N° 1663

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 février 2019.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg
en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales
en matière d’impôts sur le revenu et la fortune,

PAR M. Frédéric PETIT

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1507, 1670.

Sénat : 84, 190, 191 et T.A. 40 (2018‑2019).


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. Le bouleversement du paysage fiscal international a favorisÉ la modernisation d’ensemble des relations fiscales entre la France et le Luxembourg

A. Le modèle fiscal luxembourgeois a fait l’objet de nombreuses critiques

1. Les « tax rulings » luxembourgeois

2. Une fiscalité très favorable

B. Les règles de la fiscalité internationale ont beaucoup évoluÉ ces derniÈres annÉes

1. À l’échelle de l’OCDE

2. À l’échelle de l’Union européenne

C. la France a optÉ pour une application de la convention multilatérale plus large que le luxembourg

1. Les choix de la France : une application aussi large que possible

2. Les choix du Luxembourg : une application prudente

D. D’une convention bilatérale À l’autre : la nÉcessité d’une modernisation d’ensemble

1. L’application de l’instrument multilatéral à la convention de 1958

2. Les raisons d’une modernisation d’ensemble

E. une nÉgociation facilitÉe

1. L’évolution récente de la position du Luxembourg

2. Une attente liée à l’importance des échanges économiques

II. la nouvelle convention fiscale constitue une avancÉe significative dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscaleS

A. Les avancÉes qui s’inspirent du modèle de l’ocde

1. Le refus d’octroi des avantages conventionnels en cas de situation abusive (article 28)

2. De nouvelles règles de définition de l’établissement stable (article 5)

3. L’encadrement du régime d’exonération de retenue à la source sur la distribution de dividendes dans le contexte de sociétés mère-fille (article 10)

B. la consÉcration de plusieurs dispositifs anti-abus inspirÉs du droit français

1. Un droit d’imposition partagé sur les redevances (article 12)

2. La clause de participation substantielle sur les gains en capital (article 13)

C. les contreparties accordÉes au Luxembourg

1. La fiscalisation des pensions (article 17)

2. L’imposition des jours de télétravail des travailleurs frontaliers (paragraphe 3 du protocole)

D. Une convention modÈle

E. une application effective dÉpendante des administrations fiscales des deux pays

1. L’efficacité du contrôle fiscal

2. La coopération entre administrations

III. Une action commune est nÉcessaire pour assurer le développement équilibre de la rÉgion transfrontaliÈre

A. le modÈle Économique luxembourgeois repose sur une importation massive de main-d’œuvre des rÉgions transfrontaliÈres

B. Ce modÈle de dÉveloppement gÉnÈre un coÛt social et fiscal ÉlevÉ pour la france

1. Une forte érosion fiscale

2. Des charges très importantes

C. La coopération transfrontaliÈre et rÉgionale reste À construire

1. La coopération institutionnelle

2. Le champ de la coopération

D. la France et le Luxembourg doivent prendre le chemin du co-financement de projets d’intÉrÊt commun

1. La création d’une zone transfrontalière à la fiscalité harmonisée

2. La signature d’un accord de compensation fiscale

3. L’augmentation de la participation du Luxembourg au financement de projets d’intérêt commun

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

ANNEXE N° 2 :  Appariement entre la convention multilatérale et la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958

ANNEXE n° 3 : Tableau comparatif avec la convention multilatérale de l’OCDE et la convention fiscale de 1958

ANNEXE  4  TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION


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   introduction

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant la ratification d’une nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg, signée le 20 mars 2018, qui vise à remplacer l’actuelle convention en date du 1er avril 1958. Cette nouvelle convention, qui a pour objet de réviser la répartition des droits d’imposition entre les deux pays, est le vecteur d’une modernisation d’ensemble des relations fiscales entre la France et le Luxembourg.

L’examen approfondi des conventions internationales par le Parlement constitue une étape indispensable, a fortiori en matière fiscale. Le Gouvernement ne saurait fixer de nouvelles obligations à l’égard des citoyens sans l’approbation préalable de la représentation nationale.

Le rapporteur appelle à approuver cette convention fiscale, étant précisé que :

 

-         cet accord a été négocié dans un contexte marqué par la multiplication des affaires relatives à des pratiques fiscales dommageables et, parallèlement, par le bouleversement des règles de la fiscalité internationale. Longtemps critiqué, le Luxembourg est aujourd’hui en quête d’une respectabilité nouvelle, en même temps que celui-ci prend conscience de sa dépendance économique à l’égard de ses voisins (I) ;

-         pour la France, cette nouvelle convention marque un réel progrès dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, qui représente un préjudice financier pour l’État et un facteur d’érosion du consentement à l’impôt. Celle-ci reprend la quasi-totalité des dispositions de la convention multilatérale de l’OCDE et consacre plusieurs dispositifs anti-abus inspirés du droit français. Ces nombreuses avancées s’expliquent par la pression internationale sur le Luxembourg, mais également par certaines concessions faites à ce pays (II) ;

-         la situation des 100 000 frontaliers qui résident en Lorraine et travaillent au Luxembourg révèle une certaine injustice dans le modèle de développement choisi par le Luxembourg. Les travailleurs frontaliers représentent un coût très élevé pour les services publics en France, alors que ces derniers paient leur impôt sur le revenu au Luxembourg. Plusieurs solutions peuvent permettre un développement plus équilibré du bassin lorrain (III).

 


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Au mois de mars 2018, le Grand-Duc de Luxembourg a effectué une visite d’État en France, un évènement qui n’avait pas eu lieu depuis près de quarante ans. À l’occasion de cette visite historique, le séminaire intergouvernemental du 20 mars 2018 a initié un rapprochement entre la France et le Luxembourg dans de très nombreux domaines. Pour preuve, la déclaration conjointe adoptée à l’issue de ces travaux dispose que « les échanges […] ont permis d’aboutir à un ensemble d’accords ayant un impact tangible sur le quotidien des citoyens ».

La signature de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune s’insère dans ce renouveau des relations entre les deux pays. Cette nouvelle convention fiscale, dont le présent projet de loi autorise la ratification, a vocation à se substituer à la convention du 1er avril 1958([1]) qui est actuellement en vigueur.

Comme la précédente, la convention fiscale du 20 mars 2018 a pour objet de répartir les droits d’imposition entre les deux pays dans le but d’éviter les doubles impositions comme les doubles exonérations, d’accroître la sécurité juridique des opérateurs économiques transfrontaliers et de renforcer les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. En revanche, elle n’a pas pour effet d’harmoniser le régime fiscal français et luxembourgeois.

La modernisation des relations fiscales entre les deux États a suivi deux grandes lignes directrices : l’adaptation aux nouvelles règles de la fiscalité internationale et la préservation de certaines spécificités nationales. Aussi l’exposé des motifs du projet de loi dispose-t-il que la convention « est conforme au modèle de convention fiscale de l’OCDE, sous réserve des aménagements liés aux spécificités de la législation des deux États ».

I.   Le bouleversement du paysage fiscal international a favorisÉ la modernisation d’ensemble des relations fiscales entre la France et le Luxembourg

A.   Le modèle fiscal luxembourgeois a fait l’objet de nombreuses critiques

Le modèle fiscal luxembourgeois se caractérise à la fois par une fiscalité très favorable, notamment pour les sociétés dont les revenus sont faiblement imposés, et par un recours élevé à des accords préférentiels négociés avec des grandes entreprises. Ce modèle contribue à la forte attractivité du Luxembourg et, par voie de conséquence, à l’implantation des acteurs économiques et au choix de localisation de certains revenus sur son territoire. 

1.   Les « tax rulings » luxembourgeois

En novembre 2014, une quarantaine de médias internationaux réunis au sein du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) ont révélé, dans le cadre d’une affaire baptisée « LuxLeaks », les rescrits fiscaux passés par le Luxembourg avec près de 340 multinationales qui leur auraient permis de réduire leur charge d’imposition de plusieurs milliards d’euros.

Pour rappel, les rescrits fiscaux sont des accords permettant de fixer les modalités d’imposition d’un contribuable de manière préalable. De nombreux pays, dont la France, emploient régulièrement ce moyen afin d’offrir une sécurité juridique appréciée des entreprises.

Par distinction, les « tax rulings » luxembourgeois qui ont été révélés dans l’affaire « LuxLeaks » sont des moyens assurant aux entreprises une optimisation préalable de l’impôt auquel elles sont assujetties. À ce titre, ils permettent aux entreprises de bénéficier d’un taux d’imposition très faible de manière dérogatoire du droit commun.

Parce qu’ils accordent un traitement préférentiel à une entreprise par rapport à une autre, les « tax rulings » luxembourgeois entrent dans le champ des aides d’État interdites par la législation européenne. Afin de lutter contre cette pratique, la directive européenne du 8 décembre 2015 sur la transparence en matière de dispositions fiscales anticipées prévoit que les États membres ont l’obligation de communiquer les rescrits fiscaux qui ont une incidence transfrontalière.

La nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg n’a pas pour objet de lutter contre ce type de pratiques fiscales agressives. Néanmoins, dès lors que cette convention a pour objectif de lutter contre les doubles exonérations, celle-ci peut permettre de réimposer en France un contribuable qui serait complètement exonéré d’impôt au Luxembourg.

2.   Une fiscalité très favorable

Si de réels progrès ont été réalisés pour faire reculer cette pratique contestable des « tax rulings », la fiscalité luxembourgeoise reste dans l’ensemble très favorable. Ce régime fiscal avantageux bénéficie surtout aux entreprises, résidentes ou non-résidentes au Luxembourg, dont les revenus, qu’il s’agisse des dividendes, des intérêts ou des redevances, sont faiblement imposés.

 

B.   Les règles de la fiscalité internationale ont beaucoup évoluÉ ces derniÈres annÉes

À la faveur de la crise économique de 2008, la communauté internationale a pris conscience du coût induit par la fraude et l’évasion fiscales. Sur le plan des finances publiques, l’évitement fiscal prive les budgets nationaux de plusieurs milliards d’euros chaque année et se traduit par une augmentation simultanée de la charge fiscale pesant sur les citoyens. Du point de vue économique, il se traduit par des distorsions de concurrence qui nuisent à la compétitivité et à la croissance.

Compte tenu de la nature transfrontière de la fraude et de l’évasion fiscales, une action menée au niveau national ou bilatéral trouve rapidement ses limites. C’est pourquoi la solution réside dans un cadre multilatéral.

De fait, l’élaboration de la nouvelle convention entre la France et le Luxembourg s’inscrit dans le contexte d’une évolution multilatérale caractérisée par un encadrement plus strict de certaines pratiques fiscales et la tentative de favoriser une approche coordonnée des États dans ce domaine.

1.   À l’échelle de l’OCDE

Depuis le début des années 2000, l’OCDE s’est affirmée comme un cadre multilatéral important dans la lutte contre les pratiques fiscales dommageables. L’OCDE établit une liste de paradis fiscaux et est à l’origine du Forum mondial qui produit au niveau multilatéral de nombreuses normes de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales.  

 À la suite de la crise économique, les États du G20, réunis au sommet de Los Cabos le 18 et 19 juin 2012, ont confié à l’OCDE la mise en œuvre d’un chantier de grande ampleur : le plan d’action contre l’érosion des bases d’imposition et les transferts de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting – BEPS).

Le projet BEPS consistait en une révision des règles de la fiscalité internationale destinée à donner aux États des moyens plus efficaces pour lutter contre l’optimisation fiscale, en particulier face à des entreprises multinationales qui localisent leurs bénéfices dans des juridictions à la fiscalité avantageuse alors qu’elles n’y exercent, en réalité, qu’une activité limitée, voire inexistante. La mise en œuvre de certaines actions du plan BEPS passait par l’adoption d’une convention multilatérale visant à modifier les conventions fiscales utilisées massivement pour éluder l’impôt, en l’absence de mesures anti-abus suffisantes.

De manière inédite, l’adoption de cet instrument multilatéral a permis de modifier de façon synchronisée et uniforme le réseau de conventions fiscales bilatérales auxquelles les États signataires sont parties. Selon le député M. Benjamin Dirx, rapporteur de cette convention multilatérale au nom de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, « outre qu’elle constitue un tournant dans l’histoire de la fiscalité internationale, la convention permet à la lutte contre l’optimisation fiscale de gagner des décennies » ([2]).   

Le référentiel de l’OCDE se caractérise par sa grande flexibilité, qui était la condition d’une large adhésion des États. Si la convention comporte des standards minimums que tous les États signataires doivent obligatoirement adopter ([3]), ces derniers sont libres de choisir les conventions bilatérales qu’ils entendent « couvrir » par l’instrument multilatéral et de faire leur choix parmi les nombreuses options et réserves que propose la convention. Au total, le 29 janvier 2019, 87 États étaient signataires de la convention, dont tous les États membres de l’Union européenne (UE). 

2.   À l’échelle de l’Union européenne

Ces dernières années, l’Europe a mené, dans la lignée de l’OCDE, un programme ambitieux de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Les institutions européennes ont suivi deux axes principaux.

D’une part, l’UE a œuvré au renforcement de la transparence fiscale entre les États membres, qui se sont engagés entre eux à un niveau d’ouverture et de coopération sans précédent. La coopération entre administrations fiscales s’est intensifiée par l’échange automatique d’informations concernant les décisions fiscales, les déclarations « pays par pays » des activités des entreprises multinationales opérant dans l’Union et les comptes financiers des particuliers situés à l’étranger ([4]). La transparence à l’égard du public s’est également accrue à travers l’obligation faite aux grandes multinationales de publier en ligne des informations essentielles relatives à la fiscalité à laquelle elles sont soumises.

