N° 3076

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI

en faveur de la contribution des hauts revenus
et des hauts patrimoines à l’effort de solidarité nationale,

(n° 3003 rectifié)

PAR M. Jean-Paul DUFRÈGNE

Député

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 Voir le numéro : 3003 rect.


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

A. le pacte social français s’est progressivement étiolé

1. Malgré son modèle redistributif, la France ne parvient plus à réduire le niveau des inégalités             

a. D’une intensité comparable à celle observée en 1990, les inégalités recommencent à croître en France             

b. Les ménages les plus aisés captent une part de plus en plus importante du patrimoine net privé             

c. En raison de leurs conséquences néfastes sur la croissance, les inégalités doivent être combattues             

2. Le consentement à l’impôt s’effrite à mesure que recule la justice fiscale

a. La justice fiscale s’affaiblit du fait d’une moindre progressivité de l’impôt et d’une évasion fiscale croissante             

b. Le consentement à l’impôt est fragilisé

B. la solidarité doit être la valeur cardinale des lendemains de crise

1. Face à la crise, la tentation de démanteler l’État social doit être écartée

a. La crise sanitaire entraîne des conséquences sociales majeures

b. La dégradation inédite de la situation des finances publiques pourrait favoriser un nouveau recul de l’intervention publique dans la vie économique et sociale             

2. La reconstruction peut être financée selon une juste contribution

a. Renforcer la progressivité de l’impôt est une idée qui n’est pas exclusive à la France 

b. Au-delà des mesures prévues par la proposition de loi, un réel effort doit être mené pour bâtir une société plus juste             

Travaux de la commission

Discussion générale

 

Examen des articles

Avant l’article 1er :

Article 1er : [articles 885 A à 885 ZK du code général des impôts] Rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune             

Article 2 : [articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018] Suppression du prélèvement forfaitaire unique             

Avant l’article 3 :

Article 3 : [article 223 sexies du code général des impôts] Hausse des taux applicables à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus             


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   Introduction

Selon les mots d’Alexis de Tocqueville, sous l’Ancien Régime, « l’impôt avait pour objet non d’atteindre les plus capables de le payer, mais les plus incapables de s’en défendre » ([1]).

Il est incontestable qu’en droit cette situation est révolue, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) ayant consacré deux principes fondateurs de notre démocratie : le consentement à l’impôt et l’égalité devant les charges publiques ([2]).

Toutefois, il est à craindre que la réalité ne corresponde plus complètement aux idéaux de justice fiscale qui ont été inscrits au sommet de notre hiérarchie des normes.

En effet, les politiques fiscales menées depuis plusieurs années ont eu majoritairement pour objet de diminuer les taux d’imposition applicables aux plus hauts revenus et hauts plus hauts patrimoines, en réponse au principe selon lequel les citoyens voteraient « avec leurs pieds » ([3]).

Rien n’indique cependant que l’attractivité du territoire français soit réductible à son seul taux d’imposition effectif. En revanche, il est avéré que le sentiment d’iniquité fiscale progresse en France, mettant à mal l’acceptabilité de l’impôt et affaiblissant la confiance accordée au régime démocratique. Paradoxalement, les observations d’Alexis de Tocqueville conservent donc leur pertinence.

Ainsi, malgré un système redistributif parmi les plus perfectionnés du monde, la France ne parvient plus à réduire le niveau des inégalités, qui se manifestent à la fois par une concentration du patrimoine privé aux mains de quelques-uns, et par un taux de pauvreté toujours bien trop élevé.

À cela s’ajoute la crise sanitaire qui frappe la France, comme de nombreux pays. Alors que les écarts de niveaux de vie ont été mis en lumière durant le confinement, la récession économique qui s’annonce porte le double risque d’entraîner nombre de foyers dans la précarité, et d’affaiblir encore davantage la capacité d’intervention de l’État dans la vie économique et sociale.

Ce serait néanmoins une grave erreur de considérer que le remède contre la dégradation des finances publiques résiderait dans un désarmement de la puissance publique. Il serait en outre illusoire d’espérer que les défis de demain, dans leur dimension écologique, sociale, et désormais sanitaire, se résolvent d’eux-mêmes, grâce à l’action fortuite d’une main invisible guidant les acteurs du marché.

Modestement, la proposition de loi présentée par le rapporteur apporte une pierre afin de bâtir une société plus juste dans un contexte de crise historique. Loin de constituer « une revanche contre les riches », pour reprendre les mots de Michel Rocard, les mesures ainsi soumises au débat parlementaire visent à financer, au nom d’un principe de solidarité nationale, des politiques publiques exigeantes.

Par conséquent, il est proposé de revenir sur deux réformes injustes et coûteuses pour les comptes publics, en rétablissant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et en supprimant le prélèvement forfaitaire unique (PFU). Parce que la progressivité de l’impôt est un principe au cœur de notre pacte social, il est également proposé de relever les taux applicables à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).

A.   le pacte social français s’est progressivement étiolé

Après une décrue importante durant les Trente glorieuses, le niveau des inégalités stagne en France. Cette situation est d’autant plus problématique que la progressivité du système fiscal s’est lentement affaissée et que les stratégies d’évitement de l’impôt n’ont pas suffisamment été entravées.

1.   Malgré son modèle redistributif, la France ne parvient plus à réduire le niveau des inégalités

Le contrat social français étant fondé sur un niveau important d’intervention publique et sur une aspiration à davantage d’égalité, les politiques publiques ont longtemps favorisé une diminution des écarts de niveau de vie. Toutefois, loin de régresser, les inégalités repartent à la hausse en France, portées à la fois par une progression du taux de pauvreté, et par la concentration croissante du patrimoine privé.

a.   D’une intensité comparable à celle observée en 1990, les inégalités recommencent à croître en France

Après avoir atteint un point bas au milieu des années 2000, les inégalités de niveau de vie ont globalement progressé jusqu’en 2016. L’INSEE indique qu’à cette date « les inégalités se retrouvent au niveau de 1990 ». Le coefficient de Gini s’établit alors à 0,288 et le rapport interdécile (D9/D1) s’élève à 3,6 (revenus financiers compris) ([4]).

Les inégalités avant redistribution sont majoritairement dépendantes du contexte macroéconomique. Ainsi, le dynamisme des salaires des ménages les moins aisés a favorisé une forte réduction des écarts de niveau de vie à la fin des années 1970 et à la fin des années 1980. La baisse du chômage et les revalorisations du SMIC ont également entraîné une nouvelle décrue des inégalités au début des années 2000.

A contrario, la crise de 2008 a généré une diminution des revenus des ménages aux plus faibles niveaux de vie, alors que ceux des ménages les plus aisés ont augmenté ou se sont stabilisés.

évolution des inégalités de niveau de vie avant redistribution de 1975 à 2016

Note : les données sur les revenus financiers ne sont pas disponibles avant 1996.

Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage ordinaire dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante.

Source : INSEE Références, éditions 2019, Éclairage, Quarante ans d’évolutions de la société française.

Toutefois, pour être complète, l’analyse des inégalités doit prendre en compte les effets du système redistributif. De manière générale, les prestations sociales et les prélèvements obligatoires ont réduit l’intensité des inégalités par rapport à leur niveau avant redistribution. Ainsi, en 2016, l’indice de Gini diminue de 20 % en France après redistribution monétaire, et le rapport interdécile se réduit de 45 %.

Toutefois, le système socio-fiscal français n’est pas parvenu à infléchir la trajectoire des inégalités après redistribution, qui connaissent une évolution dans le temps comparable à celle des inégalités avant redistribution.

 

 

évolution des inégalités de niveau de vie après redistribution de 1975 à 2016

Note : les données sur les revenus financiers et certaines prestations sociales ne sont pas disponibles avant 1996.

Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage ordinaire dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante.

Source : INSEE Références, éditions 2019, Éclairage, Quarante ans d’évolutions de la société française.

 

Il convient par ailleurs de souligner que la France bénéficie d’un système redistributif efficace. En comparaison avec d’autres pays de l’OCDE, la France connaît un niveau d’inégalités relativement faible.

Indice de Gini dans différents pays de l’OCDE en 2017

Source : OCDE.

Ces résultats masquent cependant un nouvel accroissement des inégalités à court terme, alimenté par une politique fiscale favorable aux plus fortunés, et des mesures d’économies frappant les plus modestes.

En 2018, l’indice de Gini repartait à la hausse (+ 0,005) pour s’établir à 0,294. Selon l’INSEE, cette progression découle de la forte augmentation des revenus des capitaux mobiliers des ménages les plus aisés, désormais soumis au PFU. Le taux de pauvreté augmentait quant à lui de 0,2 point en 2018, pour atteindre 14,5 % de la population, en grande partie du fait de la diminution des allocations logement ([5]).

b.   Les ménages les plus aisés captent une part de plus en plus importante du patrimoine net privé

Au cours des différentes auditions et consultations, le rapporteur a pu constater que la mesure des inégalités constituait un enjeu politique majeur. L’usage de l’indice de Gini ou l’utilisation des écarts interdécile rendent ainsi imparfaitement compte du processus croissant de concentration des richesses aux mains de quelques-uns.

1 % des ménages les plus aisés captent près de 22,4 % du patrimoine net privé en France en 2014 (un niveau qui demeure néanmoins moins élevé qu’aux États-Unis, mais supérieur à celui observé au Royaume-Uni).

Part des 1 % les plus aisés dans le patrimoine net des ménages

Note : rupture de données pour le Royaume-Uni à partir de 2012, et pour la France à partir de 2014.

Source : Laboratoire mondial des inégalités.

À la fin des années 1990, il est observé une accélération du processus de concentration du patrimoine privé en France. Un profond changement de tendance se met en place avec, d’une part, une croissance des très hauts revenus du travail, et d’autre part une augmentation des revenus du capital. Ces revenus alimentent le stock d’épargne des ménages fortunés, générant ainsi une plus forte concentration du patrimoine privé.

Concernant les revenus du travail, la progression des salaires des ménages les plus modestes ralentit, du fait du déclin des syndicats et de l’affaiblissement des processus de négociation collective. À l’inverse, les modalités de détermination des rémunérations des très hauts revenus favorisent leur progression ([6]).

Pour les ménages les plus fortunés, les revenus du capital augmentent en grande partie du fait des inégalités de rendement du taux d’épargne ([7]). Principalement composé d’actifs financiers davantage rémunérateurs qu’une épargne réglementée, le capital mobilier des grandes fortunes est ainsi particulièrement dynamique.

La composition de la propriété en France en 2015

Source : Thomas Piketty, Le Capital au XXIème siècle, 2013.

De surcroît, la concentration du patrimoine est encore plus visible lorsqu’il est constaté que les 7 premiers milliardaires français possèdent davantage de richesses que les 30 % des Français les plus pauvres. Les 41 milliardaires français possèdent par ailleurs un capital s’élevant à 330 milliards d’euros, soit presque l’équivalent du budget général de l’État, hors fonds de concours et dégrèvement d’impôts (347 milliards d’euros en 2020) ([8]).

Cette évolution n’est pas un phénomène conjoncturel. À cet égard, les recherches de Thomas Piketty sont éclairantes afin de comprendre le processus de concentration des richesses, et a fortiori la dynamique profonde des inégalités. Selon l’économiste, à l’exception d’une parenthèse historique durant le XXème siècle, le taux de rendement du capital s’est établi durablement au-dessus du taux de croissance du revenu national.

Cette loi, formulée à partir de constats empiriques, constitue une force de divergence majeure pour la répartition des richesses. En effet, lorsque le taux de rendement du capital est supérieur au taux de croissance d’une nation, les patrimoines issus du passé « se recapitalisent plus vite que le rythme de progression de la production et des revenus ». Les héritiers n’ont alors qu’à épargner une part des revenus de leur capital pour que celui-ci s’accroisse plus vite que l’économie dans son ensemble ([9]).

Thomas Piketty affirme que le taux de croissance et le taux de rendement du capital divergent à nouveau dangereusement depuis la fin du XXème siècle. En raison de taux de croissance faibles dans les pays développés, d’un taux d’épargne élevé, et d’un amoindrissement relatif de la fiscalité sur le capital dans la plupart des États, la dynamique des inégalités semble a priori inexorable si les législateurs nationaux demeurent dans l’inaction.

Toutefois, malgré les éléments précédemment exposés, il convient de remarquer que la concentration est moins marquée en termes de répartition des revenus. Les 1 % des ménages les plus aisés captent ainsi 11,2 % du revenu total en 2017, contre un résultat de 20,5 % aux États-Unis. Par ailleurs, la dynamique de concentration depuis le début des années 2000 apparaît plus faible en France qu’en Allemagne et au Royaume-Uni.

Part des 1 % des ménages les plus aisés dans le revenu des ménages

Source : Laboratoire mondial des inégalités.

c.   En raison de leurs conséquences néfastes sur la croissance, les inégalités doivent être combattues

La lutte contre les inégalités a durant longtemps constitué un objectif inutile, voire préjudiciable, pour les économistes persuadés que le salut ne résidait que dans la croissance du produit intérieur brut.

Selon Simon Kuznets, les inégalités étaient appelées à se résorber d’elles-mêmes dans les phases avancées du développement capitaliste, pour finalement se stabiliser à un niveau acceptable. Les inégalités suivraient ainsi une courbe en cloche dont la première phase, aux premiers stades de l’industrialisation des nations, génère une hausse des inégalités. Néanmoins, en vertu de l’expression anglo-saxonne selon laquelle la croissance est une vague montante qui porte tous les bateaux, les inégalités se réduiraient ensuite spontanément à partir d’un certain niveau de développement ([10]).

Certains économistes, tel Nicholas Kaldor, considéraient même que les inégalités de revenus étaient un mal nécessaire. Les plus riches ayant une plus faible propension à consommer que les ménages les moins aisés, les inégalités favorisent ainsi l’accumulation d’une épargne qui pourra être réinvestie dans l’économie, et générer de la croissance ([11]).

La persistance de ces théories dans le débat public relève désormais davantage de la croyance que d’une démarche scientifique. Au-delà des faits, qui démontrent que les pays développés connaissent un nouvel accroissement des inégalités, le Fonds monétaire international a lui-même admis qu’un niveau d’inégalités élevé portait préjudice à la croissance. Les écarts de revenus favorisent notamment un endettement massif des classes sociales les moins aisées, l’excès d’emprunt des ménages pouvant ainsi déboucher sur une crise financière ([12]). La hausse des inégalités, loin d’améliorer en valeur absolue les conditions d’existence des moins fortunés, fait donc peser sur eux un risque de voir leur situation se dégrader encre davantage.

2.   Le consentement à l’impôt s’effrite à mesure que recule la justice fiscale

En sus de la répartition inéquitable des richesses, les politiques publiques menées depuis plusieurs années et les stratégies d’évitement fiscal mettent à mal la cohésion nationale. Instituer une plus juste contribution des hauts revenus et hauts patrimoines ne poursuit donc pas simplement un objectif économique ou budgétaire, mais relève également d’une dimension philosophique visant à garantir la pérennité du consentement à l’impôt.

a.   La justice fiscale s’affaiblit du fait d’une moindre progressivité de l’impôt et d’une évasion fiscale croissante

Lors de son discours à l’Assemblée nationale visant à présenter la réforme de l’impôt progressif sur le revenu, Joseph Caillaux affirmait que lorsqu’on « étudie dans les termes les plus larges l’histoire de notre fiscalité, on s’aperçoit qu’il y a toujours eu deux vices dans notre système d’impôts, deux de ces plantes mauvaises qui repoussent continuellement. C’est d’abord un privilège, au profit de certaines classes, au profit de certaines localités, au profit de certaines parties du territoire, et c’est en second lieu l’extension des contributions indirectes au détriment des contributions directes, ce qui est, après tout, une forme de privilège » ([13]).

Cette analyse conserve sa pertinence en 2018, comme le démontre le Laboratoire mondial des inégalités.

Taux effectif de prélèvement acquitté par les ménages
en fonction du revenu

Source : Laboratoire mondial des inégalités.

La progressivité de la fiscalité française s’est ainsi assise sur la création d’impôts directs qui ont conditionné le consentement à l’impôt en France. Toutefois, la capacité de redistribution du système socio-fiscal s’est érodée avec le temps, à tel point que désormais ce dernier est davantage régressif que progressif pour les plus hauts revenus. Ainsi en 2011, des économistes ont démontré que le taux global de prélèvement obligatoire moyen s’établissait en France à 47 %. Toutefois, ce sont les classes moyennes qui supportent la majorité de la pression fiscale, les 1 % des ménages les plus aisés étant soumis à un taux effectif global inférieur à 40 %, approchant même les 30 % pour les plus fortunés ([14]).

