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N° 1675

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le mercredi 13 février 2019.

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à protéger la population des dangers de la malbouffe,

 

 

VOLUME I

AVANT-PROPOS, COMMENTAIRES DARTICLES ET ANNEXES

 

 

Par M. Loïc PRUD’HOMME,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1561.

 


 


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  SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaires darticles

Article premier Restriction de lutilisation des additifs dans la production de denrées alimentaires transformées

1. Le droit existant

2. Le contexte actuel

3. Le dispositif proposé

Article 2 Suivi effectif des recommandations de lOMS en matière de taux de sel, de sucre et dacide gras saturé

1. Un cadre juridique peu contraignant et relativement inefficace

2. Le dispositif envisagé

Article 3 Interdiction de la publicité en faveur de produits alimentaires destinés aux enfants et adolescents

1. Le cadre conventionnel actuel et son bilan

2. Le consensus scientifique sur la nécessité daller plus loin

3. Le dispositif proposé est perfectible

Article 4 Introduction dun apprentissage à la nutrition et à lalimentation à lécole

1. Léducation à lalimentation aujourdhui

2. Le dispositif proposé est perfectible

Annexes

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe n° 2 : liste des textes susceptibles dêtre abrogés ou modifiés à loccasion de lexamen de la proposition de loi


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   Avant-propos

Il est désormais avéré que quelque 40 % des cancers déclarés chaque année en France ont une origine comportementale et pourraient en conséquence être évités : « Parmi les 346 000 nouveaux cas de cancer diagnostiqués chez les adultes en France en 2015, 142 000 seraient attribuables aux facteurs de risque étudiés, soit 41 % de tous les nouveaux cas de cancer. Le tabac était responsable du plus grand nombre de cas (20 %), avec plus de 68 000 nouveaux cas attribuables au tabagisme, toutes localisations confondues. Venaient ensuite lalcool, lalimentation et le surpoids et lobésité, responsables respectivement de 8,0 %, 5,4 % et 5,4 % de lensemble des nouveaux cas de cancers. » ([1]).

Si le tabac est bien sûr le principal facteur, l’alimentation est donc au troisième rang des causes de cancers évitables. Mis à part les cas de tumeurs, l’alimentation est aussi directement liée à de nombreuses maladies chroniques dont la prévalence ne cesse de croître dans notre pays : obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, pour ne citer que les plus fréquentes, ainsi que le professeur Serge Hercberg, directeur de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle, le souligne ([2]).

Il s’agit désormais de véritables problèmes de santé publique.

Par ailleurs, comme le montre le tableau ci-dessous, les coûts cumulés – humains, sociaux, financiers et autres – de ces multiples pathologies sont aujourd’hui considérables. Ce sont des maladies qui touchent des centaines de milliers – voire des millions – de personnes et sont de ce fait sources de dépenses économiques et sociales – absentéisme au travail, assurance maladie, etc. 
– extrêmement lourdes. S’agissant uniquement du surpoids et de l’obésité, la Direction générale du Trésor a ainsi pu chiffrer le cumul des dépenses à 1 % du PIB en 2012, soit quelque 20,4 milliards d’euros, dont 12,6 milliards à la charge de la seule assurance maladie.

Coût social de l’obésité et du surpoids (mds€ en 2012)

Source : « Obésité : quelles conséquences pour l’économie et comment les limiter ? », Trésor-éco, lettre n° 179, septembre 2016.

L’alimentation industrielle a pris une place prépondérante à mesure que les modes de consommation évoluaient profondément au cours des dernières décennies. Le fait que les achats de plats préparés aient été multipliés par 6 en cinquante ans suffit à l’illustrer. La piètre qualité nutritionnelle de l’alimentation industrielle est de plus en plus soulignée et documentée. Le lien avec l’essor des maladies chroniques n’est aujourd’hui plus contesté.

Ces aspects sont à la base des préoccupations qui se sont imposées ces dernières années et ont contribué à faire évoluer les politiques publiques en matière de santé nutritionnelle. L’importance d’une alimentation diversifiée et saine est systématiquement mise en avant par les pouvoirs publics et agences sanitaires depuis maintenant longtemps ; les consommateurs sont en attente de transparence de la part de l’industrie agroalimentaire quant à la composition et à la qualité nutritionnelle des produits transformés qui leur sont proposés – cf. les débats des États généraux de l’alimentation ou le succès des nombreuses applications mobiles qui indiquent les classements nutritionnels – ; la question des centaines additifs entrant massivement dans la composition d’innombrables produits alimentaires, souvent sans véritable justification, est enfin de celles sur laquelle les préoccupations sont les plus vives. Auditionné par votre rapporteur, le professeur Serge Hercberg ([3]) a eu l’occasion de confirmer, comme il l’avait fait devant la commission denquête sur lalimentation industrielle, que laccumulation dadditifs posait aujourdhui un véritable problème épidémiologique.

Ces préoccupations s’expriment dans les avis et recommandations des agences scientifiques nationales et européennes comme chez les consommateurs. Certains industriels ne restent pas sourds à la prise de conscience et commencent pour certains, à se tourner vers des pratiques plus vertueuses en faveur d’une alimentation de meilleure qualité nutritionnelle et à réduire volontairement l’introduction d’additifs dans leurs préparations. Pour autant, ce mouvement paraît encore très embryonnaire et les progrès insignifiants en regard des changements qui devraient être apportés pour voir l’alimentation cesser d’être problématique en termes de santé publique et un facteur de risque pour le consommateur.

