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N° 1676

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2019.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi relative à la création d’un permis de conduire public gratuit,

 

 

 

 

Par Mme Clémentine AUTAIN,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1562.

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Consécration de l’apprentissage de la conduite comme un service public gratuit

Article 2 Organismes en charge de l’enseignement de la conduite

Article 2 bis Demande de rapport sur l’enseignement du code et l’organisation de son épreuve théorique au lycée

Article 3 Sensibilisation écologique délivrée dans le cadre de l’enseignement des épreuves théorique et pratique du permis de conduire

Article 4 Suppression des dispositions introduites par les articles 28 et 30 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Article 5 Décret en Conseil d’État

Article 6 Majoration de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes

compte rendu des débats en commission

Réunion du mercredi 13 février à 9 heures 30 ()

I. Discussion générale

II. Examen des articles

Article 1er Consécration de lapprentissage de la conduite comme un service public gratuit

Article 2 Organismes en charge de lenseignement de la conduite

Après larticle 2

Article 3 Sensibilisation écologique délivrée dans le cadre de lenseignement des épreuves théorique et pratique du permis de conduire

Article 4 Suppression des dispositions introduites par les articles 28 et 30 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, lactivité et légalité des chances économiques

Article 5 Décret en Conseil dÉtat

Article 6 Majoration de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes


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   Avant-propos

Le permis B est le premier examen de France avec près d’un million de candidats annuels. Sa détention ouvre des droits non négligeables : le permis de conduire est une pièce d’identité et, en plus de faciliter les déplacements dans certains territoires peu ou mal desservis, il est bien souvent une condition d’accès à de nombreuses offres d’emploi. Son prix excessif – le coût total moyen est de 1 781 euros – et la mise à mal du modèle éducatif qui prévalait jusqu’alors constituent des obstacles forts à sa généralisation et à la qualité des formations délivrées.

S’il existe des dispositifs d’aide, tel que le permis à un euro par jour ([1]) ou encore l’aide spécifique aux apprentis récemment mise en œuvre ([2]), ils ne concernent qu’une faible part des nombreux candidats à l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger ([3]). Ainsi, seuls 83 065 nouveaux prêts ont été souscrits en 2018 par des jeunes de 15 à 25 ans dans le cadre du permis à un euro par jour ([4]).

Par ailleurs, ces dispositifs ne couvrent qu’une faible part du coût du permis : seuls les intérêts de l’emprunt sont pris en charge par l’État dans le cas du permis à un euro par jour, tandis que l’aide aux apprentis ne s’élève qu’à 500 euros. Par ailleurs, si les aides octroyées par les collectivités territoriales assurent parfois la prise en charge d’une part significative du coût du permis, elles ne contribuent pas à l’égalité territoriale entre tous les candidats.

Ainsi, l’accès au permis de conduire s’effectue encore aujourd’hui dans des conditions, notamment financières, difficiles et inégales. Pourtant, comme l’indique l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, « l’acquisition du permis B est (…) au cœur des enjeux de notre société en ce qu’il constitue un levier d’émancipation de premier plan [et] la maîtrise de la conduite est en outre une condition majeure d’insertion professionnelle ».

Par ailleurs, et comme c’est le cas dans de nombreux domaines et pour beaucoup de services, l’enseignement à la conduite n’est pas épargné par le phénomène d’ubérisation. Des plateformes dématérialisées émergent, qui se nourrissent de la dérèglementation de la profession. En contournant certaines règles garantes d’une formation de qualité, en participant de la dévaluation d’un examen qui doit être protégé, ces auto-écoles digitales menacent la sécurité routière. En l’absence d’un suivi personnalisé des candidats, cette évolution conduit ainsi à une diminution de la qualité de la formation dispensée et porte une atteinte considérable aux conditions sociales de l’exercice de la profession d’enseignant. Nous en voulons pour preuves l’emploi de plus en plus fréquent de moniteurs autoentrepreneurs ainsi que la fin de l’agrément départemental au profit d’un agrément national. Ainsi, l’objectif de la proposition de loi est également de lutter contre le développement du moins-disant éducatif dans ce domaine.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi « Macron », présentée comme un remède au coût trop élevé du permis, n’a pas su en faciliter l’accès pour les candidats, ni répondre aux inquiétudes des professionnels du secteur. Le taux de réussite des candidats inscrits en candidats libres – et dont la plupart se préparent donc via une auto‑école en ligne – est de dix points inférieur à celui des candidats inscrits par leur auto-école, ce qui induit des coûts supplémentaires liés aux délais d’attente pour la prochaine présentation ([5]). Ces chiffres sont à mettre en relation avec le taux de recours encore faible à ces structures dématérialisées : en mai 2018, seuls 1,43 % des candidats au permis B étaient inscrits en candidats libres ([6]).

Cette proposition de loi est donc aux antipodes des choix politiques et économiques privilégiés jusqu’à maintenant par le Gouvernement. L’urgence commande d’assurer aux usagers une formation accessible et de qualité, et aux professionnels la garantie d’une pratique professionnelle dans de bonnes conditions, économiques et de sécurité. La lutte contre l’ubérisation du permis de conduire suppose donc d’assurer un principe de gratuité pour tous, afin de ne pas faire peser sur les candidats le coût d’une formation onéreuse, sans rogner sur la qualité du service et de l’enseignement délivrés par les auto-écoles.

Pour garantir l’accès à ce passeport de mobilité, il apparaît donc nécessaire d’instituer un droit à l’apprentissage du code de la route et de la conduite, gratuit et ouvert à tous. Afin de mettre en œuvre ce droit à l’apprentissage de la conduite, la proposition de loi le consacre explicitement comme un service public, assuré soit par l’Éducation nationale, soit par le secteur privé agréé. Elle pose en outre le principe de sa gratuité, mis en œuvre à l’article 2 qui prévoit que le ministère de l’Éducation nationale finance l’enseignement du code de la route ainsi que trente heures de formation à la conduite, sans condition d’âge ni de formation. L’obtention du permis de conduire B sera donc financée par l’État.

La proposition de loi prévoit également les modalités de financement de ce droit nouveau. En effet, son article 6 dispose que la taxe due par les concessionnaires autoroutiers au titre de l’article 302 bis ZB du code général des impôts, calculée en fonction du nombre de kilomètres parcourus par les usagers, est majorée à due concurrence des dépenses nouvelles induites par la mise en œuvre des dispositions précédemment exposées. Ainsi, les concessions autoroutières seraient amenées à financer le permis de leurs futurs usagers.

Enfin, la proposition de loi prévoit de renforcer de façon notable le volet écologique et environnemental de l’enseignement de la conduite. Ces préoccupations sont aujourd’hui abordées trop succinctement au cours des épreuves théorique et pratique du permis de conduire pour induire une réelle prise de conscience des futurs conducteurs. Aussi apparaît-il nécessaire de prévoir, dans la loi, que l’enseignement du code et de la conduite comprend une sensibilisation des élèves aux alternatives à la voiture, au coût environnemental de la conduite et au partage de l’espace public entre les différents modes de déplacement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   Commentaire des articles

La commission ayant rejeté l’ensemble de la proposition de loi modifiée, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

Article 1er
Consécration de l’apprentissage de la conduite comme un service public gratuit

Rejeté par la commission

L’article 1er vise à inscrire dans la loi le principe selon lequel l’apprentissage de la conduite constitue un service public gratuit.

I.   le droit existant

En l’état actuel du droit, si l’enseignement des épreuves pratique et théorique pourrait d’ores et déjà être considéré comme un service public – cette activité étant contrôlée par l’autorité administrative dans le but de satisfaire un besoin d’intérêt général –, il n’est pas financé par la puissance publique, à l’exception de quelques dispositifs d’aide (cf. supra).

En effet, si l’article L. 221-1 A du code de la route, introduit par l’article 28 de la loi n° 2015-990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dispose que « l’accès aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire est un service universel », son champ est circonscrit à la présentation des épreuves proprement dite et ne porte nullement sur leur préparation.