L’affaissement de la progressivité de l’impôt s’explique en premier lieu par l’évolution de la structure des prélèvements obligatoires.

Concernant les impôts directs, les différentes réformes de l’impôt sur le revenu, ainsi que la création de la contribution sociale généralisée (CSG), dont les taux sont proportionnels, sont une première cause de ce phénomène.

Par ailleurs, la part des impôts indirects dans le montant total du rendement des prélèvements obligatoires a progressé au fil des ans.

Ainsi, les recettes des impôts directs (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, autres impôts directs et taxes assimilées) s’élevaient à 174,4 milliards d’euros en 2007, pour régresser jusqu’à 159,7 milliards en 2018. À l’inverse, les recettes issues des impôts indirects (taxe intérieure sur la consommation de produit énergétique, taxe sur la valeur ajoutée, droits d’enregistrement, timbres, autres contributions et taxes indirectes) ont progressé de 49 milliards d’euros depuis 2007 pour atteindre 261,9 milliards d’euros en 2018 ([15]).

Cette évolution n’est pas anodine en matière de redistribution. La part des prélèvements indirects dans le budget des ménages diffère selon les revenus, dans la mesure où les foyers les moins aisés supportent une charge fiscale relative plus importante au regard de leur niveau de vie.

Part des prélèvements indirects dans le revenu disponible des ménages, en fonction des déciles de revenu

Source : Extrait de Mathias André, Anne-Lise Biotteau et Jonathan Duval, 2016, Module de taxation indirecte du modèle Ines, Document de travail, Série sources et méthodes, n° 60, Drees, novembre 2016.

 

Enfin, la multiplication des dépenses fiscales, dont le gain bénéficie majoritairement aux ménages les plus aisés, est un dernier élément permettant de comprendre comment la progressivité de l’impôt a pu s’éroder avec le temps ([16]).

Ainsi, les grandes tendances de l’injustice fiscale, identifiées par Joseph Caillaux il y a plus de 100 ans, sont toujours d’actualité.

À cela s’ajoutent les cas d’évasion fiscale, grâce à laquelle les contribuables se soustraient au paiement d’une partie de l’impôt. Il a été démontré que l’évasion fiscale, soit le placement des capitaux dans les paradis fiscaux, engendrait un coût considérable pour les États. À l’échelle de la planète, 8 % du patrimoine financier des ménages se trouverait dans les paradis fiscaux, ce qui représente une somme de 5 800 milliards d’euros. Le coût plus spécifique de la fraude fiscale, facilitée par le secret bancaire, coûterait environ 17 milliards d’euros par an à la France ([17]).

b.   Le consentement à l’impôt est fragilisé

Dans son acception restrictive, le consentement à l’impôt renvoie à l’autorisation de prélever les ressources octroyée chaque année par le Parlement au Gouvernement.

Plus largement, le consentement à l’impôt peut se référer à l’acceptabilité des diverses contributions auxquelles sont soumis les citoyens. À cet égard, si le taux de recouvrement des divers impôts en France oscille entre 97 et 98 %, de nombreux citoyens considèrent toutefois que le système fiscal est devenu injuste. Ainsi, près de 88 % des Français considèrent que le poids des prélèvements obligatoires est trop élevé en France, et 77 % considèrent qu’ils paient, à titre personnel, trop d’impôts ([18]). Toutefois ces chiffres montrent de manière imparfaite les causes sous-jacentes de la défiance qui progresse continuellement vis-à-vis du système fiscal.

Plus particulièrement, une enquête menée en 2019 par Kévin Bernard et Alexis Spire démontre que le sentiment d’injustice fiscale est plus prégnant chez les contribuables peu diplômés, les habitants en zone rurale, les femmes, et varie avec l’âge ([19]).

Le rejet du système fiscal varie également en fonction des prélèvements. Les impôts bénéficiant de la plus forte adhésion sont ainsi l’impôt sur le revenu et l’impôt de solidarité sur la fortune, vraisemblablement en raison de leur caractère progressif. La taxe d’habitation était considérée en 2017 comme « juste » par 53 % des sondés, ce que les auteurs de l’enquête expliquent par les divers abattements bénéficiant aux ménages modestes qui lui sont applicables. La contribution sociale généralisée est quant à elle victime d’une certaine méconnaissance (19 % des sondés ne se prononcent pas à son sujet) et d’un rejet relatif.

Le sentiment d’injustice fiscale face à difFérents prélèvements en France

(en %)

Champ : la population de l’enquête s’élève à 2 631 personnes.

Source : enquête « Pratiques et représentations face à l’État », février 2017 (équipe ELIPSS/CDSP).

De façon contre-intuitive, le niveau du revenu n’est pas déterminant dans l’appréciation portée par les citoyens sur l’acceptabilité des impôts. L’impôt sur le revenu constitue un cas typique de ce constat, dans la mesure où il est généralement bien accepté par les citoyens, peu importe leur niveau de vie. La taxe sur la valeur ajoutée relève néanmoins de l’exception, son acceptabilité étant bien plus faible chez les personnes les moins aisées. À l’inverse, les ménages gagnant plus de 4 000 euros par mois considèrent en majorité que cet impôt est juste.

Les jugements sur les différents impôts en fonction du revenu

(en %)

Champ : la population de l’enquête s’élève à 2 631 personnes.

Source : enquête « Pratiques et représentations face à l’État », février 2017 (équipe ELIPSS/CDSP).

Si le consentement à l’impôt est donc un objet complexe, dépendant de multiples critères, tout porte à croire que le système actuel organise une contribution inéquitable, pesant trop fortement sur les moins aisés. Le degré d’adhésion pour les prélèvements les plus progressifs, et ce indépendamment de l’appartenance à une catégorie sociale, doit en revanche nous alerter sur la nécessité de redonner au système fiscal un caractère davantage progressif.

B.   la solidarité doit être la valeur cardinale des lendemains de crise

La crise sanitaire que nous traversons a rendu visible nombre d’inégalités qui étaient auparavant ignorées par le débat public. Si la puissance publique a temporairement atténué les conséquences du confinement pour les plus fragiles, il est à craindre que les appels à la réduction de la dette et du déficit publics viendront prochainement contribuer à désarmer un peu plus nos capacités de redistribution des richesses.

1.   Face à la crise, la tentation de démanteler l’État social doit être écartée

a.   La crise sanitaire entraîne des conséquences sociales majeures

La crise sanitaire a d’ores et déjà produit de nombreux dommages. Sur le marché du travail, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A connaît sa plus forte hausse en avril 2020 (+ 843 000 par rapport au mois de mars 2020) pour s’établir à son niveau le plus élevé depuis 1996 (4,57 millions) ([20]).

Pratiquement partout sur le territoire, les acteurs intervenant dans la sphère sociale ont été confrontés à des situations délicates, et craignent un afflux de demande. Les associations d’aide alimentaire observent ainsi une hausse du nombre de bénéficiaires des distributions de denrées comprise entre 20 et 40 %. Par ailleurs, les associations luttant contre les violences intrafamiliales et conjugales ont fait part d’un nombre d’appels dépassant largement les moyennes observées les années précédentes.

Le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) a ainsi traité 6 044 appels entre le 18 mars et le 10 mai 2020, soit une moyenne de 114 appels par jour, contre 90 appels par jour en 2019.

Le nombre d’appels adressés au 3919 a également connu une hausse significative durant le confinement. Au total, 32 900 appels ont été passés sur la période du 23 mars 2020 au 3 mai 2020, pour 11 230 appels traités. À titre de comparaison, le nombre d’appels passés au 3919 s’établit en 2019 à 96 799, soit une moyenne de 8 000 par mois ([21]).

b.   La dégradation inédite de la situation des finances publiques pourrait favoriser un nouveau recul de l’intervention publique dans la vie économique et sociale

Principalement en raison de la contraction du produit intérieur brut (PIB) en 2020 (– 8 % selon les prévisions exposées dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020), la situation des finances publiques se dégradera fortement.

Le déficit public, dans les prévisions établies lors du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, devait s’établir à 11,4 % du PIB, soit un niveau qui n’avait jamais été atteint, y compris en 2009 (7,2 % du PIB). Le niveau d’endettement public devait quant à lui s’élever à 120 % du PIB à la fin de l’année. Ces prévisions semblent devoir être encore dégradées.

L’expérience de la crise de 2008 a démontré qu’aux plans de relance succèdent rapidement des plans de rigueur. Gel du point d’indice de la fonction publique, suppression de postes de fonctionnaires, réduction de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, limitation des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, ventes d’actifs stratégiques sont autant de mesures qui ont participé à un certain effacement des collectivités publiques de la sphère économique et sociale depuis 10 ans.

Il est à craindre que de nouvelles mesures viennent, dans les prochaines années, renforcer cette tendance. Les recommandations formulées par la Cour des comptes dans le cadre de son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2017 donnent un aperçu des pistes qui pourraient malheureusement être privilégiées pour réduire le niveau de dépenses publiques (certaines ayant d’ailleurs déjà été mises en œuvre).

Principales recommandations de la Cour des comptes afin de rendre les dépenses publiques plus efficientes

– réduire le coût des lycées en réduisant le volume horaire d’instruction et en rationalisant l’offre de formation ;

– rationaliser l’offre de formation des établissements de l’enseignement supérieur en favorisant les regroupements et en renforçant le contrôle de l’assiduité des étudiants boursiers ;

– favoriser une gestion active du parc de logements sociaux à défaut de concentrer les efforts sur son accroissement ;

– mettre fin au cumul de la perception des allocations personnalisées au logement et du rattachement au foyer fiscal (permettant de bénéficier d’une demi-part supplémentaire au titre du calcul de l’impôt du revenu) des parents pour les étudiants ;

– continuer à ajuster les paramètres des retraites des salariés du secteur privé ;

– renforcer le ciblage des contrats aidés ;

– réexaminer plusieurs paramètres qui concourent au coût de l’indemnisation chômage (durée minimale d’affiliation, durée d’indemnisation, montant maximal d’indemnisation).

Source : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017.

Plutôt que de suivre une telle voie, le rapporteur propose de définir des politiques publiques volontaristes, financées par une contribution équitable.

2.   La reconstruction peut être financée selon une juste contribution

Nombre de défis attendent la France de demain. Alors que l’hypothèse d’une contribution plus équilibrée fait son retour dans le débat public, la proposition de loi présentée par le rapporteur ne constitue qu’un premier pas en vue de bâtir une société plus juste.

a.   Renforcer la progressivité de l’impôt est une idée qui n’est pas exclusive à la France

La crise nous rappelle que notre société ne peut faire l’économie d’investissements massifs dans son système de santé. Toutefois, elle ne doit pas nous faire oublier que la question écologique et sociale n’a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante.

Au moyen des mesures prévues par la proposition de loi, le rapporteur n’entend pas trouver une solution de financement se suffisant à elle-même. Ces mesures constituent néanmoins une première étape.

Il est ainsi proposé de rétablir l’impôt sur la solidarité sur la fortune (ISF), dont le remplacement en 2018 par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) a généré une perte de recettes de l’ordre de 2,9 milliards d’euros, sans que l’efficacité économique de la réforme ait pu être démontrée.

Il est également proposé de revenir sur le prélèvement forfaitaire unique (PFU), mesure qui bénéficie principalement aux hauts revenus, et dont le coût au titre de l’impôt sur le revenu est estimé à 1,9 milliard d’euros en 2019.

Enfin, un relèvement des taux applicables à la contribution sur les hauts revenus (CEHR) apparaît nécessaire afin de renforcer la progressivité du système fiscal. Cette mesure générerait un gain de recettes de l’ordre d’un milliard d’euros.

Ce sont donc au total des recettes fiscales supplémentaires de l’ordre de six milliards d’euros qui pourraient provenir de ces trois mesures.

Il peut être souligné qu’une plus forte contribution des hauts revenus et hauts patrimoines n’est pas une idée du passé. Au contraire, elle ressurgit dans différents pays, et notamment aux États-Unis. Dans le cadre de la campagne des primaires du parti démocrate, Bernie Sanders ou Elizabeth Warren ont proposé d’instaurer une taxation sur la fortune. Le premier propose notamment de créer un prélèvement progressif sur le patrimoine dont le seuil d’entrée serait de 32 millions de dollars. Le taux applicable serait de 1 %, et progresserait jusqu’à 8 % pour les patrimoines supérieurs à 10 milliards de dollars. Elizabeth Warren propose une assiette plus étroite, avec un seuil d’entrée à 50 millions de dollars (pour un taux de 2 %), et un taux marginal d’imposition s’élevant à 6 % pour la fraction de patrimoine au-delà d’un milliard de dollars ([22]) .

Au total, le programme de Bernie Sanders prévoit d’instaurer un taux effectif d’imposition avoisinant les 98,2 % pour les 400 plus grandes fortunes américaines.

b.   Au-delà des mesures prévues par la proposition de loi, un réel effort doit être mené pour bâtir une société plus juste

Le rapporteur est convaincu que l’effort de solidarité nationale devra être prolongé à la sortie de la crise.

À ce titre, différentes mesures complémentaires doivent être étudiées afin de rendre à notre système socio-fiscal toute sa capacité redistributive.

En premier lieu, une revue de l’impact économique et social des impôts indirects, au premier rang desquels la TVA, pourrait être menée. Comme il l’avait déjà souligné dans le cadre de l’examen de sa proposition de loi n° 1609 relative à la justice sociale, le rapporteur estime que la France pourrait être à l’initiative d’une renégociation de la directive TVA, afin de permettre d’instaurer un taux zéro sur les produits de première nécessité.

 

 

Il est également apparu au cours des auditions que la définition d’une fiscalité plus juste nécessite de simplifier le paysage des prélèvements obligatoires. À ce titre, les dépenses fiscales sont un facteur important de complexité. Leur insuffisante évaluation et leur caractère régressif justifient qu’une revue générale soit menée en la matière.

Enfin, le système redistributif ne doit pas masquer la prégnance des inégalités avant redistribution en France, qui doivent également être combattues.

 

 


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   Travaux de la commission

Discussion générale

Lors de sa première réunion du mercredi 10 juin 2020, la commission des finances a examiné la proposition de loi.

 

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. Selon Alexis de Tocqueville, sous l’Ancien régime, l’impôt avait pour objet d’atteindre non les plus capables de le payer, mais les plus incapables de s’en défendre. Paradoxalement, cette remarque conserve sa pertinence en 2020. Depuis de trop nombreuses années, l’impôt perd en progressivité ; la création de la contribution sociale généralisée (CSG), la multiplication des dépenses fiscales et le poids croissant des prélèvements indirects altèrent les idéaux de justice fiscale que nos prédécesseurs ont placés au sommet de notre hiérarchie des normes.

J’ai interrogé des économistes et des organisations indépendantes afin d’identifier les conséquences de cette situation inéquitable qui affaiblit de jour en jour le consentement à l’impôt. Le constat est le suivant : après plusieurs décennies de réduction des écarts de niveau de vie, la France connaît depuis le début des années 2000 une progression lente et douloureuse des inégalités. En dépit de notre système redistributif, parmi les plus perfectionnés du monde, 1 % des foyers les plus fortunés concentre près d’un quart du patrimoine privé des ménages.

Depuis 2018, la pauvreté monétaire progresse à un rythme inquiétant, pour toucher 14,5 % de la population, et l’accroissement de ces inégalités est inexorable si nous demeurons dans l’inaction. Comme le démontre le Fonds monétaire international, les écarts de niveau de vie ne se résorberont pas spontanément sous l’effet de la croissance ; au contraire, ils mineront notre tissu économique et participeront à la dégradation des conditions d’existence du plus grand nombre, au profit de quelques-uns.

Le combat contre les inégalités n’est pas nouveau, il s’inscrit néanmoins dans un contexte bien particulier, celui de la crise sanitaire et de la récession économique qui s’annonce. Alors que les fragilités d’une grande partie de la population ont éclaté au grand jour depuis trois mois, le rôle de la puissance publique se révèle plus que jamais déterminant pour assurer la cohésion nationale et répondre aux besoins de celles et ceux qui risquent de basculer dans la précarité. Or, avec un déficit supérieur à 10 % selon les dernières prévisions et une dette publique s’élevant à 120 % du PIB, je crains que le Gouvernement ne choisisse de privilégier la rigueur à un renforcement des moyens publics.

