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N° 2724

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 février 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi pour des cantines vertueuses,

 

Par Mme Clémentine AUTAIN,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2597.

 


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Avant-propos

Principaux apports de la commission

Commentaire des articles

Article 1er (supprimé) Principe de gratuité du service public de restauration scolaire

Article 2 Conséquence de la gratuité sur la tarification de la restauration scolaire

Article 3 (supprimé) Formation des professionnels de la restauration collective aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

Article 4 Amélioration de la qualité des produits servis en restauration collective publique

Article 5 Instauration d’une dotation relative au soutien à une restauration scolaire saine et durable

Article 6 (supprimé) Gage

Article 7 (supprimé) Gage

Article 8 (nouveau) Gage

COMPTE RENDU DES Débats en commission

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9 heures 30 ()

I. Discussion générale

II. Examen des articles

annexe : LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES DÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À LOCCASION DE LEXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI


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   Avant-propos

 

Chaque année, plus d’un milliard de repas sont servis dans les cantines scolaires. Prise dans son ensemble, la restauration collective représente près de quatre milliards de repas par an, pour un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros.

Ce levier considérable n’est pas mis au service de la société comme il devrait l’être. Face à l’urgence climatique, aux inégalités, aux dangers de la malbouffe, à une chaîne de valeur de plus en plus déséquilibrée au détriment des producteurs, les cantines ont un rôle à jouer.

La présente proposition de loi a pour ambition de les rendre vertueuses.

Des cantines vertueuses, ce sont d’abord des cantines accessibles à tous. Tel n’est pas le cas aujourd’hui à l’école, où existent de fortes inégalités entre les élèves selon leur origine sociale dans l’accès à la cantine. En 2016, 40 % des élèves issus de familles très défavorisées n’étaient pas inscrits à la restauration collective de leur établissement d’enseignement, contre 17 % pour les élèves issus de familles aisées. Dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+), la proportion de non-inscrits parmi les élèves de familles modestes atteignait 75 % ([1]).

Si des dispositifs de tarification sociale existent dans certaines communes, ceux-ci demeurent minoritaires et ne couvrent en définitive qu’une petite partie du territoire. En 2013, 69 % des communes ne proposaient pas de tarifs différenciés selon les revenus ou la composition du ménage ([2]).

Ouvrir les cantines à tous les enfants est aussi un enjeu de santé publique. La cantine est l’endroit où les enfants, quelle que soit leur origine sociale, peuvent profiter d’une nourriture saine et apprendre de bonnes pratiques alimentaires, loin des produits ultra-transformés et du grignotage. Comme le relevait dès 2001 une circulaire interministérielle, « les habitudes alimentaires sacquièrent dès le plus jeune âge. Il est donc important de commencer léducation nutritionnelle quand les comportements et les attitudes nont pas encore été établis. […] [Lécole] doit aider [les enfants], en complémentarité avec les familles, à choisir leurs propres aliments chaque fois quils peuvent le faire en dépit des tendances, des médias et des traditions et leur faire connaître les effets de lalimentation sur leur santé » ([3]).

Cet apprentissage est particulièrement important pour lutter contre le fléau de l’obésité infantile, qui touche en premier lieu les plus démunis. Dans une étude parue en 2015, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé relevait que les enfants d’ouvriers étaient plus de quatre fois plus touchés par l’obésité que les enfants de cadres, et ce dès la grande section de maternelle ([4]).

Agir pour des cantines scolaires gratuites et de qualité devrait être une évidence pour les pouvoirs publics : c’est au service de cette évidence que se place cette proposition de loi, dont les articles 1er et 2 prévoient l’inscription, dans le code de l’éducation, du principe de gratuité du service de restauration scolaire.

Des cantines vertueuses, ce sont ensuite des cantines au service de la société.

Depuis la loi « Égalim » de 2018, les repas servis dans les cantines doivent comprendre une proportion minimale de 50 % de produits labellisés, et 20 % de produits issus de l’agriculture biologique ([5]).

Il s’agit certes d’un premier pas. Mais il n’est pas suffisant. Dans un récent référé, la Cour des comptes a souligné l’impasse dans laquelle se trouve la stratégie du Gouvernement en matière de sortie du glyphosate ([6]). Même repoussée à l’échéance de 2025, la promesse confirmée en avril 2019 de diminuer l’utilisation de 50 % du glyphosate par rapport aux niveaux de 2010 ne sera pas tenue.

En portant à 80 % la part de produits bio devant être servis dans les cantines, l’article 4 de cette proposition de loi engage pleinement la restauration collective dans la bifurcation écologique. Elle agit également en faveur d’une alimentation saine, en rehaussant à 70 % la part des produits devant répondre à au moins un critère de qualité (notamment label rouge, pêche durable ou produit de pays) ou de respect de l’environnement.

Il ne sera toutefois pas possible de mettre en œuvre ces engagements sans la pleine coopération des personnels œuvrant dans les cantines d’une part et des collectivités territoriales d’autre part.

C’est pourquoi l’article 3 prévoit de mettre en place une formation initiale et continue à destination des acteurs de la restauration scolaire, afin de former les cuisiniers, les gestionnaires, les acheteurs publics et les nutritionnistes aux enjeux de la bifurcation écologique : lutte contre le gaspillage et l’usage excessif de plastique, sensibilisation à l’achat de produits respectueux des sols et équitables pour les producteurs.

L’article 5 prévoit quant à lui l’institution d’une dotation de soutien aux communes investissant dans une restauration saine et durable, afin de permettre aux communes éligibles à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale ou à la dotation de solidarité urbaine de mettre en œuvre les investissements nécessaires.

Les dispositions de la présente proposition de loi sont financées par des mesures simples et en accord avec les attentes des Français, à rebours de la politique de cadeaux fiscaux aux plus riches menée par le Gouvernement. L’article 6 prévoit le rétablissement de l’impôt sur la fortune, dont la suppression coûte chaque année 3,5 milliards d’euros aux finances publiques. L’article 7 institue une taxe acquittée par les entreprises commercialisant des pesticides, d’un montant maximal de 3 % du chiffre d’affaires. Ces deux articles permettront à l’État de compenser intégralement les coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales, évalués à 3,2 milliards d’euros.

 


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Principaux apports de la commission

Lors de son examen de la présente proposition de loi, mercredi 26 février 2020, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation a supprimé les articles 1er, 3, 6 et 7.

Elle a adopté, avec modifications, les articles 2, 4 et 5.

À l’article 2, elle a adopté un amendement de rédaction globale de M. Gaël Le Bohec, modifié par un sous-amendement de M. Bruno Studer. Ainsi, un nouvel article L. 533-3 du code de l’éducation prévoit que les collectivités territoriales fixent les tarifs de la restauration scolaire, qui ne peuvent être supérieurs au coût de revient du service par usager pour la collectivité territoriale, et qu'un barème progressif peut être mis en place. Lorsqu’il est mis en place, ce barème doit comporter au moins trois tranches et être calculé sur la base du dernier revenu imposable du foyer fiscal. Le plafond de revenus pour l’éligibilité à la tranche la plus basse ne peut dépasser 7 800 euros à l’échelle du foyer, ce montant étant indexé chaque année sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Le tarif applicable pour la première tranche doit être inférieur ou égal à un euro. En conséquence, l’inscription à l’article L. 533-1 du code de l’éducation du principe de gratuité des tarifs de la restauration scolaire, prévu dans le texte initial de la proposition de loi, est supprimée.

À l’article 4, la commission a adopté un amendement de M. Le Bohec de suppression du deuxième alinéa, qui prévoyait l’élévation de la part obligatoire de produits répondant à certains critères (dont produits bénéficiant de labels de qualité ou respectueux de l’environnement) et de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective publique.

L’article 5 a été modifié par un amendement de rédaction globale de M. Le Bohec. La nouvelle rédaction prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement avant le 1er janvier 2021 un rapport relatif au financement par l’État de la tarification sociale des cantines par les collectivités territoriales. Ce rapport devra notamment faire état des communes et établissements de coopération intercommunale bénéficiaires d’un soutien financier de l’État, et du montant des crédits alloués. L’amendement se substitue ainsi au texte initial de la proposition de loi, qui prévoyait la création d’une dotation de soutien aux communes fragiles dans la mise en œuvre d’investissements en faveur d’une restauration scolaire saine et durable.

La commission a enfin inséré, après l’article 7, sur amendement de M. Le Bohec, un nouvel article de gage, les gages initialement prévus ayant été supprimés.

 


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   Commentaire des articles

Article 1er (supprimé)
Principe de gratuité du service public de restauration scolaire

Supprimé par la commission

Le présent article inscrit dans la loi un principe de gratuité du service de restauration scolaire. Il élargit le champ du droit d’inscription à la cantine des écoles primaires, en lui substituant un droit d’accès à la restauration collective de tout établissement, incluant ainsi collèges et lycées.

I.   Le droit existant : un système de restauration scolaire socialement discriminant

Les enfants de familles défavorisées font face à des difficultés d’accès considérables à la restauration scolaire.

A.   Un droit d’inscription à la cantine inscrit dans la loi mais limité aux écoles primaires

1.   La restauration scolaire, un service public facultatif annexe de celui de l’enseignement

● La restauration scolaire dans chaque établissement d’enseignement relève de la compétence de la collectivité territoriale responsable de l’établissement. Il s’agit d’un service public facultatif, qui ne compte pas parmi les missions obligatoires des collectivités.

S’agissant de l’enseignement primaire, le code général des collectivités territoriales ne place pas la restauration scolaire parmi les dépenses obligatoires de la commune ([7]). Ce caractère facultatif a été confirmé par voie jurisprudentielle, le Conseil d’État estimant que la création d’une cantine scolaire n’était « pas au nombre des obligations incombant à [la] commune pour le fonctionnement du service » ([8]). Le Conseil constitutionnel a validé cette interprétation dans une décision du 26 janvier 2017, considérant que les dispositions introduites par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté en matière de restauration scolaire ([9]) n’avaient « ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la création dun service public de restauration scolaire dans les écoles primaires » ([10]).

Le caractère obligatoire ou non de la restauration scolaire est resté plus longtemps en suspens pour l’enseignement secondaire, en raison du flou entourant les dispositions en vigueur. La loi de décentralisation du 13 août 2004, qui prévoyait le transfert de compétences liées à l’enseignement scolaire aux départements (pour les collèges) et aux régions (pour les lycées), se borne à indiquer que le département assure, entre autres, « la restauration […] dans les collèges dont il a la charge », de même pour les régions s’agissant des lycées ([11]). Reprises aux articles L. 213-2 et L. 214-6 du code de l’éducation, ces dispositions ont parfois été interprétées comme créant une obligation pour les collectivités responsables de mettre en place une cantine dans l’établissement. Il en résultait la conception que le service de restauration scolaire était facultatif dans les écoles, mais obligatoire dans les collèges et lycées ([12]).

Cette interprétation a été infirmée par un arrêt récent du Conseil d’État. Ce dernier a en effet jugé qu’il n’existait aucune obligation pour le département de mettre en place un service de restauration collective, estimant qu’il ne résultait pas de la loi de 2004 « que le législateur ait entendu, à cette occasion, transformer ce service public administratif, jusqualors facultatif, en service public administratif obligatoire ». La responsabilité de la collectivité ne peut dès lors être engagée pour avoir refusé de le prendre en charge financièrement ce service ([13]).

S’appliquant aux départements, cette jurisprudence devrait également et selon toute logique valoir pour les régions, dont la compétence pour les lycées obéit à des dispositions strictement similaires à celles en vigueur pour les départements.

● Lorsqu’il est mis en place, le service de restauration scolaire est un service public annexe à celui de l’enseignement. Il est dès lors soumis aux mêmes principes que les autres services publics, et notamment au principe d’égalité des usagers devant le service public ([14]). Si ce principe admet la pratique d’une tarification différenciée selon des critères sociaux basés sur les revenus du foyer, il ne peut donner lieu à des restrictions d’accès sans rapport avec l’objet du service public en cause, selon les termes du Conseil d’État ([15]). Ce dernier a ainsi suspendu en référé l’exécution d’une délibération municipale limitant à un jour par semaine l’accès à la restauration scolaire des enfants dont un parent ne travaille pas ([16]).

2.   Un droit d’inscription limité aux écoles primaires

Désormais inscrit dans la loi, le droit d’accès de tout enfant à la restauration scolaire se limite aux écoles primaires et ne s’applique pas aux cantines des collèges et des lycées.

La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté précitée a institué, en son article 186, un droit pour chaque enfant à être inscrit à la cantine de son école primaire chaque fois que ce service a été mis en place. L’article L. 131-13 du code de l’éducation dispose ainsi désormais que « linscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés », précisant par ailleurs qu’ « il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Introduit par amendement en commission lors de l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale ([17]), cet article visait à mettre fin aux situations d’exclusion auxquelles faisaient face un certain nombre d’élèves. Jusqu’alors, un chef d’établissement du premier degré pouvait en effet refuser l’inscription d’un élève à la cantine, au motif que la capacité des installations ne permettait pas d’accueillir l’élève en question.

Dans sa décision du 26 janvier 2017 mentionnée précédemment, le Conseil constitutionnel a confirmé que ces nouvelles dispositions instauraient bien un « droit daccès » au service de restauration scolaire, dès lors que ce service existe. Le tribunal administratif de Besançon en a par ailleurs précisé l’effectivité, estimant que les termes de la loi « impliquent que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration pour les écoles dont elles ont la charge sont tenues de garantir à chaque élève le droit dy être inscrit ». Le jugement précise par ailleurs que les communes « doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de place disponible, refuser dy inscrire un élève qui en fait la demande » ([18]). Cette interprétation a été validée en appel par la cour administrative d’appel de Nancy ([19]).

Ce droit demeure toutefois trop limité dans son champ dapplication, et ne remédie pas aux inégalités daccès à la restauration scolaire.

B.   Des inégalités d’accès persistantes selon le revenu des familles

Le droit à être inscrit à une cantine scolaire, malgré son inscription dans la loi, ne signifie pas que les élèves puissent toujours y avoir accès. Au contraire : l’accès à la cantine est aujourd’hui fortement discriminant envers les familles les plus modestes. Le coût élevé de la restauration scolaire dissuade les parents d’y inscrire leur enfant, avec des conséquences inacceptables en termes de justice sociale et de santé publique.

1.   Un accès inégal des enfants à la restauration scolaire

La compétence des collectivités en matière de restauration scolaire a pour conséquence une grande liberté en matière de gestion, et notamment dans la fixation des tarifs. L’article R. 531-52 du code de l’éducation précise ainsi que « les tarifs de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de lenseignement public sont fixés par la collectivité territoriale qui en a la charge ». La seule limite à cette liberté des tarifs, d’origine jurisprudentielle puis reprise par voie réglementaire, est que le tarif maximal payé par un usager ne peut être supérieur au coût de revient du repas pour le service de restauration, « après déduction des subventions de toute nature bénéficiant à ce service » ([20]).

