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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 janvier 2020
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie relatif à l’emploi des membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre,
PAR M. Alain DAVID
Député
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ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1977.
Sénat : 422, 505 et 506 et T.A. 103 (2018‑2019).
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Pages
A. une adaptation d’ordre juridique
B. UN PROJET DE MODERNISATION, prioritaire pour le meae
II. POURSUIVRE LA CONSOLIDATION DES RELATIONS FRANCO-ARMÉNIENNES
A. UN ACCORD VISANT UN NOMBRE modeste DE BÉNÉFICIAIRES
B. LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD
3. Immunités civiles, administratives et pénales
4. Régime fiscal et sécurité sociale
ANNEXE : TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
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Cet accord franco-arménien, signé le 22 décembre 2017, s’inscrit dans une ambition réformatrice globale concernant les conditions d’expatriation des agents de missions officielles et de leurs familles. Son objectif est de faciliter l’accès au marché du travail local pour les membres de famille des agents.
Pour rappel, la commission des affaires étrangères a déjà autorisé depuis le début de la XVe législature l’approbation de plusieurs accords conçus sur le même modèle, avec le Chili, la Bolivie, le Congo, l’Équateur, le Pérou, la Moldavie, le Bénin, la Serbie, l’Albanie, la République dominicaine et le Nicaragua.
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I. poursuivre la modernisation du cadre d’expatriation des agents des missions officielles et de leurs familles
A. une adaptation d’ordre juridique
Cet accord franco-arménien relatif à l’emploi des membres de famille – essentiellement les conjoints, mais aussi les enfants âgés de moins de vingt et un ans – des agents de mission officielle répond à un constat d’abord juridique. En l’absence d’accord, et en dehors du cadre de l’Espace économique européen et de la Suisse, les membres de famille des agents de mission officielle bénéficient d’un statut qui peut entraver leur accès au marché du travail local.
Les conventions de Vienne de 1961 ([1]) et de 1963 ([2]), relatives aux relations diplomatiques et aux relations consulaires et auxquelles l’Arménie est partie, n’interdisent pas le travail des membres de famille des agents, mais, dans ce cadre juridique, l’exercice d’un travail rémunéré implique la levée de certaines des immunités accordées par ces conventions.
En vertu des articles 29 à 37 de la convention de 1961, les membres de la famille de l’agent qui font partie de son ménage bénéficient de privilèges et d’immunités tels que l’inviolabilité de la personne et du domicile, l’immunité de juridiction pénale et l’immunité de juridiction civile et administrative, sauf pour une action sans lien avec ses fonctions officielles. L’article 57 de la convention de Vienne de 1963 stipule que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant dans le même foyer, sauf s’ils exercent dans l’État de résidence une occupation privée de caractère lucratif.
Par ailleurs, le cadre juridique national peut aussi constituer un obstacle pour accéder aux marchés du travail locaux. Ainsi en France, le titre de séjour délivré aux agents diplomatiques et consulaires et aux membres de leur famille ne fait pas partie des titres de séjour accordant de droit une autorisation de travailler.
L’entrée en vigueur de l’accord bilatéral franco-arménien permettra la levée de plusieurs obstacles :
– possibilité d’accéder à une activité professionnelle tout en conservant les privilèges et immunités conférés par les conventions de Vienne, en dehors du cadre de leur activité professionnelle ;
– non- opposabilité du marché du travail local ;
– simplification de la procédure administrative d’autorisation.
B. UN PROJET DE MODERNISATION, prioritaire pour le meae
L’accord franco-arménien s’inscrit dans une démarche globale portée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères depuis 2015, date de mise en place du projet « pour un ministère du XXIe siècle ». Ce projet, poursuivi jusqu’en 2017, a connu un prolongement dans le cadre du projet de réformes « Action publique 2022 ». Il s’est agi, afin de moderniser le cadre d’expatriation des agents, de favoriser l’employabilité des « personnes à charge » et d’améliorer l’insertion professionnelle et sociale dans l’État de résidence.
