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N° 2141

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2019.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, modifiée par le Sénat, tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse,

 

TOME I
AVANT-PROPOS ET COMMENTAIRE DARTICLE

 

Par M. Patrick MIGNOLA,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat :  1re lecture : 705 (2017-2018), 243, 244 et T.A. 55 (2018-2019).

  2e lecture : 489, 581, 582 et T.A. 125 (2018-2019).

Assemblée nationale: 1re lecture : 1616, 1912 et T.A. 267.

  2e lecture : 2118.


 


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SOMMAIRE

___

  Pages

AVANT-PROPOS

Commentaire de l’article restant en discussion

Article 3 Reconnaissance d’un droit voisin aux éditeurs et agences de presse et création d’un système de gestion collective de ce droit voisin


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   AVANT-PROPOS

Le 9 mai dernier, dans le cadre de la journée de séance réservée au groupe Mouvement démocrate et apparentés, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, à la quasi-unanimité, la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse que le Sénat avait lui‑même unanimement approuvée le 24 janvier 2019.

Cette proposition de loi vise à transposer l’article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 qui octroie aux éditeurs et agences de presse un droit voisin au titre de l’utilisation numérique de leurs publications de presse par les services de communication au public en ligne ([1]).

Rarement on aura vu transposition aussi rapide : alors que l’article 29 de la directive laisse aux États membres jusqu’au 7 juin 2021 pour transposer les dispositions de celle-ci en droit interne, le législateur français a mis en œuvre un processus de transposition si diligent qu’à peine trois mois après l’adoption de la directive, l’Assemblée nationale s’apprête à effectuer une seconde lecture d’une proposition de loi de transposition.

Si l’Assemblée nationale votait, sans le modifier, le texte adopté par le Sénat le 3 juillet dernier, la France pourrait être le premier État de l’Union européenne à opérer la transposition de l’article 15, ce qui ferait du dispositif retenu dans notre pays une source d’inspiration (pour ne pas dire un « modèle ») pour l’ensemble des autres États membres.

Il faut rappeler qu’à la faveur d’un travail de bonne intelligence non seulement entre les deux assemblées – et en particulier entre leurs rapporteurs et présidents de commission respectifs –, mais aussi entre les différents groupes de l’Assemblée nationale, celle-ci avait déjà « voté conformes », en mai dernier, dix des quinze articles que comporte la présente proposition de loi (articles 1er, 3 bis à 3 quater, 3 sexies à 3 decies et 5).

En première lecture, les principales modifications opérées par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation ont été les suivantes :

– un article 1er bis a été créé afin d’exclure les actes d’hyperlien ainsi que les mots isolés et les très courts extraits d’une publication de presse du champ de la protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse ;

– la durée de protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse (prévue à l’article 2) a été fixée à deux ans conformément à la directive ;

– à l’article 3, la notion d’éditeur de presse et l’assiette de la rémunération du droit voisin des éditeurs et agences de presse ont été clarifiées ;

– au même article, des obligations de transparence ont été mises à la charge : d’une part, des services de communication au public en ligne à l’endroit des éditeurs et agences de presse concernant les modalités de calcul de la rémunération de leur droit voisin, et, d’autre part, des éditeurs et agences de presse à l’endroit des journalistes professionnels et autres auteurs d’œuvres intégrées aux publications de presse, concernant les modalités de calcul de la part de rémunération appropriée et équitable qui leur sera rétrocédée.

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements qui tendaient tous à modifier l’article 3, à l’exception d’un amendement de Mme Sylvie Tolmont et des membres du groupe Socialistes et apparentés visant à préciser, à l’article 1er bis, que l’efficacité des droits voisins est susceptible d’être affectée lorsque l’utilisation de très courts extraits se substitue à la publication de presse elle-même ou dispense le lecteur de s’y référer.

C’est aussi sur l’article 3 de la proposition de loi qu’ont porté toutes les modifications apportées par le Sénat en seconde lecture. En effet, si la Haute assemblée a « voté conformes » les articles 1er bis, 2, 3 quinquies et 4, elle a en revanche adopté, à l’initiative de son rapporteur, M. David Assouline, quatre amendements à l’article 3 (trois en commission et un en séance publique) qui seront présentés avec le commentaire de cet article qui est le seul à rester en discussion.

