N° 2243
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 septembre 2019.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1])
CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI relatif à la bioéthique,
Par M. Philippe BERTA, Mme Coralie DUBOST, M. Jean-François ÉLIAOU, Mme Laëtitia ROMEIRO DIAS, M. Hervé SAULIGNAC et M. Jean-Louis TOURAINE,
Rapporteurs
Tome II
examen des articles
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 2187.
La commission spéciale est composée de :
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente ;
M. Thibault Bazin, M. Francis Chouat, M. Bruno Fuchs, Mme Monique Limon, vice-présidents ;
Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Aurore Bergé, M. Guillaume Chiche, M. Maxime Minot, secrétaires ;
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur le titre Ier, articles 1er et 2,
Mme Coralie Dubost, rapporteure sur le titre Ier, articles 3 et 4,
M. Hervé Saulignac, rapporteur sur le titre II,
M. Philippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV,
M. Jean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V,
Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure sur les titres VI et VII ;
M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, Mme Valérie Beauvais, M. Olivier Becht, Mme Valérie Boyer, Mme Marine Brenier, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Anne-France Brunet, M. Pierre Cabaré, Mme Josiane Corneloup, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Paula Forteza, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac Sibille, Mme Caroline Janvier, M. Bastien Lachaud, Mme Anne-Christine Lang , Mme Marie Lebec, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, M. Thomas Mesnier, Mme Danièle Obono, Mme George Pau-Langevin, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, M. Jean-Pierre Pont, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laurianne Rossi, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet, Mme Martine Wonner
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Examen des articles : comptes rendus des débats
SOMMAIRE
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Pages
Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 16 heures ()
Article 1er Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 21 heures ()
Article 1er (suite) Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
Réunion du mercredi 11 septembre 2019 à 9 heures 30 ()
Article 1er (suite) Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
Réunion du mercredi 11 septembre 2019 à 14 heures 30 ()
Article 1er (suite) Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
Réunion du mercredi 11 septembre 2019 à 21 heures ()
Article 1er (suite) Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
Article 2 Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation
Réunion du jeudi 12 septembre 2019 à 9 heures 30 ()
Réunion du jeudi 12 septembre 2019 à 14 heures 30 ()
Réunion du jeudi 12 septembre 2019 à 21 heures ()
Réunion du vendredi 13 septembre 2019 à 9 heures 30 ()
Article 10 Consentement à l’examen des caractéristiques génétiques
Article 12 Encadrement du recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale
Article 13 Encadrement des dispositifs de neuro-modulation
Réunion du vendredi 13 septembre 2019 à 14 heures 30 ()
Article 17 Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale
Réunion du vendredi 13 septembre 2019 à 21 heures ()
Article 23 Élargissement des missions des conseillers en génétique
Article 26 Sécurisation de l’utilisation du microbiote fécal
Article 28 Diverses mises en cohérence au sein du code de la santé publique
Article 30 Évolution des compétences et de la composition des organes de l’Agence de la biomédecine
Article 31 Habilitations à légiférer par voie d’ordonnance
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EXAMEN DES ARTICLES : COMPTES RENDUS DES DÉBATS
La commission spéciale procède à l’examen des articles du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2187) lors de ses réunions des mardis 10, mercredi 11, jeudi 12 et vendredi 13 septembre 2019.
Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 16 heures ([2])
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, je vous propose que nous démarrions l’examen du projet de loi. Je remercie Mmes les ministres d’être présentes pour nous accompagner dans cet examen.
titre premier
élargir L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES
Chapitre premier
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation
dans un cadre maîtrisé
La commission examine l’amendement n° 1184 de Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho. Défendu.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur spécial. Avis défavorable. Une décision prise après que des informations complètes ont été fournies représente un « choix éclairé ». Je suis donc opposé à la suppression du mot « éclairé » dans l’intitulé du chapitre premier.
La commission rejette l’amendement.
Article 1er
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous allons commencer par une série d’amendements identiques, qui tendent à supprimer l’article 1er. Le nouveau règlement de l’Assemblée, que nous avons adopté, prévoit que lorsque plusieurs membres d’un même groupe présentent des amendements identiques, la parole est donnée à un seul orateur de ce groupe.
Mme Annie Genevard. Mais pas en commission !
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Les députés du groupe LR ont déposé onze amendements identiques. Néanmoins, soucieuse de continuer à garantir des débats apaisés et de laisser chacun et chacune s’exprimer, je me propose de donner la parole à cinq de ses orateurs.
M. Xavier Breton. Madame la présidente, avant que nous passions à la défense des amendements, sur quel article de notre règlement fondez-vous cette décision ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Sur l’article 100, alinéa 5.
M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, vous aurez noté que l’avis du Conseil constitutionnel sur cette question est très clair : il indique que, lorsqu’on est dans une situation d’obstruction, la présidence de séance peut effectivement faire usage cette disposition. Néanmoins, vous ne pouvez pas préjuger ex ante des arguments qui vont être utilisés à l’appui de ces amendements. Or, comme vous le savez, la défense des amendements est un droit fondamental. Ce droit a été rappelé dans l’avis du Conseil constitutionnel. Je vous demande explicitement que l’avis du Conseil soit respecté dans cette enceinte. Notre groupe fera évidemment les mêmes remarques au président de l’Assemblée nationale pour ce qui est de la séance publique : il y va de la libre expression de l’ensemble des députés. Sortir de ce cadre poserait un véritable problème constitutionnel. Je pense qu’il est important de le rappeler ici.
Sur un texte aussi important que la bioéthique, je pense que votre proposition n’est pas soutenable. Nous souhaitons que chaque député puisse clairement s’exprimer. C’est bien la moindre des choses, madame la présidente.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Le Conseil constitutionnel a validé la disposition que vous contestez. Le président doit simplement respecter les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ; il me semble que, depuis quinze jours, depuis nos auditions, chacun a pu poser des questions, a pu s’exprimer. C’est bien dans ce souci que je ne souhaite pas appliquer l’article 100, alinéa 5, en permettant à cinq d’entre vous d’exprimer la position défendue par votre groupe et non un seul orateur, comme le prévoit le règlement.
M. Fabien Di Filippo. Et combien auront le droit de répondre ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Cinq députés également pourront répondre.
Mme Annie Genevard. Nous avons eu, ce matin, avec les vice-présidents de l’assemblée, une réunion organisée par le secrétaire général, à propos de l’application du nouveau règlement tel qu’il sera mis en œuvre à partir du 1er octobre.
Nous avons évoqué la défense des amendements identiques. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a été très clair : la proposition qui avait été faite par la majorité de l’Assemblée nationale n’a pas été retenue par le Conseil. Il est donc loisible aux députés de défendre chacun de leurs amendements identiques, pour autant qu’il n’y ait pas de volonté manifeste d’obstruction par répétition des mêmes arguments – ce dont vous ne pouvez pas préjuger ex ante, comme l’a rappelé à l’instant mon collègue Patrick Hetzel. Je ne crois pas, pour ma part, que nous soyons dans ce cas de figure. C’est la raison pour laquelle il me semble que chacun d’entre nous doit pouvoir défendre son amendement de suppression. Je laisse cependant cette question à votre arbitrage, madame la présidente.
M. Pierre Dharréville. Madame la présidente, je vous remercie de laisser se dérouler un petit échange sur cette question un peu sensible et qui le mérite, puisque c’est effectivement la première fois que nous examinons un texte sous le régime de ce nouveau règlement. Je vous avoue que je n’avais pas totalement compris que ces décisions auraient des répercussions jusque dans le travail de commission, ce qui contribuera à limiter de manière considérable les échanges et porter atteinte à leur qualité – mais ce n’est pas vous qui en avez personnellement décidé et vous n’êtes pas en cause dans cette affaire.
Cela étant, je rejoins les objections formulées par nos collègues de droite, et notamment par M. Patrick Hetzel, concernant les modalités d’application. Car le Conseil constitutionnel a émis un certain nombre de réserves dont nous devons tenir compte dans la vie quotidienne de notre assemblée lorsque nous examinons les textes. Je pense qu’il faut effectivement prendre le temps d’un débat serein et tranquille dans lequel nous pouvons nous exprimer. En commission, en général, nous avons une latitude supplémentaire de ce point de vue.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. C’est bien dans ce souci de clarté et de sincérité des débats que je n’ai pas souhaité appliquer stricto sensu le règlement – qui, quelle qu’ait été la position de chacun, a bel et bien été adopté – en permettant à cinq parlementaires, et non à un seul, de donner la position de leur groupe sur des amendements strictement identiques.
M. Thibault Bazin. Je crois qu’une lourde tâche nous attend, puisque nous avons près de 2 200 amendements à étudier. Tout comme vous, nous souhaitons un débat apaisé et serein. Je propose que dès lors que nous sommes en présence d’amendements identiques et que les députés ont des arguments complémentaires à faire valoir, ils puissent s’exprimer, de telle sorte que personne ne soit privé de cette liberté d’amener, en responsabilité, des arguments complémentaires. En procédant ainsi, nous gagnerons du temps en évitant un débat interminable sur les temps de parole.
Mme Aurore Bergé. Comme nous l’avons collectivement prouvé lors des auditions, y compris l’audition des trois ministres hier soir, nous avons tous à cœur de poursuivre dans un climat serein, apaisé et constructif l’examen du projet de loi de révision de bioéthique. Et vous avez choisi, madame la présidente, d’aller au-delà de ce que permet le règlement en ne limitant pas le droit de parole à un seul orateur par groupe et par amendement identique, afin qu’une pluralité d’opinions qui puisse s’exprimer.
M. Patrick Hetzel. Mais ce que vous dites est faux !
Mme Aurore Bergé. Chers collègues de l’opposition, je crois que le climat serein et apaisé suppose aussi qu’on puisse s’écouter : je me suis permis de vous écouter quand vous avez exprimé vos positions, permettez-moi, au nom de mon groupe, d’exprimer la nôtre : il s’agit de préserver la pluralité des opinions et le respect du contradictoire, que ce soit pour défendre des amendements identiques ou pour y répondre, avec le même nombre d’orateurs pour l’ensemble des groupes. Cela me paraît équitable.
M. Philippe Vigier. Madame la présidente, je pense que vous avez su conduire des auditions dans un climat d’apaisement, sur un texte qui le mérite.
Pour avoir été de ceux qui ont été autour de la table du président Ferrand, pendant de longues semaines, lorsqu’il s’agissait de négocier le règlement de l’Assemblée, je tiens à rappeler que l’engagement avait été pris que ce nouveau règlement s’applique lors de la session ordinaire. Je suis donc un peu surpris de voir que l’on anticipe en en faisant usage dès aujourd’hui, alors que nous sommes en session extraordinaire. Chacun comprendra que si l’on démarre dans cet esprit de blocage, l’apaisement que vous avez souhaité ne sera pas au rendez-vous. Mais peut-être la raison l’emportera-t-elle ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Cela dépend aussi de la volonté de chacun. Le nouveau règlement s’applique à partir du 1er septembre, certaines dispositions s’appliquant à partir du début de la session extraordinaire.
M. Bruno Fuchs. Le règlement s’applique, mais nous sommes en présence d’une configuration originale, dans la mesure où la plupart des groupes parlementaires n’ont pas donné de consigne de vote, s’en remettant à l’intime conviction de leurs membres. Ainsi, au sein d’un même groupe, plusieurs points de vue peuvent s’exprimer. Il faut donc essayer d’élargir le débat, tout en essayant de rester dans des délais que nous savons très contraints.
Mais la configuration d’examen de ce texte particulier est très spécifique par rapport à d’autres textes à venir.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. C’est bien pour cela que j’ai tout de suite proposé d’élargir le nombre de prises de parole, sans limiter le droit de réponse à un orateur contre et un orateur pour.
M. Xavier Breton. Il pourrait en aller différemment s’il s’agissait de points très techniques ; mais sur des amendements de suppression, les argumentations peuvent être très différentes, à plus forte raison sur un sujet aussi important que l’extension de l’assistance médicale à procréation. Je crois que sans avoir constaté d’obstruction, vous avez pris le parti de limiter les débats dès le départ pour éviter tout risque à cet égard.
N’oubliez pas la réserve émise par le Conseil constitutionnel : le recours à un seul orateur par groupe doit être exceptionnel et ne peut intervenir qu’en cas d’obstruction des débats. Or vous ne pouvez faire état de quelque obstruction que ce soit : c’est donc vraiment un parti pris de votre part. Certes, nous ne vous mettons pas en cause, madame la présidente : vous répondez sûrement à un ordre de votre majorité. Mais c’est un très mauvais signal au début de l’examen de ce texte. S’il devait arriver que l’on répète systématiquement les mêmes arguments, le nouveau règlement vous permettrait effectivement d’accélérer les choses ; mais décider de l’appliquer a priori, c’est vraiment une décision partiale.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Précisément, je ne l’applique pas a priori, monsieur Breton, et je ne réponds pas davantage aux ordres de qui que ce soit. J’assume parfaitement une décision qui est mienne, à savoir de continuer dans le même état d’esprit que depuis le début, et que je croyais partagé.
C’est bien la raison pour laquelle je n’entends pas faire application du règlement, mais, bien au contraire, vous permettre de prendre la parole à cinq, plutôt qu’à un seul ; mais si vous tenez vraiment à ce que je l’applique, cela ne me pose pas problème. Je pensais seulement que c’était plus intéressant de mener un débat élargi, et j’aimerais bien continuer dans cet état d’esprit, plutôt que de perdre une demi-heure ou une heure à discuter des temps de parole… Le règlement a été voté, qu’on soit pour ou qu’on soit contre, et je comprends bien que l’on souhaite l’appliquer.
M. Patrick Hetzel. À supposer que ce règlement s’applique à partir du 1er septembre, c’est la première fois que nous nous réunissons dans cette configuration. C’est pourquoi, madame la présidente, je voudrais vous alerter, et avec vous tous mes collègues, simplement sur une chose : si vous ne donnez pas corps à nos attentes, vous risquez de rendre votre propre texte inconstitutionnel. Il faut vous en rendre compte. En procédant de la sorte, la majorité risque de créer elle-même un vice de forme qui peut fonder un recours devant le Conseil constitutionnel. Cela aura donc un certain nombre de conséquences, qu’il serait sage d’anticiper. Car votre interprétation, madame la présidente, n’est absolument pas celle du Conseil constitutionnel.
M. Guillaume Chiche. La présidente organise nos travaux et les débats ; elle ne satisfait pas la volonté d’un groupe politique, quand bien même celui-ci serait majoritaire. Elle se consacre seulement à l’organisation de nos échanges. Nous pouvons tous saluer la façon dont ont été conduites les auditions réalisées ces deux dernières semaines, et encore hier.
L’article 100, alinéa 5, qui prévoit, sur les amendements identiques, un orateur par groupe, puis une prise de parole pour et une prise de parole contre, est le fruit d’un règlement que la représentation nationale a collectivement adopté afin d’améliorer la conduite des débats parlementaires. Soucieuse de garantir l’expression de chacune des sensibilités, madame la présidente, vous multipliez par cinq ces droits de parole. Ce faisant, vous allez permettre, si j’ai bien compris, à cinq orateurs de défendre des arguments à l’appui de ces amendements, puis à cinq autres de présenter des arguments en leur défaveur… Ce qui équivaut, peu ou prou, au nombre au total de députés du groupe les Républicains qui ont présenté des amendements identiques !
Mes chers collègues, je crois que vous aurez la capacité, avec cinq orateurs pour cette série d’amendements identiques, de défendre un à un les arguments que vous entendez présenter à la représentation nationale au soutien de leur adoption. Je crois que ce choix est de nature à permettre des débats riches et respectueux. Je pense que nous devrions, sans plus tarder, commencer l’examen des 2 000 amendements et plus qui nous attendent.
Mme Annie Genevard. Madame la présidente, je crois qu’il y a une confusion et je vous suggérerais de faire une brève suspension de séance pour vous rapprocher des services de l’Assemblée, de sorte que soit précisément explicité ce point que nous avons étudié ce matin avec l’ensemble des vice‑présidents et le secrétaire général de l’Assemblée nationale, lequel nous a expliqué la position du Conseil constitutionnel.
Le Conseil a prévenu qu’il serait extrêmement vigilant sur le respect de l’expression des parlementaires dans la défense de leurs amendements. Je réitère ma mise en garde en cas de recours devant le Conseil constitutionnel : s’il est avéré que, sur un article, l’expression des députés a été entravée, il y a un réel risque d’inconstitutionnalité.
Pour ce qui est de la pratique « un pour, un contre » évoquée par notre collègue Chiche, je crois qu’il y a une confusion : c’est dans le cadre de la défense de l’amendement en séance que l’auteur de l’amendement présente son amendement, avant que la commission saisie au fond et le Gouvernement ne donnent leur avis, et le président de séance donne ensuite la parole à deux parlementaires, dont un orateur contre. Mais libre à lui d’autoriser davantage d’orateurs à s’exprimer s’il le souhaite. Autrement dit, tout est fait pour assouplir le règlement plutôt que d’en faire une application restrictive. Pour en rester au cadre qui nous occupe, je vous invite vraiment, madame la présidente, à prendre l’attache des services de l’Assemblée pour éclaircir ce point. Car il nous a été dit très précisément que chaque auteur d’un amendement identique peut défendre son amendement.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Les services de l’Assemblée ne sont pas très loin de moi, voire à mes côtés… Je répète que le Conseil constitutionnel a validé la disposition que vous contestez. Le président doit simplement respecter les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. C’est bien dans cet état d’esprit que je souhaite que nous démarrions maintenant les travaux, sachant que je vous rejoins, madame Genevard : l’exposé des amendements sera fait par cinq d’entre vous et donnera lieu à des réponses, de sorte que la discussion pourra s’engager. C’est bien le sens des débats que j’entends mener.
M. Alexis Corbière. Je vous remercie, madame la présidente, de m’accueillir dans cette commission. L’exigence de clarté et de sincérité suppose que toutes les subtilités et les différences au sein des différents groupes puissent s’exprimer – c’est une évidence.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. C’est ce que nous allons faire.
M. Alexis Corbière. L’argument que vous venez de donner va dans le sens de ce que demandent mes collègues : dès lors que vous êtes tenue de respecter les exigences de sincérité et de clarté, vous ne pouvez limiter le temps de parole sans courir de risque d’inconstitutionnalité. L’idée d’une petite suspension de séance afin de clarifier les choses me paraît raisonnable. Je vais dans le sens de ce qu’ont dit mes collègues des Républicains… (Sourires.) Eh oui, c’est assez choquant de voir que je suis d’accord avec eux et qu’En marche est encore pire ! Mais c’est votre affaire et je vous laisse avec votre conscience.
Mais vous ne pouvez pas faire ce coup de force au risque d’entacher cette loi d’autoritarisme. Au-delà de nos divergences sur ces questions, il s‘agit d’un problème de fond. Être raisonnable, c’est prendre le temps, avant que ce long débat ait lieu, de nous mettre d’accord sur des règles communes.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Franchement, je ne crois pas faire preuve d’autoritarisme… Ce n’est vraiment pas le signal que j’ai souhaité donner depuis quelques jours, durant nos auditions. Ce n’est surtout pas celui que je souhaitais donner en permettant à cinq auteurs d’amendements identiques de s’exprimer.
Qu’on soit d’accord ou non avec le règlement, c’est un autre débat. Il a bel et bien été adopté. C’est désormais notre règle et elle s’applique à tous, qu’on soit d’accord ou non, même si certains d’entre vous n’ont pas voté pour ! Nous sommes députés, nous sommes là pour appliquer la loi, que nous l’ayons votée ou non.
M. Alexis Corbière. On n’a jamais vu un règlement imposé par un seul groupe !
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ça, c’est un autre débat. Le débat d’aujourd’hui, c’est de commencer à examiner ce projet de loi qui nous amène sur un sujet important.
M. Xavier Breton. Je voudrais quand même savoir si l’article 100, alinéa 5, s’applique à la séance ou aux réunions de commissions. Quand on lit cet alinéa de notre règlement, il y est indiqué que « les amendements présentés par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond ont priorité de discussion sur les amendements des députés ayant un objet identique. ». Le fait de parler d’amendements déposés par la commission signifie bien que le cas envisagé est celui de la séance. L’alinéa se poursuit comme suit : « Lorsque plusieurs membres d’un même groupe présentent des amendements identiques, la parole est donnée à un seul orateur de ce groupe désigné. »
Peut-on nous répondre précisément si l’article 100, alinéa 5, s’applique aussi aux débats en commission ?
M. Thibault Bazin. Se pose un vrai problème sur la date d’application, dans la mesure où un certain nombre de dispositions ne sont pas mises en œuvre lors des sessions extraordinaires, alors qu’elles sont prévues par le nouveau règlement – c’est le cas notamment des séances de questions au Gouvernement. La date qui avait été annoncée pour une application pleine et entière de nouveau règlement était le 1er octobre.
Je demande une suspension de séance de deux minutes, afin que l’on puisse clarifier tous ces éléments.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. La suspension est accordée.
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous commençons l’examen des amendements.
M. Xavier Breton. L’article 1er ne se contente pas d’élargir l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) ; il en modifie bel et bien en profondeur la nature. Les médecins ne seront plus là pour soigner une infertilité médicale constatée, mais pour répondre à une demande sociétale. Il n’y a donc plus de réalité objective : le critère médical, qui constitue aujourd’hui un rempart à l’utilisation de techniques posant des questions éthiques majeures, disparaît purement et simplement. C’est la porte ouverte à l’arbitraire et à la réponse à toutes les demandes sociétales.
Qui plus est, on l’a bien entendu lors de nos auditions, aucune étude ne prouve qu’il n’y a pas d’effet sur les enfants. Ce sujet fait débat, l’avis du comité consultatif national d’éthique montre bien qu’il n’existe pas d’études fiables pour les couples de femmes et absolument aucune étude pour les femmes seules. Et la dernière audition que nous avons eue avec le professeur Lévy-Soussan, pédopsychiatre, a montré que toutes les études dont on pouvait se prévaloir comportaient en fait des biais de méthode qui nuisent à leur véracité et à leur objectivité. C’est pourquoi nous vous proposons, par l’amendement n° 2, de supprimer l’article 1er.
M. Patrick Hetzel. Mon amendement n° 190 est également un amendement de suppression de l’article 1er.
Si l’on regarde cet article intitulé « Élargissement de l’accès à l’assistance médicale à la procréation », on s’aperçoit de deux choses : d’une part, le critère médical d’infertilité, qui conditionne aujourd’hui l’accès, est supprimé ; d’autre part, il contribue à modifier les règles de prise en charge par l’assurance maladie, dans la mesure où on élargit l’AMP à un nouveau public pour lequel cette question de l’infertilité ne se pose justement pas, ou si ce n’est dans la mesure où est elle est liée à des questions biologiques.
Par ailleurs, la référence qui existait jusqu’à présent au sujet de l’âge de procréer disparaît de la loi : on renvoie à un décret et, du coup, la représentation nationale ne débat plus de cette question. Enfin et surtout, on autorise le recours à un double don de gamètes au cours d’une même tentative d’assistance médicale à la procréation.
Étant opposé à ces différents points, je demande une suppression de l’article 1er.
Mme Annie Genevard. Mon amendement n° 540 a le même objet. L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes entraîne notre droit sur la voie de l’éviction du réel et de la biologie. Depuis le droit romain, en effet, hors hypothèse d’adoption, la mère est celle qui accouche : mater semper certa est. Ce texte méconnaît le droit de l’enfant à jouir d’une filiation vraisemblable et le prive définitivement de père. Cette modification, qui n’est imposée par aucune discrimination qu’il s’agirait de combattre – le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État l’ont dit très clairement –, méconnaît l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle fait en outre courir le risque de préjudices dont l’État pourrait avoir à rendre compte lorsque des enfants délibérément privés de père en demanderaient réparation.
M. Thibault Bazin. Cet article est problématique. Quels seront ses effets ? L’inégalité entre les couples de femmes et les couples d’hommes n’aboutira-t-elle pas inéluctablement à la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), officiellement interdite, mais que vous allez faciliter par la directive que vous préparez ? Ne risque-t-on pas de rendre illusoire le maintien de la gratuité des gamètes, compte tenu du manque – redouté – de don de gamètes, au moins à court terme ? La même interrogation se pose sur le risque de marchandisation de produits du corps humain.
Mesure-t-on aussi les risques pour l’enfant d’une institutionnalisation de l’absence du père ? Certains enfants pourraient vivre comme une injustice le fait d’en être privés. L’article n’aboutit-il pas aussi à une AMP généralisée sans sexe, y compris pour des couples hétérosexuels qui ne souffriraient d’aucune pathologie, mais qui pourraient ainsi mieux sélectionner l’enfant à naître, comme cela a été avoué hier soir ?
Quel avenir enfin de la relation médicale, si les moyens ne sont plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques ? Je vous propose, par mon amendement n° 628, d’appliquer le principe de précaution en supprimant cet article.
M. Éric Pauget. Votre texte amène une approche qui va entraîner, comme cela vient d’être dit, une rupture d’égalité face au droit à la descendance de chacun. En reconnaissant des droits féminins exclusifs, cette mesure s’affirme comme particulièrement discriminatoire à l’encontre des couples d’hommes et des hommes non mariés. Le problème ne saurait être résolu sans leur reconnaître plus tard le droit à la GPA. Cette vision s’appuie sur une distinction de sexe qui porte une atteinte grave à l’égalité des droits de l’homme.
Ce texte introduit une réelle rupture d’égalité. D’où mon amendement de suppression n° 819.
Mme Emmanuelle Ménard. Aujourd’hui, l’AMP s’adresse à des personnes biologiquement infertiles, ou dont l’infertilité est inexpliquée. Mais, avec ce projet de loi, on va l’ouvrir aux personnes qui ne souffrent pas d’infertilité et dont la situation ne permet pas la procréation, dès lors qu’elles sont seules ou qu’elles vivent avec des personnes de même sexe. L’AMP va donc devenir un moyen technique de fabriquer un enfant pour tous, sans se préoccuper de l’enfant lui-même, au détriment de son droit de connaître ses origines.
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de le dire hier soir, cette extension conduira inéluctablement, malgré vos dénégations, à la GPA et à la commercialisation du corps humain. Vous soutenez, madame la ministre, que nous n’y arriverons pas ; mais les ministres changent et personne ne sait si le prochain aura la même position que vous.
Encore une fois, au nom de l’égalité, je ne vois pas comment nous pourrions refuser la GPA aux couples d’hommes notamment. C’est pourquoi je demande, par mon amendement n° 1011, la suppression de cet article.
Mme Agnès Thill. Mon amendement n° 1349 tend lui aussi à la suppression de l’article 1er.
Dès lors qu’il n’y a pas d’évolution scientifique en matière d’AMP, on peut se demander quelle est sa place dans la révision de la loi relative à la bioéthique qui prend en compte les évolutions scientifiques. Une loi à part eût mieux convenu. Une autre question se pose, celle du sens de la médecine, qui n’est plus réparatrice : est-ce à la médecine de répondre à un désir sociétal ? Doit‑elle augmenter le possible, en augmentant ce qui est impossible biologiquement ? Qu’est-ce qu’un progrès ? Quelque chose de nouveau, quelque chose de plus, ou quelque chose qui améliore ?
L’arrêt du Conseil d’État du 29 septembre 2018 rappelle que des situations différentes justifient des décisions différentes. Par conséquent, il n’y a ni discrimination, ni inégalité à combattre, comme on l’entend à longueur d’émission de radio. Il rappelle que l’enfant n’est pas « une raison d’intérêt général. » La réponse n’est pas juridique, mais bien politique. Le désir transformé en une égalité des droits des adultes conduirait à une inégalité des droits des enfants, à qui il manquera un parent sur les deux auxquels ils ont droit.
S’il ne s’agissait que d’un égal accès à une technique, il suffirait de donner accès à cette technique avec gamètes inefficaces. C’est donc bien de l’accès à un enfant qu’il s’agit, non de l’accès à une même technique : un droit à l’enfant, déguisé, qui n’existe pas, à peine feint. Actuellement, l’absence de père avant la naissance est considérée comme un préjudice dans le droit, évalué financièrement. Nous ferions d’un préjudice un droit.
M. Pascal Brindeau. Mon amendement de suppression n° 2062 permet de poser les enjeux et les termes de ce débat sur l’extension de la procréation médicalement assistée. Un certain nombre d’arguments ont déjà été développés. Je me contenterai d’insister sur deux d’entre eux.
Premièrement, au nom d’une volonté, compréhensible, de répondre à une demande sociétale, au nom de la recherche d’une égalité qui n’en est pas une, les couples d’hommes ou les hommes seuls pourront demain prétendre pouvoir eux aussi fonder une famille et avoir des enfants. Au nom d’une forme de célébration du droit à l’enfant, on fait basculer complètement l’ordre anthropologique qui est le nôtre et on met en concurrence directe l’ordre naturel de la procréation et la possibilité technique de créer des enfants d’une autre manière. Qu’on s’y oppose aujourd’hui ou pas, cela ne sera évidemment pas sans conséquences demain sur la possibilité, pour des parents, quel que soit leur sexe, de choisir les caractéristiques génétiques de leur enfant à naître. Cela ne me semble pas être la conception française de l’éthique.
Deuxièmement, l’ouverture de cette AMP à des causes autres que strictement thérapeutiques n’est pas sans présenter des risques pour les stocks de gamètes, actuellement tendus. Sans forcément parler de pénurie, cela pourrait contraindre, à un moment donné, dans les centres d’AMP, à devoir faire des choix discriminants entre les couples qui ont recours à l’AMP pour des raisons thérapeutiques et ceux qui y recourent pour d’autres raisons.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mon avis est évidemment défavorable dans la mesure où tous ces amendements sont contraires, voire opposés, à l’objet même du projet de loi.
Je voudrais d’abord rectifier quelques affirmations. Dire que l’AMP ne traiterait plus des maladies est inexact : l’AMP n’a jamais traité aucune maladie, même quand elle est appliquée pour des raisons d’infertilité. La femme reste infertile après l’AMP, comme elle l’était avant.
Le but de l’AMP est de chercher à compenser une défaillance. Deux cas étaient visés à l’origine : celui d’une infertilité médicalement prouvé ou le risque de transmission de maladies. Mais dans la pratique, elle a été étendue aux couples hétérosexuels qui n’avaient pas d’enfant, même s’il n’y avait pas d’infertilité médicale. L’extension proposée aujourd’hui est évidemment jugée bénéfique par bon nombre de gens.
On ne peut d’ailleurs pas dire non plus que la médecine, en général, sortirait du côté thérapeutique. Car cela fait très, très longtemps que la médecine n’est pas que thérapeutique : quand on fait de la médecine préventive, quand on fait de la chirurgie réparatrice, quand on réalise des IVG, on n’est évidemment pas dans la thérapeutique. Nous nous trouvons donc dans le cas de figure habituel d’une médecine qui s’occupe de la santé, sans s’occuper seulement de traiter des maladies.
Enfin, invoquer le principe de précaution n’est pas tout à fait opportun, car nous ne sommes pas du tout dans l’incertitude. Le principe de précaution pourrait s’appliquer si l’on allait vers l’aventure, vers le risque, vers l’incertitude, vers la témérité… Mais la grande majorité des pays du monde ont déjà adopté ces pratiques. Nous-mêmes, en France, constatons qu’elles se sont développées, en marge de la loi. Partout, à l’étranger comme en France, on a pu observer que les effets ne sont pas délétères et qu’au contraire, ils pouvaient être bénéfiques aussi bien pour les femmes que pour les enfants.
En dernier lieu, la GPA n’a rien à voir avec l’AMP. L’ouverture de la GPA est un sujet complètement différent. Je crois qu’il vaut mieux traiter les sujets séparément. Pour l’heure, nous discutons de l’extension de l’AMP. Je vous propose donc de rejeter ces amendements de suppression.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames et messieurs les députés, vous me permettrez de faire une réponse générale.
D’abord, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation est absolument sans incidence sur l’interdiction de la gestation pour autrui, laquelle est antinomique des grands principes bioéthiques auquel nous sommes attachés. On ne fait pas du tout appel pour la GPA à la même technique médicale et une loi de bioéthique n’est pas une loi d’égalité des droits.
L’argument du droit à l’enfant, dont il a été fait état, n’est invoqué nulle part. D’ailleurs, il n’existe pas. Il n’existe pas non plus pour les couples hétérosexuels aujourd’hui : si nous accompagnons les parents dans leur projet de parentalité, il peut arriver à une équipe d’AMP de refuser d’engager un couple dans cette démarche, pour des raisons qui tiennent au nombre de tentatives, pour des raisons d’âge ou pour des raisons de maladie. Il y a une évaluation pluridisciplinaire des couples avant toute démarche d’AMP. En aucun cas, ce « droit à l’enfant » n’existe aujourd’hui pour les couples hétérosexuels ; il n’existera pas davantage pour les couples homosexuels ou pour les femmes non mariées.
Enfin, vous parlez beaucoup de l’objectivation de l’infertilité. Je rappelle que des couples hétérosexuels s’orientant aujourd’hui dans une démarche d’AMP doivent déclarer une infertilité. La recherche des causes d’infertilité fait naturellement l’objet d’une démarche médicale. On les trouve parfois, parfois pas. Même si aucune cause d’infertilité objective n’est trouvée – et, d’ailleurs, nous ne pouvons pas éliminer l’hypothèse d’un couple n’ayant pas de rapports sexuels –, la loi permet aujourd’hui cette démarche. Et quelle que soit l’objectivation d’une pathologie sous-jacente, ou son absence, l’AMP est remboursée, Cet argument de l’objectivation actuelle d’une pathologie ne tient donc pas, car il n’y a pas, aujourd’hui, dans les démarches d’AMP, de clause d’accessibilité.
Enfin, la préoccupation de la place et du rôle du père revient souvent. Il n’est évidemment pas question de nier le rôle du père dans la construction de l’enfant, mais ce n’est pas contradictoire avec l’existence d’autres modèles familiaux qui, d’ores et déjà, ont été consacrés dans la loi : je rappelle que les familles homoparentales ou monoparentales ont le droit d’adoption. C’est une filiation qui donne aujourd’hui les mêmes droits à l’enfant que la filiation naturelle. Ainsi, d’une certaine façon, le législateur a d’ores et déjà tranché, en jugeant que tous ces modèles parentaux existent et permettent à l’enfant de s’épanouir dans une famille, quel que soit le type de famille.
Je souhaitais insister sur ces points avant d’exprimer mon désaccord avec ces amendements de suppression.
Mme Aurore Bergé. Je crois qu’il est important de parler de ce qui est dit dans cet article et de ce qui n’y est pas dit. Il n’y est évidemment pas question de choisir les caractéristiques génétiques de l’enfant, comme on a pu l’entendre ; il n’y est pas question de fabriquer un enfant. En revanche, il y est bien question d’une technique médicale, déjà utilisée dans notre pays, mais aujourd’hui réservée à certaines femmes en raison d’un statut matrimonial particulier ou d’une orientation sexuelle particulière. C’est bien cela que nous voulons, aujourd’hui, changer dans la loi, en permettant l’élargissement de l’AMP à toutes les femmes, sans distinction d’orientation sexuelle ou de statut matrimonial. C’est donc bien une technique médicale connue, éprouvée, que nous voulons mettre en œuvre au bénéfice de toutes les femmes.
Il n’est pas non plus question, comme vous l’avez dit, madame la ministre, de nier l’importance et le rôle des pères ; il s’agit de reconnaître la qualité d’un projet parental, qui peut exister dans d’autres types de famille, comme c’est le cas dans les familles homoparentales ou comme c’est le cas dans les familles composées par les femmes non mariées. Tel est l’argument qui a été retenu dans le projet de loi.
Le groupe de La République en Marche est défavorable aux amendements de suppression de cet article, qui est l’un des éléments clés du projet de loi de révision de la loi de bioéthique, en ce qu’il permet enfin l’accès à l’AMP à toutes les femmes.
M. Maxime Minot. Grâce à ce projet de loi relatif à la bioéthique, toutes les femmes pourront désormais avoir accès à la procréation médicalement assistée en France. Jusque-là réservé aux couples hétérosexuels, le recours à l’AMP est ainsi étendu aux femmes célibataires et aux couples de femmes qui pourront désormais connaître elles aussi le bonheur d’être parents.
Avec certains collègues du groupe Les Républicains, nous avons décidé de soutenir ce projet de loi qui va selon nous dans le bon sens, puisqu’il s’inscrit dans le cadre de progrès technologiques nouveaux et d’attentes sociétales fortes.
En effet, tous les sondages d’opinion le montrent : la grande majorité de nos concitoyens est favorable à l’extension de l’AMP pour toutes. Ce projet de loi s’inscrit donc parfaitement dans le cadre de cette évolution progressiste des mentalités et répond à une réelle demande de liberté, d’égalité et de fraternité entre tous les concitoyens.
Je rappelle également que l’ouverture de l’AMP à toutes est soutenue par le CCNE qui a donné un avis favorable à cette mesure. Il me paraît donc incohérent, pour toutes ces raisons, de soutenir ces amendements de suppression.
M. Philippe Gosselin. Quelques mots sur le fond ainsi que sur l’organisation des débats, sans vouloir y revenir…
M. Erwan Balanant. Mais en y revenant tout de même !
M. Philippe Gosselin. Au moins, ce sera dit et inscrit.
Tout d’abord, avec la reconnaissance de la PMA – ou de l’AMP – pour toutes les femmes, c’est bien un droit à l’enfant qui sera reconnu. Or c’est ce droit qui, à l’évidence, pose un certain nombre de questions.
Pourquoi priver les hommes de ce droit ? On voit bien la question qui, si elle ne figure certes pas dans cet article, pourrait se poser, comme on voit celle sur laquelle certaines circulaires en germe – dans l’attente de certaines décisions de la Cour de cassation, qui seront rendues publiques sans doute le 18 septembre – pourraient porter.
Je reviens sur votre interprétation du règlement, madame la présidente, de façon à ce que mes propos figurent au compte rendu, ce qui nous évitera d’y revenir. Premièrement, le nouveau règlement devrait s’appliquer à compter de l’ouverture de la session ordinaire, et pas dès maintenant.
M. Erwan Balanant. Non.
M. Philippe Gosselin. C’est d’ailleurs pour cette raison que les questions au Gouvernement d’aujourd’hui n’ont pas eu lieu sous le régime de la nouvelle formule mais sous celui de l’ancienne.
Deuxièmement cette réforme du règlement s’applique aux séances publiques et non pas aux travaux en commission.
Dans tous les cas, même si le communiqué de la présidence de l’Assemblée nationale en date du 4 juillet dernier n’a mentionné aucune des réserves d’interprétation formulées par le Conseil constitutionnel, il en existe tout de même sept : cela est de nature à battre en brèche la satisfaction affichée par la majorité.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que tous les débats doivent répondre à une exigence de clarté et de sincérité. C’est seulement en cas d’obstruction, et seulement dans ce cas, que le président ou la présidente peut éventuellement, en séance publique, encadrer et limiter le droit d’expression des députés, notamment la présentation d’amendements qui pourraient paraître identiques.
Je note du reste que si les interventions que viennent de faire nos collègues se ressemblent bien sûr un peu sur le fond, puisqu’elles ont presque toutes marqué une opposition – certains allant jusqu’à demander, dans certains cas, sa suppression – à l’AMP, ils n’ont pas tous usé des mêmes arguments.
Il va falloir y prêter attention : je l’affirme parce que je suis moi-même victime, madame la présidente, de votre interprétation. Je n’ai en effet pas pu défendre mon amendement n° 1044, et que je ne suis pas le seul dans ce cas. Rassurez-vous, je n’y reviendrai pas cinquante fois, puisque mes propos figureront au compte rendu.
Ces réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel nous engagent, comme elles engagent la présidence de la séance publique. La réforme du règlement ne doit enfin pas s’appliquer aux réunions de commission : il nous faut donc mesurer collectivement les risques que nous prendrions à vouloir y escamoter les débats.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, président de la commission spéciale. Je vous remercie, monsieur Gosselin, d’avoir rappelé les exigences de clarté et de sincérité qui s’imposent à nous. J’ai également noté votre souhait que notre débat se déroule dans un bon climat. Vous avez donc pu vous exprimer sans problème.
Fabien Di Filippo. Je suis également, madame la présidente, une autre victime de votre interprétation extensive et anticipée du nouveau règlement de l’assemblée qui, comme vient de le dire mon collègue, ne devrait s’appliquer qu’en séance publique.
Il s’agit d’un très bon cas d’école s’agissant de l’application que vous comptez en faire, car si mes collègues ont légitimement insisté sur les problèmes de filiation ainsi que sur l’ouverture à la GPA, mon argumentation était, elle, centrée sur les risques de pénurie de gamètes.
Mon amendement n° 1333 étant considéré comme ayant été défendu, je n’ai pas pu faire valoir mes arguments avant que les avis tant du rapporteur que de la ministre ne soient donnés.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, président de la commission spéciale. C’est pourtant ce que vous êtes en train de faire.
Fabien Di Filippo. Oui, mais je ne pourrais que répondre à ces avis : le risque d’inconstitutionnalité relevé par mes collègues est donc ici clairement établi. Je vais tout de même vous expliquer mon point de vue concernant d’autres propos que j’ai entendus.
Le CCNE, que l’on ne peut soupçonner d’être totalement hostile à l’AMP sans père, nous alertait il y a un an sur le risque de pénurie de gamètes, sur leur rareté ainsi que sur l’allongement des délais d’attente. Je le cite : « Une rupture du principe de gratuité des dons pourrait ouvrir des perspectives de marchandisation des produits du corps humain ».
Nous avons toujours été hostiles à une telle perspective en France, qu’il s’agisse de don de sang de don de gamètes.
Or on constate qu’en raison d’une telle pénurie certains pays, comme l’Espagne, la Belgique ou le Danemark, recourent au dédommagement des donneurs ou à l’importation de gamètes qui parfois ont été fournis contre rémunération, quand ils n’assument pas carrément la marchandisation du don, comme au Danemark. Vous me direz que ce n’est pas dans la loi, mais c’est une ouverture que vous préparez pour l’avenir, du fait de cette pénurie. Il suffit de consulter Cryos, la plus grande banque de sperme au monde : les clients peuvent y choisir des gamètes selon une douzaine de critères, dont la couleur de la peau ou des yeux. On s’oriente donc bien vers une fabrication d’enfants selon les désirs physiques des parents. D’ailleurs, comble de l’horreur, le caddie permettant de faire ses emplettes sur son site est symbolisé par un landau. Or cette évolution porte un nom : il s’agit d’une dérive eugéniste à laquelle vous ouvrirez in fine la voie.
Voilà pourquoi je proposais de supprimer cet article 1er. J’aurais cependant aimé pouvoir faire valoir mes arguments avant que les avis de la commission et de la ministre ne soient donnés.
M. Jacques Marilossian. Nos collègues nous proposent une série d’amendements identiques visant à interdire aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules le bénéfice de l’AMP.
Je l’ai déjà indiqué au cours des auditions qui ont été menées : l’AMP procède d’abord à mon sens et avant tout d’un parcours très complexe – je sais de quoi je parle – mais aussi d’un don d’amour. Or le projet parental et le don d’amour sont, me semble-t-il, les bases essentielles de l’épanouissement de l’enfant.
M. Erwan Balanant. Bien sûr !
M. Jacques Marilossian. Nous sommes avant tout législateurs : nous devons donc tous nous préoccuper de l’intérêt général, ce qui impose de faire abstraction de nos particularités, qu’elles soient religieuses ou philosophiques : c’est en tout cas ce que je m’efforce de faire, en respectant les autres.
Nous devons tous constater que notre société est diverse et multiple et qu’elle change. Nous devons donc, en tant que législateurs, adapter la loi à ses évolutions, tout en respectant bien naturellement nos principes fondamentaux.
Nos collègues évoquent par exemple l’intérêt supérieur de l’enfant pour justifier la présence du père et de s’opposer à l’AMP pour toutes. Mais, mes chers collègues, où est l’intérêt de l’enfant battu ou violé par son père ? Or nous savons tous que ce cas de figure n’est hélas pas une fiction. L’intérêt supérieur de l’enfant réside avant tout dans l’amour.
Nous devons à mon sens exercer notre responsabilité de législateurs en rendant possible cette avancée majeure et donner ici un cadre aux couples de femmes, afin qu’elles n’aient plus à subir soit des tracas techniques, soit des tracas administratifs, et surtout qu’elles ne soient plus contraintes de partir à l’étranger pour concrétiser ce projet parental et ce don d’amour.
Je ne voterai donc pas ces amendements de suppression et vous invite tous à faire de même.
M. Erwan Balanant. Bravo !
M. Guillaume Chiche. Nous avons tout d’abord été nombreux à participer aux auditions qui ont été tenues les deux semaines précédentes.
Il nous a été démontré à cette occasion que le développement d’un enfant, quelle que soit la structure familiale – monoparentale, en couple hétérosexuel ou homosexuel – dans laquelle il grandit, ne rencontrait aucun écueil si tant est que celle-ci lui offre de la stabilité et de l’amour. Cela est d’ailleurs corroboré par un certain nombre d’études scientifiques qui nous ont été présentées.
M. Xavier Breton. Lesquelles ?
M. Guillaume Chiche. Je pense en particulier aux travaux de la professeure Susan Golombok, de l’université de Cambridge. J’ai moi-même mis en avant et porté à votre connaissance des travaux menés par le Fonds international des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
J’en viens au droit à l’enfant : il faut à mon sens se montrer bien clair s’agissant des tenants et des aboutissants de ce projet de loi qui entend ouvrir l’accès à une pratique médicale qui offre des probabilités de succès de 60 % à l’issue de quatre fécondations in vitro (FIV) ou six inséminations artificielles avec donneur (IAD), prises en charge par la sécurité sociale.
Nous parlons donc bien d’un droit d’accès à une pratique médicale et non d’un succès garanti à 100 % : il n’y a donc pas de droit à l’enfant.
Autre élément que nous sommes nombreux ici à avoir entendu hier soir et qui a été porté à notre connaissance par la garde des Sceaux : elle a précisé que nous insérions dans le code civil un article 6-2 instituant des droits de l’enfant, par opposition au droit à l’enfant. Il me semble donc que nous gravons dans le marbre de la loi, et d’abord dans ce projet de loi, l’absence de droit à l’enfant.
Autre argument récurrent : ce projet de loi introduirait une rupture d’égalité entre les hommes en couple homosexuel désireux de recourir à la GPA et les femmes en couple lesbien désireuses de recourir à l’AMP. Il faut à mon sens être très clair : l’objectif du texte est de permettre à toutes les femmes d’accéder à la procréation médicalement assistée.
La GPA est une pratique médicale interdite à toutes les personnes, quels que soient leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur statut matrimonial. Nous ne proposons pas de l’autoriser ni d’en élargir l’accès sur le territoire.
Nous serons donc défavorables à l’adoption de ces amendements.
M. Thibault Bazin. Ces premiers échanges me font m’interroger. Tout d’abord, madame la ministre, j’ai eu plaisir à vous écouter. Vous avez notamment affirmé que le projet de loi n’était pas une loi d’égalité des droits. Vous allez devoir vous accorder avec votre collègue garde des Sceaux : elle a parlé hier d’offrir un nouveau droit, parlant d’un choix d’égalité. Nous situons-nous donc ou non dans la perspective d’une égalité des droits ? L’argumentation de notre collègue Jacques Marilossian est de nature à nous inquiéter, puisqu’on pourrait l’invoquer en vue de légaliser la GPA.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué l’AMP à laquelle on aurait recours pas forcément pour des raisons pathologiques : mais on ne peut pas, très sincèrement, se prévaloir du viol de la loi pour légitimer une mesure. Cela nous conduirait à légitimer beaucoup de choses dans notre pays ; je ne suis pas sûr que notre société en sortirait gagnante.
M. Xavier Breton. Je réagis aux propos de notre collègue Jacques Marilossian car ils m’ont quelque peu choqué. Il a notamment fait le raccourci suivant : les enfants de couples hétérosexuels seraient battus par leur père.
M. Jacques Marilossian. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Xavier Breton. Si, ils revenaient à cela. Imaginez que l’on affirme la même chose à propos de personnes de même sexe : que n’entendrait-on pas comme procès en homophobie ! Il faut également à mon sens faire attention à l’hétérophobie : on ne peut pas user d’arguments de la sorte sans faire référence, encore une fois, à la réalité de notre société.
Les parents essayent d’élever leurs enfants de leur mieux. On sait qu’il existe des situations compliquées quelle que soit la structure familiale. Quoi qu’il en soit, user de tels arguments et de tels raccourcis peut blesser des millions de personnes dans notre pays.
M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, nous avons également auditionné, la semaine dernière, des juristes.
Lorsque nous les avons interrogés – vous pouvez vous reporter au compte rendu –, ils nous ont indiqué qu’effectivement, d’un point de vue juridique, à partir du moment où l’on étend le bénéfice de l’AMP aux couples de même sexe, même si ce n’est aujourd’hui qu’au bénéfice des couples de femmes, en raison même de ce principe d’égalité, les hommes pourront logiquement exiger d’y avoir accès.
Vous savez pertinemment que l’effet domino auquel nous faisons référence est une réalité : à aucun moment nous n’avons eu des éléments convaincants, notamment sur le plan juridique, qui permettraient d’envisager de faire l’un sans l’autre. Et cet effet domino est implacable : dans un premier temps, on étend le bénéfice de l’AMP à toutes les femmes ; dans un second temps, on voit bien la GPA se profiler. Or c’est sur ces changements profonds que nous souhaitons alerter, car nous pensons que l’irréversibilité que vous êtes en train d’enclencher va poser des problèmes : elle conduira, comme l’a rappelé notre collègue Fabien Di Filippo à la marchandisation des produits du corps humain. Le modèle que vous êtes en train de construire, c’est celui d’une ultralibéralisation de la société : ce n’est pas celui que nous souhaitons pour notre société de demain.
M. Pascal Brindeau. Je réponds aux arguments de M. le rapporteur, de Mme la ministre et de Mme Aurore Bergé : il faut à mon sens s’en tenir en définitive à la lettre du texte et ne pas fantasmer sur les conséquences éventuelles de l’extension de l’AMP.
Je voudrais que Mme la ministre confirme qu’actuellement, en cas de recours à une AMP avec tiers donneur, les centres d’assistance médicale à la procréation procèdent à ce que l’on appelle l’appariement des gamètes en vue de maintenir au bénéfice du couple déclaré infertile une forme de vraisemblance de filiation et de procréation, qui tienne notamment compte de critères géographiques. Au demeurant, après avoir auditionné un certain nombre de représentants de ces institutions, on ne sait pas très bien comment, en réalité, est borné cet appariement. Comment feront demain les centres qui procéderont à des AMP pour des couples de femmes ? L’appariement se fera-t-il en fonction de la vraisemblance automatique de la seconde mère, de la demande expresse du couple ou en fonction d’autres critères ?
Mme Annie Genevard. M. le rapporteur Jean-Louis Touraine nous a expliqué qu’en ce qui concerne l’enfant, les effets d’une AMP ouverte aux couples de femmes seraient bénéfiques. Peut-il nous en dire davantage ?
Mme Coralie Dubost. Puisque vous avez, chers collègues, invoqué les juristes, je me sens obligée de prendre la parole une minute dans la mesure où ils ont été auditionnés à l’initiative de notre collègue Jean-Louis Touraine, rapporteur, et de moi-même. Il me semble qu’aucun d’entre eux n’a cherché à présupposer ou à fantasmer sur l’avenir… Ils sont plutôt venus nous parler du principe d’égalité, eu égard au mécanisme de filiation que nous devrions retenir dans le cadre de ce projet de loi : le principe d’égalité. Ils ont également rappelé que ce même projet de loi respectait en tous points le principe d’indisponibilité du corps humain tout comme celui de gratuité. Nous sommes donc aux antipodes des fantasmes de marchandisation que vous invoquez afin de justifier votre refus d’un progrès sociétal aujourd’hui très attendu.
Ce progrès répond par ailleurs à un principe de réalité. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : aujourd’hui, beaucoup d’enfants issus d’AMP réalisées à l’étranger soit par des femmes seules, soit par des couples de femmes, vivent dans notre pays.
Il nous faut donc nous montrer très prudents dans tout ce que nous évoquons dans cette salle : peut-être en effet certains d’entre eux, ou leurs parents, nous regardent. Nos débats seront observés : pensons-y lorsque nous parlons d’eux.
Durant les auditions que nous avons conduites – dans de bonnes conditions – ces quinze derniers jours, beaucoup de professionnels ont évoqué devant nous la notion d’altérité et mis en exergue le fait que celle-ci n’était pas forcément ni strictement sexuée, puisqu’elle peut s’observer dans différents couples et dans différents binômes. Elle peut en outre s’observer dans l’entourage très proche des individus.
Sans préjuger des propos de notre rapporteur sur cette partie du projet de loi, je pense que les bénéfices dont il est question tiennent surtout à un projet parental qui est affirmé, réfléchi, consolidé, et à ce fameux don d’amour dont parlait notre collègue Jacques Marilossian. Nous allons dans le bon sens, celui d’une société parfaitement assumée.
M. Erwan Balanant. Bravo !
Mme Agnès Thill. Je veux rappeler que la maltraitance n’est pas réservée aux hétérosexuels : elle s’élève à 30 % chez les femmes. En outre, s’agissant de la GPA dont nous parlons, si tout le monde est opposé à la marchandisation, il est fort possible que l’on fasse état de la GPA éthique : dans ce cas, il n’y aura pas de marchandisation.
Enfin, l’article 1er de ce projet de loi est à bien des égards paradoxal, qu’il s’agisse de la parité – ce qui prouve le besoin d’altérité – ou des femmes seules. Or nous savons tous qu’il faut les aider financièrement et bâtir une politique d’aide à la famille.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Puisqu’il m’est impossible de répondre à tous les arguments avancés, je n’évoquerai que quatre brefs points. On a évoqué le droit à l’enfant. Il n’y a pas de droit à l’enfant, il y a les droits de l’enfant, ou, de la part des parents, le désir d’enfant, tous légitimes.
Le droit à l’enfant n’existe pas. M. Chiche a rappelé à ce sujet que le succès d’une AMP n’était pas garanti puisqu’une procréation menée dans ces conditions n’a, à l’issue de quatre fécondations in vitro, que 60 % de chances d’aboutir.
N’oublions pas non plus le rôle de l’équipe médicale : comme dans chacun des autres actes qu’il accomplit, le médecin n’est pas un prestataire technique de services. En Belgique, où le corps médical pratique depuis bien longtemps l’AMP au bénéfice de femmes seules ou de couples de femmes, 30 % des femmes seules qui le sollicitent sont déboutées de leur demande parce que l’équipe médicale ne la considère pas comme méritant d’être poursuivie.
Bannissons donc une bonne fois pour toutes de nos discussions ce terme de droit à l’enfant, totalement inapproprié. Aucune demande de droit à l’enfant n’a été formulée par aucun d’entre nous.
Deuxièmement, effectivement, les centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) pratiquent depuis le début l’appariement afin d’essayer de maintenir le secret, une certaine vraisemblance, afin de laisser penser que l’enfant serait génétiquement issu de ses parents. Il faut désormais le laisser à la liberté des parents : certains le souhaitent, c’est très bien, respectons leur choix. Sans aller toutefois jusqu’à cette quasi absurdité en cherchant un appariement pour les groupes sanguins (ABO), et pourquoi pas demain pour les groupes HLA, et pour je ne sais quoi d’autre après-demain… C’est démodé. Mais un appariement physique peut être revendiqué par certains parents. Malheureusement, cela peut se retourner contre eux : les gens appartenant à des minorités ethniques ont le plus grand mal à trouver des donneurs correspondant à leur type.
Il faut donc laisser aux couples qui ne demandent pas d’appariement la possibilité de recevoir des gamètes d’un type différent – j’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, que nous examinerons le moment venu. Il ne serait par exemple pas choquant que demain un couple asiatique habitant en France puisse avoir ainsi un enfant de type caucasoïde, s’il le souhaite. L’appariement doit désormais être laissé en grande partie à la liberté des parents, et non imposé de façon paternaliste.
Troisièmement, bien entendu, la GPA est hors sujet. Je vois deux raisons pour lesquelles il n’y a aucun risque qu’elle constitue une dérive possible après l’adoption de ce projet de loi.
Tout d’abord, la GPA est pour l’instant interdite aux couples hétérosexuels : il n’est donc pas possible de l’étendre aux couples homosexuels. C’est donc tout à fait différent de l’AMP, dont l’accès était restreint, et sera désormais offert à toutes. Or la GPA reste interdite à tous.
Par ailleurs, il existe une autre différence, qui ne tient pas à une question de droit ou de demande d’égalité et qui est, chers amis, imparable, car anatomique : même si vous me direz qu’on ne peut insulter l’avenir et que l’on ne sait pas de quoi demain sera fait, pour encore longtemps, les hommes ne procréent pas au sein de leur propre organisme.
M. Xavier Breton. Pour l’instant !
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous conviendrez par conséquent qu’accorder à des femmes qui ont le droit d’élever leurs enfants, d’adopter des enfants et de se marier celui de faire des enfants n’a rien que de tout à fait normal. En revanche, évidemment, donner à des hommes la possibilité de procréer en leur sein n’est physiquement pas possible. Vous m’accorderez donc qu’il s’agit d’une chose totalement différente ; soutenir que de l’AMP dériverait la GPA relève de l’abus de langage.
Quatrièmement, vous sous-entendez qu’une telle évolution ne saurait avoir d’effets positifs ou bénéfiques. Or c’est bien le cas : les auditions que vous avez probablement suivies comme moi de façon attentive ont montré que des jeunes qui sont passés par un tel parcours expriment leur joie et leur fierté d’avoir eu deux mamans, comme d’autres expriment leur joie et leur fierté d’avoir eu une maman et un papa. Les uns comme les autres éprouvent la même fierté.
Il faut à cet égard que vous vous souveniez de l’état qui a précédé votre propre mémoire, c’est-à-dire de votre prime enfance. Nous l’avons tous connu : à ce stade, ce qui est normal, c’est la famille dans laquelle nous vivons. Si la famille ne compte qu’une mère, c’est cela, la normalité. Il en est de même si elle en compte deux.
M. Erwan Balanant. Exactement.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Lorsque l’on entre ensuite à l’école maternelle, l’on se rend compte que notre schéma normal n’est pas tout à fait universel puisque d’autres petits camarades ont un père et une mère. Et on découvre ensuite qu’ils sont même majoritaires ; mais tout cela se passe de façon naturelle et habituelle, sans que cela ne choque aucun de ces enfants. Ceux-ci ne demandent pas que l’on change leur modèle familial : ceux qui ont un père et une mère ne demandent pas qu’on leur enlève le premier ou la seconde, ou qu’on leur substitue quelqu’un d’autre. Et tous les enfants qui ont deux mères nous l’ont dit : je ne veux pas que l’on m’enlève une de mes mamans que j’aime pour la remplacer par un père. Ils sont parfaitement épanouis dans ce cadre familial.
D’ailleurs, les études de toute nature ont montré que, grâce à l’attention et à l’amour qu’ils reçoivent, les enfants issus d’une AMP, quel que soit leur modèle familial, disposent tous d’un avantage important : les sentiments et l’intérêt qu’on leur porte favorisent leur éveil. Ce qui n’a rien d’étonnant, s’agissant d’enfants autant attendus et espérés.
Par conséquent, oui, les effets d’une telle évolution sont positifs, que l’AMP ait été faite au bénéfice d’une femme seule, d’un couple homosexuel ou d’un couple hétérosexuel. Quoi qu’il en soit, l’AMP a pour les enfants des aspects positifs.
Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Nous répondrons, si vous le permettez à deux voix, avec Nicole Belloubet.
Je le répète : la loi relative à la bioéthique n’est pas une loi d’égalité des droits. L’argument me gêne dans les deux sens, c’est-à-dire autant lorsqu’il est utilisé par ceux qui revendiquent à tout prix la non-discrimination que lorsqu’il l’est par ceux qui soutiennent à tous crins que nous allons glisser vers l’égalité de droits.
Les lois relatives à la bioéthique ont toujours été construites de la même façon : elles interrogent une technique médicale offerte à la population au regard des principes éthiques fondamentaux qui s’imposent au-delà du droit. De ce fait, le raisonnement sur l’égalité des droits aboutit effectivement aux dérives que vous avez évoquées et conduit – je reprends les mots de M. Patrick Hetzel – les juristes à affirmer que l’argument juridique va s’imposer pour l’ouverture de la GPA. Or ce ne sera aucunement le cas : l’argument juridique sera toujours fort moins que l’argument éthique. Je laisserai Nicole Belloubet évoquer cet aspect, car il faut que nous nous mettions d’accord sur ce que doit être une loi relative à la bioéthique : nous ne sommes pas en train de comparer les droits des individus entre eux. Nous regardons chaque technique et chaque bénéficiaire potentiel, en tenant compte des possibles vulnérabilités ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant : tout cela s’impose au-delà du principe d’égalité et du droit à l’égalité.
Je réponds à M. Pascal Brindeau concernant le choix des gamètes et les critères de vraisemblance : effectivement, les règles de bonnes pratiques de l’AMP prévoient aujourd’hui que l’on peut, à la demande des parents, chercher les gamètes d’un donneur répondant à des critères de ressemblance physique ou appartenant à des groupes sanguins compatibles. Cette procédure visait à préserver le secret des familles. Je ne pense pas que les femmes la revendiquent, car une telle transposition me paraît compliquée. Il sera cependant peut-être légitime de réviser ces règles de bonnes pratiques à l’aune des nouvelles dispositions que nous prévoirons dans la loi.
Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Je répondrai à la question de l’égalité des droits, dont certains d’entre vous soutiennent qu’elle porterait en germe une dérive de l’AMP vers la GPA.
On peut à mon sens s’appuyer sur deux arguments afin de contrecarrer cette idée : le premier tient au fait qu’il n’existe pas, je le répète, de droit à l’enfant. Je vous ai expliqué hier soir que nous avons introduit dans le projet de loi un article créant un article 6-2 dans le code civil visant à bien préciser quels sont les droits et les devoirs de l’enfant ; mais vous ne trouverez nulle part mention d’un droit à l’enfant.
Dans son avis relatif au projet de loi relatif à la bioéthique, le Conseil d’État a indiqué très clairement qu’à partir du moment où il n’existe pas de droit à l’enfant, aucun principe d’égalité ne peut en découler : « La notion de droit à l’enfant n’ayant pas de consistance juridique, l’enfant étant sujet de droit et non l’objet du droit d’un tiers, aucune atteinte au principe d’égalité ne peut être invoqué sur ce terrain ».
Cela me paraît aller précisément dans le sens de ce que nous disons : on ne peut pas revendiquer l’égalité sur la base d’un « droit à » qui n’existe pas et qui n’a pas de consistance : dès lors, la question du glissement des droits d’un couple de femmes vers ceux d’un couple d’hommes ne se pose pas davantage.
Mon second argument à l’encontre de ce glissement vers la GPA, que M. Patrick Hetzel qualifie d’« effet domino implacable » tient au fait que le principe d’égalité ne peut à mon sens jouer en la matière. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel l’ont réaffirmé à plusieurs reprises en jugeant qu’au regard de l’AMP, les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ne sont pas dans la même situation, et les couples de femmes et les couples d’hommes pas davantage au regard de la procréation. Par conséquent, l’égalité ne peut pas être invoquée en la matière.
Par ailleurs, et je ne fais là que redire sous une autre forme la même chose que ce qu’Agnès Buzyn vient d’indiquer, la GPA pose deux problèmes liés à des principes fondamentaux, et tout d’abord à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes. Une GPA amènera les parties à décider par convention qui sera la mère de l’enfant. Or ce ne sera pas forcément celle qui accouchera : une telle situation porterait donc atteinte à l’indisponibilité de l’état des personnes. Par ailleurs, la GPA pose également, vous le savez, un problème de patrimonialité du corps, notion que nous récusons.
Nous devons respecter ces deux principes fondamentaux de notre droit : or la GPA bute précisément sur ces deux principes, à savoir l’indisponibilité de l’état des personnes et la non patrimonialité du corps humain.
Par conséquent, parce que le principe d’égalité ne peut être invoqué et parce que la GPA bute sur deux principes fondamentaux que nous devons respecter, je maintiens qu’il ne faut pas nourrir de craintes sur le plan juridique quant à un possible glissement de l’ouverture de l’AMP à des couples de femmes vers la GPA.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, président de la commission spéciale. Je propose que nous passions au vote.
La commission rejette les amendements identiques.
La commission est saisie de l’amendement n° 1009 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit par cet amendement de rappeler le principe suivant : l’AMP poursuit un objectif thérapeutique et ne peut être mise en œuvre que dans le respect des droits de l’enfant, et non pour satisfaire un hypothétique droit à l’enfant qui se verrait ici consacré de facto, quand bien même il n’est pas inscrit dans le projet de loi. Je ne pense pas que l’on puisse sincèrement parler de respect des droits de l’enfant lorsqu’on le prive délibérément de père.
Je rappelle par ailleurs les réserves exprimées par plusieurs psychiatres auditionnés par notre commission s’agissant notamment de l’ouverture de l’AMP à des femmes seules. Le professeur Myriam Szejer a notamment mentionné une culpabilité inconsciente ou consciente engendrée par le fait de ne pas donner de père à l’enfant concerné. Selon elle, cette culpabilité, surtout lorsqu’elle est inconsciente, provoque une forme d’anxiété maternelle.
De son côté, le professeur Pierre Lévy-Soussan s’est interrogé : placer délibérément un enfant dans une situation que l’on sait à risque fait-il partie du rôle de la médecine ? Autant de réserves qui méritent, me semble-t-il, d’être prises en compte.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous réitérez cette notion de thérapeutique : or non, l’AMP ne poursuit pas d’objet thérapeutique. De quoi est-on guérie à l’issue d’une AMP ? La femme est toujours aussi stérile après qu’avant… Et s’il s’agit d’un couple homosexuel, rien n’aura changé après l’AMP. On n’aura traité aucune maladie. Autrement dit, on ne poursuit pas un objectif thérapeutique.
Par ailleurs, vous reparlez du droit à l’enfant alors que nous venons de démontrer qu’il n’existe pas et que l’équipe médicale ne va pas se contenter d’obéir à une demande sans prendre en compte toutes les dimensions de cette forme de procréation. Nous y reviendrons d’ailleurs afin de prouver que l’engagement de l’équipe réalisant l’AMP inclut celui d’évaluer ces dimensions.
Votre proposition nous ramènerait en arrière : je me suis d’ailleurs demandé pourquoi vous n’étiez pas allée jusqu’à proposer de faire disparaître totalement l’AMP, puisque vous voudriez l’interdire lorsqu’elle a pour objet d’éviter la transmission de maladies graves, et la limiter aux seuls cas où une infertilité est médicalement prouvée. L’adoption de votre amendement nous conduirait donc très loin de l’état présent du droit, avant même le vote du projet de loi : vous souhaitez un retour en arrière, c’est-à-dire un régime d’interdiction beaucoup plus sévère. Or il me semble que nous ne sommes pas réunis ici pour évoquer la nostalgie d’un passé où la médecine ne s’était pas encore développée.