Le nombre de membres de famille – essentiellement de conjoints – d’agents désireux d’exercer une activité professionnelle rémunérée n’a cessé d’augmenter ces dernières années. On estime le vivier des conjoints d’agents à environ 2 000 à 2 500 époux et épouses d’agents titulaires, auxquels on peut ajouter 750 conjoints d’agents issus d’autres administrations et en poste dans le réseau.
Ce type d’accord a des conséquences concrètes pour les agents et leurs familles puisqu’il vise à leur offrir de meilleures conditions de vie familiale et professionnelle. Par ailleurs, il permet une meilleure insertion sociale des conjoints d’agents et répond à une nécessaire modernisation du cadre d’expatriation des agents, dont les conjoints acceptent de moins en moins d’interrompre leur parcours professionnel. Les évolutions sociologiques prises en compte ont également trait à l’égalité entre les femmes et les hommes et, en ce sens, le vivier des conjoints d’agents souhaitant exercer une activité rémunérée ne cesse de croître. La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes s’en trouve ainsi favorisée, en cohérence avec les objectifs de réforme de la diplomatie française.
L’objectif initial de quatre-vingts États avec lesquels les conditions d’emploi des conjoints d’agents diplomatiques et consulaires sont facilitées a déjà été atteint.
La France est liée par des accords bilatéraux avec l’Argentine, l’Albanie, l’Australie, la Bolivie, le Brésil, le Canada, le Chili, le Congo, le Costa Rica, l’Équateur, le Pérou, la Moldavie, la Nouvelle-Zélande, la République Dominicaine, la Serbie, le Singapour, l’Uruguay et le Venezuela. Quatre autres accords bilatéraux ont été signés et doivent être soumis au Parlement dans le cadre de la procédure d’autorisation parlementaire ([3]).
La France a également échangé avec plusieurs pays des notes verbales ([4]), par lesquelles les États s’engagent à accorder une attention bienveillante aux demandes d’autorisation de travail qui seraient présentées par la mission diplomatique de l’autre État, dans le respect de sa législation. Enfin, des négociations sont également en cours avec de nombreux États : l’Ukraine, le Sri Lanka, le Panama, Andorre, l’Azerbaïdjan, le Guatemala, la Macédoine du Nord et le Kosovo.
Par ailleurs, certains pays permettent un accès conditionné à l’emploi en l’absence d’accords. Enfin dans vingt-sept pays, les démarches engagées ont conduit au constat de l’impossibilité de signature d’un accord bilatéral ou d’un cadre d’accès à l’emploi local insuffisamment sécurisant.
Les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont les pays qui connaissent le plus fort taux d’emploi de conjoints d’agents français car ils offrent des conditions d’emploi comparables à celles prévalant en France, mais l’effort de facilitation d’accès au marché s’est étendu au-delà du champ de l’OCDE. Cette dynamique permet aussi le recrutement de personnel qualifié dans le réseau diplomatique, consulaire et culturel français en lui permettant de disposer de compétences pouvant faire défaut sur place.
II. POURSUIVRE LA CONSOLIDATION DES RELATIONS FRANCO-ARMÉNIENNES
A. UN ACCORD VISANT UN NOMBRE modeste DE BÉNÉFICIAIRES
Cet accord s’inscrit dans la relation amicale étroite unissant la France et l’Arménie et a été conclu sur la base d’un accord-type, mis au point en 2009 par le ministère des affaires étrangères.
Les négociations ont débuté en 2015 à l’initiative de la France. L’accord a été signé le 22 décembre 2017 à Paris par M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et par M. Edward Nalbandian, ministre des affaires étrangères.
Cet accord, conclu selon un principe de réciprocité, vise à autoriser les conjoints d’agents des missions officielles, et leurs enfants sous certaines conditions, à exercer une activité professionnelle salariée sans se voir opposer la situation de l’emploi, dans le respect des législations respectives des deux États concernés en matière de droit du travail.
Selon les dernières données du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, les accords conclus pour organiser l’emploi des personnes à charge des agents de missions officielles ont davantage bénéficié aux familles françaises qu’à celle de l’autre État. En effet, selon une étude réalisée fin 2014 par les services du ministère, environ 160 à 165 conjoints d’agents français résidant dans le pays d’affectation avaient obtenu une autorisation de travail. En sens inverse, la même année, seuls sept conjoints d’agents étrangers ont bénéficié d’une autorisation provisoire de travail en France.
Le nombre de ressortissants français potentiellement concernés par l’accord est modeste, mais l’impossibilité pour les conjoints d’agents d’exercer un emploi sans renoncer à leur statut diplomatique constituait un véritable frein à l’expatriation.
En l’espèce, l’accord est susceptible de bénéficier aux quatre conjoints d’agents français résidant en Arménie. L’ambassade de France à Erevan comprend onze agents au titre de la mission diplomatique et deux agents au titre de sa représentation consulaire, ainsi qu’une chercheuse au Western Survey for Seismic Protection à Erevan qui fait également partie des missions officielles françaises en Arménie. Du côté arménien, onze conjoints sont susceptibles d’occuper un emploi rémunéré en France. On compte aussi deux enfants, âgés de seize et dix-sept ans, susceptibles d’être concernés dans les années à venir.
Les emplois potentiels en Arménie pourraient concerner le secteur privé. Pour rappel, plusieurs entreprises françaises y sont implantées, dans l’agroalimentaire (Pernod Ricard, Carrefour), le domaine de l’eau (Véolia) et le secteur bancaire (Crédit Agricole). La présence de la Chambre de commerce et d’industrie franco-arménienne (CCIFA) constitue d’ailleurs une porte d’entrée efficace vers le réseau des entreprises françaises en Arménie.
Les emplois se trouveraient également en dehors du secteur privé : auprès de l’Université française en Arménie (UFAR), de l’École française Anatole France (EFAF) ou encore de l’Alliance française d’Arménie. L’École française a mis en place des procédures de recrutement rigoureuses, calquées sur celles de l’ambassade, auxquelles les conjoints sont libres de postuler, en fonction de leurs compétences. Le marché de l’emploi comporte par ailleurs de nombreuses organisations internationales et fondations qui emploient du personnel expatrié, sans exiger une connaissance de l’arménien. Des possibilités de délivrer des cours (de langue, de musique) existent sur le marché local.
B. LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD
Selon l’article 1er, le présent accord vise à autoriser les « membres de la famille des agents des missions officielles disposant d’un titre de séjour spécial, ou d’une carte diplomatique, délivrés par le ministère des affaires étrangères » affecté dans un État partie à exercer une activité salariée sur le territoire de l’État d’accueil sous réserve de la délivrance d’une autorisation.
L’article 2 énonce les définitions des termes employés.
Les missions officielles désignent « les missions diplomatiques régies par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 1er avril 1961, les postes consulaires régis par la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et les représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l’autre État ».
Le « membre de la famille » désigne « une personne qui s’est vue délivrer un titre de séjour spécial ou une carte diplomatique en sa qualité de membre de la famille d’un agent par le ministère des affaires étrangères, conformément à la décision de l’État d’accueil ». En pratique, il s’agit essentiellement des conjoints, et dans une moindre mesure des enfants de dix-huit à vingt et un ans, âge limite de délivrance en France d’un titre de séjour spécial.
L’accord ne mentionne pas explicitement les conjoints « de même sexe ou de sexe différent ». La législation arménienne ne permet pas le mariage des couples de personnes de même sexe. Toutefois, le ministère des affaires étrangères de la République d’Arménie indique que la notion de conjoint est laissée à l’appréciation de la partie française qui transmet les demandes d’autorisation de séjour pour les membres de famille des agents. Aucune preuve du lien juridique n’est exigée par les autorités locales.
Ainsi, le conjoint de même sexe d’un agent d’une mission officielle de la partie française pourra obtenir un titre de séjour spécial en qualité de membre de la famille de l’agent, ce dont votre rapporteur se félicite.
D’autre part, les membres d’une mission officielle sont les membres du personnel de l’État accréditant qui ne sont pas résidents permanents dans l’État accréditaire, et qui occupent des fonctions officielles dans une mission diplomatique, un poste consulaire ou une représentation permanente de l’État accréditant dans l’autre État. Par ailleurs, les attachés de défense et les personnels militaires sont, pendant la durée de leurs fonctions au sein des ambassades, considérés comme des membres de mission officielle, car ils bénéficient du statut diplomatique en tant que personnes relevant de services rattachés à l’ambassade.
L’article 3 définit la procédure applicable pour solliciter l’autorisation d’occuper un emploi dans l’État d’accueil. Il prévoit l’envoi d’une demande au nom du membre du bénéficiaire au protocole du ministère des affaires étrangères de l’État d’accueil comportant des précisions sur l’activité qu’il souhaite exercer et accompagnée de pièces justificatives.
Après instruction du dossier, la mission officielle est informée par voie diplomatique de la décision. Par ailleurs, une telle autorisation n’exempte pas des obligations de se conformer à la législation de l’État d’accueil. La personne doit satisfaire à toutes les exigences requises pour l’emploi. Il est notamment prévu de satisfaire aux conditions exigées par la réglementation dans le cas des professions pour lesquelles des qualifications particulières sont requises.
L’article 4 prévoit que l’autorisation prend fin lorsque le bénéficiaire perd sa qualité de membre de la famille de l’agent diplomatique, ou lorsque l’activité salariale à laquelle elle se rattache prend fin ou si les fonctions de l’agent diplomatique prennent fin.
3. Immunités civiles, administratives et pénales
Les immunités sont prévues par l’article 5, qui stipule conformément aux conventions de Vienne de 1961 et de 1963, que les immunités de juridiction civiles ou administratives ainsi que l’immunité d’exécution ne s’appliquent pas dans le cadre de l’exercice de l’activité salariée, qui est soumise à la législation et aux tribunaux de l’État d’accueil. Cet article précise néanmoins que l’inviolabilité de sa personne et de son domicile n’est pas remise en cause par l’exercice d’une activité salariée et que l’intéressé conserve son titre de séjour spécial ou sa carte diplomatique.
À l’inverse, l’immunité de juridiction pénale, aux termes de l’article 6, continue de s’appliquer dans le cadre des activités professionnelles mais elle pourra faire l’objet d’une demande de renonciation de la part de l’État d’accueil à laquelle l’État d’envoi peut s’opposer. La renonciation à l’immunité d’exécution de la sentence devra faire l’objet d’une demande de renonciation séparée de la part de l’État d’envoi.
4. Régime fiscal et sécurité sociale
Selon l’article 7, le bénéficiaire est soumis en matière d’imposition et de sécurité sociale à la législation de l’État d’accueil dans le cadre de son activité salariée.
L’article 8 prévoit que tout différend lié à l’application ou l’interprétation de l’accord sera réglé à l’amiable, au moyen de consultations ou de négociations.
En vertu de l’article 9, l’accord entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification de l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur. L’accord est conclu pour une durée indéterminée, mais peut être modifié par consentement mutuel, et dénoncé par l’une des parties, qui doit notifier son intention à l’autre partie au moins six mois à l’avance.
Au 6 janvier 2020, cet accord n’avait pas encore été ratifié par la partie arménienne.
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L’entrée en vigueur de l’accord franco-arménien relatif à l’emploi des membres de familles des agents de missions officielles concernera un nombre modeste de personnes, mais s’inscrit dans une ambition réformatrice globale favorable à la fois aux agents et aux recrutements au sein du réseau diplomatique, consulaire et culturel français, qui peuvent être favorisés par la mise en place de ce type d’accords.
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Lors de sa réunion du mercredi 8 janvier 2020, la Commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie relatif à l'emploi des membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre (n° 1977) (M. Alain David, rapporteur)
Mme la présidente Marielle de Sarnez. Le projet de loi que nous nous apprêtons à examiner à présent a trait à la coopération avec l’Arménie, qui est un sujet important pour notre commission. À la suite de la révolution dite révolution de velours du printemps 2018, l’Arménie s’est engagée dans une phase de réforme et de rupture avec certaines pratiques qui avaient nui à son développement depuis l’indépendance. Il est important que la France accompagne ce processus au plan non seulement économique mais aussi politique.
Le présent projet de loi dont Alain David est le rapporteur autorise l’approbation d’un accord franco-arménien relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre. Il est très proche d’autres accords dont nous avons autorisé l’approbation depuis le début de la législature – certains accords bilatéraux ayant le même objet sont, du reste, en cours de négociation. Ces accords permettent de favoriser la vie quotidienne de nos diplomates et de leur famille, question à laquelle notre commission se doit d’être attentive. Nous savons en effet combien leur mission peut s’exercer dans des conditions difficiles. C’est l’occasion, pour nous, de leur rendre hommage et de les remercier de leur engagement au service de notre pays.
M. Alain David, rapporteur. Notre commission est saisie d’un projet de loi visant à autoriser l’approbation d’un accord entre la France et l’Arménie signé le 22 décembre 2017, projet de loi qui a été adopté par le Sénat le 22 mai 2019. Cet accord vise à faciliter l’accès au marché du travail des personnes à la charge des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre. Les personnes concernées, essentiellement les conjoints d’agents, bénéficieront, grâce à cet accord, d’une autorisation de travailler sans perdre le statut diplomatique qui est le leur.
Comme vous le savez, notre commission a déjà examiné plusieurs projets de loi autorisant l’approbation d’accords de ce type depuis le début de la législature. A ainsi été autorisée l’approbation d’accords bilatéraux entre, d’une part, la France et, d’autre part, le Nicaragua, la République dominicaine, la Moldavie, le Bénin, la Serbie, l’Albanie, le Chili et la Bolivie, entre autres. Depuis 2014, et en comptant l’accord franco-arménien, plus de vingt-cinq accords bilatéraux ayant le même objet ont été conclus par la France. Il faut donc replacer celui qui nous occupe aujourd’hui dans le contexte d’un projet de réforme du ministère de l’Europe et des affaires étrangères lancé en 2015 afin de moderniser le cadre d’expatriation des agents et relayé depuis 2017 par Action publique 2022. Le but initialement fixé, qui était de faciliter les conditions d’emploi des conjoints d’agents diplomatiques et consulaires dans quatre-vingts pays, a été atteint, et même dépassé grâce à des accords ou à des notes verbales, en comptant les pays de l’espace économique européen et la Suisse.
En l’état actuel du droit, s’agissant de l’Arménie, le statut diplomatique des conjoints d’agents peut être un obstacle à l’exercice d’une activité professionnelle. Les conventions de Vienne de 1961 et 1963 qui régissent les relations diplomatiques et les relations consulaires n’interdisent pas l’exercice d’une activité professionnelle pour les conjoints d’agents, mais impliquent un renoncement partiel aux immunités associées au statut diplomatique. Le cadre juridique national peut donc constituer un obstacle pour accéder au marché du travail local. Ainsi, en France, le titre de séjour délivré aux agents diplomatiques et consulaires et aux membres de leur famille ne fait pas partie des titres de séjour accordant de droit une autorisation de travailler.
Cet accord permettra donc, d’une part, une adaptation d’ordre juridique et, d’autre part, une modernisation du cadre d’expatriation des agents. Il s’agit avant tout de répondre à une demande émanant des familles. En effet, le nombre de conjoints d’agents désireux de travailler n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Cela reflète des évolutions sociales majeures, telles que la progression du taux d’emploi féminin, notamment au sein du corps diplomatique. La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes s’en trouve favorisée, en cohérence avec les objectifs de réforme de la diplomatie française.
Si le nombre de ressortissants français potentiellement concernés par ce type d’accord est modeste, il faut noter que l’impossibilité pour les conjoints d’agents d’exercer un emploi sans renoncer à leur statut diplomatique constituait un véritable frein à l’expatriation.
L’accord que nous examinons aujourd’hui permettra, en outre, de renforcer les relations que la France entretient avec l’Arménie. Il est par ailleurs important de noter que, bien que ce pays n’autorise pas les unions entre personnes du même sexe, la notion de conjoint sera laissée à l’appréciation de la partie française, sans exiger de preuve du lien juridique. Ainsi, le conjoint de même sexe d’un agent d’une mission officielle de la partie française pourra obtenir un titre de séjour spécial en qualité de membre de la famille de l’agent. Je souhaite qu’à l’avenir les accords de ce type intègrent, dans la mesure du possible, des dispositions similaires.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l’approbation de cet accord.
M. Pierre Cabaré. La question de l’emploi des membres de la famille des agents de mission officielle est très importante, du point de vue social, familial, professionnel et de l’intégration. Souvent, c’est l’homme qui est muté, ce qui impose au conjoint de quitter son emploi pour le suivre. Ce sont donc plus particulièrement les femmes qui subissent des interruptions dans leur vie professionnelle. Or, vous connaissez notre engagement en faveur de l’égalité homme-femme, sur lequel votre rapport met l’accent, ainsi que sur l’amélioration de la vie quotidienne des familles.
Le réseau diplomatique français compte près de 2 500 agents titulaires et plus de 750 conjoints d’agents, issus d’autres administrations. Pour le ministère des affaires étrangères, il est aussi ambitieux qu’important de conclure de tels accords avec quatre-vingts pays, afin de permettre aux conjoints d’agents en mission officielle d’accéder au marché du travail local. En vertu des conventions de Vienne, les emplois des conjoints sont inscrits dans un cadre juridique en trois dimensions : nationale, bilatérale et multilatérale. Il n’en reste pas moins que le statut spécial des conjoints d’agents et leur immunité sont un obstacle à l’emploi. Seule la conclusion d’un accord bilatéral réciproque peut lever les freins liés à la perte de protection diplomatique. La France, par la voix de son ministère des affaires étrangères, a commencé, il y a cinq ans, à agir en ce sens, en ratifiant des accords bilatéraux et réciproques prévoyant la conservation de certaines protections pour les conjoints qui travaillent. La conclusion de tels accords permettra aux expatriés, aux agents diplomatiques et à leur famille d’accéder au marché du travail, afin de favoriser la mobilité des agents français et l’intégration sociale de leur famille.
Monsieur le rapporteur, le groupe LaREM souscrit, bien entendu, au bon rapport que vous nous présentez.
M. Michel Fanget. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la qualité de votre travail et vos explications. Comme vous l’avez rappelé, ce type d’accord, qui nous est désormais coutumier, s’inscrit dans le projet global du ministère de l’Europe et des affaires étrangères : adapter et moderniser le cadre d’expatriation des agents et faciliter leur insertion professionnelle. À cette fin, il permet, par exemple, d’exercer une activité professionnelle, tout en conservant les privilèges et les immunités conférés par les conventions de Vienne de 1961 et 1963. Si, dans le cadre de l’accord avec l’Arménie, le dispositif devrait concerner quatre conjoints d’agents français, il concerne, au total, plus de 3 000 personnes dans le monde. Notre pays a conclu des accords similaires avec l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada ou encore le Chili, autant d’États avec lesquels nous entretenons des relations très anciennes. La confiance que nous avons à l’endroit de l’Arménie amène, tout naturellement, le groupe MODEM à soutenir ce nouvel accord.
M. Jérôme Lambert. L’accord ne pose aucune difficulté particulière, mais en résout quelques-unes, en améliorant la situation de nos agents et des agents arméniens concernés. Néanmoins, un autre problème mérite toute notre attention. Si l’Arménie est, sans nul doute, un pays ami, n’oublions pas qu’il occupe une partie importante de l’Azerbaïdjan, la région du Haut-Karabagh. Alors que l’Assemblée générale des Nations unies a condamné à plusieurs reprises cette occupation, le problème est en suspens depuis plus d’une trentaine d’années. Notre pays joue un rôle dans les tentatives de résolution du conflit, sans voir le moindre progrès.
M. Guy Teissier. Dans le Groupe de Minsk !
M. Jérôme Lambert. En effet. Le groupe Socialistes et apparentés souhaite que la France continue de jouer un rôle, en espérant qu’il soit plus efficace qu’il ne l’a été jusqu’alors.
Mme Frédérique Dumas. Même si le projet de loi ne concerne que peu de personnes, il est très important. Dans ce cas précis, l’accès au marché du travail pour les membres de la famille des agents en mission officielle peut non seulement permettre de faciliter le quotidien et la vie de famille, mais aussi de créer des liens culturels plus forts avec le pays d’accueil. Les relations entre les deux pays signataires ne peuvent que s’améliorer.
Malgré son importance, le texte suscite plusieurs questions. En effet, il continue de laisser le conjoint disposant du statut de membre de la famille dans une situation de dépendance forte par rapport à l’agent en mission. Le projet de loi admet que l’autorisation de travailler peut être supprimée, en cas de perte du statut de membre de la famille, si l’agent et son conjoint décident de se séparer. Le conjoint perdrait alors son statut et son travail. Il aurait été préférable de prévoir une solution intermédiaire, permettant au conjoint de bénéficier d’une autorisation spéciale et temporaire grâce à laquelle il continuerait à exercer son travail, dans l’attente d’une autorisation standard, tout en renonçant au statut particulier qui lui avait été accordé, y compris dans le cadre de sa profession.
Le projet de loi prévoit également que l’autorisation prend fin avec l’activité salariale, ce qui implique de refaire toutes les démarches administratives pour obtenir une nouvelle autorisation, alors que la nouvelle profession peut être la même, dans une autre entreprise. L’article 6 pose également un problème, en permettant, dans l’hypothèse où le membre de la famille commet une infraction pénale dans le cadre de sa profession, que l’État d’envoi choisisse de lever l’immunité pénale. De plus, l’immunité d’exécution de la sentence peut également être levée par l’État d’envoi. Tout cela crée une incertitude qui ne semble pas très juste.
Cela étant, le groupe Libertés et Territoires estime que les autres articles du texte forment un projet de loi moderne, qui permettra aux membres de la famille des agents des deux pays d’avoir des expériences tant professionnelles que sociales et culturelles dans le pays d’accueil. Comme vous l’avez noté, monsieur le rapporteur, dans vingt-sept pays, les démarches engagées n’ont pas permis de signer d’accord bilatéral, ce qui témoigne de la qualité des relations entre la France et l’Arménie. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous préciser quels sont les pays avec lesquels la signature des accords a échoué et les raisons à l’origine de l’échec ?
M. Nicolas Dupont-Aignan. Mme Dumas m’a devancé : je souhaitais vous demander, monsieur le rapporteur, quels étaient les pays avec lesquels nous n’avions pas pu conclure d’accord et pour quelles raisons. Ces accords sont d’une grande importance pour notre outil diplomatique, en ce qu’ils permettront aux conjoints de mener leur propre vie. Par ailleurs, j’aurais souhaité avoir des informations sur l’état du conflit dans le Haut-Karabagh.
M. Alain David, rapporteur. Des accords doivent être soumis au Parlement avec le Burkina Faso, le Paraguay, le Turkménistan et les États-Unis. D’autres sont en cours de négociation avec l’Ukraine, le Sri Lanka, le Panama, Andorre, l’Azerbaïdjan, le Guatemala, la Macédoine du Nord et le Kosovo. La France poursuit son action auprès des pays pour les convaincre de signer, ce qui représente un long et fastidieux travail.
Pour ce qui est de l’accès au marché local du travail, je peux vous citer l’exemple de l’épouse d’un diplomate, soumise à « l’ancien régime », qui a suivi son mari pendant toute sa carrière. Aujourd’hui divorcée, elle ne bénéficie d’aucune retraite, étant donné qu’elle n’a pas eu le droit de travailler, et se trouve dans une situation dramatique. Ce cas a été soumis au ministère des affaires étrangères, mais il est quasiment insoluble.
Les interventions des différents groupes ont montré que vous étiez favorables au projet de loi, qui ne semble pas vous poser de problèmes particuliers.
Quant à la situation au Haut-Karabagh, je vous laisserai, madame la présidente, nous faire part des informations dont vous disposez peut-être.
Mme la présidente Marielle de Sarnez. Une rencontre a eu lieu récemment à l’ONU entre les ministres des affaires étrangères des deux pays. J’ai également entendu, de la part des responsables arméniens et azerbaïdjanais que j’ai reçus, une volonté d’avancer. Mais je reste immensément prudente, dans la mesure où la situation dure depuis des décennies. La France a un rôle moteur à jouer, en tant que coprésidente du Groupe de Minsk. La semaine prochaine, notre commission auditionnera Jean-Yves Le Drian. Même si l’actualité est extrêmement lourde en matière de politique étrangère – pensons notamment à l’accord turco-libyen de délimitation maritime –, nous pourrons interroger le ministre et lui demander de relancer le Groupe de Minsk.
M. Frédéric Petit. La Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan font aujourd’hui partie de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat. C’est par le biais de cet outil, qui fait d’ailleurs de l’Iran notre voisin, que nous avons décidé, en France, de traiter les conflits larvés dans les Balkans de l’Ouest. Comme je l’ai constaté au forum de Krynica, les Géorgiens et les Arméniens nous attendent.
M. Guy Teissier. Même si la question n’est pas à l’ordre du jour, je suis ravi que nous en parlions. Le conflit du Haut-Karabagh fait partie de ces conflits larvés qui durent et entretiennent un climat de guerre entre deux pays. Je me suis rendu plusieurs fois au Karabagh. Cela me vaut d’ailleurs d’être persona non grata en Azerbaïdjan. Un peu d’histoire : le Haut-Karabagh – Artsakh en arménien – était une province arménienne, jusqu’à ce que Staline, ce bon petit père des peuples, décide de le placer sous l’autorité de l’Azerbaïdjan. Là-bas, tout témoigne de l’ancienneté de la présence arménienne. Je serais ravi d’entendre M. Le Drian à ce sujet, même si je doute qu’il puisse nous éclairer.
Pour les Arméniens d’Arménie et de France, le Karabagh, c’est l’Alsace et la Lorraine. Ils ne le lâcheront pas. J’y étais, il y a quelques semaines encore, et je n’ai rencontré que des gens qui veulent vivre en paix et continuer à élever leur bétail ou à fabriquer du vin – excellent, d’ailleurs. J’ai même rencontré des militaires, qui mènent une guerre de position complètement dépassée, avec des tranchées, comme en 1914, en attendant l’ennemi qui viendra et les fera héros, pour reprendre la chanson. En réalité, ce conflit arrange tout le monde, surtout les Russes qui battent la mesure, si bien que rien ne bouge. Un peuple vit dans la crainte permanente d’une guerre, alors qu’il suffirait de faire preuve d’une volonté politique forte pour régler la question.
Mme la présidente Marielle de Sarnez. Le conflit durant depuis plus de trente ans, ce n’est pas si simple que cela… Je vous remercie néanmoins, monsieur Teissier, pour votre intervention.
M. Alain David, rapporteur. Pour revenir à vos questions, la France a également échangé avec plusieurs autres pays, en particulier par le biais de notes verbales, lorsque la signature d’un accord n’était pas possible – l’Afrique du Sud, le Cambodge, le Cap-Vert, la Colombie, le Gabon, le Ghana, le Honduras, l’Inde, le Japon, Israël, l’Ouganda, le Salvador ou encore le Zimbabwe. La question a fait l’objet d’avancées très sensibles.
Mme la présidente Marielle de Sarnez. Il convient de continuer de porter notre attention sur cette partie du monde, en rappelant que l’Arménie partage une grande frontière avec l’Iran, ce qui, dans les temps actuels, mérite d’être considéré de près.
La commission adopte l’article unique ainsi que l’ensemble du projet de loi sans modification.
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ANNEXE : TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie relatif à l’emploi des membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Paris le 22 décembre 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.
([1]) Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
([2]) Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
([3]) Burkina Faso, Paraguay, Turkménistan et États-Unis.
([4]) Afrique du Sud, Cambodge, Cap Vert, Colombie, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Israël, Japon, Malaisie, Maurice, Mexique, Ouganda, Salvador et Zimbabwe.