D’autre part, l’Europe a renforcé les règles anti-abus afin que les entreprises soient bien imposées dans les États où elles réalisent des bénéfices ([5]). La directive du 12 juillet 2016 relative à la lutte contre l’évasion fiscale, dite « ATAD 1 », a ainsi fixé plusieurs mesures anti-abus contraignantes ([6]) afin de lutter contre les formes de planification fiscale agressive les plus courantes.   

C.   la France a optÉ pour une application de la convention multilatérale plus large que le luxembourg

1.   Les choix de la France : une application aussi large que possible

En cohérence avec la priorité accordée à la lutte contre l’optimisation fiscale, la France a fait le choix d’une couverture maximale de son réseau conventionnel. En septembre 2018, la France avait notifié 91 conventions fiscales ([7]) qu’elle entendait couvrir par l’instrument multilatéral.

S’agissant des dispositions du modèle de l’OCDE, le député M. Benjamin Dirx expliquait que la France n’avait émis que « des réserves en faible nombre concernant des articles qui n’apportent pas de réel progrès en matière de lutte contre l’optimisation ou dont les effets sont jugés trop incertains ».

La France a ratifié la convention multilatérale le 26 septembre 2018. Depuis le 1er janvier 2019, l’instrument multilatéral a pris effet sur certaines conventions fiscales couvertes par la France.

2.   Les choix du Luxembourg : une application prudente

Le Luxembourg a joué un rôle actif dans le cadre du projet BEPS et a signé la convention multilatérale qui en fait application dès le mois de juin 2017.

Si le Grand-Duché exprime son intention de « couvrir » l’ensemble de ses 81 conventions fiscales bilatérales par l’instrument multilatéral, celui-ci a émis un grand nombre de réserves provisoires sur les dispositions facultatives du référentiel de l’OCDE ([8]).

Le Luxembourg n’a pas encore finalisé la procédure de ratification de l’instrument multilatéral. Selon les informations recueillies auprès des autorités luxembourgeoises, la ratification devrait intervenir avant l’été 2019 pour une entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2020.

D.   D’une convention bilatérale À l’autre : la nÉcessité d’une modernisation d’ensemble

La France et le Luxembourg vivent actuellement sous le régime de la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 1er avril 1958. Cette convention a fait l’objet de quatre avenants ([9]) qui ont, à chaque fois, modifié un aspect particulier de la convention pour mettre un terme à certains schémas d’optimisation.

Lors de la dernière modification intervenue en 2014, les deux parties ont jugé que la convention devait faire l’objet d’une modernisation d’ensemble. Cette rénovation d’ensemble du cadre fiscal entre la France et le Luxembourg s’appuie sur le diagnostic partagé d’une certaine inadéquation de la convention de 1958, quand bien même celle-ci serait couverte par l’instrument multilatéral.

1.   L’application de l’instrument multilatéral à la convention de 1958

Compte tenu de ses nombreuses carences au regard des normes de fiscalité internationale les plus récentes, l’actuelle convention ne permet de lutter que partiellement contre les stratégies d’optimisation fiscale entre les deux pays. Ainsi, elle ne comprend pas de définition précise de la résidence fiscale, ni de mécanisme permettant de refuser l’octroi des avantages conventionnels en cas de situation abusive, ni encore d’imposition partagée des redevances.  

L’application de l’instrument multilatéral permettrait de compenser certaines de ces imperfections. Celui-ci devrait prendre effet sur la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 à partir du premier jour de l’année civile suivant la ratification de la convention multilatérale par le Luxembourg, à savoir, très certainement, le 1er janvier 2020. À cette date, la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 pourrait être couverte par l’instrument multilatéral puisque celle-ci a bien été notifiée par la France et le Luxembourg. Néanmoins, le champ d’application du modèle de l’OCDE serait en partie limité par la liste provisoire de réserves émises par le Luxembourg. De fait, seuls les standards minimums et quelques dispositions facultatives ([10]) s’appliqueraient.

2.   Les raisons d’une modernisation d’ensemble

La France et le Luxembourg ont décidé de renégocier leurs relations fiscales plutôt que de se contenter d’appliquer l’instrument multilatéral à la convention de 1958. Si la nouvelle convention s’inspire largement du référentiel de l’OCDE, elle permet de remplir des besoins plus larges.

D’une part, dans le cadre des conventions fiscales bilatérales avec ses partenaires les plus importants, le Luxembourg a accepté de lever la plupart des réserves provisoires émises lors de la signature de l’instrument multilatéral.

D’autre part, le modèle de l’OCDE ne couvre qu’un nombre limité de dispositions des conventions fiscales bilatérales. Il ne prend ni en compte les particularités du droit fiscal que chaque pays pourrait vouloir préserver, ni certaines dimensions spécifiques, comme l’imposition des travailleurs frontaliers.

La nouvelle convention fiscale signée le 20 mars 2018 devrait être ratifiée par la France et le Luxembourg avant la fin de l’année et prendre effet à partir du 1er janvier 2020. Si ce calendrier est bien respecté, l’instrument multilatéral n’aura pas le temps de s’appliquer à la convention de 1958 avant que cette dernière ne soit remplacée par la nouvelle convention.

E.    une nÉgociation facilitÉe

Deux tours de négociation ont eu lieu, en 2016 et en 2017. Une telle négociation est toujours difficile car elle doit concilier les spécificités des modèles fiscaux de chaque pays, qui possède chacun sa propre histoire.

Deux facteurs ont contribué à la réussite de cette négociation : l’évolution récente de la position du Luxembourg en matière de coopération administrative et de transparence fiscale et l’importance des liens économiques entre les deux pays.

1.   L’évolution récente de la position du Luxembourg

La multiplication des affaires relatives à des pratiques fiscales agressives dans lesquelles le Luxembourg a parfois été cité ainsi que le bouleversement du paysage fiscal international ont contribué à une évolution de la position du Luxembourg en matière de transparence fiscale. Devant le rapporteur, le trésorier de Transparency International France, M. Jacques Fabre, exprimait « sent[ir] que ces États [les paradis fiscaux] sont maintenant passés dans une situation de culpabilité ». Le Luxembourg est aujourd’hui plus soucieux de sa respectabilité sur la scène européenne et internationale. 

Au niveau européen, le Luxembourg a décidé, à partir de 2014, d’assouplir sa position sur le secret bancaire. En octobre 2015, à la suite du scandale « LuxLeaks », le Luxembourg a accepté de se soumettre à l’échange automatique d’informations concernant les rescrits fiscaux.

Au niveau international, le Luxembourg figure désormais parmi les pays qui ont adopté la nouvelle norme commune d’échange automatique de l’OCDE. Les premiers échanges de renseignements ont eu lieu en 2018. Compte tenu de ces évolutions, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE a relevé la note du Luxembourg en matière de transparence fiscale de « non-conforme » à « largement conforme », ce qui place le Luxembourg dans la même catégorie que l’Allemagne ou l’Italie.  

Soulignant cette évolution positive, l’ambassadeur du Luxembourg en France, Mme Martine Schommer, résumait l’approche nouvelle de son pays par la volonté de créer les bases d’un « level playing field », c’est-à-dire d’une situation concurrentielle dans laquelle toutes les entreprises sont soumises aux mêmes règles et bénéficient des mêmes chances d’être compétitives.

2.   Une attente liée à l’importance des échanges économiques

Le nombre croissant de ressortissants et d’entreprises qui opèrent dans les deux pays, et l’importance des échanges économiques qui en découle, a nourri une certaine attente autour d’une plus grande sécurité juridique dans les relations fiscales entre la France et le Luxembourg.

Aujourd’hui, près de 2 400 entreprises luxembourgeoises sont installées en France et 900 filiales françaises sont installées au Luxembourg. Simultanément, plus de 100 000 travailleurs frontaliers résident en France et sont salariés au Luxembourg.

Ainsi que le rappelle l’étude d’impact, le Luxembourg est « un partenaire commercial important pour la France, avec un volume d’échanges de 3,8Mds€ en 2017, même si au regard des échanges intra-européens, le Luxembourg est son 20ème client ». Avec 12 % des parts de marché, la France est le troisième fournisseur du Grand-Duché, derrière la Belgique (34 %) et l’Allemagne (27 %).


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II.   la nouvelle convention fiscale constitue une avancÉe significative dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscaleS

Dans le cadre de cette nouvelle convention, le Luxembourg a accepté les options de la convention multilatérale auxquelles la France a souscrit ainsi que plusieurs dispositifs anti-abus inspirés du droit français. Grâce à ces dispositions, des gains qui échappaient à l’impôt en France pourront bien être imposés en France. L’étude d’impact précise que cette convention aura un « impact favorable sur les finances publiques », sans que celui-ci ne puisse être quantifié à ce jour. En retour, les négociateurs français ont fait plusieurs concessions à leurs homologues luxembourgeois. La bonne application de cette convention, qui constitue une véritable avancée, reposera in fine sur les administrations fiscales des deux pays.

A.   Les avancÉes qui s’inspirent du modèle de l’ocde

 

La convention signée le 20 mars 2018 va bien au-delà de ce à quoi la France pouvait s’attendre de la simple application de l’instrument multilatéral à la convention de 1958. Au total, selon Jessica Di Maria, conseillère au sein de l’unité des conventions fiscales de l’OCDE, il n’y a aucune disposition où la nouvelle convention est manifestement frileuse par rapport au référentiel de l’OCDE.

Deux dispositifs méritent des développements particuliers : le mécanisme permettant de refuser l’octroi des avantages conventionnels en cas de situation abusive et la consécration de la notion d’établissement stable. De manière plus spécifique, on évoquera aussi l’encadrement du régime d’exonération de retenue à la source sur la distribution de dividendes dans le contexte de sociétés mère-fille.

1.   Le refus d’octroi des avantages conventionnels en cas de situation abusive (article 28)

L’article 28, qui constitue un standard minimum de la convention multilatérale, permettra de lutter contre le « treaty shopping », aussi appelé chalandage fiscal, entre la France et le Luxembourg. Le chalandage fiscal consiste, pour une personne, à vouloir tirer parti des avantages prévus par la convention pour obtenir des bénéfices auxquelles elle n’aurait pas droit autrement. Grâce à cette disposition, la France et le Luxembourg auront désormais les moyens de lutter contre l’abus des conventions. Selon Jessica Di Maria, il s’agit de « l’outil le plus puissant de la convention ».

Dans quelles circonstances l’article 28 peut-il s’appliquer ?

Afin de contourner les dispositions de la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni, supposée moins avantageuse, une entreprise en France paie une redevance à une société-écran au Luxembourg qui la reverse par la suite à une entreprise située au Royaume-Uni.

Le droit français prévoit l’application d’une retenue à la source de 15 % sur ce flux de redevance. Toutefois, la nouvelle convention fiscale limite à 5 % la retenue à la source d’un flux de redevance entre la France et le Luxembourg.

En vertu de l’article 28, le plafonnement du taux de retenue à la source peut être refusé à l’entreprise en France lorsqu’il est avéré que le montage a été élaboré principalement pour bénéficier de cet avantage.

2.   De nouvelles règles de définition de l’établissement stable (article 5)

L’introduction de nouvelles règles de définition de l’établissement stable telles qu’elles ont été révisées dans le cadre du projet BEPS constitue une autre disposition anti-abus qui figure dans cette convention. Elle constitue une avancée d’autant plus importante que le Luxembourg avait formulé une réserve dans le cadre de la convention multilatérale signée le 7 juin 2017.

Pour rappel, les bénéfices d’une entreprise sont imposables dans l’État de sa résidence, sauf s’ils sont réalisés dans un autre pays par l’intermédiaire d’un établissement stable qui peut résulter d’un établissement fixe d’affaires, d’un agent dépendant ou d’un chantier de construction de plus de douze mois. L’effectivité de ce principe repose sur plusieurs dispositions, prévues à l’article 5, visant à éviter le contournement artificiel du statut d’établissement stable.

 

Lutter contre les multiples formes d’évitement

du statut d’établissement stable

Ces dispositions permettent de lutter concrètement contre plusieurs types de montages destinés à éluder l’impôt. Deux cas de figure permettent de l’illustrer :

● en vertu du paragraphe 5 de l’article 5, il ne sera plus possible d’échapper à l’impôt en France sur un contrat signé au Luxembourg dont la négociation a été menée par un agent en France placé dans une situation de dépendance vis-à-vis de la société luxembourgeoise signataire du contrat ;

● en application du paragraphe 3 de l’article 5, les compagnies ne pourront plus scinder leurs contrats pour empêcher artificiellement que les chantiers de construction ne dépassent douze mois et ne soient, à ce titre, imposés en France.

L’étude d’impact précise ainsi que ces dispositions permettront de « mieux répartir l’imposition des bénéfices entre la France et le Luxembourg, notamment par la remise en cause de schémas consistant à localiser artificiellement à l’étranger des activités commerciales ou de montages visant à fragmenter des fonctions de l’entreprise au sein de plusieurs entités ».

La convention ménage certaines exceptions au statut d’établissement stable afin d’apporter une certaine souplesse aux entreprises. Le paragraphe 4 de l’article 5 prévoit, par exemple, qu’une installation utilisée « aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l’entreprise » ne peut être considérée comme un établissement stable.

Si cette disposition vise, de façon légitime, à ne pas fiscaliser les entreprises sur la base des stocks de bien qui transitent dans un pays, elle pourrait bénéficier, si l’on s’en réfère à la lettre de la convention, à des entreprises multinationales importantes dont la logistique est le cœur de métier.

Dans les faits, cette disposition fait l’objet d’une interprétation stricte par l’administration fiscale française qui en limite le bénéfice aux activités de stockage, d’exposition ou de livraison qui ont un caractère auxiliaire ou préparatoire à une activité plus large. Le rapporteur est conscient qu’une formulation plus stricte dans le cadre de cette convention pourrait remettre en cause l’interprétation implicite dont bénéficie cette disposition dans les autres conventions fiscales dont la France est partie. À long terme, une clarification sur l’ensemble du réseau conventionnel serait néanmoins souhaitable pour lever cette ambiguïté juridique.  

3.   L’encadrement du régime d’exonération de retenue à la source sur la distribution de dividendes dans le contexte de sociétés mère-fille (article 10)

La nouvelle convention encadre le taux de retenue à la source sur la distribution de dividendes par une société établie dans un pays à un résident de l’autre pays au taux de 15 % du montant brut des dividendes.

Néanmoins, une exonération de retenue à la source est prévue dans le contexte de sociétés mère-fille, conformément à la directive du Conseil du 30 novembre 2011([11]) et au référentiel de l’OCDE. La nouvelle convention prévoit que, pour bénéficier de ce régime favorable, l’entreprise mère doit détenir plus de 5 % du capital de la société qui distribue les dividendes pendant une période minimale de 365 jours.

Le Luxembourg avait émis une réserve sur la disposition de la convention multilatérale qui prévoyait la période minimale de détention de 365 jours. L’article 10 de la convention constitue donc un cas où la France et le Luxembourg sont allés plus loin que les effets qu’aurait eus la convention multilatérale sur l’article consacré aux dividendes dans la convention de 1958.

B.   la consÉcration de plusieurs dispositifs anti-abus inspirÉs du droit français

Plusieurs mécanismes anti-abus inspirés du droit français ont été intégrés dans la nouvelle convention afin de lutter contre les techniques employées par certains contribuables pour localiser leurs revenus au Luxembourg en vue de réduire leur charge d’imposition. Nous en développerons deux d’entre eux.

1.   Un droit d’imposition partagé sur les redevances (article 12)

L’article 12 de la nouvelle convention modifie la répartition des droits d’imposition des redevances entre la France et le Luxembourg. Pour mémoire, les redevances sont des revenus qui rémunèrent la propriété intellectuelle, à savoir un actif incorporel comme un savoir-faire, une marque ou un brevet.

Dans la convention de 1958, les redevances sont imposées exclusivement dans l’État de résidence du bénéficiaire. Compte tenu de l’importance des flux de redevances de la France vers le Luxembourg, cette situation se traduisait par un manque à gagner pour la France.  

Dans la nouvelle convention, la France a obtenu du Luxembourg le principe d’une imposition partagée des redevances par le biais d’un taux de retenue à la source de 5 % du montant brut des redevances. Une telle disposition, qui n’est prévue ni dans la convention actuelle, ni dans l’instrument multilatéral, permettra à la France de récupérer une partie des droits d’imposition sur les redevances qui quittent le territoire national.

2.   La clause de participation substantielle sur les gains en capital (article 13)

L’article 13 fixe une limite au principe selon lequel la vente de titres est imposée uniquement sur le lieu de résidence du bénéficiaire. Désormais, selon le paragraphe 5 de l’article 13, les gains réalisés par une personne physique résidant au Luxembourg lors de l’aliénation d’actions ou de parts faisant partie d’une « participation substantielle » d’une société française seront désormais imposés en France. Une personne dispose d’une participation substantielle dans une société lorsqu’elle possède plus de 25 % des parts de cette société. 

Cette clause, absente de la convention actuelle comme du modèle de l’OCDE, permettra de cibler en particulier le cas des entrepreneurs qui déménagent leurs sociétés au Luxembourg dans le but de bénéficier d’une imposition très favorable sur la vente des actions de ces sociétés. Elle se traduira par une répartition de l’imposition des gains en capital plus favorable à la France.

C.   les contreparties accordÉes au Luxembourg

Si le Luxembourg a fait autant de concessions vis-à-vis de la France, celles-ci n’ont pas été sans contreparties.

Au-delà de la satisfaction à l’égard de la sécurité juridique apportée aux opérateurs économiques transfrontaliers, le Luxembourg a obtenu gain de cause sur deux sujets importants : la fiscalisation des pensions et l’imposition des jours de télétravail des travailleurs frontaliers.

1.     La fiscalisation des pensions (article 17)

Hormis les pensions publiques qui sont toujours imposées dans l’État de la source, la France est favorable au principe d’une imposition des pensions à la résidence, ainsi que le prévoit d’ailleurs le référentiel de l’OCDE. Un tel régime permet à la France d’imposer les retraités étrangers qui s’installent en France.  

Néanmoins, les négociateurs français ont accepté la demande du Luxembourg du maintien du régime applicable dans le cadre de la convention fiscale de 1958. L’article 17 conserve donc le principe d’une imposition à la résidence des pensions privées et d’une imposition à la source des pensions payées en vertu de la législation sur la sécurité sociale.

2.   L’imposition des jours de télétravail des travailleurs frontaliers (paragraphe 3 du protocole)

Chaque jour, ce sont près de 100 000 résidents français qui se rendent au Luxembourg pour y exercer leur activité. Selon l’article 14 de la convention, les revenus d’emploi sont imposés en raison du lieu d’activité, ce qui signifie que les travailleurs frontaliers sont imposés sur leurs rémunérations au Luxembourg.

L’application stricte de ce principe conduirait à imposer ces travailleurs en France au prorata de chaque jour de télétravail depuis leur lieu de résidence. Néanmoins, afin de leur offrir une certaine souplesse, le Luxembourg a souhaité que, lorsque les travailleurs frontaliers télétravaillent moins de trente jours par an, ces derniers puissent continuer à payer exclusivement leurs impôts au Luxembourg, dès lors qu’il s’agit de leur lieu principal d’activité. Cette disposition vaut également dans le sens inverse, mais force est de constater que le flux de travailleurs frontaliers du Luxembourg vers la France est assez marginal.  

La France a accepté cette demande luxembourgeoise, qui constitue une avancée par rapport à la convention de 1958 qui permet d’aller jusqu’à 183 jours. Cette concession faite au Luxembourg se traduira donc tout de même par des rentrées fiscales supplémentaires pour la France par rapport à la situation actuelle.

Il n’en reste pas moins que, pour le Luxembourg, la France est le pays qui autorise le plus grand nombre de jours de télétravail sans que les revenus qui en découlent ne soient imposés dans le pays de résidence. Compte tenu du nombre de travailleurs frontaliers et du manque à gagner pour le budget de l’État, le rapporteur estime que trente jours représentent un maximum.

D.   Une convention modÈle

La nouvelle convention fiscale place la France et le Luxembourg en avance par rapport aux conventions fiscales entre la France et ses autres partenaires, en particulier la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas qui, tout comme le Luxembourg, ont été accusés d’être peu coopératifs en matière fiscale.

À l’image de la convention de 1958, les conventions avec la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas sont désormais datées. Bien qu’elles aient fait l’objet de plusieurs avenants, elles ne tiennent pas compte des progrès accomplis par la fiscalité internationale depuis l’adoption de l’instrument multilatéral de l’OCDE. À titre d’exemple, le dispositif anti-abus permettant à un pays de refuser les avantages conventionnels en cas de situation abusive ne figure dans aucune des conventions qui lient la France avec ces trois pays.

Certes, l’instrument multilatéral devrait en théorie s’appliquer sur ces conventions bilatérales et combler ce retard. Toutefois, l’instrument multilatéral s’appliquera de façon différenciée selon les pays :

● d’un côté, les Pays-Bas ont accepté tous les dispositifs anti-abus prévus par le modèle de l’OCDE ; 

● au milieu, la Belgique n’a accepté qu’une partie des dispositions facultatives de la convention multilatérale ;

● et de l’autre côté, la Suisse a refusé l’application de l’instrument multilatéral sur sa convention fiscale avec la France.

En conséquence, pour le sénateur M. Vincent Delahaye, la convention du 20 mars 2018 constitue « un exemple à suivre pour d’autres conventions ». Le rapporteur ne peut que partager cet avis.

E.   une application effective dÉpendante des administrations fiscales des deux pays

Si elle constitue une réussite au regard de l’impératif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, cette nouvelle convention ne remplira ses promesses qu’à la condition d’être bien appliquée par l’administration fiscale des deux pays. Le rapporteur appelle donc à rester vigilant à l’application effective de cette convention après son entrée en vigueur.

1.   L’efficacité du contrôle fiscal

Les contrôles fiscaux permettront de s’assurer du respect de certaines dispositions de la convention qui déterminent l’application d’un régime d’imposition plutôt qu’un autre. Les déclarations des entreprises et des particuliers devront être contrôlées pour vérifier l’application d’une retenue à la source sur certains revenus lorsque la convention le prévoit.

Le rapporteur s’interroge sur la capacité des administrations fiscales à contrôler certaines dispositions. C’est le cas, par exemple, de la limite des trente jours de télétravail par an qui impose, lorsque celle-ci est dépassée, de soumettre une partie de la rémunération d’un travailleur frontalier à l’impôt en France. La mobilité des individus d’une part et d’autre de la frontière peut en effet rendre difficile le contrôle des jours télétravaillés par distinction aux jours travaillés au Luxembourg.

2.   La coopération entre administrations

La capacité des administrations fiscales à coopérer conditionnera également la bonne application de la convention. Les pesanteurs administratives ne doivent pas entraver les engagements pris par chaque Gouvernement.

La vigilance doit donc être de mise sur l’effectivité de la coopération administrative, s’agissant en particulier de l’échange de renseignements (article 25) et de l’assistance en matière de recouvrement des créances fiscales (article 26).

Votre rapporteur propose que le Parlement se saisisse d’un droit de suivi et de contrôle de l’application de cette convention, en commençant par convoquer les différents interlocuteurs au cours du deuxième trimestre de l’année 2020.  


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III.   Une action commune est nÉcessaire pour assurer le développement équilibre de la rÉgion transfrontaliÈre

La situation des travailleurs frontaliers se caractérise par une dissociation entre le lieu de résidence, en France, et le lieu de travail, au Luxembourg. En conséquence, ces travailleurs constituent une charge pour les services publics en France, mais paient leurs impôts sur le revenu au Luxembourg. Ce découplage entraîne d’importants déséquilibres dans le développement de la région transfrontalière. Une action commune est donc nécessaire pour assurer le développement équilibré du bassin lorrain.

A.   le modÈle Économique luxembourgeois repose sur une importation massive de main-d’œuvre des rÉgions transfrontaliÈres

Dans les années 1970, la Lorraine et le Grand-Duché du Luxembourg ont subi de plein fouet la crise du secteur sidérurgique. Dans tout le bassin lorrain, les nombreuses usines sidérurgiques qui faisaient la vitalité économique de la région ont progressivement disparu. À la suite de cette crise, le Luxembourg a fait le choix de se tourner pleinement vers la mondialisation et le marché intérieur européen et d’investir dans le secteur des services, notamment financiers. Grâce à ces choix, le Luxembourg s’est imposé comme un centre économique important dans la région. 

Conséquence de cette prospérité, le pays est devenu un grand importateur de main-d’œuvre étrangère depuis les régions transfrontalières du Grand Est, de la Wallonie, de la Sarre et de la Rhénanie Palatinat. Aujourd’hui, ce sont près de 220 000 travailleurs qui traversent régulièrement la frontière luxembourgeoise pour rejoindre leur lieu d’activité. Environ 105 000 travailleurs, soit près de la moitié, sont français, essentiellement en provenance de Lorraine. Avec un salaire moyen annuel équivalent à 50 453 euros au Luxembourg, les travailleurs frontaliers bénéficient d’une situation salariale très avantageuse par rapport aux travailleurs en France, dont le salaire annuel moyen atteint « seulement » 34 630 euros ([12]).

Les liens de dépendance mutuelle entre le Luxembourg et les travailleurs frontaliers font dire à Mme Martine Schommer, ambassadeur du Luxembourg en France : « le transfrontalier, c’est notre vie. […] La relation transfrontalière n’est pas juste un échange de capacité de main-d’œuvre, c’est une vie en commun. »

B.   Ce modÈle de dÉveloppement gÉnÈre un coÛt social et fiscal ÉlevÉ pour la france

En France, l’État et les régions frontalières du Luxembourg assument le coût de la prise en charge d’une main-d’œuvre importante sans juste retour en matière fiscale, les revenus des travailleurs frontaliers étant imposés au Luxembourg.

Cette situation contribue à l’appauvrissement des territoires frontaliers sur lesquels vivent des personnes par ailleurs très bien rémunérées. Ce contraste fait ainsi dire à M. Dominique Gros, maire de Metz, qu’en Moselle, « les gens roulent en Mercedes sur des nids-de-poule ».

En l’absence de réponse adéquate, le coût social et fiscal qui résulte de cette situation risque de s’accroître pour l’État et les territoires frontaliers en raison de la hausse attendue du nombre de travailleurs frontaliers.