Enfin, vous convoquez à votre secours des psychiatres : chacun peut en appeler aux siens. Écoutez plutôt à ce sujet Mme Geneviève Delaisi de Parseval qui suit nombre d’enfants nés dans ces conditions : elle vous rassurera totalement. On trouve parmi eux, comme chez tous les autres enfants, des cas d’épanouissement parfait, parfois des cas à problèmes, mais ni plus, ni moins ; les psychiatres sont le reflet de ce constat. La pédopsychiatrie est faite pour répondre aux besoins de tous les enfants, qu’ils soient nés dans des conditions naturelles ou par le biais d’une assistance médicale à la procréation. Pour toutes ces raisons, mon avis est bien entendu défavorable : l’adoption de votre amendement nous conduirait en effet à l’opposé de l’objectif bénéfique que nous recherchons.
M. Fabien Di Filippo. Je tiens à insister sur la faiblesse de certains arguments employés par le rapporteur, qui soutient que l’AMP thérapeutique n’existe pas. Il faut tout de même placer sur un plan différent une AMP grâce à laquelle des couples hétérosexuels infertiles peuvent surmonter une maladie ou un handicap physique, car elle a tout de même, quoi qu’on en dise, une visée thérapeutique…
M. Erwan Balanant. Non, ce n’est pas thérapeutique !
M. Fabien Di Filippo. … et les AMP permettant de remédier à une infertilité « sociale », concept créé de manière complètement artificielle dans la loi. Ce sont des choses bien différentes.
Notre opposition à ce projet de loi ne vise pas à distinguer les mauvais parents des bons : la vie nous place les uns et les autres dans des situations bien différentes. En revanche, vous ne pouvez pas effacer le père, nier son existence et empêcher l’enfant de savoir qui l’a engendré et de le côtoyer, car cela pose problème. Et c’est un fait parfaitement objectif : personne n’est venu témoigner qu’il était content d’avoir deux mères parce que cela s’est bien passé… Et comment aurions-nous pu faire témoigner quelqu’un qui n’aurait pas été content parce que les choses se seraient mal passées ? Je répète que vous effacez de la vie de l’enfant l’existence d’un père grâce auquel, quoi qu’on en dise, il est là. Si les femmes peuvent bien évidemment porter un enfant dans leur sein, il faudra toujours, d’une manière ou d’une autre, un homme et une femme pour faire un enfant.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Non, il faut des gamètes.
M. Pascal Brindeau. Je reviens sur l’argumentation du rapporteur : il conviendra avec moi que le droit positif n’autorise pas l’ouverture de l’AMP à tous les couples homosexuels. Or il faut bien une cause de départ, qui est une suspicion de pathologie. J’entends bien que l’AMP ne répare pas une situation pathologique ; reste qu’elle a pour l’heure un lien avec une maladie potentielle ou avec une infertilité potentielle ; cela n’a rien à voir avec les situations pour lesquelles vous proposez de l’ouvrir. À tel point que les couples hétérosexuels pourront demain recourir par simple choix à une AMP, en décidant de ne plus procéder par la voie naturelle de procréation et de faire appel à une assistance technique.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est déjà le cas aujourd’hui.
M. Pascal Brindeau. Or c’est ce qui me gêne profondément : que l’on veuille ou non, et même si vous pouvez le contester aujourd’hui avec la plus grande force, mettre en concurrence cette voie de procréation naturelle et la technique ouvrira la voie à d’autres techniques qui permettront demain de choisir l’enfant que l’on souhaite et ses caractéristiques. Cette évolution porte un nom : le risque de l’eugénisme, et ce n’est pas dans la conception éthique de la France.
M. Patrick Hetzel. La question posée à travers cet amendement est celle du respect des droits de l’enfant.
Vous avez insisté, Madame la garde des Sceaux, sur le fait qu’il n’y avait évidemment pas de droit à l’enfant, mais des droits de l’enfant. Or, de ce point de vue, cet amendement apporte une sécurisation et va dans votre sens. Dès lors, on a du mal à comprendre le Gouvernement qui, d’un côté, rejette l’idée d’un droit à l’enfant et entend, tout comme nous, respecter les droits de l’enfant et, de l’autre, donne un avis défavorable à un amendement qui tend précisément à les sécuriser.
M. Pierre Dharréville. Tout d’abord, l’AMP est un palliatif, non une thérapie.
Ensuite, l’AMP est d’ores et déjà une pratique sociale, décidée par la société, pour faire face à un certain nombre de problèmes que rencontrent certains couples. Elle a déjà, par nature, un caractère social et pas seulement médical : c’est un outil que nous nous sommes donné, que la technique nous a permis d’élaborer pour faire face à certains enjeux. Au point où nous en sommes, il s’agit simplement de mettre les choses en cohérence et d’en tirer toutes les leçons. On mélange plusieurs problèmes : l’homoparentalité, la monoparentalité ; tout cela existe déjà dans la société ; mais les questions qui nous sont posées aujourd’hui ne sont pas de cette nature. Le temps est venu de tirer d’autres conclusions de cette pratique sociale qu’est devenue l’AMP. C’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
M. Xavier Breton. Je reviens sur l’évocation par notre rapporteur de l’audition de Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Elle a effectivement indiqué qu’elle était favorable à l’extension de l’AMP aux couples de femmes ; mais souvenez-vous qu’elle a également émis des réserves s’agissant des femmes seules, considérant qu’un enfant a besoin de deux parents et qu’en avoir un seul exigeait un travail psychique supplémentaire. Lorsqu’on cite des extraits d’auditions, encore doit-on respecter leurs auteurs.
M. Thibault Bazin. Selon vous, madame la ministre de la santé, l’argument de l’objectivation d’une pathologie ne tient pas dans la mesure où cela ne constitue pas une clause d’accessibilité à l’AMP. Or l’article L. 2141-2 du code de la santé publique dispose que « le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué »… Pourriez-vous préciser vos propos ?
M. Guillaume Chiche. Ce projet vise à étendre l’accès à l’AMP à l’ensemble des femmes et non à réviser ou à restreindre des droits existants. Or cet amendement priverait un certain nombre de couples – en l’occurrence, hétérosexuels – de la possibilité de recourir à l’AMP. Il est particulièrement malvenu d’expliquer à des personnes qui, aujourd’hui, peuvent y recourir que cela ne leur serait plus possible après l’adoption de ce texte. C’est pourquoi, outre les arguments de M. le rapporteur, nous sommes défavorables à l’adoption de cet amendement.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Di Filippo, je rappelle que l’adoption plénière est aujourd’hui autorisée pour les familles homoparentales et monoparentales. Nier ce fait et considérer que l’accès à l’AMP implique d’appartenir à un autre modèle familial revient à instituer une hiérarchie entre un enfant adopté et un enfant né de l’AMP. Or le législateur a déjà estimé que ces familles étaient suffisamment robustes et solides pour accueillir un enfant adopté.
Pour ce qui est de l’objectivation d’une pathologie sous-jacente, la démarche est la suivante : lorsqu’un couple se présente pour engager une démarche d’AMP, il doit déclarer qu’il est en situation d’infertilité ou d’essai de grossesse depuis un an. Ensuite, l’équipe recherche d’éventuelles causes médicales qu’il serait possible de traiter. À défaut – et cela arrive souvent –, la démarche d’AMP continue. Ce n’est pas parce qu’aucune maladie, aucune cause d’infertilité n’est découverte que les parents ne peuvent pas accéder à cette technique. Quelle que soit la cause d’infertilité, je l’ai dit – et même si, à la limite, les parents ne se sont jamais accouplés, et nous n’avons aucun moyen de le savoir… –, ils ont droit à une démarche d’AMP.
Force est d’ailleurs de constater qu’il n’existe pas toujours de pathologie : bon nombre de couples, après une première grossesse par AMP, font par la suite des enfants par voie naturelle… Nous savons très bien que des blocages psychologiques peuvent jouer. Autrement dit, ce critère absolu d’une pathologie nécessaire dont vous voulez tirer argument ne correspond pas à ce qu’est la réalité vécue par les couples hétérosexuels.
Mme Annie Genevard. Madame la ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises la similitude qu’il y aurait entre l’adoption d’un enfant par un couple de même sexe et l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes.
Comme vous le savez, un premier argument consiste à distinguer les choses : un enfant adopté est à l’origine une victime des malheurs de la vie, privée de son père et de sa mère biologiques, avant de retrouver une famille ; la situation d’un enfant conçu par PMA est bien sûr totalement différente. Tout cela, nous l’avons dit et redit.
En revanche, vous utilisez un argument que je trouve choquant : le législateur a tranché et de ce fait, si vous me permettez cette expression un peu triviale, circulez, il n’y a rien à voir, et surtout rien à dire.
Un certain nombre d’entre nous ont participé aux discussions sur le mariage et l’adoption – on résume trop souvent cette loi au mariage pour tous, oubliant que l’important dans ce texte était moins le mariage que la faculté d’adopter. Nous avons quant à nous combattu cette disposition et nous la combattons aujourd’hui parce que nos convictions n’ont pas changé. Je crains, madame la ministre, qu’il ne vous faille entendre cet argument un certain nombre de fois encore ; car même si la majorité a changé, il reste toujours une minorité à s’y opposer, et nous avons toute légitimité pour le faire.
Enfin, dernière différence que je tiens à souligner : l’enfant adopté avait un père et une mère, dont il a été privé par les aléas tragiques de son histoire ; mais l’enfant conçu dans le cadre d’une AMP au sein d’un couple de même sexe, verra sa filiation sexuée effacée puisqu’il aura deux mères d’intention et que l’élément masculin est supprimé ab initio. C’est là une différence majeure qui motive profondément notre opposition.
Mme Sereine Mauborgne. Lorsque vous dites, madame Genevard, que le père est totalement gommé dans le cadre d’une AMP, le problème se pose également pour les couples hétérosexuels. En quoi l’homoparentalité poserait-elle un problème spécifique ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. En principe, madame Mauborgne, les débats ne doivent pas se dérouler entre vous.
Mme Sereine Mauborgne. Je réagissais aux propos tenus.
M. Thibault Bazin. Pour réagir à ceux de ma collègue Mauborgne…
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ce qui s’applique à Mme Mauborgne s’applique à vous, monsieur Bazin.
M. Thibault Bazin. Justement, je vais soutenir les propos de ma collègue Genevard pour essayer de convaincre la ministre et le rapporteur.
Nous créons une situation dans laquelle, ab initio, l’enfant est privé d’un père. Or c’est seulement aujourd’hui que nous mesurons les conséquences et les dégâts des lois de 1994 – d’où les questions sur la levée de l’anonymat. Dans vingt ans, quels seront les effets des décisions que nous allons prendre ? Des enfants ne pourraient-ils reprocher à l’État d’être la cause de leur situation ? Nous n’en savons rien, mais nous devons nous poser la question, en toute responsabilité.
En outre, si un enfant issu de l’AMP d’un couple de femmes fait connaissance, dix-huit ans plus tard, avec son géniteur – lequel aura donné son accord –, qu’ils se prennent d’affection l’un pour l’autre et que l’enfant souhaite le prendre pour père, cela ne lui sera pas possible. La question mérite en tout cas d’être posée, surtout avec la levée de l’anonymat. Privilégiera-t-on l’intérêt de l’enfant devenu majeur ou celui des parents ab initio ? Peut-être la question se posera-t-elle dans vingt ans.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ce débat, et notamment cette dernière question, se pose de la même manière dans tous les cas d’AMP avec donneur.
Il faut mesurer ce qu’est un parcours d’AMP, comme il faut mesurer ce qu’est un parcours d’adoption. Il faut mesurer ce que c’est qu’être parent. Être parent, ce n’est pas avoir contribué à la vie avec ses gamètes : c’est aussi avoir été là chaque jour de la vie de l’enfant.
Ajoutons qu’un très grand nombre d’enfants, aujourd’hui, adoptés ou nés d’AMP avec donneur, ne souhaitent à aucun prix rencontrer leur géniteur ; à l’inverse, d’autres le souhaitent, et entreprennent d’ailleurs pour ce faire des démarches parfois douloureuses.
Dans le cas d’AMP avec donneur, suivre votre raisonnement revient à effacer le donneur en tant que père alors qu’il s’agit de répondre à un projet parental qui peut être celui d’un couple formé par un homme et une femme, d’un couple constitué de deux femmes ou celui d’une femme seule. L’important est de repenser le projet parental et de ne pas appeler « père » le donneur ou « mère » la donneuse – puisqu’il est aussi possible de faire des dons d’ovocytes. Il est très important de le rappeler pour respecter les personnes qui nous écoutent et qui sont nées d’AMP avec donneur ou qui ont été adoptées, et de ne jamais faire la confusion entre ce qu’est un père ou une mère et un géniteur.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je vous rappelle que seuls les membres de la commission spéciale ont le droit de participer au vote.
La commission rejette l’amendement n° 1009.
Elle examine ensuite l’amendement n° 1024 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Trois observations à propos de cet amendement, qui me permettront également de réagir à ce qui a été dit précédemment.
Ce projet de loi sur l’AMP pour toutes, ai-je entendu, n’enlève de droits à personne ; or il me semble que l’on enlève prioritairement à l’enfant celui d’avoir un père.
Ensuite, à vous entendre, l’adoption et l’AMP, c’est un peu la même chose, on se retrouve finalement dans la même situation. Or, avec l’adoption, on donne des parents à un enfant qui en a été privé suite à un accident de la vie ; avec l’AMP, on donne un enfant à des parents. La logique est donc radicalement inverse.
Enfin, l’AMP pour toutes s’inscrit dans la lignée de la loi qui a consacré le mariage pour tous. Je vous rappelle que le gouvernement de l’époque avait juré, la main sur le cœur, que le mariage des couples homosexuels n’emporterait pas de conséquences sur la filiation. Pourtant, aujourd’hui, nous y sommes. Permettez‑moi donc de douter de l’interdiction ad vitam aeternam de la GPA.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Même argumentation que pour l’amendement précédent : celui-ci tend à réserver exclusivement l’AMP aux cas d’infertilité pathologique, ce qui est très restrictif, même au regard de la législation actuelle – et, à plus forte raison, au regard de l’évolution que nous entendons proposer au bénéfice des personnes concernées, enfants et parents.
M. Patrick Hetzel. Cet amendement soulève également une question abordée la semaine dernière, en particulier, au cours de l’audition du professeur Drago : celui-ci s’est interrogé sur le risque de contentieux, pour l’État, dans la mesure où ces enfants nés sans père pourraient considérer qu’ils subissent un préjudice à cause de cette loi et qu’ils pourraient en demander réparation.
J’aimerais que la ministre de la justice nous dise ce qu’elle en pense, car un certain nombre de juristes nous ont alertés sur ce volet-là : à terme, les enfants concernés pourraient attaquer l’État pour avoir été dès le départ privés de père.
M. Bruno Fuchs. J’entends cet argument et je me suis moi-même posé la question, comme tous mes collègues, mais je ne peux adhérer à l’idée selon laquelle nous priverions un enfant de père : nous offrons à un enfant le droit de vivre alors que, sans ce nouveau droit de l’AMP accordé à des femmes seules ou en couple, il n’y aurait par définition pas de vie nouvelle. Nous rendons possible la naissance d’une vie nouvelle dans le cadre d’un projet parental, un projet d’amour, un projet de vie qui doit être soutenu.
M. Didier Martin. Cet amendement vise en effet à exclure les femmes seules et les couples de femmes du recours à l’AMP. Il est donc exactement à l’opposé du projet de loi que nous proposons.
Je voudrais aussi que chacun pense un instant à toutes ces femmes seules, à tous ces couples de femmes qui vivent des moments plus ou moins douloureux ou difficiles, et financièrement lourds, en étant contraintes de sortir du territoire par milliers pour bénéficier de l’AMP à l’étranger. À chaque fois que l’on s’oppose à ce nouveau droit que nous voulons instituer, on oublie le parcours de vie de ces femmes.
Ce rappel me semble nécessaire, car si les arguments des uns et des autres reflètent des convictions, une vision de l’avenir, nous n’avons pas encore vraiment évoqué ces femmes, seules ou en couple, qui vivent des situations auxquelles elles ne doivent pas être éternellement soumises. Au contraire, elles doivent pouvoir bénéficier, à proximité de chez elles, dans les meilleures conditions, de ce nouveau droit que la loi offre aujourd’hui aux couples hétérosexuels.
M. Fabien Di Filippo. Quoi que l’on en dise, nous avons entendu de nombreux arguments pour justifier le droit des couples de femmes à avoir un enfant. Mme la ministre Vidal a même dit qu’il ne fallait plus parler de père pour désigner le géniteur… Nous n’avons donc même plus le droit de parler du père !
M. Fuchs, de son côté, explique que l’enfant devrait se réjouir de sa seule présence au monde. Mais ce qui le réjouirait, c’est de connaître ses origines, de savoir d’où il vient ! Je ne dis pas qu’il a forcément besoin d’un père pour l’élever et s’occuper de lui tous les jours – la vie nous met dans les situations où elle nous met –, mais qu’il a besoin, pour se construire, de savoir d’où il vient et quelles sont ses origines.
On ne peut pas nier, effacer d’un trait de plume l’existence d’un père biologique ! Lorsque l’enfant aura grandi, il décidera avec qui il tissera des liens, qui il appellera « papa », « maman », ou « maman et maman », mais vous ne pouvez pas effacer d’un trait de plume l’existence d’un père. Or, quoi que vous en disiez, avec ce texte, vous allez priver l’enfant de la possibilité de savoir d’où il vient et qui a été son père.
Mme Coralie Dubost. Vous faites une confusion : c’est déjà la situation que connaissent les couples hétérosexuels après avoir recouru à une AMP. Depuis 1994, le droit dispose que le donneur n’est jamais le père et c’est très bien ainsi. Le donneur a donné un patrimoine génétique mais la filiation, dans tous les cas, est impossible.
En l’occurrence, il ne s’agit pas d’effacer le père, mais, au contraire, de reconnaître le choix fait par le donneur, et qui consiste à donner des gènes, non à s’engager en responsabilité dans un projet parental. Il ne fait qu’accompagner ceux qui portent le projet parental. Selon moi, vous faites une confusion préjudiciable à toutes les familles hétéroparentales qui ont bénéficié d’une AMP.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Ce projet de loi, monsieur Di Filippo, représente une avancée considérable puisque l’enfant, à sa majorité, pourra retrouver ses origines. C’est cela qui est important. Si sa construction ne lui a pas permis de trouver la sérénité, il pourra rechercher ce qui lui manque à travers cet accès aux origines ; mais quoi qu’il en soit, c’est auprès de son père et de sa mère ou de ses deux mères qu’il se construira, et il pourra le faire fort bien sans forcément avoir grandi dans un couple constitué par un papa et une maman.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Mme la députée Ménard, si j’ai bien compris, considère que l’ouverture de l’AMP à des couples de femmes n’est que la conséquence de la loi relative au mariage pour tous.
Mme Emmanuelle Ménard. Elle en est le prolongement.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Je ne crois pas que ce soit le cas. Les choix qui ont été faits dans la loi du 17 mai 2013 n’ont aucune incidence sur le choix d’ouvrir l’AMP aux couples de femmes, qu’elles soient du reste mariées ou non.
La loi de 2013 concernait le mariage et l’adoption ; il n’y avait dedans aucun élément sur l’AMP. Aujourd’hui, c’est un choix différent qui vous est proposé et qui, d’une certaine manière, n’a rien à voir avec ce que le législateur a choisi de faire dans la loi sur le mariage pour tous.
La deuxième observation porte sur la question de la responsabilité. M. Patrick Hetzel se demande si les enfants nés d’un couple de femmes pourraient attaquer leurs mères ou l’État pour avoir été privé de père dès le départ. Cela me semble extrêmement difficile, sinon impossible : il faudrait qu’une faute et un préjudice aient été commis ; or les mères agiront précisément dans le respect de la loi qui, nous l’espérons, sera adoptée. Par ailleurs, je ne vois pas très bien en quoi le fait d’être élevé par deux femmes pourrait constituer un préjudice. En l’occurrence, la question de la responsabilité n’est pas pertinente.
M. Patrick Hetzel. Le professeur Drago a rappelé que la cour d’appel de Metz, en 2016, avait estimé à 25 000 euros le préjudice moral subit par un enfant privé de son père parce que celui-ci avait été écrasé alors que sa mère était enceinte. Ce préjudice a été confirmé par la Cour de cassation et peut donc faire jurisprudence, mais c’est sans doute un débat de juristes.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Vous voyez bien que les deux situations sont totalement différentes : dans un cas, l’enfant a effectivement été indemnisé de la perte de son père ; dans celui qui nous occupe, le postulat de départ est totalement différent.
La commission rejette l’amendement n° 1024.
La commission est saisie de l’amendement n° 1026 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. En théorie, il ne devrait pas être nécessaire d’introduire la précision que je propose par cet amendement. Pourtant, à la lumière d’un projet de loi qui veut priver délibérément un enfant de son père, il convient de rappeler que notre droit doit se soumettre aux principes juridiques qui découlent de la hiérarchie des normes, notamment, des textes internationaux et, parmi eux, la convention internationale des droits de l’enfant.
Par ailleurs, je souhaite revenir sur l’intervention de M. Martin qui nous enjoint, et j’en suis bien d’accord, de prendre en compte la douleur de ces femmes obligées de se rendre à l’étranger pour effectuer une AMP. J’aimerais qu’à leur douleur on associe celle des enfants qui, eux, grandiront sans père.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre demande est satisfaite puisque l’accès à l’AMP fait l’objet d’un accompagnement spécifié à l’article L. 2141-10 modifié par le présent article 1er, et qui reconnaît les droits de l’enfant – y compris un droit supplémentaire important, celui de l’accès aux origines – de même que la motivation du couple, l’information sur les possibilités de réussite et d’échec, les règles relatives au consentement, etc.
S’agissant du rôle du père, soyons très clairs entre nous : le géniteur n’est en rien un père. Plutôt que d’ajouter des arguments juridiques à ceux qui ont été donnés par Mme la ministre ou Mme Coralie Dubost, je rappellerai la célèbre phrase que Marcel Pagnol fait dire à César, dans sa trilogie marseillaise : le vrai père, c’est celui qui aime, celui qui pourvoit aux besoins de l’enfant, qui assure son éducation. N’appelons donc pas « père » ou « père biologique » le géniteur : il est celui qui a fait don de ses gamètes, mais il n’a rien à voir avec un père. Ne confondons pas les deux !
Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, notre débat sur le père, la place qu’il doit avoir, les conséquences de son absence, est tout à la fois fondamental et légitime.
Lors des auditions, j’ai été frappée de découvrir qu’il y avait trois absents.
Le père tout d’abord. Selon moi, nous ne nous sommes pas suffisamment interrogés sur les conséquences de l’absence de père dans la filiation alors qu’il en est complètement effacé, les mères devenant les seuls parents.
L’enfant, ensuite, dont nous n’avons pas assez parlé — nous reviendrons dans nos discussions sur les études qui ont été menées et sur leur fiabilité.
La biologie enfin. J’ai été frappée du discours anti-biologie de nos collègues favorables à ce texte, comme s’il y avait une sorte d’indécence à en parler. Nous ne pouvons tout de même pas effacer la dimension sexuée et biologique de la filiation au motif que nous ouvrons des droits aux couples de femmes ! C’est pourquoi nous reviendrons sur cette question lorsque nous examinerons la suppression du titre VII bis au profit du nouveau dispositif que Mme la garde des Sceaux nous a présenté hier. Elle nous a assuré qu’il était léger, qu’il effleurait à peine ce titre ; à ceci près que même la femme qui a accouché, dans un couple de femmes, n’a pas un statut différent alors que, par nature, c’est elle la mère ; or elle n’est donc plus reconnue en tant que telle et se voit placée exactement au même rang que sa conjointe.
M. Alexis Corbière. Mme Ménard a évoqué la douleur des enfants sans père. C’est un vaste débat, mais je crains qu’en défendant un tel état d’esprit on n’en vienne à supprimer toute une série de droits. Imaginons une femme qui choisit de donner naissance à un enfant malgré ses relations orageuses avec un homme. Cela devrait-il devenir illégal ? On met là le doigt dans une spirale extrêmement dangereuse. On peut aussi évoquer la douleur des enfants qui n’ont jamais souhaité avoir tels ou tels parents, sans doute bien plus vive que celle pouvant naître après l’union aimante de deux personnes choisissant d’avoir un enfant. N’allons donc pas sur ce terrain glissant, surtout lorsqu’il s’agit de légiférer !
Il me semble que l’on multiplie les arguments d’autorité alors que, à ma connaissance, rien n’atteste qu’il puisse exister une telle douleur de l’enfant dans un couple de femmes homosexuelles. On peut le marteler pendant toute la nuit mais, en l’état, toutes les études démontrent, et c’est tant mieux – ou tant pis pour ceux que cela indispose – que tel n’est pas le cas.
Mme Agnès Thill. Le problème de cette absence du père mérite que l’on s’y attarde quelques instants.
Études ou non, des spécialistes font état de cette douleur et ma vie professionnelle en atteste également. Si, comme il semble, un enfant peut sans problème naître et grandir sans père, est-ce à dire que celui-ci, dont j’ai bien compris qu’il n’était pas indispensable, ne serait même pas utile ? Dans ce cas, c’est cette société-là dont je ne veux pas, une société qui dit que l’autre n’est pas nécessaire. Est-on en train de fabriquer une société dans laquelle la moitié de l’humanité – en l’occurrence, les hommes – serait exclue sans que cela ne soulève aucun problème ? Cette société-là, je n’en veux pas !
M. Hervé Saulignac. Les débats seront longs et l’on ne manquera pas d’user de certains arguments parfois un peu tirés par les cheveux… On peut toujours évoquer la douleur des enfants sans père, quand bien même elle me semble tout à fait contestable et très largement contestée. On peut aussi se pencher sur la douleur des enfants sans amour et sans soin, qui n’est pas l’apanage des seuls couples hétérosexuels ou homosexuels.
Je suis convaincu que l’ouverture de l’AMP aux femmes seules ou aux couples de femmes ne revient pas à exposer mécaniquement les enfants à un risque de manque d’amour et de soin. En aucun cas. Une telle ouverture permet de répondre à un désir d’enfant à travers un droit nouveau.
L’argument consistant à dire que, sans père, un élément essentiel manquerait à l’épanouissement d’un enfant est fallacieux.
M. Didier Martin. Comment vit-on sans père ? Seuls ceux qui en ont fait l’expérience pourraient en parler.
L’amendement proposé est inutile, à moins d’admettre qu’il faudrait interdire à des femmes de quitter le territoire pour bénéficier d’une AMP. Si l’absence de père est une douleur pour l’enfant, il faudrait à tout prix l’éviter. Voulez-vous aller jusque-là avec ce genre d’argument ? Par ailleurs, les droits de l’enfant auxquels se réfère cet amendement sont universels. Pourquoi évoquer ces droits pour l’AMP et pas pour d’autres questions concernant les enfants en général ? Cet amendement me semble totalement superfétatoire.
M. Thibault Bazin. Pourquoi en parler ? Je m’adresse au rapporteur et aux ministres : parce que l’on crée un droit et qu’il faut vérifier que les conditions sont réunies pour préserver l’intérêt de l’enfant. Ce point est tout de même essentiel.
J’établis un lien avec le débat sur la filiation. Pourquoi cette ouverture de droits aux couples de femmes et aux femmes seules ? Tel était, certes, le projet d’Emmanuel Macron qui déclarait d’ailleurs dans un tweet en février 2017 que la non-ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules était « une discrimination intolérable » – on sent bien que la question discriminatoire peut recouvrir une confusion politico-juridique sur l’égalité.
Mais un couple d’hommes pourrait fort bien revendiquer un même droit sur ce fondement de la filiation à partir d’un « don d’amour », comme vous l’avez dit, afin de répondre à sa souffrance, à son désir d’accueillir un enfant ! Vous avez évoqué le parcours de ces femmes contraintes de se rendre à l’étranger, mais quid du parcours de ces hommes ? Et sitôt que l’on file le raisonnement, on se retrouve à aller vers la GPA. Nous voyons bien qu’il ne s’agit pas de réformer nos lois de bioéthique stricto sensu. N’aurait-il pas été plus pertinent, mesdames les ministres, de réformer le droit de la filiation ?
M. Raphaël Gérard. Ce débat est très intéressant mais j’ai le sentiment que l’on aborde ce sujet comme s’il était complètement abstrait.
Comme M. Dharréville l’a rappelé fort justement, ces familles existent. Les familles homoparentales n’ont pas attendu la loi de 2013 pour exister ! Il y en a toujours eu et il ne s’agit pas d’inventer un nouveau modèle familial : il faut simplement intégrer ces dernières dans la société.
M. Martin l’a dit : aujourd’hui, ces couples de femmes ou ces femmes seules qui souhaitent recourir à une AMP doivent dépenser des sommes importantes à l’étranger, dans des pays où ces grands principes fondateurs que sont l’indisponibilité du corps et la non-marchandisation du matériel génétique ne sont pas toujours appliqués aussi rigoureusement que chez nous.
Arrêtons de faire comme si ces familles n’existaient pas, intégrons-les ! En ouvrant cette technique aux couples de femmes et aux femmes seules, nous réglerons cette question de la marchandisation du corps à l’étranger.
M. Xavier Breton. Nous sommes d’accord : il existe déjà des couples de femmes qui ont des enfants, en adoptent, en élèvent. Le problème est de savoir si l’on utilise le mot « mère » ou « maman » pour les deux et si l’on supprime les mots « père » et « papa ».
Nous parlons certes de l’amour, mais je me souviens très bien de ce pédopsychiatre qui expliquait, à la fin de son audition, que les enfants n’ont pas besoin d’amour mais de parents. L’amour, ça va, ça vient, si j’ose dire, chacun d’entre nous est bien placé pour le savoir (Sourires), c’est très aléatoire… Or le droit n’est pas le baromètre de l’amour : il vise à objectiver les choses pour définir, en l’occurrence, une relation entre un enfant et des adultes à travers le lien de la filiation.
Comment utilise-t-on les mots « père » et « mère » dans notre droit ? Dès lors que l’on dit à un enfant qu’il a deux mères, à égalité, on évacue la dimension corporelle de la grossesse et de l’accouchement, on met de côté cette réalité du corps qui, d’une certaine manière, rattrape l’enfant lors de sa construction.
Encore une fois, il ne s’agit pas de discuter de modes de vie, mais de savoir si, dans notre droit de la filiation, les mots « père » et « mère » ont encore un sens ou non.
M. Guillaume Chiche. On entend beaucoup parler du père, mais peut-être faut-il s’interroger sur ce qu’est un donneur, et rappeler qu’à aucun moment, ceux qui font un don de gamètes ne prétendent au statut de père. Du reste, la loi les en préserve : on ne peut ni engager leur responsabilité parentale ni établir une filiation entre le donneur de gamètes et l’enfant né de ce don. J’ajoute qu’il serait particulièrement dangereux de proposer une évolution en ce sens, dans la mesure où cela percuterait de plein fouet nombre de familles hétérosexuelles qui ont recouru à une aide médicale à la procréation avec tiers donneur – pour rappel, 24 000 enfants naissent chaque année d’une AMP. Certes, pour une partie seulement d’entre eux, les parents ont eu recours à un tiers donneur, mais ils existent et sont bien réels. Or, il serait absolument faux d’affirmer que le donneur est le véritable père de ces enfants ; c’est bien un géniteur.
M. Thibault Bazin et Mme Emmanuelle Ménard. Ce n’est pas ce qui a été dit : vous caricaturez !
M. Guillaume Chiche. Je ne cherche pas à caricaturer, je m’efforce de comprendre vos arguments et d’y répondre.
À vous entendre, on retirerait son père à un enfant. Or, dans un parcours d’AMP, une femme – demain, seule ou en couple avec une autre femme ; aujourd’hui, en couple avec un homme – qui a le désir de fonder une famille recourt à un don pour enfanter et aller au bout de son projet parental. À aucun moment, n’intervient un père que l’on escamoterait.
Mme Annie Genevard. Monsieur Chiche, nous nous sommes, me semble-t-il, mal compris. Nous ne prétendons pas que le donneur a vocation à être le père ou la légitimité pour l’être. Nous nous interrogeons simplement sur le rôle de la paternité dans la construction d’un enfant. À cet égard, permettez-moi de citer les propos lumineux de Mme Sylviane Agacinski : « Il n’y a pas d’équivalence ni de similitude de condition entre les sexes et entre les couples. La maternité et la paternité représentent des situations asymétriques et, si les mots ont encore un sens, une mère n’est pas l’équivalent féminin d’un père. » On ne saurait dire les choses plus clairement.
Par ailleurs, je souhaiterais répondre à ceux qui estiment que cette loi serait justifiée par le fait que des cohortes de femmes se rendent à l’étranger, mettent leur santé en péril et dépensent des sommes très importantes pour réaliser un projet familial. Sur ce point, une expertise montre que les chiffres ne sont pas stabilisés et qu’en tout état de cause, ils ne correspondent pas à ceux qui figurent dans l’étude d’impact. À vous entendre, il faudrait légiférer pour répondre à une situation de première urgence. Commençons par examiner attentivement les choses afin de connaître notamment le nombre des femmes concernées. Faut-il rappeler que nous nous apprêtons à opérer un changement dont certaines des personnes que nous avons auditionnées, qui sont pourtant de véritables thuriféraires du texte, ont qualifié de fondamental, en évoquant un changement de civilisation. Le nombre des couples concernés est-il si conséquent qu’il justifie que nous modifiions à ce point le droit de la filiation ?
M. Jacques Marilossian. Ne faisons pas l’autruche : nous savons que des femmes franchissent la frontière pour recourir à l’AMP à l’étranger. Il y a quelques années, Mme Simone Veil, constatant que 300 000 avortements étaient pratiqués chaque année, avait estimé qu’il fallait arrêter de nier ce fait et définir un cadre.
Certes, un père est nécessaire à la construction d’un enfant, mais c’est un idéal. Lorsque mes parents ont divorcé, dans les années 1960, seulement un pour mille des enfants se trouvait dans ma situation. Aujourd’hui, ils représentent la moitié de la classe de mes propres enfants, au lycée. Dans les années 1960, je ne me sentais pas normal ; ce n’est plus le cas aujourd’hui d’un enfant de divorcés. Pourquoi ? Parce qu’un enfant passe plus de temps à l’école que dans sa famille : c’est donc là qu’il construit son modèle de société. Demain, lorsque des enfants ayant deux mamans ne seront plus les seuls à se trouver dans cette situation, ils ne se sentiront pas anormaux. C’est cela qui importe ! La construction de l’enfant se fait bien entendu dans sa famille – et s’il y a de l’amour, c’est largement suffisant –, mais aussi, du point de vue de son identité et de son rôle social, dans la société, à commencer par l’école. Le plus important, c’est qu’il ne se sente pas différent des autres, exclu, anormal, parce qu’il serait le seul de sa classe à avoir deux mamans.
Arrêtons de nous voiler la face : des couples de femmes ont recours à l’AMP à l’étranger, il faudra bien leur donner une place en France !
La commission rejette l’amendement n° 1026.
Puis elle est saisie de l’amendement n° 2057 de M. Pascal Brindeau.
M. Pascal Brindeau. La problématique de l’ouverture de l’AMP n’est évidemment pas liée, à mon sens, à l’orientation sexuelle des familles. Dès lors que l’on fonde le projet familial sur la seule volonté d’un projet parental
– aujourd’hui, celui d’un couple hétérosexuel, demain celui d’un couple de femmes ou d’une femme seule – et que l’on réduit l’AMP à un instrument permettant de faire droit à ce projet, on ouvre un champ qui relève de l’éthique. En effet, qu’est-ce qui empêchera, demain, de recourir à cet instrument médical pour réaliser un projet parental à plus de deux ? Pourquoi refuserions-nous à trois personnes, quel que soit leur genre, de développer un tel projet fondé sur l’amour d’un enfant à naître ? Demain, il n’y aura plus de barrières juridiques et éthiques à opposer à ce type de demandes.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la lignée des précédents : il s’oppose au progrès de la loi. Nous y sommes donc bien entendu défavorables.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques n° 3 de M. Xavier Breton, n° 191 de M. Patrick Hetzel et n° 541 de Mme Annie Genevard, ainsi que les amendements n° 629 de M. Thibault Bazin, n° 1034 de Mme Émilie Bonnivard, n° 1045 de M. Philippe Gosselin, n° 1579 de M. Bruno Fuchs et n° 1772 de M. Raphaël Gérard.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 3 vise à maintenir la rédaction actuelle de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique en soumettant le recours à l’AMP à la condition d’une infertilité médicalement constatée.
À ce propos, je souhaiterais savoir, madame la ministre de la santé, si une étude d’impact a été réalisée sur les conséquences de la suppression du critère de l’infertilité pour les couples femme-homme. Combien d’entre eux vont demander à y avoir accès ? Rappelons-nous les auditions réalisées par la mission d’information que je présidais et dont M. Jean-Louis Touraine était le rapporteur : ni le président du Comité consultatif national d’éthique ni le Défenseur des droits n’étaient favorables à la suppression de ce critère pour les couples hétérosexuels. A-t-on bien mesuré toutes les conséquences d’une telle mesure ?
M. Patrick Hetzel. Lors de son audition, la semaine dernière, le professeur Lévy‑Soussan nous a alertés sur le fait qu’une AMP sans père avait un certain nombre d’incidences. Ce faisant, il s’appuyait sur un certain nombre d’études qui montrent que l’adoption d’enfants par un seul parent crée des difficultés liées à l’absence d’un des deux parents. Les éléments dont nous disposons ne nous permettant pas d’écarter tout risque pour l’enfant, nous estimons que le principe de précaution devrait s’appliquer. Tel est l’objet de l’amendement n° 191.
Mme Annie Genevard. Par l’amendement n° 541, nous proposons de maintenir les conditions actuellement exigées pour le recours à l’AMP.
Lorsque je vous entends, mesdames les ministres, j’avoue ma perplexité. L’ouverture de l’AMP aux couples de femmes n’est pas un sujet médical ; en effet, comme l’a dit Mme Aurore Bergé, ce dispositif est, de ce point de vue, connu et éprouvé. Ce n’est pas non plus, avez‑vous dit, madame la ministre de la santé, un sujet éthique – ce qui est étonnant, puisque nous examinons un projet de loi de bioéthique – ni une question d’égalité des droits. Je souhaiterais donc vous poser une question simple : qu’est-ce que l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes ? Jusqu’à présent, vous l’avez défini par ce qu’elle n’est pas…
M. Thibault Bazin. L’amendement n° 629 a un objet similaire. Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué tout à l’heure qu’il ne fallait pas oublier pas le rôle de l’équipe médicale. Il s’agit, en effet, d’une question de fond. Que demandons-nous à la santé publique, dans un contexte – vous le savez, madame la ministre de la santé – très tendu, si tendu que certains assurés sociaux pourraient ne pas comprendre que l’assurance maladie soit sollicitée. Aussi, je souhaiterais vous interroger sur trois points liés aux effets de la suppression du but thérapeutique de l’assistance médicale à la procréation.
Tout d’abord, qu’en est-il de la médecine, dont les moyens humains et financiers ne sont pas extensibles et qui peine déjà à faire face aux défis qu’elle a à relever ?
Ensuite, que deviendra la relation entre patient et médecin si, les moyens n’étant plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques, celui-ci est contraint d’arbitrer entre différentes situations ? La gestion, on l’a bien compris, se fera au fil de l’eau, mais les délais vont s’allonger et les couples, homosexuels comme hétérosexuels, pourraient nourrir une certaine suspicion et se considérer comme discriminés. Cette frustration croissante peut créer des tensions dans notre société.
Enfin, si, faute de critère objectif, la médecine ne procède plus qu’à une évaluation subjective de la souffrance des personnes désireuses d’accueillir un enfant, sans pour autant souffrir d’une pathologie les en empêchant, ne risque-t-on pas de créer des injustices ? L’éthique de la vulnérabilité n’impose-t-elle pas de traiter d’abord ceux qui présentent une pathologie ?
L’amendement n° 1034 est défendu.
M. Philippe Gosselin. Pour défendre l’amendement n° 1045, je ne reviendrai pas sur le droit à l’enfant ni sur le glissement possible vers la GPA et l’atteinte aux principes de dignité et d’indisponibilité, qui ont déjà été évoqués. Je souhaite plutôt vous interroger, madame la ministre de la santé, sur des points très concrets. À combien estimez-vous le nombre des nouvelles demandes, une fois supprimé le critère de l’infertilité ? Comment envisagez-vous la progression à laquelle nous assisterons certainement dans les années à venir ? Comment comptez-vous créer de nouveaux centres d’AMP pour répondre à cette demande ? Dans mon département de la Manche, le centre d’AMP de Cherbourg est en cours de fermeture faute d’un nombre suffisant de praticiens. Par ailleurs, puisqu’il n’y aura plus de critère objectif lié à l’infertilité, comment comptez-vous organiser, si je puis me permettre cette expression, la réalisation des AMP ? Comment permettre aux personnes vivant en milieu rural d’y avoir accès et éviter qu’elle ne soit réservée à une catégorie particulière de nos concitoyens ? Bref, le ministère de la santé a-t-il anticipé cette évolution et comment compte-t-il y faire face alors que, par ailleurs, l’absence de moyens lui pose déjà bien des difficultés ?
M. Bruno Fuchs. Sur la forme, je ne suis pas certain que l’amendement n° 1579 doive être discuté à ce moment du débat. Il me paraît en effet plus proche de l’amendement n° 1787 de M. Gérard que de ceux que nous venons d’examiner.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je vous propose néanmoins de le défendre maintenant, car il fait partie de la discussion commune.
M. Bruno Fuchs. Par cet amendement, nous proposons qu’outre les couples formés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes, toute femme seule, et non « toute femme non mariée », comme le prévoit le projet de loi, puisse avoir accès à l’AMP. De fait, si l’on s’en tient à la rédaction actuelle du projet de loi, une femme qui est en couple sans être mariée pourrait recourir à l’AMP sans l’autorisation de son conjoint ou de son concubin.
Mais, je le répète, cet amendement ne me semble pas avoir sa place dans cette discussion commune.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. En l’espèce, la discussion commune regroupe les amendements portant sur l’alinéa 3.
M. Raphaël Gérard. Je m’étonne également que mon amendement n° 1772 soit examiné dans le cadre de cette discussion commune, dans la mesure où il prend le contre-pied de ceux qui viennent d’être défendus par nos collègues Les Républicains.
Quoi qu’il en soit, il tend à inscrire dans la définition même de l’AMP la notion de projet parental. Dans la pratique, la procréation médicalement assistée, qu’elle vise à remédier à l’infertilité ou pas, a toujours pour objet de répondre à un projet parental. Par ailleurs, le recours à l’AMP avec tiers donneur ne répond pas à un objectif thérapeutique puisque cette technique médicale ne permet pas de soigner l’infertilité de l’homme ou de la femme stérile. En revanche, elle permet, grâce au don de gamètes d’un tiers, de réaliser un projet parental.
En 2011, le législateur avait estimé que la formulation antérieure de la loi présentait l’inconvénient de faire de la demande parentale l’élément essentiel du recours à l’assistance médicale à la procréation. Cette notion avait alors été retirée du texte pour renforcer la dimension médicale, qui est aujourd’hui la source de la confusion qui caractérise nos débats sur la visée thérapeutique de l’AMP.
L’extension de celle-ci aux couples de femmes et aux femmes seules cisgenres consacre sa finalité, qui est de permettre à toute personne susceptible de pouvoir porter un enfant de recourir au don d’engendrement d’un tiers pour réaliser son projet parental.
Dès lors, il me paraît opportun de consacrer la notion de projet parental en la faisant figurer dans la définition même de l’AMP, puisqu’elle apparaît déjà par ailleurs dans les articles L. 2141-3 et L. 2141-4 du code de la santé publique. On répondrait ainsi à l’argument selon lequel il s’agirait de reconnaître un droit à l’enfant. Tel n’est pas l’objet de ce texte : il s’agit bien d’accompagner et d’encadrer un projet parental.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il convient de séparer ces amendements en deux groupes. Le premier comprend les amendements identiques et les amendements n° 629, n° 1034 et n° 1045, qui visent à remettre en cause le principe même du projet de loi en refusant toute extension de l’AMP à d’autres personnes que les couples hétérosexuels infertiles ou susceptibles de transmettre une maladie à l’enfant. Bien entendu, nous sommes défavorables à ces amendements puisque l’objet du texte est précisément de l’étendre aux couples de femmes homosexuelles et aux femmes seules.
Mme la ministre de la santé répondra aux questions qui lui ont été posées. Pour ma part, j’indiquerai que le nombre total de procréations médicalement assistées, quelle que soit la technique utilisée – insémination artificielle, fécondation in vitro… –, effectuées en France pour des couples hétérosexuels était, en 2016, de 24 609, dont beaucoup moins de la moitié avec un tiers donneur. Le nombre de femmes en couple ou de femmes seules qui recourraient à l’AMP ne peut pas être précisément évalué, mais il serait de l’ordre de 2 000 à 3 000, sachant que – c’est la seule donnée précise dont nous disposons pour l’instant – 760 femmes françaises se rendent chaque année en Belgique pour y effectuer une AMP. D’autres se rendent en Espagne ou ailleurs. Pour la plupart d’entre elles, la préparation à l’AMP se fait en France.
Quant aux amendements n° 1579 et n° 1772, j’y suis favorable, mais je demanderai à leurs auteurs de bien vouloir les retirer car nous examinerons ultérieurement l’amendement n° 2233, qui est dans la même veine, puisqu’il porte sur l’accompagnement de l’AMP, notamment sa dimension médicale et psychologique, et vise à l’étendre à l’ensemble des couples pouvant le solliciter. Je ne vous propose donc pas un retrait définitif de vos amendements, mais je souhaite que nous en différions l’examen pour pouvoir étudier globalement cette possible amélioration du texte.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je vais répondre à quelques-unes des questions qui m’ont été posées.
Monsieur Breton, vous m’interrogez sur l’impact qu’aurait sur les couples hétérosexuels la suppression du critère de l’infertilité. Ce questionnement peut se comprendre au plan théorique, mais la lourdeur d’une démarche d’AMP est telle que je ne vois pas très bien quel couple hétérosexuel pourrait choisir d’enfanter grâce à cette technique, qui nécessite un investissement personnel et des traitements importants. Je ne crois donc pas que ce mode de procréation devienne naturel, si telle est votre crainte. En tout état de cause, il faut faire confiance à la prise en charge pluridisciplinaire des familles qui expriment leur désir de parentalité. Les entretiens doivent permettre de faire les choix les plus adaptés à la situation de chaque personne. Encore une fois, si un couple est capable d’avoir un enfant par voie naturelle, je ne vois pas ce qui le motiverait à entreprendre une démarche d’AMP.
Madame Genevard, peut-être ai-je fait un raccourci. Je voulais dire, non que l’extension de l’AMP n’était pas un sujet éthique – il s’agit à l’évidence d’une question bioéthique –, mais qu’elle ne posait pas de problème au regard de nos valeurs éthiques fondamentales.
Monsieur Bazin et monsieur Gosselin, vous m’interrogez sur notre capacité à assurer la montée en charge du dispositif afin de répondre à l’accroissement des demandes qui ne manquera pas de se produire. L’étude d’impact porte sur 2 000 couples supplémentaires par an, ce qui représente un effort supplémentaire de 10 millions à 15 millions d’euros. Nous avons considéré que cette somme, rapportée aux 300 millions d’euros du budget actuel de l’AMP, représentait un effort soutenable. Nous allons par ailleurs renforcer notamment les capacités humaines des centres d’AMP afin qu’ils puissent prendre en charge ces nouveaux couples.
Monsieur Bazin, vous avez également indiqué que nous allions prendre en compte une souffrance subjective. Mais tel est déjà le cas : la Sécurité sociale rembourse actuellement des interventions de chirurgie réparatrice et esthétique sur le fondement d’une souffrance subjective. Un nez trop grand, par exemple, peut avoir un impact sur la vie personnelle de la personne concernée. La souffrance subjective est donc bien intégrée à la conception que nous avons du bien-être. En effet, je le rappelle, la santé correspond, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au bien-être psychique et physique. Ce type d’intervention est ainsi pris en compte dans les dépenses d’assurance maladie. Une telle mesure n’est donc pas en contradiction avec notre droit et avec la façon dont nous envisageons les dépenses d’assurance maladie.
M. Thibault Bazin. Madame la ministre, vous ne comprenez pas, dites‑vous, pourquoi des couples hétéros non stériles auraient recours demain à l’AMP et éviteraient ainsi la couette… (Sourires.)
M. Erwan Balanant. La couette, ou ailleurs !
M. Thibault Bazin. Pourtant, hier, vous avez évoqué les risques que comporte la recherche d’un enfant « parfait ». Or on sait que l’AMP permet d’établir des diagnostics potentiellement un peu plus poussés. Certes, nous aurons ce débat lorsque nous examinerons un autre article du projet de loi, mais nous savons que certains ont la volonté d’aller plus loin. Vous avez été claire sur ce point et j’espère que vous tiendrez cette digue. Néanmoins, nous ne pouvons pas discuter cet article sans évoquer ceux qui en découlent. Il y a là, de fait, un véritable risque qu’il faudrait peut-être encadrer davantage sur le plan légistique.
M. Xavier Breton. Je m’étonne que cette question n’ait fait l’objet d’aucune étude d’impact. On sait en effet qu’il est possible, dans le cadre des techniques d’assistance médicale à la procréation, de sélectionner les gamètes. Certes, on nous répondra qu’une telle sélection n’est pas autorisée aujourd’hui. Mais, puisqu’elle l’est à l’étranger, avec des banques de gamètes telles que Cryos, le jour viendra où l’on nous dira qu’il faut l’autoriser en France pour que ces chers Français ne soient pas obligés de se rendre à l’étranger. Il existe donc un véritable risque d’aller vers des bébés sur mesure. Or, cette possibilité pourrait « tenter » tous les couples, y compris les couples femme-homme. C’est pourquoi l’absence d’étude de l’impact de la suppression du critère d’infertilité me semble totalement irresponsable.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Breton, je n’ai pas utilisé l’argument selon lequel il faut légaliser une pratique en France au motif qu’elle existe ailleurs. Précisément, les lois de bioéthique fixent des interdits au regard de notre culture et de nos valeurs éthiques fondamentales. Ainsi le choix des gamètes n’est en aucun cas permis par la loi française, et il ne le sera pas davantage demain. C’est la raison pour laquelle nous restons attentifs à l’anonymat du don, qui participe de la même logique.
Nous discutons, dans le cadre de ce projet de loi, de tout ce qui est possible, notamment de beaucoup de choses qui se font ailleurs. L’objet du texte est de définir collectivement ce que nous ne souhaitons pas en France. L’ouverture de l’AMP aux couples de femmes ou aux femmes seules, nous la proposons, non pas parce qu’elle se fait ailleurs, mais parce qu’elle ne remet pas en cause nos valeurs éthiques fondamentales.
M. Philippe Gosselin. N’oublions pas qu’au-delà de l’égalité – je ne reviendrai pas sur le point de savoir s’il s’agit d’une loi d’éthique ou d’une loi d’égalité : nous nous sommes un peu emmêlé les pinceaux sur ce sujet lors de l’audition d’hier soir –, une partie des arguments avancés pour défendre l’extension de l’AMP est fondée sur le fait qu’il n’est pas normal que des femmes se rendent en Belgique ou en Espagne. On voit bien qu’une sorte de forum shopping, de dumping éthique, est tout à fait possible. De fait, l’un des arguments qui reviennent régulièrement, dans les propos de la majorité notamment, consiste à dire que nous ne pouvons pas créer des barrières aisément franchissables. On l’a vu hier à propos de la recherche des origines : celle-ci est interdite en France, mais il suffit d’un clic pour commander sur internet un test venant des États-Unis. Les digues que vous tentez de construire – et je veux bien accepter votre bonne foi – sont faites de sable et ne peuvent pas tenir. Si nous ne sommes pas clairs, dès le départ, sur les objectifs et les arguments, ils ne pourront donc que s’écrouler.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Fuchs, retirez‑vous l’amendement n° 1579 ?
M. Bruno Fuchs. Nous examinons le troisième alinéa de l’article 1er et je ne voudrais pas que le texte débute par une formulation imprécise qui favorise la confusion. Je souhaiterais donc que nous en débattions, à un moment ou à un autre.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Si vous le maintenez, je rappelle que le rapporteur est favorable à son retrait.
M. Bruno Fuchs. Je n’ai pas de raison de le retirer, car je pense que le texte est imprécis. Discutons-en !
M. Raphaël Gérard. Je retire mon amendement n° 1772 au profit de l’amendement n° 2233 du rapporteur.
L’amendement n° 1772 est retiré.
La commission rejette les amendements identiques n° 3, n° 191 et n° 541, puis, successivement, les amendements n° 629, n° 1034, n° 1045 et n° 1579.
Puis elle est saisie de l’amendement n° 1104 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Hier, Mme la garde des Sceaux a indiqué qu’il n’existait pas de définition juridique du couple et de l’union libre : ne sont reconnus par le droit que le mariage, le Pacs et le concubinage. Il me paraît donc important de préciser que l’AMP est ouverte aux couples mariés, pacsés ou prouvant une vie commune d’au moins deux ans.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes nombreux à nous être posé la question à la première lecture du texte. Il nous semblait, par exemple, que l’expression « femme seule » était plus appropriée. Mais, pour des raisons juridiques qu’a expliquées Mme la garde des Sceaux, il est important de prendre en compte les conséquences, notamment en matière de filiation, des termes choisis. Si une femme est mariée, son mari est présumé être le père : la paternité lui sera attribuée. Nous sommes donc tenus de nous rapprocher du droit actuel. Il faut s’assurer que l’enfant sera protégé. Des précisions vous seront peut-être données par Mme la garde des Sceaux. En tout état de cause, mieux vaut nous en tenir à l’expression « femme non mariée », même si, pour la compréhension du texte, l’expression « femme seule » nous semblait plus appropriée. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Je ne peux que répéter ce que j’ai dit hier soir. Dans la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel tout comme dans les tables du code civil, le mot « couple » renvoie aux trois formes juridiques suivantes : le mariage, le Pacs ou le concubinage. Il me paraît donc superfétatoire de le préciser dans le texte.
La commission rejette l’amendement.
La commission examine les amendements identiques n° 4 de M. Xavier Breton, n° 192 de M. Patrick Hetzel, n° 542 de Mme Annie Genevard, n° 630 de M. Thibault Bazin et n° 1141 de M. Jérôme Nury.
M. Xavier Breton. Mon amendement n° 4 propose de supprimer, à l’alinéa 3, les mots « ou de deux femmes ou toute femme non mariée », afin de réserver l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de personnes de sexe différent.
Nos collègues Aurore Bergé et Guillaume Chiche ont exposé leur vision du texte, qui consisterait, en étendant l’accès à l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, à établir une égalité entre les femmes. Mais dans notre droit – et c’est à eux que fait référence l’article L. 2141-2 du code de santé publique –, ce sont les couples qui ont accès à cette technique. En présentant ce texte comme une façon d’établir l’égalité des droits entre les femmes – ce qui va à l’encontre des propos de Mme la ministre –, on en vient à nier la notion de couple et à évincer les hommes de ces techniques.
Il faut en revenir à ce que prévoit la loi actuelle – l’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples constitués d’une femme et d’un homme – et ne pas réduire ce texte à la seule question de l’accès des femmes, et seulement des femmes, à ce droit.
M. Patrick Hetzel. Mon amendement n° 192 a le même objet. S’agissant de l’accès des femmes seules à l’assistance médicale à la procréation, il est important de considérer la situation de grande précarité dans laquelle elles peuvent se trouver, ainsi que le montrent des études récentes. Il est paradoxal que la majorité, faisant fort légitimement état de sa sensibilité à ces questions, évoque des situations subies dans un cas, des situations choisies dans un autre : elle entre ainsi dans une logique de discrimination sociale. C’est une question que l’on ne peut évacuer et qui mérite toute notre attention.
Il est un autre argument qu’il ne faut pas davantage négliger lorsque l’on évoque l’AMP sans père. En expliquant que la technique ne sert plus à contrer un empêchement de nature médicale, on se place dans une démarche transhumaniste. Lorsque l’on dit que l’on s’efforce d’étendre, grâce à la technologie, les possibilités biologiques actuelles, on ne franchit pas seulement une frontière ; ipso facto, le verrou se trouve levé. Lisez la déclaration transhumaniste, et vous verrez qu’il existe une quasi-correspondance entre son article 4 et l’exposé des motifs du Gouvernement se rapportant à l’article 1er du projet de loi. Il ne faut pas écarter d’un revers de la main cette dimension. Je pense que notre rôle de parlementaires consiste à vous alerter sur ces points.
Mme Annie Genevard. Je souhaite vous renvoyer à l’audition de la professeure Myriam Szejer, qui, sans se montrer hostile au projet de loi, a exprimé de fortes réserves sur la question de l’accès des femmes non mariées à l’AMP. S’appuyant sur son expérience professionnelle, elle a évoqué des états de fragilité chez ces femmes, liés à la culpabilité de ne pas avoir donné de père à leur enfant, le développement possible d’anxiétés et d’attitudes compensatoires, des idéaux éducatifs démesurés, des couples mère-enfant souvent pathologiques et fusionnels. Il me paraît donc important de s’interroger, et c’est le but de mon amendement n° 542. Je le ferai à nouveau en présentant l’amendement n° 543, sur la question des femmes seules souhaitant mener un projet de PMA.
M. Thibault Bazin. Dans un sondage paru le 15 juin 2018, 93 % des Français considéraient qu’un enfant a besoin de son père et de sa mère. Le débat de démocratie participative institué par les états généraux a abouti à la même conclusion, puisque sur le site dédié, l’extension de l’AMP – mais sans doute faut-il désormais parler d’assistance technique à la procréation ? – a recueilli 87 % d’opinions défavorables.
Chers collègues, avons-nous le droit d’imposer demain à un enfant de ne pas avoir de père, après-demain à un enfant de ne pas avoir de mère ? Lorsque l’on recentre la question sur l’enfant, la réponse diffère de celle défendue par la majorité avec ce projet de loi. D’où mon amendement n° 630.
M. Arnaud Viala. Je défends l’amendement n° 1141 de Jérôme Nury, dont je suis cosignataire. Je me demande si nous allons suffisamment au fond des choses, si nous mesurons bien l’enjeu qui consiste à ne plus mettre le progrès scientifique au service d’une vision humaniste de la place de la femme et de l’homme dans la société, mais au service d’une forme de bien-être, centrée sur l’individu, comme vient de le dire Mme la ministre. Ce débat mérite que l’on s’y appesantisse, car selon la façon dont on pose la question, la réponse n’est pas forcément celle que propose le texte.
M. le rapporteur nous a indiqué qu’il était favorable à un amendement concernant le droit à l’enfant, finalement retiré. Cela ne laisse pas d’interroger. Je voudrais que l’on m’explique les conséquences qu’entraînera l’adoption de l’article 1er. Le droit à l’enfant ne peut être limité à une catégorie de citoyens français. Or le texte prévoit de l’étendre à des citoyens qui n’en bénéficient pas pour des raisons d’ordre purement biologique, mais aussi, ainsi que l’a expliqué la garde des Sceaux, d’en exclure définitivement d’autres citoyens. Je voudrais que l’on ait l’honnêteté de dire jusqu’à quand cette situation sera tenable.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable sur ces amendements qui, une fois encore, visent à limiter l’AMP aux seuls couples hétérosexuels présentant une infertilité démontrée ou une pathologie transmissible, puisque leur adoption priverait le texte de son objet.
Je le répète, monsieur Viala, aucun couple, quel qu’il soit, aucune personne ne peut revendiquer un quelconque droit à l’enfant. Ce droit n’existe pas, il ne s’agit donc pas de l’étendre.
Il me semble quelque peu exagéré de parler de « transhumanisme » à propos d’une circonstance où, après qu’un gamète mâle a été associé à un gamète femelle, l’œuf se développe dans un utérus, évidemment féminin. La différence éventuelle tient à l’éducation qui sera assurée, soit par une femme seule, soit par deux femmes, soit par une femme et un homme, mais la conception de cet enfant reste traditionnelle, dans le cadre d’une reproduction qui, si elle n’est plus sexuelle, demeure sexuée.
On ne cesse d’entendre dire que l’enfant n’aura pas de père et que cela aura des conséquences graves. La question est légitime et mérite d’être posée. Nous l’avons abordée, et il se trouve que les sciences humaines démontrent l’inverse. Rappelons à cette occasion qu’il convient de faire la différence entre le genre et la fonction. À l’époque de Sigmund Freud, les images respectives du père et de la mère étaient bien différentes de celles qui s’imposent au XXIe siècle : le père incarnait l’autorité, la mère l’amour. Heureusement, les pères d’aujourd’hui savent témoigner leur amour, et les mères n’attendent plus le retour du père pour infliger les éventuelles punitions à l’enfant ! Ce temps est révolu.
Les arguments de cet ordre me font penser à la remarque d’un ami psychiatre, qui notait que l’absence de père ferait au moins disparaître le complexe d’Œdipe… Vous voyez que l’on peut y répondre par la boutade !
Restons simples : dans la mesure où ces circonstances existent, et qu’elles n’ont pas d’effet dramatique, organisons-les dans la loi.
M. Patrick Hetzel. À partir du moment où l’on peut recourir aux techniques d’assistance à la procréation sans nécessité médicale, on est dans une logique où l’on force les choses : j’y vois les germes du transhumanisme. Et je pense que nous y sommes d’ores et déjà lorsque je lis à l’article 4 de la déclaration transhumaniste : « Nous souhaitons nous épanouir en transcendant nos limites biologiques actuelles ». Ce n’est pas du tout anodin.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mais ces limites ont déjà été dépassées !
M. Erwan Balanant. À ce compte, avaler un cachet d’aspirine, c’est être transhumaniste !
Mme Aurore Bergé. En plus de rappeler la position du groupe La République en Marche, je souhaite revenir sur les arguments avancés pour défendre ces amendements qui ôteraient tout objet à l’article 1er.
Le premier, qui évoque le transhumanisme, vise délibérément à inquiéter les Français, tout comme celui qui consiste à expliquer que l’accès à l’AMP de toutes les femmes entraînera systématiquement l’ouverture de la GPA. Nous avons déjà démontré qu’il s’agissait de situations différentes. Chaque loi relative à la bioéthique permet de s’interroger sur ce que nous souhaitons autoriser, au regard des limites éthiques que nous posons. Or il apparaît clairement que la majorité et le Gouvernement n’ont pas souhaité autoriser la GPA.
Par ailleurs, chers collègues, vous critiquez l’utilisation de techniques médicales pour des raisons autres que biologiques. Il vous faudrait, par souci de cohérence, considérer que vous êtes opposés à l’accès à l’AMP des couples hétérosexuels présentant une infertilité constatée, qu’elle soit ou non d’origine physiologique !
Nous considérons que cette technique médicale est éprouvée, qu’elle s’inscrit dans les limites éthiques que nous souhaitons poser et qu’il ne serait pas légitime de ne pas l’ouvrir aux couples de femmes.
M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, vous vous êtes déclaré favorable à un amendement sur la notion de projet parental, très proche de celle du droit à l’enfant. Je réitère donc ma question – sans agiter de chiffon rouge, madame Bergé : si l’on étend le périmètre de nos concitoyens capables de porter un projet parental, comment, à court terme, pourra-t-on continuer d’en exclure une catégorie de Français ?
M. Guillaume Chiche. Oui, monsieur Breton, nous voulons reconnaître à toutes les femmes les mêmes droits, qu’elles soient ou non en couple, et indépendamment de leur orientation sexuelle. Parce que nous refusons de hiérarchiser les familles ou le désir d’enfant, nous ne voulons pas exclure certaines femmes de la possibilité de recourir à une pratique médicale, celle de l’AMP.
Je ne pense pas que la comparaison entre les femmes seules et les familles monoparentales soit pertinente. Dans le cas de ces dernières, le projet parental initial était bien souvent partagé, et ce sont les faits qui les ont amenées à une telle situation, avec le lot de surprises, parfois désagréables, que cela entraîne, notamment au regard des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins d’un enfant. Mais dans le cas d’une femme seule qui souhaite recourir à une AMP, le projet parental est appréhendé et anticipé sous tous ses aspects.
Nous avons justifié l’extension de l’AMP à toutes les femmes par le fait qu’un certain nombre d’entre elles choisissaient de se rendre dans un autre pays en courant des risques sanitaires et juridiques, parfois en se surendettant. Il faut ajouter à cela que certaines ont recours à une « PMA sauvage », sans accompagnement médical, en important des gamètes depuis l’étranger ou en usant de techniques artisanales qui les mettent en danger. C’est ce que nous cherchons à corriger avec l’article 1er.
La commission rejette les amendements identiques n° 4, 192, 542, 630, 1141.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1102 de M. Cyrille Isaac-Sibille, n° 1977 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe et les amendements identiques n° 5 de M. Xavier Breton, n° 193 de M. Patrick Hetzel et n° 631 de M. Thibault Bazin.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Ce projet de loi interroge les modèles familiaux sur lesquels nous souhaitons construire notre société. Il en existe de toutes sortes. Comme je l’ai rappelé hier, le fa’a’mura, en Polynésie française, autorise un couple à faire don d’un enfant à sa naissance.
Par mon amendement n° 1102, je pose une question : souhaitons-nous déconstruire notre modèle actuel ? Celui-ci repose sur le couple, qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel, première cellule de solidarité pour la prise en charge éducative et matérielle de l’enfant. En autorisant l’accès à l’AMP aux femmes seules, nous instaurons un nouveau type de famille, la famille uniparentale, nous dirigeant, je le crains, vers une société de plus en plus individualiste. La solidarité qui s’exerce au sein du couple, ainsi que le veut notre modèle, devra alors être prise en charge par l’État ou les collectivités, et non plus par la famille.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je propose, par mon amendement n° 1977, de limiter l’extension de l’AMP aux seuls couples de femmes. Je n’entends pas remettre en cause le désir d’enfant que toute femme peut éprouver, ni porter de jugement sur les différentes situations familiales qui peuvent exister, mais prendre en compte l’intérêt de l’enfant. Je considère en effet que la conception, la naissance d’un enfant est liée à un projet partagé entre deux personnes, ce qui permet une nécessaire altérité et assure la présence d’un tiers dans la relation mère-enfant.
Par ailleurs, le temps disponible et la capacité financière moindres – même si des études nuancent cet aspect – par rapport à ceux d’une famille biparentale, interrogent sur l’opportunité de cette extension. Il convient aussi de noter que l’Autriche et la Norvège ont ouvert l’AMP aux couples de femmes, sans l’étendre aux femmes seules.
