N° 2747

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mars 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI,

relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à lère numérique
(n° 2488)

PAR Mme Aurore BERGÉ, rapporteure générale
Mme Sophie METTE et Mme Béatrice PIRON

Députées

——

 

AVIS

 

FAITS

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

par M. Jean-François PORTARRIEU

Député

 

Sur sollicitation de la commission saisie au fond

AU NOM DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

par M. Éric BOTHOREL
Député

——

TOME II

COMPTES RENDUS DES TRAVAUX DES COMMISSIONS

 

 Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2488.

 

 

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

compte rendu des Travaux de la commission au fond

I. audition de M. Franck riester, ministre de la culture, et de la discussion gÉnÉrale

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 15 heures ()

II. examen des articles

1. Première réunion du lundi 2 mars 2020 (articles premier à 11) ()

titre Ier développement et DIVERSITÉ DE LA CRÉATION ET DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Chapitre Ier Modernisation du soutien à la création audiovisuelle et cinématographique

Section 1 Réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production dœuvres et extension aux services non établis en France

Article 1er Modernisation de la contribution des éditeurs de services à la production dœuvres audiovisuelles et cinématographiques

Après larticle 1er

Article 2 Conventionnement des services de médias à la demande

Après larticle 2

Article 3 Contribution au développement de la production des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande ne relevant pas de la compétence de la France

Article 4 Coordination

Après larticle 4

Article 5 Coordination

Article 6 Suppression des heures découtes significatives

Après larticle 6

Section 2 Protection du droit moral dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle

Avant larticle 7

Article 7 Respect des droits des auteurs dans les contrats de production dœuvres audiovisuelles et cinématographiques

Chapitre II Instauration dune concurrence plus équitable

Article 8 Transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » en matière de placement de produit

Après larticle 8

Article 9 Autorisation des publicités sur écrans partagés lors des retransmissions sportives

Article 10 Autorisation dune troisième coupure publicitaire pour la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles de longue durée

Après larticle 10

2. Seconde réunion du lundi 2 mars 2020 (après larticle 11 à article 20) ()

Après larticle 11

Chapitre III Modernisation de la radio et de la télévision numériques

Article 12 Autorisation dusage de ressources radioélectriques pour la diffusion en TNT dans des formats dimage améliorés

Article 13 Extension du droit de priorité des éditeurs à lultra haute définition

Article 14 Obligation de distribution du service public de laudiovisuel en ultra haute définition

Article 15 Obligations de compatibilité des récepteurs de télévision et de radio

Chapitre IV Transposition des dispositions de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives à la rémunération des créateurs

Article 16 Transposition en droit interne des dispositions de larticle 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits dauteur

Après larticle 16

Article 17 Transposition en droit interne des dispositions de larticle 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits dauteur

Après larticle 17

Article 18 Principe de réajustement de la rémunération des auteurs prévue au contrat dexploitation

Après larticle 18

Article 19 Droits relatifs à la transparence et à la révocation au sein des contrats pour les auteurs

Après larticle 19

Article 20 Mise en œuvre du principe dune rémunération proportionnelle au profit des artistes-interprètes

3. Première réunion du mercredi 4 mars 2020 (après larticle 20 à après larticle 39 ; sauf articles 22 et 23 réservés) ()

Après larticle 20

Article 21 Droits relatifs à la transparence et à la révocation au sein des contrats pour les auteurs

Après larticle 21

Avant larticle 22

Article 24 Coordination

Article 25 Coordination

Article 26 Coordination

Après larticle 26

Section 2 Dispositions modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

Article 27 Mission générale de lARCOM en matière de propriété littéraire et artistique

Article 28 Rapport annuel de lARCOM

Après larticle 28

Chapitre II Organisation de la régulation

Article 29 Désignation des membres de lARCOM

Article 30 Modalités de désignation des membres de lARCEP

Après larticle 30

Article 31 Instance Instance de règlement des différends commune à lARCOM et à lARCEP

Article 32 Coordination

Article 33 Saisine de linstance commune de règlement des différends par lARCEP

Article 34 Coordination et rectification dune erreur matérielle

Article 35 Libre communication des informations entre lARCOM et lAutorité de la concurrence

Article 36 Recours à lexpertise dun service administratif de lÉtat par les autorités indépendantes intervenant dans la régulation des opérateurs de plateformes en ligne

Après larticle 36

Chapitre III Pouvoirs et compétences de lAutorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

Article 37 Missions de lARCOM

Après larticle 37

Article 38 Information réciproque des organismes européens de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

Article 39 Pouvoir de lARCOM dordonner des mesures conservatoires – Coordination

Après larticle 39

4. Deuxième réunion du mercredi 4 mars 2020 (article 40 à 52 ; articles 22 et 23 précédemment réservés) ()

Article 40 Pouvoirs dinformation et denquête de lARCOM – Échange dinformations entre lARCOM et le CNC

Après larticle 40

Article 41 Coordination – Interdiction dinterruption et de modification des services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Article 42 Recueil de contributions et organisation dauditions sur létude dimpact préalable à la modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre

Article 43 Modalités de publication des sanctions prononcées par lARCOM

Après larticle 43

Article 44 Aménagement  de la procédure dinstruction et de prononcé des sanctions par lARCOM

Article 45 Sanction pécuniaire en cas de manquement à une décision de linstance de règlement des différends commune à lARCOM et à lARCEP

Article 46 Critères de détermination de lÉtat détablissement dun éditeur de service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande

Article 47 Modification du régime de suspension de la retransmission sur le territoire français de services de médias audiovisuels en provenance dautres États membres

Article 48 Liste des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France

Article 49 Relations entre lARCOM et ladministration des impôts

Après larticle 49

Chapitre IV Régulation des plateformes en ligne

Article 50 Définition des plateformes de partage de vidéos

Article 51 Règlement des différends entre les utilisateurs et les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos

Article 52 Missions de lARCOM en matière de lutte contre la manipulation de linformation sur les plateformes en ligne – localisation et régulation des plateformes de partage de vidéos

titre II adaptation DE LA RÉGULATION DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Chapitre Ier Dispositions visant à fusionner le CSA et la HADOPI au sein de lAutorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à renforcer la lutte contre la contrefaçon sur internet

Section 1 Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle

Article 22 (précédemment réservé) Définition des missions de lARCOM dans la lutte contre le piratage

Après larticle 22

Article 23 (précédemment réservé) Lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct

5. Troisième réunion du mercredi 4 mars 2020 (après larticle 52 à après larticle 58) ()

Après larticle 52

Article 53 Coordination

Après larticle 53

Chapitre V Autres dispositions relatives à la protection des publics

Article 54 Codes de bonne conduite visant à réduire lexposition des enfants aux publicités en faveur des aliments et boissons gras, sucrés ou salés

Après larticle 54

Article 55 Accessibilité des programmes télévisés et à la demande aux personnes en situation de handicap

Article 56 Fixation de proportions de programmes accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles ou malvoyantes pour les services de médias audiovisuels à la demande

Après larticle 56.

Article 57 Protection des mineurs

Après larticle 57

Article 58 Transparence des médias audiovisuels

Après larticle 58

6. Première réunion du jeudi 5 mars 2020 (avant larticle 59 et article 59) ()

TITRE III TRANSFORMATION DE LAUDIOVISUEL PUBLIC À LÈRE NUMÉRIQUE

Avant larticle 59

Article 59 Missions, organisation et gouvernance de laudiovisuel public

7. Seconde réunion du jeudi 5 mars 2020 (suite de larticle 59 à article 82) ()

Article 59 (suite)

Après larticle 59

Avant larticle 60

TITRE IV DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Chapitre Ier Dispositions diverses

Article 60 Mesures de simplification des procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

Article 61 Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive « ECN + » et à prendre dautres mesures de simplification des procédures

Article 62 Diverses dispositions relatives au CNC

Après larticle 62

Article 63 Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue de simplifier et codifier les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 modifiée

Article 64 Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive portant code des communications électroniques européen et à prendre diverses autres mesures de simplification et dadaptation du code des postes et des communications électroniques

Article 65 Transposition par ordonnances de dispositions des directives

Article 66 Coordination

Article 67 Coordination

Article 68 Abrogation de lobligation de cession despaces publicitaires à titre gratuit à la filière des produits frais par les sociétés de laudiovisuel public

Article 69 Coordination de dispositions relatives à laudiovisuel public

Article 70 Coordination de dispositions relatives à laudiovisuel public dans le code électoral

Article 71 Coordination relative à la nomination du président de France Médias

Après larticle 71

Article 72 Dates dentrée en vigueur

Chapitre II Dispositions transitoires

Article 73 Dispositions transitoires concernant la HADOPI

Article 74 Dispositions transitoires concernant le CSA et lARCOM

Article 75 Dispositions transitoires concernant lARCEP

Article 76 Dispositif transitoire concernant les services de médias audiovisuels à la demande pour la conclusion dune convention avec lARCOM

Article 77 Transformation de lINA en société anonyme

Article 78 Dispositions transitoires relatives à la création du groupe France Médias

Article 79 Dispositions transitoires relatives à la mise en place du conseil dadministration de France Médias

Article 80 Dispositions transitoires relatives aux instances de gouvernance des sociétés du groupe France Médias

Article 81 Entrée en vigueur différée du rapport au Parlement sur lexécution du budget de France Médias

Article 82 Application de la loi outre-mer

TRAVAUX DE LA COMMISSION des affaires Économiques

TRAVAUX DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

I. Audition de M. Franck riester, ministre de la culture

II. Examen des articles


—  1  —

   compte rendu des Travaux de la commission au fond

I.   audition de M. Franck riester, ministre de la culture, et de la discussion gÉnÉrale

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 15 heures ([1])

La commission des Affaires culturelles et de lÉducation procède à laudition de M. Franck Riester, ministre de la culture, et discussion générale sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à lère du numérique (N° 2488) (Mme Aurore Bergé, rapporteure générale, Mme Sophie Mette et Béatrice Piron, rapporteures) et sur le projet de loi organique relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à lère numérique (n° 2468) (Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis).

M. le président Bruno Studer. Nous engageons cet après-midi l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, sur lequel, le 4 décembre, nous avons désigné Mme Aurore Bergé, rapporteure générale ainsi que Mme Sophie Mette et Mme Béatrice Piron, rapporteures. M. Jean-Jacques Gaultier a par ailleurs été désigné rapporteur d’opposition pour l’application de ce projet de loi, le 11 décembre.

Nous débattrons également du projet de loi organique relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, sur lequel Mme Aurore Bergé a été désignée rapporteure pour avis.

En décembre et janvier, les rapporteures ont procédé à de très nombreuses auditions sur ce texte. Je tiens à les remercier pour le travail considérable qu’elles ont accompli. Leur projet de rapport, très détaillé, vous sera adressé demain.

Je remercie M. le ministre Franck Riester de sa présence à cette discussion générale, ainsi qu’à l’examen des articles, que nous conduirons la semaine prochaine. Je salue également nos collègues M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui est également rapporteur au fond, par délégation, sur les articles 60, 61 et 64 du projet de loi, en application de l’article 87 du règlement ; M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, que nous connaissons pour s’être investi sur la réforme de la loi Bichet ; et Mme Christine Hennion, rapporteure pour observation au nom de la commission des affaires européennes.

L’examen du texte, qui fait l’objet d’une procédure accélérée, est prévu à partir du 30 mars en séance publique, pour deux semaines.

Les 82 articles de ce projet de loi en font un texte riche. Il comprend de nombreuses dispositions, dont beaucoup sont très techniques, particulièrement dans le cadre de la transposition des nouvelles directives dites « droit d’auteur » et « services de médias audiovisuels » (SMA), qui ne sont pas faciles à analyser pour le grand public ni à amender pour les parlementaires.

Pour autant, il s’agit d’un projet de loi que le Parlement et les parties prenantes attendaient depuis longtemps. En ayant fait ma priorité dès 2017, je suis heureux de le voir franchir une nouvelle étape. Notre commission l’a de plus beaucoup préparé, à travers la mission d’information présidée par M. Pierre-Yves Bournazel, et dont Mme Aurore Bergé était la rapporteure ; l’organisation régulière des Rendez-vous de l’audiovisuel, en commission ; ou la mission flash sur les quotas de chansons francophones à la radio, conduite par Mme Florence Provendier et Mme Michèle Victory. Nous sommes donc bien préparés à aborder un des textes majeurs, sinon le texte majeur, de notre commission pour cette législature.

Le projet de loi constitue une occasion historique d’ouvrir des débats essentiels pour l’ensemble de nos concitoyens à l’heure de la révolution numérique. Je pense notamment à la possibilité pour les éditeurs de services audiovisuels d’accéder aux données de consommation de leurs programmes, diffusés de façon délinéarisée, dans le respect du secret des affaires, naturellement ; à la lutte contre le piratage des œuvres et des programmes sur internet et à la protection des droits des créateurs, artistes, et industries culturelles – le texte entre là en résonance avec la notion d’exception culturelle, à laquelle nous sommes tant attachés ; à la définition de ce que sont les médias d’intérêt général, auquel la directive SMA réserve désormais un traitement particulier, mais aussi des missions et des objectifs du service public de l’audiovisuel ; enfin, aux moyens d’assurer une meilleure protection des mineurs, non seulement en tant que consommateurs de contenus audiovisuels en ligne, mais également comme acteurs de ces contenus, par exemple sur les plateformes de partage de vidéos et les réseaux sociaux.

Permettez-moi à ce titre de renouveler mes remerciements à l’ensemble des collègues qui ont suivi les travaux relatifs à la proposition de loi sur les enfants influenceurs, qui a été votée il y a quelques jours.

Autant de sujets sur lesquels nous serons sûrement appelés à revenir lors de nos échanges et de l’examen des amendements.

Nous abordons donc aujourd’hui la discussion générale, qui permettra à M. le ministre de présenter les dispositions du texte, aux rapporteurs de faire part de leurs observations et à chaque groupe politique et député qui le souhaite, de s’exprimer sur le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique, qui lui est directement lié. Cet échange est d’autant plus important que la semaine prochaine sera assez chargée, puisque plus de 1 200 amendements ont été déposés.

Je donnerai donc successivement la parole à M. le ministre, à Mme la rapporteure générale puis à Mmes les rapporteures, chacune pour une dizaine de minutes, puis aux deux rapporteurs pour avis, à la rapporteure pour observation de la commission des affaires européennes et aux orateurs des groupes, chacun pour quatre minutes. Enfin, les collègues qui le souhaitent pourront intervenir pour des questions d’une minute. Je redonnerai ensuite la parole au ministre et aux rapporteures, pour répondre. Je vous invite par avance à la concision ainsi qu’à une écoute respectueuse.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je vous remercie de votre présence durant toutes les heures que nous aurons à passer ensemble, tant en commission que dans l’hémicycle, au service de ce projet de loi si attendu, si important, si nécessaire, aussi.

À l’heure où les contenus abondent, où les modes de visionnage se diversifient, où les écrans se démultiplient, notre cadre législatif est dépassé. La loi relative à la liberté de communication date de 1986, avant qu’internet n’existe. L’audiovisuel d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celui d’alors. Cette loi avait été conçue pour une autre époque, un autre monde. Certes, elle a été modifiée depuis, à de nombreuses reprises, mais avec, à chaque fois, des actualisations à la marge.

Aujourd’hui, le texte a besoin d’être repensé en profondeur. Cela est non pas une option mais une évidence, une obligation car le secteur se trouve face à des mutations majeures. La révolution numérique et les acteurs qui ont émergé avec elle ne sont pas une menace en soi, mais ils peuvent le devenir. Notre responsabilité est de faire de la révolution numérique une opportunité, tant pour les créateurs que pour les publics. C’est tout le sens du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.

Le projet de loi est historique parce qu’il établit enfin un cadre adapté à la télévision, à la radio et aux contenus audiovisuels du XXIe siècle ; parce qu’il permet à la France de montrer la voie, d’être un exemple et, d’une certaine façon, un modèle pour ses voisins.

Avec ce texte, nous serons les premiers à transposer plusieurs directives, pour lesquelles nous nous sommes battus, avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec le Gouvernement, avec vous, députés, avec les sénateurs, avec les députés européens et les professionnels de ces secteurs. Notre mobilisation a été déterminante au moment de leur adoption. Avec ce projet de loi, nous montrons à l’Europe que nous sommes aussi mobilisés pour transposer que nous l’étions hier pour négocier et voter les directives.

Je viens vous présenter l’ambition de ce texte – elle est grande –, son contenu et son impact concret dans la vie des Françaises et des Français.

Le projet de loi porte à la fois une ambition culturelle forte, et une ambition de souveraineté. Il s’agit de permettre non seulement le développement de la diversité culturelle et de la créativité, mais aussi à l’audiovisuel et au cinéma français de rayonner davantage encore. Enfin, le projet de loi doit rendre possible l’application de notre modèle culturel français, qui repose sur des règles et des valeurs, à l’ensemble des acteurs, nationaux comme étrangers.

La seconde ambition du projet de loi est démocratique, sociétale et citoyenne : elle vise à protéger les citoyens de certains excès du numérique, et à leur offrir à tous, urbains ou ruraux, de l’Hexagone ou d’outre-mer, de tous les âges et de tous les milieux, un service plus proche et plus efficace.

Quant à son contenu, si nous aurons tout le loisir d’en discuter plus en détail ensemble, tout à l’heure, la semaine prochaine puis dans l’hémicycle, à partir du 30 mars, je souhaiterais d’ores et déjà vous en résumer les grandes lignes.

Le texte se compose de trois parties principales. La première concerne le soutien à l’industrie française de l’audiovisuel et du cinéma, et la protection de tous les artistes engagés dans l’acte de création. Ma conviction est que les acteurs traditionnels de l’audiovisuel et les acteurs numériques doivent pouvoir coexister. Or il existe aujourd’hui une trop forte asymétrie entre eux.

Les chaînes de télévision sont soumises à des règles contraignantes, tandis que les plateformes échappent à la plupart d’entre elles. Le rôle de l’État et l’objectif de cette loi sont de rééquilibrer les règles du jeu, de faire en sorte que ces dernières jouent à armes égales et de maintenir une concurrence équitable entre elles.

Cette loi ne se fera pas contre les plateformes, mais avec elles : elle vise à les intégrer à notre modèle. Intégrer, ce n’est pas opposer. Cela implique de ne pas renoncer à ce que nous sommes, transiger sur nos valeurs ou compromettre les piliers de notre modèle culturel. Cela implique de continuer à exiger que ceux qui diffusent les œuvres financent ceux qui les créent ; d’encourager les acteurs vertueux et d’avantager ceux qui sont les meilleurs alliés de la création.

Les plateformes comme Netflix, Amazon Prime Vidéo, et demain, Disney+, apportent un service que nos concitoyens apprécient. Elles offrent à nos créateurs de formidables opportunités de diffusion en France et partout dans le monde. Elles sont les bienvenues, mais elles doivent respecter nos règles. Avec ce projet de loi, elles devront respecter les principes de notre système de financement de la création audiovisuelle et cinématographique. C’est une question d’équité.

Les groupes de télévision ont déjà l’obligation de financer des séries et des films français et européens. Le projet de loi prévoit que les nouveaux services soient aussi concernés : ils devront financer la production française et européenne à hauteur d’au moins 16 % de leur chiffre d’affaires pour les services généralistes et d’au moins 25 %, pour les acteurs spécialisés dans le cinéma et l’audiovisuel. Il y aura donc davantage de créations françaises produites par Netflix.

Ces nouvelles plateformes en produisent déjà, mais nous voulons qu’elles aillent plus loin dans cette production, et qu’elles valorisent davantage les œuvres françaises et européennes. Notre culture est faite de ces œuvres. Il nous revient d’enrichir, de partager ce patrimoine, de rappeler inlassablement que notre culture est unique, et de la faire vivre. Le texte y contribue.

En outre, avec ce projet de loi, les plateformes devront respecter les fondements du droit d’auteur à la française, par exemple l’obligation de recourir à un producteur délégué ou de laisser le montage final – final cut – entre les mains du réalisateur. Pour faire obstacle aux pratiques anglo-saxonnes de buy out, qui consistent à racheter l’ensemble des droits sans limitation de territoires ou de durée, le projet de loi prévoit que les contrats de production devront comporter des clauses types, qui traduiront les principes du droit moral et les conditions essentielles de la rémunération des auteurs.

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), résultant de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), seront chargés de vérifier la présence et le respect de ces clauses types. Si elles sont absentes, une œuvre ne pourra ni être prise en compte au titre des obligations d’investissement ni être éligible aux aides du CNC. L’ARCOM devra en tenir compte dans le décompte des obligations des diffuseurs.

Rééquilibrer les règles ce n’est toutefois pas seulement en imposer de nouvelles à ceux qui n’y sont pour le moment pas assujettis : cela implique également d’assouplir celles qui s’imposent aux acteurs traditionnels. Je pense notamment aux règles encadrant la diffusion de la publicité à la télévision, dont l’assouplissement donnera aux chaînes l’accès à de nouvelles ressources, qui, une fois réinvesties dans la création, permettront de consolider nos champions français de l’audiovisuel. Je serai clair : le temps de publicité à la télévision n’augmentera pas, seule l’adaptation des règles régissant cette publicité permettra d’augmenter les recettes liées.

Celle-ci a par ailleurs été pensée de manière à ne pas déstabiliser le marché publicitaire des autres secteurs, notamment de la presse, nationale ou régionale. Elle fait suite à une longue consultation, et repose sur une étude d’impact. Ainsi, la publicité ne sera pas autorisée pour les offres promotionnelles du secteur de la distribution car cela déstabiliserait l’équilibre du marché publicitaire, de la radio et de la presse.

En revanche, la publicité segmentée à la télévision sera autorisée, de manière encadrée. C’est non seulement un relais de croissance et de modernisation pour la télévision, mais aussi un élément de compétition équitable entre acteurs de l’internet et télévision. Nous serons évidemment attentifs à la protection des données personnelles dans le déploiement de cette innovation.

Dans sa deuxième partie, le texte s’attache à rénover la régulation et à renforcer le rôle du régulateur. Pour s’adapter à la convergence des médias, il convient de ne pas séparer la régulation de l’audiovisuel et celle du numérique. C’est pourquoi le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la HADOPI seront fusionnés au sein d’une autorité unique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’ARCOM. Ce nouveau régulateur assurera la protection des publics sur tous les écrans. Il agira contre les infox – les fake news, en bon français –, contre la prolifération de contenus haineux et pour la protection des mineurs. Il sera également doté de prérogatives renforcées pour lutter contre les sites pirates, y compris en ce qui concerne les compétitions sportives. Sur ce volet, sa coopération avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sera renforcée.

Dans le même temps, l’État se dotera d’un véritable pôle d’expertise sur la régulation numérique. Les travaux avec le ministère de l’économie et des finances sont d’ores et déjà bien engagés.

Enfin, la troisième partie du projet de loi vise à réaffirmer le rôle et la singularité de laudiovisuel public français. Je veux en faire une référence en Europe, une source de rayonnement pour notre pays. Pour y parvenir, son offre doit se transformer, en se distinguant davantage des offres privées et en se recentrant sur ses missions de service public. La formation, léducation, la culture, la cohésion sociale, le rayonnement international de la France et la proximité doivent être ses priorités, le cœur de son offre de programmes, à la télévision, à la radio, comme en ligne.

Ces priorités communes appellent un renforcement des coopérations entre les sociétés de l’audiovisuel public. Elles doivent rassembler leurs forces pour proposer une offre véritablement complémentaire, sur tous les écrans. À cette fin, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) seront réunis au sein d’un groupe public, chargé de définir une stratégie globale, France Médias. La composition des conseils administration sera modifiée et la nomination des dirigeants relèvera désormais de l’initiative des conseils d’administration.

Nous en venons à la façon dont le texte se traduira concrètement pour les Français. L’offre de programmes sera améliorée, enrichie, diversifiée et rendue plus accessible, sur tous les écrans. Nous généraliserons l’ultra-haute définition sur le réseau de télévision numérique terrestre (TNT) d’ici à 2024, pour que nos concitoyens aient notamment un accès de grande qualité aux retransmissions des Jeux Olympiques. Il y aura aussi plus de cinéma – tous les jours de la semaine, sur les chaînes de télévision gratuites –, plus de films et de séries françaises et européennes sur les plateformes, plus de programmes de proximité, dédiés à la jeunesse, et plus de programmes accessibles aux personnes en situation de handicap, à la télévision comme sur les plateformes.

Les chaînes de télévision ont déjà l’obligation de rendre les programmes accessibles à ces personnes. Avec ce projet de loi, les services de vidéo à la demande comme Netflix, OCS, et les services de télévision de rattrapage seront aussi concernés. Rééquilibrer les règles, cela veut dire imposer les mêmes règles à tout le monde, à Netflix aussi bien qu’à TF1 ou M6.

Mesdames et messieurs les députés, la réforme que nous allons conduire ensemble est historique. Avec ce projet de loi, nous préparons la télévision, la radio et tout le paysage audiovisuel français pour l’avenir. Nous les aidons à entrer véritablement dans le XXIe siècle. C’est une responsabilité de taille, et je compte naturellement sur votre mobilisation, que j’ai pu constater depuis des semaines, et sur celle de l’ensemble du Parlement.

J’ai été auditionné la semaine dernière par la commission des affaires étrangères sur les dispositions relatives à l’audiovisuel extérieur. Une première étape a été franchie ; nous en abordons aujourd’hui une deuxième.

Le texte que nous examinons est très dense. Je vous remercie par avance pour le travail que nous réaliserons ensemble, et salue le travail de grande qualité, réalisé par la rapporteure générale, Mme Aurore Bergé, et par les rapporteures, Mme Sophie Mette et Mme Béatrice Piron.

Je salue aussi l’implication de très nombreux députés sur ce texte, depuis plusieurs années pour certains, comme en témoignent, M. le président l’a mentionné, la contribution rédigée en 2018 par Mme Frédérique Dumas, M. Pascal Bois, M. Raphaël Gérard, Mme Marie-Ange Magne, Mme Sophie Mette, Mme Sandrine Mörch et M. Pierre-Alain Raphan ou le rapport d’information de Mme Aurore Bergé et M. Pierre-Yves Bournazel. À travers eux, je salue l’ensemble des membres de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique.

D’autres travaux parlementaires viennent enrichir nos débats, tels ceux de la mission flash conduite par Mme Florence Provendier et Mme Michèle Victory sur les quotas de chansons francophones applicables aux radios privées. Nous pouvons également compter sur les contributions à l’expertise des rapporteurs des commissions saisies pour avis ou pour observation, Mme Christine Hennion, M. Éric Bothorel, M. Christophe Euzet et M. Jean‑François Portarrieu, ainsi qu’aux députés qui, par leur parcours professionnel ou leurs liens avec les acteurs de l’audiovisuel apportent une vraie valeur ajoutée et des propositions concrètes à ce projet de loi, notamment Mme Céline Calvez, M. Bruno Fuchs, Mme Sandrine Mörch, M. Erwan Balanant, M. Bruno Millienne ou M. Frédéric Petit.

En dernier lieu, je remercie l’ensemble des membres de cette commission pour leurs amendements.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je suis ravie que la commission examine enfin le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, un texte très attendu non seulement par la filière audiovisuelle et cinématographique mais également par les membres de notre commission, dont plusieurs ont participé à la mission d’information que le président Studer avait souhaité créer dès le début, ou presque, de la législature.

En tant que rapporteure de cette mission d’information, présidée par M. Pierre-Yves Bournazel, j’avais préconisé un ensemble de mesures pour actualiser la loi de 1986, devenue complexe et peu lisible du fait de la sédimentation législative, et pour tirer les conséquences des bouleversements sociologiques et économiques induits par la révolution numérique.

Le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis met en œuvre une large partie des recommandations de la mission d’information. Je ne peux que m’en féliciter, car cela montre que le Parlement a toute sa place dans l’initiative de la loi. Je salue aussi les nombreuses initiatives de nos collègues, tels les rapports pour avis dans le cadre des discussions budgétaires, ou les rapports de la délégation aux outre‑mer.

Le projet de loi consacre notamment, dans son titre Ier, la nécessité de moderniser le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, notamment la contribution au développement de la production des éditeurs de chaînes de télévision et des services de médias virtuels à la demande. Dans mon rapport d’information, j’avais appelé à renvoyer plus fréquemment aux accords professionnels entre éditeurs et producteurs dont on a vu ces dernières années qu’ils permettaient au secteur de trouver des compromis féconds. C’est tout l’objet de l’article 1er du projet de loi, qui renvoie à un décret le soin d’établir non seulement des dispositions socles, mais aussi, des marges de manœuvre pour la négociation professionnelle.

Vous le savez, monsieur le ministre, la rédaction actuelle du texte de loi, comme du projet de décret, suscite des inquiétudes assez vives, parmi les éditeurs et les producteurs. Des clarifications pourront être apportées au texte. Je pense notamment à la mention des mandats de commercialisation, qui doivent être intégrés à la définition de la production indépendante. De la même manière, il semble nécessaire de prévoir une contribution minimale, applicable en matière d’œuvres cinématographiques, pour éviter toute mutualisation des obligations dans la part dépendante.

Il importe également de préciser la répartition entre les œuvres européennes et les œuvres d’expression originale française car elle n’est pas anodine pour les acteurs étrangers qui y seront désormais soumis, alors que la plupart d’entre eux proposent des contenus principalement sinon exclusivement américains.

Sans entrer dans le détail des amendements que j’ai déposés, il me semble indispensable de prévoir une forme d’obligation de diversité dans les investissements auxquels consentiront les chaînes et les services à la demande, pour qu’ils irriguent l’ensemble de l’écosystème, et que l’obligation ne soit pas détournée de ses fins.

Il semble également indispensable de consacrer dans la loi la notion de producteur délégué, qui fait la spécificité et la force du modèle français, et qui pourrait être mise à mal avec l’arrivée de nouveaux acteurs, notamment américains, lesquels recourent plus volontiers à la production exécutive.

M. le ministre a d’ailleurs mentionné dans son propos l’obligation de recourir aux producteurs délégués. Il semble donc pertinent d’étendre à la part dite dépendante l’interdiction, pour le diffuseur, d’être producteur délégué. Dans le cas contraire, il suffira aux géants américains d’ouvrir des studios en France pour remplir une part non négligeable de leurs obligations. Monsieur le ministre, comment appréhendez-vous cette proposition ?

Une autre idée me tient à cœur, car elle est fondamentale pour le monde numérique, et se trouve au centre des bouleversements que connaît l’écosystème, celle de la neutralité technologique. M. le ministre a dit qu’il fallait intégrer les plateformes à notre modèle, et qu’elles étaient les bienvenues. On ne peut pas décemment intégrer les services numériques, notamment étrangers, à l’obligation de contribution sans se poser la question des règles discriminatoires qui existent aujourd’hui, notamment en matière de chronologie des médias. Si nous devons absolument sanctuariser la fenêtre d’exposition en salles de cinéma, et réaffirmer que, pour la France, un film doit sortir en salle, un acteur numérique, qui souhaiterait être aussi vertueux que l’est Canal+ à l’heure actuelle devrait pouvoir bénéficier des mêmes accords avec les producteurs que Canal+ au sein de sa fenêtre de chronologie. Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de faire respecter ce principe de non‑discrimination ?

Le deuxième chapitre du titre Ier consacre l’instauration d’une concurrence plus équitable, notamment dans le domaine publicitaire. J’avais en effet appelé à un assouplissement de la réglementation relative à la publicité, de sorte que ce gisement de croissance ne bénéficie pas exclusivement aux géants du numérique Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA), mais bien aux groupes audiovisuels français.

De nombreuses règles sont d’ordre réglementaire, néanmoins plusieurs sont prévues dans le projet de loi, comme les écrans partagés lors des retransmissions sportives ou la troisième coupure de publicité dans les films de longue durée.

Je m’interroge toutefois sur la libéralisation du placement de produits. S’il est vrai que la directive SMA offre désormais un cadre très libéral, il n’est pas certain qu’il faille la transposer dans toutes ses dimensions. Certains programmes se prêtent en effet mal à un placement de produits. C’est par exemple le cas des documentaires, qui véhiculent de l’information, et dont les auteurs sont souvent des journalistes. Il ne faut pas que, dans l’esprit du spectateur, une confusion soit possible entre un contenu éditorial et un contenu placé. Il me semble dès lors nécessaire de redonner au régulateur la marge de manœuvre qui est aujourd’hui la sienne dans ce domaine, afin qu’il décide lui-même si le programme peut ou non faire l’objet d’un placement de produits, et à quelles conditions.

Dès lors que le recours au placement de produits est élargi, il faut renforcer la protection du spectateur, car la technique est par nature plus insidieuse que la publicité classique. Monsieur le ministre, quel est votre point de vue sur cette question, eu égard aux craintes que j’ai formulées ?

Sur un autre sujet, je me félicite de ce que le texte supprime enfin les jours interdits, qui empêchaient la programmation de films à la télévision certains soirs de la semaine et étaient devenus parfaitement anachroniques. Toutefois, j’entends les questions du secteur : ces jours interdits ne seraient pas totalement supprimés et substituerait, par décret, une interdiction concernant certains jours. L’interdiction n’est-elle que transitoire ou a-t-elle vocation à être pérenne ? Auquel cas, il me semble que la suppression de l’article 11 s’impose…

Mais la modernisation de la télévision, c’est aussi la modernisation de sa diffusion et de sa réception. Le projet de loi accompagne le processus de passage à l’ultra haute définition (UHD). C’est un peu moins le cas pour la radio numérique terrestre, aussi appelée DAB+. Les obligations de compatibilité – notamment l’échéance fixée à décembre 2020 pour les autoradios – me paraissent un peu en deçà de l’ambition portée par le Gouvernement et le CSA en matière de déploiement du DAB+. Tout en respectant le nouveau code européen, il me semble souhaitable de revenir partiellement au droit existant, mieux-disant. Sinon, des milliers d’automobilistes seront privés de cette technologie qui permet de capter de très nombreuses radios. Quelles raisons auriez-vous de vous opposer à cette évolution ?

De façon plus générale, beaucoup estiment que la radio est la grande absente du texte. S’il n’y a rien concernant les quotas de chansons francophones à la radio, j’imagine que c’est parce que vous avez souhaité laisser toute latitude au Parlement, compte tenu de la récente mission flash que nos collègues Florence Provendier et Michèle Victory ont conduite ! Je suppose qu’elles vous interrogeront, mais j’aimerais recueillir votre avis sur le sujet connexe de la régulation des nouveaux acteurs de la distribution de contenus audios – agrégateurs de flux radio et de podcasts, enceintes connectées – qui vont devenir le moyen privilégié d’accéder à ces contenus pour beaucoup de Français. Il faut traiter ce sujet majeur, sans quoi le projet de loi manquerait une partie de son objectif.

Je me réjouis que ce projet de loi soit l’occasion de transposer la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, dite directive droit d’auteur, dont on sait que l’adoption dans sa rédaction finale a été emportée de haute lutte dans les instances européennes grâce à la ténacité des autorités françaises face à ceux qui voulaient détricoter le droit d’auteur tel que nous l’entendons. Il convient néanmoins de demeurer attentif à la préservation des équilibres économiques patiemment construits par les conventions collectives. Je pense notamment aux inquiétudes liées à la rémunération proportionnelle pour les artistes-interprètes, alors que de nombreux secteurs ont affirmé leur attachement à la rémunération forfaitaire et se sont émus du contenu du projet de loi. Monsieur le ministre, quel équilibre pourrions-nous trouver ?

Vous le savez, la protection du droit des créateurs à une juste rémunération est un combat qui m’anime depuis le début de la législature. Je me réjouis donc des dispositions prévues aux articles 22 et 23, qui permettront de lutter plus efficacement contre le piratage d’œuvres culturelles, mais aussi de contenus sportifs – notamment l’inscription sur une liste noire publique des sites massivement contrefaisants. Les débats en commission permettront sans doute d’aller encore plus loin dans la lutte contre les sites miroirs, pour la protection de toutes les compétitions sportives, y compris les plus courtes, ou dans la lutte contre le téléchargement illégal.

Concernant la régulation du secteur de l’audiovisuel et du numérique, je me réjouis de la création d’une nouvelle autorité, résultat de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), que j’avais recommandée. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) constituera un outil puissant au service du respect de la loi et des droits, le projet de loi renforçant en outre la coopération avec les autres instances de régulation du secteur, ainsi que ses pouvoirs et ses moyens d’enquête. Elle sera notamment compétente pour la régulation des plateformes en ligne et son rôle est accru en matière d’accessibilité des services audiovisuels et numériques aux personnes en situation de handicap.

Cependant, je m’interroge sur la formulation de l’article 41 qui dispose que l’ARCOM veille à ce que les services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande ne puissent pas être interrompus ou modifiés sans l’accord explicite de leurs éditeurs. Certains considèrent qu’il s’agit d’une « sur-transposition » de l’article 7 ter de la directive du 14 novembre 2018 révisant la directive relative à la fourniture de services de médias audiovisuels, dite directive SMA révisée. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, le secteur public de l’audiovisuel est particulièrement concerné et impliqué dans la révolution numérique en cours. Sa réorganisation autour d’une société mère, France Médias, doit permettre de lui donner les moyens de faire face à une concurrence mondialisée. Ses missions sont réorganisées et clarifiées. Je regrette néanmoins que le divertissement soit présenté comme un domaine, et non comme une mission. Nous devons inscrire dans la loi la responsabilité particulière de l’audiovisuel public à l’égard de la jeunesse. La suppression de France 4, annoncée par le Gouvernement, laisse beaucoup de parlementaires perplexes : elle doit être compensée par la réintroduction de programmes jeunesse de qualité aux carrefours d’audience des enfants sur toutes les autres chaînes linéaires de France Télévisions.

En outre, pour ne pas contrarier les trajectoires des contrats d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, qui arrivent à échéance en 2022 et nous engagent, je souhaiterais que France Médias ne commence à répartir les ressources publiques entre ses filiales – dites sociétés filles – qu’à partir de 2023. Qu’en pensez-vous ?

Mme Sophie Mette, rapporteure. Monsieur le ministre, je vous remercie de la présentation des principaux points du projet de loi. Il doit nous permettre de faire entrer l’audiovisuel français dans le XXIe siècle. Mais il garantit aussi la permanence des acquis qui ont structuré la juste rémunération des créateurs dans notre pays depuis le XIXe siècle.

À ce titre, je ne peux que me réjouir de la transposition de la directive sur le droit d’auteur, adoptée définitivement en avril 2019. La France s’honore d’être l’un des premiers États membres de l’Union européenne à la transposer. Elle demeure fidèle à l’esprit de défense des auteurs qui l’a animé lors des négociations. Nous venons de loin, et je salue la continuité de votre action, monsieur le ministre, et de celle de vos prédécesseurs pour préserver la création.

Les auteurs et les artistes titulaires de droits voisins pourront bénéficier d’une meilleure protection de leurs contenus sur les services de partages de contenus en ligne. Les plateformes qui hébergent des contenus téléversés par les utilisateurs profitent jusqu’ici d’un système particulièrement protecteur. Demain, grâce au projet de loi, les auteurs pourront demander à ce qu’elles produisent leurs meilleurs efforts pour retirer ou bloquer l’accès à des contenus qui auront enfreint les principes de leur juste rémunération. C’est une avancée majeure. Monsieur le ministre, ce premier pas présage-t-il d’une nouvelle initiative au niveau européen pour réformer la responsabilité des hébergeurs de contenus en ligne ?

Le texte donnera également de nouveaux droits contractuels aux auteurs et aux artistes-interprètes. C’est connu – et les nombreuses auditions de représentants des auteurs n’ont fait que le confirmer –, les auteurs et les artistes-interprètes sont souvent dans une situation déséquilibrée lorsqu’ils signent les contrats d’exploitation de leurs œuvres ou de leurs interprétations, d’autant plus lorsqu’ils ne bénéficient pas de conventions collectives. De nouveaux droits leur permettront de rétablir l’équilibre. Ils pourront ainsi prétendre à une rémunération supplémentaire en cas de rémunération initiale exagérément faible, résilier leur contrat si leurs œuvres ne sont pas exploitées dans un temps raisonnable ou prétendre à plus de transparence sur les revenus tirés de l’exploitation de leurs œuvres ou de leurs interprétations. Au lendemain de la remise par Bruno Racine de son rapport sur le statut des artistes-auteurs, il s’agit d’autant de preuves de l’attachement du Gouvernement et de cette majorité à la juste rémunération des auteurs et artistes-interprètes.

Je voudrais enfin souligner les avancées du projet de loi s’agissant de la lutte contre le piratage. La création de l’ARCOM, issue de la fusion de la HADOPI et du CSA, présage d’une nouvelle force dans la lutte contre la contrefaçon des contenus cinématographiques et audiovisuels en ligne. Le renforcement des pouvoirs des agents assermentés, la création d’une liste noire publique de sites massivement contrefaisants ou encore la mise en place de conditions propices à la suppression des sites dits miroirs, sont autant de bonnes nouvelles pour les titulaires de droit : leur création a une valeur, il n’est que justice qu’elle soit protégée comme il se doit.

Le projet de loi permettra également de s’adapter aux nouvelles formes de piratage, comme la diffusion illicite de compétitions ou manifestations sportives en direct. La croissance exponentielle de la consommation de ces contenus est particulièrement inquiétante. Elle menace un écosystème plus fragile qu’on ne le croit et assèche les revenus du sport amateur en France. Un visionnage pirate d’un match de foot professionnel, ce sont des bus en moins pour amener les enfants au stade le dimanche !

Je ne peux que me féliciter de l’adaptation de la procédure judiciaire à ce nouveau phénomène inquiétant. Je crains toutefois que les compétitions les plus courtes – Rolland Garros, golf, etc. – soient difficilement protégées. Dans quelle mesure pourrait-on aller encore plus vite dans la réponse judiciaire au piratage sportif ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi est une réponse aux inquiétudes des créateurs et une adaptation de la régulation aux enjeux numériques contemporains.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Le secteur audiovisuel public est concerné au premier chef par la révolution numérique et il s’en est d’ailleurs très bien emparé. France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’INA, ARTE et TV5 Monde ont fait des efforts très importants pour s’adapter à l’évolution des usages, efforts souvent sous-estimés par le grand public.

Dans un contexte où les barrières entre télévision, radio, numérique, diffusion en linéaire ou à la demande ont de moins en moins de sens, les sociétés nationales de programme ont mené à bien des projets communs comme la chaîne de télévision franceinfo, ou les matinales France Bleu-France 3.

Cependant, l’organisation actuelle, éclatée, crée des freins organiques, juridiques et pratiques. Le projet de loi prévoit de rassembler France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA au sein d’un groupe dont la société mère sera une holding – France Médias.

Cette réorganisation doit permettre de donner les moyens à l’audiovisuel public de faire face à une concurrence mondialisée et de constituer un média global. France Médias devra assurer un rôle de pilotage stratégique, sans interférer dans la gestion opérationnelle de ses sociétés filles. France Médias doit rester une structure légère, dont le rôle sera d’encourager les synergies en matière d’immobilier, de formations et de systèmes d’information.

L’article 59 du projet de loi réécrit entièrement le titre III relatif à l’audiovisuel public de la loi du 30 septembre 1986, en réorganisant et en clarifiant les missions de service public et les obligations des sociétés afin de recentrer l’audiovisuel public sur ce qui le distingue des sociétés privées : parler de tout le monde, à tout le monde. Les missions de service public sont réorganisées autour de cinq grands objectifs : la cohésion sociale, l’information, la culture, l’action extérieure et l’éducation. Monsieur le ministre, nous souhaitons ajouter un sixième objectif – le divertissement – car le service public doit se distinguer par sa capacité à proposer un divertissement de qualité et à présenter de façon attrayante la culture, la science ou l’histoire.

Comme Aurore Bergé, je souhaiterais également que la responsabilité particulière du service public audiovisuel à l’égard de la jeunesse soit inscrite de façon plus explicite dans ce projet de loi. Je proposerai un amendement en ce sens.

La gouvernance des organismes de l’audiovisuel public est modifiée pour tenir compte de leur réorganisation. Elle sera plus professionnelle et plus indépendante. Le conseil d’administration de France Médias comportera douze membres. Ses modalités de désignation assurent un équilibre entre prérogatives de l’État actionnaire, contrôle de l’ARCOM – garante de l’indépendance de l’audiovisuel public – et pouvoir de nomination du Parlement.

Les relations financières avec l’État seront régies par une convention stratégique pluriannuelle conclue entre l’État et France Médias pour l’ensemble du groupe. La holding sera chargée de répartir les ressources publiques dont elle sera affectataire entre ses sociétés filles. La convention sera transmise avant signature aux commissions parlementaires compétentes. Celles-ci seront aussi destinataires d’un rapport d’exécution annuel avant l’examen de la loi de règlement. Enfin, elles seront informées de la répartition annuelle prévisionnelle des ressources publiques entre France Médias et ses filiales. La holding devra justifier les écarts entre les prévisions de la convention et le rapport d’exécution.

Le projet de loi réaffirme en outre le financement de l’audiovisuel public par le produit de la contribution à l’audiovisuel public. Le financement de France Médias par une taxe affectée constitue une des garanties de l’indépendance de l’audiovisuel public. Monsieur le ministre, comme vous, je suis attachée à la pérennité de ce financement.

Je serai favorable à ce que l’on autorise la publicité en soirée sur France Télévisions pendant la retransmission d’événements sportifs d’importance mondiale. Cette mission de service public est particulièrement coûteuse. Ces cas resteraient exceptionnels, mais cela permettrait de financer une partie des droits des événements afin qu’ils continuent à rester accessibles à tous sur les chaînes du service public.

Nous devons trouver un moyen juridique afin que la richesse des contenus audiovisuels des chaînes publiques soit reprise en intégralité par les box internet, puisque c’est ainsi que la majorité de nos concitoyens reçoit désormais les chaînes de télévision. Les sociétés audiovisuelles publiques offrent des contenus très riches – programmes locaux ou régionaux, versions originales (VO) ou françaises (VF), renvois vers d’autres programmes linéaires ou à la demande, podcasts, et surtout versions adaptées pour les personnes malvoyantes (audiodescription) et pour les personnes sourdes et malentendantes. Monsieur le ministre, comment faire en sorte que cette richesse de contenus parvienne à tous nos concitoyens et ne soit pas limitée par des économies de moyens technologiques ?

 

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je suis très heureux de vous présenter l’avis rendu par la commission des affaires économiques, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur. Au titre de ses compétences en matière numérique, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis des articles 16 et 17, qui créent un régime de responsabilité spécifique pour les plateformes diffusant des contenus, de l’article 22, qui entérine la fusion du CSA et de la HADOPI et donne à la nouvelle ARCOM des outils pour mieux lutter contre le piratage, et de l’article 59 portant création de France Médias.

La commission des affaires culturelles nous a délégué l’examen au fond de l’article 60, qui simplifie un certain nombre de procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, de l’article 61, qui autorise le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite directive ECN+ – pour European competition network – et de l’article 64, qui habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen, dit code européen des télécoms.

Nous avons débattu hier après-midi du projet de loi et dix-sept amendements ont été adoptés. Je me réjouis de les défendre devant vous à partir de lundi.

Quelques mots sur la philosophie générale du projet de loi. Il fixe un objectif ambitieux : adapter le cadre législatif de l’audiovisuel aux mutations qui traversent le secteur, dont les usages et le paysage ont été profondément bouleversés par l’arrivée du numérique.

La concurrence est un processus économique sain qui bénéficie aux consommateurs et stimule l’innovation. Mais cela n’est vrai qu’à la condition qu’elle s’exerce de manière loyale. Votées en un temps où internet et les ordinateurs ne faisaient pas partie de notre quotidien – « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » –, les règles issues de la loi de 1986 précitée doivent être adaptées. Le projet de loi fait beaucoup pour réduire les asymétries concurrentielles entre acteurs traditionnels et nouveaux acteurs issus du numérique. Je m’en félicite car, pour être juste, la bataille doit être menée à armes égales.

Jen viens plus précisément au champ de notre saisine. Les articles 16, 17 et 22 du projet de loi posent les jalons dune nouvelle régulation des plateformes numériques audiovisuelles. Lambition est de taille : il sagit de répondre aux problématiques de financement de la création, de protection des ayants droit mais aussi, plus globalement, à la préservation de notre souveraineté culturelle. Le nouveau régime de responsabilité des plateformes numériques diffusant gratuitement des contenus permet denvisager un partage plus équitable de la valeur au bénéfice des ayants droit, et donc du financement de la création.

La mise en œuvre de ce nouveau régime sera supervisée par l’ARCOM, issue de la fusion du CSA et de la HADOPI. La création de cette autorité donne une traduction concrète au besoin de régulation des plateformes numériques. C’est un progrès dont nous devons mesurer l’ampleur : nous faisons entrer dans le giron du régulateur audiovisuel français des plateformes numériques qui échappent encore bien trop au contrôle des États souverains.

LARCOM sera dotée de nouveaux moyens afin que la lutte contre le piratage soit plus efficace. Larticle 22 met en place des outils innovants pour lutter avec plus defficacité contre les sites miroirs et permettre leur blocage plus rapide, dans le respect du principe de linterdiction de surveillance générale posé par la directive ecommerce. Il faut bien sûr sen féliciter. Mais, en tant que législateurs, nous devons veiller à la portée opérationnelle des dispositifs que nous votons. Les techniques de blocage évoluent rapidement : les acteurs pertinents pour bloquer ou retirer un site ou un contenu aujourdhui ne seront pas forcément ceux de demain. En létat, le projet de loi nest pas satisfaisant. En bonne intelligence avec les rapporteures des affaires culturelles, nous vous proposerons un dispositif plus solide.

L’ARCOM est également dotée d’une nouvelle compétence l’habilitant à établir une liste des sites portant atteinte de manière grave et répétée aux droits d’auteur et droits voisins dans le respect du principe du contradictoire. L’objectif est double : informer les internautes et tarir l’offre illégale en jouant sur l’effet de réputation – le name and shame – et les intermédiaires.

L’établissement de cette liste devrait favoriser le développement de dispositifs permettant de frapper les sites au portefeuille, dits en anglais follow the money. C’est une méthode simple à laquelle je crois beaucoup : elle consiste à faire la transparence sur les flux financiers afin de renforcer le devoir de vigilance des annonceurs et les dissuader de financer des sites contrefaisants. La chaîne publicitaire fait intervenir un grand nombre d’intermédiaires. Elle est d’une telle complexité qu’il est souvent difficile pour un annonceur de savoir in fine sur quel site figure son annonce. Aux côtés des initiatives du secteur, le législateur doit se saisir pleinement de cet enjeu. Le secrétaire d’État au numérique s’est engagé à traiter le problème dans le cadre du présent projet de loi. Nous avons hier adopté un amendement en ce sens.

Je me réjouis des débats à venir et je remercie chaleureusement Mmes les rapporteures, qui accomplissent un travail considérable, et avec lesquelles nous avons pu échanger de façon très fructueuse.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires étrangères sest saisie de larticle 1er et dune partie de larticle 59 du projet de loi. Nous nous sommes concentrés sur les enjeux liés à laudiovisuel extérieur, et notamment sur France Médias Monde, dont le rôle stratégique pour notre action extérieure est parfois méconnu.

Cet opérateur joue un rôle majeur dans la promotion de la francophonie et du plurilinguisme, diffuse une information libre, pluraliste et indépendante, y compris face à des médias étrangers qui ne respectent pas toujours ces standards fondamentaux, et contribue à notre aide publique au développement. Il occupe une place particulière dans des zones stratégiques pour la France – Afrique, Moyen-Orient, Europe ou encore Amérique latine. Il joue également un rôle de premier plan dans la lutte contre la désinformation, parfois utilisée dans certaines régions du monde pour contrer les intérêts stratégiques de la France, comme récemment au Sahel. Son action se déploie dans un contexte d’intensification de la concurrence, qui émane d’acteurs de plus en plus nombreux. En complément de ces missions quasi régaliennes, l’audiovisuel extérieur est aussi un outil pour les autres opérateurs de l’audiovisuel public : il leur fournit des contenus, et surtout une expertise et un regard particuliers, dont l’importance ne doit pas être sous-estimée pour accompagner l’internationalisation de nos médias publics.

C’est dans cette double perspective qu’à l’initiative de sa présidente, la commission des affaires étrangères a créé dès le mois d’octobre un groupe de travail transpartisan sur l’audiovisuel français dans le monde, afin de préparer l’examen du projet de loi. Nous avons formulé plusieurs propositions, transmises au ministre de la culture et au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Les amendements adoptés par notre commission, et que nous examinerons la semaine prochaine, s’inscrivent dans la droite ligne des conclusions de ce groupe de travail. Ils concernent en priorité les missions de l’audiovisuel extérieur, et le renforcement des garanties qui en entoureront la bonne exécution au plan de la gouvernance et des moyens. Nous avons aussi souhaité renforcer l’information fournie au Parlement, notamment concernant l’allocation des ressources entre les filiales du groupe public.

Nous devons appréhender cette réforme comme une occasion de réinventer notre audiovisuel public, sans copier d’autres modèles – à commencer par celui de la BBC si souvent cité – mais en partant de notre histoire et des nombreux atouts et talents sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Il est essentiel de nous doter d’un audiovisuel public à la hauteur de nos ambitions en matière de souveraineté culturelle, et, comme je me dois de le rappeler en tant que membre de la commission des affaires étrangères, en matière de diplomatie d’influence.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour observation de la commission des affaires européennes. La Commission Juncker a fait adopter plusieurs textes importants pour transformer les conditions dexercice des médias en Europe : la directive SMA révisée, la directive droit dauteur, la directive 17 avril 2019 établissant des règles sur lexercice du droit dauteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne dorganismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, dite directive câble et satellite, la directive établissant un code européen des communications électroniques et la directive ECN+. Le présent projet de loi intègre donc en les transposant de nombreuses évolutions législatives européennes récentes pour rénover en profondeur le cadre établi par la loi relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986.

Cest pourquoi il nous a semblé intéressant de nous pencher sur les conditions de ces transpositions afin de dégager des observations qui, nous lespérons, nourriront la discussion du projet de loi et apporteront un utile éclairage européen. Certains articles transposent des articles de directives déjà partiellement transposées. Ainsi la directive droit dauteur a-t-elle fait lobjet dune proposition de loi adoptée en juillet 2019 relative aux droits voisins des agences et éditeurs de presse. Ces transpositions partielles peuvent se justifier pour compléter des droits nationaux préexistants. Elles ne sont toutefois pas toujours comprises par les autorités bruxelloises, ou par les parties prenantes, qui leur reprochent leur caractère pointilliste et le risque de remettre en cause un équilibre général arraché de haute lutte durant les négociations. Cest particulièrement le cas pour la directive droit dauteur, qui crée de nouvelles obligations pour les plateformes tout en assurant le respect des droits des utilisateurs.

Certains articles du projet de loi prévoient également la transposition partielle ou intégrale d’une directive par ordonnance, ouvrant un champ bien plus large que celui du projet de loi. C’est le cas des cent vingt-sept articles de la directive européenne opérant la refonte du code européen des communications électroniques. Si certaines dispositions techniques ou d’actualisation justifient cette voie d’adoption, d’autres dispositions auraient mérité une discussion parlementaire.

Notre rapport appelle à analyser attentivement la mise en œuvre des mesures de transposition. Certains articles du projet de loi doivent être suivis de décrets d’application qui devront également intégrer les orientations européennes. Les nouvelles obligations des plateformes en termes de respect du droit d’auteur – elles devront faire « leurs meilleurs efforts » – feront ainsi l’objet de lignes directrices de la Commission : ils devront apparaître dans les futurs textes d’application nationaux de la façon la plus harmonisée possible.

De même, il conviendra de considérer les prescriptions et sanctions imposées par la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite Avia, afin d’opérer la coordination des différents régimes.

Une approche fonctionnelle doit permettre d’appliquer des niveaux de contraintes équivalents aux différents acteurs. Ce souci de cohérence et d’harmonisation devra se retrouver dans les différentes législations nationales et dans le niveau de contrôle exercé par les autorités de régulation, que les directives transposées dans le projet de loi invitent également à renforcer.

Enfin, aucun sujet européen n’échappe aux interrogations soulevées par le Brexit. Les œuvres britanniques devraient continuer à être intégrées dans les quotas de diffusion, mais qu’en est-il du respect des directives droit d’auteur et SMA ? Les futures négociations européennes nous permettront de le savoir.

La dimension européenne du projet de loi ne saurait être réduite à la seule transposition des directives. Sur de nombreux enjeux comme la lutte contre le piratage, l’indépendance des autorités de régulation ou la transparence des médias, cette perspective européenne est sous-jacente et ne fera que s’accroître. Cela nous invite à promouvoir activement la diffusion d’une information accessible sur l’Europe. C’est le sens d’amendements que je proposerai avec différents collègues du groupe à l’article 59, afin de l’introduire dans les missions du service public.

M. Jean-Jacques Gaultier, corapporteur dapplication sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à lère numérique. Je ne reviendrai pas sur ce qui fait consensus – faire contribuer les plateformes au financement de la création, protéger les auteurs, regrouper les forces et les moyens de l’audiovisuel public, mieux lutter contre le piratage. Mais, sur ce dernier point, il conviendra d’améliorer l’article 23 en ce qui concerne les manifestations sportives.

Quelle est votre position sur l’aménagement des quotas de chansons francophones à la radio ? Certaines mesures semblent faire consensus entre les radios et la filière musicale : je pense au lissage du contrôle du plafonnement des rotations sur trois mois par les autorités de régulation. D’autres moins : elles ont probablement fait l’objet d’insuffisantes concertations, comme le relèvement du plafonnement des rotations.

L’article 11 du projet de loi est relatif aux jours interdits : qu’en est-il du décret alors que l’article lui-même n’y fait plus référence ?

Ma troisième question vise l’accessibilité des programmes jeunesse. Sur tous les bancs, nous sommes nombreux à être favorables à un moratoire concernant France 4, pour accompagner le lancement très récent de la plateforme Okoo. Déjà, en 2019, le CSA et France Télévisions n’étaient pas favorables à la suppression de France 4. Tout le monde n’a pas encore accès à l’internet à très haut débit et certains ne reçoivent la télévision que par voie hertzienne. En outre, la chaîne Gulli a été rachetée récemment par M6 pour 200 millions d’euros : les programmes jeunesse ont donc une valeur et ils sont attractifs. Je souhaiterais que vous nous rassuriez.

Enfin, France 4 propose également une offre cinématographique importante, du sport féminin, des documentaires. Quen sera-t-il demain ?

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ma première réponse portera sur l’animation et sur France 4 dont la diffusion cessera, comme celle de France Ô, le 9 août prochain : cet arrêt ne signifie évidemment pas que les contenus relatifs tant à la jeunesse qu’aux Outre-mer disparaîtront des écrans de France Télévisions. Cela étant, il est important, comme l’ont dit Aurore Bergé et Jean-Jacques Gaultier, reflétant ainsi une préoccupation commune à toute la commission, de s’assurer de leur présence dans l’offre globale de l’audiovisuel public, c’est-à-dire du futur France Médias, que ce soit sous une forme numérique ou linéaire.

Un gros travail a été mené concernant l’outre-mer avec les députés
et les sénateurs ultramarins, France Télévisions et certains professionnels du secteur pour définir un pacte pour la visibilité dont certains éléments très précis permettront d’une part de s’assurer que France Télévisions les met bien en avant, tant dans les contenus, les visages que dans les lieux de tournage, et d’autre part de suivre la bonne application de ces engagements.

Je pense qu’un dispositif similaire serait utile pour l’animation et la jeunesse. J’ai donc demandé à France Télévisions de me proposer un pacte qui permette, d’ici à la fin du mois d’avril, et en lien avec un certain nombre de parlementaires et de professionnels du secteur, de fixer noir sur blanc son volontarisme en la matière. Celui-ci devra se traduire tant dans l’offre numérique, avec les plateformes Okoo et Lumni, que linéaire. Un groupe de suivi permettrait là aussi de s’assurer de l’engagement de France Télévisions, dont le cahier des charges a par ailleurs été modifié afin d’intégrer cette nouveauté.

Mme Aurore Bergé m’a interrogé à propos des mandats de commercialisation que sans les mentionner le projet de loi intègre bien dans les critères retenus pour le calcul de la part indépendante. Je suis ouvert à toute précision qui s’avérerait nécessaire.

Je souhaite par ailleurs le déploiement de la radio numérique terrestre (RNT) en DAB+ (Digital Audio Broadcasting), que nous avons, en lien avec le CSA, décidé d’accélérer, en veillant à ce que Radio France puisse préempter un certain nombre de canaux de diffusion. Il s’agit d’inscrire l’audiovisuel public dans cette nouvelle technologie, au service du plus grand nombre. Le projet de loi se conforme en l’espèce au nouveau code européen des télécommunications électroniques qui prévoit l’entrée en vigueur de l’obligation de compatibilité des autoradios au 21 décembre 2020, alors qu’elle est actuellement fixée au 20 juin 2020. Cette disposition est sans incidence sur l’obligation de compatibilité au DAB+ applicable aux autoradios. Mais nous pourrions, le cas échéant, revoir cette échéance pour apaiser les inquiétudes et éviter tout malentendu. Au même titre que nous sommes allés très loin dans le texte en matière de compatibilité d’un certain nombre de postes de télévision à la technologie Ultra HD, nous sommes prêts à le faire de même pour la RNT.

J’en viens à l’ARCOM et à l’éventuelle sur-transposition relative à l’intégrité du signal : l’alinéa 2 de l’article 41 du projet de loi se borne à transposer la directive SMA puisqu’il prévoit que « […] Les services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande ne peuvent pas être interrompus ou modifiés sans l’accord explicite de leurs éditeurs. »

Pour avoir échangé avec un certain nombre de professionnels et avec vous, je sais que le terme « interrompus » – qui ne figure pas, il est vrai, dans la directive : il est repris d’un considérant de celle-ci – a fait naître des malentendus. Certains y ont vu un lien, que je ne fais pas, avec le litige portant sur le paiement du signal des chaînes. Si le besoin s’en fait sentir, je suis là aussi ouvert à la clarification de la rédaction.

Sur l’autorisation de diffuser des œuvres cinématographiques tous les jours sur les chaînes de télévision gratuite, j’ai indiqué en septembre dernier qu’il fallait trouver l’équilibre le plus juste entre acteurs de l’audiovisuel et de l’internet pour faciliter l’accès de nos compatriotes à un contenu audiovisuel diversifié et de qualité. La suppression des jours interdits de diffusion constitue un bon exemple de cette volonté. Nous assouplissons les règles afin que les chaînes de télévision puissent proposer des films de cinéma tous les soirs. L’encadrement ne serait plus conservé que le samedi soir, la diffusion étant alors restreinte à des films coproduits ou à des films d’auteur, c’est-à-dire d’art et essai.

Les chaînes de cinéma ne seraient bien évidemment soumises à aucune restriction d’horaires. Quant au plafond de diffusion des films, il serait totalement supprimé pour ces dernières et relevé de cinquante-deux pour les chaînes gratuites.

Techniquement, le décret dont le projet a été transmis au CSA le 18 février et qui pourrait être publié au mois d’avril 2020 constitue la première étape d’un assouplissement mené en deux temps : d’abord, donc, par voie réglementaire, puis par voie législative au travers de l’abrogation, dans le projet de loi, des articles de la loi de 1986 qui interdisait la diffusion de films certains jours de la semaine et qui renvoyait à un décret le soin de fixer ces interdictions.

Ledit projet de décret modifie bien le décret diffusion et prévoit que le CSA évaluera les modifications envisagées au plus tard dix-huit mois après son entrée en vigueur. Au vu du bilan, soit nous supprimerons totalement tous les critères, soit nous en maintiendrons un certain nombre.

La transposition de la directive SMA permettra par ailleurs un assouplissement du placement de produits, alors qu’il revient aujourd’hui au CSA de déterminer les programmes dans lesquels il est possible d’y recourir et qu’il ne l’a autorisé que dans les œuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les clips vidéo. J’ai entendu la proposition d’un élargissement au documentaire : parlons-en en commission puis dans l’hémicycle.

La chronologie des médias, grâce à laquelle les films bénéficient de plusieurs fenêtres exclusives successives d’exploitation, est un élément structurant du financement du cinéma. C’est une des forces du système français qui a permis à notre pays de garder une industrie cinématographique dynamique et diverse. Cette chronologie est le fruit d’accords professionnels. Dès lors que l’on demande à un certain nombre d’acteurs de se montrer vertueux comme les autres, il est important de réfléchir à son évolution pour prendre compte la nouvelle réalité.

C’est la raison pour laquelle j’ai, depuis plusieurs mois, incité les acteurs à se mettre autour de la table pour y travailler, notamment sur la base du projet de loi, afin que, sur cette question comme sur d’autres, des accords professionnels puissent être trouvés.

Comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, l’esprit du texte est de fixer, par la loi et le règlement, le cadre d’un secteur à l’évolution rapide en se montrant exigeant et ambitieux en matière de financement et de diversité de la création.  Il appartient ensuite aux acteurs d’adapter plus régulièrement, plus facilement et plus rapidement les différentes dispositions régissant leurs rapports, au travers soit des conventions de l’ARCOM, soit d’accords professionnels. Mais s’ils ne prenaient pas leurs responsabilités, il reviendrait alors aux pouvoirs publics de prendre les leurs.

J’ai souhaité qu’un médiateur accompagne ces négociations et fasse remonter un maximum d’informations afin de déterminer s’il s’avère d’ores et déjà nécessaire, dans le processus législatif, d’amender le projet de loi pour favoriser la conclusion des accords ou s’il est préférable d’attendre. Cela vaut pour la chronologie des médias mais également pour l’ensemble des règles que nous allons fixer par la loi ou par le règlement.

Sur la production déléguée, le projet de loi définit et circonscrit en effet très précisément la production indépendante et interdit aux diffuseurs d’être producteurs délégués. Pour la part dépendante, le sujet est sensible, car une telle évolution remettrait grandement en cause leur modèle. Je suis prêt à en discuter, notamment à l’issue des discussions interprofessionnelles et du retour d’expérience de l’ambassadeur Sellal, et dans le cadre de l’examen du projet de loi. Il faut malgré tout trouver un équilibre entre le respect du droit d’auteur et les règles de financement de la création, et une certaine souplesse permettant de prendre en compte la spécificité de chaque acteur.

La rémunération proportionnelle, qui constitue l’un des éléments de la transposition de la directive sur le droit d’auteur et qui suscite des interrogations, notamment de la part des producteurs et des artistes-interprètes, représente une avancée importante. Nous sommes d’ailleurs attendus sur ce point en Europe – j’y reviendrai tout à l’heure à propos de la question de l’harmonisation européenne très justement soulevée par Christine Hennion. La façon dont nous la transposerons pourrait en effet donner le la de l’évolution de l’Europe en la matière.

Des pratiques de rémunérations proportionnelles existent aujourd’hui dans certains cas, notamment pour les artistes-interprètes dits principaux, mais aussi de rémunérations fixes, souvent qualifiées de salaires. Il est proposé de transposer fidèlement le principe de rémunérations proportionnelles tout en ménageant la souplesse nécessaire à la prise en compte des pratiques en vigueur et l’équilibre trouvé au travers des conventions collectives – j’y suis évidemment très attaché.

Le projet de loi dresse la liste des hypothèses permettant de recourir au forfait compte tenu de la nature ou de l’importance de la contribution de l’artiste-interprète. Pour autant, une place importante est laissée à la négociation collective, le cadre proposé étant suffisamment flexible pour tenir compte de ces situations. Pour tenir compte de manière encore plus fine des pratiques sectorielles, en particulier dans l’audiovisuel et dans le cinéma, il serait envisageable de retenir l’assiette figurant dans la directive, qui fait référence à la valeur économique des droits. Là encore, je suis ouvert à la discussion.

S’agissant du piratage des contenus sportifs, abordés notamment par Éric Bothorel, je suis prêt à étudier toute solution permettant la plus grande efficacité possible, dans la limite évidemment de ce que permet la Constitution. Le Gouvernement nourrit une très forte ambition en matière de lutte contre les pratiques illicites sur internet, et notamment contre le piratage. Des outils sont ainsi mis à disposition de la justice ou du régulateur, c’est-à-dire de l’ARCOM, pour lutter contre les sites contrefaisants, ceux qui font de l’argent sur le dos soit des créateurs, soit des sportifs, soit des fédérations.

S’agissant de la publicité lors de retransmissions sportives à la télévision, je ne suis pas favorable à la remise en cause des règles issues des discussions qui ont eu lieu il y a dix ans à propos du financement de l’audiovisuel public, prévoyant l’interdiction de spots publicitaires après vingt heures sur les chaînes de France Télévisions. L’absence de publicité en soirée différencie bien en effet le secteur audiovisuel public de son homologue privé. En outre, il existe des moyens de financer les événements sportifs, grâce notamment au parrainage.

Sophie Mette et Christine Hennion ont évoqué les plateformes structurantes. Le Gouvernement a lintention de continuer à travailler à leur régulation, notamment au travers de ce projet de loi qui octroie de nouveaux pouvoirs à lARCOM, régulateur unique des communications non seulement audiovisuelles mais numériques, et en lien avec nos partenaires européens comme avec la Commission.

J’ai eu l’occasion de rencontrer Margrethe Vestager à ce sujet, que j’évoquerai également prochainement avec Thierry Breton et que nous aurons l’occasion de traiter au cours de nos différents échanges.

Si l’harmonisation des moyens donnés au régulateur ou à la justice, notamment en matière de propos haineux, au travers de la proposition de loi de Laetitia Avia, et de lutte contre la manipulation de l’information, avec le texte que vous avez d’ores et déjà voté, constitue l’un des objectifs de ce projet de loi, il faudra aller beaucoup plus loin à l’avenir. Nous allons montrer le chemin en transposant plusieurs directives. Et nous allons poursuivre les discussions avec les autres États membres, le Parlement européen, les commissaires européens.

L’Assemblée nationale, et tout particulièrement cette commission, a vocation à nourrir le débat sur cet enjeu majeur à la fois en termes de lutte contre les propos haineux et la désinformation, de protection des publics des contenus pornographiques, au-delà même de ce projet de loi.

M. Bothorel a également évoqué la notion de follow the money, qui consiste en définitive à s’attaquer au portefeuille de celles et ceux qui profitent de la création sans la rémunérer, ce qui nécessite notamment de mobiliser les acteurs de la publicité et du paiement en ligne. Grâce aux nouveaux pouvoirs de l’ARCOM, une nouvelle impulsion doit être donnée à cette démarche engagée depuis plusieurs années sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Pour responsabiliser les annonceurs, il faut cependant s’assurer qu’ils sont bien informés de la liste précise des sites sur lesquels leurs messages publicitaires apparaissent : d’où la liste noire, et d’où la nécessité de renforcer la transparence de la chaîne publicitaire et donc de moderniser notamment le décret Sapin. Je suis prêt à y travailler avec mes collègues Bruno Le Maire et Cédric O, ainsi, bien évidemment, qu’avec vous.

J’en viens aux missions de service public : précisons les choses au cours des débats tant en commission que dans l’hémicycle. Allons plus loin s’il le faut s’agissant de leur dimension européenne ou scientifique, ou de la jeunesse. Profitons de ce débat législatif pour les réaffirmer avec force. Je regarderai avec bienveillance toutes les dispositions allant dans ce sens.

Cher Jean-François Portarrieu, ce débat nous donne l’occasion de préciser l’importance de la dimension extérieure de l’audiovisuel public. La création d’un groupe public va permettre des synergies en mettant la force de France Télévisions, de Radio France et de l’INA au service de France Médias Monde, cette dernière plaçant ses contenus et son expertise internationale à leur profit. Il s’agit non pas de copier tel ou tel modèle étranger mais d’inventer un modèle audiovisuel public français qui soit fort. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements.

Aurore Bergé m’a par ailleurs interrogé sur la répartition de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Si la création d’un groupe public relève effectivement d’une ambition forte, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation : le projet de loi a donc prévu un temps de mise en œuvre. En outre, il ne comporte pas de dispositions qui auraient pour effet de relever automatiquement de leurs fonctions les patrons et patronnes des entreprises que rassemblera France Médias. Le groupe public, à travers sa holding, décidera comment répartir la CAP.

La rédaction actuelle prévoit que cette étape interviendra à partir de 2022. Mais, madame la rapporteure, je suis à tout à fait ouvert à ce que, si cela s’avère nécessaire, cette échéance soit repoussée d’un an en vue d’harmoniser durée des mandats des patronnes et patrons de l’audiovisuel public, plan de financement pluriannuel 2019-2022 et création, à partir de 2021, de la holding, avec une accélération à partir du 1er janvier 2023.

J’en viens aux œuvres européennes et françaises. C’est un point important pour les diffuseurs, pour les producteurs et pour les auteurs. Dans notre esprit, il ne revient ni à la loi ni au décret de fixer la répartition entre œuvres européennes et œuvres françaises. Cette question fera l’objet des conventions avec l’ARCOM et des accords professionnels, conformément à la logique de cette réforme. Je ne suis cependant pas opposé à ce que nous en discutions si nécessaire.

Sur les quotas radiophoniques de chanson française, ne nous mentons pas : ils sont au cœur de la réussite de la scène française, qui est extrêmement dynamique. Un tel résultat doit être porté au crédit du volontarisme du Parlement et des gouvernements successifs. Nous devons en être fiers. Il ne faut pas que, par souci de simplification, cet outil fondamental au service de la création musicale française soit remis en question.

Je connais le travail exceptionnel accompli tant par Florence Provendier que par Michèle Victory sur la modernisation de ces quotas. Regardons donc ce qu’il est possible de faire dans le cadre du projet de loi, en lien avec le régulateur qui dispose de leviers pour les faire éventuellement évoluer en concertation avec les acteurs du monde de la musique et des radios. Plus le consensus sera grand, plus nous réussirons à inscrire ces quotas dans le temps long, et plus leurs effets bénéfiques perdureront. Je me tiens néanmoins à votre disposition pour avancer sur ce point.

Enfin, Béatrice Piron a évoqué l’accès le plus large possible aux différents contenus de service public, qui fait l’objet de la transposition de l’article 7 bis de la directive SMA.

La loi du 30 septembre 1986 comporte plusieurs dispositions qui contribuent déjà à assurer une visibilité appropriée aux contenus qualifiés d’intérêt général – le must-carry du service public, ou l’obligation de reprise de la numérotation logique de la TNT.

Il est vrai cependant, les médias et leurs modes de consommation ayant évolué, qu’il est important d’adapter ces dispositifs. Sont ainsi apparus des intermédiaires entre les éditeurs de services et leurs publics, et de nouveaux gardiens d’accès, comme les fabricants de terminaux, les magasins d’application et les assistants vocaux, qui compliquent, voire restreignent, l’accès aux contenus d’intérêt général. Ces contenus pâtissent en outre d’un risque de dilution au sein d’une offre toujours plus pléthorique.

Cet article 7 bis offre, certes, une perspective intéressante, mais il pose de nombreuses questions : les catégories de services ou de contenus mises en avant, les modalités de mise en avant, les catégories soumises à des obligations, la nature de ces obligations… Nous travaillons à la définition des modalités de la transposition, en lien avec les diffuseurs de service public ; une réunion a encore eu lieu lundi dernier. Je vous propose, madame Piron, de vous associer à cette réflexion afin que vos remarques, tout à fait justifiées, puissent être prises en compte sous la forme de propositions rédigées avant la séance.

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

Mme Florence Provendier. Soutenir la richesse et la diversité de l’exception culturelle française, protéger tous les publics au milieu du raz-de-marée déclenché par internet, réaffirmer le rôle de notre audiovisuel public en lui donnant les moyens de s’adapter aux nouveaux médias, tout en préservant la confiance que nous lui accordons, c’est ce qu’ambitionne le projet de loi que nous allons examiner. Il s’agit, d’une part, d’assurer notre souveraineté culturelle dans un monde connecté où le temps s’accélère et, d’autre part, de garantir sur tous nos territoires, qu’ils soient ultramarins, urbains ou ruraux, l’accès à des contenus de qualité, tout en veillant aux excès négatifs du numérique.

Ce texte répond à une profonde transformation des usages qui s’ajoutent les uns aux autres, conséquence d’une série d’innovations technologiques qui a rebattu les cartes dans le monde de l’audiovisuel. L’arrivée d’internet dans le paysage culturel va bien au-delà d’un affrontement sans précédent entre médias : elle marque une révolution qui bouleverse toute la chaîne de valeur des industries culturelles héritées du XXe siècle, de l’auteur à l’exploitant de salles de cinéma en passant par le producteur, le réalisateur et le diffuseur.

En quelques années, notre accès à l’information, aux œuvres, aux contenus sportifs, à la radio comme à la musique, s’est significativement modifié. D’un usage linéaire et encadré, nous avons basculé dans une consommation débridée qui souvent frise l’addiction. Dans ces conditions, comment affirmer la supériorité du droit patrimonial sur la liberté individuelle en ligne, dont la facilité est souvent le moteur ? Comment faire face aux logiques strictement marchandes grâce à une approche fondée sur la défense de la création et du pluralisme, et une conception ambitieuse du droit d’auteur ?

L’Union européenne, par l’adoption de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) et de la directive sur le droit d’auteur, nous enjoint de répondre à la nécessité de soutenir et dynamiser le développement de la création grâce à une adaptation de la réglementation au numérique. Cela passe également par une réforme du régime de contribution au financement de la création et à son extension aux services non établis en France ciblant le territoire français, et par une protection du droit d’auteur dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle. Les acteurs traditionnels de l’audiovisuel bénéficieront en outre d’un assouplissement des règles de publicité et d’une modernisation des technologies de diffusion, afin qu’ils puissent adapter au mieux leurs modèles économiques et leurs offres face aux plateformes numériques.

Si l’audio ne figure pas encore à part entière dans ce texte, je ne doute pas que les recommandations de la mission flash que j’ai réalisée avec ma collègue Michèle Victory permettront de renforcer la place de la radio, média préféré des Français, tout en intégrant dans nos réflexions la place des plateformes de streaming musical et de podcast.

Pour assurer une régulation à la hauteur de ces nouveaux enjeux, le CSA et la HADOPI fusionneront pour donner le jour à lAutorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Les missions de lARCOM seront déterminantes dans la protection des publics, le suivi des obligations des acteurs de laudiovisuel et la lutte contre le piratage des œuvres. Sur ce dernier point, nous veillerons à renforcer les différents dispositifs, de la réponse graduée au blocage des sites pirates, afin dendiguer un phénomène qui est lorigine dun énorme manque à gagner pour laudiovisuel – plus dun milliard deuros en 2018 – et spolie le secteur sportif. La nouvelle autorité administrative indépendante devra être suffisamment agile pour adapter sa régulation aux technologies qui verront le jour dans une France couverte par la 5G et dans laquelle les objets connectés seront généralisés.

Enfin, si nous voulons que notre volonté de proposer une offre alternative indépendante et innovante, mais aussi adaptée aux nouveaux médias, soit dotée de moyens suffisants, il nous faut un service public fort : ce sera le rôle de la nouvelle grande maison de laudiovisuel public, France Médias, qui réunira en son sein France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et lINA. Lenjeu est de taille pour notre cohésion sociale ; nous veillerons par nos amendements à ce que le service public continue à exercer son rôle auprès des citoyens, notamment des enfants.

Monsieur le ministre, à l’heure du dérèglement médiatique, comment nous assurer que l’ambition de ce texte en faveur de notre souveraineté culturelle sera suffisante pour la protection de notre démocratie ?

Mme Virginie Duby-Muller. Nous nous réjouissons d’entamer l’examen de ce projet de loi en dépit d’un calendrier législatif qui reste contraint et qui, pour cause de réforme des retraites, ne lui donne pas vraiment toute la visibilité qu’il mérite. C’est dommage, car il s’agit d’un texte profondément structurant pour le cadre légal du paysage audiovisuel français, propre à réaffirmer notre souveraineté culturelle.

Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd’hui un texte dense, parfois extrêmement technique, sur lequel j’espère que nous pourrons travailler dans un climat serein. Il y va du respect de nos objectifs communs pour cette réforme : renforcer le dynamisme économique du secteur en favorisant l’émergence de champions nationaux, mais aussi adapter la régulation de la filière. Ce texte était attendu depuis plusieurs années, car le paysage audiovisuel français s’est profondément transformé depuis plus de trente ans. La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication n’est plus adaptée aux enjeux de la télévision de demain. L’offre hertzienne traditionnelle a explosé : avec la TNT, 97 % de la population a désormais accès à vingt-sept chaînes gratuites. Pour ce qui est de la radio, les auditeurs ont accès à 850 stations. En parallèle, de nouveaux usages sont apparus, privilégiant notamment les vidéos consommées sur smartphone ou tablette, au détriment des émissions diffusées sur les chaînes traditionnelles.

Ces fortes mutations impliquent des mesures tout aussi fortes. De ce point de vue, le projet de loi va dans le bon sens en créant un nouveau dispositif de financement de la production française, qui s’imposera aux acteurs étrangers pour soutenir la création. Il permettra de diffuser davantage de films à la télévision, d’assouplir les règles publicitaires, de fusionner le CSA et la HADOPI au sein de d’une agence unique, l’ARCOM, et enfin de mettre en place une nouvelle forme de gouvernance pour l’audiovisuel public, avec la création d’une holding.

Le groupe Les Républicains soutient cette ambition globale. Nous saluons dores et déjà certaines mesures qui vont dans le bon sens, et nous proposerons évidemment quelques amendements pour améliorer ce texte, notamment sur les questions de piratage des retransmissions sportives, ou pour clarifier les missions de lARCOM. Nous serons également au rendez-vous pour souligner certains manquements ou insuffisances, par exemple sur les questions de financement. Ne perdons pas de vue que le modèle dune « BBC à la française », dont la création est invoquée à lenvi, a cependant un coût : daprès le rapport du sénateur Karoutchi sur les crédits « Médias, livre et industries culturelles » du PLF pour 2020, la redevance audiovisuelle atteint 166 millions deuros au Royaume-Uni, où elle prend la forme dun impôt universel sans condition de possession dun téléviseur. Quel sera en France lavenir de la redevance, et avec quelle incidence sur le budget des Français ?

Il convient de donner à la nouvelle société France Médias toute l’ambition qu’elle mérite, notamment pour développer son influence internationale à l’heure où les grandes puissances comme les États-Unis, la Russie ou la Chine, mais aussi nos voisins allemands, développent leur soft power, c’est-à-dire leur capacité d’influence. Ces pays déploient des moyens très importants : ainsi, le BBC World Service, soutenu par le ministère des affaires étrangères britannique, bénéficie d’une dotation annuelle de 282 millions d’euros et revendique 319 millions de contacts hebdomadaires. De notre côté, aurons-nous les moyens de nos ambitions ?

Envisagez-vous dintroduire, par lintermédiaire de ce texte, une modification de la rémunération du streaming musical en ayant recours au user-centric, alors que ce dispositif est loin de faire lunanimité dans le secteur et quil na, pour linstant, donné lieu à aucune étude dimpact ? Pour ce qui est de la lutte contre le piratage – sujet auquel Les Républicains portent une attention particulière –, la question des sanctions à appliquer aux sites contrevenants est évidemment importante, mais quen est-il des usagers et de la réponse graduée pouvant leur être adressée en cas de piratage, étant précisé que cette question est indissociable de celle de la chronologie des médias ?

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, quelques interrogations subsistent, et j’espère que les discussions à venir nous permettront d’y répondre.

M. Bruno Fuchs. Ce texte est le résultat d’un constat, mais aussi d’une très grande ambition. Le monde de l’audiovisuel, déjà bouleversé par les progrès technologiques, va l’être encore plus dans les années qui viennent. Netflix, Amazon, YouTube, ces acteurs étaient encore inconnus dans le domaine de l’audiovisuel il y a dix ans, et même il y a cinq ans. Les équilibres industriels et culturels ont été bouleversés par l’émergence de géants aujourd’hui américains, mais demain japonais ou chinois, et remis en cause par de nouvelles pratiques – streaming, vidéo à la demande, usage accru des smartphones.

Monsieur le ministre, il était temps de mettre à la loi à niveau, et je vous remercie de le faire aujourd’hui, mais aussi de poser les mêmes règles de concurrence pour tous. Face aux mutations en cours, plusieurs enjeux se présentent à nous.

Comment définir les moyens de soutenir les acteurs français et la dynamique actuelle dans notre pays, non seulement pour faire face à la concurrence des géants américains, mais aussi pour créer nos propres champions industriels, et favoriser les ambitions et le rayonnement de nos acteurs français et francophones ?

Comment imposer un cadre réglementaire à tous, notamment à des nouveaux champions étrangers qui ont toutes les armes de contournement juridique à leur disposition ?

Comment faire rentrer les acteurs émergents dans une logique de solidarité avec tous les créateurs et toute l’industrie culturelle, conformément à l’esprit de nos lois européennes ?

Enfin, comment organiser structurellement une régulation qui soit suffisamment souple pour s’adapter aux progrès du numérique, donc aux usages des consommateurs, mais suffisamment robuste pour contrôler et sanctionner les pratiques des géants du numérique ?

Ce texte de loi apporte des avancées indispensables mais aussi extrêmement prometteuses, par exemple la modernisation et la simplification du régime de contribution à la production des œuvres par les éditeurs de services. La transposition de la directive sur le droit d’auteur est une étape importante, que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés avait anticipée en déposant une proposition de loi sur les droits voisins. Les outils proposés sont indispensables pour l’avenir des auteurs et des éditeurs dans notre pays, la France a été pionnière en ce domaine ; il faut préserver ce modèle.

Parmi les autres avancées, on peut citer la création de la holding France Médias – un progrès essentiel – ainsi que la fusion du CSA et de la HADOPI. La dimension sociétale et sociale de l’audiovisuel n’est pas non plus ignorée, et la protection des publics est plus que jamais d’actualité. Enfin, nous sommes heureux de constater les avancées apportées par le texte en matière de lutte contre le piratage.

Monsieur le ministre, vous nous avez appelés à être ambitieux, mais également contributifs. C’est avec un grand plaisir que les députés de notre groupe se sont efforcés de répondre à votre attente ; nous souhaitons maintenant aller plus loin dans la réorganisation et la régulation en réfléchissant à un meilleur travail en commun entre la future ARCOM et l’ARCEP, à une collaboration plus étroite entre l’ARCOM et la CNIL, ou encore entre l’ARCEP et la CNIL. Dans un monde où les différences entre contenus régulés et contenus non régulés, entre services linéaires et services non linéaires, entre audiovisuel et télécommunications, entre éditeurs, distributeurs et hébergeurs s’effacent, pourquoi maintenir plusieurs régulateurs dont l’existence ne se justifie plus par ces différences ? Nous proposons pour notre part d’aller plus loin dans l’intégration – entre l’ARCOM et l’ARCEP, par exemple.

Nous serons également très vigilants à ne pas déséquilibrer notre industrie culturelle par des normes superfétatoires ou démesurément protectrices. Nous proposerons également des mesures pour rendre notre audiovisuel extérieur plus fort et plus visible dans l’espace national. L’audiovisuel extérieur doit être mieux considéré et mieux financé pour constituer la clé de voûte de notre souveraineté culturelle. Nous avons également besoin de montrer ici, dans notre espace franco‑français, l’importance et la puissance du rayonnement de la France à l’international. À cet égard, je voulais rendre hommage au travail de la commission des affaires étrangères, que vient d’évoquer notre collègue Portarrieu, et saluer mon collègue Frédéric Petit.

Enfin, pour que le cadre légal et les régulateurs ne soient jamais pris de vitesse par la rapidité des progrès du numérique et le bouleversement des pratiques, nous proposerons, à l’instar de ce qui a été voté dans le cadre de la loi bioéthique, une clause de révision du titre II, qui obligera le Parlement à réexaminer ultérieurement l’encadrement mis en place aujourd’hui et qui, tôt ou tard, deviendra probablement obsolète.

Mme Sylvie Tolmont. C’est peu de dire que ce projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l’ère du numérique, après plusieurs années de tergiversations, était attendu, tant le paysage des médias se trouve confronté à un bouleversement profond des usages, des acteurs et des technologies. Cela étant, nous devons dire notre déception de constater que le Parlement sera à nouveau enjambé, dans la mesure où plusieurs mesures d’importance faisant l’objet de décrets auront été décidées avant même que ne commence notre débat.

L’adaptation de notre modèle audiovisuel au nouvel environnement concurrentiel mondial et aux nouveaux usages est un objectif que nous partageons sur les principes, mais pas sur les moyens. Si le groupe Socialistes et apparentés se satisfait des mesures annoncées pour faire contribuer les plateformes à la création française, encore faut-il s’assurer que le dispositif garantisse une contribution substantielle, basée sur un mécanisme transparent, et qu’il résolve les asymétries de régulation. Pour l’instant, le flou persiste sur ce point, et le taux de la contribution sera décidé sans l’intervention du Parlement.

De même, l’association des auteurs aux accords entre producteurs et diffuseurs est une avancée pour laquelle notre groupe politique s’est toujours battu. Cependant, nous déplorons une fois de plus que les décrets soient pris avant le vote de la loi. Enfin, pour ce qui est de la lutte contre le piratage, la fusion de la HADOPI et du CSA va dans le bon sens. Je rappelle que les députés socialistes ont, pour leur part, toujours été opposés à la sanction des particuliers : la lutte contre le piratage doit principalement viser ceux qui en font commerce.

Cela dit, ce ne sont pas tant les mesures et les principes qui sont dans votre texte qui nous posent problème que ceux qui en sont absents. Le véritable point noir tient à votre conception de l’audiovisuel public : nous ne nous retrouvons absolument pas dans la dérégulation des acteurs traditionnels que vous organisez pour y introduire les plateformes et renoncer ainsi à toute ambition culturelle. Depuis plusieurs années, la logique comptable du « faire plus avec moins » est devenue la règle de gestion, ce qui procède d’une idée du service public qui n’est pas la nôtre.

Face à l’ambition que vous souhaitez développer, la question du financement de l’audiovisuel n’est pas pérennisée et continue à être soumise aux aléas et aux baisses successives des projets de loi de finances. La question de l’avenir de la redevance, adossée à une taxe d’habitation en voie de disparition, n’est pas non plus évoquée dans votre projet de loi, alors qu’il s’agit d’un enjeu essentiel. De même, si nous ne sommes pas fondamentalement opposés à la réunion des différentes sociétés au sein de France Médias, nous refusons que la création de la holding soit le prétexte à une baisse des budgets au détriment d’un service de qualité et de proximité à vocation éducative. De plus, nous craignons les menaces qui pèseront sur son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique au regard du mode de gouvernance prévu.

Nous déplorons également que la radio soit la grande oubliée de votre texte, en particulier Radio France, mise en difficulté par la baisse continuelle de ses moyens financiers et la réduction de ses effectifs depuis plusieurs années. Nous sommes aussi préoccupés par la conséquence de la publicité segmentée sur la protection des données individuelles, qui ne se trouve plus garantie – vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, lors de votre passage sur France Inter le 13 février dernier. Ces libertés individuelles sont un principe, elles ne sauraient être bradées.

Ce projet de loi aurait pu être l’occasion de défendre un service public fort, indépendant et de qualité, destiné à remplir pleinement ses missions d’intérêt général ; cela risque de rester une occasion manquée. C’est pourquoi nous serons très attentifs, lors de nos débats, aux réponses que vous et votre majorité apporterez à nos propositions.

M. Pierre-Yves Bournazel. Après avoir conduit en 2018, avec Aurore Bergé, la mission dinformation sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à lère numérique, je me réjouis daborder les débats sur la réforme présentée par le Gouvernement. Ce projet très attendu porte lambition dadapter les règles applicables au secteur de laudiovisuel aux défis de notre temps. Il y a en effet une urgence culturelle, mais aussi une urgence économique, à agir. Ce texte créera les conditions dune compétition internationale dans laquelle les règles du jeu entre les concurrents seront moins déséquilibrées. Je suis convaincu de nos atouts, de nos talents, de la créativité française et de son ouverture au monde. Afin de préserver notre modèle dexception culturelle, il est essentiel de permettre un partage juste et équitable de la valeur créée ; nous y sommes particulièrement attachés.

De ce point de vue, ce texte est d’une réelle richesse : en transposant les directives SMA et droits d’auteur, les mesures qu’il prévoit vont permettre un meilleur partage de la valeur produite, et assurer une plus grande protection des auteurs et des artistes interprètes. Ces mesures témoignent de notre besoin d’Europe dans cette compétition mondialisée. La France possède à cet égard un temps d’avance ; c’est donc une responsabilité d’autant plus importante que nous avons avec ce texte car, partout dans le monde, notre modèle est observé et envié.

Concrètement, le texte consacre un régime de responsabilité spécifique, opposable aux fournisseurs de partage de contenus en ligne, soumettant à autorisation l’acte d’exploitation. Parmi les autres principes qu’il introduit, on peut citer celui d’une rémunération proportionnelle au profit des artistes interprètes, celui du réajustement de la rémunération prévue au contrat, un droit de résiliation ou encore une obligation de reddition des comptes annuels. Nous soutenons ces principes qui participent d’une meilleure protection des auteurs et des artistes interprètes, et nous proposerons une série d’amendements relatifs au partage de la valeur, afin d’enrichir le texte en ce sens.

Protéger les œuvres et leurs ayants droit, c’est aussi lutter contre le piratage, un domaine où les usages sont divers et évoluent extrêmement vite. Qui peut dire quelle forme prendra le piratage dans deux, cinq, dix ou quinze ans ? À cet égard, la retransmission des manifestations sportives constitue un exemple typique. Sur les quatre premiers mois de l’année 2018, on a recensé 11 millions d’utilisateurs de sites de visionnage en streaming. La valeur engendrée par la retransmission a une durée de vie particulièrement courte, car elle prend fin en même temps que la retransmission sportive.

Une juste et équitable répartition des richesses passe également par une lutte forte et intransigeante contre le piratage. Pour réguler le secteur de l’audiovisuel, il est prévu de créer l’ARCOM, fruit de la fusion entre la HADOPI et le CSA. Nous soutenons la création de cette instance nouvelle, et nous exprimons d’ailleurs régulièrement en faveur de la rationalisation des autorités publiques et d’un renforcement des prérogatives du CSA. Par ailleurs, notre groupe proposera des amendements afin d’affiner les relations entre l’ARCOM et l’ARCEP, comme l’ont dit tout à l’heure certains de nos collègues.

Pour ce qui est de l’audiovisuel public, nous vous présenterons plusieurs amendements afin d’enrichir le texte, notamment en faveur de l’outre-mer. La suppression de France Ô est un enjeu pour nos territoires ultramarins car, en dehors de cette chaîne, les outre‑mer ne représentent que 0,3 % des programmes de l’audiovisuel public. À l’heure de la disparition programmée de France 4, nous serons également vigilants sur le soutien à la filière des films d’animation.

Conscients de l’enjeu fondamental de ce texte pour notre souveraineté culturelle et convaincus des atouts de notre pays pour rayonner à l’international, nous vous soutenons pleinement, monsieur le ministre, pour moderniser notre modèle à l’ère du numérique.

Mme Frédérique Dumas. L’objectif affiché par le Gouvernement au travers de ce projet de loi est l’adaptation de la loi du 30 septembre 1986 aux mutations, notamment numériques, du secteur audiovisuel. Le texte de 1986 était en réalité très précurseur, puisqu’il instaurait le principe des obligations d’investissement et d’exposition des œuvres, repris depuis au niveau européen, en un combat transpartisan mené depuis trente ans. Notre groupe accueille donc favorablement la transposition de la nouvelle directive sur les droits d’auteur et de la nouvelle directive SMA, qui autorise à déroger au droit du pays d’origine pour l’application des obligations d’investissement, permettant ainsi au pays de destination du service de reprendre le contrôle.

La réduction des asymétries entre les différents acteurs, quels qu’ils soient, est essentielle, et il faut faire preuve de beaucoup d’humilité et de méthode pour y parvenir. C’est à ce titre que nous nous interrogeons sur la méthode utilisée pour la réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production d’œuvres, telle qu’envisagée à l’article 1er. En effet, dans la pratique, et contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi, vous imposez aux acteurs de négocier entre eux dès aujourd’hui, avant même le vote de la loi et l’adoption du décret cadre. Vous demandez ainsi aux acteurs de négocier sans base légale et en indiquant que tous les paramètres peuvent changer. Par ailleurs, la notion de décret supplétif, qui ne figure pourtant pas dans le projet de loi, a été inventée et présentée aux acteurs pour les obliger à négocier, ce qui a eu pour principale conséquence, comme vous le savez, de bloquer toute avancée.

Vous proposez ensuite dans le projet de loi une homologation par vos soins des accords interprofessionnels comme garantie de leur propre équilibre et de celui du secteur, et de cantonner la future ARCOM dans un rôle très réduit, celui d’une quasi-chambre d’enregistrement des désaccords, maintenant ainsi ce qui était à l’origine du blocage du système actuel. Nous aurons l’occasion de faire des propositions pour rendre le chemin praticable, notamment en renforçant les pouvoirs du futur organe de régulation que sera l’ARCOM, seul garant à nos yeux de l’équilibre des accords ou du bon niveau de régulation en l’absence d’accord.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit de fusionner le CSA et la HADOPI au sein d’un organe unique, l’ARCOM. Ce nouveau régulateur unique se verra confier de nouvelles missions et sera chargé de la régulation des plateformes en ligne, de la lutte contre le piratage, contre les fausses informations et les contenus haineux ; reste à savoir si l’ARCOM disposera des moyens humains et financiers suffisants pour mener à bien ses missions.

Nous proposerons également de donner la possibilité aux différentes autorités de régulation de mutualiser et coordonner leurs travaux pour accroître leur efficacité, et en toute indépendance, contrairement à ce qui est prévu à l’article 6 du projet de loi. Notre groupe proposera aussi des amendements visant à rendre la lutte contre le piratage praticable, en vérifiant la faisabilité des mesures techniques.

La troisième partie du texte transforme la gouvernance de l’audiovisuel public en regroupant les principales entreprises de l’audiovisuel public au sein de France Médias. Mais tel qu’il est rédigé, le projet de loi n’offre aucune garantie en matière de pérennité et d’indépendance de notre service public. Pour ce qui est de l’indépendance, les conditions de la nomination de la présidente ou du président de la holding avec toutes les compétences dont cette autorité serait investie, ainsi que les conditions de gouvernance de la holding, marquent un très net recul démocratique : tous les garde-fous ont été supprimés. Pour ce qui est de la transparence, de l’évaluation et du contrôle, aucun outil ne nous est proposé, mais nous ferons des propositions en ce sens.

En ce qui concerne le financement, qui garantit la qualité, l’indépendance et la pérennité du service public, le texte n’affiche aucune perspective concrète relative à la réforme de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Il nous a été confirmé récemment que, s’il devait y avoir une réforme de la CAP, elle n’aurait de toute façon lieu qu’à l’extinction totale de la taxe d’habitation, prévue pour fin 2022, donc seulement dans le cadre du PLF pour 2023, autrement dit au cours de la prochaine législature – et Mme la rapporteure vient de proposer que la répartition au sein de la holding ne soit, elle aussi, définie qu’après les élections.

Enfin, le projet de loi présenté comme adaptant la régulation au monde d’aujourd’hui et de demain fait l’impasse sur plusieurs sujets majeurs : l’absence de prise en compte de l’OTT (over-the-top service), autrement dit la distribution sur internet ouvert, qui représente une part croissante de la distribution, et va de ce fait échapper au contrôle des autorités de régulation, comme l’a d’ailleurs reconnu le président du CSA ; l’absence de prise en compte des fabricants de terminaux connectés à internet, qui agissent de plus en plus comme des distributeurs et qui ne seront pas non plus dans le champ de la régulation. Enfin, il conviendra de protéger les contenus radio et de mettre à jour pour cela le code de la propriété intellectuelle – nous ferons des propositions en ce sens.

Enfin, nous aurons évidemment l’occasion de revenir sur la suppression des canaux hertziens affectés à la chaîne pour enfants et au monde ultramarin.

M. Michel Larive. Monsieur le ministre, votre projet de loi sert votre objectif de libéralisation économique du secteur audiovisuel public comme privé. Les publicitaires et les financiers jubilent : vous leur accordez ce qu’ils réclamaient depuis longtemps, à savoir le recours au placement de produit, la publicité sur écran partagé pendant les retransmissions des manifestations sportives, ou encore une troisième coupure publicitaire pour les films d’une durée supérieure à deux heures.

La loi interdisait jusqu’à présent la diffusion de films certains jours pour inciter les téléspectateurs à se rendre au cinéma. Cette mesure, qui visait à l’origine à atténuer la pression concurrentielle de la télévision sur le cinéma, a contribué à permettre le développement du septième art dans notre pays. Si votre projet de loi venait à être adopté, cette grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques n’existerait plus, et cela aurait les conséquences que je vous laisse imaginer.

Votre texte ne garantit en aucun cas la liberté d’expression, pourtant fondamentale et indispensable au bon fonctionnement de notre République. Vous vous appuyez sur un système extra-judiciaire pour régler les différends entre les plateformes de vidéos en ligne et leurs utilisateurs. La future ARCOM se verra confier des pouvoirs dont l’exercice devrait normalement être confié à un juge judiciaire. L’utilisation de systèmes de filtrage automatisé par les plateformes Facebook, Twitter, YouTube et consorts ne préserve absolument pas la liberté d’expression sur internet, et ne prémunit en rien contre les risques de censure auxquels sont exposés nos concitoyennes et nos concitoyens.

De plus, la transposition de la directive SMA entérine la méthodologie de contrôle des publications par les plateformes, faisant d’internet un lieu de surveillance généralisée. Dans l’article 59 de votre projet, vous créez une holding France Médias, regroupant France Télévisions, France Médias Monde, l’INA et Radio France. Vous réinventez l’ORTF, une ORTF 2.0 peut-être, mais qui ne sera jamais qu’une sous-BBC à la française, sans moyens pérennes et sans garanties d’indépendance, ce qui va à l’encontre de la mission initiale du service public de l’audiovisuel. La composition de son conseil d’administration et la nomination de son président par le chef de l’État inscriront dans les faits la dépendance de cette entité vis-à-vis du pouvoir en place.

Par la création de ce centralisme médiatique, vous mettez fin à la pluralité dexpression qui faisait de notre service public le reflet des spécificités de nos territoires et de la complexité des centres dintérêt des Françaises et des Français. Jen veux pour preuve le fait que la musique, en tant que mission de service public, disparaît des attributions de France Médias, alors que les prérogatives de Radio France la mentionnaient. Ce projet de destruction du service public audiovisuel est accompagné par les actuelles directions de ces médias, pour lesquels la variable dajustement à vos injonctions réside immanquablement dans la masse salariale. Votre texte entérine la feuille de route de la Commission européenne, qui impose lautorégulation des acteurs du marché audiovisuel, au détriment, bien entendu, de laction publique.

La France insoumise entend proposer une alternative à votre projet destructeur. En effet, lÉtat doit investir dans laudiovisuel en valorisant la création culturelle, le pluralisme démocratique et la diversité. Nous devons par ailleurs garantir la liberté dexpression sur internet en interdisant la surveillance généralisée, en rendant obligatoire une intervention humaine avant tout blocage de contenu et en sanctionnant les plateformes qui pratiquent outrageusement la censure. Nous proposerons dimposer linteropérabilité pour contrecarrer le monopole des géants dinternet. Enfin, lARCOM doit voir ses compétences redéfinies : les litiges relevant de la liberté dexpression doivent être confiés à lautorité juridictionnelle. Nous proposerons donc, par voie damendement, la création dun service public judiciaire dédié et la création dun Conseil national des médias, véritable contre-pouvoir citoyen qui garantira le pluralisme des opinions et des supports dinformation.

Mme Elsa Faucillon. Monsieur le ministre, ce n’est pas parce que ce texte est long qu’il est historique ou révolutionnaire. Non seulement il souffre de nombreux manques, mais il parachève une suite de coupes budgétaires, décidées lors des projets de loi de finances successifs, qui ont fragilisé le secteur public de l’audiovisuel, notamment en supprimant certaines chaînes : depuis 2012, l’effectif total de France Télévisions aura diminué d’un peu plus de 6 %.

En somme, on peut s’interroger sur la raison d’être de la future holding. À quoi servira-t-elle, en effet, sinon à poursuivre la diminution et la rationalisation des moyens ? On peine, du reste, à savoir comment elle sera financée : le sera-t-elle sur le budget de l’audiovisuel ? À ce propos, j’observe que la question de la redevance audiovisuelle n’est pas abordée. Or, celle-ci doit être réformée, car son assiette est devenue obsolète et la taxe d’habitation à laquelle elle était adossée va disparaître. Ce projet de loi aurait pu être l’occasion de penser un nouvel impôt, plus juste et d’un meilleur rapport.

Sous de nombreux aspects, ce projet s’apparente à une sorte de reprise en main. Je pense notamment à la présence, au sein des conseils d’administration, d’un commissaire du Gouvernement, dont nous aimerions connaître le rôle exact. Quant aux missions confiées à la holding, elles ne nous paraissent pas suffisamment étayées et ne reflètent pas correctement le triptyque « informer, éduquer, distraire » du service public de l’audiovisuel : ainsi la notion de divertissement y est à peine effleurée. Or le service public de l’audiovisuel doit avoir pour mission de proposer des divertissements populaires de qualité, qui ne doivent pas être l’apanage du secteur privé. De plus, la notion de proximité est assez peu affirmée, même si je vous ai entendu la défendre, monsieur le ministre. J’ajoute que la suppression de France Ô met sévèrement à mal la représentation des citoyens et citoyennes ultramarins sur nos chaînes publiques. Ce texte aurait pu être l’occasion de traduire en actes les engagements pris dans le pacte de visibilité des outre-mer.

En définitive, nous avons le sentiment que les grands gagnants de ce projet de loi sont davantage les publicitaires que laudiovisuel public. De fait, au prétexte de garantir la loyauté de la concurrence avec les plateformes, vous saturez lespace médiatique de réclames en tous genres. Le groupe GDR soppose à lenvahissement progressif de lespace public et des médias par la publicité, qui influence les comportements, sert les intérêts des grandes entreprises et qui est très souvent éloignée des besoins réels des citoyens et des citoyennes. Votre projet de loi autorise ainsi une troisième coupure publicitaire des films ; pis, vous permettez la diffusion de publicités dans un coin décran lors de la retransmission dun événement sportif, en affirmant que cette pratique sémancipera complètement de la durée réglementaire qui sapplique en la matière. Vous maintenez également la possibilité de diffuser des publicités durant les programmes réservés à la jeunesse sur les chaînes privées. Tout en affirmant protéger les mineurs, considérés comme un public fragile, vous autorisez le développement du placement de produits qui, dans les jeux et divertissements, aura pour première cible les enfants, qui représentent la majorité de laudience de ce type de programmes.

J’espère que l’examen du texte nous permettra de modifier ces dispositions. En tout cas, à cette heure, le groupe GDR est plutôt opposé au projet de loi.

M. le président Bruno Studer. Nous en venons aux questions.

Mme Marie-Ange Magne. Monsieur le ministre, ma question a trait à la suppression de France 4, prévue cette année. La volonté de développer une offre numérique de substitution se heurte aux carences actuelles de la couverture numérique du territoire national. Dans nos territoires ruraux, notamment, cette couverture est en cours de déploiement et demeure partielle – mais je vous sais attentif à cette question.

Néanmoins, vous avez pris en compte notre demande que soit garanti, voire renforcé l’accès des jeunes à l’ensemble des programmes « animation et jeunesse », pour garantir la visibilité et l’exposition des œuvres d’animation et préserver les investissements dans ce secteur particulièrement dynamique en France.

Enfin, s’agissant des missions de l’audiovisuel public, vous avez proposé un pacte « animation et jeunesse » sur le modèle du pacte de visibilité des outre-mer. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ses objectifs, la méthode et le calendrier prévu ?

Mme Michèle Victory. En France, les différents acteurs du secteur audiovisuel sont particulièrement attachés à la notion de rémunération proportionnelle. Le texte maintient la disposition du code de la propriété intellectuelle préexistant à la directive européenne, en prévoyant, en cas de difficultés à appliquer la participation proportionnelle aux recettes de la vente et de l’exploitation, le recours à un forfait. Toutefois, dans la directive européenne, les termes de « rémunération proportionnelle » désignent une autre réalité, à savoir une rémunération appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits. La notion de plus-value ajoutée à une œuvre nous paraît donc excessivement vague. Nous aimerions donc qu’elle soit précisée lors de l’examen du projet de loi.

Mme Céline Calvez. Monsieur le ministre, j’aimerais vous interroger sur la notion de distributeur. Cette notion est en effet souvent revenue au cours de mes échanges avec de nombreux acteurs du secteur de l’audiovisuel, que ce soit à propos de l’exposition des contenus d’intérêt général ou de la protection de l’intégrité du signal. Vous paraît-il opportun d’introduire et de définir cette notion dans le projet de loi, non seulement pour traiter la question du must-carry et du must-offer et pour garantir davantage encore l’exposition des contenus et des services d’intérêt général, mais aussi pour appréhender au mieux la question des conflits qui peuvent intervenir entre éditeurs et distributeurs en garantissant la continuité du signal ?

Enfin, vous proposez, sur le modèle du pacte de visibilité ultramarin, un pacte de visibilité autour de la jeunesse et de l’animation. Pourquoi ne pas étendre celui-ci à l’ensemble de l’offre jeunesse et à toutes les sociétés de l’audiovisuel public qui se retrouveront au sein de France Médias ?

Mme Brigitte Kuster. Nous sommes enfin invités à examiner le projet de loi sur l’audiovisuel. Celui-ci était attendu ou craint par les professionnels, puisqu’il va bouleverser les habitudes du paysage audiovisuel français. Pour ma part, je me réjouis de la prise en compte de la multiplicité des éditeurs de services, notamment étrangers, dans le financement de la création française ainsi que de la fusion du CSA et de la HADOPI. Je salue également la transformation de l’audiovisuel public, nécessaire à l’ère numérique.

Si je soutiens la création de la société France Médias, de nombreuses interrogations subsistent, notamment sur votre volonté de faire disparaître France 4, chaîne de qualité destinée à la jeunesse, dont les programmes seraient désormais diffusés sur d’autres chaînes, et ce pour zéro économie ! Alors que l’animation est une filière d’excellence française, selon les mots du CNC, et le premier genre audiovisuel à l’export, n’est-ce pas prendre le risque de réduire les débouchés des métiers de ce secteur, pour lesquels nous sommes reconnus mondialement, et, à terme, de déstabiliser de nombreuses professions ?

Mme Maud Petit. On parle souvent de doter la future ARCOM d’un pouvoir de transaction pénale qui lui permettrait de prononcer directement des sanctions contre ceux de nos concitoyens qui feraient usage de contenus violant le droit d’auteur. Si la lutte contre les violations de ce droit doit être une priorité, dans le projet de loi comme pour le régulateur, il me semble néanmoins qu’une accentuation de la répression des utilisateurs, des internautes, de nos concitoyens, ne fera pas disparaître les contenus illicites des sites frauduleux, puisqu’elle n’empêchera probablement pas des individus de faire héberger des sites à l’étranger et ainsi de faire prospérer leur activité et d’engranger des sommes colossales.

Monsieur le ministre, partagez-vous le constat selon lequel la répression doit se concentrer sur les sites frauduleux plutôt que sur nos concitoyens ? Pourriez-vous nous indiquer quelles sont vos intentions quant à la création éventuelle de nouveaux outils coercitifs contre les utilisateurs, notamment la transaction pénale ?

Mme Emmanuelle Anthoine. La place des femmes dans l’audiovisuel n’est pas ou est trop peu abordée dans le projet de loi. Pourtant, l’image des femmes telle qu’elle est véhiculée par les programmes audiovisuels joue un rôle important dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes, qui est en principe la grande cause du quinquennat. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil à l’égalité estime que « les femmes disparaissent aux heures de grande écoute », qu’elles « sont trop souvent cantonnées à des rôles secondaires ou à des sujets dits féminins » et qu’elles « sont encore complètement absentes de certains plateaux ». J’observe, par ailleurs, que le projet de loi est muet sur la mission actuellement dévolue à l’audiovisuel public de mener des actions en faveur des droits des femmes. Alors, je m’interroge : quelles sont, monsieur le ministre, les initiatives que vous envisagez de prendre en la matière dans le cadre de cette réforme de l’audiovisuel ?

Mme Maina Sage. Monsieur le ministre, je veux, tout d’abord, vous remercier d’avoir omis le rapport de la délégation aux outre-mer sur l’audiovisuel… tant cette omission est révélatrice de l’indifférence, voire du mépris que nous subissons. Pour bien vous connaître, je sais que ce n’est pas de votre fait, mais c’est dire à quel point, même ici, nous sommes invisibles ! Pourtant, cette question nous a occupés une année entière.

L’outre-mer, qui n’est mentionnée qu’au dernier alinéa de l’exposé des motifs du projet de loi, ne figure nulle part dans le texte. Êtes-vous favorable à ce que, tous ensemble, nous fassions en sorte que l’importance de la visibilité de l’outre-mer soit reconnue partout dans le texte ? Comment faire de la transformation du service de l’audiovisuel public une opportunité pour les outre-mer ?

M. Stéphane Testé. Le sport joue, notamment à travers les grands événements retransmis en direct à la télévision, un rôle fédérateur particulièrement important pour l’ensemble des Français, comme en témoignent les chiffres d’audience élevés de ces programmes. Toutefois, les chaînes de France Télévisions ne sont plus en mesure de diffuser du sport en prime time, faute notamment de pouvoir diffuser de la publicité après vingt heures. La pérennité de la retransmission des événements sportifs sur les chaînes publiques est donc menacée. Ainsi, les droits de diffusion en soirée des rencontres de Roland-Garros ont été récemment gagnés par Amazon aux dépens de France Télévisions.

Pour les Jeux paralympiques de Paris en 2024, la question de l’achat des droits par France Télévisions est en partie liée à la possibilité de diffuser des écrans publicitaires après vingt heures. Le Conseil d’État prône le retour de la publicité en soirée sur les chaînes de France Télévisions, précisément pour permettre « de financer l’achat des droits de retransmission des compétitions ». Aussi peut-on envisager, dans ce domaine, une petite ouverture, encadrée et à titre dérogatoire ?

M. Pascal Bois. Ma question a trait au régime de rémunération des artistes‑interprètes, dont il est question à l’article 20. À l’instar de ce qui existe déjà pour les droits d’auteur, cette disposition tend à instaurer, d’une part, le principe d’une rémunération proportionnelle aux recettes issues de l’exploitation et, d’autre part, des dérogations à ce principe permettant, dans un certain nombre de cas énumérés, de recourir à une rémunération évaluée au forfait. Néanmoins, des inquiétudes se sont exprimées ici et là : on craint notamment que l’adoption d’une telle disposition n’entraîne la caducité des accords existants et fragilise les droits des artistes-interprètes. Il conviendrait plutôt d’établir une rémunération en amont, déterminée dans le cadre de conventions collectives soucieuses des préoccupations des uns et des autres et des équilibres financiers ; j’ai déposé un amendement en ce sens. Comment pourrions-nous, selon vous, améliorer la rédaction actuelle du texte sur ce point ?

Mme Stéphanie Atger. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la signature, au mois de juillet dernier, du pacte de visibilité des outre-mer visant à compenser la disparition de France Ô. Ce pacte s’est déjà traduit par des mesures concrètes : objectifs chiffrés, indicateurs, comité de suivi… Les engagements pris à ce titre sont inclus dans le cahier des charges de l’entreprise France Télévisions, de sorte que leur respect peut être contrôlé par le CSA, qui deviendra l’ARCOM une fois la loi entrée en vigueur.

Aux termes de l’article 59 du projet de loi, qui prévoit notamment une réécriture de l’article 43, alinéa 12 de la loi du 30 septembre 1986, le cahier des charges, dont le contenu sera fixé par décret, définira les obligations de chacune des sociétés de la nouvelle société mère France Médias. Ce cahier des charges sera-t-il substantiellement modifié et ses dispositions reprendront-elles précisément les engagements actés dans le pacte de visibilité ?

M. Raphaël Gérard. Monsieur le ministre, pour avoir accompagné la mise en œuvre du pacte de visibilité des outre-mer de France Télévisions, je sais votre engagement en faveur d’une meilleure représentation de nos concitoyens ultramarins dans l’audiovisuel public, et je m’en félicite, car c’est en donnant à voir l’ensemble des composantes de la société française que l’on refonde notre cohésion sociale.

Ce pacte prévoit des engagements forts en faveur de la présence de programmes ultramarins sur les antennes nationales de France Télévisions, engagements dont on mesure déjà les effets très concrets. Toutefois, quelques interrogations demeurent, notamment sur la mise en valeur des contenus audio produits notamment par les équipes du pôle outre-mer de Malakoff. Dans le cadre de la création de France Médias, plusieurs hypothèses peuvent être évoquées : une meilleure exposition de ces contenus sur les antennes nationales de Radio France, ou encore une revalorisation du rôle de France Ô La Radio, qui pourrait devenir une radio numérique terrestre afin de toucher les diasporas ultramarines, notamment en Île‑de‑France. Quels sont, selon vous, les moyens de promouvoir la diffusion des programmes audiovisuels ultramarins dans l’Hexagone et de valoriser ainsi ces productions particulièrement riches ?

Mme Bénédicte Pételle. Monsieur le ministre, on estime que près de 60 % des mineurs ont eu accès à la pornographie, et ce, dès dix ou onze ans. Or, en 2017, une étude de l’IFOP a montré que la consultation des sites pornographiques par des mineurs augmentait – 51 % en 2017, contre 37 % en 2013 –, à un âge de plus en plus précoce. Plus d’un mineur sur deux considère lui-même qu’il est trop jeune lors de sa première exposition.

L’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que le CSA veille à la protection de l’enfance et de l’adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes. Est-il prévu que l’ARCOM reprenne cette mission essentielle du CSA, notamment concernant la lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie ? Comment l’ARCOM pourrait-elle contribuer à une meilleure prévention et à une meilleure information des jeunes sur les risques liés à cette exposition précoce ?

M. Yannick Kerlogot. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous ayez réaffirmé votre volonté de renforcer les missions de service public en ce qui concerne notamment l’offre de proximité. Le projet de loi, avez-vous dit, traduit la volonté de rééquilibrer les règles du jeu entre les missions du service public et les plateformes, et c’est heureux. Je souhaiterais que vous réaffirmiez également avec force votre volonté de remettre un peu d’ordre dans le must-carry, c’est-à-dire l’obligation pour les distributeurs de mettre certains services à la disposition de leurs abonnés. J’aurai l’occasion, en séance publique, de souligner les difficultés liées à l’accessibilité des différentes productions locales, notamment sur France 3. Le must-carry permettra-t-il de revoir les règles du jeu applicables aux distributeurs ?

M. Stéphane Claireaux. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’accessibilité. Premièrement, il me paraît nécessaire d’améliorer la traduction en langage des signes de certains programmes d’information diffusés lors des périodes de crise majeure sanitaire, climatique ou sécuritaire. Deuxièmement, la mise en image du traducteur ou de la traductrice des discours ou émissions officielles doit être adaptée, car l’espace qui lui est accordé est souvent limité à la portion congrue, de sorte que sa traduction est totalement illisible. Enfin, l’adoption et la stabilisation, sur toutes les chaînes de l’audiovisuel public, d’un code couleur déjà normé pour les sous-titrages constituerait une réelle avancée. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter l’accès à l’information et améliorer l’expérience télévisuelle de nos concitoyens sourds ou malentendants sur les chaînes du service public ?

Mme Carole Bureau-Bonnard. Monsieur le ministre, vous avez rappelé notre attachement aux missions du service public audiovisuel, qui comportent notamment l’obligation de diffuser des contenus pédagogiques et éducatifs. Est-il prévu de créer une sorte de poste d’éditorialiste au sein de l’ARCOM ? Par ailleurs, serait-il possible que soient proposés aux adolescents et aux jeunes adultes, qui le demandent de plus en plus, des programmes, notamment des films, en version originale sous-titrée, en espérant que les pays étrangers fassent de même avec les productions françaises ?

M. Franck Riester, ministre de la culture. En préambule, je veux dire à ceux d’entre vous qui se demandent si nous parviendrons à réguler les plateformes et à prendre en compte la révolution numérique – je pense notamment à Bruno Fuchs, Sylvie Tolmont et Frédérique Dumas – que la méthode que nous avons retenue consiste à utiliser avec beaucoup de détermination tous les leviers disponibles et, si besoin est, à en créer de nouveaux.

Dans le combat culturel essentiel que nous devons livrer contre l’uniformisation des contenus, pour le maintien de la richesse de la création française et d’une offre diverse et de qualité, nous devons nous mobiliser d’abord au niveau européen. C’est dans ce cadre qu’ont été adoptées la directive sur le droit d’auteur, la directive SMA (Service des médias audiovisuels), la directive CABSAT et bien d’autres. Il nous faut à présent les transposer rapidement, comme l’a souligné Bruno Fuchs, non seulement pour ne pas laisser les acteurs historiques désarmés, mais aussi pour intégrer le plus rapidement possible les nouveaux acteurs dans les dispositifs de financement de la création.

Il nous faut ensuite, au plan national, examiner ce projet de loi. Pour avoir travaillé avec moi sur un certain nombre de textes depuis que je suis ministre, vous savez que je serai à l’écoute de vos différentes contributions – ce qui ne signifie pas, bien entendu, que je serai favorable à tous vos amendements. En tout cas, nous aurons un débat approfondi qui doit nous permettre de bâtir ensemble la meilleure loi possible. Il importe, par ailleurs, que celle-ci soit appliquée rapidement. Puis nous veillerons à ce que les négociations entre professionnels, qui sont susceptibles de changer radicalement la donne, avancent. Nous devons donc définir un cadre ambitieux et structurant, qui laisse néanmoins aux acteurs la souplesse nécessaire pour qu’ils puissent conclure des conventions et affiner ainsi progressivement les différents dispositifs. Cette méthodologie est, à mon avis, la bonne.

J’ai suggéré aux acteurs de commencer à négocier, dans le respect du cadre général. Bien entendu, leurs accords ne seront pas entérinés tant que la loi ne sera pas votée et promulguée et tant que les décrets ne seront pas publiés. Mais on a déjà annoncé quel serait le cadre des décrets et la loi a été présentée, dans ses grandes lignes, dès septembre. Les uns et les autres peuvent donc d’ores et déjà discuter et, le cas échéant, me faire connaître les points sur lesquels une évolution leur semble nécessaire – le travail de l’ambassadeur Sellal est important à cet égard. En tout état de cause, nous devons faire en sorte que les modifications de la loi et de la réglementation, puis les différentes conventions et les accords interviennent le plus rapidement possible.

Mme Tolmont, M. Larive, Mme Faucillon ont dénoncé un texte dont lobjet serait de tout déréguler et de remettre en cause lambition culturelle et le système français. Cest une vision un peu noire – ou rouge… – de notre projet. Nous voulons, au contraire, réaffirmer notre ambition. Nous sommes engagés dans un combat culturel majeur qui exige que nous donnions aux acteurs historiques, qui jouent un rôle important dans le financement et la diversité de la création, comme les chaînes de télévision, les moyens de sadapter et de lutter à armes égales avec les acteurs entrants. Il ne sagit pas de baisser la garde face à eux ni den rabattre sur nos ambitions et nos exigences quant à leur participation au financement de la création ; mais nous devons être équitables, en assouplissant un certain nombre de règles.

Je rappelle qu’en assouplissant les règles applicables à la publicité, nous permettons qu’à volume de publicité égal – car je ne veux pas non plus d’une télévision qui diffuserait sans cesse de la publicité –, celle-ci soit mieux valorisée. C’est bon à la fois pour le modèle économique des chaînes de télévision, qui sont financées par la publicité, et pour le financement de la création, puisqu’en la matière, les obligations sont calculées en fonction du chiffre d’affaires de la publicité. Ainsi, plus le chiffre d’affaires des chaînes privées lié à la publicité est important, plus le financement de la création française et européenne est important. J’ajoute que nous demandons également aux nouveaux acteurs de financer la création, notamment indépendante, en réaffirmant notre vision du droit d’auteur à la française, que ce soit en matière de production déléguée ou de final cut – la décision artistique finale doit revenir aux auteurs, aux réalisateurs, aux scénaristes, et non aux producteurs.

Nous voulons donner à France Télévisions, à Radio France, à l’INA et à France Médias Monde les moyens de s’adapter à la révolution numérique pour qu’ils soient encore plus puissants en matière d’offre audiovisuelle publique, dont on a particulièrement besoin en ce moment, et touchent le maximum de publics dans leur diversité. C’est ce qu’ont fait les patrons de groupes publics européens, que j’ai rencontrés dans le cadre de l’UER : hormis en Suède et en Finlande, ils ont mis en place une offre numérique à 360 °, incluant télé et radio, pour mieux toucher tous les publics dans leur diversité. Ils m’ont assuré que cela permettait de renforcer les missions de service public, grâce aux synergies et aux économies d’échelle. C’est bien là notre ambition ; j’espère vous en convaincre durant les débats et je serai à l’écoute de vos remarques pour pousser plus loin encore cette exigence.

Stéphane Claireaux a souligné à juste titre l’importance de l’accessibilité des programmes aux personnes souffrant de handicap. Lors de la récente conférence nationale, la secrétaire d’État Sophie Cluzel et le Président de la République ont réaffirmé l’ambition du Gouvernement en la matière. L’audiovisuel public joue un rôle particulier et se doit d’être exemplaire. Nous souhaitons étendre les obligations d’accessibilité aux plateformes mais aussi à la télévision de rattrapage – sans doute conviendra-t-il de préciser le texte sur ce point. Nous devons porter une attention particulière à la qualité de l’audiodescription et du sous-titrage, qui pourrait être contrôlée par l’ARCOM. L’accessibilité des contenus audiovisuels, notamment la diffusion des événements majeurs sportifs, culturels ou d’actualité, doit être garantie à tous : nous travaillons sur tous ces dispositifs avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dont les propositions sont très constructives, et avec le secrétariat d’État. Je demeure à votre disposition pour améliorer encore le texte sur ces différents points.

Raphaël Gérard et Maina Sage m’ont interpellé sur les contenus audiovisuels outre‑mer et je m’excuse auprès de cette dernière d’avoir omis de citer son rapport.

Mme Maina Sage. Oubli révélateur !

M. Franck Riester, ministre. Cest toujours un risque lorsque lon se lance dans une longue énumération… Et cest malheureusement tombé sur loutre-mer. Notez, toutefois, que jai cité la contribution importante que vous avez apportée, avec les parlementaires ultramarins, au pacte pour la visibilité des outre-mer, rappelant la nécessité de mettre en avant les contenus, les visages et de faire en sorte que ces contenus soient aussi produits outre-mer. Il existe bien un projet de diffusion de radio Outre-Mer La Première sur le DAB + en ÎledeFrance – la radio numérique terrestre est une technologie à laquelle je crois beaucoup. Sa faisabilité dépend des ressources hertziennes disponibles et de contraintes techniques sur lesquelles le CSA devrait se prononcer prochainement. En tout état de cause, je ne suis pas opposé à lidée de préempter les fréquences disponibles pour ce projet qui a beaucoup de sens.

Béatrice Piron, Yannick Kerlogot et Céline Calvez m’ont interrogé sur la notion de « distributeur », propre au droit français, absente du droit européen. Nous n’avons pas voulu avec ce texte bouleverser les règles, car des acteurs locaux, comme Canalsat et Molotov, pourraient se trouver pénalisés par des règles qui ne s’appliqueraient qu’à eux, faute de pouvoir les imposer aux intermédiaires que sont les géants du net, Google, Apple ou Amazon. Le texte comporte néanmoins des avancées, comme la modernisation du règlement des différends, avec des mesures conservatoires, la création d’une instance commune ARCOM‑ARCEP, la préservation de l’intégrité du signal. Certains sujets restent sur la table et pourraient faire l’objet d’amendements : je pense à la visibilité des contenus d’intérêt général, à la géolocalisation des box, aux droits voisins des radiodiffuseurs, notamment l’autorisation préalable par les radios de l’utilisation de leurs podcasts. En tout état de cause, j’examinerai vos propositions avec une attention bienveillante, car je pense qu’il faut aller plus loin ; mais veillons à ne pas creuser l’écart de compétitivité entre les distributeurs classiques français, qui obéissent déjà à certaines règles, et les nouveaux intermédiaires, que nous souhaitons réguler davantage au niveau européen.

Yannick Kerlogot a évoqué l’offre de proximité, sujet dont nous aurons l’occasion de reparler, notamment lorsque nous aborderons le rapprochement entre France 3 et France Bleu. Stéphane Testé m’a interrogé sur la possibilité pour le service public de diffuser des écrans publicitaires après 20 heures lors de la retransmission d’épreuves sportives. J’ai déjà donné mon avis sur ce point, mais nous pourrons en discuter à nouveau lors de l’examen des amendements.

Florence Provendier, Pierre-Yves Bournazel, Marie-Ange Magne, Céline Calvez et Brigitte Kuster ont soulevé, à travers la disparition de France 4, la question de l’animation. J’aurai l’occasion de préciser, en commission ou dans l’hémicycle, ce que pourrait être un pacte pour l’animation et la jeunesse, que nous pourrions bâtir ensemble, en lien avec France Télévisions.

Madame Emmanuelle Anthoine, le projet de loi réaffirme que la contribution aux progrès de l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les préjugés sexistes et la lutte contre les violences faites aux femmes font partie des missions fondamentales de l’audiovisuel public. Celui-ci a un devoir d’exemplarité en la matière, aussi bien dans la gestion interne des ressources humaines que dans la représentation des femmes à l’écran. J’ajoute que quatre des six dirigeants de l’audiovisuel public sont des femmes et que de nombreux engagements ont d’ores et déjà été pris.

Mme Elsa Faucillon me semble avoir confondu les rôles de commissaire du Gouvernement et de commissaire politique… Ce sont pourtant deux choses très différentes : le commissaire du Gouvernement est chargé de s’assurer que les missions de service public sont bien exercées. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui à France Télévisions, des représentants du ministère de la culture siégeront au sein du conseil d’administration de la holding mais sans droit de vote ; l’État n’y sera pas majoritaire. Le Conseil d’État l’a rappelé de façon explicite dans son avis.

Monsieur Michel Larive, il n’appartient pas à l’État de se mêler de l’éventuelle création d’un conseil de déontologie. Que les journalistes se saisissent de ce qui existe dans d’autres pays pour améliorer le lien entre les citoyens et la presse, pourquoi pas, mais c’est à eux d’en décider.

Frédérique Dumas a soulevé la question des moyens octroyés à l’ARCOM, dont les nouvelles missions comprennent le contrôle des services étrangers, la régulation des plateformes en ligne, la lutte contre le piratage, les propos haineux et les fausses informations. Des moyens supplémentaires sont d’ores et déjà prévus, dans la suite de la proposition de loi de Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, en cours d’examen, et de la loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l’information ; les décisions budgétaires seront prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, sachant que la fusion du CSA et de la HADOPI permettra d’ores et déjà de dégager des économies sur les ressources supports. Mais au-delà des moyens budgétaires et humains, le présent texte conférera à l’ARCOM des moyens juridiques tels que des pouvoirs d’enquête et d’accès à l’information. En outre, et comme certains d’entre vous l’ont souligné, l’ARCOM devra collaborer avec les autres régulateurs européens, dans la suite des excellentes pratiques actuelles.

Pour ce qui est de l’indépendance de l’ARCOM par rapport au service à compétence nationale pour la régulation du numérique, le texte prévoit toutes les garanties souhaitables. Le fait que l’État organise son administration afin de prendre en considération la force de ces plateformes structurantes va, me semble-t-il, dans le bon sens.

Madame Pételle, la protection des enfants contre les conséquences de l’exposition aux contenus pornographiques doit requérir toute notre attention. C’est une des missions historiques du CSA, mais l’arrivée des nouveaux acteurs et le foisonnement des contenus sur les différents supports nous pousse à aller plus loin. La directive SMA impose aux plateformes de partage de vidéos de mettre en place les mesures appropriées pour protéger les mineurs grâce aux outils de classification des contenus, de vérification d’âge, de contrôle parental. Par ailleurs, la proposition de loi de Bérengère Couillard, visant à protéger les victimes de violences conjugales, contient des mesures nouvelles sur la vérification d’âge : cocher une case « avez-vous plus de 18 ans ? » n’est pas suffisant. L’ARCOM sera chargée d’accompagner par ses recommandations les acteurs et de contrôler les mesures adoptées. Enfin, nous incitons à la signature de protocoles d’engagement sur le contrôle parental.

Ce dernier point fait l’objet d’une collaboration entre le CSA et l’ARCEP. Il faut dire que, du fait de la convergence des contenus, les domaines de la régulation se recouvrent parfois : Bruno Fuchs et Pierre-Yves Bournazel ont évoqué ce problème. Je ne suis pas opposé à ce que le texte aille plus loin, dans la limite de la faisabilité et surtout, de l’indépendance des deux autorités. Nous pourrons en discuter en commission, et au besoin dans l’hémicycle.

Notre ambition pour l’audiovisuel public doit s’accompagner d’un financement à la hauteur de nos exigences. Je le répète, nous souhaitons conserver un financement dédié à l’audiovisuel public. La contribution à l’audiovisuel public, telle qu’elle est définie aujourd’hui, perdurera au moins jusqu’au projet de loi de finances pour 2023. C’est un changement en soi : je sais, pour avoir été député pendant douze ans, que l’on ignore parfois encore ce que seront les financements des missions d’intérêt général quelques jours avant l’examen du projet de loi de finances. Nous ne reviendrons pas sur la trajectoire financière qui a été établie sur quatre ans, 2019-2022 : l’effort demandé à l’audiovisuel public est ainsi encadré. En 2023, un plan de financement définira le nouveau mode de financement de l’audiovisuel public, mais qui lui restera spécifique ; l’ambition du Gouvernement en la matière est claire et indiscutable.

Virginie Duby-Muller m’a interpellé sur l’approche « user centric », qui prend en compte la consommation par abonné pour déterminer la rémunération des artistes. La répartition des revenus du streaming est une question à laquelle je suis très attentif. Le chiffre d’affaires de la musique enregistrée grâce au streaming est à nouveau en croissance, et cette évolution positive doit s’accompagner d’un meilleur partage de la valeur. Même si cela relève du domaine commercial, on ne peut laisser de côté la dimension d’intérêt général : j’entends réfléchir avec les acteurs de la filière à une meilleure prise en compte de l’usage que les personnes font de leur abonnement, au service des artistes. C’est un débat important et un enjeu considérable pour l’avenir de la diversité de la musique dans notre pays. C’est dans cette perspective que j’ai demandé au Centre national de la musique (CNM) de produire sa première étude sur l’approche user centric. Affirmer l’importance de cette question ne relève peut-être pas de la loi, du moins pouvons-nous la rappeler dans nos débats.

De façon plus générale, nous devons réfléchir à la question du streaming musical, soulevée par Florence Provendier. Il s’agit d’objectiver les données d’écoute, d’imposer peut‑être des obligations de transparence sur l’activité des plateformes et de les accompagner d’engagements au service de la promotion de la diversité musicale. Nous devons travailler, en lien avec la future ARCOM, à limiter la diversité des règles et à assurer une plus grande équité entre les acteurs de la radio et ceux du streaming musical. Les quotas de musique française imposés aux radios notamment demeurent un levier essentiel de la politique d’aide à la création, à la diversité et au soutien des nouveaux talents : il n’est pas question de remettre en cause ce dispositif, quitte à le faire évoluer au besoin.

Sylvie Tolmont a soulevé la question des données personnelles, utilisées par la publicité segmentée, mais également pour la publicité tout court : veillons à ne pas fixer des règles qui empêcheraient les chaînes de télévision de bénéficier de ces nouvelles possibilités. C’est un équilibre que nous allons devoir trouver ensemble.

Monsieur Bois, j’ai répondu tout à l’heure à Aurore Bergé sur la rémunération proportionnelle, je ne reviendrai donc pas sur ce sujet.

S’agissant de la lutte contre le piratage et de la réponse graduée, sujet abordé par Maud Petit et Bruno Fuchs, le Gouvernement souhaite renforcer les missions actuelles de la HADOPI et doter l’ARCOM de nouveaux outils, en mobilisant son énergie sur les sites qui font de l’argent sur le dos des créateurs : dispositif de lutte contre les sites miroirs, dispositif de lutte contre le piratage des événements sportifs en ligne, liste noire des sites contrevenants pour sensibiliser les intermédiaires. S’il n’est pas question de durcir les sanctions en direction des internautes, nous entendons maintenir la réponse graduée pour ce qui concerne le téléchargement pair-à-pair, car c’est un outil de prévention : ce dispositif permet d’appeler l’attention des internautes sur le fait qu’en se rendant sur des sites illégaux, ils spolient le monde de la création et le monde sportif, tout en les incitant à utiliser l’offre légale, de plus en plus large. Ces avertissements réitérés peuvent éventuellement mener, s’ils sont systématiquement ignorés, à des sanctions, mais nous ne voulons pas les durcir à l’excès en mettant en place un système de transaction pénale, par exemple. Ainsi que Virginie Duby‑Muller et Sylvie Tolmont l’ont rappelé, c’est bien les sites contrefaisants qui restent notre cible principale, face auxquels nous entendons mener une lutte déterminée, à l’aide d’outils très puissants. Je vous remercie de vous rallier à cette approche.

M. le président Bruno Studer. Merci, monsieur le ministre.

 


—  1  —

II.   examen des articles

1.   Première réunion du lundi 2 mars 2020 (articles premier à 11) ([2])

M. le président Bruno Studer. La discussion générale du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ayant eu lieu mercredi dernier, nous abordons aujourd’hui l’examen des articles. Nous examinerons également pour avis les quelques amendements portant sur l’article unique du projet de loi organique.

Je souhaite la bienvenue à Monsieur le ministre de la culture qui nous accompagnera durant ces quelques jours.

Mes chers collègues, vous avez reçu jeudi soir le rapport de la rapporteure générale Aurore Bergé et des rapporteure Sophie Mette et Béatrice Piron. Comme le prévoit désormais le règlement de notre assemblée, il intègre les rapports pour avis des commissions des affaires économiques et des affaires étrangères.

Sur les 82 articles du projet de loi ordinaire, plus de 1 270 amendements ont été déposés, dont 24 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, pour création de charge, ou au titre de l’article 45. Cette proportion est très faible au regard de l’ampleur du texte.

Les articles 60, 61 et 64 ont fait l’objet d’une délégation au fond à la commission des affaires économiques. L’examen de ces articles par cette commission a eu lieu la semaine dernière et, comme vous en avez maintenant l’habitude, nous procéderons ici à une adoption formelle des amendements qu’elle a adoptée sur ces trois articles.

Les séances de la commission sont ouvertes jusqu’à vendredi soir, mais nous ne sommes pas obligés de prolonger nos échanges jusqu’à ce terme. Je souhaite à ce stade laisser toute la souplesse nécessaire à nos échanges pour permettre un débat approfondi, mais si cela s’avérait nécessaire, je réunirais le bureau de la commission pour préciser l’organisation de notre discussion, comme le prévoit l’article 86 alinéa 11 du Règlement.

titre Ier
développement et DIVERSITÉ DE LA CRÉATION ET DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Chapitre Ier
Modernisation du soutien à la création audiovisuelle et cinématographique

Section 1
Réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production dœuvres et extension aux services non établis en France

Article 1er
Modernisation de la contribution des éditeurs de services à la production dœuvres audiovisuelles et cinématographiques

La commission est saisie de lamendement AC238 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il est proposé de modifier l’alinéa 3 afin que la contribution de 25 % du chiffre d’affaires des éditeurs de services de télévision ou de services de médias audiovisuels soit effectivement répartie entre deux secteurs d’activité : le cinéma et l’audiovisuel. Il faut éviter que cette contribution n’aille uniquement à la production de séries, par exemple.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je suis également attachée à ce que le financement de la production soit partagé en deux couloirs distincts, l’un vers le cinéma, l’autre vers l’audiovisuel. Mais cette obligation figure à un autre alinéa de l’article : la première phrase de l’alinéa suivant indique clairement que la contribution est due à raison de chaque service édité, qu’il s’agisse d’un service de télévision ou d’un service de médias audiovisuels à la demande. Je propose le retrait.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC920 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Il s’agit également de garantir une séparation stricte des contributions à la production d’œuvres audiovisuelles d’une part, et à la production d’œuvres cinématographiques d’autre part.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette distinction est prévue à l’alinéa 9 de cet article. Je vous propose également le retrait de cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC300 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Il y a deux ans, le Gouvernement a décidé de cesser la diffusion de France Ô. Un groupe de travail interparlementaire a œuvré auprès du ministère de la culture et de celui des outre-mer pour définir les indicateurs permettant d’évaluer la transition vers les chaînes nationales.

