N° 2301
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020
(n° 2272),
TOME II
examen de la premiÈre partie conditions gÉnÉrales de l’Équilibre financier |
Par M. Joël GIRAUD
Rapporteur général,
Député
——
— 1 —
___
Pages
première partie : conditions générales de l’équilibre financier
titre premier dispositions relatives aux ressources
I. ‑ Impôts et ressources autorisés
A. ‑ Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er Autorisation de percevoir les impôts et produits existants
Article additionnel après l’article 2 Domiciliation fiscale des agents territoriaux
Article 3 Domiciliation fiscale en France des dirigeants des grandes entreprises françaises
Article 6 Suppression des taxes à faible rendement
Article additionnel après l’article 6 Réforme de la taxation des titres de séjour
Article 15 Baisse de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie
Article 17 Rationalisation du régime fiscal du gaz naturel
Article 18 Refonte des taxes sur les véhicules à moteur
A. ‑ Dispositions relatives aux collectivités territoriales
B. ‑ Impositions et autres ressources affectées à des tiers
C. ‑ Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux
Article 34 Clôture du fonds d’urgence en faveur du logement (FUL)
Article 35 Relations financières entre l’État et la sécurité sociale
titre II dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges
Article 37 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois
— 1 —
Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques de l’année 2020,
prévisions d’exécution 2019 et exécution 2018
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article mentionne sous forme d’un tableau les prévisions de soldes de l’ensemble des administrations publiques pour 2020 et 2019 ainsi que les données d’exécution pour 2018.
Pour 2020, le déficit public est estimé à 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), égal à sa composante structurelle. La France serait en léger excédent conjoncturel (+ 0,1 %) tandis que les mesures temporaires ou exceptionnelles dégraderaient le solde de 0,1 %.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
La commission a adopté cet article sans modification.
Le présent article porte sur les finances publiques toutes administrations publiques confondues, et non sur le seul budget de l’État.
Il offre ainsi une vision consolidée de l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale.
Aux termes de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([1]), l’article liminaire du PLF présente « un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».
Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2017 À 2020
(en % du PIB)
Soldes |
Exécution 2017 |
Exécution 2018 |
Prévision d’exécution 2019 |
Prévision 2020 |
Solde structurel (1) |
– 2,3 |
– 2,3 |
– 2,2 |
– 2,2 |
Solde conjoncturel (2) |
– 0,3 |
0,0 |
0,0 |
0,1 |
Mesures exceptionnelles et temporaires (3) |
– 0,1 |
– 0,2 |
– 0,9 |
– 0,1 |
Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3) |
– 2,7 |
– 2,5 |
– 3,1 |
– 2,2 |
Solde effectif hors mesures exceptionnelles |
– 2,6 |
– 2,3 |
– 2,2 |
– 2,1 |
Source : commission des finances et article liminaire du présent PLF.
Le présent article fixe ainsi, pour 2020, un objectif de déficit public de 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui n’avait pas été observé depuis 2001 (I).
Le déficit public est intégralement d’origine structurelle, ce qui pose une difficulté de cohérence avec la trajectoire pluriannuelle des finances publiques définie en 2018 (II).
I. Un objectif de dÉficit public historiquement bas
Le déficit public poursuit, en 2020, sa baisse tendancielle engagée en 2009. Le déficit public serait toutefois supérieur de 0,2 point à celui prévu par le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril 2019.
A. Une baisse constante du dÉficit depuis 2009
Le point le plus bas de solde effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit record de 7,2 % du PIB.
En 2017, il a été ramené à 2,8 % du PIB et n’a, depuis, plus franchi la basse des 3 % du PIB au sens des critères de Maastricht.
DÉficit public depuis 2008
Année |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
En % du PIB |
3,3 |
7,2 |
6,9 |
5,2 |
5,0 |
4,1 |
3,9 |
3,6 |
3,5 |
2,8 |
2,5 |
3,1* |
2,2 |
En milliards d’euros |
65,0 |
138,9 |
137,4 |
106,1 |
104,0 |
86,5 |
83,9 |
79,7 |
79,1 |
63,6 |
59,5 |
73,9 |
53,5 |
* Le déficit public est aggravé, en 2019, par la mesure exceptionnelle de bascule du CICE en baisse de cotisations sociales, à hauteur de 0,8 point de PIB.
Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) jusqu’en 2018, présent PLF pour les années 2019 et 2020.
L’année 2019 est caractérisée par une importante mesure exceptionnelle relative à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales. Cette mesure dégrade temporairement le solde public de 0,8 point de PIB ; elle a été jugée par la Commission européenne comme une mesure ponctuelle (« one-off ») ne devant pas être prise en compte dans le calcul du déficit public effectif.
La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales
Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le CICE est entré en vigueur le 1er janvier 2013.
Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’IS ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017, avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.
Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :
– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;
– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC.
En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continueront de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.
En 2020, le solde public ressortirait à 2,2 % du PIB, soit une baisse de 0,9 point de PIB par rapport au solde de 2019. Hors mesures exceptionnelles, la réduction est de 0,1 point, ce qui confirme donc la tendance baissière du déficit ces dernières années.
B. Une prévision de dÉficit moins optimiste que prÉvu
Dans le programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne en avril 2019, la trajectoire des finances publiques laissait apparaître une cible de déficit public à 2 points de PIB.
Trajectoire des finances publiques dU PROGRAMME DE STABILITÉ
pour les années 2019 à 2022 (avril 2019)
(en % du PIB)
Année |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Solde public effectif |
– 2,8 |
– 2,5 |
– 3,1 |
– 2 |
– 1,6 |
– 1,2 |
Solde structurel |
– 2,4 |
– 2,1 |
– 2,1 |
– 1,9 |
– 1,6 |
– 1,3 |
Dépense publique (hors crédits d’impôts) |
55 |
54,4 |
54 |
53,5 |
53 |
52,3 |
Taux de prélèvements obligatoires |
45,2 |
45 |
44 |
44,4 |
44,2 |
44 |
Dette publique |
98,4 |
98,4 |
98,9 |
98,7 |
98,1 |
96,8 |
Source : programme de stabilité 2019-2022.
La hausse de 0,2 point de la prévision de déficit public se justifie par plusieurs raisons.
Tout d’abord, les perspectives macroéconomiques se sont assombries. Comme l’indique le tableau suivant, le programme de stabilité, alors en cohérence avec les estimations des conjoncturistes, tablait sur un niveau de croissance de 1,4 % en 2020.
Prévisions de croissance pour la France (PSTAB 2019)
(en pourcentage d’évolution annuelle)
Institution |
2019 |
2020 |
Gouvernement, programme de stabilité 2019 |
1,4 |
1,4 |
Commission européenne, prévisions économiques d’hiver 2019, février 2019 |
1,3 |
1,5 |
Banque de France, Prévisions économiques, mars 2019 |
1,4 |
1,5 |
OCDE, Perspectives économiques, mars 2019 |
1,3 |
1,3 |
FMI, Perspectives de l’économie mondiale, janvier 2019 |
1,5 |
1,6 |
Source : programme de stabilité 2019-2022.
En outre, la politique budgétaire a été orientée en direction du soutien au pouvoir d’achat des ménages. Le débat sur le programme de stabilité d’avril 2019 avait été l’occasion pour le Gouvernement de présenter une trajectoire de finances publiques tirant les conséquences des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages décidées en décembre 2018.
Pour des raisons de calendrier, elle n’intégrait pas l’impact financier découlant des annonces faites par le Président de la République le 25 avril dernier ([2]), à l’issue du Grand Débat national.
II. Un dÉficit d’origine structurelle
Depuis 2018, l’économie française est à son niveau potentiel, ce qui se traduit par un écart de production nul (2018 et 2019) ou légèrement positif (2020) ayant un effet négligeable sur le solde public. Ainsi, hormis les mesures exceptionnelles et temporaires, le déficit public de 2020 s’explique en intégralité par sa composante structurelle.
La déconnexion entre l’évolution du déficit structurel et la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 ([3]) rend cette dernière obsolète.
A. DÉFICIT PUBLIC ET DÉFICIT STRUCTUREL SONT ÉQUIVALENTS EN 2020
1. Qu’est-ce que le solde structurel ?
a. Une composante du solde public suivie au titre des engagements européens de la France
Le solde structurel est le solde corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du solde qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le solde conjoncturel est le solde lié à la conjoncture.
Autrement dit, le solde comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle d’un déficit est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.
C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de solde structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres États membres.
Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([4]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).
b. Des modalités complexes de calcul
Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.
L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.
Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une construction économétrique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([5]). Par suite, la croissance potentielle est définie comme le niveau de croissance au-delà duquel apparaissent des tensions inflationnistes.
Les hypothèses d’écart de production permettent d’estimer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon une méthodologie de calcul décrite précisément dans l’annexe 2 du rapport annexé à la LPFP pour les années 2018 à 2022.
Une approche plus simple, mais généralement vérifiée − appelée « règle du pouce » −, consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est légèrement supérieur à la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes de dépenses sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l’ordre de 1.
Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.
Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Toute surestimation de l’écart de production, découlant par exemple de la surestimation du niveau de croissance potentielle, conduit à sous-estimer le niveau du déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.
c. Les hypothèses de calcul du déficit structurel
Les hypothèses initiales de calcul du déficit structurel ont été fixées dans la LPFP pour les années 2018 à 2022.
HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle
(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)
Année |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Croissance en volume du PIB |
1,1 |
1,7 |
1,7 |
1,7 |
1,7 |
1,7 |
1,8 |
Croissance potentielle |
1,2 |
1,25 |
1,25 |
1,25 |
1,25 |
1,30 |
1,35 |
Écart de production en % du PIB |
– 1,5 |
– 1,1 |
– 0,7 |
– 0,2 |
+ 0,2 |
+ 0,6 |
+ 1,1 |
Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
Ces hypothèses ont été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis portant sur le projet de LPFP pour les années 2018 à 2022 ([6]). Le Gouvernement n’a pas modifié ses hypothèses de croissance potentielle dans le cadre du présent PLF.
Toutefois, les hypothèses d’écart de production doivent être actualisées chaque année en fonction de la croissance effective constatée.
HypothÈses actualisées d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle
(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)
Année |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Croissance en volume du PIB |
1,1 |
2,2 |
1,7 |
1,4 |
1,3 |
1,3 |
1,4 |
Croissance potentielle |
1,2 |
1,25 |
1,25 |
1,25 |
1,25 |
1,30 |
1,35 |
PIB (en milliard d’euros) |
2 234 |
2 295 |
2 353 |
2 417 |
2 479 |
2 546 |
2 620 |
PIB potentiel (en milliard d’euros) |
2 268 |
2 307 |
2 354 |
2 416 |
2 476 |
2 542 |
2 615 |
Écart de production en % du PIB |
– 1,5 |
– 0,5 |
-0,1 |
0,0 |
0,1 |
0,1 |
0,2 |
Source : réponse au questionnaire du Rapporteur général.
2. Le déficit structurel de 2020 s’établit à 2,2 %, au même niveau que le déficit public effectif
Le déficit public en 2020 est estimé intégralement d’origine structurelle
(– 2,2 % du PIB potentiel). Le léger excédent conjoncturel prévu, à 0,1 % du PIB, est compensé par un poids des mesures exceptionnelles et temporaires de – 0,1 % du PIB.
L’écart de production serait légèrement positif en 2020, à hauteur de 0,1 point de PIB. Cela signifie que le PIB effectif serait légèrement supérieur au PIB potentiel de l’économie française, et que les facteurs de production sont en tension. Il en est déduit un solde conjoncturel positif de 0,1 point de PIB (soit environ la moitié de l’écart de production en application de la « règle du pouce » précitée, corrigée d’effets d’arrondis).
Cette situation d’écart de production faible ou nul s’observe depuis 2018 : l’économie française est en haut de cycle et les effets de la crise ont cessé de peser sur le déficit public.
B. Un déficit structurel qui s’écarte sensiblement de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques
Le Gouvernement avait proposé, dans la LPFP 2018-2022, une trajectoire des finances publiques conduisant à quasiment diviser par trois le solde structurel entre 2017 et 2022.
Trajectoire des finances publiques de la loi de programmation
des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (janvier 2018)
(en % du PIB)
Année |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Solde public effectif |
– 2,9 |
– 2,8 |
– 2,9 |
– 1,5 |
– 0,9 |
– 0,3 |
Solde structurel |
– 2,2 |
– 2,1 |
– 1,9 |
– 1,6 |
– 1,2 |
– 0,8 |
Dépense publique (hors crédits d’impôts) |
54,7 |
54 |
53,4 |
52,6 |
51,9 |
51,1 |
Taux de prélèvements obligatoires |
44,7 |
44,3 |
43,4 |
43,7 |
43,7 |
43,7 |
Dette publique |
96,7 |
96,9 |
97,1 |
96,1 |
94,2 |
91,4 |
Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
Le solde structurel devait donc s’améliorer de plus d’un point de PIB pendant le quinquennat, alors même qu’une réduction significative des prélèvements obligatoires aurait été consentie. Cela supposait donc un effort structurel conséquent en dépense.
Toutefois, l’ajustement structurel prévu a été, depuis 2018, beaucoup moins marqué que prévu dans la LPFP, sans toutefois se traduire par un « désajustement » : la France ne s’éloigne pas de son objectif de moyen terme.
Dans son avis sur le projet de loi de finances ([7]), le Haut Conseil des finances publiques concentre ses critiques sur l’évolution du solde structurel prévu par le présent PLF, qu’il compare à la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.
En 2020, le déficit structurel serait de 2,2 points de PIB, contre 1,6 point dans la LPFP (– 0,5 point avec les effets d’arrondis, réparti tout autant en dépenses qu’en recettes, cf tableau infra). Le Haut Conseil relève en conséquence que le Gouvernement présente un article liminaire du projet de loi de finances qui « s’écarte fortement » de la trajectoire de la loi de programmation en vigueur : « un tel choix pose un problème de cohérence entre le PLF 2020 et la LPFP et affaiblit la portée de l’exercice de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques ».
Ajustement structurel et effort structurel présentés
par le Gouvernement
(en points de PIB potentiel)
En points de PIB potentiel |
PLF pour 2020 |
LPFP |
||||||
|
2018 |
2019 |
2020 |
Cumul 2018-20 |
2018 |
2019 |
2020 |
Cumul 2018-20 |
Ajustement structurel |
0,1 |
0,1 |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,3 |
0,3 |
0,7 |
Effort structurel |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,3 |
0,2 |
0,3 |
0,4 |
0,9 |
dont effort en dépense |
0,3 |
0,3* |
0,4* |
1,0 |
0,4 |
0,4 |
0,5 |
1,3 |
dont mesures nouvelles en recettes |
-0,2 |
-0,3* |
-0,6* |
-1,1 |
-0,3 |
-0,1 |
-0,5 |
-0,9 |
dont clé en crédits d’impôt |
0,0 |
0,1 |
0,3 |
0,4 |
0,0 |
0,0 |
0,4 |
0,4 |
Composante non discrétionnaire |
0,0 |
0,0 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
-0,1 |
-0,2 |
* Hors France Compétences
Note : les chiffres étant arrondis, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Source : Haut Conseil des finances publiques
Un tel différentiel de trajectoire en 2020 exposerait le Gouvernement à l’obligation de mettre en œuvre des mesures correctives, auxquelles il échappe de peu au titre de l’année 2019.
En effet, selon le HCFP, la réduction du déficit structurel en 2019 n’est que de 0,1 point de PIB. Par rapport à la trajectoire de la LPFP, l’écart de solde structurel prévu s’élèverait respectivement à – 0,1 point en 2018 et – 0,3 point en 2019. Le Haut Conseil signale qu’un tel écart est « très proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction » prévu à l’article 23 de la loi organique de 2012.