II.   les dispositions de la proposition de loi

Le présent article reconnaît donc explicitement la qualité de service public à l’apprentissage de la conduite en vue de l’obtention du permis de catégorie B – cette notion est actuellement définie par la partie réglementaire du code de la route ([7]), la partie législative du code faisant référence, plus largement, au « permis de conduire des véhicules du groupe léger » ([8]) qui regroupe les permis B, BE et B1.

Il impose par ailleurs un principe de gratuité : ainsi, comme l’école, le service public de l’apprentissage de la conduite a vocation à être financé par la solidarité nationale, par le biais du système fiscal, et non directement par le consommateur, auquel serait de fait substituée la qualité d’usager.

Article 2
Organismes en charge de l’enseignement de la conduite

Rejeté par la commission

L’article 2, dans sa version initiale, tire les conséquences des dispositions prévues à l’article 1er de la proposition de loi et confie à l’Éducation nationale le financement de l’apprentissage du permis de conduire. Celui-ci peut être assuré soit par l’Éducation nationale, soit par le secteur privé agréé. La commission a adopté un amendement permettant l’organisation d’une expérimentation pour favoriser le passage de l’examen du code dans les communes situées en zone de revitalisation rurale.

I.   le droit existant

L’enseignement du code de la route et de la conduite est aujourd’hui assuré par des établissements agréés. En effet, en application de l’article L. 213-1 du code de la route, « l’enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur d’une catégorie donnée et de la sécurité routière (…) ne peuvent être organisés que dans le cadre d’un établissement dont l’exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l’autorité administrative ». C’est également le cas, en application de l’article L. 213-7 du même code, des associations qui exercent leur activité dans le champ de l’insertion ou de la réinsertion sociale et professionnelle.

Par ailleurs, en application de l’article L. 312-13 du code de l’éducation, l’enseignement du code de la route est obligatoire et inclus dans les programmes d’enseignement des premier et second degrés, de l’école au lycée. En outre, depuis la loi n° 2015-990 précitée, le passage de l’épreuve théorique peut être organisé, en dehors du temps scolaire, dans les locaux des lycées, après autorisation du président du conseil régional ([9]).

II.   les dispositions de la proposition de loi

Le premier alinéa du présent article détermine les entités assurant l’enseignement nécessaire à l’obtention du permis de conduire, tant dans ses aspects théoriques – l’apprentissage des dispositions du code de la route – que pratiques. Il s’agit soit du ministère de l’Éducation nationale, soit d’établissements privés agréés par l’autorité administrative, dichotomie qui correspond au droit existant.

L’apport du présent article réside principalement dans son second alinéa, qui dispose que le ministère de l’Éducation nationale finance l’enseignement du code de la route ainsi qu’un volume de trente heures de formation à la conduite. Ce quota horaire, supérieur aux exigences règlementaires actuelles – de 20 heures sur un véhicule à changement de vitesse manuel et de 13 heures sur un véhicule à changement de vitesse automatique –, se rapproche cependant des pratiques réelles d’apprentissage.

Il est par ailleurs précisé que l’accès à ce dispositif de financement est valable sans condition d’âge ni de formation, afin d’être ouvert à tous. Il apparaît qu’un âge minimum doive toutefois être requis pour l’apprentissage de la conduite, aujourd’hui fixé à quinze ans pour la conduite accompagnée ([10]).

*

Lors de l’examen de la proposition de loi, la commission a adopté, contre l’avis de la rapporteure, un amendement de M. Bricout mettant en place une expérimentation visant à favoriser le passage de l’examen théorique du code de la route dans les communes en zone de revitalisation rurale.

Article 2 bis
Demande de rapport sur l’enseignement du code et l’organisation de son épreuve théorique au lycée

Introduit par la commission

La commission a adopté, contre l’avis de la rapporteure, un amendement de M. Bricout demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur l’opportunité de l’enseignement du code de la route et du passage de l’épreuve théorique du code au lycée pour tous les jeunes scolarisés dans le second cycle.

 

Article 3
Sensibilisation écologique délivrée dans le cadre de l’enseignement des épreuves théorique et pratique du permis de conduire

Rejeté par la commission

L’article 3 vise à inclure, dans le cadre de l’enseignement théorique et pratique de la conduite, un volet écologique et environnemental.

I.   le droit existant

Les épreuves théorique et pratique du permis de conduire de catégorie B comportent des éléments ayant trait à l’environnement et notamment à la consommation de carburant.

L’épreuve du code de la route, depuis la réforme intervenue en mai 2016 qui a modifié la banque de questions, aborde dorénavant la conduite écologique et économique, afin que les candidats puissent limiter, par leur conduite, l’impact environnemental de leurs déplacements mais connaissent également les conséquences, notamment en matière de sécurité, des conduites ne respectant pas ces principes (usures du véhicule, etc.).

En ce qui concerne l’épreuve pratique du permis de conduire, plusieurs dispositions, prévues par un arrêté ([11]), doivent permettre l’évaluation de l’aptitude du candidat à adopter une conduite écologique et économique : l’inspecteur lui indique, avant l’épreuve, qu’il devra « adapter sa conduite dans un souci d’économie de carburant et de limitation de rejet de gaz à effet de serre » ; s’il y est parvenu, il bénéficie d’un point supplémentaire sur les 31 points nécessaires à l’obtention du permis.

II.   les dispositions de la proposition de loi

Le présent article vise à inclure, dans le cadre de l’enseignement de la conduite théorique et pratique, un volet écologique sensibilisant les élèves à plusieurs enjeux environnementaux : les alternatives à la conduite, comme le co‑voiturage, l’utilisation des transports en commun ou de modes de transport plus respectueux de l’environnement ; le coût environnemental de la conduite ; le partage de l’espace public entre les différents modes de déplacement.

Si certains aspects sont d’ores et déjà indirectement traités par le biais des épreuves théorique et pratique du permis, le présent article permet de renforcer notablement le contenu des formations dispensées dans ce domaine et de tenir compte, au-delà de la sécurité, des enjeux écologiques à proprement parler.

Article 4
Suppression des dispositions introduites par les articles 28 et 30 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Rejeté par la commission

L’article 4, dans sa version initiale, tend à abroger les articles 28 et 30 de la loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». La commission a adopté un amendement de la rapporteure en modifiant la rédaction.

I.   le droit existant

Les articles 28 et 30 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ont opéré des modifications substantielles au sein du code de la route et du code de l’éducation :

– à l’article L. 221-1 A du code de la route, la reconnaissance, au niveau législatif et non plus règlementaire, d’un droit d’accès aux épreuves théorique et pratique du permis de conduire pour les candidats libres, disposition qui s’est traduite, dans un arrêté ([12]), par l’obligation de proposer une place à ces candidats dans un délai inférieur à deux mois en cas de première présentation ;

– aux articles L. 221-4, L. 221-6 à L. 221-10 du même code, l’externalisation de l’organisation de l’épreuve théorique du permis de conduire et de l’épreuve pratique des diplômes et titres professionnels du permis de conduire des véhicules du groupe lourd à des personnes agréées à cette fin, qui devait alléger les missions dévolues aux inspecteurs du permis de conduire pour augmenter le nombre de places aux épreuves pratiques ;

– à l’article L. 221-5 du même code, le recours à des examinateurs extérieurs dans les départements dans lesquels le délai entre deux présentations à l’épreuve pratique du permis de conduire excède 45 jours ;

– à l’article L. 211-2 du même code, l’obligation, pour les établissements d’enseignement de la conduite et les associations agréées, de proposer à chaque élève, lors de son inscription, un dispositif de conduite accompagnée ;

– aux articles L. 211-3 à L. 211-6 du même code, l’élévation, au niveau législatif, des dispositions règlementaires relatives à la conduite accompagnée et la suppression, pour la conduite dite supervisée, accessible à tout élève majeur, de toute condition de distance à parcourir pendant une durée minimale ; pour la conduite libre sur un véhicule à double commande, la condition de formation spécifique de l’accompagnateur est également supprimée ;

– à l’article L. 213-9 du même code, la labellisation ou certification des établissements et associations agréées, dans la perspective d’une amélioration de la qualité des prestations de formation, et la transmission annuelle à l’autorité administrative des informations et statistiques relatives à ces prestations ;

– à l’article L. 213-4-1 du même code, la fixation des règles applicables à la méthode nationale de répartition des places à l’examen entre les auto-écoles, dans des « conditions objectives, transparentes et non discriminatoires » et de manière à garantir l’accès des candidats libres à cet examen ;

– à l’article L. 312-13 du code de l’éducation, la possibilité d’organiser l’épreuve théorique du permis dans les lycées, en dehors du temps scolaire.