1.   Une forte érosion fiscale

Les régions frontalières françaises souffrent d’un déficit d’attractivité vis-à-vis du Luxembourg en raison du dynamisme économique et du régime fiscal avantageux dont dispose ce pays. De nombreuses entreprises ont ainsi déménagé au Luxembourg tout en continuant à employer une main-d’œuvre qui réside en France. En sens inverse néanmoins, le nombre d’entreprises luxembourgeoises qui se sont installées en France est resté faible, de même que le nombre de résidents luxembourgeois qui travaillent sur le territoire français.

La réduction du nombre d’entreprises et de personnes qui exercent un emploi en Lorraine a entraîné une baisse des rentrées fiscales en France, pour l’État aussi bien que pour les collectivités frontalières. Au niveau local, les tentatives de compenser cette perte de recettes par une augmentation des impôts ont conduit à renforcer le déficit d’attractivité et, par voie de conséquence, les difficultés à développer les activités économiques dans cette région.

Comme il a été dit, la nouvelle convention fiscale conserve le principe d’une imposition des pensions de sécurité sociale dans l’État de la source. Aussi, la France n’impose ni les revenus d’activité des travailleurs frontaliers, ni les pensions que ces derniers perçoivent lorsqu’ils sont à la retraite. Si, à l’heure actuelle, les impôts perçus sur les pensions des travailleurs frontaliers restent modestes, ils devraient représenter des sommes très importantes à l’avenir, compte tenu du nombre de travailleurs frontaliers aujourd’hui.

2.   Des charges très importantes

Parallèlement au phénomène d’érosion fiscale, le nombre de résidents augmente dans les zones frontalières du Luxembourg, ce qui conduit à une hausse des charges pesant sur l’État et les collectivités territoriales. Les cas de la formation et de l’indemnisation-chômage sont particulièrement parlants.

Avant d’être embauchés au Luxembourg, les travailleurs frontaliers sont, en grande majorité, formés en France. Des effectifs importants de promotions d’étudiants, en infirmerie ou en informatique, sont formés en France avant de partir travailler au Luxembourg à l’issue de leurs études. Le coût de la formation des 100 000 frontaliers, qui représente plusieurs milliards d’euros, est supporté par la France alors qu’il bénéficie exclusivement au Luxembourg.

Lorsqu’ils sont licenciés de leur emploi au Luxembourg, les travailleurs frontaliers ont droit à une indemnisation-chômage d’une durée de trois mois. Au-delà de ces trois mois, les travailleurs frontaliers peuvent, en leur qualité de résidents français, se tourner vers la solidarité nationale pour leur assurer des conditions minimales d’existence. Au total, le Luxembourg n’indemnise que très modestement le chômage dont il est à l’origine et cette charge financière est en grande partie assumée par la France.

C.   La coopération transfrontaliÈre et rÉgionale reste À construire

1.   La coopération institutionnelle

L’ampleur du phénomène transfrontalier a conduit les deux pays à vouloir créer un dialogue entre régions frontalières voisines. Les modalités de ce dialogue ont beaucoup évolué récemment.  

Lors de son audition par le rapporteur, Mme Martine Schommer a regretté la multiplicité des acteurs français compétents en matière de coopération transfrontalière et l’absence de coordination entre ces derniers. De fait, selon les domaines, le Grand-Duché doit traiter avec des interlocuteurs différents :

● les interlocuteurs traditionnels que sont les départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle ;

● depuis 2016, la région du Grand-Est ;

● au niveau national, la commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière ;

● et, à l’avenir, le nouveau pôle métropolitain frontalier du Nord Lorrain créé le 9 janvier 2019 à Thionville.

Afin de remédier aux difficultés qui résultent de l’éclatement du dialogue frontalier, le rapporteur appelle à une plus grande clarté et, surtout, à une plus grande stabilité des instances qui participent à ce dialogue.

2.   Le champ de la coopération

Compte tenu de l’intensité des échanges transfrontaliers, la France et le Luxembourg ont souhaité élargir et renforcer le champ de leur coopération.

La coopération transfrontalière a été relancée à l’occasion du séminaire intergouvernemental franco-luxembourgeois du 20 mars 2018. Ce sommet a permis de signer plusieurs accords entre les deux pays :

● une nouvelle convention fiscale, dont la ratification est proposée par le présent projet de loi ;

● un accord de coopération administrative en matière de détachement de travailleurs et de prévention du travail non-déclaré ou faussement déclaré ;

● un protocole d’accord relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers ;

● un protocole sur la coopération scientifique et universitaire.

En parallèle, les deux pays ont souhaité engager des réflexions sur une coopération policière et dans le domaine de la protection civile, renforcer leur coopération dans l’apprentissage et l’enseignement supérieur et approfondir les liens culturels transfrontaliers. La commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise, qui se réunit régulièrement, doit être le cadre de ces efforts pour renforcer la coopération transfrontalière.

Comme l’a répété Mme Martine Schommer, le Luxembourg est très favorable au renforcement de la coopération transfrontalière pour laquelle « il y a mille sujets », qu’il s’agisse des transports, de la sécurité, de la santé ([13]), de la formation professionnelle ou de l’énergie. La coopération peut encore s’approfondir pour être à la hauteur des enjeux transfrontaliers entre la France et le Luxembourg.

D.   la France et le Luxembourg doivent prendre le chemin du co-financement de projets d’intÉrÊt commun

Pour M. Dominique Gros, maire de Metz, « la France a besoin de reconfigurer complètement ses rapports avec le Luxembourg ». Si la coopération transfrontalière doit certes évoluer, le rapporteur estime que toutes les solutions ne se valent pas. Le co-financement de projets d’intérêt commun est préférable, dans le court-terme, à la constitution d’une zone transfrontalière à la fiscalité harmonisée dans le sillon lorrain ou à la signature d’un accord de compensation fiscale avec le Luxembourg. Si ces solutions de long-terme restent en théorie les meilleures, leur implémentation doit être « tirée » par des solutions concrètes à court-terme, immédiatement sensibles dans les territoires concernés.

1.   La création d’une zone transfrontalière à la fiscalité harmonisée

L’harmonisation fiscale entre la France et le Luxembourg permettrait de résorber le déséquilibre dans le développement de la région transfrontalière qui s’explique en grande partie par la compétitivité fiscale du Luxembourg. Cette solution rééquilibrerait la relation entre les deux pays en réduisant les délocalisations d’entreprises du territoire français vers le Luxembourg. Elle serait par ailleurs synonyme de simplification pour les travailleurs frontaliers qui ne seraient plus soumis à deux systèmes d’imposition différents.

L’harmonisation fiscale peut être menée à différents niveaux. Elle est souvent imaginée au niveau européen ([14]) où elle a l’avantage d’être plus systématique, mais plus laborieuse compte tenu du besoin d’unanimité. Elle pourrait également avoir lieu, avec l’accord de la France et du Luxembourg, à l’échelle d’une région transfrontalière comme le sillon lorrain.

Ce projet d’un territoire transfrontalier à la fiscalité harmonisée se heurte néanmoins à plusieurs obstacles d’ampleur, parmi lesquels :

● le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt, même si l’introduction du principe de différenciation dans la Constitution permettrait de dépasser cette difficulté ;

● les conséquences d’un déplacement de la frontière fiscale, située non plus à la frontière physique avec le Luxembourg mais sur le territoire national, ce qui aurait pour effet de recréer les mêmes difficultés entre localités françaises ;

● la nécessité, dans la négociation, d’accepter un certain niveau de rapprochement avec la fiscalité luxembourgeoise, impliquant de renoncer à une certaine souveraineté dans la détermination du niveau des services publics ou, à défaut, de compter sur l’appui de la solidarité nationale.

Les difficultés inhérentes à l’idée d’une zone transfrontalière à la fiscalité harmonisée conduisent, à court terme, à privilégier d’autres solutions.

2.   La signature d’un accord de compensation fiscale

En complément de la nouvelle convention fiscale, selon laquelle les travailleurs frontaliers sont imposés sur leurs rémunérations au Luxembourg, la France pourrait conclure un accord avec le Luxembourg prévoyant le transfert d’une partie de l’impôt collecté vers la France pour compenser la charge que ces derniers représentent pour les services publics.

Aujourd’hui, le Luxembourg est un des rares pays voisins avec lesquels la France ne dispose pas d’accord de ce type. A contrario, la Suisse qui, comme le Luxembourg, importe une main-d’œuvre étrangère conséquente, est liée à la France par un système de compensation financière qui diffère selon les cantons. Genève, par exemple, impose à la source les salariés et rétrocède annuellement 3,5 % de la masse salariale aux départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, soit l’équivalent de 260 millions d’euros ([15]). Ces deux départements ont ensuite la charge de répartir cette somme entre les communes, au prorata de leurs habitants qui travaillent à Genève.

3.   L’augmentation de la participation du Luxembourg au financement de projets d’intérêt commun

Le rapporteur estime que la coopération transfrontalière doit prendre le chemin du co-financement de projets d’intérêt commun qui, d’un point de vue politique, est plus satisfaisant qu’une coopération fondée sur la rétrocession.

Aujourd’hui, le Luxembourg commence à se sentir responsable d’un territoire plus grand que le sien. L’accord relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers signé le 20 mars 2018 prévoit ainsi d’améliorer les infrastructures ferroviaires et routières sur le sillon lorrain par le biais d’un cofinancement franco-luxembourgeois. Dans ce cadre, le Luxembourg s’est engagé à contribuer jusqu’à 120 millions d’euros.

Certes, le Luxembourg ne contribue pas assez à l’ensemble des charges supportées par la France au titre de la population qui réside sur son territoire et qui travaille au Luxembourg. Le Luxembourg participe seulement aux coûts des transports transfrontaliers, et dans une mesure qui reste encore limitée par rapport aux investissements qui sont nécessaires dans ce domaine ([16]). En revanche, le Grand-Duché ne compense pas encore les coûts indirects auxquels il contribue, qu’il s’agisse de la formation ou de l’indemnisation-chômage.

Néanmoins, la voie tracée est la bonne. Le Luxembourg est aujourd’hui ouvert à ce modèle de co-financement dans des projets d’intérêt commun. Mme Martine Schommer estimait qu’un tel modèle pourrait, par exemple, être transposé dans le domaine des énergies renouvelables.

Le rapporteur estime que la commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise, qui est le lieu de réflexion pour la conduite de nouveaux projets d’intérêt commun, devrait être complétée par un fonds de co-développement abondé par les deux pays. Pays prospère qui affiche un excédent budgétaire ([17]), le Luxembourg pourrait voir sa contribution progressivement augmenter.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 6 février 2019. Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Xavier Paluszkiewicz, rapporteur pour avis. Je souhaite me faire l’écho de certaines remarques formulées hier lors de l’examen de cette convention fiscale par la commission des finances.

Il faut d’abord se réjouir de la nouvelle définition de l’établissement stable qui est conforme au modèle de l’OCDE. En effet, le Grand-Duché avait formulé des réserves sur ce point dans le cadre de la convention multilatérale qui ont été levées dans le cadre de cette convention bilatérale avec la France. Cette nouvelle définition doit permettre d’écarter les montages abusifs visant à contourner artificiellement l’imposition en France.

La commission des finances s’est aussi interrogée sur la clause générale anti-abus prévue à l’article 28, et, en particulier, sur son articulation avec le dispositif anti-abus qui existe déjà dans le droit français. Je rejoins la position de Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure pour avis de la convention multilatérale de l’OCDE, qui, lors des débats en commission en finances, soutenait l’idée qu’une application conjointe de ces deux dispositifs était possible.

La brièveté de l’étude d’impact a été regrettée par les commissaires aux finances de tous les bords politiques. Il est en effet regrettable que l’administration ne puisse nous fournir des informations plus précises au sujet des gains financiers attendues que la formule sibylline : la convention aura un « impact favorable sur les finances publiques ». Nous n’avons donc pas de chiffrage clair. De même, plusieurs députés ont fait remarquer que l’étude d’impact était muette sur le nombre d’individus concernés par cette convention alors que le nombre d’entreprises est quant à lui bien indiqué.

Au cours de notre débat, l’affaire des rescrits fiscaux luxembourgeois a été évoquée pour rappeler la législation fiscale très avantageuse du Luxembourg. Il ne s’agit pas ici de le nier. Néanmoins, la nouvelle convention fiscale est très en avance par rapport aux conventions fiscales passées avec la Suisse ou les Pays-Bas, aucune de ces deux conventions ne comprenant de clause anti-abus, ni de définition rigoureuse de l’établissement stable. Par ailleurs, il s’agit d’une convention visant à répartir les droits d’imposition, et non d’une convention d’harmonisation fiscale. L’harmonisation fiscale se joue davantage au niveau européen ou international.

Il faut dire un mot sur l’absence de prise en compte de la « présence numérique » des entreprises dans la définition de l’établissement stable. Cette absence s’explique par le manque de consensus international sur le sujet, que l’on peut regretter. Il est urgent que la fiscalité s’adapte aux changements induits par la transition numérique. À ce titre, on peut se réjouir des dernières avancées dans ce domaine à toutes les échelles, au niveau européen par la présentation par la Commission d’un « paquet » sur la fiscalité numérique en mars dernier, au niveau de l’OCDE par la signature à l’horizon 2020 d’un accord sur la taxation des géants du numérique et, bien sûr, en France par le futur projet de loi permettant de taxer les grandes entreprises du numérique.

L’harmonisation fiscale progresse également au niveau européen. La Commission a relancé le projet d’une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, plus communément appelée « ACCIS ». Sa concrétisation marquerait une avancée dans le sens d’une plus grande justice fiscale en Europe. Par ailleurs, le commissaire européen M. Pierre Moscovici appelle de ses vœux la fin de la règle de l’unanimité et le passage progressif à la majorité qualifiée sur les questions fiscales au sein de l’Union européenne, ce dont nous nous félicitons.