Le mécanisme de correction de la loi organique
L’article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis rendu préalablement au dépôt du projet de loi de règlement.
Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.
Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter, à l’occasion du DOFP, des mesures de correction. Ces mesures doivent intervenir dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année. Un retour à la trajectoire de solde structurel doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à la suite de l’année pendant laquelle l’écart important a été constaté.
Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées par le TSCG.
En revanche, l’écart de trajectoire de solde structurel de 2019 (– 0,3 point) et de 2020 (– 0,6 point) conduirait, faute de trajectoire mise à jour, au déclenchement de ce mécanisme en 2020.
Le Rapporteur général rappelle au Gouvernement qu’il lui appartient de proposer au plus vite une nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques, afin de prendre en compte l’évolution du contexte économique et social impactant les finances publiques.
Le Gouvernement s’est engagé à présenter un projet de loi de programmation des finances publiques au printemps 2020. Cette échéance se justifie par la mesure de l’impact de deux événements à venir ayant le cas échéant un impact sur les finances publiques : la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et les paramètres de la future réforme des retraites.
*
* *
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques I‑CF55 de Mme Véronique Louwagie et I-CF885 de Mme Marie-Christine Dalloz, les amendements I-CF881 de Mme Marie-Christine Dalloz, I‑CF1073 de M. Éric Woerth et I‑CF1194 de Mme Valérie Rabault, ainsi que l’amendement I-CF396 de M. Charles de Courson.
Mme Véronique Louwagie. Cet article liminaire est peut-être le plus important du projet de loi de finances puisqu’il fixe certaines orientations du Gouvernement. Mon amendement tend à revenir à ce qu’avait retenu la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, car c’est bel et bien un budget de renoncement à cette programmation qui nous est présenté. Les dépenses vont continuer à augmenter en 2020, à hauteur de près de 20 milliards d’euros, le déficit de l’État sera relativement important – il s’établira à 93 milliards d’euros, soit 25 milliards de plus qu’en 2018 – et la dette continuera à croître. Les besoins sont criants dans de nombreux domaines, comme la dépendance, notamment dans le cadre des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l’hôpital – en particulier les urgences –, l’accompagnement de nos entreprises, avec la nécessaire diminution des impôts de production afin d’améliorer la compétitivité. Mais le Gouvernement se prive de toute possibilité d’intervenir dans ces domaines : en ne réformant pas, en ne diminuant pas les dépenses publiques, vous ne vous donnez aucune possibilité de répondre à de telles demandes.
J’ai été surprise d’entendre la semaine dernière le ministre de l’économie et des finances reconnaître et réaffirmer devant nous que la dette était un poison. Il y a une vraie contradiction, car ce budget va de nouveau recourir à la dette et transférer aux générations futures l’accroissement, l’excès des dépenses publiques.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je constate que la prévision du déficit public, qui s’élève à 2,2 % du PIB, est le double de la moyenne de la zone euro. C’est le plus faible redressement des finances publiques que nous ayons connu depuis longtemps. Cela traduit à mes yeux une dégradation de la situation. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) lui-même a souligné dans son rapport que la trajectoire suivie est en total désaccord avec la loi de programmation des finances publiques, ce qui revient à jeter le discrédit sur la « signature France ». Le CPO appelle non seulement à adopter un projet de loi de finances rectificative avant la fin de l’année, mais aussi à faire preuve de vigilance et de respect par rapport à l’engagement pris par la France dans le cadre de la loi de programmation. C’est dans cet esprit que mon amendement I-CF885 a été déposé.
Mon amendement I-CF881 vise à nous conformer à nos obligations. La France s’est engagée dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire. Nous devrions avoir un déficit public de 1,7 % du PIB, et non de 2,2 % : il y a une dérive de 0,5 point de PIB. Si nous ne respectons pas nos engagements, il ne sert à rien de signer des traités au niveau européen.
M. le président Éric Woerth. Mon amendement I-CF1073 a pour objet de modifier l’article liminaire d’une manière différente, même s’il participe du même état d’esprit. Par rapport à la loi de programmation des finances publiques, 12,6 milliards d’économies seront réalisées sur la charge de la dette, ce qui représente un montant tout à fait considérable. Il serait assez raisonnable de conserver au moins la moitié de ces économies, ce qui conduirait à un solde structurel de – 1,9 % du PIB, à peu près conforme à ce que souhaitait le Gouvernement à l’origine. C’est un appel à mieux utiliser les économies liées aux externalités dites positives.
Tous ces amendements portant sur l’article liminaire ont naturellement vocation à s’inscrire dans un autre budget que celui qui est présenté par le Gouvernement : il faudrait systématiquement modifier les dépenses et les recettes. Ce sont des amendements d’appel qui soulignent l’écart tout à fait considérable entre ce qui est prévu par notre trajectoire et ce qui est inscrit dans le projet de loi de finances.
Mme Valérie Rabault. L’amendement I-CF1194, contrairement aux précédents, vise à modifier non pas le solde effectif inscrit dans le projet de loi de finances, mais le niveau du déficit structurel. C’est un sujet compliqué dont nous débattons souvent : le déficit structurel repose sur la croissance potentielle, qui n’est jamais observable, par définition – c’est celle que l’on obtiendrait si l’on arrivait à mobiliser 100 % des facteurs de production, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Le déficit structurel donne une indication sur les efforts réalisés pour faire en sorte d’assainir les finances publiques en dehors des effets conjoncturels. Cela vise à montrer les efforts à réaliser : s’il survient une crise économique et financière, comme certains sont en train de l’annoncer, nous n’aurons aucune marge de manœuvre. J’observe que le déficit structurel a baissé continûment sous le précédent quinquennat et qu’il augmente continûment depuis 2017. Mon amendement permettra de rétablir la « vérité des prix » : le solde structurel de – 2,5 % que je propose de retenir correspond à celui qui a été calculé par la Commission européenne en suivant la même méthode, homogène, que pour les autres États membres – ce n’est pas celle du ministère des finances, même si je la respecte. Il peut y avoir plusieurs méthodes pour calculer le déficit structurel, mais si l’on veut éviter de comparer des choux et des carottes, il faut le faire en suivant la même méthodologie, en l’occurrence celle qu’utilise la Commission européenne pour faire des comparaisons entre les différents pays.
M. Charles de Courson. J’ai été très étonné que le Gouvernement ne dise rien, dans l’exposé des motifs de l’article liminaire, de la compatibilité entre les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et nos engagements européens. Comme l’a rappelé le Haut Conseil des finances publiques, nous devions réduire le déficit structurel de 0,5 point de PIB par an. Avec ce projet de loi de finances, nous aurons réalisé en trois ans une réduction de 0,2 point, alors même que nous devions passer à la vitesse supérieure. Quelle sera donc la position de la Commission européenne sur ce projet de budget ?
Je demande toujours que l’on distingue, s’agissant du solde structurel figurant à l’article liminaire, les efforts de réduction des dépenses structurelles et ceux réalisés en matière de recettes structurelles. Mon amendement I-CF396 a pour objet d’expliciter le solde structurel sur ce plan, en se fondant sur les chiffres du Gouvernement.
En 2018, on a réalisé 0,3 point d’effort structurel sur les dépenses, soit 6 ou 7 milliards d’euros, alors qu’on avait annoncé 20 milliards en juillet 2017 – on était donc très loin de l’objectif – et on a redonné 0,2 point : au total, la baisse a été de seulement 0,1 point. Cette année, la réduction du déficit structurel devrait être égale à zéro : les dépenses structurelles ont de nouveau été réduites de 0,3 point, mais on a redonné 0,3 point sur les recettes. Pour 2020, le Gouvernement nous dit que l’évolution des dépenses structurelles sera de – 0,4 point, mais que l’on redonnera 0,6 point : autrement dit, on redonnera davantage que ce qui a été économisé ! Il ne faut donc pas s’étonner qu’il n’y ait aucun redressement des finances publiques.
M. Joël Giraud, rapporteur général. En ce qui concerne l’évolution en volume de la dépense publique, je vous recommande de vous reporter au document distribué à l’entrée de la salle, et plus précisément au graphique qui figure à la page 7. Les chiffres ne mentent pas, si j’ose dire. Vous trouvez peut-être l’évolution inquiétante, mais elle est maîtrisée, ce qui est assez important.
J’ai demandé, ainsi que le président Woerth, qu’il y ait une loi de programmation des finances publiques rectificative (LPFPR). Elle interviendrait au printemps 2020, comme le Premier ministre l’a indiqué. Le Gouvernement n’est pas obligé de présenter un projet de LPFPR, mais nous lui avons dit que ce serait un bien. Nous aurions préféré que cela intervienne à l’automne, mais il a préféré que ce soit au printemps, afin de prendre en compte les effets du Brexit – on saura alors mieux où l’on en est – et les premiers éléments relatifs à la réforme des retraites. J’en prends acte. Ce que proposent mesdames Louwagie et Dalloz dans leurs amendements consiste à revenir à la trajectoire de 2018 ; or une crise sociale s’est produite entre-temps et des attentes des Français ont obtenu une réponse.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a eu aussi des recettes supplémentaires !
M. Joël Giraud, rapporteur général. Il est vrai que si nous avions adopté une LPFPR, nous ne serions pas dans cette situation de divergence. En tout état de cause, il faut prendre en compte la réalité des dispositifs que nous avons adoptés depuis un an.
Votre amendement, monsieur le président, propose quant à lui d’affecter à la réduction du déficit structurel la moitié de la différence entre la charge de la dette prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et le montant que nous devrons effectivement payer. La démarche est intellectuellement intéressante, mais elle est orthogonale avec la position du Gouvernement… Par ailleurs, il serait un peu biaisé de se borner à comparer la charge liée aux intérêts de la dette figurant dans la LPFP et le montant prévu aujourd’hui : le contexte macroéconomique était très différent en 2017 lorsque nous avons adopté la LPFP – il était beaucoup plus porteur, et il faut en tenir compte. Nous avions prévu d’affecter 46,3 milliards d’euros au service de la dette en 2020, mais la croissance devait être de 1,7 % du PIB sur cet exercice, alors que l’on devrait obtenir 1,3 %, ce qui représente dix milliards d’euros de recettes en moins. À peu près, on arrive aux 12 milliards d’euros que vous avez évoqués.
Quant à votre amendement, madame Rabault, il repose sur une idée que vous rappelez chaque année, à savoir que le solde structurel augmente depuis 2017. C’est parce que nous avons adopté des hypothèses de croissance potentielle qui sont tout simplement plus réalistes, comme le confirme le Haut Conseil des finances publiques. Voici ce qu’il disait du solde structurel de 2016 : « Les estimations de solde structurel des organisations internationales sont nettement plus élevées [que celles du Gouvernement] : le déficit structurel serait en 2016 de l’ordre d’un point de PIB plus élevé pour la Commission européenne, et de ¾ de point pour l’OCDE. »
En ce qui concerne les années 2017 à 2020, l’hypothèse de croissance potentielle retenue – 1,25 % du PIB – est reconnue comme équilibrée. Il est vrai que le solde structurel ne baissera pas entre 2019 et 2020, mais c’est le reflet de l’évolution de nos finances publiques. Je propose de conserver cette hypothèse plutôt que de prendre celle que vous suggérez.
Enfin, monsieur de Courson est revenu sur un sujet déjà évoqué par un des amendements de madame Dalloz, c’est-à-dire l’effort structurel de 0,5 point de PIB par an prévu par nos engagements européens. Je voudrais rappeler qu’il n’en serait pas question si le déficit était resté au-delà de 3 % du PIB – on ne serait pas, alors, dans le cadre du volet préventif. Je me réjouis que l’on ne soit plus dans un cadre correctif : un bel effort a été réalisé. Je précise également que la règle évoquée n’est pas aussi contraignante que le volet correctif, même si cela ne veut pas dire qu’il faille s’en écarter d’une manière trop significative et pendant trop longtemps.
Vous aurez compris que j’émets un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. Laurent Saint-Martin. Je ne sais pas si l’article liminaire est le plus important, comme l’a dit Mme Louwagie, mais il est vrai qu’il faut y consacrer un peu de temps car il raconte une bonne partie du budget.
Le rapporteur général a bien expliqué la situation : il faut assumer, du côté de la majorité, les choix qui ont été faits. Les chiffres reflètent des choix, notamment en ce qui concerne la baisse des prélèvements obligatoires – nous aurons largement l’occasion de revenir sur ce sujet. C’est cela qui modifie certaines des trajectoires qui avaient été prévues pour le déficit public ou encore la dette publique.
Cela dit, bien que les chiffres ne soient plus exactement les mêmes, il faut regarder d’un peu plus près pour voir si celles-ci restent cohérentes avec notre engagement pluriannuel. La trajectoire est-elle la bonne ? Est-ce seulement la pente qui est modifiée, et non la direction ? Je voudrais remettre les choses en perspective. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de maîtrise des dépenses publiques : il y aura certes une hausse, mais de seulement 0,7 % en 2019 et en 2020. Sur l’ensemble du quinquennat, si l’on fait un peu de prospective, la hausse de la dépense publique sera de 0,4 % en volume. Sans vouloir polémiquer, c’est deux fois mieux que pendant le quinquennat précédent et trois fois mieux que pendant celui d’avant.
Je ne le dis pas pour nous glorifier, mais pour montrer qu’il y a un effort de maîtrise de la dépense publique sans précédent, même s’il existe une hausse en volume. Il est extrêmement important de le rappeler à nos concitoyens : il ne faudrait pas laisser penser que, parce qu’il y a une modification des trajectoires, cela signifie un renoncement au sérieux budgétaire.
Par ailleurs, la dépense publique n’a pas de sens si on ne la rapporte pas au PIB, qui est lui-même en croissance : elle est passée de 55 % du PIB en 2017 à 53,8 % en 2019 et elle devrait être ramenée à 53,4 % en 2020. Le ratio diminue et c’est ce qui est important.
Je vous rejoins sur un point qui concerne la méthode, à savoir la décorrélation avec la loi de programmation des finances publiques. À partir du moment où le Gouvernement s’est engagé à en proposer la révision au printemps prochain, nous devons examiner le projet de loi de finances avec un décalage que nous sommes quelques-uns à regretter.
Mme Véronique Louwagie. Avec nos amendements, nous voulions simplement vous éviter, monsieur le rapporteur, d’avoir à faire une loi de programmation des finances publiques rectificative…
Vous avez indiqué qu’il y a eu des dépenses nouvelles à la suite du mouvement des gilets jaunes, mais il existe aussi d’autres éléments que vous n’avez pas cités : la baisse des taux d’intérêt, qui conduit à des économies importantes par rapport à la loi de programmation des finances publiques – près de 9 milliards d’euros – et la croissance du PIB.
Enfin, je voudrais corriger les propos de monsieur Saint-Martin, qui a parlé d’une augmentation de la dépense publique de 0,7 %. C’est une hausse en volume.
M. Laurent Saint-Martin. C’est bien ce que j’ai dit.
Mme Véronique Louwagie. En valeur, l’augmentation est de 1,7 % et elle représente près de 20 milliards d’euros.
M. Éric Coquerel. Je suis étonné que les débats économiques n’intègrent pas un événement majeur et inédit : la valeur de l’argent est devenue négative. La formule n’est pas de moi, mais de Nicolas Sarkozy. Dans sa foulée, avec un certain nombre d’économistes libéraux, beaucoup de gens s’étonnent à juste titre – cela fait longtemps en ce qui nous concerne, mais chacun peut trouver la lumière à un moment ou à un autre – que l’on s’en tienne toujours à la sacro-sainte règle des 3 % du PIB pour le déficit public, alors que les taux d’intérêt sont négatifs et quel que soit l’impact que cela peut avoir sur les politiques publiques, notamment en matière de transition écologique.