II.   les dispositions de la proposition de loi

Le présent article prévoit l’abrogation des articles 28 et 30 de la loi précitée. Toutefois, ces articles étant des articles modificatifs et ne comportant aucune disposition qui n’aurait pas fait l’objet d’une codification, la rédaction du présent article n’est pas opérante.

*

La commission, suivant l’avis de la rapporteure, a adopté un amendement tendant à supprimer précisément les dispositions ayant conduit à permettre l’agrément et le développement des autoécoles en ligne, soit celles qui ont facilité l’accès aux épreuves en candidat libre et la signature, à distance, du contrat avec l’auto-école :

– à l’article L. 213-2, la mention de la possibilité de conclure à distance le contrat entre l’auto-école et l’élève ;

– à l’article L. 213-4-1, la mention des candidats libres, qui n’a que peu à voir avec la méthode nationale de répartition des places entre établissements agréés dont traite ledit article ;

– à l’article L. 221-1 A, la notion de « service universel », plutôt utilisée dans des secteurs concurrentiels pour permettre l’existence d’un service fourni à des prix abordables, qui apparaît moins précise que celle de « service public » proposé par l’article 1er de la proposition de loi.

Article 5
Décret en Conseil d’État

Rejeté par la commission

L’article 5 prévoit que les modalités d’application de la loi sont fixées par décret en Conseil d’État.

Le présent article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application de la loi qui résulterait de l’adoption des dispositions de la présente proposition.

Article 6
Majoration de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes

Rejeté par la commission

L’article 6 compense la charge résultant, pour l’État, de l’application de la loi par la majoration de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes.

Le présent article prévoit que les charges résultant, pour l’État, de l’application de la loi sont compensées par la majoration de la taxe prévue à l’article 302 bis ZB du code général des impôts.

Celui-ci prévoit que les concessionnaires d’autoroute sont redevables d’une taxe calculée en fonction du nombre de kilomètres parcourus par les usagers, à raison de 7,32 euros pour 1 000 kilomètres parcourus. Cette taxe est aujourd’hui affectée au compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », à hauteur de 117 millions d’euros, et à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, dans la limite du plafond de 528 millions d’euros prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011‑1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Compte tenu du nombre de candidats au permis de conduire des véhicules du groupe léger inscrits en 2017 – 990 443 personnes – et du coût moyen du permis constaté par plusieurs études et rapports, le coût de la mesure peut être évalué à environ 1,6 milliard d’euros.


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   compte rendu des débats en commission

Réunion du mercredi 13 février à 9 heures 30 ([13])

La commission des Affaires culturelles et de lÉducation examine la proposition de loi relative à la création dun permis de conduire public gratuit ( 1562).

I.   Discussion générale

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous en venons à l’examen de la proposition de loi relative à la création d’un permis de conduire public gratuit (n° 1562). Nous avons désigné comme rapporteure notre collègue Clémentine Autain, première signataire de ce texte, qui a rejoint notre commission à cette occasion.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission : c’est un plaisir de siéger momentanément dans la commission qui est chargée de l’éducation et de la culture.

M. Maxime Minot. Une belle commission !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Une très belle commission ! Comme la commission des affaires étrangères, du reste !

Notre proposition de loi vise à créer un cercle vertueux, en faisant de l’examen du permis de conduire un service public gratuit pour les jeunes.

Je pense que nous pouvons tous nous mettre d’accord sur le constat qui sous-tend ce texte : le coût prohibitif du permis de conduire fait que de nombreux jeunes – et des moins jeunes – renoncent aujourd’hui à le passer. Avec plus d’un million de candidats chaque année, c’est pourtant le premier examen de France. Il est tout à la fois une garantie d’autonomie et de mobilité, une pièce d’identité et la condition d’accès à de très nombreux emplois, puisque le permis B est souvent requis. Or son prix – 1 804 euros en moyenne – menace l’égalité d’accès de toutes et tous au permis de conduire.

Face à cette situation qui, je pense, ne fait pas débat, deux grandes options s’offrent à nous.

La première, c’est celle qui a été choisie par la « macronie » (Exclamations parmi les députés du groupe La République en Marche.) Votre réaction me fait espérer que le rapport remis par certains collègues de la majorité au Gouvernement ne sera pas suivi d’effets ! En colère contre cette logique, les personnels des autoécoles se sont mobilisés lundi dernier et ont organisé des blocages en ÎledeFrance pour faire valoir leur vision des choses, que je partage. Ce qui est en jeu, c’est la précarisation, l’« ubérisation » de leur profession.

Cette proposition de loi, à l’origine, visait surtout à garantir l’accès gratuit des jeunes au permis de conduire. Mais, au cours des auditions, nous avons découvert l’ampleur de la colère des personnels d’auto-école. Cette colère est légitime, car ils ont le sentiment de subir une attaque en règle contre leur profession. La politique qui est menée aujourd’hui se résume à favoriser la précarisation car, pour rendre le permis moins cher, on fait le choix d’« ubériser » la profession.

Cette démission de l’État pose un certain nombre de problèmes. D’abord, elle accrédite l’idée selon laquelle,  une fois libérées des contraintes législatives, réglementaires et fiscales, les entreprises pourront apporter elles-mêmes les solutions qui s’imposent. À défaut de sauver la qualité d’un service qui, à notre sens, devrait devenir public, on l’« ubérise » et on le précarise. Les syndicats ont décrit précisément cette fabrique de l’« ubérisation », qui se nourrit de déréglementation et qui se fait au détriment de la sécurité des candidats, dans la mesure où l’assouplissement des règles favorise un apprentissage lacunaire. À titre d’exemple, le rapport commandé par le Gouvernement défend le recours aux simulateurs de conduite. Par ailleurs, les moniteurs d’entreprises comme Ornikar ou En voiture Simone sont recrutés sous le statut d’auto-entrepreneurs, ce qui fragilise le suivi personnalisé des candidats et la certification professionnelle. Quant à l’intégration du permis de conduire au service national universel, proposée par Emmanuel Macron, elle risque de dissocier de plusieurs années l’apprentissage du code et celui de la conduite, ce qui, d’après les professionnels, est très problématique.

Nous sommes inquiets pour deux raisons. D’une part, les professionnels vont être soumis à une concurrence que d’aucuns ont coutume de qualifier de « libre et non faussée », mais qui va en réalité tirer tout le monde vers le bas. D’autre part, la formation va perdre en qualité, ce qui aura nécessairement des conséquences sur la sécurité routière, qui est un enjeu fondamental pour notre société. Dans ces conditions, je ne comprends pas qu’on laisse libre cours à cette « ubérisation », avec les menaces qu’elle implique.

Plutôt que cette attaque en règle contre les auto-écoles, nous proposons, pour notre part, une tout autre logique, qui vise à démocratiser et à protéger le passage de cet examen, sans rogner sur la qualité de la formation délivrée. Ce projet est aux antipodes de celui du Gouvernement, puisqu’il vise à faire du permis de conduire un examen protégé et de qualité.