Il est régulièrement fait état d’études : je vous invite à les aborder avec prudence tant elles sont peu nombreuses et basées sur des cohortes restreintes. Enfin, l’analogie avec l’adoption ne me paraît pas fondée, puisque la situation d’un enfant qui a besoin d’un foyer n’a rien à voir avec celle d’un enfant qui a été conçu.
M. Xavier Breton. Les auditions ont montré qu’il existait de nombreuses réticences à l’égard de l’extension de l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules, même chez les spécialistes favorables à l’accès des couples de femmes à ces techniques – je pense notamment à la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval.
Par ailleurs, si les études portant sur les enfants nés dans des couples de femmes existent, et peuvent être sujettes à controverse, aucune ne permet de se déterminer sur ce sujet, ainsi que l’indique très clairement l’avis du CCNE.
Enfin, l’argument selon lequel les personnes célibataires sont autorisées à adopter ne convainc pas, dans la mesure où l’adoption permet de donner des parents à un enfant qui n’en a plus, quand l’assistance médicale à procréation permet de donner un enfant à des parents qui n’en ont pas. Les termes sont inversés et la notion de temps n’est pas la même. D’où mon amendement n° 5, qui propose de ne pas étendre l’AMP aux femmes seules.
M. Patrick Hetzel. Je lirai trois citations à l’appui de mon amendement n° 193. M. Emmanuel Macron, le 10 décembre 2018 : « [C’est la colère de] la mère de famille célibataire, veuve ou divorcée, qui ne vit même plus, qui n’a pas les moyens de faire garder les enfants et d’améliorer ses fins de mois et n’a plus d’espoir. Je les ai vues, ces femmes de courage pour la première fois disant cette détresse sur tant de ronds-points ! » ; M. Édouard Philippe, le 8 mars 2019 : « Il faut déplacer des montagnes quand on élève seule ses enfants. » ; Mme Christelle Dubos, le 4 avril 2019, dans une interview donnée au journal La Croix : « [Toutes les familles monoparentales connaissent] des problèmes similaires : même solitude, même difficulté à articuler travail et vie de famille, etc. » Je peux vous fournir une dizaine de pages de citations de membres du Gouvernement sur le sujet. Il est clair que, dans ce domaine, le principe de précaution doit prévaloir.
M. Thibault Bazin. J’apporterai quelques arguments complémentaires pour défendre mon amendement n° 631. L’ouverture de l’assistance technique à la procréation à toute femme non mariée pose des questions bien spécifiques. Ainsi, le Conseil d’État a considéré « excessif de donner à une personne la puissance extrême d’imposer à une autre l’amputation de la moitié de son ascendance ».
Du point de vue matériel, on sait que les familles monoparentales sont plus précaires et constituent un quart de la population pauvre. Lors des auditions, des députés de la majorité ont fait valoir que les femmes seules souhaitant accéder à l’AMP avaient plutôt les moyens financiers d’élever un enfant – ce qui ne va pas sans poser d’autres questions éthiques et philosophiques – mais existe-t-il une clause qui prémunisse une femme célibataire de perdre son emploi ?
Enfin, ne risque-t-on pas d’introduire une inégalité majeure entre les enfants, certains ayant ab initio un seul parent ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Pour une réflexion aboutie, il est important de réaliser qu’il n’y a rien de comparable entre la situation, subie, d’une femme à la tête d’une famille monoparentale, et celle d’une femme seule qui décide d’entreprendre une démarche en vue d’une AMP.
La décision de ces femmes obéit à des raisons diverses : certaines veulent rester seules et avoir une famille, d’autres n’ont pas encore trouvé le compagnon avec qui elles feront leur vie, mais se savent à l’âge où elles seront bientôt inaptes à procréer. D’autres encore choisiront de conserver leurs ovocytes, ainsi que la loi les y autorisera.
Il s’agit généralement de femmes qui ne sont pas du tout en situation de précarité, mais qui, durant des mois, des années, ont mûri leur réflexion, analysé avec leur famille et leurs proches les conditions dans lesquelles leur enfant sera accueilli. Ces enfants très attendus sont fort choyés, bien éveillés, car beaucoup de personnes interagissent avec eux. La situation n’est en rien comparable à celle d’une femme qui a procréé sans toujours l’avoir prévu, dont le compagnon est parti au cours de la grossesse et qui se retrouve dans une immense précarité.
La représentante de l’association Mam’en solo, lors de son audition, a expliqué que les enfants se développaient bien, sans se sentir amputés d’un père, concluant ainsi : « Les différentes études le démontrent : ce n’est pas le format de la famille qui compte, mais la qualité des interactions avec les enfants. Les anti-PMA pensent qu’il est presque criminel qu’un enfant naisse sans un père à ses côtés ; nous considérons pour notre part que ce type de considération sur nos familles est davantage susceptible de faire souffrir nos enfants que l’absence d’un père. » Prenons garde à ne pas laisser prospérer ces idées qui stigmatiseraient ces femmes et ces familles et les gêneraient dans leur épanouissement ; car de fait, il est bel et bien possible de s’épanouir dans ces foyers.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Cette discussion est très importante et je sais que cette question interpelle certains d’entre vous. Il s’agit à mes yeux d’une belle mesure, qui concerne ces nombreuses femmes qui ont mûri un projet de parentalité, savent qu’elles ne trouveront pas leur âme sœur avant l’âge où elles ne pourront plus procréer, souhaitent impérativement accompagner un enfant dans sa vie. De toutes les façons, elles y parviendront. Nous connaissons tous des femmes qui ont eu un enfant seul.
Cette mesure permet de sécuriser médicalement leur parcours en leur évitant de prendre des risques. Elle pourra aussi rassurer un grand nombre d’hommes car il arrive que, devant des difficultés matérielles, la perte d’un emploi par exemple, une mère seule se tourne vers le géniteur et exige, contre son gré parfois, une reconnaissance de paternité et l’octroi d’une pension alimentaire.
Cette situation existe depuis toujours, nous considérons qu’il est plus sain d’accompagner le projet parental, longuement mûri, de ces femmes. Toutes celles que nous avons auditionnées préalablement à la rédaction de ce projet de loi assumaient de manière tout à fait impressionnante cette monoparentalité, avec souvent un entourage familial et amical très présent. Je trouve cette mesure très belle.
M. Erwan Balanant. Les citations que vous avez lues, monsieur Hetzel, visaient des mères de famille monoparentale, dont la situation n’a rien à voir avec celle des femmes qui ont décidé d’avoir, seule, un enfant. Celles-ci ont mené une réflexion, conduit leur projet en s’entourant d’amis, parfois d’un compagnon à venir – on ne peut rien prévoir en la matière ; celles-là subissent l’abandon de leur conjoint, parfois sans pouvoir en divorcer ni toucher de pension alimentaire. Comparer ces situations relève de la mauvaise foi. Nous avons d’un côté des femmes qui ont un projet parental, un désir fort de donner la vie et de créer une famille – peut-être pas sur le modèle que vous imaginez –, de l’autre, des femmes aux prises avec un contexte totalement subi, qui n’ont pas du tout choisi cette situation. Malgré tout le respect que j’ai pour vous, monsieur Hetzel, je trouve cet argument légèrement fallacieux.
Mme Aurore Bergé. Cette question nous a traversés et nous nous sommes tous interrogés sur le bien-fondé de cette mesure. Légiférons-nous de manière juste en permettant l’ouverture de l’AMP aux femmes seules ? C’est un questionnement que nous avons tous eu et qu’expriment certains de nos collègues du groupe La République en Marche.
Nous pouvons y répondre en considérant qu’il ne s’agit pas d’un projet de monoparentalité, telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui. Nous connaissons tous des femmes qui, malheureusement, n’ont pas choisi la situation dans laquelle elles sont, ont le plus grand mal à obtenir le recouvrement des pensions alimentaires, doivent faire appel au CCAS de leur commune en raison de la grande précarité dans laquelle elles sont plongées après le départ de leur conjoint. Sur ce sujet, nous avançons. Mais cet alinéa concerne des femmes, d’un milieu sociologique souvent différent, qui ont réfléchi, mûri leur choix.
D’autre part, il semble que la perception de l’AMP soit un peu faussée chez certains. Un parcours en PMA n’est pas un long fleuve tranquille, d’accès simple, immédiat et forcément réussi. Il serait quelque peu exagéré d’imaginer que les femmes se jetteront toutes sur cette possibilité de faire seule un enfant et iront envahir les CECOS ! La décision doit être réfléchie, la démarche évaluée et le parcours ne réussit pas toujours.
Nous avons pris le temps de mûrir cette mesure, avec les états généraux. En ouvrant ce droit, nous sécurisons les femmes qui y auront accès et la filiation des enfants à venir ; nous garantissons que le donneur ne pourra en aucun cas être considéré comme le père. Cette liberté et ces sécurités nouvelles doivent nous convaincre d’adopter cet article.
M. Guillaume Chiche. Je ne voudrais pas que les personnes qui suivent nos débats, et singulièrement les familles monoparentales, aient l’impression que nous échangeons en vase clos. Effectivement, 36 % des foyers monoparentaux vivent sous le seuil de pauvreté, un défi pour notre société. L’exécutif et la majorité parlementaire ont eu à cœur de prendre des dispositions particulières en leur faveur, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Il est effectivement impossible de comparer la situation de ces familles avec celle des femmes célibataires qui construisent un projet parental, et je rejoins en cela les propos de mes collègues. Mais je vous alerte sur une tendance dangereuse qui consisterait à ouvrir des droits à la mesure du portefeuille de chacun. S’agissant du recours à des pratiques médicales, il faut garder raison et s’en tenir à une logique universelle.
M. Patrick Hetzel. Nous avons tous conscience que dans une de ces situations, une femme décide seule, tandis que dans l’autre, une femme seule subit. Mais il y a un point commun : dans les deux cas, cette femme sera seule avec le ou les enfants. C’est à ce sujet que nous ont alerté un certain nombre de professionnels de l’enfance : une des questions importantes est l’altérité, et le colloque singulier entre une mère seule et son enfant pose un certain nombre de problèmes. Je vous rappelle qu’au cours des auditions menées jeudi dernier, les professionnels ont été unanimes sur ce point, quelle que soit leur vision de l’altérité, car il est possible d’entendre l’altérité comme sexuelle, impliquant la présence d’un homme et d’une femme, ou de l’entendre comme requérant simplement la présence d’une autre personne.
Reste que nous avons affaire à une personne qui, de fait, sera seule. Il n’est pas question de stigmatiser les familles monoparentales : cela représente plus de trois millions de personnes. Mais le projet de loi va plus loin : il va entraîner une responsabilité de la société. Sommes-nous prêts à l’assumer collectivement ? J’en doute, dans la mesure où, in fine, nous sommes face à une situation liée à un désir d’enfant. Et s’il ne s’agit nullement de négliger le désir d’enfant, c’est l’intérêt de l’enfant qui doit primer. D’où mes interrogations, et mon amendement.
M. Xavier Breton. Le désir d’enfant est bien réel, mais dans vos propos, madame la ministre, le désir d’enfant se transforme en un droit à l’enfant car vous estimez que la femme fera cet enfant dans tous les cas. Dont acte ; mais cela n’impose pas de l’inscrire dans la loi.
Vous n’entendez pas les psychiatres et les pédopsychiatres qui indiquent que fonder la filiation sur la relation exclusive entre une femme et son enfant va étouffer ce dernier, qui ne connaîtra que sa mère, et qui ne pourra pas se construire, notamment au niveau de sa généalogie. Quelles que soient les circonstances et les difficultés que nous avons connues, nous savons tous que nous avons un père et une mère, et plus loin des grands-parents, ce qui nous permet de nous construire et de nous inscrire dans une généalogie.
Dans le cas dont nous débattons, il y aura une relation exclusive avec une mère qui aura voulu cet enfant et à qui nous aurons reconnu ce droit à l’enfant. C’est une mesure irresponsable.
M. Thibault Bazin. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, l’intérêt de l’enfant a été absent de vos propos. Vous avez évoqué le projet mûrement réfléchi d’une future mère, et je conviens avec Mme Bergé que le parcours est très long jusqu’à l’aboutissement d’une AMP. Mais le parcours est encore plus long pour l’enfant par la suite, et il est possible que des accidents de la vie surviennent. Nous prenons la responsabilité de faire naître un enfant qui restera seul en cas d’accident de la vie. Vous n’avez pas répondu sur ce point, le risque de laisser l’enfant seul en cas d’accident est le résultat d’un choix du parent, mais pas de l’enfant.
Si la question du choix d’un géniteur contre son gré a été évoquée, la loi aura aussi une dimension incitative ou dissuasive. Voulons-nous inciter à l’apparition de familles monoparentales, avec toutes les fragilités qu’elles induisent en cas d’accident de la vie ? C’est une vraie question.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. La question centrale dans mon amendement n’est pas le désir de la femme, mais bien les conditions qui nous semblent les plus favorables pour le développement de l’enfant. Il ne s’agit pas de faire de discrimination ou de juger qu’une femme n’est pas capable d’éduquer un enfant, mais de donner à un enfant les conditions optimales pour son développement.
On nous dit qu’il s’agira de femmes qui ne subiront pas une situation, mais qui la choisiront. Mais il arrive que des couples en grande précarité viennent demander à bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. Faut-il la leur refuser ? Si des femmes connaissant une situation sociale très fragile souhaitent avoir un enfant, va-t-on leur répondre qu’elles sont trop fragiles, qu’elles ne sont pas cadres, que leur projet n’est pas suffisamment mûr pour qu’elles aient accès à l’AMP ? Nous aboutirions à des situations très difficiles à gérer pour les équipes médicales, et qui feraient courir un risque à la mère et à son enfant.
Quant à la sécurisation des hommes, je confesse avoir une grande admiration pour Mme Buzyn, mais je ne comprends pas son argument. Si une femme qui souhaite avoir un enfant seule se fait faire un enfant par un tiers, puis se retourne vers lui pour obtenir une pension alimentaire, c’est que quelque chose dysfonctionne dans son rapport à autrui… Et je ne suis pas sûre que le recours à l’AMP y change quoi que ce soit.
Mme Aurore Bergé. Ce sont pourtant des situations qui existent.
Mme Bénédicte Pételle. Je ne suis pas très à l’aise, car ce sujet est très délicat. Je partage l’idée selon laquelle on ne peut comparer une femme en situation monoparentale précaire à une femme seule qui souhaite recourir à l’AMP, mais ce qui compte à mes yeux, c’est l’altérité. Et rappelons notre condition humaine : nous sommes des êtres fragiles, nous pouvons connaître des problèmes de santé, une dépression. Être à deux, pouvoir se relayer, c’est important pour l’enfant, et c’est aussi une façon de tempérer nos blocages, nos difficultés, les éléments excessifs de nos caractères.
La commission rejette successivement les amendements n° 1102 et n° 1977, puis les amendements identiques n° 5, n° 193 et n° 631.
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Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 21 heures ([3])
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, que nous avons interrompu cet après-midi après avoir rejeté les amendements n° 5, n° 93 et n° 631. Nous avons déjà traité 45 amendements…
Article 1er (suite)
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 1267 de Mme Marine Brenier et n° 1902 de M. Didier Martin ainsi que l’amendement n° 1787 de M. Raphaël Gérard.
Mme Marine Brenier. Les juristes civilistes que notre commission a auditionnés se sont montrés extrêmement inquiets de voir apparaître la notion de « femme non mariée » dans le code civil. Notre amendement n° 1267 a pour but de les rassurer en proposant de remplacer les mots « femme non mariée » par les mots « femme célibataire ».
M. Didier Martin. Sous les numéros 1267 et 1902, voici le premier amendement hétéro créé par deux groupes différents sans concertation !
La notion de « femme non mariée » est assez large et recouvre diverses situations : il peut s’agir d’une femme célibataire, d’une femme liée par un pacte civil de solidarité (PACS) ou d’une femme vivant en union libre. Celle de « femme célibataire » est plus satisfaisante : d’une part, elle vient préciser que les femmes seules peuvent accéder à la procréation médicalement assistée (PMA) ; d’autre part, elle établit une distinction avec les femmes pacsées ou vivant en concubinage notoire, pour lesquelles il apparaît nécessaire de respecter l’avis de leur compagnon. Pour elles, il n’y aurait pas de liberté totale de recourir à la PMA.
M. Raphaël Gérard. Notre amendement n° 1787 propose lui aussi de substituer les mots « femme célibataire » aux mots « femme non mariée ». J’ai bien entendu les arguments très pertinents avancés par Mme la garde des Sceaux hier autour de la présomption de paternité mais j’aimerais que nous ayons ici une réflexion plus philosophique sur la question suivante : peut-on empêcher une femme mariée d’accéder à la PMA si son mari ne souhaite pas s’impliquer dans un projet parental ? On sait que certaines personnes, pour des raisons financières ou religieuses, sont séparées de fait sans avoir divorcé. Une femme mariée de quarante-deux ans souhaitant recourir à la PMA sera contrainte de divorcer en amont du projet de PMA et il lui faudra attendre un an si son conjoint n’est pas d’accord. La notion de « femme non mariée » renvoie à un conflit en matière de liberté matrimoniale. Que doit-on décider de faire primer : le droit absolu des femmes à disposer de leur corps ou leur statut conjugal ? Il faut savoir qu’il est toujours possible d’annuler la filiation établie dans le cadre de la présomption de paternité en recourant à la preuve biologique. Dans certains cas comme l’accouchement dans le secret, la primauté est donnée à la liberté des femmes : on les autorise à ne pas inscrire leur nom sur l’acte de naissance, autrement dit à laisser leur mari dans l’ignorance de sa paternité.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je vais vous demander, avec quelques regrets, chers collègues, de retirer ces trois amendements, même si je partage en partie les préoccupations qui les sous-tendent.
La notion de « femme non mariée » ne correspond pas strictement à ce que nous visons dans la rédaction de l’article 1er. Certes, il y a des femmes en couple, mariées ou non, et des femmes isolées, sans compagnon, mais nous sommes obligés de tenir compte des incidences du statut conjugal, qu’il s’agisse du mariage, du PACS ou du concubinage notoire, en matière de filiation. Il se trouve
– Mme Belloubet l’expliquera mieux que moi – que seule la référence au mariage permet de prendre en compte ces incidences : une femme mariée n’a pas le droit de demander toute seule de recourir à la PMA, elle doit recueillir le consentement de son mari ; une femme non mariée, même si elle est pacsée, même si elle vit en concubinage notoire, peut faire ce qu’elle veut. Mesdames, sachez donc ce qui vous attend le jour où vous vous mariez… Si vous voulez être libre de recourir à la PMA, réfléchissez ! Je ne suis pas juriste ; toujours est-il qu’il faut prendre en compte ces traditions inscrites dans le code civil. Je vous propose donc d’en rester là
Précisons toutefois que si le concubin ou le partenaire de la mère ne souhaite pas s’engager dans la procédure de l’assistance médicale à la procréation (AMP), il peut ne pas reconnaître l’enfant qui en est issu. Étant donné qu’il n’aura pas lui-même consenti à l’AMP, il ne tombera pas sous le régime prévu à l’article 311-20 du code civil et sa responsabilité ne pourra pas être davantage recherchée.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Je vois que M. le rapporteur ne plaide pas beaucoup en faveur du mariage…
Monsieur Gérard, je ne suis pas philosophe, je ne suis que juriste et c’est sur le fondement du droit que je vous répondrai. Le Conseil d’État nous a incités à faire le choix des termes « femme non mariée » parce que les incidences juridiques du recours à l’AMP ne sont pas les mêmes selon qu’une femme est mariée ou non. Dès lors qu’elle est mariée, la présomption de paternité joue. Si le mari n’est pas d’accord ou n’est pas informé, cela soulèvera évidemment des problèmes alors que pour les femmes non mariées, qu’elles soient pacsées, en concubinage ou en union libre, la présomption de paternité ne joue pas. Bien sûr, la loi du 23 mars 2019 de réforme pour la justice que vous avez adoptée peut venir aider certaines personnes puisqu’elle a réduit les délais du divorce contentieux de deux ans à un an. Il n’en demeure pas moins qu’une femme mariée ne peut pas avoir toute seule recours à l’AMP.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ceux d’entre nous qui sont mariés peuvent être rassurés : même après la loi, nous pourrons passer toutes nos semaines à l’Assemblée nationale sans craindre que notre épouse n’ait, en notre absence, eu recours à l’AMP sans nous prévenir. (Sourires.)
M. Erwan Balanant. À la lecture du projet de loi, j’avoue que la formule de « femme non mariée » m’avait un peu dérangé : elle me paraissait désuète et discriminatoire. Toutefois, ce choix s’explique au regard des effets du mariage en matière de filiation puisqu’il existe une présomption de paternité. Le choix de l’expression permet d’autoriser la PMA le plus largement possible tout en protégeant la liberté des hommes mariés, monsieur le rapporteur… Cette terminologie reste néanmoins choquante. Elle renvoie à un constat plus fondamental : le droit de la filiation, bâti autour du lien matrimonial entre les parents, est quelque part tombé en désuétude.
Dans les années qui viennent, il faudra sans doute que nous nous penchions sur une nécessaire adaptation du droit de la filiation – mais surtout pas dans le cadre de ce texte, qui a trait à la bioéthique et non à la filiation. Reconnaissons que le mariage n’est plus le socle familial par excellence ; il n’est plus la seule façon de créer une famille. La société s’est profondément transformée. Les chiffres sont éloquents : en 1968, la proportion d’enfants nés hors mariage n’était que de 6 % ; aujourd’hui, elle est de 50 %. Il nous faudra revoir le droit de la filiation, jusqu’alors centré sur la vraisemblance et la vérité biologique ; il ne reflète plus la réalité des unions. Je plaide pour que la représentation nationale réfléchisse avec la Chancellerie sur une réforme. Elle renvoie à un autre enjeu : l’adoption par les couples homosexuels.
M. Thibault Bazin. Je suis vraiment consterné…
M. Erwan Balanant. Le contraire m’aurait étonné !
M. Thibault Bazin. Faisons attention à ce que nous disons. Tout à l’heure, nous devions avoir le souci de ne pas faire offense aux familles monoparentales et homoparentales. Ce soir, certains évoquent le mariage comme un lien qui priverait de liberté ; or il n’est pas un modèle désuet pour tout le monde. Dans notre pays, de nombreuses personnes choisissent librement de se marier. Le mariage a ses vertus. Il fonctionne comme une véritable cellule de solidarité. Les articles du code civil lus lors de la cérémonie du mariage le disent bien : les époux se doivent mutuellement secours et assistance, valeurs qui font écho à la fraternité, au cœur de la devise de notre pays. C’est un modèle conçu pour la protection des enfants, qui est la première préoccupation qui doit nous animer. Pour toutes ces raisons, nous ne devons pas décrédibiliser le mariage.
M. Bruno Fuchs. J’ai lu l’avis du Conseil d’État et, d’un point de vue juridique, je comprends les choix faits dans le projet de loi, mais il faut aussi prendre en compte la réalité des situations. À la lecture de l’article 1er ; nous comprenons qu’une femme mariée ne pourra recourir à l’AMP sans le consentement de son mari alors qu’une femme pacsée ou en concubinage pourra le faire sans le dire à son compagnon, même si celui-ci ne souhaite pas avoir d’enfant. J’aimerais savoir si la future loi autorisera le fait qu’il y ait d’un côté de la sincérité et, de l’autre côté, une possible insincérité. Nous confirmez-vous, monsieur le rapporteur, mesdames les ministres, qu’une distinction très nette est établie entre les femmes mariées et les femmes non mariées et qu’une pratique puisse être sincère chez les premières, et insincère vis-à-vis du compagnon chez les secondes ?
Mme Michèle de Vaucouleurs. Madame la garde des Sceaux, sans doute quelque chose m’a échappé dans votre explication mais j’aimerais que vous nous précisiez les raisons pour lesquelles vous préférez les termes « femme non mariée » à ceux de « femme célibataire »…
M. Guillaume Chiche. Monsieur Bazin, vous avez parfaitement raison : il ne nous faut manquer de respect à aucun mode de conjugalité. Ce qui a motivé, je crois, les différentes réactions, c’est qu’un seul modèle, celui du mariage, serve de point d’ancrage pour définir les autres statuts. N’y voyez aucune mauvaise pensée.
Cela étant, nous sommes réceptifs aux explications apportées par le rapporteur et Mme la garde des Sceaux. Le terme de « femme non mariée » permet de couvrir tous les statuts existants en dehors du mariage. De ce fait, il apporte de la sécurité juridique à la rédaction de ce projet de loi. Nous soutiendrons donc cette position.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Ce sont des raisons juridiques et non pas sociologiques qui ont guidé notre choix. Le statut de femme mariée ou non mariée repose sur un critère très objectif, qui se vérifie très simplement sur l’acte d’état civil alors que statut de célibataire implique un contrôle de fait, qui nécessite une enquête. Les effets de la PMA ne sont pas les mêmes, sur le plan juridique, pour une femme mariée ou non mariée. Lorsqu’un homme épouse une femme, il reconnaît par avance les enfants qu’elle pourrait avoir : c’est la présomption de paternité. Cette présomption ne joue pas en dehors du mariage. C’est pour assurer la sécurité juridique que nous avons retenu ces termes.
La commission rejette les amendements n° 1267 et n° 1902.
L’amendement n° 1787 est retiré.
La commission examine, en discussion commune, l’amendement n° 584 de Mme Géraldine Bannier et l’amendement n° 1899 de M. Didier Martin.
Mme Géraldine Bannier. L’amendement n° 584 avait aussi pour but d’obtenir une explication du choix des termes « femme non mariée ». Plusieurs femmes de ma génération, âgées de trente-cinq ou quarante ans, ont été surprises par cette expression, soulignant le fait qu’une femme seule ne se définissait pas par rapport au mariage. Pour mettre à égalité les femmes mariées et pacsées, je propose les termes « femme non en couple », ce qui équivaut à « célibataire ou seule ». Cela dit, après avoir entendu les explications de Mme la garde des Sceaux, j’accepte de retirer mon amendement.
M. Didier Martin. L’amendement n° 1899 vise à ajouter après les mots « femme non mariée », le mot « et non pacsée ». Il s’agit là d’un critère objectif puisque mariage et PACS sont enregistrés. Il me paraît important de respecter l’avis du partenaire dans la décision de recourir à la PMA.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Bannier, je vous rassure : il n’y a pas que les personnes de trente-cinq ou quarante ans qui trouvent un peu désuet de définir le statut d’une femme par le fait qu’elle est ou non mariée.
M. Thibault Bazin. Arrêtez de dire des choses pareilles !
Mme Emmanuelle Ménard. Alors maintenant, on est désuet si on est marié !
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il y a d’autres façons de faire couple. Cela dit, des raisons juridiques justifient le choix fait dans le texte. Pour parvenir à une sécurité juridique pour les personnes concernées et les enfants à venir, il serait sage de retirer ces amendements.
M. Arnaud Viala. Mme la garde des Sceaux et M. le rapporteur avancent des arguments juridiques clairs que nous entendons. Cela dit, la question posée ici n’est pas juridique ; elle est humaine et sociale. Pourquoi des personnes vivant en concubinage notoire ne seraient-elles pas soumises à la même règle que celles qui sont mariées ? Même vos explications juridiques frisent l’incohérence. Il y a quelques heures, madame la garde des Sceaux, vous nous exposiez la définition juridique du terme « couple » qui s’applique aussi bien aux personnes mariées, aux personnes pacsées ou aux personnes vivant en concubinage ; à présent, vous établissez des distinctions entre ces catégories et vous mettez à part les personnes mariées. Si nos collègues de la majorité sont revenus sur cette rédaction – en se permettant parfois des commentaires un peu légers, permettez-moi de le dire, monsieur le rapporteur –, c’est uniquement parce qu’ils refusent que le mariage serve d’ancrage à la rédaction. Ce qui revient à pointer du doigt le mariage d’une façon qui ne me paraît pas correcte.
M. Erwan Balanant. Que mes collègues de l’opposition se rassurent : pour moi, le mariage est tout aussi respectable que les autres formes d’union. Je suis personnellement marié, et si je ne l’étais pas, ma position ne serait pas différente.
Nous avons bien compris que le choix des termes « femme non mariée » répondait à un souci de sécurisation juridique.
Reste que, dans les années à venir, je le redis, il nous faudra mener une réflexion sur la filiation et sur le droit de la filiation. Le respect dû au mariage s’impose de la même manière aux nouvelles formes familiales qui apparaissent dans notre société. Elles sont tout autant fondées que cette forme plus traditionnelle qu’est le mariage.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Certains d’entre vous estiment que les termes « femme non mariée » ne correspondent pas à la réalité sociologique, mais c’est un texte juridique que nous sommes en train de rédiger : il convient d’utiliser un terme dont le sens juridique est clair et partagé. Or juridiquement, je le répète, c’est le fait d’être marié qui entraîne des conséquences différentes en matière d’établissement de la filiation. Le fait d’être pacsé ou non n’a pas d’incidence. C’est la raison pour laquelle nous tenons à ces termes, même si je conviens avec vous que la réalité de la vie courante n’est pas arc-boutée contre cette distinction.
M. Thibault Bazin. Une remarque de forme sur l’amendement n° 1899 : le terme « pacsée », qui vient de l’acronyme PACS, n’existe pas dans le code civil. Si nous adoptions cet amendement, cette rédaction ne correspondrait donc à rien. Faisons preuve de sérieux dans nos choix de terminologie.
L’amendement n° 584 est retiré.
La commission rejette l’amendement n° 1899.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel n° 2122 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement n° 2233 du rapporteur.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement précise que le recours à l’AMP a pour objet « de répondre à un projet parental ». Nous avons supprimé le critère d’infertilité pour lui substituer un critère d’objectif et donner toute sa place à l’engagement. Ce qui répond à la préoccupation exprimée par M. Gérard dans son amendement n° 1772 cet après-midi.
M. Thibault Bazin. Un projet est toujours plus ou moins objectif et plus ou moins subjectif. Très sincèrement, monsieur le rapporteur, la notion de « projet parental » est à prendre avec des pincettes : elle est un peu floue. Évitons de soumettre l’enfant au seul vouloir des parents : tout projet suppose une finalité et l’accueil d’un enfant ne peut être considéré comme l’unique finalité d’un projet. Prêtons attention à la situation des enfants qui ne sont pas forcément souhaités et qui ont toute leur place dans notre société.
M. Erwan Balanant. Un enfant non souhaité, cela me paraît difficile avec la PMA !
M. Thibault Bazin. Mais surtout, il ne faudrait pas arriver à ce que les parents puissent se demander : « Cet enfant correspond-il à mon projet parental ? »
M. Pascal Brindeau. Ainsi, l’accès à l’AMP serait déterminé par la seule volonté des couples, quelle que soit d’ailleurs leur orientation sexuelle. Je repose la question à laquelle je n’ai pas eu de réponse tout à l’heure, monsieur le rapporteur : dans ces conditions, qu’est-ce qui interdira demain que ce projet ne soit plus seulement réservé à deux personnes ?
M. Patrick Hetzel. Nous sommes certains à dire que, de manière sous‑jacente, la notion de droit à l’enfant commence à apparaître dans ce texte. La notion de projet parental a tendance à privilégier le désir exprimé par les parents qui peut, dans certains cas, s’exercer au détriment des enfants. Or nous considérons que c’est l’intérêt de l’enfant qui doit primer. Ces glissements successifs suscitent des interrogations. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé plusieurs amendements sur cet article.
M. Erwan Balanant. Pour notre part, nous estimons que les termes de « projet parental » sont parfaitement adéquats. Ils répondent à la préoccupation que nous partageons pour la famille, chers collègues du groupe Les Républicains. Le projet parental renvoie en effet à l’idée de « faire famille ». Or aujourd’hui, il y a diverses manières de faire famille, que l’on choisisse le cadre du modèle traditionnel, parfois en se fondant sur des choix religieux, ou que l’on soit une femme seule. C’est cela qu’il faut aujourd’hui reconnaître. C’est une réalité sociale et notre travail de législateur est de faire en sorte que notre législation corresponde à la réalité de notre société.
M. Raphaël Gérard. J’aimerais rassurer tout le monde en rappelant que les termes de « projet parental » figuraient dans la loi de 1994 : je ne crois pas qu’il ait existé la moindre idée d’un droit à l’enfant de 1994 à 2011. Je veux bien croire que la reconnaissance, en 2013, des familles homoparentales chatouille certains d’entre nous, mais il ne faudrait pas qu’ils voient dans cet amendement une consécration du droit à l’enfant dans la loi.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Merci, monsieur Gérard, d’avoir rappelé que ces termes figuraient déjà dans la loi. Il faut y voir toute la noblesse d’un engagement. Très distinct d’une quelconque revendication d’un droit à l’enfant, il a plutôt à voir avec le désir d’enfant grâce auquel l’espèce humaine a pu se pérenniser – dans L’Éloge de la Folie, Érasme soulignait que si seule la raison avait prévalu, les femmes n’auraient pas enfanté, compte tenu des douleurs de l’accouchement et des risques qu’elles prenaient en pareille circonstance… C’est toute la noblesse de l’espèce humaine. Il nous faut continuer dans cette voie, même si les modes de procréation sont plus divers que par le passé.
La commission rejette l’amendement n° 2233.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques n° 2234 du rapporteur et n° 1776 de M. Raphaël Gérard et les amendements identiques n° 1556 de M. Bruno Fuchs et n° 1620 de Mme Danièle Obono.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 2234 vise à supprimer la référence à l’évaluation psychologique et médicale prévue en application de l’article L. 2141‑10 du code de la santé publique. Après discussion, je propose de le retirer en faveur de l’amendement n° 2020 de Mme Wonner.
M. Raphaël Gérard. Cette évaluation pourrait donner le sentiment qu’elle conditionne l’accès à l’AMP et qu’elle introduit une procédure d’agrément qui ne dit pas son nom. Cela risque de susciter des inquiétudes quant aux discriminations qu’elle pourrait nourrir à l’encontre des femmes seules ou des couples de femmes. Nous savons que l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a recensé des cas dans un récent rapport sur l’adoption et l’accès à l’adoption par les couples homoparentaux. Une étude de Mme Colette Chiland réalisée en 2013 a montré que les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) avaient des pratiques d’accueil très différentes à l’égard de couples composés d’une femme cisgenre et d’un homme transgenre : certains leur donnent accès à la PMA à condition de se soumettre des examens supplémentaires. Dans une étude consacrée aux enfants de père transgenre conçus par PMA, à paraître dans les prochaines semaines, Mme Agnès Condat montre pourtant que leur développement psychoaffectif est parfaitement normal.
Cela dit, comme M. le rapporteur, je vais retirer mon amendement n° 1776 au profit de celui de Mme Wonner, signé par l’ensemble des membres de mon groupe.
M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 1556 est défendu.
M. Ugo Bernalicis. L’évaluation médicale et psychologique étant déjà prévue dans la réécriture de l’article L. 2141-10 du code de la santé publique, il nous paraît inutile de la mentionner ici. Nous ne sommes pas opposés à ce qu’une telle évaluation soit pratiquée, si elle est faite à la demande des intéressés, mais nous considérons qu’elle ne doit pas être imposée. Je ne suis pas sûr qu’on demande un tel examen quand les enfants sont conçus d’une autre manière. Nous maintenons donc notre amendement n° 1620.
Les amendements n° 2234, n° 1776 et n° 1556 sont retirés.
La commission rejette l’amendement n° 1620.
Elle en vient à l’amendement n° 1177 de M. Philippe Berta.
Mme Michèle de Vaucouleurs. La procréation médicalement assistée implique un parcours difficile. Elle comporte des risques pour la santé de la mère qui portera l’enfant, plus ou moins élevés en fonction de la technique retenue. Ses chances de succès sont également relativement faibles et variables en fonction de l’âge, de la technique, et d’une grande diversité de facteurs externes. Or ces informations indispensables à un choix éclairé sont aujourd’hui largement méconnues du grand public. Le présent amendement vise donc à renforcer l’impératif d’une bonne information des candidats à la PMA sur la réalité du parcours, l’engagement qu’il requiert et ses probabilités de succès.
Je ne sais pas si l’amendement n° 2020 de Mme Wonner intègre cette dimension.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait par les alinéas 25 et suivants de l’article 1er, qui prévoient la remise aux demandeurs d’une information détaillée sur les possibilités de réussite ou d’échec, les effets secondaires et les risques à court et à long terme de l’AMP, la remise d’un dossier guide et le rappel du droit en vigueur. Tous ces éléments sont consignés à l’article L. 2141-10 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l’article 1er. Je vous invite à retirer votre amendement, dans la mesure où il est déjà satisfait.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Je maintiens cet amendement, car c’est celui de mon collègue Philippe Berta : s’il estime qu’il est effectivement satisfait, il ne le représentera pas lors de la séance publique.
La commission rejette l’amendement n° 1177.
Elle examine ensuite l’amendement n° 2020 de Mme Martine Wonner.
Mme Martine Wonner. Cet amendement est le fruit d’une large discussion et d’une vraie concertation au sein du groupe de La République en Marche.
La seule modification apportée par le projet de loi à l’article L. 2141-10 du code de la santé publique consiste à soumettre les couples hétérosexuels, les couples de femmes ou les femmes seules qui souhaitent avoir accès à l’AMP à une nouvelle évaluation, de nature psychologique. La rédaction actuelle de l’article L. 2141-10, qui ne s’applique aujourd’hui qu’aux couples hétérosexuels, prévoit déjà des « entretiens particuliers » avec un ou plusieurs médecins réunis au sein d’une équipe clinicobiologique.
Il est vrai que cette nouvelle rédaction ne créerait aucune discrimination dans les faits, puisque cette évaluation psychologique s’appliquerait à tous les demandeurs. Mais le fait d’introduire une évaluation psychologique au moment même où l’on ouvre l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules est de nature à semer la confusion, dans la mesure où ce choix pourrait laisser penser que l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules nécessiterait une expertise psychologique approfondie, auxquels ne sont pas soumis aujourd’hui les couples qui recourent à l’AMP. C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, de supprimer l’évaluation psychologique et de maintenir la rédaction actuelle de l’article L. 2141-10 du code de la santé publique.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est au profit de cet amendement, qui me paraît plus complet, que j’ai, comme plusieurs de mes collègues, retiré mon propre amendement. J’y suis donc très favorable.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je souscris pleinement à l’argumentation de Mme Martine Wonner et suis favorable à cet amendement.
M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, j’imagine que si le Gouvernement a fait le choix, au moment où il a élaboré ce projet de loi, d’introduire une évaluation psychologique, c’est parce qu’il estimait qu’il y avait une bonne raison de le faire. Certains professionnels ont d’ailleurs appuyé ce point de vue, en insistant sur le fait que la loi modifiait profondément la situation antérieure. Je suis surpris de la facilité avec laquelle vous acceptez aujourd’hui de supprimer cette évaluation, à laquelle vous sembliez particulièrement attachée. Pour moi, il y a là un vrai paradoxe : toutes les évaluations, toutes les auditions ont montré que la question psychologique était essentielle. Madame la ministre, pourquoi avoir fait le choix d’introduire cette évaluation psychologique pour la retirer aujourd’hui ? Peut-on réellement préserver l’intérêt supérieur de l’enfant si l’on cesse de prendre en compte cette dimension psychologique ? Si je me souviens bien, l’introduction de cette évaluation avait précisément vocation, dans l’exposé des motifs du Gouvernement, à garantir la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant…
Mme Annie Genevard. Je regrette que nous nous dirigions vers la suppression de cette mention. Mes chers collègues, vous voyez de la discrimination partout, vous ne voulez pas voir la réalité, telle que les professionnels nous l’ont présentée. Si vous pensez que la dimension psychologique d’une PMA est négligeable, pourquoi avoir organisé, dans le cadre de nos auditions, une table ronde composée pour l’essentiel de psychologues, de psychiatres et de pédopsychiatres ? Tout cela me semble peu cohérent.
Il arrive que des personnes, parce qu’elles ont été abîmées par la vie – et cela vaut aussi bien pour les personnes hétérosexuelles qu’homosexuelles –, voient dans la maternité une tentation de réparation. C’est ainsi, c’est humain, c’est la vie ! Et vous, vous vous obstinez à rester dans le principe, quitte à gommer la réalité. C’est la raison pour laquelle je suis opposée à cet amendement.
Il me semble utile de maintenir une évaluation psychologique. Vous avez dit vous-même, madame la ministre, que la PMA pourra être refusée à un couple de femmes ou à une femme seule. Or cette possibilité de refus doit se fonder non seulement sur des motifs physiologiques, mais aussi sur des motifs d’ordre psychologique.
M. Thibault Bazin. Cet amendement tend à remplacer le terme « évaluation » par le mot « entretiens ». Je m’interroge sur le sens de cette modification, et surtout sur ses conséquences : en l’absence d’évaluation, l’équipe médicale sera-t-elle toujours en capacité de dire non ? Je crains que cet amendement n’introduise une forme d’automaticité. Je ne cherche pas à discriminer qui que ce soit, mais il peut arriver que l’évaluation fasse apparaître des difficultés et il est problématique de s’en dispenser.
Quelles seront par exemple les conséquences de l’adoption de cet amendement sur l’alinéa 25 de cet article 1er, où il est également question d’« entretiens particuliers », et surtout sur son alinéa 37, qui prévoit les cas où un médecin peut refuser de procéder à une PMA s’il considère que les conditions ne sont pas réunies ? Comment comptez-vous articuler l’amendement n° 2020 avec ces alinéas ?
M. Pascal Brindeau. Cet amendement pose deux questions. Premièrement, comme mon collègue l’a montré, son adoption reviendrait à mettre par terre toute idée d’interdisciplinarité dans la mesure où seul le critère médical serait désormais retenu. Or une équipe devrait pouvoir se fonder sur un critère psychologique pour estimer si un couple – ou une femme seule – est prêt à accueillir un enfant. Je ne vois vraiment pas comment on peut faire l’économie d’une évaluation psychologique.
J’ajoute qu’en remplaçant l’évaluation psychologique par de simples entretiens, on crée un hiatus entre la PMA et l’adoption – mais je parle sous le contrôle de Mme la garde des Sceaux. La procédure d’adoption est assez lourde et comprend aussi une forme d’évaluation psychologique : on s’assure que le couple, quel qu’il soit – d’hommes, de femmes, ou hétérosexuel – peut effectivement accueillir un enfant. Si l’on adopte l’amendement n° 2020, il faudra aussi modifier la procédure d’adoption, pour ne pas « stigmatiser », si je puis m’exprimer ainsi, les couples qui souhaitent adopter.
M. Guillaume Chiche. Monsieur Hetzel, il ne faut pas voir de malice dans l’attitude du Gouvernement, qui ne fait qu’accepter l’enrichissement de la loi proposé par des parlementaires : c’est le propre de notre démocratie. Les échanges que nous avons eus hier, l’audition des ministres et le travail de notre collègue Martine Wonner nous ont permis d’avancer sur ce sujet.
L’objet de cet amendement est tout simplement de maintenir le droit actuel. Introduire la notion d’évaluation médicale et psychologique, c’est percuter le droit auquel sont aujourd’hui soumis les couples hétérosexuels qui recourent à l’aide médicale à la procréation. Or le projet de loi que nous examinons n’a pas vocation à complexifier ou à percuter le droit existant pour les couples hétérosexuels susceptibles de recourir à cette pratique.
J’ajoute que les « entretiens particuliers », qui existent déjà dans le droit actuel et que nous proposons de maintenir, sont réalisés par une équipe clinicobiologique pluridisciplinaire qui inclut des psychiatres, des psychologues ou des pédopsychiatres.
M. Hervé Saulignac. Cette évaluation psychologique me semble être d’un autre temps. Elle soulève des questions très complexes, auxquelles il me semble impossible de répondre. Par exemple, à partir de quelle défaillance psychologique un refus sera-t-il justifié ?
Pour détendre un peu l’atmosphère, je vous dirai que lorsque j’ai fait un enfant – et je ne crois pas être le seul –, je n’ai fait l’objet d’aucune évaluation psychologique. Je suis évalué a posteriori par ma fille, mais c’est une autre histoire… (Sourires.) Jusqu’à présent, lorsqu’un couple hétérosexuel recourt à la PMA, c’est parce qu’il n’a pas le choix, c’est parce qu’il n’a pas cette liberté, extrêmement précieuse, de faire un enfant charnellement. La technique permet aujourd’hui de surmonter ces difficultés, mais veillons à ne pas instaurer un examen de passage ! Ce qui est essentiel, c’est que les couples qui entreprennent cette démarche ne restent pas seuls dans leur réflexion, qu’ils bénéficient d’un accompagnement et qu’ils reçoivent des conseils et des informations, afin de mesurer pleinement les conséquences de leur décision. Je suis donc, comme les autres membres du groupe Socialistes et apparentés, extrêmement favorable à cet amendement.
M. Matthieu Orphelin. Dans la pratique, les décisions sont souvent prises de manière collégiale et, lorsqu’il y a un doute sur le plan psychologique, la procédure n’est pas bloquée, mais seulement ralentie : c’est ce que nous disent les psychologues qui travaillent dans les services d’AMP. Par ailleurs, il arrive souvent que les couples qui rencontrent des difficultés lors des entretiens psychologiques décident tout simplement de changer de centre d’AMP.
Mme Elsa Faucillon. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est favorable à cet amendement.
Il me semble important de rappeler qu’une AMP est toujours précédée d’une évaluation médicale : c’est déjà le cas aujourd’hui et ce sera aussi le cas pour les couples de femmes et les femmes non mariées qui se présenteront devant un médecin pour accéder à l’AMP. Il est évident que si l’évaluation médicale montre que la PMA ne peut pas avoir lieu, le médecin peut et même doit s’y opposer : c’est son rôle. Il est inutile de le préciser ici, car cela fait partie des missions et des responsabilités du corps médical.
Gardons-nous par ailleurs de faire des comparaisons entre la PMA et l’adoption. S’il y a une évaluation psychologique avant toute adoption, c’est parce que l’État a la responsabilité de l’enfant qui va être adopté. Même si l’on peut déplorer la longueur de la procédure d’adoption et les difficultés qu’elle présente, la comparaison ne me paraît pas pertinente. Je crois, comme mon collègue Hervé Saulignac, que l’accompagnement, l’information et la durée même du parcours de la PMA permettent de prendre en compte les questions d’ordre psychologique. Je ne vois vraiment pas, même si l’État a une responsabilité en matière de PMA, ce qui justifierait une telle ingérence de celui-ci dans la vie de ces couples ou de ces femmes non mariées.
Mme Sylvia Pinel. Le groupe Libertés et Territoires soutiendra également l’amendement de Mme Martine Wonner : la rédaction qu’il propose nous semble beaucoup plus satisfaisante que la rédaction actuelle de l’alinéa 3, qui prévoit une « évaluation » psychologique.
J’ai moi-même proposé dans l’amendement n° 1825, qui sera examiné un peu plus loin, de supprimer cette évaluation, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, elle m’apparaît comme une régression par rapport au droit actuel, dans la mesure où nous l’avons fait disparaître pour d’autres types d’intervention
– je pense notamment à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Deuxièmement, ce qui paraît essentiel, c’est qu’une équipe pluridisciplinaire puisse effectivement entendre les différents candidats à l’AMP pour s’assurer qu’ils ont un projet parental. Enfin et surtout, il importe d’introduire un suivi psychosocial pour celles et ceux qui en éprouveraient le besoin, compte tenu du fait que le parcours de l’AMP est long et difficile – c’est le sens de certains amendements que nous défendrons un peu plus tard.
Mme Emmanuelle Ménard. Mon amendement n° 1013, que nous examinerons un peu plus loin, est assez comparable à celui de notre collègue Martine Wonner, puisqu’il vise à supprimer le terme « psychologique » pour ne maintenir que l’évaluation médicale, à laquelle je suis très favorable, parce qu’elle repose sur des critères objectifs. Je suis plus sceptique quant à l’évaluation psychologique qui me semble, non pas inutile, mais incomplète.
En effet, dans la mesure où cette évaluation a lieu avant le début de la PMA, elle ne permet pas d’évaluer les troubles qui pourraient se développer par la suite. Au cours des auditions, il a par exemple été rappelé que les femmes seules pourraient ressentir une culpabilité, consciente ou inconsciente, et une forme d’anxiété maternelle à l’idée notamment de priver leur enfant d’un père. C’est pour cette raison que j’avais des réserves quant à cette notion d’évaluation psychologique.
Mais je vous avoue que j’ai été très sensible à l’argumentation de ma collègue Annie Genevard, à laquelle je me rallie totalement. Je retirerai donc mon amendement n° 1013, au profit de la rédaction actuelle de l’alinéa 3 de l’article 1er.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Je suis favorable à cet amendement. Il ne paraît pas nécessaire de faire figurer le terme « psychologique » ici, dans la mesure où l’équipe pluridisciplinaire comporte, de fait, des psychologues ou des psychiatres.
M. Bruno Fuchs. De très nombreux amendements ont tenté de faire évoluer la rédaction initiale, qui rapprochait la procédure de la PMA de celle de l’adoption, dans le but de responsabiliser davantage les parents. La rédaction proposée par Mme Martine Wonner me semble préférable à la rédaction initiale, qui n’était pas tout à fait adaptée.
M. Jean-François Eliaou. Monsieur Bazin, les mots ont un sens : il y a une réelle différence entre une « évaluation » et des « entretiens » – au pluriel. Une évaluation implique une grille et des points ; il n’est pas question de recourir à ce type de pratique dans le cas qui nous occupe. Le fait que les entretiens soient réalisés par une équipe clinicobiologique pluridisciplinaire a un sens : celle-ci ne comporte pas que des psys, on y trouve aussi des biologistes, des cliniciens et éventuellement des gynécologues, qui parlent entre eux. La notion de pluridisciplinarité est tout à fait essentielle. Il s’agit d’un colloque singulier entre l’équipe clinicobiologique, qui peut comporter des psychologues ou des psychiatres, et le couple ou la femme. Par ailleurs, ma collègue Elsa Faucillon a eu raison de rappeler qu’il importe de bien distinguer le parcours qui nous occupe aujourd’hui du parcours de l’adoption.
M. Pascal Brindeau. Pardonnez-moi, mais le parcours de l’adoption consiste lui aussi à donner de l’amour à un enfant, en lui donnant des parents. Or le parcours de l’adoption comporte aujourd’hui une évaluation psychologique. Et tous ceux qui ont adopté ou qui ont, dans leur entourage, un couple désireux d’adopter, savent à quel point cette évaluation est terrible et perturbante. Je suis donc en total désaccord avec vous sur l’idée qu’il faudrait distinguer absolument la PMA de l’adoption : ce sont deux manières différentes de fonder une famille et de réaliser un projet parental. Si vous supprimez l’évaluation médicale et psychologique pour la PMA, alors il faut la supprimer aussi pour l’adoption : c’est une question d’éthique.
M. Erwan Balanant. Il ne faut pas, monsieur Brindeau, opposer l’adoption et la PMA.
M. Pascal Brindeau. C’est précisément ce que je viens de dire !
M. Erwan Balanant. Il m’a semblé que vous vouliez faire croire que nous favorisons la PMA par rapport à l’adoption. L’adoption pose elle aussi de vraies questions…
Mme Aurore Bergé. Mais ce n’est pas le sujet !
M. Erwan Balanant. Ce n’est effectivement pas le sujet, mais c’est un sujet auquel je tiens. Vous avez dit tout à l’heure que tous les couples pouvaient adopter. Mais en réalité, seuls les couples mariés peuvent aujourd’hui adopter. Un couple qui n’est pas marié ne peut pas adopter conjointement.
M. Pascal Brindeau. Une femme seule peut adopter !
M. Erwan Balanant. L’un des deux peut adopter, mais cela ne crée pas nécessairement une famille – puisque vous tenez tant à la famille ! Si l’un des deux décède, vous voyez les problèmes qui se posent…
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Balanant, ce n’est pas le sujet.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. J’aimerais, parce que plusieurs d’entre vous m’ont interrogée à ce sujet, expliquer les raisons qui poussent le Gouvernement à évoluer et à modifier la rédaction initiale du projet de loi.
Notre souhait était d’apporter une précision, et non une modification de l’existant. Or la rédaction actuelle apporte une modification, non une précision. Tout d’abord, il n’est pas nécessaire de faire référence à une « évaluation médicale », dans la mesure où elle va de soi, dès lors qu’il y a un acte médical : on ne peut pas réaliser un acte médical sans évaluer le patient. Ensuite, pour répondre à Mme Ménard, il ne s’agit de procéder à une évaluation psychologique à un instant t, mais de procéder à une succession d’entretiens, tout au long du parcours. J’ajoute que ces entretiens seront réalisés par une équipe pluridisciplinaire, ce qui est préférable à l’évaluation par une seule personne à l’entrée du parcours. En définitive, notre souci de précision a conduit à dénaturer ce qu’est la réalité du suivi de ces couples – un suivi dans la durée et dans la pluridisciplinarité – et il a pu laisser croire que nous estimions qu’un entretien psychologique pouvait suffire à faire l’évaluation d’une personne et de son parcours de vie. Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à l’amendement de Mme Martine Wonner.
Les équipes procèdent déjà à une évaluation pluridisciplinaire : les entretiens psychologiques, avec des psychiatres, des assistantes sociales ou d’autres professionnels, ont déjà lieu. Nous ne souhaitons pas modifier l’existant.
La commission adopte l’amendement n° 2020.
En conséquence, les amendements identiques n° 763 de Mme Nadia Ramassamy, n° 1013 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1825 de Mme Sylvia Pinel tombent, ainsi que l’amendement n° 2123 du rapporteur.
La commission examine ensuite l’amendement n° 1700 de Mme Claire Pitollat.
Mme Sereine Mauborgne. Cet amendement vise à instaurer concrètement des conditions d’équité dans l’accès des personnes à l’assistance médicale à la procréation. Il vise à affirmer de manière spécifique dans la loi que chacun des demandeurs doit pouvoir bénéficier de la même recevabilité lorsque sa demande est émise et du même délai de prise en charge, afin d’éviter toute discrimination dans le traitement des demandes d’AMP en fonction de la ou des demandeurs.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je partage totalement cet objectif, mais il me semble que mes amendements n° 2235 et n° 2236, que nous examinerons un peu plus tard, sont préférables, car plus détaillés.
Mme Sereine Mauborgne. Pourquoi, monsieur le rapporteur, mon amendement et les vôtres ne font-ils pas l’objet d’une discussion commune ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Parce qu’ils ne portent pas sur le même alinéa que le vôtre. Nous examinerons tout à l’heure, en discussion commune, une série d’amendements portant sur la prévention de la discrimination. Le vôtre arrive plus tôt, à un endroit apparemment moins opportun. Mais nous sommes d’accord sur l’objectif.
L’amendement n° 1700 est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 808 de M. Fabien Di Filippo et n° 1036 de Mme Émilie Bonnivard.
M. Fabien Di Filippo. La PMA permet aujourd’hui aux couples hétérosexuels qui souhaitent avoir un enfant de surmonter des difficultés médicales. L’étendre aux femmes seules et aux couples de femmes, c’est reconnaître le concept d’infertilité sociale, qui avait été introduit dans la loi par la précédente majorité, concept aussi artificiel que chimérique.
Vous prévoyez, en outre, sa prise en charge à 100 % par la sécurité sociale. Or il faut savoir qu’un essai de PMA coûte un peu plus de 5 000 euros en moyenne. On peut se demander s’il revient au contribuable national, à la solidarité nationale, de prendre en charge le désir d’enfant des couples homosexuels ou des femmes seules. Je ne le pense pas, surtout au moment où votre gouvernement a décidé de dérembourser les médicaments contre la maladie d’Alzheimer ou certains médicaments d’homéopathie. Telle est la question que pose mon amendement n° 808.
M. Thibault Bazin. L’amendement n° 1036 vient d’être défendu. J’ajoute que le coût total d’une PMA peut atteindre 20 000 euros si l’on prend en compte l’intégralité du parcours.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. On estime que la prise en charge de l’AMP par l’assurance maladie va augmenter de 10 %. Sur le fond, je vous renvoie à l’avis du Conseil d’État, qui estime que la PMA pour toutes instaure un traitement égalitaire entre toutes les personnes bénéficiaires de la protection universelle maladie ayant recours à une AMP, ce qui apparaît conforme au principe d’égalité devant la protection sociale, comme au principe de solidarité, dont le Conseil d’État a rappelé qu’il constituait l’un des trois principes fondateurs du modèle bioéthique français, avec les principes de dignité et de liberté. Pour ne pas entraver ces principes fondateurs de la bioéthique à la française, nous pensons qu’il est nécessaire que la prise en charge soit la même pour les femmes seules, pour les couples de femmes et pour les couples hétérosexuels. La vérité oblige d’ailleurs à dire que les femmes en couple ou les femmes seules qui se rendent en Belgique, en Espagne ou ailleurs pour accéder à l’AMP, bénéficient déjà de la prise en charge d’un grand nombre d’examens effectués préalablement en France.
Je note, au passage, qu’il est inexact de désigner, comme vous le faites dans votre amendement, l’AMP comme un acte unique, car il s’agit en réalité d’une succession d’interventions – mais peu importe. Sur le fond, il nous paraît tout à fait indispensable, si nous voulons respecter les principes de bioéthique français, d’assurer cette prise en charge par l’assurance maladie.
Mme Aurore Bergé. L’enjeu, c’est tout simplement celui de l’effectivité du droit que nous ouvrons. Dès lors que l’on souhaite que chaque femme, quel que soit son statut matrimonial ou son orientation sexuelle, puisse avoir accès à la PMA, il faut être cohérent et faire en sorte qu’elle soit prise en charge par l’assurance maladie. On ne peut pas introduire une distinction entre celles qui pourraient être remboursées, au motif qu’elles sont en couple hétérosexuel, et celles qui ne pourraient pas l’être et qui, de fait, n’auraient pas accès à la nouvelle possibilité qui leur est ouverte. Par souci de cohérence, le groupe de La République en Marche est défavorable à ces amendements.
M. Pierre Dharréville. Premièrement, je ne crois pas que les personnes qui vont s’engager dans une PMA le feront à la légère. Deuxièmement, cette extension du recours possible à l’AMP n’aurait pas de sens sans le remboursement : c’est la condition de l’effectivité du droit. Cela poserait, pour le coup, une question éthique que nous serions incapables de résoudre. La PMA ne doit pas être un terrain d’inégalité.
M. Guillaume Chiche. Comme notre collègue Aurore Bergé l’a très bien dit, il y va de l’effectivité du droit. Au-delà, ces amendements remettent en cause l’un des principes fondateurs de notre sécurité sociale, celui qui veut que chacun cotise en fonction de ses moyens et perçoive en fonction de ses besoins. Je n’énumérerai pas tous les soins pris en charge par la sécurité sociale, pour lesquels des femmes en couple lesbien cotisent, alors même qu’elles n’y auront jamais recours.
M. Fabien Di Filippo. Comme tous les Français !
M. Guillaume Chiche. Ce sont les principes d’universalité et de solidarité. Aujourd’hui, monsieur Di Filippo, des femmes en couple lesbien cotisent, comme tous les Français, à la sécurité sociale, ce qui permet de prendre en charge des aides médicales à la procréation réalisées par les couples hétérosexuels. Je ne vois donc pas au nom de quel principe nous les exclurions de cette prise en charge, alors même que nous prenons en charge cette pratique pour d’autres personnes, dans les mêmes conditions.
M. Pascal Brindeau. J’aimerais que la majorité fasse preuve d’un peu de cohérence. Monsieur le rapporteur, depuis le début de nos débats, vous ne cessez de nous expliquer en long, en large et en travers que l’accès à l’AMP n’est pas un acte thérapeutique ni médical. Il me semblait que la création de la sécurité sociale et de la branche d’assurance maladie était destinée à couvrir des risques liés à la maladie et à la pathologie pour l’ensemble de nos concitoyens.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Pas seulement ! L’IVG n’est pas un acte thérapeutique, mais il est pris en charge.
M. Pascal Brindeau. Expliquez-nous pourquoi, aujourd’hui, vous voulez absolument qu’un acte ni médical, ni thérapeutique, soit pris en charge par l’assurance maladie.
Mme Aurore Bergé. C’est un acte médical, même s’il n’est pas thérapeutique, puisque ce sont des médecins qui le réalisent.
M. Pascal Brindeau. Puisque vous justifiez que l’on dérembourse un certain nombre d’actes ou de prescriptions, sous prétexte qu’ils relèvent du confort et non du soin à proprement parler, pourquoi ne pourrait-on pas distinguer les PMA « thérapeutiques », en tout cas destinées à pallier l’infertilité, présupposée ou pathologique, d’un couple hétérosexuel, et celles qui découlent d’un choix social fait par une femme seule ou par un couple de femmes ?
Mme Marie-Noëlle Battistel. Le groupe Socialistes et apparentés ne s’inscrit absolument pas dans la logique de ces amendements. On ne peut pas, au moment même où nous créons un droit, introduire une inégalité. Au nom des principes d’égalité et de solidarité, nous voterons contre ces amendements.
Mme Sereine Mauborgne. Premièrement, la sécurité sociale sert aussi à financer des actes de prévention et d’éducation. Deuxièmement lorsque des couples hétérosexuels recourent à l’AMP, l’infertilité est supposée, mais n’a pas toujours de réalité physique : il arrive d’ailleurs que des couples arrivent à avoir un enfant après avoir bénéficié d’une AMP. Enfin, on ne peut pas défendre d’un côté la non-marchandisation du corps et, de l’autre, défendre un système à double entrée, dans lequel le même dispositif serait payant pour les homosexuels et remboursé pour les hétérosexuels. Pour moi, c’est la porte ouverte à la marchandisation et à l’ouverture au privé : la sécurité sociale a le mérite de fixer, pour chaque acte, un tarif unique.
Mme Caroline Fiat. Alors que, depuis plusieurs semaines, nous entendons parler de marchandisation du corps, voilà que vous proposez l’achat des gamètes ! Votre amendement ferait presque peur car, alors que vous redoutez cette évolution, vous nous dites : « On va discriminer et les gens achèteront des gamètes. » Il faut rester cohérent, sinon cela ne peut pas marcher !
M. Thibault Bazin. Mon collègue Di Filippo n’a pas du tout parlé d’achat de gamètes ! Cette prise en charge par l’assurance maladie fait d’autant plus débat qu’elle ne dépend pas de l’orientation sexuelle, puisqu’elle est également ouverte aux femmes seules. Dans le contexte actuel, nous devons nous poser une question de principe : devons-nous aller sur ce terrain où l’on ne s’occupe pas de maladie ? C’est un choix, mais cela met en jeu notre rapport à notre pacte sur l’assurance maladie.
Deuxième remarque, qui n’est pas anodine : nous débattrons tout à l’heure de l’alinéa 41, par lequel vous supprimez la prise en charge du traitement de l’infertilité. La lutte contre l’infertilité est une vraie cause nationale ; la suppression de la prise en charge de son traitement à l’alinéa 41 me pose problème.
Mme Emmanuelle Ménard. Je suis étonnée par une chose toute simple : vous préconisez le remboursement de la PMA par la sécurité sociale au nom de l’égalité, tout en ne cessant de nous rappeler que nous ne sommes pas dans le cadre d’une loi d’égalité. Vous invoquez le principe d’égalité, mais seulement quand cela vous arrange ! J’aimerais un peu de cohérence : soit le principe de l’égalité s’applique entre tous les couples, sans oublier les femmes seules, et alors cela vaut dans tous les domaines ; soit il ne s’agit pas d’une loi d’égalité et on en tire les conséquences. Mais on ne peut pas jouer sur tous les tableaux !
M. Philippe Berta. Je rappelle que pour les PMA pratiquées à l’étranger, toutes les phases préparatoires de l’acte sont déjà prises en charge en France et financées par la sécurité sociale.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je ne reprendrai pas tous les arguments déjà avancés sur l’universalité de l’assurance maladie. Je veux juste rappeler que la sécurité sociale rembourse déjà de nombreux actes non thérapeutiques. Ainsi, la chirurgie esthétique, sur un ressenti de mal-être, par essence subjectif, est prise en charge par la sécurité sociale ; on pourrait citer beaucoup d’autres exemples. La sécurité sociale ne se contente pas de prendre en charge le traitement des maladies : elle rembourse également des actes préventifs, de dépistage ou de confort quand le ressenti de l’inconfort est trop important. Cet argument ne tient donc pas.
Le deuxième argument que je trouve fallacieux, pour répondre à M. Di Filippo, est celui du remboursement et du déremboursement. Je veux rappeler ce qui fait qu’un acte est remboursé ou non dans notre système de sécurité sociale : son efficacité est évaluée par la Haute Autorité de santé sur la base de critères objectifs. Il n’y a donc pas lieu de mettre en regard le déremboursement de médicaments. Ainsi, je souhaiterais qu’il existe des médicaments efficaces contre la maladie d’Alzheimer, que je pourrais rembourser : c’est le rêve de tous les Français. Si certains médicaments ont été déremboursés, c’est parce que la Haute Autorité de santé a rendu un avis non seulement défavorable, mais faisant même état de risques particuliers avec ces traitements ; il en va de même pour l’homéopathie. L’avis de la ministre sur le déremboursement n’a pas d’intérêt. En ce qui concerne les actes de procréation médicalement assistée, la Haute Autorité de santé a évalué les pratiques, considéré qu’elles étaient efficaces et fixé leur tarif.
Nous souhaitons simplement rendre ce droit effectif en permettant sa prise en charge par l’assurance maladie. M. Berta a tout à fait raison de préciser que nombre de femmes pratiquant aujourd’hui une PMA à l’étranger se voient prescrire et rembourser la totalité de leur bilan en France. Ne nous voilons pas la face : il est nécessaire de rendre l’accès à ce droit réel. Il n’y a pas d’idéologie dans le remboursement ou dans le déremboursement d’actes : quand ils sont efficaces, ils sont remboursés.
La commission rejette successivement les amendements n° 808 et 1036.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1590 de M. Matthieu Orphelin et n° 1948 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon.
M. Matthieu Orphelin. L’amendement n° 1590 vise à ouvrir l’accès à la PMA aux hommes transgenres. Depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, il n’est plus nécessaire de démontrer qu’une opération chirurgicale a été réalisée pour pouvoir changer de sexe. Désormais, des personnes nées avec un appareil reproducteur féminin peuvent, sans avoir été opérées, faire reconnaître à l’état civil une autre identité de genre. La rédaction actuelle du projet de loi les exclut de l’ouverture de l’accès à la PMA : le présent amendement vise à y remédier.
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. L’amendement n° 1948 est proche de celui de M. Orphelin. L’argument selon lequel une femme seule désirant un enfant parviendra à ses fins peut également s’appliquer à un homme trans seul, tout comme les arguments sanitaires.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable à ces deux amendements, presque identiques, qui permettent de prévenir une discrimination vis-à-vis des personnes transgenres. Choisissez l’un ou l’autre : M. Orphelin souhaite-t-il retirer son amendement en faveur de celui de Mme Vanceunebrock‑Mialon, ou l’inverse ? Je vous laisse décider entre vous.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements car, dans la vie civile, seule l’identité indiquée à l’état civil est prise en compte. Si une femme transgenre décide de changer de sexe et devient un homme à l’état civil, elle n’aura pas accès à la PMA car cela aboutirait à ce qu’un homme à l’état civil devienne mère : ce serait compliqué ! Nous souhaitons donc en rester à l’état civil. De ce fait, une femme transgenre qui devient homme mais ne l’inscrit pas à l’état civil pourra, elle, accéder à la PMA.
