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N° 2651

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi visant à encadrer lexploitation commerciale de limage denfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne,

 

 

TOME I

AVANT-PROPOS, COMMENTAIRES DES ARTICLES ET ANNEXES

 

Par MBruno STUDER,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2519.

 


 


   SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS

Principaux apports de LA commission

commentaires des articles

Article 1er Extension du régime protecteur des enfants du spectacle aux enfants figurant dans des vidéos diffusées sur les services en ligne

Article 2  Obligation, pour les plateformes de partage de vidéos, de faire cesser la diffusion de contenus méconnaissant lobligation dautorisation préalable

Article 3  Encadrement des pratiques de partage de vidéos mettant en scène des mineurs ne relevant pas du droit du travail

Article 4 Responsabilisation des services de plateforme en matière de diffusion de contenus faisant figurer des enfants de moins de seize ans

Article 5 Ouverture de lexercice du droit deffacement aux mineurs

Article 6 Sanctions applicables aux services de plateforme

Annexe : Liste des textes susceptibles dêtre abrogÉs ou modifiÉs À loccasion de lexamen de la proposition de loi


— 1 —

 

  AVANT-PROPOS

 

 

Depuis plusieurs années, les « chaînes » mettant en scène des enfants se développent sur les plateformes de partage de vidéos. Certaines disposent en France d’une audience importante, pouvant atteindre plusieurs millions d’abonnés et totaliser des milliards de vues.

Ces vidéos montrent généralement de jeunes enfants au travers de plusieurs types d’activités, qu’il s’agisse de déballer une multitude de jouets, de déguster des aliments – le plus souvent sucrés –, de dévoiler des scènes de la vie quotidienne – petit-déjeuner, routine matinale, sortie dans un parc d’attraction ou dans un lieu de restauration rapide, etc. –, de réaliser divers « défis » – le plus tristement célèbre étant le cheese challenge, qui consiste à envoyer des tranches de fromage au visage d’un enfant, généralement en bas âge – ou tutoriels, etc.

Ces vidéos, qui rencontrent, en France comme à l’étranger, un succès croissant, soulèvent d’importantes questions quant aux intérêts des enfants qu’elles mettent en scène.

Aux États-Unis, plusieurs articles ([1]) font d’ailleurs état d’abus inquiétants. Une mère de famille a, par exemple, été arrêtée pour atteinte à la pudeur, négligence et maltraitance après avoir affamé ses enfants et utilisé des bombes au poivre lorsqu’ils refusaient de participer à la réalisation de vidéos.

Au-delà même des activités réalisées par les enfants, qui peuvent soulever des questionnements au regard des droits de l’enfant, ces chaînes publient généralement plusieurs vidéos par semaine, ce qui suppose pour les enfants d’y consacrer, au total, un temps important, notamment en raison des prises de vues susceptibles d’être refaites. Or, contrairement aux enfants du spectacle, leurs heures de tournage et la durée de ceux-ci ne sont pas encadrées par le droit du travail.

Par ailleurs, l’exposition médiatique dont bénéficient ces enfants pourrait ne pas être sans conséquence sur leur santé psychique. Au-delà de l’impact que peut avoir la célébrité sur le développement psychologique de ces enfants, les risques de cyber-harcèlement voire de pédopornographie se trouvent accrus.

En outre, sur le plan financier, ces programmes peuvent représenter une source de revenus importante pour les vidéastes – le plus souvent un membre de la famille –, grâce notamment à la publicité, qu’il s’agisse de coupures publicitaires ou d’encarts superposés à l’image ([2]), de contrats passés à des fins de placement de produits et, éventuellement, à la vente de produits dérivés.

Ces différents revenus ne font l’objet d’aucun encadrement autre que le droit social et fiscal général. Ainsi, ce sont les titulaires des chaînes – les parents le plus souvent – qui perçoivent directement ces revenus, les enfants ne bénéficiant pas des dispositions protectrices du code du travail applicables aux enfants du spectacle, dont les rémunérations sont versées, jusqu’à leur majorité, sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations.

Les difficultés soulevées par la propagation sur internet de chaînes d’enfants parfois très jeunes, qu’elles soient pédagogiques, éthiques ou financières, infusent dans le débat public et particulièrement aux États-Unis où le phénomène prend une ampleur accrue. Certains y plaident pour une application du California Child Actors Bill, qui protège les enfants acteurs, à ce phénomène nouveau, d’autant que la majorité des plateformes sont implantées en Californie. En 2018, le démocrate Kansen Chu, membre de l’assemblée de l’État de Calfornie, a présenté un amendement au California Child Actors Bill pour couvrir « lemploi dun mineur dans la publicité sur les réseaux sociaux », qui n’a pas été suivi d’effets.