Du point de vue du rapporteur, les modifications introduites à cet article ont permis d’atteindre un point d’équilibre satisfaisant qui justifie qu’il soit désormais voté sans modification.

Le droit voisin étant un droit économique, l’urgence à présent est que les négociations sur la rémunération de ce droit et sur la part qui en sera rétrocédée aux journalistes professionnels et autres auteurs d’œuvres intégrées aux publications de presse s’engagent et aboutissent dans les meilleurs délais. En effet, tout mois de négociation perdu est un mois de rémunération perdu.

Le rapporteur invite la représentation nationale à garder cet élément à l’esprit à l’heure où elle est appelée à se prononcer, en seconde lecture, sur la présente proposition de loi.

 

 

 


—  1  —

   Commentaire de l’article restant en discussion

Article 3
Reconnaissance d’un droit voisin aux éditeurs et agences de presse
et création d’un système de gestion collective de ce droit voisin

Adopté sans modification

Le présent article a pour objet de :

 reconnaître aux éditeurs et agences de presse un droit voisin pour l’utilisation numérique (totale ou partielle) de leurs publications de presse par les services de communication au public en ligne ;

 définir les notions de publication de presse, d’éditeur de presse et d’agence de presse ;

 permettre aux éditeurs et agences de presse titulaires de ce nouveau droit voisin d’en confier la gestion à un ou plusieurs organismes de gestion collective ;

 déterminer les modalités de fixation de la rémunération due, par les services de communication au public en ligne, aux éditeurs et agences de presse, en imposant aux premiers une obligation de transparence à l’endroit des seconds ;

 déterminer les modalités de fixation de la part appropriée et équitable de rémunération rétrocédée, par les éditeurs et agences de presse, aux journalistes professionnels et autres auteurs d’œuvres intégrées à leurs publications de presse, en imposant aux premiers une obligation de transparence à l’endroit des seconds.

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblÉe nationale

Outre les modifications dont il a fait l’objet lors de son examen en première lecture par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, et que le rapporteur a déjà rappelées dans son avant-propos, le présent article a été enrichi par l’Assemblée nationale en séance publique.

Des amendements identiques de Mmes Sylvie Tolmont et Aurore Bergé ont en effet permis d’expliciter ce que l’on devait entendre par « agence de presse », à savoir toute entreprise mentionnée à l’article 1er de l’ordonnance n° 45‑2646 du 2 novembre 1945 portant réglementation des agences de presse « ayant pour activité principale la collecte, le traitement et la mise en forme, sous sa propre responsabilité, de contenus journalistiques ».

Il faut toutefois préciser, comme l’a fait le ministre de la Culture, M. Franck Riester, que « cette rédaction ne modifie en rien les dispositions en vigueur. Les critères appréciés par la commission paritaire des publications et agences de presse – CPPAP – pour reconnaître la qualité d’agence de presse, notamment la part de chiffre d’affaires provenant des médias, resteront inchangés » ([2]).

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté amendement commun au rapporteur, à Mme Fannette Charvier et aux membres du groupe La République en marche, qui a organisé un « mécanisme de secours » en cas d’absence d’accord collectif ou d’accord d’entreprise sur la part appropriée et équitable de la rémunération perçue au titre des droits voisins que les éditeurs et agences de presse devront rétrocéder aux journalistes professionnels et autres auteurs d’œuvres présentes dans les publications de presse. Dans un tel cas de figure, il reviendrait à une commission paritaire « ad hoc » de déterminer cette part.

II.   les modifications apportÉes par le sÉnat

Lors de son examen de la proposition de loi en seconde lecture, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a adopté trois amendements de son rapporteur, M. David Assouline.

Le premier a conforté la place des agences de presse en tant que bénéficiaires du nouveau droit voisin consacré par le texte en précisant expressément que les publications de presse peuvent comprendre des photographies ou des vidéogrammes ([3]) et qu’elles peuvent avoir été réalisées à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle soit d’un éditeur de presse, soit d’une agence de presse.