Mme Emmanuelle Ménard. J’ai du mal à entendre l’argument simpliste selon lequel il ne servirait à rien de ne pas prévoir cette disposition au motif qu’une femme, qu’elle soit trans ou non, parviendra toujours à ses fins. Il y a une différence entre une femme décidée à tout faire pour recourir à une PMA et concevoir un enfant, et le fait que le législateur organise cette possibilité. Nous avons évoqué tout à l’heure le cas des enfants naissant sans père à cause d’un accident de la vie : il y a une différence fondamentale entre un enfant grandissant sans père pour cette raison et le fait que le législateur organise la mise à l’écart du père. C’est un choix de société et, pour ma part, je ne souscris pas à l’organisation de la mise à l’écart du père. Nous prendrions la responsabilité de faire naître des enfants dans des situations particulièrement compliquées. Les accidents de la vie, c’est une chose ; l’organisation de ces accidents, qui, de ce fait, ne seraient plus des accidents, en est une autre.
M. Charles de Courson. La nuit dernière, madame la ministre, vous nous avez expliqué que certaines femmes devenaient hommes mais gardaient leur appareil reproductif. La question n’est donc pas théorique : si une telle femme bénéficie d’une PMA dans un autre pays, elle déclarera à l’état civil français un enfant né d’un homme. C’est bien un homme à l’état civil français qui accouchera d’un enfant, que nous serons bien obligés de reconnaître. Ce texte offre donc une belle illustration d’une certaine incohérence. Nous aurons beau interdire en droit français l’accès à la PMA à ces ex-femmes transgenres, celles-ci iront à l’étranger : dès lors, votre argument tombe.
M. Ugo Bernalicis. Nous soutenons l’amendement de notre collègue Orphelin. Nous avions d’ailleurs déposé un amendement proposant quasiment la même chose mais il a été retoqué pour irrecevabilité au titre de l’article 40 – je ne vois pas bien pourquoi.
Il faut avancer sur ce sujet car nous rencontrerons des situations de fait proprement ingérables. L’amendement, tel qu’il a été rédigé par Matthieu Orphelin, est assez clair et permet de résoudre la situation. Je comprends que notre collègue Ménard soit en désaccord avec nous : oui, nous sommes un certain nombre à souhaiter que le législateur permette que le changement de sexe à l’état civil ne fasse pas obstacle à l’accès à l’assistance médicale à la procréation.
M. Thibault Bazin. Nous voyons bien la situation confuse créée par ce projet de loi. Madame la ministre, vous avez indiqué que la femme transgenre qui ne déclarerait pas son changement de sexe à l’état civil pourrait accéder à la PMA : que se passera-t-il alors à l’état civil pour l’enfant ?
Mme Annie Genevard. Dans le cas de figure, assez invraisemblable, que nous venons d’évoquer – un père qui deviendrait une mère –, il me semble que se repose la question de l’évaluation psychologique.
Mme Agnès Thill. J’entends qu’on souhaiterait autoriser l’AMP aux personnes transgenres. J’aimerais juste savoir si quelqu’un, ici, s’est posé la question de l’intérêt des enfants issus d’une personne transgenre ayant eu accès à l’AMP.
M. Raphaël Gérard. J’entends beaucoup de choses extrêmement imprécises, qui montrent bien la difficulté du sujet. La législation existante permet d’ores et déjà l’accès à la PMA dans un certain nombre de cas, notamment celui d’un homme transgenre en couple avec une femme cisgenre ; à ma connaissance, une cinquantaine d’enfants sont déjà nés dans ce cadre, et l’étude que leur a consacrée Mme Agnès Condat montre qu’ils s’épanouissent parfaitement dans leur famille. Cette étude a comparé une trentaine d’enfants nés dans une famille composée d’une mère cisgenre et d’un père transgenre avec des enfants nés dans une famille hétérosexuelle standard, une troisième cohorte permettant de valider les résultats de cette étude.
Le deuxième problème est juridique et trouve son origine dans la loi de 2016, qui a facilité le changement de sexe à l’état civil en démédicalisant le processus. Jusqu’en 2016, le changement de sexe à l’état civil imposait une stérilisation ; la France, condamnée pour cette pratique barbare, l’a abandonnée – c’est une très bonne chose. Toutefois, le législateur de 2016 n’a pas tiré les conséquences de cette décision. Depuis 2016, des enfants naissent dans ce pays avec un parent trans, qu’il soit homme ou femme, et leur filiation pose un véritable problème de droit.
Par ailleurs, comme l’indiquait Mme la ministre, un homme transgenre qui n’a pas déclaré son changement de sexe à l’état civil aura accès à la PMA dans la mesure où il est toujours considéré comme une femme à l’état civil ; en revanche, une personne trans qui aura inscrit son changement de sexe à l’état civil n’y aura pas accès. Le projet de loi pose donc un problème de discrimination, qu’il conviendra de trancher.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je veux rappeler que la démarche des personnes transgenres passe par divers stades évolutifs, parfois avec des traitements, parfois sans. C’est pourquoi nous avons décidé d’en rester à la notion de changement d’état civil, acte volontaire et indépendant de l’évolution médicale réelle de la personne, qu’elle subisse des traitements ou non. Certaines femmes transgenres reçoivent un traitement qui les rend infertiles tout en conservant un appareil génital féminin. D’autres, au contraire, ne suivent pas de traitement particulier ; elles pourront néanmoins se déclarer hommes, puisque la loi leur permet de le faire sans recevoir de traitement. Mais nous ne souhaitons pas ouvrir à des hommes transgenres à l’état civil la possibilité d’accéder à la PMA. Si quelqu’un fait une PMA à l’étranger, situation évoquée par M. de Courson, ou même fait un enfant par voie naturelle, cela posera un problème de filiation puisque c’est un homme qui donne naissance… Je laisse donc la parole à Nicole Belloubet (Sourires), qui est régulièrement confrontée à cette question.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Cela s’appelle la solidarité gouvernementale ! (Sourires.)
Rappelons d’abord que de telles situations sont extrêmement rares : elles se comptent sur les doigts d’une main dans une année. Ensuite, les quelques cas que nous connaissons n’ont rien à voir avec la PMA : ce sont des cas de filiation charnelle. Par ailleurs, l’objectif de la loi est de fixer des règles générales et non de traiter des cas singuliers.
La loi de 2016 a facilité le changement de sexe à l’état civil, désormais possible sans geste médical. De ce fait, nous considérons la personne uniquement selon son sexe à l’état civil : ainsi, un homme qui serait devenu femme à l’état civil pourrait recourir à une PMA avec une autre femme. Il n’est donc pas besoin d’indiquer quoi que ce soit de particulier dans la loi puisque les règles s’appliquent en fonction du sexe mentionné à l’état civil.
M. Thibault Bazin. La question mérite d’être posée : une femme devenue homme mais qui a conservé son appareil reproductif aura-t-elle le droit, en l’état actuel du texte, de recourir à la PMA ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Seul l’état civil compte. Une femme ayant gardé un utérus fonctionnel qui décide de devenir un homme et change son sexe à l’état civil n’aura pas droit à la PMA dans la mesure où elle est un homme à l’état civil.
À l’inverse, un homme décidant de devenir une femme ne peut évidemment pas être lui-même enceinte. Toutefois, s’il est devenu une femme à l’état civil, il pourra accéder à la PMA dans le cadre d’un couple homosexuel, sa conjointe bénéficiant d’un don de gamètes. Les règles que nous inscrivons dans la loi sont liées à l’état civil des personnes. Prenez un papier et un crayon, élaborez toutes les hypothèses que vous souhaitez, mais je vous ai résumé les deux grands cas de figure.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. J’ajoute que le juge est là précisément pour traiter ces cas singuliers. Nous n’avons pas forcément besoin de tout prévoir dans la loi : la jurisprudence fera son œuvre.
M. Thibault Bazin. À la suite de la loi de 2016, une femme qui se dit homme mais qui a conservé son appareil reproductif peut avoir accès à la PMA, pour peu qu’elle n’ait pas changé son état civil.
La commission rejette successivement les amendements n° 1590 et n° 1948.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 632 et n° 638 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Défendus.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements.
La commission rejette successivement ces amendements.
Elle en vient ensuite à l’examen, en discussion commune, des amendements n° 867 de M. Maxime Minot, n° 1553 de M. Bruno Fuchs et n° 1819 de Mme Sylvia Pinel.
M. Maxime Minot. Le critère de l’infertilité, médicale ou biologique, ne doit pas être mis de côté par le projet de loi. C’est en effet ce critère qui pousse à recourir à l’AMP. Mon amendement n° 867 vise donc à se rapprocher de la définition de la PMA de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique. L’ouverture du recours à l’AMP ne vient nullement remettre en cause l’actuelle AMP pour les couples hétérosexuels connaissant un problème d’infertilité. Le présent amendement vise seulement à prendre en compte les nouveaux bénéficiaires de l’AMP.
Le maintien du critère de l’infertilité comme condition nécessaire au recours à l’AMP est plus que nécessaire, pour deux raisons : d’une part, une suppression de ce critère pourrait faire craindre un déremboursement de l’AMP par la sécurité sociale ; d’autre part, le critère d’infertilité a une importance primordiale sur le plan psychologique, car le recours à l’AMP ne constitue en aucun cas un mode de conception de confort, contrairement à ce que certains avancent encore aujourd’hui.
M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 1553 a le même objet : il s’agit d’élargir la définition de la PMA en y intégrant l’infertilité. Cela correspond à la définition d’origine et concerne statistiquement beaucoup plus de bénéficiaires. Il est important de ne pas changer la définition car cela donnerait l’impression qu’il est extrêmement facile de recourir à la PMA, qu’il s’agit d’une PMA de confort. Psychologiquement, cela n’enverrait pas un bon signal car nous savons très bien que le parcours est lourd et extrêmement difficile. Il faut donc en rester à une définition plus médicale, tout en l’élargissant aux nouveaux bénéficiaires.
M. Philippe Vigier. Avec cet amendement n° 1819, nous nous associons à ce que viennent de dire nos collègues. À entendre les professeurs d’université et les praticiens que nous avons auditionnés, la fertilité en France, comparée aux autres pays européens, est plutôt en régression. Nous sommes assez largement favorables à l’ouverture de la PMA aux femmes seules ou en couple, mais je ne vois pas pourquoi vous avez écarté le critère de l’infertilité, envoyant ainsi un mauvais signal à toutes celles et à tous ceux qui en souffrent. L’élargissement se fait donc à leur détriment, qu’ils s’agissent de couples hétérosexuels ou non.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces différents amendements ont tendance à restreindre au champ de l’infertilité le recours à la PMA, ce qui n’est pas dans l’objet de la loi, laquelle ne se limite pas aux cas d’infertilité médicalement ou biologiquement constatée. Je souhaite donc le retrait de ces amendements, qui sont en contradiction avec l’objet même de la loi.
M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas votre argumentation. L’amendement défendu par notre collègue Vigier évoque d’un côté l’infertilité biologique ou médicale et, d’autre part, la possibilité d’une transmission d’une maladie très grave à l’enfant. Cela devrait couvrir le champ. Selon vous, il existerait d’autres cas de figure : pouvez-vous nous préciser lesquels ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Vigier, il y a une confusion sur ce que vous entendez par « infertilité biologique ». Pouvez-vous nous expliquer précisément ce que vous entendez par là ?
M. Philippe Vigier. C’est assez simple… Les critères de l’infertilité biologique sont connus : soit les gamètes sont capables d’assurer une fécondation, soit ils sont déficients ou absents et il faut alors chercher des gamètes d’emprunt. La loi permet à des couples hétérosexuels connaissant de tels problèmes de trouver une solution. Toutefois, la prise en charge de ces couples varie sur le territoire français, les médecins eux-mêmes expliquant que, selon les régions, l’on sort des protocoles à quarante-trois ans – c’est la loi – ou bien à trente-huit ou trente-neuf ans. Il y a un vrai problème d’infertilité, contre laquelle il faut lutter. Quel mauvais message nous enverrions si cette loi ne devenait qu’une loi de convenance, réservant la PMA aux seules femmes en couple ! Je suis favorable à un élargissement de la PMA à tous mais, en tant que biologiste, je ne peux laisser faire cette régression, alors même que les causes d’infertilité ne cessent d’augmenter. Élargissez, certes, mais n’oubliez pas le public pour lequel ont été mises en place, il y a plus de trente ans, les méthodes qui ont permis de progresser dans ce domaine !
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous incluons dans le projet de loi toute femme seule, de même que nous incluons tout couple de femmes, qu’elles aient ou non une infertilité biologique ou médicale. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je ne peux que surenchérir : les couples de femmes ou les femmes seules ne souffrent pas d’infertilité ; biologiquement parlant, elles sont fertiles.
M. Philippe Vigier. Pas forcément !
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Est-ce à dire que vous souhaitez réserver l’AMP aux seules personnes infertiles biologiquement ?
M. Philippe Vigier. Pas du tout, madame la ministre. Nous souhaitons surtout ne pas oublier l’infertilité, qui concerne tant les couples hétérosexuels que les femmes seules ou les femmes en couple. Nous sommes favorables à l’élargissement à des personnes fertiles en couple ou seules ; en revanche, ne laissez pas de côté des femmes infertiles, qui peuvent être seules, en couple homosexuel ou hétérosexuel. Cela me paraît simple.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je comprends mieux votre état d’esprit, mais je ne vois pas en quoi la rédaction actuelle interdirait à des femmes seules infertiles d’avoir accès à l’AMP et de faire une recherche d’infertilité. Dans des couples de femmes, pourquoi une femme qui, dans une démarche d’AMP, n’arriverait pas à tomber enceinte, n’aurait-elle pas droit à une recherche d’infertilité ? Je ne comprends pas en quoi le texte de loi serait amélioré par ces amendements et je ne vois pas en quoi il empêcherait de prendre en charge des femmes infertiles homosexuelles ou seules. En réalité, le texte n’est en rien restrictif : il vaut pour toute cause d’infertilité et tout type de femme.
La commission rejette successivement les amendements n° 867, 1553 et 1819.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1773 de M. Raphaël Gérard et n° 1947 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, les amendements identiques n° 2236 de M. Jean-Louis Touraine et n° 1774 de M. Raphaël Gérard, ainsi que les amendements n° 1166 de M. Didier Baichère n° 872 de M. Maxime Minot, n° 1912 de M. Didier Martin, n° 1587 de M. Matthieu Orphelin, n° 1555 de M. Bruno Fuchs et n° 2018 de M. Guillaume Chiche.
M. Raphaël Gérard. L’amendement n° 1773 vise à affirmer le principe de non-discrimination et d’égalité de traitement dans l’accès à la PMA. Comme je l’ai déjà souligné, les pratiques dans les CECOS sont un peu disparates, allant jusqu’à la discrimination de certains couples candidats à l’AMP. Cela étant, j’avais volontairement présenté cet amendement de manière assez large, peut-être un peu trop large : je le retire donc au profit de l’amendement n° 2018 de M. Chiche. Je verrai lors de l’examen en séance s’il faut y apporter des précisions.
L’amendement n° 1773 est retiré.
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Pour répondre aux inquiétudes concernant une éventuelle hiérarchisation des demandes d’accès à une AMP qui se fonderait sur le sexe, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des personnes concernées, le législateur doit préciser qu’il ne peut y avoir de discrimination dans ce domaine.
J’insiste ici sur la non-discrimination liée à l’identité de genre d’une personne. Ne pas prendre cette discrimination en compte serait le signe que nous peinons encore à reconnaître l’égalité des droits aux personnes transgenres. Pourtant, il faut tenir compte des quelques rares avancées qui ont été réalisées ces dernières années : depuis la loi de 2016 sur la modernisation de la justice, les personnes trans ont accès à l’autoconservation de leurs gamètes et à l’AMP. C’est pourquoi nous ne pouvons reculer, et nous devons, au contraire, affirmer notre engagement contre la discrimination liée à l’identité de genre. Tel est l’objet de mon amendement n° 1947.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il ne doit y avoir aucune différence de traitement liée au statut conjugal, à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. Mon amendement n° 2236, le plus complet de la série, propose que ce principe de non-discrimination soit inscrit dans la loi.
M. Raphaël Gérard. Mon amendement n° 1774 est identique. Il s’agit de préciser que l’identité de genre ne doit pas faire obstacle à l’accès à l’AMP.
M. Didier Baichère. Nous retirons l’amendement n° 1166 au profit de l’amendement n° 2018.
M. Maxime Minot. Chaque couple ou personne souhaitant avoir recours à l’AMP doit être pris en charge de manière égalitaire et uniforme, sans considération de son sexe, de sa situation matrimoniale ou de son orientation sexuelle. Les nouveaux bénéficiaires de l’AMP ne doivent en aucun cas être moins bien traités que les bénéficiaires initiaux.
Mon amendement n° 872 vise donc à renforcer le principe d’égalité entre chaque bénéficiaire d’une AMP, qu’il s’agisse d’un couple hétérosexuel, d’un couple de femmes ou d’une femme célibataire ; il ne doit y avoir aucune discrimination ou hiérarchisation entre eux.
M. Didier Martin. L’amendement n° 1912 est retiré au profit de l’amendement n° 2018.
M. Matthieu Orphelin. L’amendement n° 1587 est également retiré.
M. Bruno Fuchs. Le législateur doit inscrire le principe de non-discrimination dans le texte. L’amendement n° 1555 propose une formulation simple et courte : « Cet accès est équivalent en termes de recevabilité de la demande et de délai de prise en charge médicale. »
M. Guillaume Chiche. Je remercie mes collègues qui acceptent de retirer leurs amendements au profit de l’amendement n° 2018, qui vise à préciser dans la loi le principe de non-discrimination au cœur de notre volonté commune d’élargir l’accès à la PMA à toutes les femmes. Il dispose ainsi que cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des personnes.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces amendements sont très comparables. Je propose d’adopter le plus complet, mon amendement n° 2236, lequel dispose qu’aucune différence de traitement ne saurait être appliquée, notamment au regard du statut conjugal, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre des personnes. Ce qui fera tomber les autres.
M. Pascal Brindeau. Je m’interroge sur l’objectif que vous poursuivez. En effet, dès lors que l’article 1er ouvre le droit à l’assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes et les femmes seules, il interdit a priori toute discrimination ; ces amendements me semblent surtout de nature à jeter la suspicion sur les CECOS et les centres d’AMP dans leur gestion d’une éventuelle pénurie de gamètes.
En pointant les choix qu’ils auront à faire entre les différents bénéficiaires, on touche au cœur du problème que pose l’extension de l’AMP, à savoir le risque que ces centres ne soient pas en mesure de répondre à toutes les demandes d’AMP supplémentaires qui ne manqueront pas de se faire jour.
M. Erwan Balanant. Je trouve l’amendement de M. Chiche très pertinent, mais je souhaiterais le sous-amender pour préciser qu’aucune discrimination ne peut se fonder sur l’identité de genre.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Auquel cas il va falloir nous le transmettre sous forme écrite, monsieur Balanant.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sous-amendement est inutile puisque cette précision figure dans l’amendement n° 2236.
M. Bruno Fuchs. Pour ma part, je maintiens que la formulation de mon amendement n° 1555 est plus simple mais produit les mêmes effets, puisqu’il préconise un accès équivalent en termes de recevabilité de la demande et de délais de prise en charge médicale.
M. Thibault Bazin. Quand on crée des droits, il faut savoir envisager toutes leurs conséquences. Or les équipes pluridisciplinaires s’inquiètent des éventuels soupçons de discrimination dont certains bénéficiaires potentiels pourraient les accuser en cas d’allongement des délais d’accès à une AMP, uniquement due à la pénurie de gamètes.
De même, en cas de refus d’une AMP, l’équipe ne doit pouvoir être soupçonnée d’avoir agi de manière discriminante. C’est la raison pour laquelle il me semble que, si l’on mentionne des critères de discrimination, il faut tous les mentionner. Ou n’en inscrire aucun.
M. Charles de Courson. Il ne faut adopter aucun de ces amendements. En effet, nous connaissons une pénurie de gamètes, que l’adoption de cette loi va aggraver. Le véritable problème est celui de la gestion des files d’attente, ce qui me paraît une question réglementaire. Il me paraîtrait donc plus sage d’indiquer que les critères de gestion des files d’attente – premier arrivé, premier servi ou autres – seront fixés par décret, dans le respect du principe de non-discrimination, point. Ces amendements, s’ils étaient adoptés, pourraient aller à l’encontre de l’objectif souhaité par leurs auteurs.
Mme Aurore Bergé. Notre groupe souhaite soutenir collectivement un amendement qui garantisse l’effectivité d’un accès à l’AMP sans aucun risque de discrimination, notamment en raison de l’orientation sexuelle ou du statut matrimonial. Il n’y a là aucune défiance vis-à-vis des centres et voulons simplement que ce principe de non-discrimination soit inscrit dans la loi, seulement la volonté de nous prémunir de tout risque de dérive.
En ce qui concerne ensuite une éventuelle pénurie de gamètes, sujet récurrent, les spécialistes ont plutôt fait état d’une gestion à flux tendus, sachant que le Gouvernement a décidé que, désormais, tout serait mis en œuvre pour augmenter le nombre de donneurs potentiels, au-delà des trois cents donneurs par an dont nous disposons aujourd’hui.
M. Patrick Hetzel. Le principe de non-discrimination est un principe général qui s’impose de lui-même, dans cette nouvelle loi, à l’AMP. Vouloir l’inscrire dans cet article pourrait laisser penser qu’en réalité son application pose problème. Cela pourrait en effet être le cas pour une question de gestion des flux. Or, par définition, la question de la gestion des flux n’a rien d’intangible et, plutôt que de vouloir la résoudre en l’inscrivant « en dur » dans la loi, il me semble qu’il serait préférable que le Gouvernement opte pour un dispositif réglementaire.
Mme Annie Genevard. À vous écouter, j’ai le sentiment que l’affirmation de ce principe est faite pour vous rassurer. Vous éprouvez le besoin d’affirmer ce principe de non-discrimination, car vous savez que son application risque d’être compromise par les choix qui devront être faits entre les bénéficiaires potentiels, du fait de l’indisponibilité des gamètes.
En outre, un choix suppose toujours une forme de discrimination au sens étymologique du terme : on choisit une solution plutôt qu’une autre, un receveur plutôt qu’un autre. On aurait tort d’évacuer le principe de réalité, tel qu’il a été exposé par M. Charles de Courson. Je ne suis donc pas favorable à ces amendements.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 2018 présenté par M. Guillaume Chiche, non pour des raisons de flux ou de stocks de gamètes, mais parce que nous craignons que, par conviction, certains centres d’AMP se spécialisent, pour telle ou telle raison, dans le traitement des couples hétérosexuels, créant ainsi une forme de discrimination à l’entrée.
Bien qu’elle soit beaucoup agitée, la question du stock et du flux n’est pas une vraie question, car, aujourd’hui, ce qui fait clairement défaut et nécessite trois ans d’attente, ce sont les ovocytes ; or, à ma connaissance, les couples de femmes et les femmes seules n’auront pas besoin d’ovocytes. En ce qui concerne les spermatozoïdes, il n’y a plus aucun problème de délai d’attente depuis que le don a été ouvert aux hommes qui n’ont jamais procréé : on a enregistré en 2017 près de quatre cents donneurs, contre trois cents en 2016, et nous entendons lancer des campagnes d’information pour consolider les stocks.
J’ai expliqué hier que, pour éviter toute tension au moment du passage de l’ancien stock au nouveau stock, nous avons bien prévu trois étapes : une première durant laquelle la PMA sera ouverte aux femmes en couple homosexuel ou seules, pour lesquelles nous continuerons à utiliser le stock de gamètes antérieur, tout en organisant le registre destiné à la future ouverture de l’accès aux origines ; une deuxième étape, au cours de laquelle, le registre ayant été mis en place, nous ferons appel à de nouveaux donneurs, qui seront d’accord pour l’accès aux origines, ce qui nous permettra, sur une durée de plusieurs mois, de reconstituer un stock ; une troisième étape enfin, lorsque ce stock de nouveaux donneurs sera constitué, où il sera possible d’avoir recours à des donneurs ayant permis l’accès aux origines. Cela nous permet de garantir que, lorsque nous passerons d’un type de donneurs à l’autre, le stock aura été reconstitué.
Cessons de brandir ces délais d’attente qui ne concernent que les dons d’ovocytes, dont on sait qu’ils relèvent de procédures plus complexes et plus exigeantes, et qui ne concernent en aucun cas les couples de femmes et les femmes seules.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je voudrais insister sur le fait que notre amendement n° 2236 a été travaillé avec l’ensemble des professionnels, qui ont insisté sur le fait qu’il ne fallait pas limiter les discriminations à l’orientation sexuelle ou au statut matrimonial, mais interdire toutes les discriminations. Nous ne voulons pas nous exposer à voir se reproduire ce qui s’est passé avec l’adoption, où certains conseils de famille ont cherché à privilégier les couples hétérosexuels. Cela étant, je suis favorable au sous-amendement n° 2294 de M. Balanant.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Le Gouvernement n’est favorable qu’à l’amendement n° 2018, et défavorable au sous-amendement.
Les amendements n° 1773, n° 1947, n° 1774, n° 1166, n° 1912, n° 1587, n° 1555 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements n° 2236 et n° 872.
Elle rejette ensuite le sous-amendement n° 2294.
Puis elle adopte l’amendement n° 2018.
La commission en vient à l’examen de l’amendement n° 2235 du rapporteur.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur Il s’agit d’indiquer que l’on ne peut imposer à la femme ou couple receveur l’appariement du donneur de gamètes sur la base des caractéristiques physiques. Je rappelle que l’appariement se pratique actuellement, quand il est souhaité par le couple receveur. Il existe cependant des cas où il devient un obstacle ou une discrimination, lorsque les receveurs appartiennent à des groupes ethniques minoritaires, pour lesquels on ne dispose pas de donneur. Il y a donc dans notre pays toute une catégorie de personnes qui n’ont pas accès à l’AMP, faute de donneurs correctement appariés.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’indiquer que l’on ne doit pas imposer cet appariement mais le satisfaire chaque fois qu’il est souhaité.
M. Pascal Brindeau. Cela signifie en creux que l’on va autoriser le choix par les futurs parents des caractéristiques physiques de l’enfant, puisqu’on interdit aux CECOS et aux centres d’AMP d’imposer des critères d’appariement.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Non, c’est exactement le contraire.
M. Pascal Brindeau. On peut avoir des divergences de vues, mais soyez clairs dans vos objectifs : vous êtes en train de créer pour les receveurs le droit de choisir les caractéristiques physiques de leur futur enfant, lesquelles relèvent aujourd’hui de la seule appréciation des centres !
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Non, c’est ce qui se pratique actuellement et que nous voulons abolir !
M. Thibault Bazin. Cet amendement est très dangereux car il signifie que les receveurs ont un droit de regard sur l’appariement. C’est ouvrir la porte à l’eugénisme et à ce qui se pratique dans d’autres pays où l’on choisit ses enfants sur catalogue. Il faut absolument voter contre cet amendement.
M. Xavier Breton. Cet amendement témoigne d’une volonté d’éliminer complètement la dimension biologique et corporelle de la filiation pour ne conserver que sa dimension affective et éducative, et cette manière de pouvoir choisir son enfant peut nous conduire très loin.
On peut comprendre l’intention de départ, qui vise à faciliter l’AMP pour les personnes qui ont du mal à trouver des gamètes faute de trouver un profil de donneur appartenant à leur ethnie d’origine, etc. Mais un tel élargissement procède d’un bricolage qui rend possibles toutes les dérives. Il serait donc plus prudent que le rapporteur retire son amendement, à moins que son objectif ne soit véritablement de défendre la vision d’une procréation à la carte.
M. Charles de Courson. Je suis troublé par cet amendement du rapporteur, qui signifie que, contrairement à d’autres, certains couples auront la possibilité de refuser un appariement – encore faut-il que les responsables des services les en avertissent. Vous mettez là le doigt dans un engrenage extrêmement dangereux, qui revient à laisser in fine le choix aux receveurs. C’est tout à fait contraire à notre tradition en la matière : c’est le début de l’enfant à la carte. Je vois bien l’idée du rapporteur, mais son amendement est totalement contre-productif.
M. Patrick Hetzel. La rédaction de cet amendement pose effectivement un vrai problème, puisqu’il implique qu’à un moment donné, les futurs parents auront leur mot à dire sur certaines caractéristiques physiques du donneur, ces dernières déterminant l’appariement. Cela signifie bien que l’on s’oriente vers un système d’enfant sur catalogue, dans la mesure où ils devront avoir connaissance des critères susceptibles de donner lieu à appariement.
M. Philippe Vigier. Si les receveurs ne peuvent se voir imposer un appariement en fonction des caractéristiques physiques, cela implique qu’on leur offre une forme de choix.
Par ailleurs, si les receveurs ne peuvent se voir imposer un appariement sur des critères physiques, sur quels critères peut-on leur imposer un appariement fondé ?
M. Bruno Fuchs. Cet amendement est inquiétant. Il faudrait préciser quelles informations ont été communiquées aux receveurs pour qu’ils choisissent ou non l’appariement, s’ils doivent ou non justifier leur refus, à combien de refus ils ont droit et ce qu’il advient après ces refus. Au-delà du fait que l’on s’oriente, avec ce type de proposition, vers le principe du choix sur catalogue, l’absence de précisions sur la procédure laisse libre champ à de très nombreuses interprétations.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Si je comprends l’intention du rapporteur, la rédaction de l’amendement me paraît trop ambiguë ; il me paraît difficile de le voter en l’état.
Mme Annie Genevard. Je crois avoir entendu que, dans le cas d’une AMP liée à un problème d’infertilité au sein d’un couple hétérosexuel, on procédait à un appariement qui garantisse une forme de vraisemblance biologique, afin de donner toutes les chances de réussite au projet parental. Est-ce ce type de considération, monsieur le rapporteur, qui a motivé votre amendement, étant entendu que, dans un couple de femmes, la vraisemblance biologique, cela ne fonctionne plus ?
C’est la raison pour laquelle ce qui se comprend pour un couple hétérosexuel se comprend un peu moins dans le cas d’un couple homosexuel. Cette question du choix doit donc retenir toute notre attention car, parmi les lignes rouges que nous nous sommes tous fixées, il y a le refus de l’eugénisme, du choix des caractéristiques physiques de l’enfant à naître.
Mme Laëtitia Romeiro Dias. Si je comprends bien le sens de cet amendement, il entend mettre fin à la pratique de l’appariement sur les caractéristiques physiques, qui présente effectivement deux inconvénients : d’une part, un risque de limitation de l’accès à la PMA pour certaines minorités et, d’autre part, un encouragement à perpétuer une culture du secret, ce que nous ne voulons plus encourager.
Néanmoins, il me semble que la rédaction de cet amendement est problématique et qu’elle mériterait d’être reprécisée.
M. Pierre Dharréville. Les évolutions que nous sommes en train d’opérer doivent en effet nous conduire à interroger cette pratique de l’appariement, de manière à en faire un geste cohérent. Or, en l’état, cet amendement ne me paraît pas répondre exactement aux objectifs poursuivis ; je me demande par ailleurs si de telles précisions ont réellement leur place dans la loi.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Actuellement, les couples ayant recours à l’AMP se voient proposer des gamètes sélectionnés selon un appariement censé donner une vraisemblance à la filiation charnelle, c’est-à-dire assurer la ressemblance physique de l’enfant avec les parents, en fonction de leurs morphotypes. On peut, en ce sens, parler d’eugénisme…
M. Xavier Breton. Ce n’est pas de l’eugénisme, c’est de la vraisemblance biologique !
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce à quoi s’ajoute un appariement en fonction des groupes sanguins ABO.
Nous considérons qu’il faut maintenir la possibilité de l’appariement en fonction du morphotype, notamment pour les receveurs souhaitant garder secret le don de gamètes. Certains parents en revanche préfèrent s’en remettre au hasard et récusent toute sélection qui pourrait être assimilée à de l’eugénisme. C’est tout le contraire d’une sélection sur catalogue. Cette option permet en particulier aux membres d’un groupe ethnique minoritaire d’accéder à l’AMP, ce qui n’est pas possible avec un système d’appariement dans la mesure où l’on ne trouve pas de donneurs de gamètes correspondant à leurs caractéristiques physiques.
C’est la raison pour laquelle nous proposons aux receveurs de pouvoir choisir ou non l’appariement.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Genevard, l’emploi du mot « eugénisme » me paraît ici dangereux et tiré par les cheveux. Nous venons d’une époque où la question de la vraisemblance de paternité était essentielle dans les couples parce que l’on souhaitait maintenir le secret de la procréation. Depuis, les choses ont beaucoup évolué. Dans le cadre de leurs bonnes pratiques, les CECOS proposent depuis longtemps un choix binaire aux parents : souhaitez-vous, oui ou non, un enfant qui vous ressemble ? Mais les parents ne choisissent pas les gamètes : c’est aux CECOS de s’arranger pour trouver, dans leur stock, les gamètes les plus proches compte tenu de certaines caractéristiques physiques. Les parents disent simplement s’ils veulent, ou pas, qu’il y ait une vraisemblance physique. Les CECOS essaient alors de faire en sorte que ce soit le cas. Un choix est proposé aux parents, et il n’est pas prévu de revenir sur ces règles de bonne pratique.
Elles n’ont évidemment aucun sens pour des couples de femmes ou pour une femme seule. Pour les couples hétérosexuels, il s’agit de trouver des spermatozoïdes ou des ovocytes permettant une vraisemblance physique ; pour les couples homosexuels ou les femmes seules, la question de la vraisemblance ne se pose pas : il y aura, de toute façon, une suspicion d’AMP impliquant un tiers donneur, et ce sera dit à l’enfant.
Ce que je comprends de l’amendement du rapporteur est qu’il vise à inscrire dans la loi le fait que les receveurs peuvent refuser un appariement. Aujourd’hui, c’est plutôt une proposition qui est faite : les parents ont le choix entre l’appariement ou pas.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Certains CECOS font systématiquement un appariement.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Normalement, les parents ne peuvent pas ne pas être informés qu’ils ont le choix : cela fait partie du guide d’information qui leur est remis et dont le contenu est validé par l’Agence de la biomédecine. Les parents sont accompagnés, et il y a une harmonisation des pratiques. Les guides remis doivent donner cette information.
C’est simplement un choix qui est proposé. Ce n’est pas de l’eugénisme : les parents ne vont pas choisir des enfants sur catalogue. Il s’agit de pratiques suivies par les CECOS depuis toujours pour les couples hétérosexuels. Nous ne souhaitons pas revenir sur ces pratiques, mais nous ne souhaitons pas forcément introduire un élément nouveau dans la loi. Je préférerais donc que vous retiriez l’amendement.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne le peux pas. J’ai été contacté par des personnes qui, dans plusieurs CECOS, se sont vues imposer un appariement alors qu’elles ne le souhaitaient pas. Plus précisément, elles n’ont pas eu accès à l’AMP car on leur a dit que l’on ne trouvait pas de donneurs appariés. On ne leur a pas laissé le choix de bénéficier de gamètes sans appariement. Je crois qu’on ne peut pas laisser ces personnes sur le bord du chemin.
La commission rejette l’amendement n° 2235.
La réunion, suspendue à minuit cinq, est reprise à minuit quinze.
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 634 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques n° 7 de M. Xavier Breton, n° 195 de M. Patrick Hetzel, n° 633 de M. Thibault Bazin et n° 1739 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que l’amendement n° 635 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. L’amendement n° 634 tend à créer une clause de conscience pour les médecins et le personnel de santé qui ne souhaiteraient pas participer à l’AMP non pas pour des questions d’orientation sexuelle, mais du fait de l’absence de raison médicale. Le personnel médical ou paramédical appliquant cette clause de conscience dirigera la personne concernée vers un praticien ou un établissement susceptible de pratiquer l’AMP.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 7 vise, dans le même esprit, à faire en sorte que les professionnels de santé ne se reconnaissant pas dans une évolution qui irait vers une médecine de convenance, sans reposer sur des réalités médicales justifiées, puissent dire que cela ne correspond pas à leur conception. Il y a un débat sur cette évolution.
Cette disposition est d’autant plus importante que nous sommes dans une société qui ne permet plus l’expression d’une objection de conscience, à titre personnel. Il y a une pensée unique, imposée par un pouvoir unilatéral qui l’exprime d’une manière très forte, comme le montre la répression, notamment médiatique, des mouvements sociaux. Tout individu doit avoir la possibilité de dire : « ceci est contraire à ma conscience ». Nous devons défendre cette conception des choses.
L’évolution de la médecine interroge, elle fait débat. Il n’y a pas une vérité qui devrait s’imposer. Des choix majoritaires peuvent être faits : c’est la démocratie, mais la démocratie consiste aussi à respecter ceux qui ne se retrouvent pas dans les choix qui sont faits et pour qui les décisions imposées seraient contraires à leur conscience. Face à une évolution de la médecine qui n’est pas souhaitée par certains professionnels, nous proposons d’instaurer une clause de conscience.
M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 195 est identique au précédent. Je voudrais faire valoir un autre argument : lors des auditions qui ont eu lieu la semaine dernière, les représentants des gynécologues et obstétriciens ont explicitement demandé ce que nous proposons. Ils ont fait part de grandes inquiétudes, en insistant sur le fait que leurs confrères pratiquant dans le secteur public sont susceptibles de faire l’objet de pression des chefs d’établissement. Ils ont souhaité qu’une clause de conscience soit spécifiquement introduite à l’article L. 2141‑2 du code de la santé publique pour s’assurer qu’une telle disposition s’applique à la procréation médicalement assistée.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Vous avez dû faire beaucoup d’auditions tout seul, la semaine dernière… (Sourires.)
M. Thibault Bazin. L’amendement n° 633 est défendu.
Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 1739 vise à instaurer une clause de conscience pour les médecins et le personnel de santé qui ne souhaitent pas participer à une AMP sans raison médicale. L’article 47 du code de déontologie médicale établit une règle générale en matière de clause de conscience. En substance, tout médecin peut refuser des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles à condition qu’il ne s’agisse pas d’une urgence et qu’il donne tous les moyens aux patients d’accéder aux soins, par exemple en les réorientant vers un confrère. Or l’article 7 du même code impose aux médecins une attitude non discriminatoire vis-à-vis des patients. Une sorte de conflit juridique peut exister entre ces deux articles. D’où la nécessité, me semble-t-il, d’introduire explicitement dans la loi une clause de conscience afin d’éviter toute ambiguïté.
M. Thibault Bazin. J’ai déposé l’amendement n° 635 à titre de repli – il concerne seulement les médecins et non les autres professionnels de santé. Il prévoit également d’orienter la personne faisant l’objet d’un refus vers un praticien ou un centre susceptible de réaliser l’acte en question.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Une clause de conscience existe déjà : l’article R. 4127-47 du code de la santé publique prévoit que, « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». Il est tout à fait inutile d’introduire une clause de conscience supplémentaire. Le président de la section Éthique et déontologie du Conseil national de l’Ordre des médecins, le docteur Faroudja, a clairement indiqué lors de son audition qu’un médecin ne peut pas s’abriter derrière la clause de conscience pour faire une discrimination. Il peut dire qu’il ne veut pas s’impliquer lui-même dans tel ou tel acte, mais il confie alors la personne concernée à l’un de ses confrères, apte à pratiquer l’acte demandé. Ajouter une clause de conscience à celle qui figure déjà dans le code de déontologie médicale serait tout à fait inutile, et cela nous exposerait à beaucoup de contestations. Je demande donc le retrait de ces amendements.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je suis défavorable à ces amendements. Permettez-moi de revenir sur la manière dont on a abouti à la situation actuelle.
Un médecin a toujours le droit de ne pas réaliser un acte quand la vie du patient n’est pas en danger : il évalue le cas de chaque malade individuellement, en prenant en compte les risques et les bénéfices, et il peut décider de ne pas agir. C’est son choix. Voilà ce que prévoit le code de déontologie. On raisonne patient par patient, et acte par acte : le médecin évalue à chaque fois l’intérêt du malade et sa propre capacité à réaliser l’acte. La déontologie médicale permet à chaque médecin de refuser de réaliser un acte, mais cela ne s’applique ni à des groupes de malades ni à un type d’acte en particulier. C’est une évaluation individuelle, au cas par cas.
La question de l’IVG s’est ensuite posée. Certains médecins, pour des raisons liées à leurs convictions, ne voulaient pas pratiquer ce type d’acte. Cela nous a conduits à une clause de conscience relative à un acte précis, qui ne correspondrait pas aux convictions d’un médecin, et qui n’est pas lié à un public mais à sa nature même. En parallèle du droit nouveau qui a été créé pour les médecins, il existe une obligation de ne pas faire perdre de temps aux femmes, en les orientant vers un professionnel pratiquant l’acte demandé. Ce n’est pas ce qui est prévu dans le cadre de la déontologie médicale : le médecin peut, en effet, refuser de pratiquer un acte sans orienter nécessairement la personne vers un praticien bien défini.
Par ces amendements, vous ajouteriez un troisième type de clause de conscience, qui ne serait lié ni à un examen au cas par cas ni à un acte en particulier, mais à un type de public, ce qui relèverait clairement d’une discrimination. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.
M. Xavier Breton. Je ne vois pas en quoi cela viserait un public en particulier. Il est question de l’AMP sans raison médicale : cela concerne aussi les couples homme-femme.
J’entends bien ce qu’ont dit le rapporteur et la ministre : notre demande est satisfaite, pour les médecins, par le droit existant, mais il y a aussi d’autres catégories de personnel de santé, notamment les infirmiers ou infirmières et les auxiliaires médicaux. Pour eux, la question reste donc posée.
On invoque toujours l’argument selon lequel on stigmatiserait certaines personnes. Or ce n’est pas le cas. C’est vous qui levez le critère relatif à l’infertilité constatée pour les couples homme-femme. Il ne s’agit pas du tout de viser un public en particulier, mais un type d’acte qui n’a plus rien à voir avec l’exercice médical tel qu’on l’entend jusqu’à présent.
Mme Sereine Mauborgne. Il faut aussi préciser qu’une grande partie des injections, dans le cas des AMP, sont réalisées par des infirmiers libéraux, qui bénéficient toujours d’une clause de conscience. Ils sont libres d’accepter ou de refuser une prise en charge. À mon avis, ces amendements sont déjà satisfaits par la pratique quotidienne.
Mme Emmanuelle Ménard. Je souscris à ce qu’a dit M. Xavier Breton : cette clause de conscience n’est pas relative à un public, mais à un type d’acte. Par ailleurs, l’alinéa 10 de l’article 21 de votre projet de loi prévoit une clause de conscience pour les médecins en ce qui concerne les IVG pour motif médical. Je comprends mal pourquoi ce serait possible dans un cas et pas dans un autre, au motif que notre demande serait déjà satisfaite : cela me paraît un peu contradictoire.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. La procédure d’AMP est identique qu’il y ait une cause d’infertilité de nature médicale ou idiopathique, autrement dit sans cause médicale. Ce n’est pas un acte que vous ciblez, mais bien un public. L’acte est le même quelle que soit la cause d’infertilité, et qu’il y en ait une ou non. Ce n’est donc pas une clause de conscience liée à un acte.
La pratique sera exactement la même, qu’il s’agisse d’un couple hétérosexuel infertile ou d’un couple qui n’a pas d’infertilité prouvée médicalement. Ces amendements relèvent bien d’une discrimination en fonction du public concerné. C’est l’indication que vous remettez en cause et non l’acte. L’indication relève d’un choix médical individuel, effectué dans le cadre du code de déontologie et au cas par cas. Ce que vous proposez est une clause de conscience qui n’est pas fondée sur l’acte, ou plutôt sur le processus de l’AMP. Celui-ci est absolument identique pour tous les publics, qu’il s’agisse d’une femme seule, d’une femme en couple homosexuel ou d’un couple médicalement infertile ou sans infertilité prouvée médicalement. Cela ne peut pas être une clause de conscience au même titre que pour l’IVG, qui est relative à un acte.
Mme Annie Genevard. Qu’en est-il des médecins qui seraient contre l’AMP ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Ils devraient alors faire un autre métier : on peut être gynécologue-obstétricien, mais ne pas faire d’AMP…
Ce que vous proposez est une discrimination en fonction du public concerné. Ce que ces amendements ciblent, c’est un public, non un acte.
M. Olivier Véran. Je rejoins complètement la ministre. Les équipes pratiquant l’AMP font essentiellement cela : elles se tournent en général vers cette activité. Si on n’a pas envie de faire de l’AMP, on n’est pas obligé de le faire. On peut avoir une autre activité quand on est gynécologue-obstétricien : on n’est pas obligé de travailler dans un centre d’AMP. Ce n’est pas une activité polymorphe que chaque gynécologue pourrait pratiquer dans son cabinet entre deux autres patientes, mais une activité extrêmement spécialisée. Dès lors que l’on se tourne vers l’AMP, c’est que l’on y est favorable, sinon on ferait autre chose. Si on donne le choix de ne pas réaliser certaines AMP, c’est nécessairement en fonction de critères discriminatoires – ne nous voilons pas la face – au motif que ce serait contraire à des valeurs. Pour ma part, je suis neurologue, je ne fais pas d’AMP ; nos collègues qui sont infirmiers ou qui exercent d’autres activités médicales ou paramédicales n’en font pas non plus ; ceux qui font de l’AMP se destinent à cette activité. Leur dire qu’ils peuvent le faire mais qu’ils ne sont pas obligés s’ils n’en ont pas envie n’aurait pas vraiment de sens. La portée de la mesure qui nous est proposée est vraiment discriminatoire.
M. Xavier Breton. Il n’est pas uniquement question des médecins – il n’y a pas qu’eux dans les professions de santé. Des agents des hôpitaux sont parfois affectés dans des services qu’ils n’ont pas choisis. Les médecins ont peut-être une certaine liberté de choix, mais je ne suis pas sûr que l’on choisisse son service quand on est auxiliaire médical, ce qui est d’ailleurs tout à fait logique sur le plan de l’organisation des soins – cela ne me pose pas de problème.
À partir du moment où l’AMP sera possible sans raison médicale, ce sera le cas pour tout le monde. On n’appliquera plus le critère de l’infertilité. Il ne s’agit donc pas du tout du choix d’un public : c’est vous qui choisissez de permettre l’AMP sans raison médicale, assumez-en la responsabilité. Il n’y aura pas demain des actes d’AMP sur raison médicale et d’autres sans raison médicale. Préciser, dans nos amendements, que l’on n’est pas tenu de participer à AMP « sans raison médicale » est peut-être inutile d’un point de vue rédactionnel, mais cela ne crée pas deux types de public – soyons très clairs sur ce point. C’est à partir du moment où vous voulez que l’AMP puisse avoir lieu sans raison médicale qu’un problème se pose et que certains professionnels de santé, ayant une haute idée de l’exercice de la médecine, refusent d’endosser la responsabilité.
Mme Martine Wonner. Afin de compléter les propos de M. Olivier Véran, je tiens à rappeler que cette activité, très particulière, ne peut être pratiquée que si on a une autorisation donnée spécifiquement par les autorités de tutelle. Une telle autorisation mentionne le nom des professionnels concernés. Ceux qui sont d’accord pour réaliser ce type d’activité sont libres de se signaler et de porter un projet au sein d’un établissement. On ne force aucun professionnel, médical ou paramédical, à pratiquer cette activité. Ce qui a été dit tout à l’heure ne correspond pas du tout à la réalité.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je comprends mieux les intentions de M. Breton depuis qu’il a insisté sur l’absence de raison médicale pour la PMA. J’avais trouvé que la rédaction de son amendement était discriminatoire, mais je comprends qu’il veut simplement permettre à n’importe quel professionnel de refuser de travailler dans un centre d’AMP. Je croyais – et cela montre bien que l’amendement est mal rédigé – qu’il visait des publics souhaitant une AMP sans raison médicale.
Tout professionnel de santé peut refuser d’exercer dans le cadre de telle ou telle activité. Je ne connais aucune personne qui aurait été obligée de travailler dans un bloc opératoire alors qu’elle n’en supporte pas l’odeur, par exemple. Il y a un libre choix. Ce que vous proposez ne me paraît pas relever de la loi. Par ailleurs, je ne vois pas comment on pourrait obliger quelqu’un à travailler dans un centre d’AMP s’il ne le souhaite pas.
M. Patrick Hetzel. Cette mesure a été demandée par un certain nombre de professionnels : s’ils l’ont fait, c’est qu’ils considèrent qu’il peut y avoir un problème. Des personnes que nous avons auditionnées ont souligné à plusieurs reprises que des choses peuvent être imposées au personnel, notamment dans le secteur public. Vos propos, madame la ministre, figureront au compte rendu : je conseillerai aux acteurs concernés d’en faire état s’il devait y avoir le moindre problème – ils pourront expliquer que des garanties ont été données pour l’application de la clause de conscience.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je suis consciente que cela ralentit les débats, mais je voudrais quand même souligner que nous n’avons rien prévu de tel pour les centres pratiquant l’IVG. Or la question aurait pu se poser de la même façon pour les acteurs paramédicaux qui y travaillent.
Il ne s’agit pas, pour moi, d’une clause de conscience, au sens légal du terme, mais d’une liberté de choisir où l’on travaille. Il existe beaucoup de raisons pour lesquelles des professionnels peuvent décider de ne pas exercer telle ou telle activité ; cela ne mérite pas de figurer spécifiquement dans la loi en ce qui concerne l’AMP. Ce n’est pas de niveau législatif et cela existe pour toutes les autres activités, y compris l’IVG.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous allons passer aux votes.
M. Thibault Bazin. Je retire les amendements n° 634, n° 633 et n° 635 pour les retravailler en vue de la séance.
M. Xavier Breton. J’ai bien entendu que l’amendement n° 7 est satisfait par la pratique et qu’il continuera à l’être. Je le retire donc.
M. Patrick Hetzel. Je fais de même pour l’amendement n° 195.
Mme Emmanuelle Ménard. Je vais retirer l’amendement n° 1739, mais j’aimerais savoir, compte tenu de ces explications, pourquoi une clause de conscience est prévue à l’alinéa 10 de l’article 21 du projet de loi.
Mme Annie Genevard. Cela concerne l’IVG pour motif médical.
Les amendements n° 634, n° 7, n° 195, n° 633, n° 1739, et n° 635 sont retirés.
La commission examine ensuite l’amendement n° 1747 de Mme Béatrice Piron.
Mme Béatrice Piron. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer, comme le demande la Déclaration internationale des droits de l’enfant. Elle précise que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante lors de l’adoption des lois le concernant. Élever un enfant coûte cher : selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), son arrivée dans un foyer entraîne une hausse moyenne de 20 % du budget du ménage. Afin de garantir que l’enfance ne se déroule pas dans la précarité, tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme seule souhaitant s’engager dans une démarche de procréation médicale assistée devra pouvoir justifier d’un niveau de revenus susceptible de permettre sa subsistance et celle de l’enfant à naître. Tel est l’objet de mon amendement.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’émets un avis défavorable à l’amendement n° 1747, ainsi qu’au suivant, n° 1745. Le premier vise la totalité des bénéficiaires de l’AMP et le second uniquement les femmes seules, ce qui est quelque peu discriminatoire, puisque cela revient à préjuger que l’incapacité financière est l’apanage des femmes isolées. L’un comme l’autre sont contraires au principe même de notre système de solidarité nationale. Il faut faire confiance aux équipes pluridisciplinaires pour détecter les situations de grande fragilité : elles doivent être identifiées et elles méritent soit un accompagnement, soit une décision négative. Il faut en tout cas que la décision prise soit éclairée.
M. Charles de Courson. Le droit de procréer est constitutionnel. Il y a une jurisprudence en la matière, notamment de la Cour de cassation. Conditionner la procréation à un niveau de revenu serait une véritable régression sociale – or c’est à cela que revient cet amendement, puisque l’on n’aurait le droit de procréer que sous condition de ressources. Une telle proposition est inconstitutionnelle.
M. Cyrille Isaac-Sibille. C’est la procréation censitaire… (Sourires.)
La commission rejette l’amendement n° 1747.
L’amendement n° 1745 de Mme Béatrice Piron est retiré.
La commission est ensuite saisie de l’amendement n° 1351 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Nous voulons préciser qu’un avis défavorable du médecin ou du pédopsychiatre met immédiatement fin au processus d’assistance médicale à la procréation. Ces professionnels doivent se prononcer sur le projet parental afin de déterminer, après enquête, si la démarche doit ou non aboutir, en émettant un avis qui n’est pas seulement consultatif, mais décisionnaire : il doit pouvoir mettre fin à une démarche d’assistance médicale à la procréation. Je souhaite que l’on se rapproche de ce qui est prévu pour l’adoption. Je voudrais aussi rappeler qu’un enfant ne peut pas être enfermé dans un projet, même parental. Un enfant a un avant et un après : on ne peut pas le réduire à un désir ou à un projet.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’accès à l’AMP n’est pas un droit opposable. L’équipe médicale pluridisciplinaire qui reçoit la ou les personnes demandant une AMP a toute aptitude à décider de l’opportunité de poursuivre le projet parental. Il n’est pas du tout nécessaire d’ajouter un alinéa qui donnerait un peu l’impression que l’on aurait à s’opposer à un désir transformé en droit à l’enfant. Les équipes pluridisciplinaires peuvent donner l’avis qui leur semble opportun.
M. Charles de Courson. Un avis défavorable est-il susceptible de recours, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Inspirons-nous des pays qui ont beaucoup d’expérience dans ce domaine : en ce qui concerne l’AMP pour les femmes seules en Belgique – cela concerne des Belges dans 75 % des cas et des Françaises pour tout le reste –, un peu plus de 25 % des demandes sont rejetés. Cela relève d’une décision souveraine de l’équipe médicale. Ce n’est pas un médecin isolé qui se prononce : quand un refus est opposé, c’est sur la base d’un avis collégial, et il n’y a pas d’opposition.
M. Pascal Brindeau. J’aimerais avoir un éclairage sur un point que je n’ai pas bien compris malgré les auditions, mes lectures et les discussions que j’ai pu avoir. En l’état actuel du droit, que se passe-t-il quand l’équipe pluridisciplinaire dit « non » à un couple hétérosexuel qui a un projet d’AMP ? Confirmez-vous, ou non, que le couple peut aller voir un autre centre d’AMP pour obtenir, éventuellement, la poursuite de son projet ? Une contradiction entre les avis des équipes pluridisciplinaires est-elle par définition impossible ?
Mme Annie Genevard. Cela fait un certain temps que nous discutons du fonctionnement de ces équipes pluridisciplinaires, et cela mérite clarification.
Lorsque nous avons auditionné les professionnels, certains nous ont dit, après la réunion, dans le cadre d’une discussion informelle, qu’ils émettaient bien souvent un avis négatif – je parle des psychologues, psychiatres et pédopsychiatres – mais que cet avis n’était pas suivi par l’équipe médicale. Cela signifierait, en fait, que tous ces gens travaillent en parallèle. Nous avons inscrit un principe dans la loi, mais comment cela se passe-t-il dans la réalité, madame la ministre ? Si un avis négatif est émis, j’imagine qu’il est fondé. Pourquoi ne le suit-on pas ? Pourquoi est-il sans effet sur la décision finale ? Tout cela conduit à s’interroger sur le fonctionnement des équipes et le cheminement suivi. Je pense que nous avons besoin de garde-fous, et vous l’avez d’ailleurs souligné – vous avez dit qu’il faut pouvoir refuser une PMA si elle présente des risques pour l’un des conjoints ou pour l’enfant à naître. Je crois qu’il est sain de pouvoir dire « non » quand l’entreprise est périlleuse ou problématique, en particulier pour l’enfant. Encore faut-il savoir comment le dispositif prévu fonctionne.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Pour ce qui est des refus de pratiquer l’AMP, il peut exister des contentieux devant le tribunal administratif. Je ne sais pas combien il y en a – il faudrait que je me renseigne avant de vous répondre –, mais c’est assez rare.
Peut-il y avoir un nomadisme des personnes à qui l’accès à l’AMP est refusé ? Oui, on peut changer d’équipe, de même que l’on peut demander un deuxième avis quand un médecin refuse de pratiquer un acte. Les règles prévues pour les actes médicaux s’appliquent aussi à l’AMP. Il n’y a pas de limite en ce qui concerne le nombre d’avis.
J’ai entendu ce qui a été dit au sujet de dysfonctionnements d’équipes. C’est absolument le contraire de ce que doit être une équipe pluridisciplinaire. Vous avez indiqué que des avis n’ont pas été suivis. ; la question est de savoir s’ils ont été discutés ou non – il peut y avoir des avis contraires au sein d’une équipe. Cette question relève des bonnes pratiques et d’un travail avec les professionnels au sein de l’Agence de la biomédecine, qui anime ces équipes.
Je ne crois pas que nous puissions légiférer spécifiquement sur les avis médicaux ou pluriprofessionnels dans le domaine de l’AMP – nous n’avons jamais légiféré sur d’autres avis pluriprofessionnels, relatifs à d’autres cas. Je pense, par exemple, au passage aux soins palliatifs : il y a toujours un avis d’une équipe pluriprofessionnelle. Mais la manière dont ces équipes travaillent n’est pas prévue par la loi.
J’entends néanmoins votre souci d’harmonisation, de clarté et de transparence des procédures internes, madame Genevard. Il me semble que l’Agence de la biomédecine réalise un travail en continu, avec les équipes, sur des règles de bonnes pratiques et des expériences partagées en matière d’organisation. Cela fait partie de l’amélioration de la qualité du service rendu que l’on doit assurer au fil des années.
Je ne sais pas ce que l’on pourrait écrire dans la loi pour vous rassurer. En réalité, une équipe pluriprofessionnelle confronte des points de vue. S’il fallait toujours tenir compte d’un avis négatif, ce serait contraire à la collégialité : elle consiste à confronter des avis, négatifs comme positifs, et à prendre une décision collégiale à la fin.
La commission rejette l’amendement n° 1351.
Elle examine ensuite l’amendement n° 1352 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Nous proposons de faire référence à « tout couple formé d’un homme et d’une femme » au début de l’alinéa 4. En effet, aucun référent masculin ne remplace un père. Comme le docteur Lévy-Soussan l’a expliqué lors de son audition, les gynécologues sont plutôt enclins à le croire, mais les professionnels de l’enfance ne le sont pas. Des collectifs de médecins s’y opposent. Aucun parrain, oncle, ami, que l’on voit le week-end ou deux fois par semaine, ne remplacera jamais un père. Il est d’ailleurs tout à fait paradoxal d’admettre, dans le même temps, qu’il faut un référent masculin : c’est admettre que l’altérité est nécessaire. On veut satisfaire les adultes, mais cela revient à ce qu’un être humain n’ait jamais la chance de connaître ce que signifie avoir un père. Ce n’est pas protéger l’enfance. C’est pourquoi la procréation médicalement assistée ne doit exister que pour les couples formés d’un homme et d’une femme. Le Conseil d’État a rappelé dans un arrêt du 29 septembre 2018 que des situations différentes justifient des décisions différentes, et que l’enfant n’est pas une raison d’intérêt général.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement vise à restreindre l’AMP aux couples hétérosexuels, ce qui est le contraire de ce que prévoit le projet de loi. J’émets un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 1352.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 8 de M. Xavier Breton, n° 196 de M. Patrick Hetzel, n° 543 de Mme Annie Genevard, n° 636 de M. Thibault Bazin et n° 866 de M. Charles de Courson.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 8 tend à revenir sur l’ouverture de l’AMP aux femmes seules.
J’ai posé hier soir une question sur la multiparentalité à Mme la garde des Sceaux. Elle y a apporté une réponse purement juridique, et non politique. Or on voit bien que ce texte a une visée politique. Aucun argument juridique ne le justifie : comme le Conseil d’État l’a souligné, l’égalité est respectée dans le droit actuel. Il peut y avoir un choix politique consistant à ouvrir l’AMP, mais on ne peut pas le fonder sur un argument juridique tenant à l’égalité. Dont acte.
À partir du moment où l’on fonde uniquement la filiation sur un projet parental et un acte de volonté, comme cela a été dit hier, cela peut concerner deux personnes en dehors de leur réalité sexuée, c’est-à-dire notamment un couple de femmes. Vous ouvrez également cette possibilité à une femme seule. Au nom de quel argument pourrez-vous vous opposer à une demande provenant de trois adultes, quelle que soit la combinaison retenue – trois hommes, trois femmes, deux hommes et une femme ou deux femmes et un homme –, qui demanderont à avoir un enfant ? Si vous ne fondez pas votre argumentation sur l’altérité sexuée, ni même sur l’altérité dans un couple de personnes de même sexe – ce n’est pas mon option, mais on peut entendre cette forme d’altérité –, qu’est-ce qui vous permettra de dire non ? Si ce qui compte, c’est l’amour, je ne doute pas que trois personnes – et pourquoi pas quatre, cinq… – puissent en avoir assez pour élever un enfant. Ce n’est pas du tout là un fantasme : de telles idées sont développées à l’heure actuelle, jusque dans des magazines. Certaines personnes se déclarent favorables à la multiparentalité !
Sur le plan politique, que répondez-vous ? Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que ce n’est pas prévu dans le texte, puisqu’en le présentant, vous avez fait un choix politique. Quel argument donnerez-vous à trois personnes qui feraient cette demande – et qui, on n’en doute pas, sont capables d’aimer un enfant et de l’élever – pour leur expliquer qu’elles ne peuvent pas être à trois les parents d’un enfant ? Donnez-nous une réponse simple, sinon cela montrera que votre raisonnement est une impasse.
M. Patrick Hetzel. Mon amendement n° 196 a le même objet : la question de fond, dont nous avons débattu tout à l’heure au sujet d’autres amendements, tient au fait que l’enfant qui naîtra de l’AMP n’aura qu’un seul parent. Qui plus est, c’est le législateur qui, ex ante, prend la responsabilité de créer cette situation. Or les auditions que nous avons menées au cours des dernières semaines ont clairement montré les points de fragilité d’une telle position. Les spécialistes de l’enfance et les psychologues qui se sont exprimés, jouant d’une certaine manière le rôle de lanceurs d’alerte, ont ainsi appelé à la vigilance à l’égard de ce colloque singulier entre un parent et un enfant qui ne connaîtra pas l’altérité parentale.
De fait, la question de l’altérité est pleinement posée. Le Conseil d’État dit que votre choix est politique, que rien ne l’impose. Par ailleurs, on sait que l’on va mettre ces enfants dans une situation de fragilité – et c’est un texte de loi qui va créer de telles situations. Cela crée une responsabilité de la part de la société vis‑à‑vis des enfants à naître, que nous aurions tort de négliger. L’un des psychologues qui se sont exprimés la semaine dernière a non seulement insisté sur le fait qu’il était un lanceur d’alerte, il a aussi déclaré qu’il considérait qu’un certain nombre de problèmes liés à la situation seraient sans doute révélés dans vingt ou trente ans.
Mme Annie Genevard. Mon amendement n° 543 revient, comme ceux de mes collègues, à la question des femmes seules voulant recourir à la PMA. J’ai évoqué tout à l’heure, comme M. Patrick Hetzel vient de le faire, les risques qu’emportait, sur le plan de la relation avec l’enfant, le fait d’être seul à l’élever, bien que ce soit une situation très courante – bon nombre d’entre vous l’ont signalé.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous-même et le Président de la République, depuis plus de deux ans maintenant, avez fait des familles monoparentales, et particulièrement des femmes seules, l’objet principal des politiques sociales que le Gouvernement entend conduire ; on peut le comprendre dans la mesure où toutes les études sur la pauvreté montrent que les femmes seules sont particulièrement exposées à la précarité sociale et économique. Or il y a une forme d’incohérence à vouloir combattre les effets négatifs de l’isolement des mères tout en en favorisant l’émergence par ce texte de loi.
Mme Coralie Dubost, rapporteure, expliquait récemment, lors d’un débat télévisé auquel je participais également, qu’il ne fallait pas confondre la monoparentalité choisie et la monoparentalité subie. La première serait porteuse de toutes les vertus, la seconde vouée à l’exclusion sociale. Cette vision des choses est véritablement caricaturale. Du reste, il existe plusieurs formes de monoparentalité choisie : quand une femme décide de se séparer de son conjoint, c’est une monoparentalité parfaitement choisie, qui n’en expose pas moins aux difficultés liées au fait d’élever seul un enfant.
M. Erwan Balanant. Il faudrait donc supprimer le divorce ?
M. Thibault Bazin. En complément des arguments déjà développés, je souhaite souligner à l’appui de mon amendement n° 636 que non seulement la disposition visée priverait l’enfant d’une double filiation, mais surtout notre société lui offrirait un « système assurantiel », si je puis m’exprimer ainsi, divisé par deux. Imaginons la situation dans laquelle il se retrouverait si sa mère seule subissait un terrible accident de la vie : non seulement il deviendrait orphelin mais, pour survivre, il n’aurait qu’une seule lignée sur laquelle s’appuyer au lieu de deux. On voit bien les conséquences dommageables que cela aurait pour l’enfant lui-même. Si donc on pense vraiment à l’intérêt de l’enfant, si on a le souci de le protéger, je pense qu’il est prudent de supprimer l’extension de la PMA aux mères seules.
M. Charles de Courson. Toute la question de l’article 1er – comme de l’article 2, d’ailleurs –, est celle de l’articulation, de l’équilibre entre le désir d’enfant et les droits de l’enfant, au nombre desquels figure celui d’avoir un père.
M. Erwan Balanant. Pas du tout !
M. Charles de Courson. Or, avec ce texte, on crée volontairement une catégorie d’enfants sans père. Vous me direz que ce n’est pas le cas parce que, dans les articles 3 et 4, on a enfin établi le droit aux origines. Certes, mais avoir accès à ses origines, cela ne donne pas un père. D’abord, pendant dix-huit ans, vous ne savez pas de qui il s’agit. Ensuite, même si vous souhaitez le savoir et que vous découvrez son identité, il ne sera jamais votre père, d’autant qu’il ne vous aura pas élevé et qu’il ne vous aura pas aidé dans la vie comme votre mère aura pu le faire.
Je suis de ceux qui pensent que, à partir du moment où l’on crée la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes, on n’échappera pas à la GPA, au nom de l’égalité entre les sexes.