Par ailleurs, force est malheureusement de constater que les avis et recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), des experts de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou du Haut conseil de santé publique (HCSP), restent souvent ignorés, ou peu suivis d’effets concrets, tant des pouvoirs publics que des entreprises du secteur agroalimentaire. Ainsi, en est-il des alertes relatives aux teneurs maximales en sel, en sucres ou en matières grasses, réitérées inlassablement depuis le début des années 90. À ce jour, seules des chartes d’engagements volontaires ont été conclues entre les pouvoirs publics et les groupements industriels, qui n’ont pas, loin s’en faut, donné satisfaction. Le non-respect de ces engagements, pourtant de faible ambition, se traduit par des réductions très lentes et de très faible ampleur, non significatives et sans bénéfice pour les consommateurs, comme l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali) l’a conclu, et les teneurs restent problématiques.

C’est la raison pour laquelle le plaidoyer des agences sanitaires et des scientifiques et nutritionnistes porte depuis plusieurs années maintenant sur la nécessité pour les pouvoirs publics de prendre des mesures contraignantes en lieu et place de l’autorégulation en vigueur.

C’est désormais la position des experts du Haut conseil de santé publique qui ont formulé les propositions d’objectifs pour le prochain Plan national nutrition santé 2017-2021 à la demande du directeur général de la santé. Dans un chapitre de leur rapport ([4]) intitulé « Limites des engagements volontaires et nécessité de mesures contraignantes », après avoir rappelé que le nombre de chartes signées restait faible et que les efforts de reformulation ne permettaient pas de conclure à l’existence de réels progrès nutritionnels, les auteurs soulignent que « des études montrent que des mesures publiques tendant à introduire des standards minimums de qualité sur certains nutriments précis ont des effets beaucoup plus significatifs que les mesures dautorégulation. ». Ils soulignent opportunément que dans la mesure où ces mesures contraignantes sont nécessaires pour la protection de la santé publique, justifiées scientifiquement et proportionnées car mises en place progressivement et ne concernant que certains nutriments et groupes d’aliments, elles ne peuvent être qualifiées de mesures d’entrave aux échanges au niveau européen et sont en conséquence conformes au droit de l’Union européenne.

Sur un autre plan, il importe de rappeler que l’OMS recommande depuis longtemps l’interdiction de la publicité pour des produits trop gras, trop sucrés, trop salés qui ciblent les enfants. À cet égard, comme le rappelle le rapport de notre collègue Michèle Crouzet au nom de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle, les engagements volontaires sous l’égide du CSA n’ont pas non plus donné de résultats particulièrement significatifs, et la législation qui a été adoptée il y a quelques années pour restreindre la publicité dans les programmes télévisés destinés aux enfants s’avère insuffisante. La nécessité de protéger nos enfants des risques induits par la publicité et le marketing de l’industrie agroalimentaire a été notamment mise en avant dans le Livre blanc de la Commission européenne ([5]) qui a mis l’accent sur l’importance de dépasser les politiques reposant sur le volontariat et l’autorégulation et de préserver les jeunes publics de la publicité et du marketing en matière alimentaire.

Enfin, dans cet ordre d’idées, les travaux de la commission d’enquête ont également montré l’importance de l’éducation à l’alimentation dès le plus jeune âge, à laquelle l’ensemble des acteurs de la filière accorde une importance cardinale. Si le code de l’éducation l’a prévue ([6]), chacun constate l’application très insuffisante de cette disposition qu’il convient de renforcer en lui conférant à la fois un caractère plus pratique et obligatoire.

Cette proposition de loi entend mettre en œuvre les principales recommandations scientifiques, celles des agences sanitaires tant nationales qu’internationales, et instituer un cadre légal sur la base duquel les pouvoirs publics pourront prendre les mesures réglementaires contribuant à l’amélioration de la qualité nutritionnelle de notre alimentation. Des mesures fortes et efficaces en termes de santé publique sont aujourd’hui en effet indispensables.

L’article 1er propose de mettre en application l’une des nombreuses préconisations adoptées à l’unanimité des membres de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle en limitant l’autorisation des additifs utilisés dans la production de denrées alimentaires transformées à ceux autorisés à l’annexe VIII du règlement n° 889/2008 de la commission européenne relatif à la production biologique, deux additifs, le nitrite de sodium (E250) et le nitrate de potassium (E250), étant par ailleurs expressément prohibés. Ainsi la réduction réelle de l’exposition de la population aux additifs et à leurs effets indésirables pourra-t-elle être véritablement engagée et garantie. Il n’est pas inutile de rappeler que la docteure Mathilde Touvier, chercheure à l’Inserm, membre de l’équipe du Professeur Hercberg, appelait à la vigilance, estimant lors de son audition devant la commission d’enquête que les additifs alimentaires constituaient la piste à privilégier pour analyser les liens possibles entre alimentation ultra-transformée et cancer.

Parallèlement à la problématique des additifs, il est aujourd’hui indispensable de surmonter l’inertie des industriels du secteur agroalimentaire s’agissant de la réduction des teneurs en sel, en acides gras saturés et en sucre. Comme précédemment rappelé, les agences sanitaires et nutritionnelles ne cessent de constater que les chartes d’engagements volontaires conclues entre les pouvoirs publics et les branches industrielles depuis plus de quinze ans maintenant, n’ont donné aucun résultat probant et ne se sont pas traduites par des réductions significatives et intéressantes en termes de santé publique. Suivant la recommandation du HCSP, l’article 2 de la proposition de loi donne la base juridique nécessaire à la publication par décret des taux de sel, de sucre et d’acide gras saturé admissibles, respectant les préconisations de l’OMS en la matière.