Il s’agit d’abord de défendre la qualité de l’examen, car c’est l’une des seules variables du prix de la formation. Plutôt que d’entrer dans une course au moins-disant éducatif, nous entendons défendre la qualité à tous les étages. C’est pourquoi notre proposition de loi fait la part belle à la formation, avec un volume horaire de trente heures, un quota qui se rapproche des pratiques réelles de l’apprentissage. La meilleure manière de garantir la qualité de ce service est de le rendre public. Cela ne signifie pas que nous voulons tout nationaliser et que tout doit relever de la compétence de l’État, car il existe de multiples manières de faire vivre un service public.

Le service public nous semble être le meilleur moyen de garantir la qualité de l’enseignement du code et de la conduite et nous proposons, à l’article 2, de confier cette mission à l’éducation nationale ou à des organismes agréés.

Un autre volet essentiel de cette proposition de loi concerne l’écologie et la protection de l’environnement. Il importe selon nous que les personnes qui passent le permis de conduire aient pleinement conscience du coût environnemental des trajets en voiture, des alternatives à la conduite et du partage de l’espace public entre les différents modes de déplacement. Ce sont des choses qui s’apprennent : il faut former les candidats et leur faire prendre conscience, par exemple, du coût environnemental des tout petits trajets, ceux que nous pourrions faire à pied et que nous faisons en voiture, comme de l’intérêt du  covoiturage. Cette approche innovante est une manière de faire face au défi climatique.

La dernière question d’importance, celle que vous ne manquerez pas de me poser, est celle du financement de cette mesure. Nous y avons pensé, car on ne rase pas gratis à La France insoumise (Sourires.) Nous proposons, même si nous en appelons à la créativité de tout le monde, de créer une taxe sur les concessionnaires d’autoroutes. Le coût annuel estimé pour l’instauration d’un permis B gratuit est de 1,6 milliard d’euros, ce qui correspond justement au montant annuel moyen des dividendes versés par les sociétés d’autoroutes, qui ont bien profité de la privatisation de ce secteur.

Nous avons une manne à disposition, qui permettrait de garantir un permis de conduire gratuit à tous les jeunes, et aussi aux moins jeunes. Un certain nombre de femmes décident de passer leur permis tardivement, autour de quarante ans, lorsque leurs enfants ont grandi. Je songe aussi aux personnes qui n’ont jamais passé le permis, parce qu’elles vivaient dans une métropole, et qui décident de s’installer dans une région rurale ou en périphérie urbaine. À tous les âges de la vie, le fait de ne pas avoir le permis de conduire peut être une source de difficulté et il ne faut pas que l’argent soit un critère discriminant.

L’investissement de la puissance publique garantira la qualité de la formation, tout en protégeant les salariés des auto-écoles. En luttant contre l’« ubérisation », nous garantirons un statut et une juste rémunération aux personnels d’auto-école, qui font un travail formidable en préparant les jeunes et les moins jeunes à l’examen du permis de conduire.

M. Bertrand Sorre. Je me réjouis que nous abordions ce matin la question du permis de conduire, qui est un sujet de préoccupation pour nombre de Français et pour notre majorité. Il est, dune certaine façon, lun des premiers diplômes que nos jeunes obtiennent. Vecteur de mobilité sociale et professionnelle, il tient une place structurante dans notre société, avec 1,5 million de candidats par an, mais il est aussi un véritable passeport pour lemploi. Il est également un outil essentiel pour former les futurs conducteurs à la sécurité routière.

En tant qu’ancien élu du monde rural, je sais à quel point l’obtention de ce sésame est primordiale pour les Français. Mais je sais aussi que son coût peut être un vrai frein, puisqu’il varie de 1 600 et 1 800 euros en moyenne. On sait d’ailleurs que la non-détention du permis de conduire constitue l’une des principales barrières à la mobilité et qu’elle peut conduire à un renforcement des inégalités d’accès à l’emploi.

Face à ce constat, que nul ne conteste, nous devons agir pour garantir l’accès de tous au permis de conduire. C’est ce que vous proposez de faire, Madame la rapporteure, avec cette proposition de loi créant un permis de conduire public gratuit. Toutefois, même si elle part d’une bonne intention, nous ne pouvons souscrire à votre proposition.

À l’article 1er, vous proposez de transformer le permis B en service public gratuit. Or chacun sait que rien n’est jamais gratuit : le coût d’une telle mesure serait non négligeable pour les finances publiques.  Du reste, le permis B doit-il seulement être un service public ?

À l’article 2, vous proposez que l’enseignement du code de la route et de la conduite soit rattaché à l’éducation nationale et aux organismes agréés par l’État. Vous prévoyez également que le financement du code de la route, ainsi que trente heures de formation à la conduite, soient pris en charge par ce ministère. Cette mesure n’est en rien une mesure de justice sociale, puisque vous ne prenez en compte ni les revenus, ni les conditions de ressources du candidat.

À l’article 4, vous prévoyez notamment d’abroger deux articles de la « loi Macron ». Je peux comprendre votre envie de supprimer les dispositions d’une loi qui porte le nom du Président de la République, mais comment peut-on être hostile à des plateformes numériques, quand on sait que certains de nos concitoyens ne se rendent pas à l’auto-école par manque de temps ?

À l’article 6, enfin, vous proposez de faire contribuer les sociétés d’autoroutes au financement de cette proposition de loi. Mais qui nous garantit que cette participation ne sera pas répercutée sur les usagers, via les tarifs des péages autoroutiers ?

Il y a tout de même un point positif à retenir dans votre proposition de loi : l’article 3 intègre à la formation une sensibilisation aux enjeux environnementaux et aux alternatives à la voiture individuelle.

De notre côté, que proposons-nous ? Nous avons déjà lancé une large réflexion sur la mobilité quotidienne des Français, dont la loi d’orientation des mobilités, qui sera examinée en mars, sera l’aboutissement. L’accès au permis de conduire y aura d’ailleurs toute sa place. Un rapport très complet réalisé par notre collègue Françoise Dumas vient par ailleurs d’être remis au Premier ministre, dont la presse s’est faite l’écho et qui vise en particulier à faire baisser le prix du permis de conduire. Les vingt-trois propositions de ce rapport rejoignent les déclarations que le Président de la République a formulées la semaine dernière lors d’un grand débat face aux jeunes. L’objectif de la majorité est bien de favoriser l’accès au permis de conduire, en réduisant son prix et les délais de passage, tout en préservant la qualité de la formation. Le permis de conduire sera très certainement intégré au futur service national universel. Il est donc urgent d’attendre quelques semaines.

Pour toutes les raisons que j’ai exposées, le groupe La République en Marche votera contre cette proposition de loi.

Mme Constance Le Grip. L’examen de cette proposition de loi est tout à fait d’actualité, puisqu’il coïncide à la fois avec la remise du rapport de Mme Françoise Dumas et avec un début de mobilisation des personnels d’auto‑école. Il est donc tout à fait essentiel que l’Assemblée nationale s’empare de ce sujet et se penche sur la réforme du permis de conduire.

Le groupe Les Républicains est convaincu qu’une telle réforme s’impose. Nous partageons en effet le constat que vous avez fait d’un coût toujours trop élevé de ce permis de conduire pour les Français, notamment pour nos jeunes compatriotes. Vous avez rappelé que celui-ci coûte, en moyenne, 1 804 euros, et même beaucoup plus à Paris et en région parisienne, où son prix s’élèverait à 2 140 euros en moyenne.

Une réforme s’impose donc, mais votre projet d’un service public gratuit nous paraît irréaliste. Nous ne pouvons pas nous retrouver dans une démarche visant à créer une taxe supplémentaire sur les sociétés d’autoroutes, ce qui ferait inévitablement peser une charge sur les automobilistes français. Nous n’acceptons pas non plus l’idée de la gratuité du permis de conduire.