Nous souhaitons consacrer dès l’article 1er l’obligation pour les éditeurs de promouvoir la production européenne dans toutes ses dimensions, notamment ultramarine. L’Europe ne se limite pas au continent, elle inclut une vingtaine des territoires d’outre-mer. Tout comme l’article précise que certaines œuvres visées doivent être d’expression originale française, nous demandons à y ajouter le caractère ultramarin.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous reviendrons régulièrement sur ces questions, notamment s’agissant des conséquences de la fermeture de France Ô. Les œuvres ultramarines font évidemment partie de l’ensemble des œuvres d’expression française, il n’est pas nécessaire d’introduire cette distinction. Votre amendement est satisfait par la rédaction actuelle, et je vous propose de le retirer.

Mme Maina Sage. J’accepte de retirer mon amendement, tout en observant que les œuvres européennes incluent évidemment les œuvres d’expression française, mais qu’il vous semble important de le préciser. Vous comprendrez donc l’intérêt de préciser que parmi les œuvres d’expression française, on trouve des œuvres issues des territoires d’outre-mer.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC703 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je propose de compléter l’alinéa 3 pour conforter le modèle de la production déléguée, par opposition au modèle de la production exécutive, afin de maintenir la propriété intellectuelle sur le territoire national.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Consacrer le rôle des producteurs délégués est un enjeu majeur, notamment dans le cadre des obligations imposées aux nouvelles plateformes. Dans un souci de cohérence rédactionnelle, nous avons prévu ces dispositions après l’alinéa 5, je vous propose donc de retirer cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC504 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Le caractère global de la définition de la contribution due pour les différents services d’un même éditeur introduit une opacité propice au contournement de l’obligation de contribution. Ainsi, l’acquittement d’une contribution élevée par une petite filiale d’un éditeur permettrait d’exonérer une filiale plus importante, à forte audience, du respect de ces mêmes règles. Nous souhaitons éviter ce type de contournements.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette possibilité existe déjà pour les œuvres audiovisuelles, et elle n’exonère personne des obligations qui lui incombent. Votre crainte d’un contournement n’est donc pas fondée. Je suis défavorable à cet amendement, car il faut laisser cette souplesse aux éditeurs dans le domaine cinématographique.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1023 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC1220 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il serait juste que nos chaînes thématiques dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros ne subissent pas les mêmes contraintes que d’autres types d’éditeurs.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je ne suis pas favorable à cet amendement. Il faut prévoir de la souplesse dans l’application des obligations de contribution à la production et ne pas figer un montant dans la loi. De plus, le montant retenu – 10 millions d’euros – risque de faire échapper à l’obligation un grand nombre de plateformes, voire de chaînes, ce que nous devons éviter dans un projet de loi dont l’objet est de faciliter le financement de la production française et européenne.

Mme Florence Provendier. Je suis favorable à l’amendement présenté par la rapporteure générale. J’ai été alertée par des chaînes de télévision dont le siège se situe dans ma circonscription et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros. Elles demandent une égalité de traitement avec les services audiovisuels à la demande.

La commission adopte lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC1355 de la rapporteure générale et AC884 de Mme Florence Provendier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1355 répond aux préoccupations exprimées par M. Gaultier au sujet des producteurs délégués.

Le projet de loi instaure des obligations nouvelles à la charge des plateformes en matière de contribution et de financement des œuvres, mais cela doit se faire en respectant les principes de notre législation. C’est notamment le cas s’agissant des producteurs délégués.

L’amendement a pour objet de définir de façon positive la notion de production déléguée et d’étendre l’impossibilité, pour un éditeur, d’être producteur délégué à l’ensemble des œuvres valorisées au titre de sa contribution au développement de la production. Il sera toujours possible, dans la part dépendante, de recourir à l’une de ses filiales de production pour assurer la production d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.

Cet amendement a été travaillé avec les chaînes et les producteurs indépendants, et je crois nécessaire d’inscrire dans la loi la définition du producteur délégué. Sinon, les obligations nouvelles risquent d’être contournées et nos producteurs pourraient devenir les sous-traitants des plateformes et perdre leur fonction essentielle de producteur délégué.

Mme Florence Provendier. Mon amendement AC884 va exactement dans le même sens. Le producteur délégué prend l’initiative et la responsabilité financière, artistique et technique de la réalisation de l’œuvre audiovisuelle ou cinématographique et en garantit la bonne fin. À l’inverse, un producteur exécutif n’est ni responsable, ni propriétaire de l’œuvre produite et applique les directives du commanditaire de l’œuvre.

La production exécutive est une pratique courante des plateformes de streaming. Or, dans notre modèle d’exception culturelle, le producteur joue un rôle central grâce à la liberté créative dont il bénéficie. Je propose de consacrer cette liberté et d’empêcher que les contributions versées par les acteurs étrangers bénéficient seulement à des œuvres pour lesquelles l’éditeur de service aura le « final cut ».

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis défavorable à ces deux amendements. Le projet renforce de manière très importante le droit d’auteur et permet d’assurer que le droit patrimonial et moral des auteurs est bien respecté. Le final cut n’est pas du ressort du producteur, mais du réalisateur, il entre donc dans le domaine du droit d’auteur. Et ce droit d’auteur est protégé par ce projet de loi, en production déléguée comme en production exécutive.

En revanche, les pouvoirs publics n’ont jamais défini la production dépendante. Nous devons nous assurer que la production indépendante est bien définie et protégée, c’est aux professionnels de définir la part dépendante, éventuellement dans le cadre d’accords.

Je vous invite à la prudence : nous avons décidé de renforcer certaines contraintes pour assurer le financement de la création française et européenne, en assurant le respect du droit d’auteur, et nous veillons à ce que la création indépendante bénéficie d’une part de cet investissement. Mais ne figeons pas trop le dispositif et ne poussons pas trop loin les exigences à l’égard des diffuseurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous ne souhaitons pas tout figer dans la loi, et ce projet propose d’ailleurs d’accroître le recours aux accords interprofessionnels. Mais notre rôle de législateur est de sécuriser les principes essentiels.

L’exemple des droits voisins dans le domaine de la presse démontre que des méthodes de contournement de droits essentiels reconnus par la loi peuvent être utilisées. Il faut éviter que ce projet ne subisse pas le même sort, et les risques de contournement par les plateformes sont très forts. C’est pourquoi le recours au producteur délégué doit être inscrit parmi les principes essentiels. Le producteur délégué fait la force et la différence de notre modèle et garantit la richesse de la création. Cette disposition doit figurer dans la loi, elle ne doit pas ressortir des accords interprofessionnels, car je crains que les négociations ne soient déséquilibrées.

Mme Frédérique Dumas. Je vais dans le sens du ministre : la production déléguée est certes très importante, et nous pouvons en donner une définition positive, mais la loi doit fixer quelques principes forts qui seront ensuite discutés lors de l’élaboration des décrets d’exécution ou les négociations des accords interprofessionnels.

D’ailleurs je ne comprends pas bien votre amendement et son exposé sommaire. Estimez-vous que, dans la partie dépendante, les éditeurs ne peuvent pas être producteurs délégués ? La rédaction n’est pas tout à fait claire. Il est important de protéger le producteur délégué mais il ne faut pas aller plus loin qu’une définition pour laisser la place à la négociation.

Par ailleurs, comme le dit le ministre, tout cela n’a aucun rapport avec le final cut, notion de droit américain dont je n’aime pas du tout l’utilisation systématique, d’ailleurs. Il n’existe pas de final cut en France, ni au profit de l’auteur, ni au profit du producteur, puisqu’il faut un commun accord, et c’est cette exigence qui donne un droit de dernier regard à l’auteur. Évitons donc d’utiliser cette notion de final cut.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement prévoit bien deux dispositifs distincts : en part indépendante, le diffuseur a une interdiction absolue d’être producteur délégué, avec ou sans filiale ; en part dépendante, cette interdiction est relative, la possibilité ne lui est ouverte que par l’intermédiaire d’une filiale. Cet amendement a été travaillé avec les chaînes afin de nous assurer que cette solution est possible. Je maintiens qu’il est important de fixer des principes pour parer au risque d’un contournement au cours des négociations interprofessionnelles.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la rapporteure générale vient d’affirmer que ces amendements ont été travaillés avec les chaînes. Je précise que ces dernières y sont toutes très défavorables.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de lamendement AC526 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. La loi doit fixer les grands principes, dont les critères seront ensuite définis par décret, voire par des accords interprofessionnels. Or la façon de procéder dans ce projet est assez angoissante, car toutes les catégories de service qui étaient définies par la loi sont supprimées, alors qu’elles fournissent un socle à la discussion. Pour que les organisations professionnelles, les éditeurs et les plateformes puissent trouver un accord, comme cela leur est demandé, ils ont besoin de cette base fondamentale. Si le besoin de simplification est réel, on ne peut pas tout simplifier : il existe des services diffusés par voie hertzienne terrestre, des chaînes payantes et les services de médias audiovisuels à la demande. Si ces catégories de service ne figurent pas dans la loi, elles devraient au moins être précisées dans le décret.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous entendez préciser que le décret devra prendre en compte a minima deux critères pour établir les catégories de service, et donc les obligations applicables à chacun d’eux : le caractère gratuit ou payant du service, et son caractère français ou étranger.

Je suis d’accord avec le premier critère, qui relève cependant du domaine réglementaire, selon moi. Le second me semble soulever un problème de constitutionnalité au regard du principe d’égalité et de conventionalité, car des services semblables allemands ou français seront traités de façon distincte alors qu’ils s’exercent tous deux dans l’Union européenne. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Il serait bon de reconnaître au moins la nécessité de maintenir des catégories de service. Puisque le projet de loi prévoit que les obligations seront déterminées en fonction des catégories de service, il faut bien définir celles-ci à un moment. Le décret me paraît adapté.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC1221 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La répartition de la contribution entre les œuvres audiovisuelles et cinématographiques ne doit pas tenir compte uniquement des données liées à la consommation de ces œuvres, c’est‑à‑dire le visionnage. Évidemment, les modalités devront être fixées par décret, mais il faut s’assurer que ce critère ne sera pas le seul retenu.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Nous sommes d’accord sur le fond, mais cela relève du pouvoir réglementaire.

La commission adopte lamendement.

Elle examine, en discussion commune, lamendement AC1231 de la rapporteure générale et les amendements identiques AC825 de M. Jean-Jacques Gaultier et AC886 de Mme Florence Provendier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Par l’amendement AC1231, il est proposé de ne pas permettre la valorisation au titre de l’obligation de contribution au développement de la production des droits acquis pour des territoires étrangers, à l’exception des territoires francophones, lorsque l’exploitation n’est pas exclusive.

Il s’agit encore d’assurer que les règles que nous édictons sont suffisamment solides et robustes pour éviter tout contournement. Les plateformes ne doivent pas uniquement contribuer sur des droits acquis pour le reste du monde. Nous prévoyons une exception concernant les territoires francophones pour ne pas défavoriser nos diffuseurs.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il faut préserver la souplesse de négociation et ne pas exclure par principe la comptabilisation des droits étrangers. Cela permet à certaines productions de rayonner à l’étranger, ce qui peut être une bonne chose. Les droits à l’étranger ne doivent certes pas représenter la totalité des obligations du diffuseur et un équilibre doit être trouvé, mais exclure par principe cette comptabilisation pourrait être préjudiciable à la bonne diffusion des contenus français dans le monde.

Mme Frédérique Dumas. Je suis défavorable à cet amendement pour des raisons différentes du ministre. Canal+ ou TF1 achètent des droits de diffusion à létranger, notamment des minimums garantis. Ils concourent ainsi au développement des œuvres à létranger, mais ce nest pas pris en compte dans leur contribution.

Pour ma part, je suis défavorable à cet amendement, car tout n’a pas vocation à figurer dans la loi. L’existence de modèles différents rend nécessaire d’inventer des solutions nouvelles. Le modèle des plateformes n’est pas celui des acteurs historiques et nous ne pouvons pas prévoir dans la loi des obligations qui vont à son encontre. Cette question doit être traitée dans le cadre des discussions interprofessionnelles.

M. Jean-Jacques Gaultier. Par l’amendement AC825, je propose également de préciser que les dépenses éligibles le sont au titre de l’exploitation de l’œuvre en France, pour éviter les distorsions entre éditeurs français et éditeurs mondiaux qui pourraient valoriser leurs droits à l’extérieur du territoire national.

Mme Florence Provendier. Il faut nous assurer que la contribution des plateformes étrangères sera comptabilisée comme investissement pour le développement de la création française lorsque celle-ci porte directement sur des investissements réalisés en France. Il existe un risque que les plateformes ne jouent pas le jeu et remplissent leurs obligations de financement seulement par l’acquisition des droits pour une exploitation mondiale. Il est donc fondamental d’encadrer ces principes, tel est le sens de l’amendement identique AC886.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ma proposition préserve la possibilité de comptabiliser les droits pour les territoires francophones, ce qui me paraît utile et pertinent. Nous poursuivons le même objectif, mais mon amendement permet de faire une différence entre plateformes et diffuseurs, je vous propose de retirer les vôtres au profit de l’amendement AC1231.

Lamendement AC825 est retiré.

Mme Céline Calvez. Plutôt que d’exclure les droits pour l’étranger, ne pourrait-on les limiter, et définir un seuil maximal ? Les exclure totalement, n’est‑ce pas aller trop loin ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le dispositif risquerait d’être facilement détourné de son objet par les acteurs internationaux qui vont acquérir les droits des œuvres pour le monde entier. Ce n’est pas le modèle que nous souhaitons défendre.

Lamendement AC886 est retiré.

La commission adopte lamendement AC1231.

Elle passe à lamendement AC1222 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Une liste des dépenses effectuées dans notre pays pouvant être prises en compte est prévue dans cet article. Je propose d’y ajouter celles qui bénéficient aux établissements d’enseignement supérieur de l’audiovisuel et du cinéma. Ces contributions sont très importantes dans nos territoires, notamment ultramarins. Cette petite modification permettrait d’élargir l’assiette retenue pour y intégrer le soutien à nos écoles.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC400 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. L’article 1er dispose que les engagements d’investissements des éditeurs de services devront porter tant sur les œuvres cinématographiques qu’audiovisuelles, en fonction de la nature de leur programmation. Or la distinction entre œuvres cinématographiques et audiovisuelles ne ressort pas avec évidence de la rédaction.

Il convient d’écarter définitivement les ambiguïtés au regard des pratiques que pourraient adopter les plateformes, et des tentations de mutualisation des obligations qui existent chez certains opérateurs afin de diminuer leur financement au cinéma français. Dans le contexte de baisse des investissements dans les productions françaises, il importe de bien rappeler que les obligations de soutien au développement de la production s’appliquent respectivement au couloir du cinéma et au couloir de l’audiovisuel.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. De nombreux amendements portent sur ce sujet. Il est en effet important de consacrer les deux couloirs, cinéma et audiovisuel. Je retire mon amendement immédiatement suivant, AC1223, pour me rallier au vôtre, madame Kuster.

La commission adopte lamendement.

Lamendement AC1223 de la rapporteure générale est retiré et les amendements identiques AC268 de Mme Frédérique Dumas, AC856 de Mme Danielle Brulebois, AC921 de Mme Sylvie Tolmont, ainsi que lamendement AC301 de Mme Maina Sage tombent.

La commission est saisie de lamendement AC1224 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit de préciser la part minimale de la contribution qui doit être consacrée à la production d’œuvres d’expression originale française. Nous proposons que cette part soit fixée par décret, mais ce critère doit être très important, afin que la contribution porte bien sur des œuvres originales, dont des œuvres d’expression originale française.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC1225 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous proposons de prévoir des obligations minimales en matière de diversité des œuvres valorisées au titre de la contribution. La diversité peut être jugée selon différents critères : les premiers films, ceux qui sont réalisés par des femmes ou qui sont issus de territoires ultramarins. Certes, c’est au décret qu’il revient de définir précisément ces critères, mais il est important d’arrêter le principe de la prise en compte de la diversité.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Avis défavorable. J’ai été député douze ans et je comprends le souhait de faire figurer le plus de détails possible dans la loi. Je ne suis pas intervenu sur un certain nombre d’amendements présentés par la rapporteure générale auxquels j’étais défavorable mais l’accumulation des dispositions que vous insérez dans le projet de loi risque d’en compromettre l’un des objectifs principaux : renforcer la souplesse des négociations entre professionnels, en lien avec le régulateur.

Cet amendement n’est pas du niveau de la loi, il est de nature réglementaire. Il en va de même de l’amendement sur la répartition des engagements entre les œuvres cinématographiques et les œuvres audiovisuelles. Il faut simplement fixer un minimum pour les œuvres cinématographiques. Des dispositions trop précises vont figer les négociations, alors que nous souhaitons permettre davantage d’accords professionnels.

Mme Frédérique Dumas. Pour aller dans le même sens que le ministre, on ne peut pas parler de régulation souple et vouloir tout mettre dans la loi. Du reste, l’alinéa 10 définit déjà précisément les genres concernés : l’animation, le documentaire de création, les œuvres de fiction. Je ne vois pas très bien ce que les niveaux de budget et de réalisation – je ne comprends même pas ce que cela signifie – feraient dans la loi. Je suis, moi aussi, défavorable à l’amendement.

Mme Maina Sage. Je partage ce point de vue, même si je comprends le noble objectif poursuivi par Mme la rapporteure générale de mettre en avant de la diversité.

L’alinéa 10 précise le type de production, en reprenant la classification habituelle, que l’on trouve partout, y compris en outre-mer, dans les fonds d’aide à la création, entre œuvres de fiction, œuvres d’animation et documentaires, sans entrer dans le détail du contenu. Le texte distingue le flux, le documentaire et les magazines. Si l’on commence à introduire un critère touchant au fond du sujet, il faudrait tout traiter.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. C’est précisément pour les raisons que vous venez de mentionner que je ne définis pas précisément la diversité. Les clauses particulières relèveraient du décret et, surtout, de l’accord professionnel. Il me paraît néanmoins essentiel de prévoir dans la loi la prise en compte de la diversité dans la définition des obligations, sans quoi je crains que, lors de la négociation, certains préfèrent s’en abstraire, en se concentrant, par exemple, sur un genre audiovisuel ou cinématographique. Bien évidemment, toute la liberté doit être laissée aux accords pour définir la diversité.

Mme Frédérique Dumas. Comme à Maina Sage, il ne me semble pas nécessaire d’introduire cette disposition dans la loi. Surtout, l’amendement n’évoque pas seulement la diversité en matière de genre mais aussi « de niveau de budget » et « de réalisation », ce dernier critère touchant au contenu artistique. Soit cela signifie quelque chose, et il faut le détailler mais pas le faire figurer dans la loi ; soit ce mot de « réalisation » ne veut pas dire grand-chose dans la loi.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’exposé sommaire ne vise qu’à donner des exemples de critères concernant la réalisation. En effet, la loi n’a pas à définir les critères précis de la diversité. L’amendement propose d’en introduire le principe, sans lequel le risque serait grand que celle-ci ne soit pas présente dans les obligations de financement pesant notamment sur les plateformes. Or nous voulons cette diversité culturelle.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC401 de Mme Brigitte Kuster et AC516 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Brigitte Kuster. Le projet de loi renvoie essentiellement au décret la définition des relations entre les plateformes, les diffuseurs et la production indépendante. Pourtant, dans un contexte de très fort développement des plateformes, la loi doit fixer certains grands principes pour encadrer le pouvoir réglementaire. De plus, au regard des difficultés auxquelles se heurtent les négociations entre les diffuseurs et les producteurs concernant la conclusion d’accords professionnels, il serait illusoire de penser que les premiers seront plus favorables à la production indépendante alors qu’ils bénéficieront de conditions réglementaires plus avantageuses.

Définir le caractère indépendant de la production ne suffit pas à répondre aux enjeux de la filière. Le décret pourrait ainsi faire passer la part des producteurs indépendants dans la contribution à la production globale de 80 % à 50 %. Aussi s’agit-il, par l’amendement AC401, de garantir qu’au moins la moitié de cette contribution reviendra toujours à la production indépendante. Cela assurerait un équilibre dans les négociations professionnelles et inciterait véritablement les diffuseurs et les plateformes à négocier.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement AC516 vise le même objectif : garantir l’affectation d’au moins la moitié du financement de la création audiovisuelle à la production indépendante, afin de mieux lutter contre la fuite de la propriété intellectuelle française.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette précision me paraît, en effet, extrêmement utile pour garantir notre modèle. La rédaction de Mme Kuster me semble plus adaptée.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Les arguments de Mme Kuster s’apparentent à ceux que j’ai avancés en présentant le décret, lorsqu’on a demandé aux professionnels de négocier. Toutefois, si vous inscrivez ce pourcentage dans la loi, vous n’aurez plus la possibilité, à l’avenir, de faire évoluer ces équilibres, que ce soit par application d’accords conclus entre les professionnels ou par le fait d’un décret. S’il faut repasser par la loi pour adapter le cadre des négociations entre producteurs et diffuseurs, on risque de figer complètement le système.

Mesdames, messieurs les députés, j’insiste à nouveau, un des objectifs de la loi est de moderniser le cadre du financement de l’audiovisuel et du cinéma, à la fois en intégrant les acteurs d’internet au financement des productions françaises et européennes, et en donnant de la souplesse qui permette d’adapter le financement à l’évolution de l’environnement, par la voie réglementaire et, surtout, par le biais des accords interprofessionnels, en lien avec le régulateur et les conventions. En introduisant ce type de dispositions dans la loi, vous iriez complètement à l’inverse de ce que nous essayons de faire.

Mme Frédérique Dumas. Il a été dit que le projet de loi a été élaboré avec la volonté de simplifier. Dune part, ce nest pas le cas de toutes ses dispositions – en particulier, le titre III complexifie les règles tout en conférant des pouvoirs limités à lARCOM. Dautre part, vous semblez entendre y intégrer des dispositions qui ne figuraient pas dans la loi de 1986, que lon disait trop compliquée. On a du mal à discerner lobjectif du texte, que la majorité elle-même semble peiner à définir.

M. Raphaël Gérard. Je trouve notre débat un peu décalé. Nous examinons un texte censé adapter notre système audiovisuel à l’environnement mondialisé du XXIe siècle, qui se caractérise par une concurrence d’une nature nouvelle, mais en essayant de le faire rentrer dans une grille de lecture très franco-française, qui passe par la loi et rien que la loi. Or, comme le ministre le disait, on a besoin de souplesse, de laisser de la place au contrat, aux discussions, aux accords, à l’image du modèle américain qui encadre les grands acteurs menaçant notre écosystème. Si on ne joue pas avec un minimum de règles qu’ils comprennent et qu’ils pratiquent depuis de nombreuses années, on risque de mettre notre système en péril.

M. Bruno Fuchs. L’univers économique est extrêmement mobile. Des acteurs apparaissent tous les deux ou trois ans. Netflix n’existait pas il y a une dizaine d’années. On a besoin de souplesse, d’adaptabilité. Ce qui est décidé aujourd’hui ne sera plus pertinent dans trois, quatre ou cinq ans. On doit se donner des marges de manœuvre, sans figer les choses par des quotas.

Mme Brigitte Kuster. Certaines règles doivent néanmoins être fixées noir sur blanc, que ce soit par la voie réglementaire ou législative. Chacun s’accorde sur le fait que le monde du cinéma et de l’audiovisuel est en constante évolution. Il nous faut défendre, en son sein, les producteurs indépendants et leur donner toute leur place, car ils sont les plus menacés.

M. Bertrand Pancher. Je m’étonne que vous ne cherchiez qu’à renforcer les contraintes. Je croyais que l’article 1er, en particulier, traduisait la grande confiance qu’on accorde à la négociation entre les professionnels – évidemment sous l’œil de l’État. Il me paraît très regrettable qu’on ajoute toutes ces obligations qui conduiront à revenir, d’une façon ou d’une autre, sur les possibilités offertes.

M. Michel Larive. J’ai vu passer plusieurs amendements que nous aurions peut-être pu déposer nous-mêmes. Je soutiens celui-ci, qui vise à défendre la production indépendante. Il faut inscrire cette disposition dans la loi et non dans le décret. En effet, des contrats, des conventions seront conclus avec des sociétés extrêmement puissantes : le rapport de forces sera évidemment défavorable aux indépendants, surtout dans leur relation avec les grandes plateformes.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il ne s’agit pas d’imposer de nouvelles contraintes aux acteurs historiques, traditionnels, qui ont joué, jusqu’ici, le jeu de la production indépendante à hauteur de 70 % ou de 80 % : ceux-ci ne rencontreront aucun problème. Ces règles visent les nouveaux acteurs mondialisés qui suivent un modèle de production exécutive, beaucoup plus problématique au regard de la protection de la création audiovisuelle française.

Mme Brigitte Kuster. L’exposé sommaire de mon amendement comporte plusieurs exemples, mais la modification proposée ne vise qu’à instituer une part minimale de financement affectée à la production indépendante.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Que ce sujet donne lieu à une alliance allant de La France insoumise aux Républicains démontre l’utilité du débat et la nécessité d’inscrire certains principes. Monsieur Pancher, j’ai moi-même recommandé qu’on accorde plus de place aux accords professionnels. L’idée n’est pas de dire que la loi doit être partout et que tous les principes doivent être figés. Il s’agit, face à l’arrivée de nouveaux entrants, de réaffirmer des principes dans la loi. Si nous ne le faisions pas, nous prendrions le risque que ces derniers soient facilement contournés.

Il me semble que l’amendement de Brigitte Kuster, qui vise à fixer la part minimale de la contribution dédiée à la production indépendante à 50 %, est nécessaire. Cela n’imposerait pas une contrainte nouvelle à nos diffuseurs, qui non seulement remplissent déjà tous cette obligation, mais vont au-delà. Il s’agit de soumettre les nouvelles plateformes à des obligations de financement dans le cadre des valeurs que nous défendons. Si nous ne soutenions pas la production indépendante dans la loi, cela compromettrait l’équilibre général du texte.

Mme Frédérique Dumas. Jai été très longtemps productrice indépendante. Je voudrais quon comprenne quun producteur indépendant ne peut vivre que si des gens le financent. Il faut trouver un équilibre entre des diffuseurs, des éditeurs et des producteurs. Aucun producteur indépendant ne peut survivre seul. Il faut prévoir dans la loi laffectation dun pourcentage minimal de financement à ce type de production ; en revanche, la détermination précise du pourcentage doit continuer à être fixée par le règlement. On ne doit pas ajouter dans la loi des précisions qui ny figuraient pas.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine lamendement AC402 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. Dans un contexte de très fort développement des plateformes, la loi doit fixer certains grands principes pour encadrer le pouvoir réglementaire. Il s’agit, par cet amendement, d’éviter que les œuvres financées minoritairement par les éditeurs de services puissent passer dans la part dépendante.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Avis défavorable, car cet amendement introduirait un encadrement excessif de la négociation.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC983 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. En aspirant à renforcer la souveraineté culturelle de la France, le projet de loi vise aussi à harmoniser nos pratiques et nos législations à l’échelle européenne. L’amendement vise à simplifier les conditions dans lesquelles une œuvre audiovisuelle ou cinématographique peut être prise en compte au titre de la contribution d’un éditeur de services à la production indépendante, en ne retenant, comme c’est le cas dans un grand nombre de pays européens, que le seul critère du capital.

Le texte institue une asymétrie entre les géants du numérique et les acteurs français, dans le cadre d’une concurrence équitable. Qu’en est-il du critère de l’étendue des droits cédés et des mandats possiblement détenus ? La durée des droits étant généralement trop courte, ce critère empêche nos éditeurs de proposer en catalogue des séries qu’ils ont eux‑mêmes largement contribué à financer. Je souhaite revenir à un critère très simple de définition du producteur indépendant, qui est appliqué dans un grand nombre de pays européens.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble difficile d’enlever de la loi les critères d’indépendance de la production autres que le capital. Ce ne serait pas cohérent avec le dispositif présenté, qui a été en partie amendé.

Mme Frédérique Dumas. Dans ce domaine, tout est affaire d’équilibre. En adoptant votre amendement, on ferait pencher la balance dans un sens opposé à ce qu’il est actuellement. Madame la rapporteure générale, vous aviez rédigé un rapport d’information dans lequel vous disiez l’exact inverse de ce que vous affirmez aujourd’hui. J’avais dû défendre les producteurs à une époque où ils étaient mis en cause. On semble à présent tomber dans l’excès inverse. La notion de dépendance est liée au capital mais aussi à des droits d’une autre nature. Il est donc nécessaire de conserver les principes énoncés dans la loi, pour ensuite les adapter.

La commission rejette lamendement.

Lamendement AC1356 de la rapporteure générale est retiré.

La commission en vient à lamendement AC1226 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement touche à un sujet qui est au cœur de la production indépendante. Il vise à inclure explicitement les mandats de commercialisation dans les critères susceptibles d’être pris en considération dans le décret. L’article 1er mentionne les droits d’exploitation cédés par la production et acquis par le diffuseur, mais non les mandats de commercialisation. Ceux-ci consistent, pour le producteur, à conférer à un tiers le droit de gérer la commercialisation d’une œuvre en contrepartie d’une rémunération. Ces mandats constituent un enjeu majeur. Il me paraît essentiel de les inscrire dans la loi, dans la définition de la production indépendante.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis favorable à lamendement, qui apporte une précision utile.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure générale, vous aviez écrit exactement l’inverse dans votre rapport, où vous jugiez qu’il ne fallait pas prendre en considération les mandats de commercialisation. En l’occurrence, la définition des droits inclut ces mandats, mais rien n’empêche, effectivement, de les mentionner.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC201 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit de ne pas oublier, dans les conditions déterminant la contribution à la production indépendante, certaines catégories d’auteurs, notamment les compositeurs de musique, les auteurs de doublages et de sous-titrages.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends le sens de votre amendement, mais l’alinéa auquel vous faites référence a trait aux droits cédés par le producteur au diffuseur. Le problème que vous soulevez me semble plutôt concerner les relations entre le producteur et l’auteur de la musique originale et n’a que peu à voir avec la définition de la production indépendante. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement.

Lamendement est retiré.

Sur la demande de la rapporteure générale, lamendement AC202 de M. JeanJacques Gaultier est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC505 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Les alinéas 18, 19 et 20 laissent à penser que des accords interprofessionnels et des conventions entre l’ARCOM et les éditeurs pourraient être conclus pour adapter les règles de contribution des éditeurs de services au développement de la production, notamment indépendante, des œuvres européennes et françaises. Pour nous, il est inimaginable que des règles collectives puissent dépendre de rapports de force entre les acteurs auxquels elles s’appliquent et s’adapter en conséquence. Les négociations pouvant déboucher sur des accords interprofessionnels sont susceptibles d’engendrer des bras de fer entre une organisation professionnelle et des éditeurs. Il en découlerait une loi du plus fort, un manque de transparence et d’accès aux informations. Face à de tels risques, l’homologation des négociations par le ministre de la culture n’est certainement pas une garantie suffisante pour s’assurer de l’égalité entre les parties prenantes. Par cet amendement, nous souhaitons que les modalités de contribution soient identiques pour tous les éditeurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous allez au-delà de ce que j’aurais souhaité introduire dans la loi, puisque vous entendez supprimer la possibilité d’adapter, au moyen d’accords professionnels, les règles fixées par le décret. Même pour moi, cela va un peu trop loin : avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Tout à l’heure, je disais qu’il fallait reconnaître les catégories de services. Pour votre part, vous allez très loin, en considérant que tous les services sont les mêmes, qu’ils soient gratuits ou payants : cela reflète une certaine vision du monde.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1148 de la rapporteure générale.

Elle en vient à lamendement AC881 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. On peut se réjouir que larticle 1er reconnaisse la place des auteurs dans les négociations interprofessionnelles. Cependant, jaimerais quon précise que les organismes représentant les auteurs des œuvres cinématographiques et audiovisuelles participent seuls à ces discussions. Je souhaite également quon garantisse la place des organismes de gestion collective (OGC) dans les négociations.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble que le décret devant déterminer les sujets sur lesquels les auteurs et les organismes de gestion collective pourront intervenir, cela circonscrira la négociation sans qu’il soit besoin d’apporter la précision que vous suggérez. Cette disposition ferait courir le risque, signalé par certains OGC, d’exclure d’emblée des organisations qui ne représentent pas uniquement les auteurs concernés. Or l’un des acquis essentiels du texte est de permettre aux auteurs d’être parties prenantes de la négociation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je ne vois pas d’inconvénient à l’adoption de l’amendement, qui a du sens. J’ajoute, pour répondre à votre interrogation, que, bien évidemment, les OGC seront parties prenantes des négociations.

Mme Céline Calvez. Je retire l’amendement, quitte à le redéposer si cela se révélait nécessaire.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC191 de M. Jean-Jacques Gaultier et AC254 de Mme Virginie Duby-Muller.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement AC191 a pour objet d’apporter de la clarté dans les accords entre producteurs, diffuseurs et auteurs, et de rendre explicite la coexistence de deux types d’accords : d’une part, ceux conclus entre éditeurs et producteurs sur le financement de la production ; d’autre part, les accords séparés entre éditeurs, producteurs et auteurs sur les parties qui concernent ces derniers. Il semble que le projet de décret ait apporté des précisions sur le périmètre de discussion des sujets auxquels les auteurs devraient être associés. Je serais prêt à retirer l’amendement si j’obtenais des précisions sur le projet de décret.

Mme Virginie Duby-Muller. Je partage les arguments de M. Gaultier. L’amendement AC254, qui est conforme à la lecture que fait le Conseil d’État de cette disposition, vise à clarifier la rédaction du texte.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je laisserai M. le ministre répondre sur le projet de décret. Il me semble qu’il y a eu une avancée entre l’avant-projet de loi et le texte en discussion. L’avis du Conseil d’État est clair : l’accord des auteurs peut être recherché mais son absence ne saurait empêcher la conclusion des accords. À mon sens, ces amendements sont satisfaits.

M. Franck Riester, ministre de la culture. J’insiste sur le fait que l’accord des auteurs ne portera que sur la partie des accords les concernant.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de lamendement AC273 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Le ministre pourra homologuer des accords interprofessionnels conclus après la signature du décret-cadre. J’observe que tout cela est censé s’inscrire dans une certaine chronologie : l’adoption de la loi sera suivie de la publication du décret-cadre puis de la conclusion d’éventuels accords qui modifieraient des règles qui ne paraîtraient plus adaptées. Or on a l’impression que tout se passe en même temps, puisqu’on demande actuellement aux acteurs de négocier les accords interprofessionnels. Cela étant, les équilibres sont difficiles à définir, car ils ont une composante économique et parce que des légitimités également respectables peuvent s’affronter. Je pense que l’ARCOM aura un rôle essentiel à jouer pour assurer les équilibres. Son avis est indispensable, ne serait-ce que pour éclairer le ministre avant la décision éventuelle d’homologation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je laisse le ministre dire s’il a besoin d’être éclairé… Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que l’ARCOM soit tenue de donner un avis au stade de l’homologation, car cela la rendrait juge et partie. Ce serait problématique, surtout si elle rend un avis défavorable sur un accord qu’elle devra ensuite annexer aux conventions, parce qu’il aura été homologué. Avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Même avis.

Mme Frédérique Dumas. Je n’ai pas compris la démonstration. Le projet de loi ne confère pas beaucoup de prérogatives à l’ARCOM. Elle n’aura pas à émettre d’avis sur les accords interprofessionnels, dont elle devra simplement tenir compte. Elle est pourtant l’institution la plus adaptée pour juger de l’équilibre, non seulement au sein d’une filière, qui regroupe différents types d’acteurs, mais aussi entre les filières. Je ne dis pas que le ministre n’est pas capable de juger de l’équilibre d’un accord, mais il ne dispose pas nécessairement de tous les moyens pour l’apprécier. L’ARCOM, qui ne sera aucunement juge et partie, pourrait l’éclairer.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Si le ministre souhaite, à l’avenir, solliciter l’avis de l’ARCOM, rien ne l’en empêchera, il n’est pas nécessaire de rendre cette procédure obligatoire dans la loi. Par ailleurs, une partie des accords seront intégrés dans les conventions. Il y aura un échange permanent entre les professionnels et l’ARCOM, qui ne sera pas obligée d’accepter les dispositions des accords professionnels. Ceux-ci seront le fruit d’une discussion. L’autorité de régulation n’entérinera les dispositions que si elle estime qu’elles peuvent être incluses dans la convention. Cela résultera d’échanges permanents, les professionnels n’imposeront pas leurs décisions. Des discussions auront lieu avec l’autorité de régulation, avant une homologation de l’État pour éviter des abus ou des positions déséquilibrées, au détriment des acteurs les plus faibles.

Mme Frédérique Dumas. Nous avons un désaccord de fond sur ce point, car je pense que l’avis de l’ARCOM est nécessaire, cette autorité étant garante de l’équilibre. Par ailleurs, vous dites qu’elle pourra faire à peu près ce qu’elle veut par la suite. Je me demande comment elle pourra contester un accord interprofessionnel homologué par le ministre. On ne lui donne pas les attributions qu’elle devrait détenir pour vérifier l’équilibre des accords.

M. Franck Riester, ministre de la culture. L’homologation par l’État ne figurera pas dans la convention signée avec l’ARCOM.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie des amendements identiques AC485 de la rapporteure générale et AC885 de Mme Florence Provendier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC485 est important à mes yeux, car il vise à mettre en œuvre le principe de la neutralité technologique. Dans notre pays, nous sommes extrêmement attachés à la fenêtre d’exposition des œuvres en salle, qui doit être garantie, mais la question se pose plus généralement de leur accessibilité au public. Ainsi, Jai perdu mon corps, film d’animation qui vient d’obtenir deux Césars, n’a pas été financé par des diffuseurs français mais par Netflix et n’est pas disponible sur cette plateforme en France. Il est difficilement compréhensible pour nos compatriotes qu’un film français, primé, ne soit pas disponible. Cela met en question la modernité de notre législation.

Nous avons besoin d’anticiper l’écosystème de demain, d’imaginer quels seront les nouveaux acteurs et ceux qui auront disparu – on voit à quel point cela va vite. Le principe de neutralité technologique a des incidences essentielles en termes d’accès aux œuvres, de disponibilité des œuvres, de modernité de la loi. La projection dans les salles, qui constituent un maillage exceptionnel, doit être sanctuarisée. Aussi proposé-je d’introduire, à l’alinéa 18, un mécanisme selon lequel plus vous financez les œuvres, dans le respect de certains critères, plus tôt vous pouvez les exposer sur vos plateformes.

Mme Florence Provendier. Il importe dassurer léquité dans les relations contractuelles. Lenvironnement actuel est fortement concurrentiel et est marqué par larrivée de nouveaux entrants, dotés dun pouvoir financier considérable. Il nous semble fondamental que les dispositions prises garantissent une véritable équité.

Mme Frédérique Dumas. Si vous voulez vraiment des accords équitables et non discriminatoires, il est encore plus essentiel davoir lavis de lARCOM. Que vous ayez besoin de préciser ce que veut dire équilibré est bien le signe quil nous faut au minimum lavis dune autorité indépendante, qui connaît lensemble des acteurs.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je ne suis pas certain de bien comprendre qui est concerné par les conditions que pose la rapporteure générale dans son amendement.

Il s’agit ici de vérifier que l’accord entre les signataires est équilibré, et non d’évaluer les rapports entre plateformes et diffuseurs. Je le dis car vous avez parlé de neutralité technologique, ce qui n’a rien à voir avec ce qui nous occupe.

Préciser que les accords doivent être équitables et non discriminatoires risque de ligoter le Gouvernement lorsqu’il lui faudra homologuer ces accords.

Mme Maina Sage. J’ose espérer que la notion d’équilibre englobe la notion d’équité et de non-discrimination. C’est évidemment toujours mieux en le disant, et je trouve donc que l’amendement de la rapporteure générale est un bon amendement. Néanmoins, je doute que cela règle les cas comme celui de ce film d’animation primé aux Césars que vous avez évoqué. Disons qu’il s’agit d’un début.

M. Michel Larive. Avec cet amendement, vous reconnaissez les rapports de force qui existent entre, d’un côté, les éditeurs de services, extrêmement puissants, et, de l’autre, les producteurs et les auteurs. Cela étant, la solution que vous proposez n’est absolument pas satisfaisante : ce n’est pas en rajoutant les mots « équitable » ou « non discriminatoire » – et, a fortiori, équilibré – que le rapport de force cesse d’être ce qu’il est. Cet amendement doit donc être précisé car, en l’état, il n’est pas à la mesure du problème ; il faut aller plus loin.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. C’est un début !

Je tiens à préciser au ministre que nous parlons bien de la même chose : si deux diffuseurs d’importance égale proposent à des producteurs le même accord, aux mêmes conditions, il n’y a pas de raison que l’un d’entre eux soit discriminé par rapport à l’autre, uniquement sur le fondement de son mode de diffusion.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Dans ces conditions, je suis très fermement opposé à cet amendement, qui est en totale contradiction avec les règles qui régissent les accords signés par les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma, lesquels peuvent différer en fonction de l’éditeur et du diffuseur. Il me paraît important de préserver cette souplesse.

Mme Florence Provendier. Je pense que se référer à des accords équilibrés n’est pas assez précis, mais j’entends ce que vous dites, monsieur le ministre : quelle serait donc votre proposition ?

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ma rédaction me paraît satisfaisante, mais je suis ouvert à ce que, d’ici à la séance, nous retravaillions si vous souhaitez que l’on précise et que l’on encadre davantage les conditions de négociation. Mais ces amendements figeraient les négociations entre les professionnels et les différents diffuseurs.

Mme Frédérique Dumas. Ce projet de loi n’est pas nécessairement le bon niveau pour préciser les choses. L’équilibre entre les acteurs de la filière dont nous parlons ici est un équilibre intrinsèque au système, et je redis qu’il serait préférable d’en référer à l’ARCOM pour le garantir.

Mme Florence Provendier. Je vais retirer mon amendement pour nous donner le temps de la réflexion, mais je pense qu’il faut aller plus loin que ce que propose le texte.

Lamendement AC885 est retiré.

La commission adopte lamendement AC485.

Elle en vient à lamendement AC1227 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Tel quil est rédigé, larticle 1er permet à « une ou plusieurs organisations » de signer des accords. En lespèce, le singulier simpose car, dans le secteur de lanimation, par exemple, il ny a quun seul syndicat, le Syndicat des producteurs de films danimation (SPFA). Cependant, si une nouvelle organisation venait à voir le jour, dans tel ou tel secteur, comment garantir quelle serait à elle seule assez représentative pour signer des accords ?

Nous avons donc souhaité sécuriser les accords en subordonnant leur homologation par le ministre à l’évaluation de la représentativité des signataires, afin d’éviter le contournement des possibilités de négociations proposées par la loi.

M. Michel Larive. Cet amendement va dans le bon sens, mais peut-être aurait-il été judicieux d’ajouter dans le projet de loi que les organisations professionnelles de l’industrie cinématographique et audiovisuelle doivent être représentatives.

Mme Frédérique Dumas. Les négociations interprofessionnelles sont déjà un exercice compliqué, mais si on se lance dans une guerre de la représentativité, on risque de pas de signer d’accord…

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je rejoins Mme Dumas et appelle à la vigilance sur ces questions de représentativité, qui sont d’une complexité folle dans les domaines de l’audiovisuel et du cinéma. Je ne disconviens cependant pas du fait qu’il y ait un problème sur ce point, et je propose donc le retrait de cet amendement pour que nous prenions le temps d’en rediscuter.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1149 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC203 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il sagit, à côté des auteurs, de prendre également en compte les compositeurs, pour lutter contre les pratiques, assez courantes, dédition coercitive des musiques originales insérées dans les programmes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends évidemment l’objet de votre amendement. Toutefois, sont bien présumés, selon moi, co-auteurs d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration, l’auteur du scénario, l’auteur de l’adaptation, l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales et le réalisateur. Votre amendement est donc satisfait, et j’en demande le retrait.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune les amendements AC371 de Mme Frédérique Dumas et AC403 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Frédérique Dumas. Je continue de creuser mon sillon et souhaiterais donner davantage de pouvoirs à l’ARCOM, pour qu’elle puisse être garante de ces équilibres dont nos débats ne vont faire que mettre au jour la complexité.

Mme Brigitte Kuster. Il s’agit, en effet, de donner plus de pouvoirs à la future ARCOM, ainsi que le préconise d’ailleurs le CSA, pour permettre notamment aux chaînes thématiques de s’adapter, compte tenu de leurs particularités.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Rassurez-vous, madame Dumas, j’ai bien compris la complexité des équilibres du système. Néanmoins, votre amendement me semble satisfait puisqu’il appartiendra à l’ARCOM d’appliquer les dispositions du décret en l’absence d’accord.

La première phrase de l’alinéa 20 explicite clairement que « les conventions précisent les modalités de la contribution au développement de la production ». Je suggère donc le retrait de ces deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1150 de la rapporteure générale.

Elle examine lamendement AC204 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit toujours de lutter contre les pratiques d’édition coercitive des musiques originales et de protéger les compositeurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble quil nappartient pas à léditeur de se pencher sur ces contrats. En revanche, il serait peut-être plus pertinent dopérer le même ajout à larticle 7, qui concerne les aides du CNC perçues par les producteurs. Je vous propose dy retravailler ensemble dici à la séance.

Lamendement AC204 est retiré.

La commission discute de lamendement AC1228 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le dispositif de déqualification d’une œuvre, tel qu’il est proposé, vise à sanctionner le diffuseur, en ne permettant pas la prise en compte de ses dépenses déjà consenties au titre de son obligation de contribution, lorsque son producteur n’a pas respecté le droit d’auteur. Or les diffuseurs ne sont pas destinataires des contrats qui sont conclus entre les producteurs et les auteurs ; la sanction me semble donc disproportionnée puisqu’on fait peser la charge sur le diffuseur alors même qu’il n’est pas fautif, sauf s’il a eu connaissance de la violation du droit d’auteur. C’est la raison pour laquelle nous tenons à préciser ce dernier point.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Cet amendement risque de faciliter le contournement de lobligation de faire participer les auteurs à la négociation sur les parties qui les concernent. Mme Dumas a déposé un amendement qui va dans le même sens mais va sans doute, lui, un peu trop loin. Nous pourrions trouver un juste milieu, consistant non pas en une transmission systématique des informations conventionnelles à léditeur mais en une obligation pour le producteur de les fournir lorsquelles lui sont demandées. Dans cette perspective, ma préférence irait plutôt à lamendement de Mme Dumas, en supprimant le caractère obligatoire et systématique de la transmission des informations.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Mon amendement n’a pas exactement le même objet que celui de Mme Dumas. Il vise à préciser que, lorsque le droit d’auteur n’a pas été respecté dans un contrat, ce n’est pas au diffuseur d’en assumer la responsabilité mais au producteur.

Mme Frédérique Dumas. Nous parlons ici des clauses garantissant le droit d’auteur dans les contrats et non de leur exécution. Je suis d’accord avec la rapporteure générale sur le fait qu’il est disproportionné d’infliger une sanction au diffuseur, qui n’a pas à connaître des clauses de ce contrat et n’intervient pas non plus dans leur rédaction.

Cela étant, ce que vous proposez ne va pas non plus satisfaire l’éditeur dans la mesure où il risque la déqualification, qui est une sanction très grave, à laquelle il n’aura pas beaucoup de moyens de réagir, si ce n’est en se retournant contre le producteur ; mais, dans la vraie vie, les choses ne se passent pas ainsi.

La seule solution est d’appliquer ce qui se passe dans le cinéma, où la transmission des contrats est obligatoire, puisqu’ils sont tous enregistrés au registre public du cinéma et de l’audiovisuel (RPCA). Cela me paraît une procédure normale pour un contrat de production dans lequel l’auteur joue un rôle essentiel.

Mme Florence Provendier. Puisque l’amendement de la rapporteure générale ne va pas assez loin et que celui de Mme Dumas va trop loin, ne pourrait-on pas envisager de retravailler l’amendement de la rapporteure générale en le complétant d’après celui de Mme Dumas ?

M. Bruno Fuchs. On peut, en effet, toujours faire mieux, et l’amendement de la rapporteure générale est un amendement a minima. Rien n’empêche de l’adopter et de proposer un nouvel amendement en séance.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC1229 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit du cas spécifique des talents étrangers. Nous proposons d’exclure du dispositif de déqualification les œuvres dont le contrat de production a été conclu avec un auteur de nationalité étrangère, domicilié hors du territoire français, afin de ne pas entraver le recours à ces auteurs.

Mme Céline Calvez. Cette proposition ne risque-t-elle pas de favoriser le travail des auteurs étrangers au détriment des auteurs français ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je ne pense pas, car le talent de nos auteurs est grand et que, si les plateformes viennent en France, c’est aussi pour les talents français. Je ne suis donc pas inquiète.

M. Franck Riester, ministre de la culture. J’aurai un avis de sagesse, car j’entends le risque souligné par Mme Calvez.

Mme Frédérique Dumas. Je suis d’accord avec le ministre. Cette disposition n’est pas applicable, puisqu’elle ne peut concerner que les contrats de droits d’auteur français. Non seulement, c’est inutile, mais j’irai jusqu’à dire que cette proposition a quelque chose de choquant.

Mme Maina Sage. Il me semble que l’amendement est mal rédigé et qu’il aboutit au contraire de ce que vous souhaitez. C’est un problème de double négation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous rassure, madame Sage, la rédaction est solide. L’idée est bien que le recours à des talents étrangers ne soit pas entravé. On nous a, en effet, signalé que, dans sa rédaction actuelle, le texte n’excluait pas ce risque.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC685 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. On ne peut pas sanctionner quelqu’un qui pourrait avoir eu connaissance – ou non – des clauses incluses dans un contrat d’auteur, si ce contrat ne lui a pas formellement été communiqué ; c’est juridiquement impossible.

Si le ministre ne souhaite pas que cette communication soit obligatoire et préfère inscrire dans la loi que l’éditeur a le droit d’avoir connaissance des contrats, il faut au minimum que cette exigence soit garantie, sans quoi je ne vois pas comment on peut ensuite prétendre déqualifier l’œuvre concernée.

Dans le même esprit, j’ai également déposé l’amendement suivant, sur les clauses types.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Encore une fois, ce n’est pas aux diffuseurs de faire le contrôle juridique de l’ensemble des contrats passés par les producteurs qui seraient responsables d’une éventuelle violation des droits d’auteur. Votre amendement me paraît difficilement conciliable avec celui que nous avons adopté il y a quelques instants. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure générale, si vous pensez que ce n’est pas aux éditeurs de faire ce travail, ne les sanctionnez pas. Ils n’ont pas à être sanctionnés pour quelque chose dont ils n’ont pas à connaître, et nous demandons simplement qu’ils puissent avoir connaissance de ce pourquoi ils sont sanctionnés. N’allez pas dire qu’ils pourront toujours se retourner ensuite contre le producteur, car il sera trop tard : l’œuvre sera déjà déqualifiée ! Par ailleurs, les producteurs n’ont aucun problème avec le fait de communiquer leurs contrats.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je ne peux que rejoindre ce que vient de dire Mme Dumas. L’amendement que vous avez adopté tout à l’heure risque de vider de sa substance l’obligation faite aux éditeurs de s’assurer que les producteurs respectent le droit moral de l’auteur. Il est important de donner à l’éditeur, s’il le souhaite, la possibilité d’avoir accès aux contrats des producteurs.

La commission adopte lamendement.

Elle passe à lamendement AC269 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Puisque mon amendement vient d’être adopté après celui de la rapporteure générale, nous devrons trouver pour la séance une troisième formulation. Quoi qu’il en soit, nous proposons ici l’insertion de clauses types dans les contrats, ce qui serait sécurisant pour les éditeurs et les producteurs, chacun sachant ce qui doit être inclus dans ces contrats, et donc respecté.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il faut garder de la souplesse et permettre à l’ARCOM d’intervenir si elle l’estime nécessaire, par exemple si les clauses types fournies par le CNC n’étaient pas tout à fait adaptées – ce dont je doute. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je ne vois pas le rapport avec la souplesse et ne comprends donc pas la raison de votre avis défavorable.

La clause type satisferait tout le monde car, pour un investisseur, c’est un gage de sécurité. C’est très souple, et l’ARCOM serait sans doute ravie de travailler à des clauses types avec le CNC.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Si j’ai parlé de souplesse, c’est qu’il y a une différence entre « peut formuler » et « formule », celle qui sépare la possibilité de l’obligation. Or j’estime que l’ARCOM doit intervenir si elle l’estime nécessaire, sachant que les clauses types sont déjà fournies par le CNC et que ce dernier remplit fort bien son rôle.

M. Bruno Fuchs. La formulation du texte est claire et donne toute latitude à l’ARCOM d’agir comme elle l’entend.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1151 de la rapporteure générale.

Elle en vient à lamendement AC1230 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit de prévoir une période transitoire pendant laquelle les accords actuels existant entre les éditeurs et les producteurs continuent de produire leurs effets, jusqu’à la dénonciation des parties ou la signature d’un nouvel accord. Il faut éviter que, dans cette période transitoire de négociation qui est essentielle, les accords actuels tombent ou perdent de leurs effets.

Mme Frédérique Dumas. C’est un bon amendement compte tenu des changements qu’entraîne la loi et qui pourraient faire craindre aux acteurs que plus rien n’existe.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte larticle 1er modifié.

Après l’article 1er

La commission est saisie des amendements identiques AC47 de Mme Virginie DubyMuller et AC404 de Mme Brigitte Kuster. Ces amendements font lobjet du sousamendement AC1362 de la rapporteure générale.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement propose d’ajouter aux missions de l’ARCOM celle de veiller au développement économique et à la compétitivité des éditeurs et distributeurs de services audiovisuels relevant de la compétence de la France.

La viabilité des éditeurs et distributeurs doit être mieux prise en compte par la régulation : les éditeurs et distributeurs audiovisuels français sont les premiers touchés par la révolution numérique et subissent de plein fouet la concurrence des grandes plateformes. Ces dernières captent une part croissante des audiences et des revenus, tout en bénéficiant d’asymétries fiscales et de régulation considérables. Les conséquences économiques sont lourdes pour la compétitivité des chaînes, mais aussi pour les créateurs qu’elles rémunèrent : selon le CNC, la contribution des chaînes de télévision au financement du cinéma a ainsi baissé de plus de 22 % pour la seule année 2018.

À l’avenir, les créateurs français risquent de ne pouvoir s’en remettre, pour la diffusion de leurs œuvres, qu’à de grandes plateformes mondiales basées à l’étranger et aux pratiques très éloignées du modèle français de régulation.

Mme Brigitte Kuster. Les éditeurs et distributeurs audiovisuels nationaux sont en effet particulièrement touchés par la révolution numérique et l’émergence de nouveaux acteurs. C’est pourquoi nous souhaitons mettre en valeur et garantir l’exception culturelle française.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Dans la mesure où l’article 1er porte sur le principe même de la liberté de communication et les éléments qui peuvent justifier qu’il y soit fait entorse, je propose de supprimer le deuxième alinéa de l’amendement pour ne conserver que celui se rapportant à l’article 3-1 de la loi de 1986.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements identiques sous-amendés.

Elle passe à lexamen de lamendement AC245 de Mme Virginie DubyMuller.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement vise à permettre aux éditeurs d’accéder aux données d’usage de leurs programmes dans les offres des distributeurs. Aujourd’hui, l’accès des éditeurs à ces données est extrêmement limité, souvent contesté par les distributeurs, et ne prospère le cas échéant que par la voie de négociations très difficiles. Nous proposons donc que les distributeurs fassent droit aux demandes des éditeurs de services de communication audiovisuelle d’accéder aux données relatives à la consommation de leurs programmes. Un décret en Conseil d’État fixerait les conditions d’application de cette disposition et l’ARCOM serait chargée de veiller à son respect.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends que vous souhaitiez contraindre les distributeurs à fournir les données de consommation des programmes aux éditeurs, à titre possiblement gratuit, mais il me semble qu’il faut absolument que cela reste du ressort de la négociation commerciale entre les distributeurs et les éditeurs. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. J’irai dans le même sens que la rapporteure. On connaît les difficultés des relations entre éditeurs et distributeurs lorsqu’il s’agit de la reprise du signal d’une chaîne avec les services annexes et la rémunération, qui donnent lieu à un contrat. De la même façon, les données d’usage doivent donner lieu à un contrat entre l’éditeur et le distributeur, sachant que c’est un coût d’investissement que de récolter ces données et de les traiter.

M. Michel Larive. Je suis tout à fait contre cet amendement. Les données des utilisateurs doivent absolument être protégées.

La commission rejette lamendement.

Article 2
Conventionnement des services de médias à la demande

La commission est saisie de lamendement AC523 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. L’article 2 dispose que les conventions entre les services de médias audiovisuels et l’ARCOM définissent la contribution de ces derniers au développement de la production cinématographique et précisent leurs obligations. De même que nous l’avons fait s’agissant de l’article 1er, nous refusons cette logique d’adaptation de nos règles collectives. Le système des conventions risque de permettre à certains gros éditeurs de négocier pour bénéficier d’exceptions – j’en veux pour preuve l’exception thématique accordée à Disney+. Cela crée également un manque de transparence et un défaut d’accès aux informations. Nous ne saurions nous résoudre à une application à géométrie variable d’un décret : les modalités de la contribution doivent être fixées par la loi et identiques pour tous les éditeurs de même catégorie – je le précise à l’intention de Mme Dumas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La disposition que vous voulez supprimer permet de réaffirmer l’existence de deux canaux distincts ; je ne vois pas pourquoi on la supprimerait. Au demeurant, je ne pense pas que cela servirait votre objectif. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC574 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Je propose de préciser, comme l’a suggéré la CNIL, que l’accès aux données des ayants droit se fait dans le respect des données à caractère personnel des utilisateurs, dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je tiens à vous rassurer : il n’est absolument pas question que les ayants droit aient accès aux données personnelles de consultation de leurs œuvres. Ils auront accès uniquement à des données consolidées et anonymes : il s’agira, en quelque sorte, de statistiques sur l’exploitation et le visionnage des œuvres. Cela correspond à une demande très forte des ayants droit, qui veulent savoir ce que deviennent leurs œuvres une fois qu’elles sont disponibles sur les plateformes. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission en arrive à lamendement AC271 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement vise à éviter que les plateformes étrangères ne bénéficient du crédit dimpôt international tout en voyant leurs productions décomptées au titre de la contribution au développement de la production dœuvres cinématographiques et audiovisuelles. Comme vous le savez, lobjectif du crédit dimpôt international était dattirer des tournages en France. Permettre aux plateformes étrangères den bénéficier alors quelles sont engagées, en réalité, dans des productions françaises, cela revient à détourner sinon la lettre de la loi, tout au moins son esprit. Il convient donc de sassurer que les productions sont dans un seul couloir : soit il sagit de productions françaises, et elles bénéficient à ce titre du compte de soutien et des mécanismes de régulation français, soit il sagit de productions internationales. On ne doit pas pouvoir gagner sur les deux tableaux.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le crédit d’impôt international a été extrêmement bénéfique puisqu’il a permis de relocaliser un certain nombre de productions. L’article 2 ici en discussion fait référence uniquement aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) français. Or la disposition que vous voulez introduire concerne plutôt les plateformes étrangères. Votre amendement ne porte pas sur le bon article, et j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1248 de la rapporteure générale.

Elle examine lamendement AC1232 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement a pour objet d’exonérer les services de médias audiovisuels à la demande payants à l’acte – ce qu’on appelle la TVOD – de l’obligation de conclure une convention avec l’ARCOM, qui nous paraît un peu excessive. Cet amendement est un moyen de demander des précisions sur le sujet.

Mme Céline Calvez. N’est-il pas dangereux, ou pour le moins prématuré d’exclure la TVOD du conventionnement ? En effet, grâce aux conventions, l’ARCOM pourrait surveiller les plateformes.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis d’accord avec ce que vient de dire Mme Calvez : avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC1233 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit ici d’un point qui me paraît important pour assurer la transparence, notamment quant aux modalités de calcul des obligations. L’amendement a ainsi pour objet de prévoir que les services de médias audiovisuels à la demande soumis à une simple déclaration préalable auprès de l’ARCOM communiquent, eux aussi, chaque année, leur chiffre d’affaires à cette dernière. Cette obligation doit s’appliquer même à ceux qui ne sont pas soumis au conventionnement.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte larticle 2 modifié.

Après l’article 2

La commission est saisie de lamendement AC521 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. L’article 2 prévoit que les services de médias audiovisuels à la demande doivent conclure une convention avec l’ARCOM pour définir leur contribution au développement de la production. L’amendement va un peu dans le même sens que celui que vient de défendre Mme Bergé à l’article 2. Il vise à déterminer le chiffre d’affaires au-dessous duquel une déclaration préalable auprès de l’ARCOM est suffisante. En l’état actuel du texte, il est prévu que le seuil sera fixé par décret. À travers cet amendement, nous proposons la remise d’un rapport d’information permettant de définir le montant optimal pour le seuil. Rien ne justifie que sa détermination soit laissée à l’appréciation de l’exécutif, sans garantie de contrôle.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends que vous souhaitiez avoir plus de prise sur le seuil qui sera fixé par décret. D’ailleurs, nous avons déjà adopté un amendement excluant les chaînes thématiques de l’obligation de signer une convention en dessous de 10 millions d’euros. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Sagesse, même si la demande me paraît inutile.

La commission adopte lamendement.

Article 3
Contribution au développement de la production des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande ne relevant pas de la compétence de la France

La commission est saisie de lamendement AC524 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. L’alinéa 2 de l’article 3 instaure une dispense de formalités préalables pour les médias qui ont la double particularité de ne pas utiliser les fréquences attribuées par l’ARCOM et de relever de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne. Quand la plupart des médias devront accomplir ces formalités préalables auprès de l’ARCOM, certains ne seront sous le joug d’aucune forme d’obligation ou de contrôle : une simple notification à l’ARCOM suffira. Une telle disposition introduit, selon nous, d’importantes inégalités entre les médias audiovisuels selon qu’ils sont français ou installés dans un autre État membre de l’Union européenne. Ainsi, des sanctions telles que le retrait de l’autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention ne s’appliqueraient pas aux médias ayant été dispensés de formalités préalables, ce qui poserait un problème de souveraineté évident. Nous recommandons l’application du même régime pour tous les services, en vertu du principe d’égalité devant la règle. Cela permettra notamment de lutter contre la mise en concurrence des États : les services de télévision et de médias audiovisuels n’auraient aucun intérêt à s’installer ailleurs pour échapper au contrôle et aux obligations.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La sagesse, toujours, me conduit cette fois à être défavorable à cet amendement. La disposition visée n’est pas nouvelle : elle figure déjà à l’article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 et ne pose pas de difficultés. Le projet de loi permet de l’actualiser pour y inclure les SMAD.

Mme Maina Sage. Sur la forme, il aurait peut-être été préférable d’écrire une nouvelle loi plutôt que de modifier celle de 1986. Du point de vue de l’intelligibilité du droit, je ne sais pas si c’est rendre service aux futurs lecteurs que de procéder de la sorte. Il aurait fallu au minimum que nous disposions, lors de l’examen en commission, d’un tableau résumant les évolutions, voire d’un texte consolidé. Cela aurait été plus agréable et aurait rendu plus facile l’étude du projet de loi. Cela aurait également permis à notre collègue M. Larive de gagner du temps : alors qu’il s’est donné la peine de rédiger cet amendement, il s’aperçoit que la disposition qu’il veut supprimer figure déjà dans la loi de 1986.

M. Franck Riester, ministre de la culture. L’article 63 vise à codifier la loi de 1986. Ce que vous demandez sera donc fait dans les règles de l’art : à l’issue de ce travail, vous aurez un beau texte.

J’en profite pour ajouter que la proposition de M. Larive est en contradiction avec la directive SMA, dont vous savez que l’un des objets du projet de loi est de la transposer, de même que celle qui est relative au droit d’auteur.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement AC534 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Nous souhaitons que tous les éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels visant le sol français soient soumis aux mêmes règles. Ainsi, ceux qui ne sont pas établis en France et qui ne relèvent pas de la compétence de la France doivent être soumis, sur la base de leur activité en France, à la même contribution que les éditeurs de services de médias à la demande établis sur notre territoire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je suis tout à fait d’accord avec l’objectif, mais celui-ci me paraît pleinement satisfait par le texte : du fait du renvoi à l’article 71 de la loi de 1986, ces différents acteurs sont soumis à la même contribution. Il n’y aura donc pas de distinction possible selon le pays d’origine des SMAD.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement AC528 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Il s’agit d’un amendement d’appel. Nous refusons que les seuils de chiffre d’affaires ou d’audience en dessous desquels les services de médias audiovisuels ne sont pas soumis aux règles de contribution soient fixés par décret, sans garantie de contrôle. Les parlementaires devraient avoir leur mot à dire sur la base et le mode de détermination des obligations de contribution.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Dans l’alinéa visé, nous transposons purement et simplement une disposition figurant dans la directive SMA.

M. Michel Larive. À laquelle je m’oppose !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre désaccord avec la directive. Toujours est-il qu’elle nous impose cette exonération en fonction de deux critères : le chiffre d’affaires et l’audience. Je ne peux donc être que défavorable à votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC406 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. L’audience n’est pas mentionnée aux articles 1er et 2 pour le déclenchement des obligations prévues par le projet de loi pour les opérateurs français et européens. Il semble logique que les critères soient les mêmes pour les opérateurs internationaux : leur chiffre d’affaires réalisé en France et évalué par les services fiscaux de l’État devrait être le seul critère pour juger si les dispositions de l’article 3 leur sont applicables. L’ensemble des opérateurs seraient ainsi placés sur un pied d’égalité. C’est une question de cohérence.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Comme je viens de l’indiquer à M. Larive, le critère d’audience est prévu par l’article 13 de la directive SMA : il nous est impossible d’en faire abstraction. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC923 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Le projet de loi prévoit l’intégration à notre système de financement de la création de l’ensemble des diffuseurs qui visent la France, quel que soit leur lieu d’installation, tout en maintenant la règle du pays émetteur en ce qui concerne les quotas de diffusion. L’amendement AC923 vise à ce que les quotas de de diffusion de 60 % et 40 %, respectivement pour les œuvres d’expression originale française et européennes, s’appliquent aux plateformes installées à l’étranger et qui visent la France.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. J’aimerais pouvoir accéder à votre demande. Malheureusement, s’agissant des quotas de diffusion, la directive SMA prévoit que l’on doit se fonder sur le pays d’origine et non sur le pays de destination. Même si nous adoptions la disposition que vous proposez, elle serait donc sans effet. C’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC205 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Mon amendement vise à mentionner les compositeurs à l’alinéa 5. Le code de la propriété intellectuelle présume comme coauteur de l’œuvre audiovisuelle l’auteur des compositions musicales. Je ne comprends donc pas pourquoi l’autorité de régulation ne pourrait pas prendre en compte les accords conclus entre l’éditeur et les organisations professionnelles ou les organismes de gestion collective représentant les compositeurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ma réponse sera la même que celle que je vous ai faite à l’article 1er : selon moi, les compositeurs sont bel et bien intégrés au dispositif, car ils sont considérés comme des auteurs. Votre amendement est donc satisfait, et je vous demande de le retirer ; à défaut, avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission en arrive aux amendements identiques AC487 de la rapporteure générale et AC887 de Mme Florence Provendier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il ne s’agit pas de rouvrir le débat que nous avons déjà eu à l’article 1er concernant les « conditions équitables et non discriminatoires » – c’était l’objet de l’amendement AC485, que nous avons adopté. L’amendement AC487 vise simplement à procéder à une coordination avec cette disposition.

Mme Florence Provendier. Ces amendements identiques font effectivement suite à ce que nous avons décidé tout à lheure.

La commission adopte les amendements.

Elle est saisie de lamendement AC532 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Par cet amendement d’appel, nous souhaitons garantir l’égalité des ayants droit devant l’accès aux données relatives à l’exploitation de leurs œuvres, notamment le visionnage. À cette fin, il est souhaitable que les conditions d’accès soient définies par la loi et non par des conventions conclues unilatéralement entre les éditeurs de services et l’ARCOM.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le texte prévoit bien que les ayants droit ont accès aux données. En revanche, il précise également qu’il appartient à l’ARCOM d’indiquer les modalités d’accès à ces données. Je considère donc que votre amendement est satisfait, et je vous demande de le retirer.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1234 de la rapporteure générale.

Elle adopte larticle 3 modifié.

Article 4
Coordination

La commission est saisie des amendements identiques AC888 de Mme Florence Provendier et AC925 de Mme Michèle Victory.

Mme Florence Provendier. L’amendement AC888 vise à créer un nouveau format spécifique de radio pour les radios dites thématiques, c’est-à-dire celles dont la convention d’attribution de la fréquence hertzienne porte sur un genre musical particulier.

La pertinence du principe même des quotas est désormais reconnue par tous et son efficacité n’est pas remise en cause. Le dispositif a indéniablement garanti à la création francophone une certaine exposition depuis une vingtaine d’années. Néanmoins, dans des genres comme la dance ou la musique latino, la production d’expression francophone est assez limitée, ce qui oblige certaines radios à diffuser d’autres genres musicaux ou à privilégier des remix afin de respecter les quotas, alors même que le dispositif vise à promouvoir de nouveaux talents. C’est pourquoi il est proposé que l’ARCOM, en liaison avec le Centre national de la musique, puisse autoriser une proportion de 20 % de titres francophones pour les radios thématiques qui se trouvent dans l’impossibilité de respecter les quotas actuels du fait d’une production insuffisante. C’est l’une des recommandations formulées par la mission flash que j’ai menée avec Michèle Victory sur les quotas de chansons francophones à la radio, et que nous avons présentées en décembre 2019.

Mme Michèle Victory. On comprend qu’il soit difficile pour une radio spécialisée dans la musique latino de diffuser 40 % de titres francophones. Nous avons fait plusieurs propositions pour remédier au problème. Cela dit, il faut bien réfléchir à ce que nous faisons, de manière à éviter de complexifier encore plus les choses.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je suis tout à fait favorable à ces amendements identiques, d’autant qu’ils font intervenir la filière musicale et le Centre national de la musique (CNM) pour établir les genres pour lesquels la production ne permet pas d’atteindre les quotas actuels. Le CNM est une institution jeune ; il est très important qu’elle soit consacrée dans la loi comme vous proposez de le faire.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis, moi aussi, favorable à ces amendements. Toutefois, d’ici à la séance, je vous proposerai peut-être que nous échangions encore pour préciser la rédaction, de manière à mieux définir les « radios thématiques » auxquelles vous faites référence, et mieux fixer les marges de manœuvre du CNM.

Mme Virginie Duby-Muller. Les quotas de titres francophones ont un bilan plutôt positif, mais il faut aménager un régime particulier pour les radios thématiques. Nous sommes favorables à cette demande. Nous évoquerons de nouveau la question à l’occasion de l’amendement AC687, après l’article 4.

M. Bruno Fuchs. Je me réjouis que l’on intègre la dimension francophone, car il faut agir, non seulement en faveur de la création française, mais également de l’usage du français dans le monde.

La commission adopte les amendements.

Elle examine les amendements identiques AC889 de Mme Florence Provendier et AC926 de Mme Michèle Victory.

Mme Florence Provendier. Il s’agit d’assouplir le plafonnement des hautes rotations pour les titres francophones diffusés par les radios, introduit par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP). Lorsque plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française se concentre sur les dix titres les plus souvent programmés, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ne sont pas prises en compte au titre des quotas. Les travaux que nous avons menés avec Michèle Victory dans le cadre de notre mission flash, en décembre 2019, ont montré que ce mécanisme pouvait être pénalisant. Aussi, nous proposons de laisser aux radios la possibilité de faire vivre des hits en faisant passer le seuil à 60 %.

Mme Michèle Victory. Cette proposition illustre la complexité du dossier et le fait que, selon le point de vue que l’on adopte, l’avis sur une même question peut être différent. Par exemple, on nous a souvent dit qu’avec les hautes rotations, il y avait beaucoup plus d’artistes francophones dans le top 100, mais moins dans le top 10. Qu’est-ce qui est préférable ? On le voit, les enjeux sont complexes. Quoi qu’il en soit, il paraît souhaitable d’évoluer, de proposer des ouvertures.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La demande que vous relayez est effectivement importante. Il s’agit à la fois de garantir plus de lisibilité et de simplifier certaines dispositions introduites par la loi LCAP et qui se sont révélées difficiles à mettre en œuvre pour les radios – et le CSA, lui aussi, a dit qu’il avait du mal à les faire appliquer. Vous proposez un assouplissement des modalités de calcul du plafonnement des hautes rotations qui me semble tout à fait raisonnable. J’émets donc un avis favorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je partage, moi aussi, l’objectif d’assouplir ces dispositions, et je salue le travail important qui a été réalisé par Mme Provendier et Mme Victory. Toutefois, il se trouve que la proposition fait moins consensus que la précédente dans la profession, entre radios et professionnels de la musique, même si les choses commencent à évoluer. À ce stade, j’émets donc un avis défavorable sur ces amendements, mais je pense que nous aboutirons dans les jours ou les semaines qui viennent. Comme vous le savez, les quotas ont permis d’accompagner la musique française et francophone ces dernières années en lui assurant une meilleure diffusion et en faisant connaître les artistes. Les résultats ont été importants, notamment en termes de vente, y compris de téléchargement.

Je demande le retrait de ces amendements pour que nous retravaillions le dispositif, de façon à obtenir l’adhésion du plus grand nombre possible de professionnels. Il faut aboutir à un résultat qui soit positif pour l’ensemble de la profession.

Mme Florence Provendier. Comme l’a expliqué Michèle Victory, il est difficile de déterminer la proportion adéquate : est-ce 50 %, 55 % ou 60 % ? À l’issue de notre mission flash, nous avions envie d’aller beaucoup plus loin, mais nous nous sommes retenues : nous avons proposé 60 %. Ce chiffre nous semblait juste et équilibré. Je n’accepterai de retirer mon amendement que si j’ai la garantie que nous avancerons d’ici à la séance. Je veux bien mener quelques auditions supplémentaires, mais je redéposerai un amendement procédant du même esprit.

Mme Michèle Victory. Je suis également prête à retirer mon amendement si nous convenons d’en discuter d’ici la séance pour aboutir à une proposition. Vous avez raison, monsieur le ministre, c’est un des thèmes les moins consensuels, en raison de la diversité des radios – indépendantes, commerciales, etc. La question est sensible, mais il faut absolument que nous en rediscutions.

Les amendements sont retirés.

La commission examine les amendements identiques AC890 de Mme Florence Provendier et AC927 de Mme Michèle Victory.

Mme Florence Provendier. L’amendement AC890 vise à étaler le contrôle par le régulateur du respect des quotas de chansons francophones par les radios de façon trimestrielle plutôt que mensuelle. L’idée est de donner plus de souplesse dans la programmation musicale des radios grâce à un contrôle sur une temporalité plus large. Cette proposition fait consensus auprès des différentes parties prenantes : elle donne plus de liberté tout en assurant un contrôle effectif de l’exposition des œuvres d’expression francophone, des nouveaux talents et des nouvelles productions.

Mme Michèle Victory. Tout le monde ou presque était d’accord avec cette proposition.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit effectivement d’une disposition qui a fait consensus, davantage même que la précédente, parmi les acteurs interrogés. Certes, elle est plutôt de niveau réglementaire, mais il est temps d’apporter cette précision pour assouplir le mécanisme actuel. Les quotas sont essentiels. Ils ont permis de respecter la diversité culturelle. Personne ici, me semble-t-il, ne remet en cause leur existence, mais il me paraît tout à fait raisonnable d’introduire davantage de souplesse.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La disposition fait davantage consensus, effectivement, et je la soutiens. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’on appelle « souplesse ». Certes, il y aura une plus grande souplesse pour la comptabilisation du respect des quotas, mais il y en aura moins dans la mesure où on figera la durée prise en compte par le CSA. Cela dit, le message envoyé est le bon. Peut-être pourrons-nous, malgré tout, étudier ensemble, d’ici à la séance, la manière de donner la possibilité au CSA d’aller encore plus loin s’agissant du délai d’observation du respect du quota.

La commission adopte les amendements.

La commission est saisie de lamendement AC441 de M. Paul Molac.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement ne crée pas d’obligation : il vise à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie, mais il donne aussi la possibilité de choisir la promotion et le développement des langues et cultures régionales de notre pays. C’est un principe auquel le groupe Libertés et territoires est attaché, d’autant que les langues régionales sont reconnues par l’article 75-1 de la Constitution comme faisant partie du patrimoine de la France.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il ne me semble pas pertinent de contraindre l’ensemble des services de télévision et de radio hertziens à faire la promotion des langues régionales. Cela pourrait l’être pour les services locaux ; moins pour des services nationaux dont aucun n’a de vocation territoriale affirmée – à l’exception de France 3, qui n’est pas concernée par l’article que vous souhaitez modifier. Lorsque nous évoquerons l’audiovisuel public, nous discuterons de nombreux amendements concernant France 3 et la manière dont nous pourrions renforcer la logique que vous défendez. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 4 modifié.

Après l’article 4

La commission est saisie de lamendement AC687 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement a été placé après l’article 4, mais il entretient un rapport étroit avec celui-ci. Il vise à adapter les dispositions législatives en vigueur pour certaines radios thématiques spécialisées dans des genres musicaux où la production francophone est faible, en complétant le dispositif de quotas francophones en radio par la mise en œuvre d’un régime dérogatoire. Si je joins volontiers ma voix au concert de louanges adressé au système de quotas, je pense qu’il mériterait d’être assoupli pour ces radios. Il pourrait revenir à l’ARCOM de se charger de proposer des quotas adaptés à ces radios thématiques, en prenant en compte tous les trois ans l’évolution de la production francophone dans le genre musical concerné.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les amendements AC890 de Mme Provendier et AC927 de Mme Victory, que nous venons d’adopter, satisfont l’objectif que vous poursuivez. Ils ont l’avantage de faire intervenir le Centre national de la musique, auquel nous sommes attachés ; c’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC1237 de la rapporteure générale, AC405 de Mme Brigitte Kuster, AC396 de M. Stéphane Testé et AC372 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1237 a pour objet de permettre à l’ARCOM de déroger, lorsque cela est pertinent, aux quotas de diffusion d’œuvres européennes et d’expression originale française pour certaines chaînes thématiques du câble et du satellite, afin de prendre en compte leurs spécificités éditoriales. Ces chaînes, dont le chiffre d’affaires est peu élevé, ont parfois des difficultés financières, et leur existence répond à un enjeu de diversité, car elles mettent en avant certains genres particuliers.

Mme Brigitte Kuster. Il s’agit, par l’amendement AC405, de donner à l’ARCOM le pouvoir de moduler les quotas en fonction des programmations, afin de réduire l’asymétrie entre les chaînes thématiques françaises et les autres acteurs de l’audiovisuel. Le CSA, dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi, propose d’ailleurs une évolution de ce type puisqu’il indique que « les obligations de diffusion des œuvres applicables aux services de télévision linéaires non hertziens pourraient être également adaptées, de façon encadrée, à leurs caractéristiques éditoriales. »

M. Stéphane Testé. Le CSA ne peut pas faire varier la proportion d’œuvres européennes et françaises diffusées par les éditeurs non hertziens. L’amendement AC396 donne à l’ARCOM la possibilité de moduler l’asymétrie qui existe entre les acteurs audiovisuels français et ceux situés à l’étranger.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement AC372 va dans le même sens que celui de la rapporteure générale, à la différence près qu’il ne fait pas référence au chiffre d’affaires des services concernés. Nous considérons ce critère comme moins utile à prendre en compte que la catégorie à laquelle appartient le service et la nature de sa programmation, chaque fois que c’est réalisable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Malgré quelques différences, ces quatre amendements concourent au même objectif.

La rédaction de l’amendement AC405 de Mme Kuster risquerait d’écraser l’article 33 de la loi de 1986, qui fixe actuellement le taux auquel il est possible de déroger. Dans l’amendement AC396 de M. Testé, les termes « chaque fois que c’est réalisable » me paraissent trop flous pour permettre la bonne application de l’assouplissement proposé. Quant à l’amendement AC372 de Mme Dumas, il empêcherait que la proportion d’œuvres audiovisuelles européennes puisse passer en dessous de 50 %, car ce seuil minimal demeurerait inscrit dans la loi. Il ne serait pas possible d’y déroger, alors que c’est ce que nous souhaitons.

Je propose de retenir la rédaction que j’ai proposée.

Mme Frédérique Dumas. Je reviendrai ultérieurement sur le problème du chiffre d’affaires.

La commission adopte lamendement AC1237.

En conséquence, les amendements AC405, AC396 et AC372 tombent.

Article 5
Coordination

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1214 et AC1215 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC1235 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement vise à garantir la transparence s’agissant de la transmission annuelle à l’ARCOM du chiffre d’affaires des éditeurs non soumis au conventionnement. Il est en cohérence avec l’amendement AC1233 que nous avons adopté précédemment.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte larticle 5 modifié.

Article 6
Suppression des heures découtes significatives

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1216 de la rapporteure générale.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, elle rejette les amendements AC1 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC13 de Mme Valérie BazinMalgras.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1236 de la rapporteure générale.

Elle adopte larticle 6 modifié.

Après l’article 6

La commission est saisie de lamendement AC1238 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit de permettre au pouvoir réglementaire de prévoir par décret des quotas de diffusion différents pour les SMAD, en fonction de la nature de leur programmation ou de leur catalogue.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je ne m’y oppose pas.

M. Michel Larive. Cela peut être intéressant, mais certains éditeurs chercheront à profiter de ces exceptions. Par exemple, lors de son audition, Disney+ avait demandé à faire partie de l’exception thématique afin d’échapper aux règles de contribution à la production et aux quotas de diffusion. Nous devrons porter une attention particulière à ce sujet.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il ne s’agit absolument pas de prévoir une quelconque exonération par rapport aux obligations qui devront s’appliquer, mais bien d’un aménagement qui sera précisé par décret.

Mme Frédérique Dumas. Je suis plutôt favorable à cet amendement, mais je répète qu’il faudra bien, à un moment donné, définir précisément ces catégories de service.

La commission adopte lamendement.

Section 2
Protection du droit moral dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle

Avant l’article 7

La commission est saisie de lamendement AC206 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’article L. 113‑7 du code de la propriété intellectuelle présume comme coauteur de l’œuvre audiovisuelle l’auteur des compositions musicales spécialement réalisées pour celle-ci. Je ne vois donc pas de raison de ne pas mentionner le droit moral des compositeurs et de ne pas faire référence au principe de rémunération les concernant.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La modification que vous proposez pour le titre de la section ne me paraît pas pertinente au regard de son contenu, car ce sont bien les contrats de production qui sont concernés, et non l’ensemble des contrats conclus par les auteurs. Je demande le retrait de l’amendement, même s’il serait intéressant et utile que nous examinions ces questions au cours de la séance publique.

Lamendement est retiré.

Article 7
Respect des droits des auteurs dans les contrats de production dœuvres audiovisuelles et cinématographiques

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1217 de la rapporteure générale.

Elle adopte larticle 7 modifié.

Chapitre II
Instauration dune concurrence plus équitable

Article 8
Transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » en matière de placement de produit
   

La commission est saisie de lamendement AC535 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. L’article 8 constitue un formidable « signal de libéralisation », selon les termes de l’étude d’impact. Alors que l’Union européenne interdisait jusqu’à présent la technique publicitaire du placement de produit, tout en prévoyant quelques exceptions, c’est désormais la logique inverse qui s’appliquera. Il s’agit d’une fuite en avant inacceptable, car cette nouvelle technique de diffusion de la publicité et de sponsoring des œuvres aggrave le phénomène d’agression publicitaire, à l’heure où la publicité s’impose déjà massivement dans l’espace public, dans les médias audiovisuels, dans la vie quotidienne et dans l’imaginaire social des Françaises et des Français. Surtout, l’adaptation de notre cadre législatif national à la directive européenne SMA ([3])  ne justifie pas tout.

La France autorise le placement de produit alors que d’autres pays européens l’ont interdit, et le Gouvernement a fait le choix de transposer la directive dans le droit français de la manière la plus libérale qui soit, avec des garde-fous qui semblent bien faibles.

L’ARCOM serait la garante de l’indépendance éditoriale, mais il sera très difficile de juger, et plus encore de prouver, dans quelle mesure les lignes éditoriales seront influencées ou non par le placement de produit. Les éditeurs de services peuvent dépendre très fortement de ces sommes et sont soumis à des intérêts financiers.

Ne seraient autorisés les placements de produit que s’ils « n’incitent pas directement à l’achat ». Quelle hypocrisie ! Quel est le but de la publicité, d’après vous ?

Quant à l’interdiction de mettre en avant des produits « de manière injustifiée », comment définir cette qualification ? À partir de combien de secondes de gros plan sur une marque ou de combien d’occurrences ?

Nous nous opposons fermement à cet article et demandons sa suppression.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je partage un certain nombre de vos inquiétudes, mais je n’irai pas jusqu’à proposer, comme vous, la suppression de cet article – il nous faut transposer la directive SMA. Je défendrai ultérieurement un amendement précisant les pouvoirs de l’ARCOM dans son rôle de gardienne de la légitimité du placement de produit en fonction du type de programme. Peut-être nous permettra-t-il de trouver un accord sur ce sujet.

Mme Michèle Victory. Nous soutiendrons l’amendement de suppression de M. Larive, car cette question du placement de produit nous échappe en grande partie et cela nous inquiète beaucoup. On voit mal comment pourrait en être évalués les aspects positifs.

M. Bruno Fuchs. Il faut déterminer les modalités d’encadrement du placement de produit de façon à ce que le téléspectateur ait conscience à tout moment de la nature de ce qu’il voit, sans confusion possible.

M. le président Bruno Studer. Vous savez à quel point la question du placement de produit m’est chère, et je suivrai l’avis de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il est défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC1239 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. J’espère que cette proposition d’amendement répondra aux inquiétudes soulevées par nos collègues sur la question des pouvoirs de l’ARCOM en matière de placement de produit. Il vise à redonner entièrement la main à celle-ci pour déterminer quels types de programme peuvent faire l’objet d’un placement de produit, dans le respect des interdictions posées par la directive SMA.

La rédaction de l’article et très ouverte et l’ARCOM ne fait qu’encadrer un placement de produit par principe autorisé. C’est une vision trop extensive, qui nécessite absolument de repositionner les pouvoirs de l’ARCOM pour qu’elle puisse décider ce qui mérite ou non d’être considéré comme un placement de produit de façon à éviter toute mauvaise interprétation de la part du spectateur.

L’amendement AC1240, que nous verrons un peu plus loin, est complémentaire de celui-ci en ce qu’il renforce l’exigence d’honnêteté et d’indépendance de l’information en affirmant un principe d’incompatibilité entre les produits placés et les produits présentés dans un même programme. L’objectif est d’empêcher d’induire le spectateur en erreur par une possible confusion du sujet traité et des produits publicitaires susceptibles d’avoir un lien avec celui-ci.

M. Michel Larive. Tout cela demeure très flou. Ce grand mot de « respect », comment le quantifiez-vous ? À partir de combien d’occurrences, de quel temps d’exposition ? Nous sommes d’accord sur les mots, mais il va bien falloir poser un cadre, déterminer les critères permettant d’évaluer si le produit est placé dans une perspective publicitaire ou s’il s’intègre à l’œuvre artistique.

Mme Maina Sage. L’article 8 ne fait que reprendre les dispositions de l’article 14-1 de la loi du 30 septembre 1986, en les complétant. Encore une fois, c’est un problème de codification : si tout le monde disposait du texte codifié initial, ces questions ne seraient pas soulevées. Tout ce qui se trouve dans l’article 8 est déjà en vigueur, hormis quelques adaptations liées à la modernisation du texte. Cela n’empêche pas le débat sur le fond, mais le placement de produit existe depuis des décennies.

M. Raphaël Gérard. Je voudrais évoquer le placement de produits contrefaits. On a pu voir, notamment au cinéma, des produits contrefaits utilisés en lieu et place de produits de marques protégées par la propriété intellectuelle. S’agissant, par exemple, d’un reportage sur les filières de contrefaçon, comment distinguer information et placement de produit ?

M. Bruno Fuchs. Le législateur doit poser le cadre et laisser à l’ARCOM les détails de la mise en œuvre. C’est surtout dans le domaine de l’information et du documentaire que le spectateur doit être averti du placement de produit quand il intervient. Sans distinction claire entre l’information en tant que telle et le placement de produit, il y a une forme de manipulation.

M. Ian Boucard. Je ne suis pas défavorable au placement de produit et je n’approuve pas l’amendement de suppression proposé par M. Larive, mais les explications données quant à la garantie de la bonne information du consommateur ne sont guère convaincantes. Vous nous expliquez que l’ARCOM va peut-être définir des catégories d’émissions pour lesquelles il sera plus difficile qu’auparavant de faire du placement de produit. Or c’est à nous de déterminer, dans la loi, les programmes qui peuvent en comporter ou qui doivent en être exempts. Nous ne devons pas laisser à une autorité extérieure la possibilité de faire éventuellement notre travail.

Mme Frédérique Dumas. Il est, en effet, important que la loi définisse un cadre précis à ce sujet. À force de nous faire des nœuds au cerveau, nous nous compliquons la tâche pour réguler. La fiction, qu’elle soit audiovisuelle ou cinématographique, ne pose pas vraiment de problème en matière de placement de produit. En revanche, les documentaires ne devraient pas en comporter. Ces programmes, tout comme d’ailleurs les émissions d’information, même s’ils ne donnent pas la vérité absolue – ils relèvent nécessairement d’un regard subjectif –, cherchent tout de même à retracer la réalité. Nous devrions considérer que, par essence, il ne peut y avoir de placement de produit dans ce type de programmes. Sinon, nous n’y arriverons jamais !

Mme Virginie Duby-Muller. N’oublions pas que le placement de produit est aussi une source de revenus. Je pense qu’il est pertinent de confier le rôle de régulateur à l’ARCOM. Il existe déjà un pictogramme « P », qui apparaît au début et à chaque reprise d’un programme comportant du placement de produit, afin d’en informer clairement le téléspectateur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le texte initial ne prévoit aucun contrôle sur les conditions d’utilisation du placement de produit. C’est pourquoi j’ai proposé l’amendement AC1239, qui vise à redonner à l’ARCOM le pouvoir de mettre en œuvre un contrôle renforcé en la matière – le CSA en dispose à l’heure actuelle mais, tel qu’il est rédigé, le projet de loi le retirerait à l’ARCOM.

Quant à l’amendement AC1240, il est très clair s’agissant de la distinction qui doit être faite entre les produits présentés au cours du programme et relevant de son contenu éditorial, et ceux qui pourraient y être placés plus insidieusement. Il vise à écarter toute ambiguïté et à renforcer les contraintes pesant sur cette pratique, selon une logique peut-être moins libérale que celle initialement proposée, mais qui préserve tout de même ce qui est aussi une ressource – notamment pour les producteurs.

Mme Frédérique Dumas. L’alinéa 2 du projet de loi prévoit d’exclure le placement de produit de certains types de programmes – il n’est d’ailleurs pas certain que cela soit complètement satisfaisant. Ensuite, à l’alinéa 3, l’ARCOM a pour tâche d’encadrer la pratique.

Bien entendu, et heureusement, un documentaire de création exclut le placement de produit en rapport avec le sujet qu’il traite – l’inverse serait aberrant, absurde et contraire à l’esprit du genre. Mais lorsque l’on veut traiter un sujet de manière réaliste, il faut exclure toute forme de placement de produit, même – et peut-être encore plus – si celui-ci porte sur un autre sujet. Il y va de la crédibilité de l’œuvre elle-même qui, sinon, risquerait d’être achetée uniquement pour donner de la visibilité à tel ou tel produit.

Mme Géraldine Bannier. Je comprends l’argument avancé par Mme la rapporteure générale concernant l’amendement AC1240, mais beaucoup moins s’agissant du AC1239. D’après la formulation que vous souhaitez substituer à celle qui avait été initialement choisie à l’alinéa 2 du projet de loi, l’ARCOM, au lieu de « définir » les « modalités » selon lesquelles le placement de produit serait autorisé, « fixe » désormais les « conditions » dans lesquelles il peut être pratiqué. À mon sens, cette réécriture n’apporte pas grand-chose.

La commission adopte lamendement AC1239.

En conséquence, les amendements AC760 et AC408 de Mme Brigitte Kuster tombent.

Mme Brigitte Kuster. Je souhaiterais simplement que la question des placements de produit effectués par des annonceurs publicitaires parrainant un programme audiovisuel soit prise en compte pur l’examen en séance.

La commission adopte lamendement AC1240 de la rapporteure générale.

Elle discute de lamendement AC544 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Nous sommes attachés à ce que les programmes faisant l’objet de placement de produits n’incitent pas à la surconsommation ni ne fassent la promotion de produits ou de services dont l’impact est négatif pour l’environnement. L’État français a déjà limité la publicité pour des considérations de santé publique ou de sécurité. L’urgence écologique actuelle le justifie.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Tout en partageant votre préoccupation, j’émets un avis défavorable à votre amendement, car il conduit à définir de manière trop précise les interdictions pesant sur le placement de produit. J’ai cependant l’impression qu’un consensus se dégage sur ce sujet entre les différents groupes ; dans cette perspective, le texte est susceptible d’être retravaillé en vue de la séance.

M. Bruno Fuchs. Il faut, en effet, préciser les critères, mais la rédaction est beaucoup trop large et conduit à tout exclure. L’amendement revient finalement à interdire le placement de produit et à supprimer l’article 8 lui-même.

M. Bertrand Pancher. On voit bien les contradictions auxquelles nous sommes confrontés : ou bien nous voulons un monde équilibré auquel nous considérons que les médias concourent, mais il faut poser un certain nombre de verrous ; ou bien nous continuons comme cela. Je suis très frappé par les montants monstrueux dépensés par le secteur de l’automobile en matière de publicité – 3 milliards d’euros, dont 500 millions par an au moins pour Renault. Tous les grands groupes, y compris dans le domaine audiovisuel, ont beau signer de grands engagements de responsabilité sociale et environnementale, nous ne parvenons pas à nous engager sur la voie du développement durable. Dès qu’il commence à être question d’argent, tout s’arrête. Merci, cher collègue, de lancer ce débat. Je voterai pour votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1241 de la rapporteure générale.

Elle en vient à lamendement AC536 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Par cet amendement de repli, nous souhaitons améliorer significativement la signalétique actuelle afin de fournir une meilleure identification du placement de produit. Le pictogramme « P », qui signale la présence d’un placement de produit au sein d’un contenu et qui est situé dans un coin de l’écran, verrait sa taille oublée et serait visible pendant toute la durée de l’exposition du produit.

Vous commencez à comprendre que tous nos amendements s’opposent au principe même du placement de produit.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le diamètre des pictogrammes de la signalétique jeunesse ne relève pas du domaine de la loi. Il appartient au domaine réglementaire de prévoir ce type de mesure.

M. Michel Larive. La loi doit fournir un cadre !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Certes, mais pas à ce niveau de précision. Avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. J’ajoute qu’agrandir le pictogramme reviendrait à faire la publicité du produit placé, en doublant son impact publicitaire.

M. Michel Larive. Vous avez raison, monsieur Fuchs, et cela montre l’aberration que constitue le placement de produit.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1218 de la rapporteure générale.

Elle passe à lamendement AC545 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous sommes opposés au projet d’autorisation par décret de la publicité dite « segmentée », annoncé par le ministre de la culture M. Riester lors d’une interview donnée à France Inter, le 13 février dernier.

C’est d’abord un refus de principe : la publicité nuit suffisamment à notre environnement médiatique pour que son impact ne soit pas aggravé par une immersion ciblée, destinée à attirer davantage notre regard.

Ensuite, cette mesure risque d’ouvrir la boîte de Pandore : si la publicité ciblée est autorisée, au nom de quel principe les médias télévisuels n’adapteraient-ils pas leurs programmes aux publics les plus rentables ? Un rapport de 2014 du conseil des droits de l’homme des Nations unies nous alertait déjà sur le fait que certains programmes télévisuels ne s’adressent plus aux catégories socio-professionnelles dotées d’un faible pouvoir d’achat.

Enfin, nous savons que le développement de la publicité ciblée sur internet s’est accompagné de la violation du droit à la vie privée de millions de personnes en France. Pour cette raison, Google a été condamné, en janvier 2019, par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) à une amende de 50 millions d’euros – qui n’a d’ailleurs toujours pas été payée.

Pourquoi généraliser cette pratique à la télévision ? Le rapport des Nations unies alerte sur le fait que si l’« on prétend souvent que le consommateur renonce à sa vie privée […] pour pouvoir obtenir des produits et des services à des prix plus avantageux », il n’est en réalité, dans la plupart des cas, pas pleinement conscient du fait que sa « vie privée est en train dêtre violée, ni dans quelle mesure elle lest, et de ce que cela implique sur le plan de [sa] liberté de pensée et dopinion ».

M. Riester assure qu’un cadre protecteur de la vie privée sera posé ; nous venons de montrer que cela n’est pas possible. Il ajoute que l’ouverture à la publicité ciblée se justifie par le besoin de disposer d’acteurs français puissants dans le domaine audiovisuel ; nous avons certes besoin de chaînes françaises de télévision puissantes, mais notre modèle ne peut être celui qui bafoue le droit des citoyens à avoir une vie privée, ni celui d’un paysage audiovisuel aux ordres des grandes entreprises privées.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement vise la publicité segmentée alors que l’article est relatif au placement de produit. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC928 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Le groupe Socialistes et apparentés n’est pas non plus favorable à la libéralisation publicitaire prévue par le projet de loi. Dans la lignée de nos collègues Larive et Pancher, nous proposons d’interdire le placement de produits qui seraient nocifs pour la santé et l’environnement. En la matière, les recommandations et les mentions légales sont d’ailleurs très nombreuses.

Nous proposons ainsi d’interdire le placement de produits tels que les denrées alimentaires ou boissons contenant des nutriments ou des substances dont la présence en quantités excessives dans le régime alimentaire global n’est pas recommandée, les produits contenant des perturbateurs endocriniens, et les produits dont l’empreinte écologique est explicitement contraire aux objectifs nationaux de lutte contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. Les critères de référence seraient définis par décret.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends vos réserves à l’égard de produits qui ne devraient pas faire l’objet de publicités ou de placement, mais il me semble qu’énumérer les exceptions au placement de produits ne relève pas de la loi, mais éventuellement de la responsabilité de l’ARCOM. Je vous demande de retirer cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC538 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Le sens de la signalétique doit être explicité pour une meilleure identification du placement de produit.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Avis défavorable. Prévoir qu’« un message explicitant la signification de cette identification est diffusé au début des programmes concernés, à chaque coupure publicitaire, lors du générique de fin » ne me paraît pas relever de la loi.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement AC539 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Sans grand espoir de voir l’article 8 supprimé, nous avons déposé des amendements visant à empêcher la généralisation du placement de produit. L’objet de la loi n’est pas d’inciter aux innovations publicitaires – il existe des cabinets pour cela – mais d’encadrer et de limiter les formes particulièrement aliénantes de publicité. Il s’agit ici d’imposer la diffusion des mentions légales, soit de manière fixe à l’écran, soit au sein d’un texte défilant lors de chaque placement de produit dans un contenu diffusé. Cette technique de publicité déguisée ne doit pas être avantageuse par rapport à un spot publicitaire normal.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous souhaitez apposer un tampon qui signifierait clairement qu’il s’agit d’un placement de produit. Mais dès lors, s’agirait-il encore d’un placement de produits ? Par ailleurs, une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 8 modifié.

Après l’article 8

La commission est saisie de lamendement AC519 de M. Anthony Cellier.

M. Stéphane Testé. Nous proposons de mettre en place un dispositif davertissement à destination du public lors de la diffusion de publicités audiovisuelles portant sur des produits dont limpact est négatif sur lenvironnement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre préoccupation pour les questions environnementales, mais l’information du public doit passer par d’autres moyens qu’un pictogramme. En outre, cette disposition ne relève pas forcément de la loi. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Lamendement est retiré.

Article 9
Autorisation des publicités sur écrans partagés lors des retransmissions sportives

La commission examine les amendements de suppression AC2 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC546 de Mme Muriel Ressiguier et AC775 de M. Ian Boucard.

M. Michel Larive. Nous nous opposons à l’autorisation donnée aux services de médias audiovisuels de diffuser des contenus de publicité et de téléachat sur écran partagé lors des retransmissions des manifestations sportives. Cet article crée une nouvelle forme de publicité jusque-là interdite en France, alors que la publicité s’impose déjà massivement dans l’espace public et dans les médias audiovisuels. Jeux sponsorisés, sponsoring, naming, publicité après les hymnes nationaux et bientôt pendant l’arbitrage vidéo, la fuite en avant que constitue l’adaptation du cadre législatif aux nouvelles techniques de diffusion de la publicité s’inscrit dans le contexte plus général de l’aggravation du phénomène d’« agression publicitaire » dénoncé par de nombreuses associations.

Il ne sagit pas de lutter contre la publicité en tant que telle, car le temps de publicité nest pas augmenté, mais de limiter la pollution et lultra-marchandisation de laudiovisuel et du sport. Les spectateurs ont le droit de suivre une manifestation sportive en plein écran sans être soumis à des injonctions dachat et de consommation.

M. Ian Boucard. Il faut avoir conscience de ce que l’on nous propose ici : regarder une retransmission sportive sur un écran dont une partie diffuse, peut-être en permanence, de la publicité. La publicité, qui est déjà partout – sur le maillot des joueurs, autour du terrain, parfois sur le terrain, avant, à la mi-temps, et après – s’invitera désormais, sur l’écran partagé, ce qui dégradera la qualité de la retransmission. Certes, il faut donner des moyens supplémentaires aux diffuseurs alors que le marché des droits sportifs s’envole, mais les abonnés ne seront pas d’accord pour payer et, de surcroît, regarder de la publicité pendant la retransmission. Je peux comprendre que la publicité soit permise quelques secondes sur écran partagé à l’occasion d’une épreuve sportive, tel le Tour de France ou un match de tennis, qui ne comporte pas de coupure naturelle, mais mettre de la publicité dans la publicité, c’est porter un mauvais coup aux téléspectateurs, qui ne pourront pas profiter des retransmissions sportives et aux diffuseurs, car la qualité de la retransmission sera nettement dégradée.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre inquiétude. Monsieur Boucard, il existe, en effet, des programmes où, en labsence de coupure naturelle, la publicité sur écran partagé trouvera à sinsérer plus facilement. Par ailleurs, si nous offrons cette possibilité aux diffuseurs, cest pour leur permettre dacquérir des droits sportifs dont on sait quils sont très élevés et de se renforcer ainsi. Avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre. Nous devons nous assurer que les acteurs de la télévision gratuite pourront encore accéder aux retransmissions sportives dont les droits télévisés sont plus élevés. Ces sports ne doivent pas être l’apanage des plateformes payantes.

En outre, une autorégulation se fera entre la qualité de visionnage et la nécessaire monétisation de la retransmission. Les fédérations, qui devront valider les propositions des chaînes en matière de publicité sur écran partagé, n’auront pas intérêt à ce que les téléspectateurs soient déçus. Enfin, cela constituera un plus pour la diffusion de certaines épreuves, qui ne se trouvera plus coupée par de la publicité. Les spectateurs pourront suivre la compétition de façon continue, tout en ayant à l’écran de la publicité destinée précisément à financer ces sports.

Mme Brigitte Kuster. L’argument de M. le ministre selon lequel la qualité de visionnage se trouverait améliorée me laisse fort dubitative ! Lorsqu’il s’agit d’un événement majeur, on n’a pas le choix et on regarde. Comme Ian Boucard l’a rappelé, la publicité est déjà présente avant, pendant et après l’épreuve : nous sommes à saturation. La négociation avec les fédérations n’est pas de nature à nous rassurer, puisqu’une surenchère sur les droits audiovisuels se produira nécessairement, quelle que soit la qualité de l’événement sportif. Cet article doit être supprimé !

M. Bertrand Pancher. Le XXIe siècle est vraiment celui de l’esclavage par l’argent, et cet esclavage passe par les médias. Les droits de retransmission pour le foot sont passés de 300 millions à 1,4 milliard : c’est complètement fou ! Et non content de prendre de la publicité en intraveineuse dans le bras droit, on se pique le bras gauche ! Nous sommes complètement drogués et ces articles ajoutent encore à l’addiction. Il y en a marre de la publicité partout ! Ce n’est pas du tout conforme à la vision que nous avons du monde de demain.

M. Stéphane Testé. Nous aurons l’occasion, à l’article 59, de revenir sur le sujet important, notamment pour le service public, de la publicité dans les programmes sportifs. Je rappelle que France 2, en concurrence avec Amazon Prime, n’a pas pu obtenir les droits nocturnes sur Roland Garros. Je suis défavorable à la suppression de cet article.

M. Ian Boucard. Je partage l’inquiétude du ministre et de la rapporteure générale quant à l’incapacité, pour les acteurs publics, de diffuser certains événements. Mais c’est déjà le cas aujourd’hui. S’ils parviennent encore à diffuser certains événements, c’est que la loi le prévoit : le Tour de France, le tournoi de Roland Garros, les matchs disputés par l’équipe de France de football doivent être diffusés par un opérateur gratuit. Vous pouvez prévoir tous les écrans partagés possibles, cela ne leur donnera pas les moyens d’acquérir des droits sportifs en très forte augmentation. Si TF1 ne diffuse plus aujourd’hui la Ligue des champions, c’est que les coupures publicitaires avant, pendant et après les matchs ne suffisent plus. Les écrans partagés n’y changeront rien. Si vous proposez que l’on ajoute dans le texte qu’un match de championnat de France de football ou de rugby doit être diffusé par un opérateur gratuit, je vous soutiendrai. Mais on sait que cela n’est pas viable économiquement.

Quant à l’argument du ministre selon lequel les opérateurs se réguleront eux-mêmes, je n’y crois pas une seconde ! La Ligue de football professionnel a préféré vendre ses droits à un opérateur jusqu’alors méconnu en France, qui diffusera à 25 euros par mois, plutôt que de les céder à des opérateurs compétents comme Canal+ ou beIN SPORTS.

M. Bruno Fuchs. Dans toute autre forme de publicité, le citoyen peut choisir, mais celle sur écran partagé lui est imposée : il perd son libre arbitre. Lors d’une coupure publicitaire après un set à Roland Garros, il peut quitter l’écran, zapper, faire autre chose ; avec l’écran partagé, il est contraint de voir la publicité. Le marché passe avant le citoyen, sa capacité à accepter un programme. Cette forme de publicité me pose un problème de principe.

Mme Michèle Victory. Je ne nie pas la difficulté quont les chaînes à retransmettre des épreuves sportives, mais il est pour le moins contradictoire de défendre des valeurs déducation, démancipation de la jeunesse et de favoriser un système qui nous impose une overdose de produits, dont lintérêt nest quéconomique.

Mme Frédérique Dumas. Oui, cette forme de publicité nous fait perdre notre libre arbitre en ne nous laissant d’autre choix que celui de regarder.

En outre, il est très juste de dire qu’une telle disposition ne permettra pas, à elle seule, aux opérateurs d’acquérir les droits. Cela nous renvoie au financement de l’audiovisuel, notamment public, puisqu’il n’y aura pas de réforme de la contribution à l’audiovisuel public, que les réductions budgétaires sont très importantes et qu’elles portent sur les contenus. Je veux bien que l’on dise que les choses seront résolues grâce aux écrans partagés, mais il est assez incroyable d’utiliser ce seul argument pour justifier cette disposition.

M. Franck Riester, ministre. Nous n’utilisons pas ce seul argument, c’est l’un des arguments ! Bien évidemment, la publicité sur écran partagé ne s’appliquera pas au football, dont on connaît les enjeux financiers. Mais pour les autres sports, notamment ceux qui se déroulent sur un temps long, elle redonnera précisément du libre arbitre. Plutôt qu’une coupure publicitaire, où le seul choix est de zapper, elle permettra de continuer de regarder l’événement, avec un peu de publicité sur l’écran. C’est vrai pour le cyclisme ou la course à pied. Qui vous dit qu’entre deux sets de tennis, les spectateurs ne préféreraient pas regarder les joueurs en train de s’éponger et de boire de l’eau plutôt qu’une coupure de publicité ? Cela doit être fait avec les fédérations, dont l’intérêt est que les téléspectateurs soient satisfaits de regarder leur sport à la télévision. Il faudra trouver l’équilibre entre la qualité de visionnage et la monétisation des épreuves, pour faire fonctionner ces fédérations. C’est un choix supplémentaire, c’est davantage de libre arbitre !

M. Michel Larive. D’après vous, ce ne serait qu’une question de financement pour acquérir des droits. Dans ce cas, pourquoi supprimer les 60 millions de crédits à France Télévisions ? Si l’État s’engageait davantage, l’audiovisuel public aurait peut-être davantage de moyens pour répondre aux appels d’offres ? Votre solution, outre qu’elle sert le privé, est très aléatoire ! Alors qu’une enveloppe du ministère pour le service public, c’est du concret !

Mme Sylvie Tolmont. Pour défendre ce projet de loi, vous dites qu’il est nécessaire de s’aligner sur ce qui se passe sur internet. Et pourtant, nous tous ici dénonçons régulièrement cette invasion permanente des publicités sur internet ! N’oublions pas que nos concitoyens, fans de foot ou d’autres sports, doivent payer des droits à des chaînes privées pour regarder des retransmissions sportives et que ce que vous leur proposez ici, c’est de manger en plus de la publicité en permanence. C’est insupportable !

M. Franck Riester, ministre. La publicité sur écran partagé sera comptabilisée comme de la publicité classique, dont le volume global est limité à douze minutes par heure. Ce que nous proposons, c’est qu’au lieu que les annonces prennent la totalité de l’écran, elles soient diffusées sur un écran partagé, alors que la retransmission sportive se poursuit. C’est bien un plus pour les téléspectateurs ! Madame Dumas, pensez-vous qu’il soit préférable de regarder une publicité en plein écran plutôt que de continuer à assister au Tour de France, sur un écran partagé avec la publicité ?

Mme Frédérique Dumas. Oui, parce qu’on peut quitter l’écran.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de lamendement AC891 de M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. Les publicités sur écran partagé fonctionnent très bien sur internet, principalement sur les épreuves sportives ; leur durée n’est pas limitée, ce qui permet à internet d’être financièrement plus intéressant que la télévision.

Je propose de généraliser la publicité sur écran partagé à l’e-sport, un sport désormais reconnu et diffusé sur plusieurs chaînes, dont l’une y est totalement consacrée.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous connaissons votre engagement en faveur de l’e-sport et de sa reconnaissance. Il n’y a pas de raison que la publicité sur écran partagé ne s’y applique pas. Peut-être pourrons-nous travailler, dans la perspective du passage du texte en séance, sur l’avis du CNOSF, mais, à ce stade, adopter votre amendement serait un signal intéressant. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte larticle 9 modifié.

Article 10
Autorisation dune troisième coupure publicitaire pour la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles de longue durée

La commission est saisie des amendements de suppression AC341 de M. Bertrand Pancher, AC548 de Mme Muriel Ressiguier et AC776 de M. Ian Boucard.

M. Bertrand Pancher. Cet article porte à trois le nombre de coupures publicitaires autorisées au cours de la diffusion d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle d’une durée supérieure à deux heures. Nous sommes vraiment drogués par la publicité et une telle disposition va à l’encontre des objectifs de développement durable. J’avoue ne pas comprendre, monsieur le ministre, l’évolution du modèle de société que vous nous proposez.

M. Michel Larive. Nous nous opposons à l’instauration d’une troisième coupure publicitaire, les œuvres de cinéma ou de télévision ne peuvent pas être plus saucissonnées qu’elles ne le sont déjà ! Cette remise en question de la loi de 2008, qui garantissait un maximum de deux interruptions publicitaires lors de la diffusion d’un film est inacceptable. Elle contrevient à la bonne répartition des flux publicitaires et va à l’encontre des aspirations des Français, qui sont 89 % à considérer qu’il y a trop de publicité. Seuls les programmes destinés à la jeunesse seront exclus de cette disposition – une exception bien insignifiante puisqu’il n’existe quasiment aucun programme destiné à la jeunesse de plus de deux heures.

En outre, il a été avancé qu’une telle disposition inciterait les acteurs du secteur de l’audiovisuel à diffuser des films plus longs. Ce n’est qu’un prétexte. D’abord, le « tout publicitaire » n’a jamais constitué une politique publique ambitieuse en matière culturelle et n’a jamais été un signe de bonne santé de l’audiovisuel. Ensuite, la durée moyenne des cinquante films les plus vus en 2018 était de 126 minutes, selon une étude citée dans l’étude d’impact. La philosophie de l’article 10 se résume donc à une politique de fuite en avant libérale, d’adaptation aux standards anglo-saxons qui répond à la seule satisfaction des besoins commerciaux et financiers de chaînes privées bien identifiées. Enfin, si les libéraux aiment à dire qu’au-delà d’un certain seuil de prélèvement fiscal, trop d’impôt tue l’impôt, pourquoi le même raisonnement ne s’applique-t-il pas à la publicité ?

M. Ian Boucard. Ce ne sont pas les mêmes motivations qui me poussent à défendre cet amendement identique. Augmenter le nombre de coupures publicitaires dans un film aura deux effets. Le premier sera de dégrader la qualité de l’œuvre cinématographique, et cela, on ne peut s’en satisfaire. Le second est que les spectateurs préféreront payer un abonnement pour une plateforme, Netflix ou Amazon Prime, où ils pourront regarder un film sans coupure, enchaîner quatre épisodes d’une série sans publicité. Nous voulons rendre service aux chaînes de télévision, mais nous sommes en train de les tuer encore un peu plus.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends l’inquiétude qui peut exister, mais je me suis moi-même prononcée en faveur de cette troisième coupure, car c’est une mesure d’assouplissement, qui sera expérimentée par les chaînes : si le public ne suit pas, s’il n’est pas au rendez-vous elles arrêteront assez vite d’utiliser cette possibilité qui leur est offerte. Cette option me semble d’autant plus raisonnable et acceptable qu’elle concerne des films de plus de deux heures.

Mme Frédérique Dumas. Les chaînes de télévision privées, à qui on a fait beaucoup de cadeaux, n’auront pas forcément recours à cette troisième coupure, qui sera de plus réservée à des films très longs. L’enjeu n’est pas énorme.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je suis favorable à cette troisième coupure pour les œuvres de plus de deux heures. Cela peut favoriser la diffusion du cinéma à la télévision, le nombre de films étant justement limités par la difficulté à les encadrer par de la publicité.

La commission rejette les amendements.

Elle examine lamendement AC569 de Mme Maud Petit.

Mme Maud Petit. Cet amendement a pour objet de limiter le nombre d’interruptions publicitaires lors de la diffusion d’une œuvre cinématographique. Si l’enjeu financier est bien réel, l’impact sur les pratiques, et à long terme sur les audiences, est un risque encore plus grand, puisque les coupures publicitaires incessantes favorisent le décrochage du public, lassé, voire exaspéré. Selon un sondage OpinionWay intitulé « Les Français et lattention quils accordent à la publicité télévisée » d’octobre 2017, 75 % ne sont pas attentifs à la publicité, et 39 % d’entre eux changent souvent de chaîne pendant la coupure. Une troisième coupure pendant un film ou une série, programme qui requiert davantage d’attention qu’une émission de variétés augmente les chances de perdre un téléspectateur et de le voir se tourner vers les plateformes de streaming, où la publicité n’est pas aussi présente.

Il s’agit de préserver les œuvres cinématographiques de cette nouvelle disposition, qui peut, en revanche, s’appliquer aux programmes musicaux ou documentaires, par exemple.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Comme l’a dit notre collègue Gaultier, cette disposition permettra aux chaînes de programmer plus de films. Exclure les œuvres cinématographiques de cette disposition conduirait à défavoriser le cinéma, à le pénaliser par rapport aux autres programmes. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

M. Franck Riester, ministre. Un des objectifs de ce texte est de diffuser plus de cinéma à la télévision : c’est la raison pour laquelle nous prévoyons de supprimer les jours interdits et de favoriser les films longs. Si les chaînes n’ont pas la possibilité de faire une troisième coupure, elles ne programmeront pas de films longs, et ceux qui n’ont pas les moyens de s’abonner à une plateforme n’auront plus accès gratuitement à ces œuvres cinématographiques.

Par ailleurs, les chaînes n’ont pas intérêt à abuser de cette disposition, car elles pourraient y perdre des téléspectateurs. Je suis étonné que certains députés Les Républicains soient opposés à l’idée de donner aux acteurs la liberté de s’organiser en bonne intelligence avec leurs téléspectateurs. Faisons confiance à la régulation entre les propositions du diffuseur et les aspirations du téléspectateur !

M. Michel Larive. Allons voir du cinéma au cinéma, cela aidera l’industrie du cinéma ! Et s’il faut regarder du cinéma à la télévision, que ce soit dans le cadre légal actuel.

La troisième coupure de publicité serait une excellente affaire pour les grands opérateurs tels que Netflix et autres Amazon Prime Video : non seulement ils proposent des films, courts ou longs, sans interruption publicitaire, mais ils feront leur publicité lors de la troisième coupure du film diffusé sur l’audiovisuel public !

Quant à différencier une œuvre cinématographique d’une œuvre audiovisuelle, un film et un téléfilm, je n’en vois pas l’intérêt. Je voterai contre cet amendement.

Mme Michèle Victory. Nous avons bien compris que les chaînes de télévision avaient besoin de trouver des recettes supplémentaires, mais je ne pense pas que ce soit la bonne façon d’y parvenir. Moi qui regarde fréquemment la télévision, tard le soir, je me sens tout le temps prise en otage par la publicité. Je crois que le public ne vous suit pas dans cette idée.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Que proposez-vous ?

Mme Frédérique Dumas. Je pense que les chaînes n’utiliseront pas beaucoup cette possibilité de recourir à la troisième coupure publicitaire. Au final, on aura beaucoup discuté pour pas grand-chose…

Monsieur Larive, certes les salles de cinéma sont très importantes. Mais n’oublions pas que la télévision contribue pour environ 30 % au financement d’un film – c’est énorme ! Si on transpose la directive SMA, c’est bien pour faire des obligations d’investissement.

Monsieur le ministre, je vous rappelle qu’un accord a été conclu entre les organisations du cinéma et France Télévisions faisant passer le nombre de films de 415 à 250, cela dans le contexte de la suppression de France 4 et de France Ô. Et vous dites qu’il faut inciter les chaînes publiques à diffuser des films !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Bien évidemment, il est important d’aller voir des films en salle, et le projet de loi fait en sorte de préserver les salles.

Monsieur Larive, il n’y a pas de cadeau fait aux chaînes ; il s’agit seulement de trouver un nouvel équilibre entre les diffuseurs et les plateformes, et d’offrir la possibilité aux diffuseurs historiques d’avoir des ressources supplémentaires et donc des capacités d’investir dans les œuvres. Mais si les chaînes voient que le public n’est pas au rendez-vous, elles renonceront d’elles-mêmes à cette nouvelle possibilité.

M. Franck Riester, ministre de la culture. C’est tout à fait juste. Nous restons dans un cercle vertueux qui existe depuis bien longtemps, par lequel les diffuseurs financent les œuvres françaises et européennes au prorata de leur chiffre d’affaires. Si celui-ci augmente, leurs investissements augmentent également.

Il est bien évident qu’on incite à fréquenter les salles de cinéma, mais celles‑ci représentent tout de même un investissement. Je m’étonne d’entendre un député de La France insoumise dire qu’il vaut mieux que les gens aillent au cinéma plutôt qu’ils regardent des films longs à la télévision entrecoupés d’un peu plus de publicité.

M. Michel Larive. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il y a des gens qui n’ont pas les moyens d’aller au cinéma !

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1242 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC340 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Si la France, comme d’autres pays, ne parvient pas à respecter ses objectifs en matière de développement durable, c’est parce qu’on continue à consommer comme des malades. Il est regrettable que ce projet de loi rende possible de nous abreuver encore davantage de publicité. C’est même une erreur.

Le recours à la publicité dans les médias publics alimente inutilement leur course à l’audience et les éloigne naturellement de leurs missions de service public, sans compter que les messages véhiculés par la publicité sont à contre-courant des services publics culturels puisqu’ils ne visent qu’à encourager une consommation effrénée. C’est pourquoi cet amendement vise à interdire la publicité sur les médias publics français, où elle n’a pas sa place.

Beaucoup de démocraties dans le monde – la Finlande, l’Espagne, le Japon, le Royaume-Uni – ont fait le choix d’une recette élargie pour compenser ces éventuelles perceptions publicitaires représentant environ 20 % du budget de l’audiovisuel public français. La disparition de la taxe d’habitation va remettre en question le principe de perception de la redevance télévision, laquelle va devoir être recalculée sur d’autres bases et davantage généralisée. Le Gouvernement pourrait élargir son assiette, voire rendre son taux plus progressif afin de compenser la perte de ressources publicitaires.

Je veux bien admettre que les médias privés soient dépendants de la publicité, mais il conviendrait de s’en affranchir dans les médias publics, ce qui constituerait au moins une évolution favorable dans le cadre de leurs missions de service public.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Dans un monde idéal, moi aussi, je serais très favorable à ce qu’il n’y ait plus de publicité sur l’audiovisuel public – mais comment le financer ? On ne peut pas prendre le risque de priver l’audiovisuel public de ressources publicitaires. Nous serons sans doute amenés à nous pencher sur l’avenir de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), mais pas ici, pas dans le cadre de ce projet de loi. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Je vais voter l’amendement de M. Pancher. Pourquoi ne prendre comme modèle de financement que la publicité ? Il revient à l’État de remplir son contrat et d’allouer les budgets nécessaires au bon fonctionnement de l’audiovisuel public, pas aux entreprises privées.

M. Ian Boucard. Si on supprime la publicité sur le service public, il faudra augmenter la redevance, solution à laquelle nos concitoyens sont, bien évidemment, opposés.

Le risque est aussi de voir disparaître des chaînes publiques – le choix a déjà été fait d’en supprimer deux, ce que je regrette pour l’une d’entre elles au moins
– ou de se retrouver avec un service public au rabais. Je ne suis pas favorable à cet amendement ni à la proposition du groupe du groupe MODEM de réintroduire la publicité sur toutes les plages horaires de France Télévisions. Je pense qu’il faut conserver en l’état la loi de 2008.

M. Jean-Jacques Gaultier. « Qui mesure dure », dit une devise meusienne. Je ne suis pas fan du tout publicitaire, mais il ne faut pas passer d’un excès à un autre.

Du côté des acteurs privés, comme TF1 et M6, on considère que le présent projet de loi n’autorise pas assez de publicité et, du côté des acteurs publics, comme France Télévisions, on nous met en garde contre la suppression de la publicité en rappelant que la suppression de la publicité après 20 heures sous la présidence de Nicolas Sarkozy a nécessité d’introduire des mesures de compensation. Si on supprime la publicité, il faudra trouver 300 millions pour le service public.

M. Raphaël Gérard. Je ne suis, moi-même, pas un très grand fan de la publicité sur l’audiovisuel public, en particulier à la radio.

J’aimerais comprendre pourquoi cet amendement, qui ampute le service public d’une part importante de ses ressources, ne tombe pas sous le coup de l’article 40 alors que d’autres amendements qui réaffectaient des recettes l’ont été.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 10 modifié.

Après l’article 10

La commission est saisie des amendements AC568 et AC570 de Mme Maud Petit.

Mme Maud Petit. L’objectif de ces amendements est de répondre aux besoins financiers qu’a engendrés la suppression de la publicité en 2009.

L’amendement AC568 permet la réintroduction de la publicité dans les programmes de France Télévisions entre 20 heures et 6 heures, en dehors des œuvres cinématographiques afin de préserver la diffusion du programme sans le dénaturer. Cette réintroduction est proposée par le biais d’un écran partagé qui n’interrompt pas le programme mais divise l’écran. Un rapport, dans un délai d’un an après le début de cette disposition, sera demandé à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique qui se prononcera sur le bien-fondé d’une telle disposition.

L’objet de l’amendement AC570 est de permettre un retour partiel de la publicité sur les chaînes publiques par voie expérimentale. La loi qui a supprimé la publicité sur ces chaînes prévoyait un financement compensatoire par une taxe représentant 3 % du chiffre d’affaires publicitaire, censée rapporter 80 millions d’euros par an. Or cette taxe n’a rapporté que 5 millions d’euros en 2017, et un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2019 l’a supprimée. Le manque à gagner pour le service public est donc important. Seule l’augmentation de la redevance finance cette perte, ce qui n’était pas l’ambition du texte de 2009.

L’expérimentation proposée consisterait en un retour de la publicité en première partie de soirée, hors œuvres cinématographiques, sur les chaînes de service public afin de combler le manque à gagner observé depuis dix ans. Là encore, nous demandons qu’un rapport soit ensuite réalisé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends que l’on se préoccupe des ressources de l’audiovisuel public, mais je ne suis pas favorable à un retour massif de la publicité sur l’audiovisuel public après 20 heures. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point en ce qui concerne les programmes sportifs.

L’amendement AC568 étend vraiment trop largement la possibilité qui serait offerte à l’audiovisuel public de réintégrer de la publicité. Il en va de même de l’expérimentation proposée par l’amendement AC570. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements sont successivement retirés.

La commission est saisie de lamendement AC547 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous demandons un rapport d’information sur l’influence des chaînes privées dans la prise de décision publique concernant la déréglementation de la publicité à la télévision et l’augmentation du volume horaire de la publicité aux heures de grande écoute.

L’instauration d’une troisième coupure publicitaire lors de la diffusion d’un film ou d’un téléfilm d’au moins cent vingt minutes semble répondre à des demandes historiques de chaînes privées bien identifiées. Ainsi, TF1 demande depuis longtemps une troisième coupure publicitaire. De plus, alors que la chaîne propose à ses annonceurs un service de double écran, l’article 9 offre aux chaînes la possibilité de diffuser de la publicité en écran partagé pendant la retransmission d’événements sportifs.

La loi ne saurait être façonnée par une chaîne privée dont le président-directeur général a déclaré par le passé qu’il vendait du « temps de cerveau humain disponible » aux publicitaires. Ce rapport permettrait de s’assurer que les pratiques de lobbying n’ont pas orienté l’écriture de la loi dans le sens d’un intérêt particulier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il est certain que la situation des chaînes privées influence les décisions que nous pouvons prendre collectivement, mais c’est bien leur situation concurrentielle qui nous préoccupe. La nécessité est bien là d’un rééquilibrage entre les plateformes et les diffuseurs, qui nous pousse à assouplir la réglementation qui les régit et dont certains aspects paraissent obsolètes. Je ne suis pas certaine qu’il faille un nouveau rapport pour démontrer cette obsolescence. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je préconise aussi le statu quo. Il y a vingt ans, j’étais favorable à la suppression de la publicité à la télévision – à l’époque, c’était peut-être plus facile et on demandait déjà une réforme de la CAP. Puis la suppression de la publicité à partir de 20 heures a été décidée, accompagnée d’une mesure de compensation, la TOCE, aujourd’hui disparue. L’audiovisuel est un secteur où il faut éviter de bouleverser les équilibres : à chaque fois qu’on octroie plus de publicité, on marche sur les pieds de quelqu’un.

Pour notre part, nous proposons des amendements en faveur d’une publicité sur l’audiovisuel public plus exemplaire et plus éthique, et relevant de préoccupations d’ordre écologique.

M. Bruno Fuchs. Le MODEM, avec ces amendements qui avaient peu de chance de prospérer, proposait une démarche innovante avec cette expérimentation pendant un an suivie d’un bilan. Il n’était pas totalement ridicule d’approcher la question à travers une forme d’étude d’impact en réel permettant d’étudier le comportement des téléspectateurs face à la publicité.

La commission rejette lamendement.

Article 11 : Suppression de lencadrement des grilles de programmation des chaînes de télévision en matière de diffusion dœuvres cinématographiques

La commission est saisie de lamendement AC549 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous nous opposons à la suppression complète de l’encadrement de la grille horaire de diffusion par les chaînes de télévision des films de cinéma. Une telle disposition menace les salles de cinéma françaises qui, faut-il le rappeler, contribuent en grande partie à l’autofinancement du secteur cinématographique ainsi qu’au rayonnement du cinéma français partout dans le monde.

Sur la grande majorité des chaînes gratuites, les films de cinéma ne peuvent pas être diffusés à n’importe quel moment de la journée ou de la semaine. La remise en question de ces règles de manière unilatérale est vertigineuse – 55 % des entrées dans les salles de cinéma sont enregistrées entre le vendredi et le dimanche. Ces règles correspondaient à un objectif historique de protéger les salles de cinéma – et avec elles le cinéma français – de la concurrence déloyale.

La réglementation garantit un équilibre entre cinéma et télévision, qui ne pénalise nullement les chaînes gratuites, celles-ci pouvant diffuser une quantité déjà importante de films de cinéma. Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les jours interdits sont vraiment un des éléments caractéristiques de lobsolescence de la législation actuelle. Les Français ne comprennent pas pourquoi un film ne pourrait pas être diffusé le samedi soir sur les chaînes gratuites. Il est temps de mettre fin à cette disposition pour favoriser laccès du plus grand nombre aux œuvres cinématographiques. Au sein même de la profession, les avis ont largement évolué ces dernières années vers un consensus. En tant que législateur, il est de notre responsabilité de favoriser laccès de tous les Français aux œuvres cinématographiques sur les chaînes de télévision, notamment gratuites. Avis défavorable.

Mme Virginie Duby-Muller. Depuis six ans, la fréquentation des salles de cinéma a dépassé les 200 millions dentrées annuelles et 2019 a été une année record.

M. Michel Larive. C’est bien, et il faut que ça continue.

Mme Virginie Duby-Muller. Les usages ont changé avec les services à la demande, qui rendent la règle dont l’article 11 prévoit la suppression complètement anachronique. Je ne comprends pas du tout la demande de suppression de cet article, complètement à contre‑courant.

M. Jean-Jacques Gaultier. Tous les acteurs que nous avons auditionnés font preuve d’une grande ouverture sur ce sujet et y sont, pour la plupart, favorables. Le contexte a évolué, et ce sont davantage des programmes comme The Voice qui concurrencent le cinéma qu’un éventuel film diffusé à la télévision le samedi. Il faudra seulement s’assurer que la mesure ne profite pas qu’aux grosses productions américaines au détriment des films d’art et d’essai. Sous réserve de cette précaution, je suis favorable à l’article 11.

M. Michel Larive. Vous avez mis le doigt sur le problème : Netflix et Amazon Prime Video vont s’engouffrer dans la brèche !

Madame la rapporteure générale, quelle est la motivation réelle de cette proposition ? Si elle est financière, je vous signale que 41 milliards de crédits d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) n’ont pas de retour effectif dans l’économie réelle, et que vous pourriez aller chercher 3 milliards d’euros d’impôt sur la fortune. Le ministère de la culture peut fort bien recevoir des subsides. En revanche, je ne vois pas quel est l’intérêt de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Vous faites le choix de favoriser les grandes plateformes et le service à la demande ; moi je parle du cinéma français. S’il est aussi fort aujourd’hui, c’est peut‑être grâce aux règles qui existent.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il s’agit là d’un élément de compétition équitable entre les acteurs de la télévision et les plateformes.

Monsieur Larive, je ne comprends pas qu’un député de La France insoumise puisse défendre l’idée que ceux qui voudraient regarder un film le mercredi soir, le vendredi soir, le samedi soir et le dimanche toute la journée n’auraient pas d’autre choix que de passer par une plateforme payante ou d’aller dans une salle de cinéma. Nous proposons là une mesure équitable et de justice sociale en permettant aux gens qui n’ont pas forcément les moyens de payer une place de cinéma ou un abonnement à une plateforme d’avoir accès au cinéma.

D’ailleurs, la Fédération nationale des cinémas français n’est pas farouchement opposée à cette disposition, et Canal+ et les plateformes comprennent que la télévision gratuite puisse offrir davantage de films à la télévision.

L’encadrement ne serait plus conservé que le samedi soir, la diffusion étant alors restreinte à des films coproduits par les chaînes ou à des films d’art et essai, afin de privilégier la diffusion de films inédits ou d’art et essai.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce ne sont pas des considérations financières qui motivent cette proposition. C’est tout simplement que les Français ne comprennent pas que le cinéma qu’ils aiment ne soit pas accessible certains jours où à certaines heures gratuitement à la télévision alors qu’il l’est de manière payante sur telle ou telle plateforme. Les chaînes doivent avoir plus de liberté pour programmer le cinéma de manière plus adaptée à la typologie du public. Il s’agit d’une mesure très positive et bénéfique, de nature à renforcer la présence du cinéma sur nos écrans.

M. Michel Larive. Monsieur le ministre, vous ne comprendrez pas bien des choses de ma part parce que nos choix de société sont totalement différents. Pour ma part, je comprends malheureusement trop bien les vôtres. Je nai jamais dit que je voulais déshabiller Pierre pour habiller Paul ; je nai jamais dit que je ne voulais pas que les gens regardent du cinéma à la télévision. Je ne suis pas aussi manichéen. Le cinéma est accessible à la télévision française, et on peut y voir un film tous les jours.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Pas tous les jours.

M. Michel Larive. Effectivement, pas le samedi soir. Il y a bien du cinéma sur l’audiovisuel public français et je ne comprends pas que vous ne compreniez pas que je défende le cinéma français.

Mme Michèle Victory. Le nombre d’entrées dans les cinémas est le plus élevé le week-end, et le cinéma est un lieu d’animation dans nos petites villes et les villes moyennes. On peut se demander si la mesure proposée à l’article 11 ne risque pas d’extraire des spectateurs potentiels des salles de cinéma. D’ailleurs, cette crainte a été exprimée par des propriétaires de salles.

Mme Frédérique Dumas. Je suis favorable à la suppression des jours interdits.

Bien sûr, la salle de cinéma est fondamentale, mais, comme vous le savez, le film est un prototype et il y a une chronologie des médias. Ce qu’on peut voir dans une salle de cinéma au temps t, on ne peut pas le regarder sur un autre support avant un certain délai, à moins de penser que tous les films sont substituables.

Ce qui est grave, c’est que le cinéma à la télévision ne soit pas accessible en replay. Cela le rend rare, n’en permet pas l’éditorialisation et le fait disparaître. Le cinéma existe d’abord en salle, puis, après un, deux ou trois ans suivant la chronologie des médias, sur d’autres supports. Aussi doit-il être éditorialisé et ne pas être rare. La salle de cinéma est fondamentale mais elle n’intervient pas au même moment que la télévision.

M. Raphaël Gérard. Il faut penser le cinéma comme une pratique sociale et un moment particulier, notamment dans les provinces et la ruralité qu’évoquait Mme Victory où le cinéma reste un moment de spectacle, de sortie. La consommation d’un film devant sa télévision n’a pas tout à fait la même dimension. Il faut distinguer les deux pratiques pour bien comprendre qu’il n’y a pas forcément concurrence entre l’une et l’autre.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 11 sans modification.


2.   Seconde réunion du lundi 2 mars 2020 (après l’article 11 à article 20) ([4])

Après l’article 11

La commission examine lamendement AC770 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. L’amendement, qui vise à assouplir les règles entourant la diffusion de mentions informatives et rectificatives dans les messages publicitaires à la radio, précise que les radios disposent d’une limite d’espace et de temps pour diffuser l’intégralité des mentions, et qu’elles peuvent rendre celles-ci accessibles à leurs auditeurs par tout autre moyen.

Le flou juridique qui prévaut actuellement conduit les radios à interpréter l’article L. 121-3 du code de la consommation de façon extensive, donc à diffuser toutes les mentions. Contrairement aux autres médias, le média radiophonique ne dispose pas d’un moyen de communiquer ces mentions de façon discrète. Il n’est ainsi pas rare que plus d’un tiers d’un spot publicitaire à la radio soit occupé par l’énoncé, généralement rapide, donc peu intelligible, de mentions légales. Cela produit plusieurs effets néfastes que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mis en avant en 2011, en soulignant la mauvaise information du consommateur sur les produits ou services dont il est fait la publicité, en raison d’un débit de parole trop rapide ; une nuisance pour le confort d’écoute de la radio pour les auditeurs ; et un détournement des annonceurs du média radiophonique pour diffuser leur publicité. Le présent amendement vise donc à ce que les mentions légales puissent être reportées sur un tiers support.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’excès de mentions légales censées protéger le consommateur rend en effet inintelligibles certaines publicités à la radio. Les investissements publicitaires sont alors détournés au profit de la publicité digitale, ce qui désavantage le média radiophonique. L’amendement assouplit l’utilisation des mentions légales, ce qui peut contribuer à faire avancer le débat en marquant clairement la spécificité de ce média. J’y suis donc favorable.

Mme Céline Calvez. Pour abonder dans le même sens, je veux souligner que le citoyen, au lieu de comprendre les mentions, les évite. Ce phénomène étant contre-productif, il faut aménager le dispositif. Notre volonté de limiter ces excès ne peut cependant pas se dédouaner de l’attention à prêter à l’ensemble des informations devant être portées à la connaissance des citoyens. Nous cherchons à être efficaces et à apporter les informations nécessaires. Or consacrer six secondes à énoncer autant de phrases n’est pas efficace, notamment à la radio.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC295 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit d’empêcher non pas la rémunération d’un signal ou l’abonnement, mais tout péage de lecture numérique ou paywall, c’est-à-dire le fait de facturer une chaîne gratuite aux téléspectateurs. Dans le litige opposant Molotov au groupe M6, le juge a ainsi récusé une telle facturation. Il est bon que la loi précise ce sujet complexe.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends bien le sens de l’amendement, qui est de mettre un terme aux différents conflits apparus entre les éditeurs et les distributeurs, notamment l’année dernière, et à leurs conséquences pour le grand public en termes d’accès aux différentes chaînes.

Mais, comme vous le savez, un accord a finalement été conclu entre les distributeurs et les éditeurs. Il ne revient pas au législateur d’intervenir maintenant, alors que le conflit a été résolu. Le texte prévoit d’avancer sur le sujet, avec plusieurs mesures qui amélioreront le règlement de tels différends.

Mme Frédérique Dumas. J’ai bien pris la précaution de préciser que l’amendement ne visait pas la rémunération d’un signal : il n’a donc aucun rapport avec le conflit dont vous parlez. Il faut préserver la relation contractuelle entre les distributeurs et les éditeurs, qui passe par un contrat de commercialisation et un règlement des différends par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).

L’amendement vise au contraire à se prémunir d’une pratique qui a été sanctionnée par le tribunal, celle de facturer une chaîne gratuite au citoyen. Mais peut-être estimez-vous qu’il faille l’autoriser, bien que le tribunal l’ait invalidée ?

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite deux amendements de M. Éric Bothorel, AC971 et AC972.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Les amendements AC971 et AC972 traitent du spot publicitaire et de la neutralité des terminaux. Ils précisent que les conditions de référencement des applications par les équipementiers « doivent être équitables, raisonnables et non discriminatoires. » L’amendement AC971 étend ce principe aux services de paiement des équipementiers.

Dans le monde de demain, les téléviseurs connectés et les magasins d’applications seront devenus la norme. Les télécommandes actuelles disposent déjà de boutons pour accéder à un contenu natif Netflix ou OCS. Demain, les téléviseurs connectés choisiront eux-mêmes comment ils organisent l’accès à certaines applications.

Alors que nous nous concentrons aujourd’hui sur la manière de réguler les plateformes, nous ignorons celle concernant les terminaux. Vous m’opposerez peut-être que le débat est avant tout européen. Le problème se pose certainement aussi à ce niveau, mais je n’oublie que, lors du débat sur la loi relative à la protection des données personnelles, j’ai pu faire adopter un amendement permettant de protéger la liberté d’accès au choix de navigateurs et de moteurs de recherche. L’Europe a depuis pris des dispositions en ce sens. Il y a deux jours, Google a rendu disponible l’accès à certaines applications supplémentaires dans Android.

Le fait d’avoir pris des dispositions plus tôt que d’autres pays ne doit pas nous arrêter. Ayons le courage de nos ambitions et marquons notre volonté de mettre un pied dans la porte de la neutralité des terminaux.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous soulevez à raison une question complexe, laquelle, vous l’avez dit, se réglera plutôt à l’échelon européen. C’est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement, de manière à le retravailler avec le Gouvernement d’ici à la séance. Nous sommes en effet nombreux à considérer qu’il existe un enjeu démocratique majeur sur la question des magasins d’applications et des enceintes connectées. La loi doit pouvoir traiter ces enjeux.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je maintiens l’amendement, madame la rapporteure générale, non pas pour vous contredire car nous avons pu constater lors de l’examen de ce texte par la commission des affaires économiques que nous partageons beaucoup, mais parce que, le problème étant européen et devant être traité à cet échelon, il est inutile de se donner rendez-vous en séance. Je vous propose toutefois de retravailler l’amendement pour en améliorer la rédaction.