Ce même amendement a  précisé que l’autorisation de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse titulaire du droit voisin est requise en cas de reprise non seulement totale, mais aussi partielle de ses publications de presse par un service de communication au public en ligne.

Un deuxième amendement a ajouté que, s’agissant des auteurs d’œuvres intégrées aux publications de presse qui ne sont pas des salariés des éditeurs et agences de presse et dont la part de rémunération ne peut donc pas être fixée par un accord collectif ou par un accord d’entreprise, il reviendra d’une part aux organisations professionnelles représentatives des éditeurs et agences de presse, et, d’autre part, aux organisations professionnelles d’auteurs ou aux organismes de gestion collective, de négocier un accord spécifique déterminant cette part de rémunération rétrocédée.

Un troisième amendement a indiqué que la fixation du montant de la rémunération des éditeurs et agences de presse au titre de leurs nouveaux droits voisins devra « prendre en compte » les investissements humains, matériels et financiers réalisés par eux, la contribution des publications de presse à l’information politique et générale (IPG) et l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne.

Comme l’a expliqué le sénateur David Assouline dans l’exposé sommaire de son amendement ([4]) et dans son rapport ([5]), il s’agit là de critères qui sont fidèles à l’esprit de la directive du 17 avril 2019 ([6]), qui ne sont ni exhaustifs ni limitatifs et qui n’excluent aucune famille de presse de la répartition des revenus issus des droits voisins.

Afin de clarifier le caractère purement illustratif et indicatif de ces critères, le Sénat a adopté, en séance publique, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement de son rapporteur visant à expliciter que la répartition de la rémunération des droits voisins des éditeurs et agences de presse devra « prendre en compte des éléments tels que » le niveau des investissements, la contribution au débat démocratique ou l’audience.

Du point de vue du rapporteur, il s’agit là de modifications bienvenues qui tirent les conséquences de débats ayant déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, lors de la discussion de la proposition de loi en première lecture, tant en commission qu’en séance publique, à l’occasion de l’examen d’amendements de Mmes Frédérique Dumas et Constance Le Grip.

III.   les modifications apportÉes par la commission

La commission des Affaires culturelles et de l’éducation a adopté le présent article sans y apporter de modification.

*

 


([1]) Directive n° 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les  directives n° 96/9/CE et n° 2001/29/CE.

([2]) Compte-rendu intégral de la deuxième séance du jeudi 9 mai 2019. Voir le lien suivant :
http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2018-2019/20190223.asp#P1708037

([3]) Cela résultait déjà de la reprise, quasiment à l’identique, de la définition de la publication de presse figurant au paragraphe 4 de l’article 2 de la directive dont le considérant n° 56 explique qu’« une telle définition ne couvre que les publications journalistiques, publiées dans les médias quels qu’ils soient, y compris sur papier, dans le contexte d’une activité économique qui constitue une fourniture de services en vertu du droit de l’Union. Les publications qui devraient être couvertes comprennent, par exemple, des journaux quotidiens, des magazines hebdomadaires ou mensuels généralistes ou spécialisés, y compris les magazines vendus sur abonnement, et des sites internet d’information. Les publications de presse contiennent principalement des œuvres littéraires, mais également, et de plus en plus, d’autres types d’œuvres et objets protégés, notamment des photos et des vidéos ».

([4]) Amendement n° COM-5. Voir le lien suivant :

https://www.senat.fr/amendements/commissions/2018-2019/489/Amdt_COM-5.html

([5]) Rapport n° 581 (session ordinaire 2018-2019) fait, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, par M. David Assouline, juin 2019, pp. 5, 20 et 21.

([6]) Le considérant n° 54 de la directive justifie l’octroi d’un droit voisin aux éditeurs et agences de presse en indiquant qu’une presse libre et pluraliste « apporte une contribution fondamentale au débat public et au bon fonctionnement d’une société démocratique ». Voir le lien suivant :

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019L0790&from=EN