Nous nous inquiétons, comme vous, du développement excessif des plateformes numériques et de l’« ubérisation » de ce secteur. C’est un phénomène préoccupant pour qui veut faire rimer exigence de mobilité et impératif de sécurité. Nous avons des propositions à faire et je voudrais ici évoquer des dispositifs qui ont d’ores et déjà fait leurs preuves.

Quelques grandes régions ont pris leurs responsabilités et cherché des solutions pour remédier au coût excessif du permis de conduire. Je pense à la région Hauts-de-France, qui propose un prêt à taux zéro sur vingt-quatre mois, d’un montant de 1 000 euros maximum : voilà un exemple tout à fait intéressant de soutien orchestré par une collectivité publique. Je songe également à la région Île-de-France, qui consacre une aide d’un montant global de 480 000 euros, plafonnée à 600 euros par permis, aux jeunes qui ont un projet professionnel nécessitant l’obtention du permis B. La région Auvergne-Rhône-Alpes prend elle aussi ses responsabilités, en proposant un financement qui peut atteindre 1 000 euros par jeune au bénéfice de ceux qui ont un projet d’engagement volontaire – je songe notamment aux jeunes pompiers, dont le coût du permis de conduire est presque intégralement pris en charge.

Vous le voyez, un certain nombre de collectivités publiques sont donc d’ores et déjà engagées dans des dispositifs qui mobilisent l’argent du contribuable, qui produisent leurs effets et qui témoignent d’une volonté de remédier concrètement aux difficultés que pose le coût du permis. Il nous semble qu’à un service public national gratuit, nous devons préférer des pistes plus concrètes, plus réalistes, plus proches des besoins réels de chacun des territoires de la République. Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas voter cette proposition de loi.

Mme Maud Petit. Je vous souhaite la bienvenue, madame la rapporteure, dans notre commission. La France insoumise a souhaité porter à l’ordre du jour de notre commission une proposition de loi relative à la création d’un permis de conduire public gratuit. Le groupe MODEM comprend l’importance du sujet, qui concerne un grand nombre de nos concitoyens.

C’est un véritable outil d’émancipation et d’insertion professionnelle
– exigé par les employeurs dans deux cas sur trois. Plus de 40 millions de Français sont titulaires du permis de conduire. En 2017, plus de 990 000 nouveaux candidats à l’examen ont été enregistrés. Avec un coût moyen oscillant entre 1 600 et 1 800 euros – voire plus –, cet examen demande un effort financier conséquent au candidat – et souvent à sa famille puisque plus de la moitié des candidats sont des jeunes de 18 à 25 ans.

C’est d’ailleurs pour cela que, dès novembre dernier, le Président de la République s’est emparé du sujet : il a annoncé sa volonté de faire baisser significativement le coût du permis de conduire et de faciliter l’acquisition d’une voiture.

Cette annonce se concrétise par le travail important réalisé par notre collègue Françoise Dumas, qui a remis son rapport sur le sujet au Gouvernement hier, comprenant vingt-trois propositions visant à favoriser l’accessibilité du permis de conduire. On peut notamment citer l’intégration du permis de conduire au service national universel (SNU), le développement de nouveaux modes d’apprentissage – tels que le simulateur –, la possibilité de comparer de façon plus transparente les tarifs et les taux de réussite, l’expérimentation de la possibilité donnée aux candidats de s’inscrire à l’épreuve pratique directement en ligne ou l’augmentation du nombre de créneaux d’examen. Il s’agit de pistes de réflexion bien plus larges que votre proposition de loi. Elles permettront de répondre à l’un des objectifs annoncés du futur projet de loi d’orientation des mobilités : l’allégement de la procédure d’examen du permis de conduire. Le groupe MODEM est donc favorable à une concertation globale sur le sujet.

D’autre part, le second article de la proposition de loi donne une responsabilité gigantesque à l’Éducation nationale, qui ne peut assumer seule la charge de tous les apprentissages. L’intégration au SNU nous semblerait plus judicieuse, comme le préconise le rapport précité, mais cela nécessite un temps de réflexion et de concertation supplémentaires.

En conséquence, bien que sensible à la problématique, le groupe MODEM ne votera pas ce texte. Une concertation plus large, et des mesures plus globales permettraient d’atteindre les mêmes objectifs : un permis plus accessible et plus moderne, en adéquation avec les enjeux de notre temps.

M. Jean-Louis Bricout. Je vous remercie de m’accueillir, moi aussi, au sein de votre commission. Nous partageons votre volonté de faciliter l’accès au permis de conduire. Les enjeux ont été largement rappelés : mobilité – en particulier dans les territoires ruraux –, accès à la culture, émancipation de notre jeunesse, passeport pour l’emploi et la formation, sécurité – la sensibilisation a d’ailleurs lieu dès le primaire, puis au collège –, enjeux sociaux au regard du coût du permis de conduite, enjeux comportementaux. Il ne faut plus seulement apprendre à conduire mais peut-être à apprendre à notre jeunesse à se conduire.

La Thiérache va mener une expérimentation dans le cadre du « pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache », signé récemment, en présence du Président de la République. Grâce à ce pacte territorial, le code de la route sera enseigné au lycée dès le mois de septembre, ce qui facilitera grandement son apprentissage par les élèves – ils seront sur place et n’auront pas à se déplacer en fin de journée. Cette expérimentation permettra également d’apprendre les bons comportements.

Nous prévoyons un double accompagnement : un coaching et un soutien aux élèves par l’Éducation nationale, parallèlement à une intervention des auto‑écoles sur les aspects techniques et sécuritaires, en séparant l’apprentissage du code de celui de la conduite. Le premier marché est en train d’échapper aux auto-écoles – elles en sont bien conscientes – car l’apprentissage est de plus en plus numérisé. Les lycées pourront ainsi profiter de leur professionnalisme et les auto-écoles conserver leur chiffre d’affaires. À l’inverse, apprendre la conduite dans les lycées ne serait pas intéressant. Pour autant, nous sommes bien conscients des conséquences de la déréglementation, de la numérisation et de l’« ubérisation » du secteur, ainsi que de tous les problèmes sociaux qu’elles engendrent. C’est pourquoi nous soutenons votre proposition de loi, tout en souhaitant faciliter l’apprentissage et élargir les expérimentations menées sur notre territoire par le biais de nos amendements.

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le président, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous partageons votre inquiétude concernant le coût exorbitant que représente le passage du permis de conduire pour nos concitoyens. Beaucoup d’entre eux sont loin d’obtenir leur permis du premier coup – avec les coûts supplémentaires et les délais interminables qui en découlent. Il devient pratiquement aussi stressant de passer son permis que le baccalauréat ! C’est la raison pour laquelle le groupe UDI, Agir et Indépendants a introduit de longue date cette question dans les débats parlementaires.

En outre, des inégalités de fait se constituent entre, d’un côté, les jeunes dont les parents peuvent financer le permis de conduire et, de l’autre, ceux qui doivent se débrouiller par eux-mêmes. Souvent, ils cumulent un emploi avec leurs études pour subvenir à leurs besoins et le permis de conduire représente une part importante de leurs dépenses.

Si l’obtention du permis n’est pas toujours nécessaire sur Paris – où, paradoxalement, de plus en plus de jeunes estiment inutiles de le passer –, la voiture reste le moyen de transport le plus utilisé par les Français. Dans les territoires ruraux, de montagne, de bord de mer, la voiture est indispensable. Nous le savons, sans le permis, on peut ne pas trouver un emploi. On peut aussi le perdre… C’est aussi un facteur d’inégalités culturelles, dans des territoires où l’offre culturelle n’est pas importante.

Nous partageons votre volonté de renforcer la sensibilisation aux enjeux environnementaux dans l’apprentissage du code de la route et de la conduite. Cela passe par l’éco-conduite – une pratique qui se démocratise, permettant de réduire son émission de carbone et sa consommation de carburant. Cela passe aussi par le covoiturage, très utilisé chez les jeunes.