Nous ne parviendrons pas à répondre aux défis qui se dressent devant nous en désarmant l’État : en conséquence, une juste contribution doit être demandée à nos concitoyens les plus fortunés. Cet effort, loin de relever d’une logique punitive ou revancharde, se justifie par un principe de solidarité nationale.

L’article 1er de cette proposition de loi prévoit de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dans la forme qui était la sienne avant sa suppression, à la fin de l’année 2017.

En premier lieu, la suppression de l’ISF s’est fondée sur des présupposés erronés. Le Gouvernement souhaitait à l’époque inciter les particuliers à mobiliser leur épargne pour réaliser des investissements productifs. Or ces éléments de langage cèdent devant les faits : d’une part, le capital immobilier ne recouvre pas une épargne improductive, dans la mesure où le logement et la construction sont des secteurs économiques importants dans notre pays ; d’autre part, le capital mobilier n’est pas une épargne par essence productive – estimez-vous qu’un particulier plaçant son épargne dans un bon du Trésor américain investit dans l’économie réelle ? Les premiers travaux d’évaluation démontrent de surcroît qu’en 2018 seuls 29 % des contribuables ont consacré une partie du gain fiscal retiré de la suppression de l’ISF à l’investissement dans les entreprises. A contrario, 41 % d’entre eux indiquent avoir utilisé ces sommes pour alimenter leur épargne.

Par ailleurs, la suppression de l’ISF était censée empêcher l’exil des foyers les plus fortunés. Ces départs ne concernaient pourtant chaque année que 0,2 % des assujettis à l’ISF ; c’est certes regrettable, mais assez négligeable. Il faut donc cesser cette course au moins-disant fiscal, dont personne ne sort grandi.

En second lieu, la suppression de l’ISF a contribué à l’accroissement des inégalités. Du fait de son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’indice de Gini a progressé de 0,6 % en France : 340 000 personnes, en grande majorité situées dans le dernier vingtile de niveau de vie, se sont partagé un gain de 3,4 milliards d’euros. Il convient donc de revenir sur cette réforme injuste et coûteuse pour les finances publiques.

Je précise que, dans un contexte d’urgence, je propose un rétablissement simple de l’ISF, qui ne purge pas ce dernier de tous ses défauts, au premier rang desquels son assiette fortement réduite : cette question devra être abordée lorsque les temps seront plus propices à des réformes d’ampleur.

L’article 2 de la proposition de loi porte sur la suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Les vices de ce dispositif sont du même ordre que ceux qui affectent l’IFI. Son efficacité économique, d’abord, n’a pas été établie. La réforme de 2018 reposait sur le présupposé qu’une réduction de la fiscalité sur les dividendes diminuerait le coût du capital supporté par les entreprises ; cette hypothèse n’a pas de fondement, car une hausse de l’imposition des dividendes incite les entreprises à allouer leurs bénéfices à l’augmentation de leur capacité d’autofinancement. L’Institut des politiques publiques a ainsi jugé la réforme du PFU « peu susceptible de conduire à une hausse de l’investissement privé ». Cette réforme a également conduit à une hausse des inégalités, les 5 % des ménages les plus aisés ayant capté l’essentiel des gains tirés de la mise en place du PFU.

Enfin, j’aimerais souligner que le coût de la réforme est encore largement sous-estimé. Conjugué à la baisse du taux d’impôt sur les sociétés, le PFU crée une distorsion économique majeure, dans la mesure où les taux marginaux d’imposition des revenus du capital et des revenus salariaux connaîtront un écart inédit de 13,4 points lorsque les bénéfices seront imposés à 25 %. Cette différence incitera les dirigeants d’entreprise à percevoir leurs revenus sous forme de dividendes. Gabriel Zucman estime donc qu’une fois achevée la montée en charge de la réforme de l’impôt sur les sociétés, le coût du PFU pour les finances publiques s’élèvera à 10 milliards d’euros par an.

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi prévoit d’augmenter les taux applicables à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, pour les porter à 8 et 10 %. Ce prélèvement, en vigueur depuis 2012, a été créé pour mettre à contribution les plus fortunés, dans un contexte de redressement des finances publiques. L’urgence du moment nous invite à mobiliser de nouveau cet outil.

L’ensemble des dispositions que nous proposons permettrait de générer un surplus de recettes fiscales de l’ordre de 6 milliards d’euros. Vous l’aurez donc compris, cette proposition de loi n’est pas la panacée face à la crise. Plus modestement, je propose des mesures qui constituent une première étape salutaire pour restaurer une justice fiscale qui semble désormais faire défaut, et dont je souhaite qu’elles nous ouvrent la voie pour bâtir une société plus équitable et plus solidaire.

Pour relever les grands défis de ce monde de demain dont tout le monde parle, notamment dans le domaine de la santé ou de la sauvegarde de la planète, il faut mobiliser les moyens nécessaires et ne pas faire uniquement le pari de la croissance – sera-t-elle seulement au rendez-vous, et quand ? Pour faire face à la dette abyssale que nous creusons et qui risque de rimer avec rigueur et austérité pour le plus grand nombre, l’heure appelle la mobilisation de tous – je dis bien de tous.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je préfère que nous ayons des débats sur la fiscalité dans le cadre de propositions de loi comme celle-ci plutôt qu’à l’occasion des projets de loi de finances rectificative, dont ce n’est pas l’objet.

Je vous remercie de nous présenter ce texte même si je n’en partage pas le fond ; mais il n’est jamais vain de réfléchir à ce que doit être la justice fiscale et aux moyens de l’améliorer. En revanche, un tel débat ne saurait se résumer à la question de savoir s’il faut réintroduire ou non d’anciens outils et à des arbitrages sur les taux et les assiettes les plus appropriés. C’est là que nous divergeons.

La fiscalité, c’est aussi une question de trajectoire, de stabilité, de cohérence et de confiance entre les contribuables – particuliers et entreprises – et l’État. Et ce que je redoute le plus, c’est l’effet « essuie-glaces », particulièrement contre-productif. Défaire ce qui a été fait deux ans auparavant est le pire signal que l’on puisse envoyer au contribuable, qui a besoin de savoir comment il sera taxé demain, pour pouvoir investir et consommer en conséquence. La stabilité est essentielle.

Mais surtout, sur le fond, je suis en désaccord avec votre constat. On a trop tendance, au Parlement comme dans cette commission, à ne réfléchir à la fiscalité qu’en termes de taux, oubliant la dynamique de l’assiette. Ainsi, vous proposez de supprimer le PFU pour rétablir le barème progressif de l’IR tel qu’il existait avant 2017 ; or il se trouve que le PFU a rapporté davantage que le régime précédent, parce que l’assiette s’est élargie du fait d’une plus importante remontée de dividendes et d’investissements plus conséquents. Supprimer le PFU est donc une double erreur, en termes de message envoyé à ceux qui font la richesse de notre pays, mais aussi en termes de finances publiques.

Cela étant, ne voyez-vous pas une incohérence dans le fait de rétablir un impôt dont vous avez beaucoup critiqué l’assiette, affirmant notamment que l’ISF n’était ni efficace ni correctement ciblé, qu’il était l’impôt des millionnaires et non des milliardaires ?

L’article 3 se réfère à une contribution exceptionnelle : s’agit-il d’une contribution destinée à combler le déficit lié au Covid-19, ou avez-vous en tête de l’intégrer à terme dans un barème de l’IR, ce qui serait assez conforme à vos propos ?

Il faut donc que nous ayons un vrai débat sur la dynamique de notre fiscalité, qui reste, malgré les mesures que nous avons prises depuis trois ans, une des plus lourdes du monde. Elle permet certes de financer des dépenses et des services publics, mais une remontée des prélèvements obligatoires ne serait en aucun cas un bon signal face à la crise.

Mme Nadia Hai. Pendant cette crise, l’État français s’est montré à la hauteur des enjeux, en soutenant massivement et de manière exceptionnelle les entreprises et les ménages les plus fragiles. Le Gouvernement a fait le choix, dès le début de la crise, d’endosser la quasi‑totalité des dépenses de soutien aux plus pauvres et aux salariés les plus précaires – citons entre autres les 150 milliards d’euros du plan de soutien aux entreprises, les 300 milliards d’euros de prêts garantis par l’État ou encore le fonds de solidarité, ainsi que le maintien automatique des droits sociaux pour une durée de trois à six mois et l’aide exceptionnelle de solidarité pour les plus fragiles.

De votre côté, monsieur le rapporteur, vous nous invitez à débattre de vieilles recettes fiscales qui n’ont pourtant pas démontré leur efficacité par le passé, bien au contraire. Alourdir la pression fiscale et accentuer l’insécurité juridique qui découlerait d’un tel retour en arrière auraient des conséquences négatives sur l’attractivité et la compétitivité de la France, pourtant primordiales à l’heure de la relance, de la relocalisation industrielle et du renforcement de la souveraineté de notre pays dans des secteurs stratégiques.

Vous proposez tout d’abord de rétablir l’impôt sur la fortune que nous avons supprimé en 2018. Cette réforme de la fiscalité du capital devait permettre à nos entreprises de mieux se financer pour créer des emplois : sans capital, pas d’investissement ; sans investissements, pas d’entreprises ; sans entreprises, pas d’emplois. Alors que la Banque de France prévoit 1,15 million de demandeurs d’emploi supplémentaires d’ici mi-2021, vous souhaiteriez entamer la confiance des investisseurs dans nos entreprises. C’est irresponsable ! J’ajoute que, contrairement à l’ISF, l’IFI ne s’intéresse qu’au capital dormant et vise à favoriser les investissements dans l’économie réelle, créateurs d’emplois durables : cela procède d’un choix politique, d’une volonté d’investissement à long terme pour favoriser la création d’emplois durables.

Quant au prélèvement forfaitaire unique, qui inclut à la fois les prélèvements sociaux et l’impôt sur le revenu, la réforme a permis de simplifier la fiscalité du capital, de rapprocher la France de la moyenne européenne, et de la rendre plus compétitive ; en 2018, le PFU a rapporté 3,5 milliards d’euros, soit davantage que ce qui était prévu.

Votre proposition de loi vise enfin à augmenter la contribution exceptionnelle sur les revenus, ce qui n’est pas sans rappeler le fiasco de la taxe de 75 % sur les hauts revenus du président François Hollande, jugée confiscatoire et non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Le groupe de La République en Marche, qui mise sur la compétitivité et la souveraineté de la France, ne votera donc pas cette proposition de loi.

Mme Véronique Louwagie. Les députés du groupe Les Républicains sont opposés à tout nouvel impôt ou à toute augmentation d’impôts. Nous avons déjà un niveau de prélèvements obligatoires très élevés, la France est connue pour sa propension à répondre à chaque problème en créant de nouvelles taxes : nous sommes les champions du monde de la pression fiscale. Il n’est donc pas opportun, en cette période difficile, de poursuivre dans ce sens.

Vous avez raison d’évoquer la solidarité, car elle devra être l’un des maillons essentiels de la reprise. Pour autant, pouvoir n’est pas devoir : la crise impose au contraire la modération fiscale. Nous nous félicitons à cet égard des propos de Nadia Hai, car une proposition de Richard Ferrand, il y a peu de temps, avait ravivé le débat en laissant entrevoir le retour de l’ISF…

Pour ce qui nous concerne, nous ferons dès demain des propositions en séance visant, au contraire, à alléger les impôts et à diminuer les contraintes qui freinent le développement économique. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.

M. Mohamed Laqhila. Les réformes fiscales engagées depuis 2017 par notre majorité ont permis d’accroître l’attractivité de la France. En 2019, notre pays est devenu la première destination des investissements étrangers. Les études économiques semblent de plus suggérer un meilleur financement des entreprises financières.

Cette stabilité fiscale, nous y tenons et les entreprises la réclamaient. Brandir le totem du rétablissement de l’ISF et envoyer ainsi un message négatif au monde économique n’a donc pas de sens et contribuerait dangereusement à faire de la France un repoussoir pour les investisseurs. C’est la raison pour laquelle notre groupe est défavorable au rétablissement de l’ISF – au demeurant, il n’a pas totalement disparu puisqu’il a été remplacé par l’IFI auquel, pour ma part, j’ai toujours été opposé.

Vous souhaitez également l’abrogation du prélèvement forfaitaire unique. Nous y sommes tout autant opposés, notamment en raison des risques importants que pourrait avoir l’instabilité fiscale sur les conditions de financement de l’économie. En outre, le PFU a rapporté plus que ce qui était prévu.

Vous souhaitez enfin une hausse de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Notre groupe émet, là encore, un avis défavorable. Si une contribution des hauts revenus peut être envisagée, sa hausse doit être exclue. Nous avons émis, avec Jean-Paul Mattei, le souhait de rediscuter de l’éventualité d’une contribution exceptionnelle à l’occasion de cette crise sanitaire ; mais cela suppose davantage de réflexion et une étude plus poussée. Notre groupe ne votera donc pas cette proposition de loi.

M. Jean-Louis Bricout. Nous soutiendrons cette proposition du groupe GDR car elle répond aux exigences de justice et de solidarité qui doivent fonder le monde d’après. Notre pays s’apprête à connaître l’une de ses pires récessions depuis l’après-guerre : à croire les plus récentes prévisions de la Banque de France, le PIB ne devrait retrouver son niveau actuel qu’à partir de mi-2022, le taux de chômage risque de dépasser les 11 %, la consommation devrait chuter de plus de 9 % et l’investissement des entreprises de 23 %, tandis que le taux de d’épargne pourrait s’établir au niveau record de 22 %. La France fait ainsi partie des pays où les indicateurs économiques et budgétaires sont particulièrement dégradés.

Après le « quoi qu’il en coûte », destiné à faire face à l’urgence, se pose maintenant la question du financement des mesures de soutien et du plan de relance que doit annoncer le Président de la République. Dans ces conditions, mieux répartir la richesse en taxant le patrimoine des plus aisés et des plus hauts revenus plutôt que le travail est la seule façon de ne pas porter atteinte à la consommation et à la compétitivité des entreprises.

Depuis 2017, le Gouvernement a exonéré les Français les plus riches de tout effort. Mais, récemment, le Président de la République, a usé d’une rhétorique guerrière, et les plus aisés doivent obligatoirement participer à l’effort de guerre.

Cette proposition de loi met fin à l’injustice sociale que constituent ces exonérations qui coûtent chaque année plusieurs milliards d’euros à l’État. C’est pourquoi le groupe des Socialistes et apparentés votera en sa faveur.

 

M. Charles de Courson. La crise sociale qui s’abat sur le pays nous impose de prendre des mesures de justice sociale et fiscale. Il faut en finir avec le conservatisme et, de ce point de vue-là, ce que propose le groupe communiste ouvre un débat intéressant.

Cela étant, vous oubliez, monsieur le rapporteur, que le PFU s’applique à un patrimoine qui s’est constitué grâce à l’épargne, laquelle épargne est le fruit d’un travail et a donc déjà été taxée par l’impôt sur le revenu. Autrement dit, le patrimoine a déjà payé l’impôt.

Par ailleurs, la suppression du PFU risque de conduire les entreprises à ne plus distribuer de dividendes mais à vendre, pour éventuellement récupérer des plus-values, ce qui aura un effet pervers sur les recettes publiques.

Enfin, il ne faut pas oublier que la France n’est pas seule au monde et qu’elle est tenue de se coordonner avec les autres pays de l’Union européenne.

Quant à l’ISF, soit on maintient sa suppression, mais il faut également supprimer l’IFI, soit on le rétablit, auquel cas il faut l’articuler avec les droits de mutation : on ne peut pas être le seul pays dans lequel on cumule des droits de succession et un ISF. J’avais émis l’idée d’articuler les deux, l’ISF étant considéré comme un à-valoir sur les droits de succession futurs : cela aurait un sens économique,

Reste la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus dont vous faites passer les taux de 3 et 4 % à 8 et 10 %. Vous obtiendrez un taux marginal d’impôt sur le revenu de 49 %, à quoi il faut ajouter les 17,2 % de prélèvements sociaux, ce qui fait 66 %. Dans le cas d’un contribuable dont le patrimoine est essentiellement mobilier et rapporte environ 3 %, avec un taux marginal de l’ISF de 1,5 %, son taux marginal d’imposition sera supérieur à 100 %, ce qui devient confiscatoire. On ne peut donc se contenter de bricoler un impôt par-ci, un impôt par‑là ; il faut revoir ensemble le PFU, l’ISF, l’IFI et la taxe sur les hauts revenus. C’est pourquoi le groupe Libertés et Territoires ne votera pas en faveur de cette proposition de loi.

M. Éric Coquerel. Gérald Darmanin nous a expliqué hier que la crise du Covid-19 était une crise épidémique qui n’avait rien d’une crise systémique ; j’ai trouvé ces propos largement contradictoires avec ceux d’Emmanuel Macron qui déclarait le 12 mars dernier que le marché ne pouvait pas tout et qu’il fallait revenir à l’État-providence.

Si le système n’était pas en cause, comment expliquer que la crise épidémique se soit aussi vite transformée en crise sanitaire, puis en crise sociale et en crise économique ? Tout cela est entre autre lié au fait que, depuis des années, au nom de la baisse des dépenses publiques – alpha et oméga de toute politique libérale –, on a affaibli les hôpitaux et notre système de santé publique. Dans le même esprit on a concédé des cadeaux fiscaux toujours plus importants aux plus riches, partant du principe que, dans un contexte de concurrence internationale, favoriser les revenus du capital créait de l’emploi. Cela fait trente ans que ça dure, trente ans que cela ne marche pas, trente ans que cela affaiblit la capacité de l’État à réagir aux aléas quotidiens et, plus encore, à des crises aussi chaotiques que celle-ci.

Veut-on d’un monde d’après aussi inégalitaire que celui dans lequel nous vivons depuis trente ans ? On nous répète qu’il faut baisser la pression fiscale, mais en réalité on favorise toujours les plus riches – et pas n’importe lesquels : les plus riches détenteurs de capitaux. Or force est de constater que cela ne favorise pas l’intérêt général, cela ne crée pas d’emplois, cela ne soutient pas la relance économique. En revanche, cela crée des profits et de la spéculation : j’en veux pour preuve le fait que les bourses redémarrent au moment même où l’économie réelle entre en crise.

Cette proposition de loi vise donc juste : il faut arrêter les cadeaux mirifiques accordés depuis deux ans et demi au 1 % des plus riches par cette majorité qui a dans le même temps réussi l’exploit de faire baisser le pouvoir d’achat des 10 % les plus pauvres. Cela passe notamment par le rétablissement de l’ISF, qui n’a rien d’une mesure symbolique : les 3,5 milliards d’euros qu’a coûtés la suppression de l’ISF à l’État correspondent peu ou prou au coût du plan d’urgence pour l’hôpital présenté par les syndicats.

Une grande réforme fiscale est nécessaire, mais commençons au moins par l’adoption de cette proposition de loi pour faire en sorte que les plus riches cotisent quand le pays est en aussi mauvaise situation.

Mme Émilie Cariou. Je salue M. Jean-Paul Dufrègne pour le texte qu’il nous présente, pour ses propos très clairs et pour son engagement sans relâche pour la lutte contre les inégalités. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité constate comme lui que les inégalités perdurent en France, comme l’a fait apparaître le mouvement social très massif qui a agité notre pays l’année dernière.

La fiscalité n’est cependant pas la seule responsable de ces inégalités, qui doivent beaucoup aux écarts salariaux ; il suffit pour s’en convaincre de constater le très faible niveau du salaire médian dans notre pays, et on ne peut continuer à faire des cadeaux fiscaux à des entreprises qui ne pratiquent aucune progression salariale.

Cela étant, les propositions du rapporteur nous semblent quelque peu excessives. En lieu et place du rétablissement de l’ISF, nous sommes plutôt favorables à la réintégration dans l’assiette de l’impôt sur le patrimoine des liquidités, des comptes courants et de l’assurance-vie, conformément aux engagements de campagne du Président de la République qui visaient à détaxer les biens productifs, ce qui n’est le cas ni des comptes courants ni d’une partie de l’assurance-vie. Nous proposerons une mesure en ce sens dans le prochain PLF.

En ce qui concerne le prélèvement forfaitaire unique, je ne suis pas favorable à la barémisation des dividendes, des plus-values et des intérêts. Mise en place sous le précédent quinquennat, elle avait abouti à des taux d’imposition assez confiscatoires, obligeant à introduire un dispositif d’abattement extraordinairement complexe. Cela étant, en période de crise, il est normal de demander un effort aux plus hauts revenus et aux plus hauts patrimoines. Par ailleurs, le PFU taxe des produits réalisés, les échanges de titres étant quant à eux détaxés grâce à toute une série de dispositifs fiscaux. Il ne me paraît donc pas illégitime de réfléchir à une augmentation de deux à quatre points du taux de ce prélèvement.

En ce qui concerne enfin la contribution sur les très hauts revenus, nous allons proposer dans le prochain PLFR qu’elle soit augmentée, mais de moins de 8 % – même si une telle hausse, madame Hai, n’aurait rien de confiscatoire.

Si nous ne votons pas cette proposition de loi, nous vous donnons en revanche rendez-vous lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 et du projet de loi de finances pour 2021.

M. Fabien Roussel. Les députés communistes soutiendront cette proposition de loi, car la crise n’a fait que raviver la question des injustices sociales. Les inégalités augmentent dans notre pays où les riches sont de plus en plus riches. On pourrait ainsi se réjouir que Bernard Arnault, première fortune française, soit troisième sur le podium mondial, sauf que, parallèlement, la pauvreté augmente : avant la crise, 9,5 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté dans notre pays ; ils seraient désormais entre 12 et 13 millions, dont des retraités, des jeunes, mais aussi des salariés qui, malgré leur travail, ne peuvent plus vivre dignement.

Il faut donc plus de justice fiscale, que tout le monde paie un impôt et un impôt juste. Or ce n’est plus le cas depuis que cette majorité a fait le choix de soigner les premiers de cordée et de supprimer l’ISF et les taxes sur le capital. Le Gouvernement préfère organiser la charité et fait appel aux plus riches pour qu’ils donnent quand ils veulent et pour les causes qu’ils veulent. Nous pensons, nous, que c’est à l’État d’organiser la solidarité et de faire en sorte que chacun – y compris les plus riches – participe en fonction de ses moyens. Nous soutenons donc le rétablissement d’un impôt de solidarité sur la fortune plus juste : je rappelle que les 350 000 foyers les plus riches de notre pays possèdent au total un patrimoine taxable de 1 065 milliards d’euros : si on ne leur en prenait que 10 milliards d’euros, il leur en resterait suffisamment pour continuer à vivre et à investir dans le pays.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. La confiance entre le contribuable et l’État est en effet nécessaire. Je ne suis certes pas en désaccord, monsieur le rapporteur général, lorsque vous dites que le pire des signaux est de brouiller la lisibilité du système fiscal, et que le monde économique a besoin de certitude pour engager des projets et des investissements ; nous appelons seulement à davantage d’équité et à une meilleure répartition des richesses. Ce n’est pas qu’une question de taux.

Vous avez souligné, avec d’autres, que le PFU a rapporté davantage que prévu, en raison de la dynamique de son assiette. Je me suis laissé dire que ce produit supplémentaire était aussi lié à un effet d’aubaine, certaines distributions de dividendes ayant été retardées dans l’attente de jours meilleurs. L’analyse ne doit donc pas se fonder uniquement sur cette première année.

S’agissant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, vous demandez si elle pourrait à terme s’intégrer à un dispositif de progressivité de l’impôt, voire disparaître. Je suis totalement ouvert à de tels débats. Si j’ai bonne mémoire, c’est Nicolas Sarkozy qui l’avait instaurée justement pour contourner la progressivité des tranches et ne pas créer de tranche supplémentaire ; c’était assez malin. La question pourrait être réglée si, comme nous le proposons à chaque projet de loi de finances, vous étiez prêts à rediscuter de la progressivité de l’impôt au sein des tranches, comme à augmenter le nombre de tranches et le taux marginal.

La contribution exceptionnelle rapporte un milliard d’euros. Notre proposition vise à collecter un milliard supplémentaire, mais on peut concevoir de l’intégrer dans une refonte de la progressivité de l’impôt sur le revenu et différentes tranches, ce qui répond à certaines de vos objections.

Nadia Hai, comme d’habitude, nous a accusés de ressortir les vieilles recettes fiscales ; mais c’est plutôt elle qui s’y cramponne, avec cet art de ne rien changer, de ne rien remettre en question et finalement d’esquiver les vraies questions posées, à commencer par celle de la solidarité. Mme Véronique Louwagie elle-même appelle à ne pas la négliger, même si elle reste opposée à l’augmentation des impôts et souligne le grand nombre de taxes.

Le sujet vous met mal à l’aise : en réalité, madame Hai, vous êtes à contresens de l’opinion publique. Dans votre bulle, vous ne voulez surtout pas faire de peine à celles et ceux qui ont contribué à ce que vous soyez là aujourd’hui. C’est pourquoi vous privilégiez les vieilles recettes et que vous n’êtes pas ouverts à regarder ce que nous pourrions faire autrement. Charles de Courson lui-même, qui n’est pas favorable au rétablissement de l’ISF, en raison des droits de mutation, sujet sur lequel il a de grandes idées, qui peuvent s’entendre, reconnaît lui-même, et c’est important, que l’on ne peut pas rester dans un conservatisme total. C’est également ce que dit le groupe du Mouvement démocrate et apparentés : M. Laqhila, qui a également impliqué Jean-Paul Mattei, a déclaré qu’il n’était pas opposé à l’idée d’une contribution exceptionnelle. Autrement dit, le débat s’ouvre et s’ancre dans la société. Vous ne pourrez pas rester arc-boutés bien longtemps. La question n’est pas de savoir si nous le ferons, mais quand. Vous serez obligés d’y venir.

Jean-Louis Bricout, Éric Coquerel et Fabien Roussel sont allés dans le sens de la proposition de loi en mettant en avant des arguments de bon sens. Pour Éric Coquerel, cela fait trente ans que le système ne fonctionne pas, dans une course permanente au moins-disant fiscal ; Fabien Roussel a rappelé que 350 000 contribuables possèdent plus de 1 000 milliards d’euros.

Loin de tout esprit revanchard, lorsque nous voyons les sommes qu’il est nécessaire de mobiliser aujourd’hui, nous ne pouvons pas continuer longtemps à tenir à l’écart de l’effort toutes celles et tous ceux qui peuvent contribuer à une reprise économique plus rapide et dans de meilleures conditions, pour éviter que cette crise ne se traduise par une cure d’austérité et de rigueur, et que notre pays ne compte encore bien davantage de pauvres. C’est pourquoi certains d’entre vous ont avancé la notion de solidarité.

Telles sont mes observations aux questions que j’ai pu entendre, et ma contribution à un débat qui, comme l’a souligné le rapporteur général, a besoin de s’ouvrir.

 

 

 

 


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Examen des articles

 

Avant l’article 1er :

La commission examine l’amendement CF4 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Lors de l’examen des deux premières lois de finances rectificatives, j’avais insisté sur la nécessité d’un effort de solidarité nationale, en fonction des capacités contributives de chacun, et d’une mise à contribution des plus hauts revenus et patrimoines. Il me semblait avoir recueilli l’assentiment de mes collègues pour travailler dans cette direction ; j’espère que les actes viendront après les déclarations.

Le rapporteur général l’a souligné, on raisonne souvent en taux, oubliant la dynamique de l’assiette, mais également les niches fiscales. Le dispositif Copé en est une, qui concerne l’impôt sur les sociétés, et, plus particulièrement, les plus-values sur la vente de titres de participation détenus depuis plus de deux ans.

Notre amendement n’a rien de révolutionnaire : il ne supprime pas la niche Copé mais se contente de la rogner légèrement, en relevant la quote-part de frais et charges de 12 % à 13,29 %, alors que le taux de l’IS a baissé.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. Nous avions en effet déjà eu ce débat lors de l’examen du précédent projet de loi de finances initiale. Un amendement similaire avait même été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, avant d’être supprimé par le Sénat. C’est donc que la majorité n’est pas insensible aux arguments développés. Étant donné la réduction du taux de l’impôt sur les sociétés, le rehaussement de la quote-part paraît pertinent pour ne pas donner un avantage supplémentaire aux contribuables.

Nous nous éloignons là du débat que je souhaitais avoir aujourd’hui, à savoir la contribution des hauts revenus et des hauts patrimoines à l’effort de solidarité nationale. La discussion aura nécessairement sa place dans un autre cadre. Je suis néanmoins favorable à cet amendement.

M. Jean-Paul Mattei. Avec Émilie Cariou, j’avais en effet soutenu cet amendement en première lecture du projet de loi de finances pour 2020 : il me semblait de nature à équilibrer le dispositif par le fait qu’il compensait la baisse du taux de l’IS. La question a fait débat mais je reste persuadé qu’il allait dans le bon sens. M. le rapporteur a rappelé que la baisse du taux de l’IS permet d’augmenter les revenus distribuables.

Si je ne soutiendrai pas le texte – bien que la discussion soit passionnante, cette proposition de loi ne me semble pas intervenir au bon moment –, pour ce qui me concerne, je voterai cet amendement.

Mme Émilie Cariou. M. Mattei l’a rappelé, nous avions déposé cet amendement lors du dernier projet de loi de finances initiale. Il avait été adopté en première lecture car il ne fait qu’ajuster le taux de quote-part à réintégrer dans le résultat fiscal pour ne pas augmenter mécaniquement la niche Copé du fait de la baisse du taux d’IS. Il est donc tout à fait justifié et je le voterai dans le cadre de cette proposition de loi, même si celle-ci ne sera vraisemblablement pas adoptée.

Sans surprise, nous déposerons un amendement au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 sur ce sujet, et nous ferons de même au prochain projet de loi de finances initiale. Je rappelle que la taxe porte sur des plus-values réalisées, avec paiement de la cession des titres. Si les opérations intragroupes sont déjà neutralisées par d’autres dispositifs fiscaux, les échanges de titres ne sont pas taxés. Or il n’y a aucune raison de ne pas les taxer dès lors que la vente a été réalisée et a rapporté plusieurs millions d’euros de plus-values. Il est en effet prouvé que la niche Copé bénéficie aux grands groupes, plus particulièrement à ceux de la finance.

M. Éric Coquerel. Nous voterons l’amendement CF4 même s’il nous semble un peu timide. Nous souhaitons pour notre part supprimer purement et simplement la niche Copé, qui ne rapporte rien depuis des années et favorise très souvent nos concitoyens les plus aisés.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. Nous sommes aussi favorables à la suppression de la niche Copé. Mais qui peut le plus peut le moins : il est déjà important d’avancer d’un pas.

J’ai omis tout à l’heure de rebondir sur les propos intéressants d’Émilie Cariou et notamment son constat que la lutte contre les inégalités primaires de revenus doit constituer un élément de réponse à la situation actuelle. Nous attendons avec impatience les propositions qu’elle nous présentera lors du débat sur le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Quant à l’amendement du groupe Socialistes et apparentés, j’espère qu’il sera voté. Il donnera un signe, dont nous avons grand besoin.

La commission rejette l’amendement CF4.

La commission examine l’amendement CF3 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à rétablir la tranche supérieure de la taxe sur les salaires, soit 20 % sur la fraction excédant 152 279 euros. Il rejoint l’objectif de la proposition de loi de notre collègue du groupe Socialistes et apparentés, Dominique Potier, visant à taxer les entreprises qui dépasseraient un écart de 1 à 12 dans les salaires et à introduire davantage de justice sociale dans les rémunérations. Dominique Potier indique ainsi : « La pensée néolibérale selon laquelle la performance est liée à l’appât du gain est une légende. » Il fait le pari du contraire.

La suppression de la tranche supérieure de la taxe sur les salaires en 2018 s’inscrit dans une longue liste de mesures qui ont affaibli notre cohésion sociale, en particulier la réduction des emplois aidés ou des aides personnalisées au logement (APL).

La crise que nous traversons est non seulement sanitaire, mais aussi sociale, économique et territoriale. Nous sommes dans une période d’urgence. Viendra ensuite le temps de bâtir la France d’après. Le rétablissement de la tranche supérieure de la taxe sur les salaires fait appel, comme la proposition de loi, à l’équité et à la justice fiscale et sociale ; cette mesure fait le lien entre l’urgence d’aujourd’hui et les défis de demain.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. Avec ces deux amendements, nous voyons que la boîte à outils contient bien d’autres éléments que ceux que j’ai présentés dans cette proposition de loi. Il faut un débat plus large sur l’ensemble de la fiscalité voire sur l’organisation de notre système de ressources.

L’amendement CF3 prévoit de rétablir la tranche supérieure de la taxe sur les salaires, dont le taux en vigueur jusqu’à 2018 s’élevait à 20 % pour la fraction excédant 152 279 euros. Comme Jean-Louis Bricout, je trouve insupportable que la taxation des très hautes rémunérations ait été à ce point malmenée : le taux le plus élevé de la taxe sur les salaires n’est que de 13,6 %, dès lors que le salaire est supérieur à 15 822 euros.

Le Gouvernement justifie cette suppression par la nécessité de renforcer l’attractivité de la France, notamment dans le contexte du Brexit. Nous nous sommes lancés dans une course au moins-disant fiscal qui ne fait qu’alimenter l’impuissance publique. Charles de Courson mentionnait le contexte international et l’Europe : j’aimerais que la France prenne les choses en main et entraîne l’Europe dans des débats sur la fiscalité et les prélèvements, afin que les pays harmonisent un tant soit peu les choses.

Cet amendement permet d’élargir le débat. La redistribution des revenus est un outil indispensable pour lutter contre les inégalités. Au cours des auditions que j’ai menées, j’ai pu constater que la réduction des inégalités primaires est tout aussi importante. La mesure proposée mettrait à contribution les entreprises qui accordent de très hautes rémunérations, ce qui pourrait limiter l’accroissement des écarts de revenus. Vous démontrez que l’impôt est également un instrument efficace pour réduire les inégalités primaires.

Pour ces différentes raisons, je suis favorable à cet amendement.

M. Charles de Courson. Cet amendement prétend améliorer la cohésion sociale ; mais ce n’est pas du tout l’effet qu’il aurait s’il était adopté, dans la mesure où la taxe sur les salaires n’est pas payée par les salariés aux très hauts revenus, mais par leur entreprise. La disposition n’aurait donc aucun effet sur la hiérarchie des salaires. Le seul problème est l’existence de cette taxe au regard des autres pays de l’Union européenne.

La commission rejette l’amendement CF3.

La commission examine l’amendement CF2 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement prévoit un prélèvement de 0,5 % sur les encours d’assurance-vie supérieurs à 50 000 euros, qui serait effectué avec un effet rétroactif au 1er juin 2020, afin d’éviter des opérations financières visant à le minorer. Le rendement ne serait pas neutre : les encours au 1er janvier 2020 s’élevaient à 1 800 milliards d’euros.

Le dispositif vise une fois de plus à mobiliser la solidarité des ménages les plus aisés afin de cofinancer l’effort exceptionnel de l’État pour lutter contre les conséquences de l’épidémie. Élargissant la proposition de loi, il constitue un moyen complémentaire de redistribution des richesses, pour répondre aux enjeux d’équité fiscale sans porter atteinte au pouvoir d’achat des ménages. En ce sens, il corrobore les propos d’Émilie Cariou, selon lesquels la taxe ne porte pas atteinte à la compétitivité des entreprises.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. L’idée me semble pertinente. Selon une étude de Facts & Figures menée en 2017, le montant moyen des encours d’assurance-vie des 10 % des ménages les plus élevés s’élève à 66 000 euros. Pour les 90 % des ménages les moins aisés, l’encours moyen s’élève à près de 19 000 euros. Le ciblage de la mesure paraît donc cohérent. Avec cette disposition, nous touchons cependant une population plus large que celle visée par ma proposition de loi.

Avis favorable.

Mme Nadia Hai. Contrairement à M. le rapporteur, je suis profondément choquée par cet amendement. Outre son aspect rétroactif, qui posera un problème constitutionnel, cette disposition laisse entendre qu’un ménage qui détient plus de 50 000 euros est riche. C’est oublier que ce montant peut représenter l’épargne de toute une vie.

La taxe que vous proposez touchera souvent des retraités qui ont tenté toute leur vie de mettre de l’argent de côté pour se ménager un complément de revenus. Elle montre que vous ne connaissez pas l’épargne des Français.

M. Charles de Courson. En 2019, le taux moyen de rendement des contrats d’assurance-vie en euros s’élève à 1,5 %, avec de grands écarts puisqu’il va de 1 à 2 %. Un taux de 0,5 point paraît faible mais il représente 50 à 60 % du revenu. Si vous ajoutez la taxation actuelle, votre disposition créera une situation confiscatoire dans la mesure où la taxe dépassera 70 ou 72 % du montant consolidé : elle serait donc annulée par le Conseil constitutionnel.

Deux tiers des Français détiennent au moins un contrat d’assurance-vie, voire deux en fin de vie, que vous consoliderez, je suppose, même si l’amendement ne le précise pas. Or le seuil choisi est très bas : en fin de vie professionnelle, le montant moyen des contrats d’assurance-vie dépasse 50 000 euros. Votre disposition concernera donc des millions de Français.

Mme Christine Pires Beaune. L’encours moyen de l’assurance-vie est de 30 000 euros, mais 1 % des assurés détiennent à eux seuls un quart des encours. Et un quart des contrats de l’assurance-vie est transmis – à titre gratuit, rappelons-le.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. Nadia Hai sous-entend que je ne maîtrise pas la question de l’épargne… J’ai bien compris que ce n’était pas le cas du groupe La République en Marche, qui a entre autres réduit pratiquement à néant le taux du livret A de nombreux Français ! Vos leçons, vous pouvez vous les garder, comme on dit chez moi !

M. le président Éric Woerth. Mais tous les taux sont au plus bas en ce moment.

La commission rejette l’amendement CF2.

*

*     *

 

Article 1er
[articles 885 A à 885 ZK du code général des impôts]
Rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune

I.   l’état du droit

A.   La suppression injustifiée de l’ISF

1.   Les caractéristiques de l’ISF avant sa suppression

a.   L’historique de l’ISF

L’imposition des hauts patrimoines a trouvé sa première définition législative en 1982, avec la création de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) ([23]). Supprimé en 1986 ([24]), la loi de finances initiale pour 1989 ([25]) a néanmoins rétabli ce prélèvement sous le nom d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Les personnes physiques redevables de l’ISF sont imposables sur l’ensemble des biens, droits et valeurs leur appartenant, ainsi que sur les biens appartenant à leur conjoint et à leurs enfants mineurs lorsqu’ils ont l’administration légale de ces biens. Par conséquent, si l’ISF n’est pas « familialisé », il prend en compte l’ensemble du patrimoine du foyer.

Doté d’un barème de 5 tranches (avec un premier taux de 0 % pour les patrimoines de 4 millions de francs, et un taux marginal supérieur de 1,1 % pour les patrimoines de 20 millions de francs et au-delà), l’ISF est, en 1989, également assorti d’un système de plafonnement (dit « Rocard ») permettant de limiter le montant de l’ISF à acquitter lorsque l’addition du montant de l’ISF et de l’impôt sur le revenu dépasse 70 % de l’ensemble des revenus de l’assujetti.

Jusqu’en 2017, l’assiette et le barème de l’ISF ont régulièrement évolué en fonction des priorités politiques.

Durant la période comprise entre 1989 et 2005, les modifications apportées à l’ISF ont conduit majoritairement à renforcer l’imposition des hauts patrimoines, à travers des modifications de barème et une limitation des possibilités de réduire l’impôt dû :

– le barème a été progressivement élargi, comptant jusqu’à sept tranches en 1999 (la tranche supérieure frappant les patrimoines supérieurs à 1,8 million d’euros à hauteur de 1,8 %) ;

 

– le plafonnement Rocard a été relevé à 85 % de l’ensemble des revenus du redevable en 1995, et un « plafonnement du plafonnement » (dit « Juppé ») a été institué en 1996 afin de limiter le montant de la réduction d’impôt dont peuvent bénéficier les assujettis ;

– une majoration de 10 % du montant de la cotisation due a été créée en 1995, avant d’être intégrée au barème en 1999 ;

– toutefois, à rebours de la tendance observée sur cette période, un abattement de 20 % sur la valeur vénale de la résidence principale a été instauré en 1999.

À partir de 2005, c’est au contraire un mouvement inverse de réduction de l’assiette de l’ISF et d’allègement du barème qui est à l’œuvre :

– la loi de finances pour 2005 a porté de 720 000 euros à 732 000 euros le seuil d’imposition à l’ISF. Il est également prévu que les limites des tranches sont revalorisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu ;

– en vertu des dispositions de la loi dite « TEPA » du 21 août 2007 ([26]), l’abattement sur la valeur vénale de la résidence principale est relevé à 30 %, et diverses réductions d’impôt sont créées pour les redevables réalisant des investissements dans les PME ou des donations au profit de certains organismes d’intérêt général. Le plafonnement, au titre du « bouclier fiscal » est porté à 50 % des revenus (prélèvements sociaux inclus).

Le seuil d’exonération sera par ailleurs porté à 1,3 million d’euros à partir de l’ISF à acquitter au titre de l’année 2011. De nouvelles modifications seront ensuite effectuées à partir de 2012, pour constituer l’ISF tel qu’il existait jusqu’en 2017.

b.   Un impôt imparfait

À sa suppression en 2017, l’ISF n’était pas exempt de défauts.

Progressif et doté de six tranches son barème était toutefois moins ambitieux que celui en vigueur au début des années 2000, car les taux n’intégraient plus la majoration de 10 % introduite en 1995 ([27]) :

 

 

Barème de l’ISF en 2017

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Taux applicable (en %)

≤ 800 000 euros

0

De 800 001 à 1 300 000 euros

0,5

De 1 300 001 à 2 257 000 euros

0,7

De 2 570 001 à 5 000 000 euros

1

De 5 000 001 à 10 000 000 euros

1,25

> 10 000 000 euros

1,5

Source : commission des finances.

Le seuil d’entrée à l’imposition de l’ISF était fixé à 1,3 million d’euros. Pour les assujettis, la fraction de patrimoine supérieure à 800 000 euros était toutefois prise en compte dans le calcul de la cotisation. Un mécanisme de décote était également prévu pour les redevables dont le patrimoine avait une valeur comprise entre 1,3 million et 1,4 million d’euros.

L’assiette de l’ISF était par ailleurs mitée par de nombreux dispositifs.

Des régimes d’exonération permettaient ainsi aux redevables d’exclure une partie de leur patrimoine de l’assiette de l’ISF. L’exonération la plus emblématique concerne les biens professionnels ([28]) et les objets d’art ([29]), mais peuvent également être citées :

– l’exonération partielle et plafonnée des bois et forêts et parts de groupements forestiers ;

– l’exonération des droits de propriété littéraire et artistique ainsi que les droits voisins ;

– l’exonération des droits de propriété industrielle ;

– l’exonération de certains titres financiers (titres faisant l’objet du pacte « Dutreil », en vertu de l’article 885 I bis ancien du CGI, ou encore les titres détenus par les salariés et mandataires sociaux, en vertu des dispositions de l’article 885 I quater ancien du CGI) ;

– enfin, le régime des « impatriés », codifié à l’article 885 A ancien du CGI, permettait aux nouveaux résidents de bénéficier d’un dispositif d’exonération temporaire portant sur les biens situés hors de France.

Divers dispositifs permettaient également de minorer l’impôt dû :

– ainsi, un abattement de 30 % était effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci constituait la résidence principale du propriétaire (885 S ancien du CGI) ;

– l’impôt dû était également plafonné à 75 % des revenus perçus l’année précédant l’acquittement de l’ISF (885 V bis B CGI) ;

– enfin, deux réductions d’impôt à vocation incitative permettaient aux assujettis de minorer le montant de la cotisation due. En premier lieu, les contribuables investissant directement ou indirectement dans des petites et moyennes entreprises (PME) pouvaient imputer une partie de leur investissement sur le montant de leur ISF, en vertu des dispositions de l’article 885-0 V bis du CGI (dans la limite de 45 000 euros par an et par redevable). De la même manière, les donations au profit de certains organismes, limitativement énumérés par les dispositions du code général des impôts, permettaient aux redevables de réduire le montant de l’impôt dû d’un montant égal à 75 % du don (article 880 V bis A du CGI).

c.   Un impôt dynamique et populaire

Indépendamment de ses défauts, l’ISF était un impôt dynamique et populaire dans l’opinion, ce qui justifiait, a minima, son maintien.

À titre préliminaire, il convient de rappeler que le rendement de l’ISF s’élevait à 4,2 milliards d’euros en 2017, soit environ 5 % du total des prélèvements acquittés par l’ensemble des ménages (92 milliards d’euros en 2017).

L’ISF était toutefois dynamique. Comme a pu le montrer la commission des finances du Sénat dans le cadre de son rapport d’évaluation des réformes de l’ISF et du PFU, « le poids de l’ISF dans la richesse nationale a doublé depuis la mise en place de l’impôt sur les grandes fortunes » ([30]). S’élevant à 0,1 % du PIB en 1982, le rendement de l’ISF s’établissait à 0,22 % du PIB en 2017.

Le rendement de l’ISF était ainsi croissant au fil des ans, ce qui attestait de sa pertinence budgétaire.

Rendement de l’ISF net entre 2013 et 2017

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Progression sur la période 2013-2017

Rendement de l’ISF net

3,5

3,8

3,9

4,0

4,2

20 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Ce dynamisme s’explique par la hausse du nombre de redevables au fil des ans et par la progression de l’actif net imposable. Ainsi 312 000 assujettis étaient recensés en 2013, pour 358 000 en 2017. L’actif net imposable, s’élevant à 908 milliards d’euros en 2013, s’établissait à 1 029 milliards d’euros en 2017.

L’ISF bénéficie également d’un large soutien populaire, dans la mesure où l’opposition des Français à sa suppression s’est maintenue, entre 1986 et 2017, entre 60 et 80 % ([31]).

Il peut être argué, face à ce constat, qu’un impôt est d’autant plus populaire qu’il n’est acquitté que par une infime partie des contribuables. Toutefois, comme mentionné précédemment, de nombreux impôts bénéficient d’une opinion positive de la part des Français, indépendamment de la position de ces derniers dans l’échelle des revenus.

2.   Une suppression de l’ISF injustifiée

Les partisans de la suppression de l’ISF justifient leur position par la nécessité de lancer un signal positif aux investisseurs. Cet argument se décline de deux manières différentes : il s’agit d’une part de favoriser le « ruissellement » de la richesse dans l’économie réelle, et d’autre part de prévenir les départs de redevables de l’ISF à l’étranger (son corollaire étant de renforcer l’attractivité du territoire national).

Dans les deux cas, les faits ne permettent pas de confirmer la pertinence des arguments mobilisés.

a.   L’ambition périlleuse de favoriser les investissements productifs

En premier lieu, il peut être rappelé que les économistes portent en général leur préférence sur des prélèvements composés d’une assiette large et de taux faibles, afin de limiter les effets de bord de l’impôt sur l’activité économique. Il est vrai que l’ISF pâtissait d’une assiette réduite, favorisant de nombreuses distorsions économiques. Il apparaît néanmoins qu’un élargissement de la base taxable eut été préférable à une réduction drastique de l’assiette de l’ISF.

La suppression de l’ISF avait ainsi pour objectif premier d’alléger la fiscalité sur le patrimoine productif, afin de ne taxer que le capital dit « improductif ».

En tout état de cause, la construction initiale de la réforme était défaillante. Auditionné par le rapporteur, Gabriel Zucman a ainsi indiqué que l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ne correspond pas réellement à un capital « improductif », dans la mesure où le logement et la construction sont des secteurs économiques importants. À l’inverse, le capital mobilier n’est pas par essence productif. Il est par exemple incertain que des bons du Trésor américains ou encore des obligations d’État allemandes stimulent la croissance du PIB français.

 

Concernant les premiers éléments empiriques permettant d’évaluer les effets de la réforme, le comité d’évaluation sur les réformes de la fiscalité du capital n’a pas formulé de conclusions sur l’impact économique de la suppression de l’ISF ([32]), préférant dans un premier temps « dresser le paysage ». La commission des finances du Sénat a en revanche dressé des premiers constats utiles.

Ainsi, les premiers sondages réalisés auprès d’échantillons de redevables indiquent que « seuls 29 % des contribuables déclarent avoir consacré une partie du gain fiscal à l’investissement dans les entreprises » ([33]). A contrario, 41 % des sondés indiquent avoir utilisé les sommes auparavant consacrées à l’acquittement de l’ISF afin d’alimenter leur « épargne classique », et 42 % des personnes interrogées ont alloué le gain fiscal à des dépenses de consommation. Si des conclusions générales ne peuvent pas être tirées de ce sondage, il apparaît a priori que la suppression de l’ISF a davantage produit un effet de relance par la demande qu’elle n’a favorisé l’investissement productif.

De plus, il n’est pas certain que les investissements réalisés du fait de la suppression de l’ISF bénéficient à des entreprises françaises, dans la mesure où 43 % du patrimoine financier brut des ménages français est investi dans des actifs de sociétés ayant leur siège à l’étranger. Selon la commission des finances du Sénat, l’épargne financière des ménages français est par ailleurs investie à hauteur de 34 % au sein d’entreprises financières non françaises.

b.   Une suppression motivée par un contexte de concurrence fiscale accrue

Second argument majeur des partisans de la suppression de l’ISF, la réforme intervenue en 2018 permettrait de limiter les départs de contribuables à l’étranger, et de renforcer l’attractivité du territoire.

La France fait effectivement partie des pays où l’imposition du patrimoine est des plus élevée par rapport aux autres pays de l’OCDE. Toutefois la part de l’ISF dans le PIB y reste relativement réduite. La particularité française semble plutôt résider dans l’extrême complexité de sons système fiscal. À ce titre, le rapporteur a pu, durant ses auditions, évoquer la possibilité de fusionner différents impôts assis sur le patrimoine des ménages (au premier rang desquels la taxe foncière et l’IFI, ou un ISF restauré). Si des contraintes techniques importantes ont pu être identifiées, dans la mesure où les prélèvements concernés bénéficient à différentes catégories d’administrations publiques ([34]), il apparaît néanmoins souhaitable d’engager une réflexion sur la simplification du système fiscal français.

 

 

Part des impôts sur le patrimoine et de l’ISF dans le PIB

(en % du PIB)

Source : commission des finances, d’après les données de l’OCDE.

Il peut par ailleurs être noté qu’avant la réforme, 500 à 800 redevables partaient s’installer à l’étranger chaque année. Ce chiffre, regrettable, est néanmoins réduit au regard de l’effectif total des assujettis à l’ISF (351 000 en 2016). Ainsi, l’exil des assujettis à l’ISF s’est élevé en moyenne à 0,2 %. Le rapporteur partage ainsi le constat d’Oxfam France, qui dénonçait en septembre 2019 l’existence d’un « mythe des exilés de l’ISF » ([35]).

évolution du nombre de départs de redevables de l’ISF

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, L’incidence des prélèvements obligatoires sur le capital et le comportement des ménages, rapport particulier n° 4, mai 2017.

Toutefois ces données doivent être prises avec précaution, car elles sont fondées sur les déclarations des assujettis.

Il apparaît de surcroît qu’au vu des informations disponibles, aucun lien de causalité ne peut être directement établi entre les départs des redevables et l’existence de l’ISF.

Aussi, plutôt que de se lancer dans une course au moins-disant fiscal, le rapporteur estime qu’il serait bien plus profitable de développer de nouveaux instruments visant à lutter contre l’exil fiscal. À ce sujet, Gabriel Zucman suggère de développer un cadastre du patrimoine financier mondial, afin de renforcer la transparence autour des capitaux détenus par les ressortissants nationaux à l’étranger. Une solution opérationnelle à plus court terme consisterait en la création d’un dispositif permettant de maintenir temporairement l’assujettissement des contribuables partis à l’étranger au système fiscal français.

B.   La création de l’IFI, un impact non négligeable sur les inégalités et les finances publiques

Bâti sur des présupposés n’ayant pas été démontrés, comme expliqué précédemment, l’impôt sur la fortune immobilière a également affaibli le système redistributif national et renforcé les inégalités.

1.   Les caractéristiques de l’IFI

Tout d’abord, il convient de remarquer que les partisans de la réforme de l’ISF arguent régulièrement que l’ISF n’a pas été supprimé, mais que son assiette a été réduite. Il est vrai que les caractéristiques de l’IFI sont très proches de l’ISF, néanmoins la loi de finances pour 2018 ([36])  a tout simplement abrogé l’ensemble des dispositions du CGI portant sur l’ISF, pour créer un nouvel impôt.

L’IFI est ainsi régi par les articles 964 à 983 du CGI.

La principale différence de cet impôt, en comparaison avec l’ISF, concerne son assiette : seuls les biens et droits immobiliers non affectés à l’activité professionnelle sont imposables (article 965 CGI). La répartition de la valeur des biens entre nu-propriétaire et usufruitier est également modifiée.

Les investissements dans les PME ne font également plus l’objet d’une réduction d’impôt. Il convient de remarquer que les souscriptions au capital d’entreprises solidaires ont logiquement chuté, consécutivement à la disparition de ce dispositif. Alors que 52 millions d’euros avaient été investis à ce titre (en comptant la collecte au titre de la réduction « Madelin »), ce chiffre tombe à 32,2 millions d’euros en 2018.

Enfin, la capacité des redevables à déduire du montant de leur cotisation leurs dettes (article 974 CGI) est désormais davantage limitée, en comparaison avec le régime applicable à l’ISF.

Il convient toutefois de souligner que le barème, l’abattement de 30 % sur la valeur vénale de la résidence principale, et le plafonnement de la cotisation due et de l’impôt sur le revenu à 75 % des revenus mondiaux sont conservés ([37]).

De même, la réduction d’impôt « ISF-dons » a été transposée à l’identique dans le cadre de l’IFI ([38]). Toutefois, le volume de dons ouvrant droit à la réduction d’impôt a diminué de 134 millions d’euros en seulement un an (- 39 %). Si cette chute drastique s’inscrit dans un contexte plus général de la baisse de la générosité, la commission des finances du Sénat établit un lien étroit entre ce phénomène et la suppression de l’ISF.

2.   Une réforme alimentant la dynamique des inégalités et coûteuse pour les finances publiques

Alors même que le nombre de personnes en situation de pauvreté monétaire augmente en France, les gains de la réforme de l’ISF ont été perçus par une infime partie de la population, placée tout en haut de l’échelle des revenus.

L’Institut des politiques publiques (IPP) indique ainsi que « les 1 % des ménages les plus aisés, quel que soit leur revenu d’activité, voient leur revenu disponible augmenter de 6,4 % du fait du remplacement de l’ISF par l’IFI ».

Ces éléments peuvent être complétés par les études menées par l’INSEE sur le sujet. Ainsi, l’institut indique que le passage à l’IFI a fait 340 000 gagnants, qui se partagent un gain de 3,4 milliards d’euros (soit un montant moyen légèrement inférieur à 10 000 euros par personne) et 10 000 perdants (du fait de la perte de la réduction d’impôt relative à l’investissement dans les PME, et de la non déductibilité du passif immobilier à partir de 2018). Les 10 % des plus aisés ont obtenu deux tiers des gains totaux.

répartition des gains de la réforme de l’IFI par vingtile de niveau de vie

Source : INSEE, Simulation des effets redistributifs de la transformation de l’ISF en IFI à l’aide du modèle Ines, décembre 2019.

Par son effet direct, la réforme a entraîné une hausse de l’indice de Gini de l’ordre de + 0,002 (soit une augmentation de 0,6 %). Ces chiffres masquent toutefois les effets indirects, difficilement mesurables, de la réforme. En effet, la suppression de l’ISF génère une moindre recette, dont la contrepartie est, à long-terme, une moindre capacité d’intervention de l’État.

Selon les informations communiquées par l’ancien rapporteur général du budget Joël Giraud ([39]), 132 722 redevables ont été soumis à l’IFI en 2018, avec un patrimoine moyen taxable de 309 milliards d’euros. En comparaison avec l’ISF, ce sont donc environ 217 000 contribuables en moins qui sont soumis à ce nouvel impôt, la base taxable diminuant quant à elle de l’ordre de 670 milliards d’euros.

En conséquence, le montant de l’IFI net s’est élevé à 1,29 milliard d’euros en 2018, ce qui représente une perte de recettes de 2,91 milliards d’euros. Cela peut sembler minime à l’échelle du budget de l’État, néanmoins cette diminution de ressources correspond peu ou prou à la dotation de certaines missions du budget général, comme par exemple celle consacrée aux anciens combattants (2,3 milliards d’euros exécutés en 2019).

II.   Le droit proposé

L’article 1er rétablit l’ensemble des dispositions relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune dans des termes identiques à ceux en vigueur au 31 décembre 2017, dans un nouveau chapitre I bis relatif à « l’impôt de solidarité sur la fortune » du titre IV du livre premier de la première partie du code général des impôts. Ce chapitre se composerait de sept sections relatives :

– au champ d’application des dispositions (alinéas 4 à 17) ;

– à l’assiette de l’impôt (alinéas 18 à 32);

– aux biens exonérés (alinéas 33 à 93) ;

– aux biens professionnels (alinéas 94 à 130) ;

– à l’évaluation des biens (alinéas 131 à 136) ;

– au calcul de l’impôt (alinéas 137 à 243);

– aux obligations des redevables (alinéas 244 à 254).

Les caractéristiques de l’impôt rétabli seraient identiques à celles mentionnées précédemment.

Le rapporteur tient néanmoins à souligner que ce rétablissement ne constitue qu’une première étape vers la définition d’un système fiscal plus juste et plus lisible.

Tout d’abord, il est certain que l’assiette de l’ISF telle qu’elle existait jusqu’en 2018 était particulièrement mitée. Au cours de son audition, Gabriel Zucman a notamment confirmé au rapporteur que la faiblesse principale de l’ISF résidait dans le mécanisme de plafonnement à 75 % de l’imposition due sur les revenus au regard des revenus mondiaux de l’assujetti. Pour des raisons constitutionnelles ([40]) ce dispositif ne peut être intégralement remis en cause par le législateur. Toutefois, le rapporteur tient à souligner les possibilités d’optimisation fiscale générées par un tel plafonnement. Il est par conséquent nécessaire d’engager une réflexion visant à élargir l’assiette de l’ISF.

Dans un second temps, le rapporteur considère que le système fiscal français est particulièrement illisible. Si une remise à plat semble peu opérationnelle, en raison des difficultés techniques évidentes, il apparaît néanmoins nécessaire, à plus long-terme, d’engager une convergence des impôts portant sur le patrimoine, en vue d’une éventuelle fusion.

Enfin, consulté par le rapporteur, Oxfam France estime qu’un rétablissement de l’ISF devrait s’accompagner de l’instauration d’une exit tax modifiée afin de prévenir l’exil fiscal. Le rapporteur partage ce constat.

*

*     *

 

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF1 de Mme Sabine Rubin et CF6 du rapporteur.

M. Éric Coquerel. L’amendement CF1 vise à accroître l’efficacité de la proposition de loi, dont nous soutenons pleinement les dispositions, modérées. Mais comme cela n’amènera pas pour autant la majorité à la voter, je me permets de rappeler qu’un ISF plus juste, plus progressif permettrait, sans être pour autant confiscatoire, de mieux répartir les richesses : c’est aussi à cela que servent les impôts, et pas seulement à taxer les plus riches.

Depuis 2002, de multiples dérogations ont largement détourné l’ISF de sa vocation première et le nombre de contribuables assujettis a progressivement diminué. Nous proposons un barème plus progressif et plus juste, avec une première tranche à 0,1 % entre 400 000 et 800 000 euros, et une tranche supérieure à 2 % pour les très grandes fortunes, avec une valeur nette taxable du patrimoine supérieure à 5 millions d’euros, ce qui n’a rien de confiscatoire.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. L’amendement CF1 va en effet plus loin que ce que nous proposons car notre intention était d’abord de restaurer un dispositif qui fonctionnait. En plus d’augmenter le taux marginal et d’instaurer une taxation plus basse, il transforme l’abattement de 30 % sur la valeur vénale de la résidence principale en un abattement forfaitaire de 400 000 euros, plus intéressant pour les petits patrimoines. J’y suis donc favorable.

Mon amendement CF6 vise à préciser le dispositif de l’article 1er, notamment la date d’entrée en vigueur des dispositions, fixée au 1er janvier 2021. Il coordonne les différentes dispositions du code général des impôts (CGI) en abrogeant les articles relatifs à l’IFI.

Mme Nadia Hai. À lire l’amendement CF1 ou l’article 1er, qui vise à rétablir l’ISF, je ne comprends pas votre entêtement à conserver un impôt qui n’a pas prouvé son efficacité. M. Coquerel a raison de dire que, depuis trente ans, la lutte contre les inégalités n’a pas fonctionné : si elles perdurent, c’est bien que l’ISF ne les a pas réduites.

Il est de fait en revanche qu’avec la suppression de l’ISF, le chômage avait été ramené à 8,2 % avant la crise, et que l’investissement des entreprises a augmenté de 2,2 milliards d’euros. Cela ne s’était pas vu depuis dix ans, et a permis à la France de se placer devant l’Allemagne et le Royaume-Uni en termes d’attractivité. Le nombre des exilés fiscaux a été divisé par deux.

M. Éric Coquerel. C’est faux !

Mme Nadia Hai. Ce ne sont pas des éléments de langage, mais des faits. Et ces chiffres proviennent non pas de rapports, dont vous ne citez pas l’origine, mais de la direction générale des finances publiques. Vous pouvez les retrouver dans le rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, qu’a publié France stratégie. Ce comité rassemble des représentants des organisations patronales et syndicales, des experts, des membres de la direction générale des finances publiques et de la direction générale du Trésor, ainsi que des parlementaires. Je vous invite à consulter ce rapport : vous y trouverez des informations plus justes que celles que vous avez citées. Je regrette que l’on veuille réinstaurer un impôt qui n’a jamais prouvé son efficacité.

M. Charles de Courson. Peu de gens savent que, parmi les cinquante plus grandes fortunes françaises, onze ne paient pas d’ISF et les trente-neuf autres l’acquittent sur une assiette qui ne représente que 10 % du montant de leurs biens.

Les deux amendements augmentent le barème, notamment en créant une tranche à 2 %, mais ils n’atteindront absolument pas leur objectif. Le grand débat est non pas celui du barème, mais celui de l’exonération des biens professionnels, ce que l’on appelle l’amendement Bettencourt, que nos collègues socialistes avaient voté sous François Mitterrand, pour éviter le départ de Liliane et de son mari en Suisse…

En revenant en arrière sur l’exonération des biens professionnels, vous étendrez l’assiette car les grandes fortunes sont mobilières, non immobilières. D’où la grande critique à l’égard du maintien de l’IFI : soit on supprimait entièrement l’ISF, soit on l’articulait avec les droits de mutation, mais on ne peut pas rester comme cela.

Enfin, avec la baisse du rendement des biens, un taux de 2 %, sans plafonnement, dépasse largement les 100 % d’imposition. La disposition sera donc annulée, puisque confiscatoire. Ce n’est pas la bonne approche.

M. Jean-Paul Mattei. L’impôt sur la fortune existe toujours à travers l’impôt sur la fortune immobilière. Il remonte à 1982, avec l’impôt sur les grandes fortunes (IGF). Comme l’a dit Charles de Courson, le problème tient à la distinction entre patrimoines privé et professionnel, et sa simplification.

Le sujet mérite une discussion sur le fond. Il faut l’assumer et la mener dans un cadre plus global – Charles de Courson évoquait une réflexion sur la fiscalité du patrimoine. Rappelons que l’impôt sur la fortune consiste en une taxation des stocks, non des flux : les assujettis n’ont pas forcément la trésorerie pour l’acquitter, ce qui peut paraître confiscatoire, ou en tout cas très gênant.

Quant à l’attractivité, nous pourrions avancer sur la question si nous parvenions à simplifier l’impôt sur la fortune en excluant tout ce qui est en lien avec l’entreprise, sans tomber dans des dispositifs compliqués, comme le pacte Dutreil, qui s’apparentent parfois à de véritables usines à gaz.

Pour ce qui me concerne, j’assume l’idée d’un impôt sur le patrimoine non productif. Une réflexion est nécessaire : il faut accepter de discuter certains symboles, ce qui, dans la situation actuelle, irait dans le bon sens. Mais je ne soutiendrai pas l’amendement CF1 car il est mal ficelé : l’abattement forfaitaire de 400 000 euros pour la résidence principale revient à favoriser une exonération de l’IFI.

M. Éric Coquerel. Pour répondre à ma collègue du groupe La République en marche, qui défend si bien la suppression de l’ISF, je souhaiterais rappeler le débat que l’Institut des politiques publiques avait organisé avec la plupart d’entre nous, il y a un an.

Ses économistes expliquent que la suppression de l’ISF n’a entraîné aucune trace de contrepartie positive en termes de création d’emplois. Elle aura en revanche rapporté l’an dernier 6 500 euros aux 5 % les plus riches de nos concitoyens, 26 363 euros par an aux 0,4 % les plus riches, 86 290 euros aux 0,1 % les plus riches et 1,2 million d’euros à chacun des 100 plus gros contribuables. Vous ne pourrez pas contredire ces chiffres.

Et puisque vous évoquez les exilés fiscaux, sachez que le dispositif représentait 20 millions d’euros, soit beaucoup moins que les 3,5 milliards que la suppression de l’ISF coûte à l’État. Nous n’avons pas de trace notable de l’absence de rentrées fiscales occasionnées par le retour d’exilés fiscaux car, contrairement à ce qui a été dit, l’ISF ne faisait pas fuir tous les riches de ce pays : pour beaucoup, ce n’est pas si mal de continuer à vivre en France… L’exil fiscal ne représentait que 0,2 % des assujettis.

Les chiffres que vous donnez sont faux. Si le rétablissement de l’ISF ne ramènera pas toute la justice fiscale dans ce pays, nous ferons d’autres propositions. Il permettrait au moins que les plus riches de nos concitoyens arrêtent de s’enrichir grâce à votre politique.

M. Fabien Roussel. On ne peut pas dire que la suppression de l’ISF a créé des emplois. Elle a au contraire enrichi les quelques centaines de milliers de familles les plus riches de notre pays.

Si nous demandons avec force le rétablissement de cet impôt de solidarité, ce n’est pas pour nous faire plaisir, ni pour taxer les riches ou adopter une mesure symbolique : c’est parce que l’État a besoin d’augmenter ses recettes, donc ses moyens pour répondre aux besoins de nos concitoyens, et d’organiser la solidarité. C’est toute la différence entre la charité et la solidarité organisée par l’État.

La question n’est pas seulement de mieux répartir les richesses de notre pays, mais d’augmenter le budget de l’État pour disposer de davantage de richesses à répartir. On ne distribue plus que des miettes : le budget de l’État diminue d’année en année. Nous voulons augmenter la taille du gâteau pour avoir plus de parts à distribuer. C’est donc pour disposer de rentrées fiscales plus importantes et mieux organiser la solidarité nationale que nous voulons taxer le capital et rétablir l’ISF.

M. Jean-Louis Bricout. La transformation de l’ISF en IFI, marqueur s’il en est d’une politique néolibérale, a fait couler beaucoup d’encre. Si l’objectif de renforcer le financement de l’appareil productif est louable, celui qui permettrait de figer les contribuables les plus fortunés sur le sol français l’est moins : cela revient à récompenser ceux qui ont tendance à préférer le fric à la France.

En ces temps de guerre, l’ISF revient à la mode : les économistes les plus brillants le remettent à l’ordre du jour, on parle d’un impôt européen sur la fortune. C’est une question symbolique. Monsieur le rapporteur général, préférez-vous offrir ces 5 milliards d’euros aux plus aisés, prêts à quitter la France pour une question d’argent, ou accorder une prime de 1 000 euros chacun des 5 millions d’auxiliaires de vie qui ont joué un rôle essentiel dans cette guerre contre le virus ? C’est un vrai choix de société, qui appelle une réponse claire.

La commission rejette successivement les amendements CF1 et CF6.

Puis elle rejette l’article 1er.

 


Article 2
[articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018]
Suppression du prélèvement forfaitaire unique

I.   L’état du droit

A.   une large réforme de la fiscalité des revenus du capital MOBILIER

1.   Les évolutions de la fiscalité portant sur les revenus du capital mobilier

À titre préliminaire, il peut être rappelé que l’imposition des revenus du capital a connu diverses évolutions au cours des quinze dernières années. Les règles applicables aux revenus de l’actionnariat salarié, des plus-values mobilières ou encore des produits d’assurance vie et assimilés ont pu varier depuis le début des années 2000 jusqu’à 2018. Un développement plus particulier peut être consacré au cas des dividendes.

L’article 10 de la loi de finances pour 2008 ([41]) a notamment rapproché la fiscalité applicable aux intérêts d’obligations de celle applicable aux revenus des actions. Visant à inciter les contribuables à investir leur épargne en actions de sociétés, cette mesure prévoyait plus spécifiquement que le contribuable pouvait être soumis, sur option irrévocable, à un prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu (PFL) de 18 % pesant sur les dividendes.

Ainsi, ceux-ci n’étaient pas pris en compte pour la détermination du revenu global du bénéficiaire dans le cadre de la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu (IR), dont le calcul s’effectue selon un barème progressif. Le taux du PFL a par ailleurs été porté à 19 % en vertu des dispositions de l’article 6 de la loi de finances pour 2011 ([42]), puis à 21 % par l’article 20 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 ([43]).

Les prélèvements sociaux applicables aux dividendes ont par ailleurs été fortement alourdis, entre 2008 et 2011, passant, sur cette période, de 11 % à 15,5 %. Au total, l’imposition de ces revenus s’élevait à un taux forfaitaire de 36,5 % (applicable sur option) à la fin de l’année 2012.

Conséquence de l’alternance, la fiscalité des revenus du capital a connu un nouveau revirement en 2013, en raison de la volonté du Gouvernement de l’époque de rapprocher les modalités d’imposition des revenus du capital de celles applicables aux revenus du travail. Les article 9 et 11 de la loi de finances pour 2013 ([44]) sont ainsi revenus au droit existant avant 2008, en soumettant les dividendes, ainsi que les revenus d’obligations, à une imposition au barème dans le cadre de l’impôt sur le revenu.

En complément de l’imposition des capitaux mobiliers au barème en année n+1, un prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO) a été créé. Ce dernier, prélevé en année n, prenait la forme d’un acompte retenu à la source, au taux de 21 % pour les revenus distribués, et de 24 % pour les intérêts et revenus assimilés. À la différence du PFL, le PFO n’était pas libératoire de l’impôt sur le revenu, car il s’imputait sur le montant total d’IR dû.

Néanmoins, alors qu’en 2007 le taux marginal applicable à l’imposition des dividendes s’élevait à 48,7 %, ce dernier s’établit à 62 % en 2013 (46,5 % au titre du taux marginal de l’IR, en prenant en compte la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4 % et la déductibilité de la CSG de 5,1 %, et 15,5 % au titre des prélèvements sociaux).

Par ailleurs, un unique abattement de 40 % était applicable à l’imposition des dividendes.

Ainsi entre les années 2008 et 2017 la fiscalité des dividendes s’est progressivement alourdie. La réforme du PFU intervenue au 1er janvier 2018 rétablit un taux d’imposition proche de celui applicable en 2008 en vertu du PFL (à cette date, le taux du PFL s’élevait à 29 %).

2.   Les règles applicables à la fiscalité des revenus du capital mobilier avant la réforme du PFU

Le présent développement ne porte que sur les revenus ayant été intégrés au régime du PFU.

a.   Les revenus imposables au barème de l’impôt sur le revenu

Les gains de cession de valeurs mobilières et certaines distributions assimilées étaient imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu jusqu’en 2018. Lors de la cession, la plus-value taxable était réduite en vertu d’un abattement de droit commun, dont le taux était progressif en fonction de la durée de détention :

– 50 % pour une durée de détention de deux ans et de moins de huit ans ;

– 65 % à partir de huit ans de détention.

Les distributions de plus-values de cessions d’éléments d’actif par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) étaient également concernées par les mêmes dispositions. Par ailleurs, des abattements proportionnels renforcés étaient prévus, notamment dans le cas de gains nets de cessions de parts ou d’actions de PME de moins de 10 ans à la date d’acquisition des titres, ou encore de plus-values réalisées lors de la cession de titres à l’intérieur du groupe familial.

b.   Les régimes spécifiques

Tout d’abord, le cas des intérêts et revenus distribués, imposés au barème de l’IR et au PFO, a été évoqué ci-dessus.

Les intérêts perçus au titre des plans d’épargne logement (PEL) ou des comptes épargne logement (CEL) étaient, jusqu’en 2018, exonérés d’IR (à ceci près que l’exonération, dans le cas des PEL, ne s’appliquait que pour les intérêts inscrits sur des plans de moins de douze ans).

Un régime spécifique était également applicable pour les dispositifs d’attribution gratuite d’actions (AGA) et de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).

Dans le cas des AGA, il convient en premier lieu de différencier les gains retirés par leurs bénéficiaires, car les régimes fiscaux applicables divergent selon les cas. Le gain de cession, soit la différence entre le prix de l’action à son acquisition et sa cession, est imposé au titre des plus-values mobilières.

Plus complexe est le cas des gains d’acquisition. Relevant de la catégorie des traitements et salaires jusqu’en 2013, leur régime a évolué en 2015 et 2017. Au 1er janvier 2017, le gain d’acquisition était imposé en tant que plus-value mobilière au barème de l’IR, l’assiette étant minorée d’un abattement pour durée de détention, dans la limite de 300 000 euros. Au-delà de ce seuil, le gain était imposable au titre des traitements et salaires au barème de l’IR, sans abattement.

Les BSPCE étaient quant à eux soumis à un régime fiscal favorable dans la mesure où :

– les gains générés par la cession des titres étaient imposés à 19 % au titre de l’IR (soit un taux total de 34,5 % en prenant en compte les prélèvements sociaux) ;

– le taux au titre de l’IR était toutefois porté à 30 % lorsque le bénéficiaire exerçait son activité dans l’entreprise ayant attribué le titre depuis moins de trois mois.

Lors du dénouement d’un contrat d’assurance vie, les produits, bons et contrats de capitalisation ainsi que les placements de même nature étaient imposables à l’IR au barème progressif, ou, sur demande du contribuable, au PFL. Cette option devait être exercée de manière expresse et irrévocable au plus tard lors du paiement du produit. L’assiette du PFL était composée des revenus bruts des produits de contrat, et son taux était dégressif en fonction de la durée de contractualisation ([45]).

Enfin, les produits des contrats dont la durée de vie était égale à supérieure à huit ans ([46]) étaient éligibles à un abattement fixe annuel de 4 600 euros pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et de 9 200 euros pour ceux soumis à une imposition commune. Enfin, diverses exonérations à l’impôt sur le revenu étaient prévues par la loi, dans des cas limitativement énumérés (notamment pour les sorties de contrats pour motif exceptionnel, ou pour les sorties en rente viagère).

3.   Les règles régissant le PFU

La réforme du prélèvement forfaitaire unique, prévue par les articles 28 et 29 de la loi de finances pour 2018 ([47]), permet aux contribuables, dans la plupart des cas, d’acquitter leur impôt sur les revenus du capital au moyen d’un prélèvement global au taux de 30 %.

Plus spécifiquement, les revenus du capital concernés par le PFU sont prélevés à hauteur de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu ([48]), et de 17,2 % au titre des prélèvements sociaux (la réforme du PFU se conjuguant avec la hausse concomitante des taux applicables à la CSG).

Les assujettis ont également la possibilité d’opter de manière expresse et irrévocable pour une application du barème de l’IR lors de leur déclaration en année n+1.

Toutefois, les revenus du capital mobilier ne sont pas en intégralité concernés par la réforme.


le champ des Revenus du capital MOBILIER imposés au PFU

Champ des revenus concernés par le PFU

Champ des revenus non concernés par le PFU

Revenus du patrimoine mobilier :

– dividendes liés à la détention d’une action et revenus assimilés ;

– intérêts liés à la détention d’une obligation ;

– plus-values mobilières et autres revenus et gains assimilés.

Revenus du patrimoine mobilier :

– revenus sur les biens meubles corporels et objets précieux

Produits des primes d’assurance vie afférents à de nouveaux versements ([49]).

Épargne réglementée :

– livret A ;

– livret développement durable ;

– livret d’épargne populaire ;

– livret jeune

Épargne logement ([50]) :

– comptes épargne logement ;

– plans d’épargne logement. 

Épargne salariale

Actionnariat salarié :

– actions gratuites (gains de cession) ;

– bons de souscription de parts de créateurs d’entreprises attribués à compter du 1er janvier 2018

Actionnariat salarié :

– stocks-options

Source : commission des finances.

Le PFO a été maintenu, bien que son taux ait été ramené à celui du PFU (12,5 %). Les produits des primes d’assurance vie versés à compter du 27 septembre 2017 sont par ailleurs intégrés au mécanisme du PFO, avec un taux dérogatoire pour les contrats ouverts depuis plus de huit ans.

Certaines spécificités doivent toutefois être signalées :

– pour l’imposition des plus-values mobilières, le PFU n’a pas modifié les règles de définition de l’assiette, expliquées ci-dessus, néanmoins les abattements pour durée de détention ont été supprimés pour les cessions de titres acquis à compter du 1er janvier 2018 ;

– l’abattement de 40 % applicable à l’assiette de l’impôt portant sur les dividendes a été conservé si le contribuable opte pour l’imposition au barème (le dispositif est cependant supprimé en cas d’application du PFU) ;

– les dirigeants d’entreprises partant à la retraite bénéficient d’un abattement de 500 000 euros, si les titres étaient détenus plus d’un an avant la cession ;

– si les gains de cession issus d’une attribution gratuite d’action sont imposés selon les règles de droit commun du PFU, les gains d’acquisition sont imposés au barème, après application d’un abattement de 50 %, dans la limite de 300 000 euros. Au-delà de ce seuil, le gain est imposé selon les mêmes règles, sans application des abattements.

Postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2018, quelques ajustements techniques ont été apportés aux dispositions régissant le PFU. L’article 103 de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite « Pacte ») ([51]) a ainsi permis, lorsque l’entreprise a opéré une augmentation de capital dans les six mois précédant l’attribution des BPSCE, l’application d’une décote lors de la fixation du prix de souscription, en fonction de la perte de la valeur économique du titre depuis son émission.

Il peut également être mentionné que la loi de finances initiale pour 2019 ([52])  a étendu le PFU aux gains nets du plan d’épargne en actions (PEA) en cas de retrait anticipé.

B.   Une réforme injuste et inefficace, dont le coût réel a été ignoré

1.   Un accroissement des inégalités, et une efficacité économique non établie

Selon, le Gouvernement, la réforme du PFU a été motivée par la volonté de simplifier l’imposition des revenus du capital. L’application d’un taux forfaitaire devait ainsi limiter les distorsions économiques et réduire les possibilités offertes aux contribuables d’optimiser le montant de leur prélèvement. Par ailleurs, la diminution de la fiscalité sur les revenus du capital a été justifiée par les effets d’entraînement qu’elle pouvait générer sur l’activité économique.

Concernant la simplification de la fiscalité des revenus du patrimoine, il peut être constaté, comme mentionné précédemment, que de nombreux cas particuliers et exceptions assombrissent quelque peu le tableau qui avait été dressé en amont de la réforme.

Par ailleurs, deux ans et demi après l’entrée en vigueur de la réforme, les économistes demeurent incapables de prouver son efficacité. En effet, l’un des fondements de la réforme reposait sur le présupposé qu’une réduction de la fiscalité portant sur les dividendes diminuerait le coût du capital supporté par les entreprises. Ces dernières seraient donc davantage incitées à investir. Comme l’explique l’Institut des politiques publiques, une telle hypothèse peut être erronée si les investissements des entreprises découlent de l’autofinancement. Dans ce cas, une hausse de la fiscalité sur les dividendes incite les entreprises à reporter leur distribution, les bénéfices alimentant ainsi la capacité d’autofinancement de l’entreprise ([53]).

 

Par conséquent, si la réforme de la barémisation opérée en 2013 n’a pas eu d’effet sur les décisions d’investissement des entreprises, ces dernières ont en revanche renforcé leurs fonds propres sur la période 2013-2018. À ce stade, l’IPP indique donc « que la réforme du PFU est peu susceptible de conduire à une hausse de l’investissement privé ».

En revanche, il est certain que la mise en place du PFU a favorisé l’accroissement des inégalités. Le comité d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital indique ainsi que les gains de la réforme sont concentrés sur les 15 % des ménages les plus aisés, avec un bénéfice particulièrement important pour les 5 % les plus aisés, pour qui le gain moyen s’élève à près de 1 000 euros par an ([54]).

2.   Une « bombe à retardement » pour les finances publiques

La réforme avait un coût anticipé pour les finances publiques de l’ordre de 1,3 milliard d’euros en 2018 et de 1,93 milliard d’euros en 2019 ([55]).

Il a été répété maintes fois que le rendement du PFU avait été supérieur à ce qui avait été prévu au stade de l’élaboration de la réforme. En effet, avec un rendement de 3,5 milliards d’euros, la perte de recettes découlant du PFU ne s’est élevée qu’à 609 millions d’euros en 2018. Ce résultat s’explique par la hausse importante de distribution de dividendes au cours de l’année 2018 (+ 63 % d’évolution en assiette) ([56]). Il a été indiqué au rapporteur que les causes de cette augmentation sont encore indéterminées, car elle peut tout autant résulter d’un phénomène structurel que d’un effet de rattrapage.

Néanmoins, il convient de souligner que les estimations réalisées par le Gouvernement en amont de la réforme ne concernaient que les années 2018 et 2019. Tout porte à croire que le coût de la réforme augmentera dans les années à venir, en raison des effets concomitants de la réforme du PFU et de la baisse progressive du taux applicable à l’impôt sur les sociétés (IS).

Lors de son audition, Gabriel Zucman a ainsi affirmé qu’à l’issue de la montée en charge de la réforme de l’IS, le coût budgétaire du PFU s’élèverait à 10 milliards d’euros par an, en raison d’effets comportementaux.

Ainsi, lorsque le taux d’IS sera ramené à 25 %, les taux marginaux d’imposition des revenus du capital et des revenus salariaux connaîtront un écart inédit de 13,4 points. Cette différence incitera particulièrement les dirigeants d’entreprise à percevoir leurs revenus sous forme de dividendes plutôt que sous la forme d’un salaire. En effet, après application du taux d’IS sur les bénéfices de l’entreprise, du PFU sur le dividende, et éventuellement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, le taux d’imposition total s’élèvera à 50,5 %. À l’inverse, les cotisations sociales déplafonnées, la CSG, le barème de l’IR et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus génèrent un taux de prélèvement global (les différentes déductibilités étant comprises dans le calcul) s’élevant à 63,9 %.

Les distorsions économiques sont donc majeures, ce qui constitue un argument de poids pour supprimer le PFU.

II.   le Droit proposé

L’article 2 de la proposition de loi supprime le prélèvement forfaitaire unique en rétablissant les dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2018 en la matière. Le droit proposé a donc fait l’objet de développements ci-dessus, et n’appelle pas de remarque complémentaire.

L’article est composé de six alinéas prévoyant :

– le rétablissement des articles du code général des impôts, du code la construction et de l’habitation, du code de la sécurité sociale, et du livre des procédures fiscales modifiés par les articles 28 et 29 de la loi de finances pour 2018 dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 (alinéas 1 à 5) ;

– l’abrogation des articles 28 et 29 de la loi de finances pour 2018 (alinéa 6).

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*     *

La commission examine l’amendement CF7 du rapporteur.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. Amendement de coordination : il s’agit de supprimer les dispositions relatives au prélèvement forfaitaire unique introduites par la loi de finances pour 2018, et de préciser la date d’entrée en vigueur de l’article 2.

M. Éric Coquerel. Si la flat tax rapporte davantage que prévu – comme nos collègues de la majorité aiment à le souligner –, c’est bien la preuve qu’un transfert s’opère des salaires vers les dividendes. Même si, dans un premier temps, les montants sont plus élevés, cela nous coûtera en fin de compte plus cher : ceux qui étaient payés en salaires étaient davantage imposés que ceux qui sont payés en revenus du capital, bouclier de protection oblige. Je crains les effets sur l’inflation et le coût sur les recettes de la flat tax, qui va jouer comme un vase communicant.

M. Laurent Saint-Martin. On pourrait avoir l’impression qu’un déstockage des dividendes s’est produit en 2018. Mais les annexes à la loi de règlement pour 2019 font apparaître un montant de 3,5 milliards d’euros de recettes du PFU, preuve que la dynamique d’investissement et de distribution est enclenchée et que les effets de cet impôt continuent de se faire sentir. Votre théorie d’un transfert des salaires vers les revenus du capital se vérifierait si, en parallèle, le rendement de l’impôt sur le revenu baissait. Or il augmente également, ce que je prends pour le signe d’une bonne politique fiscale. Le renforcement de l’attractivité et des investissements, les 500 000 emplois nets créés sont des faits, et non le fruit de notre imagination !

La commission rejette l’amendement CF7.

Puis elle rejette l’article 2.

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*     *

Avant l’article 3 :

La commission examine l’amendement CF5 de Mme Christine Pires Beaune, portant article additionnel avant l’article 3.

M. Jean-Louis Bricout. Le quotient conjugal, utilisé depuis 1945 pour le calcul du montant de l’impôt des couples mariés, peut inciter les femmes à ne pas travailler lorsque l’écart entre les deux revenus est important. En outre, l’avantage fiscal qui en découle croît avec les revenus, ce qui porte atteinte au principe de progressivité : selon l’INSEE, 7 millions de ménages ont bénéficié d’une baisse de leur impôt sur le revenu de 1 700 euros en moyenne, le gain pouvant s’élever à 37 500 euros pour les 0,01 % des foyers les plus riches.

Nous proposons donc de plafonner le quotient conjugal au même niveau que le quotient familial – 3 134 euros par an et par part. Cela entraînera un surcroît de recettes fiscales de l’ordre de 3 milliards d’euros selon l’OFCE, tout en épargnant 40 % des foyers fiscaux les plus modestes.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur. Compte tenu des conséquences d’une telle mesure, le sujet mériterait un débat plus approfondi. Avis néanmoins favorable, car cet amendement pose une vraie question.

M. Charles de Courson. La vraie question, c’est qu’il y a deux conceptions bien différentes de l’impôt sur le revenu. Vous proposez d’adopter une approche fiscale à l’anglo-saxonne, qui veut que l’on impose les individus plutôt que le foyer, à l’inverse de la conception française, qui privilégie le foyer. En plafonnant le quotient conjugal, vous taxez de fait le non-travail d’un des membres du couple : laissez donc les gens décider de leur vie ! Cet amendement participe d’une conception sociétale que je ne partage absolument pas.

La commission rejette l’amendement CF5.

 


Article 3
[article 223 sexies du code général des impôts]
Hausse des taux applicables à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus

 

I.   L’état du droit

A.   Une mesure de justice fiscale visant à augmenter la contribution des ménages aisés

Méconnue du grand public, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) a été créée en vertu des dispositions de l’article 2 de la loi de finances pour 2012 ([57]).

Son instauration s’est inscrite dans un contexte particulier. À l’issue de la crise économique et financière de 2008, le Gouvernement de l’époque avait fixé un objectif de réduction des déficits publics et de redressement des comptes publics. Pour y parvenir, il a été proposé « dans un esprit de justice fiscale, de demander un effort exceptionnel aux contribuables les plus aisés qui prendrait la forme d’un prélèvement assis sur le revenu fiscal de référence » ([58]). À l’origine, cette contribution avait donc vocation à disparaître dès le retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB.

La création d’un nouveau prélèvement ad hoc a été préférée à la définition d’une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu frappant les foyers fiscaux les plus aisés. Ce choix avait pour avantage d’asseoir la contribution sur une assiette plus large que celle de l’IR, dans la mesure où son calcul ne tient pas compte des crédits et réductions d’impôt.

Codifiée à l’article 223 sexies du CGI, la CEHR a très peu évolué depuis sa création.

Assise sur le revenu fiscal de référence (RFR) tel que défini au 1° du IV de l’article 1417 du CGI, la CEHR bénéficie d’une large assiette, dans la mesure où le RFR comprend l’ensemble des revenus d’activité, du capital, ou encore les pensions.

La CEHR comprend deux tranches d’imposition et se voit également appliquer un mécanisme de quotient conjugal pour l’application du barème.

 

 

Barème de la CEHR

 

Taux applicable

RFR

Contribuable célibataire, veuf ou divorcé

Contribuables soumis à imposition commune

Supérieur à 250 000 euros et inférieur ou égal à 500 000 euros

3 %

/

Supérieur à 500 000 euros et inférieur ou égal à 1 million d’euros

4 %

3 %

Supérieur à 1 million d’euros

4 %

4 %

Source : commission des finances.

Si la contribution est donc conjugalisée, elle ne prend pas en compte les autres personnes à charge du foyer.

Par ailleurs, le montant de la CEHR est calculé sans tenir compte des effets du quotient prévu à l’article 163-0 A du CGI, qui prévoit un mécanisme d’atténuement de la progressivité de l’IR lors de la perception d’un revenu exceptionnel ou différé. Toutefois, les modalités de détermination du montant de CEHR comprennent un dispositif de lissage ad hoc, ayant pour base la moyenne des RFR des deux années précédant celle de l’année d’imposition.

La création d’une deuxième contribution exceptionnelle : une tentative avortée

L’article 8 du projet de loi de finances pour 2013 prévoyait de créer une nouvelle contribution exceptionnelle de solidarité. Portant exclusivement sur la fraction des revenus d’activité supérieure à un million d’euros, son taux aurait dû s’élever à 18 %, pour un rendement estimé de 210 millions d’euros par an ([59]) . Cet instrument avait vocation à porter le taux marginal global d’imposition de la fraction de revenus supérieure à un million d’euros à 75 %, conformément aux engagements du Président de la République élu en 2012.

Le Conseil constitutionnel a finalement censuré la disposition. La contribution exceptionnelle portait sur les revenus d’activité des personnes physiques, sans prise en compte de la situation familiale des contribuables. Ainsi, deux foyers fiscaux percevant un même niveau de revenus auraient pu se voir assujettis à la contribution ou en être exonérés, en fonction de la répartition des revenus entre les membres composant le foyer. De ce fait, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur avait méconnu l’exigence de prise en compte des capacités contributives découlant des dispositions de l’article 13 de la DDHC ([60]).

B.   Un rendement relativement élevé

À sa création, le rendement estimé de la CEHR s’élevait à 200 millions d’euros, pour 4 500 foyers fiscaux concernés. Cette prévision n’a toutefois pas grande pertinence, dans la mesure où les dispositions régissant la CEHR ont été largement modifiées entre le dépôt du projet de loi de finances pour 2012 et l’adoption de la loi de finances initiale. En effet, le PLF ne prévoyait qu’un seul taux à 3 %, avec un seuil d’entrée fixé à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs ou mariés, et à un million d’euros pour les contribuables soumis à l’imposition commune.

Recherchant des données sur le rendement de la disposition et le nombre de foyers assujettis, le rapporteur s’est étonné de l’opacité et du manque d’informations entourant la contribution. En effet, aucun document budgétaire annexé aux différents projets de loi de finances ne fait mention de la CEHR, ce qui apparaît particulièrement problématique.

Interrogé par le rapporteur, le ministère de l’action et des comptes publics a indiqué que le nombre de foyers concernés par la CEHR était de 40 160 en 2018, pour un rendement s’élevant à 1 045 millions d’euros.

II.   Le droit proposé

L’article 3 de la proposition de loi prévoit de relever les taux applicables à la CEHR, en remplaçant les taux de 3 et 4 % actuellement en vigueur par des taux s’élevant respectivement à 8 et 10 %.

Barème proposé

 

Taux applicable

RFR

Contribuable célibataire, veuf ou divorcé

Contribuables soumis à imposition commune

Supérieur à 250 000 euros et inférieur ou égal à 500 000 euros

8 %

/

Supérieur à 500 000 euros et inférieur ou égal à 1 million d’euros

10 %

8 %

Supérieur à 1 million d’euros

10 %

10 %

Source : commission des finances.

Selon les calculs du rapporteur, cette modification de taux générerait un surplus de recettes de l’ordre d’un milliard d’euros, permettant à la CEHR d’atteindre un rendement d’environ 2 milliards d’euros.

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*     *

La commission rejette l’amendement de précision CF8 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 3.

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—  1  —

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

M. Gabriel Zucman, économiste

M. Mathias André, économiste, administrateur de l’INSEE

L’Observatoire des inégalités :

M. Louis Maurin, directeur

 

Contributions écrites :

 Oxfam France : M. Quentin Parrinello, chargé de plaidoyer justice fiscale et inégalités

 

 


([1])  Alexis de Tocqueville, L’Ancien régime et la Révolution, 1856.

([2]) Ces deux principes découlant des dispositions des articles 6, 13 et 14 de la DDHC.

([3]) L’hypothèse d’un « vote avec les pieds » avait été formulée par Charles Tiebout en 1956.

([4])  INSEE Références, éditions 2019, Éclairage, Quarante ans d’évolutions de la société française, novembre 2019.

([5]) INSEE, Analyses n° 49, Estimation avancée du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités, octobre 2019.

([6])  Bertrand Garbinti, Jonathan Goupille-Lebret, Inégalités de revenus et de richesse en France : évolutions et liens sur longue période, décembre 2019.

([7]) Ibid.

([8]) Oxfam France, Celles et ceux qui comptent, zoom sur les inégalités en France, janvier 2020.

([9]) Thomas Piketty, Le Capital au XXIème siècle, 2013.

([10]) Simon Kuznets, Economic growth and income inequality, The American Economic review, 1955.

([11]) Nicholas Kaldor, Alternative theories of distribution, in Review of economic studies, 1956.

([12]) Fonds monétaire international, Prakash Loungani et Jonathan D. Ostry, février 2017.

([13]) Journal officiel du 11 juillet 1907, compte rendu de la séance du 10 juillet 1907.

([14]) Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez, Pour une révolution fiscale, 2011.

([15]) Tome I des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances des années 2008 et 2020.

([16]) Le Tome II des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2020 recense 468 dépenses fiscales en 2019, pour un coût total de 99,4 milliards d’euros.

([17]) Gabriel Zucman, La richesse cachée des nations, 2013.

([18]) Kévin Bernard, Alexis Spire, Les déterminants sociaux du sentiment d’injustice fiscale, OFCE, 2019.

([19]) Ibid.

([20]) DARES, Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire, mai 2020.

([21]) Mme Stella Dupont, annexe n° 41 du rapport n° 3011 fait au nom de la commission des finances sur le projet de règlement du budget et d’approbation des comptes, juin 2020.

([22]) Emmanuel Saez, Gabriel Zucman, Presidential candidates tax plans, 20 janvier 2020, https://eml.berkeley.edu/~saez/taxsimsummary_v2.pdf.

([23]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982.

([24]) Loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986.

([25]) Loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989.

([26])  Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

([27]) Article 885 U ancien du CGI.

([28]) L’exonération des biens professionnels était prévue aux articles 885 N à 885 R anciens du code général des impôts (CGI).

([29]) Article 885 I du CGI, désormais abrogé.

([30]) Rapport d’information n° 42 fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l’évaluation de la transformation de l’impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière et de la création du prélèvement forfaitaire unique, octobre 2019.

([31]) Ibid.

([32]) Premier rapport d’évaluation du comité d’évaluation des réformes sur la fiscalité du capital, octobre 2019.

([33]) Rapport d’information n° 42 fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l’évaluation de la transformation de l’impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière et de la création du prélèvement forfaitaire unique, octobre 2019.

([34]) Le rapporteur est ainsi bien conscient qu’une réforme de la fiscalité du patrimoine devrait être effectuée en préservant le principe d’autonomie financière des collectivités locales.

([35]) Oxfam France, Rétablir un impôt juste, progressif et lisible, septembre 2019.

([36]) Article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([37]) Articles 977, 973, et 979 du CGI.

([38]) Article 978 CGI.

([39]) Joël Giraud, rapport n° 2169 relatif à l’application des mesures fiscales, juillet 2019.

([40]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.

([41]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([42]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([43]) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([44]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([45]) Les règles de dégressivité étaient également différentes suivant la date de souscription du contrat.

([46]) Cette durée était fixée à six ans pour les contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989.

([47]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.  

([48]) Article 200 A du CGI.

([49]) Pour les primes versées à compter du 27 septembre 2017.

([50]) Concernant l’épargne logement, seuls les intérêts des sommes inscrites sur les CEL et PEL ouverts à compter du 1er janvier 2018 sont imposables au titre du PFU.

([51])  Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

([52]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([53]) IPP, Évaluation d’impact de la fiscalité des dividendes, octobre 2019.

([54]) Premier rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, 2019.

([55]) Évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2018.

([56]) Joël Giraud, rapport n° 2169 relatif à l’application des mesures fiscales, juillet 2019.

([57]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([58]) Exposé des motifs de l’article 3 du projet de loi de finances pour 2012.

([59]) Évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2013.

([60]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.