Pourquoi avons-nous dépassé le seuil de 3 % l’an dernier ? Parce que le Gouvernement a décidé de doubler le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ce qui représentait un déficit supplémentaire de 0,8 point de PIB. Quand il s’agit de faire des cadeaux sans contrepartie, on peut dépasser les 3 % de PIB, mais sitôt que l’on décide de revenir à des règles relevant de l’orthodoxie libérale en 2020, il faut à toute force revenir à 2,2 % !
C’est une très mauvaise politique, qui n’a pas vraiment de sens économique : quand il est possible d’emprunter à des taux d’intérêt négatifs, on peut presque penser, en poussant le raisonnement jusqu’au bout, que cela peut même diminuer la dette. En tout cas, ce que vous faites n’est pas à la hauteur du traitement de la seule dette qu’il ne faut pas léguer aux générations à venir, c’est-à-dire la dette écologique. Il faudrait un grand plan d’investissement dans la transition écologique.
Ajoutons, comme je l’ai expliqué tout à l’heure à madame Borne, qui a fait semblant de ne pas comprendre, que lorsqu’on décide de supprimer des postes dans les ministères pour appliquer la fameuse règle des 3 %, on supprime parfois des postes d’inspecteurs pour les établissements à risque sur le plan industriel ou naturel. Nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer quand les incendies se multiplieront. Cela aussi participe de l’affaiblissement de l’État.
M. le président Éric Woerth. Je voudrais simplement rappeler que la loi de programmation des finances publiques date de janvier 2018, c’est-à-dire de l’année dernière… La comparaison entre les prévisions de 2018 et celles d’aujourd’hui pour 2020 est un élément très important lorsque l’on examine l’article liminaire. Le solde retenu dans la LPFP devait être meilleur alors que l’on prévoyait 12,6 milliards d’euros de plus pour la charge des intérêts de la dette. On voit bien qu’il y a eu un changement de paradigme. Ce sont les faits, et ils sont têtus.
La commission rejette les amendements I-CF55 et I-CF885.
Puis elle rejette successivement les amendements I-CF881, I-CF1073, I-CF1194 et I‑CF396.
Ensuite de quoi, elle examine l’amendement I-CF1313 de Mme Lise Magnier.
Mme Lise Magnier. L’avis du Haut Conseil des finances publiques est précieux lorsque nous examinons le projet de loi de finances. Or cet avis ne porte que sur les recettes. L’amendement I-CF1313 tend à élargir son champ aux dépenses.
M. Joël Giraud, rapporteur général. L’idée est intéressante en soi, mais nous avons créé un Printemps de l’évaluation qui a notamment permis de poser, pour un grand nombre de missions, la question des sous-budgétisations que votre amendement évoque. Le Parlement pourrait s’enorgueillir d’adopter une démarche transversale sur ce sujet dans le cadre du Printemps de l’évaluation, pour en faire un thème majeur. Je vous propose de retirer votre amendement : je crois préférable que ce ne soit pas le Haut Conseil des finances publiques qui fasse ce travail, mais les parlementaires que nous sommes. Il me semble que c’est aussi notre rôle. Les données sont connues en la matière et nous faisons déjà le travail pour presque chaque mission.
L’amendement I-CF1313 est retiré.
La commission adopte ensuite l’article liminaire sans modification.
M. le président Éric Woerth. Monsieur Pupponi, j’ai la réponse à la question que vous m’avez posée tout à l’heure. En réalité, il s’est passé exactement la même chose que l’année dernière : vos amendements avaient été refusés en première partie, car n’y ayant pas leur place, mais ils avaient été examinés en seconde partie. Je vous invite donc à faire de même cette année.
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première partie :
conditions générales de l’équilibre financier
titre premier
dispositions relatives aux ressources
I. ‑ Impôts et ressources autorisés
A. ‑ Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts et produits existants
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État.
Il prévoit également que, sous réserve de dispositions contraires, les dispositions fiscales qu’il contient s’appliquent au 1er janvier 2020.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
La commission a adopté cet article sans modification.
I. L’AUTORISATION DE PERCEVOIR LES RESSOURCES PUBLIQUES
Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du projet de loi de finances de l’année renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.
Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par l’article 1er voit son champ précisé par le 1° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([8]), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».
L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF.
Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions…
Elle couvre les impositions de toutes natures affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.
Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au PLF relative aux évaluations des voies et moyens.
La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([9]).
Le dispositif de l’article 1er du projet de loi de finances comporte immuablement deux parties. Depuis l’adoption de la loi de finances pour 2016 ([10]), seule la date de l’exercice concerné est mise à jour.
Le I du présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État pendant l’année 2020.
Le II précise les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances. L’application par défaut de ces dispositions est fixée à compter du 1er janvier 2020.
Deux exceptions sont traditionnellement prévues :
– l’une pour l’impôt sur les sociétés prévoyant que celui-ci est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2019 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct ;
– et l’autre pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’appliquant à l’impôt dû au titre de 2019 et des années suivantes.
L’entrée en vigueur du prélèvement à la source pourrait conduire à l’extinction progressive de la deuxième exception. Toutefois, elle est encore nécessaire car certaines des dispositions de l’article 2 du présent projet de loi s’appliquent aux revenus imposés au titre de l’année 2019. En particulier, les tranches d’imposition applicables pour l’imposition des revenus de l’année 2019 sont revalorisées de 1 % afin de neutraliser les effets de l’inflation.
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La commission examine, en discussion commune, les amendements I‑CF1314, I‑CF1315 et I-CF1316 de Mme Lise Magnier.
Mme Lise Magnier. Ces amendements visent à répondre à la demande du ministre de l’action et des comptes publics, qui a invité les parlementaires à proposer des recettes supplémentaires et des baisses de dépenses. Ma collègue madame Lemoine et moi-même vous soumettons donc trois amendements dont l’objet est de baisser le plafond de l’ensemble des niches fiscales, en excluant toutefois celles qui ont trait aux outre-mer et celles qui favorisent l’emploi. L’amendement I-CF1314 vise à diminuer le plafond de 5 %, l’amendement I‑CF1315 de 3 % et l’amendement I-CF1316 de 1 %.
M. Joël Giraud, rapporteur général. Ces amendements partent d’une très bonne intention politique, mais j’y vois quand même un problème : une telle mesure risquerait d’être incantatoire, car un écrêtement des dépenses fiscales doit être effectué au cas par cas. Notre problème réside, en vérité, dans l’évaluation des dépenses fiscales. Après avoir procédé à une évaluation complète, nous pourrions avoir un débat serein sur la suppression ou le bornage de ces dépenses – le bornage est d’ailleurs une très bonne solution, dans la mesure où il impose à chaque fois une évaluation des dispositifs : voilà, selon moi, le bon système. C’est d’ailleurs le sens d’une proposition de résolution que l’Assemblée nationale a adoptée. Je vous le dis très sincèrement : je crois qu’il faut accomplir ce travail au cas par cas, même s’il est fastidieux. Or un simple coup de rabot ne le permettrait pas. Qui plus est, ce n’est pas vraiment dans l’article 1er qu’il faut le faire, car son seul objet est d’autoriser le Gouvernement à percevoir l’impôt. Je pense donc que ce travail doit être fait, mais de manière exhaustive, dépense fiscale par dépense fiscale, même si, je le reconnais, c’est très long. Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
Mme Lise Magnier. J’entends votre argument, monsieur le rapporteur général ; nous vous proposerons d’ailleurs la suppression de différentes niches fiscales lors de l’examen des articles suivants. Cela dit, et dans l’attente que le travail très fastidieux dont vous parliez puisse être accompli, je ne pense pas qu’un coup de rabot de 1 % aurait des conséquences majeures sur les chiens qui gardent ces niches… En revanche, cela permettrait de réduire un tant soit peu le déficit structurel de notre pays – à cet égard, nous avons tous des efforts à faire. Demander un effort de 1 % pour l’ensemble des niches fiscales – à l’exception de celles qui concernent les territoires d’outre-mer, dont la situation est très particulière, ou qui favorisent l’emploi –, est-ce trop ? Oui, vous avez raison, un travail minutieux nous attend, et nous commencerons d’ailleurs à le faire ensemble dans ce PLF ; mais s’il faut dix ans pour le mener à bien, je crains que la situation budgétaire de notre pays ne nous permette pas d’attendre aussi longtemps.
M. Charles de Courson. Au cours des vingt-six dernières années, j’ai déposé à plusieurs reprises des amendements similaires. Tous ceux qui ont dit qu’ils s’attaqueraient à certaines niches fiscales se sont cassé la figure. De fait, dès que vous vous attaquez à deux ou trois d’entre elles, comme on le verra un peu plus loin, les chiens bondissent de leur niche en demandant : « Pourquoi nous et pas les autres ? Expliquez-nous ! » Raboter tout le monde de 5 % ou 10 % – peu importe, à la limite, cela peut même être 1 %, cela représente tout de même un milliard d’euros environ – a un avantage : la seule façon de tenir les chiens dans les niches, c’est de les traiter tous de la même façon. Ensuite, le Gouvernement peut tout à fait calibrer les choses, niche par niche, de manière à ce que cela coûte globalement 5 % ou 10 % de moins.
Mme Olivia Grégoire. Avant de filer à mon tour la métaphore canine, je voudrais remercier madame Magnier car je trouve sa proposition intéressante ; je l’invite à ce que nous en parlions ensemble. En effet, avec plusieurs collègues de la majorité, nous avons commencé à faire ce travail niche par niche. Toutefois, et malgré les vingt-six ans d’expertise de monsieur de Courson, je précise que nous souhaitons faire exactement l’inverse de ce qu’il disait : nous ne voulons absolument pas, fût-ce à hauteur de 1 %, enclencher une dynamique de rabot. Nous pensons que, dans le cadre de la transformation publique, dont on sait combien il est difficile de la mener, il faut procéder secteur par secteur, niche par niche. C’est le travail que nous faisons, que j’ai fait personnellement – j’aurai plaisir à en reparler. J’ai croisé bon nombre de chiens, et certains n’ont pas fait que me mordre. Il est important que nous abordions de nouveau la question ; le rabot ne mène qu’à la meute… Je pense que nous pouvons faire le travail en l’abordant sous l’angle qualitatif, ensemble, et en nous appuyant sur l’expertise de certains membres, comme monsieur de Courson.
Mme Bénédicte Peyrol. Si l’on peut partager votre objectif, madame Magnier, il n’est pas possible de procéder comme vous le proposez – la preuve en est que vous-même êtes amenée, dans vos amendements, à exclure certains territoires et secteurs : il ne s’agit pas vraiment d’un dispositif global. Le choix de la majorité, dans le projet de loi de finances, est assez clair : cibler les petites niches fiscales. Comme l’a rappelé Olivia Grégoire, un important travail a été fait. Un autre objectif est de limiter dans le temps les dépenses fiscales ; là encore, nous aurons l’occasion d’en parler de nouveau au cours de l’examen du PLF. Nous voulons également sortir des dépenses fiscales défavorables à l’environnement, ce qui nécessite une méthode de travail particulière : il faut dessiner une trajectoire dans le temps, engager une discussion avec les secteurs concernés et prévoir des dispositifs d’accompagnement. Notre logique, comme le rappelait Laurent Saint-Martin, est d’assumer nos choix. S’agissant des dépenses fiscales, nous assumons aussi le choix de la méthode : suppression de certaines petites niches et des dépenses fiscales défavorables à l’environnement, mais aussi limitation des dispositifs dans le temps.
M. le président Éric Woerth. Assumer ses choix ne veut pas nécessairement dire qu’ils sont bons : ils peuvent aussi être mauvais…
M. Joël Giraud, rapporteur général. Sur le plan juridique, les choses ne peuvent pas fonctionner comme le propose madame Magnier. On ne peut pas donner un coup de rabot général. Il faudrait un amendement pour chaque dépense fiscale – pour information, on en compte 468.
M. Fabrice Brun. Cela n’a rien d’insurmontable !
M. Joël Giraud, rapporteur général. Je vous signale aussi qu’entre 2019 et 2020, il y a déjà 9 milliards de dépenses fiscales en moins, ce qui représente un effort assez important. De surcroît, dans le cadre des amendements qui ont été déposés, notamment celui dont je suis l’auteur et qui vise les « trous noirs fiscaux » – c’est-à-dire les dispositifs sur lesquels je n’ai aucune donnée et dont je ne sais ni qui ils concernent ni combien ils coûtent –, vous aurez largement l’occasion d’avaliser des diminutions bien supérieures à 1 %, puisque je propose des suppressions pures et simples, même s’il est vrai que je ne sais pas quel montant cela représente : par définition, on ne sait rien sur un trou noir fiscal, si ce n’est qu’il absorbe… (Sourires.) Du reste, les astronautes en savent plus sur les vrais trous noirs que moi sur les trous noirs fiscaux. Vous avez déposé un certain nombre d’amendements ciblés – j’ai prévu de donner à certains d’entre eux un avis favorable, en totalité ou en partie, puisqu’il s’agit quelquefois de dépenses fiscales déjà supprimées par ailleurs. Quoi qu’il en soit, n’ayez crainte : la volonté de l’ensemble de la majorité, et la mienne en particulier, est très forte dans ce domaine ; nous nous battons depuis déjà un certain temps. Je suis donc, à ce stade, défavorable à vos amendements, y compris celui qui propose de diminuer toutes les niches de 1 % – que je ne saurais du reste accepter pour des raisons juridiques.
La commission rejette successivement les amendements I-CF1314, I‑CF1315 et I‑CF1316.
La commission adopte l’article 1er sans modification.
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Article 2
Baisse de l’impôt sur le revenu (IR) à compter des revenus de l’année 2020, anticipation contemporaine de cette baisse dans le calcul des taux
de prélèvement à la source (PAS) et indexation du barème applicable
aux revenus de l’année 2019
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article porte deux catégories de mesures relatives à l’impôt sur le revenu, l’une procédant à des revalorisations traditionnelles en fonction de l’inflation, l’autre dont l’objet est d’alléger la fiscalité des ménages de 5 milliards d’euros.
I Les mesures de revalorisation
Les tranches d’imposition applicables pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019 sont revalorisées de 1 % afin de neutraliser les effets de l’inflation. Elles s’établissent ainsi :
– jusqu’à 10 064 euros pour la tranche à 0 % ;
– de 10 064 euros à 27 794 euros pour la tranche à 14 % ;
– de 27 794 euros à 74 517 euros pour la tranche à 30 % ;
– de 74 517 euros à 157 806 euros pour la tranche à 41 % ;
– à partir de 157 806 euros pour la tranche à 45 %.
Dans le même esprit, l’article procède à la revalorisation de l’abattement pour rattachement d’un enfant majeur marié ou ayant des enfants à charge (de 5 888 euros à 5 947 euros par personne prise en charge), du plafonnement des effets d’une demi-part du quotient familial de droit commun (de 1 551 à 1 567 euros), du plafonnement des effets d’une part au titre du premier enfant à charge pour les personnes seules (de 3 660 à 3 697 euros), du plafonnement des effets de la demi-part des personnes seules ayant élevé des enfants qui ne sont plus à leur charge (de 927 à 936 euros), de la réduction d’impôt des invalides, pensionnés de guerre et anciens combattants (de 1 547 à 1 562 euros maximum par demi-part pour compenser le plafonnement de droit commun), de la réduction d’impôt des contribuables veufs ayant des enfants à charge (de 1 728 euros à 1 745 euros pour compenser le plafonnement de droit commun de la part supplémentaire qui leur est attribuée), ainsi que du montant à partir duquel est calculée la décote (de 1 196 à 1 208 euros pour une personne seule et de 1 970 à 1 990 euros pour un couple).