Toutefois – et cela ne vous étonnera pas –, nous sommes plus que réservés sur la mesure que vous proposez. En multipliant le nombre de permis délivrés en 2015 par le prix moyen du permis de conduire en 2016, votre mesure représenterait 1,836 milliard d’euros de dépenses publiques supplémentaires. Autrement dit, garantir à tous nos concitoyens un permis de conduire public gratuit constitue une dépense faramineuse.

En outre, vous proposez la mise en place d’une taxe sur les concessionnaires d’autoroutes, mais les concessions sont signées ! Votre proposition de loi n’est pas réaliste.

Enfin, il existe d’ores et déjà des aides pour financer le permis de conduire – prêt à taux zéro ou aides des collectivités territoriales.

Cela ne suffit pas. Le Gouvernement, comme les parlementaires, doivent de toute urgence se saisir des questions de mobilité, qui doivent devenir une cause nationale pour l’ensemble des acteurs. Vous l’aurez compris, nous sommes partisans d’une réponse plus réaliste, plus pratique et plus adaptée que le vôtre. Évitons encore une fois de faire assumer le coût d’une mesure décidée par l’État par les autres acteurs !

M. Michel Larive. Le permis de conduire est le premier examen de France et le premier levier d’insertion professionnelle. La détention du permis est une condition d’insertion rapide sur le marché du travail : de nombreuses offres d’emploi sont conditionnées à sa détention en l’absence de transports en commun, l’éloignement avec le lieu de travail impliquant souvent un moyen individuel de transport – le plus souvent la voiture en milieu rural.

Rappelons également que 80 % des candidats au permis de conduire sont des jeunes âgés de 18 à 25 ans. Les difficultés financières rencontrées par cette tranche d’âge sont accrues par les barrières financières à l’obtention du permis, qui coûte en moyenne 1 804 euros – comme la rapporteure l’a rappelé.

Quelle est la seule réponse apportée à ces obstacles ? C’est l’« ubérisation ». Or elle aggrave les difficultés déjà patentes pour obtenir le permis. Elle constitue un système hors sol, un moins-disant éducatif, comme dans de nombreux domaines économiques et de services !

Depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, le permis de conduire n’est pas épargné par cette « ubérisation » : l’apparition de plateformes numériques – Ornikar ou En voiture Simone par exemple – signe la généralisation de ce moins-disant éducatif. L’emploi de moniteurs autoentrepreneurs équivaut souvent à la diminution de la qualité de la formation. C’est également une atteinte aux conditions sociales d’exercice de la profession d’enseignant. En outre, cela pose la question de la sécurité – ces moniteurs inconnus sont recrutés sur internet. Le suivi du candidat n’est plus personnalisé ; pourtant, il est nécessaire pour répondre à ses besoins et aux impératifs de sécurité routière.

Le taux de réussite des candidats inscrits sur ces plateformes est de dix points inférieur au taux de réussite des candidats inscrits en auto-école, ce qui génère des coûts supplémentaires liés aux délais d’attente avant une prochaine inscription.

La fin de l’agrément national et la bascule vers un agrément départemental équivaut à l’abandon de l’obligation d’avoir un local, ce qui favorise aussi les plateformes en ligne. L’« ubérisation », c’est le choix d’un système hors sol, alors que 50 000 moniteurs répartis dans 12 000 auto-écoles maillent le territoire. Ce maillage est primordial ; il assure un rapport de proximité entre les établissements et les candidats, il garantit un suivi et une formation de qualité.

À l’« ubérisation » dangereuse, nous préférons un service public gratuit, seul à même de faciliter l’accès au permis de conduire et d’assurer un droit à l’apprentissage répondant aux impératifs de sécurité routière. Les auto-écoles, présentes sur tout notre territoire, constituent un levier puissant pour développer cette offre de service public.

Mme Elsa Faucillon. Je remercie ma collègue Clémentine Autain de nous permettre de discuter d’un nouveau droit – c’est assez rare. Il s’agit du droit à la gratuité du permis de conduire, aujourd’hui très compliqué et coûteux à passer. Cette mesure de justice sociale répond à une aspiration et au droit à la mobilité, si peu effectif pour une partie de la population, en périphérie des villes ou en milieu rural. Ce droit est d’ailleurs souvent au cœur de la crise sociale et environnementale actuelle.

La proposition de loi est également une réponse à la menace d’ « ubérisation » qui pèse sur les auto-écoles, menace dont les répercussions seront importantes sur la sécurité routière.

Elle vise aussi à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, car le permis conditionne souvent l’obtention d’un emploi.

Défendre le principe d’un droit à la mobilité, c’est aussi se battre pour l’égal accès à des mobilités écologiques sur notre territoire, afin de lutter contre le réchauffement climatique. C’était d’ailleurs le sens de la proposition de loi relative à la gratuité des transports scolaires de notre collègue Alain Bruneel, examinée l’année dernière.

Mes chers collègues, prenons le temps d’examiner cette proposition de loi avec sérieux, plutôt que de tenter de reporter ce débat. Des propositions ont été faites – celles de Maud Petit par exemple. Elles pourraient se traduire par des amendements plutôt que par un refus d’examiner la proposition. Le sujet doit nous interpeller et nous le sommes d’ailleurs par nos concitoyens, concernant la situation des auto-écoles, la sécurité routière, les freins à la mobilité et à l’insertion liés au coût du permis de conduire.

Nous sommes favorables à ces dispositions et voterons pour la proposition de loi.

M. Yannick Favennec Becot. Le groupe Libertés et Territoires est particulièrement attentif à la question de la mobilité, délicate dans certains territoires. Vous avez raison, madame la rapporteure, la voiture est le moyen de transport privilégié de nos concitoyens, par exemple dans les territoires ruraux
– comme la Mayenne que j’ai l’honneur de représenter. En outre, le permis de conduire constitue une charge importante dans le budget des familles.

Néanmoins, si nous comprenons et partageons les objectifs de votre proposition de loi, le dispositif, tel que vous le proposez, risque d’être contre-productif. En effet, faire porter le coût de ces dispositions sur les sociétés d’autoroutes va inéluctablement faire augmenter le prix des tarifs autoroutiers et aura donc, à terme, des répercussions sur le pouvoir d’achat des familles.

En outre, j’attire votre attention sur le fait que de nombreuses aides existent déjà pour financer le permis de conduire, telles que celles proposées par Pôle Emploi ou les collectivités territoriales – comme la région Pays-de-la-Loire. Certaines communes financent également le permis de conduire en échange d’heures de travail dans un service municipal. Nous pensons qu’explorer ces initiatives et les développer serait un premier pas pour réduire le poids de la dépense.

Enfin, face à l’isolement croissant de certains de nos territoires, il nous semble nécessaire de conserver les formations en ligne, au risque de pénaliser de nombreuses personnes. Nous sommes conscients qu’il est préférable de bénéficier de l’enseignement d’un formateur physique agréé par l’État. Il ne faut cependant pas négliger le recours au numérique. Au contraire, apportons-lui une plus grande attention et un meilleur encadrement. Exclure, au lieu d’inclure, irait à l’encontre de la proposition de loi que vous portez.

En revanche, prévoir un volet écologique dans l’enseignement du code de la route et de la conduite, en sensibilisant les apprentis conducteurs aux alternatives à la voiture, nous semble constituer une piste de réflexion intéressante.

Le groupe Libertés et Territoires ne votera pas ce texte.

Mme Jacqueline Dubois. En novembre dernier, le Président de la République a annoncé sa volonté de réduire drastiquement le coût du permis de conduire – qui coûte entre 1 600 et 1 800 euros en moyenne. C’est un enjeu essentiel, car de plus en plus de jeunes n’ont pas les moyens de le passer – il est trop cher et trop lent à obtenir. Or il est exigé par les employeurs dans deux cas sur trois. C’est donc un obstacle supplémentaire à surmonter pour les jeunes à la recherche d’un emploi.

