professionnels et bénévoles, est apparu dans le débat public et que les pouvoirs publics se sont emparés de cette question. La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement ([1]) dite « loi ASV » a contribué à une première reconnaissance officielle des proches aidants des personnes âgées, après la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui a officialisé la place des aidants de personnes en situation de handicap. Désormais, est considéré comme « proche aidant d’une personne âgée, son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu son pacte civil de solidarité, ou son concubin, un parent ou allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui leur vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne » (article L. 113‑1‑3 du code de l’action sociale et des familles).

Outre une première définition officielle des proches aidants, la loi ASV a également institué un « droit au répit pour le proche aidant » permettant à l’aidant d’un proche en perte d’autonomie de bénéficier jusqu’à 500 euros par an pour financer une période de répit dans le cadre de l’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA). La loi ASV a également transformé le congé de soutien familial en « congé de proche aidant », non rémunéré, instauré pour assister un proche très dépendant du fait de son handicap ou de son avancée en âge. 

● Ces avancées, non négligeables en faveur des proches aidants, restent toutefois insuffisantes et ne répondent que très partiellement aux besoins et aux attentes des proches aidants. En effet, les nombreux travaux parlementaires menés sur les proches aidants depuis plus d’un an et demi, parallèlement aux travaux lancés par le Gouvernement en préparation de la future réforme de la dépendance, ont mis en avant des besoins urgents et une attente pressante de la société d’obtenir des mesures rapides et concrètes.

Il y a un an, en novembre 2017, notre commission examinait la proposition de loi que j’ai eu l’honneur de rapporter, visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux. Adoptée à l’unanimité en séance publique à l’Assemblée le 7 décembre 2017, elle est adoptée conforme en première lecture au Sénat permettant une promulgation du texte un peu moins de trois mois après le début de son examen au Parlement ([2]).

En parallèle, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale lançait une mission « flash » sur les aidants familiaux pour laquelle notre collègue Pierre Dharréville fut nommé rapporteur. À l’issue de seize auditions et de rencontres avec près de vingt‑cinq institutions ou organismes spécialisées, une communication est rendue le 23 janvier 2018 et une proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants, est défendue par notre collègue Pierre Dharréville et renvoyée en commission lors de son examen en séance publique.

Le temps de la concertation, de l’écoute et des débats est aujourd’hui révolu. Le temps de l’action et de la réforme s’impose. Nos concitoyens, qui font face au quotidien aux défis, voire parfois aux drames, de la perte d’autonomie, ne peuvent plus attendre l’arrivée d’une « réforme globale » au calendrier incertain. Il faut agir maintenant avec des réponses concrètes. C’est le sens de cette proposition de loi.

I.   Un besoin urgent de répondre aux attentes des proches aidants qui ne peuvent plus être ignorées

● Les nombreux travaux parlementaires menés sur la question des proches aidants ont permis de faire émerger les besoins prioritaires des aidants et les réponses à y apporter tout en améliorant leur reconnaissance au sein de la société.

Des enquêtes d’opinion récentes citées par les associations de proches aidants auditionnées illustrent cette progression de la reconnaissance des proches aidants, en partie grâce au débat parlementaire. Selon le baromètre des aidant de la Fondation APRIL et l’Institut BVA pour 2018, 40 % des français ont entendu parler du sujet, soit une progression de 12 points par rapport à 2015 ([3]). Toutefois, 64 % des aidants ignorent encore qu’ils sont aidants.

Aujourd’hui, le constat des besoins prioritaires des proches aidants est bien connu et surtout bien établi, conforté par la remise en juin 2018 du rapport de Dominique Gillot, présidente du CNCPH, consacré aux proches aidants.

● Trois axes principaux de progrès peuvent être retenus, qui ont été soulignés par la mission « flash » sur les aidants familiaux précitée :

– le temps : l’une des principales difficultés auxquelles sont confrontés les proches aidants est de réussir à concilier leur vie professionnelle avec leur vie privée et familiale. Selon un rapport du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge ([4]) : « dans la conciliation des temps à laquelle font face les proches aidants, moins que le temps professionnel (pour les actifs), ce serait le plus souvent les vies personnelle, familiale et sociale qui serviraient de variable d’ajustement. » À cette difficulté s’ajoute, la volonté des aidants de maintenir et conserver leur activité professionnelle dans un souci de conserver un revenu suffisant mais aussi d’éviter un risque de désinsertion professionnelle et d’isolement accru ;

– les ressources : les proches aidants sont bien souvent obligés d’interrompre leur carrière professionnelle pour s’occuper d’un proche en perte d’autonomie, faute d’autres solutions. À la perte de revenu immédiate s’ajoute la baisse du niveau de leur future pension de retraite en raison de l’interruption pendant plusieurs mois ou années des cotisations vieillesse. Cette double peine, qui creuse les inégalités, marque aussi l’absence de reconnaissance du rôle des proches aidants dans notre société ;

– l’accompagnement : les proches aidants souffrent très souvent d’une charge ressentie ou d’un « fardeau ». À cette charge s’ajoute l’impression d’être seul, et parfois démuni, pour répondre aux besoins de l’aidé pour un tiers des aidants faute d’appui ou de soutien moral. Cet isolement des aidants conduit souvent à une dégradation de leur propre santé physique et psychique. Selon le dernier baromètre de la Fondation AVRIL et de l’Institut BVA sur les aidants, 31 % des aidants déclarent délaisser leur santé et près de 40 % disent souffrir de stress et d’anxiété, pourcentage atteignant 50 % des aidants lorsqu’ils vivent avec l’aidé.

II.   Les avancées portées par cette proposition de loi envoient des signaux positifs et encourageant

● La principale avancée de cette proposition de loi est la mise en place d’une indemnisation du congé de proche aidant (article 2). Calquée sur l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), cette indemnité repose sur un mode de financement original, sans impact sur les finances publiques, reposant sur la solidarité intergénérationnelle et nationale par l’instauration d’une taxe sur les primes des contrats individuels et collectifs de retraite professionnelle supplémentaire.

L’instauration d’une indemnité de proche aidant est une condition indispensable pour faciliter et développer le recours au congé de proche aidant. Selon les données du ministère des solidarités et de la santé, seule une dizaine de congés de proche aidant auraient été pris depuis sa mise en place en 2016. En effet, l’absence d’indemnisation est un obstacle souvent rédhibitoire à la mobilisation de ce congé ; les aidants devant d’absenter temporairement de leur travail pour s’occuper de leur proche sont contraints de se tourner vers d’autres formes d’arrêt de travail.

L’article 2 assouplit également les conditions d’éligibilité au congé de proche aidant en abaissant à six mois la condition d’ancienneté requise dans l’entreprise et en allongeant sa durée maximale à trois ans sur l’ensemble de la carrière du salarié. La durée maximale actuelle, fixée à un an, est beaucoup trop courte pour être adaptée aux besoins des proches aidants.

● L’article 1er répond au besoin d’une meilleure prise en compte des aidants au sein des branches professionnelles. Si certaines grandes entreprises se sont déjà emparées de la situation des salariés proches aidants, cette prise en compte est encore loin d’être systématique, notamment au sein des PME-TPE. Cet article vise ainsi à intégrer au champ obligatoire de la négociation collective de branche le thème de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants.

● Une autre mesure visant à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des proches aidants est l’expérimentation du « relayage » au domicile pour les personnes âgées et en situation de handicap qui autorise les établissements et services médico-sociaux à déroger à certaines règles du droit du travail, pour permettre une prise en charge plus continue de la personne aidée. Introduite par la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, l’article 5 propose d’étendre l’expérimentation du « relayage » aux agents publics travaillant dans les établissements médico-sociaux publics.

● Les articles 3 et 4 visent à harmoniser les dispositifs existants par un alignement des droits des aidants quel que soit le statut de la personne aidée.

L’article 3 élargit au proche aidant d’une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité la possibilité de bénéficier d’une majoration de ses périodes d’assurance pour le calcul de ses droits à pension, à l’instar du dispositif existant pour les proches aidants d’une personne en situation de handicap. L’article 4, complémentaire de l’article 3, vise à ouvrir le droit à l’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général à tous les profils de proches aidants.

● Le volet droit à l’information des proches aidants est également enrichi par cette proposition de loi. L’article 6 a ainsi pour objet d’améliorer l’identification des proches aidants et des personnes aidées par l’ajout de cette mention dans la puce de la carte vitale. L’ajout de cette information pourrait faire gagner un temps précieux dans l’identification d’un aidant en cas d’accident ou d’hospitalisation par exemple. Un guide de l’aidant et la mise en place d’un site internet en direction des proches aidants sont également prévus.

Si des outils d’information existent déjà, tel le guide « Aidant familial : votre guide pratique » faisant 168 pages et au prix de 8 euros, votre rapporteur déplore leur manque de lisibilité et d’accessibilité, en particulier pour répondre aux questions du quotidien des aidants. Il est urgent de mettre à disposition des proches aidants des guides type « facile à lire et à comprendre » ainsi que des sites internet avec une information simple et, si possible, géolocalisée.

● Cette proposition de loi propose aussi d’accroitre les moyens d’action des départements en faveur du soutien aux proches aidants. Les départements sont aujourd’hui au cœur de l’accompagnement de la perte d’autonomie au quotidien. Les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, créées par la loi ASV, définissent un programme coordonné des actions individuelles et collectives de prévention, financé par concours financiers de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Or, les actions de ces programmes de soutien et d’accompagnement des proches aidants sont actuellement exclues des concours financiers de la CNSA.

L’article 5 bis a ainsi pour objet de permettre à la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes de financer des actions de soutien aux proches aidants.

III.   la nécessité d’aller plus loin à l’occasion des prochaines réformes retraites et dépendance

Les avancées proposées par cette PPL s’adresse essentiellement aux salariés proches aidants. Or, selon le baromètre de la Fondation APRIL et de l’Institut BVA sur les aidants de 2018, près de 48 % des aidants ne travaillent pas.

Loin d’épuiser le sujet des proches aidants, de nombreuses autres pistes mériteront d’être poursuivies à la suite de cette proposition de loi que ce soit dans le cadre d’une initiative parlementaire ou des futures réformes globales portées par le Gouvernement sur les retraites et la dépendance.

● En premier lieu, la future réforme systémique des retraites devra être l’occasion de sécuriser la reconnaissance des proches aidants, notamment dans son volet « solidarité ». Or, comme nous l’a confirmé le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, lors de son audition,  seule l’instauration d’une indemnisation du congé de proche aidant permettra l’ouverture de droit à des points pour la retraite. L’objectif est d’éviter une double peine pour les proches aidants interrompant leur activité professionnelle.

● Ensuite, les proches aidants souffrent d’un manque de formation et de reconnaissance, et doivent constamment concilier obligations professionnelles et rôle d’aidant. Trop souvent, les proches aidants renoncent à des dispositifs auxquels ils ont droit, faute d’une information ou d’un accompagnement suffisant. C’est pourquoi, il est crucial de renforcer à la fois l’offre de formation en direction des aidants pour les accompagner dans leur rôle d’aidant mais également lors de leur retour à l’emploi, à l’issue d’un congé de proche aidant par exemple.

● Enfin, selon votre rapporteur, il est indispensable aujourd’hui de sortir de la logique binaire qui oppose le maintien à domicile et la prise en charge en EHPAD pour les personnes en perte d’autonomie. Il faut aller vers l’ouverture des établissements médico-sociaux et le développement de solution intermédiaire avec des formes de « relais EHPAD hors les murs ». La diversification des options de prise en charge permettra de soulager le poids qui repose aujourd’hui sur les aidants s’efforçant d’assurer le maintien à domicile de leurs proches, souvent par crainte du placement en établissement.

 

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   Commentaires d’articles

La commission a rejeté la proposition de loi modifiée.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

Article 1er
Intégration du thème des proches aidants à la négociation collective

 

Rejeté par la commission

Cet article, modifié par le Sénat en commission et en séance publique, vise à intégrer au champ obligatoire de la négociation collective de branche le thème de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants.

Il a également pour objet de faire prévaloir la convention ou l’accord de branche sur la convention ou l’accord collectif d’entreprise pour définir les modalités de mise en œuvre du congé de proche aidant.

Enfin, il rend prioritaires au compte personnel de formation les salariés qui se seraient absentés au titre des congés sociaux non rémunérés.

I.   Le dispositif initial

L’article 1er reprenait l’article 33 de la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel ([5]), introduit par un amendement déposé par la sénatrice Jocelyne Guidez en première lecture, qui a fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel ([6]), au motif d’une absence de lien, même indirect, avec le texte déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en première lecture.

Dans sa rédaction initiale, l’article 1er prévoyait d’intégrer le thème de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants aux champs obligatoires de la négociation collective que ce soit par convention de branche ou accord professionnel ou par négociation collective en entreprise.

Le  modifiait en ce sens l’article L. 2241‑1 du code du travail relatif aux thèmes obligatoires de la négociation collective applicable aux organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels.

Il s’agissait d’imposer aux organisations liées par une convention de branche ou un accord professionnel de se réunir, au moins tous les quatre ans, pour négocier les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants.

Le  complétait dans le même sens l’article L. 2242‑1 du code du travail relatif aux thèmes obligatoires de la négociation obligatoire applicables à toutes les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives.

II.   Les modifications apportées par le sénat

Le dispositif initial a été modifié par le Sénat en commission puis en séance publique.

● La commission des affaires sociales a adopté un amendement à l’initiative du rapporteur visant à supprimer le 2° relatif à la modification du périmètre des champs obligatoires de la négociation collective d’entreprise « afin de conserver à cette dernière une certaine souplesse » ([7]).

En outre, cet amendement crée un  modifiant le premier alinéa de l’article L. 3142‑26 du code du travail relatif à la mise en œuvre du droit à congé de proche aidant. Désormais, les modalités de mise en œuvre du congé de proche aidant seront déterminées par convention ou accord de branche à titre principal et non plus à titre subsidiaire.

● Un amendement adopté en séance publique complète l’article par un  visant à rendre prioritaires au compte personnel de formation (CPF), dans les conditions prévues à l’article L. 6323‑14 du code du travail, les salariés mentionnés à l’article L. 6323‑12 qui se seraient absentés au titre des congés sociaux tel que le congé de proche aidant.

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Article 2
Indemnisation du congé de proche aidant

Rejeté par la commission

Cet article, modifié par le Sénat en commission des affaires sociales et en séance publique, vise à :

– assouplir les conditions d’éligibilité au congé de proche aidant en abaissant à 6 mois la condition d’ancienneté dans l’entreprise et en allongeant sa durée maximale à 3 ans sur l’ensemble de la carrière du salarié ;

– indemniser le congé de proche aidant sur le modèle de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) ;

– financer l’indemnité de proche aidant par la création d’un fonds spécifique alimenté par une taxe à 1,7 % sur les primes des contrats individuels et collectifs de retraite professionnelle supplémentaire.

I.   Le droit en vigueur

La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement ([8]) a transformé le congé de soutien familial en « congé de proche aidant » dont les conditions d’accès ont été élargies.

Le congé de proche aidant, instauré pour permettre à un aidant d’assister un proche très dépendant du fait de son handicap ou de son avancée en âge, est non rémunéré et peut être fractionné ou, sous réserve de l’accord de l’employeur, être transformé en congé à temps partiel.

Destiné à faciliter la conciliation vie professionnelle/vie familiale des aidants, l’accès au congé de proche aidant apparaît complexe et peu incitatif pour les salariés. Le taux de recours reste ainsi encore très faible.

1.   Les conditions d’accès au congé de proche aidant

a.   Les bénéficiaires du congé de proche aidant

À l’origine, le congé de soutien familial était uniquement accessible au proche aidant auprès d’un membre de sa famille ([9]). Avec la transformation du congé de soutien familial en congé de proche aidant par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, la liste des salariés éligibles au congé de proche aidant a été élargie au-delà du cercle familial, en cohérence avec la définition légale du proche aidant. Le congé peut désormais être pris en vue d’aider « une personne âgée ou handicapée avec laquelle le salarié réside ou entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne » (9° de l’article L. 3142‑16 du code du travail).

Depuis la loi travail du 8 août 2016 ([10]), l’ancienneté requise pour pouvoir bénéficier du congé de proche aidant est passée de deux ans à un an, en application de l’article L. 3142‑16 du code du travail. La personne aidée doit, en outre, présenter un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité.

b.   La durée du congé de proche aidant

L’article L. 3142‑26 du code du travail renvoie à une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche la fixation des éléments suivants :

– la durée maximale du congé ;

– le nombre de renouvellements possibles ;

– les délais d’information de l’employeur par le salarié sur la prise de congé et son renouvellement, ainsi que le délai de prévenance que l’intéressé doit respecter en cas de retour avant la fin du congé ;

– les délais de demande du salarié et de réponse de l’employeur sur le fractionnement du congé ou sa transformation en période d’activité à temps partiel.

À défaut de dispositions conventionnelles, la durée maximale du congé de proche aidant est de trois mois (article L. 3142‑27 du code du travail). Il est renouvelable dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière du salarié (article L. 3142‑19 du même code). Cette limite, qui est d’ordre public, s’impose tant aux salariés qu’aux employeurs.

Avec l’accord de son employeur, le congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel ou être fractionné (article L. 3142‑20 du même code). En cas de fractionnement, la durée minimale de chaque période de congé est d’une journée.

c.   La cessation anticipée du congé de proche aidant

Le salarié peut décider de mettre fin au congé de proche aidant de manière anticipée ou d’y renoncer dans les cas énoncés à l’article L. 3142‑19 du code du travail :

– décès de la personne aidée ;

– admission dans un établissement de la personne aidée ;

– diminution importante des ressources du salarié ;

– recours à un service d’aide à domicile pour assister la personne aidée ;

– congé de proche aidant pris par un autre membre de la famille.

2.   Un congé non indemnisé

Le congé de proche aidant, contrairement à d’autres congés sociaux, ne fait l’objet ni d’une rémunération ni d’une indemnisation.

Congés sociaux faisant l’objet d’une indemnisation

Le congé de solidarité familiale (article L. 3142‑6 du code du travail)

Il s’adresse à tout salarié, sans condition d’ancienneté, dont un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant son domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable.

Le salarié en congé de solidarité familiale peut percevoir l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Son montant est fixé par décret et le nombre maximal d’allocations journalières est fixé à 21.

Le congé de présence parentale (article L. 1225‑62 à L. 1225‑65 du code du travail)

Il est attribué au salarié ayant à charge un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants.

Les bénéficiaires de ce congé perçoivent une allocation journalière de présence parentale définie à l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale.

En outre, en application de l’article L. 3142‑18 du code du travail, lorsque le salarié bénéficie du congé de proche aidant, il ne peut exercer aucune activité professionnelle, sauf si le congé est utilisé sous la forme d’une réduction du temps de travail.

Néanmoins, le salarié proche aidant peut être employé par la personne aidée dans deux situations bien encadrées :

– lorsque la personne aidée perçoit l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), celle-ci peut employer son proche aidant à condition que l’aidant ne soit ni son conjoint, ni son concubin, ni la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité (PACS) ;

– lorsque la personne aidée perçoit la prestation de compensation du handicap (PCH), elle peut choisir de rémunérer ou de dédommager le proche aidant avec la partie « aides humaines » de la PCH dans les conditions prévues à l’article L. 245‑12 du code de l’action sociale et des familles.

3.   Un faible taux de recours au congé de proche aidant

Aujourd’hui, le taux de recours au congé de proche aidant serait extrêmement faible, même si nous ne disposons pas de données chiffrées précises à ce sujet. Selon des données communiquées par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et reprises dans le rapport d’Olivier Henno ([11]), sur une estimation du nombre potentiel de proches aidants éligibles au congé de proches aidants, qui s’élèverait à 267 712 personnes, seule une dizaine de personnes aurait effectivement eu recours au congé de proche aidant depuis sa mise en œuvre en 2016.

Selon les associations de proches aidants auditionnés par votre rapporteur, les modalités d’accès complexes et l’absence d’indemnisation seraient des facteurs de renoncement au congé de proche aidant. En effet, l’absence d’indemnisation est un « frein puissant » ([12]) à la prise de congé du proche aidant selon Mme Dominique Gillot. Le même constat avait été fait à l’issue de la mission « flash » sur les aidants, conduite par notre collègue Pierre Dharréville : « labsence dindemnisation est un obstacle souvent rédhibitoire à la mobilisation du congé de proche aidant. » ([13]).

Face à ce constat, une proposition de loi visant une reconnaissance sociale des aidants, a été déposée et rapportée par notre collègue Pierre Dharréville à l’issue des travaux de la mission « flash » et examinée en février 2018. Cette proposition de loi proposait déjà d’indemniser le congé de proche aidant sur la base d’une allocation journalière pendant toute la durée du congé. Renvoyée en commission lors de son examen en séance publique, cette proposition de loi n’a pas abouti.

II.   Le dispositif initial

Le dispositif initial de l’article 2 visait à modifier les conditions d’éligibilité au congé de proche aidant et à instaurer une indemnisation pour ce congé financée par un fonds spécifique alimenté par une recette unique : une surcote sur la prime d’un certain nombre de contrats d’assurance.

● Le tendait à assouplir la condition liée à l’ancienneté dans l’entreprise pour pouvoir prétendre au congé de proche aidant en l’abaissant à six mois au lieu d’un an.

● Le a du  portait le plafond de la durée totale du congé de proche aidant à trois ans, au lieu de un an, sur l’ensemble de la carrière du salarié.

● Les b, c et d du  modifiaient les conditions liées à la cessation anticipée du congé de proche aidant.

Le b prévoyait le retrait de l’initiative de la fin anticipée du congé au salarié pour attribuer un caractère impératif aux cas de fin anticipée énumérés à l’article L. 3142‑19 du code du travail.

Les cas de fin anticipée étaient modifiés dans le sens d’un resserrement des conditions. Le c prévoyait que l’admission de la personne aidée dans un établissement devait désormais être « permanente ». Le d supprimait des cas de cessation anticipée : « la diminution importante des ressources du salarié » et « le recours à un service daide à domicile pour assister la personne aidée ».

● Le  visait l’instauration d’une indemnité ouverte aux personnes bénéficiant d’un congé de proche aidant. Cette indemnité était calculée sur la base des trois derniers salaires mensuels perçus par le salarié et dans la limite du quart du plafond mensuel de la sécurité sociale. Il était précisé que cette indemnité était versée par l’employeur au salarié et que ce versement était intégré à la déclaration sociale nominative (DSN).

● Le  instaurait le financement de l’indemnité de proche aidant. Le mode de financement reposait sur un mécanisme original avec la création d’un dispositif mutualisé financé par un prélèvement sur les primes de contrats d’assurance. L’objectif était d’éviter une dégradation des finances publiques pour assurer le financement de l’indemnité tout en sollicitant la solidarité nationale.

Un fonds spécifique, administré par un conseil de gestion paritaire et géré par la Caisse des dépôts et consignation (CDC) était créé à cette fin. Ce fonds était alimenté par une recette unique issue d’une surcote sur la prime d’un certain nombre de contrats d’assurance individuels et collectifs.

● Le  modifiait le champ de la négociation collective sur la mise en œuvre du droit au congé de proche aidant en supprimant la détermination du nombre de renouvellements possibles.

III.   Les modifications apportées par le sénat

À l’initiative du rapporteur Olivier Henno, le dispositif initial de l’article 2 a été profondément modifié lors de l’examen en commission puis en séance publique dans le sens d’un rapprochement du congé de proche aidant avec les autres congés spéciaux et d’une clarification des modalités d’indemnisation et de financement de l’indemnité.

1.   En commission des affaires sociales

● La commission a adopté un amendement visant à rétablir la capacité du salarié de décider de la fin anticipée de son congé de proche aidant. Il vise aussi à rétablir la diminution importante des ressources du salarié comme motif de cessation anticipée du congé de proche aidant.

La substitution de la décision d’un tiers à celle du salarié de mettre fin au congé de proche aidant aurait pu faire de l’employeur « lautorité décisionnaire en matière de fin anticipée du congé de proche aidant ». Cela posait deux types de problèmes selon le rapporteur. D’une part, ce changement était peu protecteur des droits du salarié. D’autre part, cela « ferait de lemployeur le destinataire dinformations quil ne détient pas » ([14]).

● Afin de rapprocher l’indemnisation du congé de proche aidant de celle des autres congés sociaux, les modalités de calcul de l’indemnité sont calquées sur celles de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) individuelle prévue à l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale. Le même plafonnement à 22 jours du nombre d’allocations journalières versées chaque mois s’appliquera pour l’indemnisation du congé de proche aidant.

Concernant les règles de cumul de cette indemnité avec d’autres sources de revenu :

– la possibilité de cumuler l’indemnité de proche aidant avec le salaire dans le cas d’un congé à temps partiel est maintenue dès lors que ce cumul ne dépasse pas le plus petit des deux montants entre la rémunération contractuelle et le plafond mensuel de versement de l’indemnité ;

– toute autre possibilité de cumul est supprimée.

● Toujours à l’initiative du rapporteur, un amendement de clarification de l’assiette de financement de l’indemnité du congé de proche aidant a été adopté. L’assiette est ainsi circonscrite aux contrats individuels et collectifs de retraite professionnelle supplémentaire. L’objectif recherché étant de « faire reposer le financement de lindemnité de proche aidant sur une assiette de financement cohérente et clairement identifiée » ([15]).


Les contrats visés par la taxe au taux de 1,7 % seront :

– les contrats collectifs de retraite professionnelle supplémentaire de l’article L. 143‑1 du code des assurances ;

– les contrats de prévoyance et de retraite supplémentaire des professions non salariées mentionnés à l’article L. 144‑1 du même code ;

– les plans d’épargne retraite populaire définis à l’article L. 144‑2 ;

– les contrats de retraite professionnelle supplémentaire de l’article L. 222‑3 du code de la mutualité.

Cet amendement ouvre aussi la possibilité de financer le fonds à partir d’autres sources de financement que le seul produit des primes assurantielles. Il requalifie également de « taxe » la surcote prévue dans la proposition de loi initiale pour prendre acte de la nature fiscale du prélèvement.

● Enfin, un amendement vient rétablir la détermination du nombre de renouvellements possible du congé de proche aidant dans le champ de la convention collective.

2.   En séance publique

● À l’initiative du rapporteur, les dispositions relatives à l’intervention de l’employeur dans le versement de l’indemnité du congé de proche aidant ont été supprimées. Il s’agit de rapprocher encore davantage l’indemnité de proche aidant de l’allocation journalière de présence parentale, laquelle est versée par la caisse d’allocation familiale (CAF) ou la mutualité sociale agricole (MSA).

● À l’initiative des membres du groupe Socialiste et républicain et apparentés, un amendement a rétabli les dispositions du texte initial relatives aux conditions de cumul de l’indemnité de proche aidant. L’indemnité sera ainsi cumulable avec :

– la rémunération versée au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) de la personne aidée prévue à l’article L.232‑7 du code de l’action sociale et des familles ;

– la prestation de compensation de handicap dans les conditions prévues à l’article L. 245‑12 du même code.

Le cumul n’est cependant pas possible avec l’allocation journalière de présence parentale prévue à l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale. 

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Article 2 bis
Lutte contre la désinsertion professionnelle de certains salariés à risque

Rejeté par la commission

Cet article, introduit par amendement en séance publique, vise à inclure les salariés en risque de désinsertion professionnelle pour cause de maladie, d’accident ou de situation de handicap dans le dispositif de reconversion ou de promotion sociale et professionnelle par action de formation spécifique pour faciliter leur réorientation anticipée.

Le présent article, introduit par un amendement adopté en séance publique à l’initiative du groupe Socialiste et républicain et apparentés du Sénat, vise à compléter l’article L. 6324‑1 du code du travail ([16]) relatif à la reconversion ou la promotion par alternance ou par action de formation spécifique.

L’objectif est d’inclure les salariés en risque de désinsertion professionnelle pour cause de maladie, d’accident ou de situation de handicap dans le dispositif de reconversion ou de promotion sociale et professionnelle par des actions de formation.

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Article 3
Étendre le dispositif de majoration des droits à la retraite prévu pour les proches aidants de personnes en situation de handicap aux proches aidants de personnes âgées dépendantes

Rejeté par la commission

Cet article prévoit d’étendre le dispositif de majoration de la durée d’assurance vieillesse, dont bénéficient aujourd’hui les aidants familiaux de personnes en situation de handicap, aux aidants familiaux de personnes âgées dépendantes

Le présent article, adopté sans modification par le Sénat dans la rédaction initiale de la présente proposition de loi, reprend quasiment à l’identique l’article 4 de la proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants ([17]) rapportée par notre collègue Pierre Dharréville et examinée par notre commission le 21 février 2018. Cet article reprenait déjà une proposition de loi ([18]) déposée par votre rapporteur le 27 septembre 2017 mais non examinée.

I.   Le droit en vigueur

Extraits du rapport de notre collègue Pierre Dharréville, rapporteur de la proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants ([19])

Les articles L. 351-4-1 et L. 351-4-2 du code de la sécurité sociale permettent aux proches aidants de personnes en situation de handicap de bénéficier d’une majoration de la durée d’assurance pour la détermination de leur droit à pension, sous certaines conditions. Cette majoration est cumulable avec toutes les autres majorations prévues par le code de la sécurité sociale.

Dans un premier temps, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a mis en place un dispositif de majoration de la durée d’assurance de retraites pour les parents d’enfants en situation de handicap.

Ainsi, l’article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les assurés sociaux bénéficiant de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou, en lieu et place de cette allocation, de la prestation de compensation du handicap (PCH) – c’est-à-dire les parents d’enfant en situation de handicap – bénéficient d’une majoration de leur durée d’assurance d’un trimestre par période d’éducation de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

La loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a étendu le bénéfice de ce dispositif aux aidants familiaux assurant une prise en charge permanente d’un adulte en situation de handicap, sous certaines conditions.

L’article L. 351-4-2 du code de la sécurité sociale prévoit ainsi que l’assuré social assumant, au foyer familial, la prise en charge permanente d’un adulte en situation de handicap qui est son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ou son ascendant, descendant ou collatéral ou l’ascendant, descendant ou collatéral d’un des membres du couple bénéficie d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

L’article D. 351-1-7 du même code fixe à 80 % le taux d’incapacité de la personne prise en charge à partir duquel cette majoration peut être obtenue, même si les conditions ont été assouplies par la Caisse nationale d’assurance vieillesse par voie de circulaire (les conditions pour obtenir une retraite anticipée suffisent).

Le code de la sécurité sociale ne prévoit pas de dispositif équivalent pour les assurés sociaux assumant la prise en charge permanente d’une personne âgée dépendante, sans qu’il existe de justification à cette différence de traitement.

II.   Le dispositif proposé par le sénat

Dans un souci d’harmonisation et de rapprochement des droits de l’aidant de la personne handicapée avec ceux de l’aidant de la personne âgée, cet article propose d’étendre le bénéfice de la majoration de la durée d’assurance dont bénéficient les aidants familiaux de personnes en situation de handicap aux aidants familiaux de personnes âgées dépendantes. Il s’agit également d’une des recommandations de Dominique Gillot présentées dans le tome II de son rapport consacré aux proches aidants. ([20])

Le I créé à cet effet un nouvel article L. 351‑4‑3 dans le code de sécurité sociale qui prévoit que les assurés sociaux assumant, au foyer familial, la prise en charge permanente d’une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité bénéficient d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

Ce nouveau dispositif est symétrique à celui existant pour les aidants de personnes en situation de handicap. Il reprend les mêmes critères relatifs au lien de parenté requis ainsi qu’à la durée de majoration.

Il est prévu qu’un décret d’application précise les critères d’appréciation de la particulière gravité de la perte d’autonomie de la personne prise en charge.

Le II prévoit une application du I aux pensions de retraites liquidées à compter du lendemain de la publication de la présente loi.

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Article 4
Affiliation obligatoire à lassurance vieillesse du régime général

Rejeté par la commission

Cet article, modifié par le Sénat en commission des affaires sociales, vise à harmoniser les conditions d’ouverture de l’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse de tous les proches aidants sur celles des salariés bénéficiant du congé de proche aidant. L’objectif principal est d’élargir cette affiliation au-delà des aidants du cercle familial.

I.   Le droit en vigueur

L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ou l’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général vise à garantir une continuité dans la constitution des droits à la retraite des personnes qui cessent ou réduisent leur activité professionnelle pour s’occuper soit d’un ou plusieurs enfants soit d’un proche en situation de handicap ou en perte d’autonomie.

L’article L. 381‑1 du code de la sécurité sociale fixe les conditions dans lesquelles un proche aidant pourra bénéficier de l’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général : 

– le bénéficiaire du congé de proche aidant, mentionné à l’article L. 3142‑16, est obligatoirement affilié à l’assurance vieillesse du régime général. L’affiliation n’est pas subordonnée à des conditions de ressources. La durée de l’affiliation est limitée à la durée du congé ;

– les travailleurs non-salariés qui interrompent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un conjoint, d’un concubin, d’un ascendant, d’un descendant, d’un enfant à sa charge ou d’un collatéral présentant un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité. La durée d’affiliation est calquée sur celle applicable aux salariés bénéficiaires d’un congé de proche aidant : trois mois renouvelable dans la limite d’une année ;

– toute personne, salariée ou non salariée, qui n’exerce aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel ayant la charge d’un enfant handicapé de moins de 20 ans vivant à domicile d’une incapacité permanente d’au moins 80 % ou assumant la charge d’un adulte handicap vivant à domicile dont la CDAPH a reconnu la nécessité d’un assistant et d’une présence soutenue, d’une incapacité permanente d’au moins 80 %, si la personne est son conjoint, son concubin, son ascendant, son descendant ou son collatéral. Il n’y pas de limite de durée à l’affiliation dans ces cas précis.

L’accès à l’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse est conditionné à l’existence d’un lien familial entre le proche aidant et la personne aidée pour les travailleurs non salariés. Or, le congé de proche aidant est ouvert au salarié s’occupant d’une « personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente ».

II.   Le dispositif initial

Le dispositif initial de l’article 4 modifie l’article L. 381‑1 du code de la sécurité sociale pour harmoniser les conditions d’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général de l’ensemble des proches aidants avec celles applicables aux salariés proches aidants.

Le  concerne la situation des travailleurs non‑salariés qui interrompent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un membre de leur famille en situation de handicap ou en perte d’autonomie d’une particulière gravité. Les trois premiers alinéas du a du  visent à :

– élargir l’affiliation obligatoire au-delà du cercle familial en intégrant les situations où la personne aidée est une « personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables » ;

– ouvrir l’affiliation obligatoire aux accueillants familiaux mentionnés à l’article L. 441‑1 du code de l’action sociale et des familles.

Les deux derniers alinéas du a et le b et le c du  suppriment la durée initiale d’affiliation de trois mois ainsi que la durée maximale d’affiliation d’un an et prévoient la fin de l’affiliation avec l’un des cas de fin anticipée du congé de proche aidant prévus à l’article L. 3142‑19 du code du travail.

Le traite la situation des personnes, salariées ou non salariées, lesquelles n’exercent aucune activité professionnelle ou seulement à temps partiel :

– concernant les personnes assumant la charge à domicile d’une personne handicapée, le a supprime la condition de la reconnaissance par la CDAPH de la nécessité d’une assistance et d’une présence soutenue pour bénéficier de l’affiliation obligatoire ;

– le b élargit l’affiliation de ces personnes aux cas où elles seraient aidantes d’« une personne âgée ou handicapée, avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, présentant une perte dautonomie dune particulière gravité » ;

– le d ouvre également l’affiliation obligatoire aux accueillants familiaux.

III.   Les modifications apportées par le sénat

La commission des affaires sociales a apporté des modifications au  de l’article dans le sens d’une plus grande harmonisation des droits des proches aidants ayant interrompu leur activité professionnelle. La durée initiale d’affiliation de trois mois est rétablie et la durée maximale de l’affiliation est alignée sur celle du congé de proche aidant telle que modifiée par la présente proposition de loi.

La commission a également adopté un amendement supprimant les dispositions relatives à l’ouverture de l’affiliation obligatoire aux accueillants familiaux, dont l’activité s’exerce à titre onéreux et ouvre donc déjà droit à la validation de périodes d’assurance.

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Article 5
Extension de lexpérimentation du relayage aux agents publics

Rejeté par la commission

Cet article, modifié au Sénat en commission des affaires sociales, a pour objet d’étendre, par décret, aux agents publics travaillant dans des établissements médico‑sociaux l’expérimentation du relayage prévue à l’article 53 de la loi du 10 août 2018 pour un État au servcice d’une société de confiance.

I.   Le dispositif initial

Le dispositif initialement proposé reprenait, quasiment à l’identique, l’article 53 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance ([21]).

Cet article permet l’expérimentation du « relayage » au domicile pour les personnes âgées et en situation de handicap en autorisant les établissements et services médico‑sociaux à déroger à certaines règles du droit du travail, pour permettre une prise en charge plus continue de la personne aidée. ([22])

II.   Les modifications apportées par le Sénat

Par cohérence avec le droit déjà en vigueur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de suppression de la quasi-intégralité de larticle, à lexception de la disposition renvoyant à un décret lapplication de lexpérimentation aux agents travaillant dans des établissements médicosociaux publics.

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Article 5 bis
Financement du soutien aux proches aidants par la conférence des financeurs de la prévention de la perte dautonomie des personnes âgées

Rejeté par la commission

Cet article, introduit au Sénat en séance publique par un amendement de M. Hugues Saury et plusieurs de ces collègues, a pour objet de permettre à la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes de financer des actions de soutien aux proches aidants.

I.   Le droit en vigueur

La conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées (CFPPA) est un des dispositifs créé par la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015 ([23]) et codifié à l’article L. 233‑1 du code de l’action sociale et des familles.

Un décret du 26 février 2016 ([24]) met en place les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées et en précise la composition. Présidée par le président du conseil départemental, le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) assure la vice-présidence de la conférence des financeurs. Elle comporte également des représentants du département, de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) dans le département ainsi que des collectivités territoriales volontaires et des EPCI contribuant au financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie. L’objectif recherché est de fédérer les acteurs du secteur sur des actions et des stratégies partagées.

Instance de coordination institutionnelle, chaque conférence départementale a un triple rôle :

– établir un diagnostic des besoins des personnes âgées de soixante ans et plus résidant sur le territoire départemental ;

– recenser les initiatives locales ;

 définir un programme coordonné de financement des actions individuelles et collectives de prévention.

Le contenu de ce programme, établi pour une durée de cinq ans et en coordination avec les orientations nationales de prévention de la perte d’autonomie, du schéma départemental relatif aux personnes en perte d’autonomie et du projet régional de santé, est défini à l’article L. 233‑1 précité.

Extrait de l’article L. 233‑1 du code de l’action sociale et des familles

Le programme défini par la conférence porte sur :

 Lamélioration de laccès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile, notamment par la promotion de modes innovants dachat et de mise à disposition et par la prise en compte de lévaluation prévue au 5° du I de larticle L. 14-10-1 du présent code ;

 Lattribution du forfait autonomie mentionné au III de larticle L. 313-12 du présent code ;

 La coordination et lappui des actions de prévention mises en œuvre par les services daide et daccompagnement à domicile intervenant auprès des personnes âgées ;

 La coordination et lappui des actions de prévention mises en œuvre par les services polyvalents daide et de soins à domicile mentionnés à larticle 49 de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à ladaptation de la société au vieillissement, intervenant auprès des personnes âgées ;

 Le soutien aux actions daccompagnement des proches aidants des personnes âgées en perte dautonomie ;

 Le développement dautres actions collectives de prévention.

L’article L. 233-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit un financement des dépenses de ce programme assuré par des concours financiers de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) prévus au a du V de l’article L. 14‑10‑5 du même code : « a) Pour les personnes âgées, ces charges, qui comprennent notamment des concours versés aux départements pour les actions de prévention prévues, respectivement, aux 1°, 2°, 4° et 6° [de l’article L. 233‑1 du présent code], pour des montants fixés annuellement par arrêté des ministres chargés de laction sociale, de la sécurité sociale et du budget. »

Les actions de soutien et d’accompagnement des proches aidants des personnes âgées en perte d’autonomie (5° de l’article L. 233‑1) ne sont donc pas éligibles aux concours financiers de la conférence des financeurs.

II.   Dispositif proposé par le sénat

L’article 5 bis, introduit au Sénat en séance publique par un amendement de M. Hugues Saury et plusieurs de ces collègues, vise à permettre à la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées d’utiliser une partie des ressources qui lui sont allouées par la CNSA pour financer « des actions visant à prévenir les difficultés physiques et psychiques auxquelles peuvent être confrontés les proches aidants. »

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Article 6
Dispositions relatives à linformation du proche aidant

Rejeté par la commission

Le présent article, modifié par le Sénat en commission et en séance publique, vise à améliorer l’information et l’identification du proche aidant en prévoyant :

– la possibilité d’identifier le proche aidant ainsi que la personne aidée au sein de la carte vitale de la personne concernée ;

– de notifier, par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), à tout bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l’allocation aux adultes handicapées (AAH) la possibilité de désigner une personne de confiance ;

– l’édiction d’un guide de l’aidant ainsi que la mise en place d’un site internet d’information, de renseignement et d’orientation à destination des proches aidants.

I.   État des lieux 

L’information, l’accompagnement et l’amélioration de l’accès au droit des proches aidants sont une priorité pour favoriser la reconnaissance des proches aidants.

Le rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge de décembre 2017 sur la prise en charge des aides à l’autonomie ([25]) rappelle que l’une des missions de l’équipe médico-sociale du département lors de sa visite d’évaluation de l’APA est d’informer, d’accompagner et d’améliorer l’accès au droit des proches aidants. D’autres structures locales peuvent aider l’aidant à s’informer sur ses droits et ceux de la personne aidée :

– les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les points info famille (PIF) sont des guichets généralistes d’accès à l’information ;

– les maisons départementales de l’autonomie (MDA), les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), les centres locaux d’information et de coordination (CLIC) ainsi que les plateformes d’accompagnement et de répit (PFR) sont davantage spécialisés sur les problématiques de perte d’autonomie.

Si ces structures existent, il est souvent fait le constat que laccès à linformation et aux droits des proches aidants demeure insuffisant voire méconnu. La présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, Mme Dominique Gillot, dans son rapport consacré aux proches aidants ([26]) souligne que : « trop souvent, les proches aidants renoncent à des dispositifs auxquels ils ont droit, faute dune information ou dun accompagnement suffisants. ».

C’est pourquoi Dominique Gillot préconise dans son rapport de mettre en place un « point dentrée unique bien identifié pour recueillir et rassembler les informations dont la multiplicité nest pas un facteur de lisibilité pour les aidants en demande dinformation et de soutien ». Le rapport Gillot recommande également de définir à une échelle de territoire réellement accessible un service public de cette coordination de l’action des différents acteurs. La généralisation des maisons de l’autonomie pourrait être la porte d’entrée adéquate pour l’accompagnement des aidants.

II.   Le dispositif initial

L’article 6, dans sa version initiale, visait à renforcer de façon substantielle le droit à l’information des personnes aidantes par l’instauration de plusieurs nouveaux dispositifs :

– le I établissait une carte de l’aidant à destination de tout proche aidant d’un bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH), de l’allocation adulte handicapé (AAH, article L. 821‑1 code de la sécurité sociale). Les bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) étaient également destinataires de cette carte de l’aidant. Celle‑ci s’accompagnait d’un guide de l’aidant portant à sa connaissance l’ensemble des droits dont il peut bénéficier ainsi que les ressources disponibles pour l’accompagner. Un portail web était également prévu ;

– le II prévoyait d’étendre l’attribution de cette carte de l’aidant aux proches aidants, désigné auprès de la caisse d’assurance maladie, de personnes atteintes d’une affection de longue durée (ALD) ou de maladies nécessitant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ;

– Le III concernait la désignation d’une personne de confiance au sens de l’article L. 1111‑6 du code de la santé publique pour les allocataires de l’AAH, de la PCH et de l’APA ainsi qu’aux assurés mentionnés au II. Il était prévu que la personne de confiance soit renseignée dans le dossier médical partagé.

– Le IV avait pour objet de faire figurer la mention explicite « proche aidant avec la qualité de personne de confiance » sur la carte de l’aidant ;

– Le V prévoyait le renvoi à un décret en Conseil d’État pour les modalités d’application.

III.   Les modifications apportées par le sénat

Le dispositif de l’article 6 a été profondément modifié par un amendement du rapporteur de la commission des affaires sociales puis en séance publique.

1.   En commission des affaires sociales

À l’initiative du rapporteur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de rédaction globale de cet article.

a.   Suppression de la création de la « carte de l’aidant »

Compte tenu des réserves de la commission nationale informatique et libertés (CNIL) relative à l’éventuelle disproportion du moyen par rapport au besoin et du coût lié à l’émission et à l’attribution de cette « carte de l’aidant », la commission des affaires sociales, à l’initiative du rapporteur, a supprimé les dispositions relatives à la création d’une « carte de l’aidant ».

Extraits du rapport ([27]) d’Olivier Henno, rapporteur sur la proposition de loi au nom de la commission des affaires sociales du Sénat

« Le dispositif de cet article est, aux yeux de votre rapporteur, à apprécier à laune des traitements et système dinformation de lassurance maladie existants La CNIL a rappelé à votre rapporteur que larticle 6, en ce quil prévoit la mise en place dun nouveau traitement de données personnelles, devait avant tout respecter le principe de finalité, lun des principes fondamentaux du traitement des données personnelles en État de droit. (…)

Le besoin auquel larticle 6 de la proposition de loi tente de répondre paraît clairement identifié : la carte de laidant doit permettre une identification facilitée de la personne aidant et doit apporter par une preuve matérielle la relation qui lunit à la personne aidée. En revanche, la lettre même de larticle 6 entretient un doute sur la nature de lobjet quil entend créer : sagit-il dune simple carte ou dun support dinformations dématérialisées ?

Dans les deux cas, la solution ne paraît pas la plus adéquate (…). »

b.   Intégration d’informations nominatives sur le proche aidant au sein de la carte vitale

Le I de cet article prévoit désormais l’identification du proche aidant, ou de la personne de confiance, au sein du dispositif existant de la carte vitale prévu à l’article L. 161‑31 du code de la sécurité sociale.

Un II bis est ainsi inséré à larticle L. 16131 pour permettre, sur simple demande de la personne aidée et titulaire de la carte vitale, dintégrer aux données contenues dans la puce de la carte, lidentité du proche aidant ou dune personne de confiance. Il est précisé que le retrait de ces données nominatives peut aussi se faire sur demande simple de la personne aidée ou de la personne agissant en son nom.

Cette dérogation au caractère strictement personnel de la carte vitale a pour objectif de faciliter et de systématiser l’identification du proche aidant.

c.   Désignation d’une personne de confiance à la caisse d’assurance maladie

Le II prévoit que tout bénéficiaire de l’APA, de la PCH ou de l’AAH soit notifié, par la MDPH au moment de la reconnaissance de ses droits, de la possibilité de désigner une personne de confiance. Il revient ensuite au bénéficiaire de formaliser cette désignation par un courrier écrit, cosigné par la personne désignée, adressé à la caisse d’assurance maladie d’affiliation. Il est précisé que cette désignation est révisable et révocable à tout moment.

d.   Autres outils d’information à destination des proches aidants

Le III, dans sa nouvelle rédaction, conserve les dispositions relatives à l’information du proche aidant en prévoyant la remise d’un guide de proche aidant ainsi que la mise en place d’un site internet d’information à destination des proches aidants.

Le IV prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cet article.

2.   En séance publique

À l’initiative du rapporteur, un amendement a été adopté en séance publique prévoyant une réciprocité dans le dispositif permettant de mentionner le nom du proche aidant dans la carte vitale de la personne aidée. Désormais, il sera également possible au proche aidant de faire figurer à sa carte vitale le nom du proche aidé.

Les modalités de désignation de la personne de confiance sont alignées sur celles prévues à l’article L. 1111‑6 du code de la santé publique et à l’article L. 311‑5‑1 du code de l’action sociale et des familles et la mention de l’envoi de la demande à la caisse primaire d’assurance maladie est supprimée.

Enfin, un dernier amendement précise que seules les personnes ayant qualité de proche aidant sont destinataires du guide de proche aidant.

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Article 7
Gage

Rejeté par la commission

Cet article vise à prévoir un mécanisme de compensation des charges pour les organismes de sécurité sociale et pour l’État, qui résulteraient de la mise en place des articles 1er à 6 de cette proposition de loi.

Le dispositif proposé repose sur une augmentation à due concurrence des droits pesant sur les tabacs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et qui concernent : les cigarettes, cigares, cigarillos, tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes ainsi que les autres tabacs à fumer, priser et mâcher.

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   Annexes

Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées

(Par ordre chronologique)

                   Assemblée des départements de France (ADF) – M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué politiques sociales de l’ADF, Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseiller relations avec le Parlement

                   Ministère des solidarités et de la santé ‑ M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, Mme Sophie Lebret, chargée de mission, M. Nicolas Scotté, chargé de mission

                   Table ronde des associations

        Association française des aidants (AFA) – Mme Florence Leduc, présidente

        La Compagnie des aidants  M. Olivier Morice, délégué général

        Collectif inter-associatif d’aide aux aidants familiaux (CIAAF)  APF France handicap - Conseil national politique de la famille, Mme Bénédicte Kail, conseillère nationale, politiques éducation et famille

     Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – Mme Anne Burstin, directrice, M. Etienne Deguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie

     Fédération française de l’Assurance (FFA)*  – M. Philippe Bernardi, directeur du pôle assurance de personnes, M. Pierre François, directeur général de SwissLife Prévoyance et Santé, M. Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires, Mme Ludivine Azria, attachée parlementaire

     Ministère des solidarités et de la santé, direction de la sécurité sociale (DSS)  M. Denis Lebayon, sousdirecteur de l’accès aux soins, Mme Fanny Maubert, adjointe à la chef de bureau de l’accès aux soins

     Mouvement des entreprises de France (MEDEF)*  Mme Delphine Benda, directrice de la protection sociale, M. Armand Suicmez, chargé de mission à la direction des affaires publiques, Mme Pia Voisine, directrice de mission à la direction des relations sociales

     Mme Jocelyne Guidez, sénatrice

     Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) M. Paul Hébert, directeur adjoint de la conformité, Mme Stéphany Chemmachery, juriste au service des questions sociales et ressources humaines, Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

     Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) – Mme Dominique Gillot, présidente

     Ministère des solidarités et de la santé  Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)  M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général, Mme  Mélodie Simon, adjointe à la cheffe du bureau droits et aides à la compensation, Mme Carole Bugeau, chargée de mission « Gouvernance territoriale/MDPH-MDA/aidants » au bureau droits et aides à la compensation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


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Annexe n° 2 :
Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

1er

Code du travail

L2241-1

1er

Code du travail

L3142-26

1er

Code du travail

L6323-14

2

Code du travail

L3142-16

2

Code du travail

L3142-19

2

Code du travail

L3142-20-1 [nouveau]

2

Code du travail

L3142-25-2 [nouveau]

2

Code du travail

L3142-26

2 bis

Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Article 28

3

Code de la sécurité sociale

L351-4-3 [nouveau]

4

Code de la sécurité sociale

L381-1

5

Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance

Article 53

6

Code de la sécurité sociale

L161-31

 


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   COMPTE-RENDU DES débats sur l’examen des articles

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7002873_5bfe50cfa6207.commission-des-affaires-sociales--examen-de-diverses-propositions-de-loi-28-novembre-2018

La commission procède à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (M. Paul Christophe, rapporteur) (n° 1353), lors de sa séance du mercredi 28 novembre 2018.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle ce matin l’examen de trois propositions de loi. Il s’agit de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, de celle visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d’autonomie, et de celle visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne.

Nous commençons par l’examen de la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants.

M. Paul Christophe, rapporteur. Madame la présidente, mes chers collègues, il y a très exactement un an, nous examinions la proposition de loi visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux, que j’ai eu l’honneur de rapporter et dont l’issue a été positive. Après un vote à l’unanimité en séance publique à l’Assemblée puis un vote conforme au Sénat, la loi a été promulguée en février dernier. Je ne peux que souhaiter une issue aussi favorable à la proposition de loi que nous allons examiner maintenant !

J’ai en effet l’honneur de rapporter aujourd’hui une proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, déposée à l’initiative de notre collègue sénatrice Jocelyne Guidez, dont je tiens ici à saluer l’implication et la qualité du travail, et rapportée par notre collègue sénateur Olivier Henno. Cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité en séance publique lors de sa première lecture au Sénat, a trait avant tout à un sujet de société, qui dépasse de loin les clivages partisans et politiques. J’appelle de mes vœux à ce qu’un vrai débat de société s’engage aujourd’hui, car le sujet des proches aidants nous concerne tous.

Qui n’a pas dans sa famille ou dans son entourage une personne venant en aide quotidiennement à une personne âgée ou en situation de handicap ? Et parmi nous, qui peut se croire prémuni du risque de devoir un jour se tourner vers un proche pour obtenir un soutien et une aide indispensable ? Nous le voyons bien, devant le risque de la perte d’autonomie, nous sommes tous égaux. L’enjeu du vieillissement de la population impose de se préoccuper davantage et dès à présent de la situation des quelque huit à onze millions de Français qui aident quotidiennement un de leurs proches à faire face à la perte d’autonomie.

Les nombreux travaux parlementaires sur les proches aidants témoignent de l’implication de notre assemblée – et singulièrement de notre commission – ainsi que de celle du Sénat, sur cette question centrale de l’enjeu de la perte d’autonomie.

J’évoquais en préambule l’adoption de la proposition de loi relative au don de jours de congé. En parallèle, notre commission lançait une mission flash sur les aidants familiaux, pour laquelle notre collègue Pierre Dharréville fut nommé rapporteur. Les travaux de cette mission et la communication rendue en janvier dernier ont été riches d’enseignements sur les besoins prioritaires des proches aidants et sur leurs attentes. À l’issue de cette mission, Pierre Dharréville a déposé une proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants, qui fut malheureusement renvoyée en commission lors de son examen en séance publique, au motif notamment que les travaux menés par le Gouvernement n’avaient pas encore abouti.

Depuis, la mission conduite par Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), a remis au Gouvernement un rapport très attendu consacré aux proches aidants. Le constat qui y est dressé est le même que celui auquel a abouti la mission flash, à savoir un manque de reconnaissance des aidants, un sentiment d’isolement et de culpabilité, ainsi qu’un épuisement physique et moral, auquel s’ajoute un risque très fort de désinsertion, voire de rupture professionnelle, entraînant les proches aidants dans des situations de précarité et d’incertitude insoutenables.

Dans son rapport, Dominique Gillot appelle de ses vœux l’institution d’un cadre unifié du statut de proche aidant, ciblant les besoins de l’aidant. Sa dernière recommandation appelle à une mise en œuvre au moyen d’un projet de loi spécifique. Loin d’invoquer une réforme globale de la perte d’autonomie, au sein de laquelle serait traitée la question des proches aidants, c’est un texte spécifique consacré aux proches aidants qui est aujourd’hui attendu : cette proposition de loi en est la matérialisation.

Nous avons bien conscience que des travaux sont actuellement menés par le Gouvernement dans le cadre de la concertation « Grand âge et autonomie » devant aboutir à une grande réforme sur la dépendance. Toutefois, il nous semble que le calendrier de cette réforme est plus qu’incertain, et que les constats relatifs aux besoins et aux attentes des proches aidants sont aujourd’hui clairement établis.

Notre assemblée a pris le temps de la concertation, de l’écoute et des débats. Aujourd’hui, il est urgent d’agir et de réformer le cadre juridique applicable aux proches aidants car nos concitoyens, qui font face au quotidien aux défis, et parfois aux drames, de la perte d’autonomie, ne sont plus en mesure d’attendre l’arrivée d’une « grande réforme globale » alors que des mesures concrètes peuvent être prises dès à présent.

Le Défenseur des droits, que j’ai sollicité dans le cadre de mes travaux sur ce texte, souligne lui-même qu’il est régulièrement saisi de réclamations provenant d’aidants familiaux et que le statut des aidants demeure encore trop précaire. Il appelle même de ses vœux « ladoption de ces mesures qui, si elles ne répondent pas à lensemble des enjeux, constituent déjà de réelles avancées ».

J’en viens à présent au contenu de la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants. Ce texte s’articule autour de quatre axes principaux. Premièrement, la reconnaissance du statut de proche aidant au travail, avec l’indemnisation du congé de proche aidant et une meilleure prise en compte de la conciliation de la vie privée et professionnelle ; deuxièmement, l’amélioration des droits sociaux du proche aidant, notamment au regard de la retraite ; troisièmement, le droit à l’information du proche aidant et l’amélioration de son identification ; quatrièmement, enfin, le droit au répit, avec l’extension du dispositif de relayage.

La principale avancée de cette proposition de loi est la mise en place d’une indemnisation du congé de proche aidant. Dans le dispositif proposé, cette indemnité est calquée sur le régime de l’allocation journalière de présence parentale. Un mode de financement original est proposé, sans impact pour les charges publiques, reposant sur un dispositif mutualisé avec l’instauration d’une taxe sur les primes des contrats individuels et collectifs de retraite professionnelle supplémentaire. L’assiette large et le taux bas proposé devraient permettre une mise en œuvre quasi indolore pour les assurés, tout en garantissant un financement pérenne.

Je voudrais insister ici sur l’importance de l’instauration d’une indemnité pour le congé de proche aidant. Aujourd’hui, sur les quelque 270 000 salariés potentiellement éligibles au congé de proche aidant, seule une dizaine auraient pris un congé à ce titre depuis la mise en place du dispositif en 2016 ! On sait aujourd’hui que l’absence d’indemnisation est un obstacle rédhibitoire à la mobilisation de ce congé ; la perte de revenu inévitable contraint les salariés devant s’absenter pour s’occuper de leur proche à recourir à un arrêt maladie, avec toute la culpabilité et l’inconfort que cette démarche engendre.

La proposition de loi répond aussi au besoin d’une meilleure prise en compte des aidants par les entreprises au niveau des branches professionnelles. Si certaines grandes entreprises se sont déjà emparées de la situation des salariés proches aidants, cette prise en compte est encore loin d’être systématique, notamment au sein des PME-TPE. L’article 1er vise ainsi à intégrer au champ obligatoire de la négociation collective de branche le thème de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants.

Les articles 3 et 4 visent à harmoniser les dispositifs existants par un alignement des droits sociaux des aidants, quel que soit le statut de la personne aidée.

L’article 3 élargit au proche aidant d’une personne atteinte d’une perte d’autonomie la possibilité de bénéficier d’une majoration de ses périodes d’assurance pour le calcul de ses droits à pension, à l’instar du dispositif existant pour les proches aidants d’une personne en situation de handicap.

L’article 4, complémentaire de l’article 3, vise à ouvrir le droit à l’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général à tous les profils de proches aidants.

Le volet « droit à l’information des proches aidants » est également enrichi par cette proposition de loi. L’article 6 a ainsi pour objet d’améliorer l’identification des proches aidants et des personnes aidées par l’ajout de cette mention dans la carte Vitale, qui pourrait faire gagner un temps précieux dans l’identification d’un aidant, par exemple en cas d’accident ou d’hospitalisation. Un guide de l’aidant et la mise en place d’un site internet destinés aux proches aidants sont également prévus.

J’en profite pour souligner que si des outils d’information existent déjà, tel le guide « Aidant familial : votre guide pratique » édité par le ministère – 168 pages pour un prix de 8 euros –, je déplore leur manque de lisibilité et d’accessibilité, en particulier pour répondre aux questions du quotidien des aidants. Il est urgent de mettre à disposition des proches aidants des guides faciles à lire et à comprendre, ainsi que des sites internet fournissant une information simple, et si possible géolocalisée.

Les avancées contenues dans cette proposition de loi s’adressent essentiellement aux salariés proches aidants. Si le texte proposé envoie un signal positif et encourageant, il est loin d’épuiser la problématique des proches aidants, et beaucoup d’autres mesures seront attendues dans le cadre de la future réforme dépendance.

Pour ma part, j’ai identifié trois autres pistes qui mériteraient d’être poursuivies. Premièrement, la future réforme systémique des retraites devra être l’occasion de sécuriser la reconnaissance des proches aidants, notamment dans son volet « solidarité ». Comme nous l’a confirmé le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, lors de son audition, seule l’instauration d’une indemnisation du congé de proche aidant permettra l’ouverture de droit à des points pour la retraite. L’objectif sera d’éviter une double peine pour les proches aidants interrompant leur activité professionnelle et pénalisés lors de la liquidation de leurs droits.

Deuxièmement, le droit à la formation des proches aidants doit encore être amélioré. Trop souvent, les proches aidants renoncent à des dispositifs auxquels ils ont droit, faute d’une information ou d’un accompagnement suffisant. C’est pourquoi il est crucial de renforcer à la fois l’offre de formation en direction des aidants pour les accompagner dans leur rôle d’aidant, mais également lors de leur retour à l’emploi.

Troisièmement, enfin, il me semble indispensable de sortir de la logique binaire qui oppose actuellement le maintien à domicile et la prise en charge en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) pour les personnes en perte d’autonomie. Il faut aller vers l’ouverture d’établissements médico-sociaux et le développement de solutions intermédiaires avec des formes de relais EHPAD « hors les murs ». Seule la diversification des options de prise en charge permettra de soulager le poids qui repose aujourd’hui sur les aidants s’efforçant d’assurer le maintien à domicile de leurs proches, souvent par crainte d’un placement en établissement.

Avant de conclure, je voulais souligner, mes chers collègues, que je suis convaincu que la question des proches aidants nous concerne tous, et ne doit pas être analysée au travers du prisme des clivages politiques. Cette proposition de loi n’est pas un texte en opposition au Gouvernement, mais vise exclusivement à faire avancer la question de la reconnaissance de nos concitoyens proches aidants, et je vous invite donc à l’adopter.

Mme Annie Vidal. Au nom du groupe La République en Marche, je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre rapport, mais aussi pour nos échanges sur un thème qui se trouve au cœur des convictions de plusieurs d’entre nous.

Avec l’examen de cette proposition de loi, nous abordons aujourd’hui un sujet de société qui nous concerne tous directement ou indirectement, celui des proches aidants. Les initiatives parlementaires précédentes témoignent de l’intérêt que nous y portons, au-delà des postures politiques. Dans le cadre de la réflexion sur un futur projet de loi « Grand âge et autonomie », attendu pour 2019, une mission de concertation – autrement dit, un grand débat – est en cours. Elle est articulée autour de plusieurs ateliers thématiques participatifs intégrant l’ensemble des dimensions du grand âge et de la perte d’autonomie, dont l’un porte sur les aidants, la famille et le bénévolat. Dès lors, il apparaît que la temporalité de la présente proposition de loi n’est pas en adéquation avec la conduite de ces travaux, qui mobilisent près de 250 personnes représentant l’ensemble des acteurs concernés.

Si cette proposition de loi propose de bonnes mesures, comme celles présentées à l’article 1er, visant à insérer la conciliation de la vie personnelle et professionnelle au sein des thèmes de la négociation collective, nous avons en revanche une divergence fondamentale sur l’article 2. Si nous sommes tout à fait favorables à l’indemnisation du congé de proche aidant, nous considérons que celle-ci doit impérativement reposer sur la solidarité nationale. Certes, les mesures relatives à la majoration de la durée d’assurance sociale et à l’affiliation obligatoire proposées aux articles 3 et 4 font sens en termes de droits sociaux accordés aux aidants, cependant, là encore, la temporalité n’est pas adéquate, puisque la réforme des retraites est en cours et que les aidants y trouveront leur juste place.

Quant à l’ouverture aux agents publics de la dérogation au travail, à l’instar de ce qui est fait pour le secteur privé pour le relayage à l’article 5, nous attendons la publication du décret d’application.

L’article 6 répond à un besoin d’information et d’identification rapide de l’aidant, dans le but de préserver la continuité de la prise en charge de l’aidé. Cela ne relève pas nécessairement du champ législatif, mais d’actions concrètes telles que la carte des aidants déjà proposée par certaines associations. À l’heure où ces actions se multiplient, il semble donc plutôt nécessaire d’harmoniser et de généraliser, plutôt que de légiférer.

Pour conclure, je veux vous redire que notre volonté est de prendre en compte dans la sphère globale du vieillissement l’ensemble des questions relatives au grand âge et à la perte d’autonomie, et que nous sommes mobilisés aux côtés du Gouvernement pour apporter une réponse à court terme, notamment sur l’indemnisation du congé.

Mme Josiane Corneloup. La question des aidants est majeure, puisque l’on compte dans notre pays 8,3 millions de personnes qui aident régulièrement un de leurs proches ou aînés. Cet engagement de tous les instants peut avoir des retentissements importants sur la vie personnelle de l’aidant. S’appuyer sur la solidarité des proches devient une nécessité au regard de la longévité qui augmente, et de l’absence de structures alternatives entre le « tout à domicile » et « tout en établissement ». Cependant, alors que cet enjeu sociétal exige une évolution législative immédiate, j’observe que le Gouvernement met en avant la perspective d’un chantier global, reportant ainsi la question des aidants jusque fin 2019, voire 2020.

Il nous revient de ne pas laisser s’intensifier le sentiment d’abandon que peuvent ressentir ceux dont le dévouement s’inscrit, au sens propre du terme, au crédit de notre société. Nous ne pouvons donc qu’être favorables à la philosophie de ce texte qui vise à soutenir l’engagement des aidants par des mesures pragmatiques. Des avancées sont intervenues avec la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, mais cette proposition de loi va plus loin : elle fait bouger les lignes en proposant d’inscrire un nouveau thème, celui de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle des proches aidants parmi les thèmes verrouillés par la branche, et propose également d’indemniser le congé du proche aidant.

Si notre groupe salue l’initiative consistant à valoriser et à rémunérer le congé des aidants, nous nous interrogeons sur les modalités de son financement et de sa gouvernance. En effet, après la hausse de la CSG et la sous-indexation des retraites pour les deux ans à venir, il me paraît difficile de financer cette indemnité par une nouvelle taxe à hauteur de 1,7 % sur les produits de retraite supplémentaire. Le financement par les excédents de la branche famille et de la branche vieillesse, évalué à 1,5 milliard d’euros dans le PLFSS 2019, ne serait-il pas un palliatif envisageable, au moins jusqu’à ce qu’une solution aboutie se dégage des concertations menées actuellement par le Gouvernement ?

Pour ce qui est de la gouvernance, ne serait-il pas plus judicieux que la gestion de ce fonds soit confiée à une structure existante telle que la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ou la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour des raisons de lisibilité et de cohérence de l’action publique ?

Pour conclure, je veux plaider en faveur du retour aux petites unités de vie sous la forme où elles existaient avant la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, c’est-à-dire non assimilées à des EHPAD. En effet, l’EHPAD ne peut pas être l’unique refuge de nos aînés et aujourd’hui, nombre d’aidants sont mobilisés parce que leurs proches ne trouvent pas de structures adaptées. Si bonnes que fussent ses intentions, cette modification a manqué sa cible, surtout dans les zones rurales, où des personnes âgées peu dépendantes, seules et peu fortunées, souhaitent un hébergement dans des structures intermédiaires non médicalisées et moins onéreuses que les EHPAD.

Mme Nathalie Elimas. Je tiens tout d’abord à remercier le groupe UDI, Agir et Indépendants d’avoir permis l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée après son adoption à l’unanimité au Sénat. Je remercie en particulier notre collègue Paul Christophe pour le travail de qualité qu’il a effectué depuis le début de la législature sur la question des aidants familiaux, qui nous tient particulièrement à cœur et qui transcende les clivages politiques.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la droite ligne de celle adoptée l’année dernière, qui a ouvert la possibilité pour un salarié de faire don de ses jours de congés payés non pris à un collègue proche aidant. Nous pouvons aujourd’hui aller plus loin afin de favoriser le recours au congé de proche aidant et de sécuriser les droits sociaux des 8,3 millions d’aidants que compte notre pays. Il est à nos yeux essentiel de renforcer le soutien aux aidants familiaux et d’institutionnaliser leur existence. En effet, dans la majeure partie des cas, nos concitoyens qui jouent le rôle d’aidants familiaux ne sont pas officiellement reconnus comme tels. En conséquence, ils ne bénéficient ni de la légitimité, ni de la protection nécessaire, ce qui a un impact négatif sur leur santé et leur vie personnelle, mais aussi sur leur vie professionnelle.

Il est donc de notre responsabilité de prendre des mesures pour améliorer la situation des aidants, dont le nombre est amené à augmenter significativement dans le futur, notamment en raison du vieillissement de la population et de la progression des maladies chroniques. Nous nous réjouissons qu’une loi sur la dépendance soit en cours de préparation et que le sujet des aidants y soit traité de manière globale à cette occasion, tant il est vaste et tant les enjeux sont colossaux – je pense notamment aux enfants aidants, qu’il ne faudra pas oublier. Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher de faire aujourd’hui un premier pas vers une meilleure prise en compte des aidants.

Je conclurai par une simple question, monsieur le rapporteur : pouvez-vous nous dire un mot du financement, notamment en ce qui concerne la fiscalité des contrats d’assurance ? En tout état de cause, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés soutiendra cette proposition de loi.

Mme Gisèle Biémouret. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je tiens à remercier notre collègue pour la qualité de son travail et pour cette proposition de loi, à laquelle nous sommes favorables pour plusieurs raisons. Lors du précédent quinquennat, nous avions initié la reconnaissance de l’aidant en instituant le congé de proche aidant avec la loi de 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement et en faisant passer l’ancienneté nécessaire pour en bénéficier de deux ans à un an avec la loi Travail d’août 2016.

Aujourd’hui, les rapports et les recommandations s’accumulent sur la situation des aidants, et tous les problèmes sont désormais identifiés. Depuis dix-huit mois, notre commission a eu l’occasion d’aborder à plusieurs reprises cette problématique de l’aidant, que ce soit avec l’adoption de la proposition de loi de notre rapporteur sur le don aux aidants familiaux de jours de repos non pris, ou bien avec celle de notre collègue Pierre Dharréville pour la reconnaissance sociale des aidants, qui a malheureusement été repoussée. À chaque fois, notre groupe a souhaité soutenir ces textes qui œuvraient en faveur de la création de droits nouveaux améliorant concrètement la situation et facilitant le quotidien de nos huit millions de concitoyens qui se partagent entre leur vie professionnelle et familiale.

Les mesures proposées par cette proposition de loi sont justes, et pour certaines innovantes. Nous nous félicitons par ailleurs que le Sénat ait retenu l’amendement de nos collègues sénateurs socialistes à l’origine de l’article 2 bis, destiné à veiller à ce que les salariés en risque de désinsertion professionnelle pour cause de maladie, d’accident ou de diagnostic de handicap, bénéficient d’une reconversion ou d’une promotion sociale ou professionnelle, par des actions de formation spécifiques. Nous allons d’ailleurs proposer quelques amendements que nous espérons également voir adopter. Le Gouvernement a encore fait le choix au Sénat de repousser ce texte au motif d’un problème d’agenda, ses propres propositions ne devant être examinées que fin 2019. Nous le regrettons et pensons pour notre part qu’il est plus que temps de progresser sur le statut des aidants.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le groupe UDI, Agir et Indépendants est évidemment très favorable à cette proposition de loi défendue par notre collègue Paul Christophe, qui vise à traiter l’ensemble des volets de la protection sociale des aidants, leur intégration au champ de la négociation collective, les droits liés au congé de proche aidant, leur affiliation à l’assurance vieillesse au régime général, ou encore leur accès à l’information. Nous saluons donc l’examen au sein de cette commission d’une proposition de loi s’attachant à traiter le sujet des aidants comme un enjeu à part entière, alors qu’à notre connaissance, ce sujet a presque toujours été rattaché à d’autres enjeux, que ce soit le handicap, le grand âge ou la dépendance – à l’exception de la proposition de loi défendue par notre collègue Dharréville dans cette même commission.

Rejoignant l’une des préoccupations constantes de notre groupe, celle de l’accompagnement des aidants, cette proposition de loi fait écho à la loi Christophe adoptée en février dernier, créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap. Alors que le Gouvernement vient d’ouvrir le vaste chantier de la réforme de notre modèle de la dépendance, qui comporte notamment un atelier consacré à la situation des aidants, cette proposition de loi apporte des réponses concrètes pour la vie quotidienne des aidants, sans pour autant épuiser les sujets qui pourraient être développés par le chantier portant sur la dépendance. Elle entend avant tout répondre aux demandes des associations et adresser un signal aux millions de nos concitoyens qui se dévouent au quotidien pour accompagner des personnes de leur entourage, parfois au détriment de leur santé ou de leur carrière professionnelle.

Elle apporte en particulier une réponse à la question centrale de l’indemnisation du congé de proche aidant. Comme le soulignent les chiffres de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) cités dans les travaux du rapporteur, le taux de recours au congé de proche aidant reste extrêmement faible. Alors que le nombre de proches aidants éligibles au congé de proche aidant est estimé à environ 267 000 personnes, seule une dizaine d’entre elles auraient effectivement eu recours à ce congé depuis sa mise en œuvre en 2016, ce qui représente une proportion infinitésimale. Comme les associations l’ont d’ailleurs souligné durant les auditions, l’absence d’indemnisation du congé de proche aidant constitue le facteur principal de renoncement à ce congé. Au moment où la population française attend des gestes positifs de la part de ses représentants, je crois que nous avons là une occasion unique de leur montrer un signe concret et tangible en votant cette proposition de loi.

M. Adrien Quatennens. Cette proposition de loi passée par le Sénat, et qui poursuit sa route jusqu’à notre assemblée, vise à faciliter la vie des aidants familiaux de personnes malades ou dépendantes. Hormis son article 1er, que nous ne jugeons pas satisfaisant sur le fond, la proposition de loi est, dans son ensemble, relativement ambitieuse, elle va plus loin dans la prise en compte de la situation des aidants familiaux et dans le sens des préconisations exprimées à de nombreuses reprises au sein de notre commission.

Nous sommes favorables à la création d’une indemnité pour le congé de proche aidant, aux dispositions relatives aux pensions de retraite prévoyant une majoration en cas d’aide familiale au cours de la vie, et à la création d’une carte de proche aidant destinée à améliorer la lisibilité. Cette proposition de loi bénéficie donc du soutien du groupe de La France insoumise.

M. Pierre Dharréville. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je souhaite à mon tour remercier notre collègue Paul Christophe pour le travail qu’il a conduit avec ténacité sur un sujet qui me tient à cœur. Je remercie également la sénatrice Jocelyne Guidez de s’être appuyée explicitement sur mon travail pour produire le sien.

Nous devons actuellement faire face à une réalité massive dans notre pays, celle de la présence de millions d’aidants, qui constitue le symptôme de la faiblesse de la protection sociale et du service public de l’autonomie en France. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, que nous étions tous égaux devant le risque de la perte d’autonomie : pour ma part, j’ajouterai que devant la perte d’autonomie elle-même, nous sommes hélas tous inégaux… Votre proposition de loi vise à remédier à ce problème en affirmant une véritable reconnaissance sociale des aidants et en leur conférant des droits réels, et non plus théoriques, afin de leur permettre de dégager du temps, des ressources et de la disponibilité. Évidemment, il convient de s’interroger sur le financement, qui devrait être assuré par la solidarité nationale – mais je comprends pourquoi votre proposition de loi est ainsi rédigée.

Le droit au répit constitue une préoccupation importante et mérite sans doute, pour ce qui est du relayage, d’être encadré pour être réellement acceptable et soutenable. Pour rassurer mes collègues de la majorité, engagés dans une réflexion de plus longue haleine, je dirai que cette perspective ne nous empêche pas d’adopter cette proposition de loi, quitte à revenir ensuite sur les dispositifs en faveur des personnes aidantes afin de les enrichir. En tout état de cause, cette proposition contient des avancées importantes, auxquelles j’apporterai mon soutien.

M. Paul-André Colombani. Je m’associe à tous les collègues qui m’ont précédé pour souligner la qualité du travail de notre rapporteur. M’exprimant au nom du groupe Libertés et Territoires, je veux dire que cette proposition de loi nous semble aller dans le bon sens. En tant que médecin et en tant qu’élu d’une circonscription rurale de montagne, où la population vieillissante et les déserts médicaux sont une réalité, je me sens particulièrement concerné par la problématique du manque de professionnels de santé et par celle de la perte d’autonomie des personnes âgées dans les petites communes isolées. Mon groupe y est également sensible, car les aidants sont particulièrement présents dans les territoires où les mécanismes de solidarité familiale encore très forts compensent à grand-peine les contraintes des proches aidants, notamment en matière de transports ou de désinsertion professionnelle.

Favoriser le répit et l’indemnisation des aidants est une solution juste, à la fois parce qu’elle prend en compte des mécanismes de solidarité dans une société en crise, pour ne pas dire fracturée, où la valorisation des comportements individualistes a montré ses limites. Elle permet aussi une alternative plus humaine pour répondre à la perte d’autonomie de nos anciens, car les contraintes fortes de l’aidant l’obligent parfois à recourir au placement en établissement du proche qu’il assiste, ce qui provoque chez ce dernier un sentiment de déracinement et d’abandon d’autant plus déchirant qu’il a parfois passé toute sa vie dans le même village.

À l’intention de mes collègues et surtout du Gouvernement, qui peut lever le gage, je souhaite évoquer un problème particulier, celui des enfants atteints d’un cancer. Dans ce cas précis, il faudrait que les deux parents, et pas seulement l’un d’entre eux, puissent être inscrits en tant qu’aidants sur les cartes Vitale auxquelles l’enfant est rattaché.

Toutes les dispositions de cette proposition de loi adoptée au Sénat nous semblent aller dans le bon sens, c’est pourquoi notre groupe votera en sa faveur.

M. Alain Ramadier. Au nom du groupe Les Républicains, je salue moi aussi le travail fourni par notre rapporteur, ainsi que la qualité des différentes auditions auxquelles j’ai pu participer.

La proposition de loi qui nous est aujourd’hui présentée vise à financer l’indemnité du congé aidant par une nouvelle taxe sur les produits de retraite supplémentaire. Elle défend l’option d’un financement qui ne pèse pas sur le budget de l’État, ni sur celui de la sécurité sociale. Or, plutôt que de créer une nouvelle taxe, n’aurait-il pas mieux valu créer des dispositifs encourageant les entreprises à intégrer la notion d’aidant ? On aurait pu imaginer, par exemple, d’exonérer de charges patronales les entreprises – notamment les TPE-PME – acceptant de modifier le contrat de travail d’un salarié aidant familial afin de lui permettre de continuer à exercer son activité professionnelle tout en prenant soin de son proche.

Pour notre groupe, il est grand temps d’agir et de décider, c’est pourquoi nous soutenons cette proposition de loi.

M. Bernard Perrut. La question que nous évoquons, celle des proches aidants et de leur statut, est un véritable enjeu social et sociétal, qui concerne les 8,3 millions de personnes qui, chaque jour, sont impliquées dans laccompagnement dun proche.

C’est aussi un enjeu financier, et la facture serait lourde pour les pouvoirs publics s’ils devaient rémunérer les aidants pour cet accompagnement au quotidien à la hauteur de leur véritable investissement : le coût annuel de la perte d’autonomie est estimé en France entre 41 et 45 milliards d’euros, dont seuls 23,5 milliards relèvent de la dépense publique.

Individuellement, l’accompagnement d’un proche est une charge affective, physique et aussi financière, puisque cela implique souvent de renoncer à ses autres activités. Si la loi du 28 décembre 2015 a certes représenté une avancée en reconnaissant le congé du proche aidant, elle ne comportait aucune mesure d’aide financière, et l’on ne peut donc que saluer cette proposition de loi et le travail important qu’a accompli le rapporteur.

Dans l’attente des conclusions de la concertation nationale lancée sur le grand âge et l’autonomie, j’aimerais, d’une part, savoir pourquoi les auteurs de la proposition de loi ont fait le choix d’asseoir le financement de l’indemnisation des aidants sur un nouveau fonds abondé par un prélèvement sur les produits des retraites et, d’autre part, avoir votre opinion sur les perspectives existantes en matière de formation des aidants.

M. Paul Christophe, rapporteur. Je tiens en premier lieu à saluer l’ensemble de vos interventions, qui témoignent à la fois de votre intérêt pour ce sujet essentiel et de la qualité des travaux qui sont menés au sein de cette commission, sous la présidence de Brigitte Bourguignon.

J’entends toutes vos interrogations concernant le financement du congé des aidants, mais il ne vous aura pas échappé qu’un parlementaire n’est pas en mesure de créer des charges pour l’État. La porte reste cependant ouverte, et qui sait si le Gouvernement ne pourra pas profiter de l’examen de cette proposition de loi en séance publique pour substituer à un mode de financement que je qualifierai de privé, un mode de financement public, via un fonds dédié dépendant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ou de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Cela étant, le choix d’un dispositif assis sur les primes d’assurance répond au souci de disposer d’une assiette suffisamment large pour que l’impact du prélèvement soit le plus réduit possible, sachant que son taux pourra être modulé – le rapport établit en effet que l’on s’attend à une montée en charge importante au départ, mais à un rythme de croisière qui, par la suite, devrait nécessiter un moindre financement. Par ailleurs ce choix correspond également à notre volonté de mettre en place un système pérenne, qui ne fluctue pas dans le temps.

En ce qui concerne le droit à la formation, c’est un sujet que j’avais déjà abordé lors de l’examen de ma précédente proposition de loi, étant entendu que cette question comporte deux aspects : d’une part, la formation à la fonction d’aidant – on ne s’improvise pas en effet aidant du jour au lendemain, et on peut parfois être confronté à des situations de maltraitance induite, tout à fait involontairement, par le geste ou la parole ; d’autre part, la formation professionnelle, car l’abandon de son emploi peut entraîner chez l’aidant une perte de compétences, et il ne s’agirait pas que, lors du retour à l’emploi, cela puisse devenir une cause de licenciement pour inaptitude à l’emploi.

La commission en vient à lexamen des articles de la proposition de loi.

Article 1er
Intégration du thème des proches aidants à la négociation collective

La commission rejette larticle 1er.

Avant l’article 2

La commission examine lamendement AS2 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. En vue d’aider nos entreprises à accompagner leurs salariés aidants, nous proposons d’exonérer de charges patronales les entreprises qui modifieraient le contrat de travail d’un salarié aidant familial pour qu’il puisse continuer à exercer une activité professionnelle tout en assurant les soins de la personne aidée. Cette mesure irait dans le sens d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, et favoriserait le travail de millions d’aidants.

M. Paul Christophe, rapporteur. Je partage bien entendu votre volonté d’inciter les entreprises à mieux prendre en compte la conciliation entre vie professionnelle et vie privée de leurs salariés proches aidants.

Si je vous rejoins sur cet objectif, je ne pense pas que la priorité soit aujourd’hui d’inciter financièrement les entreprises à aménager leurs contrats de travail. Il me paraît préférable en effet de sécuriser la situation des proches aidants et de reconnaître leur rôle indispensable en indemnisant le congé de proche aidant pour le rendre plus incitatif. Avis défavorable.

La commission adopte lamendement.

Article 2
Indemnisation du congé de proche aidant

La commission est saisie de lamendement AS 12 du rapporteur.

M. Paul Christophe, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir les règles de non-cumul de l’indemnité de congé de proche aidant, sur le modèle des règles applicables à l’allocation journalière de présence parentale.

L’objectif est de limiter le risque d’effet d’aubaine lié à la prise de ce congé et d’aligner l’ensemble du régime sur celui de l’AJPP.

Mme Annie Vidal. L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) sont destinées aux aidés, tandis que l’indemnisation s’adresse aux aidants. Nous ne sommes donc pas opposés au cumul de ces deux types de prestations et nous sommes contre cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lexamen de lamendement AS87 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Josiane Corneloup. Cet amendement vise à faire de la CNSA le guichet de l’indemnité du congé du proche aidant. Il s’agit d’éviter la création d’un nouveau fonds et de confier la mission de financement de l’indemnité à une structure existante, tant pour des raisons de lisibilité que de cohérence de l’action publique.

M. Paul Christophe, rapporteur. Votre amendement a pour objet de confier le financement de l’indemnité de proche aidant à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Si la CNSA est effectivement un des acteurs privilégiés du financement de la perte d’autonomie et qu’elle serait légitime à jouer un rôle actif dans la gestion de l’indemnité du congé de proche aidant, cet amendement et l’amendement AS8 présenté ensuite ont pour effet d’écraser tout le dispositif de financement prévu, sans proposer de dispositif alternatif. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS8 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Josiane Corneloup. Les auteurs de la proposition de loi ont choisi de financer l’indemnité du congé du proche aidant par une nouvelle taxe sur les retraites supplémentaires – notamment les PERP, PERCO et contrats Madelin –, dont le taux est fixé à 1,7 %. Après la hausse de la CSG, qui touche les retraités de plein fouet, et la sous-indexation des retraites pour les deux ans à venir, la taxation des produits de retraite supplémentaire n’est pas souhaitable. Il serait d’autant plus injuste de taxer ceux qui font le choix d’une approche prudentielle et sont moins enclins à peser sur la solidarité nationale.

D’après les premières estimations, l’indemnisation de ce congé pourrait cibler environ 270 000 personnes pour un coût maximum de 70 millions d’euros en période de lancement, et pour un coût variant entre 20 et 40 millions d’euros en rythme de croisière. Le groupe Les Républicains propose donc que ce congé soit financé par les excédents de la branche famille et de la branche vieillesse, évalués à environ 1,5 milliard d’euros dans le PLFSS pour 2019, au moins jusqu’à ce qu’une solution aboutie se dégage des concertations menées actuellement par le Gouvernement et trouve une traduction dans le futur projet de loi sur la dépendance.

Cela permettrait d’envoyer un signal immédiat aux aidants et de régulariser le mode de financement à l’horizon 2020.

M. Paul Christophe, rapporteur. Vous proposez de faire reposer le financement de l’indemnisation du congé des aidants sur les excédents de la branche famille et de la branche vieillesse. Or ce dispositif serait, par construction, conjoncturel et instable, alors que celui que nous proposons assure la pérennité du financement de l’indemnité.

Je tiens également à souligner que l’originalité de notre dispositif de financement est qu’il ne crée pas de charge publique supplémentaire et repose sur une assiette de financement large de manière que les assureurs ne répercutent que très faiblement cette taxe sur la prime de leurs contrats. Avis défavorable.

M. Stéphane Viry. Monsieur le rapporteur, je pensais naïvement que vous accepteriez cet amendement parce que la question du financement d’un tel dispositif est essentielle. Nous sommes tous d’accord sur l’esprit de votre proposition de loi, mais elle doit être crédible, tout en respectant quelques principes comme le refus de toute taxation complémentaire, a fortiori quand cette taxation est susceptible de peser sur celles et ceux qui sont déjà lourdement frappés.

La solution qui vous est proposée ici est une solution transitoire permettant d’attendre que le Gouvernement prenne ses responsabilités. C’est une solution fiscalement neutre et qui permet le financement de votre dispositif grâce aux excédents générés par la solidarité nationale. Je peine donc à comprendre votre position.

Mme Annie Vidal. L’ajout d’une taxe supplémentaire sur les contrats d’assurance viendra rogner le pouvoir d’achat. Nous sommes donc favorables à sa suppression et soutenons cet amendement.

M. Paul Christophe, rapporteur. Je me réjouis que vous soyez tous favorables à ce que le Gouvernement substitue au financement proposé un financement public. Je vous invite donc à soutenir cette idée jeudi prochain dans l’hémicycle.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AS3 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement vise à rétablir la suppression du nombre de renouvellements du congé de proche aidant du champ de la négociation collective, ouvrant ainsi la possibilité d’un nombre de renouvellements non plafonné, dans la limite de trois années.

M. Paul Christophe, rapporteur. La détermination du nombre de renouvellements possible du congé de proche aidant garantit une certaine prévisibilité pour les employeurs et écarte le risque de non-soutenabilité pour les branches qui permettent à leurs salariés de bénéficier du congé de proche aidant au-delà du plafond légal, porté à trois ans par cette proposition de loi. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle rejette larticle 2 modifié.


Après l’article 2

La commission est saisie de lamendement AS4 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement vise à préciser que le conseil en évolution professionnelle (CEP) concerne bien les personnes en situation de handicap et les proches aidants. Cette mesure, directement inspirée du rapport de Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCP), permettra à ces derniers de bénéficier dun accompagnement professionnel, gratuit et personnalisé, assuré par des conseillers, membres dorganismes habilités. Il sagit de leur offrir les meilleures perspectives dinsertion dans lemploi.

M. Paul Christophe, rapporteur. Votre amendement vise à préciser que le conseil en évolution professionnelle concernera bien les personnes en situation de handicap ainsi que les proches aidants. Je vous propose de le retirer, car il est déjà satisfait par l’article L. 6111-6 du code du travail, dont le premier alinéa dispose que « toute personne peut bénéficier tout au long de sa vie professionnelle dun conseil en évolution professionnelle ».

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement AS5 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement vise à inclure les aidants et les personnes en situation de handicap dans le programme national prévu à l’article L. 6122-1 du code du travail.

Ce dernier prévoit la mise en place d’une politique d’accompagnement professionnel spécifique des jeunes sortis du système scolaire et des personnes à la recherche d’un emploi. L’objectif est de mettre au cœur des politiques publiques de l’emploi la problématique de l’« aidance ».

M. Paul Christophe, rapporteur. L’article 34 de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé une nouvelle compétence pour l’État : le financement d’un programme national de formation à destination des jeunes sortis du système scolaire sans qualification et des personnes à la recherche d’un emploi d’un niveau de qualification inférieur au baccalauréat.

Ce programme étant ciblé vers un public très précisément défini, il ne me semble pas opportun d’y ajouter toutes les personnes en situation de handicap, les proches aidants ainsi que les personnes en risque d’exclusion professionnelle. Avis défavorable.

Mme Gisèle Biémouret. Je souhaite maintenir cet amendement, car certaines situations sont extrêmement difficiles, notamment pour les enfants qui partagent le foyer d’un frère ou d’une sœur handicapée, ou d’un parent gravement malade.

La commission rejette lamendement.

Article 2 bis
Lutte contre la désinsertion professionnelle de certains salariés à risque

La commission rejette larticle 2 bis.

Article 3
Étendre le dispositif de majoration des droits à la retraite prévu pour les proches aidants de personnes en situation de handicap aux proches aidants de personnes âgées dépendantes

La commission rejette larticle 3.

Article 4
Affiliation obligatoire à lassurance vieillesse du régime général

La commission rejette larticle 4.

Article 5
Extension de lexpérimentation du relayage aux agents publics

La commission est saisie de lamendement AS11 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’objectif de cet amendement est d’encadrer le temps de travail de nuit des salariés effectuant des prestations à domicile, dans le but d’accorder du temps de répit au proche aidant. La loi pour un État au service d’une société de confiance a permis la dérogation au plafond horaire autorisé, ce qui constitue une atteinte au droit du travail. Par ailleurs, de nombreuses études ont démontré que le travail de nuit prolongé a des effets sur la santé des salariés et qu’il pouvait y avoir un lien entre ce travail de nuit et le cancer du sein. Or ces prestations de nuit sont souvent effectuées par des femmes.

Il nous semble que la formation de professionnels aptes à assurer ces gardes de nuit pourrait être une solution adaptée à ces situations.

M. Paul Christophe, rapporteur. Votre amendement vise à encadrer la durée du temps de travail de nuit des salariés d’établissements médico-sociaux effectuant des prestations dites de « relayage » au domicile de la personne aidée pour accorder un temps de répit au proche aidant.

Si je partage vos préoccupations quant aux effets néfastes du travail de nuit à répétition, je tiens à apporter quelques précisions : tout d’abord, les dérogations aux dispositions du code du travail en matière de durée du travail de nuit pour permettre la mise en œuvre du relayage n’ont été autorisées qu’à titre expérimental pour une durée de trois ans. Il ne s’agit donc pas d’une dérogation pérenne au droit commun, et un bilan sera remis au Parlement sur cette expérimentation avant le terme des trois ans ; ensuite, des garanties sont prévues dans le cadre de l’expérimentation, puisque la totalité des heures accomplies ne peut excéder un plafond de quarante-huit heures par semaine en moyenne et que, pour chaque période de vingt-quatre heures, le salarié bénéficie d’une période minimale de repos de onze heures consécutives. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AS10 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je vais retirer cet amendement que je souhaite retravailler en vue de la séance.

Lamendement est retiré.

La commission rejette larticle 5

Article 5 bis
Financement du soutien aux proches aidants par la conférence des financeurs de la prévention de la perte dautonomie des personnes âgées

La commission est saisie de lamendement AS13 du rapporteur.

M. Paul Christophe, rapporteur. Cet amendement, poursuivant le même objectif que l’article 5 bis introduit en séance publique au Sénat, vise à intégrer les actions de soutien aux proches aidants dans les concours financiers octroyés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux conférences des financeurs.

L’ajout du financement des actions en faveur des proches aidants est d’autant plus pertinent que les crédits octroyés par la CNSA aux conférences des financeurs ne sont aujourd’hui pas entièrement consommés. Il reste donc de la marge de financement à mobiliser pour soutenir les proches aidants.

Mme Annie Vidal. La sous-utilisation budgétaire est liée à la jeunesse du dispositif. Par ailleurs, ces fonds sont des fonds dédiés à des actions de prévention et non à des actions d’accompagnement.

M. Paul Christophe, rapporteur. Mon amendement vise également à entériner une pratique existante même si elle demeure limitée. Il s’agit de donner plus de confort à la CNSA pour poursuivre ses actions.

La commission adopte lamendement.

La commission rejette l’article 5 bis.


Article 6
Dispositions relatives à linformation du proche aidant

La commission examine lamendement AS14 du rapporteur.

M. Paul Christophe, rapporteur. Cet amendement pose une garantie supplémentaire en vue de l’intégration des données personnelles relatives au proche aidant et à la personne aidée à la carte Vitale, en prévoyant l’intervention préalable de la CNIL.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS15 et AS16 du rapporteur.

Elle rejette ensuite larticle 6.

Après l’article 6

La commission est saisie de lamendement AS6 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement demande un rapport sur le soutien scolaire et les mesures d’accompagnement spécifiques destinées aux jeunes aidants. Ce rapport pourrait servir de base à l’intégration de mesures dédiées aux jeunes proches aidants dans la future loi pour une école de la confiance.

M. Paul Christophe, rapporteur. Je vous rejoins évidemment sur l’importance du sujet des jeunes aidants, et notamment sur les conséquences que peut avoir cette charge sur le parcours scolaire des enfants et adolescents aidants.

Toutefois, il me semble que cette demande de rapport au Gouvernement est redondante avec la concertation que mène actuellement celui-ci, puisqu’il s’est saisi de la question des jeunes aidants, ainsi que l’a assuré la secrétaire d’État à nos collègues sénateurs.

Par ailleurs, au regard de l’importance de ce sujet, notre assemblée pourrait également se saisir de cette question dans le cadre d’une mission flash. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

Lamendement est retiré.

Article 7
Gage

La commission rejette larticle 7

Après l’article 7

La commission est saisie de lamendement AS9 de Mme Josiane Corneloup.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame Corneloup, je me permets d’intervenir sur un point de procédure. Vous savez qu’il m’appartient d’apprécier la recevabilité des amendements, notamment l’existence d’un lien, même indirect, avec le texte. J’exerce ce contrôle avec beaucoup de souplesse, comme vous l’aurez remarqué, pour permette le débat, mais il est néanmoins de mon devoir de vous signaler que votre amendement risque fort, s’il devait être adopté par cette assemblée, d’être censuré par le Conseil constitutionnel.

Mme Josiane Corneloup. Je souhaite malgré tout le défendre, car de nombreux aidants sont aujourd’hui dans l’obligation d’assumer ce rôle parce qu’ils n’ont pu trouver de structures intermédiaires pour leurs proches.

En effet, dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement de 2015, les petites unités de vie ont été assimilées à des EHPAD, alors que nous manquons cruellement de structures intermédiaires entre le tout-domicile et le tout-établissement.

Il est pourtant nécessaire de disposer d’hébergements qui soient en adéquation avec les différentes étapes de la vie, dont la durée s’allonge. Les personnes résidaient autrefois en EHPAD deux à trois ans, ce qui correspondait le plus souvent au dernier stade de leur existence. Désormais, la tendance est plutôt à des séjours de huit à dix ans, dont le coût est problématique pour les familles. En outre, la proximité de personnes lourdement dépendantes, comme c’est le cas en EHPAD, est de nature à nuire à l’autonomie des plus valides.

D’où l’intérêt de considérer ces petites unités de vie comme c’était le cas avant la loi d’adaptation de la société au vieillissement, c’est-à-dire comme des structures non médicalisées, soumises simplement à une autorisation départementale.

M. Paul Christophe, rapporteur. Si je comprends bien l’objet de votre amendement, vous souhaitez soustraire les petites unités de vie, c’est-à-dire les EHPAD de petite taille qui accueillent moins de vingt-cinq personnes, à l’obligation contractuelle liant l’EHPAD et le résidant.

D’une part, le sujet de votre amendement est assez périphérique par rapport à la question centrale de cette proposition de loi, dont l’objet est d’améliorer la reconnaissance des proches aidants. D’autre part, en l’état, votre amendement ne correspond pas à ce que vous proposez dans l’exposé sommaire, puisqu’il soustrait seulement les petites unités de vie à l’obligation de prévoir par contrat un ensemble de prestations minimales relatives à l’hébergement, dit « socle de prestations ».

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous proposerai de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Annie Vidal. Cette question fait partie des sujets traités dans l’un des ateliers de la mission Libault sur l’offre et les parcours de soins pour le grand âge.

Lamendement est retiré.

La commission rejette lensemble de la proposition de loi modifiée.

M. Jean-Carles Grelier. Je tiens à saluer à mon tour le travail de notre collègue Paul Christophe, qui fait suite à l’excellent travail qu’avait déjà élaboré notre Pierre Dharréville. Je regrette donc que la majorité ait rejeté ces deux textes, et ce dernier en particulier, avec une cohérence contestable : pourquoi en effet le rejet de l’article 2, après avoir approuvé les amendements sur l’article ?

J’ai donc du mal à comprendre le positionnement exact de nos collègues : s’agit-il simplement de gagner du temps parce que cette proposition de loi ne correspond pas au calendrier du Gouvernement ? C’est une position d’autant plus regrettable que j’ai entendu ce matin le Premier ministre déclarer qu’il entendait et comprenait l’impatience des Français. Vous aviez ici l’occasion de faire un geste pour ces milliers d’aidants, qui attendent une reconnaissance et un statut.

M. Francis Vercamer. Je salue le travail de Paul Christophe qui se préoccupe de ce sujet depuis un certain nombre d’années et a beaucoup fait pour la reconnaissance des aidants. Je regrette, moi aussi, la position de la majorité. L’ensemble des groupes étaient d’accord, au sein de notre commission, avec la proposition de loi soutenue par Paul Christophe, à laquelle la majorité, pour des raisons de calendrier ou de positionnement politique, a pourtant décidé de ne pas donner suite.

C’est d’autant plus regrettable que j’avais cru comprendre que, dans le nouveau monde, il n’y avait plus ni idées de droite ni idées de gauche, mais uniquement de bonnes ou de mauvaises idées. Or voilà une bonne idée que la majorité n’a pas voulu faire sienne, préférant lâcher la proie pour l’ombre, alors qu’on ne sait jamais, avec ce gouvernement, si la chasse sera bonne. On nous annonce quantité de textes, mais je sais d’expérience que tous ces textes ne verront pas le jour. Je crains donc que les aidants se retrouvent une nouvelle fois bredouilles.

Mme Annie Vidal. Si cette proposition de loi n’a pas été retenue, les initiatives et les efforts se poursuivent néanmoins, dans la perspective d’un futur projet de loi. Deux cent cinquante personnes issues des administrations, des collectivités territoriales, des ARS, des associations ou de la société civile travaillent ensemble depuis le mois d’octobre pour établir un état des lieux et formuler des propositions qui devraient être soumis à la ministre dans les premiers mois de 2019. Eu égard à la tâche colossale qu’accomplissent ces personnes, nous nous devons d’attendre leurs conclusions avant d’aller plus loin. Avec le Gouvernement, nous nous efforcerons d’apporter une réponse rapide à cette question des aidants.

Mme Jeanine Dubié. Je regrette le sort que la majorité a réservé à cette PPL. Cela fait plus de vingt ans que l’on parle du rôle des aidants et que l’on empile les rapports. Malgré les propos rassurants de la porte-parole du groupe LREM, je crains que l’on ne doive attendre encore de longues années. Ce texte, bien travaillé, était une occasion ; rien ne vous empêchait de l’adopter en l’état, puis de continuer à l’améliorer, notamment sur la question du financement. Cela aurait permis de poser les choses. Le congé de proche aidant existe, mais comme il n’est pas rémunéré, il n’est quasiment pas utilisé. C’est bien là que se trouve le problème. Il fallait faire preuve d’ouverture aujourd’hui ; quoi qu’elle en dise, je ne crois pas que ce soit l’esprit de cette majorité.

M. Pierre Dharréville. Le sentiment qui m’anime, connu dans cette assemblée, est toujours le même. Beaucoup d’institutions, comme le HCFEA, ont déjà travaillé sur cette question et des organisations, investies dans cette cause, ont affiché leur soutien à ce texte – je pense notamment à APF France Handicap, l’UNAPEI, France Alzheimer, l’Association nationale des aidants, la fédération des aidants. Les sénateurs nous ont offert la possibilité d’examiner cette proposition de loi, et l’adoption d’articles conformes aurait permis de rendre des dispositions opérantes immédiatement.

Il n’en est rien, et je le regrette d’autant plus que lors de l’examen de la PPL dont je suis l’auteur, des engagements ont été pris pour le mois de juin, sans être suivis d’effets. Nous sommes en train de prendre un retard que la société paiera au prix fort.

M. Paul Christophe, rapporteur. Je regrette évidemment le sort réservé à ce texte qui avait le mérite d’apporter une solution, fût-elle partielle. Il y a le temps long, celui d’une réforme qui ne verra sans doute pas le jour avant la fin 2019, certainement en 2020 et qui ne sera pas immédiatement opérationnelle, mais aussi le temps court.

La vie politique est faite de signaux positifs, envoyés dans le court terme. Dans le contexte actuel, il eût été bon d’en adresser un aux aidants. Vous aurez malgré tout l’opportunité de le faire jeudi, en séance, et ce d’autant que Mme la ministre, au Sénat, s’est déclarée favorable à un certain nombre de dispositions. Cette proposition de loi est l’émergence d’un long travail, celui de notre collègue et de la commission des affaires sociales du Sénat. Elle repose aussi de façon pragmatique sur des travaux bien plus anciens, de collègues, d’associations, de personnes investies sur cette question. Ce sujet a certes vocation à s’inscrire dans un texte plus global, mais il vous offrait l’opportunité d’envoyer un signal positif en direction des aidants.

*

*     *

La proposition de loi modifiée est rejetée par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 

 


([1])  Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement

([2]) Loi n° 2018‑84 du 13 février 2018 créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap.

([3])  http://www.fondation-april.org/images/presse/Infographie_BarometreAidants_2018_FondationAPRIL_BVA.pdf

([4]) Rapport du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge sur « la prise en charge des aides à l’autonomie et de son incidence sur la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches aidants », adopté le 1er décembre 2017

([5]) Loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([6]) Décision n° 2018‑769 DC du 4 septembre 2018.

([7]) Rapport n° 26 (2018-2019) de M. Olivier Henno fait au nom de la commission des affaires sociales, 10 octobre 2018.

([8]) Loi n° 2015‑1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([9]) C’est-à-dire le conjoint, le concubin, le partenaire lié à un pacte civil de solidarité, l’ascendant, le descendant, l’enfant dont il assume la charge au sens de l’article L. 512‑1 du code de la sécurité sociale, le collatéral jusqu’au quatrième degré ou ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;

([10]) Loi n° 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([11]) Rapport n° 26 (2018-2019) de M. Olivier Henno fait au nom de la commission des affaires sociales, 10 octobre 2018.

([12]) Rapport de Dominique Gillot, Tome 2 : Proche Aidants : « Préserver nos aidants : une responsabilité nationale », juin 2018.

([13]) Communication de M. Pierre Dharréville sur la mission « flash » sur les aidants du mardi 23 janvier 2018.

([14]) Rapport n° 26 (2018-2019) de M. Olivier Henno fait au nom de la commission des affaires sociales, 10 octobre 2018.

([15]) Rapport n° 26 (2018-2019) de M. Olivier Henno fait au nom de la commission des affaires sociales, 10 octobre 2018

([16])  Tel que modifié par la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([17]) Proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants n° 589.

([18]) Proposition de loi visant à élargir les droits à la retraite pour les aidants familiaux n° 229.

([19]) Rapport n° 682 fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants par M. Pierre Dharréville : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0682.pdf

([20]) Rapport de Dominique Gillot, Tome 2 : Proche Aidants : « Préserver nos aidants : une responsabilité nationale », juin 2018 : https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_gillot_-_tome_2.pdf

([21]) Loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.

([22]) Voir commentaire d’article de l’article 29 du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0575.pdf  

([23]) Article 3 de la loi n° 2015‑1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([24]) Décret 2016‑209 du 26 février 2016 relatif à la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées.

([25]) http://www.hcfea.fr/IMG/pdf/HCFEA_Synthese_rapport_transversal_mis_en_forme.pdf

([26]) Rapport de Dominique Gillot, Tome 2 : Proche Aidants : « Préserver nos aidants : une responsabilité nationale », juin 2018.

([27]) Rapport n° 26 fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants.