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N° 3112

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire,

 

 

 

Par MDaniel LABARONNE,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2782.


 

 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

A. La déshérence persistante des contrats de retraite supplémentaire lèse les épargnants

1. Lépargne retraite recouvre de nombreux produits et représente des volumes financiers importants

a. Alors que les nouveaux produits dépargne retraite ont été récemment simplifiés, les stocks anciens de retraite supplémentaire relèvent de catégories variées

b. Les produits de retraite supplémentaire représentent des volumes financiers non négligeables

2. Insuffisamment informés sur le capital constitué en leur faveur, les épargnants sont régulièrement en incapacité de faire valoir leurs droits

a. Si lampleur du phénomène de déshérence des contrats de retraite supplémentaire est importante, son évaluation demeure malaisée

b. La déshérence des produits dépargne retraite découle des difficultés rencontrées par les assureurs pour contacter les épargnants

c. Le renforcement des obligations légales des assureurs na pas permis dentraver la progression du phénomène de déshérence des contrats de retraite supplémentaire

B. Une solution consensuelle peut être mise en Œuvre afin de faciliter laccès des assurés à leur épargne

a. Pour lutter contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, les épargnants doivent disposer dune information accessible sur la constitution de leurs droits

b. La lutte contre la déshérence de lépargne retraite est dautant plus indispensable que les capitaux récupérés pourraient participer à la stimulation de lactivité économique

Commentaires des articles

Titre IER Relevé de situation individuelle au titre des contrats dassurance de retraite supplémentaire via un service en ligne

Article 1er Création dun relevé de situation individuelle récapitulant les droits constitués par les assurés au titre des produits dépargne retraite

Titre II Faciliter la prise de connaissance par les assurés des contrats de retraite supplémentaire possédés

Article 2 Mise en œuvre dune campagne de communication sur le relevé de situation individuelle récapitulant les droits acquis au titre de lépargne retraite

Article 3 Création dune obligation dinformation relative à lépargne retraite au profit des salariés dans le cadre de la remise du solde de tout compte

Article 4 [nouveau] Expérimentation dun dispositif de recherche des bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaire en déshérence

compte rendu des travaux

PERSONNES AUDITIONNÉES par le rapporteur

 

 


—  1  —

   Introduction

En 2013, l’Assemblée nationale était à l’initiative d’une proposition de loi dont les dispositions se sont avérées déterminantes pour assurer un plus grand respect des droits des épargnants.

Désormais connue sous le nom de loi « Eckert » ([1]), cette dernière a considérablement renforcé les obligations de recherche et d’information pesant sur les institutions financières proposant des contrats d’assurance vie, au profit des souscripteurs et des bénéficiaires de ces mêmes contrats.

En effet, insuffisamment avisés sur l’épargne constituée en leur faveur, un nombre important d’assurés ont pu délaisser leurs capitaux, qui, en conséquence, demeuraient en déshérence au bilan des compagnies d’assurance.

Il a été démontré que les dispositions de la loi Eckert ont été efficacement mises en œuvre, permettant ainsi de réduire progressivement les stocks de contrats pour lesquels le dénouement n’a pas pu advenir.

Toutefois, les difficultés restent entières concernant les contrats de retraite supplémentaire non réclamés. Pour ces produits, souscrits de manière individuelle ou collective par des personnes souhaitant bénéficier d’un complément de retraite, les dispositions de la loi Eckert s’appliquent de manière imparfaite. L’épargne retraite est par nature constituée de contrats dont l’échéance n’est pas déterminée à l’avance, ce qui rend complexe, voire impossible, l’application des procédures de gestion de l’épargne en déshérence dont dispose désormais la loi.

Par ailleurs, les obstacles importants rencontrés par les assureurs afin de retrouver les titulaires des contrats, conjugués à la connaissance imparfaite des épargnants concernant les droits qu’ils ont pu constituer au cours de leur carrière favorisent une rupture définitive du lien entretenu entre l’assuré et le gestionnaire du produit d’épargne.

Ainsi, en dépit d’avancées importantes et bienvenues, dans le cadre de l’adoption des lois dite « Sapin II » ([2]) ou encore « PACTE » ([3]), aucune solution n’a encore pu émerger pour prévenir et limiter de manière systématique le phénomène de déshérence des contrats de retraite supplémentaire.

À cet égard, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution démontre qu’en 2017, le stock de contrats non réclamés souscrits par des assurés ayant atteint l’âge de 62 ans s’élève à près de 13 milliards d’euros. Concernant l’épargne des assurés âgés d’au moins 70 ans, pour laquelle la présomption de déshérence est encore plus forte, ce chiffre atteint la somme de 1,8 milliard d’euros.

Cette situation pose un double problème. Le premier, structurel, est évidemment lié à l’incapacité des épargnants de faire valoir leurs droits.

Le second, plus actuel, concerne la récession économique qui frappe le pays. Les fonds en déshérence représentent en effet autant de liquidités qui demeurent indisponibles, quand bien même leur circulation dans l’économie réelle pourrait participer à la stimulation de l’activité.

Le rapporteur s’est donc saisi de ce sujet, avec la volonté de proposer une solution technique bénéficiant de l’approbation de l’ensemble des acteurs concernés par le phénomène de déshérence des contrats de retraite supplémentaire. À cette fin, un groupe de travail a été constitué au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF).

À l’issue de ses travaux, le CCSF a adopté à l’unanimité un ensemble de recommandations en janvier 2020. Celles-ci, à même de lutter efficacement contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, ont permis de structurer le dispositif de la proposition de loi désormais soumise au débat parlementaire.


A.   La déshérence persistante des contrats de retraite supplémentaire lèse les épargnants

Mobilisées par les épargnants pour préparer leur départ à la retraite, les retraites supplémentaires ont pour particularité d’être marquée par un taux de déshérence relativement élevé. En raison d’une information insuffisante sur l’épargne constituée en leur faveur, les particuliers se retrouvent trop souvent dans l’incapacité de faire valoir leurs droits.

1.   L’épargne retraite recouvre de nombreux produits et représente des volumes financiers importants

À titre préliminaire, il peut être fait état de la diversité des produits composant le paysage de l’épargne retraite. En effet, les modalités variées de souscription et de liquidation ne sont pas étrangères aux difficultés rencontrées par les assurés pour réclamer leurs capitaux ou leur rente.

a.   Alors que les nouveaux produits d’épargne retraite ont été récemment simplifiés, les stocks anciens de retraite supplémentaire relèvent de catégories variées

L’épargne retraite, également nommée retraite supplémentaire, constitue le troisième étage des régimes de retraite, en sus des régimes légalement obligatoires de base et complémentaires.

Plusieurs types de produits peuvent tout d’abord être recensés :

– les contrats d’assurance de groupe dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle, proposés par des entreprises d’assurance, des mutuelles ou unions de mutuelles, des institutions de prévoyance ou unions d’institutions ;

– les contrats ayant pour objet la couverture d’engagements de retraite supplémentaire, proposés par les organismes de retraite professionnelle supplémentaire ;

– les plans d’épargne de retraite supplémentaire donnant lieu à l’ouverture d’un compte-titres, proposés par les établissements de crédits ou les entreprises d’investissement.

Ces différents instruments répondent à des règles hétérogènes. Ils peuvent, en premier lieu, faire l’objet d’une souscription individuelle ou collective, au sein d’une entreprise. Dans le cadre des plans d’épargne collectifs, l’adhésion des assurés peut par ailleurs être obligatoire ou facultative.

De surcroît, doivent être distingués les contrats à cotisation définies et les contrats à prestations définies. Dans le premier cas, le montant de la pension versée lors de la liquidation du contrat n’est pas garanti, et dépend en grande partie des cotisations versées. Dans le second cas, les contrats sont souscrits collectivement, et l’entreprise s’engage sur un montant de prestation à verser à certains de ses anciens salariés.

Le mode de liquidation peut enfin varier selon les produits. Proposant en majorité des sorties en rente viagère, certains contrats permettent toutefois d’effectuer une sortie en capital. En d’autres termes, l’assuré a la possibilité de récupérer l’intégralité de ses versements, auxquels s’ajoutent les intérêts, en une seule fois.

Les différents produits d’épargne retraite

 

Type de produit

Sortie en capital possible

Souscription individuelle (cotisations définies)

Plan d’épargne retraite populaire (PERP)

Oui, à hauteur de 20 % de la valeur de rachat du contrat

Préfon (produit destiné aux fonctionnaires)

Oui, à hauteur de 20 % de la valeur de rachat du contrat

Fonpel (produit destiné aux élus locaux)

Non

Carel-Mudel (pour les élus locaux)

Non

Retraite mutualiste du combattant

Non

Complémentaire retraite des hospitaliers

Oui, à hauteur de 20 % de la valeur de rachat du contrat

Produit souscrit à titre individuel pour les professions indépendantes (cotisations définies)

Contrats « Madelin »

Non

Contrats « exploitants agricoles »

Non

Souscription collective (cotisations définies)

Contrats type « article 82 »

Oui

Contrats type « article 83 »

Non

Plan d’épargne retraite d’entreprise (PERE)

Non

Souscription collective (prestations définies)

Contrat type « article 39 »

Non

Épargne salariale

Plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO)

Oui

Source : commission des affaires sociales.

Ce paysage fragmenté a néanmoins fait l’objet de mesures de simplification, en vertu des dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE » ([4]), et de l’ordonnance du 24 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite ([5]).

Un produit harmonisé, dénommé plan d’épargne retraite (PER), remplace progressivement les produits préexistants depuis le 1er octobre 2019. Toutefois, il convient de noter que le nouveau PER se décline en différentes formes :

– au sein de l’entreprise, un PER collectif facultatif a vocation à succéder aux actuels PERCO. Les PER d’entreprise obligatoires succèdent quant à eux aux actuels contrats type « article 83 » ;

– à titre individuel, un nouveau PER succède aux actuels PERP et contrats « Madelin ».

Néanmoins, dans la mesure où l’épargne retraite est constituée de contrats souscrits pour une longue durée, il est peu probable que le paysage de l’épargne retraite soit radicalement bouleversé à court terme.

b.   Les produits de retraite supplémentaire représentent des volumes financiers non négligeables

Fin 2018, 13,1 millions de personnes détenaient un contrat de retraite supplémentaire en cours de constitution.

Les provisions mathématiques ([6]) totales de ces produits représentaient en 2018 près de 229 milliards d’euros. Le montant total des cotisations versées s’élevait à 13,9 milliards d’euros et le montant des prestations versées s’établissait à 6,6 milliards d’euros ([7]). Il peut être noté que les provisions des produits souscrits collectivement s’élèvent à 132 milliards d’euros (soit 57 % du montant total des provisions constituées au titre de l’épargne retraite).

Par ailleurs, 2,4 millions de personnes bénéficiaient d’une rente viagère en 2018, dont le montant moyen s’élevait à 2 488 euros par an. 63 000 personnes ont liquidé leur contrat sous la forme d’une sortie en capital, pour montant moyen s’établissait de 16 900 euros.

Ces données démontrent que la retraite supplémentaire constitue un enjeu important pour les épargnants.


Cotisations, prestations et provisions au titre de l’épargne retraite en 2018

(en milliards d’euros)

 

Montant des cotisations

Montant des prestations versées

Provisions mathématiques ([8])

PERP et assimilés

3,1

1,9

51,1

PERP

2,4

0,4

18,6

Produits destinés aux fonctionnaires ou aux élus locaux

0,6

0,9

25,9

RMC (retraite mutualiste du combattant)

0,1

0,5

6,3

Autres contrats souscrits individuellement

0,0

0,0

0,3

Produits pour les salariés et indépendants (cadre professionnel)

10,8

4,7

177,8

Produits pour les indépendants (à titre individuel)

3,1

0,7

45,7

Contrats « Madelin »

2,9

0,6

40,1

Contrats « Exploitants agricoles »

0,2

0,1

5,6

Produits pour les salariés (à titre collectif, y compris Perco)

7,7

4,0

132,1

PERCO

2,3

0,5

15,9

Contrats de type « article 39 » du CGI

1,5

1,6

40,9

Contrats de type « article 82 » du CGI

0,2

0,2

4,5

Contrats de type « article 83 » du CGI

3,7

1,7

70,8

Ensemble des dispositifs

13,9

6,6

228,9

Source : commission des affaires sociales, d’après les données de la DREES.

Ces montants demeurent néanmoins marginaux en comparaison des masses financières relatives aux régimes de retraite légalement obligatoires. Ainsi, la part des cotisations et des prestations versées au titre de la retraite supplémentaire demeure durablement inférieure au seuil de 5 % du total des cotisations et prestations versées au titre de l’ensemble des régimes de retraite.

PArt de la retraite supplémentaire dans l’ensemble des régimes de retraite

Source : commission des affaires sociales, d’après les données DREES.