Les articles suivants sont relatifs aux préoccupations exprimées unanimement en direction des enfants.

L’article 3 vise à prohiber tout message publicitaire et autre activité promotionnelle de quelque nature que ce soit, sur tout support et média, en faveur de produits alimentaires et de boissons à destination des enfants et des adolescents. L’article 4 complète le dispositif prévu au code de l’éducation en introduisant dans le code de la santé publique un apprentissage obligatoire à la nutrition et à l’alimentation pour les élèves de l’école primaire à la fin du collège.

 


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   Commentaires d’articles

Lensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de larticle 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

Article premier
Restriction de lutilisation des additifs dans la production de denrées alimentaires transformées

Supprimé par la commission

Le présent article vise à restreindre l’utilisation des additifs dans l’alimentation à ceux autorisés dans l’alimentation biologique.

1.   Le droit existant

Aux termes du règlement n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires, « lutilisation dadditifs alimentaires doit être sûre, doit répondre à un besoin technologique ; elle ne doit pas induire le consommateur en erreur et doit présenter un intérêt pour ce dernier. (…) Le principe de précaution ainsi que la faisabilité des contrôles, devraient également être pris en compte dans le cadre de lautorisation dadditifs alimentaires. » ([7]).

Concrètement, ne peuvent être autorisés et utilisés que les additifs qui répondent aux critères établis dans le règlement et listés dans son annexe VIII. Quelque 340 additifs sont à l’heure actuelle autorisés.

À la demande de la Commission, ceux qui l’ont été avant 2009 sont actuellement soumis à un vaste travail de réévaluation par l’agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), qui rendra publiques ses conclusions d’ici à 2020.

2.   Le contexte actuel

Même dûment autorisés par la législation, les additifs utilisés par l’industrie agroalimentaire ne sont pas sans danger. La preuve en est qu’ils sont soumis à des règles strictes d’utilisation et que les niveaux de concentration auxquels sont exposés les consommateurs doivent strictement respecter les doses journalières autorisées (DJA). Les controverses actuelles sur un certain nombre d’entre eux – cf. les nitrates et les nitrites, notamment - ont mis la question de leur innocuité au cœur des préoccupations des consommateurs en demande croissante de produits plus sains et plus naturels, comme en témoigne la progression forte et non démentie depuis plusieurs années du secteur bio : 10 % en 2018, voire même 15 % à 20 % certaines années antérieures ([8]). En témoignent également les conclusions des agences scientifiques et de santé publique – ANSES, INRA, INSERM notamment – qui alertent régulièrement sur les effets délétères de l’alimentation industrielle, compte notamment tenu des risques potentiels des additifs dont elle est grosse utilisatrice. C’est particulièrement le cas de l’alimentation ultra-transformée.

Pour ces raisons, l’une des principales propositions de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle que votre rapporteur a présidée, visait à mettre en place une stratégie ambitionnant de faire évoluer les pratiques industrielles d’emploi des additifs dans les aliments transformés et ultra transformés, de manière à tendre, d’ici à 2025, à l’emploi des seuls additifs autorisés dans l’alimentation bio, au nombre de 48 (dont seulement 4 d’origine chimique) contre 338 autorisés au total.

Le texte de l’article 1er de la proposition de loi qui vous est soumis est plus ambitieux. Il vise à restreindre sans tarder l’éventail des additifs autorisés.

Plusieurs arguments, qui ne sont pas uniquement d’ordre scientifique, plaident fortement en ce sens. Ils reprennent les exigences du règlement européen de sûreté, de nécessité technologique, et d’intérêt pour le consommateur qui ne doit pas être induit en erreur.

En termes de santé publique, indépendamment des cas les plus controversés, comme celui du dioxyde de titane, à la fois inutile et fortement suspecté de cancérogénicité, l’intérêt de la réduction des additifs dans l’alimentation industrielle est majeur, souligne le professeur Serge Hercberg ([9]) : quand bien même il est encore difficile pour la communauté scientifique de travailler sur ces sujets, compte tenu du manque de données publiques dû à l’opacité qui entoure les pratiques des industriels, qui se traduit par le fait que les concentrations d’additifs restent inconnues, les modélisations épidémiologiques réalisées sont d’ores et déjà suffisantes pour mettre à jour des évidences justifiant la réduction de leur utilisation. Pour le professeur Hercberg, la diminution du risque d’exposition des consommateurs qui découlera de l’adoption de la proposition de loi est positive et va dans le sens souhaité par la communauté scientifique au nom du principe de précaution, qui doit d’autant plus prévaloir que des problématiques connexes se posent en matière d’additifs, notamment celle des effets cocktails. Au vu des connaissances actuelles, le texte proposé représente un progrès important en termes de santé publique.

Par ailleurs, au-delà des arguments de santé publique incontestables, l’industrie agroalimentaire bio démontre avec succès que l’utilité technologique de la plupart des additifs est des plus limitée. Le secteur bio n’utilise en effet qu’une cinquantaine d’additifs autorisés par l’annexe VIII du règlement 889/2008 de la commission européenne du 5 septembre 2008. Il n’en réussit pas moins à développer une production alimentaire industrielle tout aussi transformée que l’industrie conventionnelle grâce à la mise en œuvre de process de production alternatifs, au développement d’innovations, à l’utilisation de nouveaux procédés, entre autres de fermentation ou de stabilisation, ou simplement à l’utilisation d’ingrédients de qualité supérieure. C’est ainsi que l’industrie vegan bio, malgré ces limitations strictes, réussit à produire des alternatives à la viande, comme le faisait remarquer M. Charles Pernin, délégué général du Synabio ([10]).