Les prix sont variables selon les établissements et le niveau d’enseignement. Dans un rapport de 2013, le Défenseur des droits estime que le coût pour la commune d’un repas servi et encadré en école maternelle ou primaire s’inscrit dans une fourchette allant de 6,50 euros à 10 euros, pour un prix facturé aux familles situé entre 3,50 euros et 4 euros ([21]). S’agissant des collèges, une enquête de l’Assemblée des départements de France (ADF) publiée la même année évalue à entre 7 euros et 9 euros le coût individuel d’un repas pour les départements, pour un prix moyen de 2,97 euros ([22]). À l’année, le coût moyen de fréquentation de la cantine par enfant s’élèverait à environ 400 euros dans l’enseignement primaire et 580 euros dans l’enseignement secondaire ([23]).

Ce coût élevé demandé aux familles les plus défavorisées a pour conséquence la faible fréquentation des cantines par leurs enfants. En labsence daides, les ménages du premier décile consacraient en effet 18,3 % de leurs revenus mensuels à la cantine de leurs enfants en collège dans lEssonne et 22,4 % dans les Landes, contre respectivement 5,3 % et 5,9 % pour les ménages du cinquième décile ([24]).

Il en résulte un niveau très faible de fréquentation des cantines dans certains établissements. Ainsi, si seulement 23 % des élèves des collèges publics hors éducation prioritaire ne fréquentent jamais la cantine de leur établissement, cette proportion grimpe à 59 % pour les élèves de collèges publics en éducation prioritaire. Au sein même des collèges relevant de l’éducation prioritaire, 73 % des élèves n’utilisent jamais la cantine dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) contre 53 % dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire (REP) ([25]).

Source : Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), 2017.

Cette différence de fréquentation de la cantine selon le niveau de revenus des parents se vérifie dans tous les catégories d’établissements, en réseau d’éducation prioritaire ou non. Ainsi, pour l’ensemble des collèges publics et privés, on compte 17 % d’élèves ne fréquentant jamais la cantine chez les élèves dont l’origine sociale est « très favorisée » contre 40 % pour les élèves issus de familles modestes. Une étude de 2017 menée par le Haut Conseil de la Santé Publique constatait plus généralement la « désaffection des quartiers populaires » pour les cantines scolaires, au détriment des enfants qui y sont scolarisés ([26]).

 

Source : Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), 2018.

2.   La tarification sociale, une possibilité trop peu répandue

Si la loi permet aux collectivités de pratiquer une tarification sociale modulée selon les revenus et la composition du foyer de lélève, cette pratique demeure trop faiblement répandue.

L’article L. 533-1 du code de l’éducation autorise les collectivités territoriales à « faire bénéficier de mesures à caractère social tout enfant sans considération de létablissement denseignement quil fréquente ». L’article 147 de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions précise les critères pouvant être retenus pour la modulation des prix pratiqués, en disposant que les tarifs des services publics facultatifs (tels que celui de la restauration scolaire) « peuvent être fixés en fonction du niveau du revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer » ([27]).

Ces deux critères doivent être appréciés de façon objective, de façon à ne pas conduire à traiter différemment des personnes placées dans une situation similaire. Ainsi, l’article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales précise que « lorsquils attribuent des aides sociales à caractère individuel, en espèces ou en nature, ou un avantage tarifaire dans laccès à un service public, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les groupements de collectivités et les organismes chargés de la gestion dun service public veillent à ce que les conditions dattribution de ces aides et avantages nentraînent pas de discrimination à légard de personnes placées dans la même situation, eu égard à lobjet de laide ou de lavantage, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer ».

En réalité, on constate des disparités très importantes dans la pratique de modulation des tarifs.

S’agissant des écoles publiques primaires, la tarification différentielle demeure peu utilisée. Comme le relevait l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) dans un rapport de janvier 2019, « cette option est loin dêtre généralisée et reste même minoritaire, à lexception des communes de taille moyenne ou grande » ([28]). Dans une étude de 2014 menée auprès de 1 700 communes et EPCI, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) notait pour sa part que seulement 31 % des collectivités offraient un service de restauration scolaire à tarification différenciée ([29]).

Les familles défavorisées sont dès lors très inégalement soutenues pour le financement de la restauration scolaire, avec d’importantes inégalités selon la taille de la commune. En région Nouvelle Aquitaine, une enquête du quotidien Sud-Ouest concluait à un tarif moyen annuel de 369,10 euros pour les familles du dernier décile dans les communes de moins de 1 500 habitants, contre 56,40 euros dans les communes de plus de 50 000 habitants ([30]).

Cette inégalité s’observe sur l’ensemble du territoire français. Selon l’étude de l’UNAF précitée, si l’intégralité des communes de plus de 100 000 habitants proposait en 2014 une tarification différenciée, ce n’était le cas que de 10 % des communes de 100 à 400 habitants.

Les différences de politique tarifaire sont également très marquées dans l’enseignement secondaire. Le CNESCO évaluait en octobre 2017 à 55 % la proportion de collèges et de lycées ne proposant pas de politique tarifaire spécifique selon les revenus du foyer. Ainsi, et au détriment du plus grand nombre des élèves, seule une minorité d’établissements (40 %) pratique des tarifs différenciés.

Handicap et accès à la restauration scolaire : une tarification différenciée source de discriminations

 

Le principe de liberté tarifaire autorise les communes à fixer des tarifs préférentiels pour les enfants dont les parents résident sur son territoire, et par conséquent des tarifs plus élevés pour ceux n’y résidant pas.

Cette pratique est source d’injustices pour les élèves scolarisés en Unités locales pour l’inclusion scolaire (ULIS), qui accueillent les élèves en situation de handicap sur décision de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Toutes les écoles n’offrant pas de classes ULIS, l’école accueillant l’enfant peut être située dans une commune qui n’est pas celle de sa résidence. Il arrive ainsi que des enfants scolarisés en ULIS se voient appliquer un tarif de restauration majoré, ce qui constitue, comme le relevait le Défenseur des droits dans son rapport de mai 2019, « une discrimination indirecte fondée sur le handicap des enfants » ([31]).

Le Défenseur des droits préconise que ces différences de tarification pour les enfants scolarisés en ULIS ne s’appliquent pas dans leur cas, et a rendu une décision en ce sens le 3 mai 2018 ([32]). En septembre 2019, un collectif de parents a obtenu de la ville d’Épinal qu’elle considère les élèves d’une classe d’ULIS comme ses résidents, et donc qu’ils ne soient pas soumis aux tarifs majorés, quand bien même ils seraient issus d’une commune différente ([33]). Le sujet a également été porté à l’attention du Gouvernement par le biais d’une question écrite déposée par le député Stéphane Viry en juillet 2019. Dans sa réponse, la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a indiqué que l’État n’envisageait pas de mettre en place un fonds national de solidarité en la matière, au motif que le choix du tarif de cantine des élèves scolarisés en ULIS relève de la responsabilité des collectivités territoriales ([34]).

3.   Un soutien étatique insuffisant

Les dispositifs censés permettre aux ménages modestes de financer la cantine de leurs enfants sont insatisfaisants, qu’il s’agisse des fonds sociaux ou de l’opération « cantine à 1 euro » lancée par le Gouvernement dans le cadre de son « plan pauvreté » ([35]).

Venant en complément des bourses nationales, le fonds social pour les cantines et les fonds sociaux collégien et lycéen ont été créés dans les années 1990 pour aider les familles à faire face aux dépenses liées à la scolarité de leurs enfants ([36]).

Selon les termes de la circulaire l’instituant, le fonds social pour les cantines « a pour objet de faciliter laccès à la restauration scolaire du plus grand nombre de collégiens, de lycéens, délèves dErea et dERPD, et tout particulièrement ceux en situation de précarité » ([37]). L’aide, dont le montant vient en déduction du tarif dû par la famille pour les frais de restauration, est accordée à l’élève après demande de ses représentants légaux et sur décision du chef d’établissement, dans la limite des crédits dont il dispose.

Si les fonds sociaux collégien et lycéen n’ont pas vocation à financer la restauration scolaire, ils peuvent venir compléter le fonds social pour les cantines en cas d’épuisement des crédits accordés à l’établissement au titre de ce dernier.

Laide apportée par ces fonds est aujourdhui trop faible pour permettre aux familles de faire face aux dépenses de restauration scolaire. Il est ainsi à noter que les crédits accordés à ces fonds ont diminué depuis 2001, passant de 73 millions d’euros à 65 millions d’euros en 2016 – soit une baisse considérable une fois l’inflation prise en compte ([38]).

En outre, et comme le précise la circulaire, « la gratuité de la restauration ne pourra être accordée quà titre exceptionnel et pour une durée limitée ». Le fonds ne permet donc en aucun cas aux familles de soustraire complètement de leur budget les dépenses de cantine.

Quant à lopération « cantine à 1 euro » lancée par le Gouvernement, son efficacité reste à démontrer.

Annoncée en avril 2019 dans le cadre du « plan pauvreté », l’opération repose sur le versement par l’État à certaines communes d’une aide de 2 euros par repas. En contrepartie, le service de restauration scolaire doit proposer une tarification sociale comportant au moins trois tranches, le tarif pour la plus basse ne pouvant dépasser 1 euro. Le montant de 2 euros retenu pour l’aide repose sur des chiffres avancés par une note publiée en août 2018 par le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), selon laquelle le coût moyen facturé aux parents dans le premier degré pour un repas serait entre 2,5 et 3 euros. Après comptabilisation de l’aide, la commune pourrait donc théoriquement facturer un repas à moins de 1 euro à coût budgétaire égal.

Ce dispositif présente toutefois des faiblesses majeures.

La rapporteure constate en premier lieu l’absence de fiabilité des données avancées par le HCFEA au sujet du prix des cantines dans le premier degré. La seule source avancée par le Haut conseil est en effet un site internet ([39]), « cité par le Défenseur des droits et un rapport parlementaire » – sans qu’il soit indiqué par ailleurs de quel rapport parlementaire il s’agit. Aussi, et en l’absence de garantie que le tarif facturé par les communes soit toujours inférieur à 3 euros, on ne peut que remettre en question le bien-fondé du dispositif.

L’opération est ensuite entièrement facultative. Comme le précise la Foire aux questions diffusée par la Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, « il ne sagit pas dune nouvelle obligation mise à la charge des communes. Celles qui souhaitent recourir au dispositif le peuvent, celles qui ne le souhaitent pas nont aucune obligation de modifier leur tarification des cantines » ([40]).

Enfin, le périmètre de l’aide suscite des interrogations. Seules sont en effet concernées les communes bénéficiaires de la « fraction cible » de la dotation de solidarité rurale (DSR) ayant conservé la compétence cantines, et les EPCI disposant de la compétence cantines dont les deux tiers de la population habitent dans une commune éligible à la fraction cible de la DSR. Ce périmètre recouvre au total 10 000 communes potentiellement bénéficiaires, comptant toutes moins de 10 000 habitants ([41]).

Le ciblage de l’aide exclut donc de son bénéfice de nombreuses familles modestes, dès lors qu’elles résident dans des communes classées comme « riches », voire même simplement urbaines.

4.   Un enjeu majeur de santé publique

Les conséquences des inégalités daccès aux cantines en matière de santé publique sont préoccupantes.

La cantine scolaire est en effet un lieu où les enfants peuvent bénéficier d’un repas complet et équilibré, et ainsi parfois compenser une alimentation insuffisante ou inadaptée sur le reste de la journée. Ce besoin est particulièrement saillant chez les enfants de familles modestes, plus vulnérables que les autres à la malnutrition. Comme le relevait un rapport au gouvernement sur la politique de l’enfance en 2012, « les enfants de parents sans emploi en ont un besoin particulier, car il leur permet davoir un repas équilibré par jour, ce quils nont malheureusement pas toujours à leur domicile ; il y a là un enjeu de santé publique essentiel » ([42]). L’Inspection générale de l’éducation nationale relevait quant à elle en 2015 que pour beaucoup d’élèves, « le repas pris à la cantine constitue souvent le seul apport nutritionnel de la journée » ([43]).

D’autres études soulignent les bénéfices de la restauration scolaire sur la santé et la réussite des enfants. Ainsi, un rapport du CNESCO de 2017 mettait en évidence un lien de corrélation négatif entre la proportion de repas pris à la cantine et la possibilité de développer ultérieurement un surpoids chronique ([44]). Une étude menée en Angleterre constatait pour sa part un lien entre la fréquentation de la cantine et la réussite scolaire, les élèves étant plus facilement attentifs et disposés à apprendre lorsqu’ils bénéficient d’un repas complet.

Les exemples étrangers ne manquent pourtant pas pour illustrer la faisabilité de cantines scolaires gratuites : il en est notamment ainsi en Finlande et en Suède, aussi bien dans l’enseignement primaire que dans l’enseignement secondaire. C’est également le cas en Angleterre pour les enfants de 4 à 7 ans, et de 5 à 7 ans en Écosse depuis 2015 ([45]).

Il est donc aujourdhui urgent doffrir à tous les enfants de repas sains, équilibrés et nutritifs, et de mettre fin à linjustice à laquelle font face les plus défavorisés dentre eux.

II.   Le dispositif proposé : des cantines accessibles à tous

● Le présent article modifie l’article L. 131-13 du code de l’éducation relatif à l’inscription en cantine scolaire dans les écoles primaires.

Le 1° inscrit au début de l’article le principe général selon lequel la restauration scolaire est un service public gratuit.

Le 2° remplace la notion d’inscription à la cantine par celle d’accès à la restauration collective, et élargit ce droit d’accès à l’ensemble des établissements d’enseignement, y compris aux collèges et aux lycées.

Ainsi, aucun refus ne pourra être opposé à un élève souhaitant accéder à la cantine de son établissement. La mention selon laquelle ce droit est subordonné à l’existence du service de restauration scolaire est conservée. La mise en place d’un service de restauration scolaire demeure donc facultative.

*

 

Article 2
Conséquence de la gratuité sur la tarification de la restauration scolaire

Adopté par la commission dans une nouvelle rédaction

Le présent article confirme le principe de gratuité de la restauration scolaire, en précisant que les tarifs des services de restauration scolaire doivent en tenir compte.

● L’état du droit existant est développé dans le commentaire de l’article 1er (cf. supra).

● Le présent article renforce le principe de gratuité établi à l’article 1er, en l’inscrivant également à l’article L. 533-1 du code de l’éducation. Cet article autorise aujourd’hui les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les caisses des écoles à faire bénéficier tout enfant de mesures à caractère social sans considération de l’établissement d’enseignement qu’il fréquente.