Toujours dans le même esprit, l’article revalorise l’ensemble des bases mensuelles pour l’application du taux par défaut du prélèvement à la source.
II Les mesures pour la baisse de l’impôt sur le revenu
L’article porte également trois mesures dont l’effet combiné est de permettre une baisse d’impôt de 5 milliards d’euros en 2020 concentrée sur les contribuables dont le taux marginal relève des deux premières tranches d’imposition.
En premier lieu, l’article fixe de manière anticipée le barème applicable à l’imposition des revenus 2020. Ce barème demeure en partie provisoire car il pourra faire l’objet d’une revalorisation lors du prochain projet de loi de finances pour tenir compte de l’inflation. Le taux de la première tranche imposable est abaissé de 14 à 11 %. Les seuils d’entrée dans les deuxième et troisième tranches imposables sont abaissés respectivement à 25 669 euros (au lieu de 27 794 euros) et 73 369 euros (au lieu de 74 517 euros).
Les tranches du barème 2020 s’établissent donc ainsi :
– jusqu’à 10 064 euros pour la tranche à 0 % ;
– de 10 064 euros à 25 669 euros pour la tranche à 11 % ;
– de 25 669 euros à 73 369 euros pour la tranche à 30 % ;
– de 73 369 euros à 157 806 euros pour la tranche à 41 % ;
– à partir de 157 806 euros pour la tranche à 45 %.
En deuxième lieu, l’article supprime la réduction d’impôt au taux maximal de 20 %, devenue sans objet, en faveur des foyers fiscaux aux revenus modestes.
En troisième lieu, l’article modifie les effets de la décote en adaptant ses paramètres dans le contexte de baisse de la charge fiscale.
Dernières modifications législatives intervenues
Chaque loi de finances initiale comporte un article procédant à un ajustement du barème de l’IR, qui le revalorise dans des proportions plus ou moins importantes que l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac.
Le barème de l’impôt sur le revenu comporte, depuis la loi de finances pour 2015 (1) et la suppression de la tranche à 5,5 %, cinq tranches dont les taux n’ont, depuis, fait l’objet d’aucune modification.
La décote et la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources constituent deux mécanismes permettant de lisser l’entrée dans l’imposition ou d’alléger la charge fiscale en bas de barème. La décote a souvent évolué entre 1982 (2), année de sa création, et aujourd’hui. La réduction d’impôt n’a pas été modifiée depuis sa création en loi de finances pour 2017 (3) .
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel du Rapporteur général.
(1) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.
(2) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, article 12 instaurant le mécanisme de la décote.
(3) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.
I. L’état du droit
A. Le mode de calcul de l’impôt sur le revenu
L’impôt sur le revenu est un impôt progressif. Le taux d’imposition croît en fonction du niveau du revenu net imposable.
Pour calculer l’impôt, il faut diviser le revenu net imposable par le nombre de parts du foyer fiscal. La fraction imposable est ensuite soumise au barème suivant.
Barème 2018
Tranche |
Taux |
Jusqu’à 9 964 € |
0 % |
De 9 964 € à 27 519 € |
14 % |
De 27 519 € à 73 779 € |
30 % |
De 73 779 € à 156 244 € |
41 % |
À partir de 156 244 € |
45 % |
Source : article 197 du code général des impôts.
Le chiffre obtenu est multiplié par le nombre de parts. Autrement dit, à même niveau de revenus, la progressivité de l’impôt sur le revenu est atténuée pour un foyer disposant d’un plus grand nombre de parts fiscales.
Cependant, les effets du quotient familial sont plafonnés à 1 551 euros pour chaque demi-part additionnelle à la part d’une personne seule ou aux deux parts d’un couple. Par exception, ils sont plafonnés :
– à 4 830 euros pour la part supplémentaire correspondant au maintien du quotient conjugal des contribuables veufs et ayant au moins un enfant à charge ([11]) ;
– à 3 600 euros pour la première part accordée au titre du premier enfant à charge des célibataires, divorcés, séparés ou veufs vivant seuls ;
– à 3 098 euros par demi-part à raison d’une invalidité, de la qualité de pensionné de guerre ou d’anciens combattants ([12]) ;
– à 927 euros pour la demi-part des célibataires, divorcés, séparés ou veufs sans personne à charge, vivant seuls, mais ayant élevé seuls pendant au moins cinq années un ou plusieurs enfants.
Dans le même esprit d’atténuation de l’impôt au titre des charges familiales, il est prévu un abattement de 5 888 euros par personne prise en charge au titre du rattachement au foyer fiscal d’un enfant marié, pacsé ou chargé de famille.
L’impôt brut résultant de l’application du barème peut faire l’objet d’une décote s’il est inférieur à 1 595 euros pour une personne seule, ou 2 627 euros pour un couple. Cette décote est égale :
– pour une personne seule, à la différence entre 1 196 euros et le montant de l’impôt brut ;
– pour un couple, à la différence entre 1 970 euros et le montant de l’impôt brut.
Après application de cette décote, une réfaction d’impôt en faveur des ménages aux revenus modestes est appliquée. Pour 2018, cette réfaction intervient dès lors que le revenu fiscal de référence du foyer est inférieur à 21 037 euros pour la première part, 42 073 euros pour les deux premières parts, majoré de 3 797 euros par demi-part supplémentaire.
Elle est égale à 20 % jusqu’à un revenu fiscal de référence de 18 985 euros pour la première part, 37 969 euros pour les deux premières parts, majoré de 3 797 euros par demi-part supplémentaire. Au-delà de ces seuils, elle est dégressive et s’éteint lorsque le revenu fiscal de référence atteint le plafond d’application de cette réfaction.
L’impôt peut ensuite faire l’objet de divers crédits et réductions d’impôt qui ne sont pas l’objet du présent article.
B. Des réformes successives visant à alléger la charge fiscale des ménages aux revenus modestes et moyens
1. Les récentes évolutions du barème de l’IR
a. Une tendance à l’allégement de l’imposition en bas de barème depuis 2014
De manière générale, depuis 2014, les différentes mesures contenues dans les lois de finances ont allégé l’imposition sur le revenu, en particulier en « bas » de barème.
Le calcul de l’IR se fait en appliquant, au revenu imposable d’un foyer fiscal, le barème défini à l’article 197 du CGI. Le barème s’applique par part de quotient familial ([13]) et le montant de l’impôt ainsi obtenu est ensuite multiplié par le nombre de parts du foyer. Les modalités d’attribution des parts de quotient familial sont précisées aux articles 194 et 195 du CGI.
Ce dernier a fait, depuis le début des années 1980, l’objet de plusieurs modifications concernant à la fois le nombre et les taux d’imposition des différentes tranches, comme l’illustre notamment le tableau ci-dessous.
Nombre de tranches et taux marginaux d’imposition du barème
de l’impôt sur le revenu
(en %)
|
1983 |
1988 |
1994 |
2006 |
2007 |
2014 |
2015 |
Tranche 1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Tranche 2 |
5 |
5 |
12 |
6,83 |
5,5 |
5,5 |
14 |
Tranche 3 |
10 |
9,6 |
25 |
19,14 |
14 |
14 |
30 |
Tranche 4 |
15 |
14,4 |
35 |
28,26 |
30 |
30 |
41 |
Tranche 5 |
20 |
19,2 |
45 |
37,38 |
40 |
40 |
45 |
Tranche 6 |
25 |
24 |
50 |
42,62 |
|
45 |
|
Tranche 7 |
30 |
28,8 |
56,8 |
48,09 |
|
|
|
Tranche 8 |
35 |
33,6 |
|
|
|
|
|
Tranche 9 |
40 |
38,4 |
|
|
|
|
|
Tranche 10 |
45 |
43,2 |
|
|
|
|
|
Tranche 11 |
50 |
49 |
|
|
|
|
|
Tranche 12 |
55 |
53,9 |
|
|
|
|
|
Tranche 13 |
60 |
56,8 |
|
|
|
|
|
Tranche 14 |
65 |
|
|
|
|
|
|
Source : IPP, avril 2014 et commission des finances.
Dernières modifications substantielles du barème, la loi de finances pour 2015 ([14]) a supprimé la tranche à 5,5 % applicable à la fraction du revenu imposable comprise entre 6 011 et 11 991 euros et a modifié le seuil d’entrée dans la tranche à 14 % – et donc le seuil d’entrée dans l’imposition – en l’abaissant de 11 991 à 9 690 euros. Cet ajustement a permis d’étendre le bénéfice de l’allégement d’impôts à « davantage de ménages des classes moyennes » ([15]), tout en « neutralis[ant] l’allégement d’impôt procuré par la suppression de cette tranche pour les contribuables situés dans les tranches suivantes » ([16]).
b. La revalorisation annuelle des seuils des tranches du barème, une pratique traditionnelle
Traditionnellement, chaque loi de finances revalorise les seuils en euros des différentes tranches du barème de l’IR à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac anticipé pour l’année au cours de laquelle est présentée la loi de finances. Ajustement courant, l’indexation du barème de l’IR sur l’évolution des prix s’est appliquée de façon quasi continue depuis 1969, de manière différenciée selon les tranches du barème dans un premier temps, puis de manière indifférenciée, c’est-à-dire en appliquant à l’ensemble des tranches du barème le même taux, depuis 1981.
Depuis cette date, le principe de l’indexation annuelle du barème de l’IR sur l’évolution de l’inflation constitue une mesure consensuelle de préservation du pouvoir d’achat eu égard à la pression fiscale – mesure reconduite, sauf exceptions limitées, chaque année en loi de finances initiale.
Dans un contexte économique et budgétaire contraint, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([17]) a procédé au gel des seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et des années suivantes, permettant ainsi des recettes supplémentaires de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 ([18]) n’est pas revenue sur le gel et ce n’est qu’avec la loi de finances pour 2014 ([19]) que la pratique de l’indexation est réapparue.
Depuis 2013, chaque loi de finances initiale a ainsi procédé à une revalorisation des tranches du barème de l’IR, respectivement, de 0,8 % ([20]), 0,5 % ([21]), 0,1 % ([22]), 0,1 % ([23]), 1 % ([24]) et de 1,6 % ([25])
Évolution du taux d’inflation et de l’indexation du barème
de l’Impôt sur le revenu depuis 2011
Année N |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Indexation du barème réalisée en PLF de l’année N |
1,5 % |
0 % (gel du barème) |
0 % (gel du barème) |
0,8 % |
0,5 % |
0,1 % |
0,1 % |
1 % |
1,6 % |
Coût de la mesure en année N (pertes de recettes d’IR) (en millions d’euros) |
1 100 |
0 |
0 |
700 |
485 |
100 |
100 |
1 100 |
1 176 |
Source : commission des finances.
L’inflation constatée peut s’avérer légèrement différente du taux d’indexation du barème car il est établi sur la base d’une prévision d’inflation associée au projet de loi de finances. Au cours des dernières années, l’écart entre l’inflation anticipée et l’inflation constatée n’a in fine jamais dépassé 0,1 point.
Après la revalorisation opérée par l’article 2 de la loi de finances pour 2019 ([26]), le barème applicable aux revenus réalisés ou perçus en 2018, avant application du crédit d’impôt de modernisation du recouvrement, est le suivant.
barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2018
Jusqu’à 9 964 euros |
0 % |
9 964 euros – 27 519 euros |
14 % |
27 519 euros – 73 779 euros |
30 % |
73 779 euros – 156 244 euros |
41 % |
Fraction supérieure à 156 244 euros |
45 % |
Source : Article 197 du CGI.
● L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution du niveau des prix permet de maintenir constante la pression fiscale qui pèse sur les contribuables, c’est-à-dire le rapport entre l’impôt dû et le revenu. Elle « neutralise » les effets liés à l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.
A contrario, si le barème n’évoluait pas dans les mêmes proportions que le niveau des prix, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait. La progressivité du barème impliquerait qu’une part plus importante de leurs revenus soit soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis et leur taux marginal pourrait, le cas échéant, lui-même augmenter. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre. L’indexation est donc toujours une mesure favorable aux contribuables.
2. La décote, un mécanisme permettant un allégement dégressif en bas de barème
● Introduite par la loi de finances pour 1982 ([27]) au bénéfice de certains contribuables isolés (disposant d’une part ou d’une part et demie de quotient familial), la décote est un mécanisme qui vise à annuler ou minorer le montant de l’impôt dû et contribue à lisser l’entrée dans l’imposition en allégeant la pression fiscale pour les personnes dont les revenus se situent dans les premières tranches du barème de l’IR. Elle concerne, depuis la loi de finances pour 1987 ([28]), tous les contribuables.
La décote a, depuis plus de trente-cinq ans, fait l’objet de plusieurs modifications de ses caractéristiques et paramètres. Bien implanté dans le paysage fiscal et dans le mode de calcul de l’IR, elle reste un élément de la mécanique de l’impôt sur le revenu indissociable des évolutions structurantes du barème de l’IR. Ainsi, à titre d’illustration, la dernière réforme significative du barème de l’impôt intervenue en loi de finances pour 2015 s’est-elle accompagnée d’une modification paramétrique de la décote.
● Codifié à l’article 197 du CGI (a du 4), le mécanisme de la décote consiste à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif figurant dans le même article de la différence entre un montant fixe et une fraction du montant de l’impôt précité, lesquels sont fixés à l’article 197 du CGI. Les montants associés à la décote sont fixés à l’article 197 et évoluent traditionnellement chaque année dans les mêmes proportions que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.
Plusieurs exceptions à cette pratique courante sont à relever : après avoir été gelés pour l’imposition des revenus de 2011, dans un contexte économique et budgétaire contraint, les montants relatifs à la décote ont fait l’objet de plusieurs revalorisations exceptionnelles. La loi de finances pour 2013 ([29]) a augmenté de 9 % le montant de la décote ([30]) et la loi de finances pour 2014 ([31]) a procédé à une revalorisation de 5,8 %, soit des hausses plus importantes que l’inflation, permettant à certains contribuables de « sortir » du barème et à d’autres d’alléger notablement le montant de leur imposition.
Pour l’imposition des revenus de 2013, le montant et la fraction utilisés pour l’application de la décote s’élevaient respectivement à 508 euros et ½. La loi de finances pour 2015 ([32]) et la loi de finances pour 2016 ([33]) ont profondément modifié le mécanisme en le « conjugalisant » ([34]), d’une part, et en en renforçant l’ampleur, d’autre part.
La décote permet-elle actuellement, après la revalorisation des montants résultant de l’article 2 de la loi de finances pour 2019 :
– pour les célibataires, divorcés ou veufs, de réduire le montant de l’impôt issu du barème progressif de la différence entre 1 196 euros et les ¾ de son montant ;
– pour les contribuables soumis à une imposition commune, de réduire le montant de l’impôt issu du barème progressif de la différence entre 1 970 euros et les ¾ de son montant.
Évolution de la décote depuis 2009
Année |
2009 (revenus de 2008) |
2010 (revenus de 2009) |
2011 (revenus de 2010) |
2012 (revenus de 2011) |
2013 (revenus de 2012) |
2014 (revenus de 2013) |
Montant de référence de la décote (en euros) |
431 |
433 |
439 |
439 |
480 |
508 |
Fraction du montant d’impôt à déduire |
½
|
½
|
½
|
½
|
½
|
½
|
Source : loi de finances.