Mme Frédérique Dumas. Je veux souligner l’importance des propos d’Éric Bothorel. La loi, qui fait l’impasse sur le métier de distributeur, devra préciser cet aspect. Elle ne fait pas état de ce qui adviendra lorsque nous ne pourrons plus appliquer cette régulation, autant sur la télévision sur internet (OTT) que sur les récepteurs ou les télécommandes.

Notre collègue a donc raison de souligner que, demain, tout se jouera au niveau de la distribution, qu’elle soit physique ou virtuelle. L’avenir étant connu, il est nécessaire d’entamer la discussion sur ces sujets.

Mme Céline Calvez. Je vous rejoins sur la nécessité de prendre en compte les distributeurs, et accepterais volontiers une telle télécommande. Nous avons conscience que le problème doit se régler au niveau européen, mais la législation française a pu montrer le chemin par le passé. L’adoption du présent amendement permettrait d’appeler l’attention de l’Union européenne sur cette question.

La commission adopte lamendement AC971.

En conséquence, lamendement AC972 tombe.

La commission examine lamendement AC1249 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le présent amendement a pour objet d’actualiser les modalités de calcul du dispositif anti-concentration relatif à la radio. Le plafond de la population recensée dans les zones desservies, aujourd’hui fixé à 150 millions d’habitants, n’a pas été revu depuis de nombreuses années. Une règle de trois le ferait passer à 177 millions d’habitants. Nous proposons que ce seuil soit fixé à 160 millions d’habitants et soit indexé sur l’évolution de la population. Il s’agit de permettre davantage de flexibilité.

La commission adopte lamendement.

La commission examine les amendements identiques AC829 de Mme Florence Provendier et AC929 de Mme Michèle Victory.

Mme Florence Provendier. L’amendement AC829 vise à traduire l’une des recommandations de la mission flash sur les quotas de chansons francophones applicables aux radios privées, qui préconisait l’adoption d’une charte de la francophonie et de la diversité musicale pour les services de streaming musical. Il appartiendra au nouveau Centre national de la musique de favoriser l’adoption d’une telle charte, qui comportera des engagements en faveur de la mise en avant effective de la chanson francophone, des nouveaux talents et de la diversité musicale sur ces services.

L’amendement est un premier pas vers un encadrement plus large des plateformes. Il était complété par un autre amendement, qui a été jugé irrecevable par la commission des finances. Je travaille donc à le modifier d’ici à la séance.

Il apparaît que sur certaines plateformes, l’écoute se reporte en grande majorité sur des artistes francophones et que leurs playlists éditorialisées comprend une part significative de titres francophones. Il importe donc d’acter cet élan dans un engagement formel et, surtout, d’encourager les plateformes de streaming musical à une plus grande transparence.

Mme Michèle Victory. Les services de streaming nous ont en effet dit qu’ils tenaient déjà largement compte de l’exposition à la chanson francophone. Nous souhaitons donc les prendre au mot, en leur proposant cette charte.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit en effet d’une des préconisations de la mission flash qui vous avait été confiée. J’y suis favorable car cette charte viendra renforcer le rôle du jeune Centre national de la musique. Par ailleurs, elle permet une autorégulation de la diversité musicale sur les plateformes de streaming. Ce premier pas n’est peut-être pas suffisant et donne envie d’aller au-delà. Il serait toutefois intéressant de valider cette première approche dès nos débats en commission.

La commission adopte ces amendements.

La commission examine lamendement AC684 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Il va dans le sens des deux amendements précédents. Parce que la musique francophone représente aujourd’hui plus de 71 % du top 200 du streaming pour 2019, les critères en matière de diversité doivent évoluer.

L’amendement vise à proposer une charte en faveur de la diversité musicale et de la francophonie, dont le Centre national de la musique aura la responsabilité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC684 est satisfait par l’adoption des amendements précédents.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC866 de M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision prévoyait de supprimer la publicité sur France Télévisions le soir, pour permettre aux films de débuter plus tôt et aux spectateurs de se coucher à une heure raisonnable. En 2020, force est de constater que diverses émissions sont programmées avant le film, ce qui conduit celui-ci à finir tout aussi tard. Je souhaiterais donc qu’un rapport soit rédigé pour déterminer pourquoi les émissions finissent bien souvent à vingt-trois heures ou davantage.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger sur ce sujet. De nombreux Français s’inquiètent de l’heure tardive à laquelle débutent les émissions. Sur France 2 et France 3, les programmes commencent en effet plutôt vers vingt et une heure cinq, soit l’horaire des chaînes concurrentes pour cette même case.

La suppression de la publicité a permis de laisser la place à des fictions quotidiennes, réalisées en France et très suivies par les Français, notamment sur France 2. Nous disposons donc déjà d’éléments de compréhension.

C’est pourquoi je formulerai plutôt une demande de retrait. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. J’entends ces remarques, mais l’heure de début des principaux programmes de première partie de soirée pose problème. Mme la rapporteure générale a rappelé avec raison que certains programmes courts avaient pu ainsi entrer dans le paysage audiovisuel et toucher un grand nombre de nos compatriotes. Il serait toutefois intéressant de mener, d’ici à la séance, une réflexion portant sur les meilleurs rythmes de vie, la qualité du sommeil, notamment pour les enfants, et sur un dispositif permettant d’éclairer ces questions, qui touchent non seulement l’audiovisuel public mais également les chaînes privées. Le Gouvernement pourrait y travailler avec la rapporteure générale et M. Masséglia.

M. Denis Masséglia. Je vous remercie pour cette proposition et suis naturellement prêt à y travailler. Je souhaiterais cependant savoir ce que rapportent à France Télévisions ces programmes courts, qui sont souvent sponsorisés et concernés par la publicité intégrée, sur laquelle nous avons déposé un amendement. Il s’agit de connaître les impacts financiers potentiels du dispositif.

Pour le reste, je fais confiance à la rapporteure générale, dont je salue le travail, ainsi qu’à M. le ministre, et retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC587 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d’information sur les objectifs de la suppression de l’encadrement de la grille horaire de diffusion de films. Il s’agit notamment d’évaluer l’impact de l’article 11 sur les salles de cinéma ainsi que les perspectives du marché français de l’audiovisuel. Cette disposition est justifiée par l’impératif, pour l’audiovisuel public, de concurrencer les plateformes de vidéos à la demande. Or, les publics de ces deux supports semblent être largement différents. Plus encore, ce sont les séries qui sont très populaires sur lesdites plateformes, non les films de cinéma.

Pour toutes ces raisons, un rapport d’information sur les objectifs de la suppression de l’encadrement de la grille horaire de diffusion par les chaînes de télévision des films de cinéma et sur le bilan de la politique de dérégulation menée depuis 1986 semble s’imposer.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons déjà débattu de la suppression des « jours interdits » à l’article 11, et donné les raisons qui justifient sa pertinence. J’entends cette demande d’un rapport supplémentaire. Le décret en prévoit déjà un, pour connaître les bénéfices retirés de cette disposition. Ce rapport s’accompagnera certainement d’évaluations.

En conséquence, je suis défavorable à votre demande. Des évaluations seront réalisées sur les films concernés et les impacts éventuels de cette disposition.

La commission rejette lamendement.

Chapitre III
Modernisation de la radio et de la télévision numériques

Article 12
Autorisation dusage de ressources radioélectriques pour la diffusion en TNT dans des formats dimage améliorés

La commission examine lamendement AC565 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement fait partie d’une série d’amendements que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés (MODEM) a déposée, qui vise à renforcer l’action publique eu égard à l’impact environnemental de nos usages des moyens de télécommunication numérique.

C’est au nom de l’intérêt général, qui comprend aussi l’empreinte carbone, que l’ARCOM accorde les autorisations dont traite l’article 12. Si l’impact carbone des nouvelles utilisations des réseaux électroniques de communication est mal documenté, on sait que Netflix consomme 15 % du trafic internet français, qu’il a fait et continue de faire exploser.

Les bonnes pratiques n’étant pas explicites aujourd’hui, tant pour le public que pour les professionnels du secteur, l’amendement vise à ce que l’ARCOM tienne compte de l’impact environnemental de toute nouvelle autorisation de diffusion en ultra haute définition (UHD). Cet impact est apprécié à travers les objectifs de la stratégie bas carbone, codifiée par le code de l’environnement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Plusieurs amendements relatifs à l’impact environnemental ont en effet été déposés, notamment par votre groupe. Nous sommes nombreux à y être sensibles.

Je ne comprends cependant pas en quoi cet impact concerne l’UHD. Une réflexion plus globale doit être menée sur l’empreinte carbone et les questions environnementales. Nous en débattrons au sujet de la publicité ou des tournages. Aussi, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, car l’article traitant l’UHD n’est pas le lieu d’évoquer ces sujets.

Nous évoquerons les enjeux écologiques et environnementaux en séance, et aboutirons, je l’espère, à une prise en compte globale.

M. Bruno Fuchs. J’espère que nous y aboutirons avant la séance. L’amendement vise à faire prendre conscience de l’importance d’accorder à l’ARCOM des compétences nouvelles. Je le retire à ce stade car nous aurons l’occasion de revenir dessus au cours du débat.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1243 de la rapporteure générale.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AC192 de M. Jean-Jacques Gaultier et AC409 de Mme Brigitte Kuster, ainsi que lamendement AC230 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement AC192 concerne les chaînes devant passer en ultra haute définition, qui seront contraintes à réaliser de lourds investissements, tant au niveau des programmes que de la diffusion. Il leur sera difficile de se lancer dans une diffusion pour cinq ans en ultra haute définition, qui ne couvrira d’abord qu’une partie du territoire, si elles ne sont pas sécurisées dans le même temps quant au renouvellement de leurs autorisations en haute définition.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC409 va dans le même sens. Le passage en UHD nécessitera des investissements significatifs en matière de programmes, de diffusion, de technique. L’autorisation initiale des éditeurs arrivera à échéance en 2023 et fera l’objet d’un nouvel appel à candidature, sans qu’aucune garantie de renouvellement ne soit offerte. Des risques existent en matière de mieux-disant, de recours devant les tribunaux et de concurrence.

Il semble ainsi difficile pour les éditeurs de se préparer pour cinq ans à une diffusion UHD ne couvrant qu’une partie du territoire, alors qu’au même moment, aucune garantie sécurisant le renouvellement de l’autorisation existante pour la haute définition ne leur est offerte. Dans sa rédaction actuelle, l’article 12 ne permet pas d’éviter l’instabilité juridique que provoque le renouvellement des autorisations en haute définition par appel à candidature.

M. Jean-Jacques Gaultier. Quant à l’amendement AC230, il vise à compléter l’article par l’alinéa suivant : « Toute chaîne qui volontairement demandera et obtiendra une autorisation en UHD voit son autorisation initiale HD prolongée pour la durée de celle de l’UHD. »

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends que le rapprochement que vous effectuez entre la délivrance des autorisations en UHD et le prolongement des autorisations en haute définition inciterait de fait les chaînes historiques à investir davantage dans l’ultra haute définition, car elles sécuriseraient ainsi leur autorisation de continuer à émettre en haute définition, laquelle, nous le savons, arrive bientôt à échéance.

Estimant toutefois préférable de distinguer les deux sujets, j’ai déposé un amendement en ce sens à l’article 13. C’est pourquoi je vous demande de retirer vos amendements au profit du mien, qui poursuit le même objectif.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis du même avis, et soutiendrai l’amendement de la rapporteure générale.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement de la rapporteure générale ne semble pas offrir de garanties suffisantes pour sécuriser les acteurs, au vu des investissements qu’ils devront consentir. Je maintiens donc l’amendement AC409.

Les amendements AC192 et AC230 sont retirés.

La commission rejette lamendement AC409.

La commission adopte larticle 12 modifié.

Article 13
Extension du droit de priorité des éditeurs à lultra haute définition

La commission examine lamendement AC1244 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement tire les conséquences d’une recommandation formulée notamment par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans son avis sur le projet de loi. Les programmes en ultra haute définition étant encore rares, il s’agit d’autoriser les éditeurs à diffuser certains programmes alternativement en haute définition et ultra haute définition, ce qui offrira une plus grande souplesse.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC1357 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1357 auquel je faisais allusion, Madame Kuster, a pour objet de permettre à l’ARCOM, lors de l’attribution de fréquences hertziennes, de favoriser les éditeurs préalablement autorisés, pour éviter que de nouveaux acteurs ne consentent à de lourds investissements qui ne seraient pas susceptibles d’être entièrement amortis. Nous voulons permettre à l’ARCOM de prendre en compte un critère d’expérience des candidats pour l’attribution d’une fréquence hertzienne.

Cet amendement répond bien à votre préoccupation sur le renouvellement de l’autorisation en TNT, en dissociant UHD et HD.

Mme Brigitte Kuster. Je prends acte de cet amendement, plus complet, qui m’apparaît satisfaisant.

La commission adopte lamendement.

La commission adopte larticle 13 modifié.

Article 14
Obligation de distribution du service public de laudiovisuel en ultra haute définition

La commission est saisie de lamendement AC588 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Il vise à garantir aux clients des distributeurs de services audiovisuels une compatibilité sur le long terme de leur équipement télévisuel. La modernisation de la télévision numérique et l’instauration de l’UHD comportent un risque d’obsolescence programmée, entendue dans son sens large. Du fait de la promotion de l’UHD, les nouveaux modèles de box pourraient en effet être incompatibles avec les téléviseurs non UHD.

Nous souhaitons donc que l’article 14 ne favorise pas l’augmentation délibérée du taux de remplacement des appareils. Il est souhaitable d’étendre les obligations des distributeurs de services en matière de reprise des chaînes publiques à la diffusion de ces chaînes en ultra haute définition, mais ces enjeux de la plus haute importance doivent être pris en compte dans la loi.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement que vous défendez, dont je comprends le sens, aurait pour conséquence de demander au distributeur de transmettre en même temps deux signaux, donc à l’éditeur d’en émettre également deux. Or nous n’avons pas assez de place sur les mutiplexes pour doublonner les chaînes lorsqu’elles seront toutes passées en UHD. Cette limitation technique empêche de répondre à la préoccupation de votre amendement. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai de le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission adopte larticle 14 sans modification.

Article 15
Obligations de compatibilité des récepteurs de télévision et de radio

La commission examine lamendement AC195 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement vise à permettre la commercialisation de téléviseurs et d’adaptateurs individuels à compter de la date de délivrance des autorisations en UHD.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends le sens de cet amendement par lequel vous souhaitez accélérer le déploiement des téléviseurs UHD. Je n’y suis pas opposée, mais il existe pour les Français un risque de renchérissement du prix de ces appareils. Le législateur doit prendre en compte cet élément. Par ailleurs, la norme HbbTV, relevant davantage du domaine réglementaire que législatif, je vous propose de retirer votre amendement. Sinon, avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC1021 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement vise également à raccourcir les délais d’intégration de technologies qui ne sont pas nouvelles. Il les abaisse de 18 à 12 mois pour les écrans de plus de 110 centimètres, et de 12 à 6 mois pour l’ensemble des autres dispositifs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je ferai la même réponse que précédemment car l’accélération du calendrier pose la question du coût de l’équipement pour les Français. Je n’y suis pas opposée sur le principe, mais nous devons en mesurer l’impact et retravailler d’ici à la séance sur les délais proposés. À ce stade, je vous propose donc de retirer l’amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Pour aller dans le sens de Mme la rapporteure générale, nous pourrions par exemple proposer des délais de 9 et 15 mois. J’appuie donc sa demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC411 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement modifie l’alinéa 3 pour prendre en compte la durée de vie d’un téléviseur, qui est estimée par les constructeurs entre 40 000 et 60 000 heures, ce qui correspond plus ou moins à 30 ans. Il ne s’agit donc pas d’un achat fréquent.

Sans entrer dans le détail de l’amendement, les modifications concernent notamment la durée de vie du téléviseur et la taille de l’écran. Il s’agit de permettre un déploiement plus rapide des appareils compatibles à l’UHD, alors que le présent projet de loi autorise le déploiement de cette technologie.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Même réponse que précédemment. Nous devons prendre le temps, d’ici à la séance, de mesurer l’impact de ces éléments, car de telles modifications auront un coût pour les Français. À ce stade, je vous propose donc de retirer votre amendement afin que nous puissions le retravailler avec les précédents.

La commission rejette lamendement.

La commission examine les amendements identiques AC410 de Mme Brigitte Kuster et AC644 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement de repli AC410 est défendu.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement AC644 est défendu.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Même avis que précédemment.

La commission rejette ces amendements.

La commission est saisie de lamendement AC590 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Il vise à inscrire dans la loi la garantie que les nouveaux téléviseurs et les adaptateurs individuels mis sur le marché sont compatibles avec la haute définition. Il y va d’un impératif de justice sociale, d’écologie et de respect de l’éthique et du droit à l’information du consommateur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre amendement est satisfait par le droit existant, qui contient cette obligation, et n’est pas remis en cause par le projet de loi. Je vous suggère donc de le retirer.

M. Michel Larive. Je le retire, pour en améliorer la rédaction.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC196 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Le présent amendement vise à supprimer l’alinéa 4, pour accélérer la mise à disposition de téléviseurs UHD. Plus on augmentera le nombre de téléviseurs UHD, plus le prix pourra baisser.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je partage ce constat, mais il me semble tout de même préférable que vous retiriez votre amendement, et que nous en discutions d’ici à la séance.

Lamendement est retiré.

Lamendement AC197 de M. Jean-Jacques Gaultier est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1245 de la rapporteure générale.

La commission est saisie de lamendement AC1246 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Après la HD et l’UHD, nous passons à la question de l’audio, notamment de la radio numérique terrestre et du DAB+. Le présent amendement a pour objet de revenir aux dates initialement prévues par les dispositions légales actuelles en ce qui concerne les récepteurs radio, et de leur étendre l’obligation de compatibilité. L’idée est d’aller plus vite sur ce sujet, sans induire de coût supplémentaire pour les Français. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cet amendement dès les débats en commission.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je souscris à cette volonté d’implanter plus rapidement la radio numérique terrestre et le DAB+ dans notre pays. Je m’interroge cependant sur leur déploiement sur les appareils autres que les autoradios, et vérifierai ce point d’ici à la séance

La commission adopte lamendement AC1246.

En conséquence, les amendements AC235 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC651 de Mme Frédérique Dumas, AC930 de Mme Sylvie Tolmont et AC695 de Mme Marie-George Buffet tombent.

La commission examine lamendement AC234 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Si je suis d’accord pour rendre obligatoire la réception du DAB+ dans des délais rapprochés, je souhaite que l’obligation soit étendue à la FM, afin d’éviter que ces appareils ne subissent le même sort que les lecteurs CD, lesquels ont disparu de nombreux véhicules. Je parle là bien de la FM, non de l’AM.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement me paraît satisfait par celui que nous venons d’adopter. En lien avec l’amendement AC692, que M. Bois avait déposé, nous devrons préciser en séance le dispositif s’agissant de la bande FM, que nous pourrons utilement retravailler ensemble.

Mme Frédérique Dumas. Il serait plus agréable de voir nos amendements adoptés que tombés… Dès lors que le CSA le souhaite dans son avis, il n’y a pas réellement de problème pour les récepteurs sans écran. Le Conseil a dû étudier cette question.

Mme Sylvie Tolmont. Pouvez-vous me préciser pourquoi l’amendement AC930 est tombé ? L’amendement de la rapporteure générale n’aborde pas la question de la FM.

M. le président Bruno Studer. L’amendement AC1246 a rerédigé les alinéas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1246 comprend le terme « analogique », ce qui répond à votre préoccupation.

Quant à l’amendement AC692 sur la question de la bande FM, que M. Bois aurait pu défendre, nous pourrons utilement le retravailler d’ici à la séance.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’analogique est plus vaste que la FM. Il existe quelque 1 000 stations FM, qu’il importe de garder. En revanche, les stations AM ne sont plus très nombreuses : c’est l’ancien monde, auquel je m’étonne que vous soyez favorables. (Sourires.)

M. Franck Riester, ministre de la culture. La remarque de M. Gaultier est très juste. Cest dailleurs lune des raisons pour lesquelles il faudra peut-être retravailler lamendement de Mme la rapporteure générale, voté il y a quelques minutes, qui va globalement dans le bon sens. La question des grandes ondes et celle des terminaux méritent dêtre examinées. Mais je parle là avec beaucoup de prudence.

Mme Maina Sage. N’oubliez pas que l’ancien monde existe encore dans nos territoires isolés d’outre-mer, auxquels la suppression de la bande AM a causé un vrai préjudice. La Polynésie représente un espace maritime de 5 millions de kilomètres carrés, comportant 118 îles dont 76 sont habitées. La bande AM constituait un relais exceptionnel pour assurer la sécurité des habitants, notamment en mer. Sa suppression pose problème.

Je souhaiterais que nous puissions déterminer d’ici à la séance de quelle manière il est possible de faire une exception pour l’outre-mer, notamment eu égard à l’aggravation des risques climatiques et à la nécessité de maintenir un système de communication actif dans des moments de crise.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je maintiens l’amendement AC234 en tant qu’il traite de la FM, ce qui est plus précis que l’analogique.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AC233 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Dans le cadre de l’obligation de renforcer la diffusion de la radio numérique terrestre et du DAB+, l’amendement propose de mener une campagne nationale de communication pour garantir l’information des auditeurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je suis très favorable à ce qu’une campagne soit réalisée. En revanche, cette mesure ne relevant pas du domaine de la loi, je vous suggère de retirer votre amendement. Des dispositions ont probablement été prévues pour favoriser ce déploiement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC589 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Si nous comprenons lobjectif daméliorer laccessibilité des matériels de réception – téléviseurs et adaptateurs – aux normes de lultra haute définition, nous souhaitons également élargir celui de larticle 15 en matière daccès des personnes en situation de handicap à ces équipements et accessoires, tels les box ou télécommandes.

L’amendement est en conformité avec la directive européenne du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services, dite « directive accessibilité ». Le délai de 2030 figurant dans l’étude d’impact du projet de loi est trop lointain. Plus vite cette directive sera transposée dans le droit français, plus vite les personnes en situation de handicap verront leurs droits respectés.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous partageons tous l’objectif de renforcer l’accessibilité, qui donnera lieu à de nombreux amendements. Le plan d’accessibilité que vous proposez n’est cependant pas défini assez précisément pour être accepté et voté en l’état. Aussi, je vous demande de retirer votre amendement, afin d’en retravailler ensemble la rédaction d’ici à la séance.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 15 modifié.

Chapitre IV
Transposition des dispositions de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives à la rémunération des créateurs

Article 16
Transposition en droit interne des dispositions de larticle 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits dauteur

La commission examine lamendement AC594 de Mme Muriel Ressiguier. 

M. Michel Larive. Il s’agit de supprimer l’article 16, avec lequel nous sommes en complet désaccord.

Des associations comme la Quadrature du Net nous ont rappelé à juste titre que ses dispositions se résument, pour lindustrie culturelle « à réclamer les miettes de léconomie de la surveillance de masse », lindustrie culturelle voulant « contraindre les géants du web, tels que YouTube ou Facebook, à partager avec elle les revenus de la publicité ciblée associée aux œuvres dont ils sont les ayants droit ».

La publicité ciblée consiste à surveiller continuellement tout le monde sans libre consentement. En souhaitant récupérer les revenus de cette publicité, l’industrie culturelle s’associe à ce modèle illégal et le financement de la culture se soumet à l’économie de surveillance de masse. En votant et en transposant cet article, la France consacre donc la puissance illicite des géants du web au lieu de nous protéger de leur modèle de surveillance.

Mme Sophie Mette, rapporteure. À l’appui de votre demande de suppression, vous dénoncez la puissance de la publicité ciblée et la mainmise des géants du web. Or cet article permet précisément l’instauration d’un régime de responsabilité aménagée pour les hébergeurs de vidéos en ligne téléversées par les utilisateurs. Il s’agit d’une première encoche dans le régime d’irresponsabilité jusqu’ici en vigueur.

En outre, les plateformes en question – que je ne citerai pas ici – sont bien souvent des émanations des géants numériques que vous dénoncez. En supprimant cet article, vous priveriez tous les créateurs dont les œuvres se retrouvent sur les plateformes de contenus en ligne – sans qu’ils aient leur mot à dire – de leur juste rémunération.

Avis défavorable.

M. Michel Larive. Je maintiens cet amendement, pensant exactement le contraire.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC381 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Amendement rédactionnel.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1267 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC1266 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Le régime de responsabilité aménagée pour les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne est spécifiquement conçu pour permettre à ces plateformes de lutter de bonne foi contre le détournement de leurs services à des fins de consommation de contenus illicites.

Il ne peut donc s’appliquer aux services dont l’objet principal est de porter atteinte volontairement aux droits d’auteur et aux droits voisins, de manière cohérente avec le considérant 62 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis favorable à cet amendement sous réserve de viser tous les sites pirates et pas seulement ceux qui ont le piratage pour objet principal. Sans doute cette dimension-là devra-t-elle être précisée d’ici à la séance publique.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends pas très bien cet amendement car dès lors qu’un site est illicite, il échappe à un certain nombre de choses. En quoi le régime de responsabilité dont vous parlez serait-il ou non applicable ? Un site dont l’objet serait de porter atteinte au droit d’auteur et aux droits voisins est par définition illicite.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Aujourd’hui, rien ne garantit que le régime de responsabilité limitée ne puisse pas s’appliquer à des sites qui contreviendraient au droit d’auteur et aux droits voisins. Or, cet amendement vise à ce que ce régime ne puisse en aucun cas s’appliquer à eux. Il s’agit ainsi de garantir le respect des droits d’auteur et des droits voisins.

Par ailleurs, je suis d’accord avec le M. le ministre : la rédaction de cet amendement peut être retravaillée.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends toujours pas : si ce régime ne s’applique pas, c’est donc un régime d’irresponsabilité qui s’appliquera par défaut.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Non.

Mme Frédérique Dumas. Si, lhébergeur étant considéré comme nimporte quel autre site.

M. Michel Larive. Cela me rappelle mon amendement précédent, où j’avais aussi un avis exactement contraire à celui de la rapporteure. Il faudra que vous m’expliquiez ce régime de responsabilité aménagée, sur lequel je suis dubitatif : on est responsable ou on ne l’est pas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Auparavant, un régime d’irresponsabilité s’appliquait. Aujourd’hui, la directive prévoit un régime de responsabilité aménagée, ce qui est une avancée même si, je peux en convenir avec vous, elle est insuffisante. Nous devons nous conformer à la directive sans prendre le risque que des sites qui contreviendraient au droit d’auteur et aux droits voisins bénéficient de ce type de régime. Cet amendement vise à clarifier les choses.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC596 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Par cet amendement, nous entendons souligner notre attachement à la liberté des utilisateurs et à l’interopérabilité que ce projet de loi, nous l’espérons, permettra de garantir.

Nous entendons rappeler que l’économie des plateformes est celle de l’attention, mais une attention que nous subissons à nos dépens. Il devrait être possible de quitter une plateforme sans que les liens interpersonnels qui y ont été tissés soient rompus avec les autres utilisateurs. Or, la publicité ciblée et l’absence d’interopérabilité des plateformes rendent leurs utilisateurs captifs et dubitatifs lorsqu’il s’agit de les quitter – quand cela est effectivement possible. Les entreprises comme YouTube, Facebook, Twitter, détiennent donc un pouvoir disproportionné et un monopole qui se traduit par une surveillance généralisée à des fins publicitaires.

Pourtant, des services interopérables ont déjà fait leurs preuves et sont fondés sur un modèle économique plus vertueux. Nous souhaitons donc donner aux utilisateurs une nouvelle liberté, avec des hébergeurs libres et décentralisés afin d’encourager également le développement d’alternatives aux GAFAM. Cela permettra aux individus d’échapper à la surveillance de masse et à la nocivité des géants de l’internet.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Vous proposez de permettre aux utilisateurs de fournisseurs de services de partage de contenus en ligne de pouvoir migrer sur les plateformes tierces tout en continuant à communiquer avec les utilisateurs restés sur la première plateforme.

En l’occurrence, les utilisateurs téléversent leurs propres contenus sur les plateformes. Il leur est donc tout à fait possible de les faire migrer vers d’autres plateformes en application, de surcroît, des dispositions d’interopérabilité prévues par le Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Par ailleurs, rien n’empêchera les utilisateurs de conserver le lien, s’ils le souhaitent, avec la plateforme initiale ou ses utilisateurs.

Avis défavorable.

M. Michel Larive. Nous ne nous sommes pas très bien compris s’agissant du principe d’interopérabilité, qui permet de migrer avec nos liens et pas forcément avec les contenus tout en conservant ce système de communication.

Il me semble que la mesure que nous proposons est plus vertueuse. Vous qui êtes libéraux, c’est une véritable libération de l’internet et des énergies que nous impulsons !

Mme Frédérique Dumas. Je suis ravie d’apprendre que l’interopérabilité a été adoptée alors que tous nos amendements en la matière ont été refusés lors de la discussion du texte visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Plusieurs députés ont proposé la même mesure que M. Larive et leurs amendements ont en effet été rejetés.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC3 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Amendement rédactionnel. Concernant le fournisseur d’un service de partage de contenus en ligne, les termes « Il a fourni ses meilleurs efforts » sont beaucoup trop flous. Il convient de choisir une formulation plus ferme en disposant qu’il « a effectué les démarches nécessaires pour… ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je profite de cet amendement pour répondre globalement à plusieurs amendements que vous-même ou Mme Bazin-Malgras avez déposés à ce sujet aux articles 16 et 17.

La notion de « meilleurs efforts » est issue de la directive et il nous paraît utile de nous y tenir pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, en restant proches du texte de la directive, nous nous inscrivons dans une perspective d’harmonisation avec les autres régulateurs et les juges européens. Le maintien de cette formule est donc sans doute un gage de meilleure efficacité, même si elle peut en effet sembler assez floue. Le juge disposera toutefois d’une marge de manœuvre suffisamment large pour ne pas permettre aux fournisseurs qui le voudraient d’éviter l’obligation qui s’impose à eux en s’appuyant sur une autre liste de critères.

Ensuite, la pratique de l’ARCOM et la jurisprudence permettront d’éclairer rapidement les ayants droit et les plateformes sur ce que l’on entend par « meilleurs efforts ».

Je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement, sinon, j’émettrais un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cela me semble si relatif, en fonction des différentes personnes, que je le maintiens.

Mme Michèle Victory. Il est tout de même dommage d’inscrire dans la loi une formule aussi vague qui, forcément, devra être précisée. Il serait opportun de le faire avant la séance publique.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC274 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Il est un peu dangereux, madame la rapporteure générale, de prétendre qu’il faut s’en tenir à la lettre de la directive : sur bien des questions, nous ne nous y tenons pas !

Nous savons que la notion de « meilleurs efforts » est juridiquement un peu floue et qu’elle aurait donc besoin d’être encadrée, ne serait-ce que pour être opérationnelle.

Cet amendement dispose donc que le fournisseur a fourni ses meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits identifiables. En outre, cette appréciation doit s’effectuer au regard de la nature du service car il faut vérifier que l’approche est diversifiée en fonction des catégories et de la nature de ce service.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Avis défavorable pour deux raisons.

En ajoutant la notion « identifiables », vous réduisez le champ des efforts qui doivent être entrepris par les plateformes alors même que le nouveau régime de responsabilité prévu par cet article doit permettre de mieux protéger les contenus téléversés.

Ensuite, la nature du service est elle-même déjà définie au I de la section 1 de ce même article comme « un service de communication au public en ligne dont lobjectif principal ou lun des objectifs principaux est de stocker et de donner au public laccès à une quantité importante dœuvres ou dautres objets protégés qui ont été téléversés par ses utilisateurs, que le fournisseur de service organise et promeut en vue dun tirer un profit, direct ou indirect. »

Mme Frédérique Dumas. La précision que je me propose d’apporter vise à ce que le dispositif soit efficient : il est ainsi préférable que les droits soient « identifiables ».

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC4 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Je trouve, à nouveau, que la formule « Il a fourni ses meilleurs efforts » est juridiquement floue. Je le répète, cela me semble si relatif, entre les différentes personnes, qu’il est préférable de disposer qu’ « Il a effectué les démarches nécessaires, conformément… ».

Mme Sophie Mette, rapporteure. Même avis que précédemment.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC997 de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il est défendu.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Avis favorable.

La précision permettant de faciliter la fourniture par les ayants droit des informations nécessaires et pertinentes pour aider les plateformes à lutter contre l’hébergement des produits contrefaits va dans le bon sens.

La commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques AC12 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC33 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC12 est défendu.

Mme Emmanuelle Anthoine. Amendement également rédactionnel. La formule « en tout état de cause agi promptement » me paraissant aussi floue que la précédente, je vous propose de lui substituer celle de « veillé à retirer dans un délai de 24 heures ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Même si, encore une fois, je comprends vos réticences, je préfère que l’on maintienne cette formule. Il peut être considéré que la promptitude exigée puisse être légèrement supérieure au délai de 24 heures et il est préférable de laisser une marge de manœuvre et d’appréciation au juge. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Anthoine. Je le maintiens : il est important que le législateur soit clair.

Mme Frédérique Dumas. Le maintien dune telle disposition est incohérent avec la loi contre les contenus haineux, où lon considère comme tout à fait normal quune plateforme retire ce genre de contenu en 24 heures sans que le juge ait une marge de manœuvre.

M. Michel Larive. Des « meilleurs efforts » à une action prompte : le juge, en l’occurrence, disposera d’une très grande latitude ! Une précision s’impose a minima, sinon, il ne faut rien inscrire : cela devient ridicule.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous ne nous situons pas tout à fait dans le même domaine. Je suis favorable à ce que les choses aillent le plus vite possible également en matière de contrefaçons mais lorsqu’il s’agit de contenus haineux, il est compréhensible de vouloir agir plus rapidement. Nous ne parlons ni des mêmes plateformes, ni des mêmes contenus. Il est donc légitime de disposer de deux modes d’action légèrement différents.

Mme Frédérique Dumas. Les contenus ne doivent pas être évalués sur un plan seulement émotionnel.

Une contrefaçon est beaucoup plus facile à prouver que les fameux « contenus gris ». Nous n’avons jamais dit que les plateformes ne devaient pas retirer des contenus manifestement illégaux. Les retraits s’élèvent à 80 % mais il faut compter avec la zone d’appréciation et de contextualisation.

Il est moins question du type de contenus que de la capacité à les retirer en 24 heures ou non, et il est plus difficile d’interpréter ce qui relève du contenu haineux que de la contrefaçon.

M. Bruno Fuchs. Il faut reconnaître que la formule « agi promptement » est assez vague et que le temps de la justice n’est pas toujours celui des médias. Nous laissons la possibilité d’une interprétation très large alors qu’il conviendrait de fixer un objectif temporel précis, même s’il devait être dépassé dans un certain nombre de cas mineurs.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine les amendements identiques AC18 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC35 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC18 est défendu.

Mme Emmanuelle Anthoine. Une fois encore, je vous demande d’être précis et de substituer à la formule « fourni ses meilleurs efforts » celle de « effectué les démarches nécessaires ».

Mme Sophie Mette, rapporteure. Même avis défavorable que précédemment.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1268 de la rapporteure.

La commission examine lamendement AC591 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Il s’agit de compléter l’alinéa 16 par les mots : « sans que ces efforts n’impliquent de surveiller l’ensemble des contenus qu’il stocke ; ».

L’article 16 prévoit de confier à une entreprise privée la responsabilité d’organiser un filtrage automatique de tous les contenus, ce qui revient à lui confier la mission d’une surveillance généralisée de ses utilisateurs. Pourtant, le paragraphe 8 de l’article 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins précise bien que « lapplication du présent article ne donne lieu à aucune obligation générale de surveillance ».

Comme le propose la Quadrature du Net, l’article 16 du présent projet de loi doit donc transposer entièrement la directive européenne afin de ne pas contraindre les plateformes de partage de contenus en ligne à mettre en place une surveillance automatique et généralisée.

Mme Sophie Mette, rapporteure. L’absence générale de surveillance, qui est rappelée dans le texte de la directive « droits d’auteur », s’exerce depuis la directive « ecommerce » de 2001. C’est précisément en vertu de cette absence d’obligation que les hébergeurs ont pu jusqu’ici échapper à une quelconque responsabilité à raison des contenus qu’ils hébergent, y compris lorsqu’il s’agit de contenus qui enfreignent les droits d’auteur ou les droits voisins.

Loin de créer une obligation de surveiller l’ensemble de leur stock, le présent article suppose la fourniture d’informations préalables par les titulaires de droits ou une notification préalable.

Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques AC19 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC36 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC19 est défendu.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement AC36 également, les « meilleurs efforts » ne me conviennent décidément pas !

Mme Sophie Mette, rapporteure. Même avis défavorable que précédemment.

La commission rejette ces amendements.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette les amendements AC15 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC34 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement AC5 de Mme Emmanuelle Anthoine.

La commission examine lamendement AC592 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Les plateformes de partage de contenus en ligne ont mis en œuvre des outils de filtrage automatique des contenus afin de s’assurer qu’ils ne contreviennent pas à la loi ou à leurs règles d’utilisation. Ces entreprises s’arrogent ainsi un pouvoir gigantesque sur ce qui peut être publié ou supprimé sur leurs plateformes : c’est une censure qui ne dit pas son nom. Celle-ci s’effectue au moyen d’algorithmes secrets, il n’y a aucune obligation de transparence sur la façon dont sont arbitrées les décisions de blocage de pages Facebook, de comptes d’utilisateurs Twitter ou, encore, de vidéos sur YouTube.

Les cas de censure se comptent par milliers. Ils touchent en particulier le droit à la caricature et le droit de citation. Ce sont ces droits que nous souhaitons protéger par cette première modification de l’alinéa 24 en transposant, comme le propose la Quadrature du Net, une partie de la directive européenne du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur : « La présente directive naffecte en aucune façon les utilisations légitimes, telles que les utilisations relevant des exceptions ou limitations prévues par le droit de lUnion ».

 Cet amendement vise également à obliger les plateformes de partage de contenus en ligne à ce qu’une personne physique vérifie toujours les contenus avant d’en bloquer l’accès.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement prévoit deux points.

Pour ce qui est de l’application des exceptions aux droits d’auteurs et droits voisins, effectivement contenues dans la directive, le choix a été fait de ne pas les retranscrire dans la loi car cela risquait de l’alourdir alors que toutes les exceptions au droit d’auteur en droit français, qui sont plus larges que celles qui sont mentionnées en droit européen, sont toutes inscrites au chapitre II du titre II du Livre Ier de la première partie du code de propriété intellectuelle.

Pour ce qui est de la deuxième partie, le présent article prévoit déjà le contrôle par une personne physique des mesures de blocages et de retrait prises dans le cadre du traitement des plaintes. L’accès à cette personne physique sera donc toujours possible pour tous les utilisateurs qui le souhaitent. Une intervention en amont priverait de tout intérêt le processus mis en place par ces articles.

Avis défavorable.

M. Michel Larive. La protection de la liberté individuelle n’alourdira en rien la loi.

En outre, vous évoquez la présence d’une personne physique en cas de plaintes, or, elle doit être présente à chaque retrait envisagé. C’est peut-être un procédé assez lourd, en l’occurrence, mais la liberté n’a pas de prix.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC1270 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il s’agit de renforcer la protection des données personnelles.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC350 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement vise à garantir l’effectivité des exceptions au droit d’auteur existantes et à prévoir une sanction en cas de notification abusive, comme le prévoit déjà la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

Mme Sophie Mette, rapporteure. Comme je l’ai dit précédemment, il n’est pas nécessaire de réécrire dans ce projet de loi des dispositions que le code de la propriété intellectuelle protège par ailleurs, à savoir, les exceptions aux droits d’auteur et droits voisins.

En outre, votre amendement propose de punir pénalement la fourniture intentionnelle de fausses informations aux plateformes pour entraîner le retrait de contenus supposés illicites. Or cette proposition me semble disproportionnée et comporter un risque non négligeable de décourager qui que ce soit de faire appel au dispositif, plutôt léger, de notification des contenus auprès des plateformes.

Pour ces raisons, avis défavorable.

M. Michel Larive. Je crois que vous confondez encore propriété intellectuelle et liberté individuelle.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC998 de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a pour objectif de proposer aux vidéastes ou « youtubeurs » des solutions de recours internes en cas de décision affectant les revenus qu’ils tirent de la publication de leurs contenus.

En effet, lorsqu’un vidéaste met en ligne une vidéo sur YouTube, il peut la « monétiser », c’est-à-dire partager avec YouTube les recettes générées par la publicité. Parfois, il y insère des extraits d’œuvres préexistantes.

Dans ce cas, les titulaires des droits sur les œuvres en question peuvent les revendiquer auprès de la plateforme. Si la plateforme le reconnaît comme tel, trois options sont proposées à l’ayant droit à l’origine de la plainte : le retrait de la vidéo, sa démonétisation ou le réacheminement des recettes à son avantage.

Il paraît dès lors cohérent que le mécanisme prévu dans le cadre du présent projet de loi élargisse le dispositif de recours des décisions de retrait ou de blocage aux décisions affectant la rémunération des vidéastes.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement vise à traiter la question des utilisateurs dont les vidéos enfreignent les droits d’auteurs et pour lesquels les plateformes prennent potentiellement des décisions visant à réaffecter leurs revenus aux premiers ayants droit.

Je comprends son objectif, notamment dans la perspective des vidéastes qui tirent un revenu de leurs contenus, mais il me semble néanmoins que, tel qu’il est rédigé, il risque d’alourdir l’ensemble du dispositif de recours en impliquant notamment de vérifier dans quelle mesure les revenus dont l’utilisateur pourra se prévaloir ont bien été versés.

Retrait, ou avis défavorable.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Une nouvelle rédaction est donc possible d’ici à la séance publique ?

Mme Sophie Mette, rapporteure. En effet.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je le retire donc.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 16 modifié.

Après l’article 16

La commission examine lamendement AC597 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Le Gouvernement doit prendre la mesure des possibles censures abusives et atteintes à la liberté d’expression en ligne sans déjudiciariser les poursuites. De la même façon que la liberté de la presse bénéficie de magistrats spécialisés, nous pensons qu’il est fondamental que des personnes formées soient en charge du numérique.

Ce projet de loi institue en effet une nouvelle faculté de régulation qui sera à la main des plateformes, donc d’entreprises privées, les dispositions des articles 16 et 17 les obligeant à retirer des contenus qui n’auraient pas fait l’objet d’un accord de licence entre ces dernières et les titulaires de droits.

En l’état, les outils de filtrage de l’upload ou téléversement vont se généraliser avec des risques de suppression abusive de contenus. Pour ne pas minimiser ces possibles conséquences, il nous semble important que toute la procédure judiciaire, avec les garanties qu’elle permet, soit mobilisée. Nous souhaitons donc retirer cette mission à l’ARCOM et proposons que soit expérimentée l’institution de chambres spécialisées dans des tribunaux judiciaires.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement propose de tester dans dix tribunaux, pour une durée de trois ans, des chambres spécialisées dans le droit du numérique. Or il est en grande partie satisfait par ce qui existe déjà, je pense en particulier au tribunal de grande instance de Paris, qui a développé une jurisprudence spécifique en faveur de la protection des droits d’auteurs en ligne.

Pour des raisons de bonne organisation de la justice, votre amendement ne me paraît donc pas pertinent. Avis défavorable.

Mme Michèle Victory. Il s’agit tout de même d’une idée intéressante qui mériterait d’être étudiée. Ce domaine a pris une importance considérable et la jurisprudence y est complexe. Certes, il existe un tribunal un peu spécialisé mais il serait de bonne politique de tester cette possibilité dans d’autres tribunaux et départements.

M. Michel Larive. J’entends vos propos, madame la rapporteure. Nous allons examiner les attributions du tribunal de grande instance de Paris mais je maintiens cet amendement très important. Peut-être allons-nous même le préciser encore plus d’ici à la séance publique.

La commission rejette lamendement.

Article 17
Transposition en droit interne des dispositions de larticle 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits dauteur

La commission examine lamendement AC598 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Par cet amendement de suppression, nous nous opposons absolument à l’article 17 du projet de loi transposant une partie de l’article 17 de la directive, qui contient les mêmes dispositions que l’article 16 mais applicables aux droits voisins.

Certaines associations ont à juste titre rappelé que les dispositions de cet article se résument, pour lindustrie culturelle, « à réclamer les miettes de léconomie de la surveillance de masse », lindustrie culturelle voulant « contraindre les géants du Web, tels que YouTube ou Facebook, à partager avec elle les revenus de la publicité ciblée associée aux œuvres dont ils sont les ayants droit ».

La publicité ciblée consiste à surveiller continuellement tout le monde sans aucun libre consentement. En souhaitant récupérer les revenus de cette publicité, l’industrie culturelle s’associe à ce modèle illégal et le financement de la culture se soumet à l’économie de surveillance de masse. En votant et en transposant cet article, la France consacre donc la puissance illicite des géants du web au lieu de nous protéger de leur modèle de surveillance.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Là-encore, comme à l’article précédent, il me semble que votre amendement se trompe de cible. L’article que nous examinons vise à garantir aux artistes-interprètes les mêmes droits que ceux qui sont conférés aux titulaires de droit d’auteur dans l’article précédent.

En le supprimant, vous aboutiriez à maintenir les plateformes de partage de contenus en ligne dans un régime d’irresponsabilité qui empêche actuellement de nombreux créateurs de percevoir les revenus qu’ils devraient pouvoir tirer de l’exploitation de leurs œuvres.

Nous pensons au contraire que la transposition de cet article constitue une première étape dans le rééquilibrage des relations entre les plateformes et les titulaires de droits, obtenu de haute lutte après une bataille de plusieurs années à l’échelle de l’Union européenne.

Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC1272 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Le régime de responsabilité aménagée pour les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne est spécifiquement conçu pour permettre à ces plateformes de lutter de bonne foi contre le détournement de leurs services à des fins de consommation de contenus illicites.

Ce régime de responsabilité ne peut donc s’appliquer aux services dont l’objet principal est de porter atteinte volontairement aux droits d’auteurs et aux droits voisins, de manière cohérente avec le considérant 62 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

Mme Frédérique Dumas. J’espère que, d’ici à la séance publique, j’aurai une réponse quant à leur maintien dans un régime d’irresponsabilité.

La commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques AC55 de Mme Virginie Duby-Muller, AC176 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC413 de Mme Brigitte Kuster et AC737 de M. PierreYves Bournazel.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement AC55 est défendu.

M. Jean-Jacques Gaultier. Par souci de clarté, il convient de faire référence à l’ensemble des titulaires de droits voisins et donc d’intégrer clairement dans l’application du présent article les droits voisins des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des producteurs de vidéogrammes.

Mme Brigitte Kuster. L’esprit de ce qu’a adopté le législateur européen est bien de permettre à l’ensemble des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins de rééquilibrer les relations de négociation avec les fournisseurs de services donnant accès à des œuvres et des contenus protégés.

Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 9 est plus restrictif et ne vise explicitement que les droits de communication au public, d’une part, et de télédiffusion des entreprises de communication audiovisuelle d’autre part. Il convient d’y remédier. Tel est l’objet de cet amendement AC413.

Mme Maina Sage. L’amendement identique AC737 de mon collègue Bournazel vise donc à préciser l’application du présent article à l’ensemble des titulaires de droits voisins mentionnés au livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle, ce que la rédaction actuelle ne semble pas garantir.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ces amendements identiques vont dans le bon sens : il n’y a en effet aucune raison de restreindre le champ d’application de cet article à certains droits voisins alors que la directive vise la protection de l’ensemble des œuvres. Avis favorable.

M. Michel Larive. Jusqu’au bout ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Jusqu’au bout, oui. Nous sommes très favorables à la transposition d’une directive permettant d’accorder plus de droits aux auteurs et artistes-interprètes. C’est une belle victoire de la France afin que ces derniers aient plus de droits au sein de l’Union européenne.

Je m’étonne que vous ne souteniez pas ces amendements car je gage que vous êtes vous-même très favorable à ce que les auteurs et artistes-interprètes soient mieux rémunérés. Au fond, j’en suis certaine, vous allez les voter !

La commission adopte ces amendements.

Elle examine les amendements identiques AC23 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC38 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC23 est défendu.

Mme Emmanuelle Anthoine. Amendement rédactionnel : je vous demande une fois encore de faire preuve de clarté et de précision afin déviter des interprétations.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Même avis défavorable que précédemment.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AC56 de Mme Virginie Duby-Muller, AC177 de M. Jean-Jacques Gaultier et AC412 de Mme Brigitte Kuster, ainsi que lamendement AC738 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement AC56 vise à compléter l’alinéa 12. Dans un souci d’harmonisation et afin d’éviter que l’application de ce nouveau régime de responsabilité favorable aux ayants droit ne se traduise par une obligation de donner leur autorisation, il est proposé de rappeler le principe constant selon lequel ils conservent leur liberté d’autoriser ou d’interdire les actes d’exploitation de leurs objets protégés.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement identique AC177 est défendu.

Mme Brigitte Kuster. De même que l’amendement AC412.

Mme Maina Sage. L’amendement AC738 de mon collègue Pierre-Yves Bournazel vise à rappeler le principe constant selon lequel les titulaires de droits voisins conservent leur liberté d’autoriser ou d’interdire les actes d’exploitation de leurs objets protégés.

Il s’agit de transposer le considérant 61 de la directive aux termes duquel « (...) dès lors que ces dispositions ne devraient pas porter atteinte à la liberté contractuelle, les titulaires de droits ne devraient pas être tenus de donner leur autorisation ni de conclure des accords de licence ».

Cette précision permettrait d’harmoniser les rédactions entre le régime de principe visé au présent alinéa et le régime spécifique aux jeunes plateformes qui mentionne bien, à l’alinéa 19, que la plateforme doit démontrer avoir fourni ses meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits « qui souhaitent accorder pareille autorisation ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ces amendements identiques apportent en effet une précision utile car il convient d’éviter que l’application de ce nouveau régime de responsabilité favorable aux ayants droit ne se traduise par l’obligation, pour eux, de donner leur autorisation. Ils vont dans le bon sens en rétablissant le parallèle existant entre les plateformes courantes et celles qui pourront se prévaloir d’une dérogation. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, lamendement AC738 tombe.

La commission examine lamendement AC7 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Amendement rédactionnel afin de clarifier à nouveau la formule « Il a fourni ses meilleurs efforts ».

Mme Sophie Mette, rapporteure. Même avis défavorable que précédemment.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, lamendement AC999 de la commission des affaires économiques et les amendements identiques AC57 de Mme Virginie Duby-Muller, AC414 de Mme Brigitte Kuster et AC739 de M. PierreYves Bournazel.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à apporter une précision concernant les modalités de transmission des informations pertinentes et nécessaires que les ayants droit devront communiquer aux services de diffusion de contenus. L’objectif est donc de prévoir expressément la possibilité pour les ayants droit de passer par des fournisseurs de technologie spécialisés dans l’identification des contenus audio ou vidéo pour centraliser leurs empreintes et les communiquer aux plateformes.

Mme Virginie Duby-Muller. Je vous propose dévoquer en même temps lamendement AC57 et lamendement à venir AC59. Il sagit de prévoir expressément la faculté pour les ayants droit de mandater des fournisseurs de technologie spécialisés dans lidentification des contenus audio ou vidéo pour centraliser leurs empreintes et les communiquer aux plateformes quils estimeront fiables.

Mme Brigitte Kuster. Pour faire gagner du temps à cette noble assemblée, je dirai simplement que l’amendement AC414 est défendu !

Mme Maina Sage. L’amendement AC739 est également défendu.

M. le président Bruno Studer. Si l’amendement AC999 de la commission des affaires économiques est adopté, il fera tomber les trois autres.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Cet amendement AC999 va dans le bon sens, notamment pour les ayants droit qui n’ont pas les possibilités ou les moyens de fournir eux‑mêmes leurs informations. Avis favorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Nous poursuivons le même objectif, à savoir préciser les informations qui peuvent être fournies directement ou indirectement, mais nous estimons qu’il n’est pas nécessaire de repasser par un mandataire.

La commission adopte lamendement AC999.

En conséquence, les amendements AC57, AC414 et AC739 tombent.

La commission examine ensuite lamendement AC6 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Amendement rédactionnel. L’expression : « Il a en tout état de cause agi promptement » nous semble insuffisamment précise.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis, suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette lamendement AC8 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1273 de la rapporteure.

La commission en vient à lexamen de lamendement AC599 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Je vais me répéter mais en citant un exemple, cette fois. L’article 17 tend à généraliser l’application des outils de filtrage au téléversement de contenus sur les plateformes de partage de vidéos en ligne. Ce type d’outils, utilisé par Google sur sa plateforme YouTube pour filtrer les contenus, fait appel à une technologie appelée « Content ID ». Celle-ci permet de scanner l’ensemble des vidéos soumises chaque jour au service de Google et les compare à des empreintes numériques fournies par les ayants droit. Si des correspondances sont relevées, la vidéo peut, selon le choix de ces derniers, être bloquée ou monétisée à leur profit. L’article 17 vise ainsi à confier à une entreprise privée la responsabilité d’organiser un filtrage automatique de tous les contenus, ce qui revient à lui confier la mission d’exercer une surveillance généralisée des utilisateurs.

Or, l’article 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique précise bien que « lapplication du présent article ne donne lieu à aucune obligation générale de surveillance ». Cet amendement a donc pour objet de transposer entièrement la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins en veillant à ce que les plateformes de partage de contenus en ligne ne soient pas contraintes d’exercer une surveillance automatique et généralisée.

Voilà, madame la rapporteure, ma réponse à votre intervention sur l’amendement AC598. Nous sommes bien attentifs au respect du droit d’auteur !

Mme Sophie Mette, rapporteure. Ne vous fâchez pas, monsieur Larive ! Mon avis est défavorable pour les mêmes raisons que celles exposées à l’amendement AC598. Je rappelle que les plateformes que votre amendement vise à défendre bénéficient déjà, et ce depuis une vingtaine d’années, d’un régime très favorable d’irresponsabilité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Monsieur Larive, l’outil que vous avez mentionné est très pertinent, car il permet de protéger les auteurs et leurs ayants droit en identifiant les contenus qui enfreignent le droit d’auteur.

M. Michel Larive. Selon YouTube !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Non. L’œuvre protégée comporte une empreinte que l’ayant droit communique à la plateforme, laquelle pourra ainsi, grâce à « Content ID », repérer les contenus marqués de cette même empreinte et, le cas échéant, faire respecter le droit d’auteur. Google ne décide donc pas de manière aléatoire quelles sont les œuvres protégées, puisque c’est l’ayant droit qui communique l’empreinte de son œuvre pour que l’on puisse vérifier que personne ne porte atteinte à ses droits. Notre commission doit, par principe, être attachée aux droits des auteurs ; tel est, me semble-t-il, l’objet de la transposition de la directive.

M. Michel Larive. Mais il y a des excès. « Content ID » peut, par exemple, bloquer une vidéo de famille au motif qu’on y entend une œuvre musicale en fond sonore. Peut-être n’est‑ce pas votre cas, mais, moi, cela me gêne qu’une entreprise privée puisse décider des contenus qui sont diffusés sur internet. Internet est un espace libre !

Mme Frédérique Dumas. Comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, ces informations sont communiquées à la plateforme par les propriétaires du contenu eux-mêmes. Ce n’est donc pas Google qui va chercher ce qu’il veut avec ses propres algorithmes.

M. Michel Larive. Si, « Content ID » est un algorithme !

Mme Frédérique Dumas. Non, pas du tout ; cela n’a aucun rapport. Il s’agit d’une empreinte incluse dans un contenu par son propriétaire afin que ledit contenu puisse être repéré, et non d’un algorithme qui permettrait d’analyser les données ou les comportements des internautes.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur Larive, évitons les confusions. Pour reprendre les mots d’Henri Verdier, notre ambassadeur pour le numérique – qui est plutôt modéré en la matière –, Facebook ou Google sont, certes, des géants du web, mais ils ne sont pas le web : ce sont des acteurs privés d’internet. Il ne faut pas aborder cette question sous l’angle du fantasme de la surveillance de masse. Lorsqu’on utilise ces services privés, il y a des contreparties – et sans doute faut-il améliorer l’information du consommateur au moment où il contractualise. Ne confondons pas non plus l’interopérabilité avec la portabilité, qui est un droit consacré par la loi sur la république numérique.

Ne faisons pas de mauvais procès à Content ID : cet outil contribuera grandement à défendre les droits dauteur. Je ne connais pas dautre dispositif qui permette didentifier parmi des millions de contenus celui qui est protégé par le droit dauteur. Au demeurant, expliquez-moi comment il serait possible, sans « surveiller » – pour reprendre votre terme, qui ne me paraît pas approprié –, de rémunérer ceux qui postent librement des contenus sur des plateformes de droit privé.

La commission rejette lamendement.

Puis suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les trois séries damendements identiques AC26 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC39 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC22 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC37 de Mme Emmanuelle Anthoine, et AC27 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC40 de Mme Emmanuelle Anthoine.

La commission est ensuite saisie des amendements identiques AC59 de Mme Virginie Duby-Muller, AC178 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC415 de Mme Brigitte Kuster et AC740 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Virginie Duby-Muller. Par l’amendement AC59, nous proposons la même modification que précédemment, mais s’agissant, cette fois, du régime temporaire dérogatoire.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit, par l’amendement AC178, de proposer la même modification qu’à l’alinéa 13.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC415 a trait aux modalités de la communication par les titulaires de droits des informations pertinentes et nécessaires.

Mme Maina Sage. L’amendement AC740 a pour objet de permettre aux ayants droit de déléguer la transmission de leurs informations à un tiers.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles exposées à l’article précédent, avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle examine les amendements identiques AC62 de Mme Virginie Duby-Muller, AC179 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC417 de Mme Brigitte Kuster et AC741 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement AC62 est défendu.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement AC179 l’est également.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC417 vise à mentionner expressément la capacité pour les ayants droit de mandater des fournisseurs de technologies spécialisés dans l’identification de contenus audio et vidéo pour centraliser leurs empreintes et les communiquer aux plateformes en qualité d’intermédiaires mandatés.

Mme Maina Sage. L’amendement AC741 est défendu.

Mme Sophie Mette, rapporteure. La rédaction issue de l’amendement AC999 de la commission des affaires économiques, plus large et plus pertinente, me semble devoir être privilégiée. Je vous propose donc de retirer vos amendements.

La commission rejette ces amendements.

Elle est ensuite saisie de lamendement AC626 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Que vous le vouliez ou non, les plateformes de partage de contenus en ligne ont mis en œuvre des outils de filtrage automatique de ces contenus, s’arrogeant ainsi un pouvoir gigantesque sur ce qui peut être publié ou supprimé sur leurs plateformes. C’est une censure qui ne dit pas son nom, imposée au moyen d’algorithmes. Qui plus est, ces plateformes ne sont soumises à aucune obligation de transparence quant à la façon dont sont prises les décisions de bloquer des pages Facebook, des comptes d’utilisateurs de Twitter ou encore de vidéos sur YouTube. Les cas de censure se comptent par milliers ; ils touchent en particulier le droit à la caricature et le droit de citation, droits que nous souhaitons protéger en proposant cette modification de l’alinéa 24. Et il ne s’agit pas de fantasmes !

Mme Sophie Mette, rapporteure. Comme j’ai pu l’indiquer auparavant, vos craintes devraient être apaisées par l’existence, dans le code de la propriété intellectuelle, d’un ensemble d’exceptions au droit d’auteur plus large que ne le permet le droit européen. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. La suite de l’exposé sommaire de l’amendement de M. Larive, notamment l’exemple de Sud Rail, me semble sans rapport avec la propriété intellectuelle…

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement de précision AC1276 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 17 modifié.

Après l’article 17

La commission est saisie de lamendement AC448 de M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. Par cet amendement, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le statut des utilisateurs des plateformes de partage de vidéos – je pense notamment aux enfants youtubeurs. De nombreuses plateformes permettent en effet à des internautes, jeunes et moins jeunes, de gagner leur vie. Or, le statut du streamer, youtubeur, qui est fréquemment un autoentrepreneur et qui est souvent faiblement rémunéré, est très mal défini. Je souhaiterais donc que nous approfondissions cette question.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il me semble que la rédaction de votre amendement ne reflète pas exactement votre pensée puisque le rapport demandé porterait sur l’ensemble des utilisateurs de plateformes en ligne, et non sur les seuls vidéastes rémunérés par ces plateformes. Sur le fond, pour ce qui est du rapport entre ces dernières et les autoentrepreneurs, je crois que votre réflexion gagnerait à s’inscrire dans une prise en compte de l’ensemble des plateformes mettant en relation clients et autoentrepeneurs. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président Bruno Studer. Peut-être ce sujet, qui me semble relever à la fois du champ de compétence de notre commission et de celui de la commission des affaires économiques, pourrait-il être abordé en lien avec cette dernière – j’en parlerai avec le président Lescure.

M. Denis Masséglia. Il s’agit d’une question très importante, que je n’ai pas eu le temps d’approfondir, mais l’on pourrait évoquer également les Conditions générales d’utilisation : une plateforme pourrait, demain, modifier la rémunération des vidéastes, par exemple, sans que ceux-ci soient protégés. Quoi qu’il en soit, j’accepte votre proposition d’approfondir le sujet avec la commission des affaires économiques, monsieur le président, et je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

Article 18
Principe de réajustement de la rémunération des auteurs prévue au contrat dexploitation

La commission est saisie de lamendement AC198 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Nous proposons, par cet amendement, que la rémunération complémentaire à laquelle lauteur a droit lorsque la rémunération proportionnelle se révèle exagérément faible soit elle-même également proportionnelle. Certes, la directive ne limpose pas, mais en renonçant au caractère proportionnel de la rémunération complémentaire, nous ferions une entorse au principe qui prévaut en matière de rémunération des auteurs. En outre, les cessionnaires pourraient être encouragés à proposer initialement des rémunérations proportionnelles basses si la sanction envisagée consistait en une révision du prix forfaitaire.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement tend à préciser la transposition de la directive. Toutefois, il ne me semble pas que la rémunération supplémentaire prévue pour l’auteur doive être forfaitaire. La rémunération initiale reste nécessairement proportionnelle. Dès lors, dans les rares cas où l’on aura estimé que la rémunération proportionnelle est exagérément faible, la rémunération supplémentaire devra porter la part de l’auteur à un niveau raisonnable au regard des gains tirés de l’exploitation. Compte tenu de la manière dont les choses se passent en Allemagne, dont le droit européen s’inspire en l’occurrence, il n’y a pas de raison de douter que les auteurs bénéficieront, le cas échéant, d’une rémunération bel et bien en rapport avec le produit de l’exploitation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AC207 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il sagit, à lalinéa 5, de substituer au mot : « exagérément », le mot : « disproportionnellement ». De fait, lexpression « exagérément faible » est assez subjective et source de confusion. De plus, les termes anglais employés dans la directive sont : « disproportionately low ».

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je comprends l’objet de votre amendement, qui permet de conserver le caractère proportionnel de la rémunération. Il me semble toutefois que nous sommes en grande partie tenus par les termes de la directive, qui fait référence à une rémunération « exagérément faible ». Par ailleurs, le terme de « disproportionnellement » nous semble assez peu français dans ce contexte. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Gaultier. Comment traduisez-vous « disproportionately low », sinon par « disproportionnellement » ?

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lexamen de lamendement AC370 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Cet amendement a le même objet que le précédent.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC275 de Mme Frédérique Dumas.

Frédérique Dumas. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec Mme la rapporteure lorsqu’elle affirme que la rémunération des auteurs sera évidemment en rapport avec le produit de l’exploitation.

Toujours est-il qu’il convient que la rémunération soit non seulement proportionnelle mais aussi appropriée, et qu’elle tienne compte de la valeur économique réelle ou potentielle des droits octroyés et des pratiques du marché ou de l’exploitation réelle de l’œuvre. Il s’agit, en définitive, de définir un cadre qui permette que le dispositif soit utilisé.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il me semble que votre amendement soulève la bonne question, à savoir : qu’en est-il de l’exercice du droit à une rémunération supplémentaire lorsque l’œuvre est issue de la contribution de plusieurs auteurs ? C’est une véritable question que nous devons, me semble-t-il, régler dans le texte. Je préfère néanmoins que la possibilité de tenir compte des usages de la profession ne devienne pas un impératif. Pour cette raison, et afin de garantir la solidité d’un dispositif en faveur des différents auteurs, je vous suggère de retirer l’amendement et de proposer une nouvelle rédaction en séance.

Mme Frédérique Dumas. Je le maintiens.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AC1279 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. De nombreuses organisations d’auteurs ont souligné le risque que présentait la mention des seuls usages de la profession, qui demeurent à leur désavantage dans un grand nombre de secteurs professionnels. Le présent amendement vise donc à renvoyer aux codes des usages des professions, qui sont établis dans de nombreux secteurs différents ; en témoigne le code des usages et des bonnes pratiques dans l’édition musicale.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC1281 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il s’agit de permettre aux organisations représentatives des secteurs professionnels de définir, en fonction de la spécificité de leur économie et en s’appuyant sur leurs fines connaissances, ce qui peut être défini comme une rémunération exagérément faible. Ce faisant, ces organisations offriront une plus grande visibilité aux éditeurs tout en garantissant aux auteurs un plancher en dessous duquel il leur sera loisible de demander une rémunération supplémentaire.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AC931 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement vise à favoriser la conclusion d’un accord collectif sur les conditions de mise en œuvre, au profit des auteurs, d’un intéressement après amortissement. Si les discussions entre auteurs et producteurs ont permis de progresser sur la transparence des comptes, elles stagnent en ce qui concerne la mise en œuvre d’un tel intéressement. En prévoyant que des accords collectifs doivent être conclus sur cette question, nous créerions les conditions d’une discussion plus fructueuse entre auteurs et producteurs. D’un côté, cette disposition encadre davantage la relation individuelle des auteurs en matière de rémunération, de l’autre, elle offre une visibilité économique et une sécurité juridique aux producteurs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Vous proposez que les dispositions permettant aux auteurs de demander une rémunération supplémentaire soient applicables même en l’absence d’un mécanisme de nature à définir les modalités et conditions de mise en œuvre d’un intéressement après amortissement de l’œuvre. Il me semble que l’article 18 le permet déjà, puisque les auteurs ont droit à une rémunération supplémentaire dans tous les cas. Seule l’existence de mécanismes comparables dans des secteurs d’activité spécifiques est conservée pour les auteurs qui en bénéficiaient déjà. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Sylvie Tolmont. Je maintiens l’amendement.

Mme Frédérique Dumas. Il me paraît étrange de ne pas évoquer les usages professionnels et d’affirmer par ailleurs que les informations d’autres organismes, qui auraient une fine connaissance du secteur, peuvent servir de référence.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lexamen de lamendement AC208 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. On retrouve, là encore, le problème de la traduction du texte anglais de la directive, auquel nombre d’organisations d’auteurs nous ont sensibilisés. Par ailleurs, il n’est pas fait mention, dans le projet de loi, d’une possible représentation collective. Or, les auteurs, à titre individuel, ne peuvent pas toujours effectuer cette démarche, soit pour des questions de coût, soit par peur d’être « blacklistés ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends parfaitement votre préoccupation. Toutefois, il nous paraît intéressant de maintenir les dispositions de l’article 18, notamment parce qu’elles permettent aux auteurs de percevoir une rémunération supplémentaire, qu’ils bénéficient ou non d’une convention collective. Je vous propose que nous y retravaillions ensemble en vue de la discussion en séance publique, de manière que ces deux engagements soient inscrits dans le texte. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC209 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Défendu. Il s’agit de la même problématique que précédemment.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC932 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement vise à consacrer le rôle des organismes de gestion collective (OGC) dans la perception des rémunérations proportionnelles des auteurs. Face aux nombreux contournements des droits des auteurs par de grands opérateurs numériques mondiaux, il convient de donner à ces organismes les moyens de percevoir les droits des auteurs pour assurer l’effectivité de leur rémunération proportionnelle.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement vise à créer un monopole de perception de la rémunération des auteurs d’une œuvre audiovisuelle au profit d’un organisme de gestion collective. Il me semble toutefois que cette précision est superflue, étant donné que les OGC assurent déjà ce rôle pour ceux des auteurs d’une œuvre audiovisuelle qui passent par ces organismes pour se faire distribuer les droits qu’ils perçoivent au titre de l’exploitation de leur œuvre. Votre amendement me semble donc déjà satisfait. En dehors de ce cas-là, il convient de laisser aux auteurs d’une œuvre audiovisuelle le choix des modalités de leur rémunération. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 18 modifié.

Après l’article 18

La commission est saisie de lamendement AC211 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit de modifier l’article L. 132-6 du code de la propriété intellectuelle, dont la rédaction date de 1957. En effet, la référence à l’édition de librairie n’a plus guère de sens, compte tenu des circuits de distribution actuels du livre, notamment de son exploitation au format numérique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. J’émettrai un avis général sur l’ensemble des amendements déposés par M. Gaultier après l’article 18. Nous sommes nombreux à partager l’idée selon laquelle le projet de loi peut être l’occasion de revoir un certain nombre des dispositions de la loi de 1957. Dans le prolongement du rapport sur l’évolution du statut de l’artiste-auteur que Bruno Racine a remis au ministre de la culture en janvier dernier, il serait bienvenu de renforcer la transparence et la rémunération contractuelle des auteurs. Toutefois, les amendements que vous avez déposés après l’article 18 modifient assez sensiblement les relations contractuelles entre auteurs et éditeurs. Or nous ne disposons pas, par exemple, d’une étude de l’impact de l’introduction d’un minimum garanti de droits d’auteur sur l’ensemble de l’économie du secteur. Aussi je vous suggérerai de retirer ces amendements afin que nous puissions étudier, dans le cadre des propositions de Bruno Racine et des annonces du ministre, les dispositions qui pourraient être intégrées au projet de loi en séance publique.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends pas du tout votre explication, madame la rapporteure générale, notamment le rapport de l’amendement avec le minimum garanti…

M. Jean-Jacques Gaultier. Le minimum garanti est abordé dans l’amendement AC184.

Je retire l’amendement AC211.

Lamendement est retiré.

Lamendement AC212 de M. Jean-Jacques Gaultier est également retiré.

La commission examine lamendement AC184 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Par cet amendement, nous proposons que soit institué un véritable minimum de droits d’auteur garanti obligatoire – tel qu’il existe notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne – qui rémunère le travail effectué indépendamment des ventes des ouvrages. Cette précision me paraît importante.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement renvoie la fixation d’un taux minimum et d’un minimum garanti à la négociation collective. Or, si l’on reprend les analyses du rapport Racine, celle-ci pourrait être considérée comme une entente au sens du droit européen de la concurrence. Demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC213 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit de modifier l’article L. 132-17-7 du code de la propriété intellectuelle, en supprimant les mots : « du livre sous une forme numérique ». Cette restriction est en effet en contradiction avec les dispositions de la directive, qui ne fait pas de distinction selon le mode d’exploitation de l’œuvre.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Le projet de loi ne comporte pas de disposition spécifique pour la transposition de l’article 21 de la directive, qui a trait au recours à des mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends mais au droit commun en matière de conciliation et de médiation. Par ailleurs, donner pour cadre du règlement extrajudiciaire des conflits la commission de conciliation prévue par l’accord entre le SNE (Syndicat national de l’édition) et le CPE (Conseil permanent des écrivains) de 2014 ne convient pas puisque son objet était plutôt d’introduire un mécanisme de discussion permettant de répondre aux incertitudes liées à l’évolution des modèles économiques attachés au numérique. Demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement AC210 de M. JeanJacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Cet amendement a trait au minimum garanti évoqué tout à l’heure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Demande de retrait.

Lamendement est retiré.

Article 19
Droits relatifs à la transparence et à la révocation au sein des contrats pour les auteurs

La commission est saisie de lamendement AC185 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. À l’alinéa 2, il convient de substituer au mot : « une » le mot : « deux ». En effet, peu de personnes accepteraient d’être payées une fois par an. Prévoir deux redditions annuelles de comptes, comme c’est le cas dans un certain nombre de secteurs, correspondrait davantage à l’objectif de la directive, qui impose une communication des comptes « actualisée, récente, pertinente et complète ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends évidemment que vous proposiez que la reddition de comptes intervienne deux fois par an. Il s’agit du reste d’une recommandation du rapport Racine et d’une demande très forte des auteurs. Je vous suggère donc que l’on réfléchisse à l’ensemble de ces questions en vue de la discussion en séance publique, afin de déterminer ce qui mérite d’être précisé dans le texte. Je suis favorable sur le fond donc mais je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement pour que nous y retravaillions ensemble, en lien avec le Gouvernement.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit en effet d’une demande forte. J’ajoute que cette procédure est déjà en vigueur dans plusieurs pays européens.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC215 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Cet amendement a le même objet que le précédent. La communication des comptes doit être davantage actualisée et plus complète.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Même avis que sur le précédent amendement.

Lamendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1282 et AC1283, tous deux de la rapporteure.

Puis elle est saisie de lamendement AC188 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Défendu.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement me semble aller beaucoup plus loin que ce que prévoyait initialement la directive en matière de « non-exploitation » – pour reprendre les termes du texte européen. En cas de défaut d’exploitation partiel d’une œuvre, les éditeurs seraient soumis à une obligation disproportionnée, puisque les auteurs pourraient résilier un contrat alors même que leur œuvre est exploitée et qu’ils en tirent des revenus. Cela fragiliserait la possibilité pour les éditeurs d’exploiter de bonne foi une œuvre dont on leur a cédé des droits. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC217 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. La traduction de « lack of exploitation » par « non‑exploitation » ne me paraît pas claire et pourrait être source de litiges.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je partage l’idée que les premiers concernés par les droits relatifs à la résiliation sont les auteurs. Je crois toutefois que votre amendement aurait pour effet, sans que cela soit nécessairement voulu, d’exclure certains OGC, privant ainsi la discussion d’une expertise utile. Je vous en demanderai donc le retrait, pour étudier le format que l’on pourrait adopter d’ici à la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement AC218 de M. JeanJacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit, à la fin de l’alinéa 12, de substituer aux mots : « la non-exploitation » les mots : « le défaut d’exploitation ». Cet amendement se fait l’écho d’une demande récurrente des auteurs et de leurs organisations. Un accord professionnel devra définir la période d’exploitation écoulée à partir de laquelle l’auteur peut exercer un droit de résiliation ainsi que les critères objectifs permettant de constater le défaut d’exploitation.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai exposées concernant votre amendement précédent, je ne peux donner un avis favorable à cet amendement. Je vous suggère donc de le retirer afin que nous y travaillions d’ici à la séance publique.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je vais le maintenir, celui-là.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1284 et AC1285, tous deux de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie de lamendement AC200 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit de permettre aux scénaristes dont l’œuvre n’est pas mise en production de récupérer leurs droits. L’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle ne couvre en effet que les cas d’absence d’exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle achevée.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Avis favorable. De multiples rapports ont souligné combien les pratiques actuelles mettent en difficulté les scénaristes. Le dernier en date, issu d’une étude commune du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), montre notamment qu’entre 2014 et 2016, environ 20 % des projets des sociétés de production ont été abandonnés, principalement à l’étape du « dialogué ». Votre amendement permettra de remédier à cette situation en permettant aux scénaristes de reprendre leurs droits si la production ne leur permet pas, au terme d’un délai raisonnable, d’exploiter leur œuvre.

Mme Frédérique Dumas. Cela me semble compliqué. Vous oubliez le producteur, qui a investi. Selon les habitudes contractuelles, l’auteur peut reprendre ses droits, sachant que si son œuvre est mise en exploitation ailleurs, il pourra – ce n’est pas une obligation – rembourser l’investissement. Vous supprimez donc tout aspect contractuel. Or, à quel moment peut-on considérer qu’un projet est abandonné ? En outre, vous ne prévoyez pas que les investissements puissent être récupérés. Qu’un encadrement soit nécessaire, on peut le comprendre, mais il ne relève pas de la loi !

La commission adopte lamendement.

Lamendement AC219 de M. Jean-Jacques Gaultier est retiré.

La commission adopte larticle 19 modifié.

Après l’article 19

Lamendement AC221 de M. Jean-Jacques Gaultier est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AC186 et AC187, tous deux de M. Jean-Jacques Gaultier.

Lamendement AC223 de M. Jean-Jacques Gaultier est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC189 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement afin d’y retravailler en vue de la discussion en séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC220 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Cet amendement contribuerait à une meilleure sécurisation des pratiques dans le monde de l’édition musicale. Nous avons effectivement été sensibilisés à ce sujet pendant les auditions, et l’extension potentielle des accords professionnels par arrêté du ministre de la culture va dans le bon sens. Cela permettra également de souligner la vertu du travail engagé depuis plusieurs années par les organisations syndicales sur ce sujet. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AC600 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Par cet amendement, nous demandons un rapport sur l’opportunité de la création d’un fonds national de soutien à la création artistique dans plusieurs disciplines. Il convient en effet de rappeler que la France doit pleinement soutenir la création ; ce n’est pas la réforme d’une autorité de régulation qui changera la donne en la matière. Serait ainsi placé auprès du ministre en charge de la culture un fonds national de soutien à la création artistique dans des disciplines dont la liste serait fixée par décret. Ce fonds serait le seul moyen de contribuer au développement de l’activité des artistes-auteurs par l’attribution d’aides ponctuelles à la création et par la mise en œuvre d’un droit au soutien à la création.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Des fonds spécifiques de soutien à différentes formes d’art existent déjà. On compte en effet, ne serait-ce que pour le cinéma et l’audiovisuel qui nous occupent ici, près de cent fonds différents au sein du CNC.

Les différents fonds de soutien, notamment ceux du CNC, font l’objet de rapports précis quant à leur utilisation, ce qui rend superflu à mon sens la rédaction d’un nouveau rapport. De nombreuses réflexions, auxquelles le rapport de Bruno Racine participe et qui visent à redéfinir les soutiens publics à la création, sont par ailleurs en cours.

Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Michel Larive. Vous confondez, madame la rapporteure, fonds, subvention ponctuelle attribuée sur dossier, et droit, c’est-à-dire ce dont je vous parle et qui pourrait notamment servir à rendre aux artistes et aux créateurs tout ce qu’ils ont donné à la société en leur accordant – enfin – un statut social.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement porte bien sur un fonds, et non sur un droit.

La commission rejette lamendement.

Article 20
Mise en œuvre du principe dune rémunération proportionnelle au profit des artistes-interprètes

La commission est saisie des amendements identiques AC66 de Mme Virginie DubyMuller, AC181 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC416 de Mme Brigitte Kuster et AC471 de M. Maxime Minot.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement vise d’une part à transposer le principe de rémunération appropriée et proportionnelle consacré par l’article 18 de la directive droit d’auteur, en reprenant la définition qu’en fait son considérant 73, et d’autre part à sécuriser les conventions collectives.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement est défendu.

Mme Brigitte Kuster. Je rejoins les propos de mon collègue Jean-Jacques Gaultier concernant la rémunération proportionnelle des artistes-interprètes, tout en saluant le travail de ceux qui nous ont aidés à pointer du doigt quelques failles, dont vous avez parfois reconnu qu’elles étaient réelles.

Je vous remercie en tout cas, madame la rapporteure générale, pour votre écoute.

M. Maxime Minot. L’amendement propose de transposer le principe de rémunération appropriée et proportionnelle consacré par l’article 18 de la directive, en reprenant la définition de son considérant 73.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je reviens en détail sur un certain nombre de difficultés apparues en raison d’une traduction de la directive droit d’auteur, jugée maladroite par toutes les organisations professionnelles que nous avons auditionnées. En traduisant notamment « proportionate » par proportionnel, contrairement à l’Allemagne ou à l’Italie, nous avons imposé un principe à l’article 18 qui nous semble quelque peu éloigné de l’intention initiale de la directive.

Lors de ces auditions, nous avons été alertées par les syndicats représentatifs des artistes-interprètes, et en particulier par l’UNSA et par la CFDT, sur les risques que présente, pour eux, l’uniformisation d’une rémunération proportionnelle, le plus grand étant de remettre en cause les conventions collectives existantes qui ont souvent été longuement négociées et sont censées s’appliquer pendant plusieurs dizaines d’années.

L’enjeu de cet article est donc bien de reprendre les principes de la directive tout en préservant le modèle économique sur lequel s’appuient les artistes-interprètes : il ne faudrait pas que la façon dont nous transposons la directive présente demain un risque pour l’amélioration de leur rémunération, objectif que nous cherchons précisément à atteindre. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons coller beaucoup plus au considérant 73.

S’agissant de ces amendements, leur rédaction pose problème : il ne me semble pas possible en effet de décréter que les rémunérations négociées seront par principe appropriées et proportionnelles au sens du projet de loi. J’en demande donc le retrait au profit l’amendement AC1286 que nous examinerons dans quelques instants.

Nous souhaitons tous améliorer la situation et la rémunération des artistes‑interprètes sans prendre le risque de remettre en cause des conventions collectives patiemment, et parfois âprement, négociées.

Mme Virginie Duby-Muller. Je fais confiance à Mme la rapporteure générale et je retire l’amendement. Nous serons cependant vigilants sur ce point lors de l’examen des prochains amendements.

Les amendements AC66 et AC181 sont retirés.

M. Ian Boucard. Je fais moi aussi confiance à la rapporteure générale mais je souhaite connaître l’avis de M. le ministre de la culture.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Améliorer la transposition de la directive est bien évidemment un objectif que je partage. Le travail parlementaire vise d’ailleurs à améliorer les textes du Gouvernement. Simplement, je n’ai pas la même approche que la rapporteure générale sur la rédaction qui permettrait à la fois d’être dans la ligne de la directive et d’assurer une meilleure rémunération des artistes-interprètes sans pénaliser un certain nombre de mécanismes existants.

Deux sujets principaux sont évoqués par les amendements : l’assiette de la rémunération et la détermination des cas dans lesquels elle peut être évaluée forfaitairement.

S’agissant de l’assiette, le projet de loi propose, à l’instar de ce qui est prévu pour les auteurs, que la rémunération soit proportionnelle aux recettes d’exploitation. J’entends toutefois les préoccupations exprimées et, dans un esprit de compromis et de rapprochement, j’accueille favorablement l’amendement AC821 de M. Pascal Bois qui reprend l’assiette prévue précisément au considérant 73 de la directive, à savoir la valeur économique des droits.

S’agissant des forfaits, je considère en revanche que le projet de loi doit viser des cas précis, comme le prévoit le même considérant : ne pas le faire affaiblirait le texte. La détermination de ces cas relève de la responsabilité du législateur et ne saurait être laissée à la simple appréciation des parties prenantes. Prévoir qu’il est possible d’y recourir sans en préciser davantage le cadre n’assure pas la sécurité juridique nécessaire et fait par ailleurs courir le risque d’une mauvaise transposition de la directive : je vous alerte sur ce point. C’est la raison pour laquelle le projet de loi comprend, comme pour le droit d’auteur, une liste de cas dans lesquels un recours au forfait est possible.

La commission rejette les amendements AC416 et AC471.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements AC499 de M. JeanJacques Gaultier et AC276 de Mme Frédérique Dumas.

M. Jean-Jacques Gaultier. Si la rémunération proportionnelle des artistes‑interprètes peut prendre la forme d’un contrat individuel ou être déterminée par une convention collective dans certains cas, lorsque l’économie de la production le permet, elle ne peut être rendue obligatoire.

Mme Frédérique Dumas. En fait, j’ai déjà défendu l’amendement. En tout cas, j’ai bien noté les propos du ministre. Je tiens moi aussi à ce que l’on reprenne le considérant 73 qui précise, et c’est important, que « La rémunération des auteurs et artistes interprètes ou exécutants devrait être appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits octroyés […] ». Le terme « appropriée » est très important. Je souhaite également que la liste des forfaits figure dans la loi. Je retire donc l’amendement.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement AC810 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. Lamendement précise la notion de rémunération proportionnelle des artistes-interprètes : si la doctrine française la qualifiée de révolution, il est nécessaire de rappeler que cette dernière nétait pas attendue et ne fait pas lobjet de revendications significatives. En outre, la directive ne limpose pas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vais être cohérente avec ce que j’ai déjà dit : je suis très attachée moi aussi à la reprise du considérant 73. C’est la limite de l’amendement AC821 de notre collègue Pascal Bois qui ne le reprend que très partiellement. Ainsi, il ne reprend pas la notion de rémunération appropriée, qui me semble extrêmement importante, ou la question forfaitaire.

Les positions exprimées dans le cadre des auditions que nous avons menées avec Sophie Mette et la demande de la part de toutes les organisations professionnelles étaient très claires. Si je suis d’accord sur le fond, je demande le retrait de l’amendement au profit de mon amendement AC1286, qui reprend le considérant 73 et qui garantit les droits des artistes‑interprètes.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AC1286 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’idée est donc de reprendre, comme je l’ai indiqué, le considérant 73 de la directive et donc d’être conforme à son esprit. L’amendement fait donc, comme l’amendement AC821 de notre collègue Pascal Bois, référence à la valeur économique réelle des droits cédés. Mais il intègre également le caractère approprié de la rémunération. Il me semble extrêmement important d’inscrire ces deux éléments dans la loi. Si l’on peut regretter la traduction du terme proportionate par proportionnel, celle-ci se tient.

Cet amendement de compromis correspond à la proposition de rédaction que nous ont envoyée notamment la CFDT et l’UNSA. Je vous demande donc, chers collègues, de le soutenir.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la rapporteure générale, vous avez tendance à faire parler les gens… Vous ne pouvez pas dire que toutes les organisations et tous les syndicats sont favorables à cet amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Si, vous avez indiqué que toutes les organisations professionnelles que vous avez auditionnées étaient favorables à votre rédaction. Or ce n’est pas vrai : un grand nombre d’organisations représentant les artistes-interprètes n’y sont pas favorables précisément car elle risque d’affaiblir le projet de loi qui vise notamment à renforcer leurs droits. Il est donc important, pour ne pas l’affaiblir, de préciser les cas dans lesquels il est possible de recourir au forfait.

Je les rappelle : un tel recours est possible lorsque « La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée » ; lorsque « […] Les moyens de contrôler lapplication de la participation font défaut » ; lorsque « […] Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre » ; lorsque « […] La nature ou les conditions de lexploitation rendent impossible lapplication de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de lartiste-interprète ne constitue pas lun des éléments essentiels de linterprétation de lœuvre, soit que lutilisation de linterprétation ne présente quun caractère accessoire par rapport à lobjet exploité […] » ; ainsi que dans les autres cas prévus au code de la propriété intellectuelle.

C’est la raison pour laquelle je préfère la rédaction de votre collègue Pascal Bois qui fait référence à la valeur économique réelle, sans affaiblir la portée du projet de loi en supprimant les cas de forfait dont le maintien est essentiel.

Mme Frédérique Dumas. Je suis totalement favorable d’une part à la reprise du considérant 73, et donc à ce que la rémunération en question soit à la fois proportionnelle et appropriée, en fonction évidemment de la valeur des droits cédés, et d’autre part à l’inscription des forfaits dans la loi. Or c’est précisément ce que prévoit l’amendement de la rapporteure générale, qui ne porte que sur l’alinéa 4. Les forfaits sont traités plus loin dans le texte. Si tel est bien le cas, je soutiens cet amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Lajout du terme « appropriée » ne me pose pas de problème. Mais je veux prévenir les députés que la rapporteure souhaite supprimer les cas de forfait, ce qui est très problématique pour moi. Il faut dire clairement les choses avant le vote.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Mes amendements portent sur des alinéas et des sujets différents et peuvent connaître un sort différent. Le AC1286 ne vise qu’à coller au considérant 73 dont vous avez mentionné la nécessité et qui prévoit que la rémunération des auteurs et artistes-interprètes doit être à la fois appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits cédés.

N’aimant pas faire parler les gens, je précise qu’une organisation de gestion collective, la Société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes, l’ADAMI, ainsi qu’un syndicat, la CGT, ont exprimé une position contraire à celle des autres organisations professionnelles qui nous ont sollicitées.

La CFDT et l’UNSA nous ont quant à elles très clairement demandé, tant oralement que par écrit, de soutenir la proposition faite par des organisations professionnelles qui sont majoritaires. Voilà exactement ce qui s’est passé en audition, comme peuvent en témoigner les nombreux collègues qui étaient présents ainsi que les contributions écrites qu’ils ont pu recevoir.

Comme Frédérique Dumas l’a bien précisé, n’est visé ici que l’alinéa 4. S’il faut ensuite avoir une nouvelle discussion sur les forfaits, nous l’aurons. Dans tous les cas, votre position sur l’amendement AC1286 ne préjuge en rien, chers collègues, de votre prochain vote sur la question des forfaits.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Non, madame la rapporteure générale, la CFDT n’est pas majoritaire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Si. Les organisations que vous avez mentionnées ne sont pas majoritaires. En revanche, l’ADAMI est une organisation de gestion collective très importante chez les artistes-interprètes, comme l’est également la CGT. Or, toutes deux sont totalement sur la ligne du Gouvernement.

L’amendement AC1286 peut être accepté si la mention des forfaits n’est pas supprimée ensuite dans le texte.

M. Ian Boucard. Il est important d’avoir ce débat. La première réponse de la rapporteure générale m’avait laissé à penser en effet que tous les syndicats étaient d’accord avec la rédaction proposée. Or je comprends que tel n’est pas le cas.

La clarté de nos débats nous impose d’être précis dans nos propos, car cela oriente nos votes. La première réponse n’était donc pas suffisamment claire : je suis heureux que M. le ministre ait pu apporter ces précisions.

J’espère que sur les articles précédents, son silence relatif par rapport à Mme la rapporteure générale n’a pas permis de glisser certaines choses sous le tapis. Je suis désolé, madame la rapporteure générale, d’avoir réveillé M. le ministre par ma question.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, lamendement AC821 de M. Pascal Bois tombe.

Elle est ensuite saisie de lamendement AC500 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’amendement tend à supprimer les alinéas 5 à 10 sur lesquels nous nous sommes largement exprimés. Encore une fois, si le choix de la rémunération proportionnelle peut être fait par contrat individuel ou par convention collective quand l’économie de la production le permet, ce type de rémunération ne peut être érigé en principe général obligatoire.

Une telle évolution n’est pas demandée par tout le monde et serait de nature à remettre en cause cette économie, à avoir un impact y compris sur la rémunération des artistes-interprètes – je pense en particulier aux cachets perçus sur les tournages – et à réduire à néant de nombreux accords collectifs existants.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement tend à supprimer les cas de forfait : j’y suis plutôt favorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. J’y suis défavorable, pour les raisons que j’ai indiquées : il faut absolument maintenir ces forfaits. Je réfute l’idée selon laquelle leur maintien ferait courir un risque aux accords précédents : c’est tout l’inverse.

Mme Frédérique Dumas. Je partage la position du ministre. Chers collègues, vous avez voté précédemment presque sans vous en rendre compte un amendement permettant aux scénaristes dont l’œuvre n’est pas mise en production de pouvoir, sans que ce droit soit encadré, récupérer leurs droits, ce qui ne correspond pas à l’économie du secteur.

En l’occurrence, vous vous apprêtez à supprimer les forfaits, qui relèvent pourtant de la loi, et à les laisser aux négociations professionnelles. Non, ils doivent y figurer : on doit savoir ce qui en relève, et ce qui relève de la rémunération proportionnelle. Je suis donc évidemment défavorable à l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1366 de la rapporteure générale.

Puis elle est saisie de lamendement AC1354 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il se situe dans la même veine que celui présenté par notre collègue Jean-Jacques Gaultier. Je précise qu’il ne s’agit pas de supprimer la possibilité de recourir aux forfaits.

La question, qui rejoint celle posée par Mme Frédérique Dumas, est de savoir sil faut en dresser une liste exhaustive dans la loi. Nous avons considéré, au regard des auditions qui ont été menées, quil valait mieux ne pas figer les choses, tout en maintenant bien la possibilité de recourir au forfait, puisque la directive le permet.

Il s’agit d’un point important sur lequel notre attention a été appelée.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous connaissez mon point de vue : je pense au contraire qu’il est très important de les inscrire dans la loi.

Mme Maina Sage. Madame la rapporteure générale, vous avez émis un avis favorable s’agissant de l’amendement AC500, qui tendait également à supprimer l’alinéa 5. Il faut être clair.

La loi permet cette ouverture sur les forfaits : fixer à l’article 20 les conditions de leur organisation me paraît une bonne chose, d’autant que l’alinéa 11 prévoit que les conditions de mise en œuvre de ces dispositions pourront être déterminées par les conventions et accords collectifs. Il serait dommage que de telles précisions soient supprimées.

Alors que la loi de 1986 comme ce projet de loi comportent un certain nombre d’éléments qui pourraient relever du décret, il me paraît fondamental de conserver ces dispositions relatives aux forfaits.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AC63 de Mme Virginie DubyMuller, AC180 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC418 de Mme Brigitte Kuster, et AC472 de M. Maxime Minot.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement propose de clarifier dans la loi les cas de recours au forfait, et donc de reprendre la distinction entre artistes principaux et artistes secondaires existant dans le secteur de l’édition phonographique et de préciser que la contribution de l’artiste ne constitue pas un élément essentiel de l’interprétation lorsque son absence n’est pas de nature à empêcher la réalisation de l’objet protégé, c’est-à-dire lorsqu’il peut être remplacé par un autre artiste-interprète.

M. Jean-Jacques Gaultier. Mon amendement est défendu.

Mme Brigitte Kuster. Le mien aussi, sur la base des mêmes arguments.

M. Maxime Minot. Je précise que cette sécurisation des usages existants dans l’ensemble des industries culturelles est décisive pour leur modèle économique. J’invite donc tous mes collègues à voter l’amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ces amendements visent à préciser ce que l’on entend par contribution non essentielle de l’artiste-interprète, et l’on peut en effet s’interroger sur ce terme. Il me semble néanmoins qu’il faudrait laisser à la jurisprudence le soin d’établir la distinction entre artistes principaux et artistes secondaires issue de l’industrie phonographique qui, parce qu’elle n’est pas forcément identique dans tous les secteurs culturels, doit continuer à prévaloir.

J’invite donc au retrait de ces amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, elle rejette lamendement AC501 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Elle examine ensuite lamendement AC753 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Maina Sage. L’amendement vise à renforcer le rôle que les organismes de gestion collective sont amenés à jouer dans les accords spécifiques liés à la rémunération et à rééquilibrer ainsi les conditions de la négociation. En clair, il vise à donner toute leur place dans les négociations aux organismes de gestion collective, à parité avec les organisations représentant les producteurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je ne suis pas sûre qu’il soit pertinent de prévoir systématiquement, dans toutes les discussions professionnelles dont l’objet est de fixer la rémunération des artistes-interprètes, l’intervention des organismes de gestion collective. Il ne faut pas oublier le rôle des syndicats, organisations représentatives des artistes. Je vous demande donc de retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC502 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. J’y suis favorable : je partage en effet l’avis selon lequel cette disposition, qui s’applique aux auteurs en vertu d’un article du code de la propriété intellectuelle, n’a pas autant de pertinence pour les artistes-interprètes. De la même manière que les rémunérations doivent être déterminées en prenant en compte les spécificités de chacune des professions, l’intérêt de mettre en place cette disposition de conversion des droits en annuités forfaitaires ne me paraît pas utile parce que les auteurs et les artistes-interprètes ne sont pas placés dans les mêmes situations.

M. Franck Riester, ministre de la culture. J’y suis a priori défavorable. Je vais analyser la proposition pour la séance publique.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 20 modifié.

3.   Première réunion du mercredi 4 mars 2020 (après l’article 20 à après l’article 39 ; sauf articles 22 et 23 réservés) ([5])

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous reprenons ce matin l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Lundi soir, nous nous sommes arrêtés aux amendements après l’article 20. Je vous informe que les articles 22 et 23 seront réservés jusqu’à cet après-midi afin d’être discutés en présence du ministre, retenu ce matin en conseil des ministres.

Après l’article 20

La commission examine les amendements identiques AC1352 de la rapporteure générale et AC963 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Rédigé à la demande de nombreux auteurs, notamment des compositeurs, l’amendement vise à ce que l’ensemble des auteurs, qui ne sont actuellement pas reconnus explicitement par la mention de leurs noms sur les œuvres à la création desquelles ils participent, puissent l’être désormais, notamment quand ils travaillent à un générique de film. L’adoption de cette mesure équivaudrait à une reconnaissance de leurs droits.

Mme Géraldine Bannier. Effectivement, les noms des compositeurs de musique travaillant aux génériques de films ne sont pas toujours mentionnés, et ils sont parfois remplacés par ceux des sociétés dont ils font partie. L’amendement vise à remédier à cette situation.

La commission adopte les amendements identiques.

Elle est saisie de lamendement AC847 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. Nous avons évoqué, avant-hier soir, la situation des artistes‑interprètes. Si personne ne souhaite évidemment porter préjudice aux sociétés de production qui permettent de les rémunérer, ni aux conventions collectives, et si personne n’envisage de remplacer la rémunération forfaitaire de nos artistes, il convient de trouver un consensus sur cette question.

Tel est l’objet de l’amendement, qui vise à transposer le principe de rémunération conventionnelle prévu au considérant 73 de la directive européenne du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

J’ai toujours été frappée de constater à quel point nous avions peu conscience de la valeur d’une idée, d’une création, d’une interprétation, d’une image ou d’un son. Sur cent idées, une seule va aboutir, qui est la somme de ces choses invisibles que sont l’éducation reçue, de plusieurs années d’observation, de questionnements, de doutes, d’erreurs, de travail et d’hésitations. Cependant, cette sensibilité, cette créativité, ce génie parfois, ne sont pas tout à fait immatériels : cela a un prix. C’est pourquoi je souhaite que soit un peu mieux partagée la valeur produite par une filière et dont les artiste-interprètes sont les rouages essentiels, en faisant entrer une part de proportionnalité dans les revenus des artistes-interprètes : il me paraît nécessaire de trouver, d’ici à la séance publique, une manière consensuelle d’inscrire cela dans notre texte.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je partage la préoccupation que vous exprimez sur une question déjà évoquée à plusieurs reprises. Cependant, il me semble difficile d’intégrer en l’état certains éléments du considérant 73 tels que : « les États membres devraient avoir la liberté de définir des cas précis pour lesquels un montant forfaitaire peut être versé en tenant compte des spécificités de chaque secteur. »

Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement afin que nous puissions en travailler ensemble la rédaction en vue de la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC1022 de M. Pierre-Yves Bournazel.

M. Pierre-Yves Bournazel. Il vise à renforcer le rôle que les organismes de gestion collective sont amenés à jouer dans les accords spécifiques liés à la rémunération. Il convient de décliner le principe d’une rémunération juste et appropriée, consacré par la loi, en rééquilibrant les conditions de la négociation contractuelle entre les parties.

La situation actuelle est préjudiciable aux artistes-interprètes car, par comparaison avec le droit d’auteur, la présence des organismes de gestion collective dans les négociations au sein de la filière cinématographique s’est notamment traduite par la conclusion d’un accord aboutissant à assurer l’effectivité de leurs rémunérations, donc à bien défendre leurs droits.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Introduire les organisations de gestion collective dans l’ensemble des négociations sur les rémunérations des artistes-interprètes me semble aller trop loin.

Je l’ai déjà dit, les négociations relatives à la rémunération des artistes-interprètes doivent associer en priorité les organisations représentatives des artistes eux-mêmes – les syndicats –, ce qui n’est pas la vocation d’un organisme de gestion collective.

Je vous invite par conséquent à retirer cet amendement, à défaut avis défavorable.

M. Pierre-Yves Bournazel. Jentends, mais je maintiens mon amendement.

La commission rejette lamendement.

Article 21
Droits relatifs à la transparence et à la révocation au sein des contrats pour les auteurs

La commission est saisie des amendements identiques AC89 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC100 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC175 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC420 de Mme Brigitte Kuster, AC473 de M. Maxime Minot et AC742 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement vise à apporter une précision. Outre « l’œuvre », qui relève du droit d’auteur, il convient de mentionner les « objets protégés », qui relèvent quant à eux des droits voisins. C’est d’autant plus important que l’article 21 vient précisément modifier la partie du code de la propriété intellectuelle relative aux droits voisins.

Mme Valérie Bazin-Malgras. L’amendement est en effet destiné à ajouter les mots : « ou de l’objet protégé ».

M. Jean-Jacques Gaultier. Dans un article concernant essentiellement les droits voisins, il convient de ne pas oublier les phonogrammes et les vidéogrammes.

Mme Constance Le Grip. Il s’agit bien de mentionner les objets protégés, qui relèvent des droits voisins.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je suis favorable à cette mesure de bon sens qui permet de renforcer les droits voisins, portant sur les objets protégés.

La commission adopte les amendements identiques.

Elle examine les amendements identiques AC67 de Mme Virginie Duby-Muller, AC90 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC105 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC183 de M. Jean-Jacques Gaultier et AC474 de M. Maxime Minot.

M. Frédéric Reiss. L’amendement vise à préciser que les modalités d’exercice de reddition de comptes sont bien définies sous réserve des dispositions de l’article L. 212-15 du code de la propriété intellectuelle.

M. Jean-Jacques Gaultier. La référence que fait l’article 21 à des « accords professionnels » est erronée, puisque ces accords ne sont pas prévus par l’article L. 212-15 du code de la propriété intellectuelle. Dans un souci de clarté, l’amendement vise à préciser les modalités d’exercice de reddition des comptes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La rédaction actuelle du projet laisse entendre que l’article L. 212-15 du code de la propriété intellectuelle prévoit des accords professionnels, ce qui n’est effectivement pas le cas. Avis favorable à cette correction.

La commission adopte les amendements identiques.

Elle est saisie des amendements identiques AC68 de Mme Virginie Duby-Muller, AC91 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC106 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC182 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC422 de Mme Brigitte Kuster, AC475 de M. Maxime Minot et AC743 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Pour éviter toute atteinte au secret des affaires, le sous-concessionnaire ne connaissant pas les termes du contrat qui lie l’artiste interprète au concessionnaire, je propose de confier à ce dernier la charge de demander au sous-concessionnaire les informations qui sont dues à l’artiste interprète.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je précise que nous ne parlons pas de « concessionnaire » et de « sous-concessionnaire », mais de « cessionnaire » et de « sous‑cessionnaire »…

M. Pierre-Yves Bournazel. La directive donne la possibilité aux États membres de décider, notamment en cas de manquement, si les informations relatives aux revenus produits par l’exploitation de l’objet protégé doivent être demandées au sous-cessionnaire par le premier cessionnaire ou par l’artiste interprète lui-même. Plutôt que d’opérer un choix dans la loi, le présent texte propose de répercuter la prise de décision au niveau conventionnel, c’est‑à-dire secteur par secteur.

Pour éviter toute atteinte au secret des affaires, le sous-cessionnaire ne connaissant pas les termes du contrat qui lie l’artiste interprète au cessionnaire, l’amendement AC743 permettrait de confier à ce dernier la charge de demander au sous-cessionnaire les informations qui sont dues à l’artiste interprète.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je crains que cet amendement ne restreigne trop la possibilité pour les artistes-interprètes d’avoir accès aux informations pertinentes sur les revenus tirés de leur exploitation. L’obligation de transmission préalable du sous-cessionnaire vers le cessionnaire me paraît ajouter une étape trop lourde, contraire à l’esprit du projet de loi. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine lamendement AC853 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. Il vise à rendre possible le droit à la transparence en permettant aux artistes-interprètes d’accéder à certaines informations, notamment en ce qui concerne les modes d’exploitation des œuvres et des prestations, l’ensemble des revenus produits par leurs prestations ainsi que la rémunération due aux contractants et sous‑contractants.

Le droit à la transparence ne peut s’exercer qu’en l’absence de litige sur la qualité d’artiste interprète de l’œuvre. Or, les problèmes d’identification des ayants droit ne sont pas rares : par exemple, on ne sait pas toujours qui sont les musiciens jouant la bande originale d’un film, ce qui peut faire naître des contentieux pour savoir qui est l’auteur d’une musique ou d’une prestation entendue dans une œuvre cinématographique.

La transposition de la directive permet un droit à la transparence par une base de données accessible. Afin que les artistes-interprètes puissent exercer leur droit à la rémunération sans risquer de créer des contentieux, il est important de prévoir une procédure de déclaration.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre souci de reconnaissance et de transparence – principes ayant un impact en termes de répartition des revenus – et javais émis un avis favorable à un amendement adopté précédemment, permettant que les auteurs interprètes figurent au générique dun film.

Celui-ci confie à un décret en Conseil d’État plutôt qu’aux conventions collectives les modalités de transmission des informations et de reddition des comptes entre cessionnaires et artistes-interprètes. Or, il me semble que chacun des secteurs professionnels doit conserver la liberté de définir les modalités de reddition des comptes.

Je vous invite donc à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

Mme Sandrine Mörch. Je le maintiens, mais je reverrai sa rédaction avant la séance publique.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie des amendements identiques AC92 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC107 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC423 de Mme Brigitte Kuster et AC476 de M. Maxime Minot.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Dans un souci de clarté, je propose de préciser la nature de l’obligation juridique pesant sur le cessionnaire.

Mme Emmanuelle Anthoine. Lamendement vise à permettre aux artistesinterprètes de négocier une rémunération supplémentaire avec le cessionnaire.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit de revenir sur une surtransposition : alors que l’article 22 de la directive européenne ne prévoit qu’un droit à réclamer, le texte instaure un droit à une rémunération supplémentaire au lieu de prévoir l’ouverture de négociations en vue de l’obtention de cette rémunération supplémentaire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les articles précédents ont consacré le droit de l’artiste interprète à une rémunération supplémentaire. Le faire précéder d’une négociation risque de restreindre le droit des artistes-interprètes à cette rémunération, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine les amendements identiques AC93 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC101 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC424 de Mme Brigitte Kuster et AC477 de M. Maxime Minot.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement vise non seulement à poser des garde‑fous pour prévenir le blocage des enregistrements, mais aussi à éviter l’instauration d’un double régime de ce droit de résiliation selon la période d’exploitation – de surcroît moins sécurisée lors des cinquante premières années du fait du renvoi à la négociation collective.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Il s’agit bien d’éviter de créer de l’incertitude juridique sur un sujet présentant un risque important d’atteintes à la liberté contractuelle, à la force obligatoire des contrats et à l’exercice du droit de propriété.

Mme Constance Le Grip. Il convient en effet d’harmoniser le nouveau droit avec le droit existant.

M. Maxime Minot. Je ne vois rien à ajouter à ces excellentes interventions.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Comme les précédents, ces amendements identiques présentent le risque d’amoindrir le droit de résiliation par les artistes-interprètes en cas de non-exploitation.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle est saisie des amendements identiques AC94 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC102 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC425 de Mme Brigitte Kuster et AC478 de M. Maxime Minot.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement vise à clarifier les conditions dans lesquelles le droit de résiliation peut s’exercer. Ce faisant, il met en cohérence le dispositif relatif au droit de résiliation, non seulement avec la directive, mais aussi avec sa présentation dans l’exposé des motifs, aux termes duquel ce nouveau droit de résiliation s’applique bien « en cas d’absence totale d’exploitation ».

Mme Valérie Bazin-Malgras. L’amendement vise en effet à clarifier le texte en substituant aux mots : « de non-exploitation » les mots : « d’absence totale d’exploitation ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Si l’expression « défaut partiel d’exploitation » me paraissait ouvrir une trop grande porte à la résiliation, la notion d’« absence totale d’exploitation » me semble, à l’inverse, beaucoup trop restrictive pour les droits des artistes-interprètes, ce qui ne concourt pas à l’objectif de les soutenir, que nous partageons tous.

Retrait, à défaut avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine les amendements identiques AC95 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC103 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC426 de Mme Brigitte Kuster – faisant lobjet du sous-amendement AC1370 de M. Maxime Minot – et AC479 de M. Maxime Minot.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il est proposé de conditionner le droit de résiliation à la saisine préalable du médiateur de la musique et à l’échec de sa mission de conciliation. L’objectif est que ce nouveau droit se transforme en une garantie d’exploitation des phonogrammes et ne trouve pas à s’appliquer, la mission de conciliation ayant vocation à remédier à l’éventuelle absence d’exploitation avant que l’artiste n’en vienne à résilier ses droits.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Il faut éviter de créer un droit qui se révélerait en pratique préjudiciable, non seulement aux producteurs et au public, mais aussi à l’artiste lui‑même.

Mme Brigitte Kuster. Le droit de résiliation pourrait être exercé en cas de disparition des enregistrements sur les plateformes. Pour éviter ce qui serait à l’origine d’un blocage de l’exploitation du phonogramme à l’opposé de l’objectif de la directive européenne, il est nécessaire d’aménager un espace de dialogue obligatoire entre l’artiste et le producteur. Le droit de résiliation serait ainsi conditionné à la saisine préalable du médiateur de la musique et à l’échec de sa mission de conciliation, afin que ce droit se transforme en une garantie d’exploitation du phonogramme.

Éviter un blocage anticipé des droits d’exploitation, tel est le sens de l’amendement AC426.

M. Maxime Minot. Le sous-amendement AC1370 vise à compléter le second alinéa de l’amendement AC426 par les mots : « , lorsque les parties en présence relèvent de la compétence de celui-ci ». Cette précision permet de sauvegarder l’aspect transversal de la rédaction de l’article L. 212-3-3, bien qu’il ne s’applique dans les faits qu’aux artistes‑interprètes de musique enregistrée et aux producteurs phonographiques.

La saisine du médiateur permettrait réellement de sécuriser ce nouveau droit, l’objectif étant d’instaurer un dialogue en amont afin d’éviter son application effective qui se traduirait par un blocage et serait nécessairement préjudiciable à toutes les parties – producteurs, public et surtout artistes.

Dans l’hypothèse où l’amendement AC426 modifié par le sous‑amendement AC1370 serait adopté, je retirerais mon amendement AC479.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends la précision apportée par le sous-amendement de M. Minot, qui permet de limiter le champ dans lequel il pourrait être fait appel au médiateur de la musique – les acteurs ou les danseurs, par exemple, n’auraient pas forcément intérêt à recourir à ce type de médiation. Cependant, il me semble que les mesures proposées auraient pour conséquence d’alourdir le dispositif en ajoutant une nouvelle étape au processus de résiliation du contrat, ce qui serait contraire à l’esprit de la directive et du texte.

J’émets donc un avis défavorable au sous-amendement et aux amendements identiques.

La commission rejette le sous-amendement.

Elle rejette les amendements identiques.

Elle est saisie de lamendement AC480 de M. Maxime Minot.

M. Maxime Minot. Les modalités d’exercice du droit de résiliation sont renvoyées à un accord collectif ou professionnel qui pourrait être négocié par les organismes de gestion collective. Or, ni les organisations de gestion collective (OGC) de producteurs, ni celles d’artistes, n’ont vocation à négocier les modalités de résiliation d’une cession qui est inscrite au contrat de travail liant directement le producteur et l’artiste interprète.

L’amendement AC480 propose donc de limiter les négociations aux organisations professionnelles d’employeurs et de salariés.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Si l’amendement de M. Bournazel me semblait excessif en imposant systématiquement la présence des organisations de gestion collective dans les négociations, il me paraît tout aussi excessif d’imposer que les OGC ne soient jamais présentes, surtout quand il s’agit de la négociation portant sur le droit de résiliation : cela risquerait en effet de donner lieu à des effets de bord.

Je souhaite donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques AC96 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC104 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AC427 de Mme Brigitte Kuster et AC481 de M. Maxime Minot.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’exposé des motifs précise que le droit de résiliation de tout ou partie du contrat ne trouve à s’appliquer qu’en cas « d’absence totale d’exploitation ». Or, le présent article renvoie les modalités de ce droit à un accord professionnel devant définir « les critères objectifs permettant de constater la non-exploitation », ce qui crée un hiatus entre l’exposé des motifs et l’avant‑projet.

Afin d’y remédier, l’amendement vise à supprimer la fin de l’alinéa 17, après le mot « résiliation ».

M. Maxime Minot. Le droit de résiliation ne s’appliquant que dans le cas d’une absence totale d’exploitation, l’accord qui avait du sens pour l’audiovisuel n’en a plus pour l’édition phonographique, réputée exploiter les phonogrammes dès lors qu’ils sont mis à disposition sur une plateforme de streaming audio. L’amendement vise donc à mettre fin à la possibilité pour un accord professionnel de déterminer la non-exploitation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ces amendements visent à supprimer la possibilité de définir par voie d’accord professionnel des critères objectifs permettant de constater la non-exploitation d’une œuvre.

J’estime que les différences existant entre les secteurs professionnels dans lesquels exercent les artistes-interprètes sont telles qu’une définition de la non-exploitation au sein des conventions collectives se justifie pour certains secteurs – à défaut, des effets de bord risquent de se produire entre les différents secteurs concernés.

C’est pourquoi, si je comprends l’esprit de ces amendements, je souhaite leur retrait, et émettrai à défaut un avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je pense qu’en renvoyant à la loi certaines situations particulièrement complexes, on s’expose à des difficultés.

Par ailleurs, il me semble que dans le cas qui nous intéresse, où l’on s’interroge sur l’exploitation ou la non-exploitation d’une œuvre, il n’y a clairement plus de contrat de travail : les questions qui se posent sont relatives à la rémunération proportionnelle, par exemple, mais le travail, lui, est terminé. J’appelle votre attention sur la nécessité de ne pas mélanger le contrat de travail et les rémunérations proportionnelles liées à l’exploitation – ou les conséquences de la non-exploitation.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle adopte larticle 21 modifié.

Après l’article 21

La commission est saisie des amendements identiques AC394 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC395 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Emmanuelle Anthoine. Afin de permettre au principe de rémunération proportionnelle d’assurer son plein effet, il faut le faire évoluer : un « minimum garanti auteur » doit être instauré sur le prix de chaque souscription à une plateforme de vidéo à la demande par abonnement, y compris pour les services en bundle où l’offre vidéo n’est qu’un service parmi d’autres compris dans la souscription, à charge pour les sociétés d’auteurs d’en assurer la juste répartition, proportionnellement aux données de visionnage. Tel est l’objet de l’amendement.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Il s’agit en effet de compléter l’article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa comportant les dispositions que Mme Anthoine vient d’évoquer.

Mme Sophie Mette, rapporteure. La rémunération des auteurs à raison de lexploitation de leur œuvre sur les plateformes de service en ligne par abonnement peut sans doute laisser à désirer, si lon en croit les différentes données qui nous ont été communiquées. Il me semble toutefois que votre amendement est satisfait par le fait que le principe édicté à lalinéa 1 de larticle L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle sapplique à toute forme de recette issue de lexploitation de son œuvre.

Il faudrait donc privilégier une plus grande transparence de ces plateformes sur le montant des revenus tirés de l’exploitation de leurs œuvres et garantir ainsi que la rémunération des auteurs est bien en rapport avec cette exploitation.

Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Là encore, il semble qu’il y ait une confusion entre la rémunération professionnelle et ce dont il est ici question, à savoir un minimum garanti par auteur, qui consiste à garantir une recette avant même qu’elle ait été produite – ce qui n’est pas forcément une bonne chose, car il faudrait alors apporter la même garantie au producteur concerné.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine lamendement AC1358 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Cet amendement a été mis au point en collaboration avec la Société des gens de lettres.

L’existence d’un répertoire des auteurs et des ayants droit pour le secteur du livre est indispensable afin de permettre à toute personne ayant un projet de réexploitation, de traduction ou d’adaptation d’une œuvre, de les contacter pour recueillir leur autorisation préalable. En effet, la durée d’exploitation post mortem des œuvres est de soixante-dix ans et le droit moral est, quant à lui, perpétuel.

De nombreux projets d’adaptation cinématographique, de réédition ou de traduction ne peuvent être réalisés du fait de l’impossibilité de joindre les ayants droit pour recueillir leur autorisation. À cette fin, il a été développé depuis 2011 par la Société des gens de lettres, avec le soutien des pouvoirs publics, du ministère de la culture, du Centre national du livre (CNL) et de l’interprofession – en l’occurrence la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA) – un répertoire des ayants droit pour le secteur du livre, dénommé répertoire BALZAC, visé par le décret du 6 mai 2015 relatif aux œuvres orphelines.

S’il permet de rendre possible chaque année un grand nombre de projets d’adaptation, de traduction ou de représentation des œuvres, ce répertoire serait encore plus efficient s’il pouvait tendre à l’exhaustivité au moyen d’une obligation d’enregistrement de l’ensemble des ayants droit.

C’est pourquoi l’amendement vise à prévoir un versement systématique des contacts de tous les auteurs vivants ou décédés au sein de ce répertoire géré par la Société des Gens de Lettres, association reconnue d’utilité publique et en lien avec la CNIL.

Mme Constance Le Grip. Je souhaite exprimer notre totale approbation de cet amendement très attendu par les auteurs, et qui représente une avancée significative en termes de protection de leurs droits et de ceux de leurs ayants droit.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte lamendement AC1291, dactualisation dune référence, de la rapporteure.

Elle est saisie de lamendement AC581 de M. Richard Ramos.

M. Bruno Fuchs. Alors que les artistes-interprètes participent à de nombreux enregistrements chaque année, seul celui de l’artiste principal figure sur les feuilles de présence. De ce fait, il est souvent impossible pour les organismes de gestion collective des droits des artistes-interprètes de les identifier et de leur reverser une rémunération.

Afin d’y remédier, l’amendement vise à rendre obligatoire l’inscription du nom et de toutes les informations nécessaires à la rémunération des artistes-interprètes lors des enregistrements par phonogramme effectués par ceux-ci, afin que les organismes de gestion collective puissent leur reverser les droits qu’ils ont légalement acquis.

Mme Sophie Mette, rapporteure. La nécessaire collection du nom des personnes qui participent à la création d’une œuvre est une ambition que je partage : il n’est pas normal que des auteurs ou des artistes-interprètes ne puissent pas voir leurs droits respectés au prétexte qu’ils ne sont pas nommés sur les différents supports d’une œuvre, en l’occurrence un phonogramme.

Votre amendement me semble toutefois aller trop loin dans la description des obligations et fait peser une lourde charge sur le producteur de phonogrammes. Si vous en êtes d’accord, on peut envisager de revoir sa rédaction d’ici la séance publique, afin de tenter d’améliorer la reconnaissance du travail des artistes‑interprètes sur les différents supports de l’œuvre. En attendant, je vous invite à retirer cet amendement.

M. Bruno Fuchs. Je ne vois pas en quoi le dispositif proposé peut se voir reprocher une lourdeur excessive : il suffit d’inscrire le nom et les autres renseignements permettant d’identifier les ayants droit. Cela dit, j’accepte de retirer cet amendement pour le retravailler avant la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC701 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Il vise à étendre le dispositif existant actuellement au profit des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes, qui se voient reconnaître un droit à rémunération lorsque leurs œuvres sont diffusées dans certains lieux publics sonorisés, en permettant aux sociétés de communication audiovisuelle, notamment les radios et télévisions, d’en bénéficier lorsque leurs contenus sont diffusés dans les mêmes conditions.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Les entreprises de communication audiovisuelle sont des diffuseurs qui acquittent précisément la rémunération équitable auprès des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes en contrepartie de l’exploitation de leurs phonogrammes, en vertu des dispositions de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle. Je crains que votre amendement revienne à permettre aux diffuseurs qui acquittent la rémunération équitable d’être à la fois redevables et bénéficiaires, donc de récupérer une partie de ce qu’ils versent aux artistes et producteurs.

Avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC580 de M. Richard Ramos.

M. Bruno Fuchs. Déclinaison de l’amendement que j’ai présenté il y a quelques instants, celui-ci concerne les enregistrements par vidéogramme.

Si je suis disposé à le retirer, j’aimerais que vous m’expliquiez, madame la rapporteure, en quoi il serait source de lourdeur et de contrainte. Il me paraît au contraire assez limpide, puisqu’il s’agit simplement de faire figurer les noms des artistes-interprètes sur les feuilles de présence des enregistrements. Afin de me permettre de revoir la rédaction, pourriez-vous m’indiquer quels sont les éléments qui, selon vous, sont susceptibles de poser problème ?

Mme Sophie Mette, rapporteure. Ce qui est gênant, c’est le fait que vous proposiez de recueillir un grand nombre de renseignements tels que le nom, mais aussi la nationalité, le titre de l’œuvre, le pays et l’année.

M. Bruno Fuchs. Ces critères informatifs visent à permettre d’identifier les ayants droit afin de pouvoir leur verser les sommes auxquelles ils ont droit : il ne s’agit pas d’augmenter le montant des droits, ni de les modifier en quoi que ce soit. Aujourd’hui, certains ayants droit n’ont pas le bénéfice des droits qui leur sont pourtant acquis, simplement parce qu’on est dans l’impossibilité de les retrouver, et mon amendement vise à remédier à cette situation.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Sur le fond, nous sommes d’accord. Je souhaite juste que vous retiriez cet amendement afin de le retravailler en vue de la séance publique.

M. Bruno Fuchs. En l’état actuel des choses, je préférerais qu’il soit mis aux voix, car je ne vois pas ce qui vous gêne.

Mme Frédérique Dumas. Moi non plus, je ne vois pas très bien en quoi cet amendement, auquel je suis très favorable, pose problème. Il est parfois très difficile d’identifier les artistes-interprètes, et la première chose à faire pour y parvenir, c’est de s’y prendre au moment de l’enregistrement de leur performance, en recueillant sur la feuille de présence tous les renseignements utiles.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons adopté un amendement permettant une reconnaissance des artistes-interprètes ayant pris part au générique d’un film, prévoyant les moyens d’identifier ces artistes, afin qu’ils puissent bénéficier des droits qui leur reviennent.

Pour ce qui est de l’amendement AC580, nous souhaitons juste qu’il soit légèrement retravaillé avant la séance publique, parce qu’il ne prévoit pas seulement de recueillir le nom des artistes-interprètes, mais aussi la nationalité du ou des producteurs et plusieurs autres renseignements. Un tel dispositif nous semble un peu trop lourd, c’est pourquoi nous estimons qu’il mériterait qu’on le retravaille ensemble – dans l’objectif, bien sûr, d’être adopté à l’unanimité en séance publique. Voilà pourquoi il vous est demandé de le retirer, monsieur le député.

M. Bruno Fuchs. Cette demande m’est faite avec gentillesse et de façon étayée : j’y fais donc droit, afin que mon amendement puisse être adopté en séance publique dans une rédaction qui satisfasse tout le monde.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC818 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC785 de Mme Florence Provendier et AC656 de Mme Frédérique Dumas.

M. Jean-Jacques Gaultier. La protection des contenus audio apparaît fondamentale. Il existe des protections similaires pour les autres types de contenus, qu’il s’agisse de vidéos ou de presse, et dès lors il paraît normal qu’elles s’appliquent aussi aux contenus sonores.

Pour ce faire, lamendement AC818 pose un principe clair et simple de nonreprise des contenus de léditeur sans consentement exprès préalable de celuici.

Mme Florence Provendier. L’amendement AC785 vise à consacrer l’obligation d’une autorisation préalable de reprise d’un contenu radiodiffusé avant qu’il soit repris par un service de partage de contenus audio. Il est en effet nécessaire de revoir les règles s’appliquant aux relations entre les éditeurs et les plateformes de diffusion de contenus radio en podcasts.

Le secteur de l’audio connaît un regain d’activité, notamment grâce aux plateformes qui agrègent des contenus. Selon une étude de Médiamétrie de mai 2019, 22,8 % des internautes consomment un podcast au moins une fois par mois. Ce sont à 72 % des jeunes entre 15 et 34 ans. Même si elle n’est pas aussi habituelle que la consommation de contenus vidéo, l’écoute de l’audio digital progresse à grande vitesse, grâce au live des radios et des podcasts.

Dans la mesure où les contenus de presse et les contenus vidéo bénéficient désormais d’une protection vis-à-vis des pratiques de reprise sans consentement préalable de l’éditeur, il ne serait pas compréhensible que les contenus audio ne soient pas protégés. Il est donc essentiel d’imposer un principe clair de non-reprise des contenus de l’éditeur sans consentement exprès préalable de celui-ci, mais aussi d’imposer la transparence des données d’usage concernant les programmes repris.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement AC656 a été rédigé dans le même esprit, afin que soit demandée une autorisation pour tout contenu « protégeable », dans un contexte où, comme chacun le sait, les contenus de type radio et podcast se trouvant sur les plateformes ont tendance à être pillés et ont donc besoin d’une protection.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Mon avis sur ces amendements vaudra également pour ceux qui poursuivent des objectifs similaires et largement partagés. La rédaction de certains peut poser problème, notamment lorsquils font référence au CSA alors quils devraient citer lARCOM. Je vous invite donc à les retirer au profit de mon amendement AC1319, qui poursuit exactement le même objectif : garantir que des contenus ne puissent en aucun cas être repris en ligne ou par la voie de la radiodiffusion sans laccord préalable de lentreprise qui les a créés.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je ne vois pas en quoi la rédaction de l’amendement AC818 était imprécise.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous indiquez que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi », alors qu’il faudrait faire référence à l’ARCOM.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je retire l’amendement, bien qu’il puisse être rectifié, en substituant aux termes « le Conseil supérieur de l’audiovisuel » les mots « l’autorité de régulation ».

Mme Florence Provendier. Je fais confiance à notre rapporteure générale et retire l’amendement AC785, bien qu’il ne fasse pas référence au CSA. Il importe qu’il y ait un consentement préalable entre deux acteurs, avant que les contenus ne soient repris.

Mme Frédérique Dumas. Je maintiens lamendement AC656, qui névoque pas le CSA.

Les amendements AC818 et AC785 sont retirés.

La commission rejette lamendement AC656.

La commission examine les amendements identiques AC232 de M. JeanJacques Gaultier et AC716 de Mme Constance Le Grip.

M. Jean-Jacques Gaultier. Ayant constaté que de nombreux acteurs reprennent les contenus produits par les radios sans leur autorisation préalable, nous souhaitons garantir les droits des éditeurs audiovisuels radio et télévision sur leurs programmes. L’amendement actualise ainsi la rédaction de l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui pose le principe d’une autorisation préalable, avant toute reprise de programmes audiovisuels.

Mme Constance Le Grip. L’amendement AC716 rejoint cet objectif. Par ailleurs, j’ai la faiblesse de penser que notre rédaction, dont la finalité converge avec celle de l’amendement plus lapidaire que présentera la rapporteure générale, est plus explicite et compréhensible, car il réaffirme clairement que l’exploitation ne saurait exister sans une autorisation préalable, laquelle doit être accordée par l’entreprise de communication audiovisuelle.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Parler de « communication au public » semble trop étendu par rapport à l’objet visé, qui est de dire qu’une entreprise ne peut reprendre des contenus sans avoir obtenu un accord préalable.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends pas cet argument. C’est bien pour une communication au public que l’autorisation est demandée : par principe même, on demande une autorisation pour exploiter.

Mme Constance Le Grip. Ces mots sont repris de la directive européenne elle-même. Lorsque j’étais membre du Parlement européen, nous discutions de ces expressions pendant des mois entiers. L’expression « communication au public », que nous reprenons dans ces amendements, a été mûrement réfléchie. Elle fait consensus car elle est à la fois englobante et précise.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je me suis peut-être mal exprimée. Aujourd’hui, la demande d’autorisation vaut uniquement pour les lieux payants. Avec la mention de « communication au public », si un bar voulait diffuser des programmes de Radio France, il devrait s’acquitter d’une demande d’autorisation préalable.

Mme Constance Le Grip. Je l’ai proposé dans un autre amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Peut-être, mais tel n’était pas l’objectif des amendements déposés, par exemple par Mme Provendier, qui visaient à ce que des plateformes, notamment payantes, ne puissent pas reprendre des contenus sans avoir demandé d’autorisation préalable. C’est pourquoi l’expression « communication au public » me semble recouvrir une réalité plus large.

Je vous suggère donc de retirer vos amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Raphaël Gérard. Ces deux amendements ont du moins le mérite de la clarté. Ne maîtrisant pas l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, j’ai du mal à comprendre le dispositif visé par l’amendement de la rapporteure générale. S’il partage le même objectif que les deux autres, il ne semble pas offrir les mêmes garanties. J’aurais donc besoin d’être rassuré sur ce point.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure générale, ce sont vos explications qui ne sont pas très rassurantes. Vous le savez, il existe non seulement des plateformes payantes mais aussi des plateformes qui communiquent au public de manière gratuite, en se finançant par la publicité, notamment. Les termes « communication au public » doivent donc bien être utilisés pour toute autorisation préalable. Cela n’a rien à voir avec une communication dans un bar ou un autre lieu, où des accords avec des sociétés de gestion collective sont signés.

Aucune plateforme, même gratuite, de diffusion au public ne doit proposer des podcasts tirés de programmes de Radio France sans autorisation. Aussi, contrairement à ce que vous dites, il est important que l’expression « communication au public » figure dans le texte.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Prenons un autre exemple : si vos amendements étaient adoptés, un coiffeur qui voudrait diffuser FIP dans son salon devrait demander une autorisation à Radio France. La portée de ces amendements identiques est donc trop étendue.

M. Raphaël Gérard. Mais le coiffeur doit déjà demander une autorisation à la SACEM !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce sont deux autorisations distinctes : le fait de s’acquitter de droits pour diffuser des créations ne revient pas à demander une autorisation préalable à une radio. L’objectif initial des amendements, tel que je l’avais compris lors de la discussion préalable et des auditions, était de nous assurer que des plateformes nouvelles, notamment de diffusion de podcasts, ne puissent pas utiliser de contenus qui ne leur appartiennent pas sans avoir reçu d’autorisation préalable. Ces plateformes sont en effet payantes et demandent une rémunération. C’est cet objectif que visaient les personnes auditionnées et les amendements déposés par M. Gaultier et Mme Provendier.

C’est la raison pour laquelle les amendements nous paraissent porter trop loin et présenter un risque pour certains établissements, qui ne pourraient plus diffuser de contenus sans autorisation préalable.

Croyez-moi, nous avons bien fait expertiser notre amendement, pour nous assurer qu’il atteignait l’objectif visé, empêcher les plateformes d’utiliser les contenus pour lesquels elles n’auraient pas obtenu l’autorisation préalable. Il n’en va pas de même pour les commerces.

J’appelle donc votre attention sur ce point et vous invite à la vigilance car je crains qu’il ne présente un risque, alors que nous visons le même objectif s’agissant des plateformes.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure générale, votre amendement ne couvre pas les plateformes qui ne sont pas payantes, et qui pourront utiliser les contenus.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Si !

Mme Frédérique Dumas. Par ailleurs, les commerces ne diffusent pas uniquement des radios, mais aussi des œuvres ou des playlists. Il ne s’agit pas que, comme une entreprise de communication audiovisuelle, ils demandent des autorisations à chaque producteur de phonogrammes. À l’heure actuelle, ils doivent seulement passer des accords avec la SACEM.

Vous ne pouvez pas dire que vous protégez les contenus radiophoniques sans mentionner la communication au public. Il n’y a pas que des plateformes payantes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le 2° de l’amendement AC1319 introduit au premier alinéa de l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle les mots « leur mise à disposition du public en ligne ». L’amendement ne vise donc pas seulement les plateformes payantes.

En revanche, ce sont bien les plateformes qui sont concernées par l’amendement, non des lieux, qui pourraient être fragilisés si on venait à exiger de leurs propriétaires qu’ils ne demandent une autorisation préalable. De plus, ce n’est pas l’objectif que vous visez.

Je vous demande un retrait au profit de l’amendement AC1319. Sinon, avis défavorable.

La commission rejette les amendements AC232 et AC716.

Elle adopte lamendement AC1319 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC789 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Il vise à consacrer l’obligation de respecter l’intégrité d’un programme, lorsqu’un contenu radiodiffusé fait l’objet d’une reprise. Une telle obligation n’existe pas aujourd’hui, ce qui rend possible une reprise partielle, non fidèle, voire tronquée du programme. Le présent amendement a pour objet d’assurer qu’en l’absence de contrat entre l’éditeur et la plateforme qui le reprend, ce contenu ne peut être altéré.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement n’est pas compatible avec les dispositions que nous venons d’adopter. C’est pourquoi je vous propose de le retravailler d’ici à la séance, s’agissant notamment de garantir l’intégralité et l’intégrité des contenus.

Mme Florence Provendier. Je conçois que l’adoption de l’amendement de la rapporteure générale ait des conséquences sur le présent amendement, auquel je tiens particulièrement car j’ai été alertée sur les effets néfastes d’une reprise tronquée : des contenus mis bout à bout peuvent n’avoir plus rien à voir avec l’original, et présenter un vrai risque de désinformation.

Lamendement AC789 est retiré.

La commission examine lamendement AC719 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Il vise à faire entrer dans le mécanisme de la rémunération pour copie privée les entreprises de communication audiovisuelle, et par là, de mettre fin à la discrimination existant en la matière.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce sujet a été souvent cité lors des auditions. Néanmoins, la modification de la copie privée pour y intégrer les entreprises de communication audiovisuelle risque de bouleverser le secteur, et nous ne disposons d’aucune étude d’impact sur le sujet. C’est pourquoi je vous propose de retirer l’amendement, en nous laissant la possibilité de retravailler ce point d’ici à la séance.

Mme Constance Le Grip. Je retire l’amendement, mais souhaite ardemment retravailler le sujet, qui doit être débattu et faire l’objet d’adaptations législatives.

Lamendement AC719 est retiré.

Avant l’article 22

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1292 de la rapporteure générale.

M. le président Bruno Studer. Comme je l’indiquais, l’article 22, les amendements après l’article 22 et l’article 23 sont réservés. Nous en venons donc à l’article 24.

Article 24
Coordination

La commission est saisie de lamendement AC697 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’article supprime l’obligation d’information sur les moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle. Auparavant, on proposait au moins un des moyens figurant sur la liste, prévue au deuxième alinéa de l’article L. 331-26 du même code, et établie par la Haute autorité, labellisant des moyens de sécurisation. Or toute mention de cette liste a disparu du projet de loi. Cela signifie-t-il que l’ARCOM ne sera plus en charge de labelliser l’ensemble des systèmes de sécurisation ?

L’amendement vise donc à rétablir la liste de labellisation pour une meilleure sécurisation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’article 24 prend acte de l’abrogation de l’article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle (CPI), prévue à l’article 22, qui sera étudié cet après-midi. Il ne s’agit que de dispositions de coordination, qui ne changent pas le fond du dispositif.

Mme Marie-George Buffet. Je retire l’amendement, que je redéposerai en séance, si nécessaire.

Lamendement AC697 est retiré.

La commission adopte larticle 24 sans modification.

Article 25
Coordination

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1349 de Mme Sophie Mette, rapporteure.

Elle adopte larticle 25 modifié.

Article 26
Coordination

La commission adopte lamendement AC1350 de Mme Sophie Mette, rapporteure.

Elle adopte larticle 26 modifié.

Après l’article 26

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, la commission rejette lamendement AC452 de M. Paul Molac.

Section 2
Dispositions modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

Article 27
Mission générale de lARCOM en matière de propriété littéraire et artistique

La commission est saisie de lamendement AC226 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je constate une erreur dans l’amendement : « accompagnement » doit être remplacé par « accaparement ». L’amendement vise à interdire la pratique d’éditions coercitives ou d’accaparement des droits d’auteurs grâce à des contrôles et à une intervention des autorités de régulation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous soulevez un sujet de fond qui a été mentionné lors de différentes auditions. La rectification me permet de donner un avis favorable.

La commission adopte lamendement AC226 rectifié.

Elle adopte larticle 27 modifié.

Article 28
Rapport annuel de lARCOM

La commission examine lamendement AC443 de M. Paul Molac.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement vise à prévoir expressément que le rapport annuel de l’ARCOM, qui rend compte de son activité, fait état de la place accordée par les éditeurs de service aux programmes audiovisuels en langues régionales – volumes horaires, heures et jours de programmation. En effet, ce rapport ne fait généralement pas mention du respect de ces obligations par les sociétés et l’établissement public audiovisuels. Cet amendement donne aussi la possibilité à l’ARCOM de formuler des observations, en vue du développement et du financement des programmes audiovisuels en langues régionales. Un tel rapport incitatif permettrait de rendre compte chaque année des efforts consentis en la matière.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il n’entre pas dans le rôle de l’ARCOM de promouvoir les langues régionales. L’article 43-11 de la loi de 1986 prévoit déjà que les sociétés de l’audiovisuel public assurent la promotion de la langue française et des langues régionales. L’amendement AC443 semble donc satisfait par la définition du rôle qui doit être celui de l’audiovisuel public. Je vous suggère de retirer votre amendement.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement ne vise pas à ce que l’ARCOM assure la promotion des langues régionales car ce sont bien les sociétés qui doivent s’en charger.

L’ARCOM rédige déjà un rapport sur la manière dont les organismes de l’audiovisuel, notamment ceux du service public, rendent compte de leurs obligations. Comme les obligations en matière de langues régionales n’y figurent jamais, nous demandons de les y inscrire.

M. Frédéric Reiss. Il entre bien dans le rôle de la future ARCOM de formuler des observations en vue du développement et du financement des programmes audiovisuels en langues régionales. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’amendement.

La commission adopte lamendement.

La commission examine les amendements identiques AC1351 de Mme Sophie Mette, rapporteure, AC74 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC562 de M. Bruno Fuchs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il s’agit de permettre à l’ARCOM d’établir un bilan financier complet du secteur de la télévision locale. Afin de montrer la pertinence des programmes et leur ancrage territorial, il importe qu’un bilan global de la programmation de ces mêmes services accompagne le bilan financier.

L’information locale, a fortiori audiovisuelle, est le parent pauvre de l’information. Elle est pourtant largement plébiscitée par les citoyens, ne serait-ce que pour des raisons de cohésion territoriale. L’amendement permettra de rendre plus visible l’importance de la télévision locale sur nos territoires.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il semble judicieux que le bilan financier du secteur de la télévision locale puisse être étendu, et que nous disposions d’un bilan global de la programmation de ces mêmes services.

M. Bruno Fuchs. Même raisonnement. Il s’agit d’élargir la vision fiscale et financière des télévisions locales.

La commission adopte les amendements.

Elle est saisie de lamendement AC699 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise à ce que l’ARCOM fasse tous les cinq ans un bilan de l’exercice de ses missions, afin de constater les éventuels points à rééquilibrer. Nous avons besoin d’évaluations, y compris pour cette nouvelle entité très importante. Ce bilan permettra à la nouvelle autorité de s’adapter aux futurs moyens de communication qui voient le jour régulièrement, et d’intégrer leur régulation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’objectif d’un bilan quinquennal se conçoit, mais l’amendement est inséré dans un article traitant du bilan annuel. Nous pourrons en reparler d’ici à la séance, pour le positionner à un autre endroit. Demande de retrait.

Mme Marie-George Buffet. Je le maintiens, pour recueillir l’avis de la commission. Nous le retravaillerons d’ici à la séance.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1024 et AC1025 de la rapporteure générale.

Lamendement AC385 de Mme Géraldine Bannier est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1034, AC1032, AC1033, AC1035, AC1036, AC1038 et AC1037 de la rapporteure générale.

Mme Frédérique Dumas. Je constate un nombre impressionnant d’amendements rédactionnels : près de 200. C’est à se demander qui a rédigé le texte…

La commission est saisie de lamendement AC561 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Le présent amendement vise à donner pour objectif à la future ARCOM, censée être créée dans les mois qui viennent, d’intégrer dans son rapport annuel une étude de l’application des politiques publiques environnementales dans les secteurs de l’audiovisuel et du numérique. Il faut offrir à cette autorité une nouvelle compétence, celle de dresser un bilan environnemental des acteurs des médias et de l’audiovisuel.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons déjà eu loccasion daborder ces enjeux environnementaux, auxquels nous sommes nombreux à être attachés. Le bilan que vous proposez excède la mission actuelle de lARCOM, mais relève du Haut Conseil pour le climat, créé en 2018, de lAgence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME), voire de lAutorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), qui a publié en octobre un rapport sur lempreinte carbone du numérique.

Demande de retrait, sinon défavorable. À ce stade, un bilan environnemental n’entre pas dans les compétences de l’ARCOM, pas plus que l’élaboration d’une stratégie nationale bas carbone.

M. Bruno Fuchs. L’amendement ne vise pas à ce que l’ARCOM bâtisse une telle stratégie, mais à ce qu’elle en intègre des éléments dans son rapport annuel car l’impact environnemental des activités médiatiques, notamment dans le secteur numérique, est mal connu. C’est un minimum : il n’y a pas de raison qu’elle ne le fasse pas, si l’ARCEP s’en préoccupe.

Mme Maina Sage. Je remercie Bruno Fuchs pour cet amendement, qui, même s’il pourrait prendre d’autres formes, nous permet d’inciter tout le monde à réfléchir aux nouveaux indicateurs que nous devons introduire dans les textes législatifs.

Je demande à la rapporteure générale et au Gouvernement d’intégrer de tels indicateurs d’ici à la séance, et de prendre en considération ces enjeux dans les missions de l’ARCOM ainsi que dans la nouvelle stratégie de l’audiovisuel, que nous sommes en train de définir. Derrière l’urgence climatique, connue de tous, il y a l’enjeu fondamental de la participation, de l’engagement, de la mobilisation des citoyens et de la sensibilisation du public.

M. Bertrand Pancher. Avant de fusionner avec la HADOPI pour former l’ARCOM, le CSA avait pour mission de contrôler les médias audiovisuels, notamment les obligations de l’audiovisuel public. Il est souhaitable que ce rôle soit aussi dévolu à l’ARCOM.

Mme Frédérique Dumas. La rédaction de l’amendement gagnerait peut-être à être modifiée, mais je suis d’accord avec mes collègues sur la nécessité d’aboutir à des bilans chiffrés. La recherche d’indicateurs va dans le bon sens : nous devons y réfléchir.

M. Bruno Fuchs. Il faut absolument que l’autorité ait ces compétences, car elle doit éclairer le débat public avec ses données. Il sera ainsi possible de mieux canaliser les investissements publics dans des chaînes ou des médias plus vertueux que d’autres en matière d’environnement, et de porter ces informations à la connaissance des citoyens, qui pourraient changer leurs habitudes de visionnage ou de consommation.

Je conviens cependant que la structure du texte implique de multiplier les amendements sur lenvironnement à chaque article traitant de lARCOM. Je retire donc cet amendement, et propose que, dici à la séance, mes amendements à ce propos soient repris et intégrés dès quil sera question des compétences de lARCOM.

Lamendement AC561 est retiré.

La commission examine lamendement AC754 de M. Philippe Gomès.

Mme Maina Sage. Déposé par M. Philippe Gomès et soutenu par d’autres députés du groupe UDI, Agir et indépendants, l’amendement vise à intégrer aux missions d’évaluation de l’ARCOM un bilan des mesures prises par les sociétés de l’audiovisuel en faveur de la visibilité des outre-mer, dont il a déjà été question à l’article 1er.

Si France Télévisions et le Gouvernement ont signé un pacte pour la visibilité des outre-mer, à la suite de la décision de supprimer France Ô, il est fondamental que l’ARCOM puisse intégrer un tel bilan chiffré, qui comporterait des obligations de suivi des indicateurs de visibilité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons en effet déjà eu cette discussion, que nous poursuivrons au cours de l’examen du texte, notamment sur la question de l’audiovisuel public. L’amendement est satisfait car la visibilité des outre-mer figure déjà dans le rapport d’exécution du cahier des charges des sociétés que vous mentionnez. Établi aujourd’hui par le CSA, ce rapport sera une des missions de l’ARCOM demain. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme Maina Sage. Je le maintiens. Un tel bilan figure peut-être déjà dans le cahier des charges des sociétés de l’audiovisuel, mais nous souhaitons l’inscrire dans la loi.

La commission rejette lamendement AC561.

Elle adopte larticle 28 modifié.

Après l’article 28

La commission examine lamendement AC573 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Cet amendement vise à modifier l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986, qui dispose que « le Conseil supérieur de laudiovisuel assure le respect de lexpression pluraliste des courants de pensée et dopinion dans les programmes des services de radio et de télévision », en ajoutant les mots « et représentative des territoires » après « pluraliste ».

L’ajout me semble essentiel compte tenu de la fracture territoriale. On sait que certains territoires souffrent de ne pas être suffisamment représentés dans l’audiovisuel, notamment public. Il importe que les représentants des courants de pensée des territoires ruraux, des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des outre-mer soient aussi présents que ceux des autres territoires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je sais que vous défendrez d’autres amendements portant sur ces enjeux de diversité et de cohésion territoriale, notamment dans l’audiovisuel public. Le texte ne vise toutefois pas les mêmes priorités : votre modification consistant à accoler « et représentative des territoires » à « pluraliste » contribuerait à présenter des objectifs très distincts. Or le principe du pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion a été consacré par le Conseil constitutionnel. Ce n’est donc pas à cet endroit que votre amendement devrait être positionné, et je vous suggère de le retirer.

Mme Géraldine Bannier. Je le retire, si l’idée peut être intégrée à un autre endroit du texte.

Lamendement AC573 est retiré.

La commission est saisie des amendements AC75 et AC76 de Mme Valérie BazinMalgras.

Mme Emmanuelle Anthoine. Ces amendements ont pour objet de permettre la création, par décret, d’une catégorie de services médias audiovisuels ayant des obligations d’information et de production locales.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’article de la loi du 30 septembre 1986 que vous proposez de modifier ne fixe pas une liste de catégories de médias mais les obligations qui incombent aux services de communication audiovisuels diffusés par voie hertzienne. Il ne semble donc pas approprié d’intégrer une telle catégorie.

Il est déjà possible de fixer des obligations aux chaînes locales, à travers les conventions qu’elles signent avec le CSA et qu’elles pourront signer demain avec l’ARCOM. C’est donc plutôt à travers ces textes que l’information et la production locales pourraient être renforcées. Demande de retrait.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de lamendement AC77 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement vise à élargir les obligations de reprise aux services à la demande et dans des conditions de visibilité équitables, transparentes, homogènes et non discriminatoires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je crains que l’expression « dans des conditions de visibilité satisfaisant la diversité de la société française » ne soit trop vague par rapport à l’objectif affiché. L’amendement mériterait donc d’être retravaillé d’ici à la séance, pour préciser les objectifs visés. En l’état, je vous suggère de le retirer.

La commission rejette lamendement AC77.

Elle est saisie de lamendement AC78 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement a pour objet d’améliorer la visibilité de la production locale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous aborderons cette question à d’autres endroits du texte, lorsqu’il sera question des enjeux de la numérotation. Aujourd’hui, la visibilité des chaînes locales me paraît bien assurée par leur maintien sur le canal 30, plutôt que par l’emploi d’une nouvelle numérotation, qu’il ne revient pas à la loi de fixer de manière définitive.

La commission rejette lamendement.

Chapitre II
Organisation de la régulation

Article 29
Désignation des membres de lARCOM

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC1039 de la rapporteure générale et AC277 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1039 est rédactionnel.

Mme Frédérique Dumas. Pas uniquement ! Il vise d’une part à exiger que les membres nommés par les présidents des chambres parlementaires et par le Président de la République soient qualifiés et compétents, d’autre part, à élargir la désignation à des personnes disposant de compétences juridiques ou financières.

La commission adopte lamendement AC1039. En conséquence, lamendement AC277 tombe.

Elle examine lamendement AC10 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il me semble opportun de rappeler que « les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. »

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je suis d’accord avec un tel objectif mais il conviendrait de rectifier cet amendement en visant non le Conseil supérieur de l’audiovisuel mais l’ARCOM. Moyennant cette modification, je donne un avis favorable.

La commission adopte lamendement rectifié.

Elle examine lamendement AC606 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Nous souhaitons renforcer les exigences démocratiques entourant la désignation du président de l’ARCOM. Étant donné l’étendue des compétences que vous voulez conférer à l’ARCOM – par exemple, dans l’établissement de conventions avec les éditeurs de services de contenus audiovisuels – rien ne justifie que son président soit nommé par le Président de la République. Nous proposons donc qu’il soit élu par les membres de la commission en charge des affaires culturelles de chaque assemblée.

M. Bertrand Pancher. C’est une suggestion intéressante.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’ARCOM est une autorité publique indépendante et la norme veut que ce soit le Président de la République qui procède à la désignation. De plus, celle-ci relèvera de la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de notre Constitution et sera donc soumise à l’avis et à l’approbation des commissions parlementaires compétentes. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Je le répète : rien ne justifie une nomination par le Président de la République, qui ne garantit pas l’impartialité du président de l’ARCOM, alors que les commissions des assemblées sont suffisamment pluralistes pour être relativement objectives.

Mme Marie-George Buffet. Ce projet de loi soulève tout de même un problème en matière de gouvernance. Il crée une société holding, très centralisée, avec des nominations de présidents ou de présidentes de filiales effectuées à un haut niveau, ainsi qu’une autorité de surveillance qui doit évaluer ce qui s’y passe et dont le président ou la présidente sera désigné par le plus haut personnage de l’État. De part et d’autre, les directions et les représentations devraient être tout de même pluralistes et diversifiées.

Je soutiens donc cet amendement.

M. Sébastien Nadot. Mme la rapporteure générale considère que les modalités de cette nomination relèvent de la norme mais nous avons précisément pour mission de la faire évoluer !

La question de l’indépendance est fondamentale – une commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire a d’ailleurs été créée. Qui mieux que le Parlement peut garantir l’indépendance dans les nominations ? Renvoyer à la norme en vigueur, cela revient à considérer que le Parlement n’intervient pas en la matière, ce qui me semble aberrant.

M. Bertrand Pancher. En douze ans de mandat – mais peut-être n’est-ce pas suffisant ! – je n’ai jamais vu une commission parlementaire récuser un choix de nomination émis par l’exécutif, ce qui est d’ailleurs conforme à la totale subordination du Parlement aux règles qu’il s’est lui-même données. Nous avalisons ainsi systématiquement ce que nous raconte le pouvoir exécutif, et c’est choquant. Cet amendement, que je soutiens, constitue une avancée.

Mme Frédérique Dumas. Je ne suis « ni pour ni contre » cet amendement mais, comme l’a dit Mme Buffet, il a l’avantage de poser la question importante de la gouvernance. Un certain nombre de garde-fous démocratiques étant remis en cause, il me semble de bonne politique de s’interroger sur l’indépendance, mais celle-ci relève de plusieurs facteurs et pas d’un seul, que ce projet de loi met d’ailleurs à mal assez sensiblement.

Mme Michèle Victory. Nous sommes nombreux, en effet, à nous interroger sur cette indépendance, mot qui revêt un sens précis. Comme notre collègue Pancher l’a rappelé, on a rarement vu des commissions ne pas suivre le choix de l’exécutif. En l’occurrence, la structure créée finira par ne plus guère être indépendante. Or, si l’on veut travailler sur cette question, il faut être cohérent. D’autres propositions seront faites mais je crois que nous pourrions commencer par adopter cet amendement.

Mme Sylvie Tolmont. Mme Victory et moi-même sommes sur la même longueur d’onde pour voter en faveur de cet amendement.

Mme Frédérique Meunier. À titre personnel – j’ignore en l’occurrence la position du groupe Les Républicains – je considère que cette indépendance doit être préservée, surtout dans le secteur de l’audiovisuel. Je soutiens donc cet amendement.

Mme Maud Petit. À titre personnel également et pas au nom du MODEM, je considère que cet amendement est cohérent, d’autant plus que cette autorité est en voie de constitution et que c’est le moment ou jamais d’affirmer ce principe d’indépendance. Je voterai moi aussi en faveur de cet amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. D’un point de vue juridique, un tel amendement relève de la loi organique et non de ce projet de loi ordinaire. Par ailleurs, les prérogatives du Parlement, auxquelles nous sommes tous ici attachés, seront renforcées.

Honnêtement, il me semble que les propositions du Sénat que nous avons étudiées ont été très largement approuvées par notre commission, bien au-delà de la majorité, compte tenu de la compétence des personnalités en question. Je ne pense pas que leur indépendance, leur compétence ou leur intégrité aient été remises en cause.

Cet amendement me semble excessif et il est important que cette désignation demeure une prérogative du Président de la République, confortée par les membres du collège de l’ARCOM. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Je ne suis pas ici depuis douze ans et je m’interroge : pourquoi un tel amendement ne peut-il être voté que dans le cadre d’une loi organique et pas ordinaire ? Je pense, mais je peux me tromper, que les deux supports sont possibles. Tout le monde vous le dit : puisque vous créez une nouvelle entité, autant qu’elle soit le plus pluraliste possible ! Tirez les leçons du défunt ORTF au lieu de créer un ORTF 2.0 !

Mme Frédérique Dumas. Nous débattrons de cette question lors de l’examen des autres articles mais il n’est pas possible d’invoquer un renforcement des pouvoirs du Parlement alors même que c’est le pouvoir exécutif et la majorité qui sont renforcés, comme j’aurai l’occasion de le dire en présentant un amendement à l’article 59. Il faut oser dire ce que vous venez de dire alors qu’avec la holding, plus rien ne passera par le Parlement !

M. Raphaël Gérard. C’est en effet une question sensible. Je pense quant à moi qu’il convient de distinguer les gouvernances de l’ARCOM et de la holding.

Par ailleurs, je suis gêné lorsque l’on remet systématiquement en cause la juste application de la Constitution. Il est certes possible de s’interroger sur la légitimité ou non de l’utilisation de l’article 49-3 ou de celle de l’article 13 pour ce type de nominations mais nous ne faisons qu’appliquer la Constitution telle qu’elle est aujourd’hui.

Si nous devons débattre à ce propos, faisons-le dans le cadre d’un projet de loi organique !

La commission rejette lamendement AC606.

Elle examine lamendement AC346 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Il est temps que les autorités indépendantes le soient vraiment. Dans les autres démocraties, jamais aucun de ceux qui les dirigent ne sont nommés par le pouvoir exécutif – ils peuvent l’être, par exemple, par les conseils d’administration.

L’ARCOM sera une belle autorité regroupant le CSA – le gendarme de l’audiovisuel qui dispose de ces importants pouvoirs de l’autorisation d’émission et de contrôle des obligations – et la HADOPI, dont le bilan en matière de lutte contre le piratage est plus que mitigé.

Par cet amendement, il s’agit de déconnecter la désignation du président de l’ARCOM du pouvoir exécutif : je ne vois pas pourquoi, en effet, il devrait être nommé par le Président de la République.

J’ajoute qu’une telle déconnexion rendrait service à notre démocratie, même si tels ou tels hauts fonctionnaires ou personnalités qui veulent user de leurs relations pour obtenir des postes à haute responsabilité ne seraient sans doute pas satisfaits. Ce serait beaucoup plus clair pour notre paysage audiovisuel.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous demandez que le président de l’ARCOM soit nommé par le conseil d’administration, or il n’y en aura pas. Avis défavorable.

M. Bertrand Pancher. On peut en créer un !

Mme Frédérique Dumas. Je partage l’esprit de cet amendement mais je ne suis pas vraiment d’accord sur la mesure qu’il propose. Nous savons tous qui nomme le président ou la présidente de France Télévisions, même s’il existe une autorité indépendante, et il en est de même au sein des conseils d’administration. Les gens qui travaillent chez Orange ou Engie doivent eux aussi avoir le sentiment que c’est bien le Président de la République qui décide de la nomination à la présidence de ces groupes. À mon sens, il faut s’assurer de l’existence de garde‑fous plutôt que de se focaliser sur un seul dispositif.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC367 de M. Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le projet de loi organique relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique.

Il précise que la désignation du président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique par le Président de la République suit la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et donne donc lieu à un avis préalable des commissions parlementaires compétentes.

Suivant lavis favorable de la rapporteure générale, la commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC278 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Par cet amendement visant à modifier le mode de nomination d’un membre du collège de l’ARCOM, madame la rapporteure générale, je vais vous demander de revenir à la situation existante et je vous invite donc à utiliser le même argument que celui que vous avez fait valoir tout à l’heure pour rejeter celui de mes collègues.

En effet, l’article 29 prévoit que le Président de la République nomme le président de l’ARCOM ainsi qu’un autre membre issu du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes.

Dans la mesure où l’ARCOM est une autorité indépendante, nous estimons il n’y a pas de raison de renforcer encore davantage le rôle du Président de la République. C’est pourquoi nous proposons de créer un « membre tournant », tour à tour désigné par le vice‑président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes parmi leurs membres, le tout suivant un ordre de rotation déterminé par tirage au sort.

Cela permettra de garantir une plus grande indépendance de l’ARCOM et de s’assurer d’un peu plus de diversité à chaque renouvellement de mandat en évitant le risque que le membre en question soit toujours issu du même corps.

Pour rappel, actuellement, le Président de la République ne peut nommer qu’un seul membre : le président du CSA. Il est aberrant de lui permettre d’en nommer un autre.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le choix d’une personne parmi une liste de trois établie par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes permettra justement de garantir la compétence de la personne finalement désignée dans les domaines de compétence de l’ARCOM.

Je ne crois pas que nous puissions ici remettre en cause l’indépendance et la compétence de ces trois institutions compte tenu des avis qu’elles rendent régulièrement et dont le Parlement peut utilement s’inspirer.

De manière générale, les modalités de désignation des membres de l’ARCOM présentent de fortes garanties d’indépendance : deux membres seront nommés par le président de l’Assemblée nationale, deux par le président du Sénat, deux par le Président de la République et un par l’ARCEP. Il me semble que ces règles garantissent réellement la compétence et l’indépendance des membres de l’ARCOM. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Vous avez le don de répondre complètement à côté !

M. le président Bruno Studer. Restons corrects !

Mme Frédérique Dumas. Je n’ai en rien remis en cause les compétences des membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes. Au contraire ! Je note en revanche que, jusqu’à aujourd’hui, le Président ne nommait qu’un seul membre – vous avez dit tout à l’heure qu’il fallait s’en tenir à ce qui existe – et que le projet de loi prévoit qu’il en nomme deux. C’est sur ce point que j’attends une réponse, pas sur la compétence des membres des trois grands corps de l’État.

M. Michel Larive. Je suis d’accord avec Mme Dumas : le Président de la République, pour le coup, nommera deux membres. Par ailleurs, il est un peu difficile d’évoquer la question des nominations sans connaître les attributions et le champ d’intervention de l’ARCOM.

Mme Maina Sage. J’irai dans le sens de ce qui vient d’être dit. Je souhaite que la rapporteure générale nous explique les raisons d’un tel changement. L’évolution annoncée par cet article n’est pas très positive alors que nous voulons plus de démocratie et de transparence.

Je remercie à ce propos le président de la commission pour son amendement. Sans doute n’était-ce qu’un oubli mais il est bon de préciser dans la loi que, constitutionnellement, l’avis préalable des deux commissions est nécessaire. Les trois cinquièmes de leurs membres peuvent d’ailleurs bloquer une nomination.

Au final, l’absence de cette mention et la possibilité, pour le Président de la République, de nommer un deuxième membre, suscitent la suspicion. Pourquoi avez-vous donc modifié le processus de nomination ?

Mme Constance Le Grip. Je soutiens à mon tour, de même que le groupe Les Républicains, l’amendement de notre collègue Frédérique Dumas. Nous avons eu récemment l’occasion de dire combien nous sommes attachés à l’indépendance de cette nouvelle haute autorité et nous ne comprenons donc pas pourquoi le Président de la République aura la possibilité de désigner un deuxième membre.

Comme Mme Sage, je vous remercie, monsieur le président, pour votre amendement, qui a d’ailleurs été très largement adopté.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Précisément, cet amendement me paraît apporter des garanties non négligeables quant à la place de notre assemblée dans la désignation des membres du collège. Encore une fois, selon le projet du Gouvernement, que je défends, le Président de la République pourra choisir à parti d’une liste qui lui sera soumise.

Mme Frédérique Dumas. Ce n’est pas le problème !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. C’est en tout cas ma réponse et permettez-moi de vous la donner telle que je la juge pertinente.

Le Président de la République ne choisit donc pas au hasard les membres qui seront nommés. Son choix est limité à une liste de trois personnes établie par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, dont il n’est pas possible de remettre en cause l’indépendance, comme nous en faisons régulièrement l’expérience, et c’est tant mieux pour la vitalité démocratique.

Enfin, l’ARCEP désignera un membre de l’ARCOM, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. Le rapprochement entre les différentes autorités – qui a souvent été demandé, d’autres amendements visant même à aller plus loin – est en l’occurrence un élément supplémentaire en termes de garanties, de compétences et de cohésion.

Mme Frédérique Dumas. Ce n’est parce que c’est votre réponse que vous répondez à la question posée.

Je ferai un peu de provocation : nous ne sommes pas chez Jean-Jacques Bourdin ! Hier, je vous ai entendu évoquer le renouvellement de la présidence de France Télévisions et cela valait aussi le coup ! On dirait que le projet de loi est déjà adopté – mais nous en avons l’habitude.

Il vous faut répondre précisément à la question : nous ne parlons pas de la compétence des membres des trois grands corps de l’État mais de leur nomination. Si vous estimez que ce n’est pas un problème, faites donc en sorte que le Président de la République nomme tout le monde et vous pourrez toujours donner la même réponse !

J’espère que chaque membre, qu’il soit nommé par l’Assemblée nationale, le Sénat ou autre, fera preuve d’indépendance, quoique cela relève de sa conscience. Pour vous, tout le monde est indépendant dès lors que tout le monde est qualifié !

Mme Marie-George Buffet. Nous sommes en train de bâtir France Médias. Nous savons quun fossé existe entre nos concitoyens et loffre dinformations, donc nous devons leur donner des garanties quant à la gouvernance de cette structure et de lARCOM. Or, vous ne répondez pas à une question très précise : pourquoi le Président de la République pourraitil nommer non plus une mais deux personnes ? Quest-ce qui le justifie, alors quil faudrait plutôt faire preuve douverture et accroître le pluralisme ?

Mme Sylvie Tolmont. Je remercie Mme Dumas d’avoir pointé ce rôle encore plus important du Président de la République.

Madame la rapporteure générale, vous parlez en effet de compétences quand Mme Dumas parle de nominations. Un sentiment de suspicion existe, en effet – pardon pour ce terme un peu dur –, de même que celui d’un amoindrissement de l’indépendance. À nos yeux, il importe de veiller à ce que l’État n’intervienne pas trop afin de garantir une meilleure indépendance encore. Nous voterons donc cet amendement.

Mme Frédérique Meunier. Que se passera-t-il si la liste où figurent les trois personnes ne convient pas au Président de la République ? Une autre liste lui sera présentée ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il sera tenu par la liste et ne pourra pas demander qu’une autre lui soit proposée.

Ce qui m’importe, ce sont les critères de la compétence et de l’indépendance. Le Président de la République ne pourra pas agir de manière discrétionnaire et sera tenu par la liste qui lui sera présentée : il devra choisir un nom sur les trois proposés.

Mme Frédérique Dumas. C’est très rassurant…

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. En effet, sauf à remettre en cause la compétence et l’indépendance du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes.

Mme Frédérique Dumas. Ce n’est pas la question.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. De surcroît, je répète qu’un membre sera issu de l’ARCEP, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors et constitue une garantie supplémentaire de compétence et d’indépendance.

M. Bruno Fuchs. Je vais essayer d’apaiser un peu ce débat. Cet alinéa 5 prête à confusion. Si les trois personnes sont indépendantes, leur désignation, in fine, par le Président de la République, est troublante. Si elles sont indépendantes, nul besoin qu’une autorité politique valide ces choix. Un autre collège, une assemblée pourraient intervenir afin de lever cette suspicion qui, en tant que telle, en ce qui concerne la compétence et le statut de ces personnes, n’a pas lieu d’être.

M. Bertrand Pancher. Je ne comprends pas que ce Parlement ne rêve qu’à renforcer les pouvoirs de l’exécutif alors que les moyens dont il dispose sont dérisoires et ridicules par rapport à ceux des autres parlements.

Profitons-en, chers collègues : chaque fois que l’on peut faire en sorte de rendre des autorités plus indépendantes, que nous pouvons nous-mêmes accroître nos prérogatives, faisons-le, sauf à vouloir scier les maigres planches sur lesquelles nous sommes en équilibre précaire !

La commission rejette lamendement AC278.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1040 de la rapporteure générale.

Lamendement AC706 de Mme Marie-George Buffet est retiré.

La commission examine les amendements identiques AC236 de M. JeanJacques Gaultier et AC735 de M. Pierre-Yves Bournazel.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit de supprimer l’alinéa 6. En matière de gouvernance, autant je suis favorable à une coopération, autant je suis défavorable au principe des nominations croisées entre l’ARCEP et l’ARCOM au sein des collèges. Je note d’ailleurs que l’ARCEP et le CSA ne sont pas enthousiastes, c’est le moins que l’on puisse dire, la première ayant exprimé son opposition et le second ses réserves. De plus, aujourd’hui, ils n’ont pas de compétences communes.

Mme Béatrice Descamps. Lamendement vise en effet à supprimer la présence dun membre de lARCEP au sein du collège de lARCOM. Dans son avis sur le présent texte, lARCEP lindique clairement : « Sil est légitime de rechercher des voies pour améliorer la coopération entre les deux autorités, linstauration de membres croisés entre le collège de lARCEP et celui de lARCOM napparaît pas proportionnée en létat des compétences actuelles ou envisagées par le projet de loi ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je crois beaucoup à une telle présence commune car, dans le contexte de convergence numérique et dans le cadre de la fusion entre la HADOPI et le CSA, des champs de compétences communs entre l’ARCOM et l’ARCEP se feront jour forcément.

Je ne crois pas toutefois nécessaire d’aller jusqu’à la fusion car les métiers et les modalités de régulation diffèrent mais il importe de renforcer des synergies et des convergences.

Mme Frédérique Dumas. Je suis favorable à la présence d’un membre de l’ARCEP au sein du collège car il convient de renforcer les coopérations – des zones communes existent – mais je suis opposée à la fusion de l’ARCEP avec la future ARCOM car plus les convergences sont nombreuses, plus les régulations doivent être spécifiques.

Mme Céline Calvez. Je soutiens cette disposition innovante du projet de loi. Nous avons auditionné les présidents de l’ARCEP et du CSA. Les liens seront plus nombreux, des conflits sont insuffisamment réglés mais une fusion entre l’ARCEP et l’ARCOM serait quant à elle en effet prématurée. Cette mutualisation des points de vue au sein des collèges ne peut que renforcer la pertinence des avis.

M. Bruno Fuchs. La convergence entre les activités et les métiers que couvriront l’ARCEP et l’ARCOM est importante. Plus les convergences et les partenariats sont nombreux entre les deux organisations, mieux c’est. Nous défendrons des amendements permettant d’aller encore plus loin dans ce partage des compétences.

M. Jean-Jacques Gaultier. Comme Mme Calvez l’a rappelé, nous avons auditionné le président de l’ARCEP, lequel s’est montré très hostile à cette nomination croisée – je renvoie également à l’article 30 – comme il l’a d’ailleurs dit dans l’avis qui a été rendu public, précisément au nom de l’indépendance de l’ARCEP.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel AC1041 de la rapporteure générale.

En conséquence, lamendement AC734 de M. PierreYves Bournazel tombe.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AC1031, AC1044, AC1043 et AC1042 de la rapporteure générale.

La commission examine lamendement AC11 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. C’est un amendement rédactionnel.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Avis défavorable. La substitution que vous proposez est sans fondement car s’agit bien du dixième alinéa de la nouvelle rédaction de l’article 4, c’est-à-dire l’alinéa 11 de cet article.

Lamendement AC11 est retiré.

La commission adopte successivement lamendement de précision AC1030, puis les amendements rédactionnels AC1029 et AC1028 de la rapporteure générale.

Elle adopte ensuite larticle 29 modifié.

Article 30
Modalités de désignation des membres de lARCEP

La commission adopte successivement lamendement rédactionnel AC1026 de la rapporteure générale, les amendements rédactionnels identiques AC1027 de la rapporteure générale et AC729 de M. Pierre-Yves Bournazel, puis les amendements rédactionnels AC1046 et AC1045 de la rapporteure générale.

Elle examine lamendement AC237 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Sans surprise après l’examen de l’article 29, il s’agit de supprimer l’alinéa 7 afin de garantir l’indépendance de l’ARCEP, qui est elle-même hostile au principe de nomination croisée et à la présence d’un membre désigné par l’ARCOM au sein même de son collège : encore une fois, oui à la coopération, non à cette nomination croisée !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Mon avis reste défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte successivement lamendement de précision AC1048 et lamendement rédactionnel AC1047 de la rapporteure générale.

La commission adopte larticle 30 modifié.

Après l’article 30

La commission examine lamendement AC1328 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement vise à ouvrir et à encadrer la faculté, pour l’ARCOM, de prononcer des injonctions et d’infliger éventuellement des astreintes. C’est une demande très forte qui a été formulée par les autorités de régulation afin que leurs prérogatives soient renforcées.

La commission adopte lamendement.

Article 31
Instance Instance de règlement des différends commune à lARCOM et à lARCEP

La commission est saisie de lamendement de suppression AC736 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Béatrice Descamps. L’article 31 tend à créer une instance de règlement des différends commune à l’ARCOM et à l’ARCEP. Or il existe d’ores et déjà une procédure de règlement des conflits, consacrée par l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 et par l’article 36-8 du code des postes et des communications électroniques, procédure qui a été utilisée une à quatre fois par an au cours des dernières années. En outre, la création de cette instance suscite des réactions, tant de l’ARCEP que du Conseil d’État.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous savons les difficultés qui ont pu émailler les relations entre l’ARCEP et le CSA au cours des dernières années. Je crois donc nécessaire de renforcer la coopération entre les deux instances, notamment en créant une instance commune de règlement des conflits. Il s’agit d’un élément important de l’équilibre du projet de loi. Avis défavorable.

Mme Maina Sage. La question mérite réflexion. Si je comprends le principal motif de cette disposition, à savoir le renforcement de la coopération entre les deux autorités, je rappelle néanmoins que ces dernières sont indépendantes, y compris l’une vis-à-vis de l’autre. Et pour cause : en matière de concurrence, par exemple, l’Autorité de la concurrence peut être amenée à examiner des avis rendus par l’ARCEP.

On peut très bien faciliter les relations entre les deux autorités en leur permettant, par exemple, de conclure des conventions de partenariat. En revanche, le fait que l’un des membres de l’une siège dans l’autre, par exemple, peut poser problème. Je souhaiterais donc que, d’ici à la discussion en séance publique, nous en reparlions avec le ministre, voire que nous consultions la commission des lois sur ce point. Il me semble, du reste, que celle-ci aurait pu utilement se saisir pour avis de certains articles de ce projet de loi.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1050 de la rapporteure générale, AC386 de Mme Géraldine Bannier et AC1051 de la rapporteure générale.

Elle examine lamendement AC1329 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il ressort de l’audition des autorités de régulation qu’il est nécessaire d’inscrire dans la loi la faculté, pour une partie à un différend porté devant l’ARCOM, de demander à celle-ci de saisir l’instance de règlement des différends commune à cette autorité et à l’ARCEP.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels identiques AC1052 de la rapporteure générale et AC730 de M. Pierre-Yves Bournazel ainsi que les amendements rédactionnels AC1053, AC1054, AC1055, AC1056, AC1057, AC1058, AC1049 et AC1060 de la rapporteure générale.

La commission en vient à lexamen des amendements AC231 et AC193 de M. JeanJacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Si, pour prévenir toute interruption brutale de la reprise d’une chaîne à l’occasion de litiges relatifs au paiement du signal, l’autorité ordonne des mesures conservatoires alors que le contrat de distribution a expiré et que les négociations sont toujours en cours, l’injonction de maintenir le signal pourrait constituer une contrefaçon de droit d’auteur ou de droits voisins. L’injonction ne peut donc porter que sur la poursuite des contrats en cours ou expirés jusqu’au terme de la procédure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ordonner la prolongation de contrats expirés serait contraire à la liberté contractuelle. Si un contrat a été rompu, il n’appartient en aucun cas au juge d’en ordonner la reprise. Demande de retrait.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je vais retirer les amendements, et j’en déposerai un nouveau en séance publique.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte larticle 31 modifié.

Article 32
Coordination

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1061 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte larticle 32 modifié.

Article 33
Saisine de linstance commune de règlement des différends par lARCEP

La commission adopte les amendements rédactionnels identiques AC1062 de la rapporteure générale et AC731 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Puis elle examine lamendement AC1330 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit d’offrir à une partie à un différend porté devant l’ARCEP la faculté de demander à celle-ci de saisir l’instance de règlement des différends commune.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1059 et AC1064 de la rapporteure générale, AC387 de Mme Géraldine Bannier, AC1065 et AC1066 de la rapporteure générale ainsi que les amendements rédactionnels identiques AC1063 de la rapporteure générale et AC1146 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Elle adopte larticle 33 modifié.

Article 34
Coordination et rectification dune erreur matérielle

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1068 et AC1069 de la rapporteure générale, AC388 de Mme Géraldine Bannier et les amendements rédactionnels identiques AC1070 de la rapporteure générale et AC732 de M. PierreYves Bournazel.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, elle rejette lamendement AC733 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Elle adopte les amendements rédactionnels identiques AC1071 de la rapporteure générale, AC32 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC42 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Puis elle adopte larticle 34 modifié.

Article 35
Libre communication des informations entre lARCOM et lAutorité de la concurrence

La commission est saisie de lamendement AC379 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. L’article 35 prévoit que le secret des affaires n’est pas opposable aux échanges entre l’ARCOM et l’Autorité de la concurrence. De fait, les acteurs du secteur transmettent régulièrement à l’Autorité de la concurrence, dans le cadre de procédures juridictionnelles, des informations couvertes par le secret des affaires. En sa qualité de juridiction, l’Autorité de la concurrence est à même de protéger ces informations. En revanche, l’ARCOM n’est pas une juridiction ; elle ne peut donc pas être destinataire de ces informations sensibles. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les mots : « sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle, ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il est prévu, à l’article 40 du projet de loi, d’affecter à l’ARCOM des agents assermentés dotés de larges pouvoirs d’enquête, auxquels le secret des affaires n’est pas opposable. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Il n’en demeure pas moins que l’Autorité de la concurrence est une juridiction, à la différence de l’ARCOM. Peut-être le secret des affaires pourrait-il être levé dans certaines circonstances, mais la loi ne saurait imposer qu’il le soit de manière constante, quel que soit le sujet.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 35 sans modification.

Article 36
Recours à lexpertise dun service administratif de lÉtat par les autorités indépendantes intervenant dans la régulation des opérateurs de plateformes en ligne

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1072 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC279 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. En matière d’indépendance des autorités administratives, nous touchons là au chef-d’œuvre : le Gouvernement s’est surpassé !

Il est intéressant de comparer l’article 36 et la partie de l’étude d’impact qui lui est consacrée. L’article 36 tend à offrir aux autorités indépendantes intervenant dans la régulation des opérateurs de plateforme en ligne la possibilité de recourir à l’expertise et à l’appui d’un service administratif de l’État. Déjà, le CSA a jugé ce dispositif curieux, estimant qu’il valait mieux allouer à une autorité indépendante les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions plutôt que de lui permettre de recourir à l’expertise de l’État. Mais il y a plus grave, puisque l’on apprend, en lisant l’étude d’impact, que ce service administratif de l’État prendra la forme d’un pôle d’expertise numérique rattaché à la Direction générale des entreprises, qui pourra conclure des conventions avec les autorités administratives pour puiser dans les informations et données qu’elles détiennent – c’est écrit noir sur blanc – aux fins d’expertise et d’appui dans la mise en œuvre de leurs prérogatives et selon les modalités définies par elles. Ce service pourra ainsi être rendu destinataire d’informations, de documents et de données traités par ces autorités. Cela me paraît extrêmement dangereux.

Par ailleurs, on apprend que ce service sera doté de vingt emplois, alors que nous n’avons aucune assurance que les autorités administratives indépendantes auront les moyens financiers et humains de remplir leurs missions.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La création d’un pôle d’expertise numérique répond à une exigence d’efficacité. Il s’agit d’éviter une dispersion des moyens et de favoriser la constitution d’une expertise forte au sein d’un pôle unique, appelé à soutenir l’ensemble des autorités concernées dans la régulation des plateformes en ligne. Les synergies obtenues seront précieuses dans un contexte de sophistication technologique croissante et d’explosion de l’activité de ces plateformes. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Au plan juridique, vous aurez sans doute fort à faire pour justifier le fait que les autorités administratives indépendantes doivent conclure des conventions avec l’État et lui fournir ainsi les informations qu’elles détiennent. J’espère, en tout cas, que des garde-fous sont prévus.

Par ailleurs, notre amendement a pour objet que ces autorités travaillent en synergie pour mener à bien leurs missions, en faisant en sorte que soient préservés leur indépendance et le secret des affaires, lesquels ne peuvent être remis en cause au détour d’un article qui contredit, du reste, l’objectif poursuivi. C’est très grave. Sans doute des juridictions seront‑elles saisies de cette question, et je serais étonnée qu’elles vous autorisent à faire ce que vous jugez aujourd’hui pertinent et utile.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je souscris à l’amendement de Mme Dumas. Oui à la coopération, mais aussi à l’indépendance ! Or, je crains que l’article 36 mette à mal l’indépendance des autorités administratives.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AC513 de Mme Christine Hennion.

Mme Christine Hennion. S’il est important, compte tenu de la complexité des questions liées au numérique, que l’État acquière des compétences en la matière grâce à la création de ce nouveau service administratif, celui-ci doit intervenir en appui des autorités administratives, sans remettre en cause leur indépendance et leurs compétences. L’amendement vise donc à compléter l’alinéa 1er par les mots : « sans préjudice de la mise en œuvre des compétences qui leur incombent ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il va de soi que les autorités concernées doivent accomplir leurs missions, et non s’en décharger sur l’État. Votre amendement est donc satisfait par la rédaction de l’article. Demande de retrait.

Mme Christine Hennion. Je retire l’amendement, mais peut-être pourrons-nous y retravailler d’ici à la discussion en séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1073 et AC1067 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte larticle 36 modifié.

Après l’article 36

La commission est saisie de lamendement AC551 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. L’article 22 a été réservé, mais nous souhaitions proposer d’inscrire le principe d’une fusion entre l’ARCEP et l’ARCOM. En effet, les régulateurs sont aujourd’hui trop nombreux : outre ces deux autorités, on peut citer l’Autorité de la concurrence ou encore l’Agence nationale des fréquences… La révolution numérique a rendu obsolètes les frontières et classifications qui ont justifié la création de plusieurs d’entre eux. Force est de constater que les différences entre contenus régulés et non régulés, services linéaires et non linéaires, audiovisuel et télécommunications, éditeurs ou distributeurs et hébergeurs, s’estompent. L’émergence de nouveaux acteurs, fournisseurs de services et de contenus en ligne, producteurs de terminaux et d’application, très puissants et non européens, imposent que l’on élabore une réponse globale pour que la France fasse front avec des outils simples et généraux. Ainsi, les professionnels soulignent que la meilleure façon de lutter contre les abus de Netflix ou d’Amazon est de créer un super-régulateur.

Par cet amendement, nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de regrouper l’ARCEP et l’ARCOM, afin que nous soyons complètement informés des enjeux et avantages d’une telle fusion.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette question a évidemment été abordée lors des auditions. Il me semble important de maintenir une distinction entre l’ARCEP et l’ARCOM, qui interviennent dans des secteurs différents de l’action publique. Du reste, les présidents respectifs de ces deux autorités ne souhaitent pas qu’elles fusionnent. Nous pouvons favoriser leur rapprochement et leur synergie, comme nous le faisons, me semble-t-il, en prévoyant qu’un membre de l’ARCEP siège à l’ARCOM et réciproquement ou en créant une instance de règlement des différends commune. Mais une fusion me paraît devoir être écartée. Du reste, cette position est celle qui a été adoptée dans un certain nombre de rapports remis au Gouvernement et correspond à ce qui ressort des auditions auxquelles nous avons procédé dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi.

Avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. En effet, des rapports ont été remis au Gouvernement, et l’un d’eux, publié en 2013, préconise précisément une telle fusion. La loi ne va donc pas aussi loin que ce qui était imaginé dans les années 2010-2013. Encore une fois, nous proposons, non pas d’inscrire cette fusion dans la loi, mais de demander au Gouvernement un rapport analysant les enjeux, les avantages et les inconvénients ainsi que les effets, notamment du point de vue de l’efficacité, d’une telle fusion. J’ajoute que si nous devions créer aujourd’hui un régulateur de toutes pièces, il est bien évident que nous n’en créerions qu’un.

Mme Frédérique Dumas. Cette fusion est un véritable serpent de mer depuis plus de vingt ans. Il serait donc souhaitable que nous disposions d’une analyse complète de la question. Néanmoins, je suis plutôt en désaccord avec M. Fuchs sur une telle fusion, car c’est précisément parce qu’il y a convergence qu’il faut à la fois conserver la spécificité des services et créer des coopérations. En matière de régulation, il faut savoir précisément ce que l’on met en commun et les spécificités que l’on maintient.

Mme Virginie Duby-Muller. Nous sommes, pour notre part, hostiles à cet amendement. En effet, l’ARCEP n’a aucun sujet commun avec la HADOPI et elle en a peu avec le CSA. Je ne perçois donc pas l’utilité d’une fusion de ces trois régulateurs. Le choix a été fait de créer l’ARCOM. Je ne vois donc ce qui pourrait justifier un rapport sur cette question.

La commission rejette lamendement.

Chapitre III
Pouvoirs et compétences de lAutorité de régulation
de la communication audiovisuelle et numérique

Article 37
Missions de lARCOM

La commission est saisie des amendements identiques AC293 de Mme Frédérique Dumas, AC751 de M. Pierre-Yves Bournazel et AC970 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Dumas. Plusieurs d’entre nous ont souligné que le projet de loi faisait l’impasse sur l’enjeu essentiel que représente la distribution, et la définition même de cette dernière, qui concerne différents acteurs. Cet amendement vise donc à renforcer le champ des missions de la future ARCOM en l’étendant à tous les enjeux liés à la distribution de services de télévision. Il s’agit, surtout, d’envisager la distribution comme un élément clé pour la garantie de la diversité et du pluralisme. J’ajoute qu’il faudra réfléchir à la distribution dans le cadre numérique, où il n’existe plus d’acte physique de distribution mais où il y a quand même une proposition d’organisation des services.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement AC751 a quatre objets : préciser le champ d’application du principe de l’égalité de traitement et lui donner un objet concret, défendre le pluralisme, donner au principe de neutralité technologique déjà reconnu par la loi une portée juridique précise et renforcer le pouvoir de régulation de l’ARCOM.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La compétence contentieuse du CSA, et demain de l’ARCOM, sur les différends entre éditeurs et distributeurs est plus précisément fixée à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986. Je ne suis donc pas certaine que ces amendements soient placés au meilleur endroit. De plus, l’instance commune de règlement des différends qui sera créée permettra de renforcer la coordination entre les différentes autorités de régulation. Demande de retrait.

Mme Frédérique Dumas. Au-delà de la question du choix de l’article, que nous examinerons, il est dommage que vous nous répondiez que le problème est traité. Chacun de nous sait que celui-ci est très complexe, si bien que les acteurs eux-mêmes reconnaissent qu’ils peinent à appréhender les choses. Si l’on estime qu’il ne s’agit pas d’un problème en soi qui mérite d’être évoqué, même symboliquement, dans le texte, c’est que celui-ci n’appréhende ni le monde actuel ni celui de demain.

La commission rejette les amendements.

Elle examine lamendement AC933 de Mme Josette Manin.

Mme Michèle Victory. Cet amendement vise à rappeler le rôle clé de l’ARCOM, qui doit garantir que les productions audiovisuelles issues des outre-mer contribuent à familiariser l’ensemble des téléspectateurs avec ces territoires. Le projet de loi prévoit l’intégration à notre système de financement de la création de l’ensemble des diffuseurs qui visent la France, quel que soit leur lieu d’installation. En revanche, pour les quotas de diffusion, la règle du pays émetteur s’applique. Nous proposons donc que les quotas de 60 % et 40 %, respectivement pour les œuvres d’expression originale française et européennes, s’appliquent aux plateformes installées à l’étranger qui visent la France.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’ajout de la dimension ultramarine dans les missions de valorisation de l’ARCOM est judicieux. J’y suis donc favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC898 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Cet amendement vise à compléter les missions de l’ARCOM en y ajoutant la promotion de la diversité musicale. De fait, en reprenant le rôle de régulateur du média radiophonique que jouait le Conseil supérieur de l’audiovisuel, l’ARCOM devient le garant de la diversité musicale au travers des systèmes de quotas. Mais ce seul dispositif n’est pas suffisant : l’ARCOM a vocation à être le défenseur du modèle français d’exception culturelle, dont la diversité musicale est un élément clé.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement en complète d’autres, que vous aviez déposés et que nous avons adoptés, concernant notamment la charte de la diversité. Il renforce utilement les missions de l’ARCOM. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine en discussion commune les amendements AC934 de Mme Josette Manin et AC444 de M. Paul Molac.

Mme Michèle Victory. L’amendement AC934 vise à garantir que l’ARCOM veille à ce que les productions audiovisuelles françaises valorisent notre patrimoine linguistique. En effet, dans l’un de ses avis, le Conseil économique, social et environnemental a invité le Gouvernement à valoriser les langues des outre-mer pour une meilleure cohésion sociale ; d’autres amendements portent d’ailleurs sur les autres langues régionales parlées. Nous nous accordons tous sur le fait que celles-ci ne sont pas un obstacle à la pratique du français, qu’elles sont des vecteurs de socialisation et des marqueurs forts de notre histoire commune.

Nous proposons donc de préciser que l’ARCOM veille à la défense et à l’illustration de la culture et du patrimoine linguistique national français, constitué de la langue française et des langues régionales.

Mme Frédérique Dumas. Puisqu’il est prévu que l’ARCOM veille à l’illustration de la langue et de la culture françaises, nous proposons de préciser qu’il veille également à la défense et à l’illustration des langues et des cultures régionales.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La modification proposée n’est pas anodine, car elle consacrerait la notion de patrimoine linguistique. Elle devrait donc être faite directement dans le code du patrimoine, plutôt que dans une loi sur l’audiovisuel. Par ailleurs, les sociétés de l’audiovisuel public ont déjà pour mission la promotion de la langue française mais aussi des langues régionales. Demande de retrait.

Mme Michèle Victory. N’en étant pas la première signataire, je préfère ne pas retirer l’amendement AC934.

M. Yannick Kerlogot. Je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire de modifier le code du patrimoine pour compléter les missions de l’ARCOM. Je rappelle qu’il y a quelques semaines, notre assemblée a adopté, en première lecture, une proposition de loi relative aux langues régionales. Il me semble que l’on ne remet nullement en cause la langue et la culture françaises en précisant que le service public de l’audiovisuel a également pour mission de promouvoir les langues et cultures régionales.

Mme Frédérique Dumas. Ces amendements n’ont aucun rapport avec le code du patrimoine. Vous venez, madame la rapporteure générale, de vous déclarer favorable à des amendements visant à garantir le respect de la diversité dans un certain nombre de domaines. Encore une fois, ce n’est évidemment pas à l’ARCOM mais aux sociétés de service public de promouvoir les langues régionales. En l’espèce, nous proposons simplement que l’ARCOM, dont c’est la mission, veille au respect de cette obligation. Il est paradoxal que vous refusiez ces amendements qui ne font que rappeler une mission de l’ARCOM.

M. Raphaël Gérard. La question des langues régionales est importante, mais je partage l’avis de Mme la rapporteure générale : elle a trait au patrimoine, et notre commission doit d’ailleurs ouvrir un débat sur l’intégration ou non des langues régionales dans celui-ci. J’ajoute que nous avons adopté un amendement qui prévoit que l’ARCOM remettra un rapport sur la représentation des langues régionales. Ce rapport fournira une base à ce débat important car, notamment outre-mer, les langues régionales sont très importantes dans le paysage audiovisuel.

Mme Frédérique Dumas. Je crois qu’il y a une confusion. Les amendements ont simplement pour objet de préciser que l’ARCOM vérifie que les sociétés nationales de programmes respectent bien leurs obligations, comme nous venons de le faire pour la diversité musicale. Nous n’inventons rien !

Mme Maina Sage. Je soutiens bien évidemment ces amendements. Les langues régionales ont aujourd’hui valeur constitutionnelle, puisque l’article 75-1 de la Constitution dispose qu’elles font partie du patrimoine de la France. Du reste, il était question, dans le projet de révision constitutionnelle, d’inscrire cette reconnaissance à l’article 1er.

Nous allons examiner des amendements sur les « langues de France » ; j’ai le sentiment que l’on a tendance, j’ignore pourquoi, à gommer leur dimension régionale. Or, nous devrions être fiers de cette diversité qui fait la France d’aujourd’hui. Il serait donc bon qu’il soit expressément indiqué dans la loi que l’ARCOM a pour mission de veiller au respect des obligations du service public audiovisuel en la matière.

Mme Michèle Victory. Il me semble que la rédaction de l’amendement est claire. Il s’agit simplement de rappeler que l’ARCOM veille à la défense et à l’illustration de la culture et du patrimoine linguistique national français, dont elle précise simplement qu’il est constitué de la langue française et des langues régionales – ce sur quoi nous sommes tous d’accord.

M. Jean-Jacques Gaultier. Le groupe LR, qui considère que les langues régionales font partie de notre patrimoine, est tout à fait favorable à ces amendements.

La commission adopte lamendement AC934.

En conséquence, lamendement AC444 tombe.

La commission examine lamendement AC875 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit de donner une véritable place, au plan juridique et symbolique, à la notion de distributeur, en insérant, après l’alinéa 2, l’alinéa suivant : « il veille au développement et à la compétitivité des éditeurs et distributeurs de services audiovisuels relevant de la compétence de la France ; ». Il convient en effet que les notions d’éditeur et de distributeur deviennent un enjeu dans le projet de loi et dans les futures négociations interprofessionnelles, voire réglementaires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre amendement reviendrait à confier à l’ARCOM une mission d’ordre économique qui excède les compétences actuelles du CSA et de la HADOPI et qui, de surcroît, est probablement contraire au droit de la concurrence. Au demeurant, il me semble que nous sommes déjà allés assez loin dans le renforcement des enjeux de compétitivité en adoptant un amendement de Mme Duby-Muller. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements AC969 et AC968 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel. L’amendement AC969 a pour objet de confier à l’ARCOM une nouvelle mission, qui consisterait à veiller à ce que les éditeurs puissent demander, dans le cadre de leurs relations contractuelles avec les distributeurs de services ainsi qu’avec tout prestataire de services associé, l’accès aux données de programme afin d’être en mesure d’améliorer la connaissance de leur audience, et ce en vue d’un partage équitable des profits tirés de ces données. L’amendement AC968 a un objet identique, mais il ne fait pas référence aux prestataires de services associés.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je sais combien vous êtes attaché, et nous le sommes également, à cette question. Il faut en effet que nous allions plus loin que le projet de loi en la matière. Je suis favorable à l’amendement AC968, qui me paraît plus précis et mieux ciblé que l’amendement AC969, que je vous demande de bien vouloir retirer.

M. Éric Bothorel. J’aurais souhaité, compte tenu de nos ambitions élevées en la matière, que vous vous en remettiez au moins à la sagesse de la commission sur l’amendement AC969. Je le maintiens, donc.

Mme Frédérique Dumas. La question des rapports entre éditeurs et distributeurs est majeure. Il est évident que les éditeurs doivent avoir accès aux données d’usage, mais ces données doivent être collectées et traitées, ce qui nécessite des investissements. Cet élément doit donc relever des relations contractuelles et commerciales, et non de la loi.

M. Michel Larive. Il est vrai que ces amendements répondent à une demande des chaînes de télévision, mais le recueil du consentement explicite de l’utilisateur doit être préservé. Or, nous n’avons aucune garantie sur ce point. Je suis donc opposé à ces amendements.

La commission rejette lamendement AC969.

Elle adopte lamendement AC968.

Elle est ensuite saisie de lamendement AC263 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Il faut cesser d’opposer la France hexagonale et celle des outre-mer, comme si cette dernière était marginale et périphérique. On a en effet trop souvent considéré les outre-mer comme des îlots distincts de l’espace national, à l’instar du pôle outre‑mer de Malakoff, qui a été longtemps une espèce d’enclave au sein de France Télévisions et qui, malgré la qualité des programmes qu’il produisait, peinait à les diffuser sur le réseau national. Afin de concilier ces deux dimensions de l’espace français, il convient de parler de l’« archipel France », tel que le Président de la République le définit.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Avis favorable à cet amendement important : il est en effet nécessaire que la programmation audiovisuelle reflète mieux la diversité de la société française.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement AC756 de M. Philippe Gomès.

Mme Maina Sage. Cet amendement tend à garantir la juste représentation des outre‑mer.

J’ai cosigné l’amendement AC263 et espère que l’interprétation qui en sera faite plus tard sera bien conforme à l’intention du législateur. Ne pas vouloir opposer Hexagone et Outre-mer – qui n’est pour autant pas, en dépit du fait que l’on cherche en permanence à le gommer, un gros mot – est en effet une bonne chose.

Oui, donc, à la substitution de la dimension ultramarine au rayonnement de la France d’outre-mer si elle s’accompagne d’une garantie de représentation certaine de cette partie de la France.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre amendement est satisfait par celui, largement transpartisan, que nous venons d’adopter et qui permet de veiller à ce que la programmation audiovisuelle reflète la diversité de la société, y compris dans sa dimension ultramarine. Je vous demande donc de le retirer.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC911 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. L’amendement porte sur la place – qui a connu un recul dans l’audiovisuel en 2018 – ainsi que sur l’image des femmes et l’amélioration de leur visibilité dans les médias, que le CSA mesure grâce à des critères essentiellement quantitatifs. On ne peut se satisfaire du statu quo : je souhaite que nous allions plus loin dans l’appréciation de cette image et que nous fixions des objectifs permettant de mesurer les progrès accomplis par les différents médias. De nombreux groupes et instances peuvent y travailler. Il me semble important de marquer, dès le stade de la commission, la nécessaire attention que nous portons aux progrès en matière d’appréciation et d’évaluation de la place et de l’image des femmes dans les médias.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Tous les groupes sont ici, du moins je l’espère, très attachés à ce sujet sur lequel nous avons adopté un amendement du groupe Les Républicains qui visait à améliorer la parité au sein de l’ARCOM.

Toutefois, il me semblerait judicieux, avant de faire des préconisations, d’attendre que la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, au sein de laquelle des représentants de tous nos groupes siègent, rende son avis. Je recommande donc d’attendre la séance publique de manière à rendre possible, de manière très large et transpartisane, des avancées significatives.

Mme Céline Calvez. Nous pouvons déjà marquer le coup aujourd’hui, dans la mesure où nous avons en effet déjà adopté des amendements sur la parité. Pourquoi tout reporter à la séance ? Je pose la question avec d’autant plus de conviction que je suis moi‑même membre de la Délégation aux droits des femmes et que ces sujets requièrent notre attention à tout moment. La rédaction du projet de loi pourra par ailleurs être améliorée et précisée lors de l’examen en séance. Nous pouvons avancer dès à présent.

Mme Frédérique Dumas. Nous sommes tous et toutes très attachés à ce que des évolutions profondes battent en brèche des stéréotypes vieux de deux mille ans. J’abonde toutefois dans le sens de la rapporteure générale : il faut procéder avec ordre, en attendant l’avis de la délégation.

Votre amendement va en effet, chère collègue, très loin : le simple fait qu’une femme fasse la cuisine dans une scène d’un film pourrait poser problème. Il faut examiner chaque situation dans son contexte artistique, au prétexte duquel l’on peut – je sais mes propos sensibles – faire n’importe quoi.

On ne peut donc censurer chaque scène d’un film en fonction de qui y fait quoi. Même si des études qualitatives permettant de mesurer l’image et la place de la femme et d’améliorer les comportements doivent pouvoir être conduites, remonter ces sujets à ce niveau dans la loi me gêne, car l’on porterait ainsi atteinte à la liberté de création.

Mme Maina Sage. Les arguments de Mme Frédérique Dumas doivent être pris en considération, même si la disposition proposée est peut-être mal placée. Pour marquer le coup sur ce sujet majeur nous devrions tous, à quelques jours de la Journée internationale des droits des femmes, soutenir cet amendement, quitte à le retravailler lors de la séance. Montrons notre volonté d’avancer concrètement dans le traitement de l’image et de la représentation des femmes ainsi que sur les clichés que le secteur audiovisuel véhicule trop souvent à leur égard : très franchement, ils sont aujourd’hui à la fois dangereux et catastrophiques. Il est urgent d’agir.

Mme Constance Le Grip. À mon tour de dire toute l’importance que, comme le groupe Les Républicains, j’attache à ce que nous travaillions à une meilleure représentation des femmes dans nos programmes audiovisuels afin de tendre vers la parité et vers le strict respect de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cet enjeu nous concerne tout à fait, à la veille, en effet de la Journée internationale des droits des femmes, et alors que le Parlement des enfants travaille cette année sur cette égalité. Si nous sommes convaincus qu’il nous faut inscrire dans la loi certaines dispositions, nous sommes néanmoins quelque peu dubitatifs quant à la rédaction de l’amendement, qui devrait selon nous être plus ciblée.

Mme Emmanuelle Anthoine. Je ne comprends pourquoi il nous faudrait attendre des amendements de la Délégation aux droits des femmes dont nous sommes nombreuses à être membres. En l’espèce, nous avons tous pris connaissance des avis du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Lors de l’audition du ministre Franck Riester, j’avais insisté sur la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, en principe grande cause du quinquennat : je ne vois donc pas pourquoi les amendements allant dans ce sens ne seraient pas retenus aujourd’hui.

Mme Céline Calvez. J’adore que nous puissions parler des inégalités et de la façon dont on peut améliorer les choses, par exemple en adoptant – tout en faisant fi de sa nécessaire réécriture – cet amendement cher au cœur des uns et des autres. Soyons les plus nombreux possibles au moment de la présentation de l’avis de la Délégation aux droits des femmes sur le projet de loi qui aura lieu le 24 mars, lors de la reprise des travaux parlementaires.

J’abonde cependant dans le sens des propos de notre collègue Mme Emmanuelle Anthoine : nous sommes tous, au-delà de la Délégation aux droits des femmes, concernés.

Je vais retirer l’amendement AC911 et je demande à nos collègues ayant déposé des amendements sur le même sujet de faire de même, tout en regrettant que rien ne soit fait au stade de la commission.

Lamendement AC911 est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC900 de Mme Caroline Janvier.

Mme Caroline Janvier. Cet amendement vise à garantir l’accessibilité des programmes audiovisuels – en particulier ceux particulièrement importants à mes yeux pour le débat public : allocutions du Président de la République, discours de politique générale du Premier ministre, débats télévisés de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle – aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes, en prévoyant une interprétation en langue des signes française (LSF). Il leur serait particulièrement utile d’accéder lors des crises, comme celle que nous traversons avec le coronavirus, aux mêmes informations que tous leurs concitoyens.

Une circulaire de l’éducation nationale de 2008 rappelle en outre que la loi reconnaît à la LSF, dont la maîtrise constitue pour les personnes concernées une garantie d’un accès de plein droit à la citoyenneté, un statut de langue de la République, au même titre que le français.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous remercie, chère collègue, pour votre amendement qui porte sur un sujet sur lequel nous sommes très nombreux à avoir été alertés, notamment par les associations de personnes sourdes et malentendantes qui ont vécu comme un traumatisme ce qui s’était passé lors des attentats. Il est très important que cette accessibilité progresse dans le cadre de ce projet de loi : j’espère donc que la commission l’adoptera à l’unanimité car j’y suis pleinement favorable.

Mme Bénédicte Pételle. Il traduit en outre une forte demande du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dont les représentants ont été auditionnés.

La commission adopte lamendement.

M. le président Bruno Studer. Madame la rapporteure générale, votre vœu a été exaucé : l’amendement vient d’être adopté à l’unanimité.

La commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AC1075, AC1077 et AC1076 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC73 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Frédérique Meunier. La future ARCOM doit disposer des moyens de rendre visible l’information locale produite par les services locaux ayant conventionné avec elle.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Si je suis plutôt favorable dans son principe à l’amendement, je m’interroge, du point de vue rédactionnel, sur les conditions de visibilité qu’il mentionne. Je vous propose donc, chère collègue, de le retirer pour que nous puissions le retravailler en vue de la séance.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 37 modifié.

Après l’article 37

La commission est saisie de lamendement AC260 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la représentation des minorités et la diversité dans l’audiovisuel. Seulement 0,4 % des personnes visibles à la télévision sont identifiées comme étant en situation de handicap, et seules 14 % des personnes sont perçues comme non-blanches dans la fiction française, alors que le prisme international évalue à 20 % la perception de cette diversité.

Il faut se donner les moyens de lutter contre le séparatisme et le repli identitaire que l’on voit grandir dans notre société en définissant des critères à la fois qualitatifs et quantitatifs de représentation de la diversité destinés à être retenus par les opérateurs eux‑mêmes.

Le dispositif s’inspire très directement du pacte pour la visibilité des outre-mer signé par France Télévisions suite à l’annonce de la suppression de France Ô : le groupe a à la fois défini des objectifs quantitatifs et qualitatifs de représentation des cultures ultramarines sur ses antennes et installé un comité de suivi chargé de leur suivi. Cette démarche a eu l’immense vertu de créer une véritable dynamique qui se traduit par des actions de formation et de reconversion du personnel. L’amendement évite de cocher la case quotas, que certains appellent de leurs vœux, et laisse la main aux opérateurs tout en les obligeant à mener ce travail de représentation de la diversité de la société française.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il est en effet important de renforcer et de préciser les obligations des chaînes, donc les missions de l’ARCOM, en matière de représentation de la diversité et de lutte contre les préjugés. J’espère que cet amendement sera également adopté à l’unanimité, car j’y suis favorable.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit d’un très bon amendement, tant sur le fond que sur la forme, dont nous devrions nous inspirer concernant les femmes.

Mme Maina Sage. Je m’associe, avec la même énergie que ma collègue Frédérique Dumas, aux propos de notre collègue Raphaël Gérard, député de l’Hexagone soutenant très souvent les causes ultramarines.

Nous faisons en effet partie de ces minorités souvent victimes d’a priori et d’une forme de discrimination à l’écran, en témoigne le rapport d’information que j’ai déposé avec mon collègue Stéphane Claireaux.

Lors des auditions que nous avons menées à cette occasion, nous avons été marqués par de nombreux témoignages d’acteurs, de producteurs, de réalisateurs, et même de diffuseurs. D’anciens chargés de programmes nous ont ainsi fait part de la pression qu’ils subissaient lorsqu’ils décidaient de mettre à l’antenne des gens de couleur différente. En 2017, on a ainsi dit à des producteurs : « on ne diffusera pas votre œuvre à vingt heures, car cela ferait un peu trop de noirs à la télé ».

Je vous remercie donc de votre soutien à cet amendement : il est urgent que nous progressions sur ces questions.

Mme Bénédicte Pételle. En tant qu’ancienne enseignante en réseau d’éducation prioritaire, cet amendement me semble également extrêmement important également pour que les enfants puissent construire une image positive de leurs parents.

La commission adopte lamendement.

M. le président Bruno Studer. À l’unanimité !

Article 38
Information réciproque des organismes européens de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1078 de la rapporteure générale.

Elle est saisie de lamendement AC560 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. L’alinéa 5 prévoit que, dans son champ de compétences, l’ARCOM sera « consultée sur les projets de loi et d’actes réglementaires relatifs au secteur de la communication audiovisuelle. » Cet amendement propose, de façon plus générale, qu’elle les évalue en fonction de leur impact environnemental, ce qui permettra d’infléchir la création normative vers le mieux-disant environnemental. Cette disposition nous permettra de faire des choix législatifs en matière audiovisuelle et numérique de manière parfaitement éclairée. Il apparaîtra dans quelques années absolument inconcevable qu’il ait été envisagé de faire de tels choix sans en mesurer l’impact environnemental.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble que la mesure relève encore une fois plutôt du Haut Conseil pour le climat, de l’ADEME et de l’ARCEP, qui est composée d’ingénieurs, ce qui n’est pas le cas du CSA ou de la HADOPI. Il faut veiller à ce que les missions correspondantes – notamment celles relatives à l’environnement, qui nous préoccupe tous – puissent être pleinement exercées par les autorités de régulation auxquelles on pourrait les confier. Retravaillons donc ensemble en vue de la séance publique afin de déterminer l’autorité de régulation idoine, au regard notamment de sa composition. Je demande le retrait de l’amendement.

M. Bruno Fuchs. Nous n’avons pas encore discuté de l’article 22, où cet amendement aurait, plus qu’à l’article 38, sa place. La consultation mentionnée à l’alinéa 5 doit quoi qu’il en soit intégrer, au-delà des données financières, techniques et éditoriales, l’impact environnemental, dont la mesure ne doit relever que d’un seul régulateur. Si j’accepte effectivement de retirer l’amendement pour le retravailler, il faut intégrer cette question dans ce projet de loi.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC707 de M. Pascal Bois.

M. Pascal Bois. L’article 9 de la loi du 30 septembre 1986, tel que modifié par l’article 38 du projet de loi, exclut toute consultation de l’ARCOM sur les « décrets portant approbation des statuts des sociétés nationales de programme », c’est-à-dire de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde. Cet amendement va plutôt dans le sens d’une harmonisation des régimes de droits et d’obligation de ces trois sociétés et de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – établissement public à caractère industriel et commercial qui doit se transformer en société anonyme –, toutes quatre appelées à devenir filiales de premier rang de la société France Médias, la limitation aux seules trois sociétés nationales de programme du champ de l’exclusion visée par le dernier alinéa de l’article 38 n’apparaissant pas justifiée.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette harmonisation est en effet utile : je suis donc favorable à l’amendement.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 38 modifié.

Article 39
Pouvoir de lARCOM dordonner des mesures conservatoires – Coordination

La commission est saisie de lamendement AC614 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Cet amendement traduit notre refus de voir fixés par décret et non plus dans la loi les délais dans lesquels l’ARCOM, sur les véritables attributions de laquelle nous sommes toujours réservés, doit rendre une décision dans le cadre du règlement d’un différend.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. De manière générale, la fixation de tels délais relève du domaine réglementaire : il est en l’espèce très usuel de renvoyer, dans la loi, à un décret. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Michel Larive. Pourquoi cela figure-t-il aujourd’hui dans la loi ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous en reparlerons, j’imagine, lorsque nous aborderons les articles concernés.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC194 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Eu égard à leurs conséquences potentielles sur le droit d’auteur et les droits voisins, il est nécessaire de préciser la nature et la durée des mesures conservatoires prononcées alors que le contrat de distribution a expiré.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Même réponse que précédemment : la loi doit respecter le principe de liberté contractuelle. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je le retire et en déposerai un nouveau en vue de la séance.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1074 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte larticle 38 modifié.

Après l’article 39

La commission examine lamendement AC1333 rectifié de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement vise à inscrire expressément dans la loi du 30 septembre 1986 la compétence de l’ARCOM en matière d’études.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC1377 rectifié de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Permettre la conduite d’études communes par l’ARCOM et le Centre national de la musique, par exemple sur la diversité musicale, renforcera ce dernier en le consacrant dans le projet de loi.

La commission adopte lamendement.

4.   Deuxième réunion du mercredi 4 mars 2020 (article 40 à 52 ; articles 22 et 23 précédemment réservés) ([6])

Article 40
Pouvoirs dinformation et denquête de lARCOM – Échange dinformations entre lARCOM et le CNC

La commission examine lamendement AC1334 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit d’étendre les pouvoirs de recueil d’information de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) pour l’élaboration de ses études aux données de consommation aux fins de renforcer ses prérogatives.

M. Michel Larive. Comment l’ARCOM va-t-elle s’assurer du recueil du consentement explicite et libre de l’utilisateur, comme l’exige règlement général sur la protection des données (RGPD) ? Si elle n’est pas en mesure de le faire, elle utilisera alors des données recueillies illégalement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il n’est pas question de recueillir des données personnelles ou individualisées : ce sont des formes de statistiques constituées à partir de données agrégées et anonymisées. Il n’était évidemment pas question de faire courir le risque que vous soulevez.

M. Michel Larive. Envisagez-vous de préciser le cadre de recueil de ces données ? Tout cela est très flou. Les statistiques, par essence, se construisent tout de même à partir de données personnelles…

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais les statistiques ne sont pas des données personnelles !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre inquiétude, mais il n’est pas question de données personnelles dans cet amendement : il s’agit seulement de récolter les informations nécessaires pour s’assurer du respect par les plateformes de leurs obligations, notamment en matière de financement.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Il est bien précisé qu’il s’agit des informations nécessaires à l’élaboration des études de l’ARCOM, lesquelles incluent les données de consommation des services de communication audiovisuelle et des plateformes de partage de vidéos. Au demeurant, l’ARCOM ne peut se soustraire aux obligations du RGPD en matière de données personnelles : il est donc inutile de le rappeler à chaque fois dans la loi. Les précisions apportées par la rapporteure générale me semblent répondre à votre inquiétude, cher collègue.

M. Michel Larive. Pourquoi ne pas préciser alors que ces données n’entrent pas dans le cadre du RGPD ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette précision serait superfétatoire, monsieur Larive.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1080 et AC1081 de la rapporteure générale.

La commission se saisit ensuite de lamendement AC360 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Afin de nous assurer que le dispositif de l’alinéa 9 sera efficient, nous souhaitons le compléter par les mots : « de manière proportionnée ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous ferai la même réponse que ce matin : votre amendement, qui tend à ce que le secret des affaires soit opposable de manière proportionnée aux agents assermentés, viendrait limiter les prérogatives de l’ARCOM. L’avis est donc défavorable.

Mme Frédérique Dumas. On peut y voir une limite, mais c’est seulement un encadrement, comme nous l’avons fait avec la rémunération proportionnelle, par exemple. Il s’agit simplement de permettre à l’ARCOM de faire correctement son travail afin qu’il soit accepté et efficace.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1082 et AC1079 de la rapporteure générale.

La commission en vient à lamendement AC584 de M. Bruno Fuchs.

Mme Géraldine Bannier. Nous proposons de compléter l’article 40 par l’alinéa suivant : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et la Commission nationale de l’informatique et des libertés se communiquent en tant que de besoin les informations qu’elles détiennent relatives à l’accomplissement de leurs missions respectives. »

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Rien ne s’oppose à ce que l’ARCOM et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) s’échangent des informations. Votre amendement étant satisfait, je vous demanderai de le retirer.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC794 de M. Bruno Fuchs.

Mme Géraldine Bannier. Nous proposons d’ajouter l’alinéa suivant : « L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et la Commission nationale de l’informatique et des libertés se communiquent en tant que de besoin les informations qu’elles détiennent relatives à l’accomplissement de leurs missions respectives. »

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Même avis que précédemment.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 40 modifié.

Après l’article 40

La commission examine lamendement AC901 de M. Pieyre-Alexandre Anglade.

Mme Florence Provendier. Mon collègue Pieyre-Alexandre Anglade, député des Français du Benelux très engagé sur les sujets européens, est à l’origine de cet amendement qui vise à assurer une prise en compte réelle des temps de parole des personnalités politiques sur les sujets ayant trait à l’action de l’Union européenne dans les médias français, en confiant à l’ARCOM la mission de rapporter le temps d’intervention des personnalités politiques sur des sujets européens aux responsables des différents partis politiques français représentés au Parlement européen.

Il reviendrait donc en amont aux différentes chaînes de radio et de télévision de communiquer ces informations à l’ARCOM. Ces indicateurs apparaissent primordiaux, tant les médias dans notre pays peinent à parler d’Europe et à intéresser nos concitoyens aux politiques européennes, qui ont pourtant un impact direct sur leur vie quotidienne.

Il nous semble important que des données statistiques précises puissent constituer une photographie exacte du traitement de l’actualité européenne dans le paysage audiovisuel français.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Un grand nombre d’amendements mettent en avant la nécessité de renforcer la présence de l’actualité et des questions européennes dans le champ de l’audiovisuel public. Votre amendement présente un intérêt certain, mais il aboutirait à imposer des obligations relativement fortes à l’ARCOM. Je préférerais que nous le retravaillions ensemble d’ici à la séance publique

Mme Florence Provendier. Je défends cet amendement au nom de mon collègue, mais également de tout mon groupe, car il nous paraît essentiel de donner les moyens à lARCOM de veiller au traitement de ces sujets fondamentaux. Jaccepte néanmoins de le retirer pour quil soit réécrit en vue de lexamen en séance.

Lamendement est retiré.

Article 41
Coordination – Interdiction dinterruption et de modification des services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande

La commission examine lamendement AC617 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Nous refusons la modification de l’article L. 333‑10 du code du sport prévue à l’article 23, dont nous discuterons un peu plus loin. L’idée d’appliquer une sanction préventive notamment nous paraît inacceptable. C’est bien au basculement des programmes sportifs vers le diffuseur privé qu’il faut s’attaquer : c’est bien de là que viennent le manque à gagner pour les finances publiques, la dégradation de la qualité du service, la multiplication de spots publicitaires et, au final, la hausse faramineuse du coût du service. Bref, c’est un échec sur toute la ligne. D’où la suppression proposée de l’alinéa 2.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous relevez avec raison la difficulté posée par cet alinéa qui vise à transposer l’article 7 ter de la directive Services de médias audiovisuels (SMA) en inscrivant dans le texte l’interdiction d’interrompre un signal. Je vous propose que nous y retravaillions ensemble afin de parvenir à une rédaction satisfaisante que vous pourrez présenter dans un amendement en séance publique.

M. Michel Larive. C’est une bonne proposition.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement AC54 de Mme Virginie DubyMuller.

Mme Virginie Duby-Muller. Nous proposons de réécrire une partie de l’article 41 pour s’en tenir à une transposition stricte des dispositions de la directive SMA afin de respecter l’intégrité des services de médias audiovisuels. Le mieux peut être l’ennemi du bien.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous propose également que nous travaillions ensemble, entre nos différents groupes politiques, sur la transposition de l’article 7 ter de la directive avant l’examen en séance.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC620 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Cet amendement vise à permettre à tous les spectateurs de bénéficier de l’ensemble des fonctionnalités et des données fournies par les éditeurs de services, notamment de programmes en audiodescription dans différentes versions – version originale et versions dans d’autres langues – ainsi que de tous les sous-titres proposés. Certaines chaînes, par souci de rentabilité, ne garantissent pas l’ensemble de ces fonctionnalités, en particulier pour les sous-titres. Nous souhaitons que la loi les y oblige afin de garantir l’accès à tous les publics et le respect de l’intégrité des œuvres diffusées. Cet amendement rejoint celui de Mme Janvier que nous avons adopté ce matin à l’unanimité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Sur les questions d’audiodescription, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a été saisi ; nous attendons qu’il nous fasse part de sa position. Il nous paraît intéressant de connaître l’avis des personnes directement concernées par le sujet afin de bien cerner le besoin et la manière dont il peut y être répondu dans le texte. Plusieurs amendements ont été déposés sur le sujet avant d’être finalement retirés, précisément pour cette raison. Je vous invite à faire de même.

M. Michel Larive. Je vais précisément maintenir celui-ci pour les mêmes raisons, afin que les intéressés sachent que leurs préoccupations ont bien été entendues. Mais nous allons y retravailler d’ici à la séance.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AC1337 de Mme la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le développement des enceintes connectées est un sujet qui a été abordé à plusieurs reprises au cours des auditions et sur lequel nous étions nombreux à vouloir agir. Cet amendement vise à imposer une obligation de respect de l’intégrité des contenus qui pourraient être diffusés et à rendre obligatoires des possibilités de paramétrage par l’utilisateur, afin que celui-ci ne se voie pas imposer des contenus déterminés par le fabricant lui-même au moyen d’un algorithme, et qu’il puisse choisir la source de ses contenus. Peut-être pourrons-nous aller plus loin en séance, mais ce serait déjà un premier engagement. Il s’agit d’un enjeu démocratique et de diversité culturelle qui nous concerne tous.

M. le président Bruno Studer. En effet. C’est peut-être un des plus importants amendements à ce projet de loi.

Mme Frédérique Dumas. Je regrette qu’il faille attendre d’examiner un amendement de la rapporteure générale sur ce sujet pour s’apercevoir qu’il est important. Lorsque nous avons évoqué le problème de la distribution technique ou virtuelle, on nous a opposé que tout était dans la loi et qu’il n’y avait pas lieu de s’en préoccuper…

Nous sommes donc bien sûr favorables à cet amendement, mais nous aurions souhaité que les questions relatives à la distribution, c’est-à-dire à l’ordonnancement, à l’organisation et aux choix fassent l’objet d’un traitement plus général, car dans un monde où les distributeurs techniques intermédiaires ont vocation à disparaître, elles dépassent largement le seul problème posé par les enceintes connectées.

M. Michel Larive. Quand c’est bien, je le dis : c’est une bonne proposition, qui vise à donner à l’utilisateur le choix de la source des contenus, souvent imposé par les constructeurs. Dans un rapport d’étude sur les assistants vocaux et les enceintes connectées publiées en mai 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) note que les fabricants accordent une préférence à leurs propres services, ce qui leur procure un avantage concurrentiel sur les autres éditeurs. Il relève également chez les personnes interrogées le faible recours aux possibilités de paramétrage offertes par les enceintes connectées, puisque tout est fait pour écourter la phase d’installation et de paramétrage afin de profiter le plus rapidement du produit, au risque d’évincer les services les plus fragiles.

L’enjeu est de donner aux utilisateurs la possibilité de paramétrer leur enceinte de façon très simple et de les y encourager par un travail d’information que j’estime indispensable. C’est pourquoi je voterai cet amendement.

Mme Marie-George Buffet. Je suis également favorable à cet amendement, parce qu’il touche aux libertés individuelles. Un individu doit pouvoir aller chercher des données, des connaissances sans être limité dans ses choix, ses options, sa réflexion par une offre prédéfinie.

M. Maxime Minot. Effectivement, cet amendement vise à protéger les libertés individuelles, les données personnelles et la vie privée : vous pouvez compter sur les députés du groupe Les Républicains pour y apporter leur soutien.

M. Bruno Fuchs. Certes, cet amendement ne couvre pas l’ensemble du champ de la distribution de contenus, mais c’est un premier pas auquel nous invite la rapporteure générale, qui contribue grandement à l’enrichissement de ce texte. Il nous appartiendra d’aller plus loin lors de l’examen du texte en séance.

Mme Virginie Duby-Muller. Nous soutiendrons fermement cet amendement pour éviter tout risque de limitation de certaines offres de contenus ou de services par les éditeurs. Il y va de la neutralité de l’internet.

La commission adopte lamendement à lunanimité.

Puis elle adopte larticle 41 modifié.

Article 42
Recueil de contributions et organisation dauditions sur létude dimpact préalable à la modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre

La commission examine les amendements identiques AC108 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC433 de Mme Brigitte Kuster, AC482 de M. Maxime Minot et AC759 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’article 42 laisse au demandeur et aux tiers la capacité à faire valoir leurs observations écrites, mais ne leur garantit pas la capacité à être entendus par l’ARCOM, sauf si celle-ci « l’estime utile ». Or, d’après le Conseil d’État, la réalisation de l’étude d’impact en temps utile se justifie précisément « pour que le demandeur et les autres personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations écrites ou demander à être entendues sur les conclusions de l’étude. »

Il convient d’affirmer l’obligation de l’ARCOM d’entendre le demandeur ou les tiers qui le demandent dès lors que ceux-ci sont intéressés au marché concerné.

Mme Brigitte Kuster. La modification que nous souhaitons apporter est bien plus qu’une simple précision rédactionnelle : notre objectif est d’affirmer l’obligation de l’ARCOM d’entendre le demandeur ou les tiers qui le demandent pour garantir un vrai débat contradictoire sur les décisions susceptibles de modifier les marchés concernés et les modes de diffusion de contenus qui font l’objet d’une protection par le droit de la propriété intellectuelle. Or l’article 42, en l’état, n’en fait aucune obligation, mais seulement une possibilité.

M. Maxime Minot. Mes collègues ont déjà tout dit ou presque sur ces amendements ; je me contenterai de souligner que leur adoption est essentielle pour la suite de l’examen de ce texte.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Chers collègues, en faisant d’une possibilité une obligation, vous exposez l’ARCOM au risque d’être assaillie de demandes d’audition sans pouvoir déterminer lesquelles sont nécessaires ou pas. C’est d’ailleurs sur ce point que les autorités de régulation nous ont alertés. Mon avis sera donc défavorable.

Mme Brigitte Kuster. J’entends l’argument, madame la rapporteure générale ; encore faut-il pouvoir se placer des deux côtés. Vous ne retenez que le point de vue de l’ARCOM, qui craint d’être débordée ; mais si nous la créons, c’est bien pour qu’elle réponde aux attentes de tous les acteurs du monde de l’audiovisuel. Comme vous l’avez vous-même expliqué, tous doivent se retrouver dans ce texte de loi, tous doivent pouvoir être entendus. Nous ne sommes pas là pour ne défendre que l’ARCOM, mais pour garantir la place de tous les acteurs du monde de l’audiovisuel.

Mme Frédérique Dumas. Notre rôle est bien de veiller à l’équilibre du texte, et non pas de défendre l’ARCOM : c’est la moindre des choses que d’entendre le demandeur et les tiers juridiquement concernés si l’on veut que la décision prise soit pertinente. Le diable peut se nicher dans les détails. La modification proposée par ces amendements me paraît donc devoir être soutenue.

M. Michel Larive. Votre objection peut être résolue par l’attribution à l’Autorité de moyens suffisants pour accomplir cette mission, madame la rapporteure générale.

M. Bruno Fuchs. Il me paraît difficile d’inscrire dans la loi la façon dont l’ARCOM doit fonctionner au quotidien en l’obligeant ainsi à recevoir tout citoyen qui souhaiterait être entendu.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il sagit uniquement dentendre le demandeur ou les tiers concernés !

M. Bruno Fuchs. J’entends bien, mais il n’est pas de notre ressort de déterminer les modalités d’organisation de l’ARCOM, qui doit être souveraine dans son fonctionnement.

Mme Brigitte Kuster. Contrairement à d’autres ici, je ne suis pas une spécialiste du sujet, mais c’est pour moi une question de logique : dès lors qu’il a été décidé de créer l’ARCOM en réunissant des entités existantes, la nouvelle autorité doit être plus forte que ce qu’elles étaient auparavant.

Deux amendements proposés ce matin visaient à affecter des moyens supplémentaires à l’instance de règlement des différends commune à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et à l’ARCOM pour l’étude de certains dossiers ; c’est donc qu’on est prêt à le faire. Nous sommes dans une démocratie, chacun doit pouvoir être entendu, et cette faculté ne saurait dépendre de la décision d’une autorité administrative, en particulier sur un tel sujet. Le texte doit donc mettre chacun sur un pied d’égalité.

Mme Frédérique Dumas. Il me paraît nécessaire de garantir le contradictoire par une disposition législative : ce n’est pas à une autorité administrative de décider qui elle souhaite entendre, d’autant que nous ne parlons pas de tous les citoyens, mais seulement du demandeur et des tiers concernés. Et pour ce qui est des moyens dont parlait ma collègue, tout ce qui a été concédé jusqu’à présent dans ce texte n’ira pas aux autorités administratives mais à la constitution d’un pôle numérique à Bercy… C’est maintenant qu’il faut consacrer dans la loi et le principe démocratique, et les moyens qui en découlent.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Afin de répondre à la fois à votre préoccupation et à la mienne, je vous propose de retenir la rédaction suivante, qui me paraît être un bon compromis : « L’Autorité entend le demandeur et peut entendre les tiers qui le demandent. »

M. le président Bruno Studer. Souhaitez-vous procéder à cette modification dès maintenant ou préférez-vous attendre l’examen du texte en séance ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Faisons-le dès maintenant !

La commission adopte les amendements tels quils viennent dêtre rectifiés.

Puis elle adopte larticle 42 modifié.

Article 43
Modalités de publication des sanctions prononcées par lARCOM

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1083 et AC1084 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte larticle 43 modifié.

Après l’article 43

La commission examine lamendement AC1339 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous proposons de mettre en œuvre une recommandation formulée par le CSA dans son avis sur le projet de loi, qui répond à une attente des chaînes. Il s’agit de permettre à l’ARCOM de faire évoluer de façon plus souple les conventions conclues avec les éditeurs. L’Autorité pourra ainsi modifier, par une décision motivée, les obligations liées à la programmation d’un service, dès lors que le format de la chaîne n’est pas remis en cause.

La commission adopte lamendement.

Article 44
Aménagement  de la procédure dinstruction et de prononcé des sanctions par lARCOM

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1086 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte larticle 44 modifié.

Article 45
Sanction pécuniaire en cas de manquement à une décision de linstance de règlement des différends commune à lARCOM et à lARCEP

La commission adopte larticle 45 sans modification.

Article 46
Critères de détermination de lÉtat détablissement dun éditeur de service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1087 de la rapporteure générale.

Puis elle examine lamendement AC630 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. L’article 46 va plutôt dans le bon sens en précisant les critères de détermination de la loi applicables à un service de télévision établi en France, mais nous souhaitons affirmer que tout éditeur de service ou média diffusant en France doit être régi et encadré par le droit français.

Il s’agit bien d’un acte de souveraineté, qui correspond à un choix de société. En application de la directive SMA, il appartiendrait en effet au groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, dénommé par son acronyme anglais ERGA, de décider si un éditeur de service ou un média diffusant des programmes en France relèveraient du droit français.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous sommes évidemment très attachés à la souveraineté, qui est inscrite dans le titre même du projet de loi, mais la disposition que vous énoncez serait directement contraire à la directive SMA et ne peut être adoptée. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Bertrand Pancher. Un des aspects positifs de ce texte est de transposer des directives européennes dont l’objet est l’harmonisation des pratiques du paysage audiovisuel à l’échelle européenne. La disposition est donc évidemment antinomique avec cet objectif. Comment pourrions-nous agir seuls ?

M. Michel Larive. J’entends vos arguments, cher collègue, mais acceptez que je puisse avoir une position différente de la vôtre. À mes yeux, il s’agit d’un choix de société. Ce n’est pas parce que la directive SMA a été adoptée que nous allons nous mettre à en vanter les mérites ! Nous procédons ici comme nous le faisons ailleurs : ce texte ne nous convient pas, alors nous le critiquons. Cela s’appelle l’opposition…

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 46 modifié.

Article 47
Modification du régime de suspension de la retransmission sur le territoire français de services de médias audiovisuels en provenance dautres États membres

La commission examine lamendement AC631 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Conformément à l’esprit du projet de loi, qui met de côté l’autorité judiciaire, des pouvoirs disproportionnés sont attribués à l’ARCOM, qui devient l’entité de référence du contrôle de la liberté d’expression dans le champ audiovisuel alors qu’elle se caractérise par un manque d’indépendance. Nous entendons par cet amendement manifester notre refus de confier à une autorité administrative des pouvoirs quasiment judiciaires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. J’entends cette position de principe ; mais si nous avons souhaité confier à l’ARCOM cette compétence, que le CSA possède déjà, c’est parce que nous y voyons un gage de rapidité, laquelle a son importance en matière de médias. En tout état de cause, l’ARCOM exerçant ses pouvoirs sous le contrôle du juge, l’autorité judiciaire n’est pas dessaisie de ces décisions.

M. Michel Larive. La liberté individuelle ne fait pas toujours très bon ménage avec la rapidité : l’actualité le prouve…

M. Michel Larive. Nous proposons donc, plutôt que de doter l’ARCOM de telles prérogatives, de saisir directement le parquet, ce qui d’ailleurs accélérerait certainement la procédure.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AC70 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement vise à ajouter les atteintes à l’intimité à la liste des situations donnant à l’ARCOM la possibilité de suspendre provisoirement la retransmission d’un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant d’un autre État européen.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je prends bien la mesure du risque d’atteintes à l’intimité de la vie privée d’autrui, mais cette situation ne saurait être considérée comme étant de même gravité que les atteintes aux mineurs, la pédocriminalité ou l’incitation au terrorisme. L’avis est donc défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1088 de la rapporteure générale, AC389 de Mme Géraldine Bannier, AC1089, AC1090 et AC1091 de la rapporteure générale.

Elle adopte enfin larticle 47 modifié.

Article 48
Liste des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France

La commission adopte lamendement de précision AC1092 de la rapporteure générale.

Puis elle examine lamendement AC632 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Sabine Rubin. L’article 48 impose aux éditeurs de services établis en France et ne relevant pas de la compétence de la France d’informer l’ARCOM de toute modification susceptible de changer leur situation ; nous y sommes bien sûr favorables.

Afin d’améliorer ce recensement, nous proposons de soumettre ces éditeurs à un contrôle annuel pour vérifier s’ils ne relèvent effectivement pas de la compétence de la France. Il nous semble en effet souhaitable que l’autorité de régulation se donne les moyens d’être informée et qu’elle ne dépende pas uniquement de la bonne volonté des éditeurs de services.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’article 2 de la directive SMA prévoit déjà une procédure permettant de vérifier que les services audiovisuels relèvent de la compétence de l’État dont ils doivent relever.

La Commission européenne met à disposition les listes des fournisseurs de médias transmises par les États membres dans une base de données centralisée. En cas d’incohérence, elle est tenue de contacter les États membres pour régulariser la situation. Lorsqu’il y a désaccord entre les États sur le choix de l’État compétent, la question est soumise à la Commission, qui peut solliciter le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, auquel appartient le CSA. L’avis est donc défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 48 modifié.

Article 49
Relations entre lARCOM et ladministration des impôts

La commission examine les amendements identiques AC691 de Mme Frédérique Dumas et AC836 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Frédérique Dumas. L’ARCOM voit ses pouvoirs renforcés pour s’assurer du respect des obligations des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) quant à l’accès des ayants droit aux données d’exploitation, aux investissements en production et aux accords interprofessionnels avec les producteurs et les auteurs. Le dispositif repose toutefois sur la détermination de l’assiette des obligations de production ; il convient de le préciser dans le texte.

Mme Danielle Brulebois. Nous proposons qu’à défaut d’accords, l’ARCOM notifie aux SMAD l’étendue de leurs obligations sur la base prévue par le décret et prononce une sanction financière en cas de non-respect des obligations.

L’ARCOM pourra recevoir de l’administration des impôts toutes données pour vérifier le respect de leurs obligations par ces services. Au-delà de cette information, il est souhaitable que la loi précise que l’ARCOM pourra utiliser les éléments de caractérisation fiscale du chiffre d’affaires des SMAD en France afin de déterminer l’assiette de leurs obligations. En effet, il ne suffit pas que l’ARCOM ait accès à cette information, ce qui est bien prévu par la loi ; il faut aussi qu’elle soit autorisée à en faire état et usage pour définir l’assiette sur laquelle seront calculées les obligations annuelles.

Cet amendement a été rédigé en collaboration avec le Syndicat des producteurs indépendants (SPI).

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble que le texte satisfait votre objectif, puisque l’alinéa 2 de l’article 49 commence par les mots « Pour s’assurer du respect, par les éditeurs de services, de leurs obligations de contribution […] ». Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte larticle 49 sans modification.

Après l’article 49

La commission examine lamendement AC583 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement a pour objet de renforcer l’efficacité des actions de l’ARCOM et de la CNIL, dont les champs de compétence se recouvrent parfois, en obligeant cette dernière à produire une étude d’impact lorsqu’elle sera saisie d’une question relevant du champ de compétence de l’ARCOM.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce n’est pas l’article 22 du projet de loi qui fixe les missions de l’ARCOM, mais la loi de 1986. Par ailleurs, il me semble qu’il serait nécessaire de réaliser une étude d’impact avant d’ajouter ce type de missions. Avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. Les avis de la CNIL sur la publicité ciblée, par exemple, rendront plus ou moins opérant le dispositif proposé par le texte. La CNIL ne peut rendre ses avis sans avoir recours à un outil comme l’étude d’impact, qui offre l’avantage de la souplesse et permet ensuite au législateur ou à l’ARCOM de se prononcer dans de meilleures conditions.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement me paraît plutôt bien venu : il me paraît normal de demander autant que peut se faire leur avis aux acteurs concernés, pour que les décisions soient les plus pertinentes et les moins hors-sol possible.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les délibérations récentes de la CNIL sur la publicité segmentée peuvent effectivement poser des difficultés. Vous en concluez qu’il y aurait un intérêt à introduire une forme de coordination et de coopération entre les autorités de régulation. Reste que vous ne visez pas le bon article puisque c’est la loi de 1986 qu’il faudrait modifier : votre amendement ne peut donc être adopté en l’état. Peut-être pourrions‑nous réfléchir aux moyens qu’il conviendrait d’employer – étude d’impact, coordination renforcée entre les autorités de régulation –, en lien avec le Gouvernement, en vue de la séance.

M. Bruno Fuchs. Comme je l’ai dit précédemment, il existe, en France, une sorte de millefeuilles d’institutions de régulation. Il faudrait éviter, et c’est tout le sens de mon amendement, que l’avis d’une entité vienne interférer avec les actions de l’autre et, par la même occasion, les obérer. Cette disposition n’ajouterait pas grand-chose, si ce n’est l’obligation de réaliser une étude d’impact, qui est un dispositif assez simple.

Mme Frédérique Dumas. Je voulais simplement rappeler que l’amendement que j’avais déposé pour renforcer la coopération entre les autorités administratives avait été rejeté…

La commission rejette lamendement.

Chapitre IV
Régulation des plateformes en ligne

Article 50
Définition des plateformes de partage de vidéos
   

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1093 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte larticle 50 modifié.

Article 51
Règlement des différends entre les utilisateurs et les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos

La commission est saisie de lamendement AC633 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Cet amendement est l’occasion de signifier une nouvelle fois que le Gouvernement doit prendre la mesure des nombreux cas de censure déjà à l’œuvre sur les plateformes de partage de vidéos. Nous souhaitons que les atteintes à la liberté d’expression en ligne soient prises en considération et traitées par des personnes formées, en charge du numérique. C’est pourquoi nous réitérons notre proposition d’instituer des chambres spécialisées dans des tribunaux judiciaires.

Nous sommes en train d’examiner et de voter des dispositions à un rythme soutenu, après les avoir éventuellement amendées, mais sans rien savoir de ce que seront les attributions de l’ARCOM, faute d’avoir discuté des articles 22 et 23. Cela commence à m’inquiéter : nous sommes en train de bâtir une coquille sans savoir ce qu’il y aura à l’intérieur. J’espère que le ministre arrivera bientôt.

M. le président Bruno Studer. Vos inquiétudes devraient être levées d’ici à quelques minutes.

M. Michel Larive. Au rythme actuel, on va bientôt avoir fini le texte…

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La directive SMA impose que les États membres veillent à ce que des mécanismes de recours extrajudiciaires soient disponibles. Ceux-ci existent donc évidemment. Par ailleurs, la compétence de l’ARCOM se justifie par les délais de traitement. Je sais que vous serez en désaccord avec moi sur ce point, mais il me paraît primordial que l’on puisse intervenir vite sur certains sujets essentiels. Je partage votre attachement aux libertés individuelles et je vous assure que votre préoccupation est pleinement satisfaite. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement de coordination AC1094 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte larticle 51 modifié.

Article 52
Missions de lARCOM en matière de lutte contre la manipulation de linformation sur les plateformes en ligne – localisation et régulation des plateformes de partage de vidéos

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1095 de la rapporteure générale, AC390 de Mme Géraldine Bannier, AC1096, AC1097, AC1098, AC1099, AC1100 et AC1101 de la rapporteure générale.

Elle en vient à lamendement AC665 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous souhaitons œuvrer à une meilleure identification des publicités et des placements de produit sur les plateformes de partage de contenus en ligne. La garantie d’indépendance du contenu peut être légitimement mise en question en cas de placement de produit. La présence d’un signe distinctif, identique à celui des programmes télévisés, nous paraît s’imposer, pendant toute la durée du placement de produit.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il incombera à l’ARCOM de définir les moyens d’information les plus pertinents concernant les publicités dans les vidéos diffusées sur les plateformes : ce ne seront pas nécessairement les mêmes que ceux qui peuvent prévaloir dans le cas des placements de produit – pour lesquels, rappelons-le, nous avons amendé le texte et renforcé les pouvoirs d’intervention de l’ARCOM.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC668 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous souhaitons garantir que les plateformes de partage de vidéos aient une obligation de résultat et non de moyens, qu’elles concourent effectivement au signalement exhaustif des publicités et des placements de produit au sein des vidéos diffusées. Le projet de loi dispose que les plateformes de partage de vidéos en ligne ne sont tenues d’informer les utilisateurs de la présence de publicités au sein des contenus que si elles ont été déclarées par les utilisateurs ou qu’elles-mêmes en ont connaissance. Ce cadre se révèle peu contraignant. Il faut au contraire garantir la pleine responsabilité des plateformes : elles doivent s’assurer que les utilisateurs les informent de la présence de publicités et de placement de produit dans les vidéos diffusées.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le nombre d’acteurs susceptibles d’être concernés par cette mesure est extrêmement limité, puisque peu de plateformes de partage de vidéos relèvent de la compétence de la France, conformément à la directive SMA – j’aimerais qu’il en aille autrement, car cela permettrait de leur imposer des obligations renforcées. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Même s’il n’y avait que deux acteurs concernés, il faudrait le faire, car ils ont les mêmes droits que l’ensemble des citoyens français.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC242 de Mme Frédérique Meunier.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement vise à supprimer, à l’alinéa 24 de larticle 52, lobligation imposée aux plateformes relevant de la compétence de la France dinstituer un dispositif de vérification dâge. Nous doutons fort que ce mécanisme – qui nous semble, en réalité, assez vain – puisse être véritablement opérationnel et utile. En outre, sil devait entraîner lapplication de dispositifs techniques intrusifs, il pourrait impliquer des modalités de surveillance dérangeantes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Malheureusement, la mise en place de ces dispositifs nous est imposée par la directive SMA : nous ne pouvons y déroger. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC679 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Cet amendement vise à ce que les technologies de reconnaissance faciale ne puissent être utilisées à des fins de vérification d’âge et de contrôle parental. Nous sommes clairement opposés à ce genre de techniques, déjà utilisées dans plusieurs pays, à l’entrée des écoles, ou susceptibles d’être employées à l’avenir.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre préoccupation, mais vous évoquez des cas qui vont bien au-delà de ce qui est prévu par la directive SMA : il n’est pas question de contrôler les enfants à l’entrée de leur école ou dans les camps de vacances. Le texte concerne les mesures qui pourraient éventuellement être appliquées sur les plateformes de services de médias à la demande. On est donc très loin de ce que vous évoquez. Il me paraît préférable, s’agissant des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), que le régulateur puisse agir. Cela peut aussi concerner la protection de l’enfance, concernant l’accès à certains sites. Parfois, ces technologies peuvent être extrêmement efficaces pour protéger les enfants, particulièrement vulnérables, et les empêcher d’accéder à certaines données. Défavorable.

M. Alexis Corbière. Il va de soi que nous visons le projet de loi. Pouvez‑vous expliciter votre position ? Êtes-vous opposée à l’emploi de technologies de reconnaissance faciale ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je faisais référence à votre exposé des motifs, dans lequel vous évoquez le contrôle de l’entrée des enfants dans leur école, en Chine, par la reconnaissance faciale. Tel n’est pas l’objet du texte en discussion, qui traite uniquement des technologies pouvant être utilisées dans le cadre des services de médias audiovisuels à la demande. Il me semble qu’il pourrait être parfois utile de faire appel à ce type de technologies pour protéger les mineurs, en les empêchant d’accéder à certains sites. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.

Mme Frédérique Dumas. J’irai dans le sens d’Alexis Corbière. La question est de savoir si on peut utiliser des outils technologiques de reconnaissance faciale pour identifier l’âge de la personne. On a déjà des discussions sur la détermination de l’âge par l’analyse du squelette. La question est de savoir si l’on est opposé ou pas à l’utilisation de la reconnaissance faciale pour vérifier l’âge, en dehors même du texte en discussion.

Mme Constance Le Grip. Je reviens sur l’amendement précédent, qui traitait du même sujet. À l’heure actuelle, il n’existe pas – à moins d’imaginer des techniques extraordinairement intrusives, susceptibles de porter gravement atteinte aux libertés individuelles, à la protection des données personnelles – de dispositifs permettant de vérifier l’âge de manière efficace et juste. Par ailleurs, je rappelle que la transposition d’une directive n’impose pas la retranscription intégrale de ses dispositions : contrairement aux règlements, les directives offrent des marges de manœuvre. Il ne me semble donc pas inutile d’avoir un débat sur le sujet. J’avais proposé, pour ma part, qu’on supprime purement et simplement le dispositif de vérification d’âge.

M. Michel Larive. Nous entendons, par cet amendement, nous prémunir contre la technologie de reconnaissance faciale, intrinsèquement dangereuse. Pour l’avoir vue fonctionner en Chine, je peux vous dire qu’elle est absolument intrusive. On sait ce qu’on peut faire par ce moyen. Aujourd’hui, on ne peut peut-être pas encore, techniquement, dire l’âge de celui qui regarde l’objectif mais, dans très peu de temps, ce sera certainement possible. Nous entendons d’ores et déjà exclure l’utilisation de cette technologie.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques. La reconnaissance faciale est une technologie décriée, à juste titre, par un certain nombre de défenseurs des libertés individuelles. Plusieurs membres du Gouvernement se sont exprimés à ce sujet : Cédric O a exprimé la position de la France dans le cadre d’une réflexion européenne. Il n’a échappé à personne qu’il a été décidé, il y a une dizaine de jours, de rendre possible l’expérimentation, dans l’espace public, de la reconnaissance faciale et, plus largement, de la reconnaissance de l’image. La réflexion est en cours à ce sujet.

La question que vous soulevez met en lumière la nécessité d’avoir une identité numérique, comme le défendent le Gouvernement et la majorité. Le chantier est engagé, qui aboutira avant la fin du quinquennat. Actuellement, nous sommes dépendants des identités indiquées par les plateformes, à partir des identifications fournies, par exemple, sur Gmail ou Facebook. Peut-on accepter que, demain, nous devions utiliser les services fournis par les plateformes pour accéder à des services, privés et même publics, au motif que nous n’avons pas d’identité numérique ? C’est la question que vous posez indirectement. Les modalités de cette identification, qu’elles passent par la reconnaissance faciale ou par d’autres techniques, devront ensuite être définies. Il est fondamental que l’État mette à notre disposition, dès à présent, une identité numérique.

La commission rejette lamendement.

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le président, pouvez-vous nous préciser quand nous examinerons les articles 22 et 23 ?

M. le président Bruno Studer. Nous allons les aborder d’ici à une dizaine de minutes, en présence du ministre. Je suspendrai nos travaux lorsque nous aurons terminé l’examen de l’article 52.

La commission est saisie de lamendement AC241 de Mme Frédérique Meunier.

Mme Constance Le Grip. Nous proposons d’étendre la protection des données personnelles des mineurs non pas aux seules données traitées pour vérifier leur âge, mais à l’ensemble des données les concernant. Il convient, pour faire, de supprimer, à l’alinéa 27, les mots : « conformément au 3° du II ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous ferai la même réponse que celle j’ai apportée à Michel Larive : les critères que vous proposez ne s’imposeraient qu’aux plateformes de partage de vidéos relevant de la compétence de la France. On s’exposerait à un risque d’asymétrie entre les grandes plateformes internationales et celles qui pourraient être hébergées chez nous, au risque d’entraver leur développement de ces dernières. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement de précision AC1102 de la rapporteure générale.

Puis elle examine lamendement AC669 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Dans le prolongement de nos propositions précédentes, nous souhaitons interdire la pratique publicitaire déguisée du placement de produit dans les contenus créés par les utilisateurs de plateformes de partage de contenus en ligne à destination des enfants. Les services de plateformes devraient en informer leurs utilisateurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons longuement discuté du placement de produit et de la manière de renforcer les contraintes pour ne pas duper le consommateur. Comme je le disais précédemment, les mesures que vous proposez ne s’appliqueraient qu’à des plateformes SMAD situées en France – ce qui vous empêcherait d’atteindre l’objectif recherché – car nous sommes tenus par la directive. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC682 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Je réitère ma volonté – partagée, me semble-t-il, par plusieurs dentre nous – de défendre linteropérabilité. Il convient dinscrire les germes de ce principe dans le projet de loi. Je rappelle que les services interopérables ont déjà fait leurs preuves. Linteropérabilité est favorisée par les messageries, telles WhatsApp et Messenger, qui proposent la mutualisation des contacts. Des systèmes dits VPN (Virtual Private Network) permettent des échanges dinformations sécurisés entre plusieurs réseaux non directement connectés. Il sagit, pour linstant, dune initiative reliant des plateformes privées appartenant au même groupe. Linteropérabilité ne saurait dépendre du bon vouloir des mastodontes du numérique car, dans son principe, elle vise à remettre en question leur monopole. Il est donc essentiel que la loi se saisisse du sujet. Une telle disposition permettrait de réguler les réseaux sociaux sans pour autant sacrifier la liberté dexpression sur internet. En limitant lengorgement des réseaux, on réduirait le cyber-harcèlement et lexpression de la haine en ligne.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre amendement concerne davantage les réseaux sociaux, notamment quand vous évoquez la haine en ligne, que les services de partage de contenus, autrement dit les SMAD. Par ailleurs, je m’interroge sur le caractère opérationnel d’un dispositif qui ne s’appliquerait qu’à des opérateurs relevant de la compétence de la France, conformément aux critères européens. Demande de retrait.

M. Michel Larive. La directive européenne nous offre tout de même une certaine latitude, car elle nous autorise à légiférer. Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, il y a un partage d’informations issues des médias, de documentaires ou d’autres données, comme sur un média classique : je ne vois pas la différence. Le type d’informations fournies est exactement le même, quel que soit le support.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre exposé des motifs fait explicitement référence aux réseaux sociaux, alors que votre amendement porte sur un chapitre consacré aux plateformes de partage de vidéos. De ce fait, il ne peut atteindre son objectif. Je maintiens donc mon avis défavorable.

M. Michel Larive. Peut-être y a-t-il un problème sémantique mais, sur les réseaux sociaux, on partage des vidéos : c’est un tout, les mêmes données sont partagées sur divers supports.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement de coordination AC1103 de la rapporteure générale.

Enfin, elle adopte larticle 52 modifié.

M. le président Bruno Studer. Je souhaite la bienvenue à M. le ministre de la Culture.

Nous allons à présent examiner les amendements, précédemment réservés, à l’article 22, après l’article 22 et à l’article 23.

titre II
adaptation DE LA RÉGULATION DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Chapitre Ier
Dispositions visant à fusionner le CSA et la HADOPI au sein de lAutorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à renforcer la lutte contre la contrefaçon sur internet

Section 1
Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle

Article 22 (précédemment réservé)
Définition des missions de lARCOM dans la lutte contre le piratage

La commission est saisie de lamendement AC1293 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Amendement de coordination juridique.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient aux amendements identiques AC28 de Mme Valérie BazinMalgras et AC41 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Nous proposons de préciser que l’ARCOM doit rester une autorité administrative indépendante.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement est satisfait par la mention des autorités fusionnées au sein de l’ARCOM dans la liste des autorités administratives indépendantes annexées à la loi du 20 janvier 2017. Demande de retrait, ou avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine lamendement AC1294 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. L’amendement vise, outre les reprises rédactionnelles, à rehausser la mission de protection des œuvres et objets protégés par des droits au sein des missions générales confiées à l’ARCOM. Comme le montrent les instruments mentionnés au présent article, le futur régulateur aura vocation à engager des moyens substantiels dans la lutte contre le piratage et en faveur de son adaptation aux évolutions de ce phénomène – téléchargement en pair à pair, streaming, téléchargement direct. Dans ces conditions, il convient d’établir que la première mission de l’ARCOM sera de protéger les œuvres des atteintes aux droits commis sur les réseaux de communications électroniques.

Par ailleurs, cet amendement confie à l’ARCOM une mission qui m’est chère : la sensibilisation des publics scolaires à l’intérêt de la protection de la propriété intellectuelle et des créateurs en ligne.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement AC681 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de celui qui vient d’être présenté. Le projet de loi réécrit certaines dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Pour ma part, je souhaite insérer, au deuxième alinéa de son article 1er, après les mots : « de la liberté et de la propriété », les mots : « notamment intellectuelle », afin d’insister sur le cœur de mission de la nouvelle autorité de régulation : la défense de la propriété intellectuelle.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je partage votre ambition : l’ARCOM doit assurer au plus haut degré la protection de la propriété intellectuelle. Toutefois, compte tenu de sa rédaction, votre amendement ne permet pas d’atteindre cet objectif, puisqu’il vise à insérer, à l’alinéa 11, des considérations qui ne sont pas, à proprement parler, des missions. Je vous demande donc de le retirer et, éventuellement, de le retravailler pour la séance.

Mme Constance Le Grip. Nous souhaitons compléter dune phrase lalinéa 11 de larticle 22, qui évoque une « mission de protection », comme lalinéa 12 évoque une « mission de régulation », sans évoquer les missions définies par les autres alinéas. Jentends vos remarques sur déventuelles maladresses rédactionnelles et je retire mon amendement, mais je reviendrai à la charge en séance.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC564 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. La présente initiative s’inscrit dans une série d’amendements que le groupe MODEM a déposés sur cet article, qui concernent l’impact environnemental de l’utilisation des réseaux de communications électroniques. Ils ont pour objet de renforcer l’action publique en ce domaine. L’amendement AC564 vise à confier à l’ARCOM une mission de régulation et de veille en matière de préservation de l’environnement dans les secteurs de l’audiovisuel et des télécommunications. La question est très mal documentée et ne fait l’objet d’aucune régulation. L’empreinte carbone de ces activités notamment est totalement sous-estimée : regarder une vidéo en haute définition pendant une minute sur un smartphone équivaut, en termes de rejet de gaz à effet de serre, à utiliser un four à micro‑ondes de 1 000 watts pendant la même durée ! Or la consultation de la vidéo augmente de 80 % par an… La façon dont on régulera l’audiovisuel et les plateformes numériques conditionnera le volume de rejet de CO2 : les deux aspects sont assez corrélés.

Mme Sophie Mette, rapporteure. L’intention est parfaitement louable : les acteurs de l’audiovisuel, publics et privés, doivent prendre toute leur part dans la lutte contre le dérèglement climatique. Je ne suis toutefois pas convaincue que donner une mission à l’ARCOM en la matière soit la meilleure façon de procéder, d’autant plus que cette mission différerait significativement de celles qui lui sont assignées – à savoir, avant tout, favoriser la protection de la propriété intellectuelle. D’ici à la séance, nous pouvons travailler ensemble pour améliorer le texte dans le sens d’une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux. Je vous demande donc de retirer cet amendement, comme tous ceux que vous avez déposés sur le même sujet.

M. Bruno Fuchs. La question est de savoir si l’on inclut dans le champ de compétence de l’ARCOM l’impact de l’audiovisuel sur le climat, notamment le rejet des gaz à effet de serre, et si on lui donne, quelle que soit la rédaction choisie, un mandat en ce domaine. La commission doit se prononcer sur le principe. Nous pourrons ensuite écrire les choses comme on le veut.

Mme Constance Le Grip. La rédaction proposée par Bruno Fuchs n’est peut-être pas parfaite, mais la pollution numérique est un sujet suffisamment sérieux et préoccupant pour qu’on envisage de confier à l’ARCOM un rôle de veille, de surveillance et éventuellement de régulation sur cette question. C’est d’autant plus justifié qu’un enjeu pédagogique considérable est associé à la lutte contre les excès de la pollution numérique.

Mme Frédérique Dumas. Le mot « mission » est peut-être mal choisi, puisque les missions de l’ARCOM, qu’il s’agisse de la régulation du secteur audiovisuel ou de la protection de la propriété intellectuelle, découlent directement des attributions qui lui ont été confiées. Cela étant, le sujet qu’évoque Bruno Fuchs est essentiel. Peut-être pourrions-nous envisager d’appliquer aux femmes et au domaine environnemental les dispositions introduites dans le texte, à l’initiative de Raphaël Gérard, relatives à la diversité. Il s’agirait d’accorder à l’ARCOM les outils lui permettant d’évaluer cette question, parmi d’autres.

Mme Michèle Victory. Je soutiens également l’idée de Bruno Fuchs. On se pose peu de questions sur l’impact de ce secteur très technologique sur l’environnement : on est un peu engagé dans une fuite en avant, comme si les jeux étaient faits et que tout cela était normal. Il serait bon d’y réfléchir. L’ARCOM, qui est précisément au cœur de la révolution technologique, devrait avoir une « mission » – le mot me paraît tout à fait juste – en ce domaine. On en a parlé ce matin, en disant qu’on y reviendrait. Le temps est venu d’inclure ce sujet dans notre réflexion.

Mme Marie-George Buffet. Je soutiens également cet amendement, car je pense que l’ARCOM doit remplir certaines missions, mais aussi jouer un rôle d’évaluation et d’alerte sur différents sujets, parmi lesquels la préservation de l’environnement et le développement durable, tant dans l’usage des technologies qu’en matière éducative.

M. Michel Larive. Vous voulez conférer à l’ARCOM des pouvoirs judiciaires, mais non lui donner des missions pourtant importantes. Je croyais pourtant que l’environnement était un thème transversal dans votre projet. C’est bien d’une mission qu’il s’agit, et elle revêt une importance considérable. Ce n’est pas la première fois que Bruno Fuchs essaie de promouvoir cette question ; ses propositions sont à chaque fois rejetées. Il va bien falloir, à un moment donné, inscrire cette mission dans le texte, tant elle est en passe de prendre une dimension pratiquement régalienne.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord sur l’importance du sujet environnemental, mais cela suppose une réécriture globale. Nous pouvons y travailler ensemble, car nous nous y retrouverons tous.

M. Franck Riester, ministre de la culture. C’est un sujet essentiel. Bruno Fuchs a raison de le soulever et de chercher à l’intégrer dans le texte, d’une manière ou d’une autre. Toutefois, plusieurs raisons me conduisent à demander le retrait de l’amendement et sa réécriture. D’abord, son amendement vise à modifier le code de la propriété intellectuelle ; or les missions de l’ARCOM ne sont pas définies par le CPI, mais par la loi de 1986. Autrement dit, il n’est pas au bon endroit. Ensuite, le rôle de cette autorité ne peut être de réguler la préservation de l’environnement.

M. Michel Larive. Bien sûr que si !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Non, l’ARCOM régule la communication audiovisuelle et numérique – au service, éventuellement, de la préservation de l’environnement. Le mot « veille » ne pose pas de problème, mais la « régulation » de l’environnement, c’est autre chose : cela relève d’autres autorités, telles que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Par ailleurs, la régulation de la télécommunication relève de l’ARCEP, et non de l’ARCOM ; le mot « télécommunication » est donc de trop.

Pour toutes ces raisons, il convient, à mon sens, de réécrire cet amendement afin de conférer à l’ARCOM la mission de veille ou de prise en compte de la préservation de l’environnement et du développement durable dans le secteur de l’audiovisuel, sans empiéter sur les missions de l’ARCEP, et en faisant en sorte de viser le bon code.

Mme Marie-Ange Magne. Nous sommes tous soucieux de limiter l’impact environnemental des réseaux de communication électronique. Je ne sais pas si cela doit être une « mission » de l’ARCOM, mais nous avons à cœur de souligner l’importance de ce sujet de société et de l’inscrire dans la loi.

M. Bruno Fuchs. J’ai retiré tous mes amendements relatifs à la question environnementale parce qu’ils visaient des activités précises de l’ARCOM. Mais nous examinons à présent un article qui définit les missions de l’ARCOM, qui pose les grands principes : nous sommes donc au cœur du sujet. Il est temps de déterminer si nous voulons ou non que celle-ci prenne en charge la question environnementale.

En matière de régulation, il y a tout de même des choix à faire au sujet des réseaux et des plateformes quand on sait que 1 % des gaz à effet de serre mondiaux sont produits par le visionnage de vidéos sur des smartphones. Les choix que l’ARCOM fera en matière de régulation conditionneront nécessairement notre stratégie bas carbone. Je souhaite donc maintenir mon amendement, quitte à le modifier d’ici à la séance.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC792 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Le piratage a des conséquences souvent méconnues – y compris des pirates eux-mêmes – sur la chaîne de valeur, dans le domaine de la création comme dans le domaine du sport.

Cet amendement vise à confier à l’ARCOM une mission de prévention et d’information sur les conséquences du piratage, notamment vis-à-vis des enfants et des jeunes. Nombre de jeunes sportifs regardent des compétitions en live streaming sur des sites pirates sans savoir que cela entraîne un manque à gagner de plusieurs centaines de millions par an pour les titulaires des droits. C’est autant d’argent qui n’est pas redistribué aux clubs sportifs par le biais de la taxe Buffet, dont le but est précisément de créer une solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je partage entièrement votre objectif et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement AC1294, qui mentionne les « publics scolaires ». Cette formulation me paraît plus précise que celle que vous proposez, notamment par rapport aux actions actuellement menées par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Votre amendement me paraissant satisfait, je vous invite à le retirer.

Mme Florence Provendier. Je trouve intéressante la mention des « publics scolaires » mais elle est distincte de la mienne, et moins complète.

Mme Frédérique Dumas. On ne peut qu’approuver l’objectif de cet amendement mais je crois que la HADOPI fait déjà ce travail en direction des publics scolaires.

Mme Florence Provendier. Si j’ai déposé cet amendement, c’est précisément parce que, sauf erreur de ma part, les campagnes de prévention sur le sujet ne sont pas très nombreuses.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je ne vois pas d’inconvénient à l’adoption de cet amendement, qui précise utilement les choses.

M. Jean-Jacques Gaultier. Dans l’avis qu’elle a rendu sur le présent projet de loi, la HADOPI indique qu’il serait « souhaitable que soient consacrées par la loi les actions de sensibilisation menées auprès des publics scolaires pour promouvoir un usage responsable d’internet dans l’accès aux œuvres culturelles ». Elle appelle donc de ses vœux la disposition proposée par notre collègue.

Mme Géraldine Bannier. Je suis très favorable aux mesures éducatives visant à expliquer aux enfants ce qu’est le piratage. Nous avons vraiment besoin de pédagogie en la matière.

Mme Maud Petit. Nous avons voté il y a quelques semaines une très belle proposition de résolution de notre collègue Florence Provendier relative à la prise en compte des droits de l’enfant dans les travaux de l’Assemblée nationale. Il paraît donc logique d’adopter son amendement et je le voterai.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il y a un risque de redite, mais je ne suis pas opposée à l’adoption de cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC913 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à insérer, après l’alinéa 12, l’alinéa suivant : « 4° Une mission de protection des libertés individuelles dans le respect de l’État de droit. »

L’article 66 de la Constitution dispose que « lautorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Puisque la future ARCOM sera investie de pouvoirs quasi judiciaires, il importe de rappeler, dans cet article 22, les principes constitutionnels qui garantissent le respect absolu de l’État de droit.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il serait de mauvais augure de confier la protection des libertés individuelles dans un État de droit à une autorité administrative, fût‑elle indépendante. Je préfère que cette mission reste la prérogative des juges, comme le veut la Constitution. Enfin, votre amendement ferait encore croître le nombre de missions confiées à l’ARCOM. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1296 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC225 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Cet amendement propose d’insérer à l’alinéa 13, après le mot « atteintes », les mots «, y compris financières, ». Il vise à protéger le droit d’auteur contre toutes les pressions – voire le chantage – qui peuvent s’exercer pour obtenir une baisse de la rémunération des auteurs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement est satisfait. Les atteintes que doivent prévenir les accords volontaires signés entre les personnes qui y ont intérêt sont principalement financières : il s’agit de faire en sorte que les contenus consommés de manière gratuite et illicite soient bannis de l’espace numérique accessible en France. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Jean-Jacques Gaultier. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant : je maintiens donc mon amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Cette précision n’est pas inutile. Sagesse.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC541 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement vise à favoriser la collaboration entre la future ARCOM et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, afin que la nouvelle autorité bénéficie de toute l’expertise de la CNIL en matière de protection des données personnelles.

Cet amendement fait écho à ceux que nos collègues Bruno Fuchs et Géraldine Bannier ont déposés sur l’article 40 et après l’article 49 et qui n’ont pas connu un sort très heureux. L’idée, là encore, est de favoriser la coopération entre les différentes autorités indépendantes. La protection des données et des libertés individuelles étant un sujet sensible, il ne semble pas inutile de favoriser le rapprochement entre l’ARCOM et la CNIL.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je partage votre objectif d’encourager le travail en commun des autorités administratives indépendantes : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’avis de la CNIL a été sollicité sur le présent projet de loi. Cela dit, cet article n’a pas vocation à définir les modalités de travail en commun de la CNIL avec la future ARCOM. Je serais plutôt d’avis de laisser ces autorités travailler en bonne intelligence, ce qu’elles font déjà : ce sera à elles de déterminer les modalités de ce travail en commun. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC563 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Vous m’avez suggéré, monsieur le ministre, de réécrire l’amendement AC564. D’une certaine façon, j’avais anticipé votre souhait en rédigeant l’amendement AC563 qui propose d’insérer, après l’alinéa 13, l’alinéa suivant : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille au respect de l’environnement et à la contribution au développement durable des acteurs du secteur de l’audiovisuel et du numérique. »

À l’appui de cette rédaction, je citerai le titre d’un communiqué commun du CSA et de la HADOPI : « Les autorités publiques et administratives indépendantes développent leur collaboration vis-à-vis des défis posés par le réchauffement climatique ». Il faut donner à la nouvelle autorité, qui naîtra de la fusion du CSA et de la HADOPI, le pouvoir d’agir dans ce domaine.

Mme Sophie Mette, rapporteure. J’ai le même avis que sur votre amendement AC564 : défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous êtes très fort, monsieur Fuchs, mais votre amendement, même « réécrit », ne me satisfait pas car il vise, comme le précédent, à modifier le code de la propriété intellectuelle, et non la loi de 1986. Cela étant, il est bien meilleur dans la mesure où l’alinéa que vous souhaitez insérer ne fait plus référence au secteur de la télécommunication – même s’il en est toujours question dans l’exposé sommaire. Je vous invite à le retirer.

M. Bruno Fuchs. Je le retire, mais j’en proposerai un troisième qui devrait emporter l’adhésion de tout le monde…

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC712 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Ce projet de loi va créer France Médias, qui regroupera l’ensemble des médias publics, c’est-à-dire l’ensemble des outils qui nous permettent de développer des missions de service public, d’information, de culture et d’éducation dans notre pays. Pour s’assurer que France Médias exercera réellement une mission de service public, il faut veiller à sa gouvernance – nous y reviendrons –, mais aussi à son financement, précisément à la part respective du financement public et du financement privé, lié aux publicités. Cet amendement vise à garantir que l’argent privé ne viendra pas progressivement grignoter la part du financement public, au détriment de l’indépendance de France Médias.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Le CSA donnait jusqu’à présent – comme l’ARCOM le fera demain – un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens (COM) signés entre les différentes entités de l’audiovisuel public et l’État. Ces COM deviendront, avec ce projet de loi, les conventions stratégiques pluriannuelles. Elles contiendront notamment, à l’instar du COM 2016-2020 de France Télévisions, une prévision de trajectoire de recettes, y compris de recettes publicitaires. En donnant à l’ARCOM le pouvoir de contrôler le strict respect du plafond de recettes publicitaires dans l’audiovisuel public, nous risquons de compliquer sa gestion et de limiter sa capacité à concurrencer les acteurs privés. Nous souhaitons tous le succès de l’audiovisuel public : avis défavorable.

M. Michel Larive. L’objectif de la trajectoire dont vous parlez est d’économiser 10 % du budget de France Télévisions – 60 millions sur un budget global de 600 millions. La variable d’ajustement de ce budget, c’est évidemment la masse salariale, puisque vous prévoyez la suppression de 299 postes en contrats à durée indéterminée (CDI). Les voilà, les conséquences de cette fameuse trajectoire ! Cette politique a entraîné la plus longue grève que Radio France ait jamais connue. Entamée le 25 novembre 2019, elle n’a été suspendue que le 3 février, après l’annonce de l’ouverture de négociations pour éviter ce plan de départs. Les organisations syndicales se préparent déjà à la reprise de la grève.

Je voterai évidemment cet amendement, car il importe de garantir la pérennité de ce service public. Si la part du financement privé en vient à dépasser celle du financement public – et ce jour viendra –, on ne pourra plus parler de service public de l’audiovisuel.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure, vous venez de nous dire que, de même que le CSA donne aujourd’hui un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens, l’ARCOM donnera un avis sur les conventions stratégiques pluriannuelles. Or il ne me semble pas que ce soit ce que prévoit le texte. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Mme Sylvie Tolmont. Nous voterons évidemment cet amendement, car nous partageons la crainte qu’exprime Mme Marie-George Buffet. Ce projet de loi intervient dans un contexte de baisse du financement public et d’incertitude, tant sur la situation financière au-delà de la trajectoire 2018-2022 que sur l’avenir de la contribution à l’audiovisuel public. Nous sommes nous aussi extrêmement attachés à ce que le financement public continue de prédominer sur le financement privé.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je peux comprendre vos inquiétudes, madame Buffet, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Nous pourrons en reparler plus tard.

Mme Marie-George Buffet. Madame la rapporteure, si vous partagez ma préoccupation, dites-moi sur quel article je peux déposer un amendement similaire à celui-ci.

M. le président Bruno Studer. Il s’agit de l’article 59, madame Buffet.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure, vous n’avez pas répondu à ma question : souhaitez-vous, comme moi, que l’ARCOM donne son avis sur les conventions pluriannuelles stratégiques ?

Mme Sophie Mette, rapporteure. Mme Béatrice Piron pourra vous répondre mieux que moi sur ce sujet.

Mme Frédérique Dumas. Mais vous-même, souhaitez-vous que l’ARCOM donne son avis ?

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette également lamendement AC713 de Mme Marie-George Buffet.

Elle examine lamendement AC917 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 sur la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier. Cette décision consacre l’émergence de « l’administration-juge », à condition que certaines mesures soient garanties, qui protègent le principe de séparation des pouvoirs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre précision me semble inutile, dès lors que les autorités administratives comme l’ARCOM mettent effectivement en œuvre des mesures de sanction. Par ailleurs, il me semble non seulement inutile mais potentiellement néfaste pour la clarté de la loi d’ajouter que doivent être préservées les libertés constitutionnellement garanties. La hiérarchie des normes permet déjà d’y veiller. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte successivement lamendement de coordination AC1297, lamendement rédactionnel AC1298, lamendement de cohérence AC1299 et lamendement AC1300 de rectification dune erreur matérielle, tous de la rapporteure.

Ensuite de quoi, la commission se saisit de lamendement AC604 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Nous sommes opposés au transfert à l’ARCOM, autorité extrajudiciaire, de certaines prérogatives accordées, à tort, à la HADOPI, laquelle a accès à des données sensibles dans des cas de simples contraventions alors que la Cour de Justice de l’Union européenne justifie la conservation ciblée des données uniquement « à des fins de lutte contre la criminalité grave ».

Le Conseil constitutionnel a reconnu par le passé qu’une administration seule, hors d’un cadre procédural adapté, ne peut pas accéder à de telles données. Dans ce contexte, quel meilleur cadre que celui de l’autorité judiciaire ? Nous réitérons donc notre proposition d’expérimenter des chambres spécialisées dans des tribunaux judiciaires. Cela nous apparaît comme la solution la plus pertinente, car elle garantit les libertés publiques et préserve la vie privée.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement aurait pour effet de priver les agents assermentés de l’ARCOM des moyens dont disposent ceux de la HADOPI pour lutter contre la contrefaçon en ligne. Les pouvoirs qu’ils tiennent de l’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle ont un but précis : mettre fin à la reproduction, à la représentation, à la mise à disposition ou à la communication au public d’œuvres ou d’objets protégés sans l’autorisation des titulaires des droits. Leur action est donc proportionnée et se fait uniquement pour les nécessités de la procédure.

Plutôt que de supprimer l’ensemble du dispositif comme vous le proposez, ce qui aurait pour effet de réduire de façon drastique la possibilité pour l’ARCOM de lutter contre la contrefaçon en ligne, il faut s’assurer que ces actions respectent les données personnelles au sens du RGPD et de la loi « Informatique et Libertés » de 1978. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. Alexis Corbière. Vous me répondez en exposant les missions que vous voulez confier à l’ARCOM, mais l’objet de mon amendement est précisément de vous signifier que nous ne souhaitons pas que l’ARCOM ait des prérogatives qui relèvent de l’autorité judiciaire. Nous ne souhaitons pas qu’une administration qui a des pouvoirs de sanction ait accès à des données aussi sensibles. Est-il pertinent de confier des responsabilités d’ordre judiciaire à une administration ? Du point de vue de la protection des libertés publiques, c’est une vraie question et ce n’est pas en définissant les futures missions de l’ARCOM que vous y répondez.

La commission rejette lamendement.

La commission adopte lamendement AC1301 de précision rédactionnelle de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC962 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’alinéa 24 s’inscrit dans la lignée de la loi du 17 août 2015 sur l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, qui étend le champ d’application des enquêtes sous pseudonyme, et de l’arrêté du 21 octobre 2015 relatif à l’habilitation au sein de services spécialisés d’officiers ou agents de police judiciaire pouvant procéder aux enquêtes sous pseudonyme.

Il convient toutefois de rappeler le principe de loyauté de la preuve, tel que l’a rappelé l’arrêt de principe du 11 juillet 2017 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, laquelle a jugé qu’en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article préliminaire du code de procédure pénale, « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ».

Cet amendement vise à rappeler la nécessité de respecter ce principe, lui-même fondé sur le droit à un procès équitable, et vient renforcer l’alinéa 28 du présent article.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Le principe de loyauté de la preuve ne figure pas dans la loi. L’article 427 du code de procédure pénale dispose d’ailleurs que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. »

La jurisprudence a toutefois établi le champ d’application et les limites au principe de loyauté de la preuve, qui annule les enquêtes fondées sur des actes qui ont incité des personnes à commettre des infractions et annihile dans ce cas les preuves recueillies sur ce fondement. Cette jurisprudence solide est ici renforcée à l’alinéa 28 par le fait que, « à peine de nullité, ces actes ne peuvent avoir pour effet d’inciter autrui à commettre une infraction ».

Votre amendement me paraît donc satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC861 de M. Jean-Philippe Ardouin.

M. Jean-Philippe Ardouin. Cet amendement vise à supprimer la possibilité d’acquérir des éléments de preuve aux fins de caractérisation de l’infraction. Si cette technique dite du « coup d’achat » est déjà présente dans le code de procédure pénale pour des infractions relevant du régime dérogatoire de la criminalité organisée ou du trafic de stupéfiants, l’ouverture de cette possibilité à des agents d’une autorité administrative pour des infractions d’atteinte aux biens paraît fortement disproportionnée.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement supprimerait la possibilité pour les agents de l’ARCOM d’acheter des contenus contrefaits. Il leur est pourtant très utile d’en passer par là pour s’adapter à l’évolution technologique très rapide des actes de piratage : c’est parfois la seule manière de pouvoir caractériser un délit de contrefaçon, très difficile à appréhender en ligne.

Par ailleurs, l’article 706-32 du code de procédure pénale autorise des pratiques comparables dans la lutte contre les trafics de stupéfiants. Là encore, ces actes ne doivent pas être de nature à inciter autrui à commettre une infraction. Avis défavorable.

Mme Marie-George Buffet. On parle ici de la technique dite du « coup d’achat », prévue dans le code de procédure pénale pour des infractions relevant du régime dérogatoire de la criminalité organisée ou du trafic de stupéfiants. Et vous voulez confier ce pouvoir à une autorité administrative ! Peut-on vraiment aller jusque-là ? Je n’ai pas d’a priori sur le sujet mais, pour moi, c’est une vraie question…

M. Michel Larive. Madame la rapporteure, vous répondez à chacune de nos propositions en disant que nous allons entraver les missions de l’ARCOM, mais je vous rappelle que nous sommes précisément réunis pour définir les missions de l’ARCOM !

Mme Maina Sage. Compte tenu de la gravité des infractions commises aujourd’hui, il faut que les agents assermentés de l’ARCOM aient tous les moyens de réunir des preuves et de caractériser les faits. Je suis favorable à ce qu’ils puissent aller aussi loin : les contrevenants, eux, ne se posent pas de questions. Il faut que notre administration, les autorités indépendantes et tous les services de l’État qui luttent contre ces pratiques soient correctement armés.

M. Michel Larive. L’ARCOM pourrait tout simplement saisir la justice !

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit de constater des flagrants délits : la situation n’est donc pas comparable au dispositif introduit dans la loi contre les contenus haineux sur internet, où des pouvoirs excessifs ont été donnés à ceux qui ne sont pas capables de qualifier les faits. Nous sommes dans le cas présent sur des infractions constatées ; et plus on les constate vite, mieux c’est.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il s’agit seulement de donner la possibilité à l’ARCOM de récupérer des contenus piratés payants, et pas seulement les contenus piratés gratuits : pour ce faire, il faut qu’elle puisse, soit payer l’accès au site, par un abonnement, soit acheter directement le contenu illégal : cela ne va pas plus loin. C’est exactement ce que fait l’Autorité de régulation des jeux en ligne dans son domaine. Il faut que ce qui est possible pour les contenus gratuits le soit aussi pour les contenus payants.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC864 de M. Jean-Philippe Ardouin.

M. Jean-Philippe Ardouin. Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 28, qui empêche les agents de l’ARCOM d’inciter à la commission d’infractions. Nous proposons de substituer au terme « inciter » le terme « provoquer », déjà utilisé par la jurisprudence de la Cour de cassation et par la doctrine en la matière.

C’est aussi l’occasion d’inscrire dans la loi la soumission des agents au principe de loyauté des preuves, tel qu’il a été encadré par la jurisprudence en matière de provocation à l’infraction.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai présentées à Mme Agnès Thill, je vous invite à retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC1302 de la rapporteure générale et AC1127 de Mme Constance Le Grip.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Mon amendement vise à transférer à la future ARCOM les missions qui sont aujourd’hui dévolues à la HADOPI, s’agissant du constat de contrefaçons en ligne ou de faits de négligence caractérisée. Il faut veiller à ce que la fusion du CSA et de la HADOPI ne fasse pas disparaître les missions aujourd’hui assumées par cette dernière.

Mme Constance Le Grip. L’amendement AC1127 propose d’introduire, pour renforcer la lutte contre le piratage, le dispositif de la transaction pénale.

La procédure de réponse graduée, à vocation pédagogique et dissuasive, mise en œuvre par la HADOPI, a porté ses fruits et certainement contribué à une prise de conscience des ravages provoqués par le piratage : la pratique de piratage de pair à pair a diminué de moitié.

La phase judiciaire, censée intervenir lorsque la pédagogie ne produisait pas d’effet, a cependant montré ses limites, puisque le contrevenant n’est condamné à aucune sanction dans plus de 85 % des cas.

Dans la mesure où 3 millions d’internautes continuent d’utiliser les services de pair à pair pour pirater les œuvres protégées, il convient d’adopter un dispositif renforcé : c’est ce que nous proposons de faire avec la transaction pénale, que nombre d’organisations professionnelles appellent de leurs vœux. Le dispositif est simple, puisqu’après deux rappels à la loi, le contrevenant se verra proposer le paiement d’une amende transactionnelle.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous visons le même objectif, madame Le Grip, et je vous présenterai dans un instant mon amendement AC1318, qui vise également à introduire la transaction pénale. Je vous invite donc à retirer votre amendement au profit du mien. Mon amendement AC1302 se borne à préciser que l’ARCOM reprendra les prérogatives de la HADOPI.

Mme Constance Le Grip. Madame la rapporteure générale, il me semblerait important de noter dès maintenant qu’il existe une forte convergence de vue entre plusieurs familles politiques et vous-même sur ce sujet. Même si je suis consciente que la rédaction proposée par le groupe Les Républicains peut être améliorée, je souhaite, à ce stade, maintenir mon amendement, afin que nous puissions avoir un large débat sur le sujet.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La rapporteure générale explique que son amendement vise à transférer des pouvoirs de la HADOPI à l’ARCOM. Ce n’est pas la réalité, puisque ce sont les juges, et non les agents de la HADOPI qui, à l’heure actuelle, ont ces pouvoirs. Cet amendement est nécessaire si l’on introduit la transaction pénale, ce que propose précisément l’amendement de Mme Constance Le Grip.

Dans ce projet de loi, le Gouvernement propose de renforcer la lutte contre le piratage en donnant des pouvoirs importants à l’ARCOM et en se focalisant sur les sites contrefaisants qui font de l’argent sur le dos des créateurs et des sportifs. Il prévoit de lutter contre les sites miroir, de créer une liste noire des sites contrefaisants, il introduit de nouveaux moyens de lutte contre le piratage des contenus sportifs en ligne ainsi que des outils destinés à mieux sensibiliser les intermédiaires de paiement ou de publicité. L’ARCOM pourra ainsi intensifier la lutte contre ce fléau qui touche les entreprises et les artistes, les clubs de sport et les sportifs.

Par ailleurs, en fusionnant la HADOPI et le CSA, le Gouvernement propose de pérenniser les missions jusqu’à présent dévolues à la HADOPI au sein d’une autorité administrative renforcée. En revanche, il n’entend pas modifier l’équilibre de la réponse graduée, qui se veut un outil au service de la prévention et de la pédagogie. Elle peut certes conduire à des sanctions judiciaires, sous l’autorité d’un juge, mais nous ne souhaitons pas aller plus loin dans la sanction des internautes.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

Mme Frédérique Dumas. Le premier amendement nous a été présenté comme reprenant les pouvoirs de la HADOPI : le ministre a rappelé à juste raison que ce n’était pas exact.

Concernant la transaction pénale, j’ai été pendant longtemps un des acteurs de cette régulation. En 2009, personne n’était conscient de ce qu’était la propriété intellectuelle et il n’existait pas d’offre légale : tout le monde trouvait normal de télécharger de la musique dans son iPod nano en pair à pair. Après la musique, l’image a été fortement affectée par ce phénomène. Le président Nicolas Sarkozy a eu le courage politique de créer la réponse graduée, consistant d’abord en une mesure pédagogique – les utilisateurs recevaient plusieurs courriers d’avertissement –, puis en une sanction. La profession avait alors demandé la suspension de l’abonnement : cela s’est totalement retourné contre elle car cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle, avant d’être détournée et finalement abandonnée. La profession ne demande pas toujours ce qu’il faut : c’est elle qui avait réclamé que l’on réduise le nombre de films à la télévision pour, dix ans plus tard, demander l’inverse… Il faut donc faire très attention.

M. Raphaël Gérard. Nous sommes tous très favorables à la défense des droits d’auteur mais, pour savoir de quoi l’on parle, il faut se placer à la hauteur des citoyens : je suis député d’une circonscription extrêmement rurale, qui subit une vraie rupture d’égalité dans l’accès au numérique et donc au contenu. Une disposition de ce type pénaliserait des publics qui rencontrent des difficultés tant économiques que structurelles, les réseaux n’ayant pas un débit suffisant pour leur donner accès à un abonnement payant. Il faut tenir compte de la réalité des citoyens et inviter les acteurs, qui sont dans leur rôle de défenseurs des droits d’auteur, à interroger leur propre modèle. La mise à disposition de plateformes de contenus musicaux a en effet permis de faire chuter de façon spectaculaire les téléchargements illégaux.

Mme Michèle Victory. Ce sujet est vraiment délicat et, au sein de notre groupe, nous n’avons pas encore surmonté nos différences d’appréciation de la HADOPI. À titre personnel, je pense qu’il faut tenir compte de la responsabilité individuelle de chacun : on ne peut pas se contenter de déléguer aux pouvoirs publics et aux sociétés. Mais il est également nécessaire de protéger les libertés individuelles : nous devons encore réfléchir à cette question.

M. Michel Larive. Monsieur le ministre, écoutez bien car je ne le dirai qu’une seule fois : je suis d’accord avec vous !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous étiez déjà d’accord avec Mme Bergé tout à l’heure…

M. Michel Larive. C’est le nouveau monde…

Vous aviez raison car, dans le cadre du dispositif de la réponse graduée, la HADOPI a accès aux données et aux identifiants des internautes à partir de leur adresse IP. Cela devient un outil de surveillance de masse, bien entendu.

Pourtant, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu, dans un arrêt du 21 décembre 2016, que les États membres devaient instaurer une conservation ciblée des données à des fins de lutte contre la criminalité grave. Cela ne s’applique donc pas aux compétences de la HADOPI ou de la future ARCOM, car seule la négligence est reprochée aux internautes.

Le Conseil constitutionnel a reconnu qu’une administration ne pouvait pas accéder seule à de telles données, en-dehors d’une procédure adaptée, qui serait par exemple assurée par l’autorité judiciaire. Le Conseil d’État lui a transmis une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle, qui confie ces pouvoirs à la HADOPI ; cette affaire est toujours en instance.

L’amendement AC1302 n’a donc aucun sens : l’administration serait capable d’émettre une amende et donc de juger, alors qu’elle n’est pas un tribunal.

Mme Marie-Ange Magne. L’esprit du projet de loi est de cibler les sites pirates en renforçant la réponse graduée menée par l’ARCOM et en assurant un blocage efficace des sites pirates et des sites miroirs. Ces dispositifs doivent permettre de gagner en efficacité en matière de lutte contre le piratage. C’est pourquoi il ne nous semble pas nécessaire d’aller jusqu’à instaurer la transaction pénale.

M. Bruno Fuchs. Le principe de ce projet de loi, concernant les citoyens, c’est de réguler par la pédagogie. Les réponses apportées par la HADOPI sont aujourd’hui suffisantes : 3 000 constats ont été établis, 1 045 dossiers transmis au procureur, lequel a donné une suite judiciaire dans 594 cas, soit un peu moins de deux par jour sur l’ensemble de la France. On n’a donc pas à craindre un engorgement des tribunaux.

Il faut absolument cibler les auteurs de ces piratages, à savoir les sites illicites, organisés de façon industrielle avec beaucoup de capitaux pour pirater les œuvres et les droits d’auteur. C’est vers ces groupes industriels que nous devons porter l’essentiel de nos efforts.

Mme Constance Le Grip. Je remercie Mme Dumas d’avoir rendu hommage au président Sarkozy : à l’époque, mettre en place les premières dispositions de lutte contre le piratage et pour la protection de la propriété intellectuelle n’allait pas de soi. Et je sais la part que vous y aviez prise, monsieur le ministre ; je vous rends également hommage pour votre action et votre mobilisation.

L’article 22, qui propose des étapes de renforcement de la lutte contre le piratage, doit être également salué. Nous proposons d’aller encore plus loin avec la transaction pénale. Cette procédure ne doit pas soulever des fantasmes exagérés car elle existe déjà dans le droit français : le Défenseur des droits pratique de la sorte avec le mécanisme de la citation directe. Il s’agit simplement, pour les infractions de pair à pair, de proposer un dispositif permettant de régler ce qui doit encore l’être ; cela concerne tout de même quelque 20 % des infractions de piratage.

Mme Florence Provendier. L’amendement de Mme la rapporteure générale précise que les agents habilités peuvent « constater » les faits susceptibles de constituer des infractions. Pour moi, constater ne signifie pas verbaliser : j’aimerais être éclairée sur ce point.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’argument de la couverture numérique faible qui obligerait à accéder aux œuvres par le pair à pair, me paraît très éloigné de la réalité, cher collègue Raphaël Gérard : je ne suis pas sûr que cela corresponde au profil type du pirate. Par ailleurs, compte tenu de la vitesse à laquelle on déploie les réseaux, ce n’est pas là que devrait se situer l’inquiétude.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. En l’état actuel des choses, les membres de la commission de protection des droits de la HADOPI et les agents assermentés peuvent constater des faits susceptibles de constituer des infractions, lorsqu’elles sont punies de la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne. La fusion de la HADOPI et du CSA conservera ce droit pour le membre de la future ARCOM qui sera chargé de la protection des œuvres.

Quant à la transaction pénale, que je soutiens, il s’agit d’un dispositif distinct. Adopter mon amendement AC1302 ne signifie donc pas voter la transaction pénale ; sinon j’aurais déposé un amendement similaire à celui de Mme Le Grip.

Mme Frédérique Dumas. Je rejoins mon collègue Éric Bothorel : il y a dix ans, on disait que les gens pirataient parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’acheter de la musique. Par ailleurs, on fait comme si le piratage passait aujourd’hui essentiellement par le pair à pair, ce qui n’est pas le cas : il s’agit de téléchargement illégal, de streaming illégal, etc. Le projet de loi propose donc les bonnes solutions en s’attaquant aux sites illicites, puisque c’est cet usage qui se développe aujourd’hui.

Mme Emmanuelle Anthoine. J’aimerais connaître les chiffres : vous nous indiquez que, sur l’exercice 2019, 1 149 dossiers ont été transmis au parquet, et vous devez avoir les chiffres des années précédentes. Mais combien de personnes ont finalement été sanctionnées par un tribunal ?

M. Bruno Fuchs. Notons que ces amendements ne couvrent que 20 % des cas de piratage puisqu’ils ne ciblent que le pair à pair : cela ne résout donc pas le problème du piratage.

Mme Constance Le Grip. Je ne propose pas de réécrire l’article 22 : c’est une mesure en plus !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Pour répondre à Mme Anthoine, plus de 85 % des dossiers transmis ne font l’objet d’aucune condamnation.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La réponse graduée a une vocation pédagogique : nous ne visons en aucun cas une généralisation des sanctions. Lors des débats sur la loi HADOPI, dont j’étais le rapporteur, certains avaient crié au scandale, affirmant que nous allions sanctionner tous les internautes. J’avais répondu que tel n’était pas notre but : nous voulions faire de la pédagogie et changer les comportements. C’est pourquoi la réponse judiciaire n’intervient qu’à l’issue de la réponse graduée.

De plus, pour renforcer l’aspect dissuasif, qui contribue à la pédagogie du dispositif, nous travaillons actuellement avec la garde des sceaux à une circulaire pénale qui insistera sur la nécessité d’appliquer les sanctions prévues par la loi à celles et ceux qui poursuivent leurs pratiques non autorisées au-delà de la réponse graduée.

Enfin, la réponse graduée touche moins de 20 % des pratiques non autorisées – en fait, entre 10 et 15 %. Non seulement ce n’est clairement pas le cœur du texte, mais cela risque de casser un outil pédagogique au détriment des internautes, alors même que l’on veut se focaliser sur ceux qui se font de l’argent sur le dos des artistes et des sportifs.

La commission rejette successivement les amendements AC1302 et AC1127.

Elle adopte successivement lamendement rédactionnel AC1303, lamendement de précision AC1304 et lamendement AC1305 tendant à rectifier une erreur matérielle, de la rapporteure.

Elle en vient à lexamen de lamendement AC1306 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Les services illicites présentent des risques pour leurs utilisateurs : risques en matière de sécurité informatique, tels que des virus, de protection des données personnelles ou bancaires, d’exposition à des contenus inappropriés ou à des escroqueries. Il est important que le public en soit informé pour mieux s’en protéger. Le jeune public doit faire l’objet d’une attention particulière dans la mesure où, plus vulnérable aux risques en ligne, il est au nombre des principaux consommateurs d’œuvres culturelles sur internet mais aussi des principaux utilisateurs de services illicites. Les modules pédagogiques déployés depuis quelques années par la HADOPI auprès d’une dizaine de milliers d’élèves ont rencontré l’intérêt de ces derniers et ont répondu aux fortes attentes de la communauté éducative en matière d’information et de formation sur les sujets ayant trait au numérique. Cette démarche devrait être consacrée par la loi pour assurer sa pérennité et son déploiement par l’ARCOM à une plus grande échelle.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis favorable à cet amendement, qui va totalement dans le sens des missions d’éducation et de pédagogie de la HADOPI et demain de l’ARCOM.

Mme Michèle Victory. Nous sommes d’accord mais cela supposera des moyens supplémentaires pour l’ARCOM, parce que c’est un gros boulot !

La commission adopte lamendement.

Elle adopte lamendement de cohérence AC1307 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC428 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. L’objectif de l’allongement de la période prévue à l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle est un durcissement de la réponse graduée. Je propose de passer ce délai de six à douze mois pour éviter que beaucoup de dossiers ne passent à la trappe. Près de 10 millions de Français téléchargent en toute illégalité, mais cela ne donne lieu qu’à 300 rappels à la loi. Il me paraît important d’aller au-delà de six mois pour faire face aux violations du droit d’auteur et des droits voisins : l’oubli serait ainsi moins rapide.

Mme Sophie Mette, rapporteure. La lutte contre le piratage justifie tout moyen propre à renforcer la réponse apportée aux internautes contrefaisants. La réponse graduée de la HADOPI a toutefois prouvé son efficacité et sa proportionnalité. Ainsi, 63 % des internautes ayant reçu une lettre de la HADOPI ont diminué ou fait cesser entièrement leurs pratiques illicites. Il faut donc se concentrer sur le complément pénal de la réponse apportée au piratage, sans toucher à un outil qui a fait preuve de son efficacité. Avis défavorable.

Mme Brigitte Kuster. J’ai souvenir, lorsque j’étais rapporteure pour avis du budget de la culture, que la première des demandes des professionnels était la guerre contre le piratage. Ils n’en peuvent plus ! C’est ce qui ressort à chaque audition. Je suis donc très étonnée par vos réponses et par votre autosatisfaction : il faut taper au portefeuille et envoyer des signaux forts à ceux qui piratent ! Vous avez beau dire que le piratage est en baisse, c’est quand même une vraie plaie pour la création française et ce n’est pas normal ! Il n’y a pas assez de communication sur le sujet et la réponse n’est pas du tout à la hauteur.

Mme Marie-George Buffet. Les chiffres qui nous sont donnés montrent que la réponse graduée fonctionne : pourquoi rechercher davantage de sanctions alors que cette démarche est efficace ? Je partage donc l’avis de la rapporteure : ne bougeons rien ! Au-delà du discours sur la nécessité de sanctionner, je recherche l’efficacité, et les professionnels aussi !

Mme Frédérique Dumas. Pour rassurer ceux qui s’inquiètent du piratage, je rappelle que la transaction pénale ne touche que le pair à pair. Selon une étude de Médiamétrie, citée dans un excellent article paru dans Les Échos, les offres légales – Netflix et consorts – sont les meilleurs instruments de baisse du piratage. C’est historique ! Plus personne aujourd’hui n’ignore ce qu’est la propriété intellectuelle. Il faut aller dans le sens du projet de loi et de ses dispositions extrêmement dynamiques en la matière.

M. Denis Masséglia. Le piratage de pair à pair est en train de disparaître car de moins en moins de gens l’utilisent, raison pour laquelle on en détecte moins. Parlons plutôt des vrais sujets : IPTV, streaming… Nous sommes en train de passer une heure sur la modification d’un texte qui n’est plus d’actualité ou qui est en fin de vie !

La commission rejette lamendement.

Elle se saisit de lamendement AC1318 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La commission des affaires culturelles a par essence mission de veiller au respect des auteurs et des créateurs. Le projet de loi que nous examinons vise justement à réaffirmer l’attachement de la France au droit des auteurs et à la spécificité de la création française face à des usages qui peuvent mettre en danger non seulement les œuvres, mais également et avant tout leurs auteurs. Le premier de ces usages qui spolient les auteurs est le piratage audiovisuel. Cela représente 1,18 milliard d’euros de pertes pour l’ensemble du secteur, selon l’étude d’impact.

Qui pirate ? J’entends dire que le pair à pair serait résiduel : cela représente tout de même 3,7 millions de personnes qui, chaque mois, l’utilisent comme moyen de piratage. Cela ne me semble pas encore résiduel. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un public défavorisé : 44 % des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées consomment de manière illicite des œuvres, contre 30 % des moins favorisées. Il ne s’agit pas non plus des zones enclavées ou très rurales : 60 % des pirates vivent dans des villes de plus de 100 000 habitants.

Nous agissons donc sur le pair à pair au travers de la réponse graduée. Ce dispositif connaît des limites : après la phase pédagogique, qu’il faut absolument maintenir, il y a la phase judiciaire. Dans cette dernière phase, dans 86,8 % des cas, la transmission des dossiers n’aboutit à aucune sanction pécuniaire, remettant en cause l’effectivité de ce dispositif.

Je vous propose aujourd’hui le dispositif de la transaction pénale, soutenu et demandé par vingt-six organisations professionnelles représentant les auteurs, les salles de cinéma, les producteurs, les réalisateurs, les compositeurs. C’est la seule demande qui soit systématiquement revenue au cours de la centaine d’auditions que nous avons menée : ce n’est pas anodin. L’ARCOM aurait ainsi la possibilité, en cas d’échec de la phase pédagogique, de proposer au contrevenant le paiement d’une amende transactionnelle. Dans l’hypothèse où l’abonné refuserait la proposition de transaction, l’ARCOM aurait la possibilité de le citer directement devant le tribunal de police, garantissant l’effectivité de la sanction proposée.

Il est temps de mettre un terme au fléau du piratage ; le projet de loi va loin mais il doit viser toutes les formes de piratage, et non pas se concentrer sur certaines d’entre elles. Cela relève de la responsabilité de la commission des affaires culturelles. En tant que rapporteure générale de ce texte, je ne pouvais que soutenir cette demande légitime, proportionnée et nécessaire.

Mme Carole Bureau-Bonnard. Avant de venir, pour la première fois, dans cette commission, j’ai interrogé des exploitants de cinéma ainsi que différents professionnels sur le piratage : ils étaient tous en faveur de la transaction pénale. Il est tout à fait logique de pénaliser les plateformes de téléchargement illicite, mais ne renonçons pas à la transaction pénale pour les personnes qui, en toute connaissance de cause, se rendent sur les sites de pair à pair. Nous devons envoyer le message que nous sommes prêts à aller au-delà de la pédagogie.

Mme Bénédicte Pételle. Je suis pour la défense des droits d’auteur mais il y a derrière ce message de transaction pénale une philosophie éducative : plutôt que d’être punitif avec la transaction, ne faut-il pas se montrer créatif et faire changer les comportements en proposant une offre d’abonnement attractive, aussi bien financièrement qu’en termes de contenu ?

M. Éric Poulliat. Il est bien plus efficace en matière de piratage de s’attaquer aux outils qu’aux utilisateurs et d’éduquer aux usages. Je suis toutefois attaché à l’idée qu’un interdit doit être respecté : la dépénalisation de fait, quand aucune sanction n’est appliquée in fine, crée une situation compliquée et décrédibilise l’action publique. La transaction pénale, comme la transaction douanière, me semble être un moyen intéressant : pourquoi ne constituerait-elle pas une réponse acceptable ? Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la circulaire pénale que vous avez évoquée, monsieur le ministre ?

Mme Constance Le Grip. J’apporte mon soutien à l’amendement de notre collègue Aurore Bergé, qui est d’ailleurs identique au mien – j’ai simplement réuni en un seul amendement les dispositions qu’elle nous propose dans deux amendements. Toutes les dispositions proposées par le Gouvernement dans l’article 22 sont absolument essentielles. Nous proposons, pour les 15 à 20 % de situations de piratage résiduel, de rendre effective une éventuelle sanction, qui prendrait la forme d’une amende.

Concernant la circulaire, elle ne serait pas la première car il y en a déjà eu une en 2010, qui n’a produit aucun résultat tangible. Beaucoup de déplacements ont été effectués dans les parquets pour les sensibiliser à la procédure de la réponse graduée : cela n’a pas porté ses fruits. Il est temps d’inscrire cette disposition dans la loi.

Mme Frédérique Dumas. Je veux tout d’abord dire à Mme la rapporteure générale qu’elle n’a pas le monopole de la défense des auteurs et des producteurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je n’ai jamais dit cela !

Mme Frédérique Dumas. Si ! Il a été dit que le rôle de cette commission était de défendre les producteurs, les auteurs et tous les créateurs : c’est ce que je fais depuis trente ans, en tant que présidente d’un syndicat professionnel et cela a eu des conséquences sur ma propre entreprise !

Face à la baisse historique du piratage, vous proposez une réponse anachronique. J’ai fait partie de ceux qui la défendaient il y a dix ans ; mais cela représente désormais 13 % de l’ensemble du piratage. Je comprends que vous soyez obnubilés par cela mais les chiffres baissent et vous n’apportez pas de réponse. En revanche, la circulaire pénale est une bonne chose parce qu’il faut redonner de la lisibilité à la lutte contre le piratage.

Mme Maina Sage. J’entends les arguments en faveur d’une réponse graduée au détriment de la transaction pénale. Toutefois, si les chiffres du piratage sont en baisse, ce n’est pas la conséquence de la réponse graduée. Il serait peut-être nécessaire d’en passer par une phase pilote, ou par la remise d’un rapport sur la mise en place éventuelle de la transaction pénale. J’essaye de trouver une solution médiane. Je comprends que l’on se montre extrêmement prudent avant de doter notre arsenal de cet outil, qui peut être à double tranchant.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Le dispositif renforcé d’une façon importante dans la lutte contre les sites pirates permettra aussi de lutter contre le téléchargement de pair à pair : nous ne mettons pas cela de côté. Avec les outils que nous allons donner à l’ARCOM, nous lutterons mieux contre ce type de téléchargements.

Autre point très important concernant la citation directe : cela pose un problème constitutionnel. Apprécier l’opportunité des poursuites ne saurait être délégué à une autorité administrative indépendante : cela relève du libre exercice de l’action publique par le procureur. Le Défenseur des droits a certes cette possibilité, mais il dispose d’une assise constitutionnelle et agit dans l’intérêt général, et non pour la défense d’intérêts privés : ce sont deux différences majeures avec ce que vous propose la rapporteure générale concernant les pouvoirs donnés à l’ARCOM.

M. Michel Larive. Monsieur le ministre, vous m’avez pris beaucoup de mes arguments – et même les principaux !

Cette fois-ci, madame la rapporteure générale, il s’agit bien de transaction pénale, et nous y sommes absolument opposés. Les amendements défendus un peu plus tôt, le lien avec l’éducation nationale, l’éducation au discernement : tout cela est très intéressant. En revanche, le dispositif proposé pose un problème de constitutionnalité car une administration ne peut pas juger : la sanction émane d’un tribunal et non d’une administration. Cet amendement n’a donc pas lieu d’être.

Mme Céline Calvez. Le piratage, quel qu’il soit, on doit le combattre : ce n’est pas parce qu’un type de piratage diminue que l’on devrait l’oublier. Or la réponse graduée permet d’y répondre. Aujourd’hui, madame la rapporteure générale, vous nous proposez un dispositif qui permettrait de pallier le manque d’effectivité de la réponse graduée. Toutefois, la transaction n’est prenable que si nous avons peur d’être sanctionnés ; or votre dispositif ne tient pas sans la citation directe. Vous rajoutez donc un degré à la réponse graduée qui n’est pas efficient.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que nous faisons partie de la commission des affaires culturelles que nous sommes les seuls à défendre les auteurs. En tant que commissaires des affaires culturelles, nous devons défendre les citoyens, pas seulement les professionnels ! Nous ne faisons pas du corporatisme.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ayant eu l’occasion de travailler avec Mme la rapporteure générale depuis le début de ce texte, je peux témoigner qu’elle n’a pas décidé d’imposer la transaction pénale avant même d’écouter les uns et les autres. Elle s’est forgé cette conviction au fur et à mesure des auditions. En tant que membre de la commission des affaires économiques, je n’ignore pas non plus que les positions d’aujourd’hui peuvent évoluer demain. Ainsi, j’étais de ceux qui pensaient qu’avec la 5G, on piraterait l’art vivant ! Je ne balaie donc pas d’un revers de la main ce que propose la rapporteure générale, au motif que ce serait contraire à un certain nombre de choses : cela s’étudie, même si les arguments défendus ici ou là s’entendent aussi.

M. Denis Masséglia. La réponse graduée représente environ 5 millions d’euros sur les 9,2 millions de budget de la HADOPI, dédiés à l’envoi de courriers visant à stopper le piratage. Quand on tape « HADOPI » sur un site de recherche américain bien connu, quels sont les liens qui apparaissent en premier ? En troisième position, on retrouve un article publié dans Le Monde intitulé « Beaucoup d’avertissements, mais peu de condamnations ». En dixième proposition, une page explique comment contourner HADOPI avec une sélection de Virtual Private Network (VPN) pour « télécharger sans risques » La réponse graduée n’est donc pas la bonne solution pour stopper le piratage. Il faut davantage développer la pédagogie en direction des jeunes : plutôt qu’une transaction pénale, proposons un chèque numérique afin de former nos concitoyens aux alternatives et, ainsi, faire baisser le piratage.

Mme Béatrice Piron. Pourquoi opposez-vous réponse graduée et transaction pénale ? Il s’agit de deux mesures complémentaires, tout aussi importantes que la pédagogie. L’article 22 vise à réorienter la lutte en direction des sites internet de streaming et des autres moyens techniques de piratage. C’est une bonne chose, mais si les pirates se rendent compte que le nouveau dispositif ne prévoit aucune sanction, leur proportion risque de croître de façon exponentielle !

M. Bruno Fuchs. Deux remarques : la réponse graduée, c’est d’abord de la pédagogie, mais également une sanction si besoin. S’agissant des organisations professionnelles, elles sont dans leur rôle. Ainsi, encore hier, les organisations syndicales défendaient leurs droits, comme des organisations le font sur tous les grands sujets de société. En l’espèce, il ne s’agit pas d’intégrer leurs demandes sans réfléchir, mais de les considérer dans leur globalité, comme l’a souligné Céline Calvez, en nous focalisant sur les « industriels du piratage », afin de le réduire de façon drastique.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement est intéressant ; je le voterai. La prévention est une chose, la répression en est une autre. Il ne faut pas se priver d’un mode alternatif efficace supplémentaire de lutte contre le piratage. Un encadrement est prévu puisque le juge devra homologuer la transaction.

Je comprends moins la réponse de M. le ministre concernant la citation directe : la partie civile peut toujours délivrer citation directe devant un tribunal, même si le parquet ne veut pas poursuivre.

M. Jean-Jacques Gaultier. Effectivement, beaucoup d’acteurs de la culture et de la création nous ont sollicités, tout comme la HADOPI et son président, qui souhaitent améliorer l’effet dissuasif et la portée des avertissements par une sanction. Ce n’est pas la lourdeur de cette dernière qui importe, mais son effectivité et la rapidité avec laquelle elle est prononcée. La prévention plus la sanction, cela s’appelle l’éducation !

Même si le blocage des sites illégaux et le déréférencement sont des dispositifs complémentaires utiles, je rappelle que seul l’internaute est détectable en cas de piratage de pair à pair – 20 % des piratages et 3,3 millions de personnes tout de même.

M. Bertrand Pancher. Quand on est député de l’opposition, il peut arriver de déposer un amendement de fond non étayé par une parfaite analyse de son impact, ni soutien de l’administration. C’est un peu plus rare quand on est député de la majorité et impossible quand on est rapporteure !

Madame la rapporteure générale, je suis très frappé par la controverse suscitée par votre amendement et les réponses très claires de M. le ministre. Va‑t‑on se retrouver face à d’autres amendements de ce type ? Cela interpelle sur la façon dont vous avez travaillé avec l’administration pour développer vos arguments.

Mme Sandrine Mörch. Je souhaite que notre commission aboutisse à un consensus structurel sur le sujet. Les arguments des uns et des autres s’entendent parfaitement, même si nous manquons probablement encore de données chiffrées. N’oublions pas que les réalisateurs, les scénaristes, les cinéastes sont pillés depuis quinze ans, et ils ne roulent pas sur l’or ! Nous ne pouvons les ignorer au bénéfice de « pauvres citoyens » contrevenants. La réponse du ministre est également intéressante… Je n’ai pas le don de divination – qu’en sera‑t-il dans vingt ans ? –, mais reconnaissons que le pillage dure depuis longtemps.

Mme Frédérique Dumas. La baisse historique du piratage que nous connaissons est liée au développement des offres légales. Le projet de loi va dans le bon sens puisqu’il permettra de surcroît de s’attaquer aux sites illégaux eux-mêmes. Nous ne rejetons pas cet amendement parce que nous sommes pour le piratage, mais parce que nous constatons sa réduction.

En outre, la réponse graduée a fonctionné et le risque de sanction existe déjà. Le ministre a évoqué la stabilité juridique : à la demande de tous les professionnels, nous avions voté la suspension de l’abonnement, ensuite invalidée en 2009 par le Conseil constitutionnel pour des raisons de bon sens. Cela a abouti au rapport Lescure en 2013. On s’est alors rendu compte des dommages psychologiques de l’invalidation : avec la fin de la suspension de l’abonnement, les jeunes se sont dits « super, plus d’HADOPI ! ». L’inconstitutionnalité potentielle de votre mesure fait peser le même risque…

M. Franck Riester, ministre de la culture. À l’issue des débats qui ont abouti à la création de la HADOPI, la suspension de l’accès à internet était bien prévue. C’est le fondement juridique sur lequel reposait la suspension qui a été invalidé, avant que nous en adoptions un autre. En outre, il s’agissait d’une décision judiciaire, et non administrative. C’est ensuite le rapport de M. Lescure qui a proposé de supprimer la suspension.

Nous estimons qu’une autorité administrative indépendante ne saurait apprécier l’opportunité des poursuites – c’est du ressort du procureur. Pour autant, si l’on est victime et que l’on s’est porté partie civile, Mme Anthoine a raison, la citation directe est toujours possible.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Au sein de cette commission, voulons‑nous tous lutter contre le piratage et défendre les droits des auteurs ? Je n’en doute pas. Nous divergeons simplement peut-être sur les moyens pour y parvenir.

La transaction pénale peut-elle être assortie d’une procédure de citation directe ? Oui, l’article 1er du code de procédure pénale est extrêmement clair : « l’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi ». C’est le cas par exemple du défenseur des droits.

Le piratage de pair à pair a-t-il disparu ? Malheureusement non… 3,7 millions de personnes l’utilisent chaque mois pour télécharger des œuvres piratées. A-t-il connu une recrudescence ? Oui, une série aussi emblématique que Game of Thrones est massivement téléchargée en pair à pair car le visionnage en streaming est de moins bonne qualité.

Cette remontée du pair à pair va-t-elle se poursuivre ? Oui, si nous n’améliorons pas le dispositif de réponse graduée, car le projet de loi va plus loin en matière de streaming. Bien entendu, la réponse graduée est avant tout un dispositif pédagogique, mais elle doit être assortie d’interdits. Le pair à pair doit rester clairement illégal et être sanctionné. En l’état actuel du droit, vous ne risquez rien : à peine une centaine de condamnations sont prononcées chaque année. 85 % des dossiers transférés par la HADOPI n’aboutissent à aucune sanction !

Certes, les professionnels sont unanimes, mais je n’aurais pas imaginé ce dispositif s’il n’était pas extrêmement graduel et proportionné, tout en conservant son caractère pédagogique. Mon amendement permet de réaffirmer notre attachement à la lutte contre le piratage, en posant enfin un interdit, sans renier l’importance de la pédagogie.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1320 de la rapporteure.

Lamendement AC585 de M. Bruno Fuchs est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement AC351 de Mme Virginie Duby-Muller.

Elle en vient à lamendement AC601 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. L’ARCOM sanctionne des services pour non-respect des droits d’auteur et des droits voisins. Notre amendement vise à instaurer l’obligation d’informer l’utilisateur de cette sanction, par le biais d’un encart qui s’afficherait sur le site du service sanctionné. Il nous semble bien plus efficace de publier ces sanctions plutôt que d’inscrire les mauvais élèves sur une liste. La pratique du name and shame est d’ailleurs bien loin du modèle de société auquel nous aspirons…

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre intention. Mais il ne vous aura pas échappé que les sites pirates ne sont pas vraiment légaux… Il serait donc complexe de leur imposer de tels encarts. La liste prévue par le projet de loi nous semble davantage opérante.

M. le président Bruno Studer. Monsieur Larive, il s’agit effectivement de sites illégaux…

M. Michel Larive. Si vous souhaitez répondre à ma place, monsieur le président, envoyez-moi la fiche, je la lirai ! Nous pouvons trouver un moyen de procéder à ce type de publication.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1321 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC602 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Cet amendement poursuit la même idée que le précédent. Nous souhaitons qu’un encart obligatoire soit publié sur les sites de services en ligne – qui ne sont pas tous illégaux – dès lors que ces derniers ne respectent pas les dispositions relatives au droit d’auteur et droits voisins, aux données des utilisateurs – les exemples récents de Cambridge Analytica ou de Facebook nous rappellent que ces entreprises ne s’autorégulent pas –, ainsi que lorsqu’ils faillissent à leurs obligations fiscales – la France perd entre 40 et 60 milliards d’euros par an du fait de l’optimisation fiscale, pratique familière des plateformes du numérique – ou censurent abusivement les contenus. Un tel encart, obligatoire, informerait les utilisateurs des pratiques de ces entreprises.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ma réponse sera similaire à celle concernant l’amendement précédent. En général, les sites qui ne respectent pas les dispositions relatives aux données des utilisateurs ou qui refusent de s’acquitter des taxes françaises sont dans l’illégalité. Il me semble compliqué de faire en sorte qu’ils publient sur leur site un encart l’indiquant…

M. Michel Larive. Je ne partage pas votre avis. Certains sites légaux ne respectent pas ces dispositions par défaut d’information, ou pour d’autres raisons. Ainsi, Facebook est un site parfaitement légal qui ne respecte pas la réglementation relative aux données des utilisateurs. De nombreux sites légaux sont coupables de manquements à leurs obligations fiscales, tout comme de censure abusive – par exemple, YouTube, et donc Google.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite successivement lamendement de cohérence AC1322 de la rapporteure, lamendement rédactionnel AC382 de Mme Géraldine Bannier, les amendements rédactionnels AC1323 et AC1324 de la rapporteure, lamendement rédactionnel AC1325 de la rapporteure générale, puis lamendement rédactionnel AC1326 de la rapporteure.

La commission passe à lamendement AC1364 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Cet amendement prévoit les modalités de recours contre la décision d’inscription d’un site sur la liste prévue au I, ainsi que les modalités de réexamen de cette inscription lorsque cette dernière touche à sa fin. Les modalités de recours sont similaires à celles prévues pour une décision de l’Autorité de la concurrence. Le juge judiciaire, garant des libertés fondamentales dont font partie la liberté d’expression et la liberté de communication, pourra être saisi d’un recours contre l’inscription sur la liste des sites contrefaisants. La rapidité du dispositif est adaptée à l’actualisation souvent rapide des services de communication en ligne.

Les modalités de réexamen de l’inscription sur la liste doivent permettre d’estimer dans quelle mesure le service de communication en ligne a fait évoluer ses pratiques dans le sens du strict respect du droit d’auteur et des droits voisins. Si ce n’est pas le cas, l’ARCOM pourra prolonger l’inscription.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement AC1327 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’un des objectifs des listes prévues par cet article est de permettre l’implication des intermédiaires dans la lutte contre la contrefaçon. Cet amendement vise à expliciter une des principales finalités de ces listes et à permettre aux intermédiaires de bénéficier d’un support juridique sécurisé.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC1008 de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement précise les acteurs de la chaîne publicitaire concernés par les nouvelles dispositions, sur le modèle de la rédaction retenue dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite proposition de loi Avia.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Préciser quels sont les acteurs publicitaires susceptibles d’être en relation avec les sites pirates me semble de bonne méthode.

La commission adopte lamendement.

Elle passe à lamendement AC1331 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement vise à s’assurer que les nouvelles prérogatives que le projet de loi accorde à l’ARCOM ne s’exercent pas aux dépens de l’action des ayants droit à l’encontre des sites massivement contrefaisants. La jurisprudence établie en faveur des ayants droit, sur la base du cadre légal actuel, a fait ses preuves et doit être préservée.

La commission adopte lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AC1336 de la rapporteure et AC967 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ainsi que les amendements identiques AC761 de Mme Marie-Ange Magne et AC893 de Mme Florence Provendier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il s’agit de renforcer le dispositif prévu par le présent projet de loi pour lutter contre le piratage des contenus audiovisuels et cinématographiques.

Afin d’assurer la bonne exécution d’une décision judiciaire prévoyant d’empêcher l’accès à un contenu diffusé ou partagé dans des conditions qui enfreignent un droit d’auteur ou un droit voisin, l’amendement AC1336 prévoit que les représentants des titulaires de droits puissent saisir l’ARCOM.

L’ARCOM pourra ensuite solliciter toute personne susceptible de remédier aux atteintes constatées, que ce soit par le fait du service concerné par la décision judiciaire initiale ou par un service reprenant le même contenu de manière toujours aussi illicite. Cette saisine doit permettre la bonne mise en œuvre de mesures de blocage, de retrait ou de déréférencement. Il est destiné à s’adapter à l’évolution technologique, puisque, demain, d’autres acteurs que les fournisseurs d’accès à internet ou les moteurs de recherche – auxquels nous pensons naturellement – pourront jouer un rôle dans la prévention du piratage.

C’est dans cette perspective que le présent amendement prévoit également d’étendre les accords types à tous les acteurs susceptibles de contribuer à remédier aux atteintes encore trop nombreuses à la propriété intellectuelle.

Enfin, la saisine de l’ARCOM ne se fera pas au détriment de la saisine prévue à l’article L. 336-2 du code de propriété intellectuelle, dont je dois rappeler l’efficacité.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement AC967 apporte une clarification en visant non pas directement le contenu, mais le service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu, afin de toucher les sites miroirs.

En outre, il étend le périmètre des acteurs concernés, en incluant notamment les hébergeurs. À l’heure actuelle, c’est le résolveur de système de noms de domaine (ou Domain name system – DNS) que donne le fournisseur d’accès à internet qui permet de naviguer, mais les évolutions technologiques permettront certainement d’embarquer des résolveurs DNS dans les navigateurs. Nous proposons donc d’anticiper l’avenir et de faire en sorte que les mesures prévues par le projet de loi soient également opérantes demain.

Mme Marie-Ange Magne. L’amendement AC761 complète la liste des intermédiaires techniques concernés, par coordination avec les dispositions prévues à l’article 6 de la proposition de loi Avia qui organise la lutte contre les sites miroirs. Il vise également à permettre à l’ARCOM de demander le retrait du contenu illicite, en complément de son blocage.

Mme Florence Provendier. L’amendement AC893 propose d’adapter le dispositif du présent article aux réalités techniques et opérationnelles en étendant son champ d’application à tous les intermédiaires techniques à même d’intervenir sur l’accès ou directement sur les contenus portant atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin. Les compétences de l’ARCOM sont étendues afin qu’elle puisse solliciter l’intermédiaire technique le plus compétent pour mettre fin au piratage.

Enfin, conformément aux dispositions prévues dans la proposition de loi Avia, l’amendement prévoit que l’ARCOM pourra demander le retrait du contenu illicite, en complément de son blocage.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je demande à Mmes Magne et Provendier de bien vouloir retirer leurs amendements car celui de M. Bothorel et le mien couvrent un périmètre plus large. Ils satisfont leurs demandes.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis favorable à ces dispositions. Il s’agit d’avancées intéressantes.

Les amendements AC761 et AC893 sont retirés.

La commission adopte les amendements AC1336 et AC967.

En conséquence, les amendements AC352 et AC1125 de Mme Virginie Duby-Muller, les amendements AC1126 de Mme Brigitte Kuster, AC51 de Mme Virginie Duby-Muller, AC430 de Mme Brigitte Kuster, AC514 de Mme Christine Hennion, ainsi que les amendements AC353, AC52 et AC354 de Mme Virginie Duby-Muller tombent.

La commission adopte successivement lamendement rédactionnel AC383 de Mme Géraldine Bannier, puis les amendements de précision AC1338 et rédactionnel AC1340 de la rapporteure.

Lamendement AC1342 de la rapporteure générale est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, la commission rejette lamendement AC503 de Mme Constance Le Grip.

Elle en vient à lamendement AC451 de M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. Il s’agit d’un amendement d’appel relatif à la HADOPI et sa réponse graduée. En supprimant cette dernière, nous pourrions récupérer 5 millions d’euros et financer plus massivement la mission de veille de la HADOPI. Elle pourrait ainsi se pencher sur le piratage lié à la diffusion de programmes télévisés sur internet (IPTV). Elle pourrait également développer ses activités pédagogiques et rencontrer les jeunes, et les moins jeunes, afin de leur expliquer les problématiques liées au piratage.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous n’allons pas reprendre un débat qui a déjà eu lieu concernant la réponse graduée : certains considèrent qu’elle ne va pas assez loin, mais tout le monde s’accorde sur le fait qu’elle a malgré tout porté ses fruits. Il est de la responsabilité de la HADOPI, et demain de l’ARCOM, d’évaluer annuellement ses actions. La HADOPI nous remet bien tous les ans un rapport en ce sens.

M. Denis Masséglia. Il s’agissait d’un amendement d’appel afin que le sujet soit abordé. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 22 modifié.

Après l’article 22

La commission examine lamendement AC772 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. Si les faits incriminés n’ont pas donné lieu à une mise en mouvement de l’action publique, l’ARCOM pourra proposer à l’auteur des faits illicites une transaction consistant dans le versement d’une amende dont le montant ne pourra pas excéder 500 euros pour les personnes physiques et 2 500 euros pour les personnes morales. Ce montant sera fixé selon la gravité des faits reprochés, ainsi que des ressources de l’auteur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale de la commission des affaires économiques. Par cohérence avec les amendements que j’ai moi-même défendus, j’y suis favorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Également par cohérence, j’y suis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je relève que la rapporteure générale avait dit que la réponse graduée marchait très bien.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC1000 de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans la continuité des travaux liés à la proposition de loi Avia, nous souhaitons renforcer les dispositifs de type « follow the money » afin d’assécher les revenus publicitaires des sites illicites. Il s’agit de modifier la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, et les obligations qui incombent au vendeur d’espace publicitaire, afin que les dispositions prévues par la proposition de loi Avia soient encore plus efficaces.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous en avons longuement parlé avec nos collègues de la commission des affaires économiques, l’exigence de transparence est parfaitement légitime, notamment dans le contexte de la publicité en ligne sur des sites qui sont potentiellement massivement contrefaisants.

Néanmoins, la loi Sapin est issue d’un équilibre délicat qu’il semble dangereux de retoucher dans le cadre du présent projet de loi. Elle a permis des avancées importantes en matière de transparence et de lutte contre la corruption. Si elle peut faire l’objet d’améliorations – notamment s’agissant du commerce et de la publicité en ligne –, ces sujets devraient faire l’objet d’une consultation préalable des parties prenantes, afin de trouver un équilibre satisfaisant. Je vous propose de réaliser ces consultations dans les prochaines semaines, en amont de la séance publique, et vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Michel Larive. La publicité ciblée sur les sites internet est illégale car elle ne permet pas de recueillir le consentement explicite des utilisateurs, alors que le règlement général sur la protection des données (RGPD) le rend pourtant obligatoire. Google a été condamné par la CNIL à payer une amende de 50 millions d’euros, en raison de la gravité des manquements constatés en termes de transparence, d’information et de consentement.

L’approche par les dispositifs de type « follow the money » accepte cet état de fait et renonce à défendre les utilisateurs. Au contraire, il faut s’attaquer directement au modèle de la publicité ciblée.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je ne vais pas retirer l’amendement. Comme pour la taxe sur les services numériques, il est bon de maintenir un peu de pression. Je m’intéresse beaucoup à ce sujet et connais parfaitement le secteur, monsieur Larive. Il prend des initiatives pour acquérir les standards technologiques qui permettront d’assainir le marché, mais il a besoin d’être accompagné et, parfois, rappelé à l’ordre. Je m’inquiète de certaines techniques qui échappent totalement au contrôle humain. Cela nous fait courir des risques financiers, mais également en termes d’encadrement.

Nous pourrons toujours débattre d’une rédaction améliorée en séance. Dans l’attente, je vous invite à voter mon amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je comprends tout à fait l’objectif et la détermination de M. Bothorel, mais plaide également pour le retrait.

Mme Frédérique Dumas. Je suis favorable à l’amendement, même si je ne fais pas le parallèle avec la taxe sur les services numériques, puisque j’ai voté contre ! Il faut maintenir la pression, vous avez raison. Le secteur est favorable à la discussion. Il souhaite trouver les moyens de répondre intelligemment au problème. Les dispositifs de type follow the money sont les plus performants.

M. Michel Larive. Monsieur Bothorel, vous êtes expert. Comme je ne le suis pas, estimez-vous que je ne devrais donc pas prendre la parole ? Je vais pourtant continuer car j’ai une opinion, même si elle est contraire à la vôtre. Je suis député non expert, mais je veille à la liberté individuelle de mes concitoyens !

La commission adopte lamendement.

Elle passe à lamendement AC552 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Nous l’avons déjà évoqué ce matin à l’article précédent, le projet de loi vise à assurer la souveraineté des acteurs français et européens. Asseoir sa souveraineté passe aussi par une régulation efficace et un encadrement simplifié, lisible et prévisible pour tous les acteurs. C’est l’objectif de la fusion entre le CSA et la HADOPI. Cet objectif nous conduit également à créer un organe commun de règlement des différends entre l’ARCOM et l’ARCEP.

Pour que ce système de régulation soit lisible, il faut tendre vers un régulateur unique. C’est pourquoi nous suggérons de programmer un rapprochement plus étroit entre l’ARCEP et l’ARCOM, qui remplacerait le mille‑feuille actuel de régulateurs – Autorité de la concurrence, ARCEP, Agence nationale des fréquences (ANFR). Nous constatons tous la convergence des acteurs sur le marché. En outre, ces derniers – lorsqu’ils sont principalement non européens – ne connaissent pas cette distinction entre contenus et réseau. Les compétences des deux organes se chevauchent parfois et cela risque d’être encore davantage le cas dans les années à venir.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons déjà eu ce débat, ici et lors des différentes auditions, mais nous restons attachés à la distinction des deux régulateurs car les enjeux sont différents.

Le projet de loi opère déjà des rapprochements – un membre commun à l’ARCEP et à l’ARCOM par exemple. Nous améliorons également le dispositif de règlement de différends. Mais, à ce stade, il serait inopportun de fusionner les deux autorités. Ce n’est d’ailleurs pas leur demande, ni celle des acteurs concernés. Mon avis sera donc défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Bien sûr, je partage l’objectif de M. Fuchs : le travail en commun doit se développer. Le CSA et l’ARCEP ont d’ailleurs décidé de mettre en place un pôle de travail commun. Mais il serait prématuré de fusionner les deux autorités.

Mme Frédérique Dumas. Monsieur Fuchs, il s’agit d’une divergence de fond : c’est justement parce qu’il y a convergence numérique des moyens de diffusion et neutralité technologique qu’il est extrêmement important de continuer à réguler en fonction de la nature des services et de leurs spécificités même si, bien entendu, les autorités administratives doivent coopérer. Dans un monde complexe, on ne peut pas appréhender la complexité en fusionnant, l’actualité vient encore récemment de le démontrer…

Le seul débat concerne le niveau de régulation : doit-il être législatif, réglementaire ou du ressort des autorités administratives ?

M. Bruno Fuchs. Nous l’avons déjà fait pour le CSA et la HADOPI : il est possible de fusionner des régulateurs. Si l’on crée un organe commun de règlement des différends, cela bien veut dire qu’il existe des points communs. Par ailleurs, comme l’a souligné le ministre, un rapprochement opérationnel est prévu dans différents domaines. J’aimerais savoir quels rapports – je sais qu’il en existe – ont été remis sur ce type de schéma.

M. le président Bruno Studer. Ce n’est peut-être pas le moment d’établir une bibliographie. Maintenez-vous votre amendement ou le retirez-vous ?

Lamendement AC552 est retiré.

Article 23 (précédemment réservé)
Lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct

La commission examine lamendement de suppression de larticle AC605 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. L’article 23 a pour objectif de limiter la diffusion illégale des événements sportifs. Nous en prenons acte : tout ce qui est illégal doit être rendu impossible. Néanmoins, le texte est ambigu en ce qui concerne les sanctions préventives, ce qui pose un problème à nos yeux.

Par ailleurs, vous vous attaquez aux conséquences sans vraiment chercher à traiter les causes. Le développement du streaming illégal ne vient pas de nulle part ou ne résulte pas d’un comportement pervers chez certains de nos concitoyens : c’est imputable au fait que la diffusion du sport a quasiment disparu de l’audiovisuel public. Qu’il s’agisse de la Coupe de France de football, de la Ligue des champions, de la Coupe du monde de rugby et – bientôt – de Roland-Garros, tout part dans le privé au détriment du service public. Le succès du streaming s’explique aussi par la hausse faramineuse des coûts : il faut payer 79 euros par mois pour visionner les quatre chaînes privées de diffusion des matchs de la Ligue 1 de football.

Face à ce qui ressemble à une privatisation du droit à avoir accès aux sports, qui sont appréciés par beaucoup de nos concitoyens, le recours au streaming se multiplie. Le projet de loi ne fait rien pour endiguer ce phénomène. Il tend à pénaliser les sites illégaux et les utilisateurs mais il ne remonte pas à la racine du problème. Le sport, notamment de haut niveau, doit être accessible au plus grand nombre. Ce n’est désormais plus le cas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je pense que nous sommes nombreux à partager votre inquiétude quant à l’accessibilité de l’offre sportive – nous y reviendrons lorsque nous parlerons de l’audiovisuel public – mais votre amendement supprimerait purement et simplement le dispositif de protection des contenus sportifs en ligne. Les droits sportifs, dans le cadre de la taxe adoptée lorsque notre collègue Marie-George Buffet était ministre, permettent notamment de financer le sport amateur. Lutter contre le piratage des événements sportifs revient aussi à garantir que ce dispositif ait encore du sens. J’émets donc un avis défavorable.

M. Alexis Corbière. J’entends cet argument, dont nous pourrons peut-être reparler par la suite. Néanmoins, lorsque vous considérez que le problème qui se pose est celui du piratage, vous passez à côté du fait que l’on ne peut plus voir le championnat de France sur les chaînes du service public, alors que cela fait quasiment partie de notre patrimoine. C’est un problème de fond auquel vous n’apportez pas de réponse. On ne pourra plus, par exemple, regarder Roland-Garros à la télévision quand on prépare le bac…

M. Bruno Fuchs. On pourra ainsi travailler davantage !

M. Alexis Corbière. Il ne s’agit pas de laisser faire le piratage. Le problème est que vous ne prenez pas la mesure de la problématique qui me semble la plus importante.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AC1343 de la rapporteure et AC982 de M. Bruno Fuchs, les amendements identiques AC357 de Mme Virginie Duby-Muller et AC976 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ainsi que lamendement AC493 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Outre l’apport d’une précision rédactionnelle, l’amendement AC1343 vise à concentrer la mission du tribunal judiciaire sur la prévention de nouvelles atteintes graves et irrémédiables aux droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions et des manifestations sportives que pourraient porter des services de communication au public qui n’auraient pas été identifiés lors de l’adoption d’une première ordonnance.

M. Bruno Fuchs. Mon amendement permettra au juge de participer au dynamisme du dispositif en identifiant de nouvelles atteintes potentielles que le diffuseur n’aurait pas indiquées dans sa saisine. Cela permettra de renforcer les efforts contre le piratage.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC357, de nature rédactionnelle, vise à assurer une coordination avec l’alinéa 8 de l’article 23, qui précise la portée géographique des mesures de blocage.

M. Jean-Jacques Gaultier. Mon amendement vise à compléter le dispositif de lutte contre le piratage des retransmissions sportives. Il s’agit d’éviter que les organisations victimes d’un piratage n’aient à solliciter à deux reprises le juge pour obtenir qu’il prononce des mesures dynamiques, de confier à la future ARCOM un rôle de tiers de confiance en amont d’une décision-cadre judiciaire et d’engager une action à titre préventif avant le démarrage des compétitions. Ce type de dispositifs a démontré son efficacité chez certains de nos voisins européens, notamment au Royaume-Uni et au Portugal.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je vous propose de retirer vos amendements au profit du mien et de celui de M. Fuchs.

Mme Brigitte Kuster. Je m’aperçois que je n’ai pas défendu le bon amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous avez, en effet, parlé de territorialité des atteintes alors que ce n’est pas la question.

Je comprends la volonté, exprimée par la rapporteure et par plusieurs autres députés, de renforcer les mesures prévues, mais j’ai le sentiment que ces amendements auraient plutôt l’effet inverse : en retirant le terme « remédier », s’agissant de nouvelles atteintes, et en ne gardant que « prévenir », on désarmerait le dispositif de lutte contre le piratage. Par conséquent, mon avis est plutôt défavorable. Nous pourrons peut-être regarder plus précisément, d’ici à la séance publique, ce que vous souhaitez en réalité.

La commission rejette tous les amendements.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement rédactionnel AC384 de Mme Géraldine Bannier.

Elle est saisie des amendements identiques AC355 de Mme Virginie DubyMuller et AC974 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement AC355 est celui que Brigitte Kuster a brillamment défendu tout à l’heure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Ces amendements n’ont pas uniquement une portée rédactionnelle et ils n’assurent pas une coordination avec l’alinéa 8. Celui-ci traite, en effet, des mesures destinées à empêcher l’accès à des sites pirates à partir du territoire français. Ce que vous proposez conduirait, en réalité, à se limiter aux atteintes aux droits de communication et d’exploitation audiovisuelles issues du territoire français. Le dispositif manquerait alors sa cible, les principales atteintes aux droits sportifs étant le fait de sites étrangers. Je vous demande donc de retirer ces amendements.

Lamendement AC974 est retiré.

La commission rejette lamendement AC355.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1345 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC777 de M. Ian Boucard.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement de précision permettra aux fédérations sportives et aux ligues professionnelles de saisir le président du tribunal judiciaire afin de lutter contre la retransmission illicite des manifestations et des compétitions sportives.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les fédérations sportives font partie des titulaires de droits susceptibles de saisir le juge en application de l’alinéa 4 du présent article. Cet amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer.

Lamendement AC777 est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1344 de la rapporteure.

La commission est saisie de lamendement AC9 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il semblerait que vous ayez oublié l’article défini « le » au début de l’alinéa 8.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

La commission examine les amendements identiques AC858 de la rapporteure générale, AC494 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC894 de M. Cédric Roussel, AC981 de M. Bruno Fuchs, AC1128 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1137 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Lamendement AC858 introduit des modifications nécessaires pour améliorer le dispositif et lutter plus efficacement encore contre le piratage des contenus sportifs. Le dispositif actuel prévoit deux temps devant le juge : une première ordonnance à lencontre dun service contrefaisant, puis une seconde, deux mois après, pour les sites de contournement qui reprendraient les mêmes contenus. Dès lors, les compétitions dune durée de moins de deux mois – les Jeux olympiques, la Coupe du monde de football ou Roland-Garros, déjà évoqué – ne pourront pas bénéficier de cette mesure. Par ailleurs, les compétitions plus longues, comme la Ligue 1 de football ou le Top 14 de rugby, ne pourront être protégées que pour la moitié de leur diffusion.

La création d’une ordonnance dynamique unique permettra, dès la première saisine et pour une durée de douze mois, d’étendre l’ordonnance judiciaire de blocage et de déréférencement des contenus à tous les sites de contournement. On exécutera une décision visant à assurer la protection de contenus protégés par des droits liés à leur diffusion. Des dispositifs comparables existent dans plusieurs États membres de l’Union européenne, comme le Portugal et le Royaume-Uni. Ces mesures ont systématiquement fait leurs preuves. L’instauration d’une ordonnance unique, qui est soutenue par les acteurs du monde du sport, permettra de protéger véritablement l’ensemble de ce secteur économique et les ressources du sport amateur, qui dépendent directement du financement permis par les droits sportifs.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je suis tout à fait d’accord. L’impact financier du piratage en matière de musique, de cinéma et de sport est supérieur à un milliard d’euros – le chiffre a été cité tout à l’heure –, dont plus de 500 millions d’euros pour le sport. Il est donc important d’avoir des mesures dynamiques et de ne solliciter le juge qu’à une seule reprise pour avoir une décision-cadre. C’est aussi l’objet de mon amendement.

M. Cédric Roussel. Il y a un consensus en la matière. La table ronde organisée dans le cadre du groupe d’études relatif à l’économie du sport a montré qu’il existe une volonté unanime chez les fournisseurs d’accès, les représentants des ayants droit et les hébergeurs d’avoir des ordonnances dynamiques. En effet, tout le monde souhaite que ce texte ait une effectivité. Les mesures que nous vous proposons sont notamment liées aux amendements AC860 et AC863 de la rapporteure générale et de la rapporteure, qui concernent l’ordonnance dynamique. L’amendement AC894 tend à couvrir les compétitions courtes et dites « feuilleton », comme le championnat de France de football ou le Top 14 de rugby.

M. Bruno Fuchs. Ce texte prend vraiment le taureau par les cornes : il y aura une avancée très forte en ce qui concerne la lutte contre le piratage. Ces amendements identiques permettront d’améliorer un dispositif qui vise à lutter réellement contre ce phénomène. Il ne faut pas avoir d’états d’âme. Il n’existe pas des sites un peu légaux et un peu illégaux : quand on a acquis des droits d’exclusivité, ce que l’on diffuse est légal, et les pirates qui veulent diffuser des contenus illégaux ont des plateformes illégales. Il faut agir très fortement. Les sommes en jeu – plus d’un milliard d’euros – sont extrêmement importantes, et il y a un manque à gagner considérable pour les finances publiques – près de 400 millions d’euros. Ce que nous vous proposons améliorera encore le texte.

Mme Brigitte Kuster. Il faut lutter contre le piratage sportif en regardant ce qui se passe à l’étranger, comme l’a souligné la rapporteure générale, pour aller plus loin et agir plus fortement. Je note, néanmoins, que vous êtes beaucoup plus durs contre le piratage sportif que contre le piratage culturel ou artistique et que les arguments que vous employez sont exactement à l’opposé de ce que vous avez dit tout à l’heure. Nous sommes d’accord pour punir, car les comportements en cause méritent que ce soit fait, mais cela ne peut pas concerner uniquement le piratage sportif. Ces amendements, sur lesquels nous pouvons nous retrouver, prouvent qu’il peut y avoir un consensus pour lutter contre ceux qui n’ont pas d’autre envie que de tricher, particulièrement grâce aux sites miroirs.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Imaginons l’hypothèse selon laquelle on ne pourrait plus avoir accès aux stades. Il est important de défendre un accès légal aux matchs télévisés. La rapporteure générale a évoqué ce qui a été fait au Portugal et au Royaume-Uni. Je me félicite qu’il y ait plutôt une concorde sur les moyens à utiliser pour lutter contre le piratage dans le secteur sportif, qui présente des singularités. Il faut des réponses ad hoc, bien ciblées.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Merci à celles et à ceux qui ont reconnu le volontarisme du Gouvernement en matière de lutte contre le piratage de contenus sportifs, qui constitue un véritable fléau. Il en résulte, en effet, une perte de revenus pour les sportifs, les clubs et le sport amateur.

Ce piratage est particulier, madame Kuster, car il se fait en direct : il faut agir tout de suite. Il y a moins d’urgence pour d’autres types de piratage, comme celui d’un film, que l’on peut voir dans la durée. Une fois qu’un match est passé, en revanche, le coup est tiré.

Le référé prévu par le projet de loi est déjà très ambitieux – vous l’avez rappelé. Cette procédure inédite permettra de bloquer des sites avant la commission du piratage. C’est une innovation importante qui doit s’accompagner de garanties sur le plan des libertés. La procédure doit être efficace – et je comprends bien les demandes que vous avez formulées – mais elle doit aussi être proportionnée, et je me demande si ces amendements ne vont pas un peu trop loin.

Du bon travail a été réalisé dans le cadre du groupe d’études « Économie du sport », notamment autour de Cédric Roussel. Mais je vais m’en remettre à la sagesse de votre commission, pour la raison que je viens d’indiquer.

Mme Frédérique Dumas. Je voudrais saluer les avancées importantes qui sont prévues par le projet de loi et soutenir les amendements en discussion. Permettez-moi de faire de nouveau référence à l’article très complet de Marina Alcaraz dans Les Échos. Elle a mis en avant, sur la base d’une étude de Médiamétrie, qu’il y a eu une réduction très importante du piratage en ce qui concerne les contenus audiovisuels, mais pas du tout pour les événements sportifs. Comme l’écrit Mme Alcaraz, l’abondance des offres légales n’a pas freiné le piratage dans ce dernier domaine : le fait de devoir payer plusieurs abonnements pour avoir un large choix de sports peut inciter certains internautes à aller vers des sites pirates. Certains disent que ce n’est pas qu’une question d’argent : ils veulent essentiellement avoir accès à tout. Le piratage est en expansion en matière sportive et je pense qu’il faut s’en occuper très fortement.

M. Michel Larive. Je serais assez d’accord avec le dispositif prévu si je ne lisais pas à l’alinéa 4 qu’il s’agit de « prévenir ou de remédier » à de nouvelles atteintes graves. Si être dynamique veut dire agir d’une manière préventive, cela me pose un vrai problème.

M. Stéphane Testé. N’ayons pas peur des mots : nous sommes face à un cancer industriel. Il existe à peu près 25 000 sites pirates, dont dix captent 80 % de la consommation. Le dernier match entre le Paris Saint-Germain et le Real Madrid dans le cadre de la Ligue des champions, à l’automne dernier, a attiré plus de 300 000 pirates, et l’affiche de la Ligue 1 concentre chaque dimanche soir 150 000 pirates. Au-delà de l’enjeu majeur de l’instantanéité, qui impose d’intervenir durant l’événement, il faut réussir à assurer un blocage dans la durée pour couvrir des compétitions à épisodes – Cédric Roussel a ainsi parlé de « feuilletons ». Seules des mesures dynamiques permettront de le faire.

M. Cédric Roussel. Ce dont il est question, monsieur Larive, est d’assurer un blocage le temps de la diffusion illicite d’une rencontre sportive. Le délit consiste à diffuser un match en live streaming, c’est-à-dire en retransmission en direct.

Mme Michèle Victory. Nous sommes assez d’accord avec l’idée qu’il faut bloquer les piratages le temps des rencontres sportives, mais je rejoins ce qu’a dit Mme Kuster : on est beaucoup plus sévère dans le domaine sportif qu’en matière de culture en général. Quand on pirate un concert, c’est en direct aussi, et une fois que c’est fini, c’est également trop tard.

M. Jean-Jacques Gaultier. Monsieur Larive, l’aspect préventif est très important si on veut être opérationnel et efficace. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont jugé que des mesures préventives et dynamiques étaient conformes au droit français.

M. Michel Larive. J’aimerais savoir sur quelles bases juridiques repose le blocage d’un site de manière préventive.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce sera en cas de « nouvelles atteintes ». Je crois que la nécessité de la prévention est assez claire.

M. le président Bruno Studer. C’est la saisine du juge qui sera préventive.

M. Michel Larive. Je pense qu’il y a un problème dans le texte.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine les amendements identiques AC53 de Mme Virginie Duby-Muller, AC431 de Mme Brigitte Kuster, AC763 de Mme Marie-Ange Magne et AC897 de Mme Florence Provendier.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement AC53 a pour objectif de clarifier la répartition des rôles entre les titulaires de droits, l’ARCOM et les intermédiaires techniques et de sécuriser juridiquement cette répartition. Il s’agit d’instaurer un système équivalent à celui qui existe déjà dans le cadre des mesures de blocage et de retrait des contenus pédopornographiques et terroristes, sous la supervision de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC). Cet amendement garantira aussi l’exhaustivité de la liste des intermédiaires techniques concernés par la mesure.

Mme Brigitte Kuster. Notre amendement vise également à clarifier et à sécuriser juridiquement la répartition des rôles entre les titulaires de droits, l’ARCOM et les intermédiaires techniques. Ces dispositions s’inspirent des réussites que connaissent l’OCLCTIC et la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité (SDLC) en matière de lutte contre la pédocriminalité et le terrorisme. Leur fonctionnement repose sur un interfaçage avec les intermédiaires techniques. Comme de nombreux sites diffusent des compétitions sportives en temps réel de manière illicite, un pareil interfaçage permettrait d’accélérer le déploiement de solutions visant à faire cesser ce phénomène.

Mme Marie-Ange Magne. L’amendement AC763 vise à ce que l’ARCOM puisse demander, outre le blocage, le retrait des contenus illicites.

Mme Florence Provendier. Il s’agit d’inclure l’intégralité des intermédiaires techniques au dispositif afin de garantir son efficacité. Laisser aux seuls fournisseurs d’accès le soin de bloquer les sites pirates ne serait pas suffisant. Tout d’abord, ces acteurs ne disposent que d’une compétence de blocage d’une des voies d’accès au contenu – il peut y avoir un contournement par d’autres technologies. Par ailleurs, les fournisseurs d’accès ne peuvent bloquer un site que dans son intégralité, ce qui peut se révéler disproportionné pour des réseaux sociaux sur lesquels des utilisateurs diffuseraient en live des compétitions. Il serait donc pertinent d’intégrer au dispositif les hébergeurs, les navigateurs, les fournisseurs de noms de domaine, qui peuvent bloquer l’intégralité des voies d’accès à un site internet, ainsi que les moteurs de recherche et les annuaires, lesquels permettent de trouver les sites illicites.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble que ces mesures permettront d’appréhender toutes les dimensions du piratage, à travers les hébergeurs, les navigateurs, les fournisseurs de noms de domaine, les moteurs de recherche et les annuaires. Par conséquent, avis favorable.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine, en discussion commune, lamendement AC860 de la rapporteure générale et les amendements identiques AC1129 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1138 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1154 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Par cohérence avec la création d’une ordonnance dynamique, l’amendement AC860 permettra de viser des services de communication qui n’ont pas encore été identifiés à la date de l’ordonnance. Cela précisera et sécurisera le dispositif.

La commission adopte lamendement AC860.

En conséquence, les amendements AC1129, AC1138 et AC1154 tombent.

La commission étudie, en discussion commune, les amendements identiques AC855 de la rapporteure générale et AC895 de M. Stéphane Testé, ainsi que les amendements identiques AC1130 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1139 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1153 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Aurore Bergé. L’amendement AC855 vise à s’assurer que l’ordonnance fera œuvre utile pendant la durée de la compétition qu’il s’agit de protéger contre des partages de contenus illicites. Je vous propose, avec Sophie Mette, une rédaction qui ne fait pas référence à une notion de temporalité, car cela me paraît trop flou. Les mesures utiles interviendront au moment adéquat pour protéger la compétition.

M. Stéphane Testé. Il s’agit de s’adapter à toutes les durées des compétitions en ne mentionnant pas un nombre précis de mois, comme la rédaction initiale du texte le prévoit. Cela permettra de couvrir d’une manière plus sûre des compétitions à épisodes.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement AC1130 tend à compléter le dispositif de lutte contre le piratage des retransmissions sportives en évitant que les organisations victimes aient à solliciter à deux reprises le juge pour obtenir des mesures dynamiques dans le temps. Vous savez que nous proposons également de certifier l’identification des sites ou des services pirates en amont de la décision judiciaire mais aussi des sites et des services miroirs en aval, en confiant à la future ARCOM un rôle de tiers de confiance. Il faut agir à titre préventif, avant le démarrage d’une compétition. Enfin, nous souhaitons élargir le spectre des acteurs du numérique susceptibles de conclure des accords pour assurer le suivi dans le temps des décisions judiciaires, en incluant notamment les moteurs de recherche.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous propose de retirer ces amendements au profit de celui que j’ai défendu. Nous n’avons pas fait référence, je l’ai dit, à la notion de temporalité.

Les amendements AC1139 et AC1153 sont retirés.

La commission adopte les amendements identiques AC855 et AC895.

En conséquence, lamendement AC1130 tombe.

La commission est saisie des amendements identiques AC863 de la rapporteure générale, AC495 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC1131 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1140 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit de supprimer l’alinéa 9 afin de tirer les conséquences de la création d’une ordonnance unique, couvrant une durée de douze mois.

La commission adopte ces amendements.

En conséquence, lamendement AC374 de Mme Frédérique Dumas tombe.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AC1147 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1152 de Mme Brigitte Kuster, AC1155 de Mme Marie-Ange Magne et AC1156 de Mme Florence Provendier, lamendement AC1346 de la rapporteure, ainsi que les amendements identiques AC496 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC1132 de Mme Virginie DubyMuller et AC1141 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Brigitte Kuster. L’objectif est, une fois de plus, de clarifier la répartition des rôles entre les titulaires de droits, l’ARCOM et les intermédiaires techniques, en intégrant pleinement ces derniers pour faciliter l’action de l’ARCOM. Celle-ci pourra disposer de l’ensemble des compétences nécessaires et de moyens proportionnés et efficaces pour assurer ses missions de lutte contre le piratage et le streaming illicite.

Mme Marie-Ange Magne. Il s’agit de compléter la liste des intermédiaires techniques concernés en reprenant le modèle offert par la proposition de loi déposée par Mme Avia.

Mme Florence Provendier. L’idée est, en effet, d’inclure l’intégralité des intermédiaires techniques dans le dispositif afin de garantir son efficacité.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Mon amendement AC1346 tire les conséquences de la création dune ordonnance unique en intégrant la question des services de communication au public en ligne de contournement. Lamendement vise également à préciser le rôle que jouera lARCOM dans laide à lidentification et à la caractérisation de ces sites, en vue de faciliter lexécution de la décision judiciaire.

M. Jean-Jacques Gaultier. Mon amendement a le même objectif, qui est de compléter et de renforcer le dispositif de lutte contre le piratage de la retransmission d’événements sportifs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je demande le retrait des différents amendements au profit du mien.

Les amendements AC1152, AC1155 et AC1156 sont retirés.

La commission rejette lamendement AC1147.

Elle adopte lamendement AC1346 de la rapporteure.

En conséquence, les amendements AC496, AC1132 et AC1141 tombent, de même que lamendement AC975 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement AC432 de Mme Brigitte Kuster.

Elle en vient aux amendements identiques AC867 de la rapporteure générale, AC497 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC896 de M. Cédric Roussel, AC1133 de Mme Virginie DubyMuller et AC1142 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC867 étend le champ des personnes susceptibles d’exécuter l’ordonnance judiciaire – et les mesures de blocage et de déréférencement afférentes – au-delà des seuls titulaires de droits, parties prenantes aux contrats et fournisseurs d’accès internet. Tout service de communication en ligne, notamment les moteurs de recherche et les annuaires de référencement, devra également participer à la lutte contre le piratage des contenus sportifs.

M. Cédric Roussel. Lors de la table ronde organisée par le groupe d’études, tous les acteurs techniques ont exprimé une belle solidarité.

La commission adopte ces amendements.

Elle est saisie, en discussion commune, de lamendement AC1347 de la rapporteure et des amendements identiques AC1134 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1143 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1157 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il est proposé que l’ARCOM puisse intervenir pour faire cesser les violations de la décision judiciaire.

La commission adopte lamendement AC1347.

En conséquence, les amendements AC1134, AC1143, AC1157, ainsi que les amendements AC1135 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1144 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1158 de M. JeanJacques Gaultier tombent.

La commission est saisie, en discussion commune, de lamendement AC1348 de la rapporteure Sophie Mette ainsi que des amendements identiques AC498 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC1136 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1145 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1348 a pour objet de préciser les pouvoirs d’enquête et d’instruction confiés aux agents habilités et assermentés de l’ARCOM pour mener à bien les actions de prévention et de lutte contre le piratage sportif, en vue de faciliter l’exécution de la décision judiciaire ou de constater les faits susceptibles de porter atteinte aux droits protégés.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je retire mon amendement avant qu’il ne tombe !

Lamendement AC1145 est retiré.

La commission adopte lamendement AC1348.

En conséquence, les amendements AC498 et AC1136 tombent.

La commission adopte larticle 23 modifié.


5.   Troisième réunion du mercredi 4 mars 2020 (après l’article 52 à après l’article 58) ([7])

Après l’article 52

La commission est saisie de lamendement AC767 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement vise à introduire une régulation des plateformes de musique en ligne à la demande afin d’établir une plus saine concurrence entre les radios privées et ces acteurs, en les obligeant eux aussi à respecter les obligations en matière de diversité culturelle. Les modalités de régulation seraient laissées à l’appréciation d’un décret en Conseil d’État.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La charte de la diversité, que nous avons adoptée précédemment, concourt à cet objectif et, à mon sens, le satisfait. Je demande le retrait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC69 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Emmanuelle Anthoine. Les réseaux sociaux favorisent les excès en permettant aux personnes de se cacher derrière un pseudonyme pour calomnier et injurier. Ces contributeurs doivent être responsabilisés par l’obligation de sortir du confort de l’anonymat. Ce projet de loi offre un cadre propice pour aborder la question du pseudonymat. Ainsi la première partie de cet amendement tend-elle à faire obligation aux hébergeurs de vérifier l’identité de leurs utilisateurs.

La seconde partie renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités techniques de la vérification d’identité, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dans la mesure où cette vérification impliquera nécessairement le traitement de données à caractère personnel.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Derrière les comptes anonymes, il y a toujours des individus qu’il est possible de rechercher en saisissant la justice. Du reste, dans des affaires récentes que nous avons connues, l’anonymat n’était pas en cause et c’est à visage découvert que la haine a malheureusement pu s’exprimer. La solution ici proposée ne me semble pas des plus efficaces. Je demande le retrait de cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie des amendements identiques AC356 de Mme Virginie Duby-Muller et AC973 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Virginie Duby-Muller. Il s’agit d’insérer un article prenant en considération les remarques émises par la Commission européenne quant à l’impossibilité d’exiger la désignation d’un représentant légal inscrite dans la proposition de loi relative à la lutte contre les contenus haineux sur internet.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. s’agit d’un amendement de coordination avec la proposition de loi précitée.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. C’est une coordination bienvenue. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle en vient à lexamen de lamendement AC680 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Sabine Rubin. Par cet amendement, nous demandons un rapport évaluant l’efficacité des dispositifs de vérification d’âge et de contrôle parental ainsi que celle des mécanismes de classification et d’identification des contenus par les utilisateurs.

Ce rapport ferait aussi des recommandations pour améliorer l’éducation aux médias au sein de la famille et à l’école. Nous considérons qu’il s’agit de l’axe central à développer en matière de protection des mineurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement est satisfait par l’article 28 du projet de loi, qui prévoit que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) dresse chaque année un bilan de la mise en œuvre des codes de bonne conduite. Par ailleurs, notre assemblée a déjà renforcé les dispositifs d’éducation aux médias et à l’information en adoptant récemment la proposition de loi du président de notre commission.

La commission rejette lamendement.

Article 53
Coordination

La commission adopte larticle 53 sans modification.

Après l’article 53

La commission est saisie de lamendement AC903 du président Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Cet amendement est en quelque sorte le nôtre puisqu’il reprend la proposition de loi que nous avons adoptée à l’unanimité il y a quelques semaines dans l’hémicycle, et qui vise à encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis très favorable. J’espère que nous recueillerons la même unanimité que lors du vote de cette proposition de loi.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Avis très, très favorable !

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC558 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement participe de la stratégie bas-carbone en ce qu’il tend à inscrire dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication que les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) proposent par défaut un visionnage des vidéos disponibles dans une qualité combinant un confort suffisant pour l’utilisateur et la consommation de données la plus faible possible. En 2018, le visionnage de vidéos en ligne a généré 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. À titre d’exemple, dix minutes de visionnage en streaming d’une vidéo haute définition sur un smartphone équivalent à la consommation pendant cinq minutes d’un four électrique de 2 000 watts. Après Netflix, vont arriver Disney, Amazon et d’autres plateformes qui vont encore multiplier ce type de consommation. Dans quelques années, on mesurera l’intérêt visionnaire de cet amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Tout visionnaire qu’il soit, votre amendement risque de ne pas atteindre les plateformes de vidéos à la demande les plus émettrices, notamment YouTube, puisque seules les SMAD installées en France seraient concernées. En outre, il ne prévoit aucun dispositif de sanction en cas d’inobservation de la mesure et n’indique rien non plus sur les normes techniques à respecter. Je suis sans doute moins visionnaire que vous : avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Chapitre V
Autres dispositions relatives à la protection des publics

Article 54
Codes de bonne conduite visant à réduire lexposition des enfants aux publicités en faveur des aliments et boissons gras, sucrés ou salés

La commission est saisie de lamendement de suppression AC670 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Notre amendement de suppression vise à dénoncer le caractère contradictoire, et plus généralement l’insuffisance, de l’article 54. Nous sommes formels, les codes de bonne conduite et autres incitations n’auront jamais d’effet. Nous plaidons donc pour la mise en œuvre de mesures efficaces, qui ne peuvent se concrétiser autrement que par la contrainte légale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Outre que l’obligation nous est faite de transposer cette disposition de la directive européenne « services de médias audiovisuels » (SMA), les codes de bonne conduite ont toute leur utilité en matière de protection des mineurs, de lutte contre la haine et contre le terrorisme. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, lamendement AC393 de Mme AnneLaurence Petel, les amendements identiques AC239 de Mme Frédérique Meunier, AC586 de M. Richard Ramos, AC671 de Mme Muriel Ressiguier et AC985 de M. Guillaume Garot, ainsi que les amendements AC172 de M. Matthieu Orphelin et AC769 de Mme Michèle Crouzet.

M. Éric Poulliat. L’amendement AC393 reprend une proposition de notre ancien collègue Olivier Véran dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à protéger la population des dangers de la malbouffe. Également travaillé en lien avec l’organisation non gouvernementale Foodwatch, il prolonge l’initiative parlementaire déjà initiée dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), et s’inscrit dans la politique de lutte contre l’obésité chez les enfants et adolescents. Il a pour objet d’interdire toute publicité pour les denrées alimentaires dont le Nutri-Score montrerait la présence majoritaire de nutriments et aliments à limiter.

Mme Constance Le Grip. L’amendement AC239 va dans le même sens. Il s’agit de lutter contre la malbouffe, l’obésité et le surpoids chez les adolescents en régulant la publicité pour les produits alimentaires et les boissons trop riches en sucre, sel ou matières grasses. Il est absolument indispensable de prendre la pleine mesure du fléau qui frappe de plus en plus nos jeunes et de lui opposer une politique volontariste issue de travaux menés à l’échelle européenne et particulièrement de l’atelier 9 des états généraux de l’alimentation.

Mme Géraldine Bannier. L’amendement AC586 propose une réécriture de l’article 54 afin de lutter contre l’obésité et protéger la santé des enfants. En France, un enfant sur six est en surpoids ou obèse et risque de le rester à l’âge adulte. Ainsi qu’en atteste un rapport publié en 2016 par la commission pour mettre fin à l’obésité de l’enfant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « des données incontestables montrent que la commercialisation daliments nocifs pour la santé et de boissons sucrées a un lien avec lobésité de lenfant ».

Mme Sabine Rubin. Nous proposons l’amendement AC671 à la suite de notre rencontre avec Foodwatch. En France, 14 % des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids ou au stade d’obésité, et ont de grandes chances de le rester à l’âge adulte. Une étude de 2015 de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES) démontre l’influence de la promotion de produits de type junk food sur la prise de poids des plus jeunes, précisant que « les enfants obèses ou en surpoids augmentent leurs prises alimentaires de plus de 100 % après avoir été exposés à la publicité alimentaire à la télévision ». Il relève donc d’un enjeu de santé publique d’interdire les messages commerciaux ciblant les enfants et faisant la promotion de produits alimentaires trop sucrés, trop gras et trop salés afin de lutter contre l’obésité et de protéger la santé des enfants.

Mme Sylvie Tolmont. Dans le prolongement des travaux de l’atelier 9 des états généraux de l’alimentation, intitulé « comment faciliter l’adoption par tous d’une alimentation favorable à la santé ? », et de la résolution européenne relative à une agriculture durable pour l’Union européenne, l’amendement AC985 tend à instaurer une régulation de la publicité alimentaire destinée aux enfants. Une telle mesure permettrait à notre politique agricole et alimentaire d’entrer en cohérence avec les recommandations du programme national nutrition santé (PNNS) pour favoriser une alimentation bénéfique pour la santé.

M. Yannick Kerlogot. L’amendement AC172 est défendu.

Quant à l’amendement AC769, son auteure, Michèle Crouzet, le représente dans le cadre de ce projet de loi après qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale lors de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et à encourager les bonnes pratiques alimentaires, le 21 février 2019, sans avoir connu de suite au Sénat. Il consiste à instaurer l’affichage du Nutri-Score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires, tout en ouvrant aux annonceurs et aux promoteurs une possibilité de dérogation moyennant le versement d’une contribution. La mention du Nutri-Score sur les emballages n’est pas obligatoire pour des raisons de conformité au droit européen, mais elle est recommandée par les autorités. Près de 300 entreprises se sont engagées à l’apposer sur leurs produits.

Cette disposition a un caractère de santé publique en ce qu’elle permet d’orienter les choix des consommateurs et de prévenir le développement de maladies chroniques, comme le diabète et l’obésité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je sais combien les parlementaires sont préoccupés par la malnutrition et les risques d’obésité qu’elle comporte pour les plus jeunes et les plus fragiles, en particulier dans les classes populaires. La question est de savoir quel est le dispositif le plus efficace pour lutter contre ce fléau.

Le législateur a déjà interdit la publicité dans les programmes jeunesse de l’audiovisuel public – qui se différencie clairement du reste de l’audiovisuel sur ce point.

Les acteurs eux-mêmes se sont emparés de cette question sous l’égide du conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), au travers de la charte alimentaire, qui contraint et engage les acteurs. Désormais, certains types de publicité ne peuvent plus passer à l’écran : on ne peut plus voir des personnes en train de manger devant la télévision, ni des gens qui mangent à outrance. La publicité a donc évolué grâce à ce travail de régulation accompli par les acteurs eux-mêmes, à la fois les annonceurs et les chaînes de télévision.

Des associations d’usagers et de consommateurs, qui représentent des personnes victimes d’obésité ou qui luttent contre celle-ci, ont également contribué à l’élaboration de la charte alimentaire. Dans le cadre de la préparation de ce projet de loi, elles nous ont clairement demandé de ne pas aller jusqu’à l’interdiction pure et simple de la publicité, et de plutôt continuer à encourager le travail d’autorégulation. Une nouvelle charte a été adoptée très récemment, qui nous engage jusqu’en 2024. Il importe de continuer à avancer sur cette base et de faire confiance aux acteurs, car il ne s’agit pas d’un vœu pieux : ces dernières années, la publicité a vraiment changé de nature et certains comportements ont disparu. Pourquoi, dès lors, trop contraindre ?

À la fois parce que des engagements très concrets ont été pris et se sont traduits par des avancées significatives, et parce que nous ne disposons pas de mesures d’impact sur l’industrie, le secteur publicitaire et les chaînes de télévision d’une interdiction pure et simple de la publicité, je demande le retrait es amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je partage les réticences de Mme la rapporteure et demande aussi le retrait des amendements pour laisser la réflexion se poursuivre sur les éventuelles améliorations à apporter à la charte.

Mme Sabine Rubin. L’autorégulation des acteurs de la publicité est loin d’avoir fait ses preuves. La charte alimentaire 2020-2024 est d’ailleurs si peu contraignante que les ministères chargés du contrôle de la publicité se sont abstenus de la signer, contrairement aux deux chartes précédentes. Voilà qui contredit la caution d’efficacité que vous prétendez attribuer à cette fameuse charte.

Mme Florence Provendier. Les chiffres de l’obésité infantile ne font que croître : entre 2017 et 2019, ils ont explosé de façon exponentielle, particulièrement chez les filles. La charte, qui porte sur une durée de cinq ans, a été signée le 30 janvier 2020 par le CSA, les annonceurs, les groupes de télévision et, pour la première fois, les radios ; son périmètre a été élargi à la publicité extérieure – affichages et enseignes – et aux acteurs du numérique. Elle encourage à la présence du Nutri-Score et à un meilleur encadrement des pratiques de parrainage par des marques de boisson ou de produits alimentaires ; elle incite aussi les chaînes à augmenter les volumes de diffusion de programmes relatifs à une alimentation saine et durable, et à adapter les messages en fonction des tranches d’âge visées.

Compte tenu de l’importance de cet enjeu de santé publique, je souhaiterais que, d’ici à la séance publique, nous puissions envisager, en coopération avec le ministère de la santé et l’ensemble des parties prenantes, la manière dont nous pourrions à la fois faire vivre cette charte et aller plus loin.

Éric Poulliat. Les précédentes initiatives législatives n’ont pas abouti du fait de l’élaboration de la charte alimentaire, qui devait initialement porter sur la période 2019-2023 et qui a été signée en janvier dernier. Cependant, que les ministères n’aient pas signé cette charte témoigne, selon moi, de son insuffisance. D’où la nécessité de légiférer pour améliorer la protection des enfants vis-à-vis des publicités pour des produits trop gras, trop salés et trop sucrés. Les modalités d’application peuvent être renvoyées à un décret élaboré avec les acteurs concernés s’agissant des critères de référence à retenir.

M. Yannick Kerlogot. Le Nutri-Score a été conçu par Santé publique France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Il a été recommandé par le ministère de la santé, salué par l’OMS, les organisations de consommateurs et les professionnels de santé, et plébiscité par les citoyens, qui s’y sont montrés favorables à 91 %. L’amendement de Michèle Crouzet a l’avantage d’être concret en proposant d’imposer aux annonceurs souhaitant déroger à l’obligation d’afficher le Nutri-Score le versement d’une contribution, égale à 5 % des sommes destinées à la diffusion de publicités, à l’agence nationale de la santé publique. Il mérite d’être soumis au vote.

Mme Géraldine Bannier. Nous retirons l’amendement AC586, en espérant que la pugnacité de notre collègue Richard Ramos sur le sujet du « bien manger » sera satisfaite par l’amélioration réelle de cette charte.

Mme Sylvie Tolmont. Je ne retire pas l’amendement AC985, non seulement parce que l’auteur en est M. Garot, mais aussi parce que ces enjeux cruciaux nécessitent de prendre des mesures plus contraignantes.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Nous n’avons pas signé la charte, mais nous avons fait part de notre satisfaction la concernant par voie de communiqués de presse. Nous nous réservons la possibilité de l’améliorer encore, par les discussions que nous aurons d’ici à la séance et même ultérieurement.

Par ailleurs, un des objectifs majeurs du projet de loi est prévenir l’asymétrie de concurrence entre les acteurs nouveaux de l’internet et les acteurs traditionnels de l’audiovisuel, à commencer par les télévisions. Or s’il est possible de restreindre l’apparition de certains produits à la télévision, on ne peut pas le faire, ni techniquement ni juridiquement, pour les sites internet. Un grand nombre de ces publicités risque de se retrouver sur ceux que les jeunes consultent de plus en plus à la recherche de contenus qui leurs sont dédiés, notamment l’animation. La perte de ressources sera importante pour les acteurs de la télévision, qui sont français et établis en France, et pour le financement de la création française et européenne.

Lamendement AC586 est retiré.

La commission rejette successivement lamendement AC393, les amendements identiques AC239, AC671 et AC985 ainsi que les amendements AC172 et AC769.

Elle est saisie des amendements AC936 et AC937 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Il s’agit d’étendre l’interdiction des publicités vantant les produits et boissons trop gras et trop sucré pour tous les publics, et pas seulement pour les enfants. Nous entendons la préoccupation s’agissant de l’asymétrie entre les chaînes de télévision et internet, mais nous considérons qu’il vaut mieux aligner par le haut : les enjeux de santé publique sont bien plus importants que les enjeux économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ces amendements allant encore plus loin que les précédents, mon avis est également défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC822 de Mme Béatrice Descamps, AC904 de M. Anthony Cellier et AC817 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement AC822 vise à rendre obligatoire la mention du Nutri-Score, dont l’importance a été soulignée à maintes reprises, sur tous les supports publicitaires audiovisuels pour les denrées alimentaires.

Je tiens beaucoup à l’amendement AC817 qui a pour objet d’encadrer la diffusion des spots de publicité alimentaire sur les chaînes de télévision privées et leurs supports radiophoniques et électroniques rattachés afin d’en réduire l’impact sur les publics jeunes. Ne sont pas seulement concernés les enfants dits obèses, mais aussi ceux atteints de pathologies comme le diabète de type 1. En supprimant certaines publicités, nous pourrions éviter de créer des frustrations en cessant de leur donner à voir tout ce qui leur est interdit.

M. Stéphane Testé. L’amendement AC904 a pour objet de réduire les publicités pour des produits ayant un impact négatif sur l’environnement, celui-ci étant mesuré par l’empreinte carbone du produit ou sa participation à la déforestation. Il s’agit de dire stop à la promotion des produits polluants.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles je suis défavorable à ce type de proposition concernant la publicité pour les produits alimentaires, d’autant que ces amendements vont encore plus loin que les précédents et risqueraient de mettre en difficulté des chaînes de télévision exclusivement dédiées à la jeunesse. En l’absence d’étude d’impact permettant de mesurer leurs effets, j’émets un avis défavorable.

Quant à l’idée avancée par l’amendement AC904 d’instaurer une régulation à visée environnementale, elle n’est pas exempte de risque, en particulier pour les radios. Qu’adviendrait-il de celles-ci si l’on interdisait demain la publicité pour les automobiles, alors même qu’elle est à l’origine de 20 % de leurs revenus ? Les effets que pourraient engendrer de telles mesures doivent nous inciter à la prudence. Du reste, il n’y a pas de raison que les acteurs eux-mêmes ne se saisissent pas de cette question environnementale comme ils l’ont fait des questions alimentaires, par exemple en proposant un encadrement par une charte. Avis défavorable ; à défaut, demande de retrait.

Mme Florence Provendier. Nous entendons la difficulté à retirer du jour au lendemain la publicité de la radio. C’est pourquoi l’amendement AC904 propose que l’ARCOM promeuve la conclusion de codes de bonne conduite, sur le modèle de la charte alimentaire conclue entre le CSA et les annonceurs. Ces codes permettraient de lutter contre des stratégies publicitaires trompeuses visant à « verdir » les produits, et seraient cohérents avec l’engagement de la France à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’urgence climatique nous concerne tous ; dès lors, il faut que chaque acteur soit responsable et participe à la transition écologique et solidaire. Une charte en la matière constituerait sans doute un premier pas salutaire.

M. Bertrand Pancher. Il en sera bientôt de la voiture ce qu’il en a été du tabac : nous nous dirons qu’il n’y a aucune raison de faire la promotion de tout ce qui pollue et détruit l’environnement. Les publicités pour les voitures appartiennent au monde d’hier. Si nous voulons promouvoir un nouveau modèle de société, plus équilibré, nous devons tenir compte de ces nouvelles aspirations. Je remercie les collègues du groupe majoritaire qui ont déposé cet amendement.

Mme Béatrice Descamps. Je demande la suppression, non pas de toutes les publicités, mais uniquement de celles qui promeuvent des produits alimentaires et boissons dont la qualité nutritionnelle est néfaste pour la santé, notamment trop riches en sucre, en sel ou en matières grasses, et ayant pour cible les enfants de moins de 16 ans. Peut-être mon amendement AC817 est-il à retravailler mais, pour le bien de nos enfants, on ne peut pas en rester là.

Mme Frédérique Dumas. En fait, ces amendements plaident pour un moratoire sur France 4, ce qui nous permettrait de continuer à disposer d’une chaîne publique dédiée aux enfants sans publicité, plutôt que d’une seule chaîne privée avec des publicités commerciales – même si Gulli est une très bonne chaîne.

Successivement, la commission rejette lamendement AC822 et adopte lamendement AC904.

En conséquence, lamendement AC817 tombe, de même que les amendements suivants AC199 de Mme Frédérique Lardet, AC795 de Mme Martine Wonner, AC1085 de la rapporteure générale et AC615 de Mme Elsa Faucillon.

La commission en vient à lamendement AC280 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Selon l’article 6 de la Charte de l’environnement telle qu’elle a été intégrée dans la Constitution, les politiques publiques doivent promouvoir le développement durable. Cela passe par la culture, qui est susceptible de susciter l’évolution des mentalités de nos concitoyens et un changement en profondeur de nos pratiques. Quoi de mieux que les médias pour insuffler cette évolution culturelle ? C’est la raison pour laquelle je propose que l’ARCOM développe des codes de bonne conduite garantissant que l’exposition du public ou des usagers aux communications commerciales audiovisuelles soit conforme à la Charte de l’environnement. L’Autorité rendrait compte annuellement du nombre de codes adoptés. Voilà un amendement qui pourrait assez aisément faire l’unanimité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette proposition me semble satisfaite par l’amendement AC904 que nous venons d’adopter. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC672 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Les trois quarts des écrans publicitaires alimentaires diffusés dans les programmes télévisés destinés à la jeunesse portent sur des produits gras, sucrés ou salés. L’OMS a montré la corrélation directe entre la publicité alimentaire et les phénomènes de surpoids et d’obésité ; ce n’est donc pas quelque chose à prendre à la légère. La même organisation prône la mise en œuvre d’une réglementation sur la publicité alimentaire à destination des enfants. Une autre étude de simulation a pointé qu’entre un septième et un tiers des enfants obèses américains ne l’auraient pas été en l’absence de publicité télévisée pour la « junk food ». Combien d’études faudra-t-il pour que nous nous décidions enfin à encadrer de façon plus stricte la publicité à destination du jeune public ? Prenant acte de l’ampleur du problème, nous souhaitons, par cet amendement, œuvrer à une meilleure réglementation, à l’instar de celles qui existent dans d’autres pays en avance sur ces questions, comme la Suède, le Royaume-Uni, l’Espagne ou le Québec.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre amendement ne précise pas que seules sont visées les publicités alimentaires, mais mentionne l’ensemble des messages publicitaires destinés aux jeunes. L’adopter reviendrait à interdire purement et simplement toute forme de publicité ciblant les enfants et adolescents. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Dois-je comprendre que si nous ajoutons cette précision pour la séance, notre amendement aura toute votre écoute ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Pas tout à fait. Vous l’avez présenté comme visant la publicité alimentaire, mais le cadre de votre amendement est beaucoup plus large ; c’est cet aspect excessif qui lui vaut mon avis défavorable. Pour le reste, j’ai déjà répondu aux nombreux amendements présentés précédemment sur les questions alimentaires. Vous avez cependant toute liberté de retravailler votre amendement d’ici à la séance.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC673 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Sabine Rubin. Nous nous opposons au projet d’autorisation par décret de la publicité dite segmentée, annoncé par le ministre de la culture sur France Inter, le 13 février dernier. La publicité segmentée permet de cibler les téléspectateurs en fonction de critères particuliers – localisation, niveau de revenu ou composition du foyer –, via une télévision connectée ou une box internet. Nous refusons ce nouveau type de publicité. D’abord, tout comme l’association Résistance à l’agression publicitaire, nous pensons que la présence de publicité est un facteur d’homogénéisation des programmes qui nuit gravement au pluralisme. Ensuite, le développement de la publicité ciblée sur internet s’est accompagné de la violation du droit à la vie privée de millions de personnes en France.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. C’est bien un décret qui autorisera la publicité segmentée, qui existe aujourd’hui sur internet, sur les chaînes. Cela se fera dans le respect scrupuleux des données personnelles et de la vie privée, les téléspectateurs n’étant évidemment pas ciblés individuellement. La CNIL s’est, par ailleurs, saisie de ce sujet. Avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau règlement, nous poursuivons notre travail, en lien avec l’Europe, pour améliorer encore les dispositifs de protection de la vie privée sur internet. Nous agirons de même pour protéger la vie privée des téléspectateurs. Là encore, il ne doit pas exister d’asymétrie entre internet et la télévision, entre les nouveaux entrants et les acteurs historiques. Une étude de Facebook l’a montré, beaucoup d’internautes préfèrent recevoir des publicités qui correspondent à leurs goûts plutôt que des publicités éloignées de leurs préoccupations. Il vaut mieux avoir une publicité proche de ce que l’on souhaite, plutôt que de subir des annonces sans rapport avec ce que l’on aime.

Mme Sabine Rubin. Voilà un débat bien intéressant ; on y entend des propos insensés ! On dit que c’est anonyme, mais la publicité reste tout de même ciblée ! Si je fais un achat, on saura d’office ce que je veux et l’on m’incitera à acheter le même type de produits. Pourtant, la publicité est là aussi pour apporter de l’information, ouvrir le champ des possibles. Vos arguments me laissent sans voix. Je me laisse le temps de la réflexion pour y répondre en séance ! Je vois bien que vous n’osez pas trop toucher aux annonceurs. En commission des finances, nous avons fait des propositions visant à taxer les publicités néfastes aux consommateurs. C’est une façon de répondre à cette agression publicitaire.

Mme Frédérique Dumas. Il est inquiétant d’entendre dire que la publicité pourra mieux correspondre aux goûts de chacun : cela revient à enfermer les personnes dans leur propre sphère. Ces algorithmes nous rendent dépendants de nous-mêmes, alors que la création, que nous défendons au travers de ce projet de loi, est une offre qui nous entraîne ailleurs. Nous devons veiller à nous libérer des biais cognitifs qui s’imposent à nous, et qui parfois expliquent la diffusion des propos haineux sur internet.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 54 modifié.

Après l’article 54

La commission est saisie de lamendement AC1341 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit d’assurer une meilleure information du Parlement, dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle et d’évaluation, sur l’autorégulation professionnelle du secteur de la publicité. L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité pourrait lui remettre chaque année un rapport faisant état des dispositifs d’autorégulation existants et dressant le bilan de son action.

La commission adopte lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, elle rejette lamendement AC149 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Elle en vient à lamendement AC540 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Je suis restée un peu scotchée par vos arguments en faveur de la publicité segmentée. Figurez-vous que je lis Le Figaro, car il est intéressant de diversifier ses lectures, de s’intéresser à ce que pense autrui, de ne pas rester enfermé dans ses propres habitudes – je vous invite à en faire autant et à lire LHumanité !

Par cet amendement, nous souhaitons proposer un encadrement du marketing et de la publicité fondé sur un indicateur du Nutri-Score. Seuls les produits alimentaires et boissons classés A ou B pourraient faire l’objet d’un message publicitaire. Cette mesure contraignante répond aux préconisations du Haut Conseil de la santé publique et de l’Organisation mondiale de la santé, qui ont constaté l’inefficacité des engagements pris par les professionnels. Cet amendement répond également à la recommandation, adoptée à l’unanimité, de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle présidée par Loïc Prud’homme : « Établir, dans le cadre dune réglementation spécifique aux messages publicitaires des chaînes de télévisions et autres canaux électroniques dans le domaine alimentaire, des dispositions restrictives concernant tout produit susceptible de porter atteinte à la santé des enfants et des adolescents. »

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous sommes très attachés, comme le nouveau ministre de la santé, au Nutri-Score, mais l’échelle des cinq couleurs et lettres n’est pas du domaine de la loi. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC938 de Mme Josette Manin.

Mme Michèle Victory. L’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des biens de consommation peut entraîner des addictions précoces. L’usage précoce, excessif ou mal avisé des smartphones, des consoles, des jeux vidéo peut constituer un frein au développement psychique et mental de l’enfant, tout comme un danger pour sa santé physique – manque de sommeil, irritabilité ou perte de concentration. Nous souhaitons que l’ARCOM promeuve la conclusion de codes de bonne conduite en matière de communication sur ces biens de consommation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le projet de loi prévoit déjà plusieurs codes de bonne conduite, notamment à l’article 54, que nous venons d’adopter. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de multiplier ces dispositifs. Par ailleurs, la rédaction de cet amendement est insuffisamment précise : on voit mal quels sont les biens de consommation « pouvant engendrer des addictions précoces ». Avis défavorable.

M. Denis Masséglia. S’agissant de la pratique des jeux vidéo, l’OMS ne parle pas d’addiction mais tout simplement de pratique excessive. Je vous invite à regarder ce qui se passe dans les organisations internationales, réputées pour leurs travaux.

Mme Michèle Victory. Il convient sans doute de préciser dans lamendement quels sont les biens concernés, mais nous voyons tous ici de quoi il sagit ! Il nous est, à tous, arrivé dapercevoir des enfants encore en poussette avec un téléphone mobile à la main… Un code de bonne conduite sur ce sujet aurait toute sa place dans ce texte.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC939 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Cet amendement, très important à nos yeux, vise à protéger les jeunes publics des publicités véhiculant des préjugés sexistes, dans la suite de la charte d’engagements volontaires pour une représentation mixte des jouets promue par Agnès Pannier-Runnacher. Nous sommes tous conscients de ce problème et de la nécessité de lutter contre les préjugés, qui sont en décalage profond avec notre société. Ces stéréotypes continuent de s’exprimer au-delà de l’enfance : dans les programmes de télé-réalité, l’image de la femme est très malmenée. Beaucoup de travail reste à faire pour que ces pratiques cessent et que limage des femmes soit davantage fidèle à la place quelles occupent dans la société.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous sommes tous, du moins je l’espère, attachés à la lutte contre les préjugés sexistes. L’existence d’une charte montre que nous avançons, avec l’industrie, dans cette voie. Le CSA, l’ARCOM demain, veille à l’image de la femme dans les programmes audiovisuels et participe à cette lutte. Il me semble aussi que, sur ce point, la publicité a largement évolué.

Mme Sabine Rubin. Pas tout à fait, voyez les annonces pour les voitures !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Dans les annonces, les femmes étaient assignées à des rôles ; ce n’est plus le cas aujourd’hui, je n’ai pas l’impression de voir les mêmes publicités qu’autrefois. S’il y a bien un domaine où la représentation des femmes a évolué, c’est dans la publicité !...

M. Bertrand Pancher. Il y a encore des efforts à faire !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. …en laissant, par exemple, une femme répondre et aller au bout de sa pensée… C’est un comble ! L’existence de cette charte, ainsi que les missions dévolues à l’ARCOM constituent suffisamment de garde-fous. Avis défavorable.

Mme Céline Calvez. Trop longtemps, on a ignoré ce qui infuse et nous inspire dès nos premières années. La charte pour une représentation mixte des jouets trouve son origine dans un rapport du Sénat de 2014 et dans un rapport de la délégation aux droits des femmes sur les femmes et les sciences, dont j’ai été chargée avec Stéphane Viry. Nous ne souhaitions pas nous arrêter à ce qui se passe à l’école ou pendant les études, mais remonter aux conséquences que les linéaires et la publicité peuvent avoir sur les jeunes enfants. En quelques mois, il faut le saluer, nous avons réussi à réunir, sur la base du volontariat, l’ensemble des intervenants de l’industrie du jouet. Cette charte a été également signée par l’Union des annonceurs (UDA) et le CSA, et devrait accueillir de nouveaux signataires ce mois-ci. L’idée est qu’elle rassemble toutes les parties prenantes.

Même si l’on constate une recrudescence de packagings et de publicités sexistes, dont l’objet est de mieux segmenter le marché pour vendre aux parents de fillettes d’un côté, aux parents de petits garçons de l’autre, cette charte va dans le bon sens. Je ne pense pas que cet amendement soit nécessaire, car il tend à inscrire dans la loi une initiative qui existe déjà. En revanche, je vous invite à vérifier que les engagements pris dans cette charte seront bien tenus.

Mme Frédérique Dumas. Je ne vois pas en quoi le fait de prévoir dans la loi que l’ARCOM promeut la conclusion de codes de bonne conduite pose problème. Il nous est arrivé d’inscrire dans la loi des dispositions bien plus contraignantes ! La rapporteure générale a motivé son avis par le fait que la publicité avait évolué dans ce domaine. Certes, il y a eu des avancées, mais on n’est pas encore rendu ! Les préjugés sexistes véhiculés par la publicité, qui comporte une dimension informative, ont des effets, à mon sens, bien plus néfastes que ceux que l’on peut voir dans les œuvres de fiction ou de création, perçues comme plus subjectives. Loin de considérer les choses comme acquises, madame la rapporteure générale, il faut renforcer la lutte contre les stéréotypes dans la publicité. Vous pouviez vous abstenir, par ailleurs, de faire une réflexion à mon collègue Pancher. Un homme qui n’est pas d’accord avec vous serait-il, par essence, sexiste ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il m’a coupé la parole !

Mme Michèle Victory. L’exemple des jouets est connu, et ce n’est pas sur ce sujet que je voulais insister. De manière plus générale, l’amendement porte sur le rôle de l’ARCOM. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes nous a alertés sur la vision stéréotypée et inégalitaire des genres qui prévalait dans les programmes audiovisuels, surtout de divertissement. Comme nous l’avons fait pour d’autres sujets, nous pourrions facilement inscrire une telle disposition dans le texte. L’alerte doit être entendue, il faut aller un peu plus loin et le dire un peu plus fort !

Mme Sylvie Tolmont. Je ne comprends pas votre frilosité. Nous ne demandons pas une révolution, nous demandons que l’ARCOM promeuve un code de bonne conduite sur l’exposition des enfants aux publicités véhiculant des préjugés sexistes ! Je ne saisis pas votre rhétorique, sur le mode « le mieux est l’ennemi du bien ». Il est des symboles très forts : je me souviens du tollé provoqué par les ABC de l’égalité, proposés par Najat Vallaud-Belkacem, qui visaient à lutter contre les stéréotypes de genre.

Ce n’est pas tous les jours que nous avons l’occasion de travailler sur un projet de loi relatif à l’audiovisuel. Cet amendement ne propose rien de très contraignant. Hormis le fait qu’il émane de l’opposition, je ne vois pas en quoi il suscite votre rejet, d’autant que l’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale par le Président de la République !

M. Éric Poulliat. Nous avons parlé tout à l’heure des codes de bonne conduite visant à protéger les enfants de l’obésité. Les codes, pas plus que les chartes, ne sont ni opposables ni contraignants ; leur valeur est bien inférieure à celle de la loi ! Sur un sujet aussi important que celui des préjugés sexistes, il conviendrait de ne plus dépendre de la libre appréciation ou du bon vouloir des signataires, mais de poser les choses de manière ferme et définitive, en basculant dans le domaine de la loi.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La loi prévoit que le CSA veille à l’image des femmes dans les programmes audiovisuels, notamment en luttant contre les stéréotypes et les préjugés sexistes, avec une attention particulière destinée à l’enfance et à la jeunesse. Ce seront bien les missions de la future ARCOM.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC725 de Mme Anne-Laurence Petel.

M. Éric Poulliat. Par cet amendement de repli, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui évaluerait le coût pour le secteur audiovisuel d’une interdiction de la publicité pour les produits trop gras, trop salés et trop sucrés à destination des enfants, et le bénéfice à long terme pour les finances publiques et l’impact social et sanitaire d’une telle mesure de prévention. Nous ne disposons pas d’études, seulement des évaluations effectuées par les acteurs du secteur eux-mêmes. Or le Parlement doit s’appuyer sur des données chiffrées et mesurées de manière neutre pour mettre en balance le coût pour le secteur audiovisuel et celui de l’obésité pour les finances publiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’idée d’un rapport est très intéressante, tant il est vrai que les parlementaires manquent souvent d’études d’impact pour mesurer l’intérêt, la faisabilité et les conséquences d’une proposition, et voter en conséquence. Je vous propose de retirer l’amendement afin d’en préciser, d’ici à la séance et avec le Gouvernement, la rédaction.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Cela me convient.

Lamendement est retiré.

Article 55
Accessibilité des programmes télévisés et à la demande aux personnes en situation de handicap

La commission examine lamendement AC227 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Les droits des auteurs qui participent à la création des adaptations nécessaires à laccessibilité des programmes au profit des malvoyants ou des malentendants – audiodescriptions et sous-titres – doivent être respectés.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement est satisfait, car il ne fait pas de doute que l’autorité administrative indépendante que sera l’ARCOM respectera le droit de la propriété littéraire.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement AC163 de M. Stéphane Claireaux.

Mme Stéphanie Atger. Il sagit de renforcer laccessibilité des programmes diffusés sur internet pour les personnes en situation de handicap.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons auditionné les associations et les fédérations œuvrant dans le domaine du handicap. D’un commun accord, et en lien avec le Gouvernement, nous avons décidé d’attendre les préconisations du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), saisi pour avis, pour ajuster nos interventions sur le texte lors de son examen en séance publique. Je vous demande donc de retirer cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC796 de Mme Martine Wonner.

M. Stéphane Testé. Pour beaucoup de personnes en situation de handicap, notamment psychique, les programmes de télévision représentent l’un des derniers véhicules de la socialisation et de la connexion à la vie réelle et à sa temporalité. Cet amendement réaffirme le principe de l’accessibilité de tous aux contenus audiovisuels, qu’ils soient atteints d’un handicap physique, mental ou psychique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je sais à quel point Martine Wonner est attentive à cet enjeu ; elle a rendu, d’ailleurs, un rapport sur ces questions. Il me semble que la référence claire au handicap permet d’englober tous les types de handicap. Procéder à une énumération, ce serait risquer d’omettre un type de handicap. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1106 de la rapporteure générale.

Elle en vient à lamendement AC674 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. En France, 8,7 millions de personnes, soit 14 % de la population, sont en situation de handicap sensoriel. L’étude d’impact relève une baisse des volumes annuels de programmes audio-décrits ou sous-titrés. Nous souhaitons une loi davantage contraignante et proposons que l’objectif de 100 % des programmes accessibles aux personnes sourdes et malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes soit atteint avant 2025.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons déjà adopté un amendement de Caroline Janvier visant à garantir l’accessibilité des temps de débat public, des communications prioritaires du Gouvernement et des alertes à la population – les personnes en situation de handicap rapportent ne pas avoir compris les informations communiquées lors des attentats du 13 novembre 2015. Je crains que cet amendement n’aille trop loin et que nous ne puissions pas, faute de moyens, atteindre l’objectif de 100 % des programmes accessibles. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lexamen de lamendement AC164 de M. Stéphane Claireaux.

Mme Stéphanie Atger. Il s’agit de généraliser le code couleur portant sur le sous‑titrage, contenu dans la charte relative à la qualité du sous-titrage à destination des personnes sourdes ou malentendantes, signée par le CSA en 2011.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je ne pense pas que le code couleur soit du domaine de la loi. Il relève plutôt de l’ARCOM, ou du moins du domaine réglementaire, ce qui permet, d’ailleurs, une plus grande souplesse. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission passe à lamendement AC162 de M. Stéphane Claireaux.

Mme Stéphanie Atger. Les informations importantes et urgentes, telles que les annonces de catastrophe météorologique ou les discours officiels des membres du Gouvernement ou de la Présidence de la République, doivent être accessibles, sur les chaînes du service public, aux personnes en situation de handicap.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement est satisfait par l’adoption, à l’unanimité, de l’amendement AC900 à l’article 37.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC905 de Mme Bénédicte Pételle.

Mme Bénédicte Pételle. Le CNCPH nous a expliqué que les sous-titres et les audiodescriptions ne sont pas toujours de qualité : certains programmes sont mal traduits, des passages manquent, on relève des lacunes orthographiques et linguistiques. Il est indispensable que les informations soient fidèlement retranscrites, dans un français dénué de fautes d’orthographe ou de syntaxe. Le CSA a élaboré trois chartes répondant à cet objectif : la charte de l’audiodescription, la charte relative à la qualité du sous-titrage et la charte de qualité pour l’usage de la langue des signes française (LSF) dans les programmes télévisés. Élaborées avec des associations de personnes en situation de handicap, ces chartes proposent des standards de qualité. Elles rappellent notamment l’importance de respecter le sens des informations retransmises, les règles inhérentes à l’interprétation professionnelle ou encore la nécessaire lisibilité et visibilité des sous-titres ou des interprètes LSF.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur le principe de cet amendement. Mais sa rédaction est insuffisamment précise : mentionner les trois chartes dans la loi risque de figer les choses. Je vous propose de le retirer afin de travailler à sa rédaction, en lien avec le Gouvernement et en tenant compte, là encore, de l’avis du CNCPH.

M. Franck Riester, ministre de la culture. L’amélioration de la qualité de l’audiodescription et du sous-titrage est l’un des demandes principales du CNCPH. Nous recherchons, avec le Conseil et en lien avec la rapporteure, le meilleur dispositif possible, aussi bien sur le plan juridique que technique. Dans ce domaine, le projet de loi initial est ambitieux, puisque les obligations d’accessibilité des programmes ont été étendues aux plateformes. Lors de la conférence nationale du handicap à l’Élysée, nous sommes convenus avec le CNCPH d’aller plus loin sur la qualité de l’accessibilité, sur le volume de contenus accessibles – notamment les événements majeurs –, sur l’extension des obligations à la télévision de rattrapage. Nous travaillons aussi à l’objectif de 100 % des contenus accessibles sur France Info, la chaîne d’information en continu, puisque c’est l’une des vocations du service public que de permettre l’accessibilité des contenus. J’espère que nous parviendrons à construire un beau texte autour de cette question.

Mme Bénédicte Pételle. J’espère aussi que les responsables du CNCPH nous transmettront suffisamment tôt l’avis, car nous attendons toujours les notes qu’ils nous ont promises. J’ai entendu la remarque de la rapporteure concernant la mention des trois chartes, nous travaillerons à une nouvelle rédaction. Cet amendement est important et j’y suis d’autant plus sensible que je suis moi-même appareillée.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 55 modifié.

Article 56
Fixation de proportions de programmes accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles ou malvoyantes pour les services de médias audiovisuels à la demande

La commission est saisie de lamendement AC675 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Sabine Rubin. Il est dommage que la proportion de programmes accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes, aveugles ou malvoyantes soit fixée par décret et non dans la loi. Nous proposons de fixer un objectif de 100 % avant l’année 2025. J’ai noté, madame la rapporteure générale, que la commission avait adopté un amendement à l’article 37, mais seules les annonces d’urgence sont concernées. Nous parlons de tous les programmes : pourquoi 14 % de la population française ne pourraient-ils pas y accéder ? Vous avez ajouté que les moyens pour atteindre cet objectif étaient insuffisants. On en revient toujours à la question des crédits : n’est-ce pas contradictoire avec le fait que le Gouvernement a fait du handicap une des priorités du quinquennat ?

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, la commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 56 sans modification.

Après l’article 56.

La commission est saisie de lamendement AC165 de M. Stéphane Claireaux.

Mme Stéphanie Atger. Cet amendement d’appel propose que tout matériel audiovisuel promotionnel ou commercial du Gouvernement, comme les DVD vendus par certains musées de France, soit aussi sous-titré en français.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends l’intérêt de votre amendement mais sa rédaction me semble inadéquate : ce n’est pas le Gouvernement, dont les musées ne dépendent pas, qui commercialise ce genre de support. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Atger. Puis-je avoir une réponse sur le fond ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il est, en effet, nécessaire que le sous‑titrage soit réalisé en français.

Lamendement est retiré.

Article 57
Protection des mineurs

La commission est saisie de lamendement AC940 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. De nombreuses associations nous ont fait part de leur inquiétude vis-à-vis des phénomènes d’accoutumance à la violence observés chez les jeunes publics. Ceux-ci sont soumis, de plus en plus tôt, à des programmes violents ou banalisant la violence. Je rappelle que la majorité des enfants commencent à regarder la télévision vers 15 mois ! L’accès largement facilité à la télévision et aux plateformes de vidéos à la demande rend le contrôle parental plus compliqué. L’ARCOM doit d’assurer de la mise en place d’un code parental ou de tout autre moyen permettant de lutter contre ce fléau.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je crains que la manière dont votre amendement est rédigé ne restreigne les possibilités existantes pour les SMAD. Cela va à l’encontre de votre objectif, auquel je souscris pleinement. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle discute de lamendement AC676 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. En vertu de la protection des mineurs, objet même de cet article, nous souhaitons interdire, de façon totale et inconditionnelle, l’usage par les plateformes de technologies de reconnaissance faciale pour vérifier leur âge et permettre le contrôle parental. Alors que la Chine contrôle les enfants à l’entrée de leur école et que certaines écoles et camps de vacances en France se dotent de caméras intelligentes et de logiciels de reconnaissance faciale, il serait impensable de ne pas préserver les enfants de ces technologies sur les plateformes numériques privées ! Les parents ne peuvent pas, pour l’éducation de leurs enfants, se reposer sur des procédés techniques, toujours plus élaborés et qui contreviennent désormais au respect des libertés ainsi qu’à la sécurité numérique et physique des enfants.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons débattu plus tôt des questions de reconnaissance faciale avec les collègues de votre groupe. J’estime que le régulateur doit rester le juge en matière de procédés de contrôle d’accès et de contrôle parental, afin que nous ne nous privions pas de techniques qui pourraient s’avérer utiles, en fonction des sites. Plus on restreint les possibilités, plus on se prive de capacités pour protéger les enfants, un objectif que nous partageons tous. Nous sommes bien loin du contrôle exercé en Chine sur l’accès des enfants aux écoles ! Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure générale, êtes-vous favorable à l’utilisation de technologies de reconnaissance faciale pour vérifier l’âge des enfants ? Cela me paraît assez aberrant ! Monsieur le ministre, savez-vous si la législation actuelle autorise les plateformes à utiliser des technologies de reconnaissance faciale ? C’est une question qui vaut le coup d’être posée, même si, je vous l’accorde, l’argument du contrôle par reconnaissance faciale des enfants chinois n’est pas pertinent. On parle bien ici de l’utilisation, par les plateformes, de technologies de reconnaissance faciale pour vérifier s’ils sont mineurs.

Mme Sabine Rubin. Outre que je suis surprise que la protection des mineurs passe par la reconnaissance faciale et non en aidant les parents à les protéger, je m’interroge sur la protection des données des mineurs. Sont-elles protégées par la confidentialité ?

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je note que La France insoumise est opposée à la reconnaissance faciale pour les mineurs, ce qui laisserait entendre qu’elle y est plutôt favorable pour les autres…Certains smartphones se débloquent grâce à la reconnaissance faciale. C’est une option de sécurité élevée dont se servent beaucoup d’utilisateurs, qu’ils soient mineurs ou non. Mais vous posez une vraie question, celle de l’utilisation de l’identité numérique pour accéder aux services publics et aux plateformes privées.

Nous sommes dépendants de logins fournis par les plateformes, massivement américaines. Une initiative du Gouvernement, qui associe des parlementaires, doit aboutir à la délivrance dune identité numérique pour chaque concitoyen français dici à la fin du quinquennat. Cela réglera une partie des problèmes daccessibilité aux services, quils soient publics ou privés. Vous verrez alors que la question de la reconnaissance faciale se posera sur dautres champs dapplication. Voilà pourquoi la manière dont vous introduisez le sujet et dont vous le prolongez autour des données, alors que cet amendement ne laborde pas, pose question.

Mme Sabine Rubin. Je parlais uniquement des mineurs, et je me suis trompée en parlant de données. Il est bien question de l’identité numérique.

Mme Frédérique Dumas. Je n’ai pas obtenu de réponse à mes deux questions. La rapporteure est-elle favorable à l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale pour vérifier l’âge d’un enfant ? La législation permet-elle de l’interdire ? Pour ma part, je ne vois pas comment on peut utiliser la reconnaissance faciale pour vérifier l’âge d’un mineur.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame Dumas, je n’ai pas de réponse précise à votre question pour l’instant. Je ne manquerai pas de vous en apporter une après l’avoir fait expertiser. M. Bothorel a apporté des précisions justes. Cédric O travaille sur cette question de la reconnaissance faciale, en lien avec la CNIL et la Commission européenne, afin d’aboutir à un dispositif qui offrira toutes les garanties nécessaires dans tous les domaines, y compris ceux que vous avez évoqués.

Mme Christine Hennion. Pour l’heure, ces technologies sont interdites, sauf cas expressément décrits. Cette question devrait être traitée dans d’autres textes, aussi n’a-t-elle pas lieu d’être abordée ici.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1105 et AC1104 de la rapporteure générale.

La commission examine lamendement AC829 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet. Les jeux d’argent sont interdits aux mineurs ; c’est la loi. Or certaines émissions de télévision sont entrecoupées de jeux de cette nature, qui sont proposés sous forme de questions faciles ; pour gagner le grand prix qu’on nous fait miroiter, on y répond en composant un numéro surtaxé. Cependant, aucun message n’indique, ni à l’écran ni lorsqu’on appelle ce numéro, que ce genre de jeu est interdit aux mineurs. Cet amendement tend donc à confier à l’ARCOM le soin de veiller à ce que ces jeux soient accompagnés d’un message d’alerte aux mineurs. On sait, en effet, que les jeux d’argent troublent l’évolution psychique du mineur et que c’est un premier pas vers un achat compulsif et régulier de jeux d’argent lorsqu’il sera majeur. Autant prévenir ces comportements dès maintenant.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous soulevez là une question extrêmement pertinente. Simplement, cet amendement propose à la fois que les services téléphoniques surtaxés ne soient pas accessibles et qu’ils soient accompagnés d’un avertissement ou d’un symbole pour protéger les mineurs, deux options entre lesquelles il faudra arbitrer. Il faut absolument aboutir à une solution en séance publique, aussi vous invité-je à retravailler votre amendement. À ce stade, j’y suis défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Effectivement, ce sujet est majeur. Je vous propose d’y travailler ensemble, avec la rapporteure, pour aboutir à un texte juridiquement plus précis et qui permette de mieux traiter cette problématique. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC267 de M. Raphaël Gérard, qui fait lobjet du sous-amendement AC1371 de la rapporteure générale.

M. Raphaël Gérard. L’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 confie au CSA un pouvoir de sanction à l’encontre des diffuseurs pour tout programme comportant une incitation à la haine à raison de la race, du sexe, des mœurs, de la religion ou de la nationalité. L’alinéa 10 de l’article 57 en élargit le champ à d’autres motifs discriminatoires mentionnés à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : origines ethniques ou sociales, orientation sexuelle, caractéristiques génétiques, langue ou appartenance à une minorité nationale.

L’identité de genre ne figure pas parmi ces nouveaux motifs, alors que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, loi fondatrice dans notre pays en matière de liberté d’expression, interdit explicitement tout propos haineux ou discriminatoire à l’encontre des personnes trans. Cette loi a pourtant servi de référence pour poser un cadre protecteur de la dignité humaine sur internet, à la fois avec l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et avec l’article 1er de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Dans un souci de coordination et d’une meilleure protection des droits fondamentaux garantis par notre droit national, cet amendement propose de mentionner dans les missions de l’ARCOM la lutte contre la discrimination fondée sur l’identité de genre.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il est utile, en effet, de préciser que peut être sanctionnée l’incitation à la haine ou à la violence en raison de l’identité de genre. Je suis favorable à votre amendement, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement rédactionnel.

La commission adopte successivement le sous-amendement et lamendement sous-amendé.

Elle en vient à lamendement AC71 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il s’agit d’ajouter l’atteinte à l’intimité de la vie privée à la liste des contenus faisant l’objet d’une interdiction au sein des programmes audiovisuels. Le droit au respect de la vie privée a été consacré notamment par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 9 du code civil et une jurisprudence constante de la cour d’appel de Paris puis de la Cour de cassation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Comme je l’ai fait pour un amendement identique que vous avez présenté sur un autre article, j’émets un avis défavorable sur celui-ci. On ne peut pas mettre sur le même plan l’atteinte à l’intimité de la vie privée et l’incitation à la haine ou l’incitation au terrorisme.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement AC72 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Le harcèlement scolaire touche plus d’un jeune Français sur dix. Je propose de l’ajouter à la liste des contenus faisant l’objet d’une interdiction au sein des programmes audiovisuels.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble que le projet de loi couvre déjà bien ce sujet, puisque l’incitation à la haine ou à la violence est fondée sur l’un des motifs visés à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux, qui en dresse une liste extrêmement extensive : sexe, race, couleur, origines ethniques ou sociales, caractéristiques génétiques, langue, religion, convictions, opinions politiques et toute autre opinion, appartenance à une minorité nationale, fortune, naissance, handicap, âge ou orientation sexuelle. Ce spectre très large offre de quoi satisfaire votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC344 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie se développent actuellement, notamment par la communication audiovisuelle. Il convient de tout faire pour l’empêcher – pour ma part, je ne supporte pas les propos racistes d’Éric Zemmour. Si l’on inscrivait clairement dans la loi que l’ARCOM s’assure que les programmes ne contiennent pas d’incitation au racisme, à l’antisémitisme ou à l’homophobie, on avancerait dans la lutte.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Même réponse qu’aux amendements précédents : le projet de loi couvre déjà les motifs visés. Pour ce qui est de l’homophobie, nous avons adopté l’amendement de Raphaël Gérard introduisant le motif de l’identité de genre. Quant aux autres motifs, l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux, à laquelle le projet de loi fait explicitement référence, fait bien état du refus de l’incitation à la haine ou à la violence fondée sur la race, sur la religion, sur les origines ethniques ou sociales ou sur l’orientation sexuelle. Votre amendement, et c’est heureux, est donc satisfait.

M. Bertrand Pancher. Mon amendement est peut-être satisfait, mais je n’en vois pas les effets dans le développement du racisme et de l’antisémitisme, et des propos publics injurieux que l’on entend. Tout cela est choquant, aussi serait-il bon qu’on puisse remettre une couche.

M. Bruno Fuchs. Ces motifs sont certes couverts, mais l’indiquer dans le texte serait un signe fort.

M. Bertrand Pancher. Merci beaucoup.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous sommes tous très engagés dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie ; je le suis à titre personnel comme d’autres parlementaires sur tous les bancs. En est-ce un gage que d’allonger une liste ? Dès lors qu’est affirmé de manière explicite le refus de l’incitation à la haine ou à la violence sur le fondement de la race, de la religion, de l’orientation sexuelle ou des origines ethniques, il me semble que bien des choses sont déjà couvertes. De son côté, le CSA fait régulièrement un travail de contrôle très précis et les annonceurs sont très vigilants sur les programmes dans lesquels ils souhaitent faire passer leur publicité.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient aux amendements identiques AC60 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC61 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC440 de Mme Albane Gaillot.

Mme Emmanuelle Anthoine. Dans l’avis qu’il a donné sur le projet de loi, le Haut Conseil à l’égalité indique la nécessité de veiller à la qualité de l’image des femmes véhiculée par les programmes audiovisuels. Mon amendement investit l’ARCOM de la mission de veiller à ce que les programmes mis à disposition du public ne contiennent aucun propos ou image dégradants ou discriminatoires envers les femmes, et qu’ils véhiculent une image non stéréotypée des femmes, dépourvue de préjugés sexistes.

Mme Carole Bureau-Bonnard. Il s’agit de renforcer le rôle de la nouvelle autorité en matière de lutte contre le sexisme.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La Charte des droits fondamentaux fait explicitement référence à la notion de sexe et à l’égalité entre les femmes et les hommes, et la loi du 30 septembre 1986 énonce très clairement que le CSA, demain l’ARCOM, veille à l’image des femmes dans les programmes audiovisuels, notamment en luttant contre les stéréotypes et les préjugés sexistes. Ces amendements sont satisfaits. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle passe à lamendement AC571 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Le sujet des deepfakes vidéos a été soulevé à de nombreuses reprises lors des auditions. Je n’en savais pas grand-chose ; on m’a expliqué que les technologies de l’image sont tellement avancées qu’on ne peut plus faire la différence entre un vrai discours du président Trump et un faux discours d’un vrai faux Trump. En ces temps de complotisme, c’est une difficulté. Nos interlocuteurs nous ont dit ne pas savoir comment introduire cette question dans la loi, mais que cela était nécessaire. Je propose donc que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure une mission de surveillance relative à la déontologie de l’image et qu’elle s’intéresse notamment aux évolutions technologiques mettant en péril la vérité de l’image.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous avez raison, la propagation des deepfakes vidéos pourrait entraîner un risque démocratique. Toutefois, je suis dubitative quant à la solidité juridique de termes comme « déontologie de l’image » ou « vérité de l’image ». Ce sujet, comme celui des enceintes connectées, demande à être travaillé avec le Gouvernement. Il participe d’enjeux démocratiques majeurs liés à la question de la qualité de l’information du public. Demande de retrait.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame Bannier, vous avez raison, ces hypertrucages – plutôt que deepfakes – constituent une menace pour l’information. Il importe de réfléchir ensemble, d’ici à la séance publique, à la meilleure rédaction possible.

M. le président Bruno Studer. En tant que rapporteur de la loi sur la manipulation de l’information, je pense que les hypertrucages peuvent rentrer dans le champ des missions de surveillance et de régulation de l’ARCOM.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 57 modifié.

Après l’article 57

La commission est saisie des amendements identiques AC64 de Mme Valérie BazinMalgras et AC65 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a observé que les femmes « disparaissaient » aux heures de grande écoute, qu’elles étaient trop souvent cantonnées à des rôles secondaires ou à des sujets dits féminins, et qu’elles étaient encore totalement absentes de certains plateaux.

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a inséré un nouvel article 20-1 A dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Celui-ci assigne aux chaînes de télévisions et aux radios l’obligation de fournir à leur autorité régulatrice des indicateurs qualitatifs et quantitatifs permettant d’apprécier le respect de la juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle.

Cet amendement tend à faire préciser par ces indicateurs les variables retenues en fonction des différentes tranches horaires et pour les différents types de programmes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La mesure de la place des femmes par types de programmes et tranches horaires a été abordée lors les auditions. Javais moi-même rédigé un amendement, que jai retiré dans lattente de lavis de la délégation aux droits des femmes et à légalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a eu la possibilité de faire davantage dauditions sur le sujet.

Je vous propose de retirer également vos amendements, étant entendu que ces indicatifs quantitatifs doivent être nécessairement inscrits dans la loi.

Mme Emmanuelle Anthoine. Je ne vois pas pourquoi on attendrait le rapport de la délégation aux droits des femmes et ses amendements.

Mme Béatrice Piron. Des chercheurs de l’Institut national de l’audiovisuel ont mis au point un outil capable de fournir des statistiques sur les paroles des femmes dans toutes les émissions télévision, quelles que soient l’heure et la chaîne. Comme toutes les émissions sont enregistrées et stockées par l’INA, ces statistiques sont extrêmement précises.

Mme Maina Sage. Cela fait maintenant quelque temps que le projet de loi a été déposé, et j’en remercie le Gouvernement. Nous avons eu le temps de le travailler, et je regrette que la délégation aux droits des femmes ne soit pas au rendez-vous. J’espère que nous disposerons de son avis avant l’examen du texte en séance publique, ce qui ne nous empêche pas de poser un jalon aujourd’hui.

Mme Céline Calvez. Pour les femmes, on a souvent dit qu’on n’avait pas le temps, qu’on verrait plus tard. Ces amendements sont précis, ils visent à inscrire des indicateurs quantitatifs et à les faire progresser. Ils peuvent constituer une base pour la discussion en séance.

La commission adopte les amendements.

Elle est saisie de lamendement AC508 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. La proposition de loi de lutte contre les contenus haineux, comme la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, consacre le rôle essentiel de vigie des associations de lutte contre les discriminations : celles-ci auront vocation à siéger dans le futur observatoire de la haine en ligne et, dans le cadre de conventions passées avec les plateformes au niveau européen, elles sont reconnues comme des tiers de confiance en matière de signalement des contenus haineux. Dans le même esprit, pour reconnaître officiellement le rôle de ces associations dans la lutte contre la prolifération des discours de haine dans le domaine audiovisuel, je propose, sur le modèle de l’article 27 de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, de leur donner la possibilité d’adresser des demandes à l’ARCOM afin que celle-ci engage une procédure de mise en demeure en cas de non-respect des obligations définies à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La possibilité de demander à l’ARCOM la mise en demeure d’un éditeur, distributeur ou opérateur par les associations est pertinente au regard d’autres préoccupations évoquées précédemment. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Article 58
Transparence des médias audiovisuels

La commission est saisie de lamendement AC677 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Sabine Rubin. Une directive européenne laisse la possibilité aux États membres de tenir à la disposition du public des informations relatives à la structure de la propriété des fournisseurs de médias et les bénéficiaires effectifs. Pourtant, cette directive n’a pas été retenue par le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi sous prétexte que ces informations seraient déjà disponibles sur le site internet du CSA. Nous présentons une série d’amendements permettant de garantir cette transparence. L’indépendance d’un média se mesure à sa source de financement. Les citoyens ont le droit d’être au fait de la concentration médiatique et de ses conséquences sur le contenu proposé. Ce premier amendement tend donc à inscrire dans la loi le droit à l’information en matière de financement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre amendement tel qu’il est rédigé me semble très peu opérationnel. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement AC662 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Le phénomène de concentration des médias n’épargne pas les plateformes de communication audiovisuelle. Les débats sur les GAFAM
– Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft –, ont mis en lumière les dérives de censure ou d’influence de tout ordre que ces plateformes peuvent subir de la part de leurs propriétaires. Aussi proposons-nous que toute plateforme de communication audiovisuelle soit obligée d’informer ses utilisateurs de la provenance de ses sources de financement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je crains qu’il soit assez difficile de rendre opérationnel le dispositif que vous préconisez. Faudrait-il, par exemple, indiquer la source des capitaux sur les vidéos disponibles en replay ou sur tous les sites internet ? Je ne vois pas quelle en serait la plus-value pour les Français. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. La plus-value, c’est la transparence !

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC664 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Dans la même logique, nous proposons ici d’instaurer un bandeau informatif indiquant clairement aux téléspectateurs les séquences des journaux télévisés et reportages qui concernent le propriétaire de la chaîne, de manière à prévenir tout conflit d’intérêts et toute ingérence du propriétaire. La loi ne prend pas la mesure de la situation d’oligopole médiatique qui fait que dix milliardaires possèdent aujourd’hui près de 90 % du secteur médiatique, tous médias confondus. Cette situation va à l’encontre du bon sens, du pluralisme et de l’exigence d’une information neutre et de qualité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Encore une fois, j’ai des doutes sur le caractère opérationnel de votre amendement. Par exemple, TF1 est détenue à 7 % par ses salariés. Faudrait-il, dès qu’un journaliste détenteur de quelques actions intervient à l’antenne, mettre un bandeau pour prévenir qu’il est actionnaire ? Et l’affaire se complique sachant que l’actionnariat des chaînes privées peut changer rapidement. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC663 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Sabine Rubin. Je ne savais pas qu’un journaliste pouvait être actionnaire de la société dans laquelle il travaille. Je trouve cela très intéressant. D’où l’intérêt de l’amendement précédent.

Avec celui-ci, nous proposons de donner une information sur les propriétaires des médias radiophoniques aux auditeurs et auditrices, afin qu’ils puissent détecter une potentielle influence de ceux-ci sur ladite radio. L’héritage du Conseil national de la Résistance pour maintenir à distance les puissances de l’argent et les influences étrangères a laissé place à une mercantilisation à outrance des médias. La radio en subit, elle aussi, les conséquences. Le spot informatif que nous proposons ici aura la double qualité d’informer l’auditeur et d’avoir un effet préventif pour les groupes quant au contrôle du contenu radiophonique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même en limitant la répétition de ces flashes à cinq fois par jour, je crains qu’il ne soit pas tout à fait opérationnel pour la radio de détailler l’ensemble de la liste de ses actionnaires, sans compter qu’il me paraît impossible d’avoir cette liste. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC678 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons que soit diffusé, au début et à la fin de chaque journal télévisé proposé par une chaîne de télévision privée, un bandeau indiquant le nom du ou des propriétaires de ladite chaîne.

En 2015, lindustriel français Vincent Bolloré, président-directeur général du groupe éponyme, sest illustré par ses censures sur les chaînes lui appartenant. Cest ainsi que la diffusion dun documentaire sur le Crédit mutuel et la fraude fiscale fut empêchée, mettant à mal la liberté dinformation. À la fois clients et actionnaires, les propriétaires de chaînes télévisées ont une influence sur les lignes éditoriales, mais aussi sur les personnels des médias. Que ce soit par le flux de spots publicitaires ou le contrôle du contenu de linformation, cette concentration des médias entre les mains de groupes industriels va à lencontre du pluralisme démocratique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Une fois de plus, madame Rubin, je crains que votre amendement ne soit pas totalement opérationnel. Citer le nom des propriétaires d’une chaîne de télévision impliquerait d’énumérer tous les actionnaires, qui sont très nombreux, des plus gros aux plus petits, dont le nom ne dirait rien à personne. Enfin, la notion de journal télévisé n’a pas vraiment de sens sur une chaîne d’information en continu, qui diffuse une succession quasi ininterrompue de ce type d’émission. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Si cet amendement ne semble effectivement pas applicable en l’état, ses auteurs pourraient y remédier en précisant que les noms devant apparaître à l’écran sont seulement ceux des actionnaires majoritaires.

Mme Sabine Rubin. Tel est bien le sens de notre proposition et je vous remercie, madame Dumas, de m’avoir aidé à le préciser.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 58 sans modification.

Après l’article 58

La commission est saisie des amendements AC302, AC303, AC304 et AC305 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Cette série d’amendements a pour objet de vous sensibiliser à la nécessité d’assurer la pérennité des chaînes locales, dites de proximité, dans les territoires d’outre-mer. Dans le contexte de la fermeture de France Ô, France Télévisions va renforcer les missions des chaînes locales publiques dépendant du groupe, qu’on appelle les chaînes « Première » – il y en a une par territoire d’outre-mer, qui garantit la mission de service public de France Télévisions dans nos territoires.

À la différence du reste de l’écosystème de l’audiovisuel national, dans les territoires d’outre-mer, ces chaînes publiques sont très puissantes, en tout cas beaucoup plus que les petites chaînes locales de proximité, qui peuvent être privées ou publiques. Ainsi, en Polynésie, nous avons une chaîne locale, TNTV, dont les statuts correspondent à ceux d’une société d’économie mixte (SEM). Ces chaînes assurent, sur le plan local, un pluralisme des expressions ; elles affichent de bons résultats, créent de l’emploi et garantissent l’exercice d’une saine concurrence dans ces territoires. L’amendement AC302 vise à ce que le texte reconnaisse la situation particulière des chaînes locales de proximité.

Les amendements AC303, AC304 et AC305 visent à conférer à l’ARCOM une mission nouvelle et générale de garant de la préservation du modèle des télévisions privées généralistes de proximité en outre-mer, consistant d’une certaine manière à réguler le climat entre les chaînes privées locales et nationales. Il y a des accords à trouver, notamment sur l’acquisition de programmes.

Localement, la situation doit être saine en dépit de la pression que peuvent parfois exercer les chaînes Première du fait de la force de frappe dont disposent ces chaînes de France Télévisions, notamment en matière d’acquisition de programmes.

J’insiste sur le fait que les cinq ou six chaînes locales de proximité sont extrêmement inquiètes et souhaitent voir leurs missions reconnues dans la nouvelle organisation nationale, mais aussi pouvoir compter sur l’ARCOM pour réguler leurs relations avec les chaînes privées et publiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avions procédé à une audition dédiée à ce sujet, faisant intervenir les télévisions généralistes de proximité en outre-mer, afin de mettre en lumière à la fois leurs particularités et leurs besoins, mais aussi le rapport de concurrence dans lequel elles se trouvent avec les chaînes de l’audiovisuel public, et le rôle important qu’elles peuvent jouer.

L’amendement AC302 contient plusieurs dispositions tendant à insister sur les missions des chaînes de proximité en outre-mer. Si je comprends ce souhait, je crains que préciser ces missions de manière détaillée, alors même qu’il peut s’agir de chaînes privées, ne relève pas vraiment de la loi.

Il me semble, en revanche, que nous pourrions retravailler ensemble la rédaction des amendements AC303, AC304 et AC305 en vue de la séance. Pour confier des missions supplémentaires à l’ARCOM, il faut les définir de manière extrêmement précise. Je comprends très bien que la disparition de France Ô pose des questions auxquelles vous souhaitez obtenir des réponses, et sans doute pouvons-nous engager une réflexion avec le Gouvernement afin de préciser la nature de ce que pourraient être les missions de l’ARCOM en ce qui concerne l’outre-mer.

Je vous invite donc à retirer vos amendements.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame Sage, vous avez très bien décrit la problématique des chaînes généralistes de proximité en outre-mer, qui se trouvent souvent entre le marteau et l’enclume, c’est-à-dire entre les spécificités de l’outre-mer et la force des chaînes de l’audiovisuel public. Toute la difficulté consiste à savoir comment la reconnaissance, comme vous le dites, se traduirait d’un point de vue juridique, et avec quelles conséquences.

Sur ce point, je rejoins Mme la rapporteure. L’amendement AC302 va un peu loin et ne me paraît pas vraiment correspondre à ce que l’on peut attendre de la relation entre l’ARCOM et ces chaînes. En revanche, les trois autres amendements semblent intéressants, en particulier le AC304, pour lequel on peut déjà penser à une formulation alternative – l’ARCOM pourrait encourager et promouvoir la conclusion d’une charte plutôt que contribuer « à l’édiction d’une ou de plusieurs chartes » – qui, sans présenter le risque de nous entraîner trop loin, satisferait votre objectif de donner un rôle à l’ARCOM afin de permettre un meilleur accompagnement de ces chaînes, qui ont un rôle essentiel dans les outre-mer.

Mme Maina Sage. Je vous remercie pour l’écoute dont vous avez fait preuve et j’accepte de retirer mes amendements afin qu’ils puissent être retravaillés en vue de la séance publique.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement AC439 de Mme Albane Gaillot.

M. Stéphane Testé. La loi du 4 août 2014 fait obligation aux services de télévision et de radio de fournir au Conseil supérieur de l’audiovisuel des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes, en lien avec l’objectif assigné par cette même loi de « lutter contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple ». Cet amendement pallie les limites du dispositif prévu par la loi du 4 août 2014 en prévoyant qu’un décret fixe les indicateurs d’évaluation après avis du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre proposition me paraît satisfaite par l’amendement AC65 de Mme Anthoine que nous avons adopté précédemment, qui pourrait éventuellement être complété par l’avis de la délégation aux droits des femmes. Je vous invite à retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC398 de M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. J’ai rédigé cet amendement à la suite d’un échange que j’ai eu avec l’influenceur Zerator, qui organise chaque année un marathon caritatif – qui a récolté 3,5 millions d’euros en 2019 – ainsi que la ZLAN, dont je précise à toutes fins utiles que les inscriptions seront closes à la fin de la semaine. Zerator m’a indiqué que, s’il était extrêmement facile de souscrire un abonnement auprès de services de médias audiovisuels à la demande – une plateforme de streaming, par exemple –, la procédure de désinscription était, elle, extrêmement compliquée. Je propose donc que tout service de médias audiovisuels à la demande ait l’obligation d’envoyer à chaque abonné, un peu avant la date anniversaire de reconduction de son abonnement, un courriel lui indiquant selon quelle procédure il peut se désinscrire facilement et rapidement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons sans doute tous déjà été confrontés à des difficultés au moment de se désinscrire d’un service de médias audiovisuels à la demande, mais ce problème ne me paraît vraiment pas relever du projet de loi que nous examinons actuellement : il s’agit d’une disposition relative au droit de la consommation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC550 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Les évolutions du numérique et d’internet sont extrêmement rapides, et vont encore s’accélérer dans les années à venir. Pour que le cadre législatif qui régule ce secteur ne soit pas rendu obsolète par les usages nouveaux et par les progrès technologiques, le présent amendement propose d’insérer une clause de révision du titre II dans le projet de loi, qui obligerait le Parlement à réinterroger ce cadre tous les cinq ans, comme c’est le cas actuellement pour la loi de bioéthique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les enjeux des questions liées à la bioéthique et ceux de cette loi relative à l’audiovisuel ne sont pas tout à fait les mêmes. Le Parlement peut, à tout moment, se saisir à nouveau des dispositions contenues dans le présent projet de loi, et je ne suis donc pas persuadée qu’il faille inscrire dans le marbre le rythme auquel il serait nécessaire de le faire. Sur certains sujets, par exemple les hypertrucages ou les enceintes connectées, il faudrait sans doute rouvrir la discussion beaucoup plus souvent que tous les cinq ans, tandis que sur d’autres, il pourrait être préférable de prendre un peu plus de temps. Je ne suis donc pas favorable à ce qu’on fige dans la loi une clause de revoyure intervenant à intervalle régulier.

M. Bruno Fuchs. L’histoire a montré qu’on ne se réinterrogeait pas aussi souvent qu’il le faudrait. Ainsi, la précédente loi relative à l’audiovisuel public date d’une décennie. Il serait dommage de se priver d’inscrire une clause de révision dans la loi, qui nous rappellerait régulièrement la nécessité de débattre à nouveau.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC702 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Nous demandons la remise d’un rapport d’information sur les modalités de création d’un conseil national de déontologie des médias. Le groupe La France insoumise avait demandé ce rapport lors des débats sur les fausses informations, mais vous aviez repoussé notre demande, affirmant travailler sur ce sujet dans le cadre d’une mission gouvernementale confiée à Emmanuel Hoog. Nos demandes incessantes, ainsi qu’une pétition, lancée à l’initiative de Jean-Luc Mélenchon et ayant recueilli près de 200 000 signataires, ont abouti à ce qu’un Conseil de déontologie journalistique et de médiation voie le jour en décembre dernier. Qu’en est-il de ce conseil ?

Suscitée par l’idée saugrenue d’un Conseil de l’ordre des journalistes et l’absence de garantie de son indépendance, la peur que cette instance ne constitue un moyen liberticide de contrôler la parole médiatique s’est installée, et dix-neuf sociétés de journalistes et de rédacteurs s’y sont opposées farouchement. Surtout, d’autres sociétés de journalistes appartenant à des médias à caractère plus alternatif ou politique que ceux que vous plébiscitez n’ont même pas eu la chance d’y être invités. Face à cette parodie de conseil de presse, il est temps de poser les jalons d’un véritable conseil national de déontologie des médias.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me paraît que votre objectif est atteint avec la création du Conseil de déontologie journalistique et de médiation. Pour ma part, j’estime important que la presse elle-même choisisse ses modalités d’organisation plutôt que de se les voir imposer par le législateur. Par ailleurs, vous ne demandez pas la création d’un conseil, mais la rédaction d’un rapport ayant pour objet d’étudier les modalités de création d’une telle instance. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

6.   Première réunion du jeudi 5 mars 2020 (avant l’article 59 et article 59) ([8])

TITRE III
TRANSFORMATION DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC À L’ÈRE NUMÉRIQUE

Avant l’article 59

La commission est saisie des amendements identiques AC1317 de la rapporteure, AC419 de Mme Brigitte Kuster, et AC841 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Certains acteurs considèrent que le must-carry les exonère de certaines règles de droit commun, en particulier de la nécessité de contractualiser avec les éditeurs de service public pour la reprise de leurs services.

Dans ces conditions, le must-carry soulève une difficulté pour les éditeurs de chaînes publiques qui peinent à conserver la maîtrise des modalités de cette reprise. L’amendement rendant obligatoire la formalisation contractuelle, par les distributeurs, des conditions de la distribution des chaînes du service public.

Mme Brigitte Kuster. La loi du 30 septembre 1986 prévoit une obligation de reprise des chaînes du service public, selon le principe du must-carry conçu comme l’outil permettant d’accéder aux chaînes de service public, quels que soient le mode et le vecteur de réception.

Toutefois, dans un certain nombre de cas, certains acteurs, dès lors qu’ils ont acquis le statut de distributeur à travers les contrats de distribution qu’ils ont conclus avec d’autres éditeurs, s’exonèrent des règles de droit commun. La contractualisation avec les éditeurs du service public pour la reprise de leurs services n’est ainsi pas toujours respectée.

Pour leur éviter des difficultés liées à la reprise de leurs chaînes dans les offres des distributeurs, l’amendement vise à rendre obligatoire la contractualisation des conditions de la distribution par ces distributeurs.

Enfin, la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) se verrait confier une compétence renforcée de règlement des différends dans les cas où les distributeurs se montreraient réticents à contractualiser.

Mme Sandrine Mörch. Mon amendement vise à pérenniser le must-carry, qui désigne l’obligation de diffusion comme instrument du lien universel entre le service public et le citoyen. Il faut rééquilibrer l’utilisation des chaînes de service public par un contrat régissant les liens entre les opérateurs publics et les distributeurs.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La jurisprudence de la Cour de cassation garantit déjà aux chaînes publiques que, dans le cadre de l’obligation de reprise, ou must-carry, un contrat doit être conclu entre ces dernières et les distributeurs.

Ces amendements sont toutefois intéressants car ils précisent les éléments sur lesquels ce contrat doit porter, à savoir les conditions de reprise, d’acheminement et de mise à disposition du signal de ces services, dans toutes leurs composantes. En outre, que l’ARCOM soit saisie du règlement des différends va dans le bon sens puisque cela renforcera ses pouvoirs à l’avenir.

Mais il est prévu à la dernière phrase de ces amendements qu’« à défaut davoir conclu un tel contrat, les distributeurs de services ne sont pas autorisés à reprendre lesdits services. » Or il me semble important que le service soit maintenu dans l’attente de la résolution d’un différend. Je suis donc favorable à ces amendements sous réserve que ces termes soient supprimés.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cela pourra être réglé pour la séance.

Mme Frédérique Dumas. Compte tenu des difficultés que nous connaissons tous entre éditeurs et distributeurs, il est bon d’inscrire dans la loi le contrat de commercialisation et ses modalités. Mais peut-être eût-il mieux valu les rectifier avant de les adopter.

La commission adopte ces amendements.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AC1312 de la rapporteure, AC80 de M. Stéphane Testé, AC243 de Mme Virginie Duby-Muller, AC434 de Mme Brigitte Kuster, AC507 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC556 de M. Bruno Fuchs, AC704 de M. Pascal Bois, AC750 de M. Pierre-Yves Bournazel, AC882 de M. Yannick Kerlogot, AC941 de Mme Sylvie Tolmont, ainsi que lamendement AC820 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je suis très attentive à ce que la visibilité et l’accessibilité des offres d’information régionale et locale de France 3 soient garanties. Il est regrettable qu’elles ne soient pas accessibles partout quels que soient les modes de réception de la télévision.

Monsieur le ministre, vous avez fait de la proximité l’un des objectifs principaux de l’audiovisuel public : cet amendement est indispensable pour l’atteindre pleinement.

M. Stéphane Testé. L’amendement vise à lever les difficultés rencontrées dans la distribution et la numérotation des programmes régionaux et locaux de France 3, afin de garantir l’accès de tous les citoyens à l’intégralité de l’offre de proximité de France 3. Ce qui est aujourd’hui garanti par la télévision numérique terrestre (TNT) ne l’est pas avec les box internet, qui ne permettent pas d’accéder à ses éditions locales.

Mme Virginie Duby-Muller. Lamendement prévoit détendre lobligation de reprise de France 3 au décrochage local correspondant au lieu de résidence du téléspectateur. Cest dautant plus nécessaire maintenant que France 3 produit des matinales communes avec France Bleu.

Le téléspectateur doit pouvoir avoir accès au décrochage local correspondant à son lieu de résidence lorsqu’il appuie sur la touche n° 3 de sa télécommande. C’est techniquement possible grâce à la géolocalisation au moyen des adresses IP des boîtiers.

Mme Brigitte Kuster. J’ai découvert ce problème, qui ne dépend pas seulement du lieu où l’on habite mais également du mode de réception, en examinant ce texte. Par souci de lisibilité et d’égalité, la touche 3 du décodeur doit donner accès à tous les programmes de France 3. Sur ce sujet comme sur les horaires, il faut trouver une complémentarité entre France 2 et France 3.

M. Jean-Jacques Gaultier. J’abonde dans le sens de ma collègue Brigitte Kuster : les programmes locaux du groupe France Télévisions, qui s’est largement engagé dans la régionalisation au travers d’un renforcement de ses plages horaires dédiées aux décrochages régionaux et locaux, doivent être plus accessibles, plus visibles et conformes à ceux normalement reçus par voie hertzienne.

M. Bruno Fuchs. Plus de la moitié des téléspectateurs ont aujourd’hui accès aux chaînes publiques au moyen de box ou d’internet. Or, dans la plupart des cas, lorsqu’ils appuient sur la touche 3 de leur télécommande, ils ont accès au programme national ou interrégional, mais pas local, de France 3. Pour accéder au programme local, il faut souvent aller au-delà des canaux nos 200, 300 ou 400 – il faut être très motivé. Le distributeur doit donc respecter la règle appliquée à la TNT en matière de diffusion de programmes locaux.

M. Pascal Bois. Sensible à tout ce qui relève de la proximité, je souscris à tout ce qui a été dit précédemment. Je sais en outre que certains de nos concitoyens sont perdus dans les dédales des canaux. En cohérence avec l’offre de proximité de France Télévisions, nous devons leur faciliter la tâche.

Mme Maina Sage. Il s’agit de garantir la visibilité et l’accessibilité de l’offre d’information régionale et locale de France 3 et des coopérations éditoriales entre celle-ci et France Bleu.

M. Yannick Kerlogot. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, puisque nous avons été nombreux à déposer le même amendement, j’espère qu’il connaîtra une issue favorable…

La présidente de France Télévisions a insisté à plusieurs reprises devant nous sur la volonté de France 3 de privilégier la régionalisation d’ici à 2022, notamment au travers du partenariat avec France Bleu. Je rappelle que France 3 produit vingt-quatre éditions régionales, dix-huit éditions locales et qu’à terme quarante-quatre éditions matinales communes avec France Bleu seront mises à l’antenne.

Si la technologie avance et évolue, elle peut néanmoins se traduire, sur certains territoires, par un accès de moins en moins facile à ces émissions délocalisées. Le travail des différentes équipes, leur énergie, leurs compétences et leur savoir-faire, n’est pas optimisé puisqu’il n’est pas regardé par l’ensemble des potentiels téléspectateurs.

Un téléspectateur brestois recevant la télévision au moyen d’une box internet ne peut ainsi pas accéder aux éditions d’information locales de Brest produites par les équipes de France 3 Iroise. Il n’a pas non plus accès à la matinale de France Bleu Breizh Izel proposée chaque matin sur France 3 depuis le 10 décembre 2019 de sept heures à huit heures quarante, dans le cadre des vingt et une émissions matinales communes à France 3 et à France Bleu.

Mme Sylvie Tolmont. L’amendement, suggéré par France Télévisions, prévoit deux évolutions indispensables à notre sens en matière d’accès de tous les citoyens à l’intégralité de l’offre de proximité de France 3 : d’une part, permettre à chaque téléspectateur d’accéder à la déclinaison locale de France 3 correspondant à son lieu de vie, ce qui nécessite de moderniser le régime du must-carry qui n’impose aux distributeurs que la reprise de la chaîne France 3, quelle que soit sa déclinaison régionale ou locale, et, d’autre part, préciser que le respect de la numérotation logique implique, s’agissant de France 3, de proposer d’accéder à partir de la touche 3 de la télécommande, au décrochage régional ou local aujourd’hui proposé par la TNT dans la zone.

La géolocalisation au moyen des adresses IP des boîtiers de réception fournis par les distributeurs à leurs abonnés rend d’ores et déjà techniquement possible de satisfaire cette demande sans que cela nécessite d’intervention ou de manipulations particulières de la part des usagers.

Mme Sandrine Mörch. En tant qu’ancienne journaliste régionale et locale de France 3, il me semble que tout l’intérêt de ces amendements est de prouver à quel point ces éditions locales sont importantes, notamment pour les personnes âgées. Les en priver revient presque à les amputer d’une part de leur identité.

En Occitanie, France 3 propose quatre éditions locales tous les midis et tous les soirs. Or les 58 % de téléspectateurs équipés de box ne peuvent les recevoir. Par défaut, seule l’édition régionale de France 3, et non l’édition locale d’information qui correspond à leur lieu de résidence – c’est vrai pour le Quercy-Rouergue comme pour le Tarn –, leur est proposée.

Je suis heureuse que l’unanimité se fasse sur cette question. Nos concitoyens souffraient depuis longtemps qu’elle ne soit pas prise en compte.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je suis évidemment favorable à cette série d’amendements. Le vôtre, madame Mörch, est légèrement différent. Je vous propose de le retirer au profit des identiques.

Lamendement AC820 est retiré.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis ravi que Mme Kuster, qui connaît très bien ces matières, ait pu apprendre quelque chose grâce au projet de loi… Ce point est fondamental car la qualité de l’offre de proximité de l’audiovisuel public est une priorité. Vous la réaffirmez à travers ces amendements.

Madame la rapporteure, je vous propose cependant de travailler sur les modalités techniques d’ici à la séance. Certaines box, en effet, ne permettent pas la géolocalisation. Peut-être faut-il réfléchir à un moyen de ne pas obliger leurs détenteurs à changer leur équipement dès l’entrée en vigueur de la loi. Peut-être faut-il prévoir, comme pour l’ultra haute définition (UHD), que toutes les nouvelles box soient compatibles avec la géolocalisation ?

Mme Brigitte Kuster. Monsieur le ministre, je vous remercie d’accepter ces amendements, même s’ils ne sont pas totalement satisfaisants. Cette disposition fait partie de celles qui vont profondément modifier le quotidien des Français.

J’ignorais en effet que la numérotation des chaînes variait d’une box à l’autre. Dans la mesure où vous avez déjà dû évoquer le sujet avec les opérateurs, cette évolution technique sera-t-elle longue à mettre en œuvre ? Quel est le calendrier pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité dans l’accès à toutes les éditions de France 3 ?

Mme Frédérique Dumas. Je soutiens l’objectif poursuivi par mes collègues. Personnellement, je n’ai pas déposé d’amendement pour les raisons de faisabilité invoquées par le ministre. Il faut absolument trouver un moyen pour que nos concitoyens puissent accéder à ces contenus.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La majorité des box est aujourdhui compatible avec la réception et la géolocalisation. Mais on ne peut pas obliger nos compatriotes à changer la leur si tel nest pas le cas. En revanche, il faut à lavenir que tout le monde puisse accéder à la géolocalisation. Madame Kuster, il faut effectivement que nous y travaillions avec les opérateurs de télécommunications. Finalisons ensemble la rédaction des amendements pour atteindre notre objectif commun.

La commission adopte les amendements identiques.

Elle est ensuite saisie de lamendement AC1313 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement vise à obliger les distributeurs des chaînes de télévision à retransmettre l’intégralité du signal des chaînes publiques auprès de leurs abonnés, qui sont parfois privés de versions originales et sous‑titrées, de versions multilingues ou de versions destinées aux personnes malentendantes et malvoyantes.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC244 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement tend à rendre obligatoire dans les territoires d’outre-mer le respect de la numérotation logique des services de télévision en place sur le territoire métropolitain.

Aujourd’hui, seules les chaînes publiques de France Télévisions, Arte et les chaînes locales sont accessibles gratuitement sur la TNT outre-mer. Elles devraient y bénéficier d’une exposition favorable au sein des bouquets des distributeurs, notamment satellitaires, en contrepartie de l’investissement important qu’elles consentent pour leur diffusion hertzienne.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je comprends lobjet de lamendement : les offres du service public ne sont pas toujours mises en avant dans les offres des distributeurs de service dans les outre-mer. Toutefois, la TNT, dont loffre est sur place beaucoup plus réduite, ny est pas le mode principal de réception de la télévision.

Imposer la reprise de la numérotation de la TNT à tous les distributeurs ne va donc pas de soi. En outre, la couverture satellitaire ne correspond pas toujours à la couverture terrestre : le canal Caraïbes couvre ainsi l’ensemble des Antilles ainsi que la Guyane, et donc plusieurs numérotations TNT. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme Maina Sage. Si je comprends bien l’idée de notre collègue Virginie Duby‑Muller, qui porte un regard bienveillant sur cette question, je lui demande de faire preuve d’une certaine prudence en raison de l’existence, dans chacun des territoires concernés, d’un écosystème audiovisuel particulier, qui comprend notamment des chaînes locales. Je suis donc également plutôt défavorable à l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC442 de M. Paul Molac.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement vise à offrir la possibilité aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec les services audiovisuels publics ou privés en vue de promouvoir la réalisation et la diffusion de programmes de télévision et de radiodiffusion ayant pour objet le développement des langues et cultures régionales pratiquées sur le territoire.

Pour diversifier l’offre de programmes en langues régionales, les moyens techniques et humains existent dans la plupart des régions concernées. Or ils sont souvent exploités en deçà de leurs capacités. Il s’agit ici de permettre l’émergence d’une synergie locale souvent insuffisamment prise en compte au niveau national.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Votre amendement me semble déjà satisfait puisque rien n’empêche aujourd’hui les collectivités territoriales de conclure des conventions avec tout diffuseur autorisé par le CSA.

Je ne reviens pas par ailleurs sur les chaînes en langues régionales existant dores et déjà. Jimagine que certains membres de votre groupe doivent apprécier les programmes diffusés par la chaîne ViaStella en langue corse. Espérant vous avoir rassurée, je vous demande de retirer lamendement. À défaut, jy serai défavorable.

Mme Frédérique Dumas. J’apprécie votre hommage aux députés corses de mon groupe, qui compte également des députés bretons ou occitans. Vous avez raison sur le fond. Paul Molac et les différents cosignataires ont souhaité mettre en avant cette possibilité pour qu’elle soit saisie.

La commission rejette lamendement.

Article 59
Missions, organisation et gouvernance de laudiovisuel public

La commission est saisie de deux amendements identiques AC281 de Mme Frédérique Dumas et AC488 de Mme Elsa Faucillon de suppression de larticle.

Mme Frédérique Dumas. Si notre groupe n’est pas opposé en soi au choix d’une holding, il estime que les bases et les conditions de création d’une telle structure ne sont pas réunies aujourd’hui.

Il nous paraît essentiel qu’elle soit créée sur la base d’une véritable vision du rôle du service public dans notre société, avec une gouvernance, des moyens et un pilotage permettant d’atteindre des objectifs préalablement fixés. En particulier, une chaîne dédiée aux enfants nous semble indispensable.

La création d’une holding ne peut avoir pour seule justification la rationalisation budgétaire – objectif dont rien ne dit d’ailleurs qu’il sera atteint – et sans que soit assurée la pérennité de son financement et de son indépendance. Or nous ne disposons d’aucune perspective concrète concernant la réforme de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) – ou plutôt, nous savons qu’elle n’interviendra pas avant 2023 – pourtant rendue nécessaire par la suppression, qui ne sera certes totale qu’en 2022, de la taxe d’habitation. Nous réclamons pourtant la modernisation de la CAP depuis dix ans !

Tout cela ne permet donc pas d’assurer la mise en place sereine d’une holding, d’autant que le projet de loi ne garantit pas l’indépendance de sa gouvernance et de ses filiales, et que l’objectif poursuivi n’est pas clair.

Les propos tenus par le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans une récente interview au Monde ne sont pas de nature à nous rassurer. Il y affirmait : « Il y a deux lectures de la loi, celle a minima, qui fait de France Médias un organe de coordination et de pilotage stratégique, laissant léditorial au sein des entreprises. Et une lecture a maxima, avec une centralisation forte au niveau de la holding. Cela dépendra de la personnalité choisie pour présider France Médias. »

Voilà les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 59.

Mme Marie-George Buffet. Nous défendons depuis de longues années un grand service public de l’audiovisuel. Notre amendement de suppression est un amendement d’appel qui traduit notre très grande inquiétude.

Ces inquiétudes portent d’abord sur la gouvernance de la holding. Les dispositions du projet de loi donnent en effet le sentiment d’une centralisation extraordinaire, puisque le président ou la présidente qui sera à la tête de la holding exercera également son pouvoir sur l’ensemble des chaînes. Cela laisse planer un doute sur le maintien de la diversité éditoriale et fonctionnelle de chacune d’entre elles et d’un financement public dominant qui permette de remplir les missions de service public.

L’amendement appelle des réponses fortes de votre part, monsieur le ministre.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Mon avis sera évidemment défavorable. Il importe de se concentrer sur la définition et l’organisation du service public que nous voulons. La question du financement, sur laquelle j’ai travaillé avec Mme Dumas voilà quelques années, sera traitée après la définition des missions.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression, puisque la création dun groupe public est au cœur de la partie de ce projet de loi consacrée à laudiovisuel public. La holding nest que le moyen, lambition est de doter laudiovisuel public dun outil à la hauteur de son importance pour notre pays. Elle est encore plus grande que par le passé : jamais, en effet, on na eu autant besoin daudiovisuel public en matière dinformation, de culture, de contenus de proximité, de cohésion sociale, de rayonnement de la France dans le monde, de diversité et déducation.

Comment faire pour que ces missions, que le projet de loi réaffirme, soient le mieux possible exercées par les entreprises audiovisuelles publiques et donc que le plus grand nombre de nos compatriotes soient touchés par ces contenus ?

Je suis convaincu, comme le Gouvernement et la majorité, que cela passe par l’organisation de l’audiovisuel public en un groupe tenant compte du numérique, qui a révolutionné les usages et qui impose d’avoir, sans nier leurs spécificités, une vision globale de l’organisation des métiers de la radio, de la télévision et de l’internet en France et à l’étranger.

Grâce à une organisation commune, une vision stratégique et une coordination éditoriale, ces missions de service public s’exerceront mieux. Madame Dumas, si notre objectif n’est pas la rationalisation budgétaire, nous n’allons cependant pas nous priver, avec ce groupe public, de développer des synergies et de réaliser des économies d’échelle.

Nous n’inventons rien : la plupart des groupes audiovisuels publics européens – dont j’ai récemment rencontré les patrons dans le cadre de l’Union européenne de radio-télévision (UER) – sont, à part en Suède, organisés de cette façon, en 360°. Cette vision globale est la meilleure pour exercer les missions de service public, prévoir les contenus et tenir compte de la diversité des publics. Ils ont obtenu des résultats. D’ailleurs, de plus en plus en plus de groupes privés s’organisent de cette façon en Europe et en France – M6 et RTL par exemple.

Puisque nous souhaitons tous que l’audiovisuel public puisse continuer à remplir ses missions de la meilleure façon possible, il faut le doter d’un outil moderne : c’est le groupe public que nous vous proposons de créer

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre, j’ai bien précisé que mon groupe n’était pas contre le principe de la holding. Mais nous estimons que les conditions ne sont pas réunies.

Madame la rapporteure, des décisions majeures en termes d’économies budgétaires ont été prises en juin 2018 sans être suivies de transformations. Or elles ont des conséquences sur les décisions que nous allons prendre. Par exemple, on ne cherche pas à rouvrir les conventions collectives pour réorganiser le travail et sa durée : on coupe. Or la Cour des comptes avait bien expliqué pourquoi une telle évolution ne permettrait pas une transformation. D’autres décisions ont porté sur les offres, comme la bascule de France 4 sur le numérique.

Sur les exemples européens : les groupes ayant à leur tête une holding disposent de moyens financiers – nous remettons à plus tard la réforme de la CAP – et ils ont mis du temps pour arriver à cette organisation. La Belgique a ainsi mis un an pour partager son projet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre, je suis partisane d’un grand service public de l’audiovisuel. Mais vous n’avez pas répondu sur les deux problèmes que cela pose : la garantie du financement public et la gouvernance. Comment assurera-t-elle la diversité éditoriale des chaînes ?

M. Franck Riester, ministre de la culture. Groupe public ou pas, la question du financement de l’audiovisuel public se posera toujours, en France comme ailleurs. Je le répète, nous souhaitons préserver un financement dédié à l’audiovisuel public. Aujourd’hui, c’est la CAP, qui est adossée à la taxe d’habitation vouée à disparaître en 2023. Le projet de loi de finances pour 2023 devra donc prévoir son remplacement pour faire perdurer un financement dédié à l’audiovisuel public.

En 2018, un plan pluriannuel 2018-2022 a permis de fixer de façon très claire la trajectoire financière de l’audiovisuel public, auquel on demande en effet, comme à toutes les administrations et à toutes les entreprises publiques, un effort, conformément à notre volonté de rétablir les comptes publics. Les directions des entreprises audiovisuelles concernées ont donc pris des décisions pour prendre en compte cet objectif et pour se transformer, compte tenu notamment de la révolution numérique. Tout cela est très clair.

S’agissant de France 4, il n’est pas question de supprimer les contenus jeunesse et d’animation de la télévision linéaire. France Télévisions, qui a mis en place la plateforme Okoo, et Radio France, doivent développer encore davantage leur offre sur internet. Nous devons y travailler : c’est la raison pour laquelle j’ai proposé que soit signé, dans le même esprit que le pacte pour la visibilité des outre‑mer consécutif à la suppression de France Ô, un pacte de visibilité jeunesse et animation. J’ai demandé que France Télévisions prenne d’ici à la fin du mois d’avril des engagements très clairs en la matière.

La gouvernance moderne que nous proposons permettra au groupe de fonctionner et de transformer lorganisation de laudiovisuel public pour réaliser des économies déchelle, développer des synergies et regrouper certaines missions dans des filiales communes : il ne sagit pas dajouter une énième strate administrative.

Les décisions éditoriales seront, quant à elles, prises par chacune des sociétés éditrices concernées, à savoir Radio France, France Télévisions et France Médias Monde. La responsabilité éditoriale sera entre les mains des directeurs généraux ou directrices générales des filiales du groupe public. La holding n’aura aucune responsabilité en la matière, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’œuvrera pas à une coordination.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1213 de la rapporteure.

Puis elle examine lamendement AC437 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement vise à réécrire les dispositions de l’article 59 modifiant l’article 43–11 de la loi de 1986 et à préciser les missions assignées au service public de l’audiovisuel. Il prévoit ainsi que les missions du service public visent à informer, éduquer, et divertir : ce triptyque, qui figure dans tous les textes européens, doit demeurer un socle sur lequel il faut s’appuyer. Il précise également que ces missions doivent prendre en compte deux impératifs : innover et toucher tous les publics. À cet égard, l’innovation et la prise de risque sont fondamentales.

Ces impératifs nécessitent d’investir dans le développement et la recherche dans la création originale comme dans les formats inédits, en tenant compte de la diversité dans le numérique, en s’adaptant, tout en créant du lien, en renforçant la cohésion sociale et en s’attachant notamment à éduquer aux médias.

L’amendement réintroduit la mission de divertissement au sein des missions prioritaires. Le divertissement a en effet toute sa place dans l’offre du service public et peut donner lieu à des initiatives communes, dès lors qu’il est interprété de façon différenciée.

Le divertissement de service public se distingue notamment par sa capacité à embrasser de façon ludique l’ensemble des champs de la culture générale, la connaissance de la langue française, le patrimoine de la chanson française, la littérature, la science, l’histoire ou encore la géographie. Il constitue en ce sens un vecteur éducatif et populaire pour un très large public. La France a par ailleurs la chance de pouvoir s’appuyer sur une production d’émissions de divertissements de grande qualité, qu’il convient d’encourager.

Enfin, l’amendement modifie l’agencement de l’article. En effet, le projet de loi prévoit cinq missions prioritaires – proximité, information, ambition culturelle, action audiovisuelle extérieure, jeunesse et éducation – pour lesquelles il détermine, pour chacune d’entre elles, les objectifs à atteindre.

Or chacune de ces missions pourrait être atteinte par différents objectifs communs : c’est la raison pour laquelle nous proposons d’inscrire dès le début de l’article les missions prioritaires, puis de décliner les objectifs, qui sont en réalité transversaux.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’avis sera défavorable, mais nous n’avons oublié ni le divertissement, ni l’innovation, ni la recherche et développement, puisque nous avons déposé des amendements en ce sens. Votre rédaction ne nous apparaît cependant pas plus claire que la nôtre.

Mme Frédérique Dumas. Nos avis divergent car la rédaction de notre amendement nous semble bien plus claire. Nous sommes toutefois heureux d’apprendre que vous avez déposé de tels amendements. Il importe de rappeler ce nouvel impératif d’innover et de toucher tous les publics.

Par ailleurs, vous abandonnez la mission, commune à tous les audiovisuels publics européens, d’éduquer, d’informer et de divertir, car vous estimez plus moderne de réécrire ces objectifs. Il faut plutôt en réaffirmer les principes, surtout lorsqu’ils sont partagés par tous. Je prends note du fait que vous êtes défavorable à tout ce qui a été mis en avant.

M. Bruno Fuchs. Les amendements de suppression ont surtout servi à engager la discussion. Depuis l’ORTF, la vision du service public s’est conçue exclusivement par chaînes ou groupes de chaînes. La holding proposée est la première étape de notre capacité à innover et à inventer un véritable service public à la française.

Les questions qu’a posées Frédérique Dumas sont au cœur du projet de loi, et devront être traitées. Nous voulons créer un cadre législatif suffisamment ambitieux pour définir un vrai projet de service public à la française. Nous nous en donnerons les moyens dans la suite du texte, par divers amendements.

Mme Marie-George Buffet. Je ne comprends pas l’avis défavorable de la rapporteure sur cet amendement, qui permet de préciser l’ensemble des missions de service public de France Médias, et dont la rédaction semble correcte.

M. Franck Riester, ministre de la culture. L’article 59 donne l’occasion de s’interroger sur les missions du service public. Nous avons voulu marteler cinq objectifs principaux : garantir la cohésion sociale, d’abord, avec une offre de proximité, pour parler à tous les Français, de tous les Français, partout et au plus près d’eux ; proposer une information fiable, indépendante et pluraliste ; en matière de culture, soutenir la création ainsi que le patrimoine, et favoriser la rencontre des œuvres avec tous les publics ; s’agissant de l’action audiovisuelle extérieure et du rayonnement de la France, promouvoir hors de nos frontières la langue, la culture française et notre regard particulier sur le monde ; enfin, assurer une mission d’éducation citoyenne et responsable de tous, en diffusant des connaissances.

Les programmes de divertissement sont non pas un objectif, mais un moyen pour atteindre ces missions, dans tous les domaines : ils sont nécessaires en matière de cohésion sociale, avec les contenus de proximité, d’information, de culture, d’action extérieure et d’éducation. Nous le verrons bientôt avec des amendements de la rapporteure et de certains d’entre vous, qui vont dans le bon sens. Le texte expose clairement que le divertissement est un des types de programmes proposés par l’audiovisuel public. Je suis favorable à l’idée d’insister sur ce point à certains endroits du texte, si cela est nécessaire, mais ne confondons pas moyens et objectifs.

Lorsque les missions de service public ont été définies, l’offre audiovisuelle, plus limitée qu’aujourd’hui, ne permettait pas de se divertir sans avoir comme objectif la proximité, l’information, la culture, l’action extérieure ou l’éducation. Cette offre est aujourd’hui pléthorique dans le paysage audiovisuel français. Si ces objectifs ne sont pas au cœur du programme de divertissement proposé, il est possible de se retourner vers les chaînes privées.

Mme Frédérique Dumas. Tous les audiovisuels publics européens ont inscrit le triptyque « éduquer, informer, divertir » dans leurs missions. Il figure également dans la directive sur les services de médias audiovisuels, dite directive SMA, qui est notre socle commun. L’Europe se construit autour de ces notions.

Par ailleurs, la holding est également un moyen, non un objectif, et ne saurait être mise en avant comme devant tout résoudre.

Enfin, comme nous l’avons inscrit dans notre rapport, signé par six députés de la majorité, la modernité consiste à expliquer comment nous atteindrons nos objectifs. Loin des incantations, il est impératif d’innover et de toucher les publics, sans quoi nous continuerons à viser des objectifs sans nous donner les moyens de les atteindre.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AC111 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. La loi du 30 septembre 1986 énonçait clairement que les programmes diffusés par les sociétés de l’audiovisuel public sont à la fois diversifiés et pluralistes. Il importe de le rappeler, en réinscrivant le pluralisme dans le projet de loi.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Si nous partageons tous l’objectif du pluralisme de l’information, il ne nous paraît pas utile de le préciser ici puisqu’il est déjà rappelé aux alinéas 18 et 20, dans le paragraphe III portant sur l’information. Nous donnerons donc un avis défavorable à l’amendement, car il est satisfait.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il reste utile de préciser la nécessité du pluralisme dans la définition initiale.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AC807 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. L’amendement précise que les programmes proposés en vertu des missions de service public des acteurs de l’audiovisuel public sont accessibles dans toutes leurs dimensions sur des services linéaires, conformément au principe d’égal accès au service public. L’idée n’est pas de venir freiner le développement d’une offre non linéaire publique, mais bien d’assurer, par la réécriture de l’alinéa 6, que tous les publics continuent de bénéficier de l’audiovisuel public sur des supports linéaires.

Il existe en effet une fracture numérique entre les territoires : selon le baromètre de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de 2018, 89 % des Français disent utiliser internet, mais tous ne disposent pas d’un accès de qualité par la fibre ou le haut débit. C’est pourquoi, dans le développement de son offre, l’audiovisuel public doit prendre en compte l’évolution de la couverture numérique du territoire et l’équipement des foyers en outils permettant d’accéder aux contenus non linéaires.

S’il est essentiel que l’audiovisuel public se développe sur des supports numériques et qu’il propose des contenus inédits, il est tout aussi indispensable qu’il soit présent et accessible sur les supports non numériques, pour ne pas laisser cet espace aux acteurs privés.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je comprends bien l’intérêt de votre amendement mais sa rédaction est plutôt en retrait par rapport au texte et à la pratique : toutes les sortes de programmes sont diffusées en linéaire et en non linéaire. S’il n’y a pas de films de cinéma sur la plateforme numérique de France Télévisions, il y en a sur la plateforme numérique d’ARTE et probablement bientôt aussi sur france.tv.

Je vous propose donc de retirer l’amendement et de travailler ensemble à une meilleure rédaction pour la séance.

Mme Florence Provendier. S’il s’agit d’améliorer la rédaction de l’amendement, je le retire, en insistant sur le problème de fond qu’il pose. Il faut en effet éviter que les publics de certains territoires, notamment les enfants, ne puissent pas accéder à des contenus.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous avez raison d’insister sur l’importance de la télévision hertzienne. Il est hors de question que le Gouvernement l’abandonne car elle offre la garantie de pouvoir diffuser des contenus audiovisuels, notamment publics, de façon gratuite et très large, bien qu’elle ne couvre pas l’intégralité du territoire, du fait de l’existence de zones dites blanches. Nous sommes pleinement mobilisés sur cette question, tant au niveau des infrastructures que des missions.

S’il faut préciser ce point, nous pourrons l’examiner ensemble d’ici à la séance.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC715 de M. Pascal Bois.

M. Pascal Bois. L’expression « services linéaires comme non linéaires » semble impliquer que toutes les sociétés de l’audiovisuel public mentionnées aux articles 44 et 45 éditeraient effectivement ces deux types de services. Or l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui fait partie des sociétés mentionnées à ces articles, n’édite que des services non linéaires. L’amendement vise à remplacer la conjonction « comme » par « ou », afin de tenir compte d’une caractéristique propre à l’INA.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Monsieur le député, je connais l’attention particulière que vous portez à l’INA, que je partage par ailleurs. Cet amendement ne me paraît cependant pas utile, dans la mesure où l’INA édite également des programmes diffusés linéairement, notamment sur Franceinfo. Il risque aussi de laisser entendre une opposition entre les services linéaires et non linéaires alors que nous savons combien ces offres sont complémentaires et doivent le rester.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC942 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement vise à inscrire la musique parmi les missions prioritaires de l’audiovisuel public

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous sommes tous très attachés à la musique, que nous proposerons d’ajouter dans le paragraphe IV portant sur la diffusion des arts et de la culture. Votre amendement est satisfait car la culture intègre naturellement la musique. En outre, l’alinéa 1 risque de devenir illisible si on y ajoute davantage de missions prioritaires, surtout si elles sont déjà couvertes. Ce sera donc une demande de retrait ou un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission examine les amendements AC527 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Sandrine Mörch. Cet amendement rédactionnel clarifie les missions de service public des sociétés mentionnées aux articles 44 à 45 du présent texte. Bien que l’article 59 précise à l’alinéa 33 que ces sociétés « assurent une mission d’éducation », il semble pertinent de préciser en début d’article que leurs missions de service public visent aussi à mettre à la disposition de tous un ensemble de programmes dans le domaine « de l’éducation ».

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’objectif de contribution à l’éducation et à la diffusion des connaissances est déjà décliné dans le projet de loi, à partir de l’alinéa 33. Je vous propose de retirer votre amendement.

Mme Sandrine Mörch. Je retire l’amendement, s’il est réellement satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements AC112 et AC113 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Ces amendements visent à réintroduire des notions importantes figurant dans la loi du 30 septembre 1986, et que le projet de loi fait disparaître. Il s’agit de la qualité et de l’innovation des programmes, qui caractérisent l’audiovisuel public, et en font la force, ainsi que du respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Pour ce qui concerne la qualité et l’innovation, je propose une rédaction qui va plus loin. C’est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement au profit du mien.

Par ailleurs, tous les médias doivent respecter les droits de la personne et les principes démocratiques constitutionnellement définis, sous le contrôle du CSA et, bientôt, de l’ARCOM.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission est saisie de lamendement AC1254 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Les sociétés audiovisuelles publiques doivent non seulement tenir compte de l’évolution des usages mais contribuer elles-mêmes à l’évolution des technologies.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC640 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Notre collègue Bruno Fuchs a tenté d’évoquer l’écologie, mais le sujet a toujours été remis à plus tard. Or l’urgence écologique est une réalité, tout autant que l’impact des programmes et de la communication audiovisuelle sur les esprits, au service d’un cercle vicieux consistant à consommer plus pour produire plus, pour consommer plus.

La mission de service public doit tenir compte d’une telle urgence, en plus de « l’évolution des technologies et des usages ». Les programmes audiovisuels doivent eux aussi contribuer à la « décolonisation des imaginaires » afin de sortir de l’obsession consumériste et productiviste. L’un des principaux leviers de ce système est la publicité. Cessons d’accepter que l’audiovisuel ait pour principal objectif d’attiser les besoins superflus et l’importation de biens de consommation, transportés par conteneurs depuis l’autre côté de la planète.

Vous l’avez dit, l’audiovisuel a un grand rôle à jouer dans la création de nouveaux imaginaires, refondés dans le sens de la conscience et de l’urgence écologiques. Il s’agit là d’une mission principale des services publics.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous partageons naturellement cette exigence. Sagissant des programmes audiovisuels, lamendement est toutefois satisfait par la mission relative à léducation, à lenvironnement et au développement durable, qui est expressément indiquée à lalinéa 37. Pour ce qui concerne la publicité, elle a été longuement débattue hier. Lavis sera donc défavorable.

Mme Céline Calvez. Nous partageons l’idée selon laquelle l’urgence écologique doit être mise à l’ordre du jour, par exemple, la rapporteure l’a dit, par les missions d’information, de mise à disposition de connaissances ou de création d’une culture fondée sur l’environnement. Ces trois axes, déjà présents dans le projet de loi, permettront de combattre les défis majeurs de nos sociétés, parmi lesquels figure l’urgence écologique.

Mme Maina Sage. D’ici à la séance, il serait utile d’enrichir le paragraphe VI, notamment son 3° affirmant que les chaînes « participent à l’éducation à l’environnement et au développement durable ». Il faudra trouver un moyen de renforcer les missions sur l’information liée à l’enjeu climatique car l’urgence écologique doit constituer une mission spécifique du service public.

M. Michel Larive. L’amendement vise à inscrire l’urgence écologique dans le préambule de l’article 59, à l’alinéa 6, en l’ajoutant à « l’évolution des technologies et des usages », dans un projet de loi qui ne fait aucun cas d’environnement ni d’écologie. Ce positionnement est préférable, en tant qu’il fait de l’environnement une mission principale.

Ne répondez pas que l’environnement est cité plus loin dans le texte : vous avez au contraire choisi de ne pas l’y faire figurer. Mais peut-être refusez-vous l’amendement parce qu’il a été déposé par notre groupe ? Nos collègues du groupe La République en marche pourraient tenter de le reprendre, pour voir s’il serait adopté. Si je n’y parviens pas, peut-être en ira-t-il différemment pour eux !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Monsieur Larive, depuis le début de cet examen, nous avons accepté des amendements que vous ou des membres de plusieurs autres groupes aviez déposés.

M. Michel Larive. Un seul de mes amendements a été adopté, et il portait sur une demande de rapport !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ni les rapporteures, ni le ministre, ni moi-même ne nous sommes souciés de savoir d’où étaient issus les différents amendements.

Sagissant des missions de service public, nous sommes convaincus de limportance de léducation, de lenvironnement ou de la musique, mais nous devons nous demander si toutes ces missions méritent dêtre remontées dans le préambule. On pourrait en effet adjoindre aux missions socles des dizaines dautres missions, telles que la prévention par exemple. On risque alors de ne plus distinguer les missions principales de celles qui devront être précisées. Or le projet de loi précise déjà les notions denvironnement, déducation, les connaissances, ou la musique.

Il est important que les missions assignées à l’audiovisuel public soient claires, de même que la manière dont elles doivent s’agencer. Face à un ensemble de missions non moins importantes, nous devons déterminer ensemble celles qui constituent le socle des missions de service public de l’audiovisuel, et comment les décliner tout au long de l’article 59.

C’est dans cet esprit que la rapporteure vous a répondu, en démontrant que l’amendement était satisfait par la mission relative à l’éducation à l’environnement et au développement durable.

M. Michel Larive. L’environnement doit figurer parmi les missions principales que vous fixez à l’audiovisuel public. Cela, afin de respecter l’engagement du Président de la République, selon lequel l’écologie doit être une politique transversale à toutes les actions du Gouvernement. Il serait donc souhaitable qu’elle ait sa place dans ce préambule, à l’alinéa 6, pour signifier son importance.

La commission rejette lamendement.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1212 de la rapporteure.

La commission examine lamendement AC657 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. L’amendement vise à ajouter aux missions de service public un objectif d’émancipation des citoyens. Au-delà des missions de diffusion de contenus culturels et de divertissement, le service public joue un rôle éminent, celui d’accroître l’élévation et l’autonomie intellectuelle des citoyens. Par cet amendement, nous affirmons l’idée que nous nous faisons de l’audiovisuel public. L’émancipation, contraire de l’aliénation, n’est pas une valeur hors-sol, qui ne veut rien dire, mais une orientation claire de l’audiovisuel public.

Au début de la législature, j’avais proposé d’ajouter au code de l’éducation que l’école participe à l’émancipation des enfants. Votre groupe avait accepté cet amendement car il avait reconnu le caractère primordial de cette notion. L’école, comme l’audiovisuel public, est un vecteur d’éveil, pour la manifestation de l’esprit critique. C’est pourquoi il importe d’ajouter « et l’émancipation » à l’alinéa 8.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je comprends parfaitement votre proposition qui me paraît toutefois satisfaite par les alinéas relatifs à l’information honnête et pluraliste ainsi qu’à l’éducation, comme vous le notez dans l’exposé sommaire de votre amendement. L’avis sera donc défavorable.

M. Michel Larive. Ferez-vous la même réponse à chaque amendement ? C’est lassant !

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement AC1255 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’amendement permet de clarifier le sens de l’alinéa 10, qui prévoit que les services audiovisuels publics sont diffusés, quel que soit le moyen, sur l’ensemble du territoire national. Cette obligation ne concerne pas France Médias Monde.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, les amendements identiques AC250 de Mme Virginie Duby-Muller, AC358 de Mme Frédérique Dumas et AC943 de Mme Sylvie Tolmont tombent.

La commission examine lamendement AC1256 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement vise à remonter l’aliéna portant sur l’accessibilité des programmes aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes dans la liste des objectifs de cohésion sociale, car il concerne l’accès de tous au service public.

La commission adopte lamendement.

La commission est saisie de lamendement AC1257 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement de précision rédactionnelle prévoit que le service public audiovisuel valorise non seulement la diversité sociale mais aussi la diversité et la richesse des territoires ultramarins et de leurs patrimoines.

M. Raphaël Gérard. J’appelle votre attention sur le fait que l’amendement modifie fondamentalement la place des outre-mer dans le dispositif. Dans les précédents textes, le législateur entendait insister sur le fait que les outre-mer faisaient partie de la diversité sociale française. Au contraire, votre amendement les en exclut, et limite leur place à leur diversité patrimoniale.

M. Bertrand Pancher. Pour un changement, c’en est un vrai : on a supprimé pratiquement tous les médias permettant à l’outre-mer de s’exprimer.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Au contraire, notre volonté était d’élargir la place des outre-mer. Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 11 du projet de loi indique que les sociétés « proposent une programmation reflétant la diversité et la richesse des territoires et de leurs patrimoines, ainsi que la diversité de la société française, en particulier sa dimension ultramarine ». Nous proposons la rédaction suivante, plus large : « proposent une programmation reflétant la diversité et la richesse des territoires et de leurs patrimoines, notamment ultramarins, ainsi que la diversité de la société française. »

M. Raphaël Gérard. Notre lecture de l’amendement est différente : vous semblez sortir la dimension ultramarine de la représentation de la diversité de la société française.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’objectif était d’élargir. S’il n’a pas été atteint, nous retirons l’amendement, afin de le retravailler.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC1262 rectifié de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Le projet de loi définit les missions prioritaires que les sociétés de l’audiovisuel public doivent remplir ensemble. L’amendement propose d’y ajouter le divertissement afin de réaffirmer qu’il est un objectif du service public et qu’il a toute sa place dès lors qu’il est interprété de façon différenciée.

Le divertissement de service public se distingue notamment par sa capacité à embrasser de façon ludique l’ensemble des champs de la culture générale, la connaissance de la langue française, le patrimoine de la chanson française, la littérature, l’histoire ou encore la géographie. Il constitue en ce sens un vecteur éducatif et populaire pour un très large public.

La France a par ailleurs la chance de pouvoir s’appuyer sur une production d’émissions de divertissement de grande qualité, qu’il convient d’encourager.

Mme Frédérique Dumas. J’apprécie que la rapporteure ait repris exactement le texte que j’avais proposé dans mon amendement, ce qui signifie qu’elle est bien d’accord avec moi.

Je le redis, tous les services audiovisuels européens ont pour mission fondamentale d’éduquer, d’informer ou de divertir, et ce triptyque figure également dans les directives SMA. Il est dommage que la rapporteure demande de retirer des amendements dont elle considère qu’ils n’atteignent pas entièrement leurs objectifs, alors qu’elle propose une rédaction analogue à la mienne, sans reprendre mon amendement.

Par ailleurs, le divertissement figurait dans le rapport que j’ai remis, avec six députés de la majorité. À l’époque, les décisions de ne pas le considérer comme essentiel au service public avaient été prises très haut, bien que les neurosciences préconisent l’apprentissage par le jeu.

M. Bertrand Pancher. Je me réjouis de l’adoption de cet amendement, qui précise la nature des divertissements. Si j’étais un dirigeant de l’audiovisuel public attentif aux travaux du Parlement, je m’interrogerais sur le nombre d’amendements présentés à cet article, afin de repréciser les missions de service public.

Trop souvent, nous avons l’impression que les médias publics, notamment télévisés, font la même chose que les médias privés. Il importe que nous réfléchissions à la nature des services publics et, du moins, que l’audiovisuel public ne continue pas, comme aujourd’hui, à payer très cher ses dirigeants et ses animateurs, car cela donne vraiment l’impression que public et privé fabriquent la même soupe !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Monsieur le député, il est au contraire important de défendre la place et le rôle de l’audiovisuel public. Ses professionnels assurent des missions singulières, et parviennent à distinguer leurs productions de celles d’autres chaînes. C’est déjà le cas aujourd’hui, et je ne comprends pas votre attaque sur la rémunération de tel ou tel dirigeant, bien moins payé que s’il travaillait dans le secteur privé.

L’amendement a pour objet de préciser ce qui caractérise les missions de service public. Il importe que le divertissement en fasse partie, car il permet de fédérer des publics fragmentés autour de programmes communs.

Par ailleurs, la vivacité de notre production de programmes de flux est une chance pour notre pays. Nous devons l’encourager. C’est la raison pour laquelle l’amendement précise qu’il faut s’attacher « à favoriser l’émergence de programmes originaux français et européens. » Nous pouvons nous enorgueillir de repositionner la mission de divertissement et de la placer au cœur du projet de loi, un objectif qui devrait tous nous réunir.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur Pancher, je ne partage pas votre vision de l’audiovisuel public. Mme la rapporteure générale a très bien évoqué la différence qui existe d’ores et déjà avec l’offre privée, et entre les niveaux de rémunération, ceux du public étant largement inférieurs.

La directive SMA précise bien que l’audiovisuel public peut comporter des programmes de divertissement. Pour autant, ils ne sont pas un objectif premier.

S’agissant de l’amendement, j’y suis favorable car les divertissements permettent la cohésion sociale. S’il y a un domaine où il faut insister sur la nécessité de tels programmes dans l’audiovisuel public, c’est bien celui-là.

M. Michel Larive. Ce que Mme Dumas a dit valide mon hypothèse précédente, car son amendement, bien que similaire à celui de la rapporteure, n’a pas été adopté.

Mme Sandrine Mörch. Il faut prendre conscience de la différence très nette existant entre les chaînes privées et l’audiovisuel public, qui n’est pas le parent pauvre du privé. C’est plutôt une mine d’or à préserver à tout prix et à valoriser.

M. Bertrand Pancher. Là, on est d’accord !

Mme Sandrine Mörch. Je parle notamment de France 3 : quelle autre institution met un orteil partout sur le territoire, là où les élus ne savent plus aller et où la hiérarchie de France Télévisions ne se rend pas non plus ? Alors que nous cherchons partout des solutions pour recréer du lien social, retrouver nos concitoyens, les rééduquer, les transcender, utilisons les tuyauteries du service public. Soutenons-le, faisons la différence avec certaines chaînes privées, qui font mal leur travail et nous emmènent vers la sinistrose. Ne mélangeons pas tout. Au contraire, donnons de la force à l’audiovisuel public.

Mme Michèle Victory. Sagissant de la production démissions de divertissement, jai évoqué hier les émissions de téléréalité, dont les dérives et la tonalité sexiste inquiètent. Nous avons été alertés plusieurs fois à cet égard. Des garde-fous devraient être introduits, car cest dans ce secteur que limage de la femme est la plus dégradée. Ces émissions constituent de véritables bastions du sexisme.

Mme Frédérique Dumas. Vous imaginez bien, monsieur le ministre, que j’ai étudié les directives dont je parle. Le triptyque que j’ai cité est à l’origine de la BBC. Il a été repris en 2010 dans le considérant 22 de la directive SMA, qui évoque « les médias de masse en tant que moyens dinformation, de divertissement et déducation du grand public ». Les mots « d’informer, de divertir ou d’éduquer » sont aussi repris dans la directive de 2018.

Je trouve dommage que cette loi, prétendument moderne, fasse l’impasse sur un triptyque fondamental, repris par tous les audiovisuels publics et par les directives SMA. Le divertissement est l’une des missions de l’audiovisuel public, bien qu’il convienne ensuite, certains collègues l’ont dit, d’en marquer la spécificité.

M. Bertrand Pancher. Nous nous connaissons, bien, monsieur le ministre, et vous savez combien j’ai du respect pour vous. Je n’ai pas de problème avec France Culture, avec France Info ou France 3 Régions mais avec les émissions de divertissement dites grand public où la différence entre le public et le privé n’est guère sensible. J’ai des problèmes avec un média audiovisuel public où il n’est jamais question de l’Europe – Jean-Louis Bourlanges étant parmi nous, j’espère qu’il évoquera ce sujet –, avec des débats qui n’en sont pas et qui ne relaient pas suffisamment nos grands débats publics. Il est normal de se poser la question de la place de l’audiovisuel public !

Je n’ai pas de problème non plus, monsieur le ministre, avec les rémunérations des dirigeants de l’audiovisuel public mais j’en ai d’importants avec les salaires de ceux qui travaillent dans ce secteur.

Mme Géraldine Bannier. Je défendrai plus tard un amendement qui concerne également le divertissement. Il importe de rappeler que celui-ci peut-être aussi un vecteur de culture, de lutte contre les discriminations, de mise en lumière des actions menées dans les territoires. La mission de divertissement est donc importante, notre amendement précisant bien en revanche que celui-ci se doit dêtre de qualité.

Il est un peu dommageable que celui dont nous discutons ne mette pas en évidence la spécificité du service public par rapport à l’ensemble des chaînes.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC798 de Mme Martine Wonner.

Mme Christine Hennion. Nous sommes plusieurs à vouloir donner plus de place à l’Europe dans ce texte, lequel lui doit beaucoup puisqu’il intègre nombre de règlements issus de l’Union européenne.

Aujourd’hui, les Français se plaignent de ne pas être assez informés, ce que confirment d’ailleurs la Fondation Jean-Jaurès et le Mouvement européen, lequel a d’ailleurs inspiré un certain nombre d’amendements.

En l’occurrence, il s’agit d’insérer un alinéa 2 bis après l’alinéa 11 visant à inscrire dans la loi la dimension européenne au sein des programmes.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je partage votre objectif mais nous aurons l’occasion de discuter d’autres amendements en ce sens, auxquels je donnerai un avis favorable.

Les alinéas dont nous discutons concernant l’universalité du service public audiovisuel, ce n’est pas d’après nous la bonne place pour inscrire une telle disposition.

Je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, sinon, avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC306 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Il est bien dommage que l’amendement AC877 de M. Christophe Euzet ne soit pas soutenu : j’espère que nous aurons l’occasion de revenir sur les discriminations liées aux accents à l’écran, réalité vécue par les ultramarins – mais pas seulement – comme nous avons pu le constater aussi lors de nos travaux.

Cet amendement vise à ajouter à l’alinéa 12 le petit mot « régionales » entre « langues » et « de France ». Un amendement qui sera discuté plus tard vise en effet à supprimer ce terme dans un autre alinéa afin que la rédaction soit conforme à celle de celui-ci, or, je trouve que c’est dommageable.

La formule « langues régionales » a valeur constitutionnelle, l’article 75-1 de la Constitution disposant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Il importe donc, ici, d’évoquer la promotion des langues « régionales » de France.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Contrairement à vous, je préfère l’expression « langues de France », qui est plus large, certaines langues ne se rattachant pas à une région administrative.

Selon le ministère de la culture, « on entend par langues de France les langues régionales ou minoritaires parlées par des citoyens français sur le territoire de la République depuis assez longtemps pour faire partie du patrimoine culturel national, et qui ne sont langue officielle daucun État. » Les langues d’outre-mer en font partie.

Mme Maina Sage. Je n’avais pas uniquement en tête les langues d’outre-mer. Je vous invite d’ailleurs à participer aux travaux du groupe d’études de l’Assemblée nationale qui travaille à la valorisation des langues et cultures régionales.

Quelles que soient nos approches, je rappelle la valeur constitutionnelle des « langues régionales » et non des « langues de France ». Une telle formulation n’est pas anodine et correspond aussi à des directives européennes. Nous sommes depuis longtemps attendus sur les plans national, international et européen pour appliquer une véritable stratégie de promotion de ce « langues régionales » – je ne parle pas d’un découpage administratif.

Une telle appellation est significative et je ne voudrais pas qu’une confusion s’installe avec d’autres langues parlées en France.

M. Raphaël Gérard. Nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion de discuter de cette question avec Mme Sage et, pour une fois, j’irai plutôt dans le sens de la rapporteure car les « langues de France » sont codifiées, notamment par le ministère de l’éducation nationale, leur nomenclature étant plus large : par exemple, le shimaoré n’est pas considéré comme une langue régionale mais fait partie des langues de France ce qui, comme tel, rend possible son enseignement.

Les « langues régionales » sont certes reconnues sur le plan constitutionnel mais cette formulation est au final plus floue.

M. Michel Larive. Vous avez évoqué les langues qui ne sont « officielles d’aucun État », madame la rapporteure. Vous excluez dès lors et notamment le catalan.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je comprends bien la préoccupation de Maina Sage.

La rapporteure et Raphaël Gérard ont tout à fait raison. La formulation « langues de France » est plus précise et permet d’englober d’autres langues, outre les langues régionales. Le Conseil d’État nous a d’ailleurs demandé cette spécification.

Je vous propose que nous échangions d’ici à la séance publique afin de vous rassurer : il n’est pas question de minorer l’importance des langues régionales, bien au contraire.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC639 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Je reviens à la charge sur la mission de service public de l’audiovisuel, qui est au service de l’intérêt général et qui doit à ce titre nécessairement intégrer l’objectif de construction de la conscience « écologique », en l’occurrence à l’alinéa 13. Le 28 mai 2019, le Président de la République a ainsi déclaré au lendemain des élections européennes que la réponse « à l’urgence climatique est un message très fort en France » mais, aussi, « partout en Europe ».

Cette mission essentielle doit être intégrée dans la loi.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous avons entendu votre demande : avis favorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ce qui ne signifie pas, monsieur Larive, que comme l’ont dit Mme la rapporteure générale, Mme la rapporteure ou Mme Sage, nous ne réfléchirons pas à la manière d’affiner les réponses aux questions de l’urgence écologique, de la biodiversité, du climat.

Cela dit, l’ajout que vous proposez à cet endroit-là a du sens. Ainsi, vous ne pourrez pas dire que les rapporteures ou le Gouvernement ne donnent pas d’avis favorables à vos amendements !

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC909 de Mme Christine Hennion.

Mme Christine Hennion. Le service public doit accompagner le développement d’une citoyenneté « française et européenne », ce qui d’ailleurs figure déjà, mutatis mutandis, parmi les missions de l’audiovisuel public belge.

Chiffre le plus élevé des vingt-sept pays de l’Union européenne, 73 % des Français estiment qu’ils ne sont pas suffisamment informés sur l’Europe. Dans les journaux de France 2, seul 2,5 % du temps est consacré à l’Union européenne et, sur France 3, 1,6 % du 19/20. Il est possible de faire beaucoup mieux !

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je partage votre souci de faire une plus grande place à l’Europe dans l’audiovisuel public et dans ce texte mais nous avons beaucoup d’amendements, notamment de la part de la commission des affaires étrangères : il faut choisir le meilleur positionnement possible et nous allons privilégier un autre endroit.

Retrait, ou avis défavorable.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le MODEM est bien entendu très favorable à l’esprit de cet amendement mais nous avons deux réserves et, au final, nous nous abstiendrons.

Tout d’abord, nous considérons qu’un alinéa spécifique doit être consacré à cette question. Ensuite, la « conscience civique » ne peut pas être « française et européenne » : en soi, elle est universelle, or, une telle formulation constituerait une limitation.

Je vous propose plutôt d’adopter notre amendement prévoyant la création d’un alinéa spécifique.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC944 de Mme Josette Manin.

Mme Michèle Victory. Cet amendement vise à inclure la lutte contre le harcèlement dans les objectifs des sociétés de l’audiovisuel public. Il nous semble en effet important qu’elle fasse partie des objectifs de l’audiovisuel public afin de renforcer le respect des droits de chacun.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Il me paraît déjà satisfait : le harcèlement doit évidemment être combattu et les objectifs de l’audiovisuel public concourront à cette lutte à travers l’éducation et la conscience civique. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC945 de Mme Josette Manin.

Mme Michèle Victory. Cet amendement vise à inclure la lutte contre les abus de droit dans les objectifs des sociétés de l’audiovisuel public.

Une meilleure connaissance de ce que constitue un abus de droit, tel que défini par l’article 618 du code civil, peut concourir à développer un sens civique plus élevé et aigu des usagers du service public audiovisuel et, peut-être, à améliorer les relations qu’ils entretiennent entre eux et avec les administrations publiques.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis défavorable : en voulant couvrir tous les enjeux, on risque d’en oublier certains, et la lutte contre les abus de droit me semble couverte par les objectifs d’éducation et de conscience civique.

Cela dit, l’éducation au droit fait partie de la fonction générale d’éducation et de transmission de la connaissance et pourra être déclinée de manière précise dans le cahier des charges.

La commission rejette lamendement.

La commission examine les amendements AC369 et AC377 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’audiovisuel public doit faire émerger une véritable intelligence collective, pas seulement à travers la communication et la diffusion mais, aussi, en promouvant, en organisant des débats et en soutenant les organisations, y compris indépendantes, qui les engagent – je pense à la Commission nationale du débat public.

Comment ne pas être étonné du peu de relais que les médias publics ont donné aux grands débats structurés et organisés ? Je ne pense pas tant au Grand débat national qui a suivi la crise des « gilets jaunes » que, par exemple, à celui qui a été organisé par la Commission nationale du débat public sur le recyclage de nos déchets nucléaires ou à la controverse sur la privatisation dAéroports de Paris (ADP).

J’introduis l’amendement AC369 après l’alinéa 13 qui dispose que les médias publics « contribuent à éveiller l’esprit de solidarité, à construire la conscience civique et à lutter contre les discriminations ». Si l’on considère, et je peux le comprendre, qu’il est un peu provocateur de proposer le relais systématique à la fois des « débats publics » et des « référendums d’initiative partagée (RIP) en cours », je propose un amendement de repli AC377 visant à relayer les seuls premiers. Ce serait rendre un grand service à notre démocratie, qui a besoin d’être rafraîchie par la qualité des débats publics.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’obligation que l’on peut imposer à l’audiovisuel public, c’est de délivrer une information objective, honnête, pluraliste, variée, mais on ne peut pas prescrire tout ce qui doit être dit, sinon l’indépendance de l’information disparaît. L’obligation d’animer le débat public est déjà prévue à l’alinéa 18. Avis défavorable.

M. Bertrand Pancher. Je ne suis pas du tout d’accord. Nous sommes confrontés à un grave problème démocratique dans notre pays. Si nous-mêmes ne prenons pas garde à revigorer la démocratie à travers la participation citoyenne, rien ne marchera. Nous sommes confrontés à une « lutte poursuite » entre la création d’intelligence collective et la diffusion de bêtise collective sur les réseaux sociaux ! L’audiovisuel public a un rôle à jouer, or, il ne relaie jamais les grands débats nationaux !

La présidente de la Commission nationale du débat public, lorsqu’elle en organise un, se voit opposer un « débat bla-bla », faute d’échos. J’ai vraiment besoin que les médias publics nous aident dans ce domaine ! Votre réponse relève un peu de l’ancien monde.

M. Michel Larive. Je rejoins M. Pancher.

Votre Grand débat a certes été relayé mais il n’en a pas été de même du débat sur la privatisation d’Aéroports de Paris. En effet, dans le mois qui a suivi l’ouverture du premier, 13 000 articles de presse ont relayé ce qui relevait de toute évidence d’une vaste opération de communication du pouvoir. En revanche, le RIP sur ADP, encadré par la Constitution et contraignant pour le Gouvernement, n’a fait l’objet que de 500 articles le mois suivant son lancement. Même chose sur France 2, qui a consacré 24 sujets à votre Grand débat et un seul au RIP ! Il est difficile de ne pas constater un « deux poids, deux mesures ».

Une telle inscription dans la loi serait excellente et réglerait ce grave problème démocratique.

M. Bruno Fuchs. Je ne sais pas s’il sera réglé mais la question posée par Bertrand Pancher est absolument centrale : c’est celle de la qualité du débat public et de l’information disponible pour les citoyens afin qu’ils puissent se faire un avis.

Nous le constatons, les chaînes d’information privées ont tendance à privilégier le sensationnel, l’évènementiel, afin d’augmenter leur audience – le capital engagé doit être en effet rentabilisé. Les grandes chaînes d’information ne se posent plus la question de la qualité du débat public et de la nature de l’information.

Puis-je suggérer un sous-amendement disposant « Relaient ou organisent des débats publics sur de grandes thématiques de société » ? En outre, faut-il choisir cet emplacement ou un autre ? En tout cas, il s’agit là d’une grande mission du service public.

M. Franck Riester, ministre de la culture. C’est un effet une question importante mais la loi dispose déjà que les entreprises de l’audiovisuel public « proposent une information fiable, honnête, indépendante, pluraliste et concourant à l’animation d’un débat public serein et éclairé. »

Je suis également défavorable à votre amendement parce qu’il est à la fois trop précis et trop flou : il faudrait plus d’une journée pour faire systématiquement état de tous nos débats publics, locaux, régionaux, départementaux ; de plus, qu’est-ce qu’un « débat public » ?

Votre volonté de faire en sorte que l’audiovisuel public contribue à la vitalité du débat public est en effet essentielle mais elle figure explicitement dans le texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle rejette lamendement AC380 de M. Bertrand Pancher.

La commission examine les amendements identiques AC1011 de la commission des affaires étrangères et AC783 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cet amendement tend à compléter les missions de service public de l’audiovisuel en y intégrant une référence aux valeurs, à l’activité et aux institutions de l’Union européenne. Il vise donc à aller un peu plus loin que l’alinéa 21 mentionnant la simple actualité européenne.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le MODEM votera cet amendement, identique à celui que j’ai cosigné avec M. Fuchs, et qui a été très bien défendu.

La place de lUnion européenne nest pas comme les autres. Il ne sagit pas d« européaniser » des programmes, par exemple en évoquant Erasmus, mais de reconnaître que si, à côté du drapeau tricolore, nous avons le drapeau européen, cest en raison de lexistence dun cadre institutionnel, particulier, de valeurs qui nous engagent collectivement, au même titre que le Préambule de la Constitution de 1946.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis favorable mais en plaçant ce nouvel alinéa, par cohérence, après l’alinéa 21.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Même avis.

Je travaille avec Amélie de Montchalin et le CSA afin d’encourager toutes les chaînes, publiques ou non, à parler plus et mieux de l’Europe, en particulier dans le cadre de la préparation de la présidence française de l’Union européenne en 2022. Il est bon que votre commission se saisisse également de cette question.

Mme Constance Le Grip. Pour reprendre le titre d’une tribune publiée le 23 février dans Le Monde par un ensemble de députés et de personnalités, j’insiste également sur l’importance de faire « entrer l’Union européenne à la télévision » publique française.

Jean-Louis Bourlanges, qui a excellemment parlé, a comme moi siégé pendant plusieurs années au Parlement européen. Comme lui, j’ai à cœur que la France dispose d’une télévision publique à la hauteur des enjeux européens, de la nécessaire connaissance de l’Union européenne, de la compréhension des problématiques liées à l’appartenance à cette alliance politique et économique hors norme. J’ai moi-même déposé plusieurs amendements en ce sens et je soutiendrai bien évidemment ces deux-là.

La commission adopte ces amendements ainsi rectifiés.

Elle examine les amendements identiques AC995 de la commission des affaires économiques et AC529 de Mme Barbara Bessot-Ballot.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Lors de l’examen de cet amendement présenté par Mme Bessot-Ballot en commission des affaires économiques, j’avais émis un avis de sagesse qui a contribué à son adoption.

Il vise à inclure dans les objectifs d’offres de programmes de proximité la diffusion de compétitions sportives féminines. Parmi les nombreuses demandes de précision d’un certain nombre de missions qui sont parvenues à la commission des affaires économiques, j’ai considéré que celle-ci n’était pas un gadget.

M. Stéphane Testé. Cet amendement AC529 de Mme Bessot-Ballot nous rappelle combien cette question est d’actualité après les annonces de Mme la secrétaire d’État Schiappa, qui souhaite que 50 % du sport diffusé à l’écran soit féminin. Le CSA constate que, si cette part progresse, elle demeure faible.

Dans la lignée de l’opération « Sport féminin toujours », qui incite les médias à aller dans ce sens, cet amendement vise à inclure dans les objectifs d’offre de programmes de proximité la diffusion de compétitions sportives féminines.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je ferai également preuve de sagesse, jusqu’à donner un avis favorable.

M. Cédric Roussel. La dernière Coupe du monde de football féminin, en 2015, avait réuni 850 millions de téléspectateurs. En 2019, ce record a été pulvérisé, selon Gianni Infantino, avec la meilleure Coupe du monde féminine de l’histoire.

Selon un sondage Odoxa, 80 % des Français souhaitent que la télévision diffuse plus de compétitions sportives féminines. Si la part de la diffusion du sport féminin a augmenté entre 16 % et 20 %, le niveau de représentation est encore beaucoup trop faible. Je soutiens donc ces amendements.

Mme Maina Sage. Vous connaissez mon engagement en faveur d’une plus grande visibilité à l’écran des femmes, de leurs activités sportives ou autres, mais faisons tout de même preuve d’un peu de prudence. Je vous propose ainsi une rédaction différente car parmi les déclinaisons des missions évoquées à partir de l’alinéa 7, c’est le seul moment où il est question du sport et je ne souhaite pas une restriction aux seules compétitions sportives féminines. Précisons donc que le service public contribue « à diffuser les grands événements collectifs », « notamment sportifs », en ajoutant « les compétitions sportives féminines ».

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je précise qu’il est également question du sport à l’alinéa 6.

La commission adopte ces amendements.

Elle adopte les amendements rédactionnels identiques AC1258 de la rapporteure et AC778 de M. Ian Boucart.

En conséquence, les amendements AC114 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC121 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC490 de Mme Elsa Faucillon tombent.

La commission examine lamendement AC577 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Les récents débats sur les violences conjugales ont mis l’accent sur les incidences de ces dernières sur les enfants. Il me paraît donc important, à l’alinéa 16, de substituer la mention des violences faites aux femmes et celles commises « au sein du couple » par « au sein de la famille ». Les enfants sont évidemment victimes de violences psychologiques, physiques, et il convient impérativement de les intégrer à cet alinéa.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous sommes en phase avec votre demande mais il existe une spécificité des violences sur conjoint que l’amendement tendrait à faire disparaître s’il devait être adopté en l’état. Il convient donc de le retravailler d’ici à la séance publique. Je vous prie de bien vouloir le retirer.

Mme Géraldine Bannier. Je le retire donc.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement AC609 de Mme Elsa Faucillon.

La commission examine lamendement AC510 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Je reviens sur les enjeux européens.

L’audiovisuel français, public ou non, doit plus et mieux mettre l’Europe en évidence. Je me réjouis grandement, à ce propos, de l’adoption des amendements de la commission des affaires étrangères et de nos collègues Bourlanges et Fuchs tendant à inscrire l’Union européenne, ses valeurs et l’activité de ses institutions dans les missions d’information du secteur audiovisuel.

Cet amendement vise à y introduire la notion déveil à la citoyenneté européenne. À certains égards, parler des sujets, des enjeux, de lactualité de lEurope uniquement – ou presque – à travers le prisme des institutions de lUnion européenne et de leur fonctionnement peut se révéler non pas contre-productif mais un peu barbant. Pour avoir été membre de lune de ces institutions, je sais quil nest pas toujours évident de rendre le compte rendu des activités de telle ou telle institution européenne facile, amusant, compréhensible, enthousiasmant.

Les thématiques liées à la citoyenneté européenne et à la compréhension des enjeux européens peuvent largement dépasser le strict fonctionnement du Parlement européen, de la Commission européenne et du conseil des ministres de l’Union européenne.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Vous êtes nombreux à vouloir affirmer la dimension européenne de nos programmes et c’est heureux. Ici, nous sommes dans le paragraphe sur l’universalité de l’accès et la lutte contre les discriminations. Je pense que ce n’est pas l’endroit idéal pour insérer une telle disposition.

De plus, il me semble que votre amendement est satisfait puisque l’audiovisuel public a déjà pour mission de couvrir l’actualité européenne et il faut bien sûr entendre l’éducation civique au sens large, englobant l’éducation civique européenne. Ce sera donc un avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je soutiens cet amendement et je ne suis pas d’accord avec la rapporteure. L’actualité européenne, c’est différent.

Mme Le Grip a trouvé le bon biais car je ne suis pas persuadée qu’il soit très passionnant de faire état du seul débat des commissions. Si nous ne sommes pas capables d’inscrire dans la loi la nécessaire compréhension des enjeux européens et l’éveil à la citoyenneté européenne… La référence à l’actualité européenne est très réductrice !

M. Jean-Louis Bourlanges. Le MODEM soutient également cet amendement.

Les institutions sont essentielles mais leur évocation n’a jamais été très passionnante. Le journaliste Claude Imbert disait : « Quand j’entends parler d’Europe, je sors mon oreiller » !

Il me paraît donc de bonne politique d’insister sur les enjeux, même si les Français demeurent globalement sous-informés sur le cadre que forment les institutions.

M. le président Bruno Studer. Maintenez-vous votre avis défavorable, madame la rapporteure ?

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je crois surtout que cet amendement n’est pas positionné au bon endroit.

M. Jean-Louis Bourlanges. Il est possible de le déplacer.

M. Franck Riester, ministre de la culture. On peut certes réfléchir à son positionnement.

Il est bon, en effet, d’aller au-delà de la stricte dimension de l’Union européenne qui a été retenue, madame Le Grip, et je crois que nous devons également retravailler la question de la citoyenneté européenne.

Monsieur Bourlanges, vous soutenez cet amendement mais il contredit vos propos sur la conscience civique qui, en effet suppose le civisme, donc la citoyenneté et le rattachement à un État ou à une collectivité.

M. Jean-Louis Bourlanges. C’est autre chose !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Non ! Vous avez considéré que la conscience civique dépassait le caractère français et européen. C’est maintenant que vous avez raison, pas tout à l’heure !

Madame Le Grip, en accord avec Mme la rapporteure, je vous propose que nous retravaillions d’ici à la séance publique les questions liées à la citoyenneté européenne, à la conscience civique française et européenne, aux enjeux européens, de manière qu’un amendement, rédigé de la meilleure façon possible et positionné correctement, puisse intégrer tout ce qui a été évoqué par les différents membres de la commission.

Mme Constance Le Grip. Je prends acte avec plaisir de votre proposition.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AC833 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. J’ai bien conscience que nous ne pouvons pas dresser une liste exhaustive des actions que doivent mener les sociétés de l’audiovisuel public et les surcharger ainsi de missions, à l’instar de l’éducation nationale. Néanmoins, il me paraît fondamental qu’y figure la nécessaire prévention contre toutes les radicalisations. À l’heure où la cohésion sociale s’affaiblit, une telle mission est bien du ressort du service public. Il est vrai que celui-ci propose déjà des contenus de pointe en la matière. Du reste, une convention de partenariat entre le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) et France Télévisions a été signée pour trois ans en 2018. Mais cet amendement permettrait de renforcer cette convention et d’inscrire dans le long terme la volonté que les services publics mènent une prévention efficace et effective.

La lutte contre la radicalisation ne peut pas simplement se déduire de l’alinéa 13 sur la conscience civique ou de l’alinéa 33 sur l’éducation, par exemple ; elle doit faire l’objet d’une mention spécifique.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Vous l’avez dit vous-même, la liste des phénomènes contre lesquels il faut lutter ne peut pas être exhaustive ; ils sont très nombreux. Sont déjà mentionnées : à l’alinéa 13, la construction de la conscience civique ; à l’alinéa 15, la lutte contre les discriminations ; aux alinéas 18 à 22, une information fiable, honnête et indépendante ; aux alinéas 33 à 36 la mission d’éducation… Avis défavorable.

M. Michel Larive. Cet amendement vise « toute forme de radicalisation ». Or, il n’existe pas, en France, de définition claire de cette notion, dont l’appréciation est forcément subjective. Nous sommes nous-mêmes parfois désignés ainsi, mais j’ai surtout peur pour le parti radical de gauche…

Mme Michèle Victory. Même si nous ne pouvons pas, en effet, dresser une liste exhaustive, il s’agit d’une question importante qui mérite toute notre attention.

Mme Sandrine Mörch. C’est très volontiers que je réfléchirais avec ceux de nos collègues qui viennent de s’exprimer à la notion de radicalisation sous toutes ses formes. Cela dit, je maintiens l’amendement, mais j’y retravaillerai en vue de la discussion en séance publique.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AC779 de M. Ian Boucard.

Mme Emmanuelle Anthoine. Si le service public doit proposer une information fiable, honnête, indépendante, pluraliste et concourant à l’animation d’un débat public sain et éclairé, il semble opportun d’ajouter que cette information doit également être neutre. En effet, le service public n’a pas vocation à porter un regard politisé sur l’information.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet ajout ne nous paraît pas utile, car votre préoccupation est prise en compte à l’alinéa 18. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC645 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Il s’agit de compléter l’alinéa 18 par la phrase suivante : « Dans le cadre de leur indépendance éditoriale, elles veillent à l’impartialité de leurs programmes. »

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’information est fiable, honnête, indépendante, pluraliste. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Cela n’engage que vous. Deux tiers des Français pensent le contraire !

M. le président Bruno Studer. Ce sont les termes du projet de loi, monsieur Larive !

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lexamen de lamendement AC576 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Il est important que l’expression des courants de pensée et d’opinion soit représentative de tous les territoires, y compris de ceux dont la démographie est moins importante – où l’audience est donc plus faible – et des plus fragiles de métropole et d’outre-mer. Cet amendement a donc pour objet de préciser que les sociétés de l’audiovisuel public doivent garantir le caractère pluraliste et représentatif des territoires de l’expression des courants de pensée et d’opinion.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La couverture de tous les territoires dans le traitement de l’actualité est déjà inscrite à l’alinéa 11. Le pluralisme s’entend dans tous les domaines, y compris celui des territoires, mais il ne semble pas pertinent de le préciser ici car il n’est pas possible de dresser une liste exhaustive des domaines où s’applique le pluralisme. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AC115 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC122 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Emmanuelle Anthoine. Si les impératifs de fiabilité, d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information sont énoncés par le projet de loi, il semble important de préciser que l’expression des courants de pensée et d’opinion doit se faire dans le respect du principe d’égalité de traitement, afin qu’aucun courant de pensée ou d’idée ne soit lésé. L’information politique doit en effet être traitée de manière exemplaire par l’audiovisuel public.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’égalité de traitement est l’objet même de l’alinéa 20. Quant à l’égalité de traitement des partis politiques, elle est garantie et contrôlée par le CSA – bientôt l’ARCOM – dans l’ensemble des médias, en particulier en période de campagne électorale. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle est saisie des amendements identiques AC116 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC123 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Emmanuelle Anthoine. La mission dévolue à l’audiovisuel public de favoriser le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l’insertion sociale et la citoyenneté, qui figure dans la loi du 30 septembre 1986, n’est pas reprise dans le projet de loi. Cette mission nous semble importante ; nous en proposons donc le maintien par cet amendement.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Si cette mission n’est pas reprise textuellement dans le projet de loi, c’est précisément parce que celui-ci s’efforce de mettre de l’ordre dans les dispositions de la loi de 1986, qui se sont sédimentées. Néanmoins, l’ensemble de ces éléments figurent dans le texte, à des alinéas différents. En outre, nous avons adopté d’autres amendements qui vont dans le sens que vous souhaitez. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement AC800 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Bourlanges. Il nous paraît logique de préciser que les sociétés de l’audiovisuel public doivent proposer « un traitement de l’actualité politique et institutionnelle nationale et européenne ». Cet amendement est un peu le pendant de celui de Mme Le Grip. Certes, il ne faut pas parler que des institutions européennes, mais il faut aussi en parler car, pour ceux qui, comme moi, les ont pratiquées, c’est un déchirement de voir la manière dont ces questions sont traitées dans les débats, non seulement par le personnel politique, mais aussi par les médias. Les problèmes sont constamment mal posés, faute d’information. Il y a donc là une exigence civique à laquelle il faut répondre.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’amendement est satisfait, puisque votre amendement AC783 a été adopté et déplacé à l’alinéa 21.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques AC1259 de la rapporteure, AC554 de M. Bruno Fuchs et AC748 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous proposons de permettre aux sociétés filiales du groupe France Médias de créer un Comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes (CHIPIP) commun.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle examine lamendement AC566 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. On parle beaucoup de l’Union européenne, mais la France appartient à une autre grande communauté d’États : l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), laquelle est composée de 88 États dont nous sommes beaucoup plus proches culturellement et émotionnellement et avec lesquels nous avons une histoire commune. L’avenir de notre langue, de notre patrimoine culturel se joue donc tout autant à l’échelle de la francophonie qu’à l’échelle européenne. C’est pourquoi nous proposons d’insérer, après l’alinéa 22, l’alinéa suivant : « 4° bis Inscrivent la Francophonie, ses valeurs et l’activité de ses institutions dans leur mission d’information ; ».

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La francophonie figure déjà à l’alinéa 32, qui énonce que les sociétés de l’audiovisuel public contribuent au rayonnement de la francophonie. Avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. Je retire l’amendement, et j’en déposerai un nouveau en séance publique afin de préciser l’alinéa 32.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen, en discussion commune, des amendements AC946 de Mme Sylvie Tolmont, AC980 de Mme Constance Le Grip et des identiques AC1260 de la rapporteure et AC906 de Mme Céline Calvez.

Mme Michèle Victory. L’amendement AC946 a pour objet d’inscrire la musique – qui n’y figure pas en tant que telle – parmi les missions prioritaires de l’audiovisuel public. La musique est, sous toutes ses formes, un langage à part entière. C’est un des domaines qui doivent faire l’objet de projets ambitieux, c’est-à-dire d’une offre qui mette la musique à portée de tous, ce qui impose de réfléchir à une pédagogie particulière.

Mme Constance Le Grip. L’amendement AC980 vise à souligner l’importance du développement et de la diffusion de la création intellectuelle et artistique, en particulier musicale. Du reste, le Gouvernement, qui promeut l’éducation artistique et culturelle, met l’accent sur la musique, comme en témoigne notamment l’opération visant à créer une chorale dans chaque école.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’amendement AC1260 a le même objectif, mais nous avons opté pour une rédaction consistant à compléter l’alinéa 25 par les mots : « en particulier musicale », qui me paraît préférable.

Mme Céline Calvez. La rédaction de l’amendement AC906, cosigné par l’ensemble du groupe LaREM et identique à celui de la rapporteure, nous paraît également plus légère. C’est à cet alinéa, qui a trait à la création intellectuelle et artistique, qu’il convient de mentionner la musique, qui est un axe important de l’éducation culturelle et artistique des enfants, dès leur plus jeune âge.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il est en effet très important de renforcer la dimension musicale, en quelque sorte, de l’audiovisuel public. La rédaction choisie par le groupe et la rapporteure me paraît la bonne, mais je salue la volonté commune des auteurs de ces différents amendements.

Mme Frédérique Dumas. Pour ma part, je soutiens ces amendements. Dans le rapport sur l’audiovisuel public que j’ai rédigé avec six de nos collègues, nous avons en effet souligné le fait que les trois missions du service public susceptibles de favoriser la cohésion dont nous avons tant besoin sont la musique, la science et le sport. En outre, la musique a, dès le plus jeune âge, son importance dans l’apprentissage.

M. Raphaël Gérard. Si la diversité musicale est présente sur les chaînes du groupe Radio France, la disparition de France Ô, dont les cases musicales, d’une grande qualité, promouvaient les différents genres musicaux, impose de mettre l’accent sur la place de la musique sur les chaînes de télévision publiques. Le linéaire doit rester un espace de promotion de la diversité musicale.

Mme Maina Sage. Il est d’autant plus important de veiller à renforcer les missions du service public dans ce domaine que, je le rappelle, monsieur le ministre, 32 % des programmes musicaux et 33 % des retransmissions de spectacles vivants du groupe France Télévisions étaient diffusés sur France Ô.

La commission rejette successivement les amendements AC946 et AC980.

Puis elle adopte les amendements AC1260 et AC906.

La commission en vient à lexamen de lamendement AC1250 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement vise à renforcer la mission de l’audiovisuel public en matière de diffusion de programmes culturels en insistant sur l’éditorialisation des arts et de la culture, qui doit favoriser leur rencontre avec le public.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement peut être intéressant, mais l’éditorialisation est, par essence, la mission des chaînes de télévision. La question qui se pose est plutôt celle du type d’éditorialisation choisi. Il est tout de même curieux de rappeler que la principale fonction d’un éditeur est d’éditorialiser…

La commission adopte lamendement.

En conséquence, lamendement AC557 de Mme Géraldine Bannier tombe.

La commission est saisie de lamendement AC655 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous souhaitions que soit réaffirmée dans le projet de loi la mission de laudiovisuel public en matière de création musicale ; cela a été fait, et nous en sommes heureux. Je rappelle cependant que cet ajout faisait lobjet dune demande commune des syndicats et de la direction de Radio France. Il nous semble dautant plus symbolique de mentionner explicitement la musique dans le texte que le seul chœur symphonique professionnel de France, le Chœur de Radio France, va perdre un tiers de ses membres du fait dun plan social avalisé par le Gouvernement.

Il convient de réaffirmer les missions de diffusion, de médiation, de création et de soutien à la création d’œuvres musicales qui échoient à l’ensemble du service public de l’audiovisuel. Comme disait Paul Verlaine, « de la musique avant toute chose » !

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC1261 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. C’est par l’expérimentation et la mise en avant de contenus audiovisuels innovants que le service public de l’audiovisuel peut se distinguer et rester singulier par rapport aux offres commerciales. Il convient donc qu’il ose certains formats, modes de diffusion et coopérations.

Ainsi cet amendement propose-t-il d’introduire dans les missions services public de France Médias la notion de la « prise de risque », qui implique la diffusion de contenus audiovisuels innovants et audacieux. Ces préconisations figuraient déjà dans le scénario d’anticipation proposé, le 4 juin 2018, par la ministre de la culture Françoise Nyssen dans l’optique de réformer l’audiovisuel public. Le service public de l’audiovisuel doit être unique. À cette fin, il doit être innovant et ne pas se contenter de s’adapter aux mutations de notre temps ; il doit, au contraire, les enrichir, les anticiper, les susciter.

Mme Frédérique Dumas. Cette proposition figurait également dans notre rapport sur l’audiovisuel public. Je suis donc ravie que vous défendiez cet amendement, même s’il me semble que cette mention devrait, en raison de son caractère transversal, figurer plus haut dans le texte puisque, vous l’avez dit vous-même, la prise de risque et l’innovation font la spécificité de l’audiovisuel public.

Mme Céline Calvez. J’apprécie beaucoup que l’on rappelle le devoir de France Médias d’innover dans le cadre de ses différentes missions. On peut imaginer que ce « haut degré » – ces mots me semblent importants – d’ambition participera, plus généralement, au dynamisme de l’ensemble du secteur audiovisuel, au-delà du seul service public.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AC489 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Marie-George Buffet. Par cet amendement, qui a été en partie satisfait, nous proposons que France Médias participe au développement de la création musicale. Il m’offre l’occasion de saluer le travail des personnels de Radio France et de protester contre la réduction des effectifs du Chœur de Radio France, qui sera lui interdira désormais d’interpréter certaines œuvres.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement AC717 de M. Pascal Bois.

M. Pascal Bois. Je suis ravi que la musique ait été intégrée parmi les missions de l’audiovisuel public. Mais il serait bon, me semble-t-il, d’y ajouter le spectacle vivant – concerts, théâtre, danse… – qui a toute son importance et auquel le service public n’offre pas toujours la place qu’il mérite.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Dans la mesure où la musique est déjà mentionnée à l’alinéa 25, il paraît difficile d’adopter votre amendement tel qu’il est rédigé. Je vous suggère donc de le retirer et d’en proposer une nouvelle rédaction en séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC228 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Il s’agit de préciser, après l’alinéa 28, qui traite de la conservation du patrimoine audiovisuel, que les sociétés de l’audiovisuel public s’engagent à ne pas accaparer de façon abusive, excessive et sans contreparties économiques réelles les droits d’édition des œuvres des auteurs et compositeurs insérées dans leurs programmes ou leurs services. L’objectif est d’interdire la pratique, que l’on a déjà évoquée, de l’édition coercitive ou de l’accaparement du droit d’auteur.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je comprends votre intention, mais une telle disposition serait disproportionnée au regard de pratiques qui sont, certes, répréhensibles mais très minoritaires et qui, de surcroît, ne se limitent pas au service public. En outre, l’amendement concerne davantage le respect de la propriété intellectuelle que les missions de service public. C’est pourquoi, même si vous avez raison de rappeler que le service public se doit d’être exemplaire en la matière, je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AC722 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Il s’agit d’insérer la diffusion de programmes de flux dans les missions confiées à l’audiovisuel public, afin que les magazines, jeux et divertissements puissent y tenir toute leur place en remplissant les critères d’exigence et de qualité qui s’imposent. Il est en effet nécessaire que les missions de France Télévisions et son exigence de qualité concernent bien tous les publics et tous les programmes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous remercie d’insister sur l’importance des programmes de flux, constitutifs de l’identité des différentes chaînes. Il me semble que l’amendement que nous avons adopté afin de renforcer la mission de l’audiovisuel public en matière de divertissements permet de répondre aux enjeux que vous soulignez. Je vous propose donc de retirer l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC468 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Je retire l’amendement au profit de l’amendement AC1012 de la commission des affaires étrangères, qui est similaire.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen, en discussion commune, des amendements AC1012 de la commission des affaires étrangères et AC612 de Mme Elsa Faucillon.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Il s’agit de valoriser le rôle de l’audiovisuel public, en particulier de l’audiovisuel extérieur, dans la diplomatie d’influence de la France et de souligner l’action audiovisuelle extérieure en tant que mission de service public. Notre audiovisuel extérieur s’inscrit en effet dans un continuum d’influence qui comporte de nombreux leviers, qui vont du réseau culturel – Institut français, Alliances françaises – à la promotion des industries culturelles et créatives, en passant par l’enseignement français de l’étranger.

Mme Marie-George Buffet. Nous proposons, après le mot : « langue », de rédiger ainsi la fin de l’alinéa 29 : « française ainsi que les cultures françaises et francophones ». Très attachée à la notion de francophonie, j’estime nécessaire de valoriser les différentes cultures qu’elle recouvre.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Monsieur le rapporteur pour avis, je comprends l’objet de votre amendement, mais il me semble que sa rédaction pourrait être améliorée d’ici à la discussion en séance publique. Peut-être est-il en effet préférable d’évoquer l’influence de la France plutôt que l’influence de la nation, comme vous le proposez.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. En tant que député de la nation, je suis d’accord pour retirer l’amendement, à condition d’être associé à la nouvelle rédaction.

Les amendements sont retirés.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La question a été évoquée lors de mon audition par la commission des affaires étrangères. Cette précision me semble très importante, mais la rédaction de l’amendement pourrait en effet être améliorée, avec votre concours, bien entendu, monsieur Portarrieu, comme l’a indiqué Mme la rapporteure.

La commission examine lamendement AC378 de Mme Anne Genetet.

Mme Anne Genetet. Cet amendement sinspire dune expérience intéressante menée en Australie, où un média financé par lÉtat diffuse ses programmes dans une cinquantaine de langues auprès des communautés étrangères présentes sur le territoire australien. Il serait en effet intéressant que la France développe un média de ce type pour porter son message et diffuser sa culture, son identité, auprès de communautés qui souhaitent sétablir ou sont en cours détablissement sur son territoire. Ce serait un vecteur dinfluence, voire de cohésion.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. France Médias Monde est destiné à l’international avant tout, mais rien n’empêche de regarder France 24 depuis la France, sur internet par exemple. Cela dit, il est déjà arrivé que France 24 soit diffusée en langue étrangère en France ; plusieurs expérimentations ont été réalisées, avec succès. Ainsi, l’année où Marseille était capitale européenne de la culture, Monte Carlo Doualiya, radio arabophone, y était diffusée. Cette opération a remporté un immense succès, preuve de la qualité des programmes de France Médias Monde et de leur capacité à innover. Par ailleurs, France 24 arabophone est diffusé sur certains bouquets du satellite et est accessible en France via internet. Avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. En France, nous avons, en la matière, une vision hémiplégique : d’un côté, un audiovisuel extérieur, au titre de l’influence de la France au-delà de ses frontières, et, de l’autre, un audiovisuel « intérieur ». Vous m’avez indiqué, madame la rapporteure, que mon amendement relatif à la francophonie était satisfait par la rédaction de l’alinéa 32 : cela illustre bien cette vision franco-française, selon laquelle la francophonie ne concernerait que l’audiovisuel extérieur. Ainsi, actuellement, la francophonie est bien mieux vécue dans les pays francophones qu’en France, où rien n’est fait pour défendre cette idée. Mon amendement avait donc toute sa place après l’alinéa 22.

Nous devons en finir, et je m’adresse également aux futurs dirigeants de France Médias, avec cette distinction entre audiovisuel « intérieur » et audiovisuel extérieur. France 24 doit être diffusée, en France, sur des canaux de la TNT.

Mme Frédérique Dumas. Sur la francophonie, je partage l’avis de Bruno Fuchs. Il conviendrait en effet que France 24 soit diffusée en France sur un canal hertzien. Toutefois, l’amendement de Mme Genetet n’a pas trait à la francophonie : il vise à diffuser des programmes en langues étrangères en France. La réponse de la rapporteure n’est pas satisfaisante. De fait, on peut toujours trouver des programmes en langues étrangères sur internet. En l’espèce, il s’agit de manifester la volonté politique de diffuser tels programmes sur le territoire français pour favoriser la cohésion nationale, et c’est intéressant.

Mme Anne Genetet. L’idée est de diffuser, non pas dans les langues couramment parlées dans le monde – l’espagnol, l’anglais, l’arabe… –, mais dans des dialectes, en particulier africains. Si un média public diffusait, par exemple, en langue peule sur le territoire français, nous pourrions raccrocher des personnes d’origine sahélienne qui risquent, sinon, de dériver vers des contenus qui ne sont pas forcément en phase avec nos valeurs.

M. Franck Riester, ministre de la culture. France Médias Monde est diffusée, je crois, en 17 langues. Bien entendu, on ne peut pas affecter 17 canaux de télévision linéaire à la diffusion de ses programmes dans chacune de ces langues. Mais je comprends parfaitement votre préoccupation. Comme l’a très bien indiqué Mme la rapporteure, les contenus de France Médias Monde en langues étrangères sont accessibles sur internet, et il faut absolument maintenir cette possibilité.

L’autre question, soulevée notamment par Bruno Fuchs, est celle de savoir comment avoir accès, en France, au regard que notre audiovisuel extérieur porte sur le monde. À cet égard, nous souhaitons faire en sorte – et c’est une grande nouveauté permise par la création d’un groupe public – d’être moins hémiplégique. D’un côté, France Médias Monde doit pouvoir profiter davantage des contenus et de la puissance de l’audiovisuel national au service du rayonnement de la France dans le monde ; de l’autre, l’audiovisuel national doit pouvoir également bénéficier des contenus de l’audiovisuel extérieur. Peut-être pouvons-nous inscrire cette réciprocité dans les missions de France Médias Monde.

M. Raphaël Gérard. Les propos de M. le ministre sont très intéressants, mais je voudrais que l’on n’oublie pas les chaînes locales Première, qui sont diffusées dans tous les grands bassins océaniques et qui ont un véritable rôle d’échange à jouer avec l’écosystème créé par cet article.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques AC996 de la commission des affaires économiques, AC537 de Mme Barbara Bessot Ballot, AC791 de M. Jean-Louis Bourlanges et AC1219 de Mme Constance Le Grip.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’intégrer explicitement la dimension européenne dans la couverture de l’actualité internationale par les sociétés de l’audiovisuel public, dans le cadre de leur mission de diffusion de la langue et de la culture françaises dans le monde.

Mme Carole Bureau-Bonnard. Il convient en effet que le traitement de l’actualité européenne, qui est primordiale, soit mis en valeur dans les missions de l’action audiovisuelle extérieure.

M. Jean-Louis Bourlanges. Nous devons combler le déficit d’information sur l’actualité européenne.

Mme Constance Le Grip. De même que nous disons depuis longtemps que les affaires européennes ne sont plus des affaires étrangères, de même, il faut que l’actualité européenne ait sa place dans les programmes de l’audiovisuel extérieur de la France.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis très favorable.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle est saisie de lamendement AC575 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Cet amendement est un cri du cœur. Peut-on parler de transmission de la culture et d’une mission d’éducation sans évoquer dans le projet de loi les œuvres littéraires ? Lire et écrire sont les deux premiers piliers de l’éducation. Le ministère de l’éducation affiche ainsi des ambitions très fortes en matière d’apprentissage de la lecture. Il est donc impératif de mentionner explicitement la diffusion des œuvres artistiques et littéraires parmi les missions des sociétés de l’audiovisuel public.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis favorable à cet amendement, mais nous retravaillerons sa rédaction et son positionnement d’ici à la discussion en séance publique.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC1265 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Je reviens à l’idée de faire entrer l’Europe dans la télévision française, en complétant l’alinéa 35 par les mots « portant notamment sur les institutions nationales et européennes », afin d’insister sur la nécessité d’une éducation civique européenne.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous avons déjà ajouté plusieurs fois le mot « Europe » dans le texte. Même si nous sommes tous favorables à l’Europe, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC530 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Sandrine Mörch. Afin de soutenir l’ambition en faveur de l’apprentissage des langues, l’amendement vise à faire de l’audiovisuel public un véritable outil pédagogique au service de tous, à tous âges et dans tous les territoires, en développant la diffusion de programmes étrangers en version originale.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Sagesse.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC883 de M. Yannick Kerlogot.

M. Yannick Kerlogot. Il ne vous a pas échappé que l’article 59 était particulièrement important, au point de faire l’objet de 308 amendements. Les cinq missions prioritaires du secteur public de la communication audiovisuelle y sont en effet redéfinies. Si nous avons parlé d’Europe, de la place des femmes à l’écran, des violences conjugales ou de la radicalisation, j’aimerais vous ramener à la mission éducative. Mon amendement vise à compléter l’alinéa 36, afin qu’en plus des langues étrangères, les sociétés nationales de programmes favorisent l’apprentissage des langues régionales. Notre commission a voté les amendements de M. Molac et de Mme Manin, qui reconnaissaient l’intérêt d’élargir les compétences de l’ARCOM à la protection, la promotion et la transmission des langues régionales. J’aimerais beaucoup qu’elle continue de démontrer son soutien aux langues régionales.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous partageons votre ambition de promouvoir les langues de France. Toutefois, il me semble que l’alinéa 12, relatif aux langues de France, répond déjà à cet objectif, ainsi que les alinéas 33 et suivants, concernant la mission d’éducation. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Yannick Kerlogot. Grâce à l’excellent amendement AC306 de Mme Sage, nous avons redéfini les missions du service public autour des langues régionales et des langues de France. Par « langues régionales », nous entendons bien les langues autochtones, qui étaient parlées dans les différents territoires avant le français. Il me semble légitime de rappeler l’intérêt de leur apprentissage.

Mme Maina Sage. À mon tour, monsieur Kerlogot, de vous remercier pour votre excellent amendement ! La notion de langues de France est englobante, alors que celle de langues régionales souligne leur aspect patrimonial, d’appartenance à un territoire. Rien qu’en Polynésie, nous avons sept langues ! Ce sont des langues vivantes. L’audiovisuel public est bilingue. Le journal télévisé, par exemple, est diffusé en français et en tahitien. Certaines émissions sont en langue marquisienne. C’est pourquoi je suis tout à fait favorable au renforcement des missions d’apprentissage des langues régionales, qui ne sont pas les langues de France.

M. Jean-Jacques Gaultier. Le groupe Les Républicains est particulièrement favorable à cet amendement, dans la mesure où il serait paradoxal dêtre favorable à lapprentissage des langues étrangères et de délaisser celui des langues régionales.

Mme Frédérique Dumas. Le groupe Libertés et territoires y est également très favorable !

M. Bruno Fuchs. Madame la rapporteure, nous avons élargi le concept des langues régionales aux langues de France. Cela intègretil les langues des diasporas ?

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il y a deux débats. Pour ce qui concerne les langues régionales et les langues de France, nous nous sommes exprimés très clairement sur le sujet. Les langues régionales sont bien incluses dans les langues de France. Pour ce qui est de l’apprentissage, le texte mentionne uniquement la « promotion » des langues, ce qui suppose la diffusion de programmes en langues de France et, partant, en langues régionales. Le terme « apprentissage » signifierait que des émissions auraient pour objectif de faire apprendre ces langues, ce à quoi le Gouvernement n’est pas favorable.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement AC169 de M. Matthieu Orphelin.

Puis elle étudie lamendement AC797 de Mme Martine Wonner.

Mme Sandrine Mörch. Le secteur de l’audiovisuel public remplit une mission fondamentale de service public qu’il nous faut collectivement protéger et faire perdurer. Aussi le rôle de l’éducation des plus jeunes et des plus vulnérables face aux pratiques dites à risque, notamment en matière de santé et de sexualité, est‑il un enjeu fort. Parce qu’une telle information doit s’inscrire dans le cadre d’une volonté affirmée de mieux protéger les citoyens et surtout d’être acteurs de leur propre protection, cet amendement vise à inscrire, dans les missions de l’audiovisuel public, non seulement l’information, mais également la prévention.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC915 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Si nous avons constaté que l’audiovisuel public avait une mission de cohésion sociale, en promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes, je tiens à rappeler qu’il est nécessaire de le faire dès le plus jeune âge. Il me paraît en effet intéressant de lier santé, sexualité et égalité et de mettre l’accent sur le rôle de l’éducation dans la culture de l’égalité.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’amendement est déjà satisfait par l’alinéa 16.

Lamendement est retiré.

La commission passe à lexamen de lamendement AC509 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. L’amendement vise à remplacer la notion de « sexualité » par celle de « vie sexuelle et affective ». La sensibilisation à la sexualité s’est concentrée sur la prévention des maladies ou des infections sexuellement transmissibles et sur la santé reproductive. Un accompagnement à la vie affective et sexuelle serait plus inclusif, en englobant toutes les dimensions, comme les violences au sein des couples, la notion de consentement, la déconstruction de la culture du viol, l’égalité femme‑homme ou la diversité des orientations sexuelles. Une telle notion permettrait de recouvrir un champ plus large des obligations définies à l’article 3‑1 de la loi de 1986.

Par ailleurs, ne faudrait‑il pas parler de « sexualités » et non de « sexualité », ce qui montre le déficit de représentation des minorités sexuelles dans le paysage audiovisuel public ?

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La rédaction actuelle me semble plus précise et appropriée que la vôtre. Par ailleurs, la sexualité est un domaine.

M. Franck Riester, ministre de la culture. J’entends votre message, monsieur Gérard. Peut-être faudrait‑il retravailler votre amendement avant la séance ?

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC579 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Après mon cri du cœur, tout à l’heure, voici un cri d’alerte. Les forces de l’ordre me disent régulièrement qu’il faut faire quelque chose pour améliorer la prévention contre les addictions et les ravages qu’elles causent, aussi bien d’un point de vue sanitaire que social. C’est pourquoi je propose de compléter l’alinéa 38 par les mots : « notamment en matière de prévention des addictions ».

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Dans la mesure où nous venons de voter un amendement introduisant le terme de « prévention », il ne me semble pas utile de le préciser pour les addictions.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La prévention concerne la santé ; et le volet santé inclut la dimension de prévention. Votre amendement est donc bien satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC531 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Carole Bureau-Bonnard. L’amendement vise à insérer après l’alinéa 38 : « 5° (nouveau) Assurent une mission de sensibilisation à une alimentation saine, sûre, durable et responsable. »

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La rédaction de l’article 43‑11 de la loi de 1986 a été clarifiée et expurgée de phrases qui n’étaient pas indispensables. Je ne pense pas utile de les réintroduire, étant donné que la mission de prévention en matière de santé permet d’inclure cette question, ainsi que la réglementation sur la publicité. Votre amendement est déjà satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AC83 de M. Stéphane Testé, AC247 de Mme DubyMuller, AC947 de Mme Sylvie Tolmont, ainsi que de lamendement AC572 de Mme Géraldine Bannier.

M. Stéphane Testé. L’amendement vise à ajouter le divertissement comme sixième mission prioritaire des sociétés de l’audiovisuel public. Le divertissement de service public, qui englobe, de façon ludique, l’ensemble des champs de la culture générale, de la connaissance de la langue française, de la chanson française, de la littérature, de l’histoire ou encore de la géographie, constitue un vecteur éducatif et populaire pour un très large public.

M. Maxime Minot. Moi qui aime vous divertir… L’amendement vise à consacrer pleinement la place du divertissement dans l’offre de l’audiovisuel public, étant donné qu’il se distingue par sa capacité à embrasser l’ensemble des différents champs de la culture. La France a la chance de pouvoir s’appuyer sur la production d’émissions de divertissement de grande qualité qu’il convient d’encourager.

Mme Sylvie Tolmont. Cinq grands champs de coopération ont été définis par le texte : la proximité, l’information, la culture, l’éducation et l’audiovisuel extérieur. Nous pensons, comme les représentants de France Télévisions, que le divertissement doit leur être ajouté, pour réaffirmer qu’il a toute sa place dans l’offre de service public et qu’il peut donner lieu à des initiatives communes entre les différentes sociétés.

Mme Géraldine Bannier. Défendu, même si je pense qu’il a été satisfait par l’adoption d’un précédent amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous nous accordons tous sur l’importance de la mission de service public de divertissement. Néanmoins, ces amendements ont été satisfaits, comme le supposait Mme Bannier, par l’amendement que nous avons adopté à l’unanimité tout à l’heure.

Les amendements AC83 et AC572 sont successivement retirés.

La commission rejette les amendements AC247 et AC947.

Elle examine les amendements AC757 et AC755 de M. Philippe Gomès.

Mme Maina Sage. Ces amendements visent à faire apparaître spécifiquement les outre‑mer dans un alinéa après l’alinéa 38. Nous avons beaucoup débattu ce matin de la présence des programmes européens, de la valorisation des institutions ou encore de la citoyenneté européenne. Je voudrais que le même élan nous anime pour les territoires outre‑mer, lesquels ont besoin d’être plus vus à l’écran et d’être mieux compris, dans toutes leurs dimensions. D’après des études réalisées dans l’Hexagone, la perception des territoires d’outre‑mer et de leurs citoyens est une catastrophe. Il ne s’agit pas simplement de valoriser la société française dans sa dimension ultramarine, mais d’intégrer dans les missions de service public de l’audiovisuel la promotion des territoires d’outre‑mer. La France n’est pas qu’hexagonale et continentale ; elle est mondiale. Mon territoire est à vingt heures de vol de Paris. Nous sommes exactement de l’autre côté de la planète, quasiment dans un autre espace‑temps. Ayez la bienveillance de comprendre que nous réclamions un alinéa spécifique !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Votre demande a beaucoup de sens, madame la députée, surtout après le travail remarquable mené dans le pacte pour la visibilité des outre‑mer. Travaillons ensemble sur ce sujet d’ici à la séance. Ce sera un beau signal.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1211 de la rapporteure.

7.   Seconde réunion du jeudi 5 mars 2020 (suite de l’article 59 à article 82) ([9])

M. le président Bruno Studer. Nous reprenons nos travaux en poursuivant l’examen des amendements déposés sur l’article 59.

Article 59 (suite)

La commission examine lamendement AC144 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Les cahiers des charges des sociétés de l’audiovisuel public prévoient actuellement des dispositions pour promouvoir la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage. Or le projet de loi ne retient plus cet impératif dans le contenu des conventions stratégiques. Cet amendement vise à y réintroduire cette préoccupation essentielle.

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour les articles relatifs à laudiovisuel public. La lutte contre le dopage n’est plus une mission spécifique du service public : c’est devenu une obligation générale, avec un pouvoir réglementaire délégué au CSA par l’article 20-3 de la loi du 30 septembre 1986. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC1263 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement vise à garantir l’indépendance et le pluralisme dans les programmes d’information et d’actualités des sociétés nationales de programme. Il étend à la radio et à l’ensemble des programmes d’information la garantie d’indépendance fixée à l’alinéa 55 pour les seuls journaux télévisés.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC81 de M. Stéphane Testé.

M. Stéphane Testé. L’accès numérique gratuit à l’offre de programmes de l’audiovisuel public vaut pour l’ensemble de cette offre, sans exclusion de genre. Il s’agit en particulier de lever toute ambiguïté quant au fait que les œuvres cinématographiques proposées par France Télévisions doivent, à l’instar des œuvres audiovisuelles, être accessibles gratuitement au public en télévision de rattrapage.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La rédaction du projet de loi lève d’ores et déjà cette ambiguïté et renvoie au cahier des charges le soin de déterminer les modalités de mise à disposition des programmes en rattrapage : il sera ainsi possible d’exclure les programmes sportifs pour lesquels France Télévisions n’a pas nécessairement les droits numériques, ce que votre amendement ne permettrait plus. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, lamendement AC359 de Mme Frédérique Dumas et les amendements identiques AC85 de M. Stéphane Testé et AC948 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Frédérique Dumas. L’alinéa 41 de l’article 59 confie aux cahiers des charges des sociétés le soin de préciser la répartition des responsabilités au sein de la société et prévoit que les unités de programme de la société comprennent des instances de sélection collégiales. Nous proposons de supprimer cette prescription organisationnelle, qui n’est pas du niveau législatif.

Cette disposition apparaît peu cohérente avec la logique de responsabilisation qui préside à la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public proposée au titre III. Il ne semble pas pertinent à cet égard de confier au pouvoir réglementaire, par voie législative, le soin de définir les modalités d’organisation interne des entreprises.

L’objectif de diversité de l’offre de l’audiovisuel public, notamment en matière de création audiovisuelle et cinématographique, est par ailleurs déjà satisfait par les alinéas 23 et suivants de l’article 59.

C’est la raison pour laquelle nous proposons que cette disposition soit plutôt déterminée au sein des conventions stratégiques pluriannuelles, après l’alinéa 133.

M. Stéphane Testé. Mon amendement AC85 vise à supprimer une disposition organisationnelle de la holding France Médias. Il ne semble pas pertinent de confier au pouvoir réglementaire, par voie législative, le soin de définir les modalités d’organisation interne des entreprises : c’est aux dirigeants des sociétés de définir eux-mêmes l’organisation interne la plus pertinente pour l’exécution des missions qui leur sont confiées.

En outre, l’alinéa 52 offre déjà toutes les garanties en matière de diversité de la création.

Mme Sylvie Tolmont. Même argumentation pour l’amendement AC948.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Madame Dumas, je suis défavorable à votre amendement, car les conventions stratégiques pluriannuelles sont recentrées sur les objectifs et les moyens financiers. Je suis en revanche favorable aux amendements identiques AC85 et AC948.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends absolument pas votre réponse, puisque c’est exactement ce que je propose… Mais je conçois que vous préfériez faire adopter les amendements de la majorité.

La commission rejette lamendement AC359.

Puis elle adopte les amendements identiques AC85 et AC948.

En conséquence, les amendements AC1210 et AC1264 de la rapporteure et lamendement AC654 de Mme Muriel Ressiguier tombent.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1209, AC1208 et AC1207 de la rapporteure et AC110 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Elle examine ensuite lamendement AC376 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement me donne l’occasion de commencer à aborder – car deux minutes n’y suffiront pas – le problème de la suppression de la chaîne France 4, dédiée aux enfants.

Une question aussi importante que la suppression d’une chaîne devrait faire à tout le moins l’objet d’un débat au Parlement. Nous avons été sept députés de la majorité à insister dès mai 2018 sur la nécessité de conserver France 4 sur un canal hertzien sans publicité et sur les dommages directs et collatéraux qu’impliquerait un basculement vers le tout numérique du fait de la fracture territoriale et de la persistance des fameuses « zones blanches » – expression maladroite au goût de Mme la rapporteure générale : reste que le haut débit est indispensable pour profiter d’une offre audiovisuelle de qualité.

Nous avions fait état d’un sondage de Médiamétrie, qui disait déjà tout des fractures d’usage, des fractures sociales et de la rupture de l’égalité territoriale. Nous avions dit aussi que nous avions besoin d’une chaîne linéaire sur un canal hertzien fort pour pousser le numérique, comme on l’avait fait, il fut un temps, avec la diffusion en clair pour Canal +. Si le service public a une raison d’être, c’est bien de dédier une chaîne à l’enfance et à la connaissance : la BBC en a deux… Je reviendrai sur les dommages collatéraux de cette décision, à la fois pour les enfants, pour la jeunesse et pour l’animation, mais aussi pour les autres chaînes du groupe.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Les missions de service public, la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias sont du domaine législatif en vertu de l’article 34 de la Constitution. Ce n’est pas le cas, en revanche, de l’organisation interne des sociétés nationales de programme. Votre amendement ne relève donc pas du domaine législatif.

Par ailleurs, nous examinerons dans quelques instants plusieurs amendements visant à garantir que France Télévisions propose une offre de qualité et variée pour les enfants sur les services linéaires comme non linéaires. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. J’apprécie que vous réduisiez la suppression d’une chaîne pour enfants à une question d’organisation interne de l’entreprise… C’est totalement méconnaître la manière dont les missions de service public s’organisent, notamment à travers des antennes. C’est comme si vous vouliez supprimer France Culture !

Nous ne demandons pas que le Parlement décide, mais trouvez-vous anormal qu’il débatte de ces questions ? La décision de supprimer France 4 a été prise à la suite d’un coup de téléphone du secrétaire général de l’Élysée, alors que nous étions en réunion avec le Premier ministre : il fallait faire basculer France 4 sur le numérique pour faire moderne, en confondant les jeunes adultes et les enfants. Un débat au Parlement aurait permis d’éviter de telles erreurs. Quant à vos amendements, ils n’apportent aucune compensation : ils ne font qu’enterrer la chaîne pour enfants.

Mme Michèle Victory. J’apporte tout mon soutien à cet amendement : il est essentiel que les députés puissent débattre de toutes les questions qui concernent le service public de l’audiovisuel : son organisation, ce qu’on en attend, ce qu’il doit diffuser, son utilité.

M. Franck Riester, ministre de la culture. France 4 n’a une ligne éditoriale centrée sur l’enfance et à la jeunesse que depuis quelques années. Notre volonté est certes de réduire le nombre d’antennes en linéaire de France Télévisions, mais en aucun cas de réduire notre ambition en matière de contenus dédiés à la jeunesse et d’animation, en particulier sur les antennes linéaires de la télévision publique.

À la demande d’un certain nombre de députés, notamment du président de la commission et des rapporteures, des groupes de La République en marche et du MODEM, nous avons pris la décision de travailler à un pacte de visibilité des contenus « jeunesse » et « animation », comme nous l’avons fait pour l’outre-mer. Cela sera de nature à bien rassurer le Parlement, ce que je comprends parfaitement, en confirmant les engagements pris par France Télévisions en matière de contenus dédiés à la jeunesse et d’animation en antenne linéaire, nonobstant le développement de l’offre sur internet : l’offre globale ne peut se concevoir sans des contenus en linéaire. La fermeture d’une antenne ne signifie pas que le Gouvernement ait revu dans ce domaine ses ambitions à la baisse : nous supprimons effectivement deux antennes, à charge pour France Télévisions de reventiler ses grilles de programmes à partir de l’été pour s’assurer de la présence de contenus dédiés à la jeunesse et d’animation, comme de contenus sur l’outre-mer. Sans oublier qu’une antenne nouvelle est apparue dans le bouquet de France Télévisions avec la chaîne d’information en continu Franceinfo.

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le ministre, vous justifiez vos choix de suppression de chaînes, mais vous ne répondez pas à Mme Frédérique Dumas, qui propose que le Parlement puisse à tout le moins débattre de ces questions et émettre un avis.

M. Raphaël Gérard. Il me semble utile de refaire le film à l’envers. Lorsque la suppression de France 4 et de France Ô a été annoncée, de façon un peu abrupte, les ministres de la culture et des outre-mer de l’époque, Mmes Françoise Nyssen et Annick Girardin, ont lancé un groupe de travail parlementaire pour réfléchir à la suite. Un débat en amont n’aurait pas nécessairement influé sur la décision, mais il aurait permis de dépassionner le sujet, de mieux accompagner la société France Télévisions et d’adoucir les décisions finalement prises. Le pacte de visibilité des outre-mer s’est nourri assez largement de ce travail parlementaire. Pour ma part, l’idée d’organiser un débat parlementaire préalablement à l’annonce d’une suppression de chaîne ne me choque pas.

Mme Frédérique Dumas. S’agissant de France 4, la ministre n’a ouvert une concertation sur les offres qu’après avoir annoncé la bascule de la chaîne vers le tout numérique. Les choses se sont effectivement passées autrement pour France Ô. Cela veut bien dire qu’il faut un minimum de débat au Parlement. S’opposer à un tel débat, c’est refuser d’assumer et de justifier ses choix devant la représentation nationale.

S’agissant des compensations, comment pouvez-vous imaginer une seconde que vous allez compenser la disparition d’une antenne en consacrant quelques créneaux horaires aux thématiques qu’elle traitait ? Je reviendrai sur tous les dommages collatéraux de votre décision, les uns après les autres ! Il n’y a évidemment aucun moyen de compenser la suppression d’un canal hertzien entièrement dédié aux enfants et sans publicité.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC653 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Nous nous opposons fermement au principe de gouvernance unique pour l’ensemble des médias regroupés au sein de la société France Médias. Nous réaffirmons notre attachement à l’indépendance de chacune des sociétés qui la composent. Cette volonté de regrouper des sociétés à l’identité si différente et ayant chacune un mode de fonctionnement adapté à ses spécificités ne nous paraît pas pertinent. Comme de nombreux syndicats de ces sociétés, nous craignons que cela n’aboutisse à une mise au pas éditoriale et que la « mutualisation » mise en avant soit surtout un cache-misère, visant à dissimuler la baisse des fonds alloués au service public de l’audiovisuel.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Monsieur Corbière, je ne vous surprendrai pas en donnant un avis défavorable à votre amendement. Les organisations syndicales, que nous avons auditionnées, n’ont à aucun moment émis la crainte d’une « mise au pas éditoriale » ; elles ont même accueilli ce texte plutôt favorablement.

Il ne s’agit pas du tout de fusionner ces sociétés, mais de les regrouper au sein d’une même holding qui respectera pleinement leur identité et qui garantira leur indépendance. Si nous créons cette holding, c’est précisément dans le but de réorganiser les missions de service public. Nous avons échangé longuement sur ces missions et avons retenu plusieurs de vos amendements. Cette structure doit également favoriser la coopération entre les sociétés de l’audiovisuel public et les rendre plus fortes dans un monde totalement bouleversé par la révolution numérique.

Mme Frédérique Dumas. Je partage l’esprit de cet amendement pour deux raisons. Premièrement, la création de cette holding a essentiellement vocation à camoufler des coupes budgétaires. Deuxièmement, sans aller jusqu’à parler de mise au pas éditoriale – même si un amendement un peu surréaliste que vous avez fait adopter tout à l’heure n’est pas sans poser des questions – qu’est-ce que la compensation que vous proposez, et quelles seront les conséquences de votre décision sur France 5, sinon une forme l’ingérence dans l’éditorialisation des chaînes ?

Enfin, madame la rapporteure, ce n’est pas parce que nous avons voté des amendements renforçant ses missions que nous sommes favorables à la holding… Nous essayons seulement d’améliorer les choses. Nous n’allons tout de même pas quitter la salle au motif que vous n’avez pas accepté nos amendements de suppression !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je regrette que vous n’ayez pas assisté aux auditions des organisations syndicales de Radio France et de France Télévisions. Vous auriez constaté que si elles expriment effectivement des inquiétudes, ce qui est bien normal, celles-ci ne portent pas sur les questions éditoriales : elles savent bien que l’enjeu n’est pas là. Notre commission vient d’adopter un amendement qui garantit une offre indépendante, pluraliste et diversifiée de programmes d’information. Et nous avons encore renforcé ce caractère pluraliste par d’autres amendements.

Je veux bien que vous ne soyez pas en accord avec ce texte, mais vous avez dit en présentant votre amendement de suppression que vous n’étiez pas défavorable au principe de la holding… J’ai un peu de mal à me retrouver dans vos arguments, et à déterminer si vous êtes pour ou contre. Ce qui est certain, c’est que cette holding vise la création d’un grand groupe public audiovisuel, et en aucun cas une mise au pas éditoriale. Cela relève du fantasme et je trouve regrettable que vous employiez de tels arguments.

M. Alexis Corbière. Madame la rapporteure générale, j’aimerais vous citer une déclaration du Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) : « Les sections SNJ-CGT de Radio France, France Médias Monde et lINA combattront une réforme qui ne répond quà deux exigences : la recherche déconomies et le renforcement de la mainmise de lexécutif sur laudiovisuel public, qualifié par le président Macron de « honte de la République ». Venant d’une organisation syndicale que vous dites favorable au projet, je trouve ces propos un peu rudes !

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure générale, j’ai dit que je n’étais pas contre le principe de la holding, mais qu’il fallait que certaines conditions soient réunies, ce qui n’est pas le cas. C’est comme avec la retraite à points : le groupe Libertés et Territoires n’est pas contre le principe d’une telle réforme, mais il est contre la manière dont vous voulez la mettre en œuvre. On peut être pour un certain nombre de choses sans être pour autant en mesure d’accepter l’ensemble…

J’ai moi aussi du mal à comprendre la cohérence de votre action, car vous avez déposé des amendements qui sont en contradiction totale avec ce que vous écrivez dans votre rapport, notamment à l’article 1er.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC638 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Cet amendement propose que la future holding soit nommée « ORTF 2.0 »… Sans doute y verrez-vous une petite taquinerie, mais le regroupement de l’ensemble des chaînes de télévisions et de radios publiques sous une même entité et la mainmise de l’État sur ces médias renvoient à une vieille conception de l’audiovisuel public, à rebours de la promesse de modernité annoncée.

Les contours flous de la mission confiée à France Médias, chargée de « définir les orientations stratégiques » des sociétés filles et de « veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes », risquent en réalité d’aboutir à une mainmise sur le contenu éditorial desdites sociétés, d’autant plus que le président de France Médias est nommé par le Président de la République et qu’il siège dans les conseils d’administration de toutes les sociétés filles. Au vu de leur poids dans le paysage médiatique français, l’intégration de France Télévision et de Radio France dans ce dispositif apparaît comme une menace majeure à l’indépendance de la presse audiovisuelle française.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’indépendance éditoriale des sociétés filles sera bien garantie. France Médias sera chargée de favoriser des coopérations et non de contrôler les publications des sociétés fille. Par ailleurs, vous avez mal lu le projet de loi : le président-directeur général de France Médias est nommé sur proposition du conseil d’administration de France Médias par décret du Président de la République, certes, mais après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et après avis des commissions parlementaires compétentes, ce qui garantit son indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC282 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Il ne nous paraît pas souhaitable d’intégrer une partie de l’audiovisuel extérieur, représenté par France Médias Monde, au sein de la holding. France Médias Monde contribue en effet au rayonnement extérieur de la France et est un acteur à part entière de la stabilisation des zones de tension ainsi qu’un contributeur à l’objectif de développement et de stabilité, donc de sécurité, dans de nombreuses régions du monde.

Cette demande se justifie par le fait que les missions de l’audiovisuel extérieur sont spécifiques et, par nature, distinctes des problématiques des opérateurs de l’audiovisuel public qui s’adressent aux Français, en France et en français. Il ne semble pas cohérent qu’une partie de l’audiovisuel extérieur soit placée au sein de la holding et qu’une autre partie reste à l’extérieur – ARTE et TV5 Monde continueront à être des organes indépendants pour des raisons totalement légitimes.

De plus, on lit dans l’étude d’impact de ce projet de loi que « TV5 Monde est vue par de nombreux États où elle est diffusée comme une chaîne multilatérale, ce qui peut faciliter sa diffusion hertzienne ; ce qui pourrait ne plus être le cas si elle était perçue comme une chaîne française (par exemple en République démocratique du Congo). » Cet argument peut également s’appliquer à France Médias Monde, notamment dans la zone Sahel avec la diffusion en mandingue et en peul. S’agissant d’ARTE, il est écrit noir sur blanc dans l’étude d’impact que la faire entrer dans la holding risquerait de réduire la qualité de ses programmes culturels ! À croire que ce n’est pas le Gouvernement qui l’a réalisée…

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous sommes défavorables à votre amendement et favorables à l’intégration de France Médias Monde dans la holding.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AC366 de Mme Anne Genetet.

Mme Anne Genetet. Je souhaite appeler votre attention sur la façon dont nos programmes sont reçus à l’étranger, à la fois par les Français qui vivent hors de France, par les francophones et par tous ceux qui s’intéressent à ce que la France peut représenter – et qui parfois ne parlent pas notre langue. Nos programmes sont très difficilement accessibles, hormis dans quelques zones. J’aimerais que vous nous expliquiez pourquoi, monsieur le ministre ; je crois savoir que la question des droits d’auteur y est pour beaucoup.

Cet amendement, comme le AC365 qui vient un peu plus loin, vise à introduire un peu de souplesse dans le système actuel et à favoriser la mutualisation des droits d’exploitation de France Médias Monde et de France Télévisions, afin de rendre certains de nos programmes plus accessibles en dehors de nos frontières. C’est un enjeu majeur d’influence, à une époque où les moyens à la disposition du ministère des affaires étrangères sont plutôt en diminution. Nous comptons beaucoup sur les capacités de France Médias Monde pour nous faire exister à l’extérieur de nos frontières.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je vous invite à retirer votre amendement au bénéfice des explications que vous donnera M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Premièrement, via TV5 Monde, un certain nombre de contenus peuvent être regardés partout dans le monde, ce qui répond en partie à votre préoccupation.

Deuxièmement, la territorialité des droits fait que les droits des auteurs sont négociés pays par pays. Il faut préserver ce principe et la conception française du droit d’auteur, qui est très spécifique et qui permet de mieux rémunérer les créateurs.

Troisièmement, certains contenus produits directement par France Média Monde ou par France Télévisions, par exemple les contenus d’information, peuvent être regardés partout dans le monde, notamment via internet.

Mme Anne Genetet. Pour avoir beaucoup voyagé, je peux vous dire que les programmes de TV5 Monde ne sont malheureusement pas accessibles partout : contrairement aux programmes de NHK, de la Deutsche Welle ou de la RAI, ceux de TV5 Monde sont souvent payants dans bien des hôtels.

Il faudrait rendre les plateformes de France Médias Monde beaucoup plus accessibles. La plateforme de France Télévisions n’est pas accessible depuis l’étranger. Et lorsqu’on va sur TV5 Monde, certains programmes de France Télévisions sont coupés : c’est par exemple le cas de l’émission « C dans l’air ».

M. Bruno Fuchs. Notre collègue a raison : à létranger, il faut souvent payer pour avoir accès à des chaînes françaises, via une plateforme ou une box. Or les moyens de France Médias Monde ne sont pas suffisants et dans beaucoup dhôtels à létranger, France 24 et TV5 Monde ne sont tout simplement pas diffusées.

L’intégration de France Médias Monde dans la holding, chère collègue Frédérique Dumas, aura précisément pour avantage d’apporter des moyens supplémentaires et donc de favoriser la diffusion de ces programmes à l’étranger. France 24 n’est pas facilement accessible dans bon nombre de villes.

Mme Frédérique Dumas. Je suis évidemment favorable à l’amendement de ma collègue Anne Genetet. Il faut que vous compreniez, cher collègue Bruno Fuchs, que la holding ne va pas résoudre tous les problèmes s’il n’y a pas d’argent. Depuis qu’on a décidé de réduire ses budgets, France Médias Monde n’a eu d’autres solutions que d’arrêter des diffusions. On peut parler des droits d’auteur et de la territorialisation : c’est la réalité juridique. La mutualisation n’existe pas : il faut racheter les droits. Les économies réalisées empêchent à l’heure actuelle de renforcer l’audiovisuel extérieur et même réduisent sa capacité de diffusion. La holding ne résoudra absolument rien : s’il n’y a pas de budget, il n’y a pas de budget.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Pardonnez-moi, madame Dumas, mais un budget, ça se gère : on peut faire des économies d’échelle ou des synergies et mutualiser certains moyens. À budget constant, on peut rendre un service, public ou non, plus efficient. Ce qui est vrai, c’est que la diffusion en linéaire de TV5 Monde ou de France 24 dans certains pays coûte cher. Il y a donc des choix à faire, en fonction du budget dont on dispose. Si dix‑sept langues sont présentes sur France Médias Monde, on ne va pas pour autant décider de diffuser France 24 dans dix-sept langues dans tous les pays ! Il y a des choix et des arbitrages à faire. Or le choix que nous faisons repose sur la conviction que l’action extérieure de l’audiovisuel public et le rayonnement de la France dans le monde grâce à son audiovisuel extérieur sont essentiels et qu’en regroupant toutes nos forces au sein d’un groupe public, nous aurons une puissance de rayonnement dont France Médias Monde, pour l’heure, ne dispose pas.

Je vais prendre quelques exemples précis pour répondre à la question de Mme Frédérique Dumas.

Les producteurs de la série « Dix pour cent » l’ont vendue à Netflix, qui la diffuse aux États-Unis. Dans un tel cas, il n’est donc pas nécessaire que France Télévisions paie des droits pour que ce contenu soit accessible dans un pays étranger. Autrement dit, la territorialité des droits permet de mieux financer les programmes, notamment français et européens. C’est un point très important.

Mme Frédérique Dumas. Ce n’est pas la question.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Autre exemple : Franceinfo est accessible dans tous les pays du monde via internet. TV5 Monde travaille par ailleurs à une plateforme qui assurera une accessibilité plus grande de ses contenus. Il y a effectivement des arbitrages à faire entre les chaînes linéaires et loffre internet : cest ce que nous avons fait, au sein de France Télévisions, à propos de la chaîne France 4. Et nous avons le même type de problématique avec laudiovisuel extérieur.

Mme Anne Genetet. Je veux bien retirer mon amendement, comme l’amendement AC365, mais j’insiste sur le fait que les excellents programmes de France 24 ne sont pas accessibles partout dans le monde, contrairement à d’autres chaînes étrangères. Nous perdons en influence et ce n’est pas seulement une question d’argent. Je vous remercie en tout cas pour votre réponse, monsieur le ministre. Veillons à ce que nos programmes et notre culture soient accessibles, même en anglais, peu importe : ce qui compte, c’est de donner accès à notre façon de voir les choses.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1205 de la rapporteure.

Elle examine les amendements identiques AC774 de la rapporteure et AC907 de Mme Marie-Ange Magne.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement vise à préciser l’objectif pour France Télévisions de proposer un service de médias à la demande de qualité destiné aux enfants. Il donne une base légale à la plateforme Okoo.

Mme Marie-Ange Magne. L’amendement du groupe La République en marche, identique, vise à porter une attention particulière au secteur de l’animation dont on sait le dynamisme en France.

Mme Maina Sage. J’aimerais faire un petit aparté, monsieur le ministre, pour vous sensibiliser aux enjeux de la disparition de France 4, qui est un sujet sensible. Vous allez proposer un pacte de visibilité pour la jeunesse, comparable à celui qui existe pour les outre‑mer. Nous nous sommes battus pour France Ô et nous avons obtenu des engagements, via le pacte de visibilité, qui nous ont permis d’avancer. Mais le choix que vous avez fait au sujet de France 4 fait peser un gros risque sur toute la filière. On a le sentiment d’un vrai gâchis : pendant des années, nous avons bâti ce capital, investi dans des talents et dans la formation… Nous avons aujourd’hui une offre de qualité, une chaîne en linéaire sans publicité pour les publics jeunes. Je voudrais vraiment que nous puissions rediscuter de cette question d’ici à la séance.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends pas non plus le sens de ces amendements qui ne visent qu’à faire oublier la suppression de France 4 en donnant une base légale à la plateforme numérique en non linéaire. De nombreuses offres de France Télévisions n’ont pas eu besoin de cela pour disposer d’une base légale – je pense par exemple à Salto. Je ne comprends même pas comment vous osez vous moquer autant d’un tel sujet en déposant des amendements de pur habillage, qui ne compensent absolument rien. Vous devenez vous‑mêmes programmateurs : c’est consternant. Et pour revenir à l’audiovisuel extérieur, je ne vois pas le rapport avec la série « Dix pour cent », qui ne concerne ni France 24 ni TV5 Monde.

La commission adopte ces amendements.

Lamendement AC365 de Mme Anne Genetet a été retiré.

La commission examine lamendement AC262 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Sans vouloir rouvrir le débat que nous avons eu ce matin, cet amendement vise à remplacer langues « régionales » par langues « de France », pour être en conformité avec la liste établie par le ministère de la culture.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC445 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à ce que les émissions réalisées en langue régionale – payées par les régions et par France 3 – soient diffusées sur l’ensemble du territoire dans lequel ces langues sont en usage. La langue bretonne, par exemple, est parlée non seulement dans la région Bretagne, mais aussi en Loire-Atlantique, le cinquième département breton. Sa partie occidentale, en tout cas, fait partie de ce que l’on appelle la Basse-Bretagne : le breton y était d’un usage courant jusqu’à la fin du XIXe siècle et on y trouve des classes bilingues. À un moment donné, France 3 Loire-Atlantique a décidé de ne plus diffuser une émission en langue bretonne. Les associations culturelles ont réclamé son retour, mais nous n’avons reçu pour l’instant que des réponses négatives ; et pourtant, à raison d’une heure par semaine, cela n’encombre pas toute la bande passante… Il faut entendre la demande populaire.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je comprends votre intention mais votre amendement pose un problème juridique, car il est difficile de définir le territoire sur lequel une langue est effectivement en usage. C’est pourquoi j’aurai un avis défavorable.

M. Paul Molac. Il suffit de reprendre le rapport de M. Bernard Cerquiglini sur les langues de la France, qui définit les différentes langues et les territoires sur lesquels elles sont en usage…

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AC512 de M. Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Le présent amendement a pour objet de formaliser dans la loi l’évolution de la programmation régionale de France Télévisions, largement engagée dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020. Il s’agit d’inverser la logique de France 3 et d’en faire à terme un service proposant principalement des programmes régionaux avec des décrochages nationaux, et non l’inverse.

Toutefois, en faisant disparaître la notion de « décrochage spécifique », mon amendement supprimerait la base légale des amendements identiques que nous avons adoptés avant l’article 59, et qui insèrent à l’article 34-2 de la loi de 1986 une disposition importante visant à garantir la visibilité et l’accessibilité de l’offre d’information régionale et locale de France 3, notamment sur les box. Je vais donc le retirer, pour des raisons de cohérence, mais je le redéposerai en séance pour actualiser la rédaction de l’alinéa 54.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1204 de la rapporteure.

Elle examine ensuite les amendements identiques AC1206 de la rapporteure générale et AC910 de Mme Marie-Ange Magne.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les rapporteurs ainsi que certains groupes ont exprimé, dès la discussion générale, leurs préoccupations concernant la suppression de France 4. Nous souhaitons maintenir une offre linéaire d’animation et de programmes jeunesse sur les différentes chaînes du groupe France Télévisions, et pas seulement sur une d’entre elles. Le secteur de l’animation s’inquiète également puisque 32 millions d’euros sont consacrés chaque année par France Télévisions au soutien et à l’achat de programmes d’animation. Cet amendement a donc pour objet de préciser que France Télévisions propose une offre riche et diversifiée de programmes destinés à la jeunesse sur ses services linéaires, à des heures d’écoute appropriées aux enfants, notamment les samedis et les dimanches.

Mme Marie-Ange Magne. De la même façon, notre amendement vise à garantir une offre variée et de qualité à destination des enfants, à la fois à la télévision à des heures appropriées aux enfants, et en ligne sur un service à la demande dédié à la jeunesse. Il vise à souligner la mission primordiale de France Télévisions à l’égard de notre jeunesse.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis très favorable à ces amendements, qui correspondent à ce que je disais tout à l’heure.

Mme Frédérique Dumas. Ces amendements entérinent les décisions de juin 2018. Après avoir supprimé la chaîne linéaire France 4, vous abîmez d’autres chaînes : le basculement de certaines émissions jeunesse sur France 5 provoque un affaiblissement des programmes « access » de cette chaîne et une baisse mécanique de son audience quotidienne : là où, le mercredi, de quinze heures à dix-sept heures, on comptait 400 000 à 500 000 téléspectateurs, vous avez commencé à diffuser des programmes pour enfants : du coup, il n’y en a plus que 6 000… Vous affaiblissez ce que l’on appelle, dans le jargon des programmateurs – puisque vous êtes devenus des programmateurs de France Télévisions…

M. le président Bruno Studer. Merci, madame Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Non ! Attendez !

M. le président Bruno Studer. Vous avez une minute pour répondre, madame Dumas : ne me dites pas « non » comme ça ! Je vous donne la parole, parfois même à plusieurs reprises, sur les amendements, respectez au moins le temps qui vous est imparti !

Mme Virginie Duby-Muller. Le groupe Les Républicains soutient ces deux amendements. France Télévisions doit évidemment proposer une offre riche et diversifiée à destination de la jeunesse, sur les services linéaires et non linéaires. Il ne faut pas oublier quil y a derrière toute une filière, tout un écosystème – il nest quà voir le festival international du film danimation qui se tient chaque année à Annecy.

La commission adopte les amendements.

Elle examine lamendement AC1271 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement de coordination vise à supprimer l’alinéa 55 car nous avons remonté ces dispositions au niveau du cahier des charges pour l’ensemble des sociétés, et pas seulement pour France Télévisions. En conséquence, je demanderai aux députés défendant des amendements insérant ces dispositions dans l’article sur France Télévisions de bien vouloir les retirer.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, les amendements AC84 de M. Stéphane Testé, AC248 de Mme Virginie Duby-Muller, AC297 de Mme Frédérique Dumas et AC949 de Mme Sylvie Tolmont tombent.

La commission en vient à lamendement AC758 de M. Philippe Gomès.

Mme Maina Sage. Nous proposons que France Télévisions rende compte chaque année au Parlement de la mise en œuvre des engagements et des indicateurs du pacte pour la visibilité des outre-mer.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. France Télévisions s’est engagée à rendre compte de ce pacte ; c’est même un des engagements du pacte, comme vous le rappelez dans votre exposé des motifs. Je ne pense pas qu’il soit besoin de l’insérer dans la loi.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC 808 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Bruno Fuchs. Je laisse à la rapporteure le soin de décider s’il convient d’intégrer cet amendement visant à inscrire l’actualité des institutions européennes dans la mission générale d’information de Radio France, compte tenu de ce qui a déjà été adopté ce matin.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable : l’alinéa traite des émissions elles-mêmes, qui sont nationales ou locales, et non du sujet traité, qui peut être européen.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC1274 de la rapporteure et AC718 de M. Pascal Bois.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’amendement AC1274 vise à préciser la mission de couverture locale de Radio France.

M. Pascal Bois. L’amendement AC718 a pour objet de compléter la mission de Radio France pour ce qui touche à son maillage territorial et à la diversité de l’information de proximité.

La commission adopte lamendement AC1274.

En conséquence, lamendement AC718 tombe, de même que lamendement AC799 de Mme Martine Wonner.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AC1251 de la rapporteure générale et AC804 de Mme Florence Provendier, ainsi que lamendement AC786 de M. Pascal Bois.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Radio France édite, avec un très grand succès, des podcasts pour les enfants – des histoires et des contes, des podcasts historiques, des aventures comme celles de Tintin, sur France Culture. Elle exerce cette mission sans y être obligée, d’autant que Médiamétrie ne mesure pas les audiences auprès des enfants de moins de 13 ans. Or cela relève du service public ; l’inscrire dans la loi permettrait de conforter les missions de Radio France à destination du jeune public.

Mme Florence Provendier. Mon amendement AC804, identique, vise à consacrer dans les missions de Radio France le développement d’une offre numérique mettant à disposition des enfants des contenus audio de qualité. Radio France est aujourd’hui le premier producteur de podcasts et investit dans la recherche et le développement d’innovation dans l’univers de l’audio ; l’objectif est de consolider dans la loi ces efforts.

Le service public doit toucher les enfants et les jeunes publics par des programmes adaptés dans tous les domaines. Le numérique est le premier support d’accès à l’information, au divertissement, à la culture, à la musique ou encore à la fiction pour les enfants. Il s’agit ici de garantir le droit d’accès à la culture et à l’information pour tous les enfants, reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 : son article 17 engage les États signataires à ce que les enfants aient accès à une information présentant une utilité sociale et culturelle pour eux, ce qui est au cœur des missions de l’audiovisuel public.

M. Pascal Bois. Mes collègues ont dit l’essentiel. La formulation de mon amendement AC786 est différente mais le fond reste le même.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, lamendement AC786 tombe.

La commission se saisit de lamendement AC714 de M. Pascal Bois.

M. Pascal Bois. Radio France a pour mission de valoriser le patrimoine et la création artistique grâce aux formations musicales dont elle assure la gestion et le développement. Elle dispose de trésors radiophoniques et musicaux, mis à la disposition du plus grand nombre sur tous les canaux de diffusion ; elle n’est pourtant pas en mesure de rendre accessible sur le numérique l’intégralité de son catalogue de concerts. Tout un pan du patrimoine musical capté par Radio France est ainsi coupé d’une accessibilité en ligne qui permettrait leur diffusion large auprès du public, en complément de la diffusion en linéaire et dans les salles de concerts. La renégociation individuelle de tous les contrats relatifs aux milliers de concerts antérieurs à 2004, qui ne prenaient pas en compte la diffusion en numérique, étant impossible, la disposition proposée permettrait à la société Radio France de bénéficier d’un dispositif dérogatoire, similaire à des dérogations existantes et validées par le Conseil constitutionnel.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cette proposition est intéressante, mais il faudrait consulter les organismes de gestion collective des droits d’auteur sur cette disposition, qui peut avoir des effets importants ou en tout cas non mesurés pour certains droits d’auteur. Peut-être pourrait-on retravailler cela d’ici à la séance ? Demande de retrait.

M. Pascal Bois. C’était d’abord un amendement d’appel, destiné à amener le sujet en débat jusqu’à la séance.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC261 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Cet amendement vise à rappeler explicitement que France Médias Monde a pour mission de diffuser des émissions qui traitent de l’actualité ultramarine afin d’encourager les partenariats et les parrainages entre France Médias Monde et le réseau Outre-mer La Première. Lors de son audition par notre commission, en septembre dernier, Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, a confirmé l’appétence de son groupe pour la diffusion de programmes ultramarins. Elle souhaitait notamment développer un programme spécifique appelé « Une semaine dans les outre-mer », avec des dossiers thématiques sur l’économie, la culture, le développement durable, les initiatives locales. Toutefois, le groupe n’a pas de budget à consacrer à ce type de programmes. La future holding devra donc dynamiser les partenariats et les synergies en permettant à France Médias Monde, qui n’a pas de correspondant en outre-mer, de s’appuyer sur les équipes très compétentes du réseau Outre-mer La Première. Il s’agit d’un enjeu de diplomatie culturelle : les territoires ultramarins sont à l’avant-poste du rayonnement de la France et de son influence culturelle à l’international.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. C’est une excellente idée, qui souligne l’intérêt de la holding et de la mise en commun des moyens des différentes sociétés. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC1013 de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cet amendement vise à compléter la définition des missions de France Médias Monde afin de valoriser l’importance particulière d’une information libre, indépendante et pluraliste qui doit être fournie par l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public lorsqu’elle est proposée à l’étranger, face à des médias qui ne respectent pas toujours ces exigences éditoriales.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. C’est une excellente idée ; cependant je souhaite le retrait de votre amendement au profit du suivant, qui intègre une précision sur la lutte contre les fausses informations.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je le retire, mais en insistant sur la nécessité de bien mentionner l’indépendance et la pluralité de l’information.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC1277 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement vise à souligner la mission particulière de France Médias Monde dans la diffusion d’une information fiable et dans la lutte contre les fausses informations et la manipulation de l’information. Nous ajouterons la précision sur l’indépendance lors de l’examen en séance.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC1014 de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à compléter la définition des missions de France Médias Monde avec une reconnaissance de la contribution de l’audiovisuel extérieur à l’aide publique au développement. Il s’agit d’intégrer de façon pérenne, dans le décompte national de l’aide publique au développement soumis à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la contribution directe de France Médias Monde, qui s’élève à quelque 20 millions d’euros en 2018. Cela est déjà possible, mais aucun document budgétaire ou comptable ne mentionne explicitement cette valorisation, les montants en jeu étant relativement modestes.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La mesure des dépenses d’aide publique au développement en pourcentage du PIB est une mesure internationale reposant sur des critères définis par le comité d’aide au développement de l’ONU. Je ne pense donc pas que cet amendement soit opérant. Demande de retrait.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je le retire, mais j’y reviendrai avec l’amendement AC1017.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AC283 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. L’alinéa 60 du présent article prévoit que France Médias Monde « définit ou contribue à définir » ses orientations stratégiques. Il faut choisir, je choisis donc « elle définit ».

À vous entendre, la mise en commun des moyens renforcerait l’audiovisuel extérieur : encore faut-il pour cela avoir des moyens ! Les deux années de réduction budgétaire ont abouti à l’arrêt de la diffusion de France 24 aux États-Unis et en Scandinavie. Je ne pense pas que la holding permettra de favoriser la reprise de la diffusion dans ces pays : elle handicapera même sûrement la diffusion dans d’autres pays puisque la maison mère coûtera de l’argent, lequel sera prélevé sur les ressources des sociétés actuelles.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC723 de M. Pascal Bois.

M. Pascal Bois. Vous connaissez l’expertise et le rôle prépondérant joué par l’Institut national de l’audiovisuel (INA) en matière de gestion et de développement du patrimoine audiovisuel. Mon amendement vise simplement à assurer la cohérence entre la rédaction de l’alinéa 61 et celle de l’alinéa 28 de l’article 59, en précisant que l’INA a également pour mission d’enrichir le patrimoine audiovisuel.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques AC1278 de la rapporteure et AC764 de M. Pascal Bois.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Il s’agit de préciser que les archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme comprennent l’intégralité des programmes nativement numériques proposés par ces sociétés. Cela inclut les archives des éventuelles filiales éditrices qui seront créées au sein de France Médias.

M. Pascal Bois. Je vais pour ma part retirer cet amendement d’appel en attendant que les sociétés concernées dans la holding soient davantage en phase pour ce qui touche à la problématique de l’archivage sur le non linéaire. Il faudrait retravailler cette disposition, si possible avant la séance.

Les amendements AC1278 et AC764 sont retirés.

La commission en vient à lamendement AC1280 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement étend les missions d’exploitation des archives confiées à l’INA à toute nouvelle filiale d’édition de services créée au sein de France Médias. Il explicite par ailleurs le caractère exclusif des droits d’exploitation par extraits de l’INA un an après première diffusion, déjà reconnu par les conventions qui lient l’INA aux autres sociétés nationales de programmes. Il précise enfin l’obligation faite à l’INA d’assurer, auprès de chaque société concernée et dans des conditions prévues par la convention correspondante, la mise à disposition de ses archives ainsi que de celles actuellement mises à disposition directement entre sociétés.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, lamendement AC766 de M. Pascal Bois tombe.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1202 et AC1201 de la rapporteure.

Elle est saisie de lamendement AC768 de M. Pascal Bois.

M. Pascal Bois. La formation, tant initiale que continue, fait partie des missions fondatrices de l’INA, devenu centre de formation de référence aux métiers et aux techniques de l’audiovisuel et des médias. Comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, l’INA porte pour le compte commun des entreprises de l’audiovisuel public un ambitieux projet de formation à travers la mise en place d’une université France Médias : elle permettra de partager et de devancer l’évolution accélérée et le décloisonnement des pratiques professionnelles induites par les nouveaux usages numériques. L’amendement vise à donner une base législative à cet objectif afin d’en favoriser la réalisation.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Si une politique de formation doit être mise en œuvre au niveau du groupe, il reviendra plutôt à la société mère France Médias d’en définir les orientations. Demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC578 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Nous proposons de compléter l’alinéa 70 consacré à ARTE avec les mots suivants : « notamment par la diffusion d’œuvres multilingues et le partage des créations au sein de l’Union européenne », afin de valoriser davantage la spécificité de la mission accomplie par cette chaîne, qui est de la plus haute importance. La chaîne est très favorable à cet amendement.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Ces modifications relèvent davantage du cahier des charges que de la loi. Demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement AC307 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. La Chaîne parlementaire doit être exemplaire au regard des engagements du service public audiovisuel pour renforcer la visibilité des territoires d’outre-mer. En 2018, hors France Ô, seulement 0,3 % des programmes du service public ont été dédiés aux outre-mer. L’objectif de cet amendement est de faire en sorte que La Chaîne parlementaire intègre la dimension ultramarine de la société française.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC461 de M. Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Cet amendement porte de trois à cinq ans la durée du mandat des présidents-directeurs généraux des deux chaînes parlementaires, conformément à la durée actuelle des mandats des dirigeants de l’audiovisuel public. Cette disposition a vocation à être ajustée au cours de la navette, notamment dans ses modalités d’entrée en vigueur. Le mandat du président de LCP-Assemblée nationale court jusqu’à mars 2021 : il n’y a donc pas de concomitance avec la fin de la législature.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis favorable.

M. Alexis Corbière. Avez-vous eu un échange sur ce point avec les différents administrateurs ?

M. le président Bruno Studer. Tout à fait : ils sont unanimes !

Mme Virginie Duby-Muller. Je confirme que tout cela s’est fait en bonne intelligence et a recueilli l’unanimité des membres du conseil d’administration.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC462 de M. Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Cet amendement a également recueilli l’unanimité du conseil d’administration. La loi du 30 septembre 1986 pose actuellement le principe d’un financement exclusif de chaque chaîne parlementaire par une dotation annuelle de l’assemblée à laquelle elle se rattache. Toutefois, face à l’augmentation des coûts de diffusion et des budgets de programme, je propose, en accord avec le président de l’Assemblée nationale et le Sénat, que ces chaînes puissent également percevoir, à titre accessoire, deux types de revenus complémentaires, provenant, d’une part, de l’exploitation des programmes audiovisuels dont elles assurent la production et la réalisation et, d’autre part, de la diffusion de campagnes d’intérêt général, qui ne constituent pas des programmes publicitaires, dont la diffusion leur est interdite. Cela exclut bien évidemment qu’elles puissent commercialiser les captations des travaux parlementaires fournies par les assemblées.

Cet amendement ne modifie en rien la nature des missions de ces chaînes et vise simplement à leur donner une petite souplesse financière dans une période de rigueur budgétaire qui s’impose également aux assemblées.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis favorable.

Mme Virginie Duby-Muller. Nous soutenons fermement cet amendement qui permettra d’apporter un peu de souplesse. Les ressources des chaînes parlementaires sont limitées alors que des opérateurs utilisent leurs créations : il paraît logique qu’elles donnent lieu à une rémunération.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement AC392 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. L’objet de cet amendement est de permettre à La Chaîne parlementaire d’avoir accès aux messages d’intérêt général.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je vous propose de le retirer dans la mesure où cet amendement est satisfait.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement rédactionnel AC463 de M. Bruno Studer.

Elle en vient à lamendement AC284 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Nous en venons à l’indépendance de la holding. Nous proposons de supprimer l’alinéa 94. Dans son étude du 19 août 2015, le Conseil d’État estime que le commissaire du Gouvernement est « une institution ancienne dépourvue de cadre juridique de référence, et dont lutilité et le rôle font aujourdhui débat ». Si la présence de représentants de l’État actionnaire dans les conseils d’administration est parfaitement légitime, la désignation d’un commissaire du Gouvernement auprès des chaînes du service public ne semble pas nécessaire. Nous proposons donc de supprimer la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel.

J’ai compris qu’il y avait une nouvelle religion, celle de la holding. Mais c’est aussi un poison lent qui anesthésie tout le débat démocratique puisque même les députés de la majorité, qui proposent parfois de bons amendements, les retirent sitôt qu’on le leur demande.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Les commissaires du Gouvernement n’ont pas de droit de vote au conseil d’administration. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. J’adore les réponses de la rapporteure qui, la plupart du temps, n’ont aucun rapport avec les amendements ! Je ne vous demande pas si le commissaire du Gouvernement a un droit de vote ou pas : le Conseil d’État a dit que c’était désuet et que cela ne servait à rien. Il s’agit juste de prendre en compte cette remarque !

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC256 de M. Stéphane Claireaux, lequel fait lobjet dun sous-amendement AC1368 de M. Raphaël Gérard.

Mme Maina Sage. Cet amendement a pour but de garantir la présence d’une personnalité d’outre-mer au sein du conseil d’administration de France Médias.

M. Raphaël Gérard. Le sous-amendement propose d’élargir la définition de la personnalité en question en parlant de « personnalité qualifiée dans le domaine de l’outre‑mer ». Cela reprend les recommandations du groupe de travail que j’évoquais tout à l’heure et va dans le sens du réflexe outre-mer prôné par le Gouvernement, auquel notre majorité est très attachée.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Bien que nous soyons très attachés aux outre‑mer, l’avis sera défavorable tant à l’amendement qu’au sous-amendement. Il a été choisi de resserrer le conseil d’administration de France Médias et de le professionnaliser. Les membres seront choisis selon leur compétence et non pour représenter certaines thématiques. Il y a d’autres moyens de s’assurer de la représentation des outre-mer dans l’audiovisuel public, par exemple le pacte de visibilité.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis totalement en phase avec la position de Mme la rapporteure, même si je comprends l’intention des deux députés. L’objectif n’est pas d’assurer au sein du conseil de surveillance une représentation de toutes les diversités – territoriale, régionale, sociologique et autres : je sais que d’autres amendements vont être défendus pour demander la présence de spécialistes de la radio, du cinéma, de la télévision, etc. Le nombre d’administrateur prévu ne le permettra pas. Nous avons fait le choix d’une gouvernance moderne, avec un conseil d’administration resserré, permettant vraiment de piloter les entreprises.

Mme Maina Sage. Monsieur le ministre, je rejoins votre volonté d’une modernisation de la gestion de ce groupe. J’espère que vous entendrez notre appel à tenir compte, dans la composition des conseils d’administration de la holding et de ses filiales, de l’enjeu de la visibilité des territoires d’outre-mer : le déficit est énorme. Nous avons su le faire à l’Office français de la biodiversité : après un long débat en commission et en séance, nous avons fait le choix de marquer cette différence. Si nous n’y parvenons pas officiellement, faites au moins en sorte que ce conseil d’administration assure une écoute favorable à nos territoires : nous sommes vraiment les oubliés de la République – même si cela va mieux avec le pacte de visibilité, je vous l’accorde.

Mme Frédérique Dumas. Il ne faudrait pas, à chaque fois que l’on pointe un problème, que l’on nous explique que la holding va tout résoudre ou que la modernité consiste à recentraliser. Nous sommes favorables au renforcement des compétences du conseil d’administration, mais on ne peut se contenter de l’affirmer : il faut des dispositifs pour assurer que les compétences seront bien renforcées. Quant à ce que vient de dire ma collègue Maina Sage, même si l’idée n’est pas d’additionner les représentativités, on a su le faire pour les femmes ; et force est de reconnaître, à moins de se voiler la face, que le monde ultramarin n’est absolument pas pris en compte. Je m’étonne d’ailleurs qu’il ait fallu des Netflix pour que la diversité de la France entière soit représentée.

La commission rejette le sous-amendement, puis lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1200 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC1252 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Sur la question de la composition du conseil d’administration de France Médias, l’idée est d’assurer une diversité parmi les onze membres de France Médias en prévoyant qu’une des deux personnalités qui seront désignées sur avis conforme de l’ARCOM soit issue de l’industrie audiovisuelle et cinématographique. Il est important de garantir une diversité parmi les membres qui seront choisis de manière à ce que ces métiers soient représentés au sein du conseil d’administration.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Comme pour l’outre-mer, je ne suis pas favorable à ce que l’on spécifie l’appartenance à l’industrie audiovisuelle ou cinématographique. Le Parlement, quand il aura à nommer des personnalités qualifiées, pourra le cas échéant équilibrer, mais il faut garder un peu de souplesse dans la désignation des douze administrateurs : si c’est figé, on risque de perdre cette modernité dans la gouvernance de la holding. Demande de retrait.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous allons en effet retravailler cet amendement afin de compléter l’alinéa 101 sur les personnalités indépendantes qui seront nommées par les commissions parlementaires, puisque cela relèvera du choix souverain des assemblées. Nous le rectifierons en séance car il est important de garantir cette diversité.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ce serait préférable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AC726 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Maina Sage. Défendu.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Il est dommage que Mme la rapporteure générale ait retiré son amendement AC1252 parce que je l’aurais soutenu sur le principe. Il ne suffit pas de dire que les commissions vont s’en charger : encore faut-il travailler à des critères propres à garantir la représentativité de ces personnalités qualifiées.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ainsi que Mme la rapporteure la exprimé tout à lheure, un deuxième dispositif permettra daller dans la direction que vous souhaitez : par le biais de la cooptation, le conseil dadministration devra nommer deux administrateurs en respectant léquilibre au sein du conseil. Cette procédure souple, classiquement utilisée dans les conseils dadministration des entreprises, permet de sadapter facilement. De son côté, le Parlement veillera également à cet équilibre. Nous nous sommes donc dotés de tous les outils pour assurer la meilleure complémentarité possible entre les membres du conseil dadministration.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC464 de M. Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Cet amendement, complété par lamendement AC465 qui suit, vise à préciser les modalités dapplication de la procédure de désignation de deux membres du conseil dadministration de France Médias par les commissions des affaires culturelles des deux assemblées. Il prévoit que les deux personnalités indépendantes désignées respectivement par la commission des affaires culturelles de lAssemblée nationale et la commission de la culture du Sénat le sont sur proposition dun candidat par le président de la commission.

L’amendement AC465 précise que les commissions statueront après audition de la personnalité proposée. La procédure sera ainsi plus claire.

Suivant lavis de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Elle passe à lamendement AC784 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement vise à associer les commissions des affaires étrangères et européennes à la désignation des personnalités indépendantes siégeant au conseil d’administration de France Médias.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La désignation par plusieurs commissions serait très compliquée à mettre en œuvre. En outre, il est normal d’en laisser le soin à la commission permanente compétente au fond.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite successivement lamendement AC465 de M. Bruno Studer, puis lamendement rédactionnel AC1199 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC649 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. La modernité ne doit pas signifier l’ultracentralisation. Cet amendement vise à permettre aux citoyens de prendre part à la construction du service public de l’audiovisuel. Au sein des chaînes de télévision du service public, les usagers sont aujourd’hui uniquement consultés via le conseil consultatif des programmes de France Télévisions : quelques jours par an, des téléspectateurs sont invités à se prononcer sur les programmes des chaînes. C’est insuffisant.

Ne peut-on envisager sérieusement de mettre en œuvre des missions de service public sans laisser aux citoyens une place dans la gouvernance du secteur audiovisuel public, notamment par le biais des associations d’usagers ?

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement ne va pas dans le sens d’un conseil d’administration professionnel. Les usagers sont déjà représentés au comité consultatif des programmes.

M. Alexis Corbière. Ce n’est pas du tout la même chose ! Associer les usagers à la direction d’un tel média de service public serait pertinent et je ne vois pas en quoi le « professionnalisme » est un argument : des associations d’usagers peuvent parfaitement développer un point de vue utile au bon fonctionnement et au développement de France Médias.

Mme Michèle Victory. Cet amendement est intéressant. La modernité, c’est aussi la transparence ; en cette période où nous devons entendre ce qui se passe autour de nous, ce serait une très bonne idée d’impliquer les associations qui portent la voix des usagers.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC650 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Nous souhaitons que chaque société, avec ses spécificités propres, soit représentée au sein de la holding.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Là encore, cela ne va pas dans le sens d’un conseil d’administration resserré. Par ailleurs, cette proposition accréditerait l’idée que France Médias est la juxtaposition des sociétés nationales de programme, alors qu’elle est plus que cela : elle doit impulser une stratégie et des projets communs.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Les directrices ou directeurs généraux des entreprises sont présents au comité de direction du groupe, outil opérationnel de gestion de la holding. Le conseil d’administration est un organe différent, l’équivalent d’un comité exécutif. Cette architecture est celle de beaucoup d’entreprises.

Mme Frédérique Dumas. Je ne suis pas fan des réponses de Mme la rapporteure qui répète que le conseil d’administration doit être resserré. Ce n’est pas le problème : nous souhaitons que sa composition lui permette d’accomplir convenablement sa mission. Certes, M. le ministre nous explique que c’est le rôle du comité de direction. Mais, pas plus que le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), nous ne savons pas à quoi ressemblera cette holding ni comment elle fonctionnera. Comment respecter l’indépendance éditoriale des filiales si elles ne sont pas représentées ? Cela dépendra de la personnalité choisie ; ce n’est donc pas très rassurant.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement AC641 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. France Médias Monde ne devrait pas être intégrée à la holding. Ses missions sont trop différentes : elle a une vocation internationale, alors que les activités de France Télévisions ou Radio France sont orientées vers la France et les Français. France Médias Monde doit conserver son autonomie et sa spécificité.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous avons déjà évoqué les avantages de l’intégration de France Médias Monde au sein de la holding. Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine en discussion commune les amendements AC819 de M. JeanJacques Gaultier, AC916 de Mme Céline Calvez et AC951 de Mme Sylvie Tolmont.

M. Jean-Jacques Gaultier. Les nominations effectuées au titre des personnalités indépendantes doivent respecter un objectif d’équilibre en fonction des spécificités des différents types de médias – image ou son. Radio France compte 4 500 salariés. Il serait mal perçu que les six personnalités soient uniquement issues de la télévision, par exemple.

Mme Céline Calvez. De nombreux amendements visent à trouver les profils idéaux pour composer le conseil d’administration. Il ne faut pas s’acharner à flécher, même s’il faut professionnaliser. Cela étant, il faut porter une attention particulière à l’équilibre entre l’image et le son et surtout nommer des personnes capables d’instaurer un dialogue entre les différents médias, sans en privilégier aucun, mais aussi compétentes pour innover et développer une vision transmédia.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vos amendements visent le même objectif que celui que j’ai retiré. Je vous propose de les retirer afin que nous réfléchissions ensemble à une nouvelle rédaction, commune, encadrant la nomination des six personnalités qualifiées, qui seraient choisies en raison de leurs compétences et de leur expérience professionnelle dans certains domaines – audiovisuel, image, son, cinéma, etc. – afin de garantir la diversité et la représentativité de ce conseil d’administration.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement AC950 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Nous proposons que les directeurs généraux des sociétés filles puissent participer au conseil d’administration de France Médias, avec une voix consultative.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. M. le ministre l’a rappelé, ils assisteront probablement au comité exécutif, mais pas au conseil d’administration. Mon avis est défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement AC257 de M. Stéphane Claireaux, qui fait lobjet du sous-amendement AC1369 de M. Raphaël Gérard.

Mme Maina Sage. Cet amendement vise à intégrer un représentant de loutre-mer dans les conseils dadministration des sociétés composant France Médias.

M. Raphaël Gérard. Ces échanges sont intéressants ; je n’ai pas pu intervenir tout à l’heure, Mme la rapporteure générale ayant retiré son amendement. Pour paraphraser un essai passionnant – « Noir n’est pas mon métier » –, je dirai « ultramarin n’est pas un métier » : je connais beaucoup de producteurs ultramarins qui sont à la fois de très bons professionnels de l’audiovisuel et de très fins connaisseurs des outre-mer. M. le ministre a raison : nous devons nous assurer que les nominations d’administrateurs incluent le réflexe ultramarin.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Même avis que pour les précédents amendements : demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement, puis elle rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1198 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC348 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. La gouvernance des organismes du secteur audiovisuel public ressemble à une tambouille entre amis ! J’avais déjà expliqué ce que je pensais de la nomination du président du conseil d’administration par le Président de la République, mais tout laisse à penser, monsieur le ministre, que vous ne serez pas enquiquiné avec ceux que vous avez nommés au conseil d’administration : quand vous leur demanderez l’heure, ils s’empresseront de regarder votre montre… Sur les douze membres du conseil, six vont en nommer deux – cela s’est rarement vu – et six seront complètement soumis ! Autrement dit, c’est blindé de chez blindé, il n’y aura pas de révolution à craindre dans l’audiovisuel public !

À défaut de grives, on mange des merles : mon amendement, certes un peu provocateur, vise à ce que les collectivités territoriales, l’Assemblée nationale et le Sénat reprennent la main afin que les membres du conseil d’administration soient nommés en fonction des différents courants politiques. Au moins, ce sera transparent et vraiment démocratique. Je comprends que l’État veuille garder la main sur les entreprises publiques, mais on parle là d’audiovisuel !

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je remercie mon collègue d’avoir mis un peu d’ambiance dans cette réunion déprimante depuis quelques minutes… Vous devriez assumer le fait que le Président de la République, et plus largement l’exécutif, décidera de pratiquement tout. Vous estimez que c’est moderne, mais n’oublions pas que ce service public est financé à 100 % par le contribuable. Chez Orange, ou ENGIE, pourtant seulement partiellement détenus par l’État, les Français savent que les présidents sont nommés par le pouvoir exécutif – l’exemple récent d’ENGIE l’a encore rappelé. N’espérez pas les faire changer d’opinion avec votre conseil d’administration, aussi moderne soit-il ! Nous savons tous comment les choses se passent à partir du moment où l’État est au capital d’une entreprise : assumez-le et organisez des garde-fous afin de faire une place à la compétence. Je ne crains pas une volonté politique d’influencer les journalistes, mais plus un problème de compétences.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame Dumas, je ne peux pas vous laisser dire cela : cette nomination sera indépendante puisque l’État n’est pas majoritaire au sein du conseil d’administration – le Conseil d’État l’a d’ailleurs souligné dans son avis. En outre, la comparaison avec ENGIE ou Orange n’a pas de sens car la nomination du président ou de la présidente de France Médias interviendra certes sur proposition du conseil d’administration, mais après avis favorable des commissions des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale – qui ont la possibilité de s’y opposer si l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions – et avis conforme du CSA. Nous reprenons l’architecture de la plupart des entreprises audiovisuelles publiques en Europe !

M. le président Bruno Studer. Je vais vous redonner la parole, madame Dumas, comme je l’ai fait très souvent. Peut-être cela sera-t-il également twitté sur les réseaux sociaux ? Il semblerait que vous y ayez contesté le fait que je vous interrompe au bout d’une minute…

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le président, je ne vous ai pas spécialement remis en cause, mais avouez qu’il est très difficile de débattre : nous sommes peu à opposer une vision différente et la plupart des députés retirent leur amendement avant que l’on puisse en discuter !

Je ne vous ai pas dit que cela me gênait que l’État actionnaire dise ce qu’il a à dire, d’autant que l’indépendance n’est jamais absolue. Mais, comme l’Union européenne de radio‑télévision elle-même l’a très bien résumé, il y a l’indépendance et la perception de l’indépendance. Or ce n’est pas le sentiment que donne le dispositif que vous proposez.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement AC466 de M. Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Mon amendement vise à préciser les modalités d’application de la procédure de désignation.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement AC1015 de la commission des affaires étrangères, qui fait lobjet du sous-amendement AC1367 de la rapporteure.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cet amendement vise à confier aux commissions permanentes des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat la désignation de deux personnalités qualifiées au conseil d’administration de France Médias Monde.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. J’y suis favorable, moyennant un petit sous‑amendement rédactionnel.

La commission adopte le sous-amendement, puis elle adopte lamendement ainsi modifié.

Elle examine lamendement AC467 de M. Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Il s’agit d’une précision concernant la procédure applicable.

Suivant lavis de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1197 de la rapporteure.

Puis elle passe à lamendement AC648 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Nous souhaitons ouvrir le conseil dadministration de la holding et le rendre plus attractif : ainsi, les citoyens pourront prendre part à la construction du service public de laudiovisuel, afin que ces médias soient vraiment en lien avec nos concitoyens. La présence de deux usagers, par le biais dassociations, au sein des conseils dadministration de chaque chaîne leur permettrait de défendre un audiovisuel public plus conforme à ce que lon attend de lui.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC438 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Je n’ai jamais prétendu qu’il puisse exister une indépendance absolue : il y a toujours quelqu’un qui nomme celui qui nomme… Ce que je vous reproche, c’est de vous cacher derrière des artifices. Certes, le Conseil d’État et même le Conseil constitutionnel se sont prononcés sur le sujet. Mais que s’est-il passé lors de la nomination de l’actuelle présidente de France Télévisions ? La loi exigeait une expérience professionnelle dans le domaine. Or celle qui a été nommée n’en avait aucune ! Si je me bats, ce n’est pas par crainte de voir un Président de la République ou un Premier ministre appeler pas France Télévisions pour influer sur les programmes, mais pour que des gens compétents soient désignés !

Mon amendement reprend donc une proposition du rapport que j’ai rendu en mai 2018 et vise à rassurer les citoyens sur l’indépendance de l’audiovisuel public en la renforçant et en faisant en sorte qu’ils la perçoivent mieux : un jury ad hoc, nommé comme vont l’être les membres de l’ARCOM, se réunirait durant quinze jours pour analyser les propositions de nomination. Ce qui permettrait à des personnalités reconnues d’y prendre part.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Bien entendu, il conviendrait de déterminer les critères des profils qui pourraient être choisis pour faire partie de ce jury, notamment en termes de compétences et d’indépendance. Comme pour un festival, les débats du jury seraient transparents. Sans aller jusqu’à faire participer les citoyens au conseil d’administration de France Télévisions, accepter plus de transparence et de débats dans les nominations serait un premier pas pour recréer la confiance avec les citoyens,

M. Bruno Fuchs. L’idée est originale et mérite d’être creusée. Même si la rédaction de l’amendement peut sans doute être précisée, l’intention est intéressante.

Mme Michèle Victory. L’idée du jury me paraît effectivement beaucoup plus moderne qu’une nomination venant, quoi qu’on en dise, du pouvoir politique.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC652 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. La présidence de la future holding ne peut être nommée par le pouvoir exécutif. Jusqu’à la loi du 5 mars 2009, le Conseil supérieur de l’audiovisuel était chargé de cette mission. Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la décision avait été transférée au Président de la République et cette démarche avait été extrêmement critiquée : on y voyait une tentative de soumettre l’audiovisuel public au pouvoir politique. Nous proposons que les candidats à cette présidence se présentent devant le Parlement et que ce dernier vote pour désigner le ou la présidente.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1196 et AC1195 de la rapporteure.

Elle en vient à lamendement AC1287 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Il n’apparaît pas justifié de faire échapper la nomination du directeur général de l’INA à l’avis conforme de l’ARCOM et d’en faire un cas particulier parmi les sociétés du groupe France Médias, alors que ce dirigeant est par ailleurs qualifié de directeur de la publication et que l’INA est désormais soumis au pouvoir de sanction administrative de l’ARCOM et à son régime de règlement des différends en matière de pluralisme.

Cet amendement propose de supprimer cette exception : la nomination du directeur général de l’INA interviendra ainsi après avis conforme de l’ARCOM.

La commission adopte lamendement.

Elle passe à lamendement AC952 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement vise à garantir un minimum de ressources pour les sociétés filles de France Médias. La holding doit porter une ambition forte pour chaque pôle de l’audiovisuel public. Pour ce faire, il est essentiel qu’une part minimale de budget leur soit réservée, avant répartition, afin qu’ils disposent des moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions de service public et à leur développement. Le budget, c’est aussi l’indépendance…

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La fixation de budgets planchers n’est pas cohérente avec l’objectif de développement de projets communs et de synergies dans certains domaines. Il n’en demeure pas moins que chaque société devra être suffisamment dotée pour remplir les missions qui lui sont assignées par la loi.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AC1016 de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser les informations fournies au Parlement dans les conventions stratégiques pluriannuelles de France Médias et dans les projets de loi de finances concernant la répartition des ressources publiques dont la holding sera affectataire à chacune de ses quatre filiales. Il s’agit de garantir une information budgétaire précise et détaillée et d’installer l’idée d’une clef de répartition dans l’enveloppe financière globale.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis, suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette lamendement AC953 de Mme Sylvie Tolmont.

La commission adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1194 de la rapporteure.

Elle en vient à lamendement AC1017 de la commission des affaires étrangères, qui fait lobjet du sous-amendement AC1374 de la rapporteure.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cet amendement vise à valoriser le rôle spécifique de France Médias Monde dans l’aide publique au développement de la France. La société reçoit déjà des financements sur projets de l’Agence française de développement (AFD). L’amendement prévoit un fléchage des ressources que l’AFD pourrait apporter à France Médias vers France Médias Monde, société qui reste en charge de l’audiovisuel extérieur. Précisons qu’il ne s’agit pas de créer un canal de financement direct entre le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et France Médias Monde.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Mon avis est favorable, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement visant à élargir le dispositif aux autres établissements publics concourant à l’aide au développement.

Mme Frédérique Dumas. Je voulais revenir sur le précédent amendement de M. Portarrieu, qui avait reçu un avis défavorable de la rapporteure. C’est déjà possible au niveau des critères OCDE, alors que Mme la rapporteure a répondu l’inverse. Madame la rapporteure, vous ne m’écoutez absolument pas ! Si vous souhaitez rester entre vous, dites-le nous…

M. le président Bruno Studer. Nous tentons de résoudre une difficulté technique !

Mme Frédérique Dumas. Dans ce cas, il ne fallait pas me donner la parole !

M. le président Bruno Studer. Madame Dumas, je ne vous autorise pas à remettre en cause ma présidence. Les débats se sont bien déroulés jusqu’à présent ; j’ai été attentif à vous donner la parole sur de nombreux amendements, et à de multiples reprises, bien loin du strict cadre du Règlement…

Mme Frédérique Dumas. Je n’ai pas mis en cause votre présidence. Je parlais à Mme la rapporteure, qui continue à ne pas m’écouter !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis défavorable au sous‑amendement. Il est préférable de limiter le périmètre de l’amendement à l’AFD.

La commission adopte le sous-amendement, puis elle adopte lamendement ainsi sous-amendé.

Elle examine ensuite lamendement AC978 de Mme Caroline Janvier.

M. Bertrand Bouyx. Cet amendement vise à inclure la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale et celle du Sénat dans la procédure de dialogue entre le Parlement, France Médias et ARTE France. En effet, les enjeux européens font partie des missions du service public audiovisuel et la commission des affaires européennes est compétente pour formuler des observations en amont des avis des autres commissions parlementaires sur les thématiques qui la concernent. Comme les autres commissions, elle peut demander qu’on lui présente des rapports sur les sujets qui sont de son ressort.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La commission des affaires européennes n’est pas une commission permanente : si elle a compétence pour donner son avis sur des projets de textes européens et sur l’application du droit européen dans les projets et propositions de lois examinés par les commissions permanentes, elle n’a pas à intervenir dans les relations entre l’État actionnaire et ses filiales, ni dans la procédure budgétaire.

La commission des affaires culturelles, compétente au fond, doit de ce fait être informée du contenu des conventions stratégiques pluriannuelles et disposer des rapports d’exécution. La commission des finances, compétente concernant le budget de l’audiovisuel public, doit également bénéficier des mêmes informations pour exercer sa mission.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1193 de la rapporteure.

La commission est saisie de lamendement AC286 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement prévoit un débat au Parlement – ce sera une obligation et non une simple possibilité – et un avis des commissions parlementaires concernées sur les conventions stratégiques pluriannuelles conclues entre l’État et les sociétés France Médias et ARTE-France. Le Parlement doit se saisir pleinement de ces questions. Cela fait partie des garde-fous, en matière d’indépendance, que vous supprimez les uns après les autres.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Le Parlement pourra toujours se saisir de ces questions : il n’a pas besoin que cela figure dans la loi pour avoir le droit d’organiser un débat ou de donner un avis. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme Maina Sage. Il faudrait au moins que les conventions stratégiques, à défaut des avenants, fassent obligatoirement l’objet d’un débat au Parlement. On est bien dans le cadre de la loi : elle le prévoit déjà. L’amendement vise simplement à renforcer le rôle du Parlement en rendant obligatoire sa consultation.

Mme Frédérique Dumas. Vous dites, madame la rapporteure, que nous n’avons pas besoin d’inscrire cela dans la loi ; or vous-même l’avez fait, mais sous la forme d’une possibilité. Nous demandons seulement d’en faire une obligation.

M. Bruno Fuchs. Nous sommes en train de poser les bases d’un nouveau service public, puissant, fier et souverain. Il faut des symboles. Il existe une suspicion ou, en tout cas, une équivoque sur le lien – historique, puisqu’il date de l’ORTF – qui pourrait exister entre l’exécutif et le service public. Il faut lever toutes les ambiguïtés. La télévision des Français doit faire l’objet de débats au Parlement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC285 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Nous sommes très raisonnables : il s’agit seulement de débats – nous ne demandons pas que le Parlement prenne les décisions. Votre refus est un peu inquiétant.

L’amendement AC285 est très important. De même que vous voulez qu’il y ait deux membres nommés par le Président de la République dans la nouvelle instance – soit un de plus qu’aujourd’hui –, vous organisez un recul en ce qui concerne les contrats d’objectifs et de moyens et leur exécution. Le CSA donne son avis dans ce domaine, mais ce ne sera pas le cas de l’ARCOM : elle ne procédera plus à des nominations et c’est très bien – le CSA étant juge et partie, cela donnait à cette procédure un caractère très politique, souvent dénoncé. En revanche, alors que l’ARCOM sera un outil de régulation et de supervision de l’audiovisuel, public ou privé, elle n’aura même pas à donner son avis sur les conventions pluriannuelles et leur exécution ! Refuser notre proposition reviendrait à empêcher l’ARCOM d’exercer correctement les missions que vous lui confiez.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’ARCOM aura compétence pour donner un avis sur les désignations et sur l’exécution du cahier des charges, mais elle n’a pas vraiment sa place dans les relations entre l’État actionnaire et les sociétés filles. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Le CSA était compétent pour ce faire, mais l’ARCOM ne l’est plus alors que le sujet en question fait partie de ses missions. Votre position n’est certes pas très étonnante, mais elle n’a pas de quoi rassurer. Tout le monde a probablement vu la saison 3 de « Baron noir ». Il n’y a pas que la question de la sécurité qui va se poser en 2022 : il y aura aussi celle de l’équilibre entre les institutions et des garde-fous. Vous prenez une responsabilité très grave. Vous n’êtes pas capables d’accepter qu’une autorité de régulation donne son avis sur le secteur qu’elle est censée superviser. Sincèrement, comment voulez‑vous qu’il n’y ait pas de suspicion sur le reste ?

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC290 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. La rédaction de l’alinéa 136 donne trop peu de pouvoir aux sociétés filles au sein de la holding : elles seront seulement consultées, chacune en ce qui la concerne, sur le projet de convention stratégique pluriannuelle et sur son exécution. Chaque filiale doit pouvoir définir ses propres axes. Ne prévoir qu’une simple consultation enlève de l’importance au travail des filiales, alors qu’elles seront les principales actrices de la qualité et de l’attractivité de l’audiovisuel public.

Je reconnais que mon amendement va trop loin – les filiales pourraient être seulement consultées – mais vous êtes incapables de prévoir le moindre garde-fou. Le président du CSA a dit, je le répète, qu’on ne savait pas, en l’état, ce que serait la holding. Dans ces conditions, nous sommes obligés de déposer des amendements absurdes.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1192 et AC1191 de la rapporteure.

La commission est saisie de lamendement AC515 du président Bruno Studer.

M. le président Bruno Studer. Mon amendement prévoit que ARTE-France présente aussi un rapport d’exécution de sa convention stratégique pluriannuelle devant les commissions parlementaires chargées des affaires étrangères, par parallélisme avec la présentation de la convention avant sa signature, qui devra avoir lieu, aux termes de l’alinéa 134, devant les trois commissions concernées – celles des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères. C’est une sorte de coordination.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AC287 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Il sagit toujours du même sujet : nous demandons que lARCOM émette un avis sur les rapports dexécution des conventions stratégiques pluriannuelles de France Médias et dARTE-France. Je rappelle que le CSA a considéré dans son avis sur le projet de loi, à juste titre, quil est « dautant plus difficile de retirer à linstance de régulation le suivi de la stratégie du secteur public de laudiovisuel quelle ne sera plus dotée de la compétence exclusive de nomination de ses dirigeants ».

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement AC506 du président Bruno Studer.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement, que j’ai cosigné, vise à préciser la temporalité de l’information du Parlement en ce qui concerne la répartition des ressources publiques au sein de France Médias. Il serait cohérent que cette information ait lieu chaque année au moment du dépôt du projet de loi de finances.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1190 de la rapporteure.

La commission examine lamendement AC288 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Vous refusez tous les garde-fous que nous proposons. Vous allez nous dire que la raison d’être de la holding est que le Parlement n’ait plus rien à dire à propos de quoi que ce soit, notamment la répartition des enveloppes entre les sociétés. L’amendement que nous vous proposons n’empêchera pas la holding de travailler – j’ai dirigé des filiales et je sais ce que c’est. Nous sommes parfaitement raisonnables. Vous prévoyez que la répartition des enveloppes sera présentée, pour avis, aux commissions, mais on ne demandera pas au Parlement de se prononcer si des écarts sont constatés en cours d’année : nous serons seulement informés… Autant dire que notre avis préalable n’aura pas servi à grand-chose ! Le minimum serait que nous émettions un avis sur les justifications présentées. Si nous ne pouvons plus légiférer, qu’on nous permette au moins de mener notre mission de contrôle et d’évaluation.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Défavorable. Les commissions parlementaires n’ont pas besoin que la loi précise qu’elles peuvent organiser un débat et émettre un avis.

Mme Michèle Victory. Cette réponse ne nous suffit pas. Il est vraiment important que les parlementaires puissent débattre. Je ne vois pas en quoi il serait ennuyeux de l’écrire dans le projet de loi. Je soutiens donc Mme Dumas. Le CSA a émis des doutes sur ce que vous proposez. Il faut entendre la voix des députés et respecter leurs demandes.

Mme Frédérique Dumas. Vous savez que le parallélisme des formes existe en droit. Comme les commissions compétentes émettront un avis sur la répartition, il serait relativement normal qu’elles le fassent aussi en ce qui concerne les écarts avec cette répartition. Je ne vois pas pourquoi la première partie de la phrase serait possible et non la seconde. Il n’est pas question de s’ingérer dans le management de la holding, c’est comme lorsqu’on fait un audit dans une société : on peut le prendre comme une épreuve horrible, mais cela permet en réalité de montrer qu’on a bien fait son travail. Si les justifications présentées sont bonnes, l’avis des commissions renforcera la confiance des citoyens dans l’audiovisuel public.

M. Bruno Fuchs. Cela fait plusieurs amendements que nous parlons des mêmes thématiques. La question qui se pose est de savoir comment les Français peuvent s’approprier ce service public. Il faut qu’il y ait une réflexion, d’ici à la séance, sur la relation entre les Français, leurs représentants au Parlement, les instances de régulation, comme l’ARCOM, et l’exécutif, à chaque niveau de la gouvernance. Il faut faire attention, ne serait-ce que sur le plan du symbole, aux liens entre l’exécutif et ce service public – chacun se souvient de l’ORTF.

Mme Céline Calvez. Trop de Français ignorent ce qu’est ce service public : on n’a pas encore trouvé la meilleure manière de les associer. Les solutions qui nous sont proposées ne me paraissent pas convenir, mais j’appelle tous mes collègues à réfléchir à la manière dont on pourrait développer les liens entre France Médias et son public.

M. le président Bruno Studer. Nos débats budgétaires, dans le cadre du projet de loi de finances, seront le bon moment pour avoir cette discussion. Elle sera naturellement organisée, et la disposition que nous venons d’adopter au sujet de la communication des données relatives à la répartition des ressources la renforcera.

Mme Frédérique Dumas. À quoi servira-t-il de donner notre avis si la répartition peut ensuite changer sans que nous soyons consultés ? Ce que nous proposons est d’organiser des débats. Il ne s’agit pas d’empêcher quoi que ce soit. Il faut davantage de transparence et de parallélisme des formes. Cela n’enlève rien à la valeur de vos propres amendements, monsieur le président. C’est un sujet différent – et très important.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ce dont il est question est la différence entre ce qui sera prévu dans le cadre de la convention stratégique, d’une façon pluriannuelle, et ce qui figurera dans une annexe au projet de loi de finances chaque année. Vous aurez tous les éléments nécessaires pour vous prononcer, compte tenu des justifications qui seront apportées.

Mme Frédérique Dumas. Non, ce n’est pas la question.

M. le président Bruno Studer. Nous aurons suffisamment de temps avant la séance publique pour que vous puissiez creuser davantage ce sujet si vous le souhaitez.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC1018 de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Notre amendement vise à garantir la bonne exécution des missions propres à l’audiovisuel extérieur, dont la société France Médias Monde sera en charge au sein de France Médias, en instaurant un mécanisme d’alerte qui permettra d’informer le Parlement des choix de répartition, par la société France Médias, des ressources publiques dont elle sera affectataire, avant leur inscription indicative dans le projet de loi de finances.

Cette information reposera sur la convocation d’un comité d’alerte ad hoc en cas d’écart d’au moins 5 %, soit environ 15 millions d’euros, par rapport au montant initialement prévu pour France Médias Monde. Le comité d’alerte ne se réunira que dans des situations que l’on peut qualifier d’exceptionnelles. Il comportera notamment, dans un souci d’équilibre, le président-directeur général de France Médias.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La création de cette procédure spéciale au sein de France Médias ne me paraît pas justifiée. Le projet de loi prévoit déjà une information du Parlement sur la répartition entre les filiales à trois stades : l’élaboration de la convention stratégique, la répartition annuelle des ressources et l’exécution du budget. L’alinéa 142 de l’article que nous examinons précise clairement que le Parlement est informé de la justification des écarts constatés.

Mme Frédérique Dumas. Je soutiens l’amendement de la commission des affaires étrangères, dont j’ai été membre. La seule chose qui sera décidée dans le cadre du projet de loi de finances, c’est l’enveloppe globale allouée à France Médias : le Parlement n’aura pas à discuter de sa répartition puisqu’elle sera décidée au sein de la holding.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC642 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Vous rejetez tous les amendements, notamment ceux que j’ai présentés et ceux de Mme Dumas. Certains collègues disent qu’il faudrait réfléchir à la présence des usagers, mais nous avons fait des propositions en ce sens, et vous n’en voulez pas…

Quelle que soit la structure retenue, le problème est le recul des moyens. Nous souhaitons vous alerter sur la sous-dotation qui pèse sur l’avenir de l’audiovisuel public. La création de France Médias intervient dans un contexte marqué par des coupes budgétaires depuis plusieurs années : 2 000 postes ont été supprimés depuis 2012 à France Télévisions, et le projet de loi de finances pour 2020 a entériné une baisse de 70 millions d’euros de ressources publiques, dont 62 millions concernant France Télévisions. Le conseil économique et social central de cette société a annoncé une nouvelle suppression de 250 postes en 2020.

Comment peut-on mener une réforme qui « donne les moyens à l’audiovisuel public de s’adapter à la révolution des usages », comme vous l’avez déclaré, monsieur le ministre, le 8 novembre dernier, alors que le budget ne cesse de se réduire ? Les craintes portent notamment sur la manière dont la redevance sera versée après la suppression de la taxe d’habitation, en 2022. Que prévoit exactement le Gouvernement en la matière ?

Il est nécessaire que l’audiovisuel public ait la garantie de disposer de moyens à la hauteur de ses missions, que ce soit par l’intermédiaire de la redevance, du budget de l’État ou d’un autre mode de financement. L’amendement AC642 prévoit que l’audiovisuel public bénéficie réellement de moyens lui permettant d’exécuter ses missions.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous sommes très attachés aux moyens dévolus à l’audiovisuel public, qui représentent près de la moitié du budget du ministère de la culture – ce sont des montants extrêmement importants. Nous sommes plusieurs à avoir rappelé notre attachement à l’existence d’une ressource affectée à l’audiovisuel public, d’une manière indépendante. Je crois que nous aurons l’occasion de débattre dans quelques semaines ou dans quelques mois des modalités de remplacement de la contribution à l’audiovisuel public. Il faudra bien trouver un levier pour assurer son recouvrement compte tenu de la suppression de la taxe d’habitation. Je suis favorable à l’idée qu’il faut faire en sorte que l’audiovisuel public ait tous les moyens d’exercer ses missions, mais l’amendement AC1019, adopté par la commission des affaires étrangères, me paraît un peu plus précis. Je vous propose de retirer votre amendement à son profit.

M. Alexis Corbière. J’ai évoqué des questions concrètes, des baisses budgétaires. Vous dites qu’il n’y a pas de problème et qu’on verra.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Non, je n’ai pas dit cela.

M. Alexis Corbière. Vous répondez qu’il ne faut pas s’inquiéter, mais je ne m’inquiète pas : je dénonce la situation concrète que vous avez mise en place. Je n’accepte pas cette baisse des moyens. Ne me demandez donc pas de retirer mon amendement. Il y a une forte indignation, et même une mobilisation au sein de la grande maison qu’est l’audiovisuel public. Il faut en tenir compte. Vous pensez – assumez-le – que l’on fera aussi bien, voire mieux, avec moins de moyens, mais personne n’y croit. Je sais que nous sommes tous dans des jeux sémantiques, mais le fait est que lorsqu’on donne moins de moyens au service public, il fait moins ; il ne peut pas en être autrement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous auriez pu assister utilement aux très nombreuses auditions que nous avons menées dans le cadre de nos travaux sur ce projet de loi – nous avons notamment reçu les présidents des différentes sociétés de l’audiovisuel public et des représentants des syndicats.

Que dit l’amendement que vous avez défendu ? « Les moyens qui lui sont affectés lui permettent de remplir l’ensemble des missions qui lui sont assignées ». Au profit de quoi vous ai-je proposé de retirer votre amendement ? L’amendement AC1019 – vous ne l’avez peut‑être pas lu – dit ceci : « en veillant à ce que les montants ainsi reversés permettent de garantir l’exercice par chacune de ces sociétés de ses missions de service public ». Votre demande sera satisfaite.

Mme Frédérique Dumas. La rapporteure générale a conduit beaucoup d’auditions, mais nous aussi. Nous ne le faisons pas obligatoirement avec vous : nous sommes un groupe indépendant. Vous avez peut-être organisé vos auditions de manière à entendre ce que vous souhaitiez…

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il ne faut pas remettre en cause l’indépendance de la commission.

Mme Frédérique Dumas. Je dis juste que n’avez sûrement pas entendu tout le monde, en particulier pas tous les syndicats.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Mais si !

Mme Frédérique Dumas. Ou alors vous n’avez pas voulu entendre – on a bien compris que c’est votre attitude. Nous avons dû faire des auditions assez différentes… Vous nous dites que vous êtes attachés à une taxe affectée. Elle existe depuis des années, et ce n’est pas grâce à vous.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je n’étais pas née quand elle a été créée !

Mme Frédérique Dumas. Cette taxe est aujourd’hui liée à la détention d’un poste de télévision. Vous avez dit le contraire du ministre, à savoir que l’on discutera dans quelques mois de la modernisation de la contribution à l’audiovisuel public. Le fera-t-on dans quelques mois ou, comme le ministre l’a indiqué, en 2023 ? Il est vrai qu’on peut commencer le débat maintenant…

Mme Florence Provendier. Je veux témoigner de l’intégrité des auditions menées par notre commission. Toutes celles et tous ceux, de tous les groupes, qui l’ont souhaité y ont participé. Je suis surprise par la tonalité des propos que j’ai entendus. Nous avons tous l’indépendance nécessaire pour mener toutes les auditions que nous souhaitons, mais toutes les paires d’oreilles ne sont pas nécessairement connectées de la même façon…

Mme Michèle Victory. Nous avons fait des auditions séparées et certains d’entre nous sont allés, notamment, à Radio France. On ne peut pas nier que la situation y est très conflictuelle, dans un contexte de restrictions budgétaires très sévères, dénoncées à juste titre par M. Corbière. Nous sommes plusieurs à nous en inquiéter. Vous pouvez nous dire que tout va bien dans le meilleur des mondes, mais nous ne sommes pas tout à fait persuadés que ce soit le cas.

M. le président Bruno Studer. Essayons de nous concentrer sur le fond, même s’il y a des désaccords. Nous sommes en train de débattre du financement de l’audiovisuel public, ce qui est un vrai sujet.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie des amendements identiques AC1253 de la rapporteure générale et AC908 de Mme Céline Calvez.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous proposons de reporter à 2023 l’entrée en vigueur de la répartition des ressources publiques au sein du groupe France Médias, afin que les décisions budgétaires qui seront prises ne contrarient pas les trajectoires financières sur lesquelles l’État s’est engagé vis-à-vis des sociétés nationales de programme pour la période 2019-2022 et sur lesquelles France Télévisions et Radio France ont construit leurs projets stratégiques. M. le ministre a indiqué son accord sur ce point lorsque nous l’avons auditionné la semaine dernière, ‑ je le cite ‑ « en vue dharmoniser durée des mandats des patronnes et patrons de laudiovisuel public, plan de financement pluriannuel 2019-2022 et création, à partir de 2021, de la holding, avec une accélération à partir du 1er janvier 2023 ». Il est important de démontrer que l’État veut tenir exactement les engagements qu’il a pris.

Mme Céline Calvez. Merci à la rapporteure générale d’avoir repris à son compte l’amendement déposé par les membres du groupe La République en Marche. La visibilité et de la pérennité sont des éléments précieux, les représentants des sociétés de l’audiovisuel public en ont témoigné. Nous leur avons donné, en 2018, de la visibilité jusqu’à la fin de l’année 2022. Un report jusqu’à 2023 est nécessaire afin de respecter notre engagement en matière de financement et d’accompagner tous les projets qui sont conduits.

Mme Frédérique Dumas. Pourquoi ces amendements ont-ils été déposés ? Parce qu’une trajectoire d’économies a été arrêtée jusqu’à la fin de l’année 2022. Si on n’adopte pas votre proposition, les trois dirigeantes ou dirigeants – nous verrons bien – des entreprises concernées se retrouveront face à d’énormes difficultés. C’est toujours la question des ressources du service public qui se pose.

Je répète que nous avons procédé à nos propres auditions et que nous n’avons pas nécessairement entendu la même chose. Et c’est vous qui avez répondu à M. Corbière qu’il lui aurait été utile d’assister à vos auditions… Il peut nous arriver de recevoir des gens qui nous disent des choses différentes des vôtres.

La commission adopte les amendements identiques.

Elle examine lamendement AC1019 de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cet amendement, qui porte sur le même sujet que celui qui a été évoqué par M. Corbière tout à l’heure, a été rédigé d’une façon minutieuse. Il s’agit de s’assurer que la répartition, par la société France Médias, des ressources publiques dont elle sera affectataire se fera en permettant à chacune des filiales de mener à bien ses propres missions de service public, en tenant compte aussi bien de leur portée commune que de leurs spécificités. Cela concernera notamment la société en charge de l’audiovisuel extérieur, France Médias Monde.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. J’émets un avis favorable à cet amendement qui tend à garantir l’exercice des missions de service public de chacune des sociétés concernées.

Mme Frédérique Dumas. Je suis favorable à cet amendement, même si tout sera évidemment fonction des moyens budgétaires affectés aux missions prévues…

La commission adopte lamendement.

Elle adopte lamendement de précision AC1288 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC1289 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement tend à préciser notre volonté de préserver, dans le cadre de la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, qui devra intervenir en tout état de cause en 2023, le principe d’un financement affecté au secteur de l’audiovisuel public.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC289 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Notre amendement, même s’il n’est pas nécessairement rédigé de la meilleure façon possible, vise à redire à quel point nous sommes attachés à ce qu’une partie de l’aide publique au développement soit fléchée vers l’audiovisuel extérieur, en plus de la répartition de la contribution à l’audiovisuel public.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement est satisfait. Je vous demande de le retirer, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Bertrand Pancher. Je copréside le groupe d’études sur la coopération au développement, et je suis très frappé par l’insuffisance du financement de notre aide directe par rapport à ce que font d’autres pays – c’est de la folie ! Je ne voudrais pas créer une mauvaise ambiance dans nos débats mais j’appelle votre attention sur le danger de passer son temps à flécher le budget de l’AFD vers d’autres missions que l’aide directe au développement : aujourd’hui l’audiovisuel, mais aussi les politiques de protection des frontières de l’Europe, ou encore les bourses d’étudiants… Ce n’est pas nécessairement une bonne idée de solliciter en permanence l’AFD alors qu’elle n’a pas suffisamment de moyens.

Mme Frédérique Dumas. Lorsque vous avez repoussé un autre amendement de la commission des affaires étrangères relatif à l’APD – il s’agissait d’inclure les aides de l’audiovisuel extérieur dans le calcul –, vous avez évoqué l’ONU, et je n’ai pas compris pourquoi : les critères sont fixés au niveau de l’OCDE. Les actions menées par les audiovisuels publics d’autres pays, notamment la BBC et la Deutsche Welle, sont prises en compte.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1188 de la rapporteure.

La commission examine lamendement AC643 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Nous ne sommes pas favorables à l’institution d’un service minimum dans l’audiovisuel. Cela ne permettrait pas vraiment de garantir le service public, mais cela aurait pour effet de nuire gravement au droit fondamental de faire grève, tel qu’il est reconnu par notre Constitution. Votre majorité a déjà limité le droit de manifester – je n’y reviens pas. Le service minimum qui existe aujourd’hui, notamment dans les transports, est critiqué par l’ensemble des organisations syndicales. Et pourtant, le raisonnement peut s’entendre : aux heures de pointe, on doit transporter les gens afin de ne pas les laisser bloqués quelque part. Mais dans le domaine de l’audiovisuel public, il n’y a aucune raison de remettre en cause le droit de grève. S’il y a une grève à la télévision, on arrête de la regarder et c’est tout.

Les dispositions prévues par ce texte remettent insidieusement en cause un droit fondamental. Par ailleurs, qui s’occupera de délivrer l’information en cas de grève ? Ceux qui ne sont pas en grève et qui sont contre le mouvement social ? On pourrait dès lors s’interroger sur la qualité de l’information diffusée. Rien ne justifie ce type de dispositions. J’espère être entendu : le droit de grève est constitutionnel, ne le remettons pas en cause. Toute autre manière d’aborder la question, y compris par la création d’un service minimum, reviendrait à donner un coup de canif à un droit fondamental.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le projet de loi ne fait que reprendre, très exactement, ce qui figure dans la loi de 1986. Par ailleurs, il me semble que votre amendement ne fait pas référence aux bons alinéas du texte : les alinéas 161 à 163 ne concernent absolument pas ce sujet. Il s’agirait plutôt des alinéas 159 et 160, relatifs au préavis de grève. Il y a donc aussi un problème de rédaction. Avis défavorable.

M. Alexis Corbière. Je vérifierai avec mon groupe si l’amendement est mal rédigé. Il n’empêche qu’une question fondamentale se pose : sommes-nous favorables à la mise en place d’un service minimum dans l’audiovisuel public ?

M. le président Bruno Studer. Il est déjà en place.

M. Alexis Corbière. Nous en débattrons dans l’hémicycle. C’est une affaire importante.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Mme la rapporteure générale a été très claire. On peut ne pas être d’accord, mais il faut essayer de parler du même sujet. Le projet de loi reprend tout simplement ce qui figure dans la loi de 1986 en ce qui concerne France Télévisions et Radio France pour l’appliquer à France Médias sans changer une seule virgule. Ne dites pas qu’il existe une menace sur le droit de grève : on a pu voir comment il a été exercé à Radio France ces dernières semaines. Il a été très largement possible, c’est le moins qu’on puisse dire !

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel AC1186 de la rapporteure.

La commission est saisie des amendements identiques AC1290 de la rapporteure, AC86 de M. Stéphane Testé et AC251 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer une disposition obsolète, en maintenant la possibilité pour les sociétés de l’audiovisuel public de participer à des accords de coproduction, comme c’est le cas entre France Télévisions et Radio France pour la chaîne de télévision Franceinfo.

M. Stéphane Testé. Cette disposition qui visait historiquement les moyens techniques de fabrication de France 3 en régions, outre qu’elle est ambiguë, elle est effectivement devenue obsolète.

Mme Virginie Duby-Muller. De la même manière que mon collègue, je demande la suppression de cette disposition qui n’est plus adaptée.

Mme Frédérique Dumas. Nous devrions en profiter pour clarifier – je le dis d’autant plus que je ne l’ai pas fait moi-même, mais c’est une proposition – la distinction entre « produire » et « fabriquer » en interne. Produire en interne donne accès à un certain nombre de droits sur le produit concerné ; fabriquer est quelque chose d’un peu différent. Or il y a une confusion totale entre les deux notions.

M. le président Bruno Studer. Nous pourrons le faire à l’occasion de la séance.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement AC1308 de la rapporteure, les amendements identiques AC253 de Mme Virginie Duby-Muller, AC299 de Mme Frédérique Dumas, AC749 de M. Pierre-Yves Bournazel et AC954 de Mme Sylvie Tolmont, ainsi que lamendement AC555 de M. Bruno Fuchs.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’amendement AC1308 permet la promotion croisée entre les chaînes, uniquement à des fins d’information, en conformité avec la directive SMA.

Mme Virginie Duby-Muller. Mon amendement AC253 vise à rétablir, en l’étendant, la possibilité de recourir à la promotion croisée pour l’ensemble des sociétés éditrices appartenant à France Médias. Alors que l’ambition qui préside à la création de cette holding est précisément l’accélération des coopérations entre les sociétés, afin de donner lieu à un média global de service public, il semble paradoxal que le projet de loi propose la suppression de cette disposition importante.

Mme Frédérique Dumas. Mon amendement AC299 va dans le même sens : les différentes chaînes doivent pouvoir faire la promotion les unes et des autres. C’était un acquis important introduit lors de la création de l’entreprise commune France Télévisions en 2009, à l’initiative d’un grand président du groupe, Marc Tessier.

Mme Maina Sage. L’amendement AC749 est identique.

Mme Michèle Victory. L’amendement AC954 également : nous avons tous eu accès aux mêmes sources, et nous avons tous entendu ce que France Télévisions demandait. Il s’agit d’encourager les réflexes de promotion mutuelle entre chaînes de l’audiovisuel public, ce qui nous semble très important dans la perspective d’une mutualisation et d’un travail en commun sur les programmes.

M. Bruno Fuchs. Mon amendement AC555 va dans le même sens. Si nous souhaitons que France Télévisions soit un grand groupe public, il nous faut raisonner en ces termes, en évitant que les différentes chaînes évoluent séparément, chacune dans sa ligne d’eau. Il faut créer des synergies.

La commission adopte lamendement AC1308.

En conséquence, les amendements AC253, AC299, AC749, AC954 et AC555 tombent.

Elle en vient à lamendement AC338 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. J’ai beaucoup réfléchi à ce qui pourrait garantir le pluralisme dans les programmes de l’audiovisuel public. Les journalistes sont certes complètement indépendants, c’est une chance dans notre pays, comme dans d’autres ; mais qu’en est-il de l’ensemble des programmes ? Sommes-nous absolument certains qu’ils reflètent les grands courants de pensée d’une nation comme la nôtre, qui se caractérise par sa langue, son histoire et sa culture ?

Il m’a semblé que le modèle néerlandais garantissait ce pluralisme dans la mesure où les programmes diffusés par son système audiovisuel public doivent être conçus en relation avec les grandes associations nationales reconnues, celles qui structurent les courants de pensée du pays. Nous pourrions faire de même avec les représentants des grands courants intellectuels, sociaux et religieux qui ont marqué la société française depuis le début du XXe siècle ; il faudrait bien entendu que les associations concernées soient saines et sans dettes, et qu’elles réunissent un nombre important d’adhérents de façon à être réellement représentatives.

C’est le sens de l’amendement que je propose ; je suis prêt à le retravailler pour la séance, mais je tenais à ouvrir ce débat afin d’ouvrir plus directement notre audiovisuel public sur la société civile.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis défavorable. Nous ne sommes pas aux Pays-Bas, et nous n’appliquons pas ce modèle.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il est possible d’associer la société civile d’une façon ou d’une autre : nous pouvons réfléchir, d’ici à la séance, au moyen de rendre cette association plus explicite. Des dispositifs existent d’ores et déjà, notamment chez France Télévisions et chez Radio France. Je suis prêt à approfondir la réflexion sur ce sujet, si tant est qu’il soit nécessaire de le prendre davantage en compte ; en tout état de cause, gardons-nous de figer par trop les choses.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette réponse qui laisse la possibilité d’avancer sur ce sujet essentiel. Je retire mon amendement et j’espère que nous aurons l’occasion de nous rapprocher de vos services pour y travailler. Cela intéresserait certainement les représentants du monde associatif et de la société civile.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1185 de la rapporteure.

Puis elle est saisie de lamendement AC291 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Par souci de cohérence avec l’alinéa 137, il convient également de rendre compte de l’activité et des travaux du conseil devant la commission chargée des affaires étrangères. La société France Médias Monde vient rendre compte de son activité et de ses travaux devant les commissions des Affaires étrangères des deux chambres. Il convient donc qu’à tout le moins le président de la future holding fasse de même.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Nous y sommes favorables sur le fond, dans la mesure où nous avons adopté un amendement prévoyant que le président de France Médias présente également le rapport d’exécution de la convention stratégique pluriannuelle devant la commission des affaires étrangères. Cependant, il faudrait l’écrire plus simplement en indiquant directement « les commissions des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères ». Je demande le retrait, afin que vous le redéposiez en séance.

Lamendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1184 et AC1183 et lamendement de précision AC1309, tous de la rapporteure.

Elle examine ensuite lamendement AC1310 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Les sociétés du service public se doivent d’être exemplaires ; elles doivent donc s’assurer que les prestataires auxquels elles font appel respectent les conventions collectives et, de ce fait, ne créent pas de distorsions de concurrence.

La commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lamendement AC174 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Sandrine Mörch. Cet amendement vise à mettre les régies publicitaires des chaînes de l’audiovisuel public en capacité de refuser la diffusion de publicités pour des produits ou des services dont l’impact écologique sur l’ensemble de leur cycle de vie est jugé négatif. Un tel refus peut se faire, par exemple, au motif que le message qu’il véhicule n’est pas en cohérence avec les programmes diffusés à l’antenne sur le plan écologique.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis défavorable : les régies publicitaires peuvent d’ores et déjà refuser les publicités non conformes aux missions, valeurs et objectifs du service public ; il n’y a pas besoin de l’écrire dans la loi.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC1020 de la commission des affaires économiques et AC171 de M. Matthieu Orphelin.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a pour but de renforcer la mobilisation des médias de l’audiovisuel public afin qu’ils recherchent une plus grande cohérence entre la publicité qu’ils diffusent et les enjeux de la transition écologique. Cette mobilisation spécifique des médias du service public – Radio France, France Télévisions, France Médias Monde, ARTE-France, TV5 Monde – préparera une extension au secteur privé qui pourra être envisagée par la suite.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement AC171, auquel tient particulièrement notre collègue Matthieu Orphelin, est identique.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis favorable.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je crois déceler une certaine réticence de la part de la rapporteure générale. Sil faut le retravailler en vue de la séance, nous sommes disposés à le faire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je m’en voudrais de ne pas répondre à l’excellente commission des affaires économiques… La question est de savoir comment ce rapport sur l’intégration des enjeux écologiques par la publicité pourrait être réalisé. L’évaluation demandée nécessiterait un travail très dense pour toutes les sociétés de l’audiovisuel public ; encore faudrait-il être en mesure de vérifier si elles disposent bien des moyens et des leviers nécessaires pour le mener à bien.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement AC170 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Frédérique Dumas. Dans un rapport signé par sept députés de la majorité, nous avions déjà mis en avant le rôle précurseur que pourrait jouer le service public dans le domaine du divertissement, mais dans également dans celui de la publicité. Il s’agirait d’encourager les comportements éthiques en matière de publicité – notre collègue Céline Calvez a eu l’occasion d’en parler pour ce qui touche à l’image des femmes.

Cet amendement propose donc de supprimer la publicité pour les modes de transport les plus polluants sur les chaînes de l’audiovisuel public. Les auditeurs et téléspectateurs de ces chaînes sont de plus en plus nombreux à témoigner de leur surprise face à la présence sur des chaînes publiques de publicités pour de gros véhicules – notamment les SUV – ou pour des voyages en avion, parfois diffusées en même temps que des émissions environnementales ! Cet étonnement est légitime, à l’heure de l’urgence écologique, et alors que l’État doit tout faire pour sensibiliser les citoyens à la nécessité d’adopter des comportements compatibles avec la transition écologique.

Il y aurait là une vraie spécificité du service public, qui serait même susceptible d’accroître son attractivité. Une publicité éthique pourrait contribuer à faire évoluer les comportements mais aussi, peut-être, attirer des téléspectateurs.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La modération publicitaire est déjà assurée et l’environnement et la transition écologique sont déjà des missions prioritaires de l’audiovisuel public. Le degré de détail de votre amendement ne nous semble pas relever du domaine législatif. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends pas votre réponse. Il s’agit d’appeler, par l’intermédiaire de la publicité sur le service public, à une évolution des comportements : ce serait le moyen tout à la fois de montrer le chemin, d’inciter les annonceurs à travailler leurs publicités dans un sens plus éthique, mais peut-être aussi d’attirer davantage de téléspectateurs. Cela relève évidemment du niveau de la loi ; sinon, je ne vois pas comment les régies et les dirigeants des entreprises publiques pourraient refuser de diffuser certains messages publicitaires, au risque de se voir accuser de mauvaise gestion.

Mme Maina Sage. Votre amendement condamne le transport aérien, ce qui me dérange profondément. Le problème n’est pas tant que ce soit ou non du domaine de la loi : le service public doit certes promouvoir des moyens de transport durables et propres, mais il ne doit pas cibler une catégorie de transports en particulier. Si l’on regarde les chiffres, le transport terrestre et le transport maritime sont autrement plus polluants, en quantité de dioxydes de carbone émis, que l’aérien. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’efforts à faire dans ce domaine, il faut donner la priorité, à chaque fois que c’est possible, aux modes de transport plus durables ; mais veillons à ne pas condamner systématiquement l’aérien au seul motif que c’est la tendance du moment. Je vous invite à adopter une vision plus générale.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AC173 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Sandrine Mörch. Cet amendement peut-être plus consensuel pourrait être de nature à ouvrir la voie, comme le disait Frédérique Dumas, à des comportements plus éthiques et même susceptibles d’entraîner le téléspectateur. Il vise à interdire sur les chaînes du service public la publicité pour des produits ou services dont l’empreinte écologique sur l’ensemble de leur cycle de vie est explicitement contraire aux objectifs nationaux de lutte contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. Cette mesure offrirait aux auditeurs et aux téléspectateurs un service de l’audiovisuel public en cohérence avec les ambitions environnementales de l’État, mais aussi avec une partie des programmes diffusés par ces sociétés. Ce serait une façon de donner la main au téléspectateur.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La publicité est déjà très encadrée dans le service public ; il faudrait étudier l’impact budgétaire de cette contrainte supplémentaire. Par ailleurs, comme je l’ai dit précédemment, la modération publicitaire est déjà assurée et l’environnement et la transition écologique sont déjà des missions prioritaires de l’audiovisuel public. Avis défavorable.

M. Alexis Corbière. Je soutiens cet amendement. Nous savons à quel point la télévision est un puissant vecteur de stimulation, qui créé des envies et des besoins, notamment chez les jeunes. En tant que citoyens mais aussi en tant que parents, nous faisons tous face à ce paradoxe : en matière dalimentation comme de pratiques courantes, les messages transmis par la publicité sont souvent totalement contradictoires avec la manière dont nous essayons délever nos enfants. Au-delà des incidences budgétaires, cest dabord une question de santé publique et dintérêt général. Peut-être est-il possible de préciser un peu cet amendement, mais il va dans le bon sens et je trouve votre réponse un peu courte sur un sujet dune telle importance.

Mme Frédérique Dumas. Ces amendements ne sont peut-être pas rédigés de manière tout à fait satisfaisante, notre collègue Maina Sage la relevé à juste raison. Mais ce que nous vous proposons, cest de travailler à ce que la publicité soit plus éthique, sans que cela affecte les ressources budgétaires puisquil sagirait simplement de faire évoluer sa ligne éditoriale. Les réponses de la rapporteure ne sauraient suffire ; nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo. Sans nécessairement le faire dans le cadre de ce projet de loi, au moins pourrions-nous, monsieur le ministre, entamer une réflexion sur une éditorialisation éthique de la publicité.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC955 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Michèle Victory. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à maintenir un service audiovisuel à portée nationale pour les plus jeunes, et donc à revenir sur la suppression de la chaîne France 4 du paysage hertzien, qui a conduit à lui substituer une offre intégralement numérique. Nous pensons que cette solution est contraire aux objectifs du service public, qui doit offrir des programmes de proximité et s’adresser à tous les publics. Nous sommes d’ailleurs nombreux à nous être exprimés contre cette suppression, et les chiffres sont révélateurs : 75 % des vidéos visionnées par les enfants le sont encore devant la télévision et en direct, et France 4 était en tête des audiences pour la tranche d’âge 4-10 ans, ce qui atteste bien de sa réussite.

Tant que les Français ne seront pas tous en mesure d’avoir accès à des services de médias audiovisuels à la demande, et que les études d’usages ne démontreront pas que leur consommation non linéaire est devenue prépondérante, France Télévisions doit maintenir son offre pour les jeunes. Nous demandons donc la mise en œuvre d’un moratoire sur la suppression de France 4 jusqu’au 31 décembre 2030 – mais la date peut être discutée.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La suppression de France 4 n’a aucun lien avec le texte que nous étudions, et la décision a été prise il y a presque deux ans. Des réponses concrètes ont été apportées, notamment dans ce projet de loi, afin que des programmes dédiés à la jeunesse soient maintenus en linéaire aux heures appropriées pour les enfants ; ils seront diffusés sur les autres chaînes de l’audiovisuel public. N’oublions pas non plus la création de la nouvelle plateforme numérique Okoo, spécifiquement consacrée à la jeunesse. Nous ne pouvons pas nous prononcer pour les dix prochaines années. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Vous dites que les offres de France Télévisions, notamment sa chaîne pour les enfants, n’ont rien à voir avec la question de l’audiovisuel public et de ses missions, dont nous discutons depuis le début de la journée… Peut-être devriez-vous prendre toutes les décisions par voie réglementaire ! À quoi sert un article – qui aurait pu être un projet de loi en lui-même, puisqu’il comporte près de deux cents alinéas – censé régir les missions de l’audiovisuel public si vous nous répondez que les décisions ont été prises il y a deux ans et qu’il n’y a plus lieu d’en débattre ? Vous vous contentez de proposer un amendement qui ne fait qu’habiller ces décisions anciennes. Je trouve cela incroyable, et je comprends que vous ne souhaitiez pas de débat au Parlement sur ces sujets, puisqu’ils ne font pour vous pas partie des objectifs fondamentaux du service public.

Mme Céline Calvez. La décision de supprimer France 4 a pu susciter des craintes et des incompréhensions ; pour ma part, je la trouve courageuse et prometteuse. Nous avons évoqué l’importance de l’innovation, et la nécessité pour l’audiovisuel public d’avoir un temps d’avance ; dans cette perspective, toutes les initiatives déployées actuellement pour permettre aux plateformes comme Okoo ou Lumni de réussir doivent être saluées. Je vous engage à aller les consulter avec vos yeux d’adultes, mais aussi vos yeux d’enfants. Nous avons enfin la possibilité d’avoir un temps d’avance sur les usages, et je vous invite vraiment à considérer les choses de cette manière, comme une opportunité pour la jeunesse. Je ne suis pas certaine que 75 % de ce qui est regardé par les enfants le soit encore sur le linéaire, devant un écran de télévision ; et pourtant, nous nous sommes engagés, par un amendement que nous avons adopté, le maintien d’une offre linéaire sur leurs carrefours d’audience.

Mme Michèle Victory. Je suis tout de même surprise de vous entendre répondre que cet amendement n’a aucun rapport avec le texte ! Ou alors, je me demande de quoi il faudrait parler… Prendre un temps d’avance, certes, mais à condition que cela ne se fasse pas au détriment des enfants qui ont encore des pratiques plus classiques, sur la télévision hertzienne, avec des programmes qui fonctionnaient vraiment bien. L’un n’empêchant pas l’autre, nous maintenons que la suppression de France 4 n’était pas une bonne idée.

M. Raphaël Gérard. Je suis d’autant plus à l’aise pour intervenir sur ce sujet que je fais partie de ceux qui, il y a deux ans, avec Frédérique Dumas notamment, se sont vivement inquiétés de la disparition de France 4. Cela dit, au cours de ces deux années, France Télévisions a accompli un travail remarquable, à la fois sur la préparation et le lancement de la plateforme numérique Okoo et sur celle dédiée à l’outremer, en remplacement de France Ô. Même si la décision était de mon point de vue mauvaise, revenir en arrière risquerait de fortement compromettre le démarrage de cette plateforme, qui commence à prendre forme et à trouver son public – d’autant que, comme s’y est engagé le ministre, toutes les chaînes de France Télévisions veilleront à proposer des programmes pour la jeunesse. C’est la stratégie actuelle de France Télévisions, et nous devons l’assumer si nous ne voulons pas d’une deuxième catastrophe.

Mme Frédérique Dumas. Et dans les zones blanches, que fait-on ?

M. Jean-Jacques Gaultier. J’étais moi-même favorable à un moratoire – peut-être pas sur une durée aussi longue, car une ou deux années suffiraient – afin d’accompagner au mieux le lancement de la plateforme Okoo, à laquelle je souhaite un plein succès et dont j’ai pu observer la qualité des programmes. Se pose tout de même le problème de l’accessibilité à cette offre non-linéaire sur l’ensemble du territoire.

Mme Maina Sage. J’approuve totalement ce que vient de dire mon collègue Raphaël Gérard, et je n’en enlèverais pas une goutte. Il est dommage que nous en soyons arrivés à la suppression de France 4, car tous les autres pays d’Europe ont maintenu une chaîne linéaire dédiée aux enfants, et sont fiers de l’avoir fait. Nous avons fait le pari d’Okoo, qui est en plein lancement ; c’est un grand défi, et il faut que ce soit une réussite. Je remercie par ailleurs monsieur le ministre d’avoir amorcé la question du pacte de visibilité pour les programmes jeunesse. J’en profite pour rappeler qu’il y a un enjeu économique et financier essentiel derrière la fermeture de France 4 qui, pour 40 millions d’euros investis, dégageait 500 millions de chiffre d’affaires. Il faut que les députés qui ont particulièrement suivi cette question – je n’en fais pas partie – soient étroitement associés aux travaux qui seront menés pour encadrer cette transition et garantir à tous les professionnels concernés la pérennité de leur activité.

M. Bruno Fuchs. En matière de jeunesse et sur le plan de l’offre digitale, le service public ne peut se permettre d’échouer. M. le ministre l’a rappelé ce matin, le service public a vocation à toucher l’ensemble des Français ; or nous assistons aujourd’hui à une dérive progressive qui fait que les téléspectateurs des autres chaînes du service public en linéaire ont en moyenne plus de soixante ans. Le service public touche donc de moins en moins des publics actifs ; or il ne peut plus remplir ses fonctions s’il ne s’adresse pas à l’ensemble des segments de la population française. Si nous ne réussissons pas sur ce plan, nous laisserons la voie au privé – comme Gulli, qui sera bientôt la seule chaîne en linéaire dédiée à la jeunesse. Il faut donc mettre en œuvre une stratégie ambitieuse.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC1311 de la rapporteure, AC252 de Mme Virginie Duby-Muller, AC298 de Mme Frédérique Dumas et AC956 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Il s’agit d’actualiser la rédaction du texte pour prendre acte du fait que France Télévisions ne retransmet plus les débats parlementaires dans leur intégralité, mais rend compte des travaux des deux assemblées.

Mme Virginie Duby-Muller. En effet, désormais, France Télévisions produit un compte rendu des travaux parlementaires. L’exclusivité de la retransmission des questions d’actualité au Gouvernement a été transférée de France 3 vers les deux chaînes parlementaires, LCP et Public Sénat, selon des modalités définies d’un commun accord entre France Télévisions et les bureaux des deux assemblées.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1182 de la rapporteure.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AC79 de M. Stéphane Testé et AC746 de M. Pierre-Yves Bournazel, et lamendement AC871 de Mme Perrine Goulet.

Lamendement AC79 fait lobjet du sous-amendement AC1375 de M. Denis Masséglia ; lamendement AC871 fait lobjet des sous-amendements AC1380 de la rapporteure et AC1376 de M. Denis Masséglia.

M. Stéphane Testé. L’amendement AC79 vise à introduire une dérogation à l’interdiction de diffuser de la publicité en soirée : celle-ci ne s’appliquerait qu’à la retransmission d’événements sportifs, afin que France Télévisions puisse rester compétitive dans un contexte d’inflation des droits télévisés – comme l’a montré récemment le cas de Roland-Garros, dont les droits de certaines représentations nocturnes ont finalement été raflés par Amazon. Les droits de retransmission des Jeux olympiques de Tokyo de 2020 ont été acquis au prix fort, et le risque est réel de voir ceux de Paris en 2024 échapper au service public ; c’est une hypothèse que je ne peux concevoir.

M. Denis Masséglia. Je rêve qu’un jour les finales de League of Legends, ou même celle de Rainbow Six – le Six Major –, qui est un jeu français développé par Ubisoft, soient retransmises sur France Télévisions. Pour sensibiliser l’audiovisuel public français à ce type d’événements, je souhaiterais, par mon sous-amendement AC1375, que les jeux vidéo soient aussi inclus dans cette dérogation.

Mme Maina Sage. L’amendement AC746, identique, est défendu.

Mme Florence Provendier. L’idée de notre amendement AC871 est née de la mission confiée par le Premier ministre en 2018 à notre collègue Perrine Goulet sur le financement des politiques sportives. Celle-ci a mis en avant la nécessité d’endiguer le phénomène de moindre accessibilité des événements sportifs sur les chaînes de télévision non payantes. Les droits sportifs seront de plus en plus onéreux, et notre audiovisuel public peine à les acquérir face à des acteurs internationaux aux moyens financiers colossaux : en témoigne l’acquisition par Amazon Prime d’une partie des droits pour Roland-Garros à partir de 2021. L’audiovisuel public a pourtant comme mission de mettre à disposition pour tous les publics, notamment les plus jeunes, des programmes sportifs. Pour remplir cette mission, tout en assurant une trajectoire financière qui prévoit des économies d’ampleur à horizon 2022, il est indéniable que l’audiovisuel public doit diversifier ses sources de financement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le sous-amendement AC1380 se borne à apporter une précision juridique à l’amendement de Mme Goulet, en prévoyant de renvoyer au décret fixant la liste des événements sportifs d’importance majeure. Celle-ci comprend notamment les Jeux Olympiques, le match d’ouverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde et du Championnat d’Europe de football, le Tournoi des six nations de rugby, le Grand Prix de France de Formule 1, la compétition cycliste Paris-Roubaix, ainsi que les championnats du monde d’athlétisme, de basket et de handball.

Nous soutenons l’amendement de Mme Goulet : il convient de favoriser la diversité de la représentation du sport sur nos écrans, en particulier sur le service public, alors que la question de l’acquisition des droits sportifs est de plus en plus sensible. Nous voulons que l’audiovisuel public puisse renforcer ses moyens pour rester en mesure d’exposer le sport dans sa diversité.

M. Denis Masséglia. Mon sous-amendement AC1376 a exactement le même objet que celui que j’ai défendu précédemment.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je demande le retrait des amendements AC79 et AC746 au profit de l’amendement AC871 sous-amendé.

M. Stéphane Testé. J’avais la volonté d’intégrer plus largement l’ensemble des disciplines sportives ; néanmoins, l’amendement AC871, malgré sa rédaction moins ouverte, me satisfait. Je retire donc mon amendement.

Mme Maina Sage. Je retire également l’amendement AC746.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le sous-amendement AC1376 pose une petite difficulté ; nous devrons nous battre collectivement pour inclure l’e-sport dans le décret qui fixera la liste des événements d’importance majeure, où il ne figure pas pour l’instant. Notre sous-amendement fait explicitement référence à cette liste ; il n’est donc pas possible de donner un avis favorable à votre proposition, monsieur Masséglia, mais notre commission vous soutiendra pour qu’elle soit bientôt satisfaite.

M. Denis Masséglia. Le fait de mentionner les jeux vidéo dans cet article permettrait justement d’inclure des événements e-sportifs dans la liste fixée par décret. Sinon, je reste à disposition pour aider à trouver le moyen de les intégrer dans la loi. Je maintiens cependant mon sous-amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Nous souhaitons tous que l’e-sport bénéficie d’une plus grande visibilité, car il s’agit d’une vraie réalité sociale en plein développement. Cependant, d’après les analyses juridiques réalisées par les services qui travaillent sur ces décrets, les tournois e-sportifs ne sont pas éligibles aux critères d’inclusion dans la liste des événements d’importance majeure. Je salue votre détermination, monsieur Masséglia ; Mme la rapporteure, le groupe La République en marche et la commission appuient votre démarche mais il n’est à l’heure actuelle pas possible de la satisfaire. Nous devons continuer à travailler avec les services juridiques pour trouver une solution.

Les amendements AC79 et AC746 sont retirés et le sous-amendement AC1375 na plus dobjet.

La commission rejette le sous-amendement AC1376.

Puis elle adopte le sous-amendement AC1380.

Enfin, elle adopte lamendement AC871 sous-amendé.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1181 et AC1180 de la rapporteure.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite lamendement AC249 de Mme Virginie Duby-Muller.

Puis elle examine lamendement AC533 de Mme Barbara Bessot Ballot.

M. Stéphane Testé. Dans la lignée de l’ambition que nous poursuivons en faveur de l’apprentissage des langues, cet amendement d’appel vise à préciser les conditions dans lesquelles la société France Télévisions assure sa mission de promotion de l’apprentissage des langues étrangères, notamment par la diffusion d’œuvres et de programmes en version originale sous-titrée.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La rédaction proposée dans le projet de loi me paraît suffisante, et votre amendement satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement de coordination AC1179 de la rapporteure.

Elle examine ensuite lamendement AC82 de M. Stéphane Testé.

M. Stéphane Testé. Cet amendement vise à favoriser le développement par France Télévisions d’une offre numérique gratuite de cinéma ; il contribuerait d’ailleurs au financement du cinéma, dans la mesure où cela permettrait d’abonder l’assiette de ses obligations des recettes correspondant à l’exploitation des services numériques concernés.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Votre amendement est satisfait. Demande de retrait.

M. Stéphane Testé. Je souhaiterais obtenir des précisions quant à la façon dont il est satisfait.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le cahier des charges a été modifié en ce sens.

Lamendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements AC1178, de correction dune erreur matérielle, et AC1177, rédactionnel, de la rapporteure.

Elle est saisie de lamendement AC957 de Mme Josette Manin.

Mme Michèle Victory. Nous proposons de permettre au Défenseur des droits de saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique afin qu’elle engage une mise en demeure d’une société publique qui n’aurait pas satisfait à ses engagements. Ce mécanisme serait de nature à renforcer la coopération entre la nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et le Défenseur des droits, étant entendu que les champs de leurs missions peuvent se rejoindre en matière de lutte contre les discriminations ou de défense de l’égalité des droits des citoyens.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’idée est bonne mais la rédaction doit être revue. Je vous invite à le retirer cet amendement pour le retravailler d’ici à la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1176 de la rapporteure.

Elle examine lamendement AC958 de Mme Josette Manin.

Mme Michèle Victory. Dans le même esprit, l’amendement AC958 vise à renforcer la coopération entre la nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et le Défenseur des droits dans les domaines des luttes contre les discriminations ou de défense de l’égalité des droits. Il contribue également à rendre plus transparentes les sanctions prononcées par l’Autorité de régulation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Donner au Défenseur des droits la possibilité de saisir l’ARCOM est une idée intéressante, mais la rédaction de cet amendement me semble devoir être retravaillée, notamment en ce qui concerne son positionnement dans le texte. En l’état actuel, je vous invite à le retirer.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel AC1175 de la rapporteure.

Elle adopte enfin larticle 59 modifié.

Après l’article 59

La commission est saisie de lamendement AC292 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Toutes nos propositions visant à installer des garde-fous en matière de gouvernance ont été repoussées : puisque rien ne peut être fait en amont, nous suggérons la mise en place en aval d’une procédure de contrôle et d’évaluation – la moindre des choses étant de vérifier si tous les magnifiques objectifs que vous avez fixés ont bien été atteints.

Pour ce faire, l’amendement AC292 propose de modifier l’ordonnance de 1958 en vue de créer une délégation parlementaire de suivi des entreprises de l’audiovisuel public ainsi que du centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

La délégation aura pour mission de suivre l’action du Gouvernement, celle des opérateurs du service public de l’audiovisuel et celle du CNC en matière d’allocation et de répartition des ressources publiques au service des politiques publiques. Cette délégation recevra à ce titre l’ensemble des informations nécessaires à l’évaluation des politiques publiques menées dans ces domaines, notamment dans leur traduction budgétaire.

La volonté de créer une telle délégation émane du constat, fait à la fois par les parlementaires et par la Cour des comptes, d’une absence d’outils de contrôle et d’évaluation suffisants dans une période de transformation où rapidité et agilité sont nécessaires.

L’instauration d’une telle délégation a pour finalité la bonne information du Parlement, donc des citoyens, afin que le législateur soit en mesure d’évaluer la mise en œuvre des politiques publiques relatives à l’audiovisuel et au cinéma et de formuler toutes les préconisations qui s’avéreraient nécessaires. La délégation pourra disposer de toutes les informations non nominatives propres à permettre au législateur d’exercer les missions que lui confie l’article 24 de la Constitution. Elle n’aura pas, en revanche, vocation à connaître des cas individuels.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Si je comprends votre intention quand vous proposez de créer une délégation parlementaire à laudiovisuel, il me semble que cest précisément le rôle de notre commission des affaires culturelles que dexaminer lensemble des sujets relatifs à laudiovisuel : en dautres termes, la création dune délégation reviendrait à nous dessaisir de ces questions. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Frédérique Dumas. Ce sont deux choses tout à fait différentes : la création d’une délégation n’entraînerait pas le dessaisissement de notre commission. En revanche, une délégation a des moyens d’investigation dont ne dispose pas une simple commission. Lors de la rédaction de notre rapport, nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas avoir accès à certains documents. La Cour des comptes a elle-même reconnu que son travail était parcellaire, puisqu’elle ne pouvait l’effectuer qu’avec un décalage de trois ans, et qu’elle n’était pas en mesure de vérifier toutes les informations.

Par ailleurs, vous ne pouvez pas demander des blancs-seings en amont et refuser le principe d’une évaluation en aval, tout en vous gargarisant sur le renforcement du rôle de contrôle du Parlement… Comme toujours, des objectifs sont affichés, mais on ne nous donne aucun moyen pour les atteindre.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC646 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Radio France produit en très grande majorité ses propres contenus, qu’elle diffuse ensuite. France Télévisions, quant à elle, finance la moitié de l’audiovisuel français. Ainsi, si le coût des programmes de France Télévisions est d’environ 1 milliard d’euros chaque année, elle est obligée de commander aux producteurs privés pour 420 millions d’euros de contenus, dont elle ne possède pas les droits de commercialisation. Nous nous interrogeons sur la pertinence de ce modèle, d’autant plus qu’il est extrêmement différent de celui de la BBC tant vanté par le Gouvernement. Nous demandons donc un rapport sur l’instauration d’un véritable pôle public de production audiovisuelle, permettant à France Télévision d’être à la fois producteur et diffuseur de la grande majorité de ses contenus.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce que vous dites me semble un peu étonnant, monsieur le député, car je trouve plutôt positif de constater que France Télévisions permet de financer un modèle diversifié de production, qu’il s’agisse d’émissions dites de flux ou de fictions, mais aussi de films de cinéma. En prenant part au financement de l’écosystème de la production audiovisuelle, France Télévisions contribue à maintenir plusieurs milliers d’emplois. Par ailleurs, il me semble que nous contribuons à la réalisation de cette évaluation, dans le cadre des auditions de responsables de France Télévisions que nous organisons chaque année. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Alexis Corbière. Peut-être me suis-je mal exprimé, mais je ne pense pas avoir dit que je regrettais que France Télévisions contribue au financement de la production française. Ce qui me paraît anormal, c’est qu’elle soit trop souvent obligée d’acheter à des producteurs privés des programmes dont elle ne possède pas les droits de commercialisation. Mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AC658 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Par cet amendement très identitaire, défendu par notre groupe durant la campagne de l’élection présidentielle, nous proposons la création d’un conseil national des médias, qui serait formé de trois collèges composés d’usagers, d’éditeurs et de professionnels, regroupant ainsi tous les corps de métiers, et qui se substituerait au CSA.

Nous souhaitons que ce conseil des médias soit intégré au cadre législatif et qu’il joue le rôle d’organe régulateur des médias. Il serait complètement indépendant du Gouvernement afin d’éviter toute dérive pouvant aboutir à une tentative de contrôle de la parole médiatique. Notre objectif est de faire de ce conseil un véritable contre-pouvoir citoyen garantissant le pluralisme des opinions et des supports, ainsi que la qualité de tous les médias.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement a déjà présenté par des députés de votre groupe sur d’autres articles, et je vous répète ce que je leur ai déjà dit : il existe un Observatoire de la déontologie et de l’information, qui a lui-même créé en décembre dernier le Conseil de déontologie journalistique et de médiation. Votre proposition étant satisfaite, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AC660 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Nous souhaitons garantir le respect des missions de service public confiées aux professionnels qui y exercent en instaurant une charte de déontologie, à laquelle devraient adhérer tous les professionnels du service public. À ce jour, il existe en France plusieurs chartes de déontologie dans le secteur médiatique, portant notamment sur les méthodes et obligations des journalistes ; mais leur périmètre d’application est restreint et ne couvre qu’une infime partie du paysage médiatique.

La charte que nous proposons nourrit une ambition plus vaste, puisqu’elle a vocation à garantir les grands principes de liberté d’information, d’indépendance et de pluralisme démocratique pour tous les professionnels du service public. Nous souhaitons donc asseoir les missions évoquées par l’article 59 de la présente loi par cette charte de déontologie, et demandons de faire un rapport d’information sur cette question.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’indépendance de l’audiovisuel public est encadrée par la loi et repose sur des principes constitutionnels. Par ailleurs, nous avons adopté dans le cadre de ce projet de loi plusieurs amendements portant sur l’indépendance et le pluralisme des médias. Avis défavorable.

M. Alexis Corbière. Nous poursuivrons ce débat dans l’hémicycle, mais je veux tout de même souligner qu’il y a une différence entre adopter un amendement sur l’indépendance de l’audiovisuel public et instaurer une charte de déontologie à laquelle tout le monde pourrait se référer.

La commission rejette lamendement.

Avant l’article 60

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, la commission rejette lamendement AC745 de M. Pierre-Yves Bournazel.

TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Chapitre Ier
Dispositions diverses

Article 60
Mesures de simplification des procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

Suivant lavis favorable de la rapporteure générale, la commission adopte successivement les amendements AC1004, AC1009, AC1010, rédactionnels, et AC1007, de coordination juridique, de la commission des affaires économiques.

Elle est saisie de lamendement AC1005 de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement AC1005 vise à supprimer l’alinéa 9 de l’article 60, c’est-à-dire les dispositions qui tendent à faire de la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence la procédure de droit commun. En l’état, l’atteinte aux droits de la défense des entreprises paraît trop élevée et un rééquilibrage du dispositif est nécessaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause la philosophie sur laquelle repose le projet de loi en la matière, mais simplement de profiter du temps dont nous disposons avant l’examen en séance publique afin d’aboutir à une rédaction conforme aux intérêts des deux parties.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Avis très favorable.

La commission adopte lamendement.

Suivant lavis favorable de la rapporteure générale, elle adopte lamendement AC1006, de coordination juridique, de la commission des affaires économiques.

Elle adopte larticle 60 modifié.

Article 61
Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive « ECN + » et à prendre dautres mesures de simplification des procédures

Suivant lavis favorable de la rapporteure générale, la commission adopte lamendement rédactionnel AC1003 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte ensuite larticle 61 modifié.

Article 62
Diverses dispositions relatives au CNC

La commission est saisie de lamendement AC1361 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1361 vise à permettre au CNC de s’assurer du respect des dispositions des conventions collectives, notamment en vue de protéger la partie la plus faible au contrat ainsi que de s’assurer du respect des droits des auteurs et de l’absence de discrimination à leur encontre.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel AC1359 de la rapporteure générale.

En conséquence, lamendement AC229 de M. Jean-Jacques Gaultier tombe.

La commission adopte ensuite lamendement rédactionnel AC1353 de la rapporteure générale.

Elle adopte enfin larticle 62 modifié.

Après l’article 62

La commission examine lamendement AC1365 de Mme Sophie Mette, rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1365 poursuit plusieurs objectifs.

Il vise d’abord à clarifier le rôle des personnalités qualifiées de la commission départementale d’aménagement cinématographique (CDAC), en ajoutant, pour celle qualifiée en matière d’aménagement du territoire, la notion d’urbanisme – sur ce point, nous avons travaillé avec la fédération nationale des cinémas français (FNCF).

Il modifie ensuite les nominations des membres de la commission nationale d’aménagement cinématographique (CNACI), dont la durée des mandats passe d’une fois six ans à deux fois trois ans. Il supprime les références aux compétences en matière de consommation et d’emploi, qui n’apparaissent plus pertinentes. Il rationalise les modalités d’autorisation des projets ayant pour objet la création, l’extension, la réouverture au public d’établissements de spectacle cinématographique, de manière à fluidifier cette possibilité. Il confie au président du CNC ou à son représentant le pouvoir d’assister, sans voix délibérative, aux séances de la commission nationale d’aménagement cinématographique.

Enfin, il rend plus transparentes les décisions prises par la commission nationale d’aménagement cinématographique.

La commission adopte lamendement.

Article 63
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue de simplifier et codifier les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 modifiée

La commission est saisie de lamendement de suppression AC637 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Il n’y a pas de justification valable pour que le Gouvernement prenne par ordonnances des orientations en dehors de ce débat et des instances parlementaires.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure générale, la commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 63 sans modification.

Article 64
Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive portant code des communications électroniques européen et à prendre diverses autres mesures de simplification et dadaptation du code des postes et des communications électroniques

M. le président Bruno Studer. Je rappelle que l’article 64 a fait l’objet d’une délégation au fond à la commission des affaires économiques.

La commission adopte les amendements rédactionnels AC1002 et AC1001 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte larticle 64 modifié.

Article 65
Transposition par ordonnances de dispositions des directives

La commission adopte larticle 65 sans modification.

Article 66
Coordination

La commission adopte les amendements rédactionnels AC1107, AC1108, AC1109, AC1110, AC1111, AC1112 et AC1113, ainsi que lamendement AC1114 de coordination, lamendement rédactionnel AC1115, lamendement de coordination AC1116 et lamendement rédactionnel AC1117, tous de la rapporteure générale.

Elle adopte larticle 66 modifié.

Article 67
Coordination

La commission adopte les amendements rédactionnels AC1174, AC1173 et AC1172 de Mme Béatrice Piron, rapporteure.

Elle adopte larticle 67 modifié.

Article 68
Abrogation de lobligation de cession despaces publicitaires à titre gratuit à la filière des produits frais par les sociétés de laudiovisuel public

La commission adopte larticle 68 sans modification.

Article 69
Coordination de dispositions relatives à laudiovisuel public

La commission adopte larticle 69 sans modification.

Article 70
Coordination de dispositions relatives à laudiovisuel public dans le code électoral

La commission adopte larticle 70 sans modification.

Article 71
Coordination relative à la nomination du président de France Médias

La commission adopte larticle 71 sans modification.

Après l’article 71

La commission examine les amendements AC266 rectifié, AC264 et AC265 rectifié de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Les amendements AC266 rectifié, AC264 et AC265 rectifié ont pour objet de procéder à un toilettage du texte sur la thématique ultramarine, considérant que le vocabulaire utilisé dans ce domaine a évolué depuis la loi de 1986. Ainsi, on parle aujourd’hui plus volontiers « des outre-mer » que « de l’outre-mer », ce qui permet d’appréhender la communauté nationale dans sa globalité et de ne pas opposer une France hexagonale à une France ultramarine. De même, on parle plus volontiers de l’« hexagone » que de la « métropole », surtout depuis les débats sur la loi relative à l’égalité réelle outre-mer de 2017, qui a posé le principe selon lequel la France hexagonale est à la fois continentale et insulaire, et comprend à ce titre toutes les îles rattachées à l’hexagone, notamment la Corse.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement AC266 rectifié, sous réserve qu’il lui soit apporté quelques adaptations rédactionnelles en vue de la séance publique.

Je suis défavorable à l’amendement AC264 : le terme « métropole » figure toujours à l’article 74-1 de la Constitution. Le terme « hexagonal » exclut la Corse, et le terme « métropole » continue d’être majoritairement employé, y compris dans les textes récents sur l’outre-mer. Par ailleurs, si nous avons déjà entendu parler de la « France hexagonale », il semble impossible d’évoquer le « public hexagonal ».

Enfin, je suis favorable à l’amendement AC265 rectifié.

La commission adopte successivement les amendements.

Article 72
Dates dentrée en vigueur

La commission adopte larticle 72 sans modification.

Chapitre II
Dispositions transitoires

Article 73
Dispositions transitoires concernant la HADOPI

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1118, AC1119 et AC1120 de la rapporteure générale.

Elle adopte larticle 73 modifié.

Article 74
Dispositions transitoires concernant le CSA et lARCOM

La commission adopte larticle 74 sans modification.

Article 75
Dispositions transitoires concernant lARCEP

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1121, AC1122, AC1123 et AC1124 de la rapporteure générale.

Elle adopte larticle 75 modifié.

Article 76
Dispositif transitoire concernant les services de médias audiovisuels à la demande pour la conclusion dune convention avec lARCOM

La commission adopte lamendement de coordination AC1247 de la rapporteure générale.

Elle adopte larticle 76 modifié.

Article 77
Transformation de lINA en société anonyme

La commission est saisie de lamendement de suppression AC636 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Nous nous opposons à la transformation de l’INA en société anonyme, qui constitue pour nous un premier pas vers sa privatisation.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’INA s’est déjà beaucoup transformé et développé au cours des dernières années et a su prendre le virage du numérique. Il apporte beaucoup à France Télévisions et à Radio France par ses recherches sur les archives et les programmes de qualité qu’il produit. Nous pensons qu’il y a beaucoup à gagner pour l’INA et les sociétés nationales de programmes à leur intégration au sein d’un même groupe. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette lamendement AC635 de Mme Muriel Ressiguier.

Elle est saisie des amendements identiques AC1314 de la rapporteure et AC771 de M. Pascal Bois.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Dans un souci de coordination, il est proposé que la transformation de l’INA se fasse au 1er janvier 2021, c’est-à-dire à la même date que son intégration dans France Médias.

M. Pascal Bois. Cet amendement visant à un alignement sur l’année civile se justifie également par un souci de simplification de l’exercice comptable.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1171, AC1170, AC1169, AC1168 et AC1167 de la rapporteure.

Elle adopte larticle 77 modifié.

Article 78
Dispositions transitoires relatives à la création du groupe France Médias

La commission examine lamendement de suppression AC634 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. Nous nous opposons à la création d’une holding qui regrouperait l’ensemble des médias publics. La mission consistant à définir « des orientations stratégiques et de veille à la cohérence et à la complémentarité de leur programme » est trop floue. La non-intégration de la Chaîne parlementaire montre bien la portée potentiellement attentatoire au respect du pluralisme.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Lorsque nous avons essayé de mettre en place des outils de gouvernance d’un côté, de contrôle de l’autre, vous avez tout rejeté en bloc. Je ne peux donc que m’associer résolument à cette proposition de suppression de l’article 78.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels AC1166 et AC1165 de la rapporteure.

Elle adopte larticle 78 modifié.

Article 79
Dispositions transitoires relatives à la mise en place du conseil dadministration de France Médias

La commission est saisie de lamendement AC1315 de la rapporteure.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cet amendement allonge à deux mois à compter de la promulgation de la loi le délai dans lequel les membres du conseil d’administration de France Médias doivent être désignés.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1164 et AC1163 de la rapporteure.

Elle adopte larticle 79 modifié.

Article 80
Dispositions transitoires relatives aux instances de gouvernance des sociétés du groupe France Médias

La commission adopte lamendement de précision AC1162 de la rapporteure.

Elle adopte larticle 80 modifié.

Article 81
Entrée en vigueur différée du rapport au Parlement sur lexécution du budget de France Médias

La commission est saisie de lamendement AC1316 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Dans un souci de cohérence, l’amendement AC1316 repousse d’un an l’entrée en vigueur de l’information annuelle et prévisionnelle du Parlement sur la répartition par France Médias des ressources publiques entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, en cohérence avec l’amendement à l’article 59 qui repousse d’un an l’entrée en vigueur de la répartition par France Médias des ressources publiques entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte larticle 81 modifié.

Article 82
Application de la loi outre-mer

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1161 et AC1160, ainsi que lamendement AC1159, de correction dune erreur matérielle, de la rapporteure.

Elle adopte larticle 82 modifié.

Elle adopte enfin lensemble du projet de loi modifié.

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, je vous remercie pour le travail que nous avons effectué ensemble cette semaine et pour les échanges auxquels il a donné lieu.

*

*     *

 

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de lÉducation demande à lAssemblée nationale dadopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 

 Texte adopté par la commission :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2747_texte-adopte-commission.pdf

 Texte comparatif : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-cedu/l15b2747-compa_texte-comparatif.pdf

 

 

 

 


  1 

   TRAVAUX DE LA COMMISSION des affaires Économiques

La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Éric Bothorel, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à lère numérique (n° 2488) ([10]).

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, notre commission examine aujourd’hui, pour avis, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (n° 2488). Ce texte modifie en profondeur la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi « Léotard », dont ceux d’entre nous qui étaient nés à l’époque doivent se souvenir avec émotion, et défend deux ambitions principales : d’une part, préserver le dynamisme culturel de l’audiovisuel et du cinéma français ; d’autre part, protéger les citoyens de certains excès du numérique.

C’est plus précisément cette seconde ambition qui a conduit la commission des affaires économiques à se saisir pour avis des articles 16, 17, 22 et 59 du projet de loi. La commission des affaires culturelles et de l’éducation, à laquelle ce projet de loi a été renvoyé au fond et qui l’examinera à compter de demain, mercredi 26 février, a par ailleurs souhaité solliciter notre avis sur les articles 60, 61 et 64, pour lesquels nous bénéficions donc d’une délégation au fond. En vertu de cette procédure, les amendements sur ces trois articles et les amendements portant articles additionnels se rattachant directement à l’un de ces trois articles doivent être soumis à la commission des affaires économiques ; la commission des affaires culturelles ne pourra qu’entériner nos décisions.

Au total, notre commission est saisie de sept articles du projet de loi que nous souhaitons examiner sous l’angle de nos compétences en matière de numérique, de communications électroniques et de concurrence. Je tiens à le préciser car, sur les soixante‑huit amendements qui nous sont soumis, un certain nombre ayant trait à l’article 59 aborde des questions relevant, avant tout, des compétences propres à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Ces diverses précisions étant données, je tiens à saluer la présence de M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, qui a accepté de participer à la discussion générale mais devra nous quitter lors de l’examen des articles. Ce sera donc notre rapporteur, M. Éric Bothorel, qui aura la lourde tâche de répondre, seul, sur les divers amendements. Avant de donner la parole à M. le secrétaire d’État, puis à M. Éric Bothorel, je vous rappelle que les orateurs des groupes disposeront de quatre minutes et les autres intervenants de deux minutes.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le président, il se trouve que j’étais né en 1986, mais que je garde des souvenirs assez confus de la fameuse loi…

M. le président Roland Lescure. C’était la privatisation de TF1 ! Il y avait des débats intéressants à l’époque ! Vous vous en souvenez, Monsieur Ruffin…

M. François Ruffin. Il n’y a pas besoin d’avoir vécu les événements pour les connaître, Monsieur le président ! Je connais, par exemple, beaucoup de choses sur la Révolution française, sans l’avoir vécue, bien évidemment, mais pour avoir beaucoup lu à son sujet…

M. Cédric O, secrétaire dÉtat chargé du numérique. Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique est un projet de loi qui fera date, comme l’a déclaré notre ministre de la culture, M. Franck Riester. Il s’agit de repenser et de moderniser le secteur de l’audiovisuel, en profonde mutation, son financement et sa régulation, sans sacrifier, bien évidemment, les spécificités qui font aujourd’hui les forces de notre modèle, notamment son exigence de diversité culturelle. Le secteur de l’audiovisuel et du cinéma français connaissent une transformation profonde, dans un contexte évolutif marqué par l’émergence d’acteurs internationaux majeurs – Netflix, Amazon ou Disney –, ainsi que par une multiplication des écrans vidéo et l’apparition de nouveaux usages, tel que le visionnage de contenus à la demande. La loi de 1986 et les empilements réglementaires successifs qui forment l’encadrement complexe en vigueur apparaissent dès lors en partie obsolètes, rigides et incompatibles avec la structuration économique du secteur.

L’encadrement attendu, tout en s’étendant aux nouveaux entrants, doit permettre une régulation plus agile et plus efficace, respectant les objectifs de politiques publiques de diversité culturelle et de forte performance des industries du secteur. Il doit également être simplifié, en renvoyant davantage à la négociation professionnelle et aux conventions conclues avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), pour s’adapter à la diversité des modèles. Pour répondre à ces enjeux, le projet de loi examiné en conseil des ministres le 5 décembre 2019 modifie profondément le cadre législatif et réglementaire actuel avec trois objectifs principaux.

Le premier objectif est de mieux soutenir le développement et la création audiovisuels, notamment en intégrant les plateformes numériques dans le financement et la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises et européennes, en allégeant les contraintes légales pesant sur les services de télévision en matière de publicité, en supprimant les jours interdits pour la diffusion de films de cinéma ou en prévoyant l’évolution technologique des médias radio et télévision vers des formats de diffusion numérique améliorés.

Le deuxième objectif est de moderniser la régulation du secteur, avec la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), l’institutionnalisation de la coopération entre le CSA et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ou la création d’un service technique d’appui aux différentes autorités compétentes en matière de régulation du numérique. Ce volet est complété par la transposition du volet « plateformes de partage de vidéos » de la directive sur les services de médias audiovisuels, dite « SMA », en cohérence avec l’approche globale du Gouvernement sur ces sujets de régulation numérique, c’est‑à‑dire une responsabilisation accrue des acteurs et l’instauration d’un cadre de supervision. Sur des sujets tels que la lutte contre le piratage, le streaming sportif ou la protection des mineurs en ligne, le projet de loi permettra de renforcer l’arsenal à la disposition du régulateur.

Le troisième objectif est de transformer l’audiovisuel public à l’ère numérique. La gouvernance sera ainsi rénovée par la création d’un groupe ayant à sa tête une société mère unique, France Médias, qui devra définir une stratégie globale. La composition des conseils d’administration et le mode de désignation des dirigeants seront également révisés. La présence du secrétaire d’État au numérique que je suis devant votre commission se justifie notamment parce qu’il s’agit d’adapter la régulation de notre modèle culturel à l’émergence d’internet et de nouveaux acteurs, qui captent une part croissante de la valeur.

S’agissant des articles dont votre commission a été saisie au fond, les articles 60 et 61 modifient le code de commerce pour accroître l’efficacité des procédures en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

L’article 60 permet des avancées majeures, afin de simplifier la procédure applicable devant l’Autorité de la concurrence (ADLC) et de moderniser les outils dont elle dispose, ainsi que les enquêtes conduites par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l’Autorité de la concurrence.

L’article 61 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive « ECN + » visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens d’appliquer plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché. Il habilite également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie, et de simplifier la procédure relative à la clémence. Parmi les mesures nécessitant une modification du droit interne figure notamment la possibilité pour l’ADLC de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles ; de se saisir d’office afin d’imposer des mesures conservatoires, disposition qui pourra lui permettre d’intervenir plus rapidement, en particulier dans des secteurs où les conséquences d’une pratique anticoncurrentielle peuvent être très dommageables, comme c’est le cas dans le domaine numérique ; de pouvoir accéder aux données numériques stockées sur des serveurs distants.

L’article 64 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de douze mois les dispositions visant à transposer la directive du 11 décembre 2018 instaurant le code des communications électroniques européen, lequel incite les États membres à faire beaucoup de choses que nous faisons déjà en France, notamment une régulation reposant sur le co‑investissement en matière de fibre et une planification du déploiement des réseaux très haut débit (THD) publics et privés. Cette bonne adéquation nous permettra de ne pas modifier substantiellement le cadre réglementaire de régulation des réseaux, à un moment où des investissements lourds sont ou seront engagés dans la fibre, grâce au plan France très haut débit, la 4G, avec le New Deal mobile, et la 5G, par le biais du plan 5G du Gouvernement et du lancement de la procédure d’attribution des fréquences dans la bande 3,5 gigahertz. Le recours à l’ordonnance est approprié, compte tenu de la nature extrêmement technique du texte et du peu de marge de manœuvre laissé aux États membres. L’article prévoit également d’instaurer un pouvoir de sanction permettant la mise en œuvre du règlement du 18 avril 2018 relatif au service de livraison transfrontalière de colis, des mesures visant à renforcer les pouvoirs de contrôle et d’enquête du ministre chargé des communications électroniques et de l’ARCEP et à clarifier d’éventuelles erreurs dans le code des postes et des communications électroniques.

S’agissant des articles dont votre commission s’est saisie pour avis, les articles 16 et 17 doivent permettre à la France de respecter son obligation de transposition des dispositions de l’article 17 de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins, qui clarifient les règles applicables aux services de partage de contenu en ligne, du point de vue du droit d’auteur et des droits voisins. Sont couverts par le projet de loi les services qui stockent et donnent accès au public à un nombre important d’œuvres téléversées par leurs utilisateurs. Ces services doivent conclure des licences avec les titulaires de droits et, en l’absence de telles licences, fournir leurs meilleurs efforts pour éviter la présence d’œuvres non autorisées sur leur plateforme. Comme prévu par la directive, un niveau de diligence allégé est exigé quant à ces meilleurs efforts pour les services dont la mise à disposition du public au sein de l’Union européenne date de moins de trois ans et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions d’euros.

L’article 22 transfère des missions actuellement confiées à la HADOPI à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Il vise également à améliorer les moyens de lutte contre la contrefaçon des œuvres sur internet et à réorienter cette lutte en direction des sites internet de streaming, de téléchargement direct ou de référencement, qui tirent des profits de la mise en ligne d’œuvres en violation des droits des créateurs, en renforçant les pouvoirs de l’ARCOM.

Enfin, l’article 59 constitue la plus importante réforme de l’audiovisuel public depuis trente ans. Dès 2021, l’audiovisuel public, à l’exception d’ARTE et de TV5 Monde sera regroupé au sein du groupe public France Médias. Comme le ministre de la culture l’a dit à plusieurs reprises ces derniers mois, la création de France Médias donne les moyens à l’audiovisuel public de s’adapter à la révolution des usages et de toucher davantage nos compatriotes.

Ainsi, ce projet de loi vise à repenser et à moderniser résolument les outils à notre disposition pour faire face aux défis auxquels le secteur audiovisuel est confronté à l’ère numérique, mais aussi à mettre en cohérence le cadre juridique avec divers textes européens applicables en France. Je sais que vous en attendez davantage sur certains sujets, comme la responsabilisation des annonceurs en matière de lutte contre le piratage. Nous avons entendu vos préoccupations et allons poursuivre le travail ensemble pour proposer des réponses à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le président Roland Lescure. Vous savez finir en beauté, Monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.)

M. Cédric O, secrétaire dÉtat chargé du numérique. Je sens la pression populaire ! (Sourires.)

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je suis très heureux que la commission des affaires économiques se soit saisie, pour avis, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique dont nous allons débattre cet après-midi et dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour avis. Ce texte fixe un objectif ambitieux : adapter le cadre législatif de l’audiovisuel aux mutations profondes qui traversent le secteur, dont les usages et le paysage ont été profondément bouleversés par l’arrivée du numérique.

Avant d’en venir plus précisément au champ de notre saisine, je souhaiterais dire quelques mots sur l’impact du numérique dans le monde audiovisuel et le besoin de régulation qu’il fait naître. Le numérique change notre rapport à la culture. Il a démultiplié l’accès aux biens culturels audiovisuels. Il n’a jamais été aussi facile d’écouter de la musique, de regarder un film ou de consommer un programme de divertissement qu’aujourd’hui. Aux côtés de ces bénéfices dont je me réjouis, les risques liés au développement des plateformes numériques n’en sont pas moins nombreux. Elles bouleversent le fonctionnement concurrentiel du marché et fragilisent les acteurs traditionnels. Un fait parlant pour l’illustrer : avec 5 millions d’utilisateurs, Netflix compte désormais plus d’abonnés que Canal +.

Nous le savons bien dans cette commission, la concurrence est un processus économique sain qui bénéficie aux consommateurs et stimule l’innovation. Mais cela n’est vrai qu’à la condition que la concurrence s’exerce de manière loyale. Or le cadre normatif, qui repose sur la loi Léotard de 1986, ne permet pas aux différents acteurs de jouer à armes égales. Votées en un temps où internet et les ordinateurs ne faisaient pas partie de notre quotidien – un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître –, les règles actuelles imposent des obligations fortes aux acteurs traditionnels, alors que les acteurs issus du monde numérique y échappent entièrement. Il en résulte des asymétries concurrentielles, dont l’Autorité de la concurrence s’est d’ailleurs inquiétée dans un avis rendu au mois de février 2019.

La saisine de la commission des affaires économiques est riche et diverse, à l’image de ses compétences. La commission des affaires culturelles et de l’éducation a sollicité notre avis au fond sur l’article 60, qui simplifie un certain nombre de procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ; sur l’article 61, qui autorise le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive « ECN + » ; ainsi que sur l’article 64, qui habilite le Gouvernement à transposer la directive européenne établissant le code des communications électroniques européen. Nous reviendrons sur ces enjeux lors de la discussion des amendements. Notre saisine pour avis porte sur les articles 16, 17, 22 et 59. Je souhaiterais m’y attarder de façon plus précise.

Les articles 16, 17 et 22 du projet de loi posent les jalons d’une nouvelle régulation des plateformes numériques audiovisuelles. L’ambition est de taille : il s’agit de répondre aux problématiques de financement de la création, de protection des ayants droit, mais aussi, de façon plus globale, de préservation de notre souveraineté culturelle.

Les articles 16 et 17 du projet de loi assurent la transposition de l’article 17 de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, fruit de plus de quatre ans de débats et de négociations menés à l’échelon européen. Nous créons un nouveau régime de responsabilité pour les plateformes numériques diffusant gratuitement des contenus, comme Youtube, en tirant toutes les conséquences de l’insuffisance actuelle du régime de responsabilité limitée, issue de la directive sur le commerce électronique. Les plateformes pourront désormais voir leur responsabilité engagée en cas d’exploitation de contenus protégés sans l’autorisation des auteurs, sauf si elles parviennent à démontrer qu’elles ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits, pour garantir l’indisponibilité d’œuvres pour lesquelles les titulaires de droits ont fourni les informations pertinentes et nécessaires et qu’elles ont, en tout état de cause, agi promptement. Ce mouvement de responsabilisation devrait permettre un partage plus équitable de la valeur, au bénéfice des ayants droit et, par conséquent, du financement de la création.

La mise en œuvre de ce nouveau régime sera supervisée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’ARCOM, issue de la fusion du CSA et de la HADOPI. La création de ce nouveau régulateur donne une traduction concrète au besoin de régulation des plateformes numériques. C’est là un progrès dont nous devons mesurer toute l’ampleur : nous faisons entrer dans le giron du régulateur audiovisuel français des plateformes numériques qui échappent, sur de nombreux aspects, encore trop au contrôle des États souverains.

L’ARCOM sera dotée d’outils nouveaux, prévus à l’article 22 de la loi, afin que la lutte contre le piratage gagne en efficacité. Avec 10,6 millions de pirates en 2017, les pratiques de téléchargement illégal sont en baisse, grâce au développement de l’offre légale, au volontarisme du juge et au rôle dissuasif joué par la HADOPI. Mais la contrefaçon engendre toujours un manque à gagner annuel pour la filière cinématographique et audiovisuelle française de 1,18 milliard d’euros. Pour l’État, c’est un manque à gagner fiscal annuel de 408 millions d’euros.

L’article 22 prévoit des outils innovants pour lutter avec plus d’efficacité contre les sites miroirs, ces sites condamnés par le juge pour contrefaçon et dont le contenu est repris par un autre site, privant ainsi d’effet la décision du juge. Saisie par un titulaire de droits, l’ARCOM pourra demander le blocage d’un site à un fournisseur d’accès internet (FAI) ou le déréférencement d’un site jugé illicite en application d’une décision initiale du juge. Ces nouveaux moyens devraient permettre un blocage plus rapide des sites miroirs, dans le respect du principe de l’interdiction de surveillance générale posé par la directive sur le commerce électronique. Il faut bien sûr s’en féliciter. Mais nous devons, en tant que législateur, veiller à la portée opérationnelle des dispositifs que nous votons. Les techniques de blocage évoluent rapidement et les acteurs pertinents pour bloquer ou retirer un site ou un contenu contrefaisant aujourd’hui ne seront pas forcément les mêmes demain. C’est pourquoi il me semble essentiel d’inclure également au côté des FAI, les hébergeurs et les services de navigation. Nous travaillons avec ma collègue Aurore Bergé en bonne intelligence à une rédaction commune sur ce sujet.

L’ARCOM est également dotée d’une compétence nouvelle l’habilitant à établir, en respectant le principe du contradictoire, une liste des sites portant atteinte de manière grave et répétée au droit d’auteur et aux droits voisins. En misant sur le principe du « name and shame », les pouvoirs publics déploient des méthodes de régulation modernes dont nous connaissons l’efficacité. L’objectif est double : informer les internautes et tarir l’offre illégale en jouant sur l’effet de réputation et les intermédiaires. L’établissement de cette liste devrait favoriser le développement de ce que l’on appelle le « follow the money », une méthode simple à laquelle je crois beaucoup consistant à faire la transparence sur les flux financiers, afin de renforcer le devoir de vigilance des annonceurs et de les dissuader de financer des sites illégaux. Cette approche est efficace pour lutter contre les sites contrefaisants ; elle l’est aussi pour lutter contre les sites diffusant des contenus haineux.

La chaîne publicitaire, qui fait intervenir un grand nombre d’intermédiaires, est d’une telle complexité, qu’il est en réalité souvent difficile pour un annonceur de savoir sur quel site son annonce figurera in fine. Les annonceurs, les vendeurs et l’ensemble des intermédiaires de la chaîne doivent être davantage responsabilisés dans leurs pratiques. Aux côtés des initiatives prises par les acteurs du secteur, le législateur doit se saisir pleinement de cet enjeu. La loi dite « Sapin » a fixé un cadre, mais les obligations sont incomplètes et insuffisamment respectées. La chaîne publicitaire, comme j’ai eu l’occasion de le mesurer lors des auditions, est encore bien trop opaque. Monsieur le secrétaire d’État, pour avoir eu l’occasion de l’évoquer lors des débats sur la proposition de loi « Avia » contre les contenus haineux sur internet, je sais que c’est un sujet qui vous tient aussi à cœur. Nous devons aller plus loin et réviser le cadre fixé par la loi Sapin.

L’article 59 prévoit la création de France Médias, société mère rassemblant en son sein les filiales France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). L’ambition est à la hauteur des enjeux : le service public audiovisuel doit se construire autour d’une stratégie unifiée, à même de relever le double défi de la mondialisation et du numérique. Les collaborations entre filiales deviendront plus systématiques, les synergies seront renforcées et la mue de l’audiovisuel public vers le numérique pourra s’achever. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur ces sujets lors de la discussion des amendements.

Pour conclure, je voudrais dire quelques mots des enjeux numériques qui nous attendent pour l’avenir. En premier lieu, la question de la donnée, qui occupe d’ores et déjà une place centrale dans l’économie des médias audiovisuels, va devenir de plus en plus prégnante. La question du partage de la valeur associée aux données entre éditeurs et distributeurs doit faire l’objet d’une réflexion approfondie. Il faut que nous garantissions aux éditeurs un accès équitable, transparent et non discriminatoire aux données détenues par les distributeurs.

En second lieu, la question de la régulation des terminaux doit nous préoccuper. En 2025, c’est-à-dire demain, plus d’un Français sur trois disposera d’une enceinte connectée chez soi. Les Français sont d’ores et déjà, pour nombre d’entre eux, équipés en téléviseurs connectés. Les problématiques de référencement, les règles déterminant la mise en avant des services sur les magasins d’application vont se poser de façon croissante, et nous ne pouvons faire l’économie d’un débat éclairé sur ces sujets, afin de construire un cadre de régulation approprié et de garantir les conditions d’une concurrence juste et non faussée entre tous les acteurs de l’audiovisuel.

Enfin, les différents régulateurs des acteurs numériques doivent engager un dialogue et une coopération plus étroite, afin de prendre en compte les externalités potentielles que leurs décisions auraient sur des marchés qui se trouvent à la jonction ou en périphérie de leurs champs de compétences respectifs. À titre d’exemple, un tel dialogue pourrait utilement avoir lieu dans le cadre de la finalisation des recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur les cookies et autres traceurs, dont la nature intéressera directement les acteurs français de la publicité, aujourd’hui en concurrence avec les grandes plateformes numériques étrangères, qui doivent bénéficier d’un terrain de jeu équitable, notamment pour pouvoir se saisir des nouveaux outils que le décret autorisant la publicité segmentée mettra à leur disposition.

Mme Valéria Faure-Muntian. Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique défend un objectif ambitieux et je suis fière de l’étudier avec vous aujourd’hui. Il vise à adapter le cadre législatif de l’audiovisuel, en mutation profonde. Comme vous le savez, nous consommons différemment aujourd’hui. Les offres de vidéo à la demande ne cessent de se multiplier, entre les fournisseurs d’accès à internet, d’un côté, et les services dits de contournement, de l’autre, lesquels rencontrent un grand succès auprès de nos concitoyens. Dans ce contexte, les acteurs historiques de la culture et les médias numériques sont dans une concurrence asymétrique. C’est pourquoi il est impératif d’adapter rapidement notre cadre normatif à ces nouvelles pratiques.

La réforme engagée par le Gouvernement vise aussi bien à dynamiser le secteur qu’à assurer notre souveraineté culturelle. Elle doit permettre le développement de la diversité et de la créativité, ainsi que le rayonnement de l’audiovisuel et du cinéma français, tout en protégeant nos concitoyens de certains excès du numérique et en offrant à tous des services de proximité. Ce soir, nous allons définir des outils pour soutenir l’innovation et répondre au défi de la régulation posé par les services numériques. Nous avons à cœur de protéger les utilisateurs et les ayants droit, mais aussi la dynamique de l’innovation, qui stimule la croissance et répond aux besoins actuels. Nous nous sommes saisis de plusieurs articles, notamment l’article 59, qui consacre la création de la société mère France Médias, qui regroupera les principales entreprises de l’audiovisuel public. Le groupe La République en Marche soutient l’objectif de modification de la gouvernance de l’audiovisuel, afin de définir la stratégie trimédias – radio, télévision, internet – aux niveaux local, national et international.

Les articles 16 et 17 transposent l’article 17 de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins, avec laquelle nous sommes en accord. Le débat européen, qui a duré plus de quatre ans, a permis d’aboutir à un régime de responsabilité des plateformes diffusant gratuitement des contenus. À l’article 22, le projet de loi propose la fusion de la HADOPI et du CSA dans une nouvelle autorité, nommée ARCOM, laquelle deviendra le régulateur unique, mieux armé pour couvrir toutes les problématiques de communication dans l’environnement numérique, y compris celles relatives au droit d’auteur.

Concernant la délégation au fond attribuée à notre commission, nous accordons une pleine confiance à notre rapporteur. Ces articles permettent de renforcer les outils visant à consolider le marché unique du numérique, afin d’offrir au consommateur un service de qualité et de proximité.

Le groupe La République en Marche est favorable à ce texte, qui permet d’adapter notre système juridique au nouveau paysage audiovisuel et de redonner aux acteurs traditionnels les moyens de rester compétitifs. Je tiens à souligner les avancées importantes du texte qui renforce la responsabilité des plateformes numériques en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage et crée une nouvelle stratégie pour le service public de l’audiovisuel. Je salue notre rapporteur pour son travail : ses messages sont clairs et nous assurent l’équilibre et la cohérence du texte.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Le projet de loi soumis à notre examen est particulièrement important, en ce qu’il adapte le cadre législatif du service public de l’audiovisuel aux lourdes mutations du secteur. Malgré son potentiel, notre service public est, une fois de plus, mis à l’épreuve des réalités libérales et de l’évolution technologique du numérique. Nous devons renforcer notre cadre législatif pour faire face à la pression des acteurs internationaux et reprendre la main sur notre souveraineté culturelle. À l’heure où d’autres médias et acteurs s’affirment, l’audiovisuel public doit se transformer pour répondre à cette nouvelle concurrence et offrir à son tour de nouveaux services. Le groupe MODEM et apparentés approuve la volonté du Gouvernement de créer un plus grand dynamisme culturel. Il est primordial que notre service public obtienne les outils nécessaires, afin de remplir sa mission essentielle de cohésion sociale, par le biais de programmes innovants, complets en matière de genres et d’horaires et ouverts vers de nouveaux publics.

Le travail des acteurs de l’audiovisuel doit aussi être protégé et indépendant, permettant une coordination plus opérationnelle du service. Notre service public doit jouer un rôle spécifique dans notre démocratie. Il convient d’incarner les valeurs de qualité et de gouvernance. Au groupe MODEM, nous entendons lui apporter plus de visibilité et de clarté, en définissant précisément ses ambitions. Nous devons simplifier les schémas. Mais nous devons également protéger les citoyens des excès de l’ère numérique et leur offrir un service plus proche et plus efficace. De ce fait, je salue, au nom de mon groupe, la fusion de la HADOPI et du CSA. L’ARCOM aura de nombreuses tâches de plus grande envergure : lutte contre le streaming illégal sous toutes ses formes ; établissement d’une liste noire des sites pirates et suppression de ces sites ; renforcement de la législation audiovisuelle ; ou encore application de mesures préventives. Il est à espérer que ce nouvel organe disposera de moyens à la hauteur de ses ambitions, notamment des outils nécessaires pour lui permettre d’être véritablement impartial et indépendant.

Le texte opère la transposition de nombreuses directives, dont celle sur les services de médias audiovisuels, dite « SMA », qui redéfinit l’indépendance des régulateurs nationaux. Le projet de loi adapte ainsi la protection de toutes les parties prenantes à l’acte de création, en particulier des auteurs et des artistes, en transposant la directive sur le droit d’auteur, votée au Parlement européen en mars 2019, celle relative aux droits voisins ayant déjà été transposée à l’initiative de mon groupe.

Sur un tout autre plan, notre service public doit devenir une véritable industrie à portée internationale dans un paysage audiovisuel mondial marqué par une concurrence de plus en plus vive. Cela doit commencer par une plus grande reconnaissance de France Médias Monde et par la mise en avant de sa chaîne, France 24, qui compte près de 80 millions de téléspectateurs, en moyenne, chaque semaine. Cette chaîne est une vitrine, au service du rayonnement de la France à l’étranger.

Il serait aussi nécessaire de permettre au service public d’être accompagné par des acteurs du digital et du marketing, afin de bénéficier d’un regard extérieur, de nouvelles possibilités d’approches, d’innovation, de dynamisme et de nouveaux outils numériques.

Enfin, il convient de réduire les coûts structurels de la production, dont les coûts internes sont trop élevés. Le système doit être simplifié, afin de donner toute sa souveraineté à France Médias.

Pour conclure, mes chers collègues, il s’agit de renforcer la diversité de notre offre et de renouveler le rapport qu’entretiennent avec elle nos concitoyens.

M. Serge Letchimy. Permettez‑moi de prendre l’outre‑mer comme terrain d’analyse de votre réforme. Sous couvert de mutations numériques, de besoins d’une nouvelle gouvernance de l’audiovisuel, de lutte contre de nouvelles concurrences, de transpositions de directives européennes, vous reconstruisez un service public de l’audiovisuel, en remettant en cause ce qui existe. Vous vous servez de l’idée de la loi de 1986, la liberté de communication, pour aller vers une extinction de ce que l’on peut appeler la diversité culturelle dans la République. À mon sens, l’organisation relative aux pays outre‑mer devrait être sensiblement différente de l’organisation nationale. Vous supprimez France Ô, ainsi que ses déclinaisons en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Polynésie, à Mayotte et en Nouvelle‑Calédonie, en recentrant la production et la pensée audiovisuelles, partant, la culture, au niveau national et en confiant à des plateformes numériques le soin de valoriser notre propre culture ultramarine. C’est une erreur. La survie culturelle de ces territoires nécessite une adéquation entre la communication, l’information, la production de terrain et leur identité, leur culture, leur géographie et, plus encore, leur positionnement dans le monde. C’est en croisant les cultures que l’on peut tirer le maximum de richesses, et non pas en les intégrant à un système assimilationniste. Comment ferez‑vous apparaître l’existence de ces territoires sur des chaînes qui auront été recentrées sur le point de vue national ?

La deuxième chose que vous avez complètement ignorée dans le texte, ce sont les très petites télévisions de proximité. Ce sont de petites chaînes privées, des chaînes populaires, qui tirent leur essence, leur existence et leurs moyens d’un travail incroyable visant à démontrer que ces territoires éloignés ne se résument pas aux grèves, aux assassinats ou à la délinquance, soit autant de biais de stigmatisation, mais qu’il existe aussi, chez eux, diverses formes de beauté à privilégier, tant dans leur paysage que dans leur culture. Ces petites chaînes représentent de 18 à 40 % des parts d’audience, à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe. C’est un million de personnes qui les regardent fréquemment, sur les 2,3 millions d’habitants. Ce sont cinq cents salariés et sept cents intermittents. Que leur proposez‑vous ? Comment allez‑vous organiser le marché publicitaire pour éviter qu’elles ne soient en concurrence directe avec les chaînes dites nationales, qui bénéficieront, elles, d’une subvention de l’État ? Comment pouvez‑vous assurer le marché des achats de contenus sur le plan national et sur le plan local ? Comment comptez‑vous renforcer la production locale de ces petites chaînes mais aussi des chaînes publiques locales ?

M. François Ruffin. Monsieur le secrétaire d’État, vous faites une loi sur les médias, soit, au sens étymologique, sur les « moyens ». Mais à quelle fin ? Dans le texte, le mot « écologie » apparaît zéro fois, tout comme le mot « démocratie », mais le mot « finances » apparaît neuf fois, « concurrence » vingt fois et « consommation » cinq. Le texte ne va pas passer par la commission du développement durable, et je le regrette. Je pense, en effet, que tout projet devrait être examiné par le ministère de l’écologie et, chez nous, par la commission du développement durable, dans la mesure où il existe toujours un enjeu écologique ou, en l’occurrence, anti‑écologique. Vous ajoutez une troisième coupure publicitaire à l’intérieur des films. Vous proposez que, pendant les rencontres sportives, l’écran soit partagé entre la publicité d’un côté et le match ou le Tour de France de l’autre. Vous offrez la possibilité de placer des produits dans des séries. En somme, vous ouvrez un nouveau champ aux marques, pour qu’elles décident de ce qui doit exister ou non dans notre société, qu’elles dessinent ce qu’est la réussite, le progrès ou le bonheur : des voitures, des parfums ou des bijoux.

Aussi la véritable question est‑elle moins : au service de quoi faites‑vous la réforme, mais au service de qui ? Clairement, de Bolloré avec Canal + et C8, de Bouygues avec TF1 et LCI et de Drahi avec BFM ! Les justifications de vos mesures se font en permanence sur le terrain de la compétitivité, de la concurrence, du pouvoir d’attraction auprès des marques et en faveur de ces chaînes de télévision. Il s’agit évidemment d’un cadeau discret offert à ces magnats des médias, qui ont ouvertement fait campagne pour M. Emmanuel Macron, un retour d’ascenseur. Dans une proposition de loi, j’avais avancé que l’on croisait 5 000 marques par jour. Un spécialiste m’avait corrigé : on en croiserait 10 000 ! Les 2 000 publicités quotidiennes ne sont‑elles pas suffisantes à vos yeux ? Considérez‑vous qu’il n’y a pas suffisamment de temps de cerveau disponible offert par TF1 à Coca‑Cola ? Faut‑il resserrer encore les barreaux de la cage de fer du consumérisme ou, au contraire, les desserrer, pour aider les cerveaux et les esprits à s’en échapper, afin de connaître notre passé, de nous informer sur notre présent, de bâtir notre avenir et de mettre les médias au service d’autres valeurs que l’argent ?

Mme Christine Hennion. J’ai eu l’occasion d’étudier ce texte dans le cadre de la commission des affaires européennes où j’ai pu voir tout ce que l’Europe lui avait apporté. S’il transpose cinq directives, n’oublions pas qu’elles ont été en grande partie inspirées par la France, aussi bien pour ce qui concerne les droits d’auteur que pour ce qui relève du droit européen des télécommunications. Il est très important de percevoir cette dimension du texte, lequel est un moyen d’affirmer notre souveraineté culturelle européenne. Une telle évolution nous semble peut‑être moins évidente en France, où nous avons déjà l’habitude d’avoir 30 % de contenus européens dans nos programmes, mais cela n’est pas forcément le cas dans tous les pays européens. C’est une vraie chance pour l’Europe.

La France étant l’un des premiers pays à transposer certaines directives, comme celle sur le droit d’auteur, beaucoup de discussions sont encore en cours à Bruxelles pour préciser les lignes directrices et voir notamment ce que signifient les « meilleurs efforts » pour les plateformes qui vont devoir rémunérer les auteurs. Comment faire pour éviter l’insécurité juridique ? D’autres points auraient pu être davantage creusés. Les opérateurs et services overthetop (OTT) apparaissent dans le code des communications électroniques européen. Mais qu’en est‑il, par exemple, des jeux vidéo, alors que les frontières avec le cinéma et les dessins animés sont de plus en plus poreuses ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat chargé du numérique. Monsieur Letchimy, je vous remercie pour votre question. Le traitement des outre‑mer, dans le cadre de la réforme audiovisuelle et de la création de France Médias, a fait l’objet de plusieurs débats. J’étais d’ailleurs la semaine dernière en Guyane, où la question a été abordée, notamment sur les plateaux de Guyane La Première et de Kourou TV. Il me semble – corrigez‑moi, Monsieur Letchimy, si je me trompe – que ce qui tient au cœur des outre‑mer, avant même de disposer de leurs propres chaînes de télévision, c’est d’être intégrés comme des territoires de plein droit, d’être traités comme les autres et d’être visibles, en tant que parties d’une République indivisible, au sein de la collectivité nationale.

Aussi devons‑nous nous demander comment améliorer encore la visibilité des outre‑mer. France Ô était‑elle vraiment la meilleure manière de traiter les outre‑mer et la question des outre‑mer au sein des programmes télévisuels nationaux ? Si je comprends bien le symbole que représente la chaîne. France Ô remplissait, en réalité, assez imparfaitement cette mission. C’est pourquoi nous avons décidé d’arrêter sa diffusion hertzienne, qui sera effective au 9 août 2020. La date a été volontairement choisie afin d’assurer une période de transition après le lancement de la plateforme numérique réservée aux outre‑mer, prévue le 31 mars.

J’en reviens à la question de la visibilité des outre-mer sur France Télévisions, qui me paraît essentielle. Certes, France Ô était regardée par les Ultramarins pour les informations qu’elle diffusait sur ces derniers mais, comme vous l’avez souligné, les petites télévisions locales rassemblaient une audience plus nombreuse encore.

Le plus important, c’est bien que les Français de l’Hexagone aient accès à la réalité des outre-mer, et ce souci a été au cœur des discussions sur le pacte pour la visibilité des outre-mer signé le 11 juillet dernier entre France Télévisions et le Gouvernement. De nombreux parlementaires se sont également impliqués sur ce sujet. L’objectif est d’augmenter la visibilité des outre-mer sur France Télévisions. Il se décline en 25 engagements mesurés par 11 indicateurs.

Le cahier des charges de France Télévision intègre désormais un nouvel article consacré aux outre-mer qui reprend de nombreux engagements du pacte et qui prévoit de garantir une place appropriée à l’actualité, aux territoires et aux populations d’outre-mer dans les éditions nationales d’information de France Télévisions et de diffuser un programme ultramarin en première partie de soirée sur une antenne nationale chaque mois, un magazine généraliste consacré à l’actualité, aux sociétés et aux cultures d’outre-mer, un bulletin quotidien d’information sur l’outre-mer et des documentaires ultramarins de façon régulière.

Le pacte inclut également un soutien à la production de documentaires tournés en outre-mer à hauteur d’au moins 2 millions d’euros par an.

Le premier bilan de suivi des engagements de ce pacte est très positif : 23 des 25 engagements ont d’ores et déjà été remplis.

Concernant les petites chaînes outre-mer, il ne me semble pas que la réforme modifie la situation actuelle : le projet de loi ne tend pas à créer un déséquilibre nouveau. La charte conclue en 2015 sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour éviter une concurrence déloyale des grandes chaînes nationales à l’encontre des chaînes locales en matière de publicité reste applicable et fera l’objet d’une supervision spécifique par le régulateur.

Je suis convaincu que la visibilité des outre-mer au plan national sera meilleure après la réforme et qu’il ne faut pas s’arrêter à la seule suppression de France Ô. Une fois encore, cet objectif sera sans doute mieux servi par l’attribution de créneaux spécifiques au sein de chaînes nationales regardées à la fois par les Français de l’Hexagone et des outre-mer que par l’existence d’une chaîne spécifique.

J’en viens à l’intervention de M. Ruffin, qui était assez fournie. Vous posez au fond la question de l’opportunité de la propriété privée des médias, Monsieur le député, mais à mon sens cette situation vaut mieux qu’un monopole de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF).

Le but assigné à ce projet de loi est de donner à l’audiovisuel public, aux chaînes existantes, les moyens de se battre à armes égales avec les acteurs tels que Netflix en leur garantissant un montant d’investissement suffisant pour hisser l’expérience des utilisateurs au niveau de ces plateformes émergentes, dont les capacités en termes d’investissement, de diffusion et d’attraction sont aujourd’hui bien supérieures.

Certes, Netflix et les nouveaux entrants du monde numérique doivent prendre leur juste part dans le financement de la création culturelle française et ne peuvent continuer d’échapper aux règles en vigueur. Toutefois, si ces services ont une audience aussi importante, c’est notamment en raison de leurs capacités d’investissement.

Vous pouvez bien sûr m’objecter la nécessité d’accroître l’investissement de la puissance publique. Je rappelle néanmoins que le financement de la télévision publique continue de reposer sur la redevance : si nous décidions de nationaliser toutes les chaînes de télévision au motif que la propriété privée des médias serait un problème, il faudrait non seulement lui appliquer un coefficient multiplicateur correspondant au nombre de chaînes à financer, mais aussi augmenter sa valeur pour assurer un niveau de qualité de service suffisant.

Comme souvent, Monsieur Ruffin, vous faites un raccourci en agitant le chiffon rouge des intérêts privés, mais il y a une régulation des médias audiovisuels, et les sociétés de rédaction ont fait la preuve à plusieurs reprises de leur indépendance. Je vous le concède, nous n’avons pas prévu de remettre en question le principe de la propriété privée qui régit notre économie, mais vous pourrez nous savoir gré de tout mettre en œuvre pour essayer, dans ce système, de trouver les voies et moyens permettant le financement de programmes de qualité avec, concernant le service public, une mission spécifique de promotion de la culture.

Vous avez raison de souligner les problèmes posés par l’économie de la gratuité car, comme on le dit, quand c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit. Le fait est que, en particulier sur internet, le paiement est biaisé, il intervient par des moyens détournés. Les solutions ne sont pas simples, et vous semblez vous-même à court de propositions pour répondre aux problèmes posés.

L’urgence actuelle, c’est-à-dire la concurrence des sociétés américaines ou étrangères, qui gagnent de plus en plus de parts de marché, nous commande de donner à nos entreprises, aux médias culturels européens, la capacité de se battre à armes égales avec leurs concurrents dans le cadre régulé existant propre à la presse.

Quant aux thèmes de la démocratie et de l’environnement, il me paraît plus judicieux de faire en sorte que les médias concernés par le projet de loi puissent les développer en toute indépendance, plutôt que d’influencer leur ligne éditoriale. Une telle immixtion de la part du Gouvernement, du Parlement ou de toute autorité politique serait d’ailleurs malvenue. La démocratie, en particulier, s’appuie notamment sur la pluralité, la diversité des médias, laquelle est menacée par les difficultés que rencontre le modèle économique actuel et que nous essayons de résoudre.

Madame la députée Christine Hennion, vous m’avez interrogé sur la notion de « meilleurs efforts ». Nous avons déjà eu un débat de la même teneur au sujet de la proposition de loi de votre collègue Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Nous nous dirigeons en effet de plus en plus vers une politique publique dite de la compliance, terme anglo-saxon pour lequel il n’existe pas de traduction en français, la notion de meilleurs efforts étant elle-même ancrée dans la tradition juridique anglo-saxonne : les entreprises doivent démontrer qu’elles fournissent leurs meilleurs efforts pour remplir les conditions requises par le régulateur, qui aura les moyens de le vérifier par ses pouvoirs d’enquête sur pièces et sur place.

L’histoire a montré qu’il est vain de figer le dispositif légal : parce qu’il est difficile d’anticiper les modèles d’affaires ou les produits qui seront développés dans le futur au moment de l’écriture de la loi, celle-ci est souvent contournée. La notion de meilleurs efforts gagnerait peut-être à être mieux définie, au moyen par exemple d’un faisceau d’indices, mais il convient de laisser le régulateur juger de la bonne foi des entreprises, comme c’est le cas pour la régulation des télécommunications, et il revient toujours au juge d’apprécier une telle adéquation en dernière instance. Si une sanction doit être prise, l’entreprise peut saisir le juge, lequel évaluera si les meilleurs efforts ont été mis en place en l’espèce.

Sur les jeux vidéo, j’avoue que vous me prenez un peu de court. Comme vous le voyez, des réponses m’ont été transmises en direct, mais en raison de leur caractère illisible et complexe, je vous propose que nous y revenions en séance dans un mois.

M. le président Roland Lescure. Voilà qui en dit long sur les compétences manuscrites de votre équipe, Monsieur le secrétaire d’État – vous n’êtes pas chargé du numérique sans raison ! (Sourires.)

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre présence en commission des affaires économiques pour accompagner le début de l’examen de ce projet de loi de réforme audiovisuelle, qui se poursuivra la semaine prochaine en commission des affaires culturelles.

Les interventions des différents orateurs n’appelant pas nécessairement de réponse de ma part, je m’en tiendrai à quelques remarques.

J’avais cru, constatant que vous n’aviez déposé aucun amendement, que vous étiez favorable au texte, Monsieur Ruffin. J’ai donc été un peu surpris du ton de votre propos. Vous affirmez en particulier qu’il n’est pas question d’environnement dans le projet de loi. Or, il est précisé à l’alinéa 37 de l’article 59 que les sociétés de l’audiovisuel public, dans le cadre de leurs missions de service public, « participent à l’éducation à l’environnement et au développement durable », ce qui constitue au moins une mention.

En outre, nous allons examiner un amendement déposé par M. Matthieu Orphelin auquel je donnerai un avis favorable et qui a pour objet de renforcer la mobilisation des médias de l’audiovisuel public afin qu’ils recherchent une plus grande cohérence entre la publicité qu’ils diffusent et les enjeux de la transition écologique. Vous le voyez : nous sommes capables de manier en même temps les deux concepts sur lesquels vous vous êtes exprimé.

Sur la notion de meilleurs efforts, je vous invite à vous reporter à l’article 22 du projet de loi, qui précise la mission d’évaluation de l’ARCOM à cet égard. Comme l’a dit le secrétaire d’État, l’interprétation de ce concept juridique anglo-saxon appelle encore quelques précisions.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. J’ajouterai un dernier élément au sujet d’un amendement du rapporteur qui reprend un dispositif introduit dans la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Cet amendement tend à ce que les annonceurs publient la liste des sites avec lesquels ils entretiennent des relations commerciales afin d’éviter le financement de sites illégaux ou préalablement condamnés. Je vois cette mesure d’un œil très favorable, même si elle pose inévitablement des questions techniques, qui ne sauraient néanmoins constituer un obstacle dirimant à son application. Je propose au rapporteur qu’une concertation soit menée afin que nous puissions progresser sur le sujet d’ici à la séance.

La commission en vient à lexamen des articles du projet de loi.

M. le président Roland Lescure. Nous examinons, par priorité, les articles pour lesquels la commission des affaires culturelles et de l’éducation a sollicité notre avis, à savoir les articles 60, 61 et 64.

Article 60 (articles L. 450-4, L. 461-3, L. 462-2-1 [abrogé], L. 464-5 [abrogé], et L. 464-9 du code de commerce) : Mesures de simplification des procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE67, CE72 et CE73 du rapporteur pour avis.

Puis elle examine lamendement CE68 du rapporteur pour avis

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à supprimer les dispositions qui tendent à faire de la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence la procédure de droit commun.

Le dispositif actuel suscite des grandes craintes qui émanent à la fois du monde entrepreneurial et des avocats. Un rééquilibrage du dispositif est nécessaire. Faute de mieux, je propose à ce stade la suppression de ces dispositions et je souhaite que nous travaillions avec le Gouvernement à une nouvelle disposition en vue de la séance.

Je préfère supprimer un alinéa en amont de l’examen du texte en séance et en aviser l’ensemble des acteurs concernés par le dispositif. En prenant ainsi acte de l’impossibilité d’améliorer celui-ci par voie d’amendement au stade de l’examen en commission, nous pourrons travailler à une rédaction plus cohérente, plus résistante et conforme à l’objectif qui était visé à l’origine.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements de coordination juridique CE69 et CE70 du rapporteur pour avis.

Elle adopte enfin larticle 60 modifié.

Article 61 : Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive « ECN + » et à prendre dautres mesures de simplification des procédures

La commission adopte lamendement rédactionnel CE66 du rapporteur pour avis.

Elle adopte ensuite larticle 61 modifié.

Article 64 : Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive portant code des communications électroniques européennes et à prendre diverses aux autres mesures de simplification et dadaptation du code des postes et des communications électroniques

La commission adopte les amendements rédactionnels CE65 et CE64 du rapporteur pour avis.

Puis elle adopte larticle 64 modifié.

Article 16 : Transposition en droit interne des dispositions de larticle 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits dauteurs

La commission examine lamendement CE60 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. L’objectif de cet amendement est de prévoir expressément la possibilité pour les ayants droit de passer par des tiers pour transmettre les informations pertinentes aux plateformes, en l’occurrence leurs empreintes. Dans la pratique, les ayants droit passent déjà par des fournisseurs de technologie spécialisés dans l’identification des contenus audio ou vidéo pour centraliser leurs empreintes et les communiquer aux plateformes.

La commission adopte lamendement.

La commission est ensuite saisie de lamendement CE61 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objectif de permettre aux vidéastes, autrement appelés youtubeurs, des solutions de recours internes en cas de décision affectant les revenus qu’ils tirent de la publication de leurs contenus.

La commission adopte lamendement.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 16 modifié.

Article 17 : Transposition en droit interne des dispositions de larticle 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit dauteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits dauteurs

La commission examine lamendement CE62 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. À linstar du premier amendement que jai déposé à larticle 16, le présent amendement vise à apporter une précision concernant les modalités de transmission des informations pertinentes et nécessaires que les ayants droit devront transmettre aux services de diffusion de contenus.

La commission adopte lamendement.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 17 modifié.

Article 22 : Définition des missions de lARCOM dans la lutte contre le piratage

La commission examine lamendement CE71 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Il s’agit de l’amendement auquel le secrétaire d’État a fait référence avant de quitter la salle : dans la continuité de la proposition de loi de Mme Laetitia Avia, nous reprenons le dispositif « follow the money » en le rendant plus offensif.

L’amendement tend à apporter des précisions concernant les nouvelles obligations qui seront faites aux acteurs de la publicité et du paiement en ligne dans le cadre du présent projet de loi en reprenant la rédaction retenue dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Il est en effet nécessaire d’englober tous les acteurs de la chaîne publicitaire et de préciser que la publication des relations commerciales avec des sites contrefaisants devra être annuelle.

La commission adopte lamendement.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 22 modifié.

Après larticle 22

La commission examine lamendement CE63 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. L’amendement qui vient d’être adopté était la première lame du rasoir ; voici la seconde.

Prenant acte d’une situation qui nuit à la clarté de l’information à destination de l’annonceur et donc à l’efficacité des dispositifs « follow the money », le présent amendement vise à obliger les vendeurs d’espaces publicitaires à communiquer les noms de domaine aux annonceurs et à instaurer une amende de 30 000 euros en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 23 de la loi « Sapin » – les obligations inscrites dans ce dernier texte étaient non contraignantes.

L’objectif est de renforcer l’efficacité des dispositifs « follow the money » afin d’assécher le financement des sites contrefaisants.

La commission adopte lamendement.

Article 59 : Missions, organisation et gouvernance de laudiovisuel public

La commission examine lamendement CE45 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il s’agit d’un amendement de précision tendant à clarifier les missions de service public des sociétés mentionnées aux articles 44 et 45 de la loi du 30 septembre 1986 en insérant une référence à l’éducation.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je tiens tout d’abord à saluer le travail de Mme Bessot Ballot sur ce texte et son investissement, car ce premier amendement sera suivi de nombreux autres, et tous abordent des sujets importants.

L’éducation en est un, mais elle est mentionnée à l’alinéa 33 de l’article 59 au titre de mission de service public. Un ajout en début d’article serait donc superfétatoire. C’est pourquoi je vous demanderai de retirer cet amendement, Madame la députée ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE46 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’amendement vise à inclure un objectif de diffusion de 50 % de compétitions féminines dans l’offre de programmes de proximité de façon à atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes à la télévision.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de préciser que les compétitions sportives diffusées par le service public audiovisuel devront comprendre une part d’événements féminins.

Même si l’ajout me semble peu normatif, j’adhère largement à l’objectif visé et m’en remettrai donc à la sagesse de la commission.

M. Fabien Di Filippo. L’objectif paraît louable, mais pose des questions en termes d’application. S’agit-il de temps strict durant lequel on ne montre que des pratiques féminines distinctes des pratiques masculines, ou peut-on comptabiliser une diffusion mixte telle que celle de Roland Garros, compétition qui s’étale sur deux semaines avec une alternance de matchs féminins et masculins ? En outre, certaines disciplines sportives de compétition sont moins féminisées que d’autres. Peut-être quelques précisions sont-elles nécessaires avant de voter cet amendement, car son application me semble assez complexe ; il ne suffit pas d’écrire le principe pour le rendre opérant.

Mme Barbara Bessot Ballot. J’entends bien vos arguments, mais l’inscription dans la loi d’une politique volontaire me paraît indispensable pour avancer. De fait, les compétitions masculines occupent une part plus importante du temps de diffusion des programmes sportifs. Concernant le tournoi des six nations au rugby, dont plusieurs matchs masculins ont été diffusés le week-end dernier, une place plus importante est faite aux féminines, puisque deux rencontres sont retransmises cette année sur France 2. La diffusion des compétitions féminines commence donc à se développer.

Il y a aussi toute une économie qui gravite autour de ces retransmissions. En inscrivant dans la loi qu’il est nécessaire d’avoir une visibilité plus importante du sport féminin, nous encourageons aussi un rééquilibrage de l’économie du sport à la télévision.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement CE48 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’amendement, de précision, vise à inclure la dimension européenne de l’actualité.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Parce que la sensibilité bien connue de la Haute-Saône pour la dimension européenne est partagée par le plus grand nombre sur ces bancs, l’avis est favorable.

La commission adopte lamendement.

La commission examine lamendement CE49 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’apprentissage des langues étrangères revêt une importance majeure dans nos sociétés multilingues. J’avais d’ailleurs développé ce sujet dans ma profession de foi aux élections législatives, en défendant un accès plus naturel aux langues dans tous les territoires.

On constate quand on voyage à l’étranger que l’audiovisuel public propose des programmes en langues étrangères. De tels services me paraissent devoir être proposés aussi en France, de façon que nos enfants puissent apprendre des langues plus facilement en regardant la télévision.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je partage pleinement cet objectif mais étant donné que l’alinéa 36 prévoit la diffusion d’œuvres étrangères dans leur version originale, cet amendement me paraît déjà satisfait. Je vous demanderai donc de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Barbara Bessot Ballot. Nous avons longuement discuté de ce sujet, notamment parce qu’un texte était en préparation, et je sais que le Gouvernement a cette même volonté de mettre les langues à l’honneur sur la télévision publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE47 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’article 54 du présent projet de loi prévoit l’adoption de codes de bonne conduite afin de prévenir l’exposition des enfants aux publicités relatives à des aliments ou boissons dont la présence excessive dans le régime alimentaire n’est pas recommandée. En effet, l’impact de la télévision sur les comportements alimentaires, notamment auprès des plus jeunes, est une question de santé publique primordiale.

L’amendement vise ainsi à ajouter aux missions de service public audiovisuel le fait d’assurer une alimentation saine, sûre et durable, telle que nous l’avions défendue dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM).

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je partage les objectifs de l’amendement, mais l’ajout que vous suggérez est inclus dans la mission plus globale d’information sur la santé prévue à l’alinéa 38 ainsi que dans les missions relatives à l’environnement et au développement durable inscrites à l’alinéa 37.

Il me paraît donc répétitif de prévoir dans la loi cette mission supplémentaire, même si elle est fondamentale.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE74 du rapporteur.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Cet amendement, dont M. Mathieu Orphelin est à l’origine, a pour objet de renforcer la mobilisation des médias de l’audiovisuel public afin qu’ils recherchent une plus grande cohérence entre la publicité qu’ils diffusent et les enjeux de la transition écologique, et en fassent état dans un rapport annuel.

Cette mobilisation spécifique aux médias du service public – Radio France, France Télévisions, France Médias Monde, ARTE et TV5 Monde – a vocation à être étendue par la suite au secteur privé.

M. Mathieu Orphelin m’ayant prévenu qu’il ne pourrait être présent, j’ai déposé un amendement identique au sien, mais je rends à César ce qui appartient à César.

M. Fabien Di Filippo. Si je comprends bien, il s’agit pour les sociétés de l’audiovisuel public d’établir un rapport annuel, mais comment ces prestataires pourront-ils favoriser les publicités à visée environnementale ? En proposant des tarifs préférentiels ? Rien n’est précisé non plus sur ce qu’on peut considérer comme une publicité allant dans le sens du développement durable.

À nouveau, si je vous rejoins sur le principe, il me semble que cette disposition pose plusieurs problèmes d’ordre pratique. J’aimerais savoir si M. Orphelin vous en a dit davantage sur ses intentions, Monsieur le rapporteur.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. M. Orphelin na pas été plus détaillé dans ses explications, mais le dispositif quil présente ne fixe pas un cadre très contraignant. Lobjectif est de consigner dans un rapport les efforts mis en œuvre en matière de publicité au regard des enjeux de la transition écologique, de la lutte contre le gaspillage, de la préservation des ressources et du développement durable. Concrètement, la ventilation par catégorie des publicités diffusées permettra de mesurer la mobilisation des sociétés de laudiovisuel public. Cest du moins ce que je comprends, et cest la raison pour laquelle je défends cette disposition.

M. Fabien Di Filippo. S’agit-il de mesurer ou de fixer des critères, comme pour le « Manger-Bouger » ?

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je comprends votre inquiétude, mais il s’agit uniquement d’évaluer la publicité et de mesurer son respect de certains critères.

La commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE50 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement concerne la diffusion d’œuvres et de programmes en version originale sous-titrée, dans le cadre des efforts en faveur de l’apprentissage des œuvres étrangères.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. L’article 59 prévoit que le cahier des charges de la société France Télévisions précise les conditions dans lesquelles elle met en œuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les œuvres de fiction qu’elle diffuse, sa mission de promotion de l’apprentissage des langues étrangères.

Pour ce qui concerne la question de la diffusion de programmes en version originale sous-titrée proposée par votre amendement, j’en partage les objectifs mais cela ne relève pas du domaine de la loi : l’article 26 du cahier des charges de France Télévisions prévoit déjà l’obligation pour la chaîne de « favoriser l’apprentissage des langues étrangères par la diffusion de programmes spécifiques, notamment destinés à la jeunesse, ainsi qu’en développant une offre de programmes en version multilingue, en particulier des œuvres de fiction ». Il précise en outre qu’à cette fin France Télévisions « s’appuie sur les possibilités offertes par la technologie numérique, qui permet au téléspectateur de choisir la version linguistique du programme, originale, avec ou sans sous-titre, ou doublée en français ».

Le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel relatif à l’exécution du cahier des charges de France Télévisions pour l’année 2018 souligne que l’entreprise a proposé 1 170 heures de programmes en version multilingue sur l’ensemble de ses antennes, soit une hausse de plus de 30 % par rapport à 2017.

Je demande donc le retrait de cet amendement sinon avis défavorable.

Mme Barbara Bessot Ballot. À vous entendre, Monsieur le rapporteur, l’amendement est satisfait et je vais donc le retirer. Néanmoins, j’aurais préféré que cela soit inscrit dans la loi.

M. Fabien Di Filippo. Un certain nombre d’amendements portaient sur la pratique des langues étrangères à la télévision. Or il me semble que, si nous créons un outil tel que France Médias, c’est avant tout pour promouvoir et diffuser la culture française.

Il existe déjà des programmes, y compris des dessins animés, faits pour promouvoir l’apprentissage des langues, et il me semble qu’aller plus loin doit impliquer a minima des accords conventionnels avec les médias étrangers pour qu’ils diffusent des films en français sous-titrés. Nous faisons toujours preuve d’une grande ouverture en la matière, mais il me semble que le principe de réciprocité doit être respecté.

M. le président Roland Lescure. Ayant vécu une bonne dizaine d’années dans un pays bilingue, j’ai eu l’occasion de voir à la télévision beaucoup de films en français, sous-titrés ou non. Nous sommes en la matière en retard sur les Scandinaves, les Canadiens et les Anglais. Évidemment, il y a les Américains, et vous avez raison d’insister sur le principe de réciprocité.

Lamendement CE50 est retiré.

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 59 modifié.

Puis elle émet un avis favorable à ladoption de lensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

I.   Audition de M. Franck riester, ministre de la culture

Lors de sa réunion du mardi 18 février 2020, la commission auditionne M. Franck Riester, ministre de la culture ([11]).

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Mes chers collègues, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique doit être examiné en séance à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mars. Aussi avons-nous invité M. le ministre de la culture, que je remercie vivement d’être présent parmi nous, à se prêter à une audition consacrée à la diplomatie culturelle et d’influence de la France, sujet ô combien important pour notre commission.

Notre audiovisuel extérieur s’appuie sur nombre d’intervenants, en particulier France Médias Monde, TV5 Monde et ARTE ; il concourt à notre diplomatie d’influence et participe à la promotion de la francophonie et de la diversité culturelle. En prévision de l’examen du projet de loi, notre commission a créé, à l’automne dernier, un groupe de travail sur l’audiovisuel français dans le monde. Je tiens à remercier l’ensemble de ses membres, qui ont contribué à mettre sur la table un certain nombre de propositions, tout particulièrement Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de notre commission sur le projet de loi, et Alain David, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l’action audiovisuelle extérieure.

Je vous ai envoyé ces propositions dès le mois de novembre dernier, monsieur le ministre. Parmi celles-ci figurent la création d’un budget plancher pour France Médias Monde, future filiale de la holding France Médias, ou encore la nomination de deux des quatre personnalités qualifiées de son conseil d’administration par les commissions parlementaires chargées des affaires étrangères, afin de s’assurer que les enjeux propres à l’audiovisuel extérieur soient réellement pris en compte au sein de la future holding. Nous appelons aussi à une reconnaissance de la contribution de l’audiovisuel extérieur à l’aide publique au développement de la France, à la création d’une instance de coordination de l’action internationale de l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public qui seront intégrés à France Médias, à la promotion de la création et de la diffusion de la création audiovisuelle française dans le monde, ainsi qu’à une meilleure accessibilité des chaînes françaises à l’étranger, en particulier celles de France Télévisions. Nous serions très heureux, monsieur le ministre, de vous entendre sur ces propositions.

M. Franck Riester, ministre de la culture. C’est un vrai plaisir que d’être cet après-midi devant vous, et pour la première fois, d’ailleurs, en ce lieu, pour parler d’un projet de loi majeur pour l’avenir de la diplomatie culturelle de notre pays. Certes, son titre est un peu long, mais il concerne notamment la souveraineté culturelle de notre pays, question à laquelle je vous sais très attachés. Je vous remercie de votre invitation, ainsi que de vos contributions, que Mme la présidente a bien voulu me transmettre. Nous étions convenus qu’il était important que nous en parlions ensemble, notamment lors de cette audition, même si, bien évidemment, j’ai bien pris en compte un certain nombre de vos remarques dans le cadre de la réflexion que j’ai menée avec mes équipes.

Depuis que je suis devenu ministre, je veille à ne pas exclure la dimension internationale du champ de la culture. De la même façon, les affaires étrangères ne sauraient évacuer la question de la culture. Mon collègue Jean-Yves Le Drian, que je tiens à saluer, et avec qui nous travaillons étroitement sur de très nombreux sujets, l’a rappelé la semaine dernière encore lors de son audition devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation : la culture est un moyen de consolider la souveraineté et la place de notre pays ‑ et de l’Europe – dans la mondialisation. La culture contribue au rayonnement de notre pays, partout dans le monde. J’en suis pleinement convaincu, et les voyages relativement nombreux que j’ai eu l’occasion de faire en quinze mois me l’ont démontré, si tant est que cela fût nécessaire. C’est tout particulièrement le cas dans le domaine de l’audiovisuel, bien sûr, à travers nos programmes audiovisuels, notre cinéma et nos contenus d’information.

Sur ce terrain, nous assistons depuis plusieurs années à une véritable bataille des contenus. De nouveaux diffuseurs ont vu le jour, avec des capacités d’investissement considérables et des offres de programmes globalisées. Des réseaux sociaux de plus en plus puissants se sont peu à peu imposés comme sources d’information. Ces nouveaux acteurs ont su séduire les Français, leur apporter des services souvent très appréciés, mais leur taille et leur caractère global portent le germe d’un risque d’uniformisation, le risque d’une domination sans partage des plus gros acteurs, qui sont tous étrangers.

Face à ce risque, nous sommes convaincus que nous devons donner à nos acteurs nationaux les moyens de rayonner davantage encore, et créer un cadre qui permettra l’intégration vertueuse de ces nouveaux acteurs étrangers à notre modèle, au bénéfice de la diversité culturelle. Je veux que nous donnions à nos acteurs nationaux les moyens d’être des champions. Le premier d’entre eux doit être notre audiovisuel public. Mon ambition est d’en faire une référence en Europe et dans le monde. Il a tous les atouts pour le devenir. En matière d’action audiovisuelle extérieure, notre pays a la chance d’avoir des acteurs dont le mérite est incontestable, et auxquels je sais que votre commission est particulièrement attachée.

Je pense en premier lieu, évidemment, à France Médias Monde. Pas plus tard que ce matin, j’ai participé à la matinale de Radio France internationale (RFI), qui est l’une de ses composantes. France Médias Monde est et doit rester le média français d’information internationale de référence, qui défend nos valeurs partagées d’indépendance, de démocratie et de pluralisme. À travers France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya (MCD), France Médias Monde offre aux auditeurs et aux téléspectateurs, en quinze langues différentes et sur les cinq continents, une information ouverte sur le monde et sur la diversité des cultures et des points de vue, au moyen de journaux d’information, de reportages, de magazines et de débats. Dans l’environnement international complexe que nous connaissons, son rôle est plus essentiel que jamais : la liberté d’information, la lutte contre les « infox » – les fameuses fake news –, le rayonnement culturel de la France, l’éducation et la promotion de la francophonie doivent être au cœur de son action.

Je pense aussi, bien sûr, à TV5 Monde : distribuée dans plus de 200 pays auprès de 364 millions de foyers, elle est le premier outil de promotion des programmes audiovisuels français et francophones, lesquels représentent 68 % du temps d’antenne de la chaîne. La diffusion linéaire se doublera, à compter de cette année, d’une plateforme numérique en cours de développement, dénommée TV5 Monde plus. La France prend pour deux ans la présidence de la conférence de TV5 Monde, ce qui constitue une belle occasion de bâtir le prochain plan stratégique de la chaîne. Nous le ferons aux côtés de nos amis belges, suisses, canadiens et québécois, en liaison avec vous, parlementaires, et j’espère que nous serons très vite rejoints par d’autres.

La chaîne ARTE joue également un rôle tout particulier, et même central, dans le rayonnement de notre création. Utopie devenue réalité, elle est un modèle de la coopération avec nos voisins d’outre-Rhin, un pont essentiel entre nos deux pays. C’est également une entreprise dont la projection dépasse désormais la France et l’Allemagne : grâce à son offre numérique multilingue – ARTE en six langues –, elle est désormais partie à la conquête de nouveaux publics, en Europe et au-delà.

Enfin, les sociétés à vocation plus nationale que sont France Télévisions et Radio France ne doivent pas être oubliées. France Télévisions distribue ses chaînes dans 70 pays, auprès de 38 millions de foyers, et les auditeurs de Radio France se recrutent bien au-delà de nos frontières – j’en veux pour preuve les déclarations du fondateur de Twitter, Jack Dorsey, qui qualifie régulièrement FIP de « meilleure radio du monde ».

Les résultats de notre action audiovisuelle extérieure sont indéniables. Les défis à relever face à la transformation numérique, à l’émergence des nouveaux acteurs et au contexte international de plus en plus complexe le sont tout autant. Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique doit nous permettre collectivement de relever ces défis. Je le présenterai à la commission des affaires culturelles et de l’éducation la semaine prochaine, et il sera examiné en séance publique à partir du 30 ou du 31 mars.

L’une des ambitions de ce texte est de rendre notre audiovisuel public plus fort. Pour ce faire, il faut le transformer, notamment en renforçant la cohérence et la mise en valeur de son action internationale. Pour la première fois, le projet de loi fait de l’action audiovisuelle extérieure l’une des cinq missions prioritaires assignées à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public. Ces objectifs communs supposent une gouvernance unifiée : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) seront donc réunis au sein d’un groupe public, France Médias, qui aura vocation, je le disais, à définir la stratégie commune de ces sociétés, mais aussi à développer les coopérations entre elles. Notre audiovisuel public doit développer une ambitieuse stratégie tri-médias – radio, télévision et numérique –, à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale.

Pour atteindre ces objectifs, l’intégration de France Médias Monde au groupe France Médias est une nécessité. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et moi-même en sommes persuadés, c’est en faisant partie d’un groupe unifié que France Médias Monde participera au mieux au rayonnement international de la France et pourra exercer le plus efficacement possible ses missions de service public, si essentielles. C’est une formidable occasion d’approfondir et d’accélérer ses synergies avec les autres sociétés.

France Médias Monde restera l’acteur opérationnel de référence dans son champ d’action et continuera d’assumer la pleine responsabilité éditoriale de sa programmation

– j’insiste tout particulièrement sur ce point –, mais son expertise, ses ressources et ses contenus seront davantage mis à la disposition des services de France Médias qu’ils ne le sont dans l’architecture actuelle. C’est une chance, car il est essentiel de renforcer la présence et la qualité de l’information internationale sur nos chaînes nationales. À ce propos, j’étais ce matin avec les représentants de l’Union européenne de radio-télévision (UER), qui regroupe les sociétés de l’audiovisuel public en Europe. Son président, le directeur général de la British Broadcasting Corporation (BBC), a été très clair : le fait que la chaîne BBC World fasse partie du groupe BBC est une force, précisément parce qu’elle constitue un centre de ressources en matière d’informations internationales pour tout le reste du groupe. C’est ce que sera France Médias Monde pour le reste du groupe France Médias. En outre, cela permettra à chacune des sociétés de concentrer ses ressources sur ses spécificités, et donc à France Médias Monde de dégager, pour accomplir sa mission propre, une part plus grande des moyens qui lui sont alloués. Les orientations stratégiques et les axes prioritaires de développement spécifiques à France Médias Monde seront déclinés dans la convention stratégique pluriannuelle du groupe, qui vous sera soumise pour avis.

ARTE et TV5 Monde, en raison de leur situation – elles font intervenir un actionnariat étranger –, ne verront pas leur gouvernance modifiée : elles seront des filiales dites de second rang du groupe France Médias. Cela ne veut pas dire pour autant que les coopérations avec ces filiales ne s’accentueront pas, bien au contraire : je suis convaincu de la pertinence de mieux coordonner l’action de nos différentes entreprises de l’audiovisuel extérieur.

En matière d’audiovisuel public extérieur, le ministère de la culture n’est pas seul. Il peut compter sur l’engagement et l’appui du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui est associé à l’ensemble des décisions stratégiques relatives à France Médias Monde et à TV5 Monde. Cet esprit de coopération a prévalu lors des travaux de préparation du projet de loi, et il continuera à prévaloir à l’avenir, puisque des représentants du Quai d’Orsay siégeront au conseil d’administration de France Médias et de France Médias Monde. Tous ces acteurs seront autant de forces pour faire de notre audiovisuel public un champion international.

Cependant, pour faire de nos acteurs nationaux des champions, il faut aussi leur assurer un cadre de concurrence plus équitable. C’est ce que le projet de loi vise à créer, au bénéfice de la diversité culturelle. Je l’ai dit précédemment, l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur audiovisuel apporte des services que nos concitoyens apprécient, mais elle porte aussi en elle le risque de l’uniformisation. C’est cette crainte qui fut à l’origine, dès le milieu du XXe siècle, de notre système vertueux de financement de la création. En effet, notre marché national est relativement étroit, et les investissements audiovisuels par nature risqués. La tentation est grande pour les diffuseurs de présenter des œuvres déjà testées et amorties sur d’autres marchés, notamment le marché américain. Si nous ne fléchons pas une partie des investissements vers la création française et européenne, les diffuseurs se tourneront naturellement vers l’offre la plus susceptible de toucher un public mondial, c’est-à-dire l’offre américaine – ou peut-être, à l’avenir, l’offre chinoise ou indienne. Malheureusement, c’est ce que l’on constate déjà dans les catalogues des plateformes, qui ne sont pour l’instant soumises à aucune règle. Sur Netflix, on trouve en moyenne 1 % d’œuvres audiovisuelles nationales dans chaque catalogue ; en France, c’est à peine mieux, avec 6 %.

Notre objectif est de donner à la production et à la diffusion française les moyens de résister. En consolidant l’audiovisuel français, le projet de loi vise, comme son nom l’indique, à réaffirmer notre souveraineté culturelle, et à le faire dans et par le respect des valeurs essentielles qui ont fondé notre modèle : la conviction que ceux qui profitent de la diffusion des œuvres doivent contribuer à leur financement, et notre conception de la diversité culturelle et de la liberté de création, qui fait notre spécificité, notre richesse et notre chance

– elle est l’une des raisons pour lesquelles la France n’est pas un pays comme les autres.

C’est parce que nous défendons la diversité culturelle que nous voulons intégrer dans notre modèle les services visant la France qui échappent pour l’instant à toute régulation. La directive services de médias audiovisuels (SMA), que nous transposons dans le projet de loi, permettra de le faire. La France a joué un rôle central dans sa négociation, et nous pouvons être fiers d’être le premier pays à la transposer. Le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée nationale – vous en particulier, membres de cette commission –, le Sénat et le Parlement européen se sont mobilisés avec les professionnels pour gagner les batailles décisives qu’ont été l’adoption de la directive SMA et celle de la directive sur le droit d’auteur. Il nous revient désormais de démontrer que nous sommes déterminés à les transposer rapidement – ce que nous faisons ici.

Grâce à cette transposition de la directive SMA, tous les diffuseurs qui visent la France, peu importe leur lieu d’implantation ou leur nationalité, devront contribuer à la production audiovisuelle et cinématographique, comme les acteurs historiques. Ils devront financer la production française et européenne à hauteur de 25 % de leur chiffre d’affaires pour les acteurs spécialisés dans le cinéma et l’audiovisuel, et de 16 % pour les services généralistes. C’est une question d’équité ; le texte marque ainsi la fin d’une asymétrie en matière de régulation qui portait préjudice à nos acteurs traditionnels, puisque seules les chaînes de télévision étaient assujetties à ces obligations de financement. C’est donc un moyen de renforcer l’audiovisuel français face à la concurrence des plateformes et de permettre à nos acteurs d’être pleinement des champions nationaux ; c’est, en définitive, la garantie d’une diversité culturelle mieux protégée.

Cependant, notre diversité n’a de sens que si on lui assure une visibilité, et pas seulement en France, d’ailleurs. En effet, notre création audiovisuelle a vocation à être exportée. L’intégration des acteurs internationaux à notre modèle de soutien à la création assurera aux œuvres françaises et européennes une visibilité internationale. Le quota prévu par la directive SMA, qui est de 30 % d’œuvres européennes pour toutes les plateformes visant l’Union européenne, est une chance extraordinaire pour nos productions. C’est important pour nos contenus en France, mais aussi à l’export. À cet égard, la réforme du régime de contribution à la production des éditeurs de services devrait permettre d’encourager l’exportation. D’une part, les chaînes de télévision pourront détenir des droits sur une part élargie de leur investissement dans les œuvres audiovisuelles. Elles pourront donc retirer de leur exploitation des marges et des recettes plus importantes, et ainsi réaliser plus d’investissements stratégiques en France et à l’international et prendre davantage de risques dans le financement des coproductions internationales. D’autre part, les producteurs indépendants auront plus de droits. C’est une garantie de sécurité pour le modèle français de production, par opposition au modèle américain, qui est fondé principalement sur la production exécutive. C’est aussi la garantie d’une meilleure rétention des actifs en France, d’une plus grande circulation des œuvres et d’une exportation facilitée, puisque les producteurs garderont la maîtrise de l’exploitation. De surcroît, le dispositif garantira une rémunération satisfaisante des ayants droit.

J’ajoute que le rayonnement de nos œuvres est le parfait complément de notre rayonnement comme terre de tournage, ce que la France est redevenue depuis quatre ans : grâce au renforcement des crédits d’impôt, la France attire chaque année 622 millions d’euros de dépenses supplémentaires, ce qui a créé 30 000 emplois. Nous attirons de plus en plus de tournages étrangers, qui viennent profiter du savoir-faire de nos industries, des équipes de nos entreprises et, bien sûr, de nos studios. L’année 2019 a ainsi été la meilleure année depuis la création du crédit d’impôt international : Wes Anderson est venu tourner The French Dispatch à Angoulême et Damien Chazelle sa série Netflix The Eddy. Avec le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, nous avons souhaité aller encore plus loin : le crédit d’impôt sera renforcé cette année, passant à 40 % pour les films à forts effets visuels qui viennent profiter du savoir-faire français dans ces domaines.

J’ai beaucoup parlé de diversité culturelle, mais une autre valeur est au cœur de notre modèle de l’exception française, et sera donc également au cœur du projet de loi : le droit d’auteur. Nous serons les premiers, je le disais, à transposer la directive SMA, mais c’est également vrai en ce qui concerne la directive sur le droit d’auteur. Vous le savez, nous avons déjà transposé une partie de cette directive dans la loi créant un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse. Le projet de loi relatif à l’audiovisuel servira de véhicule de transposition au reste de la directive. Il intègre de nouvelles dispositions, relatives à la responsabilité des plateformes en matière de partage de contenus portant atteinte au droit d’auteur. Les plateformes devront désormais conclure des licences avec les ayants droit pour diffuser leurs œuvres. Nous n’accepterons pas la méconnaissance des principes du droit d’auteur ; nous n’accepterons pas que les autres acteurs de la chaîne de valeur cherchent à exclure les auteurs de la valeur créée.

Vous l’avez compris, le projet de loi marque une transformation importante : avec ce texte, nous érigeons un nouveau modèle ; un modèle plus équitable, car il imposera les mêmes règles à tous les diffuseurs ; un modèle plus juste, car il garantira mieux les droits des auteurs ; un modèle plus dynamique, car il ouvrira la voie à de nouvelles ressources pour notre audiovisuel. Avec ce texte, nous allons refonder l’audiovisuel, notamment public, pour qu’il soit plus fort, plus rayonnant et plus tourné vers le monde.

M. Jean-François Portarrieu. Vous venez de le souligner, monsieur le ministre, notre audiovisuel extérieur public est un vecteur d’influence internationale et de rayonnement culturel indiscutable. J’ajoute que c’est aussi un atout appréciable pour l’ensemble de l’audiovisuel public français, à qui il fournit de l’expertise dans l’analyse et dans les programmes. Avec France Médias Monde, regroupement de France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya, ce sont environ 180 pays qui sont concernés, avec des programmes en vingt langues. Nous n’avons pas à rougir de la comparaison qui est régulièrement faite avec la vénérable BBC, que certains considèrent comme un modèle. Pour ma part, plutôt que de copier ce qui se fait outre-Manche, je crois préférable de réinventer le modèle public français, car nous avons incontestablement les atouts et les talents pour y arriver. De plus, si on ajoute TV5 Monde et ARTE, notre audiovisuel extérieur fait écho à plusieurs des axes de la diplomatie française, tant sur le plan thématique, à travers la promotion de la francophonie et d’un modèle d’information pluraliste et indépendant, que géographique, avec la place particulière qu’occupe notre audiovisuel extérieur, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Partout et par tous, l’information et la culture sont désormais identifiées comme enjeux d’influence. Cette dimension internationale ne peut pas, ne doit pas être oubliée.

Comme vous l’avez fort justement rappelé à l’occasion du soixantième anniversaire de votre ministère en citant Malraux, il y va du combat pour notre souveraineté culturelle. Dans un monde des médias qui se complexifie avec l’essor des plateformes numériques, les programmes circulent comme jamais auparavant, et on assiste, depuis plusieurs années, à la multiplication des acteurs et à une intensification féroce de la concurrence. Dans ce contexte, la réforme que vous proposez semble indispensable pour espérer réguler l’asymétrie entre les opérateurs traditionnels et les nouveaux acteurs numériques. Autrement dit, avec ce texte, on peut espérer réduire la domination américaine et prévenir celle d’autres puissances qui investissent massivement dans les nouveaux médias. Si la création d’un groupe de l’audiovisuel public qui intégrera France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde peut et doit être mise à profit pour renforcer l’action audiovisuelle extérieure, elle devra aussi et surtout s’accompagner d’une reconnaissance suffisante de ses missions, lesquelles sont parfois méconnues en dépit de leur importance stratégique. C’est pourquoi il nous paraît essentiel de garantir les spécificités de notre audiovisuel extérieur. Celui-ci ne doit pas, ne peut pas devenir une simple variable d’ajustement. Je crois, monsieur le ministre, que vous êtes sensible à cet aspect ; soyez assuré que nous y sommes particulièrement attachés et attentifs.

M. Michel Herbillon. Parmi les objectifs que vous avez exposés, monsieur le ministre, il y en a de très nombreux qui sont aussi les nôtres – je pense notamment au combat qui doit être mené pour préserver la diversité culturelle et le rayonnement de nos œuvres, et donner à la création française les moyens de résister. Bien entendu, nous sommes très attachés, dans notre commission, sous la houlette de notre présidente, à ce que l’audiovisuel extérieur de la France continue à être un élément essentiel de notre diplomatie culturelle et d’influence. Comme vous le savez, c’est d’ailleurs un des objectifs du ministre Jean-Yves Le Drian. Sans vouloir paraître faire preuve d’une coquetterie d’auteur, je voudrais également rappeler que ma collègue Sira Sylla et moi-même avons conduit une mission d’information consacrée à la question – c’était même l’une des premières dans notre commission sous cette législature.

Jean-François Portarrieu vient de le dire à votre suite, monsieur le ministre, il faut prendre en compte les missions propres de l’audiovisuel extérieur. Vous avez eu raison d’insister sur la bataille des contenus et sur le risque d’uniformisation, contre lequel nous devons nous prémunir. Nous sommes très attachés au développement de la création française et européenne. France Médias Monde est un instrument important du rayonnement culturel de la France et de la francophonie : il est présent sur cinq continents et diffuse ses programmes dans de nombreuses langues – entre quinze et vingt, selon qu’on se réfère à vos chiffres ou à ceux de Jean-François Portarrieu. Vous avez également insisté sur un point auquel je suis extrêmement sensible et qui me paraît tout à fait crucial, même si nous avons beaucoup de progrès à faire en la matière : la place de l’information internationale sur les chaînes nationales, qu’il convient de renforcer. C’est très important, y compris au regard du rôle diplomatique qui est celui de notre pays.

Quelles garanties donnerez-vous à la filiale France Médias Monde qu’elle bénéficiera des moyens adaptés dans la durée et qu’elle ne sera pas une variable d’ajustement budgétaire ? Vous savez, monsieur le ministre, qu’il existe des craintes à cet égard. Allez-vous intégrer un mécanisme pour préserver le budget ?

S’agissant de la représentation au sein de la nouvelle structure, les conseils d’administration des opérateurs de l’audiovisuel public comportent chacun deux parlementaires membres des commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée et du Sénat : il est important que cette représentation parlementaire perdure. Je voudrais savoir également ce qu’il en est, à ce propos, en ce qui concerne les filiales.

France Médias Monde est naturellement l’outil stratégique d’influence de notre audiovisuel extérieur. Dans l’internationalisation de l’ensemble de l’audiovisuel public, comment se créeront la coordination et les synergies avec les autres sociétés de la holding, de manière à assurer une cohérence d’ensemble de notre audiovisuel public, permettant de proposer une offre au service de notre diplomatie culturelle et d’influence ? L’un des enjeux, vous l’avez dit, est la maîtrise complète de la production française, de la création jusqu’à la diffusion à l’étranger. Pourriez-vous préciser votre stratégie à cet égard ? En particulier, des réflexions sont-elles en cours pour associer la plateforme Salto, en cours de réalisation, et l’autre projet que constitue la plateforme de vidéo à la demande francophone TV5 Monde plus ?

J’en termine avec un thème qui revêt une importance extrême compte tenu du rôle diplomatique de la France : la lutte contre les infox. Comment faire de notre audiovisuel extérieur un instrument de notre diplomatie géostratégique, non pas pour en faire l’outil d’une propagande d’État, ce dont il n’a jamais été question, bien entendu, mais pour lutter contre les infox ? Je pense en particulier à celles qui sont diffusées à propos de l’opération Barkhane et de la présence de la France au Sahel. On entend dire, par exemple, que les soldats français voleraient de l’or. Le phénomène est extrêmement préoccupant pour notre pays, compte tenu de son rôle international.

M. Frédéric Petit. En tant que rapporteur pour avis des crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d’influence, inscrits dans le programme budgétaire 185, j’essaie, depuis maintenant deux ans, avec notre commission, de réfléchir à une redéfinition des modèles de notre diplomatie dans ce domaine, notamment à la manière dont elle s’articule dans les postes. Il m’a semblé, si j’en juge d’après la dernière conférence des ambassadeurs, que nous avions marqué des points s’agissant du rôle des postes, que ce soit du bas vers le haut ou du haut vers le bas, en particulier dans le domaine de la souveraineté culturelle. Selon moi, celle-ci est globale, et nous sommes certainement à l’orée d’une refonte du réseau culturel. Dans mon dernier rapport budgétaire, j’avais insisté sur le fait que la réforme de l’audiovisuel devait accompagner la réforme à venir du réseau culturel, car ces deux éléments sont convergents, même si les masses en jeu, en termes de budget, ne sont pas les mêmes.

L’audiovisuel, comme vous le savez, est financé par une redevance. Le développement de l’audiovisuel français à l’international se fait par d’autres « tuyaux », et il est interdit, dès que l’on passe le Rhin, par exemple – pour ma part, j’habite à Varsovie – de regarder les programmes de France Télévisions, même si, évidemment, tout le monde contourne le système : il existe même des offres commerciales qui permettent de le faire. Les Français qui habitent à l’étranger et les francophones du monde entier se demandent pourquoi ils sont obligés de se débrouiller autrement pour avoir accès aux très bonnes émissions de France Télévisions.

Par ailleurs, c’est en grande partie la redevance qui subventionne France Médias Monde. L’idée d’un budget plancher a été lancée ; je sais qu’elle n’est pas très bien vue par vos services. Il est évident que France Médias Monde joue un rôle diplomatique. Il nous est donc extrêmement difficile de nous résoudre à ce que ce rôle soit financé uniquement par la redevance, dont tel n’est pas l’objet. Dès lors, et sans parler pour l’instant d’un budget plancher, comment entendez-vous fonder le financement de France Médias Monde sur un système qui ne dépendra pas de la redevance, comme c’est le cas, par exemple, de Canal France International (CFI) ?

M. Alain David. Au-delà de notre réseau d’enseignement, de nos auteurs et de nos artistes, au-delà de la francophonie, l’influence culturelle française passe également par l’intermédiaire de notre audiovisuel extérieur, qui est un atout essentiel du rayonnement culturel de la France, mais aussi de notre diplomatie. Qu’il s’agisse de France Médias Monde, de France 24, de TV5 Monde, de Monte Carlo Doualiya, d’ARTE ou de RFI, nous pouvons être fiers de ces médias reconnus et respectés, qui portent haut l’exigence de qualité et la déontologie journalistique, et affichent une progression régulière de leurs audiences.

Cependant, la perspective de réforme globale de l’audiovisuel public, au sein duquel les médias extérieurs occupent une place réduite, inquiète : le risque est grand d’assister à une marginalisation de ces outils, pourtant indispensables au sein d’une identité gigantesque. Quelles pistes votre ministère suit-il pour préserver l’autonomie et la capacité d’action de notre audiovisuel ?

Je précise qu’avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, nous avons déjà établi une liste de propositions. Il s’agirait de prévoir l’instauration d’un budget plancher pour la future filiale France Médias Monde, qui serait ensuite fixé dans le contrat stratégique pluriannuel de la holding France Médias ; d’établir une représentation parlementaire des commissions chargées des affaires étrangères au sein du conseil d’administration de France Médias Monde ; de prévoir une consultation conjointe des commissions chargées des affaires culturelles et des commissions chargées des affaires étrangères, pour la désignation de deux personnalités qualifiées siégeant au conseil d’administration de France Médias Monde et devant être désignées par le Parlement ; de créer un comité stratégique ad hoc dédié aux problématiques internationales pour garantir la cohérence des développements internationaux de l’ensemble des filiales de la holding de l’audiovisuel public ; enfin – mais ce n’est que le dernier exemple d’une liste qui n’est pas exhaustive –, nous souhaitons que soit envisagée une participation directe du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au financement de France Médias Monde au titre de l’aide publique au développement, afin de valoriser la contribution de l’audiovisuel extérieur à l’aide au développement.

J’ajoute que je fais miens les propos de Jean-François Portarrieu, qui a bien décrit la situation et l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvons à l’égard de l’audiovisuel extérieur.

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre, comme vous le savez, j’ai remis en mai 2018 un rapport cosigné par sept autres députés de la majorité. Ce rapport ne rejetait pas en soi le principe de la holding, mais estimait qu’un certain nombre de conditions devaient être réunies afin que les objectifs affichés, que nous partageons, puissent être atteints. Or, ces conditions ne sont pas réunies aujourd’hui, c’est pourquoi le groupe Libertés et Territoires a souhaité rédiger une contribution spécifique, qui vous a été transmise, en marge des conclusions du groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur, réuni au sein de la commission des affaires étrangères par notre présidente.

Optimiser l’offre du service public, l’adapter à l’ère du numérique, renforcer son attractivité et sa qualité afin de répondre à ses missions fondamentales, tout cela demande en effet une véritable transformation du modèle. Or, les décisions prises par le Gouvernement en juillet 2018 – vous n’étiez pas encore ministre –, notamment la demande d’économies budgétaires, obèrent, par leur nature et par leur importance, toute possibilité de transformation. Ces décisions ont été prises en l’absence de toute stratégie permettant de transformer les modèles en profondeur, sans ouvrir les conventions collectives qui auraient permis de réorganiser le travail et le temps de travail ; sans prévoir la moindre période de transition et d’accompagnement ; sans non plus de perspective concrète relative à la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, pourtant rendue nécessaire par la suppression de la taxe d’habitation. Ces décisions ne permettent donc pas d’assurer la mise en place sereine d’une éventuelle holding.

Au-delà de ces considérations, le groupe Libertés et Territoires n’est de toute façon pas favorable à l’intégration d’une partie de l’audiovisuel extérieur, représentée par France Médias Monde, au sein d’une éventuelle holding, comme nous l’avions indiqué dans notre rapport.

En contribuant au rayonnement extérieur de notre pays, France Médias Monde est un acteur à part entière de la stabilisation des zones de tension, un contributeur à l’objectif de développement et de stabilité, donc de sécurité, dans de nombreuses régions du monde. Les moyens de l’audiovisuel extérieur devraient donc, à l’inverse, être sanctuarisés, voire augmentés, ce qui pourrait se faire en prévoyant que l’audiovisuel extérieur disposerait de moyens budgétaires combinant contribution à l’audiovisuel public refondé et financement à travers l’aide publique au développement. Cela pourrait se faire, comme en Australie, en prévoyant une loi de projection pluriannuelle spécifique à l’audiovisuel extérieur, car les missions sont spécifiques et, par nature, distinctes des problématiques des opérateurs de l’audiovisuel public, qui s’adressent aux Français en France et en français.

Enfin, quelle cohérence y a-t-il à avoir une partie de l’audiovisuel extérieur au sein de la holding et une partie à l’extérieur ? Comme vous l’avez rappelé, ARTE et TV5 continueront à être des organes indépendants, pour des raisons légitimes et rappelées dans l’étude d’impact. Les synergies potentielles évoquées, comme la circulation des séries et des fictions en général, ne sont pas opérantes – France 24 est une chaîne d’information, qui ne diffuse aucune fiction. Par ailleurs, la circulation des programmes sur des antennes différentes entraînerait, par nature, un coût supplémentaire, car la loi prévoit évidemment une rémunération pour chaque support d’exploitation, notamment pour les auteurs.

Sur le plan opérationnel, il est facile de démontrer qu’il existe de vrais inconvénients à une intégration au sein de la holding, tandis qu’une véritable politique de coopération conventionnelle, négociée en toute transparence, notamment en ce qui concerne le domaine de l’information entre France Médias Monde et les acteurs opérant sur le territoire national, permettrait plus de souplesse et de dynamisme, tout en préservant l’identité de chaque antenne.

Les propos qu’a tenus le président du conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans une interview récente au Monde ne sont pas de nature à nous rassurer, puisqu’il dit : « Il y a deux lectures de la loi, celle a minima, qui fait de France Médias un organe de coordination et de pilotage stratégique, laissant l’éditorial au sein des entreprises. Et une lecture a maxima, avec une centralisation forte au niveau de la holding. Cela dépendra de la personnalité choisie pour présider France Médias. »

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et Territoires sera attaché à défendre et à garantir le rôle de la spécificité de l’audiovisuel extérieur dans notre société, ainsi que la sanctuarisation, voire l’augmentation des moyens qui lui sont consacrés.

Par ailleurs, aujourd’hui, on parle beaucoup de champions nationaux, de « Netflix à la française », mais en fait on confond beaucoup de choses, puisque les vrais Netflix à la française, ce sont davantage Canal+ ou OCS – c’est-à-dire des offres de télévision payante, pouvant s’assimiler à des offres de SVOD, vidéo sur demande avec abonnement mensuel – que Salto, une offre de télévision publique qui se rapprocherait plutôt de Hulu. Quels sont, dans la loi ou dans les décrets qui suivront la régulation, les moyens que vous donnez à ces « Netflix à la française » pour être en mesure de s’exporter et de s’internationaliser, puisque c’est la seule réponse possible aux géants étrangers ?

Mme Liliana Tanguy. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les œuvres européennes telles que définies par la convention européenne sur la télévision transfrontalière de 1989, ratifiée par quarante-trois pays, dont le Royaume-Uni. La France s’était beaucoup investie sur la question du quota minimum de diffusion d’œuvres européennes, cette notion a été reprise dans la directive, et l’actuel projet de loi transpose la hausse du quota minimum à 30 %.

Face aux incertitudes qui émergent actuellement dans le cadre des négociations du Brexit sur l’inclusion des œuvres britanniques dans ce quota, Londres a annoncé vouloir transposer la directive SMA, ce qui lui permettrait de prétendre au soutien financier de l’Union européenne tout en refusant d’appliquer la directive relative aux droits d’auteur et aux droits voisins. J’aimerais savoir quelle est votre position face à cette annonce, et quel regard vous portez sur la proposition de ma collègue Christine Hennion, consistant à introduire une définition de l’œuvre européenne permettant d’en élargir le champ d’application aux services de vidéo à la demande.

Mme Mireille Clapot. Je compte dans ma circonscription des sociétés faisant partie du Pôle de l’image animée à la Cartoucherie de Bourg-lès-Valence, qui m’ont sensibilisée à la question des films d’animation. Je citerai TeamTO, qui a produit Angelo la débrouille, et Fargo, qui a obtenu le César 2017 du court-métrage d’animation pour le film Celui qui a deux âmes. Ces sociétés s’inquiètent des risques qui pèsent sur leur modèle. C’est peu connu, mais la France est le troisième producteur mondial de films d’animation. Les chaînes ont des incitations à respecter des quotas de diffusion, assises sur le chiffre d’affaires français. La mutation des modes de diffusion, avec de plus en plus de numérique, fait que désormais les plateformes comme Amazon ou Netflix n’adhèrent pas à ce schéma.

Les productions françaises ont assis leur modèle économique sur une vente des droits aux diffuseurs français pendant quatre ans, mais en pouvant conserver les droits pour des épisodes ultérieurs, et c’est parce qu’elles ont cette sécurité sur le marché français qu’elles peuvent exporter. D’un point de vue qualitatif, ces productions françaises d’animation, tant en long-métrage qu’en court-métrage, sont très créatives, elles portent l’image de la France, la diversité culturelle, le rayonnement de notre culture que vous avez mentionnés, monsieur le ministre, et qui sont chers à cette commission des affaires étrangères. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que la mutation de ce modèle peut entraîner sur le créneau des films d’animation ?

M. Rodrigue Kokouendo. Les œuvres françaises ne bénéficient pas d’une promotion suffisante au niveau international, ce qui fait que nous voyons très peu d’œuvres françaises valorisées. Pourtant, on voit de plus en plus d’États s’efforcer d’intégrer l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Quelles actions la France pourrait-elle entreprendre sur ce point ?

Par ailleurs, il semble difficile pour les œuvres de bénéficier d’un sous-titrage français de qualité. À votre avis, monsieur le ministre, France Médias Monde ou d’autres institutions pourraient-elles nous aider à améliorer les choses sur ce point ?

Enfin, je me réjouis que les droits d’auteur puissent bénéficier d’un cadre plus protecteur, comme vous l’avez indiqué dans votre propos introductif.

Mme Anne Genetet. Monsieur le ministre, je comprends de votre exposé que l’actuel France Médias Monde a quand même un objectif important, consistant à assurer une présence de l’audiovisuel français en Afrique.

Ma question porte sur les freins à la diffusion de programmes français à l’étranger. Pour en parler, je m’appuie sur l’expérience que j’ai moi-même vécue avec l’Asie, une région du monde où se trouvent de nombreux locuteurs français, mais où il est particulièrement difficile d’accéder à un programme en français. Dans le rapport que j’avais remis au Premier ministre en septembre 2018 sur la mobilité internationale, ma recommandation n° 189 consistait à « permettre un accès légal (contre une contribution financière) aux contenus audiovisuels français depuis l’étranger ». En effet, beaucoup de Français vivant à l’étranger souhaitent pouvoir accéder légalement aux programmes télévisuels français, à la fois pour garder un contact avec notre pays, pour s’informer et suivre les débats, notamment en période d’élections, et pour permettre à leurs enfants de maintenir un lien avec la langue française – beaucoup d’enfants français nés à l’étranger ne sont jamais venus en France et parlent parfois fort peu le français.

Bien entendu, ces programmes s’adressent également à tous les locuteurs de langue française. Il s’en trouve notamment un grand nombre en Corée. L’accès aux programmes français en dehors de la France est donc un sujet qui compte pour de très nombreuses personnes, et qui a d’ailleurs été régulièrement évoqué lors de la consultation citoyenne que j’ai menée dans le cadre de ma mission auprès de 900 000 de nos compatriotes inscrits au registre des Français de l’étranger.

Le problème, c’est que les chaînes de télévision françaises ne sont pas accessibles à l’étranger – du moins pas partout. Certains programmes sont disponibles sur des plateformes telles que YouTube, et certains Français font également usage d’un VPN, un réseau privé virtuel, afin de tromper le site de diffusion sur leur lieu de connexion. Dans tous les cas, les revenus générés par les téléspectateurs ou les auditeurs français ou francophones ne profitent aucunement aux auteurs français.

La solution que je propose consiste à permettre aux Français de l’étranger et aux francophones de participer à la qualité de nos programmes au même titre que les Français de l’Hexagone : s’acquitter de la contribution à l’audiovisuel public leur permettrait, en contrepartie, d’avoir accès aux programmes français dans les mêmes conditions que s’ils résidaient en France. En cela, l’évolution de l’offre médiatique du « tout linéaire » vers le « tout plateforme » peut constituer une opportunité de diffuser les productions françaises plus largement et de manière légale.

Quels sont les freins réels à la diffusion des programmes français à l’étranger ? Qui, des producteurs ou des diffuseurs, sont les plus réticents à une plus large diffusion de nos programmes ? Enfin, peut-on espérer que la future plateforme Salto soit, en tout ou partie, accessible depuis l’étranger ?

Mme Annie Chapelier. Chacun connaît la réponse qu’avait faite Churchill, interrogé sur l’augmentation du budget de la culture en pleine guerre : « Si nous ne nous battons pas pour la culture, alors pourquoi nous battons-nous ? » Cette phrase, devenue quasiment culte, illustre le fait que, alors qu’elle devrait être au cœur de toutes nos préoccupations, notamment en matière de diplomatie, la culture est souvent le parent pauvre des politiques.

L’un des vecteurs de la culture est l’égalité entre les hommes et les femmes. Dès le début de son mandat, le Président de la République a fait de ce principe une grande cause nationale de son quinquennat. Cependant, les femmes continuent d’être très peu représentées dans certains secteurs, notamment celui de l’audiovisuel. Selon un rapport du CSA, la représentation des femmes à la télévision avait encore diminué de quatre points en 2018 par rapport à 2016, ce qui montre que nous ne sommes pas dans une bonne dynamique. Par ailleurs, alors que les femmes sont mieux représentées que jamais à l’Assemblée nationale, la proportion de femmes invitées politiques dans les médias reste toujours aussi faible, plafonnant à 25 % environ.

Quant au cinéma, alors que la France pourrait faire du festival de Cannes une vitrine de ses valeurs à l’international, par le biais de sa production cinématographique, ce festival se caractérise toujours par une cruelle sous‑représentation des femmes, puisque seulement 4,9 % des réalisateurs sont des réalisatrices, et qu’à ce jour une seule femme a obtenu la palme d’or.

Considérant notre objectif d’atteindre un jour l’égalité entre les hommes et les femmes, ne vous semble-t-il pas essentiel d’œuvrer à ce que la parité soit mieux respectée dans le secteur de l’audiovisuel, et le cas échéant de quelle manière ? Vous semble-t-il possible de faire en sorte que la sélection officielle du festival de Cannes, qui est une véritable vitrine, aille dans le sens d’une meilleure représentation des femmes ? Comment inciter les éditeurs à améliorer la présence des femmes sur leur antenne ? N’est-il pas nécessaire de renforcer, d’une part, la vigilance dans le choix des programmes, d’autre part, les sanctions de certains programmes télévisés qui vont à l’encontre de l’image qu’ils devraient donner dans le cadre de la lutte contre les violences ?

Ce combat fait-il partie de la charte des objectifs de la future France Médias, qui a un public très particulier, notamment au Sahel, un pays directement concerné puisque, parmi les programmes en quinze langues de France Médias Monde, on en trouve en peul, en haoussa, en mandingue et en kiswahili. On ne comprend jamais mieux un programme que lorsqu’il est diffusé dans sa propre langue, or France Médias est en passe de devenir l’un des derniers médias à financer des programmes dans ces langues qui sont si peu bankable – pardon pour cet anglicisme.

M. Denis Masséglia. Monsieur le ministre, je souhaite souligner à quel point la mesure que vous avez annoncée, consistant à renforcer le crédit d’impôts en le faisant passer de 30 % à 40 % afin de favoriser le tournage de films étrangers en France, est positive. Je peux me tromper, mais j’ai l’impression que cette mesure s’inscrit en droite ligne de la stratégie mise en œuvre pour les films d’animation il y a un an et demi, ayant également consisté à faire passer le crédit d’impôt de 30 % à 40 %. Une mesure similaire, au profit cette fois de la filière du jeu vidéo, est-elle envisagée ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous accueillons aujourd’hui Jacques Krabal, secrétaire général parlementaire de l’Assemblée parlementaire de la francophonie.

M. Jacques Krabal. Merci madame la présidente.

Monsieur le ministre, je vais plutôt évoquer la francophonie, qui a un lien très fort avec la thématique de l’audiovisuel français à l’étranger. Je veux saluer l’engagement de France Médias Monde et TV5 Monde, leurs performances en termes d’audience, mais aussi et surtout les principes éthiques défendus par ces chaînes et la qualité des informations qu’elles délivrent. Même si des efforts restent à faire, je pense qu’il faut mettre en avant ceux qui ont déjà été réalisés, en s’efforçant de donner de la cohérence à tout cela.

La francophonie, ce n’est pas seulement lire, écrire et parler, c’est bien évidemment aussi l’image, avec le cinéma et tout ce qu’il représente. Ce matin, j’ai pris part à un petit-déjeuner sur le thème du financement de l’audiovisuel, où a été évoquée la perspective du financement par les plateformes numériques, et du risque que cela peut entraîner pour la production cinématographique ou audiovisuelle en France et dans le monde. J’aimerais savoir comment vous comptez peser en faveur d’un financement réel en France, mais aussi, plus largement, comment la francophonie pourrait soutenir ce projet.

Enfin, j’aimerais connaître votre sentiment sur le choix fait par la délégation tricolore dans le cadre du concours de l’Eurovision, diffusé sur France Télévisions, de mettre en avant une chanson ayant un titre et un refrain en anglais. Connaissant votre engagement pour la promotion de la francophonie, concrétisé dans le projet de création d’une cité internationale de la langue française, je pense que ce choix ne manquera pas de vous faire réagir.

M. Mjid El Guerrab. Notre diplomatie d’influence perd actuellement du terrain – je le constate moi-même dans ma circonscription des Français établis hors de France, en l’occurrence au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. On sent, monsieur le ministre, que votre texte prend la pleine mesure de ce recul de la francophonie, et je me félicite de la volonté affirmée de reconquérir les parts de marché perdues par la langue française.

Pour ce qui est du Sahel, j’ai le sentiment que nous n’avons pas toujours conscience que, parallèlement au conflit militaire dans lequel nous sommes engagés, nous menons également une bataille culturelle. Le sentiment anti-français qui a tendance à se développer dans ces pays justifierait, à mon sens, que nous prenions le taureau par les cornes afin de soutenir énergiquement la francophonie et de remporter ainsi cette bataille culturelle.

Par ailleurs, j’ai eu le plaisir de recevoir M. Rachid Arhab, un grand journaliste qui porte un projet de chaîne franco-algérienne – une sorte d’ARTE franco-algérienne –, qui m’a touché au plus haut point. Je ne sais pas si M. Arhab vous a déjà parlé de ce projet, ni ce que vous en pensez ; pour ma part, je trouve très enthousiasmante l’idée de réconcilier la France et l’Algérie autour d’un projet commun, comme nous l’avons fait pour la France et l’Allemagne avec ARTE.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ce que nous voulons faire en créant ce groupe public que sera la holding France Médias, ce n’est pas copier tel ou tel modèle européen ou britannique, mais nous appuyer sur la force de l’audiovisuel français public pour bâtir un groupe permettant de répondre aux défis de l’audiovisuel, notamment public, face à la révolution numérique, qui a entraîné à son tour une révolution des usages.

Nous devons donner la possibilité aux entreprises de l’audiovisuel public de s’adapter, elles aussi, à cette révolution des usages, en ayant une vision stratégique globale tournée vers la diversité des publics. De fait, nos compatriotes regardent de plus en plus la radio, écoutent de plus en plus la télévision et ont accès aux contenus audiovisuels sur des supports de plus en plus variés – plus seulement le poste de télévision mais aussi, désormais, les smartphones et les tablettes – quand ils le veulent et d’où ils le veulent.

Les groupes publics en Europe, et les groupes privés en Europe et dans le monde, notamment en France, se sont adaptés à cette révolution numérique en constituant des groupes où la télévision, la radio et le numérique sont pensés avec leurs spécificités respectives. Cependant, si l’on dispose d’une vision globale et stratégique de l’approche des publics, cela permet de répondre plus facilement d’une façon à la fois opérationnelle et efficace aux attentes de ces publics, quels que soient les supports et les types de diffusion des contenus audiovisuels.

Bien sûr, l’audiovisuel extérieur a ses propres spécificités, mais ce que nous essayons de faire, c’est permettre à France Médias Monde, grâce à des synergies et des économies d’échelle avec les autres entreprises de l’audiovisuel public, de proposer des contenus à plus de personnes dans le monde, et des contenus qui les toucheront davantage. C’est le résultat auquel sont parvenus les groupes qui, en Europe et dans le monde, ont su procéder à ce rapprochement et à cette consolidation.

J’évoquais ce matin la question avec les patrons de ces grandes entreprises européennes d’audiovisuel public, notamment le patron de la BBC et de BBC World, qui disait bien que BBC World bénéficie énormément des contenus provenant des BBC nationales. Je ne parle pas des fictions, puisque ce contenu n’est pas adapté à France 24, mais bon nombre de contenus d’information sont ultra-bénéfiques à BBC World. De même, BBC World est très bénéfique aux chaînes nationales de BBC, parce que le regard spécifique de BBC World est très utile pour décrypter l’actualité et éclairer les Britanniques sur le monde. La meilleure façon de défendre l’audiovisuel extérieur de la France, c’est donc de l’adosser à un groupe public puissant, et non de le laisser isolé, même en lui accordant progressivement des moyens complémentaires.

Évidemment, il ne faut pas que l’audiovisuel extérieur de la France soit considéré comme une variable d’ajustement du reste du groupe public : je suis tout à fait conscient qu’il s’agit là d’un principe essentiel, méritant d’être garanti en plusieurs points. La première des garanties à apporter en la matière est celle de la gouvernance, un aspect que je suis tout disposé à examiner avec vous dans le détail, étant, pour ma part, convaincu de la nécessité de s’assurer que cette gouvernance tient compte d’une vision internationale de l’audiovisuel public. Je précise que c’est déjà le cas, puisque le conseil d’administration de la société holding du groupe comprendra un représentant du ministère des affaires étrangères, comme il y en a un au sein du conseil d’administration de France Médias Monde.

S’il faut aller plus loin dans la désignation par le Parlement des personnalités qualifiées, tant dans la holding que dans le conseil d’administration de France Médias Monde, en prenant en compte la vision de la commission des affaires étrangères, je suis tout à fait disposé à examiner cela avec vous. Travailler à une solution permettant de tenir compte des propositions autant des membres de la commission des affaires culturelles que de ceux de la commission des affaires étrangères devrait permettre de rassurer celles et ceux qui, comme vous, sont attentifs à la place de l’audiovisuel extérieur dans le groupe public.

Concernant les moyens, une convention stratégique pluriannuelle (CSP) – qui se substituera au contrat d’objectifs et de moyens – passée entre l’État et le groupe France Medias définira pour chaque filiale le cadre budgétaire pluriannuel et précisera la répartition prévisionnelle des ressources affectées par la société mère. Elle garantira ainsi une visibilité financière, tout en permettant à France Médias d’exercer pleinement son rôle à la tête du groupe nouvellement constitué.

La représentation nationale sera évidemment pleinement associée au dispositif ; vous pourrez ainsi exercer le contrôle que vous souhaitez sur France Médias et vous assurer que la place de l’audiovisuel extérieur n’est pas en retrait dans le groupe public. Avant sa signature, la CSP sera soumise pour avis aux commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et des affaires étrangères, qui pourront ainsi faire valoir les ajustements qu’elles estimeront nécessaires. Chaque année de la période couverte par la convention, le Parlement sera informé de son exécution et de la justification des écarts constatés.

S’agissant de l’idée d’un plancher d’attribution des ressources issues de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), évoquée par plusieurs d’entre vous, j’y suis totalement défavorable, parce que ce serait en parfaite contradiction avec les objectifs poursuivis. La création du groupe public vise à réaliser des économies d’échelle et des synergies en regroupant, à terme, l’immobilier, les systèmes d’information, la régie, la formation, ce qui suppose la modification des périmètres financiers des différentes sociétés du groupe. Il serait donc malvenu de les figer ou de les bloquer. La liberté éditoriale de chaque antenne sera, quant à elle, maintenue, même si les lignes éditoriales feront l’objet d’une coordination stratégique au sein du groupe.

Je suis prêt à examiner toute autre solution, mais je ne peux que m’opposer farouchement à une proposition qui viendrait totalement contrecarrer la puissance du groupe public d’avenir que j’appelle de mes vœux.

En revanche, à l’instar de Jean-Yves Le Drian, je suis favorable au versement à France Médias Monde d’une part de l’aide au développement pour des projets ciblés adossés à une stratégie bien identifiée. Il reste à voir de quelle manière formaliser cette possibilité pour amplifier l’effort en matière d’audiovisuel extérieur.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Monsieur le ministre, l’objectif de notre commission est extrêmement clair : nous voulons que les ressources affectées à l’audiovisuel public extérieur soient préservées, qu’elles ne servent pas, à l’avenir, de variable d’ajustement au sein de la holding.

Puisque vous refusez qu’un montant plancher soit fixé, vous devez nous proposer une autre solution de nature à rassurer notre commission.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Ce qui importe avant tout, c’est la gouvernance. Or, le ministère des affaires étrangères, très attaché à préserver la puissance de l’audiovisuel extérieur au sein du groupe public, y aura sa place.

En outre, vous aurez la possibilité de contrôler les décisions budgétaires qui seront prises, puisque ce sera voté par le Parlement…

Mme Frédérique Dumas. Ah non !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je vous assure que si, madame Dumas : vous aurez à valider…

Mme Frédérique Dumas. La loi dit le contraire !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Non, la loi ne dit pas le contraire. Si les dispositions vous paraissent insuffisamment claires ou contradictoires, nous le préciserons ensemble, car c’est justement l’objet du débat.

Aux termes du projet de loi, le Parlement examinera et validera la convention stratégique pluriannuelle, et chaque année les modifications éventuelles qui y auront été apportées devront être justifiées devant vous par le groupe. C’est une chance formidable. Toutes les entreprises d’audiovisuel public qui ont une dimension extérieure importante, notamment les groupes allemands et anglais…

Mme la présidente Marielle de Sarnez et Mme Frédérique Dumas. Ils ont un plancher, les Anglais !

M. Alain David. Et un budget triple !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il y aura bien des budgets pour chaque société du groupe dont le détail figurera dans la convention stratégique pluriannuelle.

Le président de l’UER, également patron de la BBC, m’a dit très clairement ce matin que les réorganisations avaient permis au groupe de réaliser des économies d’échelle et des synergies entre les entreprises intégrées.

Convenez que si l’on choisit de rassembler l’immobilier ou les régies de France Médias Monde, Radio France et France Télévisions au sein d’une filiale commune, on change le périmètre financier de chacune de ces sociétés, et on réalise des économies par rapport à un fonctionnement compartimenté. Il faut bien comparer ce qui est comparable. J’entends bien votre préoccupation, mesdames, messieurs les députés, mais rien ne serait plus dangereux que de figer les sociétés du groupe public, car dans ce cas nous ne pourrions pas tirer les bénéfices d’une telle réorganisation.

Je suis tout à fait ouvert à travailler avec vous sur un dispositif rassurant quant à l’ambition et aux moyens alloués en matière d’audiovisuel extérieur au sein de la stratégie du groupe public. Nous pourrions le préciser dans les dispositions relatives à la gouvernance, comme le suggérait Mme Dumas, mais fixer un plancher de moyens pour la société France Médias Monde serait une erreur majeure : Radio France, l’INA seraient tentées de faire la même demande, et le groupe public serait ainsi totalement bloqué dans la répartition de ses moyens.

Mme Frédérique Dumas. Mais chaque année ils sont réduits !

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Ce point est important, monsieur le ministre. Notre ambition est en effet de défendre la place de l’audiovisuel extérieur à l’avenir, parce que nous considérons qu’il est vital,…

M. Franck Riester, ministre de la culture. Moi aussi !

Mme la présidente Marielle de Sarnez. … non seulement pour la culture, mais aussi pour l’influence de la France. Dans le contexte mondial actuel, il constitue une force qu’il faut absolument préserver, valoriser, et nous jaugerons vos propositions à l’aune de cet objectif.

M. Frédéric Petit. Nous sommes d’accord sur les principes, mais j’aimerais revenir sur deux points.

Premièrement, nous comprenons bien pourquoi il n’est pas forcément souhaitable de figer un budget, mais définir un plancher ne revient pas nécessairement à fixer une valeur absolue. Il peut s’agir de déterminer la valeur relative d’une entreprise par rapport aux autres, ce qui serait une manière plus agile qui n’empêcherait pas de réviser les périmètres financiers en sortant l’immobilier ou la régie.

Deuxièmement, on ne peut pas considérer que le financement de l’internationalisation de notre culture repose uniquement sur le programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence. Vous l’avez dit vous-même, l’influence de la culture française dans le monde va relever en partie d’autres groupes de l’audiovisuel public, et la mise au point d’un système pour regarder légalement France Télévisions depuis l’étranger devrait également changer la donne.

Dans ces conditions, envisagez-vous, dans le nouveau cadre que vous nous proposez, d’introduire un outil de financement indépendant de la redevance et qui corresponde davantage à la fonction d’internationalisation à laquelle nous sommes tous attachés ?

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre, si nous proposons de sortir l’audiovisuel extérieur du groupe public, c’est précisément parce que la logique d’une holding est, comme vous l’indiquez, d’effectuer des ajustements budgétaires entre les entreprises ainsi regroupées.

Vous affirmez, en outre, qu’il n’est pas envisageable de fixer un plancher, alors que la BBC, que vous avez mentionnée, a introduit par la loi un tel mécanisme parce qu’elle avait été victime, au moment de la fusion, d’un ajustement de cette nature au détriment de l’audiovisuel extérieur.

En Angleterre, comme dans beaucoup d’autres pays, l’audiovisuel extérieur est d’ailleurs inclus dans les groupes de médias publics. Or, dans votre proposition, TV5 Monde et ARTE sont en dehors du champ de France Médias, alors même que vous mettez en avant les possibilités de synergies. Et sincèrement, en dehors des considérations diplomatiques, la justification qui figure dans l’étude d’impact au sujet d’ARTE est déconcertante : il est écrit noir sur blanc qu’inclure la chaîne dans la holding risquerait de faire baisser la qualité de ses fictions. Voilà qui n’est pas pour nous rassurer au sujet de France Médias Monde !

Enfin, pour en revenir à la gouvernance, je vais saisir la perche que vous m’avez tendue et j’accepte volontiers de travailler sur le sujet, car ce qui est prévu aujourd’hui c’est un simple avis, et rien de plus ; ce n’est pas un contrôle à proprement parler. Le président de la holding pourra, en concertation avec l’État, effectuer des ajustements en cours d’année, qui ne seront donc pas même inscrits en loi de finances, et dont le Parlement sera simplement informé. Dans sa rédaction actuelle, le texte ne prévoit donc aucun moyen de contrôle pour le Parlement.

M. Alain David. Il y a lieu de se demander si l’audiovisuel extérieur est vraiment une priorité nationale. Le budget prévu pour France Médias Monde est, en effet, sans comparaison avec celui de BBC World, qui lui est trois ou quatre fois supérieur, et qui a pu être garanti par la fixation d’un budget plancher.

Notre audiovisuel extérieur a connu une énième réduction de personnel après différents coups de rabot sur les prévisions budgétaires. Au sein de France Médias Monde comme de TV5 Monde, le souhait est donc d’avoir de la visibilité. Or, s’agissant du moins de cette première société, elle n’en a aucune, puisque son budget dépend d’une holding et ne bénéficie d’aucune garantie.

Au vu des difficultés rencontrées aujourd’hui par les radios et télévisions nationales, dont les personnels se sont mis longuement en grève pour protester contre leur manque de moyens, il est à craindre que France Médias Monde ne serve de variable d’ajustement au sein du nouveau groupe public.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Pardonnez-moi de vous avoir interrompu pour entendre ces interventions, monsieur le ministre, mais puisqu’il est bien clair à présent que nous partageons tous la même vision et le même objectif, nous allons pouvoir avancer.

M. Franck Riester, ministre de la culture. J’apprécie les échanges car, comme vous le dites, c’est ce qui permet d’avancer.

Les moyens financiers alloués au groupe public seront évidemment votés par le Parlement, et la répartition entre les différentes entreprises du groupe sera précisée, inscrite dans la convention stratégique pluriannuelle, laquelle sera transmise pour avis au Parlement avant sa signature. L’avis des commissions parlementaires compétentes a un certain poids : il n’est pas question de ne pas en tenir compte.

Je suis néanmoins prêt à examiner la façon dont nous pourrions introduire un maximum de garanties sans figer l’organisation du groupe public ni remettre en cause les objectifs que nous nous sommes donnés avec la création de France Médias.

Concernant les infox, le groupe public aura, bien entendu, un rôle tout particulier à jouer, rôle que remplissent déjà les différentes entreprises audiovisuelles publiques. Le Gouvernement et la majorité sont très mobilisés sur cette question. Une loi contre la manipulation de l’information a été votée ; il faudra sûrement aller plus loin, et nous allons nous y employer en travaillant avec les plateformes.

S’agissant de l’animation, elle est une filière essentielle pour notre industrie, et ses contenus sont importants pour notre jeunesse. Nonobstant la décision de supprimer France 4 et France Ô, nous veillerons à ce que la présence de l’animation, notamment des contenus jeunesse, soit assurée au sein de l’audiovisuel public, en particulier de France Télévisions. Cette disposition figurera à la fois dans le projet de loi et dans la convention stratégique de France Médias.

Nous serons également attentifs à ce que ces contenus conservent un mode de diffusion linéaire, et je suis prêt à travailler avec vous sur ces précisions. La suppression de France 4, qui n’était dédiée à la jeunesse et à l’animation que depuis quelques années, n’interdit pas de faire basculer ces contenus vers d’autres chaînes de France Télévisions. C’est une des décisions que devra prendre la société et, demain, le groupe France Médias, pour satisfaire à cette mission de service public.

J’en viens au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et à notre politique d’accompagnement de ces filières. Le CNC a renforcé son soutien en 2018, notamment grâce aux crédits d’impôt, en particulier le crédit d’impôt international : je rappelle à ceux d’entre vous qui connaissent Les Minions qu’il s’agit d’une production réalisée à Paris. Avec ce projet de loi, nous entendons bien réaffirmer la prééminence de la production indépendante, notamment pour les films d’animation.

Quant aux plateformes Salto et TV5 Monde plus, elles sont à distinguer. La première est payante, accessible en France, et proposera des contenus de ses trois actionnaires TF1, M6 et France Télévisions. Ses programmes seront accessibles plus longtemps en replay, et le catalogue, plus fourni que ceux des plateformes actuelles, sera en outre enrichi de contenus exclusifs. La seconde est gratuite et ses contenus, francophones, pourront être visionnés partout dans le monde. Ses actionnaires sont les partenaires de la chaîne. Des passerelles pourront être mises en place avec les plateformes de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, puis avec celles du groupe France Médias, et je suis prêt à en discuter avec vous à l’avenir.

Mme Liliana Tanguy m’a interrogé sur la définition des œuvres européennes et les incertitudes relatives aux œuvres britanniques en raison du Brexit. Je précise, tout d’abord, que le quota de 30 % d’œuvres européennes a été étendu aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) dans le cadre de la révision de la directive SMA, ce qui est une grande victoire. Ce quota visant à la fois les œuvres cinématographiques et audiovisuelles, il n’est pas nécessaire de préciser qu’il concerne également les services de vidéo à la demande. En France, des quotas sont déjà applicables aux SMAD installés sur le territoire, tels que Canal Play : 60 % d’œuvres européennes, 40 % d’œuvres d’expression originale française.

Concernant le Brexit, il a été décidé que le futur accord commercial avec le Royaume-Uni ne remettra pas en cause l’exclusion horizontale des services audiovisuels – la fameuse exception culturelle –, ce qui est un point très important. Le Brexit sera, en outre, sans impact sur les contributions financières des services installés à l’étranger, puisque l’article 3 du projet de loi prévoit une obligation de contribution pour les services de télévision et de médias audiovisuels à la demande établis dans un autre État membre dès lors qu’ils visent le territoire français.

Un risque de concurrence inéquitable pourrait, en revanche, se présenter, dans la mesure où les œuvres britanniques conserveront le statut d’œuvres européennes, et continueront donc de bénéficier des quotas d’exposition et d’investissement sur les services linéaires et non linéaires, alors même que le Royaume-Uni ne sera pas soumis aux contraintes du cadre européen. La directive SMA définit, en effet, les œuvres européennes par référence à la convention européenne sur la télévision transfrontière (CETT), à laquelle le Royaume-Uni restera partie.

Pour éviter cette situation, il conviendrait de modifier la définition retenue dans la directive SMA, ce qui se décide au niveau non pas national mais européen, ou de rouvrir les négociations de la CETT sur ce point spécifique. Nous avons déjà échangé avec les services de Michel Barnier, négociateur en chef de la Commission européenne pour le Brexit, et avec notre représentation permanente auprès de l’Union européenne ; cette difficulté devra être examinée avec beaucoup d’attention.

Concernant l’accès aux programmes français depuis l’étranger, l’idée de faire payer la contribution à l’audiovisuel public en échange d’un accès à ses programmes me semble difficile à mettre en œuvre. Il me paraît plus important de prévoir un accès à Salto depuis l’étranger, et c’est ce à quoi nous travaillons avec France Télévisions et les autres chaînes de la plateforme, avec l’objectif de soutenir le financement de la création.

Sur ce sujet, il faut être très attentif au respect du principe de territorialité du droit d’auteur, car c’est ce qui permet de financer la création et de garantir aux auteurs une juste rémunération. Nous avons, d’ailleurs, défendu ce principe dans le cadre des négociations européennes, notamment sur le règlement visant à contrer le blocage géographique.

L’audiovisuel public français dispose, par ailleurs, d’outils de programmation et de promotion de ses programmes : TV5 Monde est accessible dans plus de 200 pays et auprès de 364 millions de foyers, et son accès sera encore plus large demain grâce à la plateforme TV5 Monde plus ; France Télévisions est déjà accessible depuis l’étranger dans 70 pays, principalement en Europe, mais aussi en Afrique subsaharienne, auprès de 38 millions de foyers ; quant à France Médias Monde, elle a vocation à diffuser les contenus de l’audiovisuel extérieur partout dans le monde.

La francophonie, cher Jacques Krabal, est une des missions de l’audiovisuel public, et elle continuera d’être renforcée. Je reviendrai sur nos attentes en la matière lors de nos débats dans l’hémicycle.

Le crédit d’impôt audiovisuel est un outil formidable, et nous travaillons avec Bercy à l’étendre aux jeux vidéo – une filière essentielle pour l’avenir de toutes les industries de l’image. Plus nous accueillerons de productions de jeux vidéo sur notre sol, plus nous pourrons valoriser à la fois le savoir-faire français, l’excellence de la filière française, et ainsi conforter ces emplois sur notre territoire.

La place des femmes et des hommes dans l’audiovisuel sera, bien sûr, un des objectifs de France Médias, et nous aurons l’occasion d’y revenir quand nous aborderons les missions de service public du groupe.

Depuis deux ans, d’importants progrès ont été réalisés sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes : la charte des festivals prévoit la parité dans tous les comités de sélection, la gouvernance des César, d’une actualité brûlante, est en cours de rénovation, et le CNC attribue, depuis l’année dernière, un bonus de 15 % aux films dont les équipes sont paritaires. Cette dernière avancée est considérable, et s’appuie sur la bonification plutôt que sur la sanction. Quant au CSA, demain l’ARCOM, il exerce un contrôle sur l’amélioration de la place des femmes et de leur visibilité. Il s’agit donc de la féminisation de la production et de la réalisation, mais aussi à l’écran. Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, a récemment pris un engagement fort sur la place des femmes à l’écran et sur le soutien aux femmes réalisatrices.

Le projet de l’Agence française de développement (AFD) pour soutenir les médias dans le Sahel avec un financement de 8 millions d’euros et la participation de RFI est une belle initiative.

Le projet de création d’une chaîne franco-algérienne sur le modèle d’ARTE, qui symboliserait l’amitié entre nos deux peuples, me paraît une belle idée, et je suis prêt à y réfléchir très sérieusement. Il y a un lien particulier entre la France et l’Algérie, et le modèle d’ARTE a, en effet, inspiré des initiatives similaires. Ce serait rendre hommage à celles et ceux qui ont imaginé la chaîne franco-allemande et qui la font vivre au quotidien.

Quant à la chanson de la délégation tricolore à l’Eurovision, dont le refrain est en anglais, ce que je déplore tout autant que vous, cher Jacques Krabal, et qui m’a cassé les oreilles ce matin à la radio, c’est un choix indépendant de France Télévisions, dont la ligne éditoriale est libre. Le morceau devait initialement être chanté entièrement en anglais, mais l’interprète, Tom Leeb, a réécrit les couplets pour qu’ils soient en français. La stratégie serait d’essayer d’obtenir le Graal de la première place, mais j’ai fait savoir mon étonnement quant à ce refrain en anglais. Chacun doit montrer l’exemple pour que la France soit portée avec fierté partout et tout le temps. La francophonie est importante, donc, mais le rayonnement de la France, de sa culture et de son regard spécifique sur le monde passe aussi par des contenus, notamment ceux de l’audiovisuel public, en langues étrangères ou sous-titrés. Le sous-titrage est un outil très utile à ce titre.

J’ai tâché d’être le plus complet possible dans mes réponses, madame la présidente ; restent encore de nombreux sujets à examiner sur lesquels nous reviendrons lors de la discussion du projet de loi.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Monsieur le ministre, pourrait-on s’accorder sur un dispositif qui permettrait à notre audiovisuel extérieur de conserver sa place, de préserver son influence et son rayonnement tout en permettant les évolutions engagées dans le cadre du nouveau groupe public ? Si nous pouvions, dans les prochains jours, emprunter ensemble ce chemin pour affiner votre proposition avec cet objectif partagé, notre commission en serait fort satisfaite.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La synthèse que vous venez de nous livrer me convient parfaitement, madame la présidente. Reste à déterminer comment traduire concrètement cette visée, mais soyez assurée que je serai proactif pour aller dans le sens que vous souhaitez.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je vous remercie, vous et votre équipe, de votre présence, monsieur le ministre.

II.   Examen des articles

Lors de sa réunion du mardi 25 février 2020, la commission procède à lexamen pour avis du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à lère numérique (n° 2488) (M. Jean-François Portarrieu, rapporteur) ([12]).

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Mes chers collègues, Nous sommes saisis pour avis de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dont le rapporteur est Jean-François Portarrieu.

La saisine porte sur l’article 1er et sur l’article 59, du premier alinéa à l’alinéa 49, et sur les alinéas 59 et 60, 70 à 73, et 90 à 152 inclus. Nous sommes saisis de vingt-huit amendements.

Afin de préparer au mieux cet examen, nous avons réuni à l’automne un groupe de travail consacré à l’audiovisuel et formulé une série de propositions. L’audition du ministre de la culture, mardi dernier, nous a permis de resituer ces propositions et d’avoir un important débat de fond sur les attentes unanimes de notre commission sur l’audiovisuel extérieur.

Nous voulons la pleine reconnaissance du rôle de l’audiovisuel dans le rayonnement et l’action extérieure de la France et renforcer les garanties pour en assurer la bonne exécution, en matière de gouvernance et de moyens.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour l’excellent travail que vous avez réalisé et vos amendements qui s’inscrivent dans la stratégie que nous avons définie dans le cadre de ce groupe de travail. Je remercie également les uns et les autres pour les amendements qu’ils ont déposés et les membres du groupe de travail qui se sont fortement impliqués ces dernières semaines.

Je rappelle que l’examen du texte en séance publique débutera la semaine du lundi 30 mars prochain.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur. Je souhaite remercier, outre l’administratrice qui m’a accompagné dans ce travail préparatoire, notre collègue Frédéric Petit qui a participé à mes côtés à plusieurs auditions et n’a cessé de me faire partager sa passion pour la diplomatie culturelle. Je crois pouvoir dire qu’il y est parvenu.

Depuis trente ans, le paysage audiovisuel français ne cesse de se transformer, et à l’ère digitale les usages ont profondément évolué. Face à ce constat, le projet de loi prévoit une réorganisation en profondeur afin de réduire l’asymétrie qui ne cesse de grandir entre les acteurs traditionnels et les opérateurs digitaux. Il doit également permettre d’adapter la régulation audiovisuelle aux enjeux actuels et à venir, renforcer notre souveraineté culturelle et doter les opérateurs publics des moyens nécessaires pour exister et remplir pleinement leur rôle au service de notre diplomatie d’influence. C’est particulièrement important pour l’avenir de notre audiovisuel public extérieur.

J’ai essayé de m’acquitter de la mission que vous m’avez confiée en restant fidèle à l’état d’esprit positif qui a animé le groupe de travail que vous avez souhaité réunir il y a quelques mois, madame la présidente, groupe de travail qui a mis en évidence le risque avéré pour notre audiovisuel extérieur d’être appréhendé comme une variable d’ajustement du futur groupe public.

Notre commission a rapidement identifié la nécessité d’apporter des garanties à la bonne exécution des missions de l’audiovisuel extérieur dans le futur groupe public intitulé France Médias, une holding que le projet de loi vise à créer et qui intégrera France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel et France Médias Monde. En revanche, Arte et TV5 Monde resteront en dehors de ce groupe public pour des raisons juridiques et diplomatiques, puisque ces chaînes reposent sur un accord franco-allemand pour la première et sur une charte multilatérale avec les Belges, les Suisses, les Canadiens et les Québécois pour la seconde.

Les priorités stratégiques de France Médias Monde qui regroupe France 24, Radio France Internationale (RFI) et Monte Carlo Doualiya, radio en langue arabe, s’inscrivent en écho avec plusieurs axes de l’action extérieure de la France. C’est vrai au plan thématique avec la promotion de la francophonie et du plurilinguisme, la promotion d’un modèle d’information libre, pluraliste et indépendant ou encore une contribution à l’aide publique au développement valorisée pour 2018 à près de 20 millions d’euros. On l’observe aussi pour nos priorités géostratégiques avec une place particulière occupée par l’audiovisuel extérieur en Afrique et au Moyen-Orient.

France Médias Monde joue également un rôle de premier plan dans la lutte contre la désinformation, qui est parfois utilisée dans certaines régions du monde pour contrer les intérêts stratégiques de la France, comme on a pu le constater au Sahel.

En plus de ses missions quasi régaliennes, l’audiovisuel extérieur constitue un outil pour l’ensemble de l’audiovisuel public auquel il fournit des contenus et surtout une expertise et un regard particulier dont l’importance ne doit pas être sous-estimée pour accompagner l’internationalisation de nos médias publics.

Je rappelle ainsi que notre audiovisuel extérieur doit faire face à une concurrence croissante qui émane à la fois d’acteurs traditionnels, comme BBC World ou la Deutsche Welle, et des stratégies offensives déployées par des acteurs à l’envergure mondiale comme la Russie ou la Chine. Le rôle de l’audiovisuel dans le rayonnement de la France passe aussi par la promotion de la création audiovisuelle française et sa diffusion dans le monde entier.

En intégrant les plateformes numériques étrangères au système de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique française, le projet de loi vise à limiter l’asymétrie qui s’est installée entre ces plateformes et les services de télévision traditionnels. Ce rééquilibrage apparaît essentiel pour ne pas perdre la bataille des contenus culturels face aux plateformes américaines telles que Netflix, mais il faudra rester vigilant sur la manière qu’auront ces nouveaux acteurs d’appliquer les réglementations.

En parallèle, plusieurs projets en cours d’élaboration mobilisent notre audiovisuel public : la plateforme francophone TV5 Monde Plus, le projet de plateforme porté par Arte intitulé La collection européenne, ou encore le futur service de vidéo à la demande de Salto qui regroupera France Télévisions, TF1 et M6.

Il faudra surtout pouvoir accompagner l’élargissement du soutien à la production indépendante d’un développement des productions en interne, dans la dynamique de « l’Alliance » formée par France Télévisions et les opérateurs publics italien et allemand de la RAI et de la ZDF qui permettra de favoriser les coproductions dans la fiction tout en maintenant les droits sur les fictions produites au sein des services publics européens. C’est là une dynamique qui répond à un problème que vous êtes nombreux à soulever régulièrement, celui de l’accessibilité des chaînes françaises, et notamment des chaînes publiques à l’étranger. Ce problème se heurte pour la majorité des programmes à la territorialité du droit d’auteur et au coût substantiel qu’aurait la détention de droits mondiaux.

Dans ce contexte, la création d’un groupe public de l’audiovisuel français doit renforcer notre audiovisuel face à une intensification de la concurrence et à la multiplication des acteurs en présence. Je rappelle à ce titre que tous les acteurs concernés que nous avons auditionnés ont émis un avis favorable à la création de France Médias.

Ce positionnement, que je partage car je considère qu’il renforce notre audiovisuel public, nécessite néanmoins des garanties qui doivent être apportées à la bonne exécution des missions de la future filiale France Médias Monde, compte tenu des spécificités de l’audiovisuel extérieur vis-à-vis des autres opérateurs de l’audiovisuel public à vocation en priorité nationale. C’est le sens des amendements que j’ai déposés et qui s’inscrivent dans la continuité des conclusions de notre groupe de travail sur l’audiovisuel.

Mes chers collègues, je vous invite à voir dans cette réforme une occasion de réinventer notre audiovisuel public sans pour autant copier d’autres modèles, à commencer par celui de la BBC qui est parfois cité, mais plutôt en partant de notre histoire et des nombreux atouts et talents sur lesquels nous pouvons nous appuyer. À l’heure où même la BBC, premier audiovisuel public au monde qui aura cent ans en 2022, connaît au Royaume-Uni des critiques au caractère relativement inédit et craint d’être fragilisée par l’expansion des plateformes américaines, il est essentiel de se doter d’un audiovisuel public à la hauteur de nos ambitions en matière de souveraineté culturelle et de diplomatie d’influence.

Mme Anne Genetet. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre rapport et la présentation que vous venez de faire sur l’audiovisuel extérieur de l’État qui est un outil très important.

Lorsqu’on habite comme moi à l’étranger, on est moins dans la diplomatie d’influence que dans le lien fondamental avec le pays. Je parlerai donc aussi en tant qu’utilisatrice et réceptrice de cet audiovisuel extérieur de l’État et je déposerai, en séance publique, des amendements visant à demander au ministre de la culture comment recevoir des programmes français lorsqu’on est à l’étranger.

Même si notre audiovisuel extérieur est relativement dynamique, comme vous venez de le souligner, j’ai souvent dit qu’il n’était pas toujours facilement accessible. Certes, nous recevons Radio France Internationale, mais pour ce qui est de l’audiovisuel et du digital, beaucoup de plateformes sont inaccessibles quand on est à l’étranger pour des raisons de droits d’auteur, et elles sont payantes, alors que d’autres supports, comme la BBC ou NHK World ne le sont pas. Je me demande toujours pourquoi nous devons payer pour accéder à nos programmes alors que les Japonais n’ont pas besoin de le faire. Ce n’est peut-être pas seulement une question de moyens.

Même s’il ne faut pas toujours prendre exemple sur les autres, permettez-moi de citer le cas de NHK qui diffuse à la fois à la radio, à la télévision et sur internet, touche 300 millions de foyers dans 160 pays, diffuse en dix-sept langues, ne vit que sur le produit d’une redevance qui n’est pas très élevée – j’indique au passage qu’il y a un litige au Japon parce qu’il semble que 30 % de Japonais n’acquittent pas la redevance – et a un budget total de près à 6 milliards d’euros, ce qui est assez substantiel. À tout cela s’ajoute un laboratoire de recherche en diffusion de produits audiovisuels qui est assez innovant.

Dans votre rapport, vous mettez en garde contre le risque d’appropriation par les plateformes étrangères d’un nombre toujours plus grand de contenus audiovisuels et cinématographiques. J’insiste sur ce point, parce que nous avons besoin de contenus français et francophones à l’étranger, ce qui n’est pas si facile. J’ai compris que nous étions très présents en Afrique, mais nettement moins dans d’autres régions du monde. Ces plateformes réaffirment actuellement leur prépondérance.

Cet enjeu n’est pas neutre avec le glissement vers le tout plateformes et l’internationalisation de ces plateformes et le risque de monopole culturel par des gens qui ne partagent pas forcément nos valeurs. Il est très important de comprendre qu’il y a là un enjeu de souveraineté, comme le souligne le projet de loi.

Au-delà de la question des moyens et de la stratégie, quels leviers permettraient aux acteurs européens, notamment français, de faire face à ces plateformes non européennes qui pointent ? Tout le monde a en tête certaines plateformes américaines, mais je pense aussi à la plateforme japonaise que je viens d’évoquer.

M. Frédéric Petit. Je veux tout d’abord saluer madame la présidente car il était très important que notre commission des affaires étrangères soit saisie pour avis de ce texte.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre travail et pour les échanges que nous avons partagés. Vous indiquez que nous adaptons notre audiovisuel aux nouveaux enjeux : c’est la phrase de votre rapport que j’apprécie le plus.

On parle parfois de lutte d’influence, mais lorsque des télévisions étrangères viennent s’implanter chez nous, il s’agit bien, comme vous l’avez dit, de lutte de pouvoir alors que le modèle que la France véhicule est un modèle d’échanges.

Vous connaissez mon point de vue : je suis opposé à cette distinction entre audiovisuel extérieur et audiovisuel intérieur. France Médias Monde n’est pas un audiovisuel extérieur mais un audiovisuel mondial qui devrait aussi avoir des répercussions à l’intérieur et élever le niveau de télévision et de réflexion que nous avons sur notre télévision intérieure. Il faut trouver une fécondation entre la présence culturelle que nous avons dans le monde et la présence culturelle que nous essayons de développer sur le sol national, de la même manière que nous le faisons pour l’enseignement et le climat.

Nous découvrons depuis plusieurs années que la francophonie, c’est le plurilinguisme. Avoir un audiovisuel français ne veut pas systématiquement dire que nous avons un audiovisuel en français mais un audiovisuel inclusif, intégrateur et qui développe. Je vous rappelle que France Médias Monde émet en espagnol, en anglais, en arabe. Avoir un média d’État français qui émet en arabe est utile, y compris sur le sol national.

Je voudrais revenir sur l’aspect financier que j’avais développé dans mon rapport sur la diplomatie d’influence. Avant de parler d’enjeux financiers, comme je l’avais fait dans le domaine de l’éducation, de l’enseignement à l’étranger, nous devons regarder ce que nous faisons et avoir à l’esprit que nous sommes un géant qui s’ignore. Pour moi, l’audiovisuel fait partie de la culture. Nous devons réorganiser notre réseau culturel. Il y a des plateformes qui circulent dans le réseau des instituts français qui ne sont pas coordonnées avec France Médias Monde. France Médias Monde développe des outils de lutte contre l’infox qui sont repris mais pas systématiquement dans le réseau culturel. Au vu des enjeux, il faudrait mutualiser les 120 millions d’euros que nous consacrons au réseau culturel et les 120 millions d’euros affectés à France Médias Monde.

Nous finançons notre audiovisuel par une redevance. Or, nous avons découvert à plusieurs reprises lors des auditions que cet impôt posait un problème philosophique : il est illogique en effet que la redevance porte une diplomatie d’influence. C’est pourquoi je suis plutôt favorable à la solution de repli proposée par le rapporteur en ce qui concerne le financement particulier de France Médias Monde pour ce rôle de diplomatie d’influence plutôt que le plancher appliqué à la redevance. La redevance condamne un plancher. Par contre, l’impôt impose une gouvernance forte.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. J’espère que tout le monde aura bien compris ce que vous venez de dire.

M. Alain David. Cela fait deux ans que, de rapport en rapport, je proclame que France Médias Monde est un outil essentiel qui concourt au rayonnement de la France dans le monde sur le plan culturel et économique et qu’il est un vecteur majeur pour notre diplomatie, mais cela fait aussi deux ans que les coups de rabot successifs entament la capacité de rayonnement et l’enthousiasme des salariés. Je souhaite que l’intégration à France Médias soit accompagnée de garanties dont le budget plancher, et qu’un budget adapté puisse donner de la visibilité au fonctionnement et au projet de l’organisme.

Je félicite Jean-François Portarrieu pour la qualité de son rapport qui est un véritable plaidoyer pour la défense de ce média.

Mme Frédérique Dumas. On pense qu’en politique la parole est hyper performative et qu’énoncer les valeurs suffit à ce qu’elles atterrissent dans la réalité. Vous nous avez rappelé les objectifs de ce projet de loi, notamment réduire l’inégalité entre les acteurs historiques nationaux et ceux qui viennent sur notre territoire, afin de renforcer l’audiovisuel public, mais encore faut-il que les dispositifs juridiques, budgétaires et humains le permettent. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui. On peut continuer à énoncer les valeurs : on verra dans un ou deux ans à quoi cela aura conduit. Des décisions ont été prises il y a deux ans, comme la suppression de la chaîne pour enfants, que la rapporteure du projet de loi est la première à regretter face au ministre tout en proposant la même chose que ce qui a été proposé il y a deux ans.

Je veux seulement vous alerter sur le fait qu’en réalité ce projet de loi ne fait pas ce que vous pensez qu’il fait, afin que vous ne vous réveilliez pas dans un ou deux ans en vous apercevant que vos propres objectifs n’ont pas été atteints.

M. Alexis Corbière. Madame la présidente, je vous remercie de m’accueillir dans votre prestigieuse commission.

Si les intentions de ce projet de loi sont louables, notamment quand il s’agit de respecter la rémunération des auteurs ou la protection de la production indépendante, il a tout de même pour objectif une forme de libéralisation du secteur audiovisuel, ce à quoi nous nous opposons au vu de l’état actuel du paysage médiatique. L’influence de propriétaires privés médiatiques se traduit par une capitalisation de 55,3 % des parts d’audience sur les chaînes de télévision. Ce sont tout autant de contenus sujets à des influences politiques et économiques, même si, c’est bien connu, les chaînes s’en défendent. À l’évidence, une telle concentration nous semble incompatible avec des principes de liberté d’information qui sous-entend la pluralité de l’information.

Je prendrai un exemple parmi d’autres : en 2015, un documentaire sur le Crédit mutuel et la fraude fiscale fut interdit de diffusion sur une chaîne, en l’occurrence Canal +, le président-directeur général s’y étant opposé au nom de la protection d’intérêts alors menacés. Il y a donc un enjeu de pluralisme démocratique et de diversité des opinions à mettre un terme à cette privatisation.

France Médias Monde est la maison mère de France 24 et de RFI. Selon les propres mots de sa présidente Marie-Christine Saragosse, le risque est qu’avec la holding qui va être mise en place, le groupe ne soit plus qu’une simple variable d’ajustement. Sa fusion sonnerait la fin de son autonomie. C’est pourquoi nous sommes défavorables au principe de gouvernance unique qu’implique cette holding. Comment pouvons-nous penser sincèrement qu’une telle concentration sera à même de garantir la liste nombreuse des grands principes dont on fait état et qui sont au cœur du projet de loi ? Dans les faits, cela ne pourra qu’entériner une influence politique et économique qui plane sur les contenus audiovisuels. À l’inverse, nous affirmons notre attachement à l’indépendance de chacune des sociétés qui la composent.

En conclusion, je tiens à réaffirmer ici nos principes. Pour qu’une société soit réellement démocratique, deux piliers doivent être consacrés, valorisés et protégés : le droit à l’éducation d’une part, et le droit à l’information d’autre part qui permet de rester au courant de ce qui se passe autour de soi et de faire vivre son esprit critique tout au long de la vie. C’est tout l’enjeu de la discussion que nous avons là.

M. Bruno Fuchs. Frédéric Petit a bien résumé les choses : il s’agit d’un moment assez important de l’histoire de l’audiovisuel public et des missions qu’il doit remplir. Parmi ses missions, je citerai le rayonnement de la France et son image, ainsi que les valeurs liées aux libertés publiques et à la démocratie. Je pense que cet élément peut se retrouver dans France Médias si l’on y consacre l’ensemble des moyens.

Il faudra éviter que le budget de France Médias Monde se dilue dans le budget général. À cet égard, je sais que vous réfléchissez à un dispositif visant à mobiliser beaucoup plus de moyens que ce que nous sommes en mesure de déployer aujourd’hui face aux Japonais mais surtout aux Américains – pour l’heure, les médias chinois restent en Chine, mais lorsqu’ils décideront de conquérir le reste du monde ils en auront les moyens. La capitalisation de TF1 est cent fois inférieure à celle de Netflix, ce qui montre bien la disparité des moyens et des capacités de production de contenus, la guerre étant celle de la production de contenus.

Si l’on ne veut un service public fort et non une libéralisation de l’audiovisuel, comme l’a dit mon collègue de La France insoumise, il faut être capable de mobiliser des moyens financiers.

Le rayonnement de la France et les valeurs dont a parlé Frédéric Petit doivent se retrouver en France également. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés défendra un amendement en commission, dès lundi, sur la capacité de voir France 24 à une bonne place sur la télévision numérique terrestre (TNT). Les citoyens français que nous sommes doivent dépasser cette vision communale ou franco-française du monde et voir comment la France se projette à l’international.

En conclusion, nous serons vigilants sur les deux aspects que je viens de développer, mais je sais que votre réflexion est relativement bien aboutie à ce stade en ce qui concerne le volet financier.

Mme Marion Lenne. Dans l’intérêt général, nous devons offrir un ensemble diversifié de programmes sur tous les territoires. Je m’interroge donc sur les bassins de vie frontaliers avec l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, l’Italie, l’Allemagne, Monaco, l’Andorre ou encore la Suisse : auront-ils davantage accès aux programmes de leurs voisins grâce à cette réforme ? Si je vous pose cette question, c’est parce que, depuis le 3 juin 2019, les Français vivant à proximité de la frontière suisse ne reçoivent plus les chaînes de la Radio Télévision Suisse (RTS) suite à l’arrêt de diffusion pour des raisons budgétaires. Grâce à un accord de financement entre les départements de Haute-Savoie, de l’Ain, le pôle métropolitain du Genevois français ainsi que les cantons de Genève et de Vaud, la RTS sera prochainement de retour sur les écrans français.

Ma question porte donc sur l’accès aux offres de part et d’autre d’une frontière dans un monde numérique justement sans frontières où nous devons assurer une coordination de l’offre pour permettre un rayonnement commun. Si vous rappelez l’importance de l’audiovisuel français dans le monde, comment la dimension transfrontalière est-elle intégrée pour offrir un meilleur accès à l’audiovisuel de nos voisins francophones ou autres, et quelle est la stratégie de France Médias Monde sur cet enjeu pour favoriser une meilleure coopération entre les acteurs frontaliers de l’audiovisuel ?

M. Rodrigue Kokouendo. Ma question porte sur les conséquences du Brexit. Une association de producteurs cinématographiques britannique affirme que 85 % d’entre eux souhaitent rester dans l’Union européenne. Les discussions sont en cours et les négociations en marge n’en sont qu’au début, mais nous nous interrogeons sur la suite à donner au domaine de l’audiovisuel. Dans le cas où le principe d’exclusion des services audiovisuels serait préservé, les négociations se dérouleront donc en marge des négociations relatives au futur accord commercial entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. De fait, la directive européenne sur les médias audiovisuels ne s’appliquerait pas. Ma question porte sur la directive sur les médias audiovisuels. Qu’adviendra-t-il des quotas à ce moment-là ? Le bénéfice ne sera-t-il pas à l’avantage du Royaume-Uni avec une possibilité de distorsion entre les réglementations ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur. Madame Genetet, vous m’interrogez sur la difficulté d’accès aux plateformes numériques. Il existe plusieurs éléments de réponse. Même si je ne suis pas député des Français de l’étranger, je partage votre constat. Ce n’est certainement pas qu’une question de moyens, mais un peu quand même.

La question des moyens porte sur l’acquisition des droits de diffusion. Bruno Fuchs a parlé de la capitalisation boursière de TF1 qui est cent fois inférieure à celle de Netflix, laquelle a des moyens colossaux et ne procède que par acquisition des droits de diffusion mondiaux. Toutes les œuvres présentes sur Netflix sont diffusées dans le monde entier. Évidemment, aucun acteur sur le territoire européen n’a une telle capacité financière. Pour autant, je pense qu’on peut faire évoluer sensiblement la culture française, notamment celle du service public.

Sans doute notre service public n’est-il pas assez agressif. On a toujours des réticences à engager des négociations avec d’autres producteurs d’autres chaînes pour acquérir des droits de diffusion, y compris de diffusion morcelée. On considère que les médias traditionnels que sont la télévision et la radio relèvent du patrimoine culturel. Sans pour autant basculer dans le côté mercantile de certains opérateurs du service marchand, il faudrait trouver une position un peu plus équilibrée, notamment en matière de négociation des droits. Comme les opérateurs vont devoir engager très prochainement des discussions avec les acteurs du numérique, je pense que nous serons contraints de progresser en la matière. La couche culturelle qui existe dans notre service public est très développée, mais elle est peut-être un peu hypertrophiée. On fait des programmes de qualité, et on considère que cela suffit, mais ce n’est plus le cas.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Il faut être davantage conquérant.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur. Tout à fait. Il faut développer cet esprit de conquête, d’agressivité même, bref se muscler un peu.

S’agissant de la diffusion à l’international, je précise que la production propre endogène de France Télévisions est relativement faible. À titre de comparaison, alors que la BBC produit les trois quarts de ses programmes, nous en produisons un peu moins d’un cinquième – de mémoire 17 %. On favorise la production indépendante, ce qui est une très bonne chose, mais on se déleste un peu d’une production propre. On doit nécessairement acquérir des droits internationaux pour pouvoir espérer diffuser à l’international.

J’ai eu des échanges féconds avec Frédéric Petit que j’ai associé au travail que j’ai mené. Nous avons abouti à une solution qui paraît être une avancée concernant le financement de projets dans le cadre de l’aide publique au développement. Je suis assez souvent critique à l’égard du modèle de la BBC, parce que je considère qu’on a les talents en France pour faire un grand service public de l’audiovisuel à la française, mais je n’oublie pas que BBC World, l’équivalent de France Médias Monde, est cofinancé par le produit de la redevance à hauteur des trois quarts du budget de BBC World – 400 millions d’euros, soit une fois et demie le budget de France Médias Monde – et par environ 100 millions d’euros provenant directement du Foreign office, l’équivalent du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ce double financement me paraît plutôt vertueux. Il faut savoir qu’en Angleterre le montant moyen de la redevance par foyer fiscal s’élève à seize livres par mois, c’est-à-dire un peu moins de vingt euros, et que cela n’a jamais été remis en cause depuis quasiment un siècle. Outre-Manche, on est fier de la BBC qui est inscrite dans le patrimoine.

Monsieur Alain David, je partage totalement votre crainte que notre audiovisuel extérieur soit considéré comme une variable d’ajustement. J’ai essayé d’apporter des correctifs qui me paraissent être des avancées. On peut toujours faire mieux, mais c’est déjà ça. Il faut savoir que, sur la période 2018-2022, France Médias Monde a engagé un plan d’économies qui porte sur 16 millions d’euros sur un budget de 270 millions d’euros, ce qui est considérable, grâce à un certain nombre de rationalisations et à la renégociation de contrats. On ne peut donc pas lui demander de faire davantage d’efforts.

Madame Frédérique Dumas, nos avis sont quelque peu divergents. En tant qu’ancien professeur de philosophie, je suis sensible à la valeur performative du langage dont vous avez parlé et qui consiste à considérer que dire c’est faire. Pour ma part, je crois dans ce que je fais.

Monsieur Alexis Corbière, je pense que la pluralité de l’information est réaffirmée dans le texte, au moins concernant le service public, c’est-à-dire la holding. Je dissocie les missions du service public dont notre rôle est de les énoncer très clairement d’un certain nombre d’acteurs assez mercantiles sur lesquels il sera souhaitable que la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) soit vigilante. Par ailleurs, je suis plutôt satisfait du mode de gouvernance de la société mère France Médias et surtout des quatre filiales, les sociétés filles, dont les directeurs généraux conserveront la direction de la publication, autrement dit France Télévisions, Radio France et France Médias Monde conserveront leur indépendance éditoriale. Les directeurs généraux qui seront les responsables de la publication, c’est-à-dire les responsables pénaux, ne siégeront pas dans le conseil d’administration de la société mère, ce qui est plutôt rassurant. En tout cas, cela peut éviter certaines dérives. Bien sûr, comme vous l’avez dit, il faudra faire preuve de vigilance sur ce point.

M. Bruno Fuchs s’inquiète du risque de dilution du budget de France Médias Monde dans le futur groupe public. Comme je l’ai dit à M. Alain David, j’y suis évidemment sensible et j’essaie de trouver des correctifs, des modes de garantie afin que France Médias Monde conserve des conditions satisfaisantes d’exercice de ses missions.

Madame Marion Lenne, l’offre de programmes dans les territoires transfrontaliers ne concerne pas directement France Médias Monde, mais plutôt les deux autres opérateurs de l’audiovisuel extérieur public que sont Arte, dans le cadre de l’accord avec l’Allemagne, et TV5 Monde, dans le cadre d’une charte notamment avec la Suisse et la Belgique. Le problème est avéré, mais ce n’est pas à la loi de le résoudre. Il appartient probablement aux chaînes et aux producteurs d’engager des relations bilatérales. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes plutôt tournés vers le marché domestique, vers le marché national. J’en veux pour preuve que lors des auditions, je ne suis jamais parvenu à obtenir les mesures d’audience de France Médias Monde, alors qu’il existe des mesures d’audience quotidienne des chaînes de télévision françaises d’une précision diabolique. M. Alain David pourra vous confirmer que France Médias Monde fait des panels de vingt-cinq États une année et de quarante États l’année suivante. D’ailleurs, elle ne parle pas de téléspectateurs ni d’auditeurs, mais de contacts. Quoi qu’il en soit, je le répète, cela ne relève pas du cadre législatif.

Enfin, je me propose de répondre plus tard à la question de Rodrigue Kokouendo.

La commission en vient à lexamen des articles du projet de loi dont elle est saisie pour avis.

Article 1er : modernisation et simplification des régimes de contribution prévus pour les éditeurs de services

La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 1er sans modification.

Article 59 : réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

La commission est saisie de lamendement AE2 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Michel Fanget. Cet amendement vise à compléter les missions de service public de l’audiovisuel public en y intégrant une référence aux valeurs, à l’activité et aux institutions de l’Union européenne. Il tend à renforcer, pour l’ensemble de l’audiovisuel public, les missions existantes de couverture de l’actualité européenne. Il s’agit en effet de renforcer la visibilité de l’actualité des institutions européennes dans le débat public national.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je partage totalement le souhait de M. Bourlanges, qui me semble toutefois satisfait par l’alinéa 21 ; je demande donc le retrait de cet amendement. Si vous n’envisagez pas de le retirer, j’émettrai néanmoins un avis favorable à son adoption.

M. Michel Fanget. Je le maintiens.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement AE15 de Mme Sira Sylla ainsi que les amendements identiques AE23 du rapporteur pour avis et AE29 de Mme Anne Genetet.

Mme Sira Sylla. Le présent amendement a pour objet de souligner le rôle décisif de notre action culturelle. En effet, la diplomatie culturelle n’est pas un gadget ; au contraire, elle constitue un puissant vecteur de notre politique étrangère, fondée notamment sur le multilatéralisme et le respect de la diversité culturelle. Comme l’a reconnu M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en juillet 2018, le réseau audiovisuel extérieur « participe puissamment à notre stratégie dinfluence » ; en effet, les chaînes de l’audiovisuel extérieur se sont imposées comme des médias indépendants et de qualité, remplissant une véritable mission de service public. Michel Herbillon et moi-même avons eu l’occasion de le constater dans le cadre de notre mission d’information sur la diplomatie culturelle et la francophonie.

Je propose donc de mentionner la diplomatie culturelle et d’influence de la France à l’alinéa 29.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Mon amendement est quasiment similaire à celui qui vient d’être présenté. Je souscris à ce qu’a dit Mme Sylla, mais j’ai une légère préférence pour ma rédaction.

Mme Anne Genetet. Mon amendement est identique à celui de mon collègue Jean-François Portarrieu. Il s’agit là aussi de souligner l’importance de l’action audiovisuelle extérieure dans la diplomatie d’influence de la France – également évoquée par Sira Sylla. Il est important de rappeler qu’il s’agit d’une mission de service public.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je demande à ma collègue Sira Sylla de retirer son amendement, de façon à pouvoir adopter les deux autres.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je précise que ces amendements ont les mêmes objectifs.

Mme Sira Sylla. Je retire mon amendement, mais j’aimerais bien défendre dans l’hémicycle celui qui sera adopté.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Vous pouvez aussi cosigner les deux amendements identiques, si vous le souhaitez.

Mme Sira Sylla. Oui, bien sûr. L’union fait la force, madame la présidente.

Lamendement AE15 est retiré. La commission adopte les amendements identiques AE23 et AE29 tels quils viennent dêtre rectifiés.

Elle en vient ensuite à lamendement AE19 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit de faire preuve de cohérence par rapport à tout ce que notre commission a souligné. Nous nous sommes rendus compte que l’audiovisuel extérieur – c’est-à-dire les antennes s’adressant au public à l’étranger – constitue souvent une variable d’ajustement par rapport aux autres sociétés de l’audiovisuel public, parce que ses programmes sont moins en phase avec l’actualité française. Les propos tenus par Thomas Legrand ce matin sur France Inter en témoignent : il expliquait que les enjeux internationaux avaient disparu de la parole publique, des programmes et même des politiques. Cette situation est grave.

Dans un souci de cohérence, l’amendement prévoit d’abord de faire sortir France Médias Monde de la holding prévue. La mise en place d’un budget plancher à l’intérieur de la holding est certes possible techniquement – la preuve en est que la BBC l’a fait, en y intégrant BBC World –, mais nous n’y sommes pas favorables car une partie de ce budget risque d’être aspiré par la maison-mère ; les différentes sociétés, Radio France, France Télévisions et France Médias Monde seront amenées à se battre entre elles. Il ne me semble pas pertinent de déshabiller l’une pour habiller l’autre. Nous voulons donc exclure l’audiovisuel extérieur de la holding.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit que l’indépendance des lignes éditoriales ne serait aucunement remise en question. Cependant, ce n’est pas ce qui ressort du projet de loi, dont le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) lui-même a dit qu’il n’était pas clair et sujet à interprétation. En effet, selon lui, « deux lectures de la loi » sont possibles : « celle a minima, qui fait de France Médias un organe de coordination et de pilotage stratégique, laissant léditorial au sein des entreprises » ; et celle « a maxima, avec une centralisation forte au niveau [de la] holding ». Il ajoute que « cela dépendra de la personnalité choisie pour présider France Médias », ce qui n’est pas vraiment rassurant.

Ensuite, cet amendement défend ce à quoi tout le monde était apparemment attaché, c’est-à-dire l’instauration d’un budget plancher pour France Médias Monde, exprimé à la fois en pourcentage du rendement de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) et en valeur absolue. Ce plancher n’empêche pas que l’on puisse ensuite recourir à l’aide publique au développement (APD). Cependant, je vous rappelle ce qui s’est passé à la BBC : se contenter de l’aide publique au développement revient à effectuer une budgétisation, avec le risque que ce qui a été voté une année puisse être défait la suivante. La CAP doit donc participer au financement de l’audiovisuel extérieur, qui peut ensuite être complété par l’APD.

S’agissant enfin de la comparaison qui est régulièrement faite entre le budget de l’audiovisuel public et celui de Netflix, je trouverais plus pertinent – et suffisant – qu’il soit comparé à celui des services audiovisuels publics de nos voisins européens. Les budgets de la Deutsche Welle et de BBC World s’élèvent respectivement à 350 et 430 millions d’euros. Celui de France Médias Monde est de 260 millions ; les fameux 16 millions qu’il s’agirait d’économiser sont essentiels à son fonctionnement et, sans entrer dans une compétition avec Netflix, je pense qu’il est possible de les conserver. Vous dites d’ailleurs vous-même qu’on ne peut plus demander des efforts budgétaires supplémentaires à France Médias Monde, sachant que d’autres coupes budgétaires sont prévues en son sein, jusqu’en 2022.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Comme je l’ai précisé, la trajectoire d’économie porte sur 16 millions d’euros pour la période 2018-2022, et non après 2022. Cela ne concerne pas l’amendement en discussion, mais ce n’est pas anecdotique.

Par cet amendement, vous manifestez l’intention d’exclure France Médias Monde de la future holding. À ce sujet, nos avis divergent sur le fond.

Par ailleurs, même si je partage votre souci de valorisation des atouts de notre audiovisuel extérieur, je crois que l’option que vous proposez n’est ni souhaitable ni possible. J’en veux pour preuve qu’aucun des quatre opérateurs concernés – que j’ai auditionnés – n’a remis en cause le dispositif prévu. Au contraire, ils souscrivent tous à la décision de constituer une holding. Ils demandent simplement qu’un certain nombre d’éclaircissements soient apportés quant à la manière dont le budget sera réparti ; c’est d’ailleurs l’objet d’un certain nombre d’amendements que j’ai déposés.

J’ajoute, pour préciser la réponse que j’ai faite tout à l’heure à Alexis Corbière, que l’indépendance éditoriale, à laquelle vous faites référence, est de mon point de vue absolument garantie. Elle n’est pas remise en cause aujourd’hui ; je ne vois pas pourquoi elle le serait demain. Le président de la future holding, France Médias, ne sera pas directeur de la publication : pour chacune des sociétés concernées – France Télévisions, France Médias Monde et Radio France –, le responsable éditorial restera le directeur général en poste aujourd’hui. Cela garantira l’indépendance éditoriale des différents opérateurs, qui restera inchangée par rapport à la situation actuelle. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AE5 du rapporteur pour avis.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Cet amendement s’inscrit dans un esprit similaire à celui qui a prévalu tout au long de nos travaux ; il vise à compléter les missions de France Médias Monde afin de valoriser l’importance d’une information « libre, indépendante et pluraliste », ce qui paraît être une évidence en France mais ne l’est pas nécessairement à l’étranger, en particulier dans un certain nombre de territoires et de zones de conflit. Yves Bigot, le directeur général de TV5 Monde, qui a été auditionné par la commission des affaires étrangères en mars 2019 et que j’ai rencontré dans le cadre du travail sur ce rapport, faisait valoir que l’audiovisuel extérieur français ne doit jamais devenir la voix de la France, mais rester celle de la culture française. Il faut que nous soyons précautionneux à ce sujet.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AE6 du rapporteur pour avis.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Cet amendement vise lui aussi à compléter et préciser les missions de France Médias Monde, par une reconnaissance de la contribution de l’audiovisuel extérieur à l’aide publique au développement – elle est estimée à 20 millions d’euros environ. L’amendement proposé vise à ouvrir la possibilité, notamment pour l’Agence française de développement (AFD), de financer des projets de France Médias Monde dans ce cadre précis.

Mme Frédérique Dumas. Cette contribution était déjà prise en compte par l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; d’autres pays l’ont fait et, si on veut le faire, la législation actuelle le permet sans problème.

La commission adopte lamendement.

Elle en arrive à lamendement AE21 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le rapporteur, j’ai mis en avant les interrogations du président du CSA – dont je pense qu’elles ont tout de même une certaine valeur – s’agissant de l’indépendance des filiales au sein de la holding. Nous avons ici affaire à un article un peu curieux puisqu’il se contredit au sein de la même phrase. En l’état du projet de loi, France Médias Monde « définit ou contribue à définir » ses orientations stratégiques ; or soit on fait l’un, soit on fait l’autre, mais on ne peut faire les deux à la fois. Nous proposons que la société définisse elle-même son contenu éditorial, car nous pensons qu’elle est la mieux à même de définir ses propres besoins sur ce plan. Quoi qu’il en soit, le texte comporte une contradiction.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Même si je souscris à cet objectif, je considère qu’il s’agit d’une précaution excessive. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AE17 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Cet amendement visait à attribuer 100 % de la partie française du capital de TV5 Monde à France Médias Monde, en accord avec l’esprit du présent projet de loi, qui vise à rationaliser et à optimiser le fonctionnement de l’audiovisuel public. Toutefois, je me suis aperçue que l’amendement proposé n’était pas compatible avec la charte de TV5 Monde ; c’est pourquoi je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AE4 du rapporteur pour avis et AE16 de Mme Sira Sylla.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. C’est un amendement important – même s’il n’existe pas de hiérarchie entre les amendements –, puisqu’il correspond à une des propositions fortes de notre groupe de travail, et s’inscrit dans notre volonté de renforcer les garanties qui entoureront la bonne exécution des missions de l’audiovisuel extérieur – en l’occurrence, de France Médias Monde. Il propose de confier aux commissions chargées des affaires étrangères – la nôtre et celle du Sénat – la désignation des personnalités indépendantes qui siègeront au conseil d’administration de France Médias Monde ; ce faisant, il permet de valoriser la maîtrise des enjeux propres à notre audiovisuel extérieur.

Mme Sira Sylla. Mon amendement se situe dans le même esprit que celui de M. le rapporteur et poursuit le même objectif.

Lamendement AE4 est adopté. En conséquence, lamendement AE16 tombe.

La commission en vient à lamendement AE22 du rapporteur pour avis.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Il est important aussi. Il a été rédigé à la suite de l’audition du ministre de la culture qui a eu lieu il y a une semaine. Il vise à préciser le détail de l’information qui sera fournie aux parlementaires, tant dans le cadre des conventions stratégiques pluriannuelles que dans celui des projets de loi de finances (PLF), concernant l’attribution des ressources publiques que la holding affectera à chacune de ses quatre filiales, afin de garantir une information budgétaire précise et détaillée en amont de l’examen du PLF.

La commission adopte lamendement.

La commission est saisie de lamendement AE37 du rapporteur pour avis.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui s’articule de manière cohérente avec l’amendement AE6, vise à valoriser le rôle spécifique de France Médias Monde dans l’aide publique au développement de notre pays, qui se manifeste aujourd’hui par l’octroi de financements sur projets par l’Agence française de développement. L’amendement prévoit un fléchage des ressources que l’AFD pourrait apporter à l’avenir. C’est déjà le cas avec le projet emblématique MédiaSahel, lancé l’an dernier afin de promouvoir, par le biais d’une trentaine de radios locales de la zone subsaharienne, l’inclusion sociopolitique de jeunes femmes et de jeunes hommes. Toutefois, ce programme demeurant un peu marginal, il me paraît souhaitable de donner à France Médias Monde des moyens supplémentaires pour aller plus loin dans le développement de ce type de projets.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AE30 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Lorsque vous avez interrogé le ministre, en particulier sur la question des planchers de moyens, il vous a répondu que tout se déciderait dans le cadre de la gouvernance. Or, nous voilà au cœur de la question. Le projet de loi contient très peu de garde-fous : il précise simplement qu’il pourra y avoir un débat au Parlement et que les commissions pourront donner leur avis. Le minimum qui puisse nous être confié est de rendre le débat et l’avis obligatoires.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je partage votre volonté, mais je considère que le débat aura lieu, et que les commissions parlementaires émettront effectivement un avis, dans les conditions actuelles, c’est-à-dire dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Par ailleurs, si les amendements que nous proposons sont adoptés, une nouvelle instance pourra émettre un avis. Enfin, j’ajoute, puisque l’amendement a été adopté, que la commission des affaires étrangères désignera dorénavant les deux personnalités indépendantes qui siégeront au conseil d’administration de France Médias Monde. Des avancées notables vont donc dans le sens de vos préconisations. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AE27 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. À l’heure actuelle, le CSA émet un avis sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens. Or, la loi entraînera un recul fondamental, puisque l’ARCOM n’aura pas à donner son avis sur les conventions pluriannuelles stratégiques. Elle assurera pourtant le suivi des programmes des chaînes de télévision et des stations de radio des secteurs privés et publics. Je ne vois pas comment vous pourriez interpréter cela comme une avancée en termes de gouvernance. Je serais curieuse d’entendre vos explications, dans l’hypothèse où vous seriez défavorable à l’amendement.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Même si je partage l’attention que vous portez aux conventions stratégiques pluriannuelles et à leurs nombreux avenants, je considère que le projet de loi est cohérent en ce qui concerne la désignation des dirigeants du groupe public. Ça ne nécessite pas un avis supplémentaire de l’ARCOM ; il ne me semble pas justifié d’alourdir la procédure. J’émets un avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. L’autorité administrative indépendante observera ce que font les chaînes de télévision et les stations de radio. Cela n’a aucun rapport avec la nomination des membres des conseils d’administration. Le principe d’indépendance, tel qu’il est reconnu au niveau européen, implique notamment la séparation entre les organes de direction et de surveillance. Vous êtes en train de dire que l’instance de surveillance ne pourra pas donner son avis sur une convention pluriannuelle stratégique. Les deux personnalités dont vous avez parlé se trouveront au niveau de la filiale, tandis que la convention en question sera conclue avec la maison mère. Je sais que vous êtes obligé de répéter les mêmes arguments parce que ces dispositions figurent dans le projet de loi, mais c’est indéfendable.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. À mes yeux, je le répète, le projet de loi offre des garanties suffisantes. Je vous rappelle que l’ARCOM remettra un rapport annuel sur l’exécution de chaque cahier des charges aux commissions parlementaires compétentes, dont la commission des affaires étrangères.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AE32 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement est symétrique au précédent. À l’heure actuelle, le CSA donne un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des entreprises de l’audiovisuel public, ainsi que sur leur exécution. Ce sont des avis utiles, très intéressants, d’une autre nature que ceux d’une commission parlementaire, telle que la commission des affaires culturelles ou la commission des finances ; ils nourrissent d’ailleurs leur réflexion. Il est évident que la loi entraînera un recul assez grave quant à la conception des autorités administratives indépendantes et concernant les outils dont peuvent avoir besoin les parlementaires pour exprimer leurs propres avis. J’imagine que vous me ferez la même réponse, mais je tiens à souligner que c’est un recul grave en termes de gouvernance.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Nous avons une divergence de fond. Je considère, pour ma part, que le projet de loi offre des garanties largement suffisantes, puisque l’ARCOM remettra un rapport sur l’exécution des cahiers des charges à chaque commission parlementaire compétente.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AE31 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Le rapport que rendra l’ARCOM n’a aucun lien avec ce dont on parle. Nous demeurons, avec l’amendement AE31, au cœur de la gouvernance. Jusqu’à présent, le débat relatif au projet de loi de finances nous permettait de connaître la répartition des crédits entre les sociétés de l’audiovisuel public. Qu’en sera-t-il à l’avenir, si la holding est créée – ce qui est très probable puisque, comme l’illustre notre débat, personne n’ose toucher au dispositif, et il en ira assurément de même devant la commission des affaires culturelles ? Non seulement l’avis de l’autorité de régulation sur les conventions pluriannuelles n’est pas demandé noir sur blanc mais, en cas d’irrespect des engagements pris en amont de la conclusion de ces conventions – autrement dit, lorsque des écarts apparaîtront dans la répartition des crédits – nous serons simplement informés de leur justification. Le minimum, me semble-t-il, serait qu’on puisse donner notre avis sur les justifications présentées.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Mon avis sera encore défavorable. En effet, votre amendement vise à substituer au Parlement dans son ensemble les commissions chargées des affaires étrangères et des affaires culturelles, ce qui me semble regrettable. Par ailleurs, les commissions en question seront amenées de facto à formuler un avis sur la justification des écarts constatés lors de l’examen du projet de loi de finances, par la voix de leurs rapporteurs spéciaux – au fond – ou de leurs rapporteurs pour avis. Enfin, l’instauration d’un mécanisme d’alerte budgétaire impliquant le Parlement, qui est l’objet de l’amendement suivant, permettrait de répondre à votre objectif.

Mme Frédérique Dumas. Votre réponse ne me satisfait évidemment pas, puisque, pour l’instant, le Parlement n’a pas du tout voix au chapitre. De surcroît, cela n’a aucun rapport avec le débat budgétaire. Le projet de loi de finances traitera de l’année n + 1 et ne portera donc pas sur les écarts constatés. Il octroiera des crédits à la maison mère mais ne traitera pas de leur répartition en son sein. Vos propos ne correspondent pas à la réalité.

M. Frédéric Petit. Je suis d’accord avec le rapporteur pour avis. Notre commission a fait beaucoup d’efforts concernant les contrats d’objectifs et de moyens triannuels, que nous intégrons systématiquement à notre analyse budgétaire depuis le début de la législature. Nous mettons en évidence les écarts constatés, comme je m’y emploie, par exemple, dans mon avis budgétaire sur l’action extérieure de l’État, en ce qui concerne, notamment, Campus France, Expertise France, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), ainsi que
– malgré le décalage intervenu dans la signature de son contrat d’objectif et de moyens – l’AFD. Nous intégrons systématiquement les écarts du budget proposé avec les contrats pluriannuels. Nous nous sommes parfois battus sur ces sujets. Je partage l’avis du rapporteur pour avis : votre proposition donne l’impression qu’elle renforcerait le Parlement alors qu’elle l’affaiblirait.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AE36 du rapporteur pour avis.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Cet amendement est issu des réflexions conduites à l’issue de l’audition du ministre de la culture. Il s’agit d’une proposition consensuelle – non d’un compromis, qui impliquerait une contrepartie – en lieu et place de celle visant à instaurer un budget plancher – qui a suscité, le ministre nous l’a dit, des réticences. Dans la rédaction actuelle, le Parlement ne serait informé qu’au moment de la présentation du projet de loi de finances des éventuels écarts constatés entre la trajectoire d’affectation des ressources publiques prévue dans les conventions stratégiques pluriannuelles et la répartition retenue pour une année donnée, ainsi que de la justification de ces écarts. L’amendement vise à ce que l’information arrive en amont, dès que la holding recevra son allocation annuelle et avant la finalisation du projet de loi de finances, afin de laisser au Parlement la possibilité d’exprimer ses interrogations ou ses inquiétudes.

Mme Frédérique Dumas. Vous employez, à l’appui de votre amendement, des propos identiques à ceux que j’ai tenus précédemment. Vous avez utilisé, pour rejeter mes amendements, les mêmes arguments que ceux que vous invoquez pour justifier l’adoption du vôtre. Le parallélisme des formes voudrait que nous soyons informés en commission de la justification des écarts. Je ne comprends pas pourquoi votre argumentation serait valable pour votre amendement et non pour les miens.

M. Frédéric Petit. Je voudrais vous faire partager mon expérience. Je ne suis pas certain que cet amendement sera adopté lors de l’examen du projet de loi au fond, car on risque de nous répondre – comme on me l’avait rétorqué lorsque j’avais essayé de faire adopter cette mesure concernant les contrats d’objectifs et de moyens – qu’il s’agit d’une disposition du projet de loi et qu’on ne peut contraindre le Gouvernement à la modifier. Lors de l’examen du PLF, nous vérifions que le budget de l’année n est en ligne avec le plan pluriannuel élaboré en n – 2 ou en n – 3 : cette procédure habituelle, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, doit être faite en temps utile. On m’a dit une fois, lorsque j’ai proposé un amendement similaire au vôtre, qu’on n’a pas le droit d’ordonner au Gouvernement de respecter la loi. L’intérêt de votre amendement est qu’il nous permettrait d’être informés avant l’examen du PLF, ce qui constituerait un apport certain. Peut-être sera-t-il accepté, compte tenu de sa rédaction. En principe, les contrats pluriannuels doivent faire partie de l’information fournie dans le cadre du PLF.

Mme Frédérique Dumas. Il faut rappeler qu’on ne discutera que des dispositions figurant dans le PLF, c’est-à-dire de l’enveloppe affectée à France Médias : c’est uniquement ça que nous verrons chaque année. Ensuite, l’État conclura avec la maison mère une convention pluriannuelle stratégique qui répartira les crédits entre les filiales. Comme dirait le ministre, la « logique » de la holding est que cette répartition ne soit plus examinée par le Parlement. Nous demandons simplement que les commissions soient informées de la justification des écarts de répartition des crédits à l’intérieur du groupe, dont le PLF ne traitera pas.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Ce n’est pas ce que le ministre a annoncé ici, mais je pense que le rapporteur pour avis va le préciser.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je vous rappelle, madame Dumas, que nous avons adopté l’amendement AE22, qui prévoit l’instauration d’une clé de répartition. Nous aurons connaissance, en amont de la discussion budgétaire, de l’enveloppe annuelle de crédits affectée à France Médias Monde : c’est clair.

La commission adopte lamendement.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je sors un peu de mon rôle, mais je voudrais insister sur l’importance de cet amendement. Il serait souhaitable qu’on puisse le porter jusqu’au bout.

La commission est saisie de lamendement AE38 du rapporteur pour avis.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement du précédent. Il vise à apporter une garantie supplémentaire pour les sociétés de l’audiovisuel public une fois qu’elles seront intégrées dans le groupe public.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AE24 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Il est difficile d’échapper à l’irrecevabilité financière de l’article 40 de la Constitution. Aussi cet amendement vise-t-il à soutenir, de manière quasiment philosophique, l’affectation d’une part de l’aide publique au développement à France Médias Monde. Il a pour objet de reconnaître que « le ministère chargé des affaires étrangères contribue au rayonnement des actions de la société France Médias Monde ». Nous espérons que ça sera suivi d’effet sur le plan budgétaire.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Pour tenir un propos moins philosophique, j’estime que la loi ne peut imposer au Gouvernement de contribuer au rayonnement d’une entreprise, fût-elle publique. Je suis d’accord avec le principe que vous défendez, mais il me paraît nécessaire de trouver un autre vecteur. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle émet un avis favorable à ladoption de larticle 59 modifié.

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([1]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8836146_5e5677c4bd4da.commission-des-affaires-culturelles--m-franck-riester-ministre-de-la-culture-26-fevrier-2020

([2]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8861896_5e5d0e5da1113.commission-des-affaires-culturelles-et-de-l-education--communication-audiovisuelle-et-souverainete--2-mars-2020

([3]) Directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 modifiant la directive du 10 mars 2010 relative aux services de médias audiovisuels (dite « directive SMA »).

([4]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8863650_5e5d639d0da47.commission-des-affaires-culturelles--communication-audiovisuelle-et-a-la-souverainete-culturelle-a--2-mars-2020

([5]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8871249_5e5f64fddc1ac.commission-des-affaires-culturelles--communication-audiovisuelle-et-souverainete-culturelle-a-l-ere-4-mars-2020

([6]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8878915_5e5fb22e089f7.commission-des-affaires-culturelles--communication-audiovisuelle-et-souverainete-culturelle-a-l-ere-4-mars-2020

([7]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8887652_5e60052f67fae.commission-des-affaires-culturelles--communication-audiovisuelle-et-souverainete-culturelle-a-l-ere-4-mars-2020

([8]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8889871_5e60b65d312aa.commission-des-affaires-culturelles--communication-audiovisuelle-et--souverainete-culturelle-a-l-er-5-mars-2020

([9]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8894532_5e6103d92fcbf.commission-des-affaires-culturelles--communication-audiovisuelle-et-souverainete-culturelle-a-l-ere-5-mars-2020

([10]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8824137_5e5545a4d727e.commission-des-affaires-economiques--projet-de-loi-relatif-a-la-communication-audiovisuelle-et-a-la-25-fevrier-2020  

([11]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8772471_5e4c0dae86139.commission-des-affaires-etrangeres--m-franck-riester-ministre-de-la-culture-18-fevrier-2020  

([12]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8824344_5e5548784e9c0.commission-des-affaires-etrangeres--communication-audiovisuelle-et-souverainete-culturelle-a-l-ere--25-fevrier-2020