2.   Insuffisamment informés sur le capital constitué en leur faveur, les épargnants sont régulièrement en incapacité de faire valoir leurs droits

La déshérence des contrats de retraite supplémentaire découle principalement des obstacles rencontrés par les assureurs afin de retrouver les propriétaires des fonds ou leurs ayants droit.

Alors que plusieurs milliards d’euros sont concernés par une potentielle déshérence, cette situation lèse les épargnants qui ont cotisé durant une partie de leur carrière professionnelle afin de se constituer un complément de retraite.

a.   Si l’ampleur du phénomène de déshérence des contrats de retraite supplémentaire est importante, son évaluation demeure malaisée

L’évaluation de l’ampleur du phénomène de déshérence est complexe, dans la mesure où les modalités de liquidation des contrats de retraite supplémentaire ne sont pas prédéfinies au stade de la souscription au produit d’épargne. Contrairement aux autres types de contrats d’assurance, pour lesquels le dénouement intervient à l’arrivée à échéance du contrat ou à la prise de connaissance par l’assureur du décès de l’assuré, la liquidation de l’épargne retraite dépend du libre choix du titulaire du contrat.

En effet, certains assurés peuvent décider, dans le cadre d’une stratégie patrimoniale, de ne pas liquider leur contrat de retraite supplémentaire une fois arrivé à l’âge du départ en retraite. Par conséquent, il est malaisé de caractériser de manière certaine le phénomène de déshérence.

En toute hypothèse, il est possible de préjuger d’une potentielle situation de déshérence lorsque l’assuré a atteint l’âge légal d’ouverture du droit à une pension de retraite, soit, dans la plupart des cas, 62 ans. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) affirme ainsi qu’en 2017, sur l’ensemble du marché, le montant des provisions constituées au titre de contrats de retraite supplémentaire non liquidés par les assurés ayant atteint cet âge s’élève à 13,3 milliards d’euros ([9]).

De surcroît, dans le cadre d’une enquête menée auprès de dix‑sept établissements, l’ACPR est parvenue à fournir des indications affinées sur les stocks de contrats dont le dénouement est peu susceptible d’intervenir. Ainsi, la présomption de déshérence augmente avec l’âge de l’assuré, lorsque ce dernier n’a pas fait connaître à l’assureur sa volonté de percevoir sa pension ou de récupérer son capital ([10]).

Il convient dans un premier temps de remarquer que l’évolution des stocks de contrats non liquidés est davantage dynamique lorsque l’âge des assurés augmente. Pour une grande partie des stocks identifiés pour les assurés âgés de plus de 70 ans, il peut également être relevé qu’aucune cotisation n’a été versée sur l’année durant laquelle l’enquête de l’ACPR a été menée. Ces indicateurs permettent de présupposer que les stocks en question sont sujets à la déshérence.

Pour les assurés qui ont passé l’âge de 65 ans, le stock de contrats non liquidés atteignait 5,4 milliards d’euros en 2016, soit une progression de 4 % par rapport à 2015. Dans le cas des assurés ayant passé l’âge de 70 ans l’accroissement des stocks est encore plus visible, dans la mesure où ces derniers ont augmenté de l’ordre de 5 % entre 2015 et 2016.

évolution des stocks de contrats non liquidés entre 2015 et 2016 en fonction de l’âge des assurés

(en milliards d’euros)

Source : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Le lien entre l’ancienneté du stock et la déshérence semble également être confirmé par les taux moyens de mise en liquidation des contrats en fonction de l’âge des assurés. En effet, plus ce dernier augmente, plus le taux de liquidation des contrats diminue.

Taux moyen de mise en liquidation en 2016 des stocks de contrats non liquidés en 2015

Source : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Par conséquent, s’il est vraisemblable que le phénomène de déshérence ne représente pas près de 13 milliards d’euros, il peut sans difficulté être affirmé que plusieurs milliards d’euros sont concernés par cette situation. Plus particulièrement, les stocks de contrats non liquidés par les personnes âgées de plus de 70 ans peuvent légitimement faire l’objet d’une forte présomption de déshérence.

b.   La déshérence des produits d’épargne retraite découle des difficultés rencontrées par les assureurs pour contacter les épargnants

Si l’ampleur de la déshérence des contrats de retraite supplémentaire a pu être plus précisément caractérisée, il paraît indispensable d’en définir les causes afin de bâtir des instruments permettant de la limiter. À ce titre, la rupture du lien entre l’assureur et l’épargnant peut être identifiée comme le facteur principal de la déshérence.

Au préalable, il peut être observé que les contrats de retraite supplémentaire présentent des caractéristiques susceptibles d’entraver le maintien d’un contact entre l’épargnant et l’assureur. Comme de nombreux contrats d’assurance, ils sont souscrits pour une longue durée. Si cet élément n’est pas en soi déterminant pour expliquer l’ampleur du phénomène de déshérence, il convient néanmoins de le garder à l’esprit, car il favorise la rupture du lien entre l’assureur et l’assuré.

Les modalités de souscription des contrats sont une seconde cause majeure de l’apparition d’une déshérence. Ainsi, les contrats à adhésion collective génèrent de nombreux risques en la matière. Premièrement, lorsque l’adhésion à ces contrats est obligatoire, il n’est pas rare que les assurés ignorent qu’une épargne est constituée en leur faveur. Par ailleurs, les changements d’employeur ou encore la disparation des entreprises souscriptrices des contrats représentent des difficultés supplémentaires pour les assureurs lorsque ceux-ci recherchent les propriétaires des fonds.

Ainsi, l’analyse des stocks d’épargne non liquidés par les assurés ayant atteint l’âge de 70 ans fait apparaître une prépondérance des contrats à adhésion obligatoire.


évolution des stocks de contrats non liquidés lorsque l’assuré a au moins 70 ans, entre 2015 et 2016

(en milliards d’euros)

Source : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

De surcroît, la difficulté principale identifiée par l’ACPR réside dans l’insuffisante qualité des données à disposition des assureurs pour retrouver les assurés ou leurs ayants droit. Cette situation est particulièrement remarquable pour les encours les plus anciens. L’ACPR précise ainsi que par le passé, « le renseignement de ladresse ne constituait généralement pas un élément obligatoire à la souscription et les données détat civil pouvaient être incomplètes, tronquées ou manquantes ».

En l’absence d’informations aussi indispensables que le nom de l’assuré dans les bases de données des entreprises d’assurance, il n’est donc pas étonnant de constater aujourd’hui un accroissement du phénomène de déshérence. L’ACPR est également parvenue à évaluer l’ampleur des difficultés rencontrées par les assureurs pour maintenir un lien avec les épargnants, en mesurant la part de courriers non distribués adressés à des assurés dont les prestations n’ont pas été liquidées, et dont l’âge est supérieur à 62 ans.

Part moyenne de courriers non distribués pour les assurés n’ayant pas liquidé leur contrat de retraite supplémentaire, en fonction de leur âge

Source : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

La perte de contact entre l’assureur est l’assuré est particulièrement saillante dans le cas des contrats à adhésion obligatoire. L’ACPR précise par ailleurs que pour plusieurs organismes « le taux dassurés âgés de plus de 70 ans pour lesquels ladresse est inconnue est supérieur à 90 % ». Cela s’explique par le fait que dans de nombreux cas, la compagnie d’assurances est en lien avec l’entreprise souscriptrice, et non avec les titulaires des contrats. Il peut également être remarqué que le taux de non distribution des courriers à destination des assurés âgés de plus de 62 ans bénéficiaires d’un contrat à adhésion obligatoire dépasse 50 %. Il est donc permis de croire que, pour ces assurés, une situation de déshérence est fortement susceptible de survenir.

c.   Le renforcement des obligations légales des assureurs n’a pas permis d’entraver la progression du phénomène de déshérence des contrats de retraite supplémentaire

La déshérence des stocks d’épargne n’est pas un phénomène nouveau et affecte, en sus des contrats de retraite supplémentaire, d’autres produits de placement.

En 2013, les travaux de la Cour des comptes ([11]) ont souligné le nombre important de comptes bancaires inactifs et de contrats d’assurance vie non réclamés. Concernant ces derniers, l’encours total en déshérence s’élevait à 5,4 milliards d’euros à la fin de l’année 2013 ([12]).

À cette époque, la Cour avait identifié les défaillances des entreprises d’assurance pour se conformer à leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière d’identification des souscripteurs de contrats décédés ainsi que de leurs bénéficiaires.

Le législateur est donc intervenu pour remédier à cette situation. Les dispositions de la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence ([13]) ont ainsi renforcé les obligations de recherche applicables aux assureurs, en faisant peser sur eux la menace de sanctions. Un dispositif de gestion des encours en déshérence a également été mis en place, afin d’éviter que les sommes placées par les assurés ne demeurent indéfiniment au bilan des entreprises d’assurance.

Dans ce cadre, en cas de recherche infructueuse des bénéficiaires, les encours d’assurance vie non réclamés sont transférés, au bout de dix ans à compter du terme du contrat, à la Caisse des dépôts et consignations. Une plateforme en ligne, dénommée Ciclade, permet alors aux bénéficiaires de rechercher leurs avoirs en vue de les réclamer. Trente ans après le transfert des fonds auprès de la Caisse des dépôts et consignations, les capitaux sont finalement transférés à l’État.

À cet égard, il peut être souligné que des efforts soutenus, fournis par l’ensemble des acteurs, ont permis une entrée en vigueur effective de la loi.

Les constats de la Cour des comptes relatifs à la mise en œuvre des dispositions de la loi Eckert

Un délai de dix-huit mois était prévu entre la promulgation de la loi Eckert et son entrée en vigueur, afin que les acteurs publics et privés puissent se mettre en conformité et développer les outils nécessaires au respect des obligations légales fixées par la même loi.

La Cour des comptes remarque que les administrations publiques ont publié les textes d’application dans les délais légalement prévus.

Les assureurs ont désormais accès, à travers l’association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (AGIRA), aux données relatives au décès des personnes inscrites dans le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) ([14]). Il est également prévu que les entreprises d’assurance puissent obtenir auprès de l’administration fiscale les coordonnées des bénéficiaires des contrats dans le cadre de leurs activités de recherche ([15]). Toutefois, cette disposition devrait être pleinement opérationnelle au cours de l’année 2020.

Les sociétés d’assurance ont quant à elle affecté des ressources importantes à l’apurement des stocks de contrats non réclamés, et ont développé des modes d’organisation interne facilitant la recherche des bénéficiaires des encours.

Enfin, les sanctions prononcées par la commission des sanctions de l’ACPR, pour un montant total de 103 millions d’euros entre 2016 et 2018, ont joué un rôle non négligeable dans l’effort de mise en conformité fourni par les entreprises d’assurance.

Source : Cour des comptes, Tome II (suivi des recommandations), Rapport public annuel 2019, février 2019.

Conséquence de ce renforcement du cadre législatif, les stocks de contrats d’assurance vie non réglés connaissent une lente décrue depuis 2016, comprise entre 6 et 7 % par an. Cette évolution très progressive s’explique davantage par des flux entrants importants, et une certaine inertie découlant de l’application du délai légal régissant le transfert des fonds à la Caisse des dépôts et consignations, que par une application inefficace de la loi.

Si les dispositions de la loi Eckert ont permis de limiter et prévenir la déshérence dune grande partie des produits dépargne, elles sappliquent imparfaitement au cas des contrats de retraite supplémentaire. Lorigine de cette difficulté réside avant tout dans les caractéristiques de lépargne retraite, et notamment dans le fait que les contrats concernés ne prévoient pas de terme explicite. Une liquidation du contrat peut néanmoins advenir dans le cas du décès de lassuré. Dans ce cas, les avoirs reviennent au bénéficiaire du produit dépargne, dans le cadre dune procédure de succession. Toutefois, si lassureur na pas pu prendre connaissance du décès du propriétaire des fonds, le contrat ne peut être dénoué.

Dans cette hypothèse, il est impossible de caractériser la déshérence, et d’exiger un respect par les assureurs de leurs obligations légales de recherche du titulaire du contrat ou de son ayant droit. De la même manière, il est impossible d’identifier le point du départ du délai de dix ans à l’issue duquel les capitaux sont transférés à la Caisse des dépôts et consignations.

De nouvelles dispositions sont donc venues renforcer le cadre législatif existant, à la fois pour prévenir et caractériser l’apparition de la déshérence des contrats de retraite supplémentaire.

En premier lieu, les dispositions de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II » ([16]) ont défini une obligation spécifique d’information au profit des souscripteurs de contrats d’assurance vie dont les prestations sont liées à la cessation d’activité professionnelle. Ces contrats recouvrent en grande partie les produits d’épargne retraite. Les assureurs doivent ainsi, chaque année, informer les assurés ayant dépassé la date de liquidation de leur pension dans un régime obligatoire d’assurance retraite, ou, en tout état de cause, à l’âge de 62 ans ([17]), de la possibilité qui leur est offerte de liquider leur contrat.