Évolution de la décote depuis 2015
Année |
2015 (revenus de 2014) |
2016 (revenus de 2015) |
2017 (revenus de 2016) |
2018 (revenus de 2017) |
2019 (revenus de 2018) |
Montant de la décote pour une personne seule (en euros) |
1 135 |
1 165 |
1 165 |
1 177 |
1 196 |
Montant de la décote pour les contribuables soumis à une imposition commune (en euros) |
1 870 |
1 920 |
1 920 |
1 939 |
1 970 |
Fraction du montant d’impôt |
Montant total de l’impôt (*)
|
3/4 |
3/4 |
3/4 |
3/4 |
(*) « Le montant de l’impôt résultant de l’application des dispositions précédentes est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 1 135 € et son montant pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et de la différence entre 1 870 € et son montant pour les contribuables soumis à imposition commune. », article 197 CGI dans sa version résultant de l’article 2 de la loi de finances pour 2015.
Source : loi de finances.
Les différentes modifications apportées à la décote n’ont jamais remis en cause sa pertinence ni son principe : la décote permet un allégement de l’imposition de moins en moins important au fil de l’augmentation de l’impôt dû.
3. Plusieurs dispositifs de réduction d’impôt sous conditions de ressources plus ou moins pérennes
a. La réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en faveur des ménages aux revenus modestes au titre de l’impôt dû en 2014
« Afin d’alléger l’IR dû en 2014 par les ménages titulaires de revenus modestes » et de « compenser les effets du gel du barème de l’IR au titre des années 2011 et 2012, qui a eu pour conséquence une progression du nombre de foyers imposés » ([35]), la première loi de finances rectificative (LFR) pour 2014 ([36]) a créé une réduction d’impôt exceptionnelle au titre des revenus réalisés ou perçus au cours de l’année 2013.
Ainsi, sous réserve de remplir les conditions de ressources retenues ([37]), les contribuables concernés ont bénéficié d’un avantage fiscal dont le montant, fixe, s’élevait à 350 euros pour les personnes seules et au double de ce montant, soit 700 euros, pour les couples.
Cette mesure exceptionnelle a permis à 4,06 millions de foyers fiscaux de bénéficier d’un allégement effectif voire d’une annulation d’imposition.
b. La réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources
La loi de finances pour 2017 a introduit un mécanisme pérenne d’allégement de l’impôt destiné, lors de sa mise en œuvre, aux foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (RFR) est inférieur à 20 500 euros pour les contribuables seuls et à 41 000 euros pour les couples ([38]) – ces plafonds étant majorés de 3 700 euros par demi-part supplémentaire de quotient familial à partir de la troisième et de la moitié de cette somme par quart de part supplémentaire.
L’avantage fiscal prend la forme d’une réduction d’impôt d’un taux de 20 % jusqu’à certains seuils de RFR, fixés au b du 4 de l’article 197 du CGI, et décroît ensuite progressivement dans le cadre d’un mécanisme de lissage permettant une sortie en sifflet du dispositif.
Les plafonds de revenus conditionnant le bénéfice de l’allégement de l’imposition (réduction d’impôt de 20 % et lissage) sont révisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, conformément au dernier alinéa du b du 4 de l’article 197 du CGI. Les tableaux ci-après présentent l’état de ce dispositif pérenne s’agissant de l’imposition des revenus de 2018.
Évolution des seuils et montants associés à la réduction d’impôt de 20 % sous condition de ressources
Seuil |
Revenus de 2016 (en euros) |
Revenus de 2017 (en euros) |
Revenus de 2018 (en euros) |
|
Éligibilité à la réduction d’impôt de 20 % |
Seuil de RFR pour la première part de quotient familial (contribuable célibataire, divorcé ou veuf) |
20 500 |
20 705 |
21 036 |
Seuil de RFR pour les deux premières parts de quotient familial (couple soumis à imposition commune) |
41 000 |
41 410 |
42 073 |
|
Seuil au-delà duquel l’avantage associé à la réduction d’impôt décroît linéairement |
Seuil de RFR pour la première part de quotient familial (contribuable célibataire, divorcé ou veuf) |
18 500 |
18 685 |
18 984 |
Seuil de RFR pour les deux premières parts de quotient familial (couple soumis à imposition commune) |
37 000 |
37 370 |
37 968 |
|
Montants des majorations applicables à tous les bénéficiaires de la réduction d’impôt |
Majoration pour les demi-parts suivantes |
3 700 |
3 737 |
3 797 |
Majoration pour les quarts de parts suivants |
1 850 |
1 869 |
1 898 |
Source : commission des finances.
C. Des modalités de détermination de l’IR complexes et Des taux marginaux DEMEURANT paradoxalement élevés en bas de barème
1. Un cumul de mécanismes d’allégement de l’imposition favorable aux contribuables mais peu lisible
Sous réserve des différents abattements et mécanismes qui visent à alléger la cotisation d’impôt due par un foyer fiscal, le montant de l’impôt est calculé en appliquant aux revenus déclarés le barème progressif figurant à l’article 197 du CGI, après déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels.
Il résulte de ce barème que seule la partie des revenus imposables supérieure au seuil d’entrée dans le barème peut faire l’objet d’une imposition. Ce seuil est actuellement fixé à 9 964 euros.
La décote et la réduction d’impôt sous condition de ressources permettent de retarder ou de lisser l’entrée dans le barème. Ces deux mécanismes s’appliquent successivement et peuvent se cumuler jusqu’à un certain niveau de revenus. Il en résulte un allégement, parfois significatif, de la cotisation d’impôt due, au prix toutefois d’une complexité et d’une moindre lisibilité de l’imposition des foyers dont les revenus sont les plus modestes et qui se trouvent en « bas de barème ».
Synthèse des effets de la décote au titre des revenus de 2018
Niveau de RFR (en euros) |
Application de la décote |
Effets de la décote |
|
Personne seule |
Couple soumis à imposition commune |
||
≤ 15 154 |
≤ 28 275 |
Oui |
Cotisation d’impôt nulle |
≤ 21 353 |
≤ 36 688 |
Oui |
Cotisation d’impôt allégée |
Source : commission des finances.
Synthèse des effets de la réduction d’impôt sous condition de ressources au titre des revenus de 2018
Niveau de RFR (en euros) |
Application de la réduction d’impôt |
Caractéristiques de la réduction d’impôt |
|
Personne seule |
Couple soumis à imposition commune |
||
≤ 18 984 (1) |
≤ 37 968 (1) |
Oui |
20 % du montant de la cotisation d’impôt |
≤ 21 036 |
≤ 42 073 |
Oui |
Modalités spécifiques de calcul (réduction linéaire de l’avantage) |
(1) Les montants peuvent varier d’une ou deux unités en fonction des règles d’arrondis utilisées.
Source : commission des finances.
2. La « dégradation de la structure du bas de barème » (Évaluations préalables)
Comme l’indique l’Évaluation préalable, l’instauration, par la loi de finances pour 2017 de la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources a permis de réduire d’un peu moins de 5 points le taux marginal d’imposition dans la zone d’application de la décote, le portant de 24,5 % à 19,6 %.
Seuls les contribuables dont les ressources leur permettent de bénéficier de la réduction d’impôt au taux de 20 % sont toutefois concernés. Ceux qui bénéficient, au titre de ce mécanisme, d’un allégement d’impôt mais qui relèvent du mécanisme de lissage présenté supra, se trouvent, en revanche, dans une situation moins favorable et connaissent des taux marginaux d’imposition plus élevés encore.
Au-delà de l’incohérence entre les objectifs d’allégement de l’imposition pour les contribuables appartenant aux classes moyennes, régulièrement réaffirmés depuis 2014 et l’existence de taux marginaux d’imposition élevés, cet effet « indésirable » observable pour certains contribuables peut avoir des conséquences économiques peu souhaitables. En effet, l’incitation, pour un contribuable, à maintenir ou accroître son activité professionnelle est d’autant plus faible que le taux marginal d’imposition applicable aux revenus supplémentaires réalisés est élevé.
D. Un IR désormais prélevé à la source
● La réforme du mode de collecte de l’impôt par le prélèvement à la source, initiée par le précédent Gouvernement, a été adoptée à l’article 60 de la loi de finances pour 2017 ([39]). Elle devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2018.
Afin d’en assurer la mise en œuvre dans des conditions parfaitement sécurisées, le Gouvernement, habilité par le Parlement dans la loi du 15 septembre 2017 ([40]) à procéder par voie d’ordonnance, a décalé d’une année l’entrée en vigueur de la réforme. L’ordonnance promulguée le 22 septembre 2017 ([41]) a ainsi reporté l’entrée en vigueur du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019.
● La mise en œuvre du prélèvement à la source, dont Cendra Motin a présenté, le 17 juillet 2019, un premier bilan très positif, dans le cadre de l’examen du rapport sur l’application des mesures fiscales (RALF) ([42]) permet notamment « de supprimer l’essentiel du décalage d’une année qui existait auparavant entre la perception des revenus et le paiement de l’IR correspondant, ce qui pouvait être source de difficultés financières pour un nombre important de contribuables » ([43]).
1. Les modalités de détermination du taux du PAS
a. Le taux synthétique propre à chaque foyer fiscal
● Le PAS est liquidé, conformément à l’article 204 E du CGI, en appliquant à l’assiette des revenus qui sont inclus dans le champ du PAS un taux synthétique correspondant à la situation individuelle de chaque foyer fiscal. Ce taux est calculé par l’administration fiscale dans les conditions notamment précisées à l’article 204 H du CGI.
De manière schématique, le taux du PAS est établi en faisant le rapport entre l’impôt correspondant aux revenus relevant du PAS et le montant de ces revenus.
Note de lecture. Les RI&CI désignent les réductions et crédits d’impôt ; les abréviations PVM et RCM désignent respectivement les plus-values mobilières et les revenus de capitaux mobiliers.
Compte tenu du calendrier de déclaration des revenus, les montants de l’impôt et des revenus pris en compte dans le calcul du taux du PAS (figurant respectivement au numérateur et au dénominateur de la formule) pour une année N sont ceux de l’année N–2 pour la période allant du 1er janvier au 31 août de l’année N et ceux de l’année N–1 pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre de l’année N.
Concrètement, cela implique que l’administration fiscale effectue un nouveau calcul du taux propre à chaque foyer fiscal, une fois portés à sa connaissance, via la déclaration des revenus de l’année N-1 effectuée au cours du printemps de l’année N, les derniers éléments relatifs aux revenus réalisés et perçus par ledit foyer fiscal. Ces modalités de calcul s’appliquent tant aux versements des acomptes contemporains qu’aux retenues à la source. Pour mémoire, pour les revenus inclus dans le champ du PAS autres que les traitements et salaires et pensions notamment, l’impôt fait l’objet d’acomptes dits contemporains, calculés par l’administration fiscale et payés mensuellement ou trimestriellement par les contribuables concernés.
REVENUS INCLUS ET EXCLUS DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE
Revenus dans le champ du prélèvement à la source |
Revenu hors du champ du prélèvement à la source |
|
Retenue à la source |
Acompte contemporain |
|
Traitements et salaires |
Bénéfices industriels et commerciaux (BIC) |
Plus-values mobilières (PVM) |
Pensions de retraite |
Bénéfices non commerciaux (BNC) |
Plus-values immobilières (PVI) |
Indemnités journalières de sécurité sociale, allocations chômage |
Bénéfices agricoles (BA) |
Revenus de capitaux mobiliers (RCM) |
Indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail (pour leur part imposable) |
Revenus fonciers
|
Stock-options, attribution d’actions gratuites (AGA), carried interest, bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) |
Participation, intéressement |
Rentes viagères à titre onéreux (RVTO) |
Indemnités pour préjudice moral supérieures à un million d’euros |
Rentes viagères à titre gratuit |
Par exception, pensions alimentaires, salaires et pensions versés par des débiteurs établis à l’étranger |
Revenus de non-résidents soumis à une retenue à la source et revenu de source étrangère ouvrant droit à un crédit d’impôt |
Source : commission des finances, Valérie Rabault, Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2017, tome III, Assemblée nationale, XVe législature, n° 4125, 13 octobre 2016.
● Par ailleurs, plusieurs modifications intervenant dans la situation des contribuables sont susceptibles de modifier le calcul du taux du PAS, dès lors qu’ils sont notifiés à l’administration dans un délai de soixante jours à compter de la survenue d’une telle modification. Énumérés à l’article 204 I du CGI, les événements concernés sont notamment ceux qui ont un impact sur la composition du foyer fiscal : mariage ou conclusion d’un pacte civil de solidarité (PACS), décès d’un membre du foyer fiscal, divorce ou rupture d’un PACS, naissance, adoption ou recueil d’un enfant mineur.
Enfin, le montant du PAS peut faire l’objet, de la part du contribuable, de demandes de modulations, à la hausse et, dans certains cas également, à la baisse, dans les conditions prévues à l’article 204 J du CGI.
b. Le taux par défaut
Le taux de la retenue à la source que doivent effectuer les collecteurs est calculé par l’administration fiscale selon les modalités définies à l’article 204 H du CGI (cf. supra). Toutefois, lorsque le débiteur ne dispose pas du taux individualisé ou lorsque l’administration n’est pas en mesure de transmettre un taux suffisamment « à jour » de la situation fiscale du contribuable ([44]) (entrée dans la vie active pour les étudiants, retour de l’étranger, par exemple), il est fait application des grilles de taux dit « par défaut », prévues aux a à c du III de l’article 204 H du CGI.
Trois grilles, respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du même 1), en Guyane et à Mayotte (c du même 1), précisent le taux applicable. Les grilles spécifiques aux territoires ultra-marins tiennent compte des effets de la réduction plafonnée de 30 % ou 40 %, selon les cas, opérée sur l’impôt des contribuables qui y sont domiciliés ([45]). Toutes les grilles ont fait l’objet d’ajustements de nature technique dans la loi de finances pour 2019 et ont vocation à être revalorisées chaque année.
II. Le droit proposé
Le présent article procède à la traditionnelle indexation du barème sur l’inflation (barème 2019). Il procède également à une transformation du barème pour 2020 dans le but de réduire l’impôt sur le revenu et de concentrer cette réduction sur les contribuables dont le taux marginal d’imposition relève des deux premières tranches imposables.
BarÈme de l’IR
État du droit |
|
Droit proposé |
|
Droit proposé |
|||
2018 |
2019 |
2020 |
|||||
Tranche |
Taux |
Tranche |
Taux |
Tranche |
Taux |
||
Jusqu’à 9 964 € |
0 % |
Jusqu’à 10 064 € |
0 % |
Jusqu’à 10 064 € |
0 % |
||
De 9 964 € à 27 519 € |
14 % |
De 10 064 € à 27 794 € |
14 % |
De 10 064 € à 25 669 € |
11 % |
||
De 27 519 € à 73 779 € |
30 % |
De 27 794 € à 74 517 € |
30 % |
De 25 669 € à 73 369 € |
30 % |
||
De 73 779 € à 156 244 € |
41 % |
De 74 517 € à 157 806 € |
41 % |
De 73 369 € à 157 806 € |
41 % |
||
À partir de 156 244 € |
45 % |
À partir de 157 806 € |
45 % |
À partir de 157 806 € |
45 % |
Source : article 197 du code général des impôts, et présent article.
A. une traditionnelle indexation du barème de l’IR sur l’inflation
1. La revalorisation du barème de l’IR
Le présent article procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu en revalorisant chacune des limites des tranches de 1 %. Ce taux correspond à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac de 2019 par rapport à 2018, qui figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.
barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2019
Jusqu’à 10 064 euros |
0 % |
10 064 euros – 27 794 euros |
14 % |
27 794 euros – 74 517 euros |
30 % |
74 517 euros – 157 806 euros |
41 % |
Fraction supérieure à 157 806 euros |
45 % |
Source : commission des finances.