Même si je n’ai pas le droit de vote dans cette commission, je vous invite vivement, chers collègues, à accepter ce projet de loi autorisant la ratification de cette nouvelle convention fiscale.

Mme Isabelle Rauch. Le 20 mars 2018, à l’occasion de la visite historique du Grand-Duc du Luxembourg en France et du séminaire intergouvernemental qui s’est tenu parallèlement, plusieurs accords bilatéraux ont été signés entre les deux pays, dont cette nouvelle convention fiscale bilatérale.

En tant que députée frontalière de la Moselle, je me félicite de cet accord tout en espérant qu’il ne s’agit pas de la dernière convention fiscale dont notre commission est saisie, alors que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat n’examine déjà plus ce type de convention.

Madame la Présidente, il ne vous a sûrement pas échappé que le Président Woerth a demandé hier une réforme du Règlement afin de récupérer l’examen des conventions fiscales en commission des finances. Je sais que vous y serez attentive.  

Ceci étant dit, on ne peut que se réjouir du fait que cette nouvelle convention fiscale ait fait l’objet d’un accord entre les deux États et qu’elle soit amenée à se substituer à la convention de 1958, qui a été modifiée à quatre reprises. En effet, il était temps de moderniser cette convention afin de l’adapter aux standards actuels de la fiscalité internationale, qui ont été inspirés par l’OCDE dans le contexte de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales à l’échelle internationale.

Hier, la réunion en commission des finances a permis de soulever un certain nombre de questions auxquelles l’étude d’impact, qui est insuffisante, ne permet pas de répondre. Le rapporteur pour avis s’est d’ailleurs engagé, d’ici à l’examen en séance publique prévu le 14 février, à combler tout ce qui n’a pas pu être dit en commission des finances.

Nos rapporteurs nous ont encouragés à autoriser la ratification de cette convention. Je ferai de même puisqu’elle va dans le sens d’un meilleur dialogue entre nos deux États, notamment en matière de coopération transfrontalière à laquelle je travaille quotidiennement. Vous avez mentionné l’idée de renforcer les projets d’intérêt commun. Que pensez-vous de la piste de la rétrocession fiscale ?

M. Didier Quentin. Cette nouvelle convention vient actualiser un dispositif conventionnel datant de 1958 rendu obsolète par les dernières avancées en matière de fiscalité hybride et d’optimisation. Ce texte place ainsi nos deux pays en conformité avec les derniers standards internationaux en vigueur. Il ouvre nos administrations fiscales respectives à des avancées importantes en matière de partage de renseignement et de lutte contre l’évasion fiscale. Il permet d’éviter les doubles impositions et les doubles exonérations. Il s’intéresse à l’imposition des jours de télétravail qui s’en trouve facilité.

Cette convention est d’autant plus importante et attendue qu’elle concerne de plus en plus de ressortissants et d’entreprises des deux pays. Les chiffres sont étonnants : 2 380 entreprises luxembourgeoises sont installées en France tandis que 900 filiales françaises exercent au Luxembourg. Du point de vue des personnes physiques, plus de 90 000 travailleurs frontaliers exercent au Luxembourg, chiffre considérable si on le compare aux 600 000 habitants qui vivent dans ce pays.

Même si cela étonne certains, il n’est pas inutile de rappeler que le Luxembourg est sur le chemin de la transparence. L’absence du Luxembourg sur la totalité des listes noires en matière fiscale, les divers avenants de la convention de 1958 comme la diversification économique sont là pour le rappeler.

Nous sommes donc favorables à l’adoption de cette convention qui permet de sécuriser nos nombreux compatriotes travaillant au Luxembourg.

M. Sylvain Waserman. Je pense que l’on peut tous se féliciter des progrès que traduit, de manière indubitable, cette convention. Vous indiquez que ce texte permettra une répartition fiscale plus favorable à la France. Je n’ai pas vu d’évaluation chiffrée de l’impact que cela pourrait représenter pour les finances publiques en France. Existe-t-il un tel chiffre, même approximatif ?

Par ailleurs, vous notez que la situation actuelle a pour conséquence la paupérisation des régions frontalières françaises qui ne perçoivent pas l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers. Pour rendre compte de cet appauvrissement, vous évoquez également l’impact de la situation actuelle sur les services publics, puisque le chômage est essentiellement payé par la France, de même que les frais de scolarité des travailleurs frontaliers. Des citations fortes sont présentes dans le rapport, comme celle du maire de Metz qui indique, qu’en Moselle, « on roule en Mercedes sur des nids-de-poule », ce qui permet d’illustrer le manque de recettes fiscales locales qui contraste avec le fort pouvoir d’achat des habitants. Mais il y a aussi des retombées positives de ce fort pouvoir d’achat des travailleurs frontaliers qui ne sont pas mentionnées dans le rapport. Avez-vous des éléments sur ce sujet ?

M. Christophe Naegelen. Le Luxembourg a encore des efforts à faire en termes de transparence, même si ce pays a fait et continue de faire d’importants progrès dans ce domaine. Si on devait emprunter la voie de l’harmonisation fiscale, il serait également intéressant d’harmoniser le prix de l’essence et du diésel, qui est beaucoup plus bas au Luxembourg.

On ne peut qu’être favorable à un renforcement de la relation entre la France et le Luxembourg, comme d’ailleurs avec tous nos pays voisins. Nous serons donc favorables à l’adoption de cette convention. Elle permet d’améliorer la situation, même si ce n’est jamais assez. 

M. Christian Hutin. C’est absolument terrible ce que l’on nous propose aujourd’hui. Heureusement, en 2014, des journalistes ont réussi à montrer, malgré un président de la Commission européenne luxembourgeois, que des choses abominables se passaient au Luxembourg, et il s’en passe encore.

Cette convention ne changera rien ! C’est un écran de fumée, qui peut avantager un certain nombre de frontaliers, car il nous faut une justice frontalière. On ne parvient même plus à répertorier le nombre d’entreprises françaises basées au  Luxembourg : voilà ce qu’est devenue l’Europe ! À l’approche des élections européennes, l’harmonisation fiscale doit être notre seul but. Nous sommes nombreux à reconnaître qu’il est très dommage que cette convention ne fasse pas un pas vers l’harmonisation. Le groupe socialiste est extrêmement inquiet et défavorable à cette convention.

Madame la Présidente, je sais pouvoir compter sur votre pugnacité pour défendre les prérogatives de notre commission. Ce n’est pas à M. Éric Woerth de décider si l’ensemble des textes à caractère financier doivent être examinés par la commission des finances. On est dans une stratégie de privatisation par une commission ! Si jamais M. Woerth devait avoir gain de cause, je serais extrêmement en colère, mais je sais que vous ne le laisserez pas faire.

M. Jean-Paul Lecoq. J’invite mes collègues à chercher qui écrit ce genre de conventions. Elle n’est pas amendable et elle, en plus, est tout juste discutable. On se demande même si notre approbation est utile. Je lisais à la page 19 du rapport du Sénat – puisque l’on me demande de citer mes sources – que cette convention est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2019. On est au summum de l’inutilité de notre travail. S’il y a une réforme à mener au sujet des conventions internationales, il faut qu’elles soient écrites en coopération avec les représentants du peuple.

On observe que le Luxembourg exerce toujours des pratiques fiscales agressives et dommageables. On peut citer le taux d’imposition des sociétés largement inférieur à la moyenne européenne, le régime défiscalisé sur la distribution des dividendes qui présente un intérêt certain pour les personnes physiques ou morales qui les perçoivent ou encore la possibilité donnée aux grands groupes de négocier des régimes d’imposition préférentiels avec les autorités luxembourgeoises.

Cette pratique des rescrits fiscaux avait été mise en lumière lors des révélations des lanceurs d’alertes M. Antoine Deltour et M. Raphaël Halet, auditeurs au sein du cabinet PricewaterhouseCoopers qui avaient participé à des négociations entre l’État et plusieurs grands groupes. Cette affaire, dénommée « LuxLeaks », a permis de révéler les accords fiscaux conclus entre le Luxembourg et près de 340 multinationales dont Ikea, Apple, Pepsi ou Gazprom entre 2002 et 2010. Ces multinationales ont ainsi réduit leur charge d’imposition de plusieurs milliards d’euros.

Par ailleurs, l’État luxembourgeois est un des plus grands blanchisseurs d’argent sale au monde. La Commission européenne a d’ailleurs saisi la Cour de Justice de l’Union européenne pour carence dans la transposition de la directive anti-blanchiment. Le pays brasse un volume d’argent extravagant et émet en espèce l’équivalent de deux fois son produit intérieur brut (PIB).

Malgré la prétendue fin du secret bancaire, le secteur financier luxembourgeois continue son « boom », en renforçant ses liens avec l’économie chinoise. Ces éléments doivent nous questionner sur l’effectivité des échanges d’information entre administrations fiscales, qui est un outil utile, mais qui peut être facilement contourné.

Bien que le consentement du Luxembourg à participer aux travaux de l’OCDE puisse être perçu positivement, les doutes l’emportent à ce stade. Plutôt que d’engager un travail contre les doubles impositions, il faudrait plutôt s’attaquer à l’imposition « zéro » que pratique cet État pirate sur le plan fiscal. Malgré cette convention, le Luxembourg restera un paradis fiscal notoire, un repère d’évadés fiscaux, qu’il s’agisse de ménages ou d’entreprises.

Plus largement, cette situation est représentative de l’état actuel de l’Union européenne. Membre fondateur de l’Europe, le Luxembourg pratique un dumping fiscal scandaleux et un de ses anciens dirigeants est actuellement président de la Commission européenne.

Aujourd’hui, le Luxembourg tente de se racheter une conduite à peu de frais. En filigrane, c’est la question de l’harmonisation fiscale européenne qui doit être posée.

Il faut rappeler les conséquences de l’évasion fiscale dont profitent les tricheurs qui, semble-t-il, ont toujours un temps d’avance en la matière. L’évasion fiscale a pour conséquence une charge d’imposition alourdie pour l’immense majorité de nos concitoyens, un sous-financement des services publics et des distorsions de concurrence entre entreprises.

Je vous invite donc à voter contre cette convention fiscale. Si vous prétendez lutter contre les paradis fiscaux, vous voterez contre. Si vous prétendez défendre les intérêts de notre peuple et de notre pays, vous voterez contre. Ainsi, vous ferez le « cocorico » nécessaire !

M. Jean-Michel Clément. Cette convention a pour objectif de prévenir la fraude et l’évasion fiscales ce qui est déjà, en soi, un aveu que la fraude et l’évasion fiscales existent. Ce phénomène est en réalité une évidence depuis très longtemps au sein du Grand-Duché.

Il est indiqué que le champ de la convention inclue les impôts sur le revenu et la fortune, mais je n’ai vu aucune mention de l’impôt sur la fortune dans la convention. On aurait pu imaginer que la convention mentionne l’impôt sur les successions. Pourtant, sur ce sujet aussi, la convention est muette. Je ne conteste pas la qualité du travail réalisé par le rapporteur, mais le contenu du matériau avec lequel vous avez dû travailler.

Certes, il y a des éléments nouveaux, liés à l’évolution de la fiscalité et aux travailleurs frontaliers. Pour le reste, c’est une convention qui permet de se donner bonne conscience, mais qui, de surcroît, donne l’impression de passer l’éponge sur des pratiques fiscales dommageables passées qui sont connues et qui perdurent. Tant que la convention n’a pas pour objet l’harmonisation fiscale, ce ne sont que des déclarations de bonnes intentions.

On sait depuis longtemps que le Luxembourg est un paradis fiscal et qu’il n’a pas l’intention de ne plus l’être. Or, faire une convention avec un paradis fiscal, c’est un peu se moquer du monde. Le groupe Liberté et Territoires votera contre ces propositions.

Mme Jacqueline Maquet. À l’heure ou nos concitoyens réclament une lutte accrue contre l’évasion fiscale, un objectif que notre Gouvernement et la majorité partagent, le texte que nous examinons ce matin est le bienvenu.

Il faut prendre conscience de la nécessité de réviser ce type de convention plus régulièrement que tous les soixante ans, surtout quand on connaît le volume des échanges entre les deux pays, qui s’élève à 3,8 milliards d’euros. La France est aussi le deuxième exportateur et le troisième importateur du Luxembourg.

Au vu de l’importance de ces échanges et du nombre de travailleurs et d’entreprises ayant un pied dans les deux pays, la convention pourrait n’être qu’un vœu pieux si elle ne s’accompagne pas d’un réel contrôle et de réelles sanctions en cas de manquements. Pouvez-vous nous renseigner sur les moyens coercitifs qui seront mis en place ? Ces moyens, notamment ceux du Grand-Duché, vous paraissent-ils suffisants ? 

Mme Valérie Boyer. Avec seulement 600 000 habitants, le Luxembourg est la première place financière de la zone euro et il accueille les plus grands fonds d’investissement ainsi que de nombreux sièges sociaux d’entreprises et de banques. Le scandale « LuxLeaks », qui a éclaté il y a quatre ans, a mis en lumière certaines pratiques d’évitement fiscal au travers d’accords négociés par des grands groupes avec l’administration fiscale luxembourgeoise dans la plus grande discrétion. Le Grand-Duché est un paradis fiscal au sein de l’Union européenne.