Votre proposition de loi s’inscrit dans la continuité du souci affiché par le Gouvernement et la majorité de faciliter l’accès à la conduite afin de garantir davantage d’égalité devant la mobilité, partout sur le territoire. Dans l’agenda législatif, elle se situe à quelques encablures du projet de loi d’orientation des mobilités et est débattue alors que Mme Dumas vient de rendre son rapport sur le permis de conduire.

Vous souhaitez créer un service public de l’apprentissage de la conduite. Nous saluons votre objectif d’intégrer une sensibilisation aux enjeux environnementaux et aux alternatives à la voiture individuelle à l’apprentissage du code et de la conduite.

Vous instaurez la prise en charge financière du code de la route et de trente heures de formation à la conduite par l’Éducation nationale, sans conditions d’âge ou de formation. Cette proposition soulève quelques questions : comment rendre ce dispositif accessible aux jeunes qui ne dépendent pas du ministère de l’éducation nationale, mais de lycées agricoles, de centres de formation des apprentis, ou aux adultes sortis depuis longtemps du système scolaire ?

Vous souhaitez instaurer la gratuité pour tous. Mais comment financer une telle mesure de solidarité nationale ? Vous évaluez son coût à 1,6 milliard d’euros environ, à la charge des concessionnaires d’autoroutes. Comment passe-t-on de 645 millions d’euros de taxes affectées à 1,6 milliard ? Cela pourrait représenter une augmentation de plus de 20 euros des péages pour 1 000 kilomètres, à la charge des automobilistes.

Mme Frédérique Meunier. Il est plus difficile d’intervenir quand on est dans l’opposition… En préambule, comme mes collègues avant moi, je citerai l’aide forfaitaire allouée par la région Nouvelle-Aquitaine et les « coups de pouce » des centres communaux d’action sociale (CCAS), qui aident les jeunes à passer leur permis de conduire, souvent d’ailleurs en contrepartie d’un engagement bénévole ou d’une contribution citoyenne. Ce type d’initiative me semble plus intéressant qu’une gratuité qui, en réalité, n’existe pas – quelqu’un paie toujours.

Vous avez raison, le permis de conduire participe à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, notamment en zone rurale. Ne serait-il pas préférable d’accompagner financièrement en priorité les jeunes des territoires où les moyens de transport collectif sont peu développés ?

M. Laurent Garcia. Comment la gratuité entraînera-t-elle une réduction des délais d’attente pour passer l’examen du permis de conduire ?

M. Maxime Minot. Je suis opposé à la gratuité, car un droit doit correspondre à un devoir et une aide à une contrepartie. Je suis d’accord avec mes collègues, rien n’est jamais gratuit. En outre, dans un contexte de raréfaction des subventions et de baisse des dotations, pourquoi ne pas plutôt s’inspirer de l’expérience des différentes collectivités ? Ainsi, le conseil départemental de l’Oise a mis en place le Pass’Permis Citoyen et verse 600 euros aux jeunes qui s’engagent à effectuer soixante-dix heures de bénévolat au profit d’une collectivité ou d’une association. Ce partenariat gagnant-gagnant est préférable à une fausse gratuité ; il contribue à rendre les jeunes acteurs de la vie publique, plutôt que consommateurs d’aides. Je vous propose cette idée, avant de la présenter dans le cadre des débats sur le projet de loi d’orientation des mobilités.

Mme Brigitte Liso. De la « macronie » à la « mélenchonie », nous sommes tous d’accord, le permis de conduire est à la fois indispensable et cher. Nous le savons, ce qui est gratuit n’a pas de valeur. C’est pourquoi le Gouvernement a la volonté de baisser le coût du permis de conduire, plutôt que de le rendre gratuit.

En outre, la gratuité a des limites : quel serait le coût d’une telle mesure ? Chaque candidat n’ayant pas besoin du même temps d’apprentissage, la gratuité serait-elle illimitée et comprendrait-elle plusieurs inscriptions à l’examen – 40 % des inscrits échouent à la première tentative ? Enfin, le Président de la République a évoqué la possibilité d’intégrer l’apprentissage de la conduite au futur service national universel : cela pourrait-il répondre aux objectifs de votre proposition de loi ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Si faire de l’enseignement du permis de conduire catégorie B un service public gratuit est une intention louable, comment pensez-vous financer cette mesure ? Comment fonctionneront en pratique les auto‑écoles ? Les dispositions de votre proposition de loi ne sont-elles pas de nature à bouleverser leur organisation et leur gestion, voire à mettre en danger la pérennité de ces établissements ?

En outre, avez-vous confronté votre projet aux réalités du territoire ? Avez-vous rencontré les professionnels des auto-écoles ?

Mme Valérie Bazin-Malgras. Je partage votre objectif : un permis B accessible à tous. Son coût est actuellement élevé et une réforme s’impose. Mais le transformer en un service public gratuit me semble complexe… Vous évoquez une taxe sur les autoroutes, mais ce sont les contribuables qui paieront ! En outre, l’Éducation nationale ne peut pas tout faire, d’autant qu’elle a déjà fort à faire actuellement…

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je vous remercie de ces différentes interventions. Vous m’avez beaucoup interrogée sur le financement de cette mesure et notre choix d’en faire un service public gratuit. Notre logique est parfaitement cohérente, même si elle s’oppose à une autre forme de cohérence.

Vous soulignez que notre dispositif n’est pas réaliste, mais ce n’est pas un argument ! Si nous décidons de rendre effectif le droit à un permis de conduire gratuit, il le deviendra. Mais le souhaitez-vous vraiment ? Comment permettre aux jeunes et aux moins jeunes d’avoir accès à un permis de conduire de qualité dans des conditions satisfaisantes ?

La seule alternative que vous nous opposez est celle des expériences menées par les collectivités locales. Mais vous le savez, les inégalités territoriales sont criantes et nous sautent au visage depuis le début du mouvement des gilets jaunes. Souhaite-t-on laisser perdurer ces disparités ? Dans ma communauté d’agglomération, Terres de France, au nord de la Seine-Saint-Denis, un système de financement du permis de conduire moyennant des heures de bénévolat en faveur des associations avait été mis en place. Il a très bien fonctionné, mais la nouvelle majorité l’a remis en cause…

En conséquence, inscrire dans le marbre une ambition nationale permettra de rétablir l’égalité : chacune et chacun pourra prétendre à un permis gratuit. C’est un geste républicain fort, qui permettra de lutter contre les inégalités territoriales.

En outre, les collectivités subissent des contraintes financières liées au choix actuel d’une austérité budgétaire drastique. Elles n’ont donc pas toutes la possibilité d’imaginer et de mettre en œuvre des dispositifs de soutien. En matière d’inégalité dans la répartition des crédits publics, la Seine-Saint-Denis est servie… Cela justifie parfaitement un service public national.

Quant à la gratuité, vous estimez que ce qui est gratuit n’a pas de valeur. Je suis en total désaccord : l’amour n’a-t-il pas de valeur ? Pourtant, il est gratuit ! La gratuité ne dévalue pas. Au contraire, elle permet un égal accès. Faut-il introduire un mécanisme de quotient familial ou des conditions de ressources, au motif que ceux qui ont déjà beaucoup d’argent vont aussi bénéficier de ce droit ? C’est un débat politique… Nous estimons que la redistribution des richesses s’opère par le salaire et l’impôt et que, parallèlement, les droits et les services publics gratuits doivent se développer. Nous sommes ainsi favorables à la gratuité des cantines, au développement de nouveaux services publics – comme celui du permis que nous vous proposons, mais également celui de la petite enfance. Il s’agit de faire progresser positivement la société.

Le financement n’est qu’un élément du débat : on peut toujours dire « ce n’est pas réaliste », « ce n’est pas possible », « il y a déjà trop de services publics » ou « les budgets sont contraints ». Dans ce cas, aucune discussion n’est possible.