Comme mentionné précédemment, des contraintes matérielles entravent la bonne application de cette disposition. En raison du manque de fiabilité des informations à disposition des assureurs concernant les propriétaires des sommes épargnées, les entreprises d’assurance sont peu susceptibles de maintenir un lien régulier avec les souscripteurs des contrats.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 71 de la loi PACTE adaptent les mesures prévues par la loi Eckert aux contrats de retraite supplémentaire, en prévoyant une caractérisation par défaut de la déshérence de ces contrats. Le mécanisme retenu est le suivant :

– à défaut d’échéance du contrat ou de prise de connaissance par l’assureur du décès de l’assuré, lorsque la date de naissance de l’assuré remonte à plus de cent vingt années et qu’aucune opération n’a été effectuée à l’initiative de l’assuré au cours des deux dernières années, l’assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire ;

– si cette recherche aboutit, l’assureur doit aviser le bénéficiaire de la stipulation effectuée à son profit ;

– si la recherche est infructueuse, les sommes dues au titre du contrat sont transférées à la Caisse des dépôts et consignations au terme d’un délai de dix ans à compter de la date du cent vingtième anniversaire de l’assuré.

Par ailleurs, il peut être noté que les nouveaux plans d’épargne retraite créés par la loi PACTE ne seront vraisemblablement pas sujets à la déshérence. Ces produits, contrairement à ceux préexistants, sont transférables, ce qui permettra aux souscripteurs de suivre l’évolution de leurs droits. Les assureurs sont également dans l’obligation de produire des relevés de situation, et d’informer les assurés sur le montant de leurs droits cinq ans avant leur départ à la retraite.

Si ces avancées sont bienvenues, et permettront de limiter partiellement la progression de la déshérence des sommes rattachées aux contrats de retraite supplémentaire, elles ne règlent pas l’intégralité des difficultés rencontrées par les assureurs.

Ainsi, indépendamment des obligations de recherche et d’information fixées par la loi, les obstacles auxquels font face les assureurs pour renouer un lien avec les souscripteurs des contrats demeurent importants, comme indiqué précédemment. Par ailleurs, si les dispositions de la loi PACTE permettent de caractériser la déshérence et d’enclencher la procédure de recherche des bénéficiaires des avoirs, elles ne permettent pas de restituer aux propriétaires les sommes dues.

B.   Une solution consensuelle peut être mise en Œuvre afin de faciliter l’accès des assurés à leur épargne

Alors que les moyens à disposition des assureurs s’avèrent insuffisants pour organiser le dénouement des contrats de retraite supplémentaire, il apparaît que la déshérence de ces produits peut être limitée bien plus efficacement en aménageant un accès direct pour les assurés à l’information sur leurs droits.

a.   Pour lutter contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, les épargnants doivent disposer d’une information accessible sur la constitution de leurs droits

Comme mentionné précédemment, le législateur a considérablement renforcé le cadre législatif applicable à la déshérence des contrats d’assurance. Outre les obligations particulièrement strictes qui incombent aux sociétés d’assurance, ces dernières ont désormais accès à différents fichiers publics qui facilitent leurs opérations de recherche de bénéficiaires ([18]).

Le rapporteur estime que l’adoption de nouvelles dispositions législatives prolongeant cette logique, axée sur la capacité des assureurs à rechercher propriétaires des sommes en déshérence ou leurs bénéficiaires, n’est pas opportune.

À cet égard, il pourrait être envisagé d’octroyer aux entreprises d’assurance un accès plus large à certains fichiers publics, tels les fichiers détenus par l’administration fiscale. Cette solution doit en partie être écartée, dans la mesure où elle pose des difficultés considérables au regard de la réglementation des données à caractère personnel.

Par conséquent, le rapporteur considère qu’il serait bien plus efficace de permettre aux assurés de prendre directement connaissance de l’ensemble de leurs droits constitués, afin de solliciter, s’ils le souhaitent, un dénouement de leur contrat auprès de leur assureur.

Cette alternative a également été proposée par l’ACPR, qui a évoqué la possibilité de créer un « tiers de confiance » qui récolterait les informations détenues par les organismes gestionnaires de produits d’épargne, afin de les mettre à disposition des assurés ([19]). À cette fin, l’Autorité propose de s’appuyer sur une structure existante, le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite, qui assure déjà la mission d’information des assurés sociaux concernant le montant de leurs droits au titre des régimes de retraite légalement obligatoires.

Cette structure aurait ainsi la capacité de mettre à disposition des assurés, au moyen d’un service en ligne, une information consolidée sur la constitution de leur capital. Cette solution aurait par ailleurs l’avantage de la lisibilité pour les assurés, qui pourraient utiliser une unique plateforme afin de consulter l’ensemble de leurs droits à retraite.

Le rapporteur s’est saisi de cette préconisation et a engagé un travail de long terme avec l’ensemble des acteurs du secteur de l’assurance et les associations de consommateurs, réunis au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), afin de faire émerger un consensus.

Composition du comité consultatif du secteur financier

Le CCSF, sous l’autorité de son président, est composé de vingt-huit membres :

– un député ;

– onze représentants des établissements de crédits, sociétés de financement, entreprises d’investissement, établissements de paiement, entreprises d’assurance, agents généraux, courtiers d’assurance et intermédiaires en opérations de banque et en service de paiement ;

– cinq représentants des organisations syndicales représentatives au plan national du personnel des établissements de crédit, des sociétés de financement, des entreprises d’assurance et des entreprises d’investissement ;

– onze représentants des clientèles des établissements de crédit, des sociétés de financement, des entreprises d’assurance et des entreprises d’investissement.

Source : CCSF.

Plusieurs recommandations relevant du domaine législatif ont ainsi pu être adoptées à l’unanimité lors du comité plénier du 21 janvier 2020 :

– le comité recommande en premier lieu que la législation soit adaptée afin de permettre au GIP Union Retraite d’intégrer les contrats d’épargne retraite supplémentaire dans le champ de ses missions, afin d’apporter une information facilement accessible et complète aux assurés ;

– il est recommandé aux professionnels chargés de gérer les plans d’épargne retraite d’assurer la prise en charge financière du service en ligne permettant de mettre à disposition des assurés une information sur leurs droits constitués au titre des contrats de retraite supplémentaire, au moyen d’une convention conclue avec le GIP Union Retraite ;

– sont également rappelées les obligations législatives des assureurs concernant leur devoir d’information des assurés ;

– enfin, le comité recommande que les entreprises souscrivant à des contrats collectifs de retraite supplémentaire soient également soumises à une obligation d’information, qui prendrait la forme d’une mention des droits constitués par le salarié au titre de l’épargne retraite dans le solde de tout compte remis à ce dernier lors de la rupture du contrat de travail.

Le rapporteur estime que ces préconisations, approuvées par l’ensemble des parties prenantes, motivent une modification de cadre légal existant.

b.   La lutte contre la déshérence de l’épargne retraite est d’autant plus indispensable que les capitaux récupérés pourraient participer à la stimulation de l’activité économique

Si l’élaboration d’une solution technique à même de limiter efficacement le phénomène de déshérence des produits d’épargne retraite a fait l’objet de travaux de long terme, il apparaît, compte tenu du contexte, d’autant plus urgent de la mettre en œuvre.

En effet, selon les dernières prévisions, la France connaîtra une récession historique en 2020, dans la mesure où le produit intérieur brut (PIB) reculerait de 11 % ([20]).

Plus particulièrement, la consommation finale des ménages chuterait de 10 % en 2020, en comparaison avec l’année 2019. La formation brute de capital fixe s’établirait quant à elle à – 19,3 % par rapport à l’an passé.

Si la volonté du rapporteur de proposer un dispositif à même de résorber le stock de contrats en déshérence est motivée en premier lieu par la nécessité de permettre aux assurés de faire valoir leurs droits, et de récupérer l’épargne qui leur est due, il ne peut pas être ignoré que la lutte contre la déshérence revêt aussi une dimension économique.

En effet, alors que plusieurs milliards d’euros demeurent de manière indue au bilan des entreprises d’assurance, la restitution de ces sommes permettrait d’injecter un montant important de liquidités dans l’économie réelle, par le canal de la consommation ou de l’investissement privé des ménages. Dans la mesure où l’activité économique connaît une dégradation importante depuis plusieurs mois, la lutte contre la déshérence constitue donc un outil de relance, certes modeste, mais utile et neutre pour les finances publiques.


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   Commentaires des articles

Titre IER
Relevé de situation individuelle au titre des contrats d’assurance de retraite supplémentaire via un service en ligne

Article 1er
Création dun relevé de situation individuelle récapitulant les droits constitués par les assurés au titre des produits dépargne retraite

Adopté par la commission avec modifications

Cet article propose de créer un droit d’accès, pour l’ensemble des assurés des régimes obligatoires de retraite, à un nouveau relevé de situation récapitulant les droits constitués au titre des contrats de retraite supplémentaire. Ce relevé serait disponible à tout moment sur le service en ligne géré par le GIP Union Retraite permettant actuellement aux assurés de consulter le montant de leurs droits acquis au titre des régimes par répartition.

Les gestionnaires des produits d’épargne retraite adressent au GIP Union Retraite, au moins une fois par an, les informations nécessaires à l’établissement du relevé de situation. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution veille au respect de cette obligation.

Par ailleurs, les gestionnaires sont autorisés à collecter et à conserver le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques des assurés.

Enfin, le financement du dispositif prévu par cet article 1er est assuré par les gestionnaires des produits d’épargne retraite.

A.   Le droit existant : un accès à une information simplifiée et consolidée pour les assurés des régimes de retraite légalement obligatoires

1.   Les progrès du droit à l’information en matière de régimes de retraite de base et complémentaires

Le principe du droit à l’information dont bénéficient les assurés concernant leurs droits au titre des régimes de retraite légalement obligatoires trouve son fondement juridique dans l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, créé en vertu des dispositions de la loi du 3 janvier 1975 ([21]). Toutefois, ce droit a durant longtemps été parcellaire, et n’a pas été appliqué effectivement. Cette situation était d’autant plus problématique que la proportion de polypensionnés n’a pas cessé de progresser avec le temps.

À titre préliminaire, il peut être observé qu’à bien des égards, les réflexions entourant la création d’un dispositif d’information à destination des assurés des régimes obligatoires se sont fondées sur des constats pouvant être rapprochés du cas des retraites supplémentaires. En effet, les propriétaires de produits d’épargne retraite font également face à une information fragmentaire, qui apparaît d’autant plus lacunaire lorsque ceux-ci ont souscrit à un nombre important de contrats.

Ainsi, les dispositions de l’article 10 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ([22]) ont instauré un droit effectif à l’information retraite. Selon ses termes « toute personne a le droit dobtenir un relevé de sa situation individuelle au regard de lensemble de ses droits quelle sest constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires » ([23]).

Concrètement, ce droit s’exerce notamment par l’envoi, sur demande, d’un relevé de situation individuelle (RIS) comprenant une information consolidée sur les droits acquis et les trimestres cotisés par l’assuré. Cet instrument permet aux assurés de retracer l’ensemble de leur carrière, et de vérifier les informations les concernant. À ce titre, ils sont en mesure de connaître le montant approximatif de leur future pension selon leur âge de départ à la retraite.

Les modalités pratiques de ce droit à l’information ont par la suite été simplifiées et renforcées. Dans un premier temps, la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a consacré au niveau législatif la possibilité de transmission par voie électronique, à la demande de l’assuré, du relevé individuel actualisé. Cette mesure constitue une étape importante du processus de dématérialisation du droit à l’information.

Cette dématérialisation a par ailleurs été renforcée en 2014, par les dispositions de l’article 29 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ([24]). En sus du relevé de situation périodique, les assurés des régimes par répartition bénéficient de la mise en place d’un service en ligne donnant accès à tout moment au relevé actualisé. Ce service permet également d’échanger avec les régimes concernés et de réaliser certaines démarches administratives.

La mise en œuvre du droit à l’information s’appuie sur l’obligation, pour les organismes et services chargés de la gestion des régimes de retraite par répartition, de communiquer par voie électronique les données nécessaires au calcul des droits des assurés ([25]). À cette fin, ces organismes sont autorisés à collecter et à conserver le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ([26]). Un répertoire national peut également être créé pour faciliter la gestion des données transmises.

2.   Le pilotage du droit à l’information retraite par une instance unique

La récolte des informations relatives aux droits constitués par les assurés des régimes obligatoires et leur mise à disposition sur demande nécessitait d’instituer une structure de pilotage à même d’échanger avec l’ensemble des organismes chargés de la gestion des régimes de retraite, et capable de développer les outils techniques adéquats.