Dans le prolongement de ce questionnement de l’utilité technologique des additifs, leur intérêt pour le consommateur doit également être examiné à la lumière de leur emploi : la seule fonction des exhausteurs de goût, par exemple, est de donner de la saveur à des ingrédients qui n’en ont pas ; celle des édulcorants est de donner une saveur sucrée aux denrées alimentaires. Pour le professeur Christian Boitard ([11]), directeur de l’Institut « Physiopathologie, métabolisme et nutrition » (ITMO), ils n’ont aucune justification et sont surtout susceptibles d’avoir une action perturbatrice sur les récepteurs gustatifs du cerveau, d’autant plus problématique qu’ils peuvent être employés en association avec des sucres.

Sans plus insister, ces quelques aspects démontrent s’il en était besoin qu’il est aisé d’éviter tout type d’artifice de ce genre qui masque les défauts d’un produit et tend à tromper le consommateur sur la véritable qualité des aliments qu’il mange.

Enfin, l’inutilité de nombre d’additifs est également confirmée par l’industrie agroalimentaire conventionnelle elle-même : M. Louis-Georges Soler, directeur de recherche à l’INRA, en charge du suivi de l’Oqali, indiquait en effet à votre rapporteur ([12]) que l’on constatait aujourd’hui une réduction volontaire et très forte de l’utilisation des additifs de la part d’une industrie agroalimentaire désormais plus attentive à l’exigence des consommateurs. Au point que certaines entreprises conventionnelles se sont même aujourd’hui engagées dans une démarche vers le « zéro additif », prouvant par là-même que la réduction de l’utilisation des additifs ne requiert pas de longs délais de reformulation des process de fabrication. L’ANSES publiera dans les prochains mois une étude actuellement en cours sur cet aspect.

3.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la proposition de loi vise en conséquence à conforter le mouvement engagé par l’industrie qu’il importe d’autant plus de soutenir qu’il répond aux intérêts des consommateurs tout en étant en adéquation avec les exigences de la réglementation européenne.

Il est en conséquence proposé de compléter par un article L. 3231-2 le chapitre Ier du titre unique du livre II bis du code de la santé publique restreignant l’utilisation des additifs dans la production de denrées alimentaires transformées à ceux autorisés dans le règlement n° 889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles.

En outre, au titre du principe de précaution, l’article 1er interdit également l’utilisation du nitrate de potassium et du nitrite de sodium, compte tenu des suspicions quant à leur dangerosité, quand bien même ils restent à l’heure actuelle autorisés par le règlement n° 889/2008.

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Article 2
Suivi effectif des recommandations de lOMS en matière de taux de sel, de sucre et dacide gras saturé

Supprimé par la commission

Le présent article impose que la composition des aliments transformés doit suivre les recommandations de l’OMS en matière de taux de sel, de sucre et d’acide gras saturé.

1.   Un cadre juridique peu contraignant et relativement inefficace

En 1989, l’OMS a invité les gouvernements des États membres à favoriser la reformulation des produits alimentaires fabriqués pour réduire les teneurs en sel, en sucres et en matières grasses des produits alimentaires. Au niveau européen, et notamment en France, les politiques publiques, fondées sur ces recommandations, se sont essentiellement concentrées sur la conclusion d’engagements volontaires de la part des industriels du secteur agroalimentaire.

Dans notre pays, 37 chartes ont ainsi été signées entre les industriels et les pouvoirs publics entre 2008 et 2013 : 25 visant à la réduction des contenus en sel, 18 à la baisse des taux de lipides, 12 portant sur les acides gras saturés, 14 sur les sucres ajoutés. Une très large variété de produits fabriqués par les PME ou les grandes entreprises du secteur étaient concernées, et comportaient des objectifs de réduction de 5 % à 25 % des apports.

L’Observatoire de la qualité de l’alimentation, Oqali, a cependant pu conclure à un bilan des plus modeste. Les efforts de reformulation des produits alimentaires qui ont été menés dans le cadre de ces chartes n’ont pas permis de conclure qu’il en était résulté de réels progrès nutritionnels. Les travaux de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle ont de même confirmé que les recommandations de l’ANSES, formulées en 2002, quant à la teneur du pain en sel, n’étaient toujours pas respectées, ce qui amenait le professeur Gérard Lasfargues, directeur général de l’ANSES, à conclure lors de son audition que les évolutions dans les pratiques de l’industrie agroalimentaire n’étaient pas à la hauteur des enjeux. ([13]). Ce constat est partagé par la direction générale de la santé, ainsi que Mme Carole Rousse, cheffe du bureau EA3 « Alimentation et nutrition » l’a confirmé à votre rapporteur lors de son audition ([14]).

Certains pays ont en revanche été plus volontaristes et ont introduit des standards minimums de qualité sur certains nutriments. Ils ont obtenu de ce fait des résultats bien plus significatifs que ceux atteints en France par la voie de l’autorégulation professionnelle. Comme le rappelle le rapport du Haut conseil de la santé publique (HCSP), de septembre 2017 ([15]), « certains pays se sont engagés avec succès dans cette voie. Ainsi lAutriche, le Danemark, la Lettonie et la Hongrie ont mis en place une législation qui limite la teneur en AGT des denrées alimentaires. La mise en place, par le Danemark, en 2003, dun taux maximal légal dAGT dorigine industrielle, limitant à 2 % la présence dacides gras trans dans les huiles et les matières grasses a permis de réduire, de manière importante le nombre de décès causés par des maladies cardiovasculaires. ». On pourrait également citer les cas du Royaume-Uni ou de la Finlande, en matière de sel, qui ont obtenu des résultats assez significatifs, ou encore du Portugal, qui a adopté une loi en août 2009 sur la teneur maximale de sel dans le pain.