L’objet de la présente proposition de loi est donc de mettre en place un cadre légal, pionnier au plan international, pour la réalisation de ces vidéos qui fasse prévaloir l’intérêt de l’enfant.

Larticle 1er étend le régime dautorisation individuelle préalable applicable aux enfants employés dans le secteur du spectacle, de la publicité et de la mode aux enfants dont limage est diffusée à titre lucratif par des plateformes de partage de vidéos et dont lactivité entre dans le cadre juridique dune relation de travail.

Larticle 2 crée, pour les services de plateforme de partage de vidéos, une obligation de coopération avec les autorités publiques. Lorsqu’ils sont informés par l’autorité administrative qu’un contenu met en scène un mineur de moins de seize ans en méconnaissance des régimes d’autorisation prévus par le code du travail, ils sont tenus d’agir pour le retirer ou en rendre l’accès impossible dans les meilleurs délais. Le non-respect de cette obligation de coopération est sanctionné d’une peine d’amende pouvant atteindre 75 000 euros.

Larticle 3 crée un cadre juridique protecteur pour les enfants de moins de seize ans qui participent à des vidéos diffusées par des plateformes de partage de contenus audiovisuels mais dont l’activité n’entre pas, stricto sensu, dans le cadre d’une relation de travail. Ce cadre juridique ad hoc introduit un régime de déclaration qui doit conduire à l’application de mesures protectrices, tant en termes d’horaires que de rémunération.

Larticle 4 a pour vocation de placer les plateformes, qui tirent des revenus de ces vidéos, devant leurs responsabilités en leur permettant de contribuer, à leur niveau, à une meilleure détection des cas problématiques par les administrations compétentes. Il soumet ainsi ces services à plusieurs obligations :

– mettre en place des procédures de signalement permettant l’identification des contenus faisant figurer des mineurs de moins de seize ans ;

– coopérer avec les services de l’État afin que tous les contenus dans lesquels apparaissent des mineurs de moins de seize ans, téléversés depuis le territoire français et qui sont source de revenus pour les services de plateforme, soient signalés à l’autorité administrative compétente ;

– informer les utilisateurs de la réglementation en vigueur et des risques associés à la diffusion de l’image d’un enfant de moins de seize ans.

Larticle 5 ouvre l’exercice du « droit à l’effacement » aux mineurs dont l’image est diffusée par une plateforme de partage de vidéos. Il oblige ainsi les services de plateformes de partage de vidéos à retirer rapidement, à la demande de mineurs, les contenus audiovisuels dans lesquelles ils figurent.

Larticle 6 institue une peine de 75 000 euros d’amende pour les services de plateforme de partage de vidéos qui ne respectent pas les obligations définies aux articles 4 et 5 de la proposition de loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Principaux apports de LA commission

Lors de son examen de la présente proposition de loi, le mercredi 5 février 2020, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation a adopté sans modification les articles 1er, 2, 5 et 6.

Elle a adopté, avec modifications, les articles 3 et 4.

À l’article 3, elle a adopté plusieurs amendements du rapporteur tendant à :

– Permettre à l’autorité compétente, soit l’administration préfectorale et en particulier les directions départementales de la cohésion sociale, de formuler à destination des parents des recommandations visant notamment à définir les limites horaires souhaitables pour la réalisation des activités de tournage de vidéos par l’enfant ;

– Mieux coordonner le dispositif l’article 3 avec le régime des enfants du spectacle défini par le code du travail en ce qui concerne le partage des revenus en faveur de l’enfant ;

– Viser spécifiquement, à l’alinéa 6, les annonceurs qui concluent, avec les parents, des contrats de placement de produit, afin de mieux responsabiliser ces derniers.

La Commission a également modifié la rédaction de l’article 4 afin de prévoir que les services de plateforme en ligne adoptent des chartes visant à :

– Favoriser l’information des utilisateurs sur les dispositions des lois et règlements applicables en matière de diffusion de l’image d’enfants de moins de seize ans par le biais de leurs services ;

– Favoriser le signalement, par leurs utilisateurs, de contenus audiovisuels mettant en scène des enfants de moins de seize ans qui porteraient atteinte à leur dignité ou à leur intégrité morale ou physique ;

– Améliorer, en lien avec des associations de protection de l’enfance, la détection des situations dans lesquelles la réalisation ou la diffusion de tels contenus porteraient atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale ou physique des mineurs de moins de seize ans qu’ils font figurer.