M. Thibault Bazin. Il a raison !
M. Charles de Courson. Il faudra cinq à dix ans pour y arriver, mais c’est inéluctable. Pour ces raisons, et dans le but de préserver les droits de l’enfant, je pense qu’il faut en rester à la PMA au service des couples hétérosexuels ayant des problèmes d’infertilité. D’où mon amendement n° 866.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La question des femmes seules revient à nouveau dans le débat, comme tout à l’heure. Je ne pense pas, monsieur de Courson, que le droit de l’enfant à avoir un père soit inscrit dans quelque texte que ce soit,…
M. Erwan Balanant. Eh non !
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur.… pas davantage que le droit à avoir des grands-parents. Heureusement, d’ailleurs, car s’il fallait donner ou imposer un conjoint à toutes les femmes seules, y compris les veuves, pour que l’enfant ait un père, nous nous retrouverions dans une situation pour le moins inconfortable… Il n’existe pas de droit de l’enfant à avoir un père, à quelque moment que ce soit. Je peux concevoir que certains souhaitent qu’un enfant ait un père, une mère, quatre grands-parents – une famille complète. Cela dit, soyons pragmatiques : autant il est légitime de se demander si l’enfant qui naîtra d’une PMA et sera élevé par une femme seule rencontrera des difficultés, autant beaucoup d’entre nous ont été convaincus par la présentation – dans le cadre tant de la mission d’information, à laquelle vous avez participé, que des auditions menées par la commission spéciale – des études réalisées sur le sujet et par les témoignages d’enfants ayant connu un tel parcours.
Au bout du compte, l’objectif du projet de loi est bien d’étendre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Je suis donc, évidemment, défavorable à ces amendements.
Mme Coralie Dubost. Au préalable, vous me permettrez un remerciement à l’adresse de M. Touraine : c’est un homme, il n’a pas l’âge dont il est question dans le texte, et malgré tout il défend très bien les femmes. Les hommes qui partagent de tels combats sont rares. Merci pour nous toutes !
Ensuite, pour répondre à l’interpellation de Mme Genevard concernant le débat télévisé qui nous a retenues pendant quelques minutes au début de l’audition d’hier, je tiens à apporter quelques précisions – et je vous remercie de me tendre la perche –, au cas où mon propos n’aurait pas été parfaitement entendu sur le plateau. Effectivement, j’ai fait une distinction, que je maintiens, entre la monoparentalité subie et la monoparentalité choisie, étant entendu qu’il existe différentes formes de choix, y compris la séparation. Dans le cadre d’une séparation, la parentalité peut être partagée, aménagée et, de ce fait, co-portée, sans difficulté particulière : certaines séparations se déroulent dans d’excellentes conditions. D’autres, en revanche, ne sont pas choisies, se passent mal, et les choses sont alors plus difficiles pour les femmes – ou pour les hommes, d’ailleurs, car certains hommes aussi se retrouvent seuls.
Il y a beaucoup de confusions autour de la notion de monoparentalité, comme si celle-ci renvoyait à un seul type de situation, alors qu’il en existe actuellement une multitude dans la société. Il est vrai que cette question a été très peu abordée à l’Assemblée nationale ; il serait intéressant que nous nous en saisissions. Cela dit, je pense que le champ de ce texte, en matière de monoparentalité choisie, dans le cadre de l’accès à une PMA, n’est clairement pas celui dont j’ai entendu parler, puisqu’il a été question de vulnérabilité et de précarité. Or il s’agit ici, au contraire, de personnes tout à fait équipées psychologiquement et matériellement, y compris du point de vue de l’organisation sociale et de l’entourage, pour accompagner un enfant.
M. Xavier Breton. Autrement dit, ce sont des riches !
M. Erwan Balanant. Mais non !
Mme Coralie Dubost. Nous sommes ici dans le cadre d’un projet qui a été structuré et qui sera structurant pour l’enfant. Il est très important de ne pas faire d’amalgames entre les situations que vise ce texte et la pluralité des situations liées à la monoparentalité, au XXe et au XXIe siècles, qui peuvent poser question et dont nous aurons peut-être à traiter un jour dans d’autres débats.
M. Guillaume Chiche. Je partage en tout point les arguments de M. Touraine et de Mme Dubost. J’ajoute que, s’agissant de l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires, dites « non mariées », il ne faut pas considérer que ces femmes s’inscrivent dans une démarche complètement déraisonnable : elles sauront apprécier leur capacité à s’occuper d’un enfant, à entamer un parcours de PMA avec tiers donneur ; il faut leur donner la liberté de le faire.
M. Xavier Breton. Des diplômées, quoi !
M. Guillaume Chiche. Pardon ?
M. Xavier Breton. Avec les moyens intellectuels et matériels de le faire !
M. Guillaume Chiche. Je vous invite, cher collègue, à ne pas interrompre systématiquement les orateurs. Il me semble que, depuis le début de la journée, nous avons réussi à échanger de manière suffisamment calme.
Les femmes en question, disais-je, sont comme tout un chacun suffisamment raisonnables pour apprécier l’opportunité d’un projet parental, d’un désir d’enfant, et recourir ou non à une aide médicale à la procréation avec tiers donneur, si elles en ont le besoin et l’envie.
M. Erwan Balanant. Je voudrais réagir à ce que vient de dire M. Breton. Selon lui, il s’agirait de femmes diplômées…
M. Xavier Breton. C’est ce que vient de dire Mme Dubost !
M. Erwan Balanant. Pas du tout. On a parlé de femmes qui auraient mûri un projet : c’est tout de même différent. De votre côté, vous êtes en train d’essentialiser et vous laissez croire qu’une femme non diplômée et qui n’aurait pas les moyens serait dans l’incapacité d’avoir des enfants, de mener un projet de parentalité. C’est absolument scandaleux ! Ce sont là deux choses totalement différentes. Vous parlez même de bobos. C’est incroyable ! Il y a des femmes, quels que soient leur milieu social, leurs moyens de subsistance, leur culture, leur niveau d’études, qui sont parfaitement en mesure de mener une réflexion sereine, tranquille, de se dire qu’elles atteignent un âge où, même si elles n’ont pas de compagnon, il est peut-être temps de faire un enfant, et qui décident de le faire dès lors que la loi leur en offre la possibilité. Tel est l’objectif de ce texte. Il ne s’agit en aucune manière d’un droit qui serait réservé à des femmes d’un milieu supérieur.
Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice. Je souhaite répondre à M. Breton, qui m’a à nouveau interrogée au sujet de la multiparentalité ou de la pluriparentalité. Je comprends que cela vous tracasse. Vous avez raison sur un point : le langage courant reconnaît déjà une forme de pluriparentalité. En effet, si l’on considère le cas de l’adoption simple, selon les règles prévues, l’enfant adopté a quatre parents : ses parents biologiques et ses parents adoptifs. Il existe donc, d’une certaine manière, une forme de pluriparentalité.
Au-delà de cet exemple, toutefois, il est important pour nous, et cela d’autant plus que notre société est construite comme cela, que la réalité juridique s’impose. Or, dans notre droit, il n’y a qu’une filiation, qu’une seule filiation par branche, comme le précise très clairement l’article 320 du code civil. Comme il est apparu, à la lecture, que cet article ne s’appliquait qu’aux couples hétérosexuels, nous avons proposé un nouveau dispositif – c’est le projet de nouvelle rédaction de l’article 4 du projet de loi, qui vous a été transmis aujourd’hui –, qui pose le même principe pour les couples homosexuels, c’est-à-dire que, une fois que la filiation est établie à l’égard des deux mères, personne ne pourra en établir une autre. On conserve donc cette double linéarité – hétérosexuelle ou homosexuelle, mais c’est bel et bien une double linéarité. Il s’agit certes d’une règle de droit, monsieur Breton, mais c’est aussi un projet politique.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. La question me tient à cœur, vous l’aurez bien compris. Elle est délicate, comme toutes celles qui touchent à la naissance. Au-delà de cet aspect, je voudrais mettre en garde contre les généralisations, notamment quand on parle d’une avancée « pour les femmes ». Il faut être très prudent à cet égard, ne serait-ce que parce que toutes les femmes ne se reconnaîtront pas forcément dans un tel projet.
Il a été question de la rationalité du choix d’une femme seule décidant d’avoir un enfant. Or le désir d’enfant n’est pas forcément rationnel : il peut arriver que l’on ne s’assure pas qu’on est en mesure d’assumer seul un tel projet. Avoir un enfant à deux, ce n’est déjà pas facile, alors l’avoir seul… Il me paraissait important de le rappeler.
Par ailleurs, dans les centres d’aide médicale à la procréation, se pose déjà la question de couples dont la situation sociale est très délicate – certains sont au RSA. D’un côté, leur demande est légitime mais, de l’autre, on sait bien que l’enfant à naître sera dans une situation de grande fragilité. La question se pose d’autant plus – au-delà du fait que le principe d’altérité, je l’ai déjà dit, me semble très important – lorsque le projet parental repose sur une seule personne.
La commission rejette les amendements identiques n° 8, n° 196, n° 543, n° 636 et n° 866.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, je vous soumets une petite équation mathématique avant que vous alliez vous coucher. Nous avons examiné une centaine d’amendements en sept heures de débats, soit quatorze amendements à l’heure en moyenne. Il nous reste environ 1 975 amendements à examiner, ce qui représente, si nous continuons à ce rythme, 140 heures de débats, soit six jours non-stop, alors que nous n’en disposons plus que de trois. Vous avez la nuit pour y réfléchir. (Sourires.) À demain matin !
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Réunion du mercredi 11 septembre 2019 à 9 heures 30 ([4])
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, en reprenant nos travaux aux amendements à l’article 1er.
Article 1er (suite)
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 1532 de M. Matthieu Orphelin et n° 1549 de M. Bruno Fuchs ainsi que les amendements n° 1828 de Mme Sylvia Pinel, n° 1905 de M. Didier Martin, n° 1766 et n° 1767 de M. Hervé Saulignac.
M. Matthieu Orphelin. L’amendement n° 1532 vise à permettre au membre du couple survivant de poursuivre le projet parental, ainsi que l’ont successivement recommandé l’Agence de la biomédecine, le Conseil d’État et le rapport d’information de la mission parlementaire.
Dès lors que l’on permet aux femmes célibataires d’avoir recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP) en utilisant des gamètes ou des embryons issus d’un don, il paraît incongru de leur refuser l’accès aux gamètes et embryons de leur partenaire défunt. Évidemment, et cela fera l’objet d’un amendement ultérieur, cela suppose d’avoir recueilli préalablement l’accord écrit de celui-ci à la poursuite de l’AMP dans l’éventualité de son décès.
M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 1549 est identique. Ce que propose le projet de loi est très paradoxal puisqu’une femme veuve disposant d’un embryon créé au cours de son mariage ne pourrait pas en bénéficier alors même qu’elle pourrait faire appel à un autre donneur. Cette disposition est inacceptable en l’état.
Cet amendement est le premier traitant le sujet. D’autres suivront, qui préciseront les modalités de l’implantation possible de cet embryon.
Mme Sylvia Pinel. L’amendement n° 1828 vise, dans le même esprit que les précédents, à permettre à une personne engagée dans une procédure d’AMP avec son conjoint de poursuivre cette démarche avec les gamètes ou les embryons issus de ce conjoint, dans le cas où ce dernier viendrait à décéder.
L’interdiction de l’AMP post-mortem est difficilement justifiable dès lors que l’on permet aux femmes célibataires d’avoir recours à l’AMP avec tiers donneur anonyme. Comment peut-on autoriser les femmes seules à recourir à l’AMP avec un tiers donneur et continuer de le leur interdire avec les gamètes de leur conjoint décédé ?
Bien sûr, l’AMP post-mortem nécessite un strict encadrement. Elle ne doit être possible que si le couple était déjà engagé dans un parcours d’AMP et si le conjoint décédé avait préalablement donné son accord à une telle utilisation. Il s’agit, finalement, d’autoriser la poursuite d’un projet parental.
Nous aborderons, dans des amendements à suivre, la question des délais d’utilisation, toujours dans le sens d’un encadrement strict de cette procédure.
M. Didier Martin. Je reprends les arguments qui viennent d’être exposés par nos collègues à l’appui de l’amendement n° 1905.
La condition pour avoir recours à l’AMP post-mortem est que les conjoints aient exprimé leur consentement ex ante, formellement et par écrit, afin que l’accord des deux membres du couple ne fasse aucun doute.
Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement n° 1766 est quasi-identique.
Pouvons-nous ouvrir la PMA aux femmes seules et refuser aux femmes veuves de poursuivre leur projet parental ? Il convient d’évaluer le traumatisme que serait, pour une femme endeuillée, d’avoir à donner ou à détruire les embryons conçus avec son compagnon, alors qu’on lui proposerait de poursuivre son projet avec un tiers donneur.
Évidemment, la question du délai se pose. La loi espagnole ne rend, par exemple, ce transfert possible qu’au terme d’un délai de douze mois à compter du décès, quand il est de six mois en Belgique. Il s’agira de bien caler celui que nous pourrions impartir. En tout cas, ne pas autoriser l’AMP post mortem relèverait d’un raisonnement assez tortueux.
L’amendement n° 1767 est de repli.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La question est importante. Plusieurs amendements porteront encore dessus et, moi-même, j’en présenterai sous plusieurs formes afin de laisser un choix à notre commission.
Il s’agit de savoir si des gamètes ou embryons conservés dans le cadre d’un projet parental, par exemple dans la crainte du décès de l’homme possiblement soumis à une chimiothérapie ou gravement malade, peuvent être laissés à la libre disposition de la femme devenue veuve ou si nous devons décider à sa place.
Nous avons été sollicités, de façon assez formelle, par le Conseil d’État qui nous demande de compléter le texte par une disposition autorisant la PMA post mortem, pour deux raisons, l’une logique et l’autre pratique. La première est que, lors des révisions antérieures des lois de bioéthique, le législateur a toujours refusé d’autoriser la PMA post mortem au motif que cela aurait ouvert la PMA aux femmes seules. Aujourd’hui, dans la mesure où nous étendons le bénéfice de la PMA aux femmes seules, la logique veut que cet argument tombe.
La raison pratique est liée à une décision récente. En plusieurs circonstances, des femmes ont sollicité le droit d’utiliser des gamètes ou des embryons. Récemment, l’une d’entre elles a obtenu du Conseil d’État que ses embryons lui soient restitués afin qu’elle aille effectuer la PMA en Espagne. De ce fait, à l’avenir, les femmes placées dans des circonstances comparables pourraient être incitées à saisir le Conseil d’État afin de mener à bien leur PMA à l’étranger. La situation s’avère inconfortable.
J’ajoute, à titre personnel, que si nous récusions cette avancée, nous entraverions un choix parental formellement exprimé puisque, dans les couples concernés, la conservation des gamètes ou des embryons avait pour objet un projet parental. Il faut laisser la femme décider si, à la lumière des discussions qu’elle a pu avoir avec son compagnon, elle souhaite le prolonger ou l’interrompre.
Quelles peuvent-être les difficultés ? Celles tenant aux successions ont été aplanies, puisqu’il est de tradition, dans ces cas, que la succession soit différée. La raison commande tout de même de préciser que le projet parental ne doit pas être poursuivi de très nombreuses années après le décès, car on ne peut pas différer une succession de dix ans. Un délai d’un ou deux ans est très habituel. Les exemples sont nombreux, à l’heure actuelle, de successions différées pour des raisons moins importantes que la naissance d’un enfant.
Faut-il accorder cette possibilité dès le décès du conjoint ? Il apparaît plus raisonnable d’accorder un délai permettant de traverser la phase de deuil et donc de s’assurer que l’enfant à venir ne soit pas celui du deuil, et que la femme ne soit soumise à aucune pression au moment où elle décide de poursuivre ce projet parental.
En définitive, il me semble qu’il s’agit d’une question de confiance vis‑à‑vis d’une femme qui, une fois qu’elle a traversé la période difficile du deuil, est tout à fait apte à décider ce qui est le mieux dans son propre intérêt et dans celui de l’enfant à naître dans le cadre du projet parental qu’elle a initié avec son défunt conjoint.
Je suggère cordialement aux auteurs des amendements, en indiquant que je les approuve, de bien vouloir les retirer dans la mesure où cette disposition sera plus à sa place dans la partie du texte consacrée aux ruptures d’AMP.
M. Patrick Hetzel. La PMA post mortem ne permet pas, à mon sens, de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant. Des spécialistes de l’enfance nous ont clairement indiqué, lors des auditions, qu’elle revenait à faire symboliquement engendrer un mort : au moment où l’AMP est effectuée, on sait d’ores et déjà que l’enfant naîtra d’un père mort. La situation est tout à fait particulière ! En voulant institutionnaliser une telle pratique au nom de la société, on prend un risque énorme. Beaucoup de spécialistes nous ont alertés sur le fait que l’intérêt supérieur de l’enfant ne serait pas respecté.
La PMA post mortem pose, à l’évidence, plusieurs problèmes spécifiques. On peut entendre le désir des adultes, mais pas s’il contrevient à l’intérêt de l’enfant. Savoir qu’au moment où le processus de sa création était engagé, son père était déjà mort n’est pas neutre du tout. Avant de faire assumer collectivement cette évolution à notre société, il faut que nous en mesurions les effets.
Un autre argument, juridique celui-là, a été avancé par le Conseil supérieur du notariat, notamment : le risque de voir apparaître un héritier postérieurement au règlement d’une succession.
Mme Bénédicte Pételle. Comme l’a dit Mme la ministre, de telles situations sont extrêmement rares : dix cas seulement ont été dénombrés en dix ans.
Le positionnement sur cette question est complexe. J’entends le risque de faire vivre à une femme un double deuil ainsi que l’absurdité de détruire un embryon conçu avec son mari défunt alors qu’elle pourra ensuite recourir à la PMA avec un tiers donneur.
La femme endeuillée se trouve dans une position de fragilité et peut subir des pressions. Votre proposition de lui laisser un délai n’est pas inintéressante, mais dans quelle mesure pourra-t-elle faire son choix en toute liberté ? L’idée de fabriquer un enfant orphelin me met mal à l’aise. Il en va autrement si la femme est déjà enceinte au moment du décès de son conjoint : même si elle a le choix de poursuivre ou non son projet parental, l’embryon a déjà été implanté. En outre, je crains que l’enfant ne soit vu comme un réparateur, celui qui comble un deuil, qui console. Je suis également très mal à l’aise avec l’idée du père mort qui engendre.
Au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, je me prononce donc contre ces amendements.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, pour la clarté de nos débats, je vous rappelle que le rapporteur vous demande de vous rallier à son amendement n° 2238, que nous examinerons dans quelques instants. Je laisserai chacun s’exprimer sur cette question très importante de façon à pouvoir procéder aux mises aux voix successives un peu plus rapidement.
M. Jean-François Eliaou. J’étais initialement favorable à la PMA post mortem, mais je ne le suis plus. Mes réflexions et les débats m’ont fait réaliser la difficulté qu’il y aurait à inscrire dans la loi un encadrement exhaustif pour cette disposition.
S’agit-il d’autoriser la PMA post mortem à partir des gamètes ou des embryons ? Ce n’est pas du tout la même chose. Les embryons signifient que le projet parental est bien avancé.
Quand faut-il l’autoriser et quand faut-il l’interdire par rapport à la date du décès ? Il me semble très compliqué d’inscrire un délai dans la loi. Je ne suis pas sûr que celle-ci doive descendre à ce niveau de détail et d’intimité.
Il y a aussi les contraintes liées aux successions, dont le rapporteur a parlé. Différer la succession d’un ou deux ans ne posera pas de problème aux notaires. Cela pourrait en être un s’il fallait aller au-delà, dans l’attente du moment où la femme décidera de faire un enfant et d’implanter ces embryons.
Or les fécondations in vitro avec des embryons, dans 70 % des cas, n’aboutissent pas à une grossesse. Ce serait, pour la femme concernée, la double peine : à la douleur du décès du père s’ajouterait l’échec de la conception d’un enfant à partir de ses spermatozoïdes. Elle vivrait alors une situation dramatique, à l’issue d’un parcours de fécondation in vitro lui-même long et pénible.
Enfin, dans quelles situations va-t-on prévoir dans la loi la possibilité de recourir à une telle procédure ? Celle dans laquelle le père est atteint d’un cancer ou celle d’un père qui se crashe contre un arbre ? Les deux situations sont bien différentes.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
M. Thibault Bazin. Il est dommage que le conseil des ministres ait lieu ce matin, car la ministre aurait pu nous livrer sa position, très intéressante, sur ce sujet auquel elle a beaucoup réfléchi. La question était déjà présente dans les débats en 1994 puis en 2004 et en 2011. À chaque fois, nos prédécesseurs, sous quelque majorité politique que ce soit, dans leur grande sagesse, l’ont tranchée avec prudence.
Considérons d’abord la situation de la mère, confrontée à la mort. Cela n’a rien d’anodin. Non seulement il lui faudra passer par la clinique du deuil, mais, au poids du deuil, vont parfois s’ajouter des pressions familiales et sociales attendant un transfert de l’image paternelle vers l’enfant. On ne veut jamais mourir, sauf, parfois, le rapporteur… La procréation porte en elle notre volonté de survivre par la transmission.
Plaçons-nous surtout du point de vue de l’enfant, qui naîtrait orphelin. Un délai pour la mise en œuvre de la PMA post mortem ne ferait qu’éloigner la date de fécondation de la date du décès, avec toutes les répercussions d’ordre psychologique que cela peut avoir pour l’enfant.
Si le seul argument tient au fait qu’ouvrir la PMA aux femmes seules rendrait, par déclinaison, compliqué de s’opposer à la PMA post mortem, cela est problématique. On voit bien que prendre pour seule base le projet parental atteint une limite quand il pourrait se faire au détriment de l’enfant.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Bazin, il serait bon qu’on ne porte pas de jugement sur les propos de nos collègues.
Mme Florence Provendier. Comment faire son deuil ? Comment faire preuve de résilience ? Comment ne pas subir la pression familiale des proches du défunt ? Surtout, comment l’enfant à naître peut-il se construire alors même qu’il a été conçu grâce aux cellules d’un mort ?
M. Erwan Balanant. Ce point soulève sur le fond des questions extrêmement importantes, mais aussi des questions de forme, d’organisation et de légistique. M. le rapporteur l’a bien dit, le projet de loi ne l’avait absolument pas pris en compte, pas plus que le droit positif.
M. le rapporteur a rappelé que des décisions du Conseil d’État et de la Cour de cassation ont contraint l’État français à restituer du matériel génétique à des femmes qui sont allées faire réaliser l’implantation à l’étranger. Ces cas ont beau avoir été extrêmement rares – dix au cours des dix dernières années –, la situation ne manquera pas de se reproduire à l’avenir. Or le législateur ferait montre de sagesse en l’encadrant puisque, par la décision du Conseil d’État, les femmes pourront aller réaliser une PMA post mortem à l’étranger.
À mon sens, l’État français doit organiser l’insémination ou l’implantation d’embryons post mortem en apportant des réponses aux arguments qui ont été avancés : celui de la succession comme celui du consentement. Ce dernier doit être éclairé et libre ; il doit être exprimé au moment où est fait le choix de recourir à une AMP, évidemment par les deux membres du couple ; la femme survivante doit pouvoir le retirer à tout moment.
Si ces conditions étaient remplies, nous pourrions aboutir à une situation qui satisfasse à la fois nos impératifs et notre volonté d’encadrer cette procédure.
Je conclus en soulignant que la question du délai est extrêmement importante.
M. Pierre Dharréville. Nous sommes quelque peu troublés par le cas de figure en débat et, pour tout dire, assez réservés concernant la proposition qui nous est faite.
Une première question me vient à l’esprit : le projet parental ne se trouverait-il pas modifié par la nouvelle situation ? Dans ce cas, peut-être faut-il voir les choses autrement.
Deuxième élément, ne s’agit-il pas d’une extension exorbitante des capacités humaines puisque, la personne concernée n’étant plus là, elle n’est, en principe – hors la technique –, plus capable de donner la vie ? L’enfant à naître ne naîtrait pas d’un don, mais d’un père décédé.
Cela peut se produire dans la vraie vie. On sait bien dans quelle situation déjà très difficile se retrouvent les femmes n’ayant pas eu recours à une PMA : c’est une douleur que de devoir faire des choix, de trancher.
Je ne suis donc pas certain de saisir tout le sens que peut avoir, au bout du compte, une telle démarche. Je crains que des familles et des femmes ne se retrouvent confrontées à des dilemmes encore plus douloureux. Et je me demande s’il est vraiment souhaitable d’envisager les choses sous l’angle de la logique de réparation qui sous-tend certains propos.
Mme Annie Genevard. Mme la garde des Sceaux a indiqué hier que la loi visait à traiter des situations générales. Or nous parlons d’une dizaine de cas en dix ans. Est-il raisonnable d’inscrire dans la loi une disposition tellement discutée et qui ne concerne que si peu de cas ?
Je vous invite, chers collègues, à bien réfléchir au point de vue de l’enfant. Vous parlez beaucoup de l’adulte qui vit un deuil, qui pourrait poursuivre son projet procréatif en bénéficiant des gamètes de son conjoint décédé plutôt que de ceux d’un donneur anonyme. Mais qu’en est-il de l’enfant ? Comment recevra-t-il son histoire, lorsqu’on lui racontera plus tard qu’il n’était pas encore né que son père était déjà décédé ? Comment peut-on psychologiquement porter une chose pareille ?
Les lois relatives à la bioéthique sont, à mon sens, fondées sur l’idée que ce qui est techniquement possible n’est pas toujours souhaitable. Gardons à l’esprit cet équilibre. Mes chers collègues, ne jouons pas aux apprentis sorciers !
M. Xavier Breton. Sur ce sujet, il n’existe pas de réponse qui ne présente pas d’inconvénients. À partir du moment où l’on joue avec le temps pour la conservation des gamètes, il y a obligatoirement un effet boomerang lorsque surviennent des accidents, comme le décès d’un membre du couple.
On voit bien aussi que la proposition qui nous est faite aurait un effet cette fois domino. D’abord, dès lors que vous ouvrez la procréation médicalement assistée aux femmes seules, comment expliquer qu’elle serait refusée aux femmes ayant construit avec leur conjoint décédé un projet parental ?
Ensuite, vous considérez que dans la mesure où cette procédure peut se dérouler à l’étranger, il faudrait l’autoriser en France. Une telle logique de dumping éthique n’est pas souhaitable.
Il faut bien mesurer les conséquences en droit de nouvelles dispositions légales, notamment en matière de succession. Un enchaînement de délais peut apporter bien des complications : d’abord, six mois minimum à partir du décès, puis douze mois au cours desquels aura lieu l’insémination ou le transfert d’embryons, et enfin le temps de la grossesse. En tout, vingt-sept mois qui peuvent avoir des conséquences familiales ou patrimoniales si le défunt était chef d’entreprise, et si donc une entreprise fait partie de l’actif successoral. Les juristes nous ont alertés sur ces points.
Il est effectivement dommage que Mme la ministre Agnès Buzyn ne soit pas présente parmi nous pour pouvoir formuler ses interrogations, mais je veux les reprendre parce qu’elles m’ont donné matière à réflexion. Je pense, d’une part, au poids que l’on fait peser sur l’enfant de sa naissance intervenue après le décès de son père, et, d’autre part, aux pressions que son entourage familial pourrait exercer sur la femme. On aura beau prévoir d’organiser le recueil d’un consentement libre, on sait que les relations familiales sont souvent compliquées à gérer par le droit.
Pour ces raisons, je suis très réticent.
M. Guillaume Chiche. Je ne m’exprime pas, s’agissant de ce sujet particulier sur lequel chacun doit se déterminer en fonction de ses convictions et des orientations, au nom de l’ensemble du groupe La République en marche.
Il me semble que nous devons respecter un principe de double cohérence. La première, qui a déjà été soulignée, voudrait que, avec l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires, on cesse de ne proposer aux femmes engagées dans un parcours de PMA avec un conjoint qui viendrait à décéder que trois choix : faire don des embryons restant à la recherche ou à une autre femme, ou les détruire. Expliquer à une femme qui vient de perdre son conjoint qu’elle ne peut poursuivre son projet parental avec ses embryons mais qu’une autre femme le pourrait, et que, pas d’inquiétude, elle aura la possibilité de recourir à la PMA qui sera ouverte aux femmes seules dès l’adoption de ce projet de loi, est absolument incohérent.
La deuxième cohérence est liée au poids que nous voulons éviter de faire supporter à l’enfant à naître. Prenons le cas où, dans le cadre de la loi actuelle, une femme dont le conjoint est décédé aurait fait don de ses embryons à une autre femme ou à un autre couple. Au nom du droit d’accès aux origines, l’enfant né de ce don pourrait avoir accès à l’identité de cette femme et entrer en contact avec elle, par exemple dans le but de la remercier. Elle pourrait tout à fait lui expliquer qu’elle aurait souhaité mener elle-même cette gestation mais qu’à l’époque, la loi le lui interdisait et que c’est pour cette raison qu’elle avait donné de son embryon à une autre femme. Le poids qui pèserait alors sur les épaules de l’enfant ne serait sûrement pas neutre !
Il est compliqué d’expliquer à une femme qu’elle serait sous l’emprise de son entourage familial. À mon sens, la femme dispose d’une liberté d’appréciation. L’amendement n° 2238 de notre rapporteur borne le recours à une PMA post mortem puisqu’il ne serait pas possible avant l’expiration d’un délai de deuil et de prévenance de six mois courant à compter du décès du conjoint. Du reste, l’argument de la femme sous influence a déjà été utilisé dans d’autres débats : le droit de vote des femmes, l’interruption volontaire de grossesse. Il ne me paraît pas approprié ici.
M. Hervé Saulignac. A priori, quand on perd la vie, on ne peut plus la donner. Pourtant, la technique aujourd’hui le permet. Nous sommes là au cœur de la bioéthique : si la technique le permet, la loi doit-elle pour autant l’autoriser ?
Notre groupe considère que la femme veuve est une femme seule. Très seule. Tragiquement seule. Dans certaines circonstances, elle peut avoir à se demander si l’amour qui prévalait au moment de son engagement dans la PMA avec son conjoint est bien toujours en accord avec le désir d’enfant. La question est très compliquée.
Pour les détracteurs de cette procédure, l’enfant qui va naître aura une histoire personnelle absolument terrible. La littérature contredit cela de la manière la plus nette.
Quant aux pressions, également terribles, qui s’exerceraient sur la femme, elles pourraient être évitées par l’amendement qui vise à recueillir les consentements au sujet de la PMA post mortem : il sera toujours possible d’arguer que ce consentement n’a pas été donné.
Je pense que nous devons rendre possible pour ces femmes l’accès à la maternité grâce à la technique. Je ne me vois pas, demain, expliquer à une femme qui aurait perdu son époux que nous lui avons refusé de concrétiser son désir d’enfant au motif que nous craignions les pressions qu’elle aurait pu subir.
Je retire, par conséquent, mes amendements au profit de l’amendement n° 2238 du rapporteur.
Les amendements n° 1766 et 1767 sont retirés.
Mme Coralie Dubost. Merci, monsieur le rapporteur, pour votre amendement qui me semble très structuré et encadré. Vous avez mis à profit les recommandations qui ont été données, notamment, par le Conseil d’État.
Je voudrais aussi évoquer la cohérence globale du projet de loi. On fonde l’ouverture de l’accès à la PMA à toutes les femmes et la suppression du motif thérapeutique sur la force de la volonté et le projet parental, affirmé à un stade antéconceptionnel, chez le notaire. Celui-ci recueillera le consentement au don et, s’agissant d’un couple de femmes, la reconnaissance conjointe. On confère une force juridique à la volonté exprimée par le projet parental, que ce soit à deux ou de la part d’une femme non mariée. C’est exactement ce qu’a dit le Conseil d’État dans l’affaire « Mme G. » de mai 2016, par son arrêt annulant une décision de refus de transfert d’embryons post mortem. Au passage, je préférerais un autre terme. À mes yeux, le projet parental survit : il s’agit finalement d’une PMA de volonté survivante plutôt que post mortem.
Le Conseil d’État a autorisé cette pratique – qui, je le rappelle, avait été votée par notre assemblée en 2011, avant que la disposition ne soit retirée au Sénat – au motif que la loi n’assure pas une application correcte de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de la Cour européenne des droits de l’homme. Il fallait donc envisager une application différente. Le Conseil d’État, dans son étude sur la révision de la loi de bioéthique de 2018, formule des préconisations qui vont dans le sens de l’encadrement d’une PMA de volonté survivante, que votre amendement a fidèlement reprises, qu’il s’agisse de l’expression du consentement préalable chez le notaire au moment du consentement au don, qui confère toute sa force à la volonté, ou de l’encadrement par les délais.
Il me semble que le droit encadre déjà la capacité des femmes à prendre des décisions lorsque surviennent certaines difficultés. Nous sommes donc en mesure d’adopter cette disposition, à laquelle je suis très favorable.
M. Charles de Courson. Je dois être le seul membre de la commission à avoir connu toutes les lois de bioéthique. Je suis un cas unique !
En 2011, nous avions tous refusé l’insémination post mortem. Même si, comme cela a été rappelé, la majorité de l’époque s’était un peu laissé aller, le Gouvernement avait fait corriger cela au Sénat. Au risque de choquer certains d’entre vous, je reconnais que l’amendement Touraine est cohérent avec le texte. Mais c’est bien là le problème : il tire les conclusions de l’extension aux femmes seules et aux couples de femmes du recours à la PMA.
Prenons l’exemple d’une femme qui perd son mari alors que le couple avait entamé une PMA. Vous lui refuseriez l’insémination par les gamètes
– supposons qu’il n’y ait pas encore d’embryon – alors que vous l’autoriseriez, puisqu’elle est une femme seule, à recourir à la PMA ? De surcroît, avec la jurisprudence du Conseil d’État, elle peut récupérer les gamètes de son défunt mari et les exporter – on n’a pas interdit, en effet, l’exportation ni l’importation des gamètes. Elle pourrait donc réaliser son projet en Espagne ou en Belgique, pour ne citer que ces pays. Vous voyez donc bien que la situation est intenable. Si vous êtes opposé à l’insémination ou à la réimplantation d’embryon post mortem, vous ne pouvez pas être favorables à la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes. C’est pourquoi l’amendement Touraine est très cohérent au regard de l’ouverture à la PMA.
Par ailleurs, on ne distingue plus les gamètes de l’embryon. Il me semble qu’à partir du moment où il y a un embryon, la vie a commencé : c’est un être en devenir, comme on disait jadis. Vous n’allez pas refuser à une femme l’implantation lorsque son mari est décédé, mais en sens inverse, le veuf devrait trouver une femme tierce pour porter l’embryon. Vous voyez bien dans quoi on rentre !
Réfléchissez bien à l’amendement Touraine : vous n’y échapperez pas, par cohérence et par respect du principe d’égalité, malgré l’opposition du Gouvernement ; si vous y êtes opposés, vous devez voter contre la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes. Le débat est aussi simple que cela.
Mme Agnès Thill. Effectivement, il y a une certaine cohérence. Par la procréation post mortem, on permet de naître d’un mort – il faut appeler les choses par leur nom. Au sein de ma circonscription rurale, dans mes 173 communes, il faut que j’explique ce qu’est la PMA post mortem, il faut dire que cela signifie naître d’un individu mort.
On entend bien que, si on accepte la PMA pour les femmes seules, les objections contre la PMA post mortem tombent d’elles-mêmes : en cela, c’est cohérent. Dans l’ancien monde, une veuve pouvait se remarier, avoir une histoire avec un nouveau compagnon, nourrir un projet différent, avec d’autres spermatozoïdes. Ainsi, la vie va de l’avant et ne s’attarde pas sur le passé. S’agissant de la PMA post mortem, à l’instar de la PMA pour une femme seule, on ne retient que le désir de la femme. Le père ne voulait peut-être pas de cette décision. Est-on certain qu’il aurait accepté de ne pas voir son enfant ? Peut-être voulait-il absolument l’élever.
Je souhaiterais qu’on pense aussi à l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette mesure suscitera de réelles difficultés au sein d’une même famille. On sait déjà que porter ne serait-ce que le prénom d’un oncle, d’un père, d’un frère aîné décédé pose de réels problèmes à un enfant, alors naître d’un individu décédé, c’est encore pire.
Mme Laurianne Rossi. Nous faisons face à une question qui interroge chacun de nous profondément, en ce qu’elle touche à la mort, au deuil. Je suis cosignataire de plusieurs amendements visant à lever l’interdiction de la PMA post mortem, car je considère que l’interdiction établie par le projet de loi risque de déboucher sur des situations incohérentes, pour ne pas dire ubuesques. Une veuve pourrait être autorisée à s’engager dans un processus d’assistance médicale à la procréation, avec l’intervention d’un tiers donneur, tout en devant abandonner l’embryon, fruit du projet parental conçu avec son mari, son conjoint, de son vivant. Il y a là, effectivement, une incohérence, pour ne pas dire une injustice, qu’il sera difficile de justifier – je rejoins les propos de mon collègue de Courson. Il convient de lever cette interdiction en posant les garde-fous nécessaires, comme le propose l’amendement de M. le rapporteur. Les garde-fous doivent concerner les délais, le consentement explicite avant le décès et une certaine clarification ; à cet égard, le terme d’ « embryon » est plus approprié que celui de « gamètes ».
Concernant d’éventuelles pressions, je suis d’accord avec M. le rapporteur qu’il faut faire confiance aux femmes. Il ne s’agit pas aujourd’hui pour nous, chers collègues, de remettre en question le libre arbitre des femmes et leur droit à disposer de leur corps. D’ailleurs, les pressions pourraient aussi s’exercer en sens inverse. Enfin, c’est notre rôle de législateur, me semble-t-il, d’encadrer cette matière pour ne pas laisser la décision au juge ; la jurisprudence a d’ailleurs déjà tranché en autorisant, à deux reprises, dans des cas très exceptionnels, l’insémination post mortem à l’étranger grâce à l’exportation des gamètes.
M. Philippe Vigier. Sur ces questions, chacun a sa part de vérité, mais je voudrais insister sur la cohérence. Vous ouvrez, par ce texte, la PMA aux femmes seules, mais vous l’interdisez à celles qui étaient engagées dans un processus d’AMP avec leur compagnon, et alors même que l’embryon peut être déjà là. Imaginez le drame que cela représente pour une femme qui perd son compagnon brutalement ou dont le compagnon donneur, à la suite d’une maladie, ne peut plus procréer. Chers collègues de La République en marche, vous ne pouvez pas dire, d’un côté, que vous laissez la liberté à des femmes seules d’avoir recours, demain, à la PMA, tout en l’interdisant dans quelques cas très isolés.
Par ailleurs, je rappelle que le code civil admet, sous certaines conditions, les mariages post mortem, qui sont certes extrêmement rares. Ce que nous n’encadrerons pas par la loi, rassurez-vous, la jurisprudence le fera pour nous. Vous entendez instituer un délai, monsieur Touraine, mais vous savez très bien qu’il s’agit de moments terribles de déstabilisation. Qui peut savoir si l’arrivée d’un enfant, qu’une femme a conçu dans le cadre d’un projet d’AMP avec son mari, sera de nature à la conforter ou à la fragiliser, lorsqu’elle sera devenue seule ? Qui a la réponse ? Puisqu’il y a quelques cas isolés, je pense qu’il vaut mieux les encadrer que de favoriser le contournement par l’étranger, dans des délais sur lesquels les juridictions se positionneront à un moment ou à un autre. J’invite chacun à réfléchir posément et à se demander si ces quelques cas ne méritent pas un encadrement plutôt que le laisser-aller, lequel entraînerait davantage de dérives.
M. Olivier Véran. « PMA post mortem » : derrière un nom pour le moins sinistre, de quoi parle-t-on ? Quelles sont les situations de vie rencontrées, certes, par un petit nombre de familles – une dizaine en dix ans ? C’est un débat difficile, qui honore notre assemblée. Il m’est rarement arrivé d’être à ce point dans l’incertitude avant un vote sur un amendement.
Les projets parentaux élaborés par les couples peuvent connaître beaucoup de changements radicaux. Considérons un projet de PMA, avec un embryon fécondé prêt à être implanté. Le père biologique apprend qu’il est atteint d’une maladie grave et incurable, tel un cancer. Pour autant, doit-on cesser le projet ? La question ne se pose pas dans cette situation, mais dans le seul cas de la bascule de la vie à la mort du père biologique. On connaît des situations aussi dramatiques que celle-ci, qui peuvent percuter un projet parental. Pour ma part, à l’inverse de mon collègue Jean-François Eliaou, j’étais plutôt défavorable, a priori, à la PMA post mortem ; je suis maintenant dans l’incertitude, à la lecture des débats et de l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui, depuis plus de vingt ans, nous enjoint de légiférer pour légaliser la PMA après la mort du père biologique. Dans cette situation particulière, au nom de quelles valeurs devrions-nous interdire à une femme majeure, qui a un projet parental, de le mener à bien ?
J’entends certes les risques de pressions, mais je vois dans l’amendement de M. Jean-Louis Touraine plusieurs mesures sécurisantes, tels le consentement éclairé, qui peut être annulé à tout moment, et le délai minimal et maximal. Je ne crois donc pas que ces hypothétiques pressions soient de nature à créer une difficulté.
Nous devons plutôt nous demander si cette situation aura un effet sur l’enfant à naître ou sur l’accomplissement du deuil pour la future mère. Je dois dire que l’avis du CCNE nous incline plutôt à légiférer dans le sens proposé par le rapporteur.
M. Raphaël Gérard. Le sujet est extrêmement sensible. J’aimerais qu’on se place, l’espace d’un instant, à hauteur de l’enfant conçu de cette manière, dont plusieurs orateurs se sont interrogés sur la charge qu’on allait faire peser sur ses épaules. Nous ouvrons la PMA aux femmes seules. Si l’on refuse à une veuve l’accès aux gamètes de son défunt mari tout en lui permettant de s’engager dans un parcours de PMA avec tiers donneur, quel poids fait-on potentiellement peser sur les épaules de l’enfant à naître, lui qui sera un enfant de remplacement et non pas celui qui était imaginé dans le cadre du projet parental ? Encore une fois, je regrette qu’on n’ait pas entériné, hier, la notion de projet parental, qui me semble essentielle. Comme le disait Mme Rossi, il faut faire confiance aux femmes. Une femme sait quel est le meilleur projet pour son enfant et pour elle, et dans quelle mesure elle pourra élever cet enfant dans les meilleures conditions, sans faire peser le poids du deuil.
Prenons conscience que, même si l’on n’a recensé que dix cas en une dizaine d’années, ces personnes ont quand même dû emprunter des parcours judiciaires extrêmement lourds, qui s’apparentent beaucoup, en plus de l’épreuve du deuil, à une espèce de châtiment imposé pour la simple raison que nous ne savons pas prendre parti sur cette ouverture. Je pense donc qu’il faut régler cette question, ne serait-ce que pour ces dix femmes.
M. Pascal Brindeau. On voit bien la terrible impasse éthique et juridique dans laquelle on se trouve désormais pour avoir ouvert l’accès de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. J’entends tous les arguments en faveur et en défaveur de la possibilité de procréation post mortem. À partir du moment où la volonté prime sur tout le reste – puisque tel est bien le fondement des dispositions présentées –, il n’y a pas d’autre possibilité que d’emprunter cette voie, par cohérence, par esprit de justice et aussi parce que, quand bien même il n’y aurait que peu de cas, si la loi ne fixe pas une règle, la jurisprudence s’y emploiera. Cela dit, il me paraît très regrettable que l’État, le législateur soit obligé d’entrer dans le très intime des personnes pour déterminer qui a droit à tel type d’enfant. On est très éloigné de ce qui me semble être l’éthique à la française.
Mme Monique Limon. Je suis favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Ce qui guide mon choix, c’est le projet parental. Or, si je pense à ce projet parental et à l’intérêt de l’enfant, je ne peux pas concevoir la PMA post mortem comme possible. À partir du moment où une femme perd son mari, il me semble que son projet de vie devient nécessairement autre, qu’un basculement s’opère. Même si, évidemment, je fais confiance aux femmes, la situation nouvellement créée n’a, à mes yeux, rien à voir. Ce qui me guide au plus haut point, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. Il me semble que, dans le processus de construction identitaire de l’enfant, ce serait vraiment catastrophique de naître dans ces conditions.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Le sujet est éminemment difficile. Même si les cas restent peu nombreux, il soulève nombre de questionnements. Pour ma part, n’étant pas favorable à la PMA pour les femmes seules, il m’est sans doute plus facile de me prononcer sur ce sujet. J’observe que, non seulement il y a peu de cas, mais que les risques encourus semblent nombreux et qu’on ne les mesure pas forcément tous. On se sent l’obligation de légiférer systématiquement sur des situations peu fréquentes. Pour ma part, j’engage à la prudence et à ne pas chercher à légiférer sur tout. La jurisprudence peut se prononcer sur de tels cas. Il faut plutôt, à mon sens, rester en retrait et ne pas vouloir toujours tout encadrer jusqu’au plus petit détail – on ne pourra pas le faire, et je ne crois pas que ce soit l’objet de la loi.
M. Philippe Berta. Selon les chiffres qui m’ont été communiqués, on a connu quatre situations de ce type dans le passé. Même si l’on est à l’échelle de l’epsilon, il faut aussi prendre en compte la cause du décès du conjoint : est-ce un décès accidentel, une pathologie ? Le cas échéant, cette dernière est-elle héréditaire, dominante, transmissible ? Cela soulève beaucoup de questions.
Mme Martine Wonner. Les législateurs que nous sommes sont appelés à s’interroger sur des techniques qui auraient peu ou prou évolué. En l’occurrence, ce n’est pas le cas : la PMA post mortem ne fait pas appel à une technique novatrice. Depuis le début de notre discussion sur le projet de loi, notre fil conducteur est le projet parental. Je souhaite vraiment que nous l’ayons à l’esprit tout au long de notre réflexion.
Je remercie notre rapporteur, parce que chaque ligne de son amendement est marquée par la prudence ; son initiative consacre avec humanité cette pratique, dans le respect du projet parental. Ces situations sont extrêmement rares, mais elles nous parlent d’histoires de vie, d’amour. Un grand nombre d’enfants naissent tous les jours dans un contexte facile, biologique, mais sont-ils le fruit de l’amour ? L’étayage formidable pour un enfant, pour se construire, connaître une adolescence solide, devenir un adulte équilibré est bien, à chaque instant, de savoir qu’il est le fruit du désir parental, d’un amour qui peut dépasser la mort. Qui sommes-nous, législateurs, pour nous substituer à ce désir ? L’enfant existe même quand le père disparaît, quelle qu’en soit la raison, dans la parole de la mère au quotidien. J’espère donc que vous voterez l’amendement du rapporteur.
Mme Michèle de Vaucouleurs. L’organisation de nos débats est un peu compliquée : alors que nous débattons, en théorie, des premiers amendements en discussion commune, c’est l’amendement n° 2238 de M. Touraine, qui porte sur l’alinéa 5, qui est affiché.
Je m’interroge sur l’insémination post mortem, en ce qu’elle établira une filiation avec une personne décédée. Pour ma part, je présenterai ultérieurement un amendement qui vise à autoriser une femme seule à recourir à l’insémination post mortem dans le cadre d’un don dirigé, en utilisant les gamètes ou l’embryon déjà réservés pour ce projet, mais en limitant la filiation à la femme seule.
M. Francis Chouat. Comme le disait mon collègue Saulignac, nous sommes au cœur de ce qu’est une loi de bioéthique, dans la mesure où il nous est demandé de choisir entre le souhaitable et le possible. Pour ma part, j’ai longtemps estimé que ce qui doit primer, c’est l’équité des droits et qu’à partir du moment où nous ouvrons la PMA aux femmes seules, la logique commanderait de l’étendre aux femmes devenues seules. Toutefois, à la réflexion, à l’écoute des débats, je me pose deux questions. Premièrement, y a-t-il un véritable parallélisme des vies, en vertu duquel la loi devrait intégrer un parallélisme des droits ? Les deux cas précités ne sont pas du tout comparables : une femme seule et une femme devenue seule sont titulaires des mêmes droits mais ne s’inscrivent absolument pas dans le même contexte social. Deuxièmement, peut-on considérer que l’enfant à naître connaîtra les mêmes conditions de naissance, un environnement familial et social comparable à celui d’un enfant né d’une PMA accomplie par une femme seule ? Je ne le pense pas davantage. Je ne suis pas sûr que cette disposition contribue à l’équilibre que le projet de loi s’efforce en permanence de maintenir entre le droit des femmes et l’intérêt de l’enfant.
J’ajoute un élément de droit, en appelant à la prudence concernant les dons dirigés – ce qui ne concerne pas l’amendement de M. Jean-Louis Touraine. Sommes-nous capables d’intégrer la jurisprudence à notre réflexion ? Après avoir pensé autre chose, il y a encore quelques jours ou quelques heures, je donne plutôt un avis défavorable aux amendements portant sur cette question très sensible.
M. Brahim Hammouche. L’amendement du rapporteur me paraît procéder d’une réflexion très aboutie. Il n’a pas pour objet d’introduire une quelconque transgression, mais d’assurer la transmission. On ne souhaite pas transgresser et dépasser la mort, mais rendre présent l’absent et transmettre quelque chose du couple. Si le couple conjugal est, par définition, fini, le couple parental reste à construire. Cet amendement vise à ce que la parentalité voie le jour et se développe, sans aucun déni du deuil, dont le dernier stade est l’acceptation et l’espoir. La possibilité de l’insémination par un don, non pas anonyme mais identifié, rendrait présente la figure du père, dont l’importance a été rappelée ici à de nombreuses reprises. Les pères absents deviennent présents dès lors que la mère dit à l’enfant : « c’était ton père ». Je crois que cet amendement s’inscrit pleinement dans la logique de la transmission de la vie, parce que la vie doit l’emporter sur la mort.
M. Philippe Gosselin. L’amendement de notre collègue Touraine est parfaitement cohérent avec le projet de loi, même si c’est une cohérence dans laquelle, personnellement, je ne me reconnais pas. Cela montre bien l’effet domino de ce texte. À partir du moment où on reconnaît la PMA pour toutes, y compris pour des femmes célibataires, on ne voit pas au nom de quoi on imposerait à une veuve de renoncer à son projet parental, au fruit de son amour, en la contraignant éventuellement à repasser par la case départ pour avoir recours à un tiers donneur anonyme. Le texte, en l’état, est donc totalement illogique. Cela montre bien l’impasse dans laquelle il nous mène.
L’État a, d’une certaine façon, la mainmise sur la procréation. Des attentes existent, des questions sont soulevées ; on entend une demande de légalisation ou, à tout le moins, de définition de règles pour éviter que la jurisprudence puisse faire, si j’ose dire, tout et n’importe quoi. Demain, on aura peut-être d’autres questions, et ainsi de suite. C’est là l’effet domino que nous dénonçons – même si, encore une fois, je reconnais la cohérence parfaite, la logique implacable de la disposition qui est proposée par notre collègue Jean-Louis Touraine et par les auteurs des autres amendements. Néanmoins, cette logique ne peut pas être suivie, sans que cela retire en rien toute empathie pour le projet parental, que nul ne conteste. La loi n’a pas vocation à prévoir tous les cas de dons d’amour, de projet parental, à moins de vouloir instaurer une forme de mainmise de l’État sur la procréation. On fait, finalement, peu de cas de l’intérêt de l’enfant.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Nos discussions sont très enrichissantes mais quelque peu contradictoires. Quand j’entends une collègue dire qu’un enfant est le fruit d’un amour, cela met en question, à mes yeux, la PMA pour les femmes seules. Il faut s’efforcer, selon moi, de simplifier les choses. L’amendement est très long, car il s’emploie à préciser, peut-être au-delà du nécessaire. Il faut revenir aux choses simples. Comme le disait notre collègue Hammouche, cette question nous renvoie à la mort. Face à cette réalité brutale, il faut aller de l’avant et pas en arrière. La vie est toujours plus forte. Il faut laisser à la femme la chance de repartir de l’avant, de rebondir.
M. Guillaume Vuilletet. Pour faire écho aux propos de notre collègue Véran, ce débat, dont on perçoit sans conteste la dimension sensible, nous honore. Je suis de ceux dont la position a évolué au cours de la discussion. J’étais plutôt favorable à la PMA post mortem, mais, à l’écoute de nos discussions, j’ai changé d’avis.
Je définirai d’une manière un peu différente de Mme Martine Wonner ce qu’est une loi de bioéthique : à mes yeux, elle doit assurer l’adéquation entre la science, le droit et l’évolution de la société. C’est la raison pour laquelle on révise ces lois à échéances régulières : aujourd’hui, tous les sept ans, demain, peut-être, tous les cinq ans. On doit prendre en considération, à mon sens, l’état de la société. Je ne suis pas sûr, en entendant les uns et les autres, que nous ayons une position très claire sur un sujet aussi sensible. On se fonde sur le projet parental, mais ce n’est pas un mot magique. Il justifie qu’on prenne en considération la volonté des individus d’avoir un enfant, mais aussi – c’est le rôle de la loi, et c’est ce qui arrête l’effet domino qu’évoquait notre collègue Gosselin – qu’on fixe une limite. En l’occurrence, à mon avis, on va trop loin. J’ai le sentiment, eu égard à l’état de la société, que nous ne sommes pas prêts. C’est pourquoi il faut, me semble-t-il, s’en tenir au texte du Gouvernement.
M. Jacques Marilossian. J’apprécie beaucoup ce débat, mais j’avoue que je suis pris aussi d’un certain vertige. Je me demande si nous ne succombons pas à une sorte d’ivresse qui nous conduirait à nous prendre un peu pour Dieu ou, comme diraient certains, pour le grand architecte. Je m’interroge : quelles limites doit-on se fixer ? Où réside la frontière de la vie ? Je crois sincèrement que nous devons agir avec prudence et, entre technique et éthique, ne pas basculer dans une « science sans conscience ». Donner la vie après la mort de manière consciente est, me semble-t-il, une question bien plus complexe qu’il n’y paraît. Nous devons veiller à ne pas franchir certaines limites. Le projet parental dont on nous parle, n’était pas, avant la mort du conjoint, de créer un orphelin. Faisons attention !
M. Éric Coquerel. Je suis d’accord avec notre collègue Gosselin, sans en tirer les mêmes conclusions, évidemment. Ayant proposé un amendement d’esprit similaire, nous considérons que l’amendement du rapporteur doit être voté à partir du moment où l’on est favorable à l’extension de la PMA. Ce qui nous guide, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, c’est la recherche de l’égalité. Un collègue évoquait tout à l’heure les difficultés que susciterait la filiation avec une personne décédée, mais cela existe déjà. Lorsqu’un couple veut avoir un enfant, personne ne conteste le fait que la mère puisse lui donner naissance si le père est mort entre-temps. Il en va de même dans le cas où un père, se sachant condamné, décide de manière lucide et réfléchie, avec la mère, de donner malgré tout la vie. À partir du moment où on admet la PMA comme un moyen de donner la vie, je ne vois pas pourquoi on introduirait une inégalité.
Par ailleurs, à l’heure actuelle, vérifie-t-on si, dans le cadre des dons anonymes, des gamètes ne sont pas utilisés alors que le donneur est mort entre-temps ? Ce cas doit se produire, puisqu’on ne peut le vérifier qu’au bout d’un an – et encore les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) nous disent qu’ils ne peuvent pas le vérifier dans toutes les situations.
Enfin, une fois que le choix de la PMA a été fait, avec un père que l’on a choisi, je ne sais pas s’il n’est pas plus traumatisant d’avoir affaire à un donneur anonyme.
Par conséquent, il faut voter l’amendement n° 2238 du rapporteur.
Mme Laëtitia Romeiro Dias. Au‑delà des arguments relatifs à la cohérence défendus par mes collègues, je veux rappeler à ceux qui évoquent l’opportunité de laisser la jurisprudence se positionner qu’elle l’a déjà fait. En 2016, le tribunal administratif de Rennes a enjoint au centre hospitalier de Rennes d’exporter le sperme du mari décédé d’une jeune femme pour une insémination à l’étranger. Le Conseil d’État a également autorisé un transfert de sperme. Il me semble que les magistrats envoient au législateur un message qu’il serait opportun d’entendre.
Par ailleurs, nous ne défendons pas l’idée qu’il serait souhaitable de poursuivre un projet de PMA après le décès du conjoint, car nous ne pouvons pas préjuger de l’opportunité de poursuivre le projet parental, qui dépend des situations individuelles ; nous défendons la possibilité de faire un tel choix. Maintenir l’interdiction, c’est juger a priori de l’inopportunité de poursuivre le projet et empêcher toute réflexion autour.
Mme Aurore Bergé. Nous sommes au cœur de ce qu’est, pour moi, un projet de loi relatif à la bioéthique, puisque nous sommes mis face à des choix qui n’ont rien d’évident, et que personne ne peut dire, au sein de notre commission, qu’il a raison et que l’autre a tort, quels que soient les arguments employés.
Certains ont rapproché l’ouverture de la PMA aux femmes seules et l’autorisation de la PMA post mortem. Je ne crois pas qu’ouvrir la PMA aux femmes seules entraîne nécessairement l’ouverture de la PMA post mortem. Je suis donc défavorable aux différents amendements.
Examiner un projet de loi relatif à la bioéthique, c’est se poser à chaque instant la question de la conciliation entre ce qui est techniquement possible et ce qui est éthiquement souhaitable. Pour les raisons qui ont été invoquées, de l’évolution de la nature du projet parental, de l’intérêt de l’enfant, qui doit tous nous guider, que nous revendiquons à chaque instant dans nos interventions et qui est ici potentiellement en contradiction avec l’intérêt de la femme, de la définition du bon délai, qui garantisse le respect du deuil tout en permettant que le projet ne soit pas réalisé trop longtemps après le décès, des questions techniques et successorales ou encore des risques de pressions familiales sur la femme, je considère qu’il est éthiquement souhaitable de ne pas ouvrir l’accès à la PMA post mortem.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je vous remercie tous pour vos divers points de vue et cette réflexion commune, qui est délicate. Chacun a conscience d’avoir évolué vers un point de vue qui n’est pas forcément superposable à celui qu’il avait a priori. On se rend compte qu’il y a, sur cette question, des options diverses qui sont toutes légitimes.
Nous pouvons, par notre vote, témoigner de notre confiance à des femmes qui ont certes traversé une période difficile de leur vie, mais qui se sont reconstruites et qui choisissent, en responsabilité, après avoir eu toutes les informations souhaitables, soit d’interrompre le projet parental qu’elles avaient formé avec leur conjoint, soit de le poursuivre. Faisons‑leur confiance. Quel serait l’intérêt supérieur de l’enfant, en plus de l’intérêt de ces femmes ? N’est‑il pas de naître dans cette famille qui l’a conçu, espéré et aimé avant même qu’il ne se soit développé ? Les deux autres possibilités seraient que l’enfant naisse dans une autre famille – quitte à ce qu’il vienne, dix‑huit ans plus tard, trouver cette femme qui lui expliquerait ce que la loi l’a obligée à faire – ou que l’embryon soit détruit. L’embryon n’a pas d’autre issue. S’il est proposé à la recherche, il sera détruit après quatorze jours. En définitive, nous devons réfléchir à l’intérêt supérieur de l’enfant, tout autant qu’à l’intérêt de la femme concernée et à son aptitude à choisir, en son âme et conscience.
Nous sommes encouragés en ce sens par tous les organismes qui se sont penchés sur la question, que ce soit le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil d’État ou beaucoup des personnes auditionnées. Ils ne le font pas de gaieté de cœur, parce qu’ils ont, eux aussi, été partagés entre des sentiments contradictoires, mais, après réflexion, il leur semble que la solution la plus favorable était de laisser la femme choisir ce qui lui paraît bénéfique pour elle et son enfant.
Monsieur de Courson, je vous rassure, je propose deux amendements : l’amendement n° 2238 a trait à la transmission des gamètes et des embryons et l’amendement n° 2232 à la transmission des seuls embryons. Ce sont, en effet, des questions un peu différentes, certains pouvant considérer que l’embryon représente un stade plus avancé dans le projet parental et qu’en tant que tel il ne peut qu’être ou détruit ou développé pour devenir un enfant dans cette famille qui l’a espéré.
Enfin, j’ai beaucoup entendu parler des risques de pression, auxquels je suis sensible. Mais nous avons déjà la réponse à cette question, qui se pose également dans le cas, un peu comparable, des dons d’organe du vivant. Nous nous sommes prémunis contre la crainte qu’un donneur de rein soit soumis à la pression de sa famille, en organisant une visite du donneur seul auprès d’un juge, afin qu’il atteste qu’il n’est soumis à aucune pression. Il n’y a jamais eu, en France, aucune pression qui ait conduit à des prélèvements abusifs.
Tel est, mes chers collègues, après vous avoir tous entendus, le fruit de ma réflexion. Je vous remercie encore très chaleureusement pour vos interventions, et vous suggère de retirer les amendements précédant les miens.
M. Matthieu Orphelin. Mon amendement n° 1532 ayant été coupé en deux, je le retire au profit de l’amendement n° 2238.
L’amendement n° 1532 est retiré.
Les amendements n° 1549 et n° 1828 sont retirés.
M. Didier Martin. Même si je fais confiance à notre assemblée pour voter l’amendement n° 2238 du rapporteur, je maintiens mon amendement n° 1905.
La commission rejette l’amendement n° 1905.
L’amendement n° 1534 de M. Matthieu Orphelin est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 2124 du rapporteur.
Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement n° 544 de Mme Annie Genevard.
Elle en vient à l’amendement n° 383 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Ne faut‑il pas distinguer les gamètes des embryons ? Il me semble que, pour ceux qui sont dans la logique du texte, on ne peut pas assimiler les gamètes à un embryon, qui est un être en devenir. Refuser à une femme qui vient de perdre son mari d’implanter des embryons qui étaient prêts à l’intervention, ce n’est pas la même chose que de conserver les gamètes du défunt. Si M. le rapporteur propose deux amendements, il ne nous a pas indiqué sa préférence.
Par ailleurs, nous parlons du cas des veuves, mais il faudrait aussi parler de celui des veufs !
M. Erwan Balanant. Cela s’appelle une GPA. M. de Courson est pour la gestation pour autrui !
M. Charles de Courson. Non ! Mais si vous êtes veuf et que vous perdez votre femme, alors que vous vous étiez lancés dans un processus de PMA et que des embryons ont été formés, est‑il choquant, dans la logique de votre texte, d’essayer de trouver une femme tierce pour porter ces embryons ? Il faut aller jusqu’au bout, sans quoi vous allez créer une discrimination entre les femmes et les hommes. Il faut parler des deux situations.
Mon amendement vise à vous faire choisir l’amendement du rapporteur qui prend en compte les seuls embryons, les gamètes étant détruits en cas de décès.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur de Courson, si je vous ai bien compris, vous êtes d’accord pour retirer votre amendement en faveur de mon amendement n° 2232 ?
M. Charles de Courson. J’attends que vous ayez exprimé votre préférence entre vos deux amendements.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Si l’amendement n° 2238 n’est pas adopté, je choisirai l’amendement n° 2232.
M. Charles de Courson. L’amendement n° 2232 est donc un amendement de repli ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Exactement. Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur de Courson.
La commission rejette l’amendement n° 383.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1777 de M. Raphaël Gérard, n° 2238 du rapporteur, n° 2096 de M. Didier Martin faisant l’objet du sous‑amendement n° 2268 de M. Erwan Balanant, n° 2094 de M. Bruno Fuchs, n° 2089 de M. Matthieu Orphelin, n° 1911 de Mme Emmanuelle Fontaine‑Domeizel, n° 1550 de M. Bruno Fuchs, n° 1908 de M. Didier Martin, n° 2058 de M. Pascal Brindeau, n° 2232 du rapporteur, les amendements identiques n° 1037 de Mme Émilie Bonnivard, n° 1678 de Mme Annie Vidal, n° 1705 de Mme Claire Pitollat et n° 1949 de Mme Laurence Vanceunebrock‑Mialon, ainsi que les amendements n° 1663 de M. Bastien Lachaud et n° 2229 de Mme Sylvia Pinel.
L’amendement n° 1777 est retiré.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je pense n’avoir plus besoin de présenter l’amendement n° 2238.
M. Thibault Bazin. Nous avons bien compris que c’est l’amendement n° 2238 qui a la préférence du rapporteur. Nous vous alertons depuis des heures. L’inévitable effet domino du projet de loi va nous entraîner dans des impasses éthiques. Il est dangereux de se fonder sur le projet parental. L’intérêt de l’enfant, que l’on oublie en ce moment dans nos discussions, doit primer sur la volonté de la veuve. Faisons attention quand on invoque le concept d’amour, qui est subjectif et risqué en droit. Prenons également garde à la tentation de l’immortalité. Jusqu’où irons‑nous ? Quel sera le rapport de notre société au réel ? Quel sera son rapport au temps ?
Monsieur le rapporteur, votre amendement concerne l’embryon mais aussi l’insémination des gamètes. La mise à disposition des gamètes du conjoint décédé pose également la question de la non‑patrimonialité du corps. Soyons très prudents avec ces gamètes qui ne peuvent pas être mis sur le même plan que des embryons créés en présence des deux personnes vivantes. Pour toutes ces raisons, je vous invite à vous opposer à l’amendement n° 2238 du rapporteur.
M. Bruno Fuchs. C’est un débat difficile, dans lequel il n’y a pas d’évidence. Néanmoins, il me semble faux d’avancer que le projet parental serait rompu au moment du décès de l’un des conjoints, puisque l’autorisation préalable inscrit cette éventualité dans le projet parental. Le couple s’étant déjà prononcé sur une telle possibilité, je ne vois aucune rupture du projet parental.
Par ailleurs, la question relève de la responsabilité de chacun : des adultes peuvent décider en conscience. Le délai laisse également la possibilité de changer d’avis. Il ne s’agit pas d’imposer une faculté, mais d’ouvrir un droit à ceux ou celles qui le souhaitent. L’amendement n° 2238, que nous soutenons, vise, ni plus ni moins, à offrir à chacun la capacité de gérer sa vie et d’être responsable de ses décisions.
M. Didier Martin. L’amendement n° 2096 vise à introduire la notion de délai durant lequel le recours à la PMA est possible. Ce délai serait défini par le Conseil d’État.
M. Erwan Balanant. Le sous‑amendement n° 2268 vise à encadrer le processus. Notre souhait d’ouvrir la PMA à toutes les femmes entraîne des effets auxquels il faut répondre. L’amendement n° 2238 du rapporteur, tout comme l’amendement n° 2096 sous‑amendé par mon sous‑amendement, permettent d’exclure tous les risques que nous avons relevés. Si nous ne faisons rien, nous serons dans une situation très difficile : des recours devant le Conseil d’État risqueront d’allonger les délais et de poser de vrais problèmes à un certain nombre de femmes. Définissons un cadre et votons pour l’amendement du rapporteur.
M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 2094 est très proche du n° 2096 de M. Didier Martin.
Les amendements n° 2089 et n° 1911 sont retirés.
M. Bruno Fuchs. L’amendement n° 1550 vise à fixer un délai encadrant la période pendant laquelle on peut faire le choix de l’insémination, de douze à trente‑six mois après le décès. Je le retire.
L’amendement n° 1550 est retiré.
M. Didier Martin. L’amendement n° 1908 vise à définir un délai de réflexion de six mois après le décès et à laisser au maximum deux ans pour avoir recours à la PMA post mortem.