Parallèlement à la création du droit à l’information, le législateur a institué un groupement d’intérêt public, nommé, à sa création, GIP Info retraite ([27]).

Le GIP est une catégorie de personne morale de droit public permettant la coopération entre des personnes privées ou publiques dans le cadre de la gestion d’une activité d’intérêt général. Les groupements d’intérêt public bénéficient d’une certaine souplesse dans l’accomplissement de leurs missions, dans la mesure où leur mode d’organisation est défini par voie contractuelle, dans les limites définies par la loi. L’État contrôle quant à lui les activités du GIP, notamment par l’approbation de sa convention constitutive par arrêté ministériel.

La loi du 20 janvier 2014 précitée a largement modifié les dispositions législatives organisant le fonctionnement et les missions du GIP. Renommé « l’Union des institutions et services de retraites », plus communément appelé « l’Union Retraite », il regroupe, comme son prédécesseur, l’ensemble des organismes chargés de la gestion des régimes de retraite par répartition et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions. À partir de 2014, la Caisse des dépôts et consignations fait également partie du GIP.

L’article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale détermine désormais la composition et les missions de l’Union Retraite. Ces dernières sont les suivantes :

– la mise en œuvre du droit à l’information retraite, notamment au moyen de relevé de situation individuelle disponible en ligne, tel que prévu à l’article 161‑17 du code de la sécurité sociale ;

– le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d’améliorer les relations des régimes de retraite avec les usagers. Cette compétence a été créée en vertu des dispositions de la loi du 20 janvier 2014.

Il peut par ailleurs être noté que le GIP est composé de plusieurs instances délibérantes : un conseil d’administration, au sein duquel siègent quatorze administrateurs issus des organismes chargés de la gestion des régimes par répartition, et une assemblée générale, regroupant l’ensemble de ces mêmes organismes.

Les modalités de financement de l’Union Retraite sont enfin définies par sa convention constitutive. En vertu de l’article 11 de cette dernière, les charges du GIP sont couvertes par les contributions de ses membres ([28]).

B.   Le droit proposé : la mobilisation des outils existants pour créer un droit d’accès à un relevé de situation individuelle portant sur les contrats de retraite supplémentaire

1.   La création d’un nouveau relevé de situation individuelle récapitulant les droits acquis au titre des produits d’épargne retraite

L’article 1er de la proposition de loi vise à créer un droit nouveau, dont le principe est calqué sur les dispositions applicables au titre des régimes de retraite par répartition, et dont la mise en œuvre s’appuie sur les outils et les structures existantes.

Le I de larticle 1er, composé de onze alinéas, complète l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale par un paragraphe VII.

Les alinéas 2 à 5 de larticle 1er prévoient différentes mesures de coordination légistique.

L’alinéa 6 prévoit que :

– toute personne a le droit d’obtenir gratuitement un relevé de sa situation individuelle au titre des produits d’épargne retraite auxquels elle a souscrit au cours de sa vie ;

– la mise à disposition du nouveau relevé de situation individuelle s’organise au moyen du service en ligne géré par le GIP Union Retraite. Ce service devient ainsi l’unique support dématérialisé permettant à l’ensemble des assurés des différents régimes de retraite de consulter leurs éventuels droits ouverts au titre de la retraite supplémentaire.

Il s’agit donc de créer un second relevé individuel, distinct de celui prévu au III de l’article 161-17 du code de la sécurité sociale portant sur les droits acquis au titre des régimes de retraite légalement obligatoires.

Par ailleurs, pour alimenter les données contenues par le relevé de situation individuelle spécifique aux produits d’épargne retraite, les gestionnaires de ces produits adressent par voie électronique à l’Union Retraite, au moins une fois par an, les informations permettant de produire le relevé. À l’instar du dispositif légal prévu pour la communication des données relatives aux régimes de retraite par répartition, il est possible de créer un répertoire national consacré à la gestion des informations relatives aux produits d’épargne retraite (alinéa 7 de l’article 1er).

En vue de faciliter l’identification des personnes concernées, les gestionnaires des produits d’épargne retraite peuvent, comme les organismes gérant les régimes de retraite légalement obligatoires, collecter et conserver le numéro d’inscription au RNIPP des personnes concernées, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL (alinéa 8 de l’article 1er).

Par conséquent, la création du relevé individuel relatif à l’épargne retraite reprend les mêmes mécanismes et garanties légales que celles applicables dans le cas des régimes de retraite par répartition.

Toutefois, les modalités de financement de ce nouveau relevé de situation individuelle diffèrent de celles applicables en matière de régimes de retraite obligatoires. Alors que le droit à l’information, comme les autres tâches d’intérêt commun effectuées par l’Union Retraite, sont financées par une contribution de chacun de ses membres, il n’est cependant pas envisageable de faire supporter le coût de la création et de la gestion du nouveau relevé individuel par les organismes gérant les régimes de retraite par répartition.

Ainsi, l’alinéa 9 de l’article 1er prévoit que les gestionnaires des produits d’épargne retraite assurent le financement des moyens nécessaires au développement des outils informatiques et des échanges d’information en vue de mettre en œuvre le relevé de situation individuelle avec l’Union Retraite. Les modalités de financement sont définies dans le cadre d’une convention négociée entre le groupement d’intérêt public et les représentants des gestionnaires.

Cette convention précise également la nature des informations adressées au groupement par les gestionnaires en vue d’établir le relevé de situation individuelle.

L’alinéa 10 de l’article 1er définit le champ des gestionnaires concernés par les nouvelles obligations de communication d’information, et par la négociation ainsi que la conclusion de la convention visant à organiser la mise en place du relevé individuel. Ces gestionnaires sont ceux mentionnés à l’article L. 224-8 du code monétaire et financier.


Organismes gestionnaires des produits d’épargne retraite selon les termes de l’article L. 224-8 du code monétaire et financier

Organismes gestionnaires

Type de produit proposé

Les entreprises d’assurance, les mutuelles ou unions de mutuelles, les institutions de prévoyance ou unions d’institutions

Contrats d’assurance de groupe dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle

Les organismes de retraite professionnelle supplémentaires ([29])

Contrats ayant pour objet la couverture d’engagement retraite supplémentaire, tels que définis aux articles L. 381-1 du code des assurances, L. 214-1 du code de la mutualité ou L. 942-1 du code de la sécurité sociale

Les établissements de crédit, les entreprises d’investissement ou les établissements habilités pour les activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers

Comptes-titres

Source : commission des affaires sociales, d’après l’article L. 224-8 du code monétaire et financier.

L’alinéa 11 de l’article 1er prévoit qu’un décret en Conseil d’État définit la liste de produits d’épargne retraite concernés par les dispositions du I de l’article 1er. Par ailleurs, il précise que la mise en œuvre de ces dispositions doit intervenir dans un délai de dix‑huit mois après la publication de la loi.

Le II de larticle 1er, composé d’un unique alinéa, complète l’article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale. Les missions du GIP Union Retraite sont élargies, dans la mesure où il est confié à ce dernier le pilotage et la mise en œuvre des dispositions prévues par le I de l’article 1er.

La commission a adopté différents amendements rédactionnels, et deux amendements visant à préciser le dispositif de l’article premier, déposés à l’initiative du rapporteur.

En premier lieu, il est précisé que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution veille au respect des obligations de transmission d’information incombant aux gestionnaires de produits d’épargne retraite.

Par ailleurs, le champ des dispositions dont la mise en œuvre est financée par les gestionnaires est plus spécifiquement défini. Ces derniers supporteront le coût du développement, du fonctionnement et de la publicité des dispositions prévues au I de l’article 1er de la proposition de loi.

2.   Une solution technique aisée à mettre en œuvre

Le rapporteur s’est assuré, durant ses travaux préparatoires à l’examen de la proposition de loi, que le GIP Union Retraite disposait des capacités techniques et des moyens nécessaires à la collecte et à la mise à disposition des informations relatives aux droits acquis par les assurés au titre de la retraite supplémentaire.

Selon le GIP, deux possibilités sont envisageables afin d’organiser les échanges d’informations relatives aux droits ouverts par les assurés au titre de l’épargne retraite :

– une base de données ad hoc peut être créée, sur laquelle les assureurs déposent leurs informations par voie électronique ;

– le GIP peut se raccrocher aux bases de données hébergées par les assureurs en web service.

La seconde solution serait plus efficace que la première, car elle permettrait au GIP de disposer directement de l’ensemble des informations nécessaires à la recherche des propriétaires des produits d’épargne retraite. Toutefois, elle est bien plus coûteuse et complexe à mettre en œuvre que la première option (qui, par ailleurs, fonctionnerait également). L’Union Retraite a ainsi indiqué au rapporteur que la première solution serait privilégiée.

Par ailleurs, la mise à disposition des données aux assurés ne poserait pas de difficulté particulière, dans la mesure où le service en ligne consacré aux échanges entre les assurés et le GIP existe d’ores et déjà. Une éventuelle hausse du nombre de connexions ne générerait également aucun risque spécifique.

Le GIP souligne ainsi que 9 millions de connexions sont actuellement enregistrées chaque année sur le site internet de l’Union Retraite. Dans la mesure où le portail internet sur lequel s’effectuent les visites est administré par la Caisse nationale de l’assurance vieillesse (CNAV), les infrastructures informatiques sont dimensionnées pour qu’un élargissement du droit à l’information retraite puisse être mené sans investissement supplémentaire.

La capacité du GIP à identifier les assurés afin de mettre à leur disposition une information pertinente sur leur capital retraite dépend quant à elle des données détenues par les organismes gestionnaires. A priori, les organismes de taille importante n’auront pas de difficulté à transmettre le nom, le prénom et l’adresse des souscripteurs des contrats. Toutefois, il existe un risque que, pour les stocks particulièrement anciens, ou pour les produits gérés par des organismes de petite taille, ces informations ne soient pas correctement renseignées.

Par conséquent, si une part réduite des produits d’épargne pourrait demeurer en déshérence, la grande majorité des assurés pourra consulter le montant de leurs droits acquis au titre de la retraite supplémentaire.

3.   Une solution à même de réduire drastiquement le stock de contrats non liquidés

La solution proposée par le rapporteur relève d’un changement d’approche significatif en comparaison avec les instruments mobilisés par le passé pour lutter contre la déshérence.

Plutôt que de renforcer les obligations de recherche pesant sur des assureurs qui, de toute manière, pâtissent d’un manque de fiabilité de leurs fichiers clients, il est offert aux assurés la possibilité de consulter facilement un relevé récapitulant l’ensemble de leurs droits ouverts.

En permettant aux assurés de disposer d’une information consolidée sur leur épargne retraite, ces derniers seront en capacité, s’ils le souhaitent, de faire valoir leurs droits auprès des organismes de gestion des produits d’épargne retraite. Il sera potentiellement possible de mesurer de manière plus précise l’ampleur de la déshérence, si le GIP parvient à déterminer le nombre d’assurés pour lesquels un relevé de situation individuelle n’a pas pu être établi.

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Titre II
Faciliter la prise de connaissance par les assurés des contrats de retraite supplémentaire possédés

Article 2
Mise en œuvre dune campagne de communication sur le relevé de situation individuelle récapitulant les droits acquis au titre de lépargne retraite

Adopté par la commission avec modifications

Cet article prévoit la mise en place, par l’Union Retraite, d’une campagne de communication, à destination de l’ensemble des assurés des régimes de retraite, sur les dispositifs mobilisés dans le cadre du droit à l’information retraite, et sur le relevé de situation individuelle récapitulant le montant des droits acquis au titre des produits d’épargne retraite.

Le financement de la mesure est assuré par les gestionnaires des produits d’épargne retraite.

I.   Le droit existant : le succès des campagnes de droit à l’information retraite

En vertu du droit à l’information retraite, prévu par le I de l’article 161-17 du code de la sécurité sociale, le groupement d’intérêt public « Union Retraite » (GIP Union Retraite) organise chaque année la campagne du droit à l’information retraite (DAI). Celle-ci consiste en l’envoi à plusieurs générations d’assurés de différents types de documents :

– l’information aux nouveaux assurés. L’envoi de ce document est prévu au II de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale. Il vise à informer les assurés ayant validé une durée d’assurance d’au moins deux trimestres sur le fonctionnement du système de retraite par répartition ;

– le relevé de situation individuelle (défini au III de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale) ;

– une estimation indicative globale (EIG), prévue au IV de l’article L. 161‑17 du code de la sécurité sociale. Ce document est envoyé à chaque assuré lorsque celui-ci est âgé de 55 ans, puis tous les cinq ans jusqu’à son départ à la retraite. Il informe l’assuré sur le montant de pension auquel il a droit.

Au total, ce sont près de 6,2 millions d’assurés qui sont ciblés par la campagne du DAI. En 2016, 90 % des personnes concernées ont été effectivement destinataires des documents envoyés dans le cadre de la campagne ([30]).

Ces différents outils permettent aux assurés de prendre connaissance de l’ensemble des droits qu’ils ont pu constituer au titre des régimes de retraite par répartition.

Par ailleurs, le financement des campagnes de droit à l’information retraite relève de contributions des membres du GIP, à savoir les différents organismes chargés de la gestion des régimes de retraite par répartition et la Caisse des dépôts et consignations. Les modalités de détermination de ces contributions financières sont fixées par l’article 11 de la convention constitutive du GIP ([31]).

II.   Le droit proposé : l’organisation d’une campagne de communication sur les informations à disposition des assurés au titre de l’épargne retraite

Le I de larticle 2 prévoit que, dans le cadre de ses activités ordinaires de communication, l’Union Retraite met en place une campagne de communication sur le droit à l’information retraite (soit les dispositifs prévus aux I à IV de l’article 161‑17 du code de la sécurité sociale), et sur le relevé de situation individuelle récapitulant les droits acquis par les assurés au titre de l’épargne retraite (dont les modalités de création et de mise à disposition des assurés sont prévues à l’article 1er de la proposition de loi).

Cette campagne porte également sur les actions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale.

Les dispositions concernées portent sur les missions de l’Union Retraite relatives au pilotage stratégique des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d’améliorer les relations des régimes avec leurs usagers. Par ailleurs, ces dispositions concernent également l’activité de pilotage exercée par l’Union Retraite concernant la mise en œuvre du droit à l’information retraite.

La campagne de communication prévue par l’article 2 de la proposition de loi doit être menée au plus tard six mois après le déploiement des nouvelles fonctionnalités du service en ligne hébergeant le nouveau relevé de situation individuelle portant sur l’épargne retraite, prévu à l’article 1er de la même proposition de loi.

Le II de larticle 2 prévoit que le coût de ces mesures est supporté par le GIP Union Retraite. Les dépenses supplémentaires engagées par ce dernier sont couvertes par une hausse des contributions des membres de l’Union Retraite, au titre des tâches d’intérêt commun effectuées par le groupement d’intérêt public.

La commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement visant à modifier les modalités de financement de la campagne de communication, déposés par le rapporteur. En vertu des dispositions modifiées de l’article 2, les gestionnaires de produits d’épargne retraite supportent le coût de la campagne de communication, dans les conditions définies par la convention financière négociées entre le GIP Union Retraite et ces mêmes gestionnaires.

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Article 3
Création dune obligation dinformation relative à lépargne retraite au profit des salariés dans le cadre de la remise du solde de tout compte

Adopté par la commission avec modifications

Cet article crée pour les employeurs une obligation d’information des salariés portant sur l’épargne retraite que ces derniers ont pu constituer dans le cadre de contrats souscrits au sein de l’entreprise.

La mise à disposition de l’information intervient lors de la rupture du contrat de travail, au moyen d’une mention relative aux contrats de retraite supplémentaire souscrits par le salarié durant sa période de travail au sein de l’entreprise dans le solde de tout compte.

I.   Le droit existant : Un renforcement progressif des obligations d’information pesant sur les assureurs et les employeurs au profit des titulaires de contrats de retraite supplémentaire

A.   Les dispositions visant à améliorer l’information des souscripteurs de contrats de retraite supplémentaire

Dans le cadre de la lutte contre la déshérence des contrats d’assurance, et plus particulièrement des contrats de retraite supplémentaire, de nombreuses dispositions législatives ont été adoptées en vue d’informer les épargnants sur leurs droits à différents stades de la relation contractuelle.

En premier lieu, il convient de distinguer les différentes obligations incombant aux gestionnaires des produits d’épargne retraite.

Depuis 2006 ([32]), l’article L. 132-22 du code des assurances prévoit ainsi que les entreprises d’assurance ou de capitalisation sont tenues de communiquer chaque année au contractant, durant toute la durée de vie du contrat :

– le montant de la valeur de rachat ou, pour les contrats dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle, de transfert du contrat ;

– le cas échéant, le montant de la valeur de réduction de son contrat ;

– le montant des capitaux garantis ;

– la prime du contrat.

Par ailleurs, dans le cas des contrats de retraite supplémentaire, la loi du 9 novembre 2010 ([33]) a renforcé ces obligations dinformation, en précisant que lentreprise dassurance ou de capitalisation fournit chaque année une estimation du montant de la rente viagère qui serait versée à lassuré à partir de ses droits personnels.

Doivent également être précisées, le cas échéant, les conditions dans lesquelles l’assuré peut demander le transfert de son contrat auprès d’une autre entreprise d’assurance, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance.

La loi du 13 juin 2014 (dite loi « Eckert ») a complété ces obligations d’information, en précisant que les entreprises d’assurance ou de capitalisation adressent à l’assuré, au moins un mois avant le terme du contrat, un relevé d’information spécifique. Toutefois, cette disposition ne trouve pas à s’appliquer aux contrats de retraite supplémentaire, dans la mesure où ces derniers ne comportent pas de terme explicite.

L’information des souscripteurs de contrats dont les prestations sont liées à la cessation d’activité professionnelle a fait l’objet de nouveaux développements à l’occasion de l’adoption de la loi du 9 décembre 2016 (dite « Sapin II ») ([34]). En vertu des dispositions de cette dernière, les assureurs sont tenus d’informer annuellement les contractants ayant dépassé la date de liquidation de leur pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse, ou, en toute hypothèse, l’âge de 62 ans, de la possibilité qui leur est offerte de liquider le contrat ([35]).

Par ailleurs, il convient de souligner que la loi PACTE a créé de nouveaux plans d’épargne retraite (PER) ayant vocation à se substituer progressivement aux anciens produits de retraite supplémentaire. Les PER sont régis par des dispositions harmonisées, en vertu desquelles sont prévues différentes obligations d’information au bénéfice des assurés.

Ainsi, selon les termes de l’article L. 224-7 du code monétaire et financier, les titulaires des plans d’épargne retraite bénéficient d’une information régulière sur la valeur des droits constitués au titre du PER, et sur les modalités de leur transfert vers un autre plan d’épargne retraite.

Les plans d’épargne retraite entreprise font également l’objet d’une obligation d’information spécifique : à compter de la cinquième année précédant la date de liquidation de sa pension dans un régime d’assurance vieillesse, ou, à défaut, avant l’âge de 62 ans, le titulaire du plan peut interroger par tout moyen le gestionnaire du plan afin de s’informer sur ses droits et sur les modalités de restitution de l’épargne.

Enfin, depuis 2008 ([36]), en vertu des dispositions de l’article L. 3334-5-1 du code du travail, si l’entreprise propose un plan d’épargne retraite collectif prévoyant une adhésion par défaut des salariés, les employeurs sont tenus d’en informer ces derniers.

B.   Une information encore lacunaire pour les bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaire collectifs

A priori, il apparaît que l’encadrement législatif du droit à l’information des assurés au titre de leurs produits d’épargne retraite est exhaustif.

En pratique toutefois, les titulaires de contrats de retraite supplémentaire collectifs souscrits dans le cadre d’une entreprise ([37]) ont peu connaissance de leurs droits. Ainsi, en cas de départ de l’entreprise, si le titulaire du contrat n’informe pas le gestionnaire de son changement de situation, il devient impossible pour l’assureur de retrouver l’assuré. Cette situation s’explique notamment par le fait que, dans le cadre des relations contractuelles, l’organisme gestionnaire est plus souvent en lien avec l’entreprise souscriptrice qu’avec le titulaire du contrat.

En conséquence, la déshérence des contrats de retraite supplémentaire collectifs, qui plus est à adhésion obligatoire, est particulièrement marquée.

LAutorité de contrôle prudentiel et de résolution indique ainsi que les taux de contrats non liquidés lorsque lassuré a atteint lâge de 70 ans sont particulièrement élevés dans les cas de contrats collectifs à adhésion obligatoire. En 2016, le stock de provisions relevant de ce type de contrats atteignait 1,15 milliard deuros.

II.   Le droit proposé : une obligation d’information du salarié au titre des contrats de retraite supplémentaire auxquels il a souscrit lors de la remise du solde de tout compte

L’article 3 de la proposition de loi, composé d’un unique alinéa, prévoit de modifier les dispositions de l’article L. 1234-20 du code du travail.

Cet article prévoit, dans sa rédaction actuelle, que le solde de tout compte, établi par l’employeur et remis au salarié, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

En vertu des dispositions de l’article 3 de la proposition de loi, il est précisé que l’employeur intègre au solde de tout compte des informations relatives aux contrats de retraite supplémentaire éventuellement souscrits par le salarié dans le cadre de l’entreprise.

Le rapporteur est conscient que cette disposition ne permettra pas de faciliter le dénouement des contrats de retraite supplémentaire d’ores et déjà en situation de déshérence. Néanmoins, elle permettra de limiter l’apparition de nouveaux cas de contrats non liquidés, dans la mesure où les salariés auront connaissance des droits qu’ils ont acquis au sein de l’entreprise.

La commission a adopté un amendement rédactionnel, déposé à l’initiative du rapporteur.

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Article 4 [nouveau]
Expérimentation dun dispositif de recherche des bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaire en déshérence

Introduit par la commission

Cet article prévoit que pour une durée de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, la mission de recherche des bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaire dont les encours ont été transférés à la Caisse des dépôts et consignations peut être confiée à des organismes spécialisés dans la révélation de succession.

Introduit à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par Mme Sophie Auconie et plusieurs de ses collègues des groupes UDI et Indépendants et Agir ensemble, avec un avis favorable du rapporteur, cet article prévoit d’expérimenter une nouvelle méthode de recherche des bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaire en déshérence.

En vertu des dispositions de loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, les entreprises d’assurance sont tenues de rechercher les bénéficiaires de contrats d’assurance lorsque ceux-ci arrivent à échéance, ou à la prise de connaissance par l’assureur du décès de l’assuré. En tout état de cause, l’assureur doit rechercher le bénéficiaire du contrat si la date de naissance de l’assuré remonte à cent vingt années, et si aucune opération n’a été effectuée à l’initiative de ce dernier durant deux ans ([38]).

À l’issue d’une période de dix ans, si la recherche des bénéficiaires est infructueuse, les sommes afférentes aux contrats de retraite supplémentaire sont transférées à la Caisse des dépôts et consignations. Cette dernière n’est pas tenue de rechercher les bénéficiaires, mais a l’obligation d’organiser la publicité de l’identité des souscripteurs des contrats, afin de permettre à ces derniers ou leurs ayants droit de récupérer les fonds qui leurs sont dus.

En conséquence, l’alinéa premier de l’article 4 de la proposition de loi prévoit d’expérimenter, pour une durée de deux ans, la possibilité de recourir à des organismes spécialisés dans la révélation de succession afin de retrouver les bénéficiaires des encours de retraite supplémentaire en déshérence placés à la Caisse des dépôts et consignations. L’alinéa premier dispose également que le pouvoir réglementaire fixe les modalités d’organisation de l’expérimentation, parmi lesquelles :

– la liste des organismes habilités à mener des recherches de bénéficiaires des contrats de retraite supplémentaire en déshérence ;

– les conditions de rémunération de ces organismes ;

– le seuil d’encours des contrats concernés ;

– le nombre minimum de dossiers confiés à chacun des organismes.

L’alinéa 2 de l’article 4 prévoit que les conditions dans lesquelles les organismes spécialisés dans la révélation de succession peuvent obtenir des éléments d’information sur les bénéficiaires, ainsi que des données à caractère personnel les concernant, sont fixées par voie réglementaire, dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Enfin, l’alinéa 3 de l’article 4 prévoit qu’au plus tard six mois après la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à évaluer l’opportunité de généraliser le dispositif.

 


—  1  —

   compte rendu des travaux

Lors de sa séance du mardi 16 juin 2020, la commission examine la proposition de loi de M. Daniel Labaronne relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire (n° 2782) (M. Daniel Labaronne, rapporteur) ([39]).

Mme Charlotte Lecocq, présidente. Nous examinons la proposition de loi de M. Daniel Labaronne et de plusieurs de ses collègues relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire. Ce texte est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique lundi prochain. Il fera l’objet d’une procédure d’examen simplifiée. Je souhaite la bienvenue dans notre commission à l’auteur de cette proposition de loi, qui en est également le rapporteur.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Merci de m’accueillir dans votre commission pour parler des contrats de retraite supplémentaire en déshérence.

Ce travail prend sa source dans deux rapports : un premier, de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2018, et un autre de la Cour des comptes, qui nous expliquent que ces contrats d’assurance retraite supplémentaire connaissent des montants de déshérence – non réclamés par les assurés – à hauteur de 13 milliards d’euros. Je me suis donc intéressé à ces contrats, dans la mesure où je représente l’Assemblée nationale au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui rassemble les assureurs, les banquiers, les associations de consommateurs, les associations d’épargnants, le MEDEF. Je me suis dit que le sujet devait être abordé dans le cadre des travaux du Comité consultatif.

Sur les droits des épargnants, il y a déjà eu des évolutions législatives notables. La « loi Eckert » de 2014, qui portait principalement sur les contrats d’assurance vie, s’est attaquée à la question de la déshérence en faisant obligation aux gestionnaires de rechercher les ayants droit, obligation qui s’accompagnait d’éventuelles sanctions, et 3,5 milliards d’euros ont ainsi pu être récupérés.

Une deuxième évolution législative a été la loi « PACTE », qui favorise la portabilité des différents contrats d’assurance retraite et oblige les assureurs à informer régulièrement leurs clients de tous les types de contrat dont ils sont bénéficiaires.

Troisième apport : une proposition de loi de Sophie Auconie abordait la question de la déshérence des contrats d’assurance supplémentaire mais n’a pas été adoptée. Je propose une approche qui, sans être diamétralement opposée, est néanmoins différente et a fait l’objet d’un consensus au sein du CCSF, dont elle reprend l’avis unanime du 20 janvier 2020 : il portait sur trois points qui se retrouvent dans la proposition de loi.

Le problème de ces contrats de retraite supplémentaire est celui de l’information : les gens ne savent pas toujours qu’ils en sont bénéficiaires parce qu’ils ont quitté, sans avoir été informés, l’entreprise qui a souscrit un tel contrat à leur profit. Par ailleurs, les gestionnaires perdent la trace des gens qui, ignorant être bénéficiaires, n’informent personne de leurs changements de situation.

La solution proposée se décline donc en trois idées. La première est de demander aux gestionnaires de pousser toutes les informations qu’ils possèdent sur leurs clients vers un tiers de confiance, le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite qui administre la plateforme informatique « info-retraite ». Le GIP informe sur sa plateforme les retraités et les actifs de leurs droits en matière de retraite de base et de retraite complémentaire. Ma proposition consiste à faire figurer une troisième information, relative aux droits en matière de contrats d’assurance retraite supplémentaire.

Un accord unanime des gestionnaires est intervenu pour prendre à leur charge le financement de ce transfert d’information et de la maintenance du dispositif.

La deuxième idée est que le GIP mènera une campagne de communication pour indiquer que les retraités ont intérêt à aller sur le site « info-retraite » afin de voir s’ils sont bénéficiaires d’un contrat d’assurance retraite supplémentaire.

La troisième idée est qu’il faut que les entreprises informent leurs salariés qu’ils sont bénéficiaires d’un contrat. Dans le solde de tout compte, figurera donc une information indiquant au salarié que l’entreprise a souscrit, dans un package global, un contrat d’assurance retraite supplémentaire dont il est bénéficiaire. Cette idée a comme les deux autres fait l’objet d’un consensus : les représentants du MEDEF sont d’accord.

Cette proposition de loi comporte donc trois articles : le premier sur le transfert d’information vers le GIP Union Retraite avec financement à la charge des gestionnaires, le deuxième sur la communication à propos de ce dispositif, et le troisième sur l’information que devra communiquer l’entreprise au salarié.

Il y a aujourd’hui treize millions de bénéficiaires de contrats d’assurance retraite supplémentaire. En 2018, 13 milliards de cotisations et un peu plus de 6 milliards d’euros de prestations ont été versés. On sait que 2,4 millions d’assurés ont demandé à faire valoir leurs droits en rente, pour un montant moyen de 2 500 euros de rente annuelle, et 66 000 ont demandé une liquidation en capital, pour un montant moyen de 19 000 euros. Ce sont des clients qui savaient qu’ils étaient bénéficiaires d’un tel contrat. L’estimation de 13 milliards d’euros pour les montants de contrats en déshérence que j’ai citée est sans doute un plafond : on s’accorde à dire que le stock est en réalité entre 5 et 10 milliards.

Dans le contexte que nous vivons, cette proposition de loi participe à la relance de l’activité économique, mais elle est de façon plus générale une façon de renforcer les droits des épargnants, et je conclurai en redisant qu’elle a fait l’objet d’un consensus de l’ensemble des parties prenantes, notamment au sein du CCSF.

M. Dominique Da Silva. Cette proposition de loi de notre collègue rapporteur Daniel Labaronne, dont je tiens à saluer l’excellent travail de concertation, vise à lutter contre le phénomène de déshérence des contrats de retraite supplémentaire. Elle répond aux critiques formulées par la Cour des comptes et l’ACPR, qui pointaient un capital non liquidé des assurés ayant atteint l’âge légal de départ en retraite de 13,3 milliards d’euros. Cette somme considérable, aujourd’hui répartie entre les assureurs et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pourrait être réclamée par les bénéficiaires si l’information parvenait jusqu’à eux. Il est grand temps que ces milliards ne soient plus au service de l’économie financière mais redistribués au profit de l’économie réelle par le biais de la consommation des bénéficiaires.

Pour y parvenir, nous proposons la consultation en ligne des droits éventuels à la retraite supplémentaire sur le site « info-retraite », comme c’est déjà le cas pour le régime de base et les complémentaires. Nous souhaitons également renforcer la communication envers les assurés, ainsi que l’obligation des entreprises d’informer les salariés au moment de leur départ via le solde de tout compte.

Cette proposition de loi, contrairement à celle du groupe UDI et Indépendants examinée en janvier dernier, apporte une garantie totale dans la protection des données personnelles et a reçu l’assentiment de toutes les parties prenantes autour du CCSF. C’est tout l’objectif de notre majorité : permettre une meilleure lisibilité des droits de chacun, le plus simplement possible, sans être intrusif, pour, in fine, un juste retour des primes à la liquidation de la retraite.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe La République en Marche votera cette proposition de loi.

M. Stéphane Viry. Monsieur le rapporteur, vous vous inscrivez dans la continuité de la « loi Eckert », qui avait été créatrice de droits et avait permis à des bénéficiaires de contrats d’assurance vie de devenir des créanciers réels : cette loi avait été utile, les institutions financières ont dû de façon légitime faire face à leurs obligations morales.

Votre proposition de loi vise à compléter les dispositifs pour supprimer la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, dont le stock est énorme, plus de 13 milliards d’euros non liquidés à l’âge de 62 ans, mais vous ne vous attaquez pas à ce stock de 13 milliards. Vous rappelez la situation, le volume financier, la perte de droits pour certains bénéficiaires, et votre proposition de loi comporte trois dispositions : un service en ligne pour des relevés de situation individuelle, une campagne de communication nationale, et une information au salarié lors de son départ. Cela nous paraît en deçà de ce qu’il conviendrait de faire face au constat. Pour l’heure, nous sommes donc en position d’attente.

Vous évoquez dans votre exposé des motifs la Caisse nationale de retraite universelle prévue par la réforme des retraites qui, sauf erreur de ma part, a été ajournée. C’est peut-être présomptueux de votre part, tandis que la méthode consistant à plagier la proposition de loi de notre collègue Sophie Auconie me paraît discutable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La proposition de loi qui nous est soumise s’attaque à une problématique identifiée depuis de nombreuses années mais qui n’a jamais été totalement traitée par le législateur, tant et si bien qu’on estime entre 5 et 13 milliards d’euros l’encours de contrats de retraite supplémentaire en déshérence. Si ce texte ne permet pas de régler toute la problématique du stock en déshérence, il instaure plusieurs garde-fous qui devront permettre de se prémunir de ce phénomène. Aussi, le groupe du Mouvement Démocrate se satisfait‑il des mesures proposées, qui ont le mérite d’avoir été concertées avec les acteurs du secteur assurantiel et bancaire. Il nous apparaît opportun de renforcer l’obligation d’information des employeurs envers leurs salariés, notamment lorsque ceux-ci s’apprêtent à quitter l’entreprise. Par ailleurs, il est essentiel d’impliquer l’ensemble des acteurs, institutionnels comme privés, de cet écosystème dans la dynamique d’une extension de l’information à travers un dispositif clair et sécurisé.

Dans une période où la question des retraites inquiète beaucoup de nos concitoyens, il est impératif que ceux-ci bénéficient d’une information lisible et constante pour préparer leur fin de carrière. Pour ces raisons, notre groupe ne peut que saluer les dispositifs proposés et votera en faveur de cette proposition de loi.

Toutefois, monsieur le rapporteur, pensez-vous que les diverses actions de communication qui seront engagées grâce à cette loi permettront à certains bénéficiaires de remettre la main sur leurs contrats, et dans quelles proportions ?

Mme Sophie Auconie. Je suis ravie, vous l’imaginez bien, que nous examinions aujourd’hui une proposition de loi sur la déshérence des retraites supplémentaires, puisque j’avais déposé en janvier dernier un texte sur la même thématique, qui n’avait malheureusement pas été adopté au prétexte que cela aurait été prématuré. Un de nos collègues, Julien Aubert, avait pourtant dit qu’il y a des prématurés qui font de beaux enfants...

Je me réjouis donc que notre collègue Daniel Labaronne, six semaines après l’étude de ma proposition de loi – une courte gestation, finalement – ait déposé à son tour un texte pour tenter de résoudre cette difficulté. Dans un contexte économique et social rendu extrêmement compliqué par la crise sanitaire, il est important de restituer tout cet argent aux Français, sans que cela coûte quoi que ce soit à l’État. Tout texte permettant de restituer aux Français cet argent qui leur appartient est une bonne chose.

En janvier, il avait été dit que ma proposition de loi n’était pas aboutie. Je remarque que nous arrivons aux mêmes excellentes conclusions sur le rôle du GIP Union Retraite, idée que j’avais soumise en amendement à mon texte initial à la suite de nombreuses auditions et de certaines propositions que vous m’aviez faites. Cependant, je regrette que la question des stocks d’encours ancien ne soit pas du tout abordée ; c’est pourtant sur ce point central que repose la majeure partie de la déshérence.

Je dois admettre une pointe de déception depuis janvier. Que de temps perdu, alors que nous aurions pu avancer sur ce sujet. Stefan Zweig disait : « Presque toujours, la responsabilité confère à lhomme de la grandeur. » Ensemble soyons grands et donnons à ce texte l’ambition qu’il faut lui donner.

Mme Jeanine Dubié. La déshérence des produits financiers est un sujet sur lequel le législateur s’est penché à de très nombreuses reprises depuis 2005 : « loi Eckert », mais aussi « loi Sapin 2 », et plus récemment loi « PACTE ». Malgré tout, le montant des contrats en déshérence est estimé à près de 13 milliards d’euros : autant de pouvoir d’achat en moins pour nos concitoyens.

C’était donc l’objet de la proposition de loi portée par notre collègue Sophie Auconie en janvier, dans le cadre de la « niche » du groupe UDI. En lisant votre texte, nous ne voyons pas beaucoup de différence. L’esprit, en tout cas, est le même : il s’agit à la fois de faciliter l’information des organes d’assurance, sans pour autant contrevenir au principe de protection des données, mais aussi d’introduire un tiers de confiance, le GIP Union Retraite. Il n’y a pas non plus dans votre texte d’avancée significative sur le stock, ce qui est quand même dommage.

Enfin, je trouve peu respectueuse la façon dont vous avez procédé. Le texte a été rejeté le 30 janvier – vingt voix pour, vingt voix contre – et vous avez déposé le vôtre le 24 mars. Compte tenu de ces délais, il eût été plus élégant de continuer à travailler sur le texte de Sophie Auconie, par voie d’amendement. Cela montre une fois de plus le peu de considération que la majorité porte aux initiatives parlementaires qui ne proviennent pas de ses rangs.

M. Guillaume Chiche. Alors que l’on constate un vieillissement de la population, il est nécessaire que les personnes pouvant bénéficier d’un contrat de retraite supplémentaire en profitent de manière effective afin de pouvoir appréhender au mieux les conséquences financières liées à l’avancée de l’âge. Or nombreuses sont les personnes qui n’ont jamais eu connaissance de l’existence de ces contrats et se retrouvent dans une situation financière délicate, alors même qu’elles pourraient, depuis la cessation de leur activité professionnelle, bénéficier du versement à due proportion de leurs droits conventionnels avec lesdits contrats.

Cette proposition de loi tente de trouver une solution efficace contre la déshérence, à savoir favoriser l’information et la communication pour lutter contre le non-recours aux droits. Comme l’indique l’exposé des motifs, le premier facteur de ce fléau étant le manque de connaissance de leurs droits de la part des assurés, il n’est pas rare que le bénéficiaire ne soit pas le souscripteur du contrat. La mesure prévoyant que l’employeur, lors de la remise du solde de tout compte, doit mentionner l’ensemble des contrats de retraite supplémentaire éventuellement souscrits par le salarié dans le cadre de l’entreprise permettra certainement de donner en amont une information claire au salarié.

Au regard de la crise que nous venons de traverser et d’une certaine précarité, voire pauvreté dans laquelle basculent un certain nombre de nos aînés, je crois qu’il est absolument nécessaire d’améliorer le recours aux droits conventionnels, et c’est la raison pour laquelle le groupe Écologie Démocratie Solidarité soutiendra votre proposition de loi.

M. Paul Christophe. Cette proposition de loi vise à lutter contre la déshérence des encours de retraite supplémentaire, le manque de fiabilité des données à disposition des assureurs étant apparu comme un frein à la recherche des bénéficiaires. L’origine de ce problème est en effet complexe et protéiforme et avait déjà été soulevée par notre collègue Sophie Auconie à l’occasion d’une précédente proposition de loi. La longueur de la durée contractuelle, la potentielle multiplication des adhésions, ou encore l’absence d’information intelligible et facilement accessible constituent les principaux facteurs de la déshérence. Ces différentes causes ne sont pas anodines puisque la déshérence atteint, dans le cas des retraites supplémentaires, près de 13 milliards d’euros.

L’article 1er de votre proposition prévoit de lutter contre la déshérence des encours de retraite en renforçant le compte individuel de retraite numérique, avec une centralisation des informations de retraite. Notre groupe soutient cette proposition, qui prévoit d’organiser des échanges d’information par voie de convention entre le GIP Union Retraite et les différents organismes proposant des produits de retraite supplémentaire.

Votre titre II prévoit de faciliter la prise de connaissance par les assurés des contrats de retraite supplémentaire possédés. Dans une recommandation publiée en janvier, le CCSF déclarait que l’une des causes principales de déshérence est la perte de contact avec les bénéficiaires détenteurs d’un contrat d’épargne retraite, puisque le nombre de plis non distribués dépasse 50 % pour beaucoup d’organismes, et peut même atteindre 90 % chez les plus de 70 ans. Une fois partis de leurs entreprises, les détenteurs de contrats qui n’ont pas connaissance de leur épargne ne peuvent être contactés par les assureurs car ils ont non seulement changé de travail mais aussi, dans la plupart des cas, d’adresse.

Ainsi, nous estimons que votre article 3, qui dispose que l’employeur intègre au solde de tout compte des informations relatives aux contrats de retraite supplémentaire éventuellement souscrits par le salarié dans le cadre de l’entreprise, va dans le bon sens. Cependant, si cette disposition limitera dans l’avenir l’apparition de nouveaux cas de contrats non liquidés, qu’en est-il des contrats de retraite déjà en situation de déshérence ? C’est bien le sujet. Pour y remédier, pourquoi ne pas renforcer l’obligation d’information de l’employeur en instaurant dès le début du contrat un relevé pluriannuel qui signalerait au salarié sa situation actualisée ? Attendre la rupture du contrat de travail pour mettre l’information à disposition peut sembler tardif, compte tenu de l’importance de cet enjeu.

M. Bernard Perrut. On sait combien la préparation de la retraite est un moment important dans la vie de chaque citoyen, et apprendre que l’on bénéficie d’un contrat supplémentaire ne peut être qu’une bonne nouvelle. Mais encore faut-il en être informé, et le montant considérable de 13,3 milliards d’euros de contrats en déshérence ne peut que nous interpeller.

Bien sûr, votre intention est louable, mais je ne sais pas si elle est à la hauteur des attentes, car elle ne règle pas le problème du stock en déshérence. On peut penser que l’organisation que vous proposez sera une bonne chose dans l’avenir, et j’aimerais d’ailleurs connaître sa date de mise en œuvre : combien de temps faudra-t-il pour que puissent figurer sur le site « info-retraite » l’ensemble des contrats souscrits depuis un certain nombre d’années, qui concernent non seulement les bénéficiaires encore en vie mais également les ayants droit ? Comment informer ces derniers ?

Par ailleurs, seriez-vous favorable à l’idée de rendre obligatoire un compte rendu annuel des établissements bancaires à l’ACPR ? Comment les assureurs ont-ils réagi ? Sont‑ils prêts à mettre en œuvre tout cela ? Enfin, comment optimiser les processus de traitement des demandes des usagers pour raccourcir les délais de restitution des avoirs ?

M. le rapporteur. Mon approche est différente de celle de Mme Auconie. Je cherche à renforcer le droit des assurés à l’information sur leurs contrats d’épargne, en particulier leurs contrats d’épargne supplémentaire, en conséquence de quoi je prévois un dispositif qui fait du retraité l’acteur principal, alors que la proposition de loi de Mme Auconie consistait à renforcer les obligations des gestionnaires pour rechercher les ayants droit et à élargir à cette fin leur accès à des fichiers publics. J’ai souligné à plusieurs reprises que cette démarche me semblait embarrassante du point de vue de la protection des données et que la Commission nationale de l’informatique et des libertés y verrait peut-être un inconvénient. Plutôt que de donner de l’information aux gestionnaires, je préfère que les ayants droit se connectent à une plateforme et soient libres de faire ce qu’ils veulent de l’information ainsi obtenue.

Ma méthodologie est également différente. J’ai travaillé au sein du CCSF avec l’ensemble des opérateurs pour essayer de trouver une solution opérationnelle. Cette solution, c’est le GIP Union Retraite, qui est apparu dans la proposition de loi de notre collègue sous forme d’amendement, alors que j’en fais la pièce centrale, à l’article 1er. Dans l’amendement, rien n’était dit ni sur le financement du dispositif, ni sur la communication autour de ce dispositif, ni sur le contrôle de l’obligation des gestionnaires de pousser l’information vers le GIP. Tout cela existe dans ma proposition. Je me suis assuré que les assureurs étaient d’accord sur le financement et le contrôle de l’ACPR.

Je reconnais qu’il reste du travail s’agissant du stock. Le nombre de clics sur le site « info-retraite » est de neuf millions par an et le GIP communique par ailleurs des informations à six millions de retraités dans le cadre du droit à l’information retraite. Cela fait quinze millions de connections informationnelles entre le GIP Union Retraite et les retraités, et c’est par le biais de ce réseau que les retraités seront informés du nouveau dispositif.

Je suis prêt à enrichir cette proposition de loi par une réflexion commune et des amendements, mais je tenais à rappeler son caractère original ; ce n’est pas du « copier-coller ».

La commission en vient à lexamen des articles.

Titre Ier
Relevé de situation individuelle au titre des contrats dassurance de retraite supplémentaire via un service en ligne

Avant larticle 1er

La commission adopte lamendement rédactionnel AS8 du rapporteur.

Article 1er : Création dun relevé de situation individuelle récapitulant les droits constitués par les assurés au titre des produits dépargne retraite

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS12 et AS9 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement AS17 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le respect des obligations de transmission d’information par les gestionnaires sera contrôlé par l’ACPR, autorité chargée de veiller à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires de produits d’épargne retraite. Cet amendement n’étend pas le champ des missions de l’ACPR mais précise la nature de son contrôle.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS16 du rapporteur.

M. le rapporteur. En sus du développement des outils informatiques nécessaires aux échanges d’information, les gestionnaires prendront en charge les dépenses de fonctionnement et de publicité. Tous, d’ailleurs, estiment légitime de participer au financement du dispositif.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AS6 de Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. Le travail des parlementaires est d’enrichir par leurs amendements les textes qui leur sont soumis. C’est ainsi que nous avions adopté un amendement à l’article 1er de ma proposition de loi, grandement inspiré de vos conseils, monsieur le rapporteur, puisqu’il conférait un rôle central au GIP Union Retraite. Nous gagnerions beaucoup de temps en réunissant nos deux approches : la vôtre se situe du côté des bénéficiaires, la mienne est axée sur le travail des gestionnaires.

Quand, après la phase de recoupement d’information par le GIP Union Retraite, des bénéficiaires restent non identifiés, il faut en informer les gestionnaires. Ceux-ci poursuivront alors la recherche par d’autres méthodes.

M. le rapporteur. Les gestionnaires ne se trouvent pas libérés de leurs obligations légales de recherche une fois l’information donnée par le GIP Union Retraite ! Ces obligations perdurent, indépendamment du dispositif. Or votre amendement laisse penser le contraire. J’y suis défavorable, d’autant que vous ne précisez pas la nature des méthodes de recherche qu’ils doivent employer.

M. Stéphane Viry. Pourquoi ne pas inciter, mobiliser davantage les gestionnaires ? Je peine à comprendre votre avis, monsieur le rapporteur.

Mme Sophie Auconie. Je n’ai d’autre intérêt que de rendre le dispositif plus efficace. Pour que l’argent des contrats en déshérence revienne dans les poches de leurs bénéficiaires, il faut aller jusqu’au bout du dispositif et user de tous les moyens.

M. le rapporteur. Les assureurs sont déjà soumis à une obligation de moyens et peuvent être sanctionnés par l’ACPR. Votre amendement n’apporte rien au cadre réglementaire existant.

Mme Sophie Auconie. Bien que les sociétés d’assurance soient tenues de rechercher les bénéficiaires, il reste 13,3 milliards d’euros sur leurs comptes ! Complétons ce dispositif et rendons-le plus efficace en réunissant nos deux approches. Il est de notre responsabilité de redonner ainsi du pouvoir d’achat à nos concitoyens, sans que cela coûte un centime à l’État !

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel AS11 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS3 de Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. Lorsque les contrats datent de plusieurs décennies, les informations détenues par les assureurs peuvent être très dégradées ; il existe alors un risque que le GIP Union Retraite ne retrouve pas la trace des bénéficiaires ou des ayants droit.

En cas d’échec, il reviendra aux gestionnaires de mener une recherche active avec des organismes spécialisés dans la révélation de succession – les conditions de rémunération et le seuil d’encours des contrats concernés seront fixés par voie réglementaire. Lorsque les assureurs n’ont pas maintenu le contact avec leurs clients, il leur revient la responsabilité de les retrouver afin de leur restituer les sommes dues.

M. le rapporteur. Le GIP Union Retraite n’a pas pour mission de rechercher les ayants droit. Ceux-ci doivent faire eux-mêmes la démarche en se rendant sur le site « info-retraite ».

Par ailleurs, les gestionnaires sont déjà tenus de rechercher, sous le contrôle de l’ACPR, les bénéficiaires et les ayants droit. Les compagnies d’assurance doivent croiser leurs fichiers avec le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) et, en cas de décès de l’assuré, rechercher pendant dix ans ses ayants droit. La loi « PACTE » a renforcé ces obligations en prévoyant que les assureurs doivent conduire les mêmes recherches dès que lors la date de naissance de l’assuré remonte à cent vingt années. En cas d’échec, le montant du contrat est versé à la CDC.

Enfin, fixer pour deux personnes privées une obligation de conclure un contrat commercial, qui plus est en déterminant une partie des termes du contrat par voie réglementaire, me semble une solution juridiquement fragile.

Mme Sophie Auconie. Ce n’est certes pas la mission du GIP Union Retraite mais grâce au croisement des informations, il aura la capacité de trouver les bénéficiaires et les ayants droit.

S’agissant des démarches pouvant être entreprises par les bénéficiaires et les ayants droit, disons les choses franchement : personne ne connaît le site ciclade.fr, qui permet de rechercher et d’obtenir la restitution de sommes non réclamées transférées à la CDC, et peu d’entre nous se sont déjà rendus sur le site « info-retraite » !

M. Dominique Da Silva. L’information doit être la plus exhaustive possible. Les personnes qui ne sont pas parvenues à l’âge de la retraite ne consultent pas forcément le site « info-retraite ».

M. Bernard Perrut. Il faut, par tous les moyens, rendre le dispositif plus efficace et renforcer l’obligation de recherche, notamment des ayants droit. Je ne suis pas certain que les organismes fassent toujours le nécessaire : leur intérêt n’est-il pas de conserver cette manne ?

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AS5 de Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. Si le GIP Union Retraite ne parvient pas à retrouver le bénéficiaire ou l’ayant droit, les assureurs devront confier la recherche à des organismes spécialisés dans la révélation de succession. Ce dispositif sera mis en place à titre expérimental et un rapport évaluera son efficacité.

La CDC éprouve des difficultés pour restituer les sommes en déshérence ; il ne faudrait pas que le GIP Union Retraite connaisse la même situation !

M. le rapporteur. Votre approche comporte un biais : le GIP Union Retraite n’a pas pour mission de retrouver le bénéficiaire ou l’ayant droit, il doit simplement mettre à leur disposition l’information. De la même manière, les contrats ne sont pas confiés au GIP, il ne lui appartient pas d’en restituer le produit. Ce sont les assureurs qui ont la responsabilité de leur gestion et cette proposition de loi ne les délie pas de leurs obligations légales de recherche et d’information.

Avis défavorable.

M. Bernard Perrut. Comment doit procéder un ayant droit pour obtenir l’information, puisqu’il n’a pas accès au compte du bénéficiaire sur le site « info-retraite » ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Une telle expérimentation me semble intéressante, madame Auconie : pourriez-vous proposer en séance un amendement qui ne ferait pas mention du GIP Union Retraite ?

M. le rapporteur. Monsieur Perrut, les organismes gestionnaires doivent croiser leurs fichiers clients avec le RNIPP. Si le bénéficiaire d’un des contrats est reconnu décédé, ils ont l’obligation de rechercher ses ayants droit, par tous les moyens et durant dix ans. La même obligation leur incombe si la date de naissance du bénéficiaire remonte à plus de cent vingt années. Ces recherches leur coûtent très cher, ainsi que le rappelle le secrétaire général de la Fédération française de l’assurance dans Les Échos.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 1er ainsi modifié

Titre II
Faciliter la prise de connaissance par les assurés des contrats de retraite supplémentaire possédés

Article 2 : Mise en œuvre dune campagne de communication sur le relevé de situation individuelle récapitulant les droits acquis au titre de lépargne retraite

La commission adopte lamendement rédactionnel AS14 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement AS18 du rapporteur.

M. le rapporteur. Conformément aux négociations tenues au sein du comité consultatif et financier, les gestionnaires de produits d’épargne retraite supporteront le coût de la campagne de communication, en lieu et place des organismes chargés de la gestion des régimes de retraite obligatoires.

M. Bernard Perrut. Une remarque, d’abord : si les recherches menées par les organismes étaient si fructueuses, il n’y aurait pas 13,3 milliards d’euros non réclamés sur leurs comptes ! Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à ma question : comment les ayants droit peuvent-ils apprendre leur qualité d’ayant droit ?

M. le rapporteur. Les héritiers d’une personne décédée trouveront l’information qu’ils sont ayants droit d’un contrat sur le site ciclade.fr de la CDC.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 2 ainsi modifié.

Article 3 : Création dune obligation dinformation relative à lépargne retraite au profit des salariés dans le cadre de la remise du solde de tout compte

La commission adopte lamendement rédactionnel AS15 du rapporteur.

Puis elle adopte larticle 3 ainsi modifié.

Après larticle 3

La commission est saisie de lamendement AS7 de Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. À lheure actuelle, les fichiers ne permettent pas de retrouver les bénéficiaires des contrats de retraite supplémentaire en déshérence. Lamendement AS7 vise donc à compléter larticle L. 312-20 du code monétaire et financier par un paragraphe prévoyant une expérimentation dans le cadre de laquelle la CDC confiera à des organismes spécialisés dans la révélation de succession la mission deffectuer des recherches afin de retrouver les bénéficiaires des encours en déshérence, placés auprès de la Caisse avant leur acquisition par les finances de lÉtat.

M. le rapporteur. L’amendement AS7 est pratiquement identique à l’amendement AS1, que vous avez également déposé. Toutefois, contrairement à ce dernier, il vise à modifier l’article L. 312-20 du code monétaire et financier, ce qui me paraît inopportun, puisque cet article ne porte absolument pas sur les contrats d’assurance retraite complémentaire, mais sur la gestion des comptes bancaires inactifs en déshérence et que ses dispositions deviendraient incohérentes. En revanche, je serai tout à fait ouvert à la discussion au sujet de l’amendement AS1.

Mme Sophie Auconie. Au bénéfice de ces explications, je retire l’amendement AS7.

Lamendement est retiré.

Article 4 (nouveau) : Expérimentation dun dispositif de recherche des bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaire en déshérence

La commission examine lamendement AS1 de Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. Il est très similaire à l’amendement AS7, si ce n’est qu’il ne prévoit pas de modification de l’article L. 312-20 du code monétaire et financier.

M. le rapporteur. J’aurais pu ajouter mon nom à la liste des cosignataires de cet amendement, qui me paraît fondé sur une idée intéressante. En effet, les obligations des gestionnaires s’éteignent une fois que les contrats ont été transférés à la CDC, qui n’est elle‑même pas tenue de rechercher les bénéficiaires, mais simplement de répondre à leurs demandes de renseignements au moyen de la plateforme Ciclade. Si les ayants droit potentiels n’accomplissent pas la démarche consistant à se connecter à Ciclade, ils ne sont donc jamais informés du fait qu’ils sont bénéficiaires d’un contrat d’assurance retraite supplémentaire.

L’idée de récupérer des dossiers auprès de la CDC pour les transférer à des organismes privés spécialisés dans la recherche de successions me semble un outil prometteur pour lutter contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire ; c’est pourquoi j’émets un avis favorable à cet amendement.

M. Stéphane Viry. Je me félicite de votre avis favorable à un amendement venant utilement compléter votre proposition de loi. L’expérimentation consistant à confier, pendant deux ans, une mission à des « détectives privés » me semble vraiment aller dans le bon sens.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cette disposition complémentaire semble effectivement intéressante, mais Mme Auconie pourrait-elle nous préciser ce qu’elle entend par « organismes volontaires » ?

Mme Sophie Auconie. Il s’agit d’organismes exerçant une activité très similaire à celle des cabinets de recherche en généalogie, auxquels les établissements bancaires ou assurantiels font souvent appel lorsqu’ils recherchent les bénéficiaires de contrats en déshérence ; les notaires peuvent également recourir à leurs services pour retrouver certains héritiers dans le cadre d’une succession compliquée.

La commission adopte lamendement.

Après larticle 3

La commission est saisie de lamendement AS4 de Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. Nous avons évoqué le fait que le GIP Info Retraite est très peu connu. Demain, pourtant, il permettra à nos concitoyens de se renseigner sur les contrats souscrits par des personnes de leur entourage et dont ils peuvent être bénéficiaires. Dans le même esprit, j’estime que le fichier Ciclade doit bénéficier d’une campagne nationale de communication, car il est encore inconnu. Chacun de nous a intérêt à se connecter à la plateforme afin de vérifier s’il ne serait pas bénéficiaire d’un contrat en déshérence : l’ayant fait moi-même, j’ai eu la bonne surprise de trouver un tel contrat, et je sais que c’est le cas d’au moins une autre personne dans cette salle. Si nous, qui sommes au cœur de l’activité législative, ne connaissons pas Ciclade, qui peut bien connaître cette plateforme en France ?

Je ne vois pas ce que cela coûterait à l’État de faire financer par les sociétés d’assurance une campagne de communication nationale, comme on le fait pour d’autres dispositifs, par exemple le 3919 ou « Cinq fruits et légumes par jour ». Mieux informés, les Français seraient plus à même de récupérer des capitaux qui leur reviennent et dorment aujourd’hui dans les coffres de la CDC ou des assureurs.

M. le rapporteur. Je partage l’idée selon laquelle la plateforme Ciclade devrait être mieux connue – j’ai moi-même proposé à l’article 2 que le GIP Union retraites lance une campagne de communication sur le site « info-retraite », financée par les gestionnaires de contrats. Cependant, votre amendement va plus loin, en prévoyant expressément que ces gestionnaires privés aient à financer une campagne de communication de la CDC, ce qui me paraît un peu étrange car c’est elle-même qui devrait s’en charger.

Par ailleurs, je suis convaincu que, dans ce domaine des contrats de retraite supplémentaires en déshérence, nous ne pourrons avancer que par la voie de la concertation, afin de parvenir à un accord unanime. Les gestionnaires de contrats se sont montrés proactifs en cherchant spontanément une solution, et cette démarche a abouti à ce que le CCSF rende sur ce point un avis unanime. Par votre amendement, vous introduisez de nouvelles obligations financières à la charge des organismes privés, sans les avoir consultés : je suis désolé de vous le dire, mais une telle disposition me paraît à la fois tirée par les cheveux et pas très opérationnelle. Il faut effectivement faire en sorte que la plateforme Ciclade soit mieux connue, mais cet objectif doit être atteint par d’autres moyens.

Mme Sophie Auconie. Il ne s’agit absolument pas d’obliger des sociétés d’assurance privées à prendre en charge la campagne de communication de Ciclade. Je rappelle qu’il existe déjà une relation contractuelle entre la CDC et les assurances, puisque les gestionnaires de contrats transmettent à la CDC l’ensemble des informations relatives aux contrats dont les bénéficiaires et leurs ayant droit n’ont pu être retrouvés, afin qu’elles soient intégrées aux fichiers de Ciclade.

Si la CDC veut prendre à sa charge le coût de la campagne de communication, tant mieux, mais je ne suis pas certaine que cela entre dans ses prérogatives, et encore moins dans ses intentions... C’est pourquoi je propose d’inscrire dans la loi une campagne de communication comparable à ce qui se fait couramment aujourd’hui au service de la lutte contre les addictions au jeu ou contre les violences sexistes et sexuelles. Ne perdons pas de vue que ce qui est ici en jeu, c’est de redonner aux Français plusieurs milliards d’euros de pouvoir d’achat !

Je peux admettre que la rédaction de cet amendement soit éventuellement à revoir, mais franchement je ne comprendrais pas que la majorité repousse l’idée d’une campagne de communication sur la plateforme Ciclade.

La commission rejette lamendement.

Enfin, elle adopte lensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Nous avons encore un peu de temps avant l’examen de ce texte en séance publique ; j’espère que nous saurons en profiter pour l’améliorer.

*

*     *

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à lAssemblée nationale dadopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3112_texte-adopte-commission.pdf

 

 

 


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   PERSONNES AUDITIONNÉES par le rapporteur

Groupement d’intérêt public Union Retraite – M. Stéphane Bonnet, directeur


([1]) Loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence.

([2]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([3]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([4]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([5]) Ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite.

([6]) Les provisions mathématiques désignent le montant des engagements des sociétés d’assurance à l’égard de l’ensemble des assurés. Ce sont plus précisément les réserves constituées par l’assureur afin de garantir le paiement des prestations.

([7]) DREES, données disponibles sur data.drees, publiées en janvier 2020.

([8]) Les volumes financiers relatifs aux contrats d’assurance sont identifiés par le montant des provisions mathématiques constituées par les assureurs. Dans le cas des PERCO, le montant retranscrit dans le tableau fait référence aux encours d’épargne formés par les titulaires de ce type de produit.

([9]) Rapport de l’ACPR au Parlement, Contrats dassurance vie dont les prestations sont liées à la cessation dactivité professionnelle, 24 mai 2018.

([10]) Ibid.

([11]) Communication de la Cour des comptes en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, « Les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence ».

([12]) Cour des comptes, Tome II (suivi des recommandations), Rapport public annuel 2019, février 2019.

([13]) Loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence.

([14]) Article L. 132-9-3 du code des assurances et décret n° 2019-341 du 19 avril 2019.

([15]) Article L. 166 E du livre des procédures fiscales.

([16]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([17]) Article L. 132-9-5 du code des assurances.

([18]) Ces fichiers recouvrent le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) et les données de domiciliation communiquées par l’administration fiscale à l’Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (AGIRA).

([19]) Rapport de l’ACPR au Parlement, Contrats dassurance vie dont les prestations sont liées à la cessation dactivité professionnelle, 24 mai 2018.

([20]) Rapport sur l’évolution de la situation économique et budgétaire, troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, juin 2020.

([21]) Loi n° 75-3 du 3 janvier 1975 portant diverses améliorations et simplifications en matière de pensions ou allocations des conjoints survivants, des mères de famille et des personnes âgées.

([22]) Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([23]) Version de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale en vigueur au 22 août 2003.

([24]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([25]) Article L. 161-17-1-1 du code de la sécurité sociale.

([26]) Article R. 161-59 du code de la sécurité sociale.

([27]) Article 10 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([28]) Convention constitutive du groupement d’intérêt Union Retraite résultant de l’arrêté du 9 décembre 2014 portant approbation de modifications de la convention constitutive du « GIP Info retraite ».

([29]) Les organismes de retraite supplémentaire ont été créés par les dispositions de l’ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017, en réponse au nouveau cadre prudentiel européen institué par les directives « Solvabilité II » et « IORP ». Ces organismes sont spécialisés dans la fourniture de produits d’épargne retraite, ce qui leur permet de proposer des rendements compétitifs en comparaison aux fonds de pension étrangers.

([30]) Rapport d’information n° 667 fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat, juillet 2017.

([31]) Convention constitutive du groupement d’intérêt Union Retraite résultant de l’arrêté du 9 décembre 2014 portant approbation de modifications de la convention constitutive du « GIP Info retraite ».

([32]) Ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006.

([33]) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([34]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([35]) Article L. 132-9-5 du code des assurances.

([36]) Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail.

([37]) Ces contrats recouvrent les contrats type « article 83 », « article 39 », « article 82 » ou encore les plans d’épargne retraite entreprise (PERE).

([38]) Article 71 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

([39]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9198438_5ee8dff80ebd4.commission-des-affaires-sociales--desherence-des-contrats-de-retraite-supplementaire-16-juin-2020