La commission a adopté à l’unanimité la proposition de loi ainsi modifiée.

 

 

 


— 1 —

 

commentaires des articles

Article 1er
Extension du régime protecteur des enfants du spectacle aux enfants figurant dans des vidéos diffusées sur les services en ligne

Adopté par la Commission sans modification

Le présent article étend le régime d’autorisation individuelle préalable applicable aux enfants employés dans le secteur du spectacle, de la publicité et de la mode à deux catégories d’enfants : d’une part, les enfants engagés ou produits en vue d’une diffusion sur un service de média audiovisuel à la demande ; d’autre part, les enfants dont l’image est diffusée à titre lucratif sur des plateformes de partage de vidéos et dont l’activité relève, au plan juridique, d’une relation de travail.

A.   Le droit existant

● L’article L. 7124-1 du code du travail met en place, par exception au principe général interdisant le travail des enfants, un cadre juridique protecteur pour les enfants de moins de seize ans employés dans les secteurs du spectacle et du mannequinat ou participant à des compétitions de jeux vidéo. Ce cadre s’applique aux enfants engagés ou produits :

– par une entreprise de spectacle, qu’elle soit sédentaire ou itinérante ;

– par une entreprise de cinéma, de radiophonie, de télévision ou d’enregistrements sonores ;

– en vue d’exercer une activité de mannequin ;

– par une entreprise ou association ayant pour objet la participation à des compétitions de jeux vidéo, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

Pour pouvoir travailler, ces enfants doivent disposer, au préalable, d’une autorisation individuelle délivrée par la direction départementale de la cohésion sociale. Elle peut être retirée à tout moment. Lorsque l’enfant est âgé de plus de treize ans, son avis favorable écrit est également recueilli ([3]).

L’autorisation individuelle n’est délivrée par l’autorité administrative que si l’activité envisagée dans le cadre du contrat de travail soumis à l’administration respecte les intérêts de l’enfant.

 

Procédure dinstruction de la demande dautorisation individuelle

La demande d’autorisation individuelle est accompagnée :

– d’une pièce établissant l’état civil de l’enfant ;

– de l’autorisation écrite de ses représentants légaux accompagnée de la liste des emplois précédemment ou actuellement occupés par l’enfant ;

– de tous documents permettant d’apprécier les difficultés et la moralité du rôle qu’il est appelé à jouer, de la prestation qu’il fournit en tant que mannequin ou de son activité de joueur de jeu vidéo compétitif ;

– de toutes précisions sur ses conditions d’emploi, sur sa rémunération et sur les dispositions prises pour assurer sa fréquentation scolaire.

L’instruction qui précède la décision de l’autorité administrative a pour objet de déterminer :

– si le rôle proposé, la prestation de mannequin ou l’activité de joueur de jeu vidéo compétitif peut, compte tenu de ses difficultés et de sa moralité, être normalement confié à l’enfant ;

– si l’enfant a déjà été ou est actuellement employé dans des activités du spectacle, comme mannequin ou comme joueur de jeu vidéo compétitif et à quelles conditions ;

– si, compte tenu de son âge, de l’obligation scolaire à laquelle il est soumis et de son état de santé, l’enfant est en mesure d’assurer le travail qui lui est proposé. Un examen médical pris en charge par l’employeur est réalisé par un pédiatre ou par un médecin généraliste ;

– si les conditions d’emploi de l’enfant sont satisfaisantes au regard : des horaires de travail ; du rythme des représentations ou des compétitions, notamment en ce qui concerne sa participation éventuelle à des représentations en soirée ou à plusieurs représentations ou compétitions au cours de la même semaine ; de sa rémunération ; des congés et temps de repos ; de l’hygiène, de la sécurité ; de la sauvegarde de sa santé et de sa moralité ;

– si des dispositions sont prises en vue de lui assurer une fréquentation scolaire normale ;

– si la famille de l’enfant (ou les personnes qui en ont la charge) sont en mesure d’exercer à son égard une surveillance efficace, notamment pendant les heures de repos et les trajets.

Source : LamyLine

Le cadre juridique garantit que la majeure partie des revenus bénéficie in fine à l’enfant, et non à ses représentants légaux. Ces derniers peuvent disposer d’une partie de la rémunération perçue par l’enfant ; toutefois, le surplus, appelé « pécule », est versé à la Caisse des dépôts et des consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant ([4]). Si des prélèvements sur le pécule peuvent être autorisés par le président de la commission délivrant l’autorisation individuelle préalable, ils doivent être impérativement effectués dans l’intérêt exclusif de l’enfant ([5]).

Un employeur ne respectant pas le régime dautorisation individuelle sexpose à des sanctions pénales ([6]) dont la sévérité varie selon la nature de l’infraction : le fait d’engager ou de produire un enfant de moins de seize ans soumis à l’obligation scolaire sans autorisation préalable, le fait d’engager ou de produire un enfant de plus de treize ans sans avoir préalablement recueilli son avis favorable écrit et le fait de méconnaître les dispositions relatives à la durée du travail et au repos sont punis de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, tandis que le fait de remettre, directement ou indirectement, aux enfants ou à leurs représentants légaux des fonds appartenant au pécule est passible de 3 750 euros d’amende – montant quintuplé s’agissant de personnes morales.

 Le code du travail prévoit cependant un dispositif dérogatoire à lobligation dautorisation individuelle préalable pour les agences de mannequins dont une partie de lactivité consiste à placer des enfants de moins de seize ans ([7]).

Ces agences peuvent demander à bénéficier d’un agrément permettant de s’exonérer de l’obligation de détenir une autorisation individuelle pour chaque prestation. Cet agrément est accordé par l’autorité administrative pour une durée déterminée à l’issue d’une instruction réalisée par les services de l’État. Il peut être retiré à tout moment.

La décision d’agrément fixe les règles de répartition des revenus entre l’enfant et ses représentants légaux ([8]). Comme dans le régime d’autorisation individuelle, les représentants légaux peuvent bénéficier d’une part de la rémunération perçue par l’enfant, mais le pécule est versé à la Caisse des dépôts et des consignations.

B.   Les modifications apportées par la proposition de loi

● Le régime d’autorisation individuelle ne s’applique pas, à l’heure actuelle, aux contenus produits pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), que l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle définit comme « tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par lutilisateur et sur sa demande, à partir dun catalogue de programmes dont la sélection et lorganisation sont contrôlées par léditeur de ce service ». Or, les SMAD occupent une place croissante dans la production audiovisuelle nationale et internationale.

Afin de clarifier la loi et par mesure de coordination avec le droit existant, les alinéas 5 et 6 du présent article précisent que le régime dautorisation préalable est applicable aux enfants produits ou engagés dans une entreprise réalisant des enregistrements audiovisuels, quel que soit leur mode de diffusion. Ainsi, ils étendent le régime d’autorisation administrative individuelle aux enfants de moins de seize ans engagés ou produits en vue d’une diffusion sur un SMAD.

● Le régime d’autorisation individuelle ne s’applique pas non plus aux enfants de moins de seize ans apparaissant dans des contenus diffusés par des plateformes de partage de vidéos à l’initiative de leurs utilisateurs.

Pourtant, certains enfants peuvent tout à fait remplir, dans le cadre de la réalisation de ces vidéos, les conditions juridiques définissant une relation de travail : ils peuvent fournir une prestation de travail, percevoir une rémunération en contrepartie et se trouver dans un lien de subordination naturel avec les producteurs ou réalisateurs du contenu.

En échappant au régime d’autorisation préalable, ces enfants ne bénéficient d’aucune garantie sur leur durée de travail ou la protection de leurs revenus. En outre, une décision judiciaire peut à tout moment requalifier la prestation fournie en relation de travail, ce qui expose les producteurs et réalisateurs – en général les parents ou leur famille proche – à une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ([9]).

Afin de mieux protéger les enfants et de sécuriser la situation juridique de leurs parents responsables de la réalisation et de la diffusion de ces contenus audiovisuels, les alinéas 7 et 8 du présent article étendent aux enfants de moins de 16 ans apparaissant dans des vidéos diffusées par des plateformes le régime dautorisation individuelle applicable aux enfants du spectacle.

Grâce à ces nouvelles dispositions, lorsqu’un réalisateur ou producteur voudra engager un enfant de moins de seize ans pour produire un contenu ayant vocation à être diffusé à titre lucratif sur une plateforme de partage de vidéos, il devra préalablement solliciter une autorisation individuelle auprès de l’autorité administrative.

Seront regardées comme lucratives au sens du présent article les activités remplissant au moins l’un des critères suivants :

– recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ;

– fréquence ou importance établie ;

– facturation absente ou frauduleuse ;

– pour des activités artisanales, utilisation d’un matériel ou d’un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel.

Ainsi, toutes les mesures protectrices relatives à lencadrement du temps de travail de lenfant et à la constitution dun pécule auprès de la Caisse des dépôts et consignations, légales et règlementaires, seront applicables à ces enfants.

Toutefois, afin déviter que les producteurs et réalisateurs de contenus naient à solliciter une autorisation pour chaque vidéo, les alinéas 9 et 10 permettent aux employeurs de solliciter le même agrément que les agences de mannequins.

 Les alinéas 1 à 4 et 11 à 17 assurent la coordination avec les autres dispositions du code du travail.

*

Article 2
Obligation, pour les plateformes de partage de vidéos, de faire cesser la diffusion de contenus méconnaissant lobligation dautorisation préalable

Adopté par la Commission sans modification

Le présent article crée une obligation de coopération des plateformes de partage de vidéos avec les autorités publiques. Lorsqu’ils sont informés qu’un contenu diffusé met en scène un mineur de moins de seize ans en méconnaissance des régimes d’autorisation et d’agrément prévus par le code du travail, ces services sont tenus d’agir pour le retirer ou en rendre l’accès impossible dans les meilleurs délais. Le non-respect de cette obligation de coopération est sanctionné d’une peine d’amende pouvant atteindre 75 000 euros.

En application de l’article 1er de la présente proposition de loi, l’employeur qui ne respecte pas l’obligation de détenir une autorisation individuelle pour un enfant âgé de moins de seize ans encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Le présent article a pour objet d’assortir ces sanctions pénales pesant sur l’employeur d’une obligation de coopération avec les autorités publiques pesant sur les services de plateforme.

Pour ce faire, il crée un nouvel article 6-2 dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans léconomie numérique qui oblige les services de plateformes de partage de vidéos à rendre indisponibles les contenus que lautorité administrative signale comme ne respectant pas lobligation dautorisation préalable concernant le travail des enfants de moins de seize ans (alinéa 2). Ces services sont tenus de retirer promptement les contenus concernés ou, à défaut, den rendre laccès impossible dans les meilleurs délais.

Par renvoi aux peines prévues par le 1 du VI de larticle 6 de la loi précitée, tout manquement à cette obligation de coopération avec les autorités publiques est puni dune peine dun an demprisonnement et de 75 000 euros damende (alinéa 3). Il convient toutefois de noter que le montant de cette peine damende pourrait être porté à 250 000 euros si larticle 3 bis de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, actuellement en navette au Parlement, était adopté dans la version votée par lAssemblée nationale en nouvelle lecture.

*

Article 3
Encadrement des pratiques de partage de vidéos mettant en scène des mineurs ne relevant pas du droit du travail

Adopté par la Commission avec modifications

Le présent article crée un cadre juridique protecteur pour les enfants de moins de seize ans qui participent à des vidéos partagées sur des plateformes mais qui ne relèvent pas des procédures d’autorisation ou d’agrément prévues par le code du travail.

Lorsqu’une relation de travail ne peut être caractérisée, c’est-à-dire lorsqu’au moins l’une des trois conditions – prestation de travail, rémunération et lien de subordination – n’est pas remplie, les régimes d’autorisation individuelle préalable ou d’agrément prévus par le code du travail ne s’appliquent pas.

De fait, de nombreuses situations ne répondent pas au cumul de ces trois conditions. Par exemple, l’enfant filmé dans le cadre de sa vie quotidienne ne fournit aucune prestation ; certaines vidéos ne font l’objet d’aucune monétisation ; l’enfant ne reçoit pas nécessairement de consignes ou d’ordres de la part du réalisateur-producteur de la vidéo. Pour les enfants concernés, le temps de travail, les revenus engendrés, la moralité des contenus ou encore, le respect des obligations scolaires, échappent ainsi à tout encadrement.

Le présent article institue ainsi un cadre juridique ad hoc protégeant les intérêts des enfants dont l’activité ne relève pas des dispositions introduites au sein du code du travail par l’article 1er de la présente proposition de loi.

Le I du présent article soumet à une obligation de déclaration la diffusion, par un service de plateforme, de contenus vidéo dont un enfant de moins de seize ans est lobjet principal lorsque l’un des deux critères suivants est rempli :

– la durée cumulée des contenus ou leur nombre dépassent, sur une période de temps donnée, un seuil déterminé par un décret en Conseil d’État (alinéa 2) ;

 le fait que la diffusion des contenus engendre, pour la personne responsable de la réalisation, de la production ou de la mise en ligne, des revenus directs et indirects supérieurs à un seuil fixé par un décret en Conseil dÉtat (alinéa 3).

Le II encadre les durées de travail hebdomadaires et quotidiennes des enfants concernés par l’obligation de déclaration en prévoyant qu’elles ne peuvent excéder un seuil déterminé par décret en Conseil d’État.

Comme dans le cadre des régimes d’autorisation et d’agrément du code du travail, le III garantit qu’une partie des revenus tirés de la diffusion des contenus revient à lenfant à sa majorité ou à la date de son émancipation. Ainsi, la part des revenus directs ou indirects tirés de la diffusion de ces contenus est supérieure au seuil fixé par décret en Conseil d’État en application du 2° du I est versée à la Caisse des dépôts et des consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant.

Des prélèvements peuvent être autorisés en cas d’urgence et à titre exceptionnel. Comme c’est actuellement le cas pour les enfants du spectacle, il est souhaitable que les actes règlementaires pris en application de la loi précisent que ces prélèvements ne pourront être réalisées qu’après autorisation administrative et dans l’intérêt de l’enfant.

Toutefois, une part minoritaire de ces revenus, déterminée par lautorité administrative, peut être laissée à la disposition des représentants légaux de l’enfant dont l’implication dans la réalisation des vidéos dépasse souvent largement celles d’un parent d’un enfant du spectacle ou d’un enfant mannequin.

Le fait de remettre des fonds, de manière directe ou indirecte, à un enfant ou à ses représentants légaux, au-delà de la part pouvant légalement bénéficier aux représentants légaux de l’enfant, est puni de 75 000 euros d’amende (alinéa 6). Cette disposition a pour objectif de responsabiliser les services de plateforme et les entreprises concluant des contrats de placement de produits : ils sont ainsi incités à s’informer du statut des contenus – soumis ou non au régime de déclaration administrative –, dès lors que ce statut détermine le bénéficiaire des versements qu’ils doivent effectuer.

*

Article 4
Responsabilisation des services de plateforme en matière de diffusion de contenus faisant figurer des enfants de moins de seize ans

Adopté par la Commission avec modifications

Le présent article crée plusieurs obligations à la charge des services de plateforme de partage de vidéos :

– mettre en place des outils permettant l’identification des contenus faisant figurer des mineurs de moins de seize ans ;

– coopérer avec les services de l’État afin que tous les contenus dans lesquels apparaissent des mineurs de moins de seize ans, téléversés depuis le territoire français et qui sont source de revenus pour les services de plateforme, soient signalés à l’autorité administrative compétente ;

– informer leurs utilisateurs sur la réglementation en vigueur et les risques associés à la diffusion de l’image d’un enfant de moins de seize ans.

Le présent article a pour objet de responsabiliser les services de plateforme de partage de vidéos en les faisant participer plus activement à la détection des contenus audiovisuels problématiques quils peuvent véhiculer.

Le premier alinéa du présent article leur impose de mettre en place les outils nécessaires à lidentification, par les personnes responsables de la diffusion, et au signalement, par leurs utilisateurs, des contenus faisant figurer des enfants de moins de seize ans.

Par ailleurs, dès lors que les services tirent des revenus directs dun contenu audiovisuel téléversé depuis le territoire français qui leur est signalé grâce aux outils mentionnés au premier alinéa du présent article, ils doivent en informer lautorité administrative compétente (alinéa 3). Une obligation de coopération entre les services de plateforme et les autorités publiques est ainsi instituée, qui représente, pour les services de plateforme, une charge mesurée et largement automatisable.

Ces dispositions permettent aux services de l’État de n’avoir à surveiller, non pas l’ensemble des contenus audiovisuels téléversés depuis la France – ce qui serait impossible à moyens constants – mais les seuls contenus dont un faisceau d’indices suggère qu’ils seraient susceptibles de relever du régime de déclaration institué par l’article 3 de la présente proposition de loi, voire des dispositions du droit du travail créées par l’article premier de la présente proposition de loi.

Enfin, afin de faciliter l’application de la législation relative à la diffusion sur internet de l’image de mineurs de moins de seize ans, l’alinéa 2 du présent article impose aux services de plateforme d’informer leurs utilisateurs de la réglementation en vigueur et des sanctions applicables si celle-ci n’est pas respectée. Est également créée une obligation de sensibilisation aux risques associés à la diffusion de contenus mettant en scène des enfants (harcèlement, santé, scolarité, etc.)

*

Article 5
Ouverture de lexercice du droit deffacement aux mineurs

Adopté par la Commission sans modification

Le présent article ouvre l’exercice du « droit à l’effacement » institué par le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) aux mineurs dont l’image est diffusée par une plateforme de partage de vidéos.

Larticle 63 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a anticipé lentrée en vigueur du Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) européen en instituant un droit deffacement renforcé des données personnelles des mineurs. En effet, dès lors qu’elle se rapporte à une personne identifiée ou identifiable, l’image d’une personne est une donnée à caractère personnel.

Article 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés

I.  Le droit à leffacement sexerce dans les conditions prévues à larticle 17 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016.

II.  En particulier, sur demande de la personne concernée, le responsable du traitement est tenu deffacer dans les meilleurs délais les données à caractère personnel qui ont été collectées dans le cadre de loffre de services de la société de linformation lorsque la personne concernée était mineure au moment de la collecte. Lorsquil a transmis les données en cause à un tiers lui-même responsable de traitement, il prend des mesures raisonnables, y compris dordre technique, compte tenu des technologies disponibles et des coûts de mise en œuvre, pour informer le tiers qui traite ces données que la personne concernée a demandé leffacement de tout lien vers celles-ci, ou de toute copie ou de toute reproduction de cellesci.

En cas de non-exécution de leffacement des données à caractère personnel ou en cas dabsence de réponse du responsable du traitement dans un délai dun mois à compter de la demande, la personne concernée peut saisir la Commission nationale de linformatique et des libertés, qui se prononce sur cette demande dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de la réclamation.

En raison de lincapacité juridique dans laquelle sont placés les mineurs, le droit deffacement qui leur est reconnu ne peut être exercé que par le titulaire de lautorité parentale. Or, il existe de nombreuses situations dans lesquelles les parents sont responsables de la diffusion de contenus faisant apparaître leurs enfants et trouvent un intérêt, notamment financier, à ce que ces contenus restent en ligne.

Aussi, larticle 5 autorise les mineurs à exercer eux-mêmes leur droit à leffacement lorsque leur image est diffusée par un service de plateforme de partage de vidéos, y compris dans les cas où leurs représentants légaux sy opposeraient.

*

Article 6
Sanctions applicables aux services de plateforme

Adopté par la Commission sans modification

Le présent article institue une peine de 75 000 euros d’amende pour les services de plateforme qui ne respectent pas les obligations définies aux articles 4 et 5 de la proposition de loi.

 

 


—  1  —

Annexe :
Liste des textes susceptibles dêtre abrogÉs
ou modifiÉs À loccasion de lexamen
de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées ou abrogées

Article

Codes et lois

Numéro darticle

1

Code du travail

Intitulé du livre Ier de la septième partie

Intitulé du titre II du livre Ier de la septième partie

Intitulé du chapitre IV titre II du livre Ier de la septième partie

L. 7124-1

L. 7124-4-1 [nouveau]

L. 7124-5

L. 7124-10

2

Loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

6-2 [nouveau]

 


([1]) Voir par exemple « What happens when parents abuse and exploit children for internet fame », CNN, mars 2019.

([2]) Le site « Socialblade » évalue par exemple les revenus annuels d’une des plus importantes chaînes YouTube mettant en scène des mineurs entre 320 000 et 5 millions d’euros par an.

([3]) Article L. 7124-2 du code du travail

([4]) Article L. 7124-9 du code du travail.

([5]) Article R. 7124-34 du code du travail.

([6]) Articles L. 7124-22 à L. 7124-25 du code du travail.

([7]) Articles L. 7124-4, L. 7124-5 et L. 7124-10 du code du travail

([8]) Article L. 7124-10 du code du travail

([9]) Infraction de travail dissimulé pour les mineurs soumis à l’obligation scolaire, Article L. 8224-2 du code du travail.