2. La revalorisation concomitante de certains seuils et montants conditionnant le bénéfice de certains dispositifs fiscaux
● L’indexation du barème est également une référence pour l’évolution d’autres types de montants conditionnant, selon les cas, une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage fiscal. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.
Parmi les principaux dispositifs indexés concernant l’impôt sur le revenu, figurent notamment :
– l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, applicable en fonction de seuils de revenus définis ([46]) ;
– le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions de retraite ([47]) ;
– le plafond de la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels ([48]) ;
– le seuil de RFR associé au bénéfice du taux nul en matière de prélèvement à la source ([49]).
En matière de fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du CGI définissent actuellement, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d’abattement, utilisés pour différents régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation (TH) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette revalorisation emporte des conséquences sur l’assujettissement à la contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total ou partiel de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de TH.
● La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne de celle des différents montants utilisés pour le calcul des avantages retirés du quotient familial et du montant de la décote.
a. Les plafonds applicables au quotient familial
Visant à corriger la progressivité du barème de l’impôt en fonction de la situation de famille et des charges du foyer fiscal, le quotient familial a pour conséquence d’alléger, à revenu égal, la charge fiscale pesant sur les familles par rapport à celle des redevables taxés sur un nombre de parts inférieur, en permettant d’imposer les revenus ainsi fractionnés dans des tranches plus basses.
Depuis la loi de finances pour 1982 ([50]), l’avantage fiscal qui résulte de l’application du quotient familial est plafonné, de sorte que, pour les contribuables soumis au plafonnement, cet avantage tend à diminuer, en valeur relative par rapport à l’impôt dû, à mesure que le revenu augmente. Ainsi, le plafonnement bénéficie plus fortement aux contribuables dont les revenus sont les moins élevés.
Le 2° du B du I du présent article procède à l’indexation des plafonds de l’avantage retiré de l’application des différentes parts et demi-parts qui composent le quotient familial.
Indexation de plafonds associÉs au calcul de l’impôt sur le revenu
(en euros)
Objet de la limite ou du seuil |
Pour l’imposition des revenus de 2018 |
Pour l’imposition des revenus de 2019 |
Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial |
1 551 |
1 567 |
Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du CGI |
3 660 |
3 697 |
Plafond de l’avantage retiré de la demi part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des a, b et e du 1 de l’article 195 du CGI |
927 |
936 |
Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des c, d, d bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI |
1 547 |
1 562 |
Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194 |
1 728 |
1 745 |
Source : commission des finances.
Par ailleurs, le rattachement au foyer fiscal d’un enfant majeur marié, pacsé ou chargé de famille, de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’il poursuit ses études, ouvre droit à un abattement sur le revenu imposable, en application de l’article 196 B du CGI. Le A du I du présent article fixe, selon les mêmes modalités de revalorisation, le montant de l’abattement à 5 947 euros pour l’imposition des revenus de 2019 ([51]).
b. La revalorisation des grilles du taux par défaut du PAS
Conformément à l’article 2 de la loi de finances pour 2019 ([52]), les limites de chacune des tranches des grilles prévues aux a à c du 1 du III de l’article 204 H du CGI sont révisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.
Le D du I du présent article procède, par conséquent, à cette revalorisation de 1 % ainsi qu’à des aménagements des taux applicables, comme l’illustrent les tableaux ci-dessous.
Grille du taux « par défaut » pour les contribuables domiciliés
en métropole
Droit existant |
Dispositif proposé |
||
Base mensuelle de prélèvement |
Taux proportionnel |
Base mensuelle de prélèvement |
Taux proportionnel |
Inférieure à 1404 € |
0 % |
Inférieure à 1 418 € |
0 % |
Supérieure ou égale à 1 404 et inférieure à 1 457 € |
0,5 % |
Supérieure ou égale à 1 418 € et inférieure à 1 472 € |
0,5 % |
Supérieure ou égale à 1 457 € et inférieure à 1 551 € |
1,5 % |
Supérieure ou égale à 1 472 € et inférieure à 1 567 € |
1,3 % |
Supérieure ou égale à 1 551 € et inférieure à 1 656 € |
2,5 % |
Supérieure ou égale à 1 567 € et inférieure à 1 673 € |
2,1 % |
Supérieure ou égale à 1 656 € et inférieure à 1 769 € |
3,5 % |
Supérieure ou égale à 1 673 € et inférieure à 1 787 € |
2,9 % |
Supérieure ou égale à 1 769 € et inférieure à 1 864 € |
4,5 % |
Supérieure ou égale à 1 787 € et inférieure à 1 883 € |
3,5 % |
Supérieure ou égale à 1 864 € et inférieure à 1 988 € |
6 % |
Supérieure ou égale à 1 883 € et inférieure à 2 008 € |
4,1 % |
Supérieure ou égale à 1 988 € et inférieure à 2 578 € |
7,5 % |
Supérieure ou égale à 2 008 € et inférieure à 2 376 € |
5,3 % |
Supérieure ou égale à 2 578 € et inférieure à 2 797 € |
9 % |
Supérieure ou égale à 2 376 € et inférieure à 2 720 € |
7,5 % |
Supérieure ou égale à 2 797 € et inférieure à 3 067 € |
10,5 % |
Supérieure ou égale à 2 720 € et inférieure à 3 098 € |
9,9 % |
Supérieure ou égale à 3 067 € et inférieure à 3 452 € |
12 % |
Supérieure ou égale à 3 098 € et inférieure à 3 487 € |
11,9 % |
Supérieure ou égale à 3 452 € et inférieure à 4 029 € |
14 % |
Supérieure ou égale à 3 487 € et inférieure à 4 069 € |
13,8 % |
Supérieure ou égale à 4 029 € et inférieure à 4 830 € |
16 % |
Supérieure ou égale à 4 069 € et inférieure à 4 878 € |
15,8 % |
Supérieure ou égale à 4 830 € et inférieure à 6 043 € |
18 % |
Supérieure ou égale à 4 878 € et inférieure à 6 104 € |
17,9 % |
Supérieure ou égale à 6 043 € et inférieure à 7 780 € |
20 % |
Supérieure ou égale à 6 104 € et inférieure à 7 625 € |
20 % |
Supérieure ou égale à 6 037 et inférieure à 10 562 € |
24 % |
Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 10 583 € |
24 % |
Supérieure ou égale à 10 562 € et inférieure à 14 795 € |
28 % |
Supérieure ou égale à 10 583 € et inférieure à 14 333 € |
28 % |
Supérieure ou égale à 14 795 € et inférieure à 22 620 € |
33 % |
Supérieure ou égale à 14 333 € et inférieure à 22 500 € |
33 % |
Supérieure ou égale à 22 620 € et inférieure à 47 717 € |
38 % |
Supérieure ou égale à 22 500 € et inférieure à 48 196 € |
38 % |
Supérieure ou égale à 47 717 € |
43 % |
Supérieure ou égale à 48 196 € |
43 % |
Grille du taux « par défaut » pour les contribuables domiciliés
en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique
Droit existant |
Dispositif proposé |
||
Base mensuelle de prélèvement |
Taux proportionnel |
Base mensuelle de prélèvement |
Taux proportionnel |
Inférieure à 1 610 € |
0 % |
Inférieure à 1 626 € |
0 % |
Supérieure ou égale à 1 610 et inférieure à 1 707 € |
0,5 % |
Supérieure ou égale à 1 626 € et inférieure à 1 724 € |
0,5 % |
Supérieure ou égale à 1 707 € et inférieure à 1 837 € |
1,5 % |
Supérieure ou égale à 1 724 € et inférieure à 1 900 € |
1,3 % |
Supérieure ou égale à 1 837 € et inférieure à 1 948 € |
2,5 % |
Supérieure ou égale à 1 900 € et inférieure à 2 075 € |
2,1 % |
Supérieure ou égale à 1 948 € et inférieure à 2 117 € |
3,5 % |
Supérieure ou égale à 2 075 € et inférieure à 2 292 € |
2,9 % |
Supérieure ou égale à 2 117 € et inférieure à 2 377 € |
4,5 % |
Supérieure ou égale à 2 292 € et inférieure à 2 417 € |
3,5 % |
Supérieure ou égale à 2 377 € et inférieure à 2 784 € |
6 % |
Supérieure ou égale à 2 417 € et inférieure à 2 500 € |
4,1 % |
Supérieure ou égale à 2 784 € et inférieure à 3 176 € |
7,5 % |
Supérieure ou égale à 2 500 € et inférieure à 2 750 € |
5,3 % |
Supérieure ou égale à 3 176 € et inférieure à 3 696 € |
9 % |
Supérieure ou égale à 2 750 € et inférieure à 3 400 € |
7,5 % |
Supérieure ou égale à 3 696 € et inférieure à 4 421 € |
10,5 % |
Supérieure ou égale à 3 400 € et inférieure à 4 350 € |
9,9 % |
Supérieure ou égale à 4 421 € et inférieure à 5 733 € |
12 % |
Supérieure ou égale à 4 350 € et inférieure à 4 942 € |
11,9 % |
Supérieure ou égale à 5 733 € et inférieure à 7 286 € |
14 % |
Supérieure ou égale à 4 942 € et inférieure à 5 725 € |
13,8 % |
Supérieure ou égale à 7 286 € et inférieure à 8 018 € |
16 % |
Supérieure ou égale à 5 725 € et inférieure à 6 858 € |
15,8 % |
Supérieure ou égale à 8 018 € et inférieure à 8 914 € |
18 % |
Supérieure ou égale à 6 858 € et inférieure à 7 625 € |
17,9 % |
Supérieure ou égale à 8 914 € et inférieure à 10 646 € |
20 % |
Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 8 667 € |
20 % |
Supérieure ou égale à 10 646 et inférieure à 13 485 € |
24 % |
Supérieure ou égale à 8 667 € et inférieure à 11 917 € |
24 % |
Supérieure ou égale à 13 485 € et inférieure à 17 830 € |
28 % |
Supérieure ou égale à 11 917 € et inférieure à 15 833 € |
28 % |
Supérieure ou égale à 17 830 € et inférieure à 27 213 € |
33 % |
Supérieure ou égale à 15 833 € et inférieure à 24 167 € |
33 % |
Supérieure ou égale à 27 213 € et inférieure à 57 451 € |
38 % |
Supérieure ou égale à 24 167 € et inférieure à 52 825 € |
38 % |
Supérieure ou égale à 57 451 € |
43 % |
Supérieure ou égale à 52 825 € |
43 % |
Grille du taux « par défaut » Pour les contribuables domiciliés
en Guyane et à Mayotte
Droit existant |
Dispositif proposé |
||
Base mensuelle de prélèvement |
Taux proportionnel |
Base mensuelle de prélèvement |
Taux proportionnel |
Inférieure à 1 626 € |
0 % |
Inférieure à 1 741 € |
0 % |
Supérieure ou égale à 1 626 € et inférieure à 1 724 € |
0,5 % |
Supérieure ou égale à 1 741 € et inférieure à 1 883 € |
0,5 % |
Supérieure ou égale à 1 724 € et inférieure à 1 900 € |
1,5 % |
Supérieure ou égale à 1 883 € et inférieure à 2 100 € |
1,3 % |
Supérieure ou égale à 1 900 € et inférieure à 2 075 € |
2,5 % |
Supérieure ou égale à 2 100 € et inférieure à 2 367 € |
2,1 % |
Supérieure ou égale à 2 075 € et inférieure à 2 292 € |
3,5 % |
Supérieure ou égale à 2 367 € et inférieure à 2 458 € |
2,9 % |
Supérieure ou égale à 2 292 € et inférieure à 2 417 € |
4,5 % |
Supérieure ou égale à 2 458 € et inférieure à 2 542 € |
3,5 % |
Supérieure ou égale à 2 417 € et inférieure à 2 500 € |
6 % |
Supérieure ou égale à 2 542 € et inférieure à 2 625 € |
4,1 % |
Supérieure ou égale à 2 500 € et inférieure à 2 750 € |
7,5 % |
Supérieure ou égale à 2 625 € et inférieure à 2 917 € |
5,3 % |
Supérieure ou égale à 2 750 € et inférieure à 3 400 € |
9 % |
Supérieure ou égale à 2 917 € et inférieure à 4 025 € |
7,5 % |
Supérieure ou égale à 3 400 € et inférieure à 4 350 € |
10,5 % |
Supérieure ou égale à 4 025 € et inférieure à 5 208 € |
9,9 % |
Supérieure ou égale à 4 350 € et inférieure à 4 942 € |
12 % |
Supérieure ou égale à 5 208 € et inférieure à 5 875 € |
11,9 % |
Supérieure ou égale à 4 942 € et inférieure à 5 725 € |
14 % |
Supérieure ou égale à 5 875 € et inférieure à 6 817 € |
13,8 % |
Supérieure ou égale à 5 725 € et inférieure à 6 858 € |
16 % |
Supérieure ou égale à 6 817 € et inférieure à 7 500 € |
15,8 % |
Supérieure ou égale à 6 858 € et inférieure à 7 625 € |
18 % |
Supérieure ou égale à 7 500 € et inférieure à 8 308 € |
17,9 % |
Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 8 667 € |
20 % |
Supérieure ou égale à 8 308 € et inférieure à 9 642 € |
20 % |
Supérieure ou égale à 8 667 € et inférieure à 11 917 € |
24 % |
Supérieure ou égale à 9 642 € et inférieure à 12 971 € |
24 % |
Supérieure ou égale à 11 917 € et inférieure à 15 833 € |
28 % |
Supérieure ou égale à 12 971 € et inférieure à 16 500 € |
28 % |
Supérieure ou égale à 15 833 € et inférieure à 24 167 € |
33 % |
Supérieure ou égale à 16 500 € et inférieure à 26 443 € |
33 % |
Supérieure ou égale à 24 167 € et inférieure à 52 825 € |
38 % |
Supérieure ou égale à 26 443 € et inférieure à 55 815 € |
38 % |
Supérieure ou égale à 52 825 € |
43 % |
Supérieure ou égale à 55 815 € |
43 % |
B. Une réforme visant à alléger l’imposition des classes moyennes
1. Une modification du barème et de la décote
● Le présent article réforme de manière significative le barème de l’IR ainsi que les principaux mécanismes d’allégement de l’imposition dont bénéficient les contribuables dont les revenus sont modestes ou intermédiaires.
Alors qu’ils sont les principaux bénéficiaires des dispositifs visant à minorer leur imposition mis en place et/ou renforcés depuis 2014, les contribuables des classes moyennes connaissent des taux marginaux d’imposition très élevés, pouvant atteindre jusqu’à 39 %.
Traduisant les annonces du Président de la République le 25 avril 2019, à l’issue du Grand débat national au cours duquel la question du pouvoir d’achat, notamment au regard de la pression fiscale pesant sur les ménages, est apparue primordiale, le présent article tire – pour le bas du barème – les conséquences de modalités d’imposition demeurant très lourdes pour les ménages et peu lisibles, sinon paradoxales. Il met ainsi en œuvre une importante réforme d’allégement de l’IR, pour un montant total de 5 milliards d’euros environ.
Concrètement, le présent article procède à plusieurs modifications du barème de l’IR :
– il abaisse le taux de la première tranche du barème en le portant de 14 % à 11 % (a) du 1° du C du I ;
– il modifie les bornes de chacune des tranches du barème (b) et c) C du I) comme reproduit dans le tableau ci-dessous :
barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2020
Jusqu’à 10 064 euros |
0 % |
10 064 euros – 25 659 euros |
11 % |
25 659 euros – 73 369 euros |
30 % |
73 369 euros – 157 806 euros |
41 % |
Fraction supérieure à 157 806 euros |
45 % |
Les éléments figurant en gras indiquent les modifications apportées au barème tel qu’il résulte du 1° du B du I du présent article, c’est-à-dire après la revalorisation de 1 % de l’ensemble des seuils.
