N° 3339 rectifié

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI,

de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur
(n° 3234)

PAR Mme DaniÈle HERIN, rapporteure générale,
M. Philippe BERTA, Mme ValÉrie GOMEZ-BASSAC, et
M. Pierre-Alain RAPHAN

Députés

——

 

 

AVIS

 

FAITS

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ECONOMIE GENERALE
ET DU CONTROLE BUDGETAIRE

 

par M. Francis CHOUAT

Député

 

AU NOM DE
LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

 

par M. Richard LIOGER
Député

——

 

TOME II

COMPTE RENDU DES TRAVAUX DES COMMISSIONS

 

 

 Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3234.

 


 

 


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SOMMAIRE

___

 Pages

compte rendu des Travaux de la commission au fond

I. Audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et discussion gÉnÉrale

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 15 heures ()

II. examen des articles

1. Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 17 heures (article premier et rapport annexé) ()

Article 1er Approbation du rapport annexé

2. Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 21 heures (suite de l’article premier - rapport annexé à l’article 3) ()

Article 1er (suite) Approbation du rapport annexé

Après l’article 1er

Article 2 Programmation des crédits budgétaires de la recherche

Après l’article 2

Article 3 Création de parcours de titularisation pour les directeurs de recherche et les professeurs de l’enseignement supérieur

3. Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 17 heures 15 (de l’article 4 à l’article 12) ()

Article 4 Création d’un contrat à durée déterminée pour la formation doctorale dans le secteur privé

Après l’article 4

Article 5 Encadrement du contrat post-doctoral

Après l’article 5

Article 6 Création d’un CDI de mission scientifique

Après l’article 6

Article 7 Simplification des modalités d’accueil des doctorants et chercheurs étrangers bénéficiaires d’un financement dédié dans le cadre d’un séjour de recherche

Après l’article 7

Article 8 Promotions en cours de détachement ou de mise à disposition

Article 9 Maintien en fonction des professeurs et directeurs de recherche lauréats de grands appels à projets

Article 10 Évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

Article 11 Unités de recherche

Article 12 Agence nationale de la recherche (ANR)

4. Réunion du mardi 21 septembre 2020 à 21 heures (de avant l’article 13 à l’article 25) ()

Avant l’article 13

Article 13 Participation d’agents publics à une entreprise pour valoriser des travaux de recherche

Après l’article 13

Article 14 Cumul d’activités à temps partiel

Après l’article 14

Article 15 Attribution des primes et dispositifs d’intéressement

Article 16 Autorisation de licences collectives pour l’utilisation en ligne d’œuvres protégées relevant des arts visuels dans le cadre d’une activité d’enseignement supérieur ou de recherche

Après l’article 16

Article 17 Simplification de l’organisation et du fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et des fondations partenariales

Article 18 Autorisation des conventions de mandats, des dons et des legs pour l’Institut de France

Article 19 Régime de déclaration préalable des activités accessoires des chercheurs et des enseignants-chercheurs

Article 20 Dispositions de simplification en matière de formation dans l’enseignement supérieur

Après l’article 20

Article 21 Ratification et modification de l’ordonnance du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, regroupement ou fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche

Article 22 Habilitations à légiférer par voie d’ordonnances

Article 23 Dissolution de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France

Article 24 Comités territoriaux de la recherche en santé

Article 25 Reclassement rétroactif de certains agents

Après l’article 25

Titre

TRAVAUX DE LA COMMISSION des affaires Économiques

TRAVAUX DE LA COMMISSION des Finances


—  1  —

 

   compte rendu des Travaux de la commission au fond

I.   Audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et discussion gÉnÉrale

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 15 heures ([1])

M. le président Bruno Studer. Nous engageons nos travaux sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur. Mme Danièle Hérin a été désignée rapporteure générale tandis que M. Philippe Berta, Mme Valérie Gomez-Bassac et M. Pierre‑Alain Raphan étaient nommés rapporteurs, le 27 juillet dernier. M. Frédéric Reiss a été désigné hier comme rapporteur de l’opposition pour l’application de ce projet de loi.

Depuis la fin du mois d’août, les rapporteurs ont procédé à un nombre important d’auditions. Je les remercie pour le travail considérable qu’ils ont accompli dans un délai restreint. Je salue également M. Francis Chouat, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances.

Le projet de loi fait l’objet d’une procédure accélérée. Son examen en séance publique est prévu à partir de lundi 21 septembre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je suis particulièrement heureuse et honorée d’ouvrir, avec cette audition, l’examen en commission des affaires culturelles et de l’éducation du projet de loi de programmation de la recherche (LPR). La crise sanitaire a mis en évidence l’importance de la recherche, publique comme privée, et nous a rappelé que nous pouvions être fiers de nos chercheurs, de nos enseignants-chercheurs, de tous ceux qui font vivre la recherche dans notre pays.