L’amendement n° 2058 est retiré.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 2232 est un amendement de repli, qui vise à autoriser le seul transfert d’embryons. Dans le premier cas, je proposais la possibilité de transférer soit les gamètes, soit l’embryon. Il faut comprendre que, même lorsqu’il s’agit de spermatozoïdes, le projet parental peut déjà être relativement avancé. J’ai ainsi connu le cas d’un homme atteint d’un cancer évolutif qui a conservé ses spermatozoïdes avant une chimiothérapie. Sa femme a entrepris une insémination artificielle du vivant de son mari. Malheureusement, la maladie a évolué. L’insémination n’ayant pas réussi à la première tentative, la femme a demandé d’utiliser les spermatozoïdes. Le projet était déjà très avancé, même sans fécondation in vitro ni embryon. À vous de voir, en toute conscience, dans quelle mesure vous souhaitez restreindre cette évolution au seul cas de l’embryon ou l’étendre au cas plus large des embryons et des gamètes.
Mme Émilie Bonnivard. L’amendement n° 1037 est défendu.
Les amendements n° 1678, n° 1705 et n° 1949 sont retirés.
M. Éric Coquerel. L’amendement n° 1663 s’inscrit dans le même esprit que l’amendement n° 2238 du rapporteur, si ce n’est que nous proposons d’étendre le délai pendant lequel la PMA est possible, pour tenir compte des éventuels problèmes de succession.
L’amendement n° 2229 est retiré.
La commission rejette successivement l’amendement n° 2238, le sous‑amendement n° 2268, ainsi que les amendements n° 2096, n° 2094, n° 1908, n° 2232, n° 1037 et n° 1663.
La réunion, suspendue à onze heures quinze, reprend à onze heures vingt‑cinq.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels n° 2237, n° 2126 et n° 2125 du rapporteur.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1396 de M. Jean‑François Mbaye et n° 1973 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
M. Jean-François Mbaye. La jurisprudence du tribunal administratif de Rennes, en janvier 2016, qui a autorisé le rapatriement des gamètes d’un mari décédé, en faisant un contrôle de conventionalité fondé sur l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, m’a inquiété. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que nous puissions engager cette discussion sur la PMA post mortem avec cet amendement n° 1396.
Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement n° 1973 vise à donner à une femme dont le conjoint est décédé la possibilité de poursuivre le projet d’AMP qui était engagé. L’AMP étant ouverte aux femmes seules, rien ne s’oppose à ce qu’elles puissent bénéficier de ce qui pourrait s’apparenter à un don dirigé au sein du couple. Le consentement à l’AMP pourrait notamment envisager cette disposition. Toutefois, la filiation serait alors établie au nom de la mère et, le cas échéant, de son nouveau conjoint. Les conditions encadrant ce don dirigé, notamment dans le temps, seraient précisées par décret.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis de sagesse sur ces deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements n° 1396 et n° 1973.
Elle est saisie de l’amendement n° 1021 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. En son alinéa 6, l’article 1er prévoit que l’âge requis pour bénéficier d’une PMA soit fixé par décret, ce qui le rendrait plus facilement modifiable puisqu’il échapperait ainsi au contrôle du législateur. Nous avons tous en tête des cas extrêmes, telles ces femmes qui, l’une en Inde, est devenue mère à plus de soixante-dix ans, et l’autre en Espagne, a eu des jumeaux à près de soixante-sept ans. Or les risques de complications d’une grossesse augmentent avec l’âge de la mère. Fixer l’âge par décret pose problème dans la mesure où l’on pourrait tout à fait assister à une pression sociale. Comme on veut étendre aujourd’hui la PMA aux couples de femmes ou aux femmes seules, pourquoi ne pas décider demain qu’une femme de soixante ans, soixante-dix ans voire davantage pourrait, toujours au nom de la sacro-sainte égalité, bénéficier d’une PMA ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre présentation est quelque peu contradictoire. En supprimant l’alinéa 6, vous laissez toute liberté de recourir à l’assistance médicale à la procréation à n’importe quelle condition d’âge.
L’important, c’est que la loi précise qu’il y aura des conditions d’âge, celles-ci étant fixées par la voie réglementaire, après avis de tous les experts, en particulier de l’Agence de la biomédecine, et pouvant éventuellement être modifiées en fonction de l’évolution des techniques.
M. Charles de Courson. Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen des précédentes lois de bioéthique. Toutes les positions avaient été défendues, y compris celle consistant à fixer un âge différent pour les femmes et pour les hommes. La sagesse l’ayant emporté, nous avions adopté un texte qui ne fixait pas d’âge pour les femmes compte tenu de leur extrême diversité au regard de la capacité à procréer, mais prévoyait d’examiner la situation de santé de la femme, certaines femmes pouvant procréer jusqu’à cinquante ou cinquante-deux ans, d’autres étant ménopausées à trente-cinq ans.
Les hommes aussi avaient fait l’objet d’un grand débat puisque, techniquement, ils peuvent concevoir un enfant jusqu’à l’âge de soixante-dix ou soixante-quinze ans. Je crois me souvenir que, pour eux, nous avions fixé un âge sociétal de soixante ou soixante-cinq ans.
Je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement envisage en la matière. Lors de leur audition dans le cadre de la mission dont vous étiez le rapporteur, les ministres nous avaient donné des indications. En tout cas, la rédaction actuelle n’est pas bonne. On ne peut pas dire qu’un décret fixera un âge. Il faut laisser davantage de souplesse, notamment pour les femmes.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une AMP ne sont pas fixées dans la loi mais par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Les âges que vous évoquez n’étaient pas fixés dans la loi ; il s’agissait de recommandations de l’Agence, qui n’auraient que cette valeur si la loi ne mentionnait pas de limitations d’âge.
C’est le décret qui les indiquera, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, puisque, pour les unes comme pour les autres, mais pour des raisons différentes, il est dangereux de recourir à une PMA à un âge avancé, dans l’intérêt tant des parents que des enfants. Les problèmes tiennent à la capacité de procréation mais aussi à diverses maladies.
L’alinéa 6 pose, je le crois, les conditions souhaitables ; il ne faut donc pas le supprimer. L’Agence de la biomédecine a fixé des âges – soixante ans pour les hommes, je crois. Tout cela sera indiqué dans le décret.
M. Olivier Véran. Je suis assez sensible aux arguments de M. de Courson sur les bornes d’âge. Par le renvoi au décret, le législateur sera dessaisi d’une question importante – jusqu’à quel âge ? – des points de vue à la fois éthique, moral, sociétal, médical et scientifique. C’est un débat dont nous sommes un peu privés. Pourrions-nous avoir, d’ici à l’examen en séance publique, des indications un peu plus précises sur les orientations qui pourraient être prises dans le cadre de la rédaction du décret ?
M. Thibault Bazin. Il est dommage que le conseil des ministres empêche Mme la ministre d’être présente ce matin, car la question du décret est fondamentale. Surtout, le texte pèche par son imprécision concernant l’âge pour les hommes également dans les articles relatifs à la conservation et à l’utilisation des gamètes. Sans même évoquer la PMA post mortem, dans les cas où des hommes sont très âgés, la question de l’intérêt de l’enfant se pose. Des dérives sont déjà observées aujourd’hui, avec des personnes qui se présentent alors qu’elles avaient déjà eu un parcours d’AMP en 1980. Il faut pouvoir réguler, encadrer de manière très précise. C’est pourquoi il est nécessaire que la ministre nous indique quel sera le contenu du décret de sorte que nous sachions ce que compte faire le Gouvernement en la matière.
La commission rejette l’amendement n° 1021.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 9 de M. Xavier Breton et n° 197 de M. Patrick Hetzel, l’amendement n° 637 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques n° 10 de M. Xavier Breton, n° 198 de M. Patrick Hetzel, n° 639 de M. Thibault Bazin et n° 1048 de M. Philippe Gosselin, ainsi que l’amendement n° 526 de M. Patrick Hetzel.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 9 tend à prévenir les abus dans la rédaction du décret. Demander que l’homme et la femme formant le couple soient vivants, en âge de procréer et aient consenti préalablement au transfert des embryons humains ou à l’insémination permettrait d’encadrer de manière raisonnable le décret à venir.
M. Patrick Hetzel. L’amendement identique n° 197 vise à assurer une plus grande sécurisation, y compris juridique. Il convient de préciser clairement que le couple doit être vivant, en âge de procréer et qu’il ait donné son consentement explicite. C’est là un triptyque de conditions qui doivent être réunies en même temps.
M. Thibault Bazin. L’amendement n° 637 est défendu.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 10 est de repli. Il s’agit d’indiquer expressément que l’âge limite de la femme pour bénéficier d’une AMP est fixé à quarante-trois ans, qui est aussi l’âge limite de la prise en charge d’une fécondation in vitro (FIV) par la sécurité sociale et celui qui permet d’attendre des taux de grossesse réalistes.
Il est gênant d’aborder ce sujet alors que la ministre n’est pas là pour nous indiquer quelles orientations elle compte donner pour la rédaction du décret. Cela pose un problème de méthode, puisque nous présentons des amendements pour ouvrir le débat mais n’obtenons pas de réponses. Si nous connaissions les intentions du Gouvernement, nous ferions un travail un peu plus sérieux !
M. Patrick Hetzel. Il est vrai que l’éclairage du Gouvernement sur ce point précis serait très utile puisque, hier soir, la ministre a indiqué que certaines choses étaient techniquement possibles mais éthiquement pas souhaitables.
Comme l’a indiqué M. Xavier Breton, dans un but de sécurisation et pour éviter toute dérive, je propose, par l’amendement n° 198 de repli, de fixer un âge limite de quarante-trois ans pour la femme. À un moment donné, il faut poser une borne, tout le débat étant de savoir quelle est celle qui est légitime. La question, il est vrai, peut être traitée par décret, mais il nous faudrait quelques garanties.
M. Thibault Bazin. Avec un taux de grossesse par PMA de moins de 5 % chez les femmes de plus de quarante-deux ans, il est vraiment raisonnable de fixer la limite d’âge de la femme pouvant bénéficier d’une AMP à quarante-trois ans, âge également limite pour la prise en charge d’une FIV par la sécurité sociale. Cela permettrait d’éviter une forme d’acharnement procréatif. Tel est l’objet de l’amendement n° 639.
M. Philippe Gosselin. Il faut une forme de parallélisme, sinon des compétences, au moins des dates. C’est l’objet de l’amendement n° 1048. La sécurité sociale a fixé la limite d’âge pour la prise en charge des FIV à quarante‑trois ans ; il serait idéal d’en faire de même pour l’AMP.
Je ne suis pas opposé par principe à ce qu’un décret puisse établir d’autres limites, mais avant de confier cette responsabilité au Gouvernement, il serait bon qu’il puisse nous apporter quelques éclairages. Je suggère que l’on attende le retour de la ministre parmi nous, cet après-midi, pour voter ce point précis. N’y voyez aucune intention polémique ; il s’agit non pas de modifier le débat mais d’avoir des éléments de réponses plus concrets, des orientations plus précises.
M. Patrick Hetzel. L’actualité peut aussi nourrir ce débat puisqu’il ne vous a pas échappé qu’une femme de soixante-quatorze ans a donné naissance en Inde, il y a quelques semaines, à des jumelles. On voit bien quels problèmes vont se poser : lorsque les enfants auront dix-huit ans, leur mère en aura quatre-vingt-douze.
L’amendement n° 526 reprend les conclusions de l’étude d’impact du Gouvernement suggérant de fixer une limite. C’est vraiment le type de sujet sur lequel nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable sur ces deux séries d’amendements. Les premiers, parce qu’ils reviennent sur la nécessité que les couples soient composés d’un homme et d’une femme pour pouvoir bénéficier de la procréation médicalement assistée. Les seconds, parce qu’ils tendent à fixer dans la loi une limite d’âge, d’ailleurs pour les seules femmes, en introduisant une confusion entre l’âge autorisé et la limite d’âge pour le remboursement d’une FIV par la sécurité sociale. Tout cela n’est pas abouti.
Il est légitime que la loi précise qu’il y aura des limites d’âge, mais il importe que ce soient les professionnels, et non le législateur, qui les définissent, en fonction des connaissances médicales à un moment donné, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. C’est la tâche de l’Agence de la biomédecine et des experts qui sont consultés par elle.
M. Charles de Courson. Pour la énième fois, fixer une barrière générale pour les femmes est une totale erreur. Il faut revenir au texte que nous avions précédemment voté, qui prévoyait une appréciation au cas par cas. Certaines femmes ont des enfants par les voies naturelles jusqu’à un peu plus de cinquante ans, tandis que d’autres n’en ont pas à trente ou trente-trois ans. Il faut moduler, pas fixer un âge comme cela.
Mme Annie Genevard. La question de la limite d’âge interroge le projet parental. Je me réjouis qu’on ait repoussé cette notion de projet parental, parce qu’elle ancrait totalement la question de la filiation dans la volonté et dans le projet. Dès lors, tout est possible, y compris des naissances à des âges totalement périlleux. La limite d’âge est donc une question très pertinente et elle mériterait d’être inscrite dans la loi.
M. Fabien Di Filippo. On voit bien que vous tâtonnez dans ce nouveau champ des possibles que vous explorez – un nouveau champ des possibles n’est pas toujours synonyme de progrès. Hier, vous nous avez objecté des arguments sur l’effectivité et l’égalité des droits, sur le fait qu’il faille rembourser la PMA sans père pour toutes les femmes et les femmes seules. Aujourd’hui, si l’on adopte le texte en l’état sans avoir obtenu d’éclairage de la part de la ministre, des personnes n’auront pas les mêmes droits que d’autres à partir d’un certain âge puisqu’elles devront payer la PMA. Tant qu’on ne se sera pas mis d’accord sur ce que devraient être les bornes d’âge et comment devraient évoluer les âges de prise en charge, ce texte pâtira d’une incohérence supplémentaire et vous instaurerez les conditions d’une PMA à plusieurs vitesses. Peut-être faut-il, comme le disaient mes collègues, prendre le temps de discuter davantage et attendre que la ministre revienne pour faire quelque chose de vraiment abouti.
M. Jean-François Eliaou. Nous ne sommes pas en Inde ni, pour reprendre l’expression de M. Bazin, dans l’acharnement procréatif. Si la loi devait fixer un âge, ce ne serait qu’un âge chronologique qui n’a souvent rien à voir, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, avec l’âge physiologique. L’appréciation de l’âge physiologique et des capacités de la femme de procréer et d’élever des enfants est extrêmement importante. Il faut donc faire confiance au corps médical et à l’Agence de la biomédecine pour indiquer quand la PMA est possible ou pas.
Je suis donc favorable à ce que la loi indique qu’il y aura prise en compte d’une limite d’âge, mais défavorable à ce qu’elle fixe précisément un âge.
M. Xavier Breton. J’ai bien entendu que ce qui gêne le rapporteur dans la première série d’amendements, c’est la mention d’un homme et d’une femme. J’en déduis qu’il est d’accord avec les autres critères d’un couple vivant, en âge de procréer et ayant préalablement consenti au transfert des embryons humains ou à l’insémination pour bénéficier d’une PMA. Je retire donc l’amendement n° 9 pour le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique.
M. Patrick Hetzel. Je retire également l’amendement n° 197.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce n’est pas parce que j’ai donné une raison évidente de ne pas accepter des amendements qu’il n’y en a pas d’autres secondaires qui emportent le même avis. N’en pas parler ne vaut pas approbation des autres critères que vous énoncez. La seule mention que ces amendements sont en dehors du cadre de la loi suffit à motiver la demande de leur retrait.
Les amendements identiques nos 9 et 197 sont retirés.
M. Thibault Bazin. Je maintiens l’amendement n° 637, même si je le retravaillerai d’ici à l’examen du projet de loi en séance publique. Je suis très inquiet des évolutions prévues dans le texte.
M. Xavier Breton. Compte tenu de la dernière intervention du rapporteur, je maintiens l’amendement n° 10.
La commission rejette successivement l’amendement n° 637, les amendements identiques nos 10, 198, 639 et 1048, ainsi que l’amendement n° 526.
Elle est saisie de l’amendement n° 1842 de Mme Aude Luquet.
Mme Aude Luquet. L’âge de l’homme et de la femme est déterminant, non seulement dans la réussite d’une assistance médicale à la procréation, mais également pour le bien-être de la mère et de l’enfant au regard de pathologies qui se trouvent surreprésentées l’âge avançant. Il convient donc, par cet amendement, d’énoncer clairement que l’âge limite qui doit être fixé par le Conseil d’État s’entend aussi bien pour la femme que pour l’homme.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je comprends votre intention louable d’apporter cette précision « de l’homme et de la femme », même si elle est sous-entendue. Toutefois, cela exclut les personnes transgenres et obligerait à apporter cette précision complémentaire en plusieurs autres endroits du texte.
Il est effectivement utile de préciser que les conditions d’âge ne concernent pas uniquement la femme, mais bien l’homme et la femme. Je vous propose de retirer votre amendement pour le retravailler en vue de la séance publique.
L’amendement n° 1842 est retiré.
La commission en vient à l’amendement n° 1189 de Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho. Octroyer au Conseil d’État la possibilité de fixer par décret l’âge idéal de la fécondité est sensé si cette autorité prend en compte le cycle naturel de la fécondité féminine. Sans cette prise en compte, l’institution pourrait être accusée de vouloir distordre la réalité. Il me semble qu’il sera très difficile pour le Conseil d’État de déterminer un âge idéal de la fécondité, car cette période est tacitement déterminée par la loi naturelle.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La modification proposée n’est pas opérationnelle. Elle ne constitue pas un critère juridique suffisant pour fixer une limite d’âge. Parler de l’âge naturel de fécondité n’est pas assez précisément définissable.
M. Xavier Breton. Je voterai cet amendement. La notion d’âge naturel de la fécondité constituerait un bon cadre pour la rédaction du décret.
La commission rejette l’amendement n° 1189.
Puis elle examine l’amendement n° 1840 de Mme Aude Luquet.
Mme Aude Luquet. Afin de déterminer les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une PMA, il faut prendre en compte non seulement les risques médicaux de la procréation liés à l’âge, mais aussi l’intérêt de l’enfant. Celui-ci passant par le respect de la place de l’enfant dans les générations familiales, il convient d’énoncer clairement la nécessité de respecter les liens intergénérationnels pour fixer l’âge maximal d’accès à la PMA.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement est satisfait. Le projet de loi précise bien que les conditions requises pour bénéficier d’une PMA prennent en compte l’intérêt de l’enfant à naître, ce qui montre la place des enfants dans les générations. C’est d’ailleurs l’avis du Conseil d’État. La précision que vous souhaitez apporter est donc redondante, et je vous demande de retirer cet amendement.
M. Xavier Breton. C’est un amendement intéressant. Il eût été bon que Mme la ministre soit présente pour nous indiquer si l’inscription de l’enfant dans les générations familiales sera prise en compte lors de la rédaction du décret.
L’amendement n° 1840 est retiré.
La commission est saisie de l’amendement n° 1353 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Mon amendement vise à préciser le cadre reconnu de l’intérêt de l’enfant.
Ce qui me préoccupe, c’est le consentement. Dans notre droit, il ne justifie pas l’acte, ou alors notre justice deviendrait une justice de contrats, avec toutes les dérives possibles qu’on peut imaginer. D’ailleurs, l’enfant est-il consentant pour ne pas avoir de père ?
Heureusement, la justice française protège les enfants. Elle n’obéit pas à la demande ni au consentement pour avoir ou obtenir. Ce n’est pas une justice de contrats mais une justice de lois et d’éthique que nous devons défendre, avec un parlement qui pense à la dignité de l’enfant.
Enfin, je rappelle que l’article 7 de la convention internationale des droits de l’enfant prévoit que « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. »
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre proposition est inutile : tout au long du texte il est question de l’intérêt supérieur de l’enfant. On ne va pas préciser que l’intérêt de l’enfant est d’avoir un père, que ce soit pour la PMA ou pour les autres modes de procréation.
Restons-en à la rédaction actuelle du projet de loi, qui énonce que l’intérêt de l’enfant est préservé sans aller jusqu’à spécifier un intérêt particulier comme celui supposé de la présence du père.
M. Thibault Bazin. Cet amendement est intéressant. Votre réponse me plaît, monsieur le rapporteur, parce que vous dites que l’intérêt supérieur de l’enfant est inscrit à maintes reprises dans le projet de loi – nous vous proposerons toutefois de l’ajouter là où cela n’apparaît pas forcément dans le texte.
Cela dit, nous n’avons pas de définition de ce que recouvre l’intérêt de l’enfant. À cet égard, la déclaration des droits de l’enfant est beaucoup plus complète que ce qu’a pu indiquer le Conseil d’État, qui fait seulement état de la connaissance de ses origines et de la stabilité. On voit bien que d’autres dimensions devraient être prises en compte dans l’intérêt de l’enfant, et il est intéressant d’avoir ce débat.
La commission rejette l’amendement n° 1353.
Puis elle examine l’amendement n° 1975 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement tend à préciser que le décret en Conseil d’État pourra prévoir des conditions d’âge différentes si, dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, il y a eu recours ou non à un double don de gamètes ou à un don d’embryons ainsi qu’à des ovocytes auto-conservés. Il ressort, en effet, des auditions que le recours à une AMP pourrait être autorisé à un âge plus avancé en cas de don d’ovocytes ou d’accueil d’un embryon, les risques d’échec de l’AMP étant limités par rapport à une AMP effectuée avec des ovocytes plus âgés.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je comprends l’intention, mais ce n’est pas dans la loi que ces précisions sont opportunes. Si l’Agence de la biomédecine, qui sera consultée lors de la rédaction du décret, le juge utile, différentes conditions d’âge pourront être fixées. Je ne crois pas que le législateur doive entrer dans ces considérations techniques, qui sont d’ailleurs sujettes à évoluer.
M. Charles de Courson. Nous avons discuté des ovocytes auto-conservés dans le cadre de la mission d’information. Le danger, c’est que des femmes, notamment cadres supérieures ou menant une carrière professionnelle, utilisent le dispositif que vous proposez pour différer jusqu’à des âges avancés la conception des enfants qu’elles souhaiteraient avoir.
La commission rejette l’amendement n° 1975.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 1033 de M. Pascal Lavergne et n° 1771 de M. Hervé Saulignac.
M. Pascal Lavergne. Depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les personnes transgenres peuvent procéder à la modification de la mention de leur sexe à l’état civil sans avoir subi de stérilisation. Ainsi, un homme trans peut porter un enfant et accoucher. De ce fait, il est important de préciser que cette modification de la mention du sexe à l’état civil n’est pas une entrave à la réalisation d’une PMA. Tel est l’objet de l’amendement n° 1033.
M. Hervé Saulignac. L’amendement n° 1771 est identique. Hier, Mme la ministre a indiqué clairement que l’état civil décidait, en toutes choses et en toutes circonstances, de la possibilité d’accéder ou non à une PMA, et qu’une personne trans, en l’occurrence une femme devenue homme, ne pouvait pas procéder à une PMA. Mais cette réponse ne règle pas totalement la question. Quid d’une femme devenue homme qui n’a pas encore changé de sexe à l’état civil, qui procède de manière régulière à une PMA et pourrait vouloir changer de sexe à l’état civil après avoir eu un enfant ? Des personnes trans peuvent parfaitement comprendre que leur intérêt, si elles souhaitent avoir un enfant, est de ne pas changer de sexe à l’état civil, de faire l’enfant et d’en changer après.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable. Ces amendements simplifieront les choses, car de tels cas vont se présenter et il faut bien reconnaître la filiation des enfants qui naîtront de ces personnes. Cela ne veut pas dire que les choses sont simples dans de telles circonstances, mais il est prudent d’éviter que la modification récente de la loi n’entrave la possibilité pour ces personnes de mettre au monde des enfants.
Sagesse et prudence commandent donc d’adopter ces amendements.
M. Raphaël Gérard. Sans relancer le débat assez confus que nous avons eu hier soir, j’insiste sur la prudence dont nous devons faire preuve pour ne pas créer de nouvelles discriminations. Aujourd’hui, certaines personnes transgenres ont déjà accès à la PMA au sein d’un couple hétérosexuel. Si l’on ne clarifie pas ce point, on risque de créer des différences de traitement en fonction des statuts des personnes. Ainsi, comme le disait M. Saulignac, les hommes trans se verraient discriminés selon qu’ils auraient ou non effectué leur changement de sexe à l’état-civil.
Je voudrais aussi revenir sur une imprécision de vocabulaire qui m’irrite beaucoup. Un homme trans, ce n’est pas une femme qui décide de devenir un homme. Le seul choix que fait la personne, c’est d’assumer son identité de genre et de se mettre en conformité avec la réalité de son identité. Il est donc bien question d’identité et pas d’un changement qui résulterait d’un caprice ou d’une décision personnelle.
Le projet de loi ne peut pas introduire de nouvelles discriminations pour des personnes aux parcours de vie extrêmement compliqués.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, je vous invite à la brièveté, car nous avons déjà eu un très long débat sur le sujet hier soir.
M. Éric Coquerel. S’agissant d’une loi de bioéthique, c’est l’honneur de notre assemblée que de permettre que les arguments soient défendus jusqu’au bout.
Les amendements que nous avions déposés pour autoriser la PMA pour toute personne en capacité de procréer ayant été déclarés irrecevables sans que nous comprenions pourquoi, nous appuyons ces deux amendements identiques.
Mon collègue l’a dit, la question de l’égalité doit toujours nous guider dans le vote des amendements. Dans le cas considéré, il y a rupture d’égalité. Le débat d’hier a montré que de nombreux aspects n’ont pas été compris. Nous parlons bien d’hommes assignés femmes à leur naissance qui effectuent une transition vers le genre masculin. Bien qu’ils soient en capacité de procréer, dans la rédaction actuelle du projet de loi, ceux-là ne pourraient pas bénéficier de la PMA en raison de l’indication présente dans leur état civil alors qu’une personne transgenre en couple hétérosexuel qui n’a pas déclaré pas son changement de sexe à l’état civil le peut. Il y a là une anomalie absolue, qu’il est utile et nécessaire de corriger.
Le Conseil d’État a souligné que plusieurs pays européens qui se sont dotés de lois de bioéthique ne définissent pas d’identité de genre pour autoriser la PMA. Enfin, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a donné un avis en ce sens.
M. Patrick Hetzel. La garde des Sceaux avait développé, hier soir, des arguments extrêmement convaincants, indiquant notamment les difficultés juridiques que pourrait entraîner une rédaction différente de celle du projet de loi. Son absence au moment où ce sujet éminemment sensible est traité est particulièrement regrettable.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Les ministres, qui se sont largement exprimées hier sur ce sujet, assistent ce matin au conseil des ministres. Je puis vous assurer qu’elles seraient venues si elles l’avaient pu, car elles le souhaitaient vivement.
M. Pascal Brindeau. L’anomalie juridique n’intervient pas nécessairement dans la situation actuelle mais dans l’hypothèse où nous ouvrons le droit à la PMA. Cas d’école : une femme en transition vers le statut d’homme, n’ayant pas déclaré à l’état civil qu’elle est devenue homme, se fait inséminer et accouche ; à l’état civil, elle est considérée comme mère. Si elle assume ensuite sa transition, et devient homme, devient-elle père, par présomption, à l’état civil ou devra-t-elle adopter son enfant comme père ? La situation est inextricable.
M. Xavier Breton. L’introduction de la notion de genre fondée uniquement sur la volonté, en évacuant toutes les réalités corporelles et sexuées, aboutit à des impasses. Nous n’avons pas de réponse aux questions simples, comme celle que vient d’énoncer notre collègue, et l’absence du Gouvernement n’aide pas.
J’entends qu’un débat s’est tenu hier, mais il portait sur un amendement dont l’objet était tout autre. Les conditions dans lesquelles nous travaillons sont donc très difficiles. Il est malheureux que l’opposition se retrouve dans l’obligation de défendre les positions des ministres !
La commission rejette les amendements n° 1033 et n° 1771.
Elle est ensuite saisie de l’amendement n° 1835 de Mme Sylvia Pinel.
Mme Sylvia Pinel. Le délai nécessaire pour trouver un donneur compatible varie d’un centre à l’autre en fonction du stock de gamètes disponibles dans le centre et des contraintes d’appariement des couples. L’appariement se fait selon certaines caractéristiques morphologiques ou biologiques. L’amendement vise à permettre au couple ou à la femme non mariée demandant un don de gamètes de refuser de subordonner ce don à un appariement correspondant notamment à son origine ethnique. En effet, certaines personnes peuvent voir leurs chances de trouver un donneur diminuer du fait de leur appartenance à un groupe ethnique minoritaire.
D’après les données de l’Agence de la biomédecine, le délai moyen pour bénéficier d’un don d’ovocytes répondant aux critères d’appariement entre la donneuse et la receveuse varie d’un à trois ans, en fonction du nombre de donneuses qui se sont présentées dans le centre. La ressemblance physique ne doit pas nécessairement être une priorité, si les candidats à l’AMP font le choix d’y renoncer. Il faut leur laisser la possibilité de la refuser, s’il n’y a aucune contre‑indication, notamment médicale.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement est comparable à celui que j’ai défendu hier. J’y suis toujours favorable. Il faut laisser le choix aux personnes d’utiliser ou non l’appariement réalisé par les CECOS. Cela est d’autant plus important pour les minorités ethniques, qui auront un accès limité au don de gamètes.
Si les amendements portant sur cette question n’étaient pas adoptés, ils pourraient être retravaillés en vue de la séance publique, afin de bien faire comprendre à nos collègues que de larges groupes de personnes se trouvent pénalisés si on ne les laisse pas s’exonérer de l’appariement réalisé par les CECOS.
Mme Annie Genevard. Cette question a été évoquée hier. Je crois avoir entendu Mme la ministre des solidarités et de la santé expliquer que la première question posée par les CECOS est de savoir si les parents souhaitent ou non un appariement. Par conséquent, le choix leur est donné. Cet amendement, comme celui du rapporteur hier, me semblent donc sans objet.
La commission rejette l’amendement n° 1835.
Elle en vient aux amendements identiques n° 2241 du rapporteur et n° 1950 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 2241 porte sur le dispositif de réception des ovocytes de la partenaire (ROPA). Pour diverses raisons, dans un couple de femmes, on peut rencontrer le souhait ou la nécessité que l’une des deux femmes fournisse les ovocytes et l’autre porte l’enfant. Cela peut se produire du fait de certaines maladies ou d’une différence d’âge, si la femme la plus âgée du couple n’a plus d’ovocyte fécondable. Dans de telles circonstances, il s’agit d’offrir la possibilité que la PMA soit réalisée en utilisant les ovocytes de l’une des membres du couple tandis que l’autre membre porte l’enfant.
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. L’amendement n° 1950 est identique. Alors que nous sommes alertés sur une possible pénurie de gamètes, il permettrait à un couple de femmes d’aller jusqu’au bout de son projet parental. Dans le cas où la première femme aurait un problème de nidification et la seconde, d’ovocytes, la PMA ne nécessiterait pas de don extérieur.
Cette solution n’est absolument pas comparable à une GPA, car personne ne met son ventre à disposition d’autrui. La gestation se fait pour l’enfant du couple. La femme qui porte l’enfant sera bien sa mère, de même que sa compagne.
Mme Annie Genevard. Ces amendements, et bien d’autres qui portent sur le même sujet, en promouvant l’idée que l’ovocyte d’une femme soit accueilli par une autre, fournissent un exemple de toutes les combinaisons possibles que souhaitent faire adopter certains dans le cadre de cette loi.
J’y vois précisément une gestation pour autrui et l’illusion que l’enfant bien est celui de deux femmes. C’est non seulement l’effacement plus que total de la dimension masculine de la filiation, puisque l’enfant est le produit de l’ovocyte et de l’utérus de deux femmes, mais aussi l’illustration de la dérive vers le techniquement possible mais éthiquement condamnable.
M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, les propositions que vous défendez sont à 180 degrés des propos qu’a tenus la ministre des solidarités et de la santé lundi soir. Nous avons besoin de savoir où nous allons avec ce texte : là où vous voulez nous conduire en tant que rapporteur, ou là où se positionne la ministre ?
En ce qui concerne la ROPA, la ministre a très clairement exprimé qu’il s’agit d’un don dirigé, qui contrevient au principe du strict anonymat entre les donneurs et les receveurs. C’est un glissement vers la notion de mère porteuse.
Nous risquons d’être pris dans un engrenage extrêmement dangereux. Soyons prudents sur ces questions et votons contre l’amendement du rapporteur.
Mme Emmanuelle Ménard. Je suis du même avis. La ROPA serait un terrible recul en arrière puisqu’il semble clairement établi aujourd’hui que les dons ne doivent pas être dirigés. La ROPA est tout l’inverse. Ne vous en déplaise, le dispositif est absolument assimilable à une GPA, certes éthique puisqu’il n’y aurait pas de contrepartie financière, mais une GPA tout de même.
Nous en tiendrons-nous au principe d’une absolue interdiction de la GPA en France ou ferons-nous une exception, dans ce projet de loi, pour une GPA éthique ?
M. Pascal Brindeau. Si l’on autorise ce don dirigé, comment le droit, donc la bioéthique, pourra-t-il interdire demain le don d’un homme vers un couple de femmes ou une femme seule ? Vous faites sauter une digue qui, là encore, emporte des conséquences que personne ne maîtrise.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Je suis favorable à ces amendements. J’en ai d’ailleurs déposé un similaire, qui sera examiné par la suite. Il s’agit effectivement d’un don dirigé, mais qui ne recouvre pas les mêmes difficultés que d’autres dons dirigés.
Mme Coralie Dubost. Je trouve ce débat complexe et intéressant. M. le rapporteur confirmera qu’il existe des levées partielles d’anonymat, notamment au bénéfice du conjoint ou d’autres membres de la famille, dans le cas de dons d’organes croisés hors gamètes. Si cette possibilité existe déjà dans le cadre médical, pourquoi ne pas l’étendre au cas des gamètes ?
Par ailleurs, nous avons entendu lors des auditions qu’une pratique très assumée des CECOS consiste à demander à une femme ayant besoin d’ovocytes de venir accompagnée d’une donneuse dont les ovocytes iraient à d’autres. Une orientation est donc déjà prise, et je pense que la ROPA mérite d’être regardée non pas comme une atteinte au principe d’anonymat absolu mais comme une des clauses dérogatoires à cet anonymat, qui sont déjà considérées dans la pratique médicale.
M. Jean-François Eliaou. Les mots ont un sens. On ne peut pas ici parler de GPA, car la mère porte l’enfant pour elle-même et sa compagne, dans le cadre d’un couple. On ne peut pas non plus parler de don dirigé, puisqu’il s’effectue à l’intérieur d’un couple.
En revanche, je m’inquiète du risque de rupture d’égalité. Certains couples auront la chance d’avoir cette possibilité, d’autres ne l’auront pas. Nous devrons contrôler cette pratique des CECOS consistant à faire remonter dans la liste d’attente des personnes qui se présentent avec un ami ou des membres de la famille prêts à donner leurs gamètes. Ce n’est pas une bonne pratique. De surcroît, elle risque de diminuer la possibilité de recourir au don altruiste car, finalement, le don d’ovocytes restera limité au sein des couples, et ceux qui ne seraient pas en mesure de se plier à cette pratique n’auraient pas la possibilité de recevoir des ovocytes d’une tierce donneuse.
Je suis donc assez défavorable à la proposition.
M. Xavier Breton. On voit bien qu’en fondant la filiation sur le seul acte de volonté qu’est le projet parental, on en vient à bricoler, à manipuler toutes les combinaisons possibles. Le pilier biologique, qui devrait être stable, est utilisé selon le désir des adultes, bien loin de l’intérêt de l’enfant.
Il serait décidément intéressant que nous ayons l’avis du Gouvernement. Ce texte est le sien, il en a étudié la cohérence, et le Conseil d’État a donné son avis. Il est regrettable qu’il ne soit pas représenté ce matin, alors que nous discutons de points certes ponctuels mais néanmoins importants, puisqu’ils participent de l’effet domino inhérent au texte. Finalement, ce sont les députés Les Républicains qui défendent les positions du Gouvernement, comme ils le peuvent, face à une majorité divisée. Il tout de même dommage de travailler dans ces conditions.
M. Patrick Hetzel. Au moins le rapporteur est-il cohérent. Il a déclaré plusieurs fois publiquement qu’il était favorable à la GPA éthique ; avec la ROPA, il nous propose un glissement progressif vers la GPA, celle-ci se définissant par la présence de deux donneurs, par un double don. Avec les arguments ici développés, on ne voit pas comment la GPA, fût-elle éthique, n’arriverait pas dans notre pays. J’entends que, dans cette salle, certains y sont favorables ; pour ma part, j’y suis hostile. Je vois bien que tout est fait pour que l’effet domino devienne la règle compte tenu des irréversibilités que vous créez.
Je regrette, moi aussi, que le Gouvernement ne soit pas présent alors que nous avons à analyser la cohérence d’ensemble de ce texte. Nous voyons que, progressivement, certaines alertes que nous avons formulées sont en train de se confirmer. Ces amendements entrent clairement dans cette logique. Le rapporteur se montre donc cohérent, mais nous nous opposons fermement à son projet politique.
M. Guillaume Chiche. Les députés ne doivent pas se sentir abandonnés ou esseulés lorsqu’ils examinent un texte à l’Assemblée nationale en l’absence de l’exécutif ! Hier soir, nous avons échangé jusque tard dans la nuit avec les représentants du Gouvernement ; notre rapporteur a animé l’ensemble des auditions et des réunions de travail prévues. Le législateur peut légiférer assez tranquillement et de manière éclairée.
Je n’ai pas de position de principe sur la ROPA, dans laquelle je ne vois ni une GPA éthique ni un don dirigé. Je peux comprendre son intérêt pour un couple lesbien présentant une grande différence d’âge, les ovocytes de la femme la plus jeune ayant plus de chance d’être fécondés que ceux de la femme la plus âgée. Néanmoins, s’agissant de don d’organes, il importe de s’assurer que le consentement de la personne donnant l’ovocyte n’est pas contraint, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de pression sur l’une des deux femmes du couple afin de donner un ovocyte à sa conjointe. Pour le don d’organes, il me semble qu’un passage devant le juge ou le notaire est nécessaire. J’aimerais avoir un éclairage sur ce processus.
M. Éric Coquerel. Nous sommes opposés à la GPA non pas pour des raisons techniques, mais parce que nous refusons le risque de marchandisation des corps, en l’occurrence de femmes étrangères à un couple qui seraient utilisées à des fins de gestation pour autrui. Tel n’est pas le cas ici. Je suis donc étonné par la notion de « GPA éthique », qui apparaît davantage comme un oxymore.
La situation visée n’est pas celle d’une GPA, mais celle d’un défaut de fertilité au sein d’un couple. Il s’agit moins d’autoriser un don dirigé que de permettre à deux mères de concevoir. J’entends que ce point puisse faire débat ; pour notre part, nous l’envisageons. Par certains de ses aspects, cet amendement rejoint l’esprit du projet du Gouvernement. Nous sommes bien là dans un projet parental solidaire, de l’engagement à l’enfantement.
Enfin, je voudrais citer à l’appui de cet amendement une tribune récente de Réseau Fertilité France, qui explique pourquoi, médicalement, la ROPA est intéressante : elle « permet de suppléer au défaut de fertilité d’une femme du couple en recourant aux ovocytes de l’autre femme, sans avoir à se tourner vers un don d’ovocytes. Elle est alors conforme aux dispositions encadrant la PMA qui prévoient que les fécondations in vitro (FIV) soient réalisées en priorité à partir des ressources du couple afin de réserver l’accès à la banque de sperme ou d’ovocytes aux personnes chez qui ceux-ci sont déficients ou absents. » Nous sommes bien là dans le cadre d’un projet parental solidaire, conforme à l’esprit de la loi.
M. Philippe Gosselin. On ne peut pas établir de comparaison avec le don d’organes, car l’objet n’est pas du tout le même. Il s’agit là de faire naître un individu nouveau, non de remédier aux défauts d’un organisme ou aux effets d’une maladie, par un don de rein par exemple.
L’on peut bien s’étriper sur le terme, GPA ou ROPA, c’est là un processus totalement différent de l’AMP pour toutes. C’est un nouvel étage de la fusée, qui s’apparente davantage aux mères porteuses et à la GPA, qu’on le reconnaisse ou non. D’ailleurs, une étape supplémentaire est franchie puisqu’on qualifie ce processus de « solidaire », pour les uns, d’« éthique » pour les autres, et qu’on le légitime par le projet parental. On est toujours dans la même approche, qui montre bien l’impasse dans laquelle nous nous trouvons et l’effet domino que nous dénonçons depuis le début. À cet égard, je salue moi aussi la cohérence pleine et entière du rapporteur sur le sujet.
M. Olivier Véran. Dans le cas où la femme qui portera l’enfant a un problème ovarien et ne peut pas utiliser ses propres ovocytes dans le cadre de la PMA, je ne vois aucune difficulté à ce que l’ovocyte provienne de sa partenaire. Si la femme qui portera l’enfant dispose d’ovocytes fonctionnels mais souhaite, pour une forme de partage dont je peux comprendre le principe, bénéficier des ovocytes de sa partenaire, j’y serai opposé pour une raison médicale. Sauf confusion de ma part – j’aimerais entendre M. le rapporteur sur ce point –, il existe un risque accru de complications obstétricales, notamment d’éclampsie, pour des grossesses avec don d’ovocytes. On ne peut pas faire courir de risque sanitaire aux femmes qui porteront l’enfant.
M. Pierre-Henri Dumont. Je ne comprends pas bien l’argument selon lequel le don d’ovocytes effectué au sein d’un couple ou d’une famille ne revient pas à recourir à une mère porteuse et de facto à une GPA. Pour moi, le fait d’implanter les ovocytes d’une femme dans sa compagne, pour une raison médicale ou autre, revient tout simplement à recourir à une mère porteuse. Puisque l’argument a été étendu aux membres d’une même famille, s’il y a un dysfonctionnement au sein du couple, qu’est-ce qui empêchera, demain, la mère de l’une des deux femmes de porter l’enfant du couple ? On ouvre là une porte sans entrevoir où elle peut nous mener. Nous sommes convaincus que ce que vous permettez là conduira de facto à une GPA, quel que soit le terme que vous lui accolerez.
M. Raphaël Gérard. J’ai du mal à concevoir le cheminement intellectuel de nos collègues qui parlent de GPA au sein d’un même couple. Encore une fois, M. Coquerel l’a très bien rappelé, le code de la santé publique précise qu’avant de recourir à un tiers donneur, il faut utiliser les gamètes disponibles au sein du couple. Dès lors que l’on consacre ce principe, on l’applique. Pour cette raison, la pratique de la ROPA me semble parfaitement justifiée pour un couple de femmes.
Dans le cas décrit par Mme Vanceunebrock-Mialon d’une femme qui rencontrerait des problèmes de nidification et dont la compagne aurait la capacité de porter un enfant, le couple serait obligé de recourir à un double dons de gamètes – ovocyte extérieur au couple et spermatozoïdes. Faisons simple ! Nous connaissons tous les tensions qui existent sur le don d’ovocytes. Lorsque les gamètes sont disponibles au sein du couple, utilisons-les.
M. Hervé Saulignac. Certains de nos collègues sont embarrassés par ces amendements parce qu’ils ne voient pas très bien ce qui les motive, si ce n’est le souhait d’offrir un choix qui peut presque être considéré comme une forme de confort, même si le terme n’est pas approprié. Il me semble qu’ils deviendraient entendables si l’on réintroduisait la notion d’infertilité : une femme infertile dans un couple de femmes peut recourir aux ovocytes d’une autre femme, y compris ceux de sa conjointe, partenaire ou épouse. Il y a là un argument fondé, qui rend respectable et entendable le recours à ces ovocytes.
M. Pierre Dharréville. Je comprends qu’il puisse exister un désir, volonté de partage ou projet solidaire, que les deux mères aient une forme de lien biologique avec l’enfant. C’est une idée que nous avons beaucoup interrogée dans nos discussions récentes sur ce que c’est qu’être parent.
Ce qui m’importe c’est la manière dont, au fil des décisions que nous prenons, nous construisons une loi, une pensée cohérente. Les questions posées par cet amendement ne viennent-elles pas interroger fondamentalement la philosophie du don, au-delà des cas qui nous sont présentés ? Ainsi, je me demande s’il ne faut pas réfléchir à asseoir, de manière solide, ce que nous appelons le don dans notre pays, et la manière dont nous le pratiquons. En tout cas, il ne faut pas chercher, à travers des décisions de ce type, à réguler les dons. Une pénurie ou des difficultés d’approvisionnement ne peuvent pas être résolus de cette manière.
M. Brahim Hammouche. Je ne lis pas ces amendements comme une GPA bis ou déguisée, ni un recours à une mère porteuse, mais comme le projet de deux mères qui sont plutôt heureuses. Selon moi, ils pourraient être reliés à l’article 75 de notre code civil, selon lequel deux conjoints se doivent assistance et secours mutuels. Si cette assistance doit passer par une procréation médicalement assistée, pourquoi pas ?
M. Didier Martin. Plusieurs problèmes médicaux – nidification, stérilités ovarienne ou tubaire – justifieraient médicalement ces dons d’ovocytes. Ouvrir la possibilité d’un don d’ovocytes dans le couple est utile, cela permettra d’éviter aux couples d’attendre longtemps un tel don. Laissons aux médecins, dont c’est le métier, le soin de juger au cas par cas des risques d’éclampsie ou des cas particuliers de stérilité, et ouvrons aux couples de femmes la possibilité de recourir à la ROPA.
Mme Aurore Bergé. Je rejoins mon collègue Dharréville. Ne risque-t-on pas de remettre en cause la philosophie du don altruiste ?
Hier, nous avons adopté un amendement pour limiter les risques de « priorisation » dans l’accès à l’AMP. Or la disposition dont nous débattons le remet, de fait, en cause : s’il est possible d’avoir accès aux ovocytes de sa compagne, le couple passera mécaniquement en haut de la liste. Cela me paraît contradictoire avec l’esprit de la loi.
Enfin, pour rebondir sur les propos de mon collègue Véran, du point de vue médical, le processus n’est pas du tout anodin : la mère qui donnera ses ovocytes subira une stimulation ovarienne et pour celle qui recevra l’embryon, il faudra en passer par une FIV. En audition, nous avons été nombreux à souhaiter que la priorité soit donnée, quand cela est possible, à d’autres méthodes moins intrusives.
Mieux vaudrait rejeter ces amendements, contradictoires avec la philosophie du don et celle du projet de loi.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Écoutons les femmes, nombreuses, qui adoptent les moyens actuels de procréation, dont la ROPA ; écoutons les professionnels de santé qui les pratiquent au quotidien, et les enfants qui en sont nés et en sont heureux. Il s’agit non pas de se projeter dans des risques futurs, mais d’analyser ce qui est une pratique actuelle : devons-nous ou ne devons-nous pas la fixer dans la loi ?
De nombreux arguments plaident pour l’affirmative. L’amendement est parfaitement dans l’esprit de la loi, selon laquelle il faut en priorité recourir aux ressources propres du couple. M. Gosselin contestait les comparaisons de Mme Dubost et de M. Chiche avec les dons d’organes, mais je partage leur point de vue : le don d’un organe de son vivant comporte une levée d’anonymat et se réalise dans des conditions permettant de se prémunir contre toute pression. La philosophie n’est donc pas complètement différente.
À l’inverse, j’ai beaucoup de peine à entendre la comparaison avec la GPA, car c’est exactement le contraire ! Dans la GPA, la femme porteuse
– j’emploie délibérément ce terme – transmet l’enfant dont elle a accouché à un autre couple. Dans la ROPA, la mère accouche de l’enfant qu’elle a porté dans son utérus. Je ne comprends pas vos craintes. La ROPA reproduit quasiment les conditions naturelles de procréation.
Quant à la disparition du rôle du père, ne nous faites pas ce procès ! Ne sommes-nous pas ceux qui introduisent des dispositions sur l’accès aux origines dans notre droit, autrement dit la reconnaissance du donneur masculin et la possibilité de connaître le nom de son donneur à dix-huit ans et, éventuellement, d’échanger avec lui ? Au contraire, grâce à nous, le donneur masculin sera davantage reconnu.
Je redis ma conviction que le législateur aurait tout avantage à entériner la pratique de la ROPA telle qu’elle se pratique dans notre pays comme dans beaucoup d’autres, au bénéfice de tous ceux qui peuvent y recourir, notamment quand ils ont des difficultés de procréation.
La commission rejette les amendements n° 2241 et n° 1950.
Puis elle examine l’amendement n° 2239 du rapporteur.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit de répondre à une demande récurrente. La France se distingue des autres pays par un manque d’études prospectives de suivi des femmes ou des couples receveurs, comme des enfants nés de ces pratiques. Pourtant, nous avons du recul puisqu’avant 1994, ces dernières étaient monnaie courante avant d’être transitoirement prohibées. Des enfants en sont donc issus. Malgré tout, aucune étude n’a été réalisée.
L’amendement tend à faire mener des études prospectives de suivi de toutes les personnes concernées par les centres d’AMP ou d’autres professionnels de la procréation, ainsi que par des universitaires, notamment en sciences humaines. Même si notre loi tente de se rapprocher de la perfection, soyons modestes : nous devrons peut-être y apporter des améliorations ou des corrections. Au moins pourrons-nous nous fonder sur des études françaises. Pour le moment, elles sont essentiellement anglo-saxonnes. Or la sociologie est légèrement différente dans ces pays.
M. Jean-François Eliaou. Je tiens à souligner l’intérêt d’une telle mesure en France où nous n’avons pas d’études de suivi des receveurs et des enfants issus de dons de gamètes, ni des dons d’organes ou de cellules souches hématopoïétiques. Or nous attachons autant d’importance au suivi médical que psychologique de ces patients. Des amendements ultérieurs proposeront la constitution d’un registre. Il est très important d’apporter notre soutien à cette proposition.
Mme Annie Genevard. Beaucoup de nos collègues ont souligné la cohérence du rapporteur. Je dénonce son incohérence ! Pendant les auditions, il n’a cessé de nous répéter que la PMA ne posait aucun problème aux enfants qui en étaient issus, que toutes les études anglo-saxonnes le démontraient, allaient dans le même sens et que les cohortes étaient suffisantes. Le présent amendement dit précisément le contraire ! Il reconnaît qu’il n’existe pas d’étude suffisamment fiable et que celles qui sont disponibles sont, pour l’essentiel, anglo-saxonnes. Vous venez de souligner que la sociologie de ces pays est différente de la nôtre, monsieur le rapporteur ; vous reconnaissez donc que le législateur est appelé à prendre une décision en méconnaissance de ses conséquences ! Je vous en remercie. Vous avez raison, il serait très utile de mener des études approfondies.
M. Didier Martin. J’ai assisté à de nombreuses auditions, et je me souviens de l’insistance très forte du professeur Frydman pour procéder à une évaluation et à un suivi de la loi. Il n’y a donc absolument aucune incohérence entre la proposition du rapporteur et le fait de nous appuyer sur des études réalisées dans d’autres pays pour proposer cette réforme. Il est important de disposer, à l’avenir, d’éléments nationaux de suivi des conséquences de cette nouvelle mesure, qui introduit un droit fondamental et constituera une transformation profonde du droit de filiation.
Je soutiens très fermement l’amendement du rapporteur.
M. Brahim Hammouche. L’amendement met surtout en lumière la pauvreté, que tous les universitaires ici présents connaissent, de la recherche épidémiologique en France. Si nous voulons être à la hauteur des revues internationales, il faut autoriser de telles études épidémiologiques.
M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas un amendement, c’est un aveu de faiblesse et d’impuissance plutôt inquiétant.
M. Guillaume Chiche. Comme mon collègue Didier Martin, je soutiens cet amendement : toute nouvelle pratique doit s’accompagner d’outils d’évaluation et de suivi.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Je soutiens également très fermement cet amendement. Mes collègues ont raison, les auditions ont souligné que nous aurions tout à gagner à accompagner ces nouvelles dispositions d’un suivi étayé.
La commission adopte l’amendement n° 2239.
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Réunion du mercredi 11 septembre 2019 à 14 heures 30 ([5])
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Ce matin, nous nous sommes arrêtés aux amendements à l’article 1er.
Article 1er (suite)
Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
La commission examine les amendements identiques n° 11 de M. Xavier Breton, n° 640 de M. Thibault Bazin et n° 1049 de M. Philippe Gosselin.
M. Xavier Breton. Madame la ministre des solidarités et de la santé, nous savons que vous avez assisté au conseil des ministres, dont l’ordre du jour devait être particulièrement chargé, mais nous avons bien regretté votre absence, notamment lors des débats sur la procréation médicalement assistée (PMA) post mortem. Nous avons dû défendre vos positions en votre absence mais l’important est que l’essentiel ait été sauvegardé. Les votes n’ont abouti à aucune dérive, fort heureusement.
L’amendement n° 11 vise à réduire autant que possible la création d’embryons surnuméraires dans le cadre de la PMA, comme le fait le droit allemand. Il est important d’éviter la création de stocks susceptibles d’être utilisés par l’industrie pharmaceutique ou la recherche. Il convient de prévoir une protection suffisante pour l’embryon humain contre toute dérive, notamment en proposant aux couples une autre implantation tant qu’il existe des embryons surnuméraires.
Nous proposons de rédiger ainsi les alinéas 7 à 10 : « Compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons humains. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation, compte tenu du procédé mis en œuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple sur la nécessité de réaliser ultérieurement une autre implantation jusqu’à épuisement du stock d’embryons humains surnuméraires. » Nous précisons que « Les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que les embryons humains surnuméraires soient accueillis par un autre couple répondant aux conditions de l’article L. 2141‑2. Dans les cas faisant obstacle à l’implantation des embryons humains ceux-ci sont accueillis par des couples demandeurs répondant aux conditions de l’article L. 2141‑2. ».
M. Thibault Bazin. Madame la ministre, vous pouvez être soulagée. Grâce à l’opposition, le pire a été évité ce matin. Il est important de le souligner car il aurait pu se produire un glissement vers des dérives éthiques mais le risque n’est toutefois pas totalement à écarter en séance publique.
Le sort des embryons surnuméraires nous préoccupe. L’embryon n’est pas quelque chose de banal. Ce n’est pas un matériau. Il faut envisager la question avec tout le sérieux qu’impose le développement actuel de l’assistance médicale à la procréation (AMP). Les avancées techniques auxquelles nous assistons depuis deux ans, notamment avec la vitrification des ovocytes, ne justifient plus autant qu’avant la création d’embryons surnuméraires. Il importe d’en réduire le nombre. La pratique allemande peut nous inspirer sur ce point.
Par ailleurs, il convient d’assurer un avenir à l’embryon en proposant aux couples une autre implantation tant qu’il existe des embryons surnuméraires. Si une autre implantation ne pouvait être envisagée, resterait la solution d’un don d’embryon.
M. Philippe Gosselin. L’embryon humain n’est pas un matériau comme les autres, il nécessite une attention particulière. À ce titre, il faut éviter la multiplication des embryons surnuméraires.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mes chers collègues, jusqu’à maintenant, nous avons pris grand soin de ne pas caricaturer les positions des uns et des autres et j’aimerais que vous ne disiez pas trop souvent : « Le pire a été évité ». Nous avons du respect pour vos positions et nous attendons de votre part le même respect pour les nôtres. Ici, ce qui est discuté – et c’est tout le sens de la bioéthique à la française –, ce sont différentes visions du bien, il n’y en a pas de meilleures ou de pires que les autres. C’est dans cet esprit qu’il nous faut poursuivre l’examen de ce projet de loi.
Monsieur Breton, je partage votre objectif de limiter la création d’embryons surnuméraires. Nous savons qu’il en existe des centaines de milliers. Par boutade, je dirai que la réimplantation post mortem permettrait à certains d’avoir une destinée au lieu d’être détruits mais cela ne concernerait qu’un très petit nombre d’entre eux. Je dois ajouter que je n’adhère pas aux moyens que vous préconisez. Pour limiter leur production, il faut d’abord aboutir à de meilleurs résultats en matière de fécondation in vitro (FIV). Tant que le taux de succès ne dépassera pas 20 %, des embryons surnuméraires seront nécessaires pour réitérer les tentatives jusqu’à ce qu’un enfant puisse naître. Cela suppose d’accepter la recherche sur l’embryon. S’il y a autant d’embryons créés, c’est qu’il faut qu’il y en ait suffisamment pour en avoir de viables et éviter qu’il y en ait de non viables, tels ceux qui sont éliminés lors de la procréation dans les conditions naturelles sans que personne ne s’en rende compte.
Avis défavorable à ces amendements identiques.
Mme Elsa Faucillon. Je rejoins M. le rapporteur. J’ajoute que cette réduction que vous appelez de vos vœux compliquerait singulièrement le parcours des femmes et de celles ou ceux qui les accompagnent. Elles devraient en effet plus souvent repasser par l’étape du prélèvement d’ovocytes qui est fait sous anesthésie générale, ce qui n’a rien d’anodin en matière de santé. Même si je considère qu’il faut promouvoir le don d’ovocytes, on ne peut pas souhaiter à une femme d’avoir à subir une douzaine de fois ce prélèvement.
M. Guillaume Chiche. Je partage moi aussi les propos du rapporteur. Nos échanges ont été de bonne tenue ce matin, même en votre absence, madame la ministre. Les différentes positions ont été exprimées de manière très respectueuse et nous devons poursuivre nos travaux dans cet état d’esprit.
Je veux d’abord souligner qu’il n’y a aucune création d’embryon à des fins de recherche.
J’aimerais ensuite revenir sur l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur Breton. Évoquant le droit allemand, vous indiquez que « les expériences tentées pendant la seconde guerre mondiale ont montré l’importance de limites juridiques en la matière ». Si c’est une référence à l’eugénisme, notion à mon sens trop largement employée dans le cadre de nos débats, il me paraît bon de rappeler qu’il répondait à trois caractéristiques principales : l’absence de construction scientifique, la volonté de changer la nature humaine, la contrainte exercée sur les personnes qui le subissaient. Je vous appelle à la plus grande prudence avant de comparer notre droit et ce projet de loi à des concepts et des pratiques qui ont prévalu pendant les heures les plus sombres de notre histoire.
Mme Bérangère Couillard. À la suite de Mme Elsa Faucillon et de M. Guillaume Chiche, répétons que la PMA n’est pas une cure de jouvence. Ce sont les personnes qui y ont eu recours qui le disent. Les embryons créés ne sont pas « en trop », ils viennent augmenter les chances de réussite de la PMA. Ensuite, une décision claire est prise : conserver l’embryon, le détruire, ou bien le donner soit à des fins de recherche soit à un autre couple.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, que vous ayez besoin d’exprimer votre indéfectible soutien à Mme Buzyn ne pose pas problème. Reste que les mots ont un sens. Et je nous invite collectivement à les peser et les soupeser afin que nos débats se déroulent dans le même état d’esprit que celui qui prévaut depuis maintenant trois semaines.
La commission rejette les amendements n° 11, n° 640 et n° 1049.
Elle en vient à l’amendement n° 1032 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 7 par la phrase suivante : « L’assistance médicale à la procréation ne peut être mise en œuvre au moyen de gamètes achetés à l’étranger. ». Avec l’élargissement de l’accès à la PMA, les besoins de gamètes vont augmenter. Or, madame la ministre, vous expliquiez lundi soir que nous étions à environ 300 dons de sperme par an. Le très faible nombre de donneurs de gamètes en France peut laisser penser que des personnes ont recours à l’achat de gamètes à l’étranger, pratique qui s’oppose clairement au principe de non-marchandisation du corps humain. Il me semble donc important d’inscrire cette interdiction dans le texte.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame Ménard, votre amendement est en grande partie satisfait dans la mesure où l’implantation de gamètes venant de l’étranger est soumise à une autorisation de l’Agence de la biomédecine ; elle doit donc respecter les critères d’autorisation correspondant aux principes éthiques du droit français, dont la gratuité fait partie. Il n’est donc pas envisageable d’implanter des gamètes prélevés dans conditions éloignées des standards français.
En revanche, on ne saurait interdire l’implantation de gamètes gratuits, dont le prélèvement respecte les mêmes règles d’éthique que les nôtres.
Mme Emmanuelle Ménard. Ce n’est pas l’objet de mon amendement.
M. Xavier Breton. Je soutiendrai personnellement l’amendement de Mme Ménard qui ajoute une précision utile et juste.
J’aimerais maintenant répondre à M. Guillaume Chiche au sujet de notre référence au droit allemand afin de lever toute confusion. Il est clair que nous ne nous situons pas dans la logique du point de Godwin en cherchant une comparaison avec le régime nazi. Nous voulons simplement signifier que le fait que le droit allemand soit si strict en matière de production d’embryons surnuméraires s’explique par son histoire. Par ailleurs, cela montre que juridiquement, il est possible de limiter la production d’embryons surnuméraires.
La commission rejette l’amendement n° 1032.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement n° 641 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques n° 12 de M. Xavier Breton, n° 199 de M. Patrick Hetzel, n° 546 de Mme Annie Genevard et n° 1050 de M. Philippe Gosselin, ainsi que l’amendement n° 1779 de M. Raphaël Gérard.
M. Thibault Bazin. Madame la présidente, en matière d’éthique, nous recherchons le mieux et nous voulons éviter le pire. Mes propos n’étaient en aucun cas destinés à vous atteindre personnellement, monsieur le rapporteur. Je réaffirme ici le respect que j’ai pour vos convictions, pour différentes qu’elles soient des miennes. Il s’agissait plutôt d’un message positif à l’intention de Mme la ministre.
Mon amendement n° 641 vise une disposition très dangereuse du projet de loi : l’autorisation du double don de gamètes qui revient à supprimer tout lien biologique entre l’enfant issu d’une PMA et ses parents. Un enfant pourrait ainsi avoir trois mères : ses deux mères usuelles et une mère biologique. On peut se demander pourquoi une femme seule ou un couple de femmes n’apporteraient pas au moins une filiation biologique. En l’absence de pathologie, pourquoi faire appel au don d’ovocytes. Ce matin, nous évoquions la méthode ROPA – réception des ovocytes de la partenaire.
Le texte prévoit la possibilité d’une AMP avec deux « tiers donneurs » : un homme et une femme. L’enfant qui en serait issu ne partagerait donc aucun patrimoine génétique avec ses parents. Cette disposition, en plus de priver un enfant de ses parents biologiques, risque d’ouvrir demain la porte à un marché de la procréation en permettant aux parents de choisir les caractéristiques génétiques de leur enfant. Toutes les dispositions se tiennent en un effet domino, voire en un effet mikado.
Avec cet amendement, nous ne faisons que proposer un retour au droit actuel, beaucoup plus prudent.
M. Xavier Breton. Le but de notre amendement n° 12 est d’éviter que les parents puissent choisir les caractéristiques génétiques de leurs enfants de manière libre et arbitraire. Il est important de garder un minimum d’ancrage biologique et corporel à la filiation. Cela évite que la toute-puissance des adultes et le primat donné au projet parental ne s’exercent au détriment de l’intérêt des enfants.
M. Patrick Hetzel. Revenons aux lois de juillet 1994 : elles ont autorisé le recours à un don de gamètes pour permettre à des couples infertiles de réaliser leur projet parental. Cette pratique n’est, en effet, pas anodine, comme les pédopsychiatres ont eu l’occasion de le souligner lors des auditions. Nous avons vu aussi que les enfants nés d’un don de gamètes avaient des revendications particulières.
Ces lois ont par ailleurs interdit la pratique du double don : l’enfant est toujours biologiquement issu de l’un des deux membres du couple. Or le projet de loi prévoit de remettre en cause cet interdit, ce qui ouvre la voie à l’autorisation de la gestation pour autrui (GPA). Notre amendement n° 199 vise à en revenir au droit actuel.
Mme Annie Genevard. Du fait de l’interdiction actuelle du double don, l’enfant est toujours biologiquement issu de l’un des deux membres du couple. La remise en cause de cette interdiction montre que nous arrivons au bout du processus d’éviction du lien biologique, qui est fondateur pour l’enfant. S’il apprend qu’il est né d’un don, il pourra se lancer dans la quête de ses origines en s’appuyant sur cet élément de stabilité psychologique. Cet aspect du projet de loi est tout à fait préjudiciable à l’enfant, or je considère qu’il faut toujours se placer du point de vue de l’intérêt de l’enfant.
M. Philippe Gosselin. Lundi, Mme la garde des Sceaux a parlé de révolution du droit de la filiation, en soulignant qu’elle procédait à la création d’une filiation de toutes pièces sur le plan juridique. C’est effectivement cela. Interdire le double don permettrait au moins de maintenir une filiation biologique qui, elle, ne relève pas de la fiction juridique. Il me paraît préférable qu’il en soit ainsi pour les enfants qui naîtront.
M. Raphaël Gérard. Je dois dire que je ne sais pas très bien pourquoi mon amendement n° 1779 a été mis en discussion commune avec les amendements identiques de mes collègues…
Après avoir soutenu longuement hier que le motif de stérilité devait être une condition sine qua non pour accéder à la PMA, ils sous-entendent maintenant qu’une femme non mariée devra utiliser ses propres ovocytes même si elle est stérile.
Je m’étonne aussi que vous n’ayez pas soutenu notre position ce matin à propos de la ROPA dont le présent amendement est une variante. Quand il y a des ovocytes ou des gamètes disponibles au sein d’un couple, il me paraît logique de donner la priorité à leur utilisation avant de recourir à un tiers donneur.
Il est en concordance avec des amendements que je défendrai ultérieurement. Aujourd’hui, l’auto-conservation des gamètes est autorisée pour une femme transgenre. L’idée est de l’autoriser à utiliser ses spermatozoïdes par priorité pour un projet d’AMP qu’elle aurait avec une femme cisgenre.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ni domino, ni mikado, ni retro. Évitons de toujours regarder en arrière. Il n’est pas nécessaire de revenir sur l’interdiction du double don car il est utile et bénéfique. Dès lors qu’on accepte le don d’embryon, qui suppose la fusion d’un gamète mâle et d’un gamète femelle, on doit accepter le double don. Demande de retrait ou avis défavorable à l’amendement de M. Bazin et aux amendements identiques.
Quant à l’amendement de M. Gérard, il propose un dispositif de type ROPA qui inclut les transgenres. J’y suis favorable. Il serait difficile d’imaginer une méthode ROPA réservée aux transgenres mais nous verrons en quel sens notre assemblée souhaite trancher.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Breton, vous vous dites inquiet de voir le double don de gamètes offrir la possibilité de choisir les caractéristiques génétiques de l’enfant à naître. N’entrons pas dans cette polémique. Pour ma part, je ne comprends pas comment on peut ne pas permettre ce double don. Il répond à des situations pathologiques qui sont devenues assez fréquentes. Pensons à deux conjoints stériles du fait d’une leucémie dont ils auraient été atteints à l’adolescence, cas clinique que j’ai rencontré. Aujourd’hui, leur seule possibilité d’accéder à la PMA repose sur un don d’embryon. Je pense que dans cette situation, le fait qu’il n’y ait aucun lien biologique entre l’enfant et ses parents ne vous choque pas. Or il n’y a aucune différence entre un don d’embryon et un double don de gamètes.