C’est la raison pour laquelle le HCSP, compte tenu de l’impératif de santé publique en jeu, recommande également, et fortement, que la France s’engage à son tour dans une démarche plus contraignante envers les industriels de l’agroalimentaire et définisse des limites maximales par catégories ou familles d’aliments.

Plusieurs raisons plaident fortement en faveur de cette nouvelle orientation. D’une part, le faible nombre d’entreprises adhérentes à ces chartes, qui en limite de facto la portée : « 8 chartes ont été signées en 2008, 4 en 2009, 11 en 2010, 6 en 2011, 3 en 2012, 3 en 2013 ; et depuis le début 2013 aucun projet nouveau na été soumis », rappelle ainsi le HCSP en 2017. Surtout, poursuit le Haut conseil, « malgré louverture des accords collectifs et les travaux menés en 2013 sous légide du ministre délégué à lagro-alimentaire, les quelques nouveaux engagements tels quactuellement proposés par les secteurs sont certes non négligeables, mais ils sont notoirement insuffisants pour avoir un impact sur létat nutritionnel de la population. » Lors de son audition, le professeur Serge Hercberg parlera en termes d’échec patent des mesures d’autorégulation qui ont même pu avoir dans certains cas des effets contradictoires se traduisant par l’augmentation des teneurs. En revanche, les quelques industriels qui ont appliqué ces chartes ont contribué à démontrer que les diminutions souhaitées étaient techniquement faisables.

C’est pourquoi, de l’avis du HCSP, il importe désormais de définir des standards pour les groupes de produits alimentaires reconnus comme étant d’importants contributeurs à l’apport en nutriments des populations, fixant, par nutriments et catégories de produits, des seuils à ne pas dépasser.

2.   Le dispositif envisagé

Suivant les recommandations du Haut conseil de la santé publique, l’article 2 de la proposition de loi propose en conséquence d’introduire dans le code de la santé publique un article L. 3231-3 posant le principe selon lequel les teneurs en sel, sucre et acides gras saturés des aliments transformés doivent se conformer aux recommandations de l’OMS.

Dans la mesure où il n’appartient pas à la loi de fixer ces taux, la proposition renvoie à un décret, qui publiera les taux de sel, sucre et acides gras saturés déterminés par la direction générale de l’alimentation et seront réévalués tous les cinq ans. Il est précisé que la mesure entrera en vigueur d’ici 2021.

Il est apparu au fil des auditions que le dispositif ainsi proposé était toutefois perfectible. En effet, les recommandations de l’OMS portent sur la consommation globale et ne fixent pas de teneur selon des catégories de produits. Il est en conséquence nécessaire d’introduire la notion de teneurs maximums à respecter, sur la base des données recueillies et analysées par l’Oqali, qui contribueront à déterminer des standards de qualité auxquels les entreprises devront se conformer. C’est pourquoi votre rapporteur présente un amendement en ce sens.

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Article 3
Interdiction de la publicité en faveur de produits alimentaires
destinés aux enfants et adolescents

Supprimé par la commission

Cet article prohibe tout message publicitaire et promotion radiophonique, audiovisuelle et électronique en faveur de produits alimentaires et boissons destinés aux enfants et adolescents.

1.   Le cadre conventionnel actuel et son bilan

Aux termes de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, « le Conseil supérieur de laudiovisuel veille à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle saccompagne dun niveau élevé de protection de lenvironnement et de la santé de la population. » En outre, selon l’article 14 de la même loi, le CSA évalue « les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque et formulant des recommandations pour améliorer lautorégulation du secteur de la publicité », et adresse au parlement un rapport annuel à ce sujet.

Sur cette base, un système d’autorégulation s’est instauré reposant sur une charte d’engagements des professionnels qui se sont inscrits, à partir de 2009, dans une démarche volontaire de soutien aux orientations du Plan national nutrition santé (PNNS). Cette charte vise à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et publicités télévisés. Elle a été renouvelée en 2014 pour cinq ans, les engagements relatifs à la lutte contre l’obésité et à la prévention des maladies cardiovasculaires ayant été renforcés.

 

Les quatorze engagements de la Charte alimentaire 2014-2019

Engagement des annonceurs à renforcer la démarche responsable de la publicité concernant le contenu des publicités alimentaires.

Conditions tarifaires adaptées aux campagnes collectives de promotion de produits dont la consommation est encouragée, ainsi qu’aux campagnes d’intérêt général de l’INPES sur l’activité physique et l’alimentation favorable à la santé.

Engagement des chaînes de télévision à diffuser des programmes faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie, sans visibilité des annonceurs de l’industrie agroalimentaire.

Définition des volumes horaires de ces programmes.

Renvoi des programmes valorisés par les chaînes au site www.mangerbouger.fr.

Relais par les chaînes des Journées mondiales de l’obésité et autres programmations spéciales.

Diffusion par les chaînes sur leurs sites internet des programmes valorisés par la charte.

Mobilisation des chaînes outre-mer.

Insertion de messages sanitaires dans les génériques d’annonce d’écrans publicitaires diffusés dans les émissions destinées à la jeunesse.

Production d’un clip vidéo pour la jeunesse pour sensibiliser à la bonne hygiène de vie.