Source : présent article.
– il modifie, en l’atténuant, la « pente » de la décote en la portant de ¾ (0,75 %) à 45,25 % et diminue les montants qui lui sont associés (a du 2° du C du I) ;
|
Calcul à opérer |
Application de la décote pour une personne seule (en euros) |
Impôt – [(777 – 45,25 % x impôt)] |
Application de la décote pour les contribuables soumis à une imposition commune (en euros) |
Impôt – [(1 286 – 45,25 % x impôt)] |
– il abroge la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources codifiée au b du 4 de l’article 197 du CGI (b du 2° du C du I) – en effet, les modifications apportées concomitamment à la décote constituent une refonte des deux dispositifs décote et réduction d’impôt, ainsi qu’une simplification des modalités de calcul de l’IR.
● L’ensemble des modifications proposées par le présent article permet de concentrer l’allégement de l’imposition sur les ménages des classes moyennes et contribuera à rendre plus lisibles les modalités de calcul de l’IR pour ces contribuables.
Le paramétrage de la décote auquel procède le présent article permet d’assurer que la réforme ne fera aucun perdant, comme le souligne l’évaluation préalable du présent article.
2. Des gains pour les contribuables perceptibles dès le mois de janvier 2020
Si la revalorisation du barème de l’IR (A et B du I) est applicable aux revenus réalisés ou perçus en 2019, les modifications apportées aux taux et aux tranches d’imposition (C du I) (i.e le « nouveau barème ») est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2020, conformément au IV du présent article.
Toutefois, afin que l’allégement d’impôt en résultant pour l’ensemble des personnes concernées soit perceptible dès le mois de janvier 2020, le III procède à des ajustements de nature technique qui concernent les modalités de calcul du taux du PAS.
Le A et le B du III précisent ainsi respectivement les modalités dans lesquelles le taux correspondant au PAS sera calculé pour les versements et retenues effectuées entre le 1er janvier et le 31 août 2020, d’une part, et entre le 1er septembre 2020 et le 31 août 2021, d’autre part.
En l’absence de mesures spécifiques, compte tenu des modalités de calcul du taux synthétique du PAS rappelées supra, les gains associés à la réforme ne seraient pas perçus de manière contemporaine par les contribuables.
Il convient de noter que ces dispositions dérogatoires permettent de tenir compte des modifications apportées à l’article 197 du CGI le plus rapidement possible mais qu’elles n’éviteront pas les éventuelles régularisations, à la hausse ou à la baisse, du solde de l’impôt dû en 2021 au titre des revenus de l’année 2020. De telles régularisations sont à prévoir en cas de variations dans les revenus déclarés ou perçus par les contribuables, lesquelles ne pourront, par définition, être connues qu’au printemps 2021, lors de la déclaration des revenus de 2020.
C. L’impact budgétaire
Le présent article présente deux types d’impact budgétaire.
1. La neutralisation des effets de l’inflation
En premier lieu, les traditionnelles revalorisations sur l’inflation permettent d’éviter un accroissement de l’imposition des contribuables de 1,1 milliard d’euros.
Il ne s’agit pas d’une baisse des prélèvements obligatoires mais d’une neutralisation des effets de l’inflation. En effet, ces revalorisations permettent que le taux moyen d’imposition d’un foyer ne soit pas modifié si ses revenus ont augmenté dans la même proportion que l’inflation.
Le principe des revalorisations permet d’éviter que la charge d’impôt des ménages augmente par le seul effet de l’érosion monétaire.
2. Une baisse d’impôt de 5 milliards d’euros
Selon les évaluations préalables du Gouvernement, la réforme portée par cet article permet une baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros, au bénéfice notamment des contribuables des classes moyennes, imposés dans le bas du barème.
Au total, environ 16,9 millions de foyers bénéficieront de cette baisse, pour un gain de l’ordre de 303 euros pour l’année 2020.
Dans ses évaluations préalables, le Gouvernement a présenté le gain moyen de l’allégement d’impôt dans un tableau par décile de bénéficiaires selon le niveau de revenu fiscal de référence.
répartition des bénéficiaires de la mesure par déciles selon le niveau de rfr par part
(en euros)
Correspondance graphique ci-dessous |
RFR par part |
Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires (en milliers) |
Gain moyen des foyers fiscaux |
(1) |
11 327 – 15 363 |
1 688 |
121 |
(2) |
15 363 –16 567 |
1 688 |
164 |
(3) |
16 567 – 17 741 |
1 688 |
232 |
(4) |
17 741 – 19 087 |
1 688 |
299 |
(5) |
19 087 – 20 819 |
1 688 |
440 |
(6) |
20 819 – 22 825 |
1 688 |
573 |
(7) |
22 825 – 25 621 |
1 688 |
535 |
(8) |
25 621 – 29 540 |
1 688 |
293 |
(9) |
29 540 – 36 865 |
1 688 |
188 |
(10) |
36 865 |
1 688 |
187 |
– |
Total |
16 877 |
303 |
Source : Évaluation préalable.
Un tableau par décile de l’ensemble des foyers fiscaux eut été plus pertinent pour apprécier les effets de la réforme.
Ce tableau a cependant le mérite de montrer que les gains les plus importants se situent entre 19 087 et 25 621 euros de revenu fiscal de référence par part (pour un montant de 440 à 573 euros de gain moyen selon le décile de bénéficiaires). Cela s’explique par le fait que le calibrage de la mesure a été conçu au bénéfice des classes moyennes.
Le graphique ci-dessous reprend les données de ce tableau. Il représente une courbe en forme de cloche. Cela illustre le fait que la réduction d’impôt est progressive avant un certain seuil de revenu, puis devient dégressive au-delà de ce seuil.
gain moyen selon le niveau de rfr des bénéficiaires de l’allégement d’ir
(en euros)
Source : commission des finances, à lire avec le tableau ci-dessous.
La courbe en forme de cloche démontre que la mesure a été bien calibrée pour toucher les classes moyennes.
La série de graphiques ci-dessous illustre ensuite le gain selon la composition des foyers fiscaux. Ils démontrent également que la réduction d’impôt est concentrée sur les ménages aux revenus moyens. La réduction d’impôt maximale varie de 549 à 930 euros selon les cas de figure. Elle n’excède pas 125 euros pour une personne seule et 250 euros pour un couple lorsque le taux marginal du foyer fiscal relève de la tranche à 30 %. Enfin, selon le Gouvernement, la réduction d’impôt est neutralisée pour les contribuables dont le taux marginal relève de la tranche à 41 %.
i. Impact sur un foyer composé d’un célibataire
Évolution du montant d’ir dû pour un célibataire
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
Pour un célibataire, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 549 euros pour un revenu déclaré par mois de 2 000 euros.
Montant de la réduction d’impôt pour un célibataire
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
ii. Impact sur un foyer composé d’un couple
Évolution du montant d’ir dû pour un couple
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
Pour un couple, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 549 euros pour un revenu déclaré par mois de 4 000 euros.
Montant de la réduction d’impôt pour un couple
iii. Impact sur un foyer composé d’un couple avec un enfant
Évolution du montant d’ir dû pour un couple avec un enfant
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
Pour un couple avec un enfant, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 898 euros pour un revenu déclaré par mois de 5 100 euros.
Les chiffres résultant des évaluations préalables font cependant apparaître une courbe en forme de « M ». Le Rapporteur général a interrogé le Gouvernement sur ce point mais n’a pas obtenu les explications techniques qui justifient cet effet.
Montant de la réduction d’impôt pour un couple avec un enfant
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
iv. Impact sur un foyer composé d’un couple avec deux enfants
Évolution du montant d’ir dû pour un couple avec deux enfants
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
Pour un couple avec deux enfants, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 908 euros pour un revenu déclaré par mois de 5 600 euros. Là encore, les chiffres des évaluations préalables du Gouvernement font apparaître une courbe en forme de « M ».
Montant de la réduction d’impôt pour un couple avec deux enfants
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
v. Impact sur un foyer composé d’un couple de retraités de plus de 65 ans
Évolution du montant d’ir dû pour un couple de retraités de plus de 65 ans
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
Pour un couple de retraités de plus de soixante-cinq ans, le montant maximal de la réduction d’impôt est de 930 euros pour un revenu déclaré par mois de 4 600 euros.
Les chiffres des évaluations préalables font apparaître un effet de seuil assez important au-delà de 4 600 euros. Sur ce point aussi, le Gouvernement n’a pas fourni les explications techniques qui justifient cet effet de seuil.
Montant de la réduction d’impôt pour un couple de retRaités
de plus de 65 ans
Source : commission des finances, sur la base des éléments de l’évaluation préalable.
*
* *
M. le président Éric Woerth. Comme convenu, nous allons avoir une petite discussion générale sur cet article qui concerne l’impôt sur le revenu.
Mme Émilie Cariou. L’article 2 est un des piliers de ce budget pour 2020. Il concrétise le début de l’acte II du quinquennat. Notre majorité va, bien entendu, soutenir avec exigence le texte proposé par le Gouvernement ; elle le fait d’autant plus aisément que cet article résulte d’une coconstruction entre le Parlement et le Gouvernement, puisqu’il est issu du travail parlementaire qui s’était déroulé au moment du grand débat national. Par ailleurs, la disposition est d’autant plus facile à soutenir politiquement que ces 5 milliards d’euros rendus aux contribuables trouvent leur origine dans ce qui fait le socle de notre majorité : le souhait de rendre l’impôt sur le revenu plus progressif, ce qui suppose d’adoucir l’entrée dans l’impôt. C’est une mesure de redistribution, et en tout cas de baisse des prélèvements obligatoires pour le bas du barème de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire les classes moyennes et les personnes aux revenus les plus modestes. Ces 5 milliards d’euros mis sur la table profiteront à 17 millions de Français. Ces derniers verront l’effet de la mesure directement sur leur fiche de paye, et ce dès le mois de janvier 2020, puisque les services de la direction générale des finances publiques vont faire en sorte de la répercuter immédiatement sur le prélèvement à la source.
Pour rebondir sur la discussion qui vient d’avoir lieu, je maintiens qu’avec cette mesure, notre majorité est cohérente : elle fait ce qu’elle a annoncé, tout en agissant évidemment, comme toujours, dans un esprit de sérieux budgétaire. Il vient d’être question des niches fiscales. À cet égard, j’appelle tout le monde à la raison : dans la masse d’amendements qui ont été déposés notamment par les députés siégeant en face de moi, on trouve des dispositions qui, si nous les adoptions toutes, auraient certainement un impact budgétaire de plusieurs dizaines de milliards d’euros – qu’il s’agisse de l’IR, de l’IS, de la TVA ou des droits de succession. Tout cela n’est pas raisonnable. Nous vous proposons quant à nous une mesure structurelle, travaillée en profondeur, de baisse de l’impôt sur le revenu ; c’est tout de même plus intéressant que la politique de petites niches ultra-sectorielles que vous nous proposez souvent.
Mme Véronique Louwagie. Je note qu’avec cet article, le Gouvernement reprend finalement à son compte une idée que les députés Les Républicains défendaient depuis 2017, qui figurait dans deux propositions de loi que nous avions défendues – et que vous avez rejetées. À l’époque, la majorité n’avait pas eu de mots assez durs pour refuser toute baisse de l’IR. Voilà qui est dit !
Je remarque également que la baisse de l’impôt sur le revenu est concentrée sur les deux premières tranches, de manière à ne profiter qu’aux classes moyennes, mais que l’entrée dans la deuxième tranche et dans la troisième est plus rapide pour les contribuables plus aisés. Par ailleurs, le coût annoncé pour l’État est de 5 milliards d’euros en 2020, mais il importe de corriger ce montant en intégrant notamment deux facteurs : le premier tient à la mise en place du prélèvement à la source. En 2020, l’impôt sur le revenu est fondé sur les revenus de 2020 ; il est donc plus élevé qu’il ne l’aurait été avec le système antérieur, lequel se fondait sur les revenus de l’année précédente, par définition inférieurs. Le second facteur tient à l’indexation du barème : au final, le Gouvernement annonce aux ménages un cadeau de 5 milliards, mais il en reprend la moitié… Je vous invite à observer les chiffres suivants : alors qu’en 2018 l’impôt sur le revenu représentait 73 milliards d’euros dans le budget de l’État, il sera de 75,5 milliards d’euros en 2020. Autrement dit, 2,5 milliards d’euros supplémentaires auront été prélevés aux Français entre 2018 et 2020.
Mme Sarah El Haïry. L’article 2 est essentiel en ce qu’il touche à un de nos fondamentaux, à savoir l’impôt sur le revenu, et la nécessité de rendre celui-ci plus juste. Le groupe MoDem a été particulièrement ambitieux : nous avons déposé un certain nombre d’amendements dont l’objectif est de rendre l’impôt sur le revenu plus progressif, donc plus juste, en instaurant dix tranches d’imposition, tout en respectant l’enveloppe de baisse de 5 milliards. Pour ce faire, nous avons usé – et abusé – de LexImpact : ce nouvel outil nous a été extrêmement utile. Quoi qu’il en soit, nous souhaitons une évolution de l’impôt sur le revenu qui prenne en considération un élément qui nous tient à cœur, à savoir la place de la famille : nous reviendrons donc sur la question du quotient familial. Nous ferons aussi des propositions de justice, notamment la non-indexation des deux derniers plafonds.
Mme Christine Pires Beaune. Pour commencer, je me félicite moi aussi de LexImpact, l’outil de simulation qui a été mis à notre disposition : même s’il doit être encore amélioré – notamment en ce qui concerne les crédits d’impôt –, cela va vraiment dans le bon sens.
L’article 2 me donne l’occasion de parler non pas spécialement de l’impôt sur le revenu, mais des impôts en général – des impôts dits progressifs et non progressifs. Un impôt progressif me paraît être un bon principe ; cela garantit un impôt juste. Il y a peu d’impôts progressifs en France : il s’agit de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les successions – avant, il y avait aussi l’ISF. Depuis 2017, nos impôts progressifs sont en baisse. Ils représentent désormais 5,5 % des revenus primaires. Dans le même temps, la part des impôts non progressifs a augmenté, jusqu’à atteindre un tiers des revenus primaires. Or, par définition, ces impôts sont injustes. L’exemple typique en est la TVA : quand vous allez à la pompe, vous êtes taxé à la même hauteur, que vous soyez au SMIC ou que vous soyez un cadre gagnant 20 000 euros par mois. Il faudrait faire exactement l’inverse : si on voulait une fiscalité juste, il conviendrait de réfléchir à une hausse des impôts progressifs et à une baisse des impôts non progressifs.
Le groupe Socialistes et apparentés s’est limité à un seul amendement sur cet article ; il vise à instaurer une indexation plus faible pour les deux dernières tranches de l’impôt sur le revenu.
Mme Lise Magnier. Le groupe UDI et Indépendants soutient évidemment l’article 2 et la décision courageuse consistant à baisser de 5 milliards d’euros la pression fiscale sur l’ensemble des ménages français contributeurs à l’impôt sur le revenu, de même que le choix de rendre plus progressive l’entrée dans cet impôt. Oui, grâce à cet article, le travail paiera mieux.
Par ailleurs, l’étude d’impact met parfaitement en évidence l’illisibilité pour tout un chacun de la méthode de calcul de l’impôt sur le revenu. Je pense que l’atténuation de la pente de la décote est aussi une bonne mesure. Cela dit, je m’interroge sur les conséquences de la suppression de l’option pour l’étalement de certains revenus exceptionnels dans le temps, qui permet pourtant de limiter un bond potentiellement important de l’IR. L’étude d’impact ne me semble pas très claire à cet égard – mais nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 7.