Je salue l’engagement des centaines de chercheurs participant au réseau REACTing, au service de la lutte contre le virus, celui des chercheurs de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), qui ont la responsabilité de l’application StopCovid, celui de l’ensemble des organismes et universités mobilisés. Tous les champs disciplinaires et toutes les facettes de notre appareil de recherche ont été et restent mobilisés face au virus, depuis le premier jour, et je tenais à leur rendre solennellement hommage devant vous.

Je souhaite également remercier la communauté universitaire et de la recherche qui s’est mobilisée dans un contexte sanitaire incertain, afin de faire vivre le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Je salue son travail et son engagement de chaque instant. Permettez-moi également d’adresser ces hommages à ceux qui prolongent leur engagement en cette période de rentrée universitaire, si particulière.

Le texte qui vous est soumis est dédié aux prochaines générations. C’est au sein des universités et des écoles que tout se joue. Le contexte de présentation de ce projet de loi est exceptionnel mais le texte était particulièrement attendu. De fait, il y a déjà vingt ans que la stratégie de Lisbonne a fixé un objectif qui reste, pour notre pays, une ambition et un défi : porter à 3 % du PIB l’effort national pour la recherche publique et privée. À force de multiplier les occasions manquées, nous avons perdu une décennie.

Rappelons qu’en 2010, les crédits affectés aux programmes 150, 172 et 193, à savoir la recherche publique, dans la loi de programmation pluriannuelle, s’élevaient à 11,42 milliards d’euros. En 2016, ils ne dépassaient pas 11,45 milliards d’euros. Les crédits ont presque stagné alors que le monde scientifique évolue et ne nous a pas attendus. En 2005, la loi Goulard avait bien programmé un effort considérable de 19,4 milliards sur quatre ans, mais, hélas ! faute de cadre juridique suffisant, cet objectif n’a pas été atteint. La stratégie nationale de la recherche, tout aussi ambitieuse, s’est retrouvée, de la même manière, dépourvue de portée juridique et de financement. Les investissements furent faibles au regard du nombre de livres blancs.

Je suis convaincue que le présent projet de loi de programmation nous permettra de réussir. Le chemin est encore long et nous devrons fournir collectivement des efforts considérables, mais nous avons l’occasion de poser ensemble les jalons qui nous permettront d’atteindre nos ambitions.

Malgré les réformes successives, le nombre d’inscriptions en doctorat n’a cessé de diminuer ces vingt dernières années : 20 000 en l’an 2000, moins de 17 000 en 2019. C’est là l’effet de l’érosion des rémunérations, du tarissement des recrutements et de la perte d’attractivité des métiers de la recherche publique en France, au profit d’universités ou d’entreprises dans des pays qui ont misé sur la connaissance et l’innovation.

Malgré tout, la France est demeurée une grande nation scientifique grâce à l’héritage des choix courageux qui ont été faits depuis la création du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) jusqu’à la loi Chevènement, mais surtout grâce à l’engagement des femmes et des hommes qui ont su faire vivre la recherche malgré la sécheresse des financements et le manque de reconnaissance de leur travail. La lassitude, voire la colère, de certaines franges de la communauté scientifique, puisent là leurs racines profondes : manque de moyens, de visibilité, de temps pour la recherche, insuffisance de postes, surcharge administrative. Je l’ai vécu et je sais que certains d’entre vous, qui viennent du monde de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’ont éprouvé aussi. Nous arrivons aujourd’hui à un point où nous risquons de décrocher face à des pays qui ont su mener une politique de recherche ambitieuse sur le plan international – la Chine, la Corée du Sud, l’Allemagne ou les pays anglo-saxons qui restent dominants.

La connaissance n’a pas de frontières. La recherche est, par nature, internationale et cosmopolite. Il n’y a pas de grand pays sans une grande recherche, pas d’économie prospère sans une recherche dynamique. J’irai même plus loin : à l’heure du risque sanitaire global, de l’intelligence artificielle, du quantique, il n’y a pas de pays souverain sans une recherche publique et privée portée au meilleur niveau international.

Le texte que j’ai l’honneur de vous présenter répond à ces différents enjeux. Il est le fruit d’un dialogue nourri et d’une large concertation auxquels plusieurs d’entre vous ont déjà participé au travers de groupes de travail dont les apports ont été déterminants, qu’il s’agisse du financement de la recherche, de l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques, de la recherche partenariale et de l’innovation. Il est aussi le fruit d’une consultation qui a recueilli près d’un millier de contributions, de centaines de déplacements au plus près des femmes et des hommes qui font vivre la recherche dans notre pays. Le travail, le dialogue et la concertation se poursuivent. Nous travaillons ainsi, avec l’Assemblée nationale, afin de dégager ensemble un chemin pour les dix prochaines années.

Une décennie représente le temps de respiration naturelle pour la recherche mais ne correspond pas au temps institutionnel. Je ne doute pas que nous en reparlerons. Notre responsabilité sera