Il est complété par un nouvel alinéa prévoyant explicitement la gratuité des repas fournis aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l’enseignement public, en raison de leur caractère indispensable.

Ce nouvel alinéa est plus restrictif que le premier alinéa, qui ouvre la possibilité d’accorder des aides à tous élèves, y compris des établissements privés.

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Article 3 (supprimé)
Formation des professionnels de la restauration collective aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

Supprimé par la commission

Le présent article confie à l’État, au titre du service public d’éducation, la mise en place de dispositifs de formation initiale et continue à destination des acteurs de la restauration collective en vue de les sensibiliser aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire.

I.   Les missions de l’État dans le cadre du service public de l’éducation

Aucune formation aux enjeux écologiques nest aujourdhui prévue pour les acteurs de la restauration scolaire, malgré le potentiel considérable que ceux-ci représentent en termes de changement de pratiques alimentaires.

Aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’éducation, l’éducation « est un service public national dont lorganisation et le fonctionnement » relèvent principalement de l’État et subsidiairement des collectivités territoriales. Ces dernières sont en effet, selon ce même article, « associ[ées] au développement de ce service public ». L’État se voit donc conférer une compétence de principe dont le fondement s’appuie sur l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution de la IVe République qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité. Cet alinéa dispose que « la Nation garantit légal accès de lenfant et de ladulte à linstruction, à la formation professionnelle et à la culture. Lorganisation de lenseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de lÉtat ». Les compétences transférées par le législateur constituent des dérogations à cette mission de principe.

● S’agissant de l’État, l’article L. 211-1 mentionne cinq missions relevant de sa responsabilité :

– « la définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, lorganisation et le contenu des enseignements » ;

– « la définition et la délivrance des diplômes nationaux et la collation des grades et titres universitaires » ;

– « le recrutement et la gestion des personnels qui relèvent de sa responsabilité » ;

– « la répartition des moyens quil consacre à léducation, afin dassurer en particulier légalité daccès au service public » ;

– « le contrôle et lévaluation des politiques éducatives ».

● S’agissant des collectivités territoriales, les compétences ont été successivement transférées par les lois de décentralisation.

Les collectivités territoriales sont d’abord responsables de l’implantation et de la gestion des écoles et établissements scolaires publics.

L’article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales dispose ainsi que « le conseil municipal décide de la création et de limplantation des écoles et classes élémentaires et maternelles denseignement public après avis du représentant de lÉtat dans le département ». Aux termes de l’article L. 213-1 du code de l’éducation, « le conseil départemental arrête après avis du conseil départemental de léducation nationale, en tenant compte de critères déquilibre démographique, économique et social, la localisation des établissements, leur capacité daccueil, leur secteur de recrutement et le mode dhébergement des élèves ». L’article L. 214-5 du même code prévoit des dispositions similaires pour la région s’agissant « des lycées, des établissements déducation spéciale et des lycées professionnels maritimes ».

Les collectivités territoriales assument également les charges de gestion des établissements. L’article L. 212-4 dispose que la commune a la charge des écoles publiques et en précise la portée : propriétaire des locaux, elle « en assure la construction, la reconstruction, lextension, les grosses réparations, léquipement et le fonctionnement ». Des dispositions similaires sont prévues par les articles L. 213-2 et L. 214-6 respectivement pour les départements s’agissant des collèges et les régions s’agissant « des lycées, des établissements déducation spéciale et des lycées professionnels maritimes ».

Les départements et les régions assurent également le recrutement et la gestion des « personnels techniciens, ouvriers et de service » qui exercent leurs missions dans les collèges ou les lycées (articles L. 213-2-1 et L. 214-6-1 du code de l’éducation).

On notera cependant que l’État est habilité par la loi à pourvoir aux carences des collectivités territoriales. L’article L. 211-3 dispose qu’il « peut créer exceptionnellement des établissements denseignement public du premier et du second degré » dans la mesure où cette création pallie la carence de la collectivité compétente qui « refuse de pourvoir à une organisation convenable du service public ».

À titre plus anecdotique, et sur le fondement de l’article L. 211-1 du code de l’éducation, l’État assume également la charge de quelques établissements relevant du ministère de l’agriculture ou du ministère de l’éducation nationale et dont la liste est fixée par décret. Par ailleurs, l’article L. 211-5 dispose que « lÉtat exerce la responsabilité des établissements denseignement relevant du ministère de la défense, du ministère de la justice et du ministère des affaires étrangères ».

II.   Une nouvelle mission : former les acteurs de la restauration scolaire aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

Il ne pourra y avoir de tournant vers une alimentation saine et durable dans les cantines scolaires sans une entière mobilisation des acteurs.

C’est pourquoi l’article 3, en complétant l’article L. 211-4 du code de l’éducation, confie à l’État une nouvelle mission de mise en place de dispositifs de formation initiale et continue des acteurs de la restauration collective.

Cette formation s’attacherait aux personnels suivants : cuisiniers, gestionnaires, acheteurs publics et nutritionnistes.

La formation permettrait de mobiliser l’ensemble des personnels pour réaliser de façon concrète, à l’échelle des écoles, une bifurcation écologique et solidaire. À cet effet, les formations devront proposer « un volet écologique » destiné à sensibiliser les personnels à :

– la lutte contre le gaspillage alimentaire ;

– la limitation des contenants en plastique ;

– l’achat de produits issus de systèmes agricoles respectueux des sols ;

– l’obligation d’intégrer dans les repas des produits labellisés et issus de l’agriculture biologique, correspondants aux critères définis par l’article 24 de la loi du 30 octobre 2018 ([46]), et inscrits à l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime. Ces objectifs font l’objet de modifications prévues par l’article 4 de la présente proposition de loi (cf. infra).

*

Article 4
Amélioration de la qualité des produits servis en restauration collective publique

Adopté par la commission avec modifications

Cet article rehausse les exigences fixées par la loi « Égalim » en matière de produits de qualité et de produits biologiques dans les repas servis en restauration collective publique (et notamment scolaire), en portant leur part à respectivement 70 % et 80 %. Il précise que les produits pour lesquels est pris en compte leur coût pour l’environnement, qui comptent parmi les produits de qualité mentionnés ci-dessus, peuvent être issus de projets alimentaires territoriaux, ces derniers favorisant l’approvisionnement en circuits courts et respectant la saisonnalité des produits.

I.   Le « bio » et la qualité dans la restauration collective publique : une démarche engagée, des exigences à renforcer

Les termes de restauration collective désignent les services de restauration proposant des repas à des personnes d’un organisme déterminé, à un prix inférieur à celui de la restauration commerciale.

Les exigences en matière de qualité des produits bio fixés en 2018 pour la restauration collective publique entreront en vigueur en 2022. Ces standards doivent aujourd’hui être renforcés, afin d’engager pleinement le secteur dans une alimentation saine et durable.

A.   Des obligations nouvelles depuis la loi ÉGAlim

1.   Des dispositions programmatiques non contraignantes jusqu’en 2018

Le législateur a progressivement élevé les exigences en matière de qualité des produits servis dans la restauration collective, de façon toutefois peu contraignante jusqu’à la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Égalim ».

La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, ou loi « Grenelle I », ne s’était ainsi emparée de cette question qu’à titre programmatique. Son article 48 fixait à l’État le double objectif de recourir, dans l’approvisionnement de ses services de restauration collective :

– d’une part, « à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 » ;

– d’autre part, et pour une part identique, « à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signe didentification de la qualité et de lorigine ou des produits issus dexploitations engagées dans une démarche de certification environnementale » ([47]).

La loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a inscrit à l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime une obligation pour les gestionnaires, publics et privés, de services de restauration collective, « de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas quils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison » ([48]). Sont concernés par ces dispositions les services de restauration scolaire et universitaire ainsi que les services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires.

Par ailleurs, cette même loi attribue au programme national pour l’alimentation (PNA) nouvellement instauré la mission, reprise à l’article L. 230-1 du même code, de prévoir les actions à mettre en œuvre en matière « dapprovisionnement en produits agricoles locaux dans la restauration collective publique comme privée » ([49]).

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a par la suite modifié cette nouvelle mission, remplaçant la mention de produits locaux par celle de « produits de saison » et ajoutant parmi les produits concernés les « produits sous signe didentification de la qualité et de lorigine, notamment issus de lagriculture biologique » ([50]).

Dépourvues d’effet contraignant, ces dispositions ont produit des résultats très limités. L’agriculture biologique ne représentait ainsi que 3 % des produits consommés dans la restauration collective en 2017 ([51]).

2.   Les objectifs fixés par la loi Égalim

La loi « Égalim », a pour la première fois instauré l’obligation, pour la restauration collective publique, d’utiliser une part minimale de produits bénéficiant d’un label de qualité et de produits bio dans les repas servis.

Créé par l’article 24 de la loi, l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit désormais qu’à l’échéance du 1er janvier 2022, l’ensemble des repas servis « dans les restaurants collectifs dont les personnes morales ont la charge » comprennent une part au moins égale, en valeur, à 50 % de produits labellisés, dont une part au moins égale à 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Il est à noter que ces dispositions ne s’appliquent pas seulement à la restauration scolaire, mais également à la restauration dans les établissements de santé ou dans les établissements pénitentiaires par exemple.

S’agissant des produits concernés par le minimum de 50 %, il s’agit :

– de produits acquis « selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie », cette formulation devant, selon le Gouvernement, favoriser les produits locaux dans le respect du droit européen de la concurrence ;

– ou issus de l’agriculture biologique, qui doivent à eux seuls représenter 20 % ;

– ou bénéficiant des signes de qualité ou mentions valorisantes prévus à l’article L. 640-2 ([52]), pour ceux dont « lutilisation est subordonnée au respect de règles destinées à favoriser la qualité des produits ou la préservation de lenvironnement » ;

– ou bénéficiant du label « pêche durable », mentionné à l’article L. 644‑15 ;

– ou bénéficiant du label « régions ultrapériphériques » de valorisation des productions ultramarines, prévu à l’article 21 du règlement (UE) n° 228/2013 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2013 ;

 ou, jusquau 31 décembre 2029, issus dune exploitation ayant fait lobjet de la certification prévue à larticle L. 611-6 et satisfaisant à un niveau dexigences environnementales au sens du même article, cet article prévoyant trois niveaux de certification de « haute valeur environnementale » pour les exploitations agricoles utilisant des modes de production particulièrement respectueux de lenvironnement ;

– ou, à compter du 1er janvier 2030, issus des exploitations ayant fait l’objet du plus haut niveau de certification prévu à l’article L. 611-6 ;

– ou satisfaisant, au sens de l’article 43 de la directive 2014/24/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, de manière équivalente, aux exigences définies par ces signes, mentions, écolabel ou certification.

Un décret du 23 avril 2019 est venu préciser les modalités d’application de ces dispositions. Ainsi, les signes et mentions pris en compte sont le label rouge, l’appellation d’origine, l’indication géographique, la spécialité traditionnelle garantie, les mentions fermières, la mention « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale » et, jusqu’au 31 décembre 2029, la certification environnementale de deuxième niveau mentionnée à l’article D. 617-3 du code rural et de la pêche marine ([53]).

Faisant référence au code de la commande publique, le même décret précise que les « coûts imputés aux externalités environnementales pendant son cycle de vie » peuvent inclure le coût des émissions de gaz à effet de serre et dautres émissions polluantes ainsi que dautres coûts datténuation du changement climatique ([54]).

B.   Une ambition trop limitée

Il est indispensable de revoir ces exigences légales à la hausse, tant l’urgence climatique et sanitaire appelle la mobilisation de tous les leviers existants.

1.   La restauration collective, un levier pour la bifurcation écologique

La restauration collective occupe une place importante dans le quotidien des Français, et représente une masse financière considérable. Selon un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), on comptait ainsi en 2016 environ 80 000 services de restauration collective en France, pour un total de 3,65 milliards de repas servis et un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros dont 5,4 milliards d’achats alimentaires hors boissons ([55]).

2.   Des résultats en deçà du nécessaire

En dépit des contraintes légales entrant prochainement en application, les produits issus de lagriculture biologique demeurent insuffisamment consommés dans nos restaurants collectifs. Selon lAgence bio, la part de produits biologiques dans la restauration collective sélevait à seulement 4,5 % en 2018 ([56]). Sil sagit dune croissance par rapport aux 3 % observés en 2017, cette proportion demeure largement en deçà de lobjectif de 20 % fixé par la loi à lhorizon 2022. Il est également à noter que si 65 % des établissements achetaient du bio en 2018, une proportion aussi significative que 12 % dentre eux indiquait navoir pas lintention den acheter en 2020.

L’insuffisance de l’offre de produits bio est particulièrement sensible sur certaines catégories de produits, à l’instar des produits frais de volaille pour laquelle seuls 41 % des établissements se fournissent en bio, ce taux tombant à 12 % pour la volaille surgelée.

Il est d’autant plus urgent de proposer davantage de bio dans les cantines qu’il s’agit là d’une attente d’une grande majorité de Français. D’après l’Agence bio, ce sont ainsi 85 % des parents qui souhaitent voir du bio à la cantine de leurs enfants, et 74 % des actifs pour la cantine sur leur lieu de travail.

Plus généralement, lutilisation de pesticides demeure largement trop répandue, comme la Cour des comptes en a fait le constat lors dun récent référé ([57]). Le recours aux produits phytopharmaceutiques a en effet progressé de 12 % entre 2009 et 2016, soit une contradiction totale avec l’objectif annoncé par le Gouvernement en 2010 de diminution de 50 % en dix ans. Il apparaît d’ores et déjà que cette promesse, déjà reportée en 2016 à l’horizon 2025, puis confirmée en avril 2019, ne pourra être tenue.

Le recours à des produits locaux, dans le respect de la saisonnalité, est également une attente majeure des Français. 71 % d’entre eux ont recours aux circuits courts pour l’achat de leurs produits alimentaires. Un sondage IPSOS révélait pour sa part qu’en 2014, 59 % de Français souhaitaient consommer davantage de produits locaux ([58]).

L’approvisionnement de proximité est également de plus en plus recherché par les organismes de restauration collective. Selon l’Agence bio, 65 % d’entre eux favorisent les produits locaux dans leurs appels d’offres, en utilisant les critères des circuits courts et de la fraîcheur pour respectivement 77 % et 75 % d’entre eux.

L’approvisionnement local doit aujourd’hui être mieux soutenu par la loi, car l’importation demeure encore trop souvent la règle. En 2015, 67 % de la viande bovine distribuée en restauration hors domicile était importée ([59]). La part de produits locaux dans le total des produits consommés en restauration collective a également parfois connu un recul notable. La région Île-de-France relevait ainsi en 2016 que la part des exploitations en circuits courts dans la restauration collective avait chuté de 31 % en 10 ans, en raison tant du déclin des productions maraîchères et arboricoles en Île-de-France que de la tendance à la spécialisation en grandes cultures ([60]).

Enfin, circuits courts et produits biologiques ne sont pas incompatibles, bien au contraire : 72 % des produits bio achetés en restauration collective en 2018 étaient d’origine française, et 50 % d’origine régionale ([61]).

Agir pour le bio, cest aussi agir pour les circuits courts, et réciproquement ; cest agir pour une alimentation de qualité, engagée dans la préservation de lenvironnement.

Les projets alimentaires territoriaux sont un levier pour la promotion des circuits courts, et doivent à ce titre être davantage utilisés.

Les projets alimentaires territoriaux

 

Introduits par l’article 39 de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les projets alimentaires territoriaux (PAT) « sont élaborés de manière concertée avec lensemble des acteurs dun territoire et répondent à lobjectif de structuration de léconomie agricole et de mise en œuvre dun système alimentaire territorial » ([62]).

Élaborés à l’initiative de l’État, de collectivités territoriales, d’associations ou encore d’agriculteurs, les PAT ont pour objet de recentrer l’agriculture et l’alimentation à l’échelle territoriale en s’appuyant notamment sur des circuits courts et, en particulier, sur des produits issus de la production biologique. Ils s’appuient sur un diagnostic commun de l’agriculture et de l’alimentation sur un territoire donné, et font l’objet d’un contrat entre les parties prenantes. Ils peuvent également répondre aux enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de santé locaux.

À titre d’exemple, Toulouse Métropole a lancé en 2018 un PAT avec l’ADEME Occitanie et la Direction Régionale de lAlimentation, de lAgriculture et de la Forêt (DRAAF) Occitanie, qui lui a valu dêtre lauréate du programme national pour l’alimentation 2017-2018. Ce PAT sappuie sur huit objectifs opérationnels, parmi lesquels un approvisionnement des cantines en produits bio et locaux facilité par lorganisation de rencontres entre fournisseurs et acheteurs.

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Ensemble des acteurs participant à lélaboration dun PAT

Source : agriculture.gouv.fr

 

 

Il est possible de passer au bio et aux circuits courts sans surcoût, comme le prouvent de nombreux exemples dans nos territoires.

Depuis 2012, la commune de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) approvisionne ses cantines scolaires en produits issus à 100 % de l’agriculture biologique locale, chaque produit étant cultivé à moins de 200 kilomètres des établissements.

À Paris, la caisse des écoles du cinquième arrondissement a engagé une transition vers une alimentation saine et durable à partir de 2011. Elle sert aujourd’hui des repas préparés à partir de 70 % de produits bio, 74 % de produits issus de circuits d’alimentation durable, et 75 % de circuits courts. Cette démarche n’a pas engendré de surcoût pour les familles : le prix des repas est fixé à 1,76 euro par enfant, soit un tarif inférieur au tarif moyen pratiqué dans les écoles parisiennes ([63]).

II.   Le dispositif proposé : des cantines bio tournées vers les productions locales

L’article 4 modifie les dispositions de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, de façon à rehausser les proportions minimales de produits labellisés et de produits bio dans les repas servis en restauration collective publique.

Le 1° modifie le premier alinéa de l’article L. 230-5-1 pour porter à 70 % la proportion de produits répondant à l’un des critères listés au même article, contre 50 % actuellement. Il élève par ailleurs de 20 % à 80 % la part de produits issus de l’agriculture biologique.

Le 2° complète le 1° de l’article L. 230-5-1, en précisant que les produits « acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie » peuvent être issus de projets alimentaires territoriaux, ces derniers favorisant notamment l’approvisionnement en circuits courts et respectant la saisonnalité des produits.

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Article 5
Instauration d’une dotation relative au soutien à une restauration scolaire saine et durable

Adopté par la commission dans une nouvelle rédaction

Le présent article instaure une dotation de lÉtat versée à certaines communes pour les aider à financer les investissements destinés à atteindre les objectifs dune alimentation saine et durable dans la restauration collective.

I.   Les dotations aux communes les plus modestes

Deux dotations de l’État sont versées aux communes dont le potentiel financier est trop limité pour pouvoir assumer le coût de leurs obligations légales.

● Aux termes de l’article L. 2334-20 du code général des collectivités territoriales, la dotation de solidarité rurale (DSR) « est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux darrondissement de moins de 20 000 habitants pour tenir compte, dune part, des charges quils supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural, dautre part, de linsuffisance de leurs ressources fiscales ». Elle est composée de trois fractions respectivement définies par les articles L. 2334-21, L. 2334-22 et L. 2334-23 du même code :

– la première fraction est attribuée aux « communes dont la population représente au moins 15 % de la population du canton, aux communes sièges des bureaux centralisateurs, ainsi quaux communes chefs-lieux de canton au 1er janvier 2014 » ;

– la deuxième fraction « est attribuée aux communes dont le potentiel financier par habitant […] est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique » ;

– la troisième fraction, qui est habituellement désignée par les termes de « fraction cible », regroupe les communes visées par la proposition de loi. Elle est attribuée aux « dix mille premières communes de moins de 10 000 habitants, parmi celles éligibles au moins à lune des deux premières fractions de la dotation de solidarité rurale, classées en fonction décroissante dun indice synthétique », ce dernier calculant le potentiel financier de la commune et le revenu moyen par habitant de la même commune au regard des données nationales.

● Prévue par l’article L. 2334-15, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSUCS) concerne les « communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées » et vise à contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie.

Elle bénéficie aux « deux premiers tiers des communes de 10 000 habitants et plus, classées, chaque année, en fonction dun indice synthétique de ressources et de charges » ainsi qu’au « premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants, classées, chaque année, en fonction dun indice synthétique de ressources et de charges ».

Cette dotation vise également à financer les établissements publics de coopération intercommunale « lorsque deux tiers au moins de leur population habitent dans une commune éligible » à la DSR ou à la DSUCS.

II.   Une nouvelle dotation aux communes en faveur d’une alimentation durable

Cet article vise à créer une recette supplémentaire, sous la forme d’une dotation, au profit de certaines communes afin de financer les actions d’investissement destinées à assurer une alimentation saine, durable et accessible à tous.

À cet effet, il insère une nouvelle section, composée d’un nouvel article L. 2335-17, au sein du chapitre V du titre III du Livre III du code général des collectivités territoriales. Ce chapitre regroupe l’ensemble des dotations, subventions et fonds divers autorisés au titre des recettes communales. Ses 7 sections prévoient notamment des recettes affectées à des dépenses précises telles que « la dotation particulière relative aux conditions dexercice des mandats locaux », les « subventions au titre du fonds daide pour le relogement durgence » ou encore la « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité ».

La nouvelle section instaure une dotation relative au soutien à une restauration scolaire saine et durable, bénéficiant aux communes éligibles à la troisième fraction de la DSR (fraction cible) ou à la dotation de solidarité urbaine.

D’un montant de 15 millions d’euros, cette dotation sera répartie à compter du 1er janvier 2021 entre les communes mentionnées précédemment en proportion des investissements qu’elles réaliseront en direction d’une restauration collective respectueuse des objectifs fixés par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ([64]). Il s’agit ici de viser les investissements consacrés à l’amélioration de la composition des « repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge » dans les conditions fixées par l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime (cf. supra, commentaire de l’article 4).

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Article 6 (supprimé)
Gage

Supprimé par la commission

Le présent article prévoit un gage pour compenser les charges résultant des articles 1er et 2 de la proposition de loi. Il rétablit à cette fin l’impôt sur la fortune (ISF) dans sa version antérieure à la loi de finances pour 2018, qui a institué l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il compense les charges pour les collectivités territoriales par une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

 

● En prévoyant la gratuité du service de restauration scolaire, les articles 1er et 2 créent une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales concernées. Le présent article prévoit donc une compensation en recettes par le rétablissement de limpôt sur la fortune, tel que remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Cet article prévoit également la prise en charge par l’État des charges induites pour les collectivités territoriales, au moyen d’une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

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Article 7 (supprimé)
Gage

Supprimé par la commission

Le présent article vise à gager les charges résultant des articles 3 à 5 de la proposition de loi par l’instauration d’une taxe sur les entreprises commercialisant des produits phytopharmaceutiques (pesticides). Il compense également les charges pour les collectivités territoriales résultant de ces articles par une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

 

L’article 3, qui prévoit la mise en place de dispositifs de formation aux enjeux de la bifurcation écologique à destination d’acteurs de la restauration collective, est susceptible de créer une charge pour l’État.

L’article 4 est quant à lui susceptible de créer une charge pour les collectivités territoriales en raison des éventuelles dépenses supplémentaires induites par la hausse de la proportion de produits biologiques et répondant aux conditions fixées à l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime dans les repas servis en restauration collective publique.

En instituant une dotation spécifique visant à soutenir les communes dans leurs investissements en faveur d’une restauration collective respectant les engagements fixés dans la loi Égalim du 30 octobre 2018, l’article 5 crée une charge pour l’État.

Afin de compenser ces charges, le présent article prévoit une hausse de recettes publiques par linstitution dune taxe visant les entreprises commercialisant des produits phytopharmaceutiques (pesticides). Plafonnée à 3 % du chiffre d’affaires global, cette taxe sera acquittée par les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France. Les entreprises concernées sont celles bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’un permis de commerce parallèle de produits phytopharmaceutiques, en application du règlement (CE) n° 1107/2009 sur le marché des produits pharmaceutiques et de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime.

Larticle prévoit également que lÉtat compense à due concurrence les charges créées par les articles 3 à 5 de la proposition de loi pour les collectivités territoriales, au moyen dune majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

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Article 8 (nouveau)
Gage

Inséré par la commission

Cet article additionnel prévoit que la perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant des dispositions de la proposition de loi est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement, et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits relatifs au tabac.

 

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   COMPTE RENDU DES Débats en commission

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9 heures 30 ([65])

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine proposition de loi pour des cantines vertueuses (n° 2597) (Mme Clémentine Autain, rapporteure).

I.   Discussion générale

Mme Clémentine Autain, rapporteure. C’est la deuxième fois que je viens dans votre commission, puisque vous m’aviez déjà reçue l’année dernière à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi visant à la gratuité des permis de conduire. Vous n’aviez alors pas répondu favorablement à notre proposition ; j’ose espérer qu’il en ira différemment ce matin avec le texte que je vous présente.

Cette proposition de loi a un objet assez simple, puisqu’il s’agit de rendre les cantines vertueuses, c’est-à-dire accessibles à toutes et à tous, sans discrimination selon l’origine sociale, donc sans exclusion des enfants issus de milieux défavorisés. Le concept de cantine vertueuse renvoie aussi, pour l’ensemble de la restauration collective, à une transition vers une alimentation saine et durable, c’est-à-dire vers l’agriculture biologique, les circuits courts et une juste rémunération des producteurs. En résumé, une cantine vertueuse est une cantine qui répond à la triple urgence climatique, sanitaire et sociale.

J’entends déjà certains affirmer que le Gouvernement est très engagé sur le sujet, et que La République en marche, se souciant des enfants pauvres, propose déjà la cantine à 1 euro. Nos collègues de la majorité, qui auraient, me dit-on, le souci du bien manger, promettent pour cela 20 % de bio dans les cantines d’ici à 2022. En réalité, ces mesures sont à des années-lumière du nécessaire et de l’urgence à la fois climatique, sanitaire et sociale que j’évoquais il y a quelques instants.

Parlons tout d’abord de la gratuité des cantines. Aujourd’hui, ce sont pas moins de 40 % des enfants issus de milieux très défavorisés qui ne sont pas inscrits à la cantine de leur établissement, et cette proportion atteint même 75 % dans les établissements classés en zone d’éducation prioritaire renforcée (REP+) – de mémoire, seulement 17 % des enfants des milieux plus favorisés ne fréquentent pas la cantine. Au sein des établissements classés en REP, les trois quarts des enfants pauvres ne vont pas à la cantine parce qu’elle est trop chère.

Relevons également que le fait pour un enfant de ne pas manger à la cantine oblige généralement sa mère à rester à la maison pour lui préparer son repas, ce qui empêche de nombreuses femmes de se socialiser et de chercher un emploi. En permettant aux personnes concernées de sortir de cette situation, notre proposition revêt donc un aspect vertueux supplémentaire, relatif à l’égalité hommes-femmes.

Derrière les chiffres, il y a des conséquences graves en termes de santé publique. L’obésité infantile progresse d’année en année sous les coups de boutoir de la malbouffe, de la consommation excessive de viande et des produits ultra-transformés. Les enfants pauvres ont quatre fois plus de chances d’en être victimes que les enfants de milieux socialement favorisés. Sans cantine pour apprendre les bonnes pratiques alimentaires et manger sainement au moins un repas par jour, cela n’est évidemment pas près de s’arranger. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent s’engager fortement pour améliorer la situation.

Les propositions qu’a faites le Gouvernement sont très insuffisantes pour répondre au défi qui se présente à nous. Le plan prévoyant un petit-déjeuner gratuit à l’école ainsi que la cantine à 1 euro sont des mesures relevant de la pure communication. Beaucoup de communes proposent déjà aux familles les plus démunies des repas à un prix inférieur ou égal à 1 euro. Je ne pense pas que ces familles voient un motif de se réjouir dans le fait qu’on leur promette une chose qui existe déjà… J’ajoute que, dans certaines communes confrontées à d’importantes difficultés financières, l’aide de 2 euros par repas proposée par le Gouvernement ne suffira pas pour que les repas soient servis à 1 euro. Une telle mesure ne pourrait, en effet, être mise en œuvre qu’au prix de pertes financières pour des collectivités qui, nous le savons, sont déjà étranglées par les mesures d’austérité budgétaire qu’on leur impose.

Puisque le Gouvernement ne propose rien de très concret, nous souhaitons avancer vers la gratuité des cantines scolaires, une mesure s’inscrivant dans la continuité du principe de gratuité de l’éducation nationale, bien que celui-ci recule de jour en jour à l’école, où l’on demande sans cesse aux parents 1 euro par-ci pour une photocopie, 2 euros par là pour autre chose. Nous pensons que les biens communs se renforcent grâce à la gratuité pour l’ensemble de l’éducation. À l’intérieur du temps scolaire, la cantine pourrait tout à fait, demain, faire partie du bien commun au travers de cette ambition de gratuité qui permet d’avancer vers l’égalité et le partage. C’est pourquoi nous proposons la gratuité de la cantine à tous les niveaux d’enseignement, de l’école primaire au lycée en passant par le collège.

Des cantines vertueuses, ce sont aussi des cantines où l’on mange bien. La loi EGALIM prévoit qu’à l’horizon 2022, 50 % des produits servis dans la restauration collective publique devront satisfaire un certain nombre de conditions, tenant notamment à la qualité des produits ou à leur impact sur l’environnement. Parmi ces 50 %, au moins 20 % des produits devront être issus de l’agriculture biologique. S’il s’agit là d’un premier pas, on ne peut sérieusement affirmer qu’il est suffisant : en 2018, seulement 4 % des produits consommés en restauration collective étaient bio, bien loin des 20 % promis pour 2022. Il faut impérativement aller plus loin en la matière en rehaussant les exigences légales.

Soutenir la consommation de produits bio dans les cantines, c’est aussi soutenir la transition vers le bio de l’agriculture française, de plus en plus nécessaire et de moins en moins proche au fil des renoncements et des promesses non tenues. Comme l’a souligné la Cour des comptes dans un récent référé, la trajectoire de sortie du glyphosate annoncée par le Gouvernement n’aura pas lieu, car la consommation de ce pesticide, dont les effets toxiques sur la santé sont connus, ne cesse de progresser : de 2009 à 2016, les volumes utilisés ont augmenté de 16 %, alors qu’ils auraient dû diminuer de 50 %. Pendant ce temps, 7,5 % seulement de la surface arable utile est consacrée à l’agriculture biologique.

Chaque année, 4 milliards de repas sont servis en restauration collective, pour un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros. Nous proposons de mettre ces sommes au service de la bifurcation écologique. Notre proposition de loi, modifiée par mon amendement à l’article 4, porte à 80 % la part de produits dans les cantines devant répondre à l’un des critères posés par la loi EGALIM et à 70 % la part de produits bio. En un second volet, tout aussi important, ce même amendement propose également d’inscrire les produits acquis dans le cadre de projets alimentaires territoriaux parmi les produits comptant pour le seuil de 80 % précédemment évoqué : en d’autres termes, il s’agit de soutenir les circuits locaux et l’approvisionnement de proximité, afin de réduire la distance entre l’endroit où le produit est récolté ou fabriqué et celui où il est consommé.

Toutefois, ce n’est pas tout de fixer de nouvelles obligations ; il faut également réfléchir aux modalités de mise en œuvre de cette ambition. C’est pourquoi, en complément des objectifs que je viens de présenter, la proposition de loi prévoit la mise en place de dispositifs de formation à destination des acteurs de la restauration collective, afin de les sensibiliser aux enjeux écologiques et de permettre aux cantines de réussir le passage à une alimentation saine et durable. Par exemple, la réduction du gaspillage, qui atteint un niveau assez dramatique dans nos cantines, permettrait de dégager des économies importantes et d’acheter des produits équitables pour les producteurs.

Toutes ces mesures ont évidemment un coût pour les collectivités territoriales. Nous en avons tout à fait conscience et, contrairement au Gouvernement, nous ne prétendons pas donner aux collectivités d’une main pour mieux les plumer de l’autre. Le coût pour les communes, les départements et les lycées de la gratuité et du passage au bio sera, dans le cadre de notre proposition, entièrement compensé par l’État sous la forme d’une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Nous n’entendons pas déléguer une compétence nouvelle aux collectivités, ni les obliger à se débrouiller pour mettre en œuvre la gratuité ; il s’agit bien que l’État prenne en charge cette compensation financière de façon durable. Notre proposition ne porte donc aucunement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, ni à celui de leur autonomie financière. La Cour des comptes a publié hier son rapport public annuel 2020 où elle évoque, dans le chapitre consacré aux cantines, « la nécessité d’investissements lourds et coûteux » dans les écoles primaires. Pour vous donner une idée du montant de ces investissements, les cuisines centrales nouvelles qui doivent d’être installées à Nanterre représentent un coût de 5 millions d’euros, ce qui n’est pas une petite somme, même s’il s’agit d’un investissement ayant des répercussions très positives sur de nombreux points, notamment en termes d’embauches sur le territoire concerné.

Pour ce qui est du financement de ces mesures par l’État, je précise d’emblée que, dans le cadre d’une proposition de loi, le seul moyen auquel nous puissions recourir consiste en la création de taxes. Il existe une multitude de mesures de nature à permettre de dégager des marges de manœuvre afin d’investir dans des propositions à caractère utile, solidaire et écologique : à ce titre, je pourrais vous parler pendant des heures des quatorze tranches d’impôt sur le revenu… Je vois que certains de nos collègues me regardent avec des yeux ronds, pourtant c’est un fait : on pourrait refondre toute la fiscalité et ainsi dégager des milliards d’euros !

En l’occurrence, nous avons choisi de vous faire deux propositions très simples à mettre en œuvre. La première consisterait à rétablir l’impôt sur la fortune, ce qui rapporterait 3,5 milliards d’euros, c’est-à-dire exactement ce que coûterait la gratuité des cantines. On pourrait parvenir au même résultat de bien d’autres façons, par exemple en supprimant la flat tax ou les avantages accordés aux entreprises au titre des mesures ayant remplacé le CICE : bref, nous avons là un véritable puits sans fond où nous pourrions trouver des milliards et des milliards d’euros qui nous permettraient de faire des choses utiles.

Notre seconde proposition consiste à financer entièrement le passage au bio par la mise en œuvre d’une taxe nouvelle sur les entreprises commercialisant des pesticides. Cette mesure présenterait un autre avantage, celui de nous faire sortir plus vite des produits phytosanitaires, grâce à la sanction financière qu’elle représenterait pour les entreprises du secteur. Nous ferions donc ainsi d’une pierre deux coups.

En conclusion, avec des cantines gratuites, écologiques et orientées vers les produits locaux, nous pouvons améliorer la santé de nos enfants comme la nôtre. C’est de cette manière que nous garantirons un modèle alimentaire soutenable pour les décennies à venir, et je pense que nous avons là l’occasion d’accomplir une avancée majeure, à condition de ne pas nous payer de mots. Nous pouvons nous donner les moyens de le faire, pour nos enfants et pour l’avenir de la planète.

M. Gaël Le Bohec. J’ai déposé, dès mars 2018, une proposition de loi relative à la tarification de la restauration scolaire, signée par plus de 130 collègues. Je suis donc heureux, madame la rapporteure, que vous remettiez le sujet sur la table avec votre proposition de loi pour des cantines vertueuses, d’autant que je vous rejoins sur certains points.

Comme vous, je pense que la cantine est un levier essentiel au service de la nécessaire transition écologique. Comme vous, je pense qu’il est nécessaire de faire fonctionner un triangle vertueux associant les producteurs et les consommateurs, sans oublier et même en mettant en avant les collectivités territoriales. Comme vous, je pense que la restauration scolaire doit répondre à une exigence de justice sociale – je dirai même de cohésion sociale – à l’heure où un enfant sur cinq vit malheureusement en dessous du seuil de pauvreté. Comme vous, enfin, je pense que la cantine joue un rôle fondamental en matière de santé publique et peut être un levier sanitaire de premier plan.

Cependant, j’estime que vous avez oublié un point fondamental au sujet des cantines scolaires, à savoir qu’il s’agit d’un service profitant avant tout aux enfants eux-mêmes et à leurs apprentissages : si la cantine est si importante, c’est parce qu’il est impossible d’apprendre quand on a le ventre vide. Pour les trois millions d’enfants pauvres que compte notre pays, le repas pris à la cantine est parfois malheureusement le seul vrai repas qu’ils prendront au cours d’une journée. Pour moi, c’est donc essentiellement pour garantir à tous les enfants des conditions d’apprentissage correctes qu’il est nécessaire de faire évoluer la tarification des cantines scolaires.

En avril 2019, sous l’impulsion des députés du groupe La République en Marche, ayant donné lieu à un débat auquel j’ai apporté ma contribution, le Gouvernement a mis en place le dispositif de cantine à 1 euro, constituant le premier pas d’une dynamique qu’il convient, certes, d’amplifier et d’adapter afin de la rendre plus efficace.

Pour ce qui est de votre proposition, je suis désolé de devoir vous dire qu’elle manque totalement les objectifs que vous fixez vous-même. Envisager, comme vous le faites, d’établir un service public de la restauration scolaire, c’est le meilleur moyen de sortir les collectivités territoriales du cercle vertueux où elles se trouvent. Il faut, au contraire, continuer à impliquer l’échelon local, car ce sont les initiatives locales, appuyées financièrement et structurellement par l’État, qui permettent de coller au mieux à la réalité des habitants des territoires. À ce titre, les collectivités accomplissent un travail de grande qualité.

Par ailleurs, avec votre proposition, vous ratez également l’objectif pourtant essentiel de faisabilité, ce qui est un comble. Votre financement se base d’abord sur la réintroduction de l’ISF, qui n’existe plus. Hypothéquer le financement de votre proposition sur quelque chose qui n’existe pas, ce n’est pas très sérieux ! Vous évaluez votre proposition à 3 milliards d’euros de financement pour un peu plus d’un milliard de repas servis chaque année. Vous proposez donc d’instaurer la gratuité pour un service censé coûter environ 3 euros par repas : avec cette évaluation, vous êtes bien en dessous de la réalité, puisqu’un repas de qualité revient plutôt à 7 euros aux collectivités, ce qui représente un différentiel non négligeable.

Le financement des cantines scolaires et l’établissement d’une démarche vertueuse ne sauraient se passer d’une démarche réaliste. Au passage, on peut d’ailleurs regretter que vous n’ayez manifestement pas pris le temps de consulter les acteurs impliqués au moyen d’auditions, qui vous auraient sans doute permis d’aboutir à un travail plus convaincant. Vous avez évoqué à plusieurs reprises des promesses faites par le Gouvernement et sa majorité ; or il ne s’agit pas de simples promesses, puisque les dispositifs évoqués ont donné lieu à des lois et à des mesures concrètes. Vous faites d’ailleurs vous-même référence à la loi EGALIM, en disant qu’il va être compliqué de faire passer l’objectif de présence de produits bio au menu des cantines de 4 % à 20 %, comme le prévoit la loi, tout en proposant vous-même d’inscrire dans la loi un objectif de 70 % – un autre exemple du manque de réalisme de votre proposition.

Par ailleurs, vous devriez préciser que l’aide de l’État permet aujourd’hui à de nombreuses métropoles de proposer aujourd’hui des repas à moins de 1 euro. Pour ce qui est du prix du repas, plutôt que la gratuité pour tous, je propose, pour ma part, l’instauration d’un principe de solidarité et de redistribution : à la doctrine aveugle et chimérique que vous avez défendue, j’oppose un ensemble de mesures permettant de répondre de façon adaptée, concrète et réaliste, une alternative plus juste et plus ambitieuse sur le plan social, et totalement viable sur le plan économique, tout en répondant aux enjeux écologiques et au maintien nécessaire du lien avec les territoires.

Mme Frédérique Meunier. C’est avec beaucoup d’attention que j’ai pris connaissance de cette proposition de loi du groupe La France insoumise, dont le titre même promet un sujet intéressant. Mais que recouvre cette appellation de « cantines vertueuses » ?

Nous partageons tous l’objectif de proposer aux enfants des écoles une alimentation saine et durable ; cependant, force est de constater que cette proposition est marquée par quelques dérives idéologiques et politiques, sur lesquelles nous reviendrons. Dans l’exposé des motifs, nos collègues citent des chiffres marquants – un milliard de repas servis chaque année à 8 millions d’élèves –, mais évoquent également une pauvreté accrue, un triangle vertueux entre producteurs, consommateurs et collectivités territoriales, le tout en tenant compte de l’urgence écologique. Si nous ne pouvons que partager ce diagnostic, il n’en est pas de même du remède à prescrire.

La première mesure proposée est celle de la gratuité de la restauration collective. Nous y voilà ! Pour nos collègues, une bonne réforme est une réforme gratuite, mais qui coûte à tous les contribuables, ce que nous ne pouvons évidemment pas cautionner. Si l’intention est louable, et permettrait à chacun de soulager sa conscience de gauche, nous devons être des élus responsables. Au-delà du coût, évalué à 3,2 milliards d’euros, une telle mesure constitue un vrai choix de société. Pour notre part, nous estimons qu’il convient de réfléchir à une solution intermédiaire, qui permettrait aux enfants de familles défavorisées de manger correctement à la cantine, tout en garantissant une responsabilisation des parents.

En Corrèze, le conseil départemental apporte aux familles des aides à la restauration, allouées sous condition de ressources, dans le respect d’un plan de maîtrise sanitaire. Les cuisiniers s’engagent au quotidien pour renforcer la qualité et développer l’éducation nutritionnelle. Le temps de restauration, c’est aussi un temps d’éducation au goût, à la lutte contre le gaspillage, aux enjeux environnementaux, au respect des agriculteurs, à la qualité de l’eau et au traitement et au recyclage des déchets. Comme vous le voyez, les territoires n’ont pas attendu cette proposition de loi pour innover.

De même, les pratiques de dénonciation des élèves dont les parents ne payent pas les factures de cantine, que vous évoquez, sont marginales. Maire d’une commune de 8 500 habitants comprenant quatre écoles, je peux vous dire que 98 % des communes ne fonctionnent pas comme vous le dites, et que des aides peuvent être allouées par le biais des CCAS afin de permettre aux enfants de familles défavorisées de prendre au moins un repas équilibré au cours de la journée. Évitons de stigmatiser en désignant des pratiques isolées, pour lesquelles il est rapidement trouvé une solution, et faisons confiance aux élus de la République.

Pour ce qui est de l’idée de nationaliser le service de restauration, confier ce service à l’État, au même titre que l’éducation nationale, nécessiterait une embauche massive de fonctionnaires et se traduirait donc par une explosion de la dépense publique, dont nous sommes déjà champions du monde… Il paraît dangereux de proposer la nationalisation du service de restauration collective, car, à terme, le coût d’une telle mesure pour l’État serait bien plus élevé que les 3,2 milliards d’euros résultant de la gratuité des cantines.

La loi EGALIM impose de servir 20 % d’aliments biologiques et 30 % d’aliments durables ou labellisés en 2022. En Corrèze, le conseil départemental a lancé l’opération « Bio dans les collèges », et la plateforme Agrilocal19 a été mise en place afin d’encourager le recours aux circuits courts et l’approvisionnement de proximité.

S’agissant de l’article 6, gager la gratuité des cantines sur le rétablissement de l’ISF est un artifice démagogique, un chiffon rouge agité pour opposer un peu plus nos concitoyens les uns aux autres. Pourquoi ne pas l’avoir gagée sur le coût des syndicats en France ? Au-delà du symbole, la suppression de l’ISF constitue une mesure de confiance vis-à-vis des investisseurs, tout comme l’impôt sur les sociétés dont la baisse du taux a rapporté 3 milliards d’euros de plus en 2019.

Nous avons sur ce point des désaccords idéologiques forts et une vision différente de l’économie. Nous ne voterons pas, en l’état, cette proposition de loi.

Mme Sophie Mette. Le bien manger, l’éducation à l’alimentation et la justice sociale sont des sujets chers au MODEM. En traitant des cantines scolaires, vous abordez la question essentielle de l’accès de nos enfants à une alimentation de qualité dans le cadre scolaire. Depuis le début du quinquennat, nombre d’initiatives ont été prises, signe que ce parlement a bien conscience de cet enjeu.

L’école joue, à cet égard, un rôle primordial, tant au regard du volume de repas distribués que de la sensibilisation à une bonne alimentation qu’elle peut accomplir. De nombreuses initiatives locales existent déjà – comme la Semaine du goût, la préparation de produits issus de l’agriculture biologique, ou encore la multiplication, à l’initiative de certaines collectivités territoriales, du recours aux circuits courts – et la puissance publique les encourage.

Il est impératif que les cantines scolaires soient accessibles au plus grand nombre, car l’alimentation constitue bien souvent un marqueur social fort, l’accès à une alimentation de qualité dépendant du niveau de vie. Il est donc important d’encourager, au moyen de tarifs sociaux accessibles à tous, la participation à la cantine scolaire là où elle est encore facultative.

La proposition de loi du groupe La France insoumise tente de maximiser l’effet des mesures déjà votées par cette majorité, notamment dans la loi EGALIM : 50 % de produits locaux et de qualité et 20 % issus de l’agriculture biologique dans les services de restauration collective, création d’une instance régionale chargée d’en favoriser la mise en œuvre, expérimentation à l’école, au moins une fois par semaine, du menu végétarien, interdiction progressive du plastique, lutte contre le gaspillage alimentaire et sensibilisation des plus jeunes à ces enjeux.

Ces mesures témoignent de l’importance pour nous de ce sujet, et nous souhaitons les voir se concrétiser. Nous étudierons avec attention le contenu de votre proposition de loi, mais nous écarterons toutes les mesures purement polémiques ou politiques pour nous cantonner à celles pouvant réellement faire avancer notre société et contribuer à l’intérêt général.

Mme Michèle Victory. La lutte contre la pauvreté et pour le recul des inégalités reste un enjeu majeur. Or les associations luttant pour les droits fondamentaux des enfants, comme l’UNICEF, nous le rappellent avec insistance : sur les 8,7 millions de Français pauvres, 2,76 millions sont des enfants.

Dans le cadre des indices déterminant la pauvreté, l’INSEE utilise une liste de besoins fondamentaux, comme le fait de pouvoir, pour les adultes, consommer de la viande ou une autre source de protéines au moins tous les deux jours. S’y ajoutent des besoins spécifiques aux enfants, comme la consommation quotidienne de fruits et de légumes, la possibilité d’inviter des copains à la maison pour jouer ou de disposer d’un endroit calme où faire ses devoirs. Les enfants concernés par cette proposition de loi subissent des privations, en particulier en matière d’alimentation.

Selon une étude du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), 55 % des établissements scolaires interrogés ne proposent pas aujourd’hui de politique tarifaire spécifique, et seuls 22 % d’entre eux appliquent une grille allant, pour les familles les plus modestes, jusqu’à la gratuité. Les chiffres sont parlants : 40 % des enfants de familles défavorisées ne déjeunent pas à la cantine, contre 17 % des enfants de catégories plus favorisées. Cette inégalité, qui joue dès la maternelle et qui est depuis longtemps dénoncée par des associations caritatives ainsi que par la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), s’ajoute à celles contre lesquelles nous devons nous engager avec force afin de nous rapprocher de l’idéal que porte notre école républicaine et qui vise précisément à corriger les inégalités et à permettre à nos enfants de s’épanouir.

L’apport sanitaire d’une politique permettant à toutes les familles d’accéder aux cantines scolaires n’est plus à démontrer. On sait à quel point influent sur la vie scolaire, sur les apprentissages et sur la capacité à être réceptif et concentré la lutte contre l’obésité, la malbouffe et l’absentéisme médical, et l’accès aux apports nutritionnels. Certaines études montrent que le fait de partager un repas augmenterait la quantité d’aliments absorbés, ce qui limite le grignotage, source de problèmes sanitaires qui collent aux inégalités sociales.

Le temps de la cantine est aussi celui d’une expérience de socialisation importante, au cours de laquelle les différences peuvent s’estomper au profit d’un sentiment d’appartenance à un groupe. L’organisation de repas pris en commun et reposant sur des règles communes participe également des aspects positifs de la restauration collective, qui permet de fixer un cadre à des enfants qui s’en sont bien souvent affranchis.

Le droit à la cantine doit donc devenir effectif.

Les aides mises en place au travers de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont ne bénéficient que les communes bénéficiaires de la fraction « cible » de la dotation de solidarité rurale (DSR), c’est-à-dire les 10 000 premières communes de moins de 10 000 habitants les plus défavorisées, ne sont pas en adéquation avec les difficultés que rencontrent nombre de municipalités. Or ce sont les communes les plus petites qui ont le plus de mal à s’engager dans une telle politique – 81 % des villes de plus de 100 000 habitants l’ont en effet déjà appliquée. Il s’agit donc bien de permettre à l’ensemble des communes et des établissements scolaires de répondre à cette problématique. Trois enfants – quatre dans les réseaux REP+ – par classe arrivent encore à l’école sans avoir pris de petit‑déjeuner.

Le texte que nous proposent nos collègues du groupe La France insoumise repose tant sur une ambition forte que sur un modèle vertueux, où le rôle de l’alimentation interroge de manière générale nos pratiques, l’organisation de nos réseaux, la place des lobbies et notre projet de société. La question est donc relativement simple : quels mécanismes faut-il soutenir afin que les collectivités rendent ce service accessible à tous ? Il s’agit bien, pour nous, de défendre un système permettant une régulation alimentaire et ne se contentant plus d’inciter les communes à s’orienter vers des tarifications plus justes.

Seules 31 % des collectivités prennent en compte la composition des revenus de la famille pour la facturation des repas : le caractère non contraignant de la législation en la matière n’est, à l’évidence, pas compatible avec l’objectif de réduction des inégalités. Il s’agit donc de mettre en place un système permettant à tous les enfants d’accéder à ce service de première nécessité. À la gratuité universelle, mon groupe préférerait une uniformisation des tarifs permettant aux seules familles les moins favorisées de ne pas payer les repas.

Cependant, les exemples offerts par d’autres pays européens, notamment par le Royaume-Uni où l’absence totale de restauration collective scolaire jusqu’à une période récente a entraîné d’immenses problèmes sanitaires, ou par la Suède et la Finlande qui ont, elles, choisi un système de restauration scolaire gratuit, montrent clairement les apports bénéfiques de la gratuité. Nous soutenons donc la cohérence de la démarche affichée par ce texte et voterons en sa faveur.

Mme Béatrice Descamps. Jamais aucune famille ne devrait renoncer à la qualité de son alimentation en raison de ses moyens. L’idée selon laquelle les personnes aisées peuvent se nourrir correctement et celles aux revenus modestes doivent se contenter d’une nourriture de mauvaise qualité est inacceptable.

Tout progrès en la matière passe par l’amélioration de la qualité de la nourriture dans les restaurants scolaires : il faut éduquer nos enfants au goût et à la diversité des aliments dont ils doivent appréhender les bienfaits pour leur organisme.

Les enfants en surpoids risquent, une fois adultes, de souffrir et sont plus susceptibles que les autres de contracter des maladies cardio-vasculaires à un âge précoce. Ces maladies sont en grande partie évitables ; priorité doit donc être donnée à la prévention. Les services de restauration scolaire doivent participer à cet objectif de santé publique et de justice sociale, un enfant d’ouvrier étant deux fois plus susceptible d’être en surpoids ou de souffrir d’obésité qu’un enfant de cadre. Il existe donc un lien indiscutable entre ressources financières du foyer et qualité de l’alimentation de l’enfant.

Les deux premiers articles du texte proposent de faire de la restauration scolaire un service public gratuit. Vous en évaluez le coût à 3,2 milliards d’euros, qui seraient financés par le rétablissement de l’ISF, dont la suppression aurait, selon vous, occasionné un manque à gagner pour les finances publiques de 3,5 milliards d’euros. Vous oubliez simplement que cet impôt a laissé place à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), dont le produit s’est élevé l’an dernier à 2,1 milliards d’euros. Le rétablissement de l’ISF ne vous apporterait donc que 1,4 milliard d’euros, n’assurant ainsi que le financement partiel de votre mesure.

Vous ne distinguez pas, en outre, les bénéficiaires de la gratuité de la restauration scolaire au titre du plan pauvreté lancé en 2018, qui comportait la gratuité, certes limitée aux écoles situées dans des territoires très défavorisés, du petit-déjeuner et le déjeuner à 1 euro. Sans doute faudrait-il aller plus loin en étendant le zonage concerné, mais il ne paraît pas opportun que la solidarité nationale finance la cantine de foyers aux revenus confortables. Chaque nouvelle dépense publique nous impose d’appliquer le principe de bonne gestion.

L’article 4 vise à élever les seuils de produits de qualité et issus de l’agriculture biologique que doivent respecter les repas servis en restauration collective. Ne devrions-nous pas laisser les dispositions concernées, qui ne s’appliquent que depuis peu, porter leurs fruits avant de les réformer ?

Pour financer vos autres mesures, vous créez une taxe supplémentaire assise sur le chiffre d’affaires des entreprises phytopharmaceutiques. Si j’entends bien votre objectif de faire d’une pierre deux coups, une telle création reviendrait in fine à en faire supporter la charge aux agriculteurs, dont l’activité est sans nul doute la plus précaire dans notre pays. Pensez-vous que cela soit judicieux ?

Nous pensons que c’est à la solidarité nationale de se préoccuper de l’obésité et du surpoids qui accablent nos enfants, en raison de la malbouffe omniprésente dans leur environnement et de leur méconnaissance de ce qu’ils mangent. Même si nous partageons l’ambition de ce texte, notre désaccord sur les moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre nous conduit à l’aborder défavorablement.

M. Bastien Lachaud. Plus d’un milliard de repas sont distribués en France tous les ans dans les établissements scolaires. La cantine, parce qu’elle touche à l’alimentation de centaines de milliers de jeunes, peut constituer à la fois un puissant levier d’action pour protéger et améliorer la santé publique, un outil au service de l’environnement ainsi qu’un puissant vecteur de relance d’une économie de proximité basée sur les circuits courts et favorisant le bio comme les petites exploitations. Or nous sommes loin, aujourd’hui, dans notre pays, de l’exploiter en ce sens. Pour que la cantine soit placée au cœur d’un grand projet alimentaire écologique, encore faut-il qu’elle soit accessible à tous. Or ce n’est absolument pas la norme sur le territoire national.

Dans notre pays, trois millions d’enfants, soit un enfant sur cinq, vivent sous le seuil de pauvreté. Pour beaucoup de familles modestes, la cantine est trop chère, comme l’affirment tant le Défenseur des droits que la Cour des comptes dans son rapport annuel 2020, publié hier. Dans les établissements des réseaux REP+, seuls 25 % des enfants mangent à la cantine le midi. Dans les milieux plus aisés, la proportion est trois fois supérieure.

Notre proposition de loi vise à réparer cette injustice intolérable en instaurant, comme la République l’avait jadis fait avec l’enseignement public, la gratuité de la restauration collective, mais aussi la qualité. Cela est d’autant plus important que les enfants des familles modestes sont également ceux qui souffrent le plus, du fait des difficultés financières de leurs parents, d’une mauvaise alimentation, souvent trop sucrée, trop grasse et dominée par des produits d’origine industrielle, qui met leur santé de futur adulte en danger.

Chaque enfant, quelle que soit sa situation familiale, doit avoir accès tous les midis à une alimentation équilibrée, saine et respectueuse de l’environnement. C’est là une des principales préoccupations des familles. Dans nos villes, comme à Aubervilliers, dans ma circonscription, des collectifs de parents se mobilisent contre la qualité défectueuse des repas. J’ai visité avec certains d’entre eux le syndicat intercommunal qui gère les repas de cette ville et de nombreuses autres en région parisienne : 8 cuisiniers y préparent 25 000 repas par jour ; les plats sont stockés dans des barquettes en plastique, dont on sait les risques qu’elles présentent en raison des microparticules.

Notre proposition de loi se préoccupe également de qualité nutritionnelle et sanitaire des repas en aidant les communes les plus fragiles à investir dans un retour progressif à des régies publiques qualitatives et de proximité, et en favorisant des circuits locaux. C’est la voie à suivre, car les grandes structures exerçant en délégation de service public ou en externalisation complète ne permettent bien souvent pas de respecter les standards de qualité suffisants et occasionnent des surcoûts.

En outre, les normes introduites devront également veiller à ce que les chaînes d’approvisionnement des cantines respectent l’environnement.

Vous l’aurez compris, notre projet vise à mettre en place des cantines vertueuses, car elles constitueraient également de puissants vecteurs de progrès sanitaire, social, écologique et économique, dont les premiers bénéficiaires seront nos enfants. Les familles, elles, verraient leur pouvoir d’achat s’améliorer et pourraient ainsi s’offrir une meilleure alimentation à la maison. La santé publique en sortirait également gagnante, tout comme la lutte contre l’obésité et l’environnement, puisque les chaînes industrielles de production alimentaire seraient abandonnées, qu’il serait moins recouru au plastique et que le bio s’en trouverait valorisé. Les petits agriculteurs, sollicités au travers des circuits courts, verraient leurs carnets de commandes se remplir.

Bref, ce que nous proposons ne ferait que des gagnants et serait finançable en rétablissant notamment l’ISF et en taxant davantage le commerce des produits phytopharmaceutiques. Les sondages montrent que les Français y sont largement favorables : je vous invite donc à entendre leur message et à soutenir cette proposition de loi.

Mme Elsa Faucillon. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient à la fois l’ambition, le contenu et le financement de cette proposition de loi. Comme le disait Federico Fellini, « Le mot réalisme ne veut rien dire. Dans une certaine mesure, tout est réaliste. Il n'y a pas de frontière entre l'imaginaire et le réel. » Le conseil départemental des Hauts-de-Seine, dirigé par M. Patrick Devedjian, tire argument du réalisme pour expliquer aux membres de l’opposition dans cette assemblée qu’Elior ou Sodexo se partagent les marchés de la restauration dans les collèges en recherchant le profit maximum et en mettant bien souvent dans les assiettes des choses qui ne devraient être proposées ni à des enfants ni à des adultes.

Les cantines scolaires font débat, tant à la maison que dans les circonscriptions, car elles font partie du quotidien, et donnent parfois lieu à des pratiques nauséabondes dans notre société, comme celle consistant à punir des enfants dont les parents n’ont pas réglé la cantine. Dans une ville comme Colombes, même lorsque les inspecteurs d’académie parviennent à faire scolariser des enfants qui vivent dans un squat ou dans un bidonville, ou sont hébergés par le 115, la mairie fait en sorte qu’ils ne puissent pas déjeuner à la cantine. Cela prouve qu’il s’agit d’un sujet éminemment politique que nous devons nous approprier, et l’État également.

L’article 186 de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a pourtant complété le code de l'éducation par un article L. 131-13 : « […] L'inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. » Force est de constater que malheureusement cette disposition n’est pas respectée. Le Défenseur des droits a ainsi constaté que l’accès à la restauration scolaire, parfois difficile pour les enfants des familles à revenus modestes, pénalisées du fait de tarifs élevés, reste souvent entravé par de véritables discriminations.

L’absence de service public gratuit de cantine pour tous les enfants révèle également de nombreuses inégalités territoriales. La création d’un tel service permettrait de lutter contre celles-ci et participerait à la lutte contre le changement climatique. Face à ce défi, il convient de proposer aux enfants des produits de qualité, issus de l’agriculture biologique. C’est en les éduquant à une alimentation saine que les pratiques citoyennes et sociétales s’amélioreront.

Aujourd’hui, seuls 2 % des aliments servis quotidiennement sont issus de l’agriculture biologique. Le service public de restauration scolaire doit également favoriser tant cette dernière que les circuits courts. L’on voit combien, même pour les municipalités qui souhaitent les développer, une telle révolution est aujourd’hui coûteuse. Vous avez cité des exemples de villes qui peuvent encore se le permettre ; ce n’est pas le cas de beaucoup d’autres.

Il faudra également former les cuisiniers de collectivités à de nouvelles pratiques et à de nouveaux modes de cuisson, ainsi qu’à la préparation des protéines végétales et à la lutte contre le gaspillage, et financer l’achat d’équipements comme des ateliers de découpe, de conserveries ou de matériels permettant de lutter contre le gaspillage alimentaire.

Cette proposition de loi nous invite également à nous pencher sur l’opportunité de rendre obligatoire ou non un menu végétarien, afin de permettre aux enfants qui ne veulent pas manger de viande ou de poisson, parfois contre l’avis même de leurs parents, de se nourrir de façon équilibrée.

Nous soutenons donc cette proposition de loi.

Mme Danièle Cazarian. L’article 3 de la proposition de loi vise à améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux dans la restauration collective des écoles publiques.

Vous préconisez notamment le recours aux circuits courts pour l’achat de produits alimentaires afin de créer, au sein d’un même territoire, un lien entre le producteur et les consommateurs, ce qui se fait déjà dans nombre d’établissements. Cela ne risque-t-il pas, cependant, de limiter la diversité des aliments proposés à nos enfants ?

M. Maxime Minot. Plusieurs choses me chagrinent dans cette proposition de loi, à commencer par la gratuité, mot magique qui sous-entend que la restauration scolaire ne coûterait rien. Or nous savons tous qu’à la fin, les contribuables paient une note déjà largement salée.

Me chagrine également une forme d’autoritarisme : imposer une proportion aussi importante de produits bio à un horizon aussi court traduit une méconnaissance de la filière agricole française, qui n’est pas en mesure d’en produire autant. Cela obligerait à importer des produits provenant d’autres pays d’Europe, ce qui affaiblirait tant notre compétitivité que l’objectif écologique poursuivi.

Or vous savez aussi bien que moi que nos voisins européens n’imposent pas du tout les mêmes normes que nous en la matière. Si l’objectif est louable, de nombreuses collectivités territoriales ont déjà pris des mesures en ce sens.

Mme Emmanuelle Anthoine. Pour pouvoir consommer localement, il faut qu’existent sur place à la fois des producteurs locaux et une production diversifiée. En pratique, certaines régions ont développé un modèle polycultural, d’autres sont plus orientées vers la monoculture, mais certains territoires ne comptent aucuns producteurs locaux. Mon département, la Drôme, ne se trouve pas dans ce cas, puisqu’il est un pionnier innovant du bio en France et que sa gamme de produits est variée. Pour les territoires qui n’ont pas la possibilité d’organiser des circuits courts, que proposez-vous ?

M. Frédéric Reiss. Des efforts indéniables et remarquables sont faits aujourd’hui en matière de restauration scolaire par les communes, par les établissements publics de coopération intercommunale, par les départements et les régions. Vous préconisez l’agriculture biologique et les circuits courts : on se rend compte, lors des assemblées générales cantonales, que beaucoup d’initiatives vont d’ores et déjà dans la bonne direction.

Cependant, votre généralisation des produits bio ne me semble pas très réaliste, et je m’interroge sur le bilan carbone d’un produit bio. Pour l’empreinte carbone du secteur agricole, vaut-il mieux manger bio ou local ?

M. Fabien Di Filippo. Vous reproduisez avec cette proposition de loi l’une des erreurs commises avec la loi EGALIM de pousser à l’excès les produits bio, alors que les normes en la matière restent poreuses et favorisent les produits étrangers. Je ne pense pas qu’une telle démarche soit vertueuse, ni du point de vue sanitaire ni du point de vue environnemental. Il faudrait tout simplement remplacer le mot bio par le mot local. Je suis père de très jeunes enfants et, pour les nourrir, je fais plus confiance aux agriculteurs de mon territoire qu’à un concept très poreux.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je remercie mes collègues Michèle Victory, Elsa Faucillon et Bastien Lachaud : nous défendons cette idée de cantines vertueuses sur les mêmes bases.

Monsieur Le Bohec, nous sommes d’accord sur la nécessité de renforcer l’apprentissage. Pour le reste, nous n’avons pas du tout la même approche. Vous affirmez que l’ISF n’existe pas ; nous proposons de le rétablir tel qu’il existait à votre arrivée au pouvoir, à savoir un impôt sur la fortune non restrictif, dont le produit annuel s’élevait à plusieurs milliards d’euros. Vous avez choisi de réduire la voilure au profit des plus riches ; nous pensons qu’il vaut mieux mettre tous ces milliards dans des choses plus utiles.

Je vous rassure, nous avons procédé à des auditions, notamment des représentants de Cantine nouvelle, de la Fondation pour la nature et l’homme, et du collectif « Pas d’usines, on cuisine », qui sont des acteurs de terrain travaillant ces questions et qui nous alertent à raison.

Certaines villes ont, en effet, déjà instauré des cantines vertueuses. Il s’agit d’expériences très encourageantes sur lesquelles il serait possible de s’appuyer. J’observe, en particulier, que Mouans-Sartoux est passé au 100 % bio, que Saint-Étienne-du-Rouvray, ville populaire, a atteint 80 % et qu’Alençon s’est également engagée dans cette voie. Mais pour que cette démarche vertueuse du point de vue social et environnemental puisse être engagée sur tout le territoire, l’État doit l’accompagner. Il ne s’agit pas d’autoritarisme, mais du pouvoir d’impulsion des pouvoirs publics.

Nos estimations financières ne seraient pas justes, dites-vous. Ne disposant pas de l’expertise de l’État, nous nous sommes appuyés sur les chiffres fournis notamment par les associations. Si vous disposez de chiffres plus précis, nous pourrions affiner le gage.

Nous sommes en désaccord complet avec les positions exprimées par les représentants du groupe Les Républicains. Ce qu’ils considèrent comme trop d’État, trop de fonctionnaires et trop d’impôts, sert, à notre sens, le service public qui permet d’améliorer les conditions de vie des gens et la mise en commun des biens. Nos approches sont sans doute irréconciliables.

Notre collègue Béatrice Descamps, comme certains collègues du groupe La République en marche, a indiqué qu’une bonne gestion de la grille tarifaire des cantines scolaires devrait conduire à faire payer les riches, mais pas les pauvres. Pour notre part, nous pensons que c’est au niveau des revenus qu’il faut agir, de sorte que l’on n’ait pas à établir des quotients familiaux pour tous les dispositifs de la vie, et qui rappellent en permanence à chacun son statut de riche ou de pauvre. La société devrait garantir par les rémunérations et par l’impôt des différences de revenus qui ne soient pas telles que l’on doive réintroduire des péréquations pour rétablir un équilibre. Cela fait toute la différence, y compris du point de vue symbolique, de ne pas avoir, lorsque vous gagnez peu, à remplir des tonnes de formulaires. La gratuité permet précisément d’émanciper de la paperasserie et de conforter les biens communs. La lutte contre les inégalités sociales et de revenu, et donc contre les injustices, doit se jouer ailleurs, raison pour laquelle je suis également favorable à la gratuité des transports.

S’agissant de la diversité alimentaire, on ne peut évidemment pas demander à des territoires de se fournir au plus près des cantines si la production locale ne s’y prête pas. Mais peut-être est-ce l’occasion de s’interroger sur l’usage des terres. Par exemple, dans ma circonscription urbaine, les terres qui forment l’immense triangle de Gonesse pourraient être utilisées à des fins agricoles.

Mme Sylvie Charrière. Elles sont polluées.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. On pourrait les dépolluer.

Mme Sylvie Charrière. Il faudrait déplacer l’aéroport. C’est irréaliste !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Ce n’est pas irréaliste. À Sevran, nous avons une association pour le maintien d'une agriculture de proximité (AMAP). C’est bien qu’il y a des possibilités, y compris dans des territoires urbains, pour les pratiques agricoles.

Peu importe si l’on ne peut pas s’approvisionner à 100 % sur le marché local, nous voulons simplement donner une impulsion aux circuits courts et protéger des terres agricoles menacées par des projets inutiles – il en existe en dehors du triangle de Gonesse.

Quant à préférer le local au bio, je ne suis pas d’accord avec M. Di Filippo, car ce sont deux choses très différentes. L’agriculture locale peut être intensive, bourrée de pesticides et très mauvaise pour la santé.

M. Fabien Di Filippo. Le bio d’Espagne est bourré de pesticides aussi !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Produire et consommer local, oui, mais sans oublier la qualité de l’agriculture. Si l’agriculture bio n’est aujourd’hui pas suffisamment présente sur notre territoire, c’est aussi parce que la PAC a introduit une logique ne favorisant pas son développement. En l’absence de mécanismes vertueux d’incitation et de soutien aux filières bio, celles-ci ne peuvent évidemment se développer. Notre démarche s’inscrit dans une vision plus globale de l’économie et de l’agriculture.

 

 

II.    Examen des articles

Article 1er : Principe de gratuité du service public de restauration scolaire

La commission est saisie de l’amendement AC1 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Je ne suis pas favorable à la gratuité des repas dans le cadre scolaire. Certes, les communes appliquent des tarifs dégressifs, au point que la cantine pour les enfants est presque gratuite. Dans l’établissement où j’exerçais avant d’être élue, le huitième et plus bas tarif correspondait à un prix par repas de 0,13 euro ; je facturais donc 2,50 euros par mois, qui n’étaient, bien entendu, ni réclamés ni payés.

Faire de la restauration scolaire un service public gratuit revient à entrer dans une dynamique infinie d'assistanat qui fait perdre aux citoyens le prix de chaque chose. La tarification actuelle des cantines vise tant à responsabiliser les parents qu'à apprendre aux enfants que chaque chose a un prix et que rien ne tombe du ciel.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Conséquence de la gratuité sur la tarification de la restauration scolaire

La commission est saisie de l’amendement AC9 de M. Gaël Le Bohec qui fait l’objet du sous-amendement AC12 du président Bruno Studer.

M. Gaël Le Bohec. Le véritable objectif est celui de la solidarité et de la redistribution, et le dispositif de la cantine à 1 euro, entre autres, y participe – les collectivités peuvent toujours faire le choix d’un tarif de la première tranche entre 0 et 1 euro. D’aucuns ne voient dans ce dispositif que de la communication, mais 8 000 enfants bénéficiaires, et probablement plus après son élargissement, et 200 000 petits-déjeuners gratuits servis, je n’appelle pas cela de la communication. Il est nécessaire que les communes mettent en place une progressivité des tranches.

M. le président Bruno Studer. Madame la rapporteure, nous partageons les objectifs, pas les moyens de les atteindre.

Cet amendement vise tout à la fois à inscrire le dispositif de la cantine à 1 euro dans la loi et donc à le pérenniser, à garantir la progressivité de la tranche tarifaire correspondante, et à en élargir les bénéficiaires puisque n’étaient visées initialement que les communes percevant la fraction « cible » de la DSR.

Mme Clémentine Autain, rapporteure.  Je suis assez impressionnée, monsieur Le Bohec, parce que l’amendement ne fait rien d’autre que supprimer nos propositions en réécrivant entièrement l’article 2. Il est superflu, redondant et inutile.

Vous proposez que les tarifs soient fixés par la collectivité ayant la charge de la cantine et qu’ils ne puissent être supérieurs au coût de revient du service par usager – en fait, la situation actuelle. Quel est donc l’apport ?

Permettez-moi de citer l’article R. 531-52 du code de l’éducation : « Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l'enseignement public sont fixés par la collectivité territoriale qui en a la charge », et l’article R. 531-53 du même code : « Les tarifs mentionnés à l'article R. 53152 ne peuvent, y compris lorsqu'une modulation est appliquée, être supérieurs au coût par usager résultant des charges supportées au titre du service de restauration, après déduction des subventions de toute nature bénéficiant à ce service. »

Vous aurez remarqué qu’il s’agit, presque mot pour mot, des troisième et quatrième alinéas de l’amendement. Pour ma part, je ne crois pas que le rôle du législateur consiste à faire des copier-coller de dispositions réglementaires en vigueur.

Le cinquième alinéa, quant à lui, commence ainsi : « Ces tarifs peuvent être fixés selon un barème progressif ». Non seulement les collectivités territoriales peuvent déjà fixer un barème progressif, et un certain nombre d’entre elles le font, mais une telle disposition n’a aucune valeur normative, et donc aucune conséquence concrète, à la différence de ce que nous proposons dans notre texte, à savoir une véritable gratuité des cantines scolaires pour tous les enfants. Vous comprendrez donc que je sois totalement opposée à cet amendement.

Quant au sous-amendement…

M. le président Bruno Studer. Il vise à consolider un certain nombre de dispositions dans la loi ; mais je suppose que vous y êtes également opposée, puisque vous rejetez l’amendement.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Vous avez tout compris.

M. Gaël Le Bohec. Notre objectif est de sécuriser un certain nombre de dispositions en les inscrivant dans la loi. Il est important d’inciter les communes qui ont instauré un barème progressif à poursuivre cette démarche.

Si vous ne voulez pas tenir compte de mes propos, peut-être écouterez-vous ceux de Mme Victory, qui a rappelé que, dans plus de 60 % des communes, les tarifs ne sont pas progressifs. Si vous trouvez qu’il n’est pas important d’inciter ces communes à adopter le système, c’est votre droit. Quant à nous, c’est précisément ce que nous voulons faire. Dans mon territoire, les communes sont enchantées par le système de la cantine à 1 euro, qu’elles trouvent simple et pour lequel, en plus, elles reçoivent une aide financière de l’État. Peut-être faut-il élargir le système, aller encore plus loin, mais il importe aussi de féliciter ceux qui ont d’ores et déjà introduit la progressivité.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement ainsi sous-amendé, et l’article 2 est ainsi rédigé

En conséquence, l’amendement AC2 de Mme Agnès Thill n’a plus d’objet.

Article 3 : Former les professionnels de la restauration collective aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

La commission rejette l’article 3.

Article 4 :Amélioration de la qualité des produits servis dans la restauration collective publique

La commission examine l’amendement AC7 de la rapporteure.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. j’ai déjà présenté cet amendement tout à l’heure.

Mme Cécile Rilhac. En tant que députée du Val-d’Oise, je souhaite rétablir quelques vérités à propos du triangle de Gonesse. C’est bel et bien la majorité qui a décidé d’abandonner le projet de mégacomplexe de loisirs et de commerces EuropaCity, auquel vous avez fait référence ; c’est bien la majorité qui travaille de manière transpartisane dans le Val‑d’Oise, avec le soutien de l’État, pour trouver des projets alternatifs plus vastes dans le triangle de Gonesse – y compris, peut-être, des projets agricoles.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Eh bien voilà !

M. Fabien Di Filippo. Vous avez dit tout à l’heure, madame la rapporteure, quelque chose de terriblement faux et irresponsable pour défendre votre projet d’augmenter la part de bio : le bio serait mieux qu’une agriculture locale « bourrée de pesticides ». Or nos agriculteurs respectent les normes et font un travail remarquable. Vos propos sont donc au‑delà de la caricature, ils sont tout simplement faux. Comparez nos productions locales à bien des productions bio d’Amérique du Sud ou même d’autres pays européens, et vous verrez que la qualité de nos produits est très nettement supérieure.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC8 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. L’amendement vise à supprimer les pourcentages proposés pour les produits bio et de qualité, dont on a vu qu’ils étaient irréalistes. Il faut commencer par franchir le cap des 20 %, ce qui est déjà un enjeu considérable, en termes tant de surfaces cultivées que de circuits d’approvisionnement pour certaines collectivités. Nous proposons donc d’en rester aux objectifs déjà très ambitieux de la loi EGALIM. Pour ce faire, nous demandons la suppression du deuxième alinéa de l’article 4.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC4 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à passer d’un choix hypothétique à une priorité réelle donnée aux projets locaux et aux circuits courts dans le choix des produits à destination des repas servis dans les restaurants collectifs. Cela correspond parfaitement aux objectifs du Gouvernement en matière de santé publique, de protection de l’environnement et de redynamisation de l’économie locale par la priorité donnée aux acteurs de proximité.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. J’ai le sentiment, madame Thill, que mon amendement AC7 répondait d’une certaine manière à vos préoccupations. Avis défavorable.

Quant à l’amendement précédent de M. Le Bohec, il visait en fait, y compris en ce qui concerne la part de produits bio, à en rester à ce qui est déjà prévu. Je ne vois pas très bien en quoi cela permet d’avancer. Tout à l’heure, vous avez procédé de la même manière : il est très bien que certaines collectivités aient instauré des tarifs progressifs, disiez-vous. C’est sûr, des tarifs progressifs sont préférables à des tarifs qui ne le sont pas, mais la gratuité, c’est encore mieux !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Instauration d’une dotation relative au soutien
à une restauration scolaire saine et durable

La commission est saisie de l’amendement AC10 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Beaucoup de questions se posent, on le voit : le périmètre des communes visées est-il le bon ? Faut-il inciter d’autres communes à adopter le dispositif ? Si oui, comment ? Quelles aides peut-on leur apporter, notamment en milieu rural ? Pour répondre à ces questions, nous demandons la remise au Parlement, avant le 1er janvier 2021, d’un rapport relatif au financement par l’État de la mise en place de la tarification sociale des cantines. Il s’agit de trouver les moyens d’inciter encore plus de collectivités territoriales à instaurer une telle tarification.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Cet amendement vise à substituer à l’article 5 une demande de rapport, ce qui revient pour ainsi dire à le supprimer. Je sais bien que, chaque fois qu’il y a un problème, par exemple les punaises de lit, soit on crée un numéro de téléphone soit on commande un rapport. Nous pourrions être un peu plus ambitieux, et essayer de formuler des propositions.

M. Stéphane Testé. Pourtant, les demandes de rapport, ça vous connaît !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Certes, mais nous sommes dans l’opposition, ce qui fait une grande différence : parfois, la demande de rapport est l’élément ultime auquel s’accrocher. Quand on est en responsabilité, il en va tout autrement.

Si je ne suis pas forcément opposée à la rédaction d’un rapport, je le suis au fait que votre amendement supprime en pratique l’article 5, qui prévoit la participation de l’État à l’effort financier, ce qui n’est quand même pas rien.

La commission adopte l’amendement, et l’article 5 est ainsi rédigé.

Après l’article 5

La commission est saisie de l’amendement AC6 de la rapporteure.

Mme Clémentine Autain, rapporteure.  M. Le Bohec va être ravi : je propose la remise d’un rapport.

La commission rejette l’amendement.

Articles 6 et 7 : Gages financiers

La commission rejette successivement les articles 6 et 7.

Après l’article 7

La commission examine l’amendement AC11 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. L’amendement AC11 vise à financer d’une façon classique, et tenant compte des besoins réels, les surcoûts éventuels découlant de la proposition de loi, plutôt que de recourir à des gages fantaisistes ou irréalistes.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je suis impressionnée par votre entêtement à défendre l’ISF. Visiblement, vous êtes fiers d’avoir supprimé cet impôt qui touchait les plus riches. Je trouve cela fascinant.

M. Gaël Le Bohec. L’ISF est une véritable question, et on a le droit d’avoir des points de vue différents. Je discute souvent, dans ma circonscription, de la manière dont nous avons fait évoluer l’ISF. Fondamentalement, je suis gêné que l’on taxe des gens qui ont investi leur capital dans des start-up, n’ont parfois rien gagné et ont même pris un risque important, car la moitié d’entre elles disparaît. Nous n’avons pas la même vision, madame Autain. Ce n’est pas grave : chacun de nous défend la sienne.

Mme Maud Petit. Vous aurez constaté que, s’agissant de la suppression de l’ISF, le MODEM s’était abstenu !

La commission adopte l’amendement.

Enfin, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

*     *

 

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

– Texte adopté par la commission :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r2724-a0.asp

– Texte comparatif :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r2724-aCOMPA.pdf

 


—  1  —

 

 

   annexe :
LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS
OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN
DE LA PROPOSITION DE LOI

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées ou abrogées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

2

Code de l'éducation

L533-3 [nouveau]

4

Code rural et de la pêche maritime

L230-5-1

 

 


([1]) Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), « L’accès à la cantine scolaire : un droit pour tous les enfants, un droit essentiel pour les enfants de familles pauvres ? », note, 2018.

([2]) Union nationale des associations familiales (UNAF), « Fiscalité et tarification des services locaux : enquête sur la prise en compte des familles dans les communes et les structures intercommunales », avril 2014.

([3]) Circulaire interministérielle n° 2001-118 du 25-6-2001,

([4]) Olivier Chardon, Marie-Christine Delmas Nathalie Guignon, Jean-Paul Guthmann, Louis-Marie Paget, Anne-Laure Perrine, Marine Ragot, Thibaut de Saint Pol, Bertrand Thélot, 2015, « La santé des élèves de grande section de maternelle en 2013 : des inégalités sociales dès le plus jeune âge », Études et Résultats, n° 920, juin 2015.

([5]) Article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

([6]) Cour des comptes, 27 novembre 2019, Le bilan des plans Ecophyto, n° S2019-2659.

([7]) Article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales.

([8]) CE, Sect., 5 octobre 1984, Préfet de l’Ariège, n° 47875.

([9]) Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([10]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, paragraphe 125.

([11]) Article 82 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

([12]) Voir par exemple : Sénat, rapport n° 220 de M. Jean-Claude Carle et Mme Françoise Laborde sur la proposition de loi visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, session ordinaire 2015-2016.

([13]) Conseil d’État, 24 juin 2019, Commune des Fondettes, n° 409659.

([14]) Conseil d’État, Sect., 9 mars 1951, Société des concerts du conservatoire, n° 92004.

([15]) Conseil d’État, 2 décembre 1987, Commune de Romainville, n° 71028.

([16]) Conseil d’État, 23 octobre 2009, FCPE c. Commune dOllins, n° 329076.

([17]) Amendements identiques CS46 de M. Roger Gérard-Schwartzenberg et CS649 de Mme Maud Olivier.

([18]) Tribunal administratif de Besançon, 7 décembre 2017, Mme G. c/ Commune de Besançon, n° 1701724.

([19]) Cour administrative d’appel de Nancy, 5 février 2019, Mme G. c/ Commune de Besançon, n° 18NC00237.

([20]) Conseil d’État, 2 décembre 1987, Commune de Romainville, n° 71028.

([21]) Défenseur des droits, « L’égal accès des enfants à la cantine de l’école primaire », 28 mars 2013.

([22]) https://www.francetvinfo.fr/societe/education/depense-annuelle-pour-un-collegien-les-departements-font-leur-calcul_404053.html

([23]) Ministère de l’éducation nationale, DEPP, « Les dépenses des familles pour la scolarisation des enfants », Note d’information, n° 29, septembre 2015.

([24]) Jessica Labrador, « Cantines des collèges de lEssonne : une fréquentation sensible au revenu des familles », Insee Île-de-France, n° 392, juin 2012.

([25]) Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), « Qualité de vie à lécole. Enquête sur la restauration et larchitecture scolaires », octobre 2017.

([26]) Laurent Visier et Geneviève Zoïa, « Cantines scolaires : la désaffection des quartiers populaires », Actualités et dossier en santé publique, n° 99, juin 2017, Haut Conseil de la Santé Publique, La Documentation Française.

([27]) Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, article 147.

([28]) Antoine Math, « L’accès à la cantine scolaire pour les enfants de familles défavorisées : un état des lieux des enjeux et des obstacles », document de travail, IRES, janvier 2019.

([29]) Union nationale des associations familiales (UNAF), « Fiscalité et tarification des services locaux : enquête sur la prise en compte des familles dans les communes et les structures intercommunales », avril 2014.

([30]) https://www.sudouest.fr/dossiers/prix-des-cantines/

([31]) Défenseur des droits, rapport, « Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants. Intérêt supérieur de l’enfant, égalité des droits et non-discrimination », mai 2019

([32]) Défenseur des droits, décision n° 2018-095, 3 mai 2018, URL : https://www.faire-face.fr/wp-content/uploads/2018/05/de%CC%81cision-ULIS-Cantine-2018-095.pdf

([33]) Handicap.fr, « Cantine : des tarifs discriminatoires dans les classes Ulis ? », 9 septembre 2019, URL : https://informations.handicap.fr/a-cantine-tarifs-discriminatoires-classes-ulis-12176.php

([34]) Question écrite n° 21699 de M. Stéphane Viry au Gouvernement, 23 juillet 2019, URL : http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-21699QE.htm

([35]) https://www.gouvernement.fr/lancement-de-la-cantine-a-1-euro-pour-les-familles

([36]) 1991 pour le fonds social lycéen public, 1995 pour le fonds social collégien public, 1997 pour le fonds social cantines.

([37]) Circulaire n° 2017-122 du 22 août 2017.

([38]) HCFEA, « L’accès à la cantine scolaire : un droit pour tous les enfants, un droit essentiel pour les enfants de familles pauvres ? », note, 2017.

([39]) https://www.cantinescolaire.net

([40]) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/diplp_-_tarification_sociale_des_cantines_-_faq_-_20160626.pdf

([41]) Article L.2334-22-1 du code général des collectivités territoriales.

([42]) Dominique Versini et Pierre-Yves Madignier, « Pour une politique de l’enfance au service de l’égalité de tous les enfants », Rapport remis à la ministre déléguée à la réussite éducative et à la ministre déléguée à la famille, 2012.

([43]) Jean-Paul Delahaye, « Grande pauvreté et réussite scolaire. Le choix de la solidarité pour la réussite de tous », Rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale, mai 2015

([44]) Agnès Florin et Philippe Guimard, « La qualité de vie à l’école. Comment l’école peut-elle proposer un cadre de vie favorable à la réussite et au bien-être des élèves ? », Rapport scientifique, CNESCO, 2017.

([45]) Eurydice, « School meals in Europe. Report by the Polish Eurydice Unit », 2016. https://www.dcu.ie/sites/default/files/edc/pdf/meals_report_polish_eurydice_2.pdf

([46]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([47]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de lenvironnement, art. 48.

([48]) Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, art. 1.

([49]) Id.

([50]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, art. 1.

([51]) https://www.agencebio.org/sites/default/files/upload/dossier_de_presse-agence_bio_16_nov-def.pdf

([52]) Il sagit des signes « label rouge », de lappellation dorigine (AOP-AOC), de lindication géographique protégée (IGP), de la spécialité traditionnelle garantie (STG), de la mention agriculture biologique, de la mention « montagne », du qualificatif « fermier », de la mention « produit de montagne », des termes « produits pays » dans les territoires doutre-mer, et de la mention « issu dune exploitation de haute valeur environnementale ».

([53]) Décret n° 2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs en application de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, art. 1.

([54]) Articles R. 2152-9 et R. 2152-10 du code de la commande publique.

([55]) CGAAER, « Sociétés de restauration collective en gestion concédée, en restauration commerciale et approvisionnements de proximité », Rapport, janvier 2017.

([56]) Agence bio, « État des lieux du bio en restauration hors domicile un an après la promulgation de la loi Égalim », novembre 2019.

([57]) Cour des comptes, 27 novembre 2019, Le bilan des plans Ecophyto, n° S2019-2659.

([58]) Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), « Prospective. Économie sociale et solidaire : les circuits courts alimentaires », 2017.

([59]) Institut de l’élevage, « Où va le bœuf ? les couples produits/marchés de la viande bovine en 2014 », 2015. Disponible ici : https://www.groupealtitude.fr/actualites/Documents/ETUDE_OU_VA_BOEUF.pdf

([60]) Agence régionale énergie climat Île-de-France (ARENE), « Les produits locaux dans la restauration collective », 25 et 26 janvier 2016.

([61]) Agence bio, « État des lieux du bio en restauration hors domicile un an après la promulgation de la loi Égalim », novembre 2019.

([62]) Article L111-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

([63]) Sénat, Rapport n° 570 (2017-2018) de M. Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 13 juin 2018.

([64])  Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([65]) Lien vidéo : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8831630_5e562aaa7aea3.commission-des-affaires-culturelles-et-de-l-education--acces-aux-colonies-de-vacances--cantines-ve-26-fevrier-2020