M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, quand on étudie les évaluations des voies et moyens, on observe que l’évaluation initiale pour 2019 concernant l’impôt sur le revenu était de 70,4 milliards, et l’évaluation révisée de 72,6 milliards. Or, même après la mesure de réduction de 5 milliards, on évalue les recettes à 75,5 milliards en 2020. On a donc, d’une loi de finances initiale à l’autre, une augmentation de 5,1 milliards, soit une hausse de 7,2 % ; même en prenant l’évaluation révisée, la hausse atteint presque 3 milliards, soit plus de 4 %. Autrement dit, en réalité, et une fois de plus, on ne baisse pas l’impôt sur le revenu. On ne fait que redonner une partie de la hausse spontanée puisque, même après la réduction de 5 milliards, il y a une augmentation de 4 %. Une nouvelle fois, les Français vont dire qu’on leur ment, puisque, comme d’habitude, on ne fait que freiner la hausse. Je voudrais donc que vous nous expliquiez, monsieur le rapporteur général, comment il est possible d’avoir une telle augmentation spontanée de l’impôt sur le revenu avant la mesure de baisse de 5 milliards.
M. Laurent Saint-Martin. Il y a davantage de gens qui entrent dans l’impôt. Le taux, lui, diminue.
M. Jean-Paul Dufrègne. L’article 2 propose effectivement une baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu. Elle concernera presque 17 millions de foyers fiscaux, qui connaîtront une baisse moyenne de l’impôt sur le revenu de 300 euros. Il s’agit incontestablement d’une mesure qui diminuera d’une façon non négligeable l’impôt d’un certain nombre de foyers aux revenus modestes ou moyens. Ainsi, un célibataire déclarant un revenu mensuel imposable de 1 900 euros bénéficiera d’un gain de 366 euros après la réforme. Cela dit, plusieurs points soulèvent des interrogations.
Le premier concerne le financement de la mesure. Dès lors que le Gouvernement se refuse à faire de véritables économies sur les niches fiscales et autres dispositifs pro‑business – ISF, IS –, ce qui est donné d’une main est repris de l’autre : économies sur les APL et l’assurance chômage, services publics dégradés. Ce n’est donc rien d’autre qu’une nouvelle étape dans le jeu de bonneteau fiscal auquel s’adonne l’exécutif depuis 2017.
Le deuxième point concerne les bénéficiaires de la mesure. Selon le cadrage de l’article, un célibataire percevant 6 500 euros nets par mois bénéficierait d’une baisse d’impôt – modeste, certes, mais bel et bien une baisse. La mesure va donc bien au-delà des classes moyennes. Et puis, cela a été dit tout à l’heure, la disposition pose la question de l’avenir de l’impôt sur le revenu. L’exécutif se refuse à financer cette baisse d’impôts par la création de nouvelles tranches d’imposition et par le renforcement de la tranche marginale, aujourd’hui fixée à 45 %. Diminuer la première tranche sans renforcer les autres revient à affaiblir ce qui constitue l’un des outils les plus justes, parce que progressif, de notre système fiscal. Forts du travail mené dans le cadre de l’ordre du jour réservé du groupe GDR en février dernier, nous présenterons des propositions pour renforcer l’impôt sur le revenu et assurer un produit équivalent à celui qui est perçu actuellement.
Troisième et dernier point, ces 5 milliards d’impôts en moins ne vont pas bénéficier à la moitié des Français qui ne paient pas l’impôt sur le revenu. Autrement dit, les plus modestes n’en profiteront pas.
M. Éric Coquerel. La mesure contenue dans l’article 2 est mauvaise à double titre. D’abord, parce qu’il y aura moins d’impôts, donc moins de recettes, ce qui se répercutera inévitablement sur les dépenses publiques, notamment celles de ministères qui servent l’intérêt général et celles qui financent les services publics. Ensuite, parce que cela revient à s’attaquer encore une fois à la notion de redistribution. Le Gouvernement avait déjà fait très fort en abaissant l’impôt des plus fortunés, avec la suppression de l’ISF et l’instauration de la flat tax ; en y ajoutant la diminution de l’impôt sur les entreprises, on arrive au chiffre de 30 milliards de recettes en moins, au bénéfice des plus riches, en 2020. Et là, voici qu’il s’attaque à ce qui constitue l’un des seuls impôts redistributifs, alors même que, cela a été dit, ces derniers comptent de moins en moins dans la fiscalité globale – pourtant, ils sont absolument fondamentaux pour le pacte républicain. L’impôt sur le revenu rapporte 2,5 fois moins de recettes que la TVA, par exemple, qui est par nature injuste.
Par ailleurs, si la mesure touche effectivement les deux premières tranches, cela concerne les personnes célibataires gagnant jusqu’à 6 700 euros par mois et les couples avec trois enfants gagnant jusqu’à 27 000 euros par mois : on ne peut pas dire qu’il s’agit vraiment des plus défavorisés de nos concitoyens. Dès lors, dire que ce sont ces derniers qui bénéficieront de la diminution me semble pour le moins exagéré, et cela d’autant plus que, par définition, les 57 % de nos concitoyens qui ne paient pas l’impôt sur le revenu n’en profiteront pas. Pour ces raisons, nous continuons, pour notre part, à faire la promotion d’un impôt fondé sur quatorze tranches. Ce serait beaucoup plus juste, y compris pour les classes moyennes, et cela permettrait de rapporter 10 milliards de plus à l’État, au lieu d’en coûter 5 milliards.
M. le président Éric Woerth. Comme Véronique Louwagie, je n’ai pas d’opposition de principe, évidemment, à la baisse de l’impôt sur le revenu, mais je pense que cela n’est pas compatible avec le choix que vous avez fait de supprimer progressivement la taxe d’habitation : la conjonction de ces deux mesures est totalement impossible dans le cadre actuel de nos finances publiques. C’est d’ailleurs ce qui rend ce budget de plus en plus compliqué à comprendre et à adopter.
Par ailleurs, la proposition que vous nous faites consiste à augmenter la progressivité de l’impôt. Or celui-ci est déjà extrêmement progressif. Surtout, alors que vous dites que vous baissez l’impôt sur le revenu de 5 milliards, la collecte va augmenter de 3 milliards. À cet égard, plusieurs effets se conjuguent. Il me semble, notamment, qu’il faut mettre en parallèle cette évolution avec les conséquences du prélèvement à la source. En effet, ce sont les revenus contemporains qui sont imposés, lesquels sont, de manière purement mécanique, évidemment plus importants que ceux de l’année précédente. Dès lors, les gens paient plus d’impôts qu’ils n’en auraient payés sans le prélèvement à la source.
Toutes choses égales par ailleurs, avec le système antérieur, les gens auraient payé moins d’impôts qu’avec le système actuel, sans même parler du fait que vous sous-indexez le barème de l’impôt sur le revenu, ce qui a évidemment des conséquences très importantes. D’une certaine manière, vous donnez donc d’un côté, mais pour reprendre de l’autre. Monsieur le rapporteur général, je suppose que vous êtes d’accord avec tout cela ? (Sourires.)
M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur le président, je vais répondre à vos interrogations et à celles de Charles de Courson. Nous sommes dans une situation où l’assiette augmente. Cela s’explique par le fait qu’il y a plus de contribuables, non seulement pour des raisons démographiques, mais aussi parce qu’il y a moins de chômeurs. Quant aux effets du prélèvement à la source (PAS) que vous décrivez, ils fonctionnent dans les deux sens : certes, dès lors qu’on impose les revenus contemporains, l’impôt augmente quand les revenus deviennent plus importants en cours d’année, mais il diminue quand ils décroissent : autrement dit, les effets se neutralisent.
Je note pour ma part que le taux de prélèvement n’est pas différent de ce qu’il était les années précédentes mais, effectivement, du fait de la mise en œuvre du PAS, le taux de recouvrement a été amélioré : avec le prélèvement à la source, on échappe moins facilement à l’impôt, c’est tout à fait vrai, et on ne peut que s’en féliciter. Je n’ai pas demandé quelle était l’augmentation du taux de recouvrement en fonction de la région ou du département, mais on pourrait regarder cela de plus près. En tout état de cause, et pour répondre aux questions que vous avez posées, j’ai envoyé un questionnaire destiné à nous fournir le détail précis de l’ensemble de cette augmentation, pour que nous sachions exactement quel élément explique telle ou telle évolution. Nous aurons des chiffres très précis d’ici à la séance. Vous serez donc complètement satisfaits sur ce point.
Par ailleurs, je voudrais rappeler certaines choses à propos de l’article 2. En effet, on se focalise sur un aspect au lieu de l’observer en totalité. Or il comporte deux dimensions. En premier lieu, il procède aux traditionnelles revalorisations des tranches de l’impôt sur le revenu et des divers montants relatifs, entre autres, au plafonnement des effets du quotient familial. Ces revalorisations sont appliquées au barème de 2019, qui comprend quatre tranches imposables à 14 %, 30 %, 41 % et 45 %, et elles ont lieu chaque année. Ainsi, le taux d’imposition d’un foyer ne changera pas si son revenu net global a progressé au même rythme que l’inflation. Je tiens à le rappeler, car cette règle me semble extrêmement juste. Je signale d’ailleurs aux personnes qui ont déposé des amendements visant à supprimer cet article qu’ils annuleraient aussi ces indexations, ce qui poserait un léger problème.
En second lieu, tout le monde l’a rappelé, l’article prévoit la baisse immédiate de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros. Compte tenu de son ciblage, on ne peut pas faire reproche à cette baisse de l’IR de profiter aux ménages les plus aisés : c’est là une contrevérité absolue. Je l’ai pourtant entendu dire ; cela me paraît vraiment curieux. Il s’agit d’une réforme qui permet à la fois de renforcer la progressivité de l’impôt, ce qui constitue, me semble-t-il, un objectif que nombre d’entre nous peuvent partager, et de concentrer les baisses d’impôt sur les classes moyennes qui travaillent, conformément à l’engagement du Président de la République. Vous comprendrez que, dans ces conditions, je sois défavorable non seulement, bien sûr, à tous les amendements qui visent à supprimer l’article, mais aussi à ceux qui proposent d’augmenter l’impôt de certaines catégories de contribuables.
Puisqu’il s’agit d’une sorte de discussion générale sur l’article 2, j’en profiterai pour faire d’autres remarques qui m’éviteront, par la suite, de reprendre trop longuement la parole sur chaque amendement. Je me félicite que plusieurs collègues se soient emparés des possibilités offertes par LexImpact : cela a permis à certains de déployer beaucoup de créativité dans la conception de leurs amendements… La créativité fiscale est une très bonne chose, je m’en réjouis, mais je vous alerte sur certaines erreurs méthodologiques : ainsi, j’ai constaté que plusieurs amendements ne tiennent pas compte de l’inflation, ce qui conduit leurs auteurs à en déduire, à tort, que des contribuables ayant des revenus élevés bénéficiaient d’une réduction d’impôt. LexImpact est certes un très bon outil, mais il faudra encore l’améliorer et l’apprivoiser.
Tels sont les propos liminaires que je voulais tenir pour vous expliquer les raisons des avis défavorables que je vais émettre à l’encontre d’un certain nombre d’amendements.
M. le président Éric Woerth. Le rapporteur général a raison : il faut de la transparence, notamment quant aux effets de la base de calcul, car l’augmentation n’est pas due uniquement au fait que certaines personnes entrent dans l’impôt : beaucoup de gens retrouvent un travail sans pour autant entrer dans l’impôt sur le revenu. Il est donc très important de comprendre en quoi le prélèvement à la source augmente l’impôt, à situation non identique – car les revenus progressent : les salaires ont augmenté de 2 % l’année dernière. Du fait notamment de la croissance, certaines entreprises ont distribué plus de salaires. Avec le prélèvement à la source, vous payez plus d’impôt sur le revenu que vous n’en auriez payé avec le système antérieur. Au delà du besoin de transparence, se pose la question de la progressivité. En l’occurrence, celle de l’impôt sur le revenu est déjà très forte. C’est même, selon moi, une des faiblesses de cet impôt que d’être aussi caricaturalement progressif.
Mme Valérie Rabault. Je voudrais adresser deux questions à notre rapporteur général. La première tient au fait que, cette année, le formulaire de déclaration des revenus était rédigé en partant du principe que, s’agissant de l’imposition des revenus du capital, tout le monde était soumis à la flat tax, c’est-à-dire au taux de 30 % ; si l’on voulait retourner au barème, c’est-à-dire se voir appliquer un taux inférieur, il fallait cocher la case 2OP – ce qui, d’ailleurs, était écrit en tous petits caractères. Si j’en juge d’après le nombre de personnes qui m’ont interrogée sur ce point – et Christine Pires Beaune, avec qui j’en discutais à l’instant, m’a dit qu’il lui était arrivé la même chose –, il y a sans doute beaucoup de contribuables qui auraient pu bénéficier d’un taux d’imposition inférieur, donc plus avantageux, s’ils avaient coché cette case. Il y a d’ailleurs un autre effet collatéral : du fait qu’ils n’ont pas coché la case 2OP, ces contribuables n’ont pas bénéficié non plus de la possibilité de déduire la CSG prélevée sur les revenus du capital.
M. Joël Giraud, rapporteur général. Exactement.
Mme Valérie Rabault. Je souhaiterais donc, conformément au principe de transparence appelé de ses vœux par le président de la commission des finances, que, l’année prochaine, le formulaire retienne l’autre scénario : par défaut, les contribuables seraient au barème, et donc soumis à l’impôt progressif, et bénéficieraient en même temps de la déductibilité automatique de la CSG ; les personnes ayant intérêt à être soumises à la flat parce que les revenus qu’elles tirent du capital sont plus élevés devraient, quant à elles, cocher une case. Je souhaiterais d’ailleurs connaître, monsieur le rapporteur général, puisque nous parlions des 3 milliards supplémentaires collectés cette année, la part provenant du fait que certaines personnes n’ont pas coché la case 2OP comme elles auraient eu intérêt à le faire : non seulement elles se sont vues appliquer un taux d’imposition supérieur, mais elles n’ont pas bénéficié de la déductibilité de la CSG.
Mon autre question concerne plus spécifiquement l’article 2 et porte sur la revalorisation liée à l’inflation. C’est un mécanisme assez complexe, car la revalorisation intervient en année N + 1 : on ne la voit qu’après. Pour dire les choses clairement, pour les revenus 2020, ce n’est que lors du prochain PLF que nous saurons dans quelle mesure les seuils seront réévalués. Personnellement – mais je suis peut-être la seule à voir les choses ainsi –, je trouve cela un peu gênant. Y aurait-il une autre manière de faire, monsieur le rapporteur général ? Si oui, préconisez-vous de l’adopter ? Pourrait-on présenter un amendement allant dans ce sens ?
M. Joël Giraud, rapporteur général. En ce qui concerne votre première question, madame Rabault, le point que vous soulevez ne m’avait pas échappé. Il figurait d’ailleurs dans le questionnaire que j’avais envoyé en vue du rapport d’application de la loi fiscale. Bercy n’a pas répondu à cette question. Le couvert sera remis, si je puis dire, dans un souci de transparence, car la transparence m’apparaît comme absolument nécessaire en la matière.
S’agissant de la revalorisation destinée à tenir compte de l’inflation, c’est une pratique qui a toujours existé. Il est vrai que les chiffres retenus sont toujours ceux de l’année précédente. Je ne sais pas s’il existe une méthode plus juste ; à dire vrai, je n’y ai pas réfléchi. Mais, sur ce sujet comme sur tous les autres, j’analyserai bien sûr avec intérêt tout amendement proposant d’améliorer la méthode. Je vous invite à en déposer en vue de la séanc