Pourquoi favorisons-nous le don de gamètes ? Parce que les parents peuvent se projeter d’emblée grâce à cette procédure qui leur est dédiée alors qu’accueillir un embryon surnuméraire issu d’un autre projet parental est pour eux beaucoup plus difficile et douloureux et suppose un investissement dans l’enfant à venir qui n’est pas forcément le même. Cette possibilité est avant tout destinée aux couples hétérosexuels stériles mais elle est ouverte aussi aux femmes seules stériles ou aux couples de femmes dont l’un des membres est stérile.
Vous mettez en avant l’importance du lien biologique mais cet argument ne tient pas. Donner cette primauté n’est possible que si l’un des membres du couple n’est pas stérile. Je ne vois pas quelle femme irait demander des ovocytes, avec les délais d’attente que l’on connaît, si elle-même est en capacité de les fournir. En outre, je ne comprends pas comment on peut s’opposer à ce double don dès lors que les couples stériles bénéficient déjà de dons d’embryon.
Je suis donc défavorable à ces amendements
Quant à l’amendement concernant la ROPA, j’y suis défavorable pour d’autres raisons. Cette méthode repose sur le don dirigé : le donneur choisit la personne qui bénéficiera de ses gamètes. Par glissement, il risque d’y avoir des demandes de dons qui dépassent le cadre du couple, avec par exemple une sœur et non plus la conjointe qui serait à l’origine du don. Comme je suis formellement opposée aux dons dirigés, je suis défavorable à la ROPA. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
La commission rejette successivement l’amendement n° 641, les amendements identiques nos°12, 199, 546 et 1050, ainsi que l’amendement n° 1779.
Elle examine ensuite l’amendement n° 1190 de Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho. Cet amendement tend à supprimer la mention de l’autoconservation des ovocytes dans le but de choisir à son gré la période idéale pour devenir parent. Cela risque en effet d’encourager la femme à différer sa grossesse au profit de sa carrière. Le problème est pris à l’envers. Une femme n’est pas une machine et un enfant n’est pas une marchandise ou un bien de consommation. Au lieu de favoriser l’emprise de la vie professionnelle sur la vie personnelle, il serait sans doute plus sensé d’adopter des mesures visant à accompagner les femmes enceintes ou les jeunes mères dans leur vie professionnelle.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre présentation est un peu réductrice. Ne comparons pas des systèmes différents. Certaines multinationales, ce qui est regrettable, escomptent que leurs salariées vont ainsi différer leur projet de maternité. Nous sommes tous ici favorables à ce qu’elles forment ces projets lorsque leur fécondité est à son meilleur. Dans certaines entreprises, toutefois, il ne s’agit pas du tout de brider les possibilités des femmes d’enfanter mais de permettre à celles qui sont désargentées de recourir à cette procédure onéreuse, non prise en charge par la solidarité nationale. C’est un service qui leur est rendu et non pas une obligation qui leur est faite. Il faut se garder de caricaturer les pratiques de pays étrangers aux systèmes différents.
La suppression d’alinéa que vous proposez va à l’encontre de l’objectif recherché par la loi. Avis défavorable.
Mme Elsa Faucillon. Je suis opposée à l’amendement de Mme Lohro qui revient à enlever une possibilité de choix aux femmes, à restreindre leur capacité à disposer librement de leur corps, au prétexte que certains s’emparent de ces méthodes pour les monnayer.
Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le rapporteur, que les multinationales agissent pour venir en aide à des femmes désargentées. Elles le font pour exercer des pressions sur leurs salariées. Elles sont en mesure de capter les aspirations de la société et de leur attribuer une valeur marchande.
La commission rejette l’amendement n° 1190.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 13 de M. Xavier Breton, n° 200 de M. Patrick Hetzel et n° 642 de M. Thibault Bazin, ainsi que les amendements identiques n° 547 de Mme Annie Genevard et n° 1143 de M. Jérôme Nury.
M. Xavier Breton. Par l’amendement n° 13, nous souhaitons supprimer les références à la femme non mariée aux alinéas 8 et 9 de l’article 1er. L’ouverture de l’AMP aux femmes seules induit un effet domino. Nous l’avons vu ce matin avec le débat sur les veuves et nous pouvons redouter que cela ne contribue à augmenter le nombre de familles monoparentales.
M. Patrick Hetzel. L’ouverture de la PMA aux femmes seules va conduire à gommer l’altérité propre au couple. Beaucoup de professionnels nous ont alertés sur cet aspect. À travers cet amendement, il nous revient une nouvelle fois d’insister sur ce point. Nous le faisons au nom de la société, en tant que législateur. Collectivement, voulons-nous assumer le fait que des enfants se retrouvent d’emblée dans une situation de grande fragilité en n’ayant qu’un seul parent ? C’est une évolution que nous ne souhaitons pas encourager, d’autant que les accidents de la vie peuvent aussi arriver.
M. Arnaud Viala. L’amendement n° 1143 est pratiquement identique à ceux de mes collègues. Je vois mal comment on peut faire coexister dans un même texte la notion de projet parental, qui est discutable en elle-même, et sa limitation à une seule personne.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à tous ces amendements qui reviennent à interdire l’AMP aux femmes non mariées.
La commission rejette successivement les amendements identiques n° 13, n° 200 et n° 642, et les amendements identiques n° 547 et n° 1143.
Elle en vient à l’amendement n° 1029 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Un embryon est un enfant à naître dans sa période de fragilité la plus profonde. Ce constat engage donc le législateur à répondre à un certain nombre de questions avant de légiférer. En 1994, il a autorisé la conservation des embryons pour éviter aux femmes les fortes contraintes liées aux prélèvements d’ovocytes à répétition. Or, aujourd’hui, la vitrification des ovocytes permet leur conservation et prive d’utilité la conservation des embryons. Ce serait faire preuve de prudence que d’arrêter de congeler de nouveaux embryons.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’état actuel des techniques ne permet pas d’aller en ce sens. En réalité, la seule façon de limiter la production d’embryons surnuméraires serait d’autoriser la recherche sur les embryons afin de parvenir à en produire un nombre adéquat.
Mme Annie Genevard. Cette question, nous l’avons abordée durant les auditions. Nous l’avons en particulier posée au professeur Frydman, spécialiste s’il en est de la PMA. Il s’est montré beaucoup plus ouvert que vous, monsieur le rapporteur. Il a en effet considéré que la congélation des gamètes féminins et masculins permettait de les utiliser en tant que de besoin, ce qui évite la production d’embryons surnuméraires, problème pointé par de nombreux intervenants.
Cette technique est aujourd’hui maîtrisée mais elle n’est pas assez utilisée alors qu’elle est très prometteuse. Vous avez tort, monsieur le rapporteur, de la rejeter de façon automatique. Mme la ministre de la santé, dont l’avis est l’un des plus autorisés dans cette enceinte, pourra nous en dire davantage.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je comprends parfaitement le sens de vos propositions et je pense que nous sommes tous favorables à la conservation des ovocytes par la technique de la vitrification, qui est efficace et qui se développe partout. Elle ne répond toutefois pas à la totalité des situations que rencontrent les médecins. Pour certaines méthodes, les professionnels ont besoin d’avoir recours aux embryons et il n’est pas possible d’éviter qu’il y en ait de surnuméraires. Nous ne pouvons donc fermer totalement la porte à la congélation d’embryons. Le projet de loi tente de réduire le nombre d’embryons congelés autant que faire se peut.
La commission rejette l’amendement n° 1029.
Elle est saisie de l’amendement n° 1191 de Mme Marie-France Lorho.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement aboutirait à l’inverse de ce que nous souhaitons tous, en permettant de produire un nombre illimité ou inconsidéré d’embryons. Il supprime en effet une phrase importante qui exige que le nombre d’ovocytes soit limité à ce qui est strictement nécessaire.
La commission rejette l’amendement n° 1191.
Elle examine l’amendement n° 1686 de M. Bastien Lachaud.
M. Éric Coquerel. Par cet amendement de bon sens, nous proposons d’insérer l’alinéa suivant après l’alinéa 8 : « L’aide médicale à la procréation s’adapte à toutes les situations. Ainsi, lorsqu’elle n’est pas nécessaire, aucune stimulation hormonale n’est proposée. »
De nombreuses femmes, parce qu’elles ont des ovocytes parfaitement fonctionnels, n’ont pas besoin de stimulation ovarienne. Or le protocole français impose cette stimulation, qui est lourde et souvent inutile, notamment pour les couples de femmes qui ne rencontrent aucun problème de fertilité. Nous proposons donc d’adapter les protocoles au corps des femmes et de ne pas leur imposer un traitement trop lourd. C’est déjà le cas dans d’autres législations européennes.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Vous semblez associer la stimulation ovarienne à la seule insémination artificielle, alors qu’elle peut aussi être indiquée pour la fécondation in vitro. Il faut évidemment veiller à la santé de la femme et éviter que l’AMP ne constitue un trop long parcours d’obstacles. Mais, pour ma part, je privilégie les échanges entre la femme et le centre d’AMP.
Je viens de relire un message que M. René Frydman m’a adressé hier soir et qui répond en partie aux interrogations de Mme Annie Genevard. Il écrit qu’il faut faire confiance aux professionnels et ne pas décider à leur place. Encadrer à l’excès, c’est renoncer à prendre en compte les circonstances particulières : il faut laisser une place au dialogue entre la femme et les équipes médicales. Gardons-nous de construire trop de barrières, même si c’est avec de bonnes intentions.
Mme Annie Genevard. Piqué au vif, vous êtes allé à la source, monsieur le rapporteur ! Il ne s’agit pas d’interdire la congélation des embryons. Nous demandons seulement que la congélation des ovocytes apparaisse dans la loi comme une alternative à privilégier. La congélation des embryons resterait une possibilité, dans les cas où elle s’avérerait nécessaire. On ne peut pas tout à la fois se réjouir des causes et déplorer les effets. On ne peut pas produire toujours plus d’embryons et déplorer, dans le même temps, qu’il y ait des embryons surnuméraires.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je vous rappelle que nous examinons actuellement l’amendement n° 1686.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Que ce soit au sujet de la stimulation ovarienne ou de la conservation des ovocytes, il faut faire confiance à l’équipe médicale. Qui peut imaginer qu’une équipe médicale décide d’une stimulation si elle n’est pas nécessaire ?
M. Xavier Breton. C’est une bonne chose que de limiter le recours à la stimulation hormonale, qui est lourde et douloureuse et il semble effectivement opportun de préciser dans la loi qu’il faut l’éviter quand elle n’est pas nécessaire. Le laisser-faire, en la matière, n’est pas dans l’intérêt des femmes.
M. Didier Martin. Il faut faire confiance aux praticiens, qui n’imposent jamais un traitement superflu. Il faut également avoir en tête que le taux de succès de ces techniques reste relativement faible. Or la stimulation ovarienne peut accroître les chances de réussite : c’est pourquoi il faut laisser aux praticiens la responsabilité de la prescrire, ou non.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Nous entrons sur le terrain de la pertinence des prescriptions médicales et, précisément, du traitement hormonal. Il me semble que c’est aller trop loin que d’inscrire dans la loi qu’une équipe médicale doit, ou non, recourir à telle ou telle technique médicale. Le fait de prescrire un médicament à bon escient relève de la déontologie médicale élémentaire. Commencer à évaluer dans la loi la légitimité de certaines prescriptions, c’est mettre le doigt dans l’engrenage, et j’y suis défavorable.
Je répète que tout cela relève de la bonne pratique clinique : les techniques font l’objet de recommandations et des indications figurent dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments. N’allons pas trop loin : ce n’est pas notre rôle que de faire des prescriptions aux équipes médicales.
Mme Marie-Pierre Rixain. Cet amendement me semble inutile, car toute femme est libre de son corps, et surtout libre de s’entretenir avec les professionnels de santé sur les procédures qui peuvent l’accompagner vers la maternité.
La commission rejette l’amendement n° 1686.
Puis elle examine l’amendement n° 1694 de Mme Danièle Obono.
M. Éric Coquerel. Nous avons longuement débattu ce matin de la méthode de réception des ovocytes de la partenaire, dite ROPA. Ce qui gênait certains de nos collègues, c’est que cette méthode soit possible dans tous les cas de figure et pour tous les couples de femmes. Ce que nous proposons avec cet amendement, c’est de limiter cette pratique aux cas où il y a un problème de fertilité, y compris pour les couples lesbiens.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement n° 1694.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 14 de M. Xavier Breton, n° 201 de M. Patrick Hetzel, n° 643 de M. Thibault Bazin, n° 1030 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1051 de M. Philippe Gosselin.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 14 tend à supprimer l’alinéa 9 de l’article 1er, qui prévoit que les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche. Qui dit recherche, dit destruction de l’embryon.
La logique actuelle consiste à produire plus d’embryons que nécessaire
– ce sont les fameux embryons surnuméraires. Si l’on ne fixe pas dans la loi des moyens concrets de limiter la production d’embryons, on va se diriger, de fait, vers une production d’embryons pour la recherche. On séquence un peu les consentements pour ne pas lier directement la production à la recherche, mais c’est bien ce qui se passe dans les faits : on en produit plus que nécessaire et on destine ceux qui restent à la recherche. On répond ainsi à la demande des acteurs de santé, qui ont besoin d’embryons pour leurs programmes de recherche.
M. Patrick Hetzel. Les lois de bioéthique sont toujours l’occasion de faire le bilan de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas, et notre rôle est de prendre en compte les avancées de la science. Mme Annie Genevard a rappelé, en citant le docteur René Frydman, que la congélation des gamètes fonctionne très bien aujourd’hui et que l’on peut donc aller vers une réduction du nombre d’embryons congelés. Nous devons tenir compte du fait que des techniques existent, qui permettent de réduire le nombre d’embryons surnuméraires. Le Comité consultatif national d’éthique a dit très clairement que l’embryon est une personne humaine potentielle. On ne peut donc pas traiter l’embryon de la même manière que les gamètes : c’est une vraie question éthique. C’est pourquoi je demande, avec l’amendement n° 201, de supprimer l’alinéa 9.
M. Thibault Bazin. Dès lors qu’il n’y a plus de projet parental, l’embryon peut avoir plusieurs destinations : la non-conservation, la recherche ou le don. Ces trois possibilités se valent-elles ? Ont-elles la même valeur pour la société ? C’est ce que donne à penser la rédaction actuelle du texte. Or la recherche sur l’embryon fait l’objet de débats depuis les premières lois de bioéthique et l’on avait d’abord posé le principe de son interdiction. Des dérogations ont été introduites dans les lois de bioéthique postérieures, et même en dehors de ces lois de bioéthique – ce qui pose d’ailleurs la question de leur pertinence. Ces dérogations ont été accordées, parce qu’on nous a promis des découvertes et des avancées médicales. Or, huit ans plus tard, ces avancées ne sont pas probantes. Peut-être serait-il temps de se rappeler ce que sont les embryons et le respect qu’on leur doit. Tel est l’objet de mon amendement n° 643.
Mme Emmanuelle Ménard. Mon amendement n° 1030 vise, comme ceux de mes collègues, à supprimer l’alinéa 9. Je voudrais souligner qu’il existe en France une vraie inégalité entre les embryons. Si des parents ont un projet parental pour leur embryon, on le considère comme une personne humaine en devenir. Mais si l’embryon n’est plus au cœur d’un projet parental et qu’il n’a pas été donné à un autre couple, il n’est plus qu’un objet, qui peut être soumis à la recherche ou détruit au terme de son délai de conservation. Ce relativisme vise surtout à justifier la recherche scientifique sur l’embryon.
Jusqu’en 2013, la recherche sur les embryons était interdite, malgré certaines dérogations, au motif que le corps humain ne peut faire l’objet d’aucune marchandisation et que l’on doit, par tous les moyens, sauvegarder la dignité de la personne humaine. Avec ce nouvel article, les parents pourront consentir à la recherche médicale sur leurs embryons, ce qui pose naturellement un certain nombre de questions éthiques. Par prudence, il me semble préférable de supprimer ce dispositif, afin de ne pas encourager la recherche sur les embryons. La recherche offre d’autres possibilités, notamment via les cellules pluripotentes induites (IPS).
M. Philippe Gosselin. Depuis quelques années, on assiste à un glissement, s’agissant de la recherche sur l’embryon. On est passé de l’interdiction à l’autorisation, via des dérogations, et le présent projet de loi veut nous amener à une simple déclaration préalable. Peu à peu, la recherche sur l’embryon risque de se généraliser. Or en demandant aux parents de donner leur accord pour que leur embryon soit destiné à la recherche, on transfère sur eux une responsabilité qui n’est pas la leur : c’est à l’État, à travers la loi, de définir clairement ce qu’il autorise et ce qu’il interdit. En outre, compte tenu du glissement qui nous a menés de l’interdiction à la déclaration, les parents seront mal informés des conséquences d’un don éventuel. Et ce n’est pas ainsi que nous réglerons la question des embryons surnuméraires. Nous devons nous montrer prudents : tel est le sens de l’amendement n° 1051.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je rappelle que ce n’est pas la recherche qui provoque la destruction des embryons : c’est parce que certains embryons sont destinés à la destruction que l’on peut faire des recherches sur eux. Il s’agit toujours d’embryons surnuméraires et je vous rappelle qu’il est interdit, dans notre pays, de produire des embryons à des fins de recherche. Je crois avoir ainsi répondu à certaines des questions et des craintes qui se sont exprimées.
La recherche sur l’embryon est nécessaire pour plusieurs raisons. Premièrement, si nous voulons que le taux de succès des fécondations in vitro augmente – ce qui permettra de réduire le nombre d’embryons surnuméraires –, il faut que nous comprenions le développement initial de l’embryon. Deuxièmement, la recherche sur le nouveau-né et sur le fœtus humain est autorisée en France, dans des conditions strictes : il n’y a donc rien de choquant à ce qu’elle soit également autorisée sur l’embryon, qui représente un autre stade du développement humain. Je vous renvoie au premier avis du Comité consultatif national d’éthique, qui date de 1985 et qui définit les conditions d’utilisation des tissus fœtaux ou embryonnaires d’origine humaine à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Dès cette époque, tout cela a été parfaitement encadré. Il n’est pas raisonnable de penser que nous pourrons progresser sur ces questions autrement que par la recherche.
Madame Ménard, vous avez évoqué les cellules IPS. Permettez-moi de vous rappeler qu’il y a déjà une très grande différence entre les cellules IPS et les cellules souches embryonnaires et qu’il y a une différence encore plus grande entre les cellules IPS et un embryon entier : ce sont des choses totalement différentes et jamais, de l’étude des cellules IPS, on n’apprendra comment se développe un embryon. Il ne faut pas tout mélanger.
Nous ne devons donc pas redouter, dans des conditions très encadrées et jusqu’à un âge qui sera très limité – quatorze jours – de développer des recherches sur l’embryon. Elles nous permettront, demain, de réduire le nombre d’embryons surnuméraires, qui sont beaucoup trop nombreux dans les congélateurs français à attendre d’être détruits.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. J’ai entendu des choses qui sont fausses et je répète que la question de l’AMP et celle de la recherche sont éminemment différentes. Laisser entendre, comme vous le faites, que l’on congèlerait des embryons pour la recherche est une idée qui choque toutes les équipes médicales. Aujourd’hui, la recherche sur l’embryon est extrêmement bien encadrée. Une autorisation est demandée aux parents lorsqu’ils ont eu un enfant ou qu’ils ont renoncé à leur projet parental après plusieurs échecs de PMA. À ce moment-là, les embryons congelés peuvent être destinés à la recherche, détruits ou donnés à d’autres couples.
Vos propos sont honteux, monsieur Breton, et je ne peux pas vous laisser dire que l’on congèle des embryons en vue de la recherche. On compte aujourd’hui 19 000 embryons congelés : ils l’ont été pour les parents, dans une démarche d’AMP, et non pour la recherche. Ces 19 000 embryons, personne ne sait d’ailleurs ce qu’il faut en faire aujourd’hui.
M. Xavier Breton. Alors, continuons comme cela !
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. C’est pour cette raison que nous avons introduit dans ce projet de loi un article qui permettra de ne pas les conserver au-delà d’une certaine durée. Il faut avoir à l’esprit que depuis la loi de 2004 qui a rendu possible la recherche sur l’embryon, seuls 3 000 embryons ont été utilisés, ce qui prouve bien que nous n’avons pas besoin de produire des embryons pour la recherche. Tout cela relève du fantasme et ce n’est bon ni pour les équipes médicales, ni pour les parents, ni pour les chercheurs. La loi a réglé ce problème depuis très longtemps et les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Madame Ménard, vous dites qu’il suffirait de faire de la recherche sur les gamètes, mais elle ne donne absolument pas les mêmes informations que la recherche sur l’embryon. La recherche sur les gamètes nous renseigne sur la fécondation et la capacité d’un spermatozoïde à rencontrer un ovocyte. La recherche sur l’embryon, quant à elle, donne des informations sur le développement des tissus. Or c’est la recherche sur l’embryon qui nous donnera des pistes pour traiter le cancer des enfants. On sait en effet que, dans le cancer des enfants, les premières anomalies apparaissent dès l’embryogénèse et au moment du développement tissulaire intra-utérin. Freiner la recherche sur l’embryon, c’est donc se priver de l’espoir de progresser dans la recherche sur les cancers des enfants les plus incurables. Les cellules IPS ne donnent pas non plus les mêmes informations : il ne faut pas tout mélanger et tout n’est pas possible avec tout.
Vous avez dit, monsieur Bazin, qu’on n’avait pas vu beaucoup de résultats, que les avancées médicales étaient assez modestes. Cela me fait penser à la formule selon laquelle on n’a pas besoin de chercheurs, mais de trouveurs. Mais la recherche n’avance pas en rendant compte de ses découvertes, année après année : elle est parfois incrémentale, parfois fractale, et c’est ainsi qu’elle progresse. On ne peut pas dire que, parce qu’il n’y a pas eu assez de publications dans des revues de rang A, on doit arrêter la recherche dans ce domaine. Ce n’est pas ainsi que ça fonctionne ! Des progrès ont été faits. Ils sont peut-être insuffisamment visibles pour vous, mais ils sont utiles à toute la communauté scientifique, comme tous les progrès incrémentaux. Je répète que cette recherche est aujourd’hui indispensable.
Enfin, monsieur Gosselin, vous avez fait une confusion, puisque le régime déclaratif ne concerne pas l’embryon, mais les cellules souches embryonnaires, ce qui n’a rien à voir. Mme Frédérique Vidal expliquera la différence entre les deux et nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je tenais à faire cette mise au point, parce que certains des propos que j’ai entendus pourraient choquer nos concitoyens et qu’ils ne décrivent absolument pas la réalité.
M. Philippe Gosselin. Je reconnais que j’ai fait une confusion, madame la ministre.
La commission rejette les amendements identiques n° 14, n° 201, n° 643, n° 1030 et n° 1051.
Elle examine ensuite l’amendement n° 1355 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Cet amendement, qui concerne également la recherche sur l’embryon, propose de réécrire l’alinéa 9 et de n’autoriser la recherche sur les embryons que dans le cadre d’un couple composé d’un homme et d’une femme qui renoncerait à la conservation ou au transfert desdits embryons.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit pour moi d’un combat d’arrière-garde. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 1355.
Puis elle examine l’amendement n° 1144 de M. Jérôme Nury.
M. Arnaud Viala. J’ai déjà défendu plusieurs amendements de mon collègue Jérôme Nury relatifs à la monoparentalité et celui-ci les prolonge.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 1144.
La commission examine l’amendement n° 548 de Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Avec cet amendement, nous voulons éviter que la recherche sur l’embryon ne soit considérée comme une issue ordinaire. Nous proposons que la destination de l’embryon à la recherche ne puisse être envisagée qu’à titre subsidiaire, lorsque l’implantation de l’embryon n’est possible, ni au profit du couple qui en est à l’origine, ni au profit d’un autre couple. C’est la raison pour laquelle je propose de substituer aux mots « ou conservés » les mots : « conservés ou accueillis par un autre couple ». Même si cette hypothèse est rare, il faut qu’elle apparaisse dans la loi, la recherche ne venant qu’à titre subsidiaire.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les explications de Mme la ministre sur la manière dont se passe la recherche – sans abus, sans excès, et sous un contrôle rigoureux – ont dû vous rassurer pleinement, madame Genevard, et il ne paraît pas nécessaire de renforcer la loi sur ce point. Comme le disait le président Georges Pompidou, il faut arrêter d’emmerder les Français. (Exclamations parmi les membres du groupe Les Républicains.) Laissons travailler ceux qui aident à la procréation ou qui font de la recherche dans ce domaine.
M. Thibault Bazin. Nous débattons d’un sujet qui peut heurter des consciences en France. Il convient, si nous voulons garder un débat apaisé, d’éviter de nous emporter, même quand la fatigue se fait sentir.
Madame la ministre, vous avez dit qu’il y avait 19 000 embryons congelés en France. Or, en 2015, on avançait plutôt le chiffre de 220 0000 embryons. Si je ne me trompe pas, les 19 000 embryons dont vous parlez sont ceux qui sont conservés dans des organismes de recherche. Pouvez-vous me confirmer que l’on compte bien, en France, plus de 200 000 embryons congelés ? Si tel est bien le cas, le problème de leur destination se pose vraiment.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les recherches sur l’enfant et le fœtus, mais la différence, c’est qu’on ne tue pas l’enfant ou le fœtus
– heureusement ! Votre projet de loi contient des dispositions relatives aux cellules souches embryonnaires. Or, pour les obtenir, il faut détruire l’embryon… Comment fera-t-on la part entre les besoins de la science, qui réclame toujours de nouveaux matériaux, et la protection de l’embryon ? Quelle limite sera posée ?
M. Charles de Courson. Lors de l’examen des précédentes lois de bioéthique, nous avons eu des débats torrides sur le statut des embryons surnuméraires. Constatant que la question était extrêmement difficile, nous avons provisoirement renoncé à donner un statut aux embryons surnuméraires, en espérant que l’évolution technique nous aiderait à le faire. Or je constate que nous en sommes toujours au même point dans ce projet de loi : on n’a toujours pas donné de statut juridique aux embryons surnuméraires.
Vous nous avez dit, madame la ministre, qu’il y a aujourd’hui 19 000 embryons congelés. La loi prévoyait la création de registres. J’aimerais savoir si ces registres existent bien, car il m’a semblé, en vous écoutant, que ce n’était pas tout à fait clair. Ces registres devaient permettre de s’assurer que personne ne s’emparerait d’embryons surnuméraires pour en faire des choses condamnées par la loi. Les registres existent-ils et la loi est-elle bien respectée ? Si tel était le cas, nous n’aurions peut-être pas ce genre de débat aujourd’hui…
Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, je suis choquée de la mention que vous avez faite des propos du président Pompidou, à propos du principe selon lequel la recherche sur l’embryon est subsidiaire et ne vient qu’après la finalité de procréation. Il ne s’agit d’emmerder ni les Français, ni les collègues, ni qui que ce soit, mais de réfléchir sérieusement et dignement à des questions assez fondamentales.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Pour répondre à votre question, monsieur Bazin, les 19 000 embryons que j’ai évoqués sont effectivement les embryons qui sont congelés dans les centres d’AMP et qui bénéficient d’une autorisation du couple pour être utilisés pour la recherche : ce sont des embryons disponibles pour la recherche. Ce sur quoi je voulais insister, c’est que nous n’avons pas besoin de produire des embryons en vue de la recherche, dans la mesure où seuls 3 000 de ces 19 000 embryons congelés et disponibles pour la recherche ont été utilisés en quinze ans. Je voulais, en donnant ces chiffres, répondre à M. Xavier Breton, qui prétendait que nous produisions à dessein des embryons surnuméraires pour les chercheurs. Je ne peux pas accepter ces propos, je ne peux pas les entendre et je ne peux pas accepter qu’ils soient prononcés en ce lieu, car ils ne sont pas raisonnables et qu’ils ne décrivent pas la réalité.
Pour en venir à votre question, monsieur de Courson, les registres sont parfaitement tenus. Les centres d’AMP sont autorisés, ce qui signifie qu’ils sont soumis à des contrôles. Ils subissent un double contrôle : celui de l’Agence de la biomédecine et celui des agences régionales de santé. Si les registres ne sont pas tenus, les critères de qualité tombent et les centres ferment. Il faut arrêter de fantasmer. Je comprends que ces questions puissent susciter des craintes, mais tout cela est parfaitement réglementé : nul ne peut dérober des embryons pour se livrer à je ne sais quelle expérience. Les lois s’appliquent, les lois de bioéthique sont des lois fondamentales dans notre pays et nul ne les contourne.
Mme Annie Genevard. Madame la ministre, vous n’avez pas donné votre avis sur mon amendement, qui vise à rappeler que la recherche ne peut être envisagée qu’à titre subsidiaire, lorsque l’implantation de l’embryon n’est possible ni au profit du couple qui en est à l’origine, ni d’un autre couple.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. C’est déjà le cas. Si une famille donne son consentement pour la recherche, c’est qu’elle a déjà décidé de renoncer pour elle-même et qu’elle ne souhaite pas que l’embryon soit donné à un autre couple en vue d’une implantation. Je ne comprends pas ce que votre amendement apporterait.
La commission rejette l’amendement n° 548.
L’amendement n° 2242 du rapporteur est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques n° 15 de M. Xavier Breton, n° 202 de M. Patrick Hetzel, n° 644 de M. Thibault Bazin et n° 1145 de M. Jérôme Nury.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 15 tend à supprimer, à l’alinéa 10, les mots : « ou une femme non mariée », afin d’éviter l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules, avec toutes les conséquences qui en découleraient, selon l’effet domino que nous condamnons.
M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, je regrette que vous ayez retiré votre amendement n° 2242, car il nous aurait donné l’occasion de discuter davantage de la rédaction actuelle de l’alinéa 10, qui introduit la notion problématique de « qualité » de l’embryon. Le deuxième alinéa de l’article 16-4 du code civil dispose que « toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite ». Ce qui est visé à l’alinéa 10, c’est sans doute la qualité cellulaire de l’embryon et il faudrait le préciser.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Hetzel, je vous invite à parler de votre amendement, et non de celui que le rapporteur a retiré.
M. Patrick Hetzel. C’est ce que je fais, madame la présidente. Vous ne précisez pas ce qui fait la « qualité » de l’embryon et je considère, pour ma part, que l’introduction de cette notion de « qualité » est la reconnaissance potentielle d’une pratique sélective. Or qui dit pratique sélective, dit eugénisme. C’est un problème de fond et nous devrons débattre de cette rédaction en séance publique, si nous ne le faisons pas ici. Je suis étonné, madame la ministre, que le Gouvernement puisse parler de la « qualité » de l’embryon, car cela pose une question de fond. En attendant, mon amendement n° 202 est défendu.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’émettrai un avis défavorable sur tous ces amendements, qui veulent réserver l’AMP aux femmes qui sont en couple hétérosexuel.
Monsieur Hetzel, vous m’accorderez qu’un embryon qui n’est pas viable, du fait d’importantes anomalies chromosomiques, n’est pas d’une qualité équivalente à celle d’un embryon qui peut être réimplanté et donner naissance à un enfant. Cela n’a rien à voir avec l’eugénisme. L’eugénisme concerne ce qui peut se transmettre génétiquement aux générations futures. En l’occurrence, un embryon non viable ne se transmet pas dans le futur : on ne peut donc pas parler d’eugénisme. Et il n’y a rien d’indécent à reconnaître qu’une proportion importante d’embryons, dans les conditions naturelles comme dans les conditions in vitro, présente un certain nombre d’anomalies chromosomiques.
La commission rejette les amendements identiques n° 15, n° 202, n° 644 et n° 1145.
Elle examine ensuite l’amendement n° 1192 de Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho. Comme mon collègue Patrick Hetzel, je m’interroge sur cette notion de « qualité » des embryons, qu’il conviendrait à mon sens de préciser. Au titre de quelles anomalies un embryon pourra-t-il être détruit ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. On ne peut pas, à l’heure actuelle, fournir les précisions que vous demandez. Pour moi, la seule distinction que l’on puisse faire est la distinction entre les embryons viables et les embryons non viables.
M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, la rédaction actuelle est insuffisante et il faudra l’améliorer d’ici la séance publique ou renvoyer à un décret qui définira ce qui fait la qualité d’un embryon. L’alinéa 10 prévoit qu’une nouvelle AMP peut être refusée à un couple ou à une femme du fait d’un « problème de qualité » de l’embryon. Mais on ne sait pas selon quels critères cette qualité est évaluée. Si une femme fait un recours, la question de la qualité se posera. Et qui l’appréciera ? Il faut absolument préciser ce point.
La commission rejette l’amendement n° 1192.
Puis elle examine les amendements identiques n° 452 de M. Xavier Breton et n° 494 de M. Patrick Hetzel.
M. Xavier Breton. En parlant de la « qualité » de l’embryon, on a vraiment le sentiment qu’on a affaire à une marchandise, qui pourrait être repoussée parce qu’elle présente un défaut. Or il me semble que l’embryon mérite davantage de considération. Ces questions sont importantes et nous devons prendre le temps d’en débattre, plutôt que d’essayer d’avancer à marche forcée.
Mon amendement n° 452 vise à préciser cette notion de qualité. Le rapporteur nous dit que c’est trop tôt et que nous devons encore y travailler, mais c’est tout de même notre rôle que d’apporter cette précision. Avec cet amendement, je propose donc d’indiquer que nous parlons de « qualité cellulaire ». Cette précision éviterait que l’on considère l’embryon comme une simple marchandise.
M. Patrick Hetzel. L’alinéa 10, parce qu’il est trop imprécis, laisse des questions en suspens : qui va apprécier la qualité de l’embryon, et selon quels critères ? Nous proposons, a minima, de préciser qu’il s’agit de la qualité cellulaire de l’embryon.
C’est la première fois, depuis que nous examinons des textes de bioéthique, que l’idée d’un tri est explicitée. En effet, si l’on définit une qualité, c’est bien en vue d’un tri. Et qui dit tri, dit logique eugénique. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que ce n’est pas le cas. Expliquez-nous, madame la ministre, ce que vous voulez dire en parlant de la qualité de l’embryon : quelles sont les intentions du Gouvernement ?
Avec l’amendement n° 494, je propose de préciser que l’on parle de sa qualité « cellulaire ».
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur Breton, il ne s’agit pas d’avancer à marche forcée, mais d’être raisonnables. Je vous rappelle qu’il nous reste 1 894 amendements à examiner et que nous devons avoir achevé l’examen de ce texte dans la nuit de vendredi à samedi.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous dites que c’est la première fois que nous inscrivons dans la loi cette notion de qualité, mais ce n’est pas vrai. C’est dans la loi de bioéthique de 2011 qu’a été introduite pour la première fois la notion de qualité de l’embryon. Plusieurs d’entre vous étaient présents au moment de la révision de cette loi de bioéthique : si vous voulez accuser M. Jean Leonetti d’eugénisme, libre à vous, mais moi, je ne le ferai pas. Je répète qu’on ne peut absolument pas parler d’eugénisme à propos d’embryons qui ne sont pas viables
– donc pas réimplantables – et qui ne modifieront pas l’évolution de l’espèce.
Par ailleurs, il ne me semble pas pertinent de parler de la qualité cellulaire de l’embryon, car cette qualité tient à des critères chromosomiques et à d’autres données plus complexes. Nous n’avons pas les moyens, aujourd’hui, de définir précisément la qualité qui garantit la viabilité de l’embryon, mais je répète que la seule distinction qui vaille est celle-ci : d’un côté, les embryons qui, une fois réimplantés, pourront donner naissance à un fœtus et, de l’autre, ceux qui s’arrêteront immédiatement de se développer et seront expulsés.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je crois utile de revenir sur la logique de tout cela. L’alinéa 10 est directement repris de la loi de 2011 : il est rédigé exactement de la même manière, à ceci près que nous avons ajouté la mention des femmes non mariées, puisqu’il n’y était question que des couples. Cet alinéa vise donc uniquement à ajouter la référence aux femmes non mariées.
Ensuite, concernant la qualité, la question date de 2011 : cela n’a rien à voir avec le choix des embryons par les parents ou même par les équipes. Des problèmes peuvent survenir pendant la congélation : il peut se produire des pertes de cellules, rendant les embryons inaptes à la réimplantation. De même, un diagnostic préimplantatoire peut révéler que les embryons congelés présentent une anomalie génétique que l’on ne souhaite pas réimplanter, les enfants antérieurs souffrant déjà d’une maladie génétique. Les critères de qualité sont appréciés par l’équipe d’AMP.
L’alinéa 10 ne dit rien d’autre que ce qui existe déjà depuis six ans et n’a pas posé de problème. Ajouter le mot « cellulaire » réduirait la capacité des équipes à évaluer la qualité de réimplantation de l’embryon. Nous souhaitons donc ne rien toucher au texte actuel, lequel n’aboutit à aucun eugénisme – ce n’est pas le sujet. Il concerne la qualité de la réimplantation au sens des bonnes pratiques de thérapie cellulaire dans les laboratoires qui font de l’AMP et connaissent cela parfaitement.
Enfin, pour répondre à M. de Courson, le nombre d’embryons congelés est de 223 836 au 31 décembre 2016.
M. Charles de Courson. Nous n’avons pas utilisé le terme de « qualité » mais celui de « caractéristiques » de l’embryon.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Selon l’article L. 2141-3 du code de la santé publique, « un couple dont les embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » Nous avons juste précisé « couple ou personne non mariée ».
La commission rejette les amendements identiques n° 452 et n° 494.
Elle examine ensuite l’amendement n° 992 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Toutefois, à la suite de nos débats, je me sens profondément mal à l’aise avec cette notion de qualité, qui ne traduit pas véritablement la question de la viabilité. La notion de qualité peut être entendue de manière assez différente, allant au-delà du cas des embryons endommagés ou n’allant pas à leur terme. Je retire donc cet amendement dans un but constructif, afin que nous puissions travailler d’ici la séance à une autre rédaction.
L’amendement n° 992 est retiré.
La commission est ensuite saisie de l’amendement n° 1100 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. L’objet de cet amendement est de préciser que, lors d’une fécondation in vitro, l’on ne peut pas concevoir plus d’embryons que ce qu’il est possible d’en implanter. Il s’agit de limiter le nombre d’embryons surnuméraires congelés. Je me fonde sur les pratiques ayant cours en Allemagne, où l’on limite la création d’embryons dans le cadre d’une FIV : les embryons ne sont pas congelés et sont tous implantés, ce qui leur évite la destruction ou d’être destinés à la recherche.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 1100.
Puis elle examine l’amendement n° 549 de Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. La production d’embryons surnuméraires est une difficulté à laquelle il faut pouvoir apporter des réponses. Dès 1989, le Comité consultatif national d’éthique évoquait le problème : ce n’est donc pas nouveau.
Je propose que l’état des techniques médicales en matière d’AMP soit décrit dans le rapport annuel établi par l’Agence de la biomédecine. Cela concernerait l’évolution des techniques de conservation des ovocytes ou encore le transfert et la conservation d’embryons. Ce rapport permettrait d’éclairer les décideurs en charge de ces questions, à commencer par la représentation nationale.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement est satisfait, l’Agence de la biomédecine fournissant chaque année un rapport : vous pouvez vous le faire adresser.
M. Xavier Breton. Il serait intéressant de connaître les résultats de ces études : quels efforts ont été faits concrètement pour limiter la production d’embryons surnuméraires, objectif clairement affiché par la loi de 2011 ? Quels moyens ont été utilisés et quels sont les résultats ?
Mme Agnès Thill. J’entends bien les questions qui se posent sur la qualité et la quantité des embryons. La survie et le dynamisme d’un État ne dépendent que de sa natalité et de sa démographie : il ne faudrait pas que l’État souhaite en maîtriser la quantité et la qualité.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Pour répondre à Mme Genevard, tout cela figure déjà dans le rapport d’activité de l’Agence de la biomédecine : 223 836 embryons congelés, très peu de dons d’embryons pour l’accueil dans d’autres familles, 19 000 destinés à la recherche, tous ces chiffres figurent dans le rapport. L’Agence communique tous les renseignements issus des CECOS – centres d’études et de conservation des œufs et du sperme – via les registres : cela fait partie de ses missions.
Nous souhaitons tous limiter le nombre d’embryons congelés, sans pour autant réduire les chances de succès pour les familles. Grâce à la vitrification ovocytaire, ce nombre se réduira progressivement dans les années qui viennent : un autre équilibre s’établira, avec plus de gamètes congelés et moins d’embryons.
La commission rejette l’amendement n° 549.
Puis elle examine l’amendement n° 1778 de M. Raphaël Gérard.
M. Raphaël Gérard. Il s’agit d’entériner l’idée d’utiliser les ovocytes disponibles au sein du couple plutôt que de recourir à un don d’ovocyte.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis favorable.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Le Gouvernement est contre.
La commission rejette l’amendement n° 1778.
Elle en vient ensuite à l’amendement n° 1031 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un amendement d’appel pour réfléchir à la question de la libre disposition des embryons. Je ne suis pas contre le fait que des embryons soient accueillis par d’autres parents, au contraire, puisque cela permettra à des enfants de naître. Mais l’embryon, selon qu’il est destiné à naître ou non, est-il considéré de la même façon ? Est-il considéré comme un enfant à naître seulement quand il fait l’objet d’un projet parental ? Et pour les embryons qui ne seraient pas choisis pour être accueillis, leur destinée serait-elle uniquement d’être détruits ou de faire l’objet d’une recherche scientifique ? Nous voyons bien le danger que comporte un raisonnement en fonction de l’intention que l’on projette sur l’embryon. Il convient donc de faire preuve d’une grande prudence.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. En supprimant ces alinéas, la possibilité de don d’embryons surnuméraires à un autre couple serait exclue. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 1031.
Puis elle examine les amendements identiques n° 385 de M. Charles de Courson et n° 1356 de Mme Agnès Thill.
M. Charles de Courson. La technologie ayant évolué, la conservation des ovocytes est désormais possible. L’idéal serait donc de supprimer définitivement la catégorie des embryons surnuméraires. Nous nous sommes heurtés au problème de leur statut : en cas de décès de son mari, une femme peut-elle récupérer un embryon surnuméraire ? Au regard de la jurisprudence existante, il semble que la réponse soit positive. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de clarification dans la loi.
L’amendement n° 385 a donc pour objet de vous faire prendre position clairement. Aujourd’hui, on peut conserver les ovocytes et le sperme, évitant ainsi la création d’embryons surnuméraires ; c’est ce que font les Allemands. On ne sait pas très bien quel est le régime juridique de ces embryons surnuméraires : ce sont des êtres en devenir mais ce n’est plus du matériel génétique.
Mme Agnès Thill. L’amendement n° 1356 vise à supprimer l’alinéa 12. Il convient de ne pas autoriser le transfert d’embryons qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental vers un autre couple. Si le couple ne souhaite plus conserver ses embryons, il faudrait les détruire.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La suppression de l’alinéa 12 aurait pour effet d’interdire la possibilité pour ces embryons de se développer chez un autre couple ou chez une femme par l’intermédiaire d’un don. Vous les condamnez donc à la destruction obligatoire, sans leur laisser la possibilité d’être accueillis par un autre couple. Avis défavorable.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Avis défavorable également. Le développement de la vitrification d’ovocytes fera naturellement baisser le nombre d’embryons surnuméraires congelés. On ne peut pas supprimer complètement la création d’embryons surnuméraires car cela aboutirait à stimuler beaucoup plus souvent des femmes pour l’obtention d’ovocytes lorsque la vitrification ovocytaire n’est pas possible.
Nous avons en effet besoin d’un panel de techniques : tout ne s’applique pas à tout le monde. Si vous réduisez la possibilité de congeler des embryons, certaines femmes devront être restimulées de façon régulière pour fabriquer des embryons, alors qu’en une seule stimulation, vous obtenez suffisamment d’embryons pour faire plusieurs tentatives de réimplantation. Vous soumettriez ainsi la femme à des traitements hormonaux itératifs de stimulation ovarienne.
Il s’avère que tout le monde ne peut pas passer par la congélation et la vitrification ovocytaire : cela ne règle pas la totalité des cas. Vos amendements diminueraient la probabilité pour certaines femmes d’avoir accès à la fécondation in vitro. Puisque nous ne sommes pas encore techniquement prêts, ne fermons pas cette possibilité de congélation d’embryons : les conséquences en termes d’accès à l’AMP seraient néfastes.
M. Xavier Breton. Seriez-vous d’accord pour donner une priorité à la vitrification d’ovocytes et pour ne recourir à la production d’embryons que lorsque l’on ne peut vraiment pas faire autrement ? Différentes solutions existent mais il est important que l’on puisse accorder une priorité aux ovocytes pour limiter la production d’embryons surnuméraires.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Tout cela fait partie des règles de bonnes pratiques, que l’Agence de la biomédecine refondera totalement afin de les adapter aux nouvelles dispositions. Je ne souhaite pas écrire cela dans la loi car cela reviendrait à prescrire à des équipes le recours à des techniques qu’elles ne maîtrisent pas forcément : le législateur irait trop loin. L’objectif de cette loi est d’éviter de produire trop d’embryons surnuméraires : cela figurera dans les règles de bonnes pratiques.
M. Patrick Hetzel. Je veux insister sur l’argument développé par M. de Courson, qui soulève le problème du statut de l’embryon. Monsieur le rapporteur, vous m’avez répondu tout à l’heure qu’il n’y avait pas d’eugénisme parce qu’il n’y a pas d’implantation. Cet argument n’est pas valable lorsque l’on décide quel embryon sera utilisé et quel autre ne le sera pas. Quand la nature sélectionne, ce n’est pas de l’eugénisme, mais quand l’être humain sélectionne un embryon, j’appelle cela de l’eugénisme !
Les amendements n° 385 et n° 1356 sont retirés.
La commission examine ensuite l’amendement n° 386 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Cet amendement a pour but de faire une piqûre de rappel, comme on dit chez les médecins, car nous commençons à voir les conséquences de cette décision. J’espère que cela incitera à davantage de réflexion.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 386.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques n° 17 de M. Xavier Breton et n° 204 de M. Patrick Hetzel, ainsi que l’amendement n° 1146 de M. Jérôme Nury.
M. Xavier Breton. Il s’agit également d’une piqûre de rappel pour l’extension de l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules.
M. Patrick Hetzel. Défendu.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à ces amendements, qui reposent la question des femmes célibataires.
La commission rejette les amendements identiques n° 17 et n° 204, puis l’amendement n° 1146.
Elle examine ensuite l’amendement n° 799 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Piqûre de rappel, madame la présidente !
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 799.
Elle en vient à l’amendement n° 495 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. L’objet de cet amendement est de compléter l’alinéa 12 par les mots « à l’exception de leur propre fratrie. » Il s’agit d’introduire une limite tenant à la famille.
La commission, se rangeant à l’avis défavorable du rapporteur, rejette l’amendement n° 495.
Elle est ensuite saisie de l’amendement n° 387 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 13 à 18, qui concernent le décès de l’un des parents. Si l’on considère qu’un embryon doit avoir un père et une mère, on ne peut pas voter en faveur des alinéas 13 à 18.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 387.
Elle examine l’amendement n° 1193 de Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho. Il s’agit de supprimer les alinéas 13 et 14, qui concernent le décès de l’un des membres du couple et le devenir de leurs embryons.
La commission, suivant l’avis défavorable du rapporteur, rejette l’amendement n° 1193.
Elle examine ensuite l’amendement n° 1357 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Il vise à supprimer l’alinéa 13, qui traite de la procréation post mortem. Il convient de ne pas autoriser les transferts d’embryons si l’un des membres du couple est décédé. Il faut continuer d’appliquer les règles en vigueur, à savoir la destruction des gamètes et embryons dont l’un des parents serait décédé.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il y a un contresens dans votre lecture de l’alinéa 13, lequel est l’opposé de la procréation post mortem. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 1357.
Elle en vient à l’amendement n° 1315 de Mme Elsa Faucillon.
M. Pierre Dharréville. Nous proposons que la décision relative à l’accueil de l’embryon par un autre couple ou par une femme seule soit mentionnée dans une directive anticipée rédigée préalablement par le couple concerné, plutôt que de laisser cette décision au membre du couple survivant.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Plutôt que dans une directive anticipée, cette décision doit être mentionnée lors de l’élaboration d’un projet procréatif, comme cela se pratique dans divers pays. Un questionnaire dans lequel toutes les éventualités sont prévues permettrait aux parents de faire un choix ou d’indiquer une orientation quant à la destinée des embryons.
Je ne pense pas que l’on puisse inclure cela dans les directives anticipées
– très peu de Français en rédigent, du reste. Il faudra peut-être réécrire cet amendement pour la séance afin de prévoir tous les cas de figure – décès, séparation, maladie grave et incurable – dans un questionnaire qui serait rempli par les parents auprès de l’équipe médicale.
M. Pierre Dharréville. J’hésite avant de retirer cet amendement car j’aimerais d’abord savoir ce que Mme la ministre en pense.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Il est difficile de faire peser l’obligation sur le médecin. Nous savons très bien que nous devons évaluer la capacité psychique de nos malades à recevoir un certain nombre d’informations, notamment en fin de vie, et je trouverais très violent d’obliger tous les médecins à faire cette demande à quelqu’un potentiellement en train de mourir.
Par ailleurs, les directives anticipées contiennent un espace libre où chacun peut indiquer ce qu’il veut : les couples qui sont dans cette démarche peuvent ainsi indiquer leur décision. Mais je vérifierai ce point car il existe un guide sur l’espace rédactionnel dans les directives anticipées. Quoi qu’il en soit, je suis défavorable à cet amendement tel qu’il est rédigé.
M. Pierre Dharréville. Je retire cet amendement afin de modifier sa rédaction, l’expression « directive anticipée » étant mal choisi.
L’amendement n° 1315 est retiré.
La commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel n° 2127 du rapporteur.
Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement n° 1843 de Mme Aude Luquet.
Elle est ensuite saisie de l’amendement n° 2082 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’autoriser la PMA en cas de décès de l’autre membre du couple. Nous en revenons donc à notre débat sur la procréation post mortem. Je demande le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 2082 est retiré.
La commission examine ensuite l’amendement n° 1130 de M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant. Défendu.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le débat a déjà eu lieu ; sagesse.
La commission rejette l’amendement n° 1130.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 454 de M. Xavier Breton et n° 496 de M. Patrick Hetzel.
M. Xavier Breton. L’alinéa 13 indique qu’en cas de décès d’un membre du couple, le membre survivant est « consulté par écrit » : le présent amendement vise donc à assurer que cette consultation donne lieu à un avis conforme, qui sera suivi.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces amendements sont déjà satisfaits. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Charles de Courson. Est-ce que seul le conjoint survivant peut être décisionnaire ? Que se passera-t-il si un tiers – les parents ou les enfants du conjoint décédé – n’est pas d’accord ? Un recours serait-il possible ? L’embryon surnuméraire est le fruit de deux patrimoines, et l’on a déjà vu des recours de ce type. Avez-vous étudié ce point, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le texte est clair : il s’agit de l’autre membre du couple.
M. Charles de Courson. Est-ce que seul le conjoint survivant peut disposer de l’embryon surnuméraire ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. La loi dira que c’est au conjoint survivant de décider. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de recours : les gens sont libres de s’opposer mais la loi, et la jurisprudence qui devra en découler, disposera que seul le conjoint survivant est habilité à donner un avis sur ces embryons et ces gamètes.
M. Patrick Hetzel. Si nous défendons ces amendements, c’est justement parce que nous ne sommes pas sûrs de cela. Comment peut-on sécuriser votre interprétation, madame la ministre ? Nous voulons éviter que la jurisprudence ne se prononce différemment.
Mme Annie Genevard. À plusieurs reprises, M. le rapporteur, Mme la ministre et un certain nombre de nos collègues ont invoqué la confiance qu’il faudrait accorder aux femmes, aux couples, aux professionnels de la médecine. Or nous sommes là pour légiférer : il ne s’agit pas d’exprimer une défiance mais de fixer un cap, de donner des orientations, de poser des principes éthiques. Ce qui va sans dire va mieux en le disant sur le plan législatif !
La commission rejette les amendements identiques n° 454 et n° 496.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 16 de M. Xavier Breton et n° 203 de M. Patrick Hetzel, ainsi que l’amendement n° 645 de M. Thibault Bazin.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 16 a pour objet de tenir compte de l’avis non seulement du membre survivant du couple mais également de celui qui est décédé. Le devenir d’embryons humains est une décision grave : il serait donc intéressant d’inciter un couple à réfléchir à la volonté qu’il exprimerait en cas de décès de l’un de ses membres et à l’exprimer dans des directives anticipées ou, si l’on souhaite éviter la comparaison avec la fin de vie, dans des indications ou des instructions sur le devenir de l’embryon humain. Ainsi, ce sont bien les demandes du couple qui seront prises en compte au moment où le choix sera fait.
M. Patrick Hetzel. La rédaction du projet de loi posant problème, l’amendement n° 203 a pour objet de sécuriser le processus.
M. Thibault Bazin. La rédaction proposée par l’amendement n° 645 est un peu différente : il s’agit de préciser que c’est lors de la démarche en vue d’une AMP que l’on incite les personnes à penser cette décision grave, qui ne peut être prise que par les couples et non appartenir au seul membre survivant.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces amendements nous proposent de sortir du droit actuel, qui confie à la personne survivante du couple le soin de prendre la décision. À ma connaissance, cela n’a pas causé beaucoup de conflits : d’autres membres de la famille n’ont pas exprimé une quelconque contestation. Ce droit fonctionne : pourquoi le corriger ? La rédaction de ces amendements ne peut être acceptée mais rien n’empêche d’y retravailler en vue de la séance pour prévoir la rédaction d’indications, au moment de la procédure d’AMP, par les deux membres du couple ou la personne seule. Celles-ci identifieraient les principales circonstances pouvant survenir dans le futur et feraient des recommandations. Je vous demande donc de retirer ces amendements, faute de quoi l’avis sera défavorable ; mais rien n’empêche de reprendre cette idée pour la séance.
M. Charles de Courson. Les directives anticipées peuvent être individuelles : que se passe-t-il si le conjoint décédé a rédigé des directives anticipées inverses de la position de son conjoint ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Au moment de la préparation de l’AMP, une possibilité peut être offerte aux deux membres du couple de rédiger l’un et l’autre ce qu’ils souhaitent. Si l’un d’eux décède, l’équipe médicale tiendra compte de l’avis de la personne décédée.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Cet article existe déjà dans la loi actuelle mais celle-ci a été entièrement réécrite pour s’adapter à l’ouverture aux couples de femmes et aux femmes non mariées. La disposition existante n’a jamais suscité de contentieux : cela doit déjà nous rassurer.
Pour ce qui est de proposer aux couples de donner leur avis de façon anticipée, je trouve que la situation n’est pas du tout la même que pour les directives anticipées pour soi-même. Il s’agit d’un projet parental, d’un projet de couple : on peut tout à fait imaginer que dans une discussion intime, quand tout le monde va bien, on prenne une décision mais qu’à la suite d’un deuil, on change cette décision. Ces amendements rendraient irrévocable une décision concernant deux personnes alors que l’une d’elles ne peut plus donner son avis ni en changer. Cela me gêne donc de faire l’analogie avec les directives anticipées, dans lesquelles on prend une décision pour soi-même. Comment pourriez-vous hiérarchiser l’avis antérieur au deuil et l’avis postérieur au deuil ? On a le droit de changer d’avis quand il s’est passé un événement particulier. Il faut laisser cela à l’intimité du conjoint survivant, qui devra gérer du mieux qu’il peut cette situation. N’oublions pas qu’il s’agit d’un projet de couple : l’avis des deux personnes compte, et pas seulement celui de la personne décédée.
La commission rejette les amendements identiques n° 16 et n° 203.
L’amendement n° 645 est retiré.
Puis la commission examine l’amendement n° 800 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Piqûre de rappel !
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 800.
Elle examine ensuite l’amendement n° 801 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Cet amendement pourrait répondre à la remarque de la ministre : on laisserait le conjoint survivant se positionner après un événement de la vie, en apportant la précision que « S’il y a eu des directives anticipées du membre du couple décédé, elles sont prises en considération pour éclairer la décision du survivant. »
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’expression « directives anticipées » définit quelque chose de précis : elles sont prises pour soi-même et concernent nos conditions de fin de vie. Votre amendement concerne quelque chose de différent : il s’agit de l’évolution de l’embryon dans l’éventualité du décès de l’un des membres du couple. En l’état, cela induirait une confusion, mais votre amendement peut être réécrit pour permettre de tenir compte de l’avis de la personne décédée. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Thibault Bazin. Je retire cet amendement ; si Mme la ministre a des suggestions à nous faire d’ici là, je suis preneur.
L’amendement n° 801 est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques n° 205 de M. Patrick Hetzel et n° 647 de M. Thibault Bazin.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis défavorable aux amendements ayant pour objet d’exclure les femmes non mariées de la possibilité de bénéficier d’une AMP.
La commission rejette les amendements identiques n° 205 et n° 647.
Elle examine ensuite l’amendement n° 550 de Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Depuis les lois du 29 juillet 1994 et jusqu’au début de 2019, l’accueil d’embryon supposait une autorisation du couple par le président du tribunal de grande instance. Cette exigence permettait de faire de l’accueil d’embryon une sorte d’adoption prénatale – l’adoption suppose en effet une décision du tribunal de grande instance. Cela permettait ainsi, sur le plan symbolique, de maintenir l’embryon humain dans le registre de l’humain en évitant de considérer qu’il ne s’agissait que d’un « don d’embryon » : seules les choses peuvent faire l’objet d’un don. Cependant, poursuivant un objectif gestionnaire, la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a décidé de supprimer l’étape judiciaire pour alléger le travail des magistrats. Cette modification regrettable, subrepticement intervenue en dehors du processus de révision des lois de bioéthique, doit être remise en cause. L’amendement n° 550 tend donc à réinstaurer l’autorisation judiciaire préalable.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La loi du 23 mars 2019 étant venue trancher cette question en modifiant les conditions de l’accueil d’embryon, il ne semble pas opportun de revenir sur ses dispositions. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 550.
Elle est saisie des amendements identiques n° 206 de M. Patrick Hetzel et n° 648 de M. Thibault Bazin.
M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 206, très proche de celui que vient de défendre notre collègue Annie Genevard, a pour objet d’ajouter à l’alinéa 16, après le mot : « notaire », les mots : « ou le juge d’instance de leur commune de résidence ».
En effet, la loi du 23 mars 2019 a supprimé la référence au juge, ce qui a créé de nombreuses difficultés sur lesquelles nous avions alerté. Le juge peut ordonner une enquête ou apprécier la qualité d’un témoignage, ce qui n’entre pas dans les prérogatives du notaire. Avec ces dispositions, le Gouvernement souhaite désengorger les tribunaux, mais il ne faudrait pas pour autant négliger l’intérêt supérieur de l’enfant – or, on a bien l’impression que celui-ci est bradé du fait de la suppression du recours au juge.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements n° 206 et n° 648.
Elle examine, en discussion commune, l’amendement n° 733 de Mme Nadia Ramassamy et n° 868 de M. Maxime Minot.
M. Maxime Minot. L’amendement n° 868 a pour objet de compléter l’alinéa 16 par les deux phrases suivantes : « Le notaire transmet une copie de ce consentement à l’agence de la biomédecine qui la conserve pour une durée fixée par décret en conseil d’État. Cette dernière doit veiller au maintien de la sécurité, de l’intégrité et de la confidentialité de ce consentement. »
Il s’agit ici de garantir l’effectivité du droit d’accès à ses origines. Il reviendra au notaire, officier ministériel, de veiller à transmettre une copie du consentement au don à l’Agence de la biomédecine.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’ai déposé un amendement, que nous examinerons prochainement, ayant pour objet de permettre de fournir des informations aux familles sur l’accès aux origines dès le don initial. Une telle solution me paraît à la fois plus simple et plus efficace que celle consistant à utiliser une copie envoyée par le notaire à l’Agence de la biomédecine.
Par ailleurs, nous allons avoir à débattre pendant un certain temps de questions relatives d’une part à la filiation, d’autre part à l’accès aux origines, que nous devons veiller à traiter de manière distincte car elles ne sont pas de même nature.
J’émets un avis défavorable à ces amendements.
M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous préciser quel est le rôle du notaire ? En la matière, quels sont des droits et ses devoirs ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il lui revient d’informer sur les conditions de filiation et de recueillir le consentement au don.
La commission rejette successivement les amendements n° 733 et n° 868.
Elle est saisie de l’amendement n° 1131 de M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant. L’amendement n° 1131 est similaire à un autre que nous avons examiné ce matin, si ce n’est qu’il a pour objectif d’autoriser la procréation en cas de décès de l’un des membres du couple survenant avant l’accueil d’un embryon, alors qu’une AMP a été engagée. Si c’est la femme qui survit, il serait en effet étrange de l’obliger à refaire toutes les démarches, alors qu’il suffit de laisser se poursuivre la procédure déjà engagée.
Il est donc proposé que les deux membres du couple aient la possibilité d’exprimer leur consentement, lequel devra être recueilli par un notaire, comme cela est le cas pour tout projet parental lié à l’accueil d’un embryon fécondé avec des gamètes qui ne sont pas ceux des membres du couple.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Comme je l’ai fait ce matin, j’émets un avis de sagesse au sujet de cet amendement.
La commission rejette l’amendement n° 1131.
La réunion, suspendue à dix-sept heures, reprend à dix-sept heures vingt.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques n° 207 de M. Patrick Hetzel et n° 649 de M. Thibault Bazin.
Elle est saisie de l’amendement n° 551 de Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. L’amendement n° 551 est rédactionnel. Depuis les lois du 29 juillet 1994, le choix du vocabulaire utilisé dans les dispositions relatives à l’embryon humain est fondé sur le refus constant de réifier le fruit de la conception humaine. C’est ainsi que le code de la santé publique n’envisage jamais la destruction des embryons, mais la fin de leur conservation : c’est aussi pourquoi on ne parle pas de don d’embryon mais d’accueil de celui-ci. Dans cet esprit, il convient de remplacer : « le couple ayant renoncé » – à l’embryon – par : « le couple qui a consenti à son accueil ». C’est l’objet du présent amendement.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit bien d’accepter ou de renoncer à un embryon et, dès lors, l’emploi du verbe « renoncer » ne me paraît pas inapproprié. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement n° 551.
Mme Annie Genevard. C’est incompréhensible ! Si vous continuez comme ça, vous pouvez dire adieu à l’esprit consensuel sur ce texte !
La commission examine les amendements identiques n° 455 de M. Xavier Breton et n° 497 de M. Patrick Hetzel.
M. Xavier Breton. Je rejoins Mme Genevard pour m’étonner du rejet de l’amendement précédent.
Pour ce qui est de l’amendement n° 455, il vise à préciser qu’un seul médecin pourra accéder aux informations médicales non identifiantes.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques n° 455 et n° 497.
Elle adopte l’amendement rédactionnel n° 2131 du rapporteur.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements n° 552 de Mme Annie Genevard et n° 1917 de Mme Martine Wonner.
Mme Annie Genevard. L’amendement n° 552 vise, à l’alinéa 18, à substituer au mot : « médicale » le mot : « thérapeutique », qui est plus précis
– par ailleurs, le premier mot implique le soin, la prévention ou le traitement, alors que le second ne fait référence qu’à l’activité d’un médecin.
Mme Martine Wonner. L’amendement n° 1917 vise, à l’alinéa 18, à substituer au mot : « médicale » les mots : « en lien avec la santé physique ou psychique ».
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Si je peux comprendre l’amendement de Mme Wonner, qui introduit la notion de santé physique ou psychique, je ne vois pas l’intérêt de celui de Mme Genevard, visant à remplacer le mot : « médicale » par le mot : « thérapeutique » – surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’actions thérapeutiques proprement dites. L’adjectif « médicale » est certes un peu imprécis, mais « thérapeutique » a en revanche une signification très spécifique, à savoir qu’il qualifie ce qui se rapporte au traitement des maladies
– ce qui n’est pas adapté au texte.
J’émets donc un avis défavorable à l’amendement n° 552, et un avis de sagesse sur l’amendement n° 1917.
La commission rejette successivement les amendements n° 552 et n° 1917.
Elle adopte l’amendement rédactionnel n° 2130 du rapporteur.
Elle examine l’amendement n° 553 de Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. L’amendement n° 553 vise, après le mot : « né », à rédiger ainsi la fin de l’alinéa 18 : « ou du couple ayant accueilli l’embryon. »
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le principe de l’extension de l’AMP à la femme seule ayant été accepté, je suis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement n° 553.
Elle est saisie de l’amendement n° 1362 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à rétablir une altérité. En effet, dire qu’il y aura dans l’environnement de l’enfant un référent masculin correspond à reconnaître l’indispensable parité nécessaire au développement de l’enfant.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à cet amendement visant à exclure la femme non mariée de la possibilité de recourir à l’AMP.
La commission rejette l’amendement n° 1362.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1878 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon et les amendements identiques n° 457 de M. Xavier Breton et n° 499 de M. Patrick Hetzel.
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Pour garantir l’absence d’une marchandisation de quelque nature que ce soit dans l’accueil d’un embryon par un autre couple, il semble pertinent de remplacer le terme « paiement » par celui de « contrepartie », qui comprend la rétribution financière, mais dont le spectre est plus large. Tel est l’objet de l’amendement n° 1878, qui permet ainsi de s’assurer que le principe fondamental du don est préservé et qu’aucun avantage ne pourrait en être retiré.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 457 rejoint l’esprit de l’amendement que vient de défendre Mme Vanceunebrock-Mialon, puisqu’il vise à ajouter à l’alinéa 19, après le mot : « paiement », les mots : «, don ou avantage ». Il est permis de penser que, puisque notre collègue fait partie de la majorité, son amendement est le mieux placé pour recueillir un avis favorable, et si tel était effectivement le cas, je retirerais mon amendement au profit du sien.
M. Patrick Hetzel. Comme mon collègue Xavier Breton, j’estime que l’essentiel est de garantir les notions de don et de gratuité et d’écarter le risque que s’impose une logique de marchandisation. Je suis donc moi aussi disposé à retirer mon amendement n° 499 au profit de celui de Mme Vanceunebrock-Mialon.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je remercie M. Breton et M. Hetzel pour leur galanterie à l’égard de Mme Vanceunebrock-Mialon, et j’émets un avis favorable à l’amendement n° 1878, visant à remplacer le terme « paiement » par celui de « contrepartie ».
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Même avis.
La commission adopte l’amendement n° 1878.
En conséquence, l’amendement n° 2129 tombe.
Les amendements n° 457 et n° 499 sont retirés.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 1363 de Mme Agnès Thill.
Elle examine ensuite l’amendement n° 554 de Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Dans le même esprit que l’amendement n° 551, que vous avez rejeté de manière inexplicable, je propose avec l’amendement n° 554 de remplacer les mots : « le couple ayant renoncé à l’embryon » par : « le couple ayant consenti à l’accueil de leur embryon par un autre couple ».
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il n’y a qu’une nuance entre les deux rédactions, mais j’émets néanmoins un avis défavorable à celle que vous proposez.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je comprends la remarque de Mme la députée – la notion d’accueil est plus positive que celle de renoncement – et je lui suggère de prendre contact avec mes services afin de retravailler la rédaction de son amendement pour le rendre tout à fait conforme à l’esprit du texte.
Mme Annie Genevard. Je retire mon amendement pour en revoir la rédaction en vue de la séance publique.
L’amendement n° 554 est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques n° 456 de M. Xavier Breton et n° 498 de M. Patrick Hetzel.
M. Xavier Breton. Considérant que mon amendement est satisfait par l’amendement de Mme Vanceunebrock-Mialon que nous venons d’adopter, je le retire.
M. Patrick Hetzel. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je retire également mon amendement.
Les amendements n° 456 et n° 498 sont retirés.
La commission examine l’amendement n° 1364 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Le médecin ou le pédopsychiatre doit se prononcer sur le projet parental et déterminer après enquête si la démarche doit ou non aboutir. Son avis n’est pas que consultatif, mais décisionnaire, puisqu’il doit pouvoir mettre fin à une démarche d’assistance médicale à la procréation. Tel est l’objet de l’amendement n° 1364.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous avons déjà décidé du rôle de l’équipe pluridisciplinaire dans les centres d’AMP, c’est pourquoi je suggère le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
L’amendement n° 1364 est retiré.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements n° 1588 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 500 de M. Patrick Hetzel.
Mme Emmanuelle Ménard. La rédaction actuelle de l’alinéa 20 prévoit que l’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire, comprenant notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses. L’amendement n° 1588 vise à préciser que ces tests doivent être effectués auprès du ou des donneurs de gamètes ainsi que sur la personne à laquelle l’embryon sera implanté. Il s’agit d’une mesure de sagesse en vue de protéger l’enfant contre d’éventuelles maladies, alors qu’il aurait pu se développer de façon parfaitement normale si les différents acteurs de la PMA avaient procédé à ces tests.
M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 500 a pour objet de préciser que les tests prévus concernent la femme qui accueille l’embryon.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement n° 1588 est satisfait, dans la mesure où des tests sont réalisés systématiquement.
Quant à l’amendement n° 500, il risque de restreindre le champ des examens, c’est pourquoi j’y suis défavorable.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je précise que tous les tests dont il est ici question sont déjà effectués à la fois sur le donneur de gamètes et sur les deux membres du couple, et qu’ils sont fixés par décret. Ces deux amendements sont donc satisfaits.
L’amendement n° 1588 est retiré.
M. Patrick Hetzel. Je maintiens l’amendement n° 500, car j’estime que l’obligation d’effectuer les tests doit relever du niveau législatif plutôt que du niveau réglementaire.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Nous rejoignons ici le débat sur le don du sang. Faire figurer dans la loi les sérologies de dépistage nécessaires implique que l’on se trouve dans l’incapacité de faire évoluer ces tests quand on est confronté à des maladies émergentes. Les dispositions relatives aux tests ne peuvent pas être du niveau législatif, car il faudrait un nouveau texte législatif à chaque fois que les tests doivent être changés. Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Ayant suivi la question du don du sang et ayant été à l’époque convaincu par vos arguments, madame la ministre, par cohérence, je retire l’amendement n° 500.
L’amendement n° 500 est retiré.
La commission examine l’amendement n° 1952 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon.
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Afin d’éviter, dans la mesure du possible, une procédure d’assistance médicale à la procréation vouée à l’échec, des tests de dépistage des maladies infectieuses sont nécessaires.
Une liste de ces tests devrait être établie en tenant compte de l’avis d’experts, et également pouvoir être modifiée en fonction de l’évolution des connaissances médicales.
C’est pourquoi l’amendement n° 1952 vise à préciser qu’un décret en Conseil d’État établit la liste de ces tests après avis de l’Agence de la biomédecine.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Comme vient de le dire Mme la ministre, les exigences relatives à la mise en place de tests sont déjà satisfaites dans la mesure où il existe un décret, qui peut faire l’objet de modifications à chaque fois que nécessaire, en fonction de l’évolution des connaissances.
L’amendement n° 1952 est retiré.
La commission est saisie de l’amendement n° 1228 de Mme Marine Brenier.
Mme Marine Brenier. L’amendement n° 1228 a pour objet d’ouvrir aux établissements privés à but lucratif les nouvelles attributions relatives à l’AMP et à la conservation des embryons, dans un souci d’équité territoriale. En effet, à l’heure actuelle, les établissements privés à but lucratif peuvent intervenir en délégation de service public, mais certains territoires ne disposent malheureusement pas d’établissement public ou d’établissement privé à but non lucratif susceptible d’exercer ces nouvelles attributions.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Plusieurs amendements portent sur la possibilité d’étendre aux établissements privés, dans des conditions très encadrées, la capacité d’effectuer des prélèvements et de mettre en place des AMP. Je suis favorable à une telle extension, à la condition qu’elle se fasse sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine.
Pour ce qui est de l’amendement n° 1228, qui consiste simplement à supprimer un alinéa de l’article 1er, j’estime qu’il manque de précision, c’est pourquoi j’invite Mme Brenier à le retirer en faveur d’un amendement ultérieur, qui décrira plus précisément les établissements chargés de ces missions.
Mme Marine Brenier. Je maintiens l’amendement n° 1228.
La commission rejette l’amendement n° 1228.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 1928 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, n° 413 de Mme Anne-France Brunet et n° 388 de M. Charles de Courson.
Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. L’amendement n° 1928 a pour objet de permettre une activité d’autoconservation des ovocytes et d’accueil des embryons aux établissements publics et privés.
En effet, les centres privés disposent de professionnels tout aussi bien formés et travaillant dans les mêmes conditions que dans les centres publics. De plus, il peut arriver que le traitement des demandes prenne plus de deux ans, de sorte que les personnes voulant y recourir se tournent vers des structures étrangères.
Il est donc nécessaire de permettre aux établissements privés de pouvoir également pratiquer ces activités, tout comme les établissements publics et privés à but non lucratif.
Mme Anne-France Brunet. À l’heure actuelle, plus de 60 % des fécondations in vitro réalisées en France le sont dans des centres privés à but lucratif. Ces centres privés ont aujourd’hui la compétence pour recueillir des gamètes, réaliser l’obtention d’embryons et assurer leur transfert. Je suis moi aussi tout à fait favorable au fait de permettre que le don de gamètes et le don d’embryon puissent se faire au sein de tous types d’établissements, publics ou privés. Tel est l’objet de l’amendement n° 413.
M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je n’ai pas compris pourquoi on excluait les établissements privés ne participant pas au service public, car s’ils participaient, ils seraient régis par les mêmes règles que les établissements publics – j’en viens même à me poser des questions sur la constitutionnalité d’une telle exclusion. On nous dit que l’inclusion des établissements privés donnerait lieu à une dérive commerciale, mais ce n’est pas la question : l’essentiel est de savoir si ces établissements remplissent les missions qui leur sont confiées aussi bien que les établissements publics et les établissements privés participant au service public.
À mon sens, il n’y a pas de raison d’établir une discrimination entre les différents établissements privés selon qu’ils sont à but lucratif ou non, et les arguments jusqu’à présent avancés en ce sens me paraissent infondés. Avec l’amendement n° 388, je propose donc de supprimer cette discrimination.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements. Il n’y a en effet pas de raison théorique d’exclure les établissements privés à but lucratif, dans la mesure où les compétences sont comparables, le contrôle est largement aussi sévère et le risque de dérive commerciale est nul en ce qui concerne des missions d’intérêt public, définies et encadrées comme telles, et pour lesquelles on peut aussi demander une absence de dépassement d’honoraires par les praticiens.
J’ajoute que l’inclusion des établissements privés à but lucratif aurait un effet positif supplémentaire, celui de permettre un meilleur maillage du territoire national. En effet, le nombre de centres publics pratiquant ce type d’actes est très limité et, en dehors des villes où ils se trouvent, il n’y a pas de centres appropriés implantés, ce qui a évidemment une répercussion sur les messages d’information et de promotion du don dans les zones concernées.
Je suis donc favorable à l’extension aux établissements privés à but lucratif – je le dis d’autant plus volontiers que je suis un ardent défenseur de l’hôpital public – puisqu’il s’agit en l’occurrence d’une activité n’ayant pas vocation à être strictement restreinte au secteur public. Il n’en serait pas de même si l’existence de dérives ou d’anomalies était établie, ce qui, à notre connaissance, n’est pas le cas – cela n’est d’ailleurs pas du tout vraisemblable.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre avis favorable et je rejoins tout à fait vos arguments. On peut d’ailleurs ajouter que tous les centres, publics comme privés, ont déjà l’autorisation de conserver les ovocytes, les paillettes et les embryons dans le cadre de projets parentaux.
Mme Elsa Faucillon. On a vu tout à l’heure à quel point l’activité d’autoconservation des ovocytes était un sujet délicat. Pour notre part, nous avons dit que nous étions favorables à la possibilité pour toutes les femmes de conserver leurs ovocytes et d’en avoir la maîtrise, comme elles ont la maîtrise de leur corps. Nous avons également eu le souci d’encadrer au maximum ces pratiques, afin de contrecarrer tout ce qui pourrait attenter aux libertés des femmes, et être à l’origine d’éventuelles ruptures d’égalité – je pense en particulier à ce que les multinationales pourraient entreprendre en ce sens.
Comme d’autres groupes, nous avons exprimé des craintes quant aux risques pouvant peser sur la conservation des embryons. Je crois que toutes ces craintes sont légitimes, qu’il est nécessaire de poser des garde-fous et qu’il est sage de faire reposer cette responsabilité sur le secteur public.
Quant à l’argument consistant à dire qu’il y aura des délais d’attente, il voit sa pertinence limitée par le fait que ces délais constituent déjà un problème pour les personnes s’adressant actuellement à l’hôpital public pour bénéficier d’une PMA. On ne peut donc pas lever les garde-fous au motif qu’il y aurait de l’attente, on doit plutôt travailler à la réduction de ces délais, afin de ne pas aggraver la rupture d’égalité qui existe déjà.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Sauf erreur, il n’y a pas de problème de maillage des CECOS. Compte tenu des risques avérés pesant sur la conservation des gamètes et des embryons, je vous invite à observer les activités du public et du privé : vous constaterez que les personnes recourant à l’AMP auprès d’établissements privés ne sont pas les mêmes que celles qui se tournent vers des établissements publics. Cela doit nous conduire à nous interroger sur les garanties à prévoir pour empêcher que des pressions ne soient exercées sur la gestion des gamètes et des embryons. Pour ma part, je ne vois aucun avantage à ouvrir cette activité au secteur privé, d’autant que pour le moment, le recours aux seuls établissements publics est satisfaisant dans la pratique qui nous est nécessaire.
M. Patrick Hetzel. Pour que nous disposions d’une vision aussi complète que possible, il serait intéressant que Mme la ministre nous précise comment l’acte sera repris dans la classification des actes : le ministère de la santé a-t-il déjà fait des choix en la matière ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je commencerai par vous dire, monsieur Hetzel, qu’aucune modification tarifaire n’est prévue : tous les actes prévus existent déjà. Ainsi, l’autoconservation d’ovocytes se pratique déjà pour les femmes atteintes d’un cancer, avant un traitement pouvant avoir pour conséquence de réduire leur fertilité. Seules les indications et les publics concernés changent : les actes et les tarifs restent les mêmes.
Pour ce qui est du maillage territorial, il existe aujourd’hui vingt-neuf centres autorisés à recevoir et congeler du sperme provenant de dons en vue de sa conservation, et trente centres dédiés au don d’ovocytes.
Pourquoi le Gouvernement est-il défavorable à ce que les centres privés puissent avoir les mêmes attributions que les centres publics ? À l’heure actuelle, les centres privés font déjà de l’autoconservation de gamètes pour les PMA se faisant au sein d’un couple – c’est-à-dire sans recours à un don de gamètes extérieurs. Ils sont également autorisés à pratiquer des actes de conservation visant à préserver la fertilité de femmes atteintes d’un cancer et devant subir un acte chirurgical ou un traitement, dans la mesure où ces actes se font dans un cadre médical prescrit par l’équipe qui suit le malade.
Ce dont nous parlons aujourd’hui s’inscrit dans un autre cadre, pouvant correspondre à trois cas de figure.
Le premier cas, que vous avez évoqué, est celui de centres privés pouvant recevoir et accueillir des embryons congelés. Nous sommes défavorables à l’accueil des embryons dans les établissements privés à but lucratif, car l’accueil d’embryons déjà congelés pour un autre couple n’a représenté que dix-neuf cas l’année dernière et correspond à une activité très spécialisée et sensible. Or, il y a déjà dix-neuf centres pratiquant ce type d’accueil : vous le voyez, il ne semble pas nécessaire de recourir à des centres privés.
Le deuxième cas est celui de l’autoconservation de gamètes, une pratique que nous ouvrons dans la loi. Nous ne souhaitons pas inciter les femmes à l’autoconservation, ni que les centres à but lucratif les y incitent. Si l’esprit des lois de bioéthique s’y oppose, c’est parce que, telles que nous les avons construites, ces lois prévoient que les organismes à but non lucratif ont le monopole de la collecte, de la conservation et de l’attribution des embryons destinés au don, ainsi que des autres cellules, des organes ou des tissus, c’est-à-dire des pratiques où peut se poser la question de la marchandisation du corps humain. Nous souhaitons qu’il continue à en être ainsi, car à défaut il serait à craindre que cela n’ouvre la voie à des demandes portant à l’avenir sur d’autres types de cellules ou de tissus – le troisième cas de figure que j’évoquais.
Nous allons accompagner les centres ayant déjà la capacité d’accueillir les embryons afin qu’ils soient en mesure de faire face à une hausse de la demande, mais il nous semble que le maillage territorial tel qu’il existe actuellement ne nécessite pas l’ouverture de centres privés à but lucratif dédiés à cette activité. Si de nouveaux centres devaient absolument être créés, il faudrait qu’il s’agisse de centres publics ou de centres privés à but non lucratif.
M. Xavier Breton. Les propos de Mme la ministre sont très sages, et de nature à nous rassurer face aux tentations que peut susciter le texte d’ouvrir un marché de la procréation. Il ne s’agit pas d’opposer secteur public et secteur privé, mais il nous semble important de répondre aux besoins tout en faisant en sorte que les principes éthiques ayant toujours fondé nos lois de bioéthique soient préservés au moyen de garde-fous. Je voterai donc contre ces amendements.
Mme Claire Pitollat. Je voudrais pour ma part souligner l’importance de maintenir les activités liées à la PMA dans le privé, une importance mise en évidence lors des auditions auxquelles nous avons procédé. Cela se justifie en termes de continuité des soins – les centres privés proposent une gamme de services allant du bilan d’infertilité jusqu’à l’implantation – comme en termes de proximité.
Un rapport de l’Agence de la biomédecine de 2016 indique que la moitié des AMP a été faite dans des centres privés. Dix-sept de ces centres sont aujourd’hui autorisés à pratiquer l’autoconservation ovocytaire, et nous nous priverions d’une grande partie des capacités actuelles si, demain, les centres privés n’étaient plus autorisés à exercer cette activité – il faudrait également gérer la question du transfert des ovocytes, avec toutes les pertes que cela peut impliquer.
Je veux également rappeler que cela fait vingt-cinq ans que ces centres exercent, sans qu’aucune dérive n’ait jamais été constatée à ce jour : ils ont donc à leur actif une longue expérience justifiant que nous leur fassions confiance.
Enfin, je le répète, les auditions ont souligné la nécessité de maintenir la continuité et la proximité des soins.
M. Pierre Dharréville. Personne ne s’étonnera du fait que, dans le prolongement de ce qu’a dit ma collègue Elsa Faucillon, je réaffirme notre attachement à la plus grande maîtrise publique possible sur les enjeux liés au vivant, au don de la vie et à la gestion des matières attachées à la personne.
Nous sommes ici au cœur des questions qui nous sont posées par cette loi de bioéthique. Les logiques de marchandisation dictées par l’argent essaient de se glisser partout, y compris dans la biomédecine, et l’une des principales tâches qui nous incombent en tant que législateur dans le cadre de l’élaboration de cette loi consiste à écarter tous les risques de voir d’autres logiques que celles propres à la bioéthique que nous essayons de définir ensemble tenter de s’y glisser. Je suis très vigilant sur ce point et très réservé sur les propositions s’y rapportant, car je crains que certains organismes qui ne relèveraient pas de la puissance publique puissent être tentés, en prétendant répondre aux désirs des personnes souhaitant avoir un enfant, de recourir aux nouvelles possibilités techniques à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été conçues.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. J’insiste sur le fait que la loi ne change strictement rien aux activités des centres : qu’ils soient publics ou privés, ils vont tous continuer à faire ce qu’ils font déjà. La seule question posée est celle de l’ouverture aux centres privés à but lucratif de l’activité consistant à congeler les gamètes. Nous souhaitons que la loi circonscrive cette activité aux centres publics et aux centres privés non lucratifs, d’une part parce qu’il s’agit là de recueillir et de conserver des tissus du corps humain, d’autre part parce que nous ne voulons pas que les femmes soient incitées à faire congeler leurs ovocytes de façon systématique à partir d’un certain âge : en la matière, il convient de poser des garde-fous, car il est à craindre que des dérives incitatives puissent venir modifier les comportements d’une grande partie de la population.
Une fois que les gamètes seront congelés et conservés dans des centres publics ou privés non lucratifs, rien n’empêchera les femmes voulant les utiliser de s’engager dans une démarche d’AMP dans un centre privé. Les gamètes pourront y être transférés et utilisés. Nous voulons simplement que le recueil et la conservation des gamètes aient lieu dans le secteur public ou privé non lucratif.
M. Bruno Fuchs. Je trouve depuis le début que ce projet de loi est extrêmement prometteur. Il devrait être accueilli d’une manière très favorable, même s’il y a un risque de déception lié aux difficultés d’application dans les prochaines années : il faudra être capable de satisfaire rapidement les demandes. Tout ce qui va dans le sens d’un système efficace et rapide – c’est moins vrai chez nous que dans d’autres pays européens – est positif, si c’est sécurisé. C’est le cas avec les amendements que nous examinons. Je trouve donc qu’il s’agit de bonnes propositions.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je voudrais rappeler que l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires n’induira pas de pénurie de gamètes. Cela implique des spermatozoïdes. Or il n’y a aucune pénurie de dons dans ce domaine. La seule question qui se pose actuellement concerne l’autoconservation des gamètes.
La commission rejette successivement les amendements n° 1928, n° 413 et n° 388.
Elle examine ensuite l’amendement n° 1365 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Afin d’éviter autant que possible les détournements, je souhaite préciser l’origine des autorisations données aux établissements publics ou privés à but non lucratif, à savoir le ministère des solidarités et de la santé et l’Agence de la biomédecine.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 1365.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 555 de Mme Annie Genevard et n° 1366 de Mme Agnès Thill.
Mme Annie Genevard. Je vous propose de supprimer l’alinéa 22. Le code de la santé publique subordonne le recours à l’AMP à l’existence d’un risque médical ou à une situation d’infertilité. L’ouverture de cette procédure aux couples de femmes fait tomber ces deux conditions et ouvre la voie potentiellement – pas nécessairement aujourd’hui, mais cela arrivera peut-être en France – à un commerce lié aux gamètes. Regardons, en effet, ce qui se passe aux États-Unis avec les dons de sperme de détenteurs de prix Nobel et le recours à des catalogues : il est possible de choisir le donneur en fonction de son apparence physique, de sa profession et de son niveau d’études.
Tout cela n’existe pas en France, bien sûr, mais il faut se demander si l’on ne risque pas, à la faveur de cette loi, de voir arriver ce type de pratiques dans notre pays. M. Fabien Di Filippo a souligné hier qu’il est possible de commander des gamètes sur catalogue dans certaines maisons, telles que Cryos, en demandant des caractéristiques bien précises, ce qui ouvre la porte à des tentations eugénistes. Même si le danger est pour l’instant écarté en France, encore qu’il ne soit pas interdit d’imaginer que des parents y recourent, il faut se poser la question et imaginer les garde-fous permettant d’éviter ce genre de dérive. Tel est l’objet de l’amendement n° 555.
Mme Agnès Thill. L’amendement n° 1366 vise également à supprimer l’alinéa 22, afin de rétablir l’article L. 2141‑7 du code de la santé publique.
Je rappelle que tout organisme qui assure la conservation d’embryons ou de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche doit être titulaire d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’émets un avis défavorable au rétablissement du critère d’infertilité pathologique pour le recours à l’AMP.
Vous avez déclaré que vous voulez mettre fin aux PMA « artisanales »
– je vous souhaite beaucoup de plaisir – et à l’hypocrisie consistant à laisser des couples et des femmes seules partir à l’étranger. Je pense non seulement que vous n’y mettrez pas un terme, mais que plus les modalités d’accès à la PMA seront limitées et contraignantes en France, plus il existera une tentation d’aller à l’étranger ou de recourir à des PMA « artisanales », qui sont très faciles mais très peu sécurisés en matière juridique et médicale, notamment sur le plan infectieux. Les objectifs que vous défendez sont très louables, mais la prohibition n’est pas le bon moyen pour les atteindre.
La commission rejette les amendements n° 555 et n° 1366.
Elle examine ensuite l’amendement n° 389 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Il est toujours intéressant de se poser cette question simple : les lois que nous adoptons sont-elles applicables ou au contraire faciles à contourner ? Mon amendement vise à interdire l’exportation et l’importation des gamètes ou des embryons. Dans le cas d’un couple dont le mari décède pendant une procédure d’AMP, le texte prévoit que celle-ci devient impossible. Or la jurisprudence accepte que les gamètes, voire les embryons surnuméraires, soient rendus à la veuve. Celle-ci peut alors les emporter en Espagne ou en Grande-Bretagne, dans un pays qui accepte l’AMP pour les veuves, ce qui permet de contourner complètement la loi. Mon amendement vise à éviter cette situation, même si la rédaction est certainement améliorable.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’émets un avis défavorable. Vous souhaitez interdire l’importation et l’exportation, mais cela concernerait-il tous les cas ou seulement ceux qui ne correspondent pas aux critères en vigueur en France sur le plan éthique ?
M. Charles de Courson. L’objectif de mon amendement est d’assurer le respect de la loi nationale.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Dans ce cas, votre amendement est satisfait. Le projet de loi permettra d’éviter les transferts non conformes aux critères éthiques. C’est ce que prévoit la nouvelle rédaction de l’article L. 2141-9 du code de la santé publique.
M. Charles de Courson. S’agissant des veuves, nous avons adopté une position qui consiste à interdire la poursuite de l’AMP. Seulement, la jurisprudence leur permet de demander le matériel génétique de leur défunt mari
– gamètes ou embryons – et elles peuvent ensuite partir à l’étranger. Dans la rédaction actuelle du texte, on ne peut pas interdire la libre circulation des personnes – vers l’Espagne ou la Belgique, par exemple. Si on ne prend pas un certain nombre de précautions, les dispositions que nous adoptons seront toujours contournées.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Cher collègue, il existe une règle selon laquelle on ne reprend pas la parole à propos de son propre amendement, quand on l’a défendu soi-même, une fois que le rapporteur a donné son avis. Il serait bon que tout le monde la respecte.
M. Fabien Di Filippo. C’est un amendement intéressant. Il faut tirer les leçons de ce qui se passe à l’étranger. Interdire l’entrée de gamètes sur le territoire national est la seule manière de s’assurer que des gamètes issus de dons ayant fait l’objet d’une contrepartie, ou d’une rémunération, ne serviront pas à une PMA en France. La traçabilité ne permettra jamais de s’assurer que les dons ont eu lieu dans les mêmes conditions de gratuité et d’altruisme que celles prévalant en France. Il faut au moins qu’il y ait dans ce texte des mesures permettant d’interdire de telles importations – plus encore que les exportations.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Cette demande de précautions est déjà satisfaite, à deux titres.
Tout d’abord, le projet de loi encadre très strictement l’entrée des embryons sur notre territoire ainsi que leur sortie. Ce ne sera possible que pour les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux qui sont consacrés par le code civil – la dignité, l’intégrité du corps humain ou encore l’interdiction des pratiques eugéniques : seuls ces embryons pourront éventuellement faire l’objet d’un déplacement en vue de permettre la poursuite d’un projet parental.
Ensuite, de tels déplacements sont soumis à une autorisation individuelle délivrée par l’Agence de la biomédecine. Les couples allant à l’étranger ou qui en viennent afin de poursuivre un projet d’AMP doivent avoir une autorisation. Cela doit être possible, mais dans le respect des principes fondamentaux et sur la base d’une autorisation individuelle délivrée par l’Agence de la biomédecine.
Les préoccupations que vous avez évoquées sont fondées, mais vous voyez qu’elles sont déjà satisfaites.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. L’amendement est-il maintenu ?
M. Charles de Courson. J’hésite…
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. C’est oui ou non, monsieur de Courson (Sourires).
M. Charles de Courson. Je voudrais revenir sur l’exemple d’un couple qui s’est engagé dans une procédure d’AMP : si le mari décède et qu’il y a des gamètes ou des embryons, la jurisprudence actuelle permet à la veuve de les récupérer. Qu’est-ce qui lui interdit ensuite de partir à l’étranger avec ces gamètes ou ces embryons ? Vous nous dites que ce n’est pas possible, mais on nous a expliqué que c’était le cas. Votre réponse m’étonne donc beaucoup, monsieur le ministre. Si vous avez raison, je vais retirer mon amendement, mais est-ce bien vrai ? Le rapporteur confirme-t-il qu’une veuve – pour continuer avec cet exemple, mais on pourrait en prendre d’autres – peut récupérer les gamètes ou un embryon et partir avec eux à l’étranger ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Oui, et je ne vois pas pourquoi on devrait l’interdire si les conditions d’éthique, telles qu’elles sont définies en France, sont respectées.
La commission rejette l’amendement n° 389.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement n° 1726 de Mme Emmanuelle Ménard et les amendements identiques n° 22 de M. Xavier Breton, n° 209 de M. Patrick Hetzel et n° 651 de M. Thibault Bazin.
Mme Emmanuelle Ménard. La rédaction actuelle du projet de loi évacue l’idée selon laquelle l’embryon doit être conçu avec les gamètes d’au moins un des deux parents. Cela permettra l’entrée sur notre territoire d’embryons sans lien biologique avec un des membres du couple, ce qui n’est pas souhaitable pour l’enfant, car il sera privé de sa lignée paternelle et maternelle. C’est contraire à son intérêt. Mon amendement fait écho à une disposition prévue par l’article L. 2141-3 du code de la santé publique : les embryons entrant sur notre territoire ou qui en sortent devront avoir été conçus avec des gamètes provenant d’au moins un membre du couple. Le but est de conserver le plus possible une certaine cohérence entre la filiation et la biologie.
M. Xavier Breton. L’amendement n° 22 impose aussi que les embryons soient conçus avec les gamètes d’au moins un des membres du couple.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces amendements conduiraient à interdire le double don de gamètes, sujet dont il a déjà été question : nous avons récusé une telle interdiction. J’émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 1726, puis les amendements identiques n° 22, n° 209 et n° 651.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel n° 2128 du rapporteur.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 654 et n° 653 de M. Thibault Bazin, ainsi que les amendements identiques n° 23 de M. Xavier Breton, n° 210 de M. Patrick Hetzel et n° 652 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Dans le cas d’un couple de femmes, l’amendement n° 654 tend à préciser que l’enfant à naître sera issu de l’ovocyte de celle qui le portera et d’un gamète provenant d’un donneur. C’est la solution qu’il faut privilégier.
L’amendement n° 653 demande que l’ovocyte soit issu d’une des deux femmes et d’un gamète d’un donneur.
L’amendement n° 652 tend à interdire le don d’ovocyte de la compagne dans le cadre d’un couple de femmes.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteure. Ces amendements s’opposent en particulier au principe de la réception d’ovocytes de la partenaire (ROPA). J’émets un avis défavorable.
M. Thibault Bazin. La ministre a dit qu’elle était contre la ROPA…
La commission rejette successivement les amendements n° 654 et n° 653, puis les amendements identiques n° 23, n° 210 et n° 652.
Puis elle est saisie de l’amendement n° 650 de M. Thibault Bazin.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’émets un avis défavorable à cet amendement qui interdirait aux femmes non mariées d’avoir accès à l’AMP.
La commission rejette l’amendement n° 650.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement n° 1367 de Mme Agnès Thill.
Puis la commission examine les amendements identiques n° 21 de M. Xavier Breton et n° 208 de M. Patrick Hetzel.
M. Xavier Breton. Mon amendement tend à revenir sur l’ouverture de l’AMP aux femmes seules.
Je m’étonne de ce que le rapporteur a dit tout à l’heure : il a émis un avis défavorable au motif que les amendements étaient contraires à la ROPA. Or nous l’avons rejetée majoritairement. Il y a donc un vrai problème : nos débats servent-ils à quelque chose ?
M. Patrick Hetzel. Je défends l’amendement n° 208, par cohérence avec ce que nous avons déjà dit à plusieurs reprises. C’est une piqûre de rappel (Sourires.)
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je reconnais que vous êtes cohérents, mais je le suis tout autant en émettant un avis défavorable.
La commission rejette les amendements identiques n° 21 et n° 208.
Elle examine ensuite l’amendement n° 993 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Il serait bon qu’il y ait une cohérence entre le rapporteur et la majorité au sein de la commission. Ce sera important lorsque vous aurez à défendre en séance ce qui a été adopté ici.
L’amendement n° 993 tend à apporter une précision : l’autorisation qui doit être délivrée par l’Agence de la biomédecine l’est préalablement à l’entrée sur le territoire national d’embryons, lesquels doivent avoir été conçus dans le respect de nos principes fondamentaux.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce que vous proposez d’ajouter est superflu. Il n’existe pas de mise en œuvre préalable dans un régime d’autorisation. Celle-ci est donnée a priori et non a posteriori, sinon ce n’est plus une autorisation, et ceux qui contreviennent à leurs obligations s’exposent à des sanctions.
M. Patrick Hetzel. Ce que vous venez d’indiquer pourrait laisser penser que vous vivez dans un monde idéal, monsieur le rapporteur. Une partie des débats que nous avons dans le domaine de la bioéthique s’explique par l’existence de transgressions : les règles ne sont pas respectées dans un certain nombre de cas. Nous voulons être aussi clairs que possible afin qu’il n’y ait pas la moindre ambiguïté. L’amendement déposé par Thibault Bazin est donc parfaitement légitime.
Mme Aurore Bergé. C’est une précision qui me paraît utile. Elle tend à responsabiliser l’Agence de la biomédecine et à sécuriser le transfert d’embryons. Je considère que nous pouvons voter en faveur de cette disposition.
La commission adopte l’amendement n° 993.
M. Thibault Bazin. Merci, chers collègues !
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques n° 24 de M. Xavier Breton, n° 211 de M. Patrick Hetzel et n° 655 de M. Thibault Bazin ainsi que l’amendement n° 656 du même auteur.
M. Xavier Breton. Je vais profiter de cette période favorable pour présenter l’amendement n° 24 (Sourires). C’est un sujet important. On pourrait fabriquer in vitro, de manière artificielle, des gamètes à partir de cellules souches embryonnaires humaines ou de la dérivation de cellules somatiques. Dans ce domaine, la recherche sur les cellules souches s’accompagne d’interrogations éthiques. Je vous propose d’interdire la création de gamètes par de tels procédés.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord – je me suis déjà exprimé à ce sujet. Le problème est que ces amendements ne sont pas placés au bon endroit dans le texte. C’est un domaine qui relève encore de la recherche. Or celle-ci est traitée à l’article 14. C’est là que ces amendements seraient appropriés – ils sont, sinon, parfaitement justifiés.
La ministre de la santé nous a dit que cette question ne s’est pas encore posée, mais je pense qu’il serait plus prudent de légiférer au préalable : je ne doute pas que des avancées aient lieu prochainement au niveau mondial. Il faudrait nous tenir prêts en indiquant ce qui serait contraire à nos valeurs éthiques, en particulier l’utilisation de cellules somatiques reprogrammées en cellules souches pluripotentes, dites IPS, pour se substituer à des gamètes.
Je vous propose de retirer vos amendements pour les redéposer dans la partie du texte qui concerne la recherche.
M. Xavier Breton. Je retire mon amendement pour le redéposer en séance, comme le rapporteur invite à le faire.
M. Patrick Hetzel. Je reste un peu dubitatif et j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement avant de retirer l’amendement n° 211. Vous nous dites qu’il serait préférable que ces amendements portent sur l’article 14, qui est consacré à la recherche. Or si nous les avons déposés à l’article 1er, c’est que nous souhaitons que ces techniques ne puissent pas être utilisées pour l’AMP. Je crains que l’on ne sécurise pas la situation si l’on déplace les amendements à l’article 14.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet article concerne notamment la recherche en matière d’AMP. Nous voulons nous prémunir contre certaines recherches précliniques : nous ne souhaitons pas qu’elles concernent des gamètes produits à partir de cellules IPS chez l’homme – chez l’animal, c’est une autre question – et ensuite que l’on passe à l’acte dans le cadre de l’AMP. Il serait donc préférable d’inscrire ces dispositions à l’article 14.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Sans entrer dans le débat de fond, je trouve également que ces amendements auraient davantage leur place à l’article 14.
M. Patrick Hetzel. Je retire l’amendement n° 211 pour le redéposer en vue de la séance.
M. Thibault Bazin. Je vais également procéder à un transfert non pas d’embryons mais d’amendements (Sourires).
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je crois, au demeurant, qu’ils ont déjà été déposés à l’article 14.
Les amendements n° 24, n° 211, n° 655 et n° 656 sont retirés.
La commission est ensuite saisie de l’amendement n° 1782 de M. Raphaël Gérard.
M. Raphaël Gérard. Cet amendement tend à revenir à la rédaction actuelle de l’article L. 2141‑10 afin de garantir le caractère pluridisciplinaire des entretiens préalables à l’AMP et ainsi d’éviter de soumettre l’appréciation d’une demande d’un couple ou d’une personne seule à l’arbitraire d’un médecin. C’est d’autant plus important qu’il s’agit d’évaluer, au-delà des aspects médicaux, la solidité du projet parental.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mme Wonner nous a expliqué – je crois que c’était hier – la formulation que vous proposez, et je vous rejoins : il vaut mieux faire référence aux « membres de l’équipe médicale clinicobiologique » plutôt qu’à « un ou plusieurs médecins », ce qui pourrait sous‑entendre un seul. Je vous propose néanmoins de retirer votre amendement au profit de celui, plus précis, qui a été déposé par Mme Wonner.
Mme Martine Wonner. Mon amendement n° 2021 précise notamment la composition de l’équipe clinicobiologique.
M. Raphaël Gérard. Je vais retirer mon amendement au profit du vôtre.
L’amendement n° 1782 est retiré.
La commission examine ensuite les amendements identiques n° 994 de M. Thibault Bazin et n° 1368 de Mme Agnès Thill.
M. Thibault Bazin. Je suis en train de lire l’amendement de Mme Wonner : il est vraiment tourné vers la dimension psychiatrique puisqu’il demande la participation d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un infirmier ayant une compétence en psychiatrie.
L’amendement que j’ai déposé tend simplement à préciser qu’il faut une participation de plusieurs médecins – au lieu d’un seul. Il convient de favoriser la collégialité, sans se restreindre à l’approche psychiatrique.
Mme Agnès Thill. L’amendement n° 1368 prévoit qu’un avis médical unique ne peut pas suffire pour la mise en œuvre de l’AMP. Le projet parental doit faire l’objet de plusieurs avis médicaux.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteure. Si l’on fait appel à une équipe médicale clinicobiologique, notamment composée d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un infirmier ayant une compétence en psychiatrie – il pourra y avoir d’autres membres –, je pense que l’on évitera le risque d’une décision monomédicale. Je suggère de retirer ces amendements au profit de celui de Mme Wonner. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 994 et n° 1368.
Elle est ensuite saisie de l’amendement n° 410 de Mme Anne-France Brunet.
Mme Anne-France Brunet. Je propose d’en rester à la rédaction actuelle de la loi en ce qui concerne la participation des médecins aux entretiens. Les équipes et les organisations sont aujourd’hui différentes selon les centres. Des psychologues, des psychiatres, des sages-femmes, des infirmiers et des assistantes sociales peuvent notamment participer, mais il n’y a pas nécessairement des médecins à chaque étape. Chacun a son travail. Le parcours est néanmoins supervisé par un médecin. Les auditions et les retours que nous avons eus ont mis en évidence que la rédaction retenue à l’alinéa 25 risque de compliquer les parcours et de bousculer les modes d’organisation qui existent.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui de Mme Wonner, qui répondra à votre inquiétude. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 410.
Elle en vient à l’amendement n° 2021 de Mme Martine Wonner.
Mme Martine Wonner. Je vous propose de préciser la composition des équipes clinicobiologiques pluriprofessionnelles, sans remettre en cause l’activité qu’elles réalisent actuellement. Nous avons déjà retenu l’idée, à l’occasion d’un amendement précédent, selon laquelle il faut des entretiens réguliers, mais il faut ajouter que l’équipe comporte au moins un psychiatre, un psychologue ou un infirmier ayant une compétence en psychiatrie
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement n° 2021.
En conséquence, l’amendement n° 1558 tombe.
La commission est ensuite saisie de l’amendement n° 1781 de M. Raphaël Gérard.
M. Raphaël Gérard. Cet amendement tend à instaurer un principe de non-discrimination en fonction de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre dans le cadre de la prise en charge. Nous avons examiné hier d’autres amendements qui se situaient en amont de l’accès à l’AMP. Il s’agit cette fois du parcours en lui-même. J’ai déjà eu l’occasion de souligner les discriminations qui existent, notamment les demandes de stérilisation visant certains hommes transgenres en couple hétérosexuel et ayant recours à l’AMP dans le cadre légal actuel. L’amendement n° 1781 permettra de poser un principe et de rompre avec des pratiques qui me paraissent appartenir à un autre temps.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est un élément positif en vue d’éviter les discriminations. J’émets un avis favorable.
La commission rejette l’amendement n° 1781.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel n° 2132 du rapporteur.
La commission examine ensuite l’amendement n° 1369 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Je voudrais revenir sur la prétendue égalité des droits qui devrait exister. Il n’y a ni discrimination ni rupture d’égalité : l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 29 septembre 2018 rappelle que des situations différentes justifient des décisions différentes. L’enfant n’est pas une raison d’intérêt général. La réponse nous appartient, et elle n’est pas juridique.
La transformation du désir en une égalité des droits des adultes conduirait inévitablement à une inégalité des droits des enfants – il leur manquerait un des deux parents auxquels ils ont droit.
Il y a aussi une aberration en ce qui concerne les femmes non mariées – et célibataires : la situation précaire des femmes seules avec un enfant est reconnue.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Faut-il encore justifier l’extension de la PMA aux femmes seules ? Nous en avons déjà longuement parlé. Restons constants : je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 1369.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement l’amendement n° 657 de M. Thibault Bazin et les amendements identiques n° 25 de M. Xavier Breton et n° 212 de M. Patrick Hetzel.
Puis la commission est saisie des amendements identiques n° 26 de M. Xavier Breton, n° 213 de M. Patrick Hetzel et n° 658 de M. Thibault Bazin.
M. Xavier Breton. Les entretiens qui sont organisés doivent notamment permettre de vérifier la motivation des deux membres du couple ou de la femme non mariée. Par l’amendement n° 26, nous proposons que ce soit aussi l’occasion de rappeler les possibilités offertes par la loi en matière d’adoption. Pourquoi supprimer l’information qui est actuellement prévue dans ce domaine ? On connaît la difficulté des parcours dans le cadre de l’AMP. Par ailleurs, l’adoption mérite une attention particulière car elle permet de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.
M. Patrick Hetzel. Nous déplorons, vous le savez, que la partie du texte relative à l’AMP, qui n’est pas un sujet de bioéthique en tant que tel, mais plutôt un sujet sociétal, n’ait pas fait l’objet d’un texte spécifique. Cela aurait permis d’aborder un certain nombre de questions sociétales, notamment celle de l’adoption, qui est importante. Il est un peu aberrant et réducteur de traiter séparément ces aspects. Nous souhaitons que l’adoption ait pleinement sa place au sein de l’article 1er. Tel est l’objet de l’amendement n° 213.
M. Thibault Bazin. Il faut vraiment conserver le rappel des possibilités prévues par la loi en matière d’adoption. C’est ce que l’amendement n° 658 tend à assurer. Supprimer l’information délivrée ne revient-il pas à ne plus donner une chance à des enfants déjà nés ? Je pose la question devant le secrétaire d’État, qui y sera sans doute sensible.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne sais pas d’où viennent vos craintes. L’alinéa 34 prévoit qu’il y ait rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption et que l’on communique l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter l’information délivrée à ce sujet.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Vous avez raison : au regard de la difficulté des parcours en matière d’AMP, il est légitime de délivrer une information sur les dispositions relatives à l’adoption. Ces deux sujets doivent effectivement être appréhendés ensemble, et on doit orienter les personnes intéressées vers des associations. C’est le sens de l’alinéa 34, que le rapporteur vient de rappeler.
Ces amendements étant satisfaits, je vous propose de les retirer, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
J’ajoute que c’est, en effet, un sujet qui m’intéresse, monsieur Bazin. J’ai confié une mission sur l’adoption à la députée Monique Limon, qui est membre de votre commission, et à la sénatrice Corinne Imbert, qui appartient à la même formation politique que vous. Ces deux parlementaires me remettront leurs conclusions dans le courant du mois d’octobre et nous aurons l’occasion de reparler plus précisément de ce sujet à cette occasion.
M. Xavier Breton. Le problème est que l’alinéa 34 concerne des informations données au moyen d’un « dossier-guide », c’est-à-dire par écrit. Ce que nous demandons est que cela reste évoqué lors d’un entretien. Ce serait un très mauvais signal de réduire l’information au sujet de l’adoption.
La commission rejette les amendements n° 26, n° 213 et n° 658.
Elle examine ensuite l’amendement n° 501 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Par cet amendement, nous voulons préciser qu’il faut tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à naître. Il ne doit jamais être perdu de vue.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes animés par l’intérêt supérieur de l’enfant tout au long de l’examen de ce texte, et je ne doute pas qu’il en soit de même pour vous. Nous partageons donc cette valeur. Néanmoins, l’inscrire dans le projet de loi ne me paraît pas utile. Ce n’est pas cela qui pourra s’opposer à l’extension de l’AMP… Nous avons en commun la volonté de tenir compte de l’intérêt de l’enfant, mais nous divergeons quant à la façon de l’appréhender. Je vous propose de retirer cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 501.
Puis elle est saisie de l’amendement n° 995 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Il est défendu.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il ne me paraît pas opportun de préciser, comme le demande votre amendement, que l’évaluation est non seulement médicale mais aussi sociale. Je crois que l’on peut faire confiance, d’une façon moins stigmatisante, à l’équipe qui est chargée d’évaluer globalement les conditions d’accueil de l’enfant. J’émets un avis défavorable.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je voudrais rappeler la définition de la santé qui est notamment promue par l’OMS : elle a différentes composantes qui sont de nature psychologique, physique mais aussi sociale. Je ne pense pas qu’il soit discriminant de mettre en évidence un déterminant dont on sait qu’il entre en jeu, notamment en ce qui concerne les femmes seules. C’est une question qui se pose. Il me semble que cette dimension doit apparaître dans l’accompagnement et « l’évaluation » – je mets des guillemets en employant ce terme.
Mme Annie Genevard. Si le rapporteur est animé, comme je le crois, par l’intérêt supérieur de l’enfant, il n’a rien à craindre d’une approche sociale de la situation. C’est le bon sens même. Les services sociaux interviennent dans un grand nombre de situations. Pourquoi n’y aurait-il pas une évaluation sociale lorsque des demandes d’AMP sont formulées par des femmes seules – on sait qu’il s’agit d’une population particulièrement exposée sur le plan social – ou pour toute demande d’AMP ? Cela n’aurait rien de scandaleux : c’est l’application du principe de réalité.
La commission rejette l’amendement n° 995.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 601 de Mme Anne-France Brunet, n° 1557 de M. Bruno Fuchs, n° 1768 de M. Hervé Saulignac, n° 2078 de Mme Sylvia Pinel et n° 2087 de Mme Martine Wonner.
Mme Anne-France Brunet. L’amendement n° 601 vise à supprimer le mot « psychologique » à l’alinéa 28. Les conditions psychologiques étant d’ordre médical, cette mention n’est pas nécessaire a priori, et on pourrait avoir l’impression qu’elle est liée à l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes.
M. Bruno Fuchs. Il s’agit ici d’une question que nous avons déjà abordée plusieurs fois depuis hier : le volet psychologique de l’évaluation. À mon avis, les amendements visant à le supprimer s’imposent assez naturellement.
M. Hervé Saulignac. La suppression du terme « psychologique » nous paraît effectivement s’imposer ; nous avons longuement évoqué la question hier. C’est d’autant plus nécessaire qu’un certain nombre de vérifications sont déjà prévues, notamment à travers les entretiens. Elles sont de nature à donner toutes les garanties nécessaires. L’évaluation psychologique, qui est porteuse de risques, ne nous paraît donc pas devoir figurer dans la loi.
M. Philippe Vigier. Mes collègues et moi-même souhaitons nous aussi supprimer le caractère obligatoire de l’évaluation psychologique. Autant il est normal que les professionnels de santé puissent décider, à un moment ou un autre, qu’une telle évaluation est susceptible d’apporter un élément supplémentaire pour la prise de décision et l’accompagnement des candidats à l’AMP, autant le fait de rendre cette évaluation obligatoire peut quelquefois revêtir un caractère discriminatoire – puisque M. le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance est parmi nous, je donnerai l’exemple des entretiens psychologiques avec les familles candidates à l’adoption, qui suscitent souvent le découragement ; je suppose que celles et ceux qui sont ici ont d’autres exemples à l’esprit. En revanche, comme ma collègue Sylvia Pinel et moi-même l’indiquons dans l’exposé sommaire de notre amendement, un accompagnement psychosocial et la vérification des conditions sociales seraient des gages de réussite pour la famille qui a fait le choix de s’engager sur le chemin de l’AMP. Sur ce point, nous rejoignons ce que disait notre collègue Xavier Breton.
Mme Martine Wonner. Hier, nous avons adopté l’amendement no 2020, qui remplace l’évaluation médicale et psychologique par des entretiens avec l’équipe médicale clinicobiologique – dont nous venons d’ailleurs de préciser la composition. Parce que les mots sont importants, ces amendements visent, par coordination, à supprimer également à l’alinéa 28 la mention de cette évaluation médicale et psychologique, qui pourrait être mal vécue et se révéler anxiogène.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à la suppression du terme « psychologique » à cet alinéa.
M. Olivier Véran. Notre groupe soutient totalement ces amendements qui sont parfaitement justifiés.
La commission adopte les amendements identiques n° 601, n° 1557, n° 1768, n° 2078 et n° 2087.
Elle examine ensuite l’amendement no 1370 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. J’en reviens à un sujet qui a déjà été abordé sous tous ses aspects : il s’agit de rétablir une altérité. En effet, dire qu’il y aura dans l’environnement de l’enfant un référent masculin revient à reconnaître la nécessité de la parité dans le développement de l’enfant.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement no 1370.
Elle en vient à l’amendement no 1769 de M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac. Il s’agit de compléter l’alinéa 28 en faisant en sorte que l’évaluation ne conduise pas à débouter un couple de femmes ou une femme célibataire en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il ne serait pas acceptable, effectivement, qu’une discrimination intervienne sur le fondement de ces critères. Nous pouvons donc le préciser dans l’article. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement no 1769.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels nos 2134 et 2135 du rapporteur.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement no 736 de Mme Nadia Ramassamy.
La commission examine l’amendement no 1371 de Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. La prise en charge de la PMA par la sécurité sociale ne semble pas opportune, dans la mesure où elle constitue une validation officielle d’un comportement privé. Il conviendrait de redéfinir le sens de la sécurité sociale, sachant que certains actes, dont le volume est important et qui sont parfois indispensables – soins dentaires, opération de la myopie au laser, etc. –, sont considérés comme relevant du confort.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Non, nous ne souhaitons pas revenir sur la prise en charge de la PMA par la solidarité nationale, car elle nous paraît s’imposer. Du reste, à l’évidence, la prise en charge est effective – et ce depuis très longtemps – pour certains actes ici qualifiés comme étant de confort mais qui sont importants pour la santé des personnes. Depuis longtemps, l’assurance maladie, d’ailleurs mal nommée – peut-être faudra-t-il, un jour ou l’autre, l’appeler « assurance santé » –, s’occupe d’autre chose que de faire simplement de la thérapeutique. Au même titre que l’IVG, que certaines variétés de chirurgie réparatrice et d’actes ne relevant pas de la médecine préventive, il est important que la PMA pour toutes soit prise en charge par la solidarité nationale, sans qu’il y ait de ségrégation à l’égard de telle ou telle personne ayant recours à cette technique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 1371.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel no 2136 du rapporteur.
La commission en vient alors aux amendements identiques no 460 de M. Xavier Breton et no 502 de M. Patrick Hetzel.
M. Xavier Breton. À l’alinéa 30, il est fait référence au fait que les professionnels doivent informer les personnes concernées de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple. Il s’agit de compléter l’alinéa en mentionnant également la rupture du pacte civil de solidarité. Il convient effectivement de préciser que les membres d’un PACS sont concernés par la disposition.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques no 460 et no 502.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement no 2243 du rapporteur et les amendements identiques no 27 de M. Xavier Breton, no 214 de M. Patrick Hetzel et no 659 de M. Thibault Bazin.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il apparaît opportun de prévoir que les couples qui sont engagés dans un parcours d’AMP soient d’emblée informés des dispositions légales qui s’appliquent en cas de décès de l’un de ses membres, et ce quelles que soient les dispositions en question – que nous définissons d’ailleurs ensemble.
M. Xavier Breton. L’alinéa 30 prévoit une information quant à l’impossibilité de réaliser le transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple. Or nous avons décidé d’exclure la possibilité d’un transfert post mortem. L’amendement no 27 est donc, en définitive, un amendement rédactionnel, puisque nous vous proposons de compléter l’alinéa 30 par les mots « ou de décès d’un de ses membres ».
M. Thibault Bazin. Deux arguments complémentaires. D’abord, nos amendements comportent deux fois moins de mots que celui du rapporteur, pour un effet équivalent. Comme on dit que la loi est bavarde, on pourrait, dans une démarche environnementale, économiser un peu de papier. (Sourires.) Ensuite, la formulation que nous proposons est exactement la même que celle qui figure à l’article L. 2141-10 du code de la santé publique. Un certain conservatisme serait de bon aloi en la matière.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’entends bien, monsieur Bazin, il y a deux fois moins de mots dans vos amendements, mais il y a aussi deux fois moins d’expression. En effet, la formulation que vous proposez ne mentionne que le décès lui-même. Or la sagesse veut que l’on fasse référence également à toutes les dispositions prévues en cas de décès d’un des membres du couple – certaines ont été décidées ce matin, d’autres suivront. Il est important que la totalité de ces dispositions soient portées à la connaissance du couple au début du parcours d’AMP. Si je comprends l’intérêt d’être bref, en l’occurrence, votre amendement est un peu réducteur. Je vous suggère donc de vous rallier à ma rédaction, qui englobe ce que vous proposez tout en tenant compte d’autres dispositions éventuelles.
M. Xavier Breton. Pourriez-vous nous préciser quelles sont ces « dispositions éventuelles », monsieur le rapporteur ? Voulez-vous parler de dispositions qui existent déjà, ou bien d’autres qui vont être votées ? Il est important que nous le sachions pour décider si nous retirons nos amendements.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sont les dispositions qui figurent à l’alinéa 5.
La commission adopte l’amendement no 2243. En conséquence, les amendements nos 27, 214 et 659 tombent.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette ensuite l’amendement no 996 de M. Thibault Bazin.
Elle en vient alors à l’amendement no 602 de Mme Anne-France Brunet.
Mme Anne-France Brunet. Cet amendement vise à proposer un suivi psychologique pendant l’AMP, car de nombreuses difficultés de cet ordre peuvent émerger tout au long du parcours. Le suivi ne sera pas nécessairement assuré dans le centre d’AMP lui-même car, on le sait bien, les psychologues qui y travaillent ont peu de disponibilités.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je comprends votre point de vue et le souhait que vous exprimez. Faut-il proposer systématiquement un suivi psychologique ou bien laisser celui-ci à l’initiative de l’équipe médicale et psychologique qui entoure le processus ? Du reste, le suivi en question devra être assuré par l’équipe elle-même : on ne saurait le concevoir comme totalement distinct de l’équipe qui réalise l’AMP. Je ne suis pas sûr que la disposition que vous proposez ajouterait autre chose qu’une contrainte. D’ailleurs, la pratique que vous préconisez est déjà très habituelle. En outre, elle sera encouragée par l’amendement de Mme Martine Wonner que nous avons adopté tout à l’heure.
M. Olivier Véran. Il y a une salve d’amendements concernant le suivi ou l’évaluation psychologique dans le cadre d’une procédure de PMA. Comme l’a dit M. Touraine, un couple qui est dans une démarche de PMA n’a pas besoin d’une évaluation psychologique ou psychiatrique avant d’engager la demande. À cet égard, lors des auditions, les professionnels ont été très clairs, notamment l’Ordre des médecins, qui a dit que l’équipe réalisant la PMA n’avait pas à statuer en fonction de critères psychologiques. En revanche – et c’est le second sujet de débat entre nous depuis un bon moment –, il importe de s’assurer qu’un couple qui s’est engagé dans une procédure de PMA soit accompagné tout au long du parcours, car celui-ci peut être long, difficile, parfois même douloureux. Quelle que soit la forme de cet accompagnement – il peut être fait par des psychologues ou d’autres personnes –, il faut éviter de rigidifier les choses dans la loi comme on est en train d’essayer de le faire. Les centres qui procèdent à l’AMP disposent des ressources nécessaires pour accompagner les couples : la représentation nationale, si elle est inquiète à ce propos, peut être rassurée.
La commission rejette l’amendement n° 602.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel no 2137 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement no 486 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. L’objectif de cet amendement est de préciser la rédaction de l’alinéa 33. Pour le moment, en effet, il est seulement indiqué qu’un descriptif des techniques concernées doit être remis aux personnes. Je pense qu’il faut aller plus loin, notamment en communiquant « les taux moyens de réussite par cycle de fécondation in vitro et d’insémination artificielle ainsi que les taux de réussite et d’échec par cycle de fécondation in vitro et d’insémination artificielle en fonction de l’âge de la femme ». J’insiste sur ces aspects car de nombreuses personnes nous ont dit que l’information fournie oralement à l’heure actuelle, notamment au titre du quatrième alinéa de l’article L. 2141-10 du code de la santé publique, est le plus souvent insuffisante, et surtout que sa nature varie selon les praticiens. Pour éviter une trop forte hétérogénéité, voire une absence totale d’informations sur un certain nombre de détails qui peuvent avoir leur importance dans la prise de décision de celles et ceux qui souhaitent recourir à ces techniques, nous proposons d’inscrire clairement dans l’article 1er les éléments qui doivent faire l’objet d’une information. Ces précisions visent également à renforcer les garanties données aux personnes susceptibles d’avoir recours à l’AMP.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre demande est satisfaite par l’alinéa 29, qui dispose que les personnes sollicitant l’AMP doivent être informées « des possibilités de réussite et d’échec des techniques d’assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et long terme, ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu’elles peuvent entraîner ». De plus, dans le code de la santé publique, il est indiqué que tout acte doit faire l’objet d’une information complète. Je crains donc que ce que vous proposez ne soit superfétatoire. J’entends votre remarque au sujet de l’application des dispositions existantes, mais je ne suis pas sûr que le fait d’inscrire une troisième fois l’information dans les textes soit très efficace. Très souvent, en pratique, ces éléments d’information sont donnés aux personnes. Malheureusement, ce dont les praticiens ne s’assurent pas, c’est qu’ils sont entendus par les femmes en question. C’est une chose d’avoir expliqué à un patient les conditions, les risques, d’avoir indiqué le taux d’échec, c’en est une autre de s’assurer qu’il a vraiment compris. Si tel n’est pas le cas, une femme peut sortir de la consultation en croyant que les chances de succès sont de 90 %, que le processus ne sera ni pénible ni douloureux et, par la suite, être très déçue – alors qu’elle avait été prévenue. Je ne sais pas comment remédier à cette différence entre les informations données et les informations comprises, mais je crains que ce ne soit pas par la loi qu’on y arrive. On pourrait agir au niveau réglementaire, ou encore dans le cadre des guides de bonnes pratiques. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement n° 486.
La réunion, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.
La commission examine l’amendement no 2244 du rapporteur.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit de compléter le dispositif d’information sur l’accès aux origines. Je propose, pour ce faire, d’insérer après l’alinéa 34 un alinéa ainsi libellé : « Des éléments d’information sur l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, ainsi que la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet ».
La commission adopte l’amendement no 2244.
Elle est ensuite saisie de l’amendement no 443 de Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Marie-Pierre Rixain. Lors des auditions menées par la commission spéciale, Mme Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste, a fait part de l’importance de l’accompagnement psychologique des personnes ayant recours à une AMP. Il convient notamment de leur donner des clés leur permettant d’appréhender la démarche et d’en discuter. Pour ce faire, le présent amendement vise à ce que des informations en matière de suivi psychologique soient incluses dans le dossier-guide remis aux demandeurs.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Votre amendement me semble satisfait par l’adoption de l’amendement no 2021 de Martine Wonner, qui permet d’assurer l’accompagnement. Je vous demande donc de le retirer.
Mme Marie-Pierre Rixain. Je considère effectivement que mon amendement est satisfait : je le retire.
L’amendement no 443 est retiré.
La commission examine l’amendement n° 487 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Il existe un certain nombre de techniques naturelles de procréation – c’est ce que l’on appelle la NaProTechnologie – qui, selon de nombreux professionnels, peuvent constituer une solution alternative à l’AMP pour les couples confrontés à un problème d’infertilité. Il semble donc important, dans le cadre de la discussion menée avec ces couples, de leur préciser quelles sont ces techniques alternatives avant d’aller vers des dispositifs plus lourds.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes bien évidemment favorables aux recherches sur l’infertilité, et il sera tout à fait pertinent d’aborder la question après l’article 2. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable de traiter des différents aspects de manière disséminée. Je vous propose donc de retirer votre amendement en vue d’une analyse ultérieure.
La commission rejette l’amendement n° 487.
La commission examine ensuite, en discussion commune, l’amendement no 1559 de M. Bruno Fuchs et l’amendement no 737 de Mme Nadia Ramassamy.
M. Bruno Fuchs. On voit bien, depuis le début de l’examen du texte, l’importance d’assurer un accompagnement dans le parcours d’assistance médicale à la procréation avec don, car il peut se révéler difficile. Le premier acte de l’accompagnement par la puissance publique pourrait consister à remettre un dossier-guide comprenant des informations relatives aussi bien aux techniques qu’au parcours. Cela me semble d’autant plus nécessaire que le texte ne fait plus référence à l’infertilité. Il ne faudrait pas laisser penser que la PMA pour toutes est quelque chose de facile. Un tel guide serait pleinement justifié.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord pour fournir des informations, mais la demande que vous formulez est déjà satisfaite par l’alinéa 29 et les alinéas 32 à 34. Parmi les éléments que M. Fuchs propose de faire figurer dans le guide, seule la bibliographie n’est pas prévue actuellement. Je demande donc le retrait de ces amendements.
Les amendements no 1559 et no 737 sont retirés.
La commission examine l’amendement no 488 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’ajouter un alinéa ainsi libellé : « Informer les deux membres du couple de l’existence et du devenir des embryons dits surnuméraires et conserver dans le dossier une preuve écrite de cette information ». En effet, le droit français, à l’inverse du droit allemand et du droit italien, ne fait pas obstacle à la fabrication d’embryons qui, n’étant pas transférés immédiatement dans l’utérus au terme de la fécondation in vitro, sont cryoconservés, dans l’attente d’un hypothétique projet parental. Dans la perspective, souhaitée par la loi, de permettre aux personnes d’« exercer un choix éclairé en matière de procréation », il paraît indispensable que les membres du couple soient pleinement informés de cette question éthique fondamentale avant de faire un choix en conscience.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les personnes sont informées de fait au cours des différentes phases. La preuve en est qu’ils doivent donner leur avis quant au devenir des embryons surnuméraires, qu’il s’agisse d’en faire don en vue d’une autre implantation, de les destiner à la recherche ou de les détruire – faute de quoi on se retrouve avec 230 000 embryons dans des congélateurs. Oui, les personnes sont donc interrogées et informées. Une fois encore, on peut se demander si la forme du dialogue est suffisante. Quoi qu’il en soit, il est prévu, tout au long du parcours, que les personnes soient tenues informées de l’état des embryons qui ont été développés et de leur destination ; elles doivent même spécifier ce qu’elles souhaitent en faire.
La commission rejette l’amendement n° 488.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement no 1372 de Mme Agnès Thill.
La commission en arrive aux amendements identiques no 28 de M. Xavier Breton, no 215 de M. Patrick Hetzel et no 660 de M. Thibault Bazin.
M. Patrick Hetzel. L’objectif de ces amendements est de faire en sorte que le délai d’un mois coure à partir du dernier entretien.
M. Thibault Bazin. Il s’agit en réalité d’en rester, sur ce point, à la législation actuelle, dont on se demande pourquoi il fallait la modifier.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le dernier entretien ne semble pas constituer un repère suffisamment fiable, car il peut y en avoir eu d’autres, par exemple en cas de demande d’informations additionnelles. C’est la raison pour laquelle nous avons préféré la formulation qui figure dans le texte.
La commission rejette les amendements identiques no 28, no 215 et no 660.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel no 2133 du rapporteur.
La commission examine l’amendement no 1757 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Cet amendement est de portée pratique. Nous avons posé le principe de non-discrimination, mais nous savons aussi que nous pouvons nous heurter à une pénurie de gamètes plus ou moins longue. En outre, les CECOS fonctionnent de manière différente selon les endroits. Il est bien beau de poser le principe d’une non-discrimination ; encore faut-il préciser les critères permettant de choisir les bénéficiaires et éviter l’arbitraire. Comment les CECOS vont-ils procéder ? Se fonderont-ils uniquement sur la date d’inscription, ou bien d’autres critères entreront-ils en ligne de compte, tels que l’orientation sexuelle et le statut matrimonial ? On ne sait pas du tout, concrètement, quels critères détermineront l’attribution de gamètes. C’est la raison pour laquelle je propose, dans mon amendement, que les modalités d’application du principe de non‑discrimination soient fixées par décret en Conseil d’État. Cela permettra de garantir l’égalité de traitement entre les demandeurs, et surtout la transparence sur l’ensemble du territoire national.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Hier, et tout à l’heure encore, nous avons adopté des amendements permettant de prévenir les discriminations. Je considère donc que la demande est satisfaite. Cela dit, nous devrons être vigilants : nous inscrivons des mesures dans la loi, mais il faudra contrôler leur respect effectif.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Comment ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. En effet, on connaît d’autres domaines dans lesquels la discrimination a certes été prohibée, mais la loi est mal exécutée, malheureusement.
Les seuls critères qui peuvent être acceptés tiennent à l’âge ou à l’appariement – quand les personnes le souhaitent. On ne saurait accepter que le type de couple, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre deviennent des critères pour le choix. Ce n’est plus à la loi de le dire, car c’est déjà doublement inscrit dans les textes. Il faudra veiller à l’application de la loi, en particulier en missionnant les ARS et l’Agence de la biomédecine pour qu’elles contrôlent régulièrement l’absence de toute discrimination.
M. Olivier Véran. Je pense qu’il pourrait être intéressant de publier une circulaire rappelant un certain nombre de critères en fonction desquels un couple souhaitant entrer dans un parcours de PMA ne pourrait pas être discriminé. En effet, au-delà de l’orientation sexuelle ou de l’âge, j’ai entendu des récits faisant état d’autres formes de discrimination. On m’a ainsi parlé d’un centre de PMA ayant récusé un couple au motif que la femme ne parlait pas français. L’équipe considérait qu’elle ne comprendrait certainement pas les traitements qu’il lui faudrait suivre tout au long de la prise en charge. Cela permettait, par ailleurs, d’améliorer les statistiques de réussite du centre. Il existe ainsi des pratiques très localisées, qui ne paraissent peut-être pas discriminatoires aux équipes, mais qui le sont pour nous – comme le prouvent les sourcils froncés que j’ai vus en rapportant ce cas. Il n’appartient pas à la loi de proposer un catalogue de critères, mais une circulaire serait utile en la matière.
M. Cyrille Isaac-Sibille. Ériger des principes dans la loi, c’est très bien, mais comment fait-on, après, pour les appliquer ? Il faut effectivement veiller à leur mise en œuvre, que ce soit par circulaire ou par décret. C’est aussi le cas en matière de garde d’enfants : il y a des listes d’attente, de nombreux critères existent mais ils ne sont pas toujours objectifs et on observe de très grandes inégalités dans le territoire. En l’espèce, si la définition des critères n’est pas du domaine de la loi, il faut au moins que nous inscrivions dans le texte que ces critères sont définis au niveau national, de même que leurs modalités d’application. Je maintiens mon amendement.
La commission rejette l’amendement n° 1757.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement no 520 de M. Patrick Hetzel.
Elle en vient à l’amendement no 956 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. L’alinéa 37, nous l’avons déjà dit hier, prête vraiment à confusion ; il faut le reformuler. En effet, il semble permettre que l’AMP soit réalisée par un autre médecin que celui qui a participé aux entretiens prévus dans l’article lorsque les demandeurs ne remplissent pas les conditions prévues. L’amendement vise à clarifier la rédaction pour éviter tout acharnement procréatif quand les conditions ne sont pas réunies. Je vous propose de le réécrire ainsi : « lorsque les demandeurs ne remplissent pas les conditions prévues par le présent titre ou lorsque le médecin ayant participé aux entretiens prévus ».
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La formulation que vous proposez prête encore plus à confusion, car vous ne mentionnez plus la nécessité de l’interaction entre le médecin et les demandeurs. Pour que le refus soit opposable et accepté, il faut bien qu’à un moment ou un autre les demandeurs voient un médecin et échangent avec lui. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement no 956.
Elle examine ensuite l’amendement no 1918 de Mme Martine Wonner.
Mme Martine Wonner. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, mais il a son importance. Il vise à remplacer les mots « un médecin ayant » par les mots « le médecin, ayant par ailleurs ». Actuellement, le texte précise que la décision finale appartient à un seul médecin. Au regard de l’importance et de l’impact d’une