Cette convention reprend les acquis du modèle de l’OCDE, ce qui constitue sans doute un bon signal. Mais même si les choses évoluent et cette convention fiscale va théoriquement dans le bon sens, il reste nécessaire de remédier au risque de fraude sur les impôts sur le revenu et la fortune.

Je suis toujours surprise que, dans cette commission, l’examen des conventions ait lieu en catimini, sans vrai débat et sans que l’information soit vraiment accessible à tous nos compatriotes. J’éprouve un sentiment d’inutilité et d’impuissance face à cette convention, qui sera ratifiée avec ou sans notre approbation. Il s’agit d’un véritable problème démocratique.

Depuis les années 1990, le flux de main-d’œuvre frontalière au Luxembourg augmente chaque année. On est ainsi passé de 33 000 travailleurs frontaliers français en 1990 à 148 000 en 2010. Aujourd’hui, on a atteint près de 200 000 travailleurs frontaliers, ce qui est très important. Près de 80 % des travailleurs au Luxembourg sont des étrangers. Concomitamment, le Luxembourg a créé entre 168 000 et 250 000 emplois supplémentaires en trente ans pendant que des zones frontalières comme la Lorraine en créaient péniblement quelques milliers après en avoir détruit plusieurs milliers. Sur cette période, le taux de croissance annuel du PIB du Luxembourg n’a cessé d’osciller entre 2 % et 6 %.

La concurrence fiscale pratiquée par certains pays de l’UE rapporte à ces pays au détriment des emplois chez nous. C’est un problème de justice sociale. À l’heure où vous nous demandez de poser une première pierre en approuvant cette convention, je reste gênée par la concurrence déloyale qui est organisée entre les pays de l’UE. Il s’agit d’un beau sujet de débat dans le cadre des élections européennes.

Mme Marine Le Pen. Le simple fait que l’on prenne l’Assemblée nationale pour une chambre d’enregistrement justifie que l’on vote contre ce texte. De même qu’il existe des mandats apparents, il existe une démocratie apparente. Si l’on autorise la ratification de cette convention, on donne le sentiment que cette convention a été discutée avec les représentants du peuple, alors que ce n’est pas le cas. Nous ne pouvons pas nous rendre coupables de ce genre de mensonge à l’égard de nos compatriotes. Ces derniers doivent savoir, qu’en réalité, nous ne pouvons rien changer. En laissant perdurer ce faux-semblant, nous ferions, une fois de plus, un mauvais coup à la démocratie. 

Qu’a donné le scandale « LuxLeaks » ? Le Gouvernement français s’est-il tourné vers le Luxembourg pour demander à ce pays de payer la facture après avoir contourné toutes les règles et privé la France de recettes fiscales très importantes ? Nous ne pouvons pas signer une convention fiscale avec le Luxembourg, ce qui revient à récompenser ce pays d’avoir volé le peuple français. Je trouve cela très méprisant à l’égard du peuple français et contraire aux intérêts économiques de notre pays qui doivent pourtant être défendus. Pour toutes ces raisons, je voterai contre.  

M. Xavier Paluszkiewicz, rapporteur pour avis. Mme Rauche évoquait l’idée portée par certains acteurs français d’une rétrocession fiscale du Luxembourg vers la France. L’idée du versement de cette rétrocession fiscale est évoquée depuis trente ans, mais il ne suffit pas de taper du pied chaque matin pour obtenir quelque chose de la part du Luxembourg. Les élus locaux ont probablement dû changer bon nombre de souliers sans voir le moindre talon de chèque luxembourgeois. Les Luxembourgeois s’y opposent, même si on peut le regretter.

Aujourd’hui, la position de la France sur le sujet de la rétrocession fiscale est très claire. Au début de l’année 2018, M. Jacques Mézard, alors ministre de la Cohésion des territoires a adressé une lettre de mission aux élus locaux et à M. Jean-Luc Marx, préfet du Bas-Rhin et de la région Grand-Est. Dans cette lettre, M. Mézard invitait les acteurs locaux à prendre en compte la position luxembourgeoise en faveur du co-développement. Fin juin 2018 à Thionville, le Président du conseil régional du Grand-Est, M. Jean Rottner, accompagné du Préfet Marx, entérinait la solution du co-développement.

À l’issue de la visite du Grand-Duc du Luxembourg les 19 et 20 mars 2018, au cours de laquelle la convention fiscale a été signée, la France et le Luxembourg sont convenus de plusieurs accords de co-développement, notamment dans le domaine des transports, dans le cadre desquels le Luxembourg s’est engagé à contribuer jusqu’à 120 millions d’euros sur dix ans. L’idée d’un co-financement luxembourgeois du projet de l’autoroute A31 bis a été mise de côté car le Luxembourg souhaitait participer au transport ferroviaire, mais pas au transport routier.

Force est de constater que 120 millions d’euros ne suffiront pas pour combler les disparités fiscales et sociales sur notre territoire qui résultent du manque d’attractivité du Nord Lorrain. Si cette somme constitue un préalable, il semble que des discussions soient en cours pour que le Luxembourg abonde des fonds supplémentaires.

Une des difficultés était, pendant longtemps, le manque d’organisation formelle sur le territoire. Nous avions un grand nombre d’interlocuteurs et autant de discours différends, ce qui compliquait le dialogue avec le Luxembourg. Aujourd’hui, les élus locaux s’organisent autour du nouveau pôle métropolitain qui devrait inclure toutes les intercommunalités qui jouxtent la frontière avec le Luxembourg. Le président de ce pôle métropolitain devrait être élu prochainement, ce qui permettra à la France d’avoir un interlocuteur unique face au Luxembourg pour trouver des solutions et, éventuellement, pour conclure un accord de rétrocession fiscale semblable à celui qui existe avec le canton de Genève. Néanmoins, la situation avec le canton de Genève, avec lequel un accord a été signé en 1950, n’est pas du tout la même.

Plusieurs députés ont posé des questions sur l’impact de cette convention sur les finances publiques. J’ai déjà souligné les insuffisances de l’étude d’impact et, en dépit des questions que j’ai posées à l’administration, je n’ai pas obtenu de réponse sur une estimation chiffrée. Il est bien de savoir que la convention aura un impact positif pour la France, mais de quel ordre ? J’ai pris l’engagement devant la commission des finances de reposer la question à Bercy et je m’y attellerai.

L’étude d’impact ne nous renseigne pas non plus, au-delà du coût de l’évasion fiscale à l’échelle de l’UE qui est estimée entre 50 et 70 milliards d’euros, sur le coût de l’évasion fiscale entre la France et le Luxembourg. Enfin, si l’étude d’impact donne des chiffres sur les entreprises, elle ne donne pas le nombre de particuliers qui seront impactés par cette convention.

Pour répondre à Mme Le Pen, je comprends que cette convention peut donner le sentiment d’une certaine impuissance aux parlementaires, qui n’ont pas été associés aux négociations. Néanmoins, nous avons tout de même le pouvoir, si nous le voulons, de rejeter cette convention.

Le fait que cette convention concerne le Luxembourg rend sans doute la procédure d’examen des conventions plus contrariante aux yeux de certains députés. Il faut toutefois rappeler que la procédure d’examen des conventions bilatérales, quels que soient les pays avec lesquelles elles sont conclues, se déroule toujours de la même manière. Si cette procédure paraît insatisfaisante, il faut mener une réflexion qui dépasse la simple convention fiscale franco-luxembourgeoise.

M. Lecoq évoquait le fait que le Luxembourg, avec ses 143 sièges de banque et ses 3 500 milliards d’euros d’actifs, était le premier centre pour les fonds d’investissement en Europe et le second au niveau mondial. Il est vrai que le Luxembourg se livre à une politique fiscale agressive pour attirer les multinationales sur son territoire. On le voit dans la différence entre la fiscalité effective et la fiscalité appliquée dans ce pays. Sur le papier, l’impôt sur les sociétés au Luxembourg est de 29 %, mais le taux réellement appliqué est de seulement 2 %.

Cette convention ne règle pas tout, car il s’agit d’une convention visant simplement à répartir les droits d’imposition entre le Luxembourg et la France. Les réponses aux maintes questions légitimes que vous vous posez ne pourraient figurer que dans le cadre d’une convention d’harmonisation, qui ne peut s’envisager que dans un cadre européen ou international.

M. Frédéric Petit, rapporteur. Je voudrais donner deux exemples concrets afin d’illustrer les avancées de cette convention.

Premièrement, prenons le cas d’un livreur de fleurs qui habite à Metz et livre des clients à Metz tout en étant salarié du Luxembourg et, à ce titre, redevable de l’impôt sur le revenu au Luxembourg. L’article 5 de la nouvelle convention, qui permettra de montrer l’existence d’un établissement stable en France, conduira à la disparition de ce genre d’abus.

Deuxièmement, on peut évoquer le cas assez fréquent de l’entrepreneur qui a une société en France et qui souhaite s’en séparer. L’entrepreneur peut être tenté de transférer sa société au Luxembourg pour y vendre ses parts afin d’alléger sa charge d’imposition. Cette convention permettra de mettre fin à ce type de schéma par lequel des PME s’implantent au Luxembourg avant une opération significative. 

S’agissant de la question formulée par Mme Maquet, je considère également que l’un des enjeux de cette convention concerne son application effective et le suivi dont elle fera l’objet. Je crois que le rôle du Parlement est important en la matière. Si nous sommes absents au moment de l’écriture des traités, nous devons être présents pour contrôler leur application. Même après avoir autorisé la ratification, notre commission devrait rester saisie pour évaluer, y compris de manière chiffrée, la manière dont la convention est appliquée par l’administration.

Mme Boyer, Mme Le Pen, n’importe quel citoyen est en mesure de prendre connaissance de nos débats puisque nos auditions et nos rapports sont publics. Je trouve par ailleurs injuste de dire que l’on ne débat pas et que notre voix ne compte pas. Si nous ne votons pas cette convention, comme toutes les conventions dont notre commission est saisie, celle-ci ne sera pas appliquée.

Contrairement à ce qu’a dit M. Lecoq, la convention fiscale n’est pas entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Elle entrera en vigueur au 1er janvier 2020, si et seulement si l’autorisation en est donnée par le Parlement français et le Parlement luxembourgeois. D’ailleurs, si elle n’entre pas en vigueur au 1er janvier 2020, c’est la convention « BEPS » qui commencera à produire ses effets sur la convention de 1958. Or, les bénéfices de l’application de l’instrument multilatéral seront beaucoup moins importants puisque l’ensemble des concessions que le Luxembourg a fait par l’intermédiaire de la révision de notre convention bilatérale ne seront pas appliquées. 

Je voudrais à présent revenir sur ce que cette convention ne règle pas. Elle n’apporte pas de solution au déséquilibre entre, d’une part, l’extraordinaire développement du Luxembourg, que l’on peut critiquer, et, d’autre part, les difficultés dans le développement des régions qui l’entourent.

M. Clément, le problème du déséquilibre transfrontalier n’est pas nouveau. Les élus locaux évoquent ce sujet depuis près de vingt ans. Pour résumer, le grand déséquilibre, ce sont les personnes qui ont été formées en France et qui ne travaillent pas chez nous ; ce sont les nids-de-poule sur les routes qui ne peuvent être comblés faute de ressources fiscales suffisantes compte tenu du fait que les travailleurs frontaliers sont imposés sur leurs revenus au Luxembourg. Le pôle métropolitain du sillon lorrain estime que, si le Luxembourg devait financer les services publics dont bénéficient les travailleurs frontaliers en France, son budget augmenterait de 30 %.

La rétrocession fiscale, qui est une très vieille solution, a l’inconvénient d’être assez statique. Je crois que le co-développement est une solution plus adaptée pour faire face aux charges qui pèsent sur les services publics, qu’il s’agisse de réparer les nids-de-poule sur les routes ou de financer la formation initiale et l’apprentissage. Mais la solution la plus dynamique, la plus stable et la plus européenne, c’est la constitution de régions transfrontalières dotées de règles communes qui pourraient être un premier pas vers une harmonisation à l’échelle européenne. 

M. Pieyre-Alexandre Anglade. Les liens entre la France et le Luxembourg sont nourris et intenses. Je tiens à rappeler à certains collègues qui ont des propos désagréables à l’égard du Luxembourg que ce sont tout de même près de 140 000 Français qui soit y sont établis, soit s’y rendent quotidiennement pour aller travailler.

Cette convention constitue, quoi qu’on en dise, une avancée significative pour nos deux pays afin d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales. Au-delà de la lutte contre différentes formes d’optimisation fiscale agressive, cette convention permettra de rétablir une certaine sécurité vis-à-vis de l’impôt en éliminant les cas de double imposition qui devenaient insupportables pour beaucoup. Cette convention vise donc à améliorer les conditions des frontaliers et des résidents français établis au Luxembourg. C’est de ce point de vue que j’apporte mon soutien à cette convention.

Mme Martine Leguille-Balloy. Je souhaiterais obtenir une précision d’ordre technique. On nous annonce une imposition nationale des « GAFA » alors que, parallèlement, on fait fi du principe d’établissement stable au sens de l’OCDE, qui correspond au lieu où une entreprise réalise son activité. L’établissement stable tel qu’il figure à l’article 5 de cette convention fiscale ne semble pas correspondre à la définition donnée par l’OCDE. En l’absence de la notion d’établissement stable, le ministre de l’Économie et des Finances, M. Bruno Le Maire, aura des difficultés pour imposer les GAFA à l’endroit où ils réalisent des bénéfices.