On peut aussi pointer de nouveaux besoins et s’interroger sur un autre partage des richesses, afin d’apporter une réponse de qualité à ces nouveaux besoins. Pourquoi ne pourrait-on pas taxer les sociétés autoroutières ? Je vous rappelle que les dividendes sont des bénéfices non redistribués aux usagers des autoroutes, qui atterrissent dans la poche des actionnaires, c’est-à-dire de gens qui ne travaillent pas ! Ceux d’entre vous qui, dans cette commission, comme ailleurs à l’Assemblée nationale, brandissent la valeur travail, ne peuvent le nier… Ces prélèvements sont profondément injustes et ne sont qu’une des conséquences de la logique de privatisation.

Madame Dumas, vous craignez que la taxation des sociétés d’autoroutes ne se retourne contre les usagers, mais un encadrement des tarifs est tout à fait envisageable, comme dans d’autres secteurs. En outre, même si les concessions ont déjà été signées, le législateur peut parfaitement prévoir une nouvelle taxation. Soit, comme vous, on considère que les acteurs du marché sont libres et que l’on ne peut toucher aux bénéfices des entreprises, soit on estime que les péages sont un moyen d’extorquer de l’argent aux usagers et que cet argent doit servir au bien commun. Je suis d’accord avec vous, les deux logiques s’opposent ! Nous affirmons ici qu’il est tout à fait possible de trouver 1,6 ou 1,8 milliard d’euros afin que nos concitoyens souhaitant passer le permis B puissent le faire dans des conditions satisfaisantes et que les personnels des auto-écoles ne soient pas lésés. Il suffit que le législateur le décide. Je regrette que vous ne fassiez pas ce choix.

Pourrait-on le prévoir dans le cadre du SNU ? Pourquoi pas, mais pour l’instant, il n’est pas opérationnel et nous ne savons pas s’il garantira la gratuité.

Enfin, vous m’avez interpellée sur l’organisation concrète du dispositif : elle est simple. Les auto-écoles existent et fonctionnent déjà. Il suffit de les protéger et de leur permettre de se développer partout sur le territoire. Parallèlement, la multiplication du nombre d’inspecteurs permettra de réduire les délais d’examen, actuellement trop longs.

Mais il faudrait pour cela sortir de la règle d’or et de l’austérité budgétaire ; je constate que la majorité de cette commission n’y est pas prête pour le moment…

II.   Examen des articles

Article 1er
Consécration de lapprentissage de la conduite comme un service public gratuit

La commission rejette larticle 1er.

Article 2
Organismes en charge de lenseignement de la conduite

La commission examine, avec une présentation commune, les amendements AC1 et AC3 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. L’expérimentation précédemment citée, qui va être mise en place d’ici septembre dans ma circonscription, en Thiérache, a fait l’objet d’une étude préalable sur sept lycées – professionnels, d’enseignement général, privés et agricoles. Les jeunes et les directeurs d’établissement sont très favorables à cette mesure, pas uniquement pour des raisons financières – la gratuité n’est pas totale, les frais d’inscription à l’examen, de trente euros, étant laissés à la charge des élèves – mais plus en raison de la dynamique qu’elle crée au sein de l’établissement. L’apprentissage est réalisé par l’auto-école, mais l’Éducation nationale fait le lien avec l’apprentissage des comportements et accompagne les élèves qui rencontrent des difficultés dans l’apprentissage du code. Cela permet également de créer des liaisons avec différentes matières – les mathématiques quand on parle de distance de freinage par exemple.

L’amendement AC1 propose d’étendre cette expérimentation à l’ensemble des zones de revitalisation rurale (ZRR). L’amendement AC3, de repli, propose d’autoriser l’expérimentation dans trois départements.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je suis tout à fait favorable à ces expérimentations, mais l’article L. 312-3 du code de l’éducation les autorise déjà puisqu’il dispose que « lenseignement du code de la route est obligatoire et est inclus dans les programmes denseignement des premier et second degrés ». Les expérimentations locales dont nous avons parlé sont donc possibles en l’état actuel du droit.

En outre, sur la forme, les amendements que vous proposez substituent de nouvelles dispositions à celles de l’article 2 de la proposition de loi qui visaient à créer un service public national. Je ne peux donc qu’y être défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Certes, mais si votre proposition de loi est rejetée, cela nous permettra malgré tout de débattre de l’expérimentation de l’apprentissage du code dans les lycées.

En outre, vous avez raison, le code de l’éducation prévoit le passage des attestations scolaires de sécurité routière à l’école élémentaire et au collège. Mais il ne prévoit pas l’apprentissage du code de la route et le passage de l’examen au lycée.

La commission adopte lamendement AC1.

En conséquence, lamendement AC3 tombe.

La commission rejette ensuite larticle 2.

Après l’article 2

La commission examine lamendement AC2 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité d’enseigner le code de la route et de faire passer l’épreuve théorique du code au lycée.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Il est satisfait par le droit existant, même si son application n’est pas claire. Je serais plutôt favorable à demander au Gouvernement de faire le bilan des missions actuelles de l’éducation nationale dans ce domaine.

La commission adopte lamendement. 

Article 3
Sensibilisation écologique délivrée dans le cadre de lenseignement des épreuves théorique et pratique du permis de conduire

La commission rejette larticle 3.

Article 4
Suppression des dispositions introduites par les articles 28 et 30 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, lactivité et légalité des chances économiques

La commission examine lamendement AC4 de la rapporteure.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. L’amendement vise à supprimer les dispositions, introduites par la loi Macron, qui tendent à faciliter le développement des auto‑écoles en ligne et le moins-disant éducatif qui l’accompagne. Il revêt un caractère tout à fait particulier dans le cadre de la mobilisation des moniteurs d’auto-école cette semaine.  Il serait bienvenu de mettre un coup d’arrêt à une dérive qui inquiète légitimement les personnels des auto-écoles.

La commission adopte lamendement.

Puis elle rejette larticle 4.

Article 5
Décret en Conseil dÉtat

La commission rejette larticle 5.

Article 6
Majoration de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes

La commission rejette larticle 6.

Puis elle rejette lensemble de la proposition de loi modifiée.

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La commission ayant rejeté lensemble de la proposition de loi modifiée, aux termes de larticle 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 

 


([1]) Ce dispositif opérationnel depuis 2010 permet la prise en charge, par l’État, des intérêts d’un emprunt de 300 à 1 200 euros afin de financer le permis de conduire des jeunes de 15 à 25 ans.

([2]) Décret n° 2019-1 du 3 janvier 2019 relatif à l’aide au financement du permis de conduire pour les apprentis.

([3]) Cette catégorie regroupe les permis B, B1 et BE.

([4]) Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Jean-Marc Gabouty, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 22 novembre 2018, p. 23.

([5]) Rapport d’information n° 1454 déposé par la mission d’information commune sur l’évaluation de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([6]) Id.

([7]) Article R221-4 du code de la route.

([8]) Voir notamment l’article L. 221-5 du même code.

([9]) Article L. 214-6-2 du code de l’éducation.

([10]) Article L. 211-3 du code de la route.

([11]) Arrêté du 19 février 2010 relatif aux modalités de l’épreuve pratique de l’examen du permis de conduire des catégories B et B1.

([12]) L’article 5 de l’arrêté du 22 octobre 2014 fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire dispose, depuis un arrêté modificatif du 21 juillet 2016, que : « Les places dexamen sont accordées aux candidats libres se présentant pour la première fois dans un délai qui ne saurait être supérieur à deux mois, et dans le délai dattente moyen constaté entre la première et la deuxième présentation dans le département pour ceux ayant échoué une première fois. Ce nombre de places doit permettre d’offrir à l’ensemble des candidats un égal accès aux épreuves, indépendamment des conditions dans lesquelles ces derniers ont été formés. »

([13]) Lien vidéo :http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7259230_5c63d514154ac.commission-des-affaires-culturelles--institution-d-un-fonds-de-soutien-a-la-creation-artistique--c-13-fevrier-2019