Engagement des annonceurs à financer des programmes courts d’éducation aux bons comportements de vie, d’alimentation et d’activité physique.

Supervision du respect des engagements de la charte par le CSA.

Création d’un comité d’experts consultatif sur les thématiques de la charte.

Contrôle du contenu des publicités alimentaires et bilan annuel par l’ARPP.

La charte est arrivée à échéance à la fin de l’année dernière. Le CSA a lancé une nouvelle négociation et a proposé aux parties prenantes un texte destiné à couvrir la période 2019-2023 sur lequel le consensus n’a pour le moment pu être trouvé. Pour l’heure, les pratiques des professionnels n’ont pas changé mais les discussions ne pourront reprendre qu’une fois le nouveau collège du CSA constitué, processus qui n’est pas encore achevé.

Selon les indications obtenues par votre rapporteur, certaines oppositions marquées ont empêché la conclusion d’un accord : les autorités sanitaires estiment la proposition nettement insuffisante et loin de répondre aux enjeux de santé publique, comme l’a confirmé Mme Carole Rousse, les engagements restant trop flous. En revanche, selon M. François d’Aubert, président de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité ([16]) (ARPP), depuis les États généraux de l’alimentation, les professionnels travaillent avec le CSA pour répondre aux nouvelles attentes sur la base des chartes antérieures et un accord devrait être prochainement finalisé.

Dans ce contexte, il importe aussi de rappeler qu’une exception a été introduite à ce mécanisme d’autorégulation par la loi n° 2016-1771 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, la loi « Gattolin », aux termes de laquelle, depuis le 1er janvier 2018, les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans diffusés sur les chaînes de télévision publiques et leurs sites Internet ne comportent pas de messages publicitaires autres que relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général.

Enfin, l’an dernier, lors des débats parlementaires sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, loi « Egalim » n° 2018-938 du 30 octobre 2018, plusieurs amendements, dont certains de la majorité, avaient été défendus qui visaient à prolonger ces restrictions en interdisant et limitant les messages publicitaires ciblant les enfants et adolescents de moins de seize ans et en faveur des aliments contenant trop de gras, de sucre ou de sel. Le ministre de l’agriculture et le rapporteur avaient l’un et l’autre notamment rappelé le rôle de régulateur confié au CSA pour obtenir leur rejet.

Dans son dernier rapport ([17]), le CSA estime que la charte a été très largement respectée par les signataires, ce dont il convient de se féliciter. Cela étant, la consultation à laquelle le conseil a procédé auprès des signataires de la charte et dautres partenaires fait notamment apparaître que certains « ont regretté que la charte soit trop peu contraignante pour les acteurs de laudiovisuel en termes de contenu éditorial des programmes déclarés mais aussi en matière de diffusion de messages publicitaires en faveur de produits trop gras, trop sucrés, trop salés, particulièrement ceux diffusés à proximité de programmes jeunesse. ». Par ailleurs, parmi les problématiques soulevées, le CSA a relevé que le périmètre de la charte pourrait être étendu aux radios et aux services numériques, aspect inséré, selon les indications données à votre rapporteur, dans le projet en discussion.

2.   Le consensus scientifique sur la nécessité d’aller plus loin

Cela étant, dans ce domaine comme dans celui des teneurs en sel, en gras et en sucre des aliments transformés, il y a aujourd’hui un consensus scientifique total quant à l’inefficacité de la réglementation actuellement en vigueur.

L’analyse effectuée par l’INSERM des études internationales ([18]) montre en effet que, même bien appliquées, les réglementations existantes visant à réduire l’exposition des enfants aux publicités alimentaires ont un effet très faible si ce n’est nul, pour plusieurs raisons : elles ne portent que sur les programmes destinés aux enfants ou vus plus particulièrement par eux ; les critères nutritionnels utilisés sont souvent trop restrictifs ; les engagements ne concernent qu’un nombre limité d’entreprises qui, au demeurant, peuvent mettre en place des stratégies de contournement vers des médias moins contrôlés. De l’avis général, l’autorégulation en matière de publicité alimentaire a échoué partout où elle a été instaurée et il y a aujourd’hui un consensus des autorités sanitaires en faveur d’une réglementation stricte, comme le rappelle le professeur Serge Hercberg pour qui la proposition de loi permettra de surmonter les blocages ([19]). Comme le souligne l’INSERM, « la réglementation de linformation nutritionnelle doit donc être complétée par un ensemble dautres mesures, et notamment des restrictions à la promotion ou publicité des produits alimentaires peu sains aux enfants, afin dêtre réellement efficace ».

Rappelant que la France s’est engagée à réduire la pression commerciale pesant sur les enfants pour les produits de mauvaise qualité nutritionnelle ([20]), le groupe d’experts de l’Institut recommande en conséquence que notre pays « adopte des mesures législatives ou réglementaires contraignantes en vue dune part, de réduire lexposition des enfants au marketing pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle et den limiter les effets (notamment interdire les publicités télévisées pour certains produits alimentaires durant les plages horaires visionnées par un nombre important denfants) ». En complément, l’Inserm appelle également à « interdire le recours à certaines techniques promotionnelles dotées dun pouvoir de persuasion particulièrement fort sur les enfants, comme lutilisation de porte-parole de marque (sportifs, chanteurs, personnages de dessins animés...), doffres promotionnelles (avec des avantages en argent ou en nature comme lattribution de cadeaux), ou dallégations nutritionnelles et de santé, dans le but de promouvoir des produits de mauvaise qualité nutritionnelle », étant entendu que « ces mesures doivent couvrir un très large éventail de médias (et plus particulièrement les « nouveaux médias » : sites Internet, réseaux sociaux, téléphones mobiles...) et ne pas porter exclusivement sur les contenus spécifiquement destinés aux enfants ou regardés plus souvent par eux. »

De son côté, en septembre 2017, le Haut Conseil de la Santé Publique a également rappelé ([21]) le consensus scientifique sur le fait que les enfants et adolescents ne possédaient pas la maturité « cognitive, métacognitive, affective, comportementale et sociale pour résister ou pour prendre en compte les possibles effets délétères, à moyen et long termes, de leurs comportements alimentaires immédiats », et ce, d’autant moins que les techniques les plus modernes de « neuromarketing » agissent à des niveaux infra-conscients, réduisant d’autant la liberté des jeunes consommateurs manipulés. Dans ce contexte, l’influence croissante de la publicité, qui promeut essentiellement des produits de mauvaise qualité nutritionnelle, est à la base de l’enracinement durable de comportements alimentaires néfastes. Le HCSP plaide en conséquence en faveur d’une réglementation plus restrictive pour la protection du public vulnérable, conformément aux recommandations de l’OMS et de l’INSERM et recommande aux pouvoirs publics « de réglementer le marketing et interdire les communications commerciales, les ventes promotionnelles (vente avec prime, vente par lots, jeux promotionnels) et la promotion des marques agro-alimentaires associées pour les aliments de pauvre qualité nutritionnelle (classés D et E selon le NutriScore) », « dinterdire la promotion des marques agro-alimentaires associées à des aliments moins favorables au plan nutritionnel, cest-à-dire classés D ou E selon le NutriScore », et enfin, « dinterdire lutilisation de tous supports publicitaires à destination des moins de 16 ans pour des aliments classés D ou E selon le NutriScore. »

Pour le HCSP, cette interdiction générale doit porter tant sur les supports : « journaux, tout type de presses (magazines,…), annuaires, imprimés sans adresse ISA, distribution de flyers dans les lieux publics, envoi de messages de type SMS, MMS, et téléprospection, applications mobiles, publipostage à destination des moins de 16 ans. », que sur les modalités : « Cette interdiction porte sur les formes de publicité suivantes : jeux vidéo publicitaires (de type Advergames, serious games commerciaux) dès lors que le jeu met en scène une marque associée à des aliments ayant un NutriScore D ou E et quil est raisonnablement possible de relier ce jeu à lunivers enfantin et/ou adolescent. Des contrôles réguliers vérifient le respect de cette interdiction. »

3.   Le dispositif proposé est perfectible

C’est la raison pour laquelle le texte de la proposition de loi vise à compléter le code de la santé publique en insérant au chapitre III du titre III du livre premier de la deuxième partie un article L. 2133-3 aux termes duquel seront totalement interdits tous types de messages publicitaires et d’activités promotionnelles en faveur de produits alimentaires et de boissons principalement destinés aux enfants et adolescents, et ce quel qu’en soit le support : radiophonique, audiovisuel, électronique, ou autres.

Cela étant, les auditions ont montré qu’une démarche plus positive que prohibitive aurait sans doute l’avantage de rencontrer une meilleure adhésion des parties prenantes et d’éviter certaines difficultés et délais qui pourraient être induits de la rédaction initiale proposée, quant à la définition, par exemple, d’un message publicitaire destiné aux enfants.

C’est pourquoi votre rapporteur propose un amendement tendant à reformuler la recommandation que le HCSP a présentée dans son rapport de 2017. Il s’agira de conditionner l’autorisation de la publicité alimentaire à l’obtention de notes A et B au Nutri-score. Il en résulte plusieurs avantages, dont la promotion du Nutri-score, qui, sans être rendu obligatoire, ce que la réglementation européenne empêche, sera néanmoins fortement encouragé, répondant ainsi à une préoccupation forte des autorités sanitaires de notre pays ; les publicités diffusées contribueront à la promotion d’une alimentation respectant des standards élevés ; les chaînes de télévision ne souffriront pas des pertes de recettes publicitaires qui auraient pu être dommageables à la production de programmes.

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Article 4
Introduction dun apprentissage à la nutrition et à lalimentation à lécole

Supprimé par la commission

Cet article prévoit que les écoliers et élèves du primaire et des collèges bénéficient d’une heure par semaine d’apprentissage à la nutrition et à l’alimentation.

1.   L’éducation à l’alimentation aujourd’hui

Aux termes de larticle L. 312-17-3 du code de léducation, introduit par la loi davenir pour lagriculture, lalimentation et la forêt, adoptée en 2014, « une information et une éducation à lalimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire (…) sont dispensées dans les établissements denseignement scolaire (…). ». Initialement limitées aux écoles, ces dispositions ont été étendues aux collèges et lycées au cours de lautomne dernier, lors de la discussion de la loi « Egalim ».

Le rapport de notre collègue Michèle Crouzet, au nom de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle publié en septembre dernier ([22]), a clairement mis en évidence le consensus de tous les acteurs, notamment de la sphère scientifique, sur cet impératif qui contribue fortement à l’acquisition de comportements ayant sur le long terme des effets bénéfiques sur la santé.

Pour autant, chacun sait cependant que cette information et cette éducation ne sont dispensées que de manière très inégale et insatisfaisante, ce constat étant également partagé de manière unanime. Comme le rappelait notre collègue Guillaume Garot, président du Conseil national de l’alimentation et ancien ministre de l’agriculture, lors de son audition par la commission d’enquête, les initiatives prises au niveau du ministère de l’éducation nationale restent beaucoup trop modestes. Même si ce sujet n’est pas oublié, le fait qu’aucun horaire ne soit défini, combiné à l’autonomie des établissements d’enseignement et la multiplicité des enjeux sociétaux qui doivent être abordés, n’incite pas à faire de cette question une véritable priorité, selon les propos mêmes que la Direction générale de l’enseignement scolaire tenait devant la commission d’enquête.

C’est la raison pour laquelle le rapport avait inscrit parmi ses recommandations le renforcement de « léducation à lalimentation, dès lenseignement préscolaire, en lérigeant au rang des enseignements obligatoires, en invitant les ministères de léducation nationale, de la santé, de lagriculture et de lalimentation, et de la transition écologique, à élaborer un programme national denseignement (incluant notamment des séquences de la restauration scolaire dans le temps déducation) en faveur dune alimentation saine, équilibrée et durable et de la lutte contre le gaspillage alimentaire. » ([23]).

Dans le même ordre d’idées, le Haut conseil de la santé publique regrettait en 2017 que les mesures mises en place par les différentes structures recevant des enfants n’aient pas fait l’objet d’une coordination interministérielle suffisamment efficace pour assurer la cohérence des différentes stratégies de la politique nutritionnelle de santé publique.

2.   Le dispositif proposé est perfectible

Il apparaît nécessaire de reformuler les mesures figurant aujourd’hui au code de l’éducation. Dans l’esprit des recommandations du HCSP, la proposition introduit tout d’abord la notion d’« apprentissage à la nutrition et à lalimentation », de contenu plus pratique que celles  d’information et d’éducation actuellement utilisées.

Cela étant, à la lueur des auditions que votre rapporteur a menées, il est apparu que la rédaction de l’article 4 pouvait être améliorée. En premier lieu en posant le principe de l’obligation de cet apprentissage, suivant en cela la recommandation de la commission d’enquête. En second lieu, en révisant également la disposition du code de l’éducation actuellement en vigueur. Sans être redondant, cela permettra de renforcer la dimension interministérielle et transversale indispensable à cet enseignement.

Pour ces raisons, votre rapporteur vous proposera une nouvelle rédaction de l’article 4 de la proposition de loi.

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   Annexes

Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

    Haut conseil de la santé publique (HCSP)  Pr Serge Hercberg, copilote du Pr Ziegler, groupe de travail multidisciplinaire Nutrition

    Direction générale de la santé (DGS) Mme Carole Rousse, Cheffe du bureau Alimentation et Nutrition, Direction Générale de la Santé, Ministère des solidarités et de la santé

    Institut national de la recherche agronomique (INRA) – M. LouisGeorges Soler, directeur de recherche, Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali)

    Synabio – M. Charles Pernin, délégué général, et M. Arthur Bonheme

    Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – Pr. Christian Boitard, directeur de l’Institut thématique physiopathologie, métabolisme, nutrition

    Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) (*) – M.  François dAubert, président, M. Stéphane Martin, directeur général, Mme Magali Jalade, directrice des affaires publiques et réglementaires

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


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Annexe n° 2 : liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro darticle

1er

Code de la santé publique

L. 3231-2

2

Code de la santé publique

L. 3231-3

3

Code de la santé publique

L. 2133-2

4

Code de la santé publique

L. 3231-4

 


([1])  « Nombre et fractions de cancers attribuables au mode de vie et à lenvironnement en France métropolitaine en 2015 : résultats principaux », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 21, 26 juin 2018, page 443.

([2])  Audition du 5 février.

([3]) Audition du mardi 5 février.

([4])  « Propositions pour une politique nationale nutrition santé à la hauteur des enjeux de santé publique en France – PNNS 2017-2021 », Haut Conseil de la Santé Publique, septembre 2017.

([5]) « Une stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et lobésité », 30 mai 2017.

([6]) Article L. 312-17-3 du code de l’éducation : « une information et une éducation à lalimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire (…) sont dispensées dans les établissements denseignement scolaire (…). ».

([7]) Considérant n° 7.

([8]) Audition de M. Charles Pernin, délégué général du Synabio, mercredi 6 février.

([9]) Audition du mardi 5 février

([10])  Audition du mercredi 6 février.

([11])  Audition du jeudi 7 février

([12])  Audition de M. Louis-Georges Soler, directeur de recherche à l’INRA.

([13])  Rapport n° 1266 sur « Lalimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans lémergence des pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance », page 115.

([14])  Audition du 5 février.

([15])  « Propositions pour une politique nationale nutrition santé à la hauteur des enjeux de santé publique en France – PNNS 2017-2021 », Haut Conseil de la Santé Publique, septembre 2017, page 30.

([16])  Audition du 7 février.

([17])  Rapport au Parlement en application de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 sur l’application de la charte alimentaire, CSA, octobre 2018.

([18])  « Agir sur les comportements nutritionnels, réglementation, marketing et influence des communications de santé, synthèse et recommandations », INSERM, expertise collective, mars 2017.

([19])  Audition du 5 février.

([20])  En adoptant en 2010 la résolution 63.14 de l’OMS sur la commercialisation des aliments et boissons non alcoolisées aux enfants.

([21]) Propositions pour une politique nationale nutrition santé à la hauteur des enjeux de santé publique en France – PNNS 2017-2021, Haut Conseil de la Santé Publique, septembre 2017, pages 52-54.

([22])  « Rapport n° 1266 sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence des pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance »

([23])  Recommandation n° 21, rapport n° 1266, page 157