M. Frédéric Petit, rapporteur. La notion de l’établissement stable est insuffisante lorsque l’on se contente de fixer des critères d’installation objectifs et que l’on ne prévoit pas de règles visant à lutter contre le contournement artificiel du statut d’établissement stable. En l’occurrence, cette convention bilatérale entre dans le détail pour lutter contre les multiples formes d’évitement de l’établissement stable. M. Le Maire tente lui aussi d’approfondir la notion d’établissement stable pour permettre l’imposition en France des entreprises comme Amazon au titre de leurs activités réalisées en France. C’est une notion qui est en train d’évoluer, d’où la longueur de l’article 5 dans cette convention. 

M. Xavier Paluszkiewicz, rapporteur pour avis. Je voudrais réagir à l’intervention de M. Anglade. Il faut faire une lecture équilibrée de cette convention, aussi bien du point de vue de la lutte contre les doubles impositions que contre les doubles exonérations. 

M. Clément, vous évoquiez l’impôt sur la fortune. L’impôt sur la fortune fait bien partie des impositions qui entrent dans le champ de cette convention. Il y figure car cette convention a été rédigée avant que l’impôt sur la fortune ne soit supprimé en France. 

Je souhaite préciser, au regard de l’intervention de Mme Boyer, que les disparités et les difficultés enregistrées sur le territoire Nord Lorrain sont liées en partie au poids financier que représente la formation et les transports dont bénéficient les travailleurs frontaliers. Le projet de révision constitutionnelle prévoit le principe de différenciation ce qui doit permettre d’apporter des solutions particulières sur des territoires particuliers.

Enfin, s’agissant de l’articulation entre la commission des finances et la commission des affaires étrangères dans l’examen des conventions fiscales, l’idée n’est pas de remplacer la commission des affaires étrangères par la commission des finances. L’idée est d’associer la commission des finances de manière très étroite à l’examen des conventions fiscales.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je souhaite dire un mot pour répondre à Mme Rauche, même si le rapporteur pour avis vient d’y répondre en apportant des précisions utiles. Le Règlement stipule que l’ensemble des traités et des accords internationaux relèvent de la commission des affaires étrangères. En effet, les relations diplomatiques sont un ensemble et, dans ce domaine, la vision globale est extrêmement importante. Les affaires étrangères incluent aussi bien les questions culturelles, sociales, sanitaires, économiques, de défense, de coopération que les questions fiscales. Il peut être pertinent de travailler en partenariat avec les autres commissions, mais il ne faut pas parcelliser les affaires étrangères. Sur une convention fiscale, il est parfois très important d’avoir le point de vue des commissaires aux finances, mais la politique étrangère ne se réduit pas aux finances.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 1507.

 


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   annexes


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

 

Mme Jessica di Maria, conseiller, Unité des conventions fiscales, Division sur les traités fiscaux, prix de transfert et transactions financières, Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.

-       M. Jacques Fabre, trésorier ;

-       Mme Elsa Foucraut, responsable du plaidoyer.

Mission des accords et traités

-       Mme Sandrine Barbier, chef de mission ;

-       Mme Léa Vernerey, rédactrice.

Mission des conventions et de l’entraide judiciaire

-       M. Vincent Hommeril, chef de mission ;

-       Mme Sylvie Crouzier, chef de pôle ;

-       Mme Clémence Le Boudec, rédactrice.

Direction de la législation fiscale, bureau E1 Règles de fiscalité internationale, Négociation et interprétation des conventions fiscales

-       M. Nicolas Gelli, chef de bureau E1 ;

-       Mme Patricia Lechard, adjoint chef de bureau ;

-       M. Florent Robin, chef de section ;

-       M. Romain Betti, Adjoint chef de section ;

-       M. Loris Dugenet, rédacteur.

-       Son Exc. Mme Martine Schommer, Ambassadeur du Luxembourg en  France ;

-       M. Tim Kesseler, conseiller ;

-       M. Michel Hoffmann, chef de division adjoint à la division des relations internationales de l’Administration des contributions directes.

-       M. Dominique Gros, maire de Metz ;

-       M. Louis-François Reitz, directeur général délégué à la Coopération institutionnelle ;

-       M. Régis Capochichi, directeur adjoint de Cabinet.


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   ANNEXE N° 2 :
Appariement entre la convention multilatérale et la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958

 

 

 

Source : OCDE, Base de données pour l’appariement de l’instrument multilatéral (beta) http://www.oecd.org/fr/fiscalite/conventions/base-de-donnees-pour-l-appariement-de-l-im.htm.

 


   ANNEXE n° 3 : Tableau comparatif avec la convention multilatérale de l’OCDE
et la convention fiscale de 1958

Articles du projet

Comparaison avec le modèle de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économiques (OCDE) 2017

Observations

Principales évolutions par rapport à la convention fiscale de 1958 : effets et apports

Personnes visées
(Art. 1)

Conforme

Précisions :

Le paragraphe 2 octroie les avantages de la convention fiscale aux revenus transitant par des sociétés de personnes transparentes. Cette rédaction non conforme au modèle OCDE permet d’exclure du bénéfice de la convention les arrangements de type trust de droit étranger ou des entités transparentes qui seraient situées dans un État qui ne pratique pas l’échange de renseignements avec la France.

Accord du Luxembourg pour limiter l’application de cette clause et pour accorder la résidence des sociétés de personnes françaises visées à l’article 8 du code général des impôts.

L’ancienne convention ne contenait pas de dispositions relatives aux entités transparentes.

Impôts visés (Art. 2)

Conforme

Précisions :

Cet article énumère les impôts couverts par la convention. En ce qui concerne la France, la convention vise l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, les contributions sur l’impôt sur les sociétés, les contributions sociales généralisées (CSG) et les contributions pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi que l’impôt sur la fortune.

Le Luxembourg a souhaité que la convention comprenne dans son champ d’application la fortune, cet État disposant d’un impôt sur la fortune des personnes morales qui ne trouve pas d’équivalent en droit français.

Accord du Luxembourg pour que la convention couvre la CSG et la CRDS.

Accord de la France pour que la convention couvre l’impôt sur la fortune à l’instar de la convention actuelle.

Définitions générales

(Art. 3)

Conforme

Précisions :

La définition de « fonds de pension reconnu », qui est inscrite à l’alinéa i) du paragraphe 1 de l’article 3 du modèle OCDE 2017 n’est pas reprise dès lors que la France ne reconnaît pas la résidence des fonds de pension (réserve de la France au paragraphe 30 des commentaires sur l’article 4 du modèle).

Accord du Luxembourg pour ne pas couvrir les fonds de pension.

Résidence

(Art. 4)

Conforme

Précisions :

À la demande de la France, le paragraphe 1 vise les personnes morales de droit public afin de les inclure dans le champ d’application de la convention.

À la demande de la France, le paragraphe 4 reconnaît la qualité de résident aux sociétés de personnes françaises afin qu’elles bénéficient des avantages de la convention.

À la demande de la France, le paragraphe 5 prévoit une clause anti-abus permettant de n’accorder les avantages conventionnels qu’aux seuls bénéficiaires effectifs résidents.

Le Luxembourg a accepté l’introduction d’une définition de la résidence fiscale conforme à la pratique conventionnelle française fondée sur le critère de l’assujettissement à l’impôt. Ainsi une personne qui serait assujettie à un impôt mais exonérée ne serait pas considérée comme résidente de cet État. L’objectif étant d’éviter les situations de double exonération.

L’accord du Luxembourg aux paragraphes 1, 4 et 5 constitue une avancée majeure par rapport à la convention de 1958.

Établisse-ment stable

(Art. 5)

Conforme

Précisions :

Le paragraphe 3.1, qui permet de déterminer si la période de 12 mois pour caractériser un chantier est dépassée, reprend la clause optionnelle présentée au paragraphe 52 des commentaires OCDE 2017.

Le paragraphe 4 qui définit ce que n’est pas un établissement stable, ne reprend pas le paragraphe 4 de l’article 5 du modèle OCDE 2017 mais la disposition figurant au §78 des commentaires de l’article 5 du modèle.

Accord du Luxembourg pour retenir les définitions figurant aux paragraphes 5 et 6 du modèle OCDE 2017 traitant des agents dépendants. Ces dispositions permettent d’une part, que le statut d’indépendance ne soit pas reconnu à une personne agissant exclusivement ou quasi-exclusivement pour des entreprises qui lui sont étroitement liées, et d’autre part, que des arrangements de pure forme (recours au statut de commissionnaire, distinction entre la négociation d’un contrat et sa signature) n’interdisent pas la qualification d’ES.

Ainsi, il importe dorénavant que l’action d’un commissionnaire oblige à ce que le transfert de propriété de la chose vendue se fasse entre le commettant et le client pour que le paragraphe 5 s’applique. De surcroît, le concept de conclusion du contrat ne se confond plus exclusivement à la signature de celui-ci mais correspond à la phase de négociation et aux moyens mis en œuvre pour emporter la conviction du client.

Le Luxembourg qui a accordé cette concession à la France ne retient pas ces nouvelles définitions dans le cadre de la convention multilatérale.

Revenus immobiliers

(Art. 6)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

Bénéfices des entreprises

(Art. 7)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

Transport international

(Art. 8)

Conforme

Précisions :

Cet article est conforme au modèle OCDE 2014 dans la mesure où le critère d’imposition des bénéfices est défini au regard du lieu du siège de directive effective de l’entreprise.

Il inclut l’exploitation en trafic international des véhicules ferroviaires et exclut l’exploitation des navires servant à la navigation intérieure.

Accord de la France pour retenir cette formulation, par ailleurs conforme à son réseau conventionnel.

Entreprises associées

(art. 9)

Conforme.

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

Dividendes

(Art. 10)

Conforme

Précisions :

Le paragraphe 2 exonère de retenue à la source les dividendes versés à une entité qui détient celle qui les verse à hauteur d’au moins 5 %.

Le paragraphe 3, qui définit la notion de dividendes, est complété afin de couvrir les revenus soumis au régime fiscal des distributions selon la législation française.

Le paragraphe 6 cible les revenus distribués par des sociétés d’investissements immobiliers cotées SIIC, conformément aux § 67.1 et suivants des commentaires de l’article 10 du modèle OCDE.

Le Luxembourg et la France s’accordent pour reprendre les taux retenus dans la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres.

Le Luxembourg accepte la définition française des dividendes ainsi que l’insertion d’un paragraphe concernant les modalités d’imposition des revenus distribués par des véhicules d’investissement immobiliers et notamment, s’agissant de la France, les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC).

Pour les investisseurs détenant plus de 10 % dans de tels véhicules, la clause retenue permet d’appliquer le taux de retenue à la source de l’État contractant d’où les dividendes proviennent, conformément au code général des impôts. En dessous du seuil de 10 %, c’est le taux réduit de 15 % de la convention fiscale qui s’applique.

Intérêts

(Art. 11)

Conforme

Précisions :

Le paragraphe 1 prévoit une imposition exclusive des intérêts dans l’État de résidence du bénéficiaire.

Le principe d’une imposition exclusive des intérêts dans l’État de résidence du bénéficiaire est conforme à la pratique française.

Il reprend les principes de la directive européenne 2003/49/CE du 3 juin 2003 concernant le régime fiscal applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents.

En outre le code général des impôts ne prévoit généralement pas de retenue à la source sur des intérêts versés à des non-résidents.

Redevances

(Art. 12)

Conforme

Précisions :

Les paragraphes 1 et 2 prévoient une imposition partagée des redevances.

Le paragraphe 6 inclut une définition de la source des redevances.

La France a obtenu du Luxembourg le principe d’une imposition partagée des redevances avec un taux de retenue à la source de 5 % du montant brut des redevances, ce qui n’est pas prévu dans la convention fiscale actuelle. Cette clause permet de maintenir une retenue à la source sur des redevances payées dans un autre État et se justifie lorsque l’autre État n’impose pas les redevances.

Gains en capital

(Art. 13)

Conforme

Précisions :

Le paragraphe 5 insère une clause dite de « participation substantielle » .

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE, notamment concernant la clause dite de prépondérance immobilière figurant au paragraphe 4 dont les effets sont identiques à celle insérée dans la convention de 1958 par l’avenant du 05 septembre 2014.

Le Luxembourg accepte d’insérer une clause dite de « participation substantielle » au paragraphe 5, absente dans la convention de 1958, qui permet à partir d’un certain seuil de détention de réserver à la France l’imposition des gains réalisés par une personne physique lors de l’aliénation de parts que cette dernière détient dans une entreprise française.

Revenus d’emploi

(Art. 14)

Conforme

Précisions :

Le paragraphe 3 prévoit, conformément à l’ancien modèle, le principe d’une imposition des personnels navigants au lieu du siège de direction effective.

Conforme à la pratique française.

Tantièmes

(Art. 15)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

Artistes, sportifs et mannequins

(Art. 16)

Conforme

Précisions :

Inclusion des mannequins dans le champ de ces stipulations.

Application de ces stipulations aux revenus provenant du droit à l’image

Le troisième alinéa du paragraphe 1 attribue à l’État de résidence de l’artiste, du sportif ou du mannequin le droit d’imposer les revenus qu’il tire directement de l’autre État lorsque leur montant brut n’excède pas 20 000 euros au titre de l’année considérée (clause dite « de minimis »).

Le paragraphe 3 prévoit une exception à la règle de taxation dans l’État d’exercice de l’activité lorsque cette activité est financée principalement par des fonds publics.

Le Luxembourg accepte les spécificités françaises afin d’imposer les revenus des mannequins dans l’État d’exercice d’activité ainsi que ceux perçus en rémunération du droit à l’image dans l’État où cette dernière est utilisée, ce qui ne figurait pas dans la convention de 1958.

En outre, la clause de minimis permet d’éviter que des contribuables qui tirent, au cours d’une année, un faible revenu résultant d’une activité exercée dans l’autre État ne supportent des charges administratives disproportionnées.

Pensions

(Art. 17)

Le paragraphe 2  de la convention ne reprend pas l’article 18 du modèle OCDE de 2017 qui retient le principe d’une imposition des pensions à la résidence.

Le Luxembourg a souhaité maintenir le régime applicable dans le cadre de la convention fiscale de 1958. Ainsi, l’article 17 maintient le principe d’une imposition à la source des pensions payées en vertu de la législation sur la sécurité sociale.

Fonctions publiques

(Art. 18)

Conforme

Précisions :

Une référence aux rémunérations versées par les personnes morales de droit public.

Conformément à sa réserve formulée au paragraphe 11 des commentaires sur l’article 19 du modèle OCDE, la France a souhaité réserver à l’État de la source des revenus le droit d’imposer les rémunérations publiques perçues par les binationaux.

Cette clause permet de sécuriser l’imposition en France des agents et retraités de la fonction publique. Elle reprend le principe de celle figurant dans la convention de 1958 modulo les précisions apportées dans la colonne de gauche.

Étudiants

(Art. 19)

Conforme

Précisions :

Son champ est toutefois plus large que le modèle de l’OCDE dès lors qu’il est étendu aux apprentis.

Le Luxembourg accepte d’élargir le champ de la disposition afin de cibler les apprentis. Elle permet l’application du point 4 du protocole qui permet d’imposer les personnes effectuant un volontariat international en entreprise (VIE) en France et non dans l’État d’exercice de leur activité.

Autres revenus

(Art. 20)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

Fortune

(Art. 21)

Conforme

Le Luxembourg a souhaité que la convention couvre la fortune car il dispose d’un impôt sur la fortune sur les personnes morales.

Le fait de couvrir la fortune permet de faire obstacle au droit luxembourgeois qui impose la fortune détenue par un établissement stable situé dans un autre État.

La fortune étant déjà couverte par la convention fiscale actuelle, son maintien dans la nouvelle convention ne pose pas de difficulté.

Élimination de la double imposition

(Art. 22)

La clause retient la méthode du crédit d’impôt dans la logique de l’article 23 B du modèle OCDE.

 

Conformément à la pratique française, la double imposition est éliminée par l’octroi d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français pour les revenus dont l’imposition est réservée au Luxembourg et par un crédit d’impôt égal à l’impôt payé au Luxembourg, mais limité au montant de l’impôt français, pour les revenus dont l’imposition est partagée entre les deux États.

La méthode française permet d’éliminer la double imposition tout en maintenant la progressivité de l’impôt et sans permettre les doubles exonérations.

Cet article précise en outre les règles d’élimination des doubles impositions sur la fortune et décrit la manière dont, pour sa part, le Luxembourg élimine la double imposition.

Non-discrimination

(Art. 23)

Conforme

Précisions :

Le paragraphe 1 limite l’application de cette disposition afin de la limiter aux personnes physiques.

Le paragraphe 6 prévoit à ce titre la déduction des cotisations de retraite à un régime de l’autre État contractant.

Le paragraphe 7 s’inspire des commentaires de l’article 24 du modèle OCDE et vise à éviter que les personnes non-résidentes d’un État n’obtiennent des avantages supérieurs à ceux des résidents par le jeu du cumul des déductions et abattements personnels qui leur seraient accordés à la fois dans l’État dont ils sont résidents et dans l’autre État en vertu du principe d’égalité de traitement posé dans le présent article.

Le paragraphe 8 prévoit de ne pas appliquer en matière fiscale les clauses de non-discrimination ou de la nation la plus favorisée figurant dans un autre traité ou accord bilatéral conclu par les deux États contractants.

Le Luxembourg a accepté toutes les particularités demandées par la France qui les propose généralement à l’ensemble de ses partenaires lors des négociations.

Ces spécificités ne figuraient pas dans la convention de 1958.

Procédure amiable

(Art. 24)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

Cette clause permet à la France et au Luxembourg de respecter le standard minimum de l’OCDE relatif à l’amélioration du règlement des différends.

Échange de renseigne-ments

(Art. 25)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

Identique à la rédaction de l’article 23 de la convention de 1958 telle que modifiée par l’avenant du 03 juin 2009.

 

Assistance en matière de recouvre-ment des impôts

(Art. 26)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE.

 

Membres des missions diploma-tiques et consulaires

(Art. 27)

Conforme

Précisions :

ajout de la référence aux membres des organisations internationales (paragraphe 1) ;

des paragraphes 2 et 3 qui précisent les règles applicables aux fonctionnaires diplomatiques ou consulaires, aux organisations internationales, à leurs personnels et aux membres des délégations permanentes de l’un des deux États ou d’un État tiers en matière de résidence.

Le Luxembourg a accepté toutes les particularités demandées par la France qui les propose généralement à l’ensemble de ses partenaires lors des négociations.

La convention de 1958 ne contient pas d’article relatif aux membres des missions diplomatiques et consulaires. Le présent article sécurise ainsi le régime fiscal qui leur est applicable.

Refus d’octroi des avantages convention-nels

(art. 28)

Conforme

La France et le Luxembourg retiennent la nouvelle formulation du modèle OCDE qui permet de refuser l’octroi des avantages conventionnels en cas de situation abusive.

Cette clause permet à la France et au Luxembourg de respecter le standard minimum de l’OCDE relatif aux abus des conventions fiscales.

Ainsi, en contournant l’objectif des conventions fiscales, qui vise à éliminer les doubles impositions sans créer de cas de double exonération, certains acteurs ont pu mettre en place des schémas d’optimisation en l’absence de dispositions visant à lutter contre l’abus des conventions. Tel est le cas lorsqu’une convention est utilisée afin d’éluder l’impôt. Par exemple, des investissements qui devraient être réalisés directement entre deux États transitent parfois par un État tiers lorsque ce dernier a signé des conventions fiscales avec les deux autres États qui prévoient une exonération de retenue à la source sur des intérêts ou des redevances et que l’État tiers n’impose pas lui-même.

En l’absence d’un tel montage, l’opération aurait donné lieu à l’application d’une retenue à la source sur ces catégories de revenus entre l’État de la source du revenu et l’État de résidence du bénéficiaire. Dans cette dernière situation, le montage pourra être remis en cause par la présente clause.

Modalités d’applica-tion

(art. 29)

Cette clause, qui ne figure pas dans le modèle OCDE, prévoit que les États contractants peuvent mettre en place des procédures prévoyant les conditions d’octroi des avantages conventionnels.

En vertu de la jurisprudence du Conseil d’État (CE 17 juin 1987 n° 65459 et CE 16 février 1990 n° 68627 et 67628 « SAS France ») seule une clause d’habilitation conventionnelle peut permettre à la France de subordonner les avantages conventionnels au respect de certaines formalités. C’est la raison pour laquelle l’ajout de cet article est nécessaire.

Entrée en vigueur

(art. 30)

 

Conforme à la pratique française et luxembourgeoise

 

 

Dénoncia-tion

(Art. 31)

 

Conforme à la pratique française et luxembourgeoise

Protocole paragraphe1

 

Cette stipulation prévoit que lorsqu’un État contractant applique à l’établissement stable d’une entité ayant son siège dans l’autre État contractant les exonérations prévues par son droit interne pour les véhicules d’investissement immobilier visés au paragraphe 6, aucune disposition de la convention ne limite le droit du premier État contractant d’imposer, conformément à ce même paragraphe, les revenus immobiliers réputés distribués par cet établissement stable.

Spécificité française qui ne figurait pas dans la convention de 1958.

Protocole paragraphe 2

Cette clause permet, sous certaines conditions, de faire bénéficier les organismes de placement collectif (OPC) des avantages prévus par la convention en matière de dividendes et d’intérêts.

Spécificité française qui restreint les effets de la convention de 1958.

La France ne reconnaît pas la résidence des OPC mais accepte dans ses conventions et sous certaines conditions, de leur faire bénéficier des avantages conventionnels en matière de dividendes et d’intérêts. Dans la convention actuelle, les OPC sont résidents et bénéficient de l’ensemble des avantages de la convention.

Protocole paragraphe 3

Permet à l’État d’exercice de l’activité de conserver l’imposition de l’intégralité des rémunérations des salariés lorsqu’ils travaillent au maximum 29 jours par an dans leur État de résidence.

Demande luxembourgeoise qui constitue une avancée pour la France par rapport à la convention actuelle qui permet d’aller jusqu’à 183 jours.

Protocole paragraphe 4

Ce paragraphe vise à garantir l’application de l’article 19 aux traitements des personnes employées à l’étranger sous statut de volontariat international en entreprise. Il en résulte que la France conserve le droit d’imposer ces non-résidents.

Spécificité française qui ne figurait pas dans la convention de 1958.

Protocole paragraphe 5

Cet article reprend le principe de l’article 19 paragraphe 2 de la convention actuelle relatif à l’élimination de la double imposition concernant les revenus perçus par un résident du Luxembourg via une société de personne française.

Demande luxembourgeoise permettant d’éliminer la double imposition concernant les revenus versés par une société de personne française et imposables en France.

Protocole paragraphe 6

Cette clause prévoit la possibilité de proroger d’un an le délai pour pouvoir déclencher la procédure d’arbitrage.

Spécificité française qui ne figurait pas dans la convention de 1958.

Protocole paragraphe 7

Cette clause permet à la France d’appliquer les dispositions anti-abus des articles 115 quinquies, 123 bis, 155 A, 209 B, 212, 238 A et 238-0 A du code général des impôts ou d'autres dispositions analogues qui amenderaient ou remplaceraient celles de ces articles.

Spécificité française qui ne figurait pas dans la convention de 1958.

Source : Direction de la législation fiscale, bureau E1 « Règles de fiscalité internationale, Négociation et interprétation des conventions fiscales », novembre 2018

 

 

 


—  1  —

   ANNEXE N° 4

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

 

 

 

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole), signée à Paris le 20 mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________________________

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1507).

 


([1]) La convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 1er avril 1958 a été modifiée à quatre reprises en 1970, en 2006, en 2009 et en 2014. Elle est consultable à l’adresse suivante :

https://www.impots.gouv.fr/portail/files/media/10_conventions/luxembourg/luxembourg_2017_04_28.pdf .

([2]) Rapport du député M. Benjamin Dirx au nom de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, juillet 2018. Ce rapport est accessible à l’adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1099.pdf.

([3]) Ces standards minimums sont : la modification du préambule des conventions fiscales pour y préciser que l’objet des conventions est d’éliminer la double-imposition sans créer de possibilités de non-imposition, le dispositif anti-abus permettant de refuser l’octroi d’avantages conventionnels en cas de situation abusive et la procédure amiable de règlement des différends.  

([4]) Cette coopération administrative s’est mise en place par l’intermédiaire des directives sur la coopération entre administrations dites « DAC » : directive du 8 décembre 2015 (« DAC 3 »), directive du 22 mai 2016 (« DAC » 4), directive du 6 décembre 2016 (« DAC 5) ou directive du 22 mai 2018 (« DAC 6 »).  

([5]) Ce volet a été mis en place grâce aux directives européennes anti-évasion fiscale dites « ATAD » : directive du 12 juillet 2016 (« ATAD 1 ») ou directive du 29 mai 2017 (« ATAD 2 »).

([6]) Parmi ces mesures figurent notamment une clause anti-abus générale et la limitation de la déduction des intérêts financiers.

([7]) La France est partie à plus de 120 conventions fiscales bilatérales.

([8]) Ces réserves concernent 17 des 39 articles de la convention multilatérale. Le Luxembourg a par exemple émis une réserve sur l’article 7 qui concerne la définition de l’établissement stable.

([9])  Ces avenants ont été signés le 8 septembre 1970, le 24 novembre 2006, le 3 juin 2009 et le 5 septembre 2014.

([10]) Par exemple, l’article 13, qui permet de lutter contre le contournement du statut d’établissement stable, et l’article 18, qui offre la possibilité aux États de mettre en place une procédure d’arbitrage pour résoudre les conflits d’imposition dans le cadre des conventions fiscales. Pour plus de précision, l’annexe 2 représente l’appariement de l’instrument multilatéral avec la convention de 1958.

([11]) On vise ici la directive du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres.  

([12]) Selon les chiffres donnés sur le portail officiel du Grand-Duché du Luxembourg : http://luxembourg.public.lu/fr/actualites/2018/03/08-salairemoyen/index.html 

([13])  À ce titre, un accord-cadre de coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse et le Luxembourg devrait être prochainement ratifié en France.

([14])  La Commission européenne porte notamment les projets d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) et d’une imposition européenne sur les entreprises de l’économie numérique.

([15]) Ces chiffres proviennent du rapport « Co-développement France – Luxembourg : vers un juste équilibre » réalisé par le pôle métropolitain du sillon lorrain en octobre 2018.

([16])  On peut citer, par exemple, le chantier de la rénovation de l’autoroute A31, aujourd’hui complètement saturée.

([17])  À la fin de l’année 2018, l’État luxembourgeois affichait un excédent budgétaire évalué à 773 millions d’euros. http://www.lessentiel.lu/fr/luxembourg/story/les-comptes-de-l-etat-plus-que-jamais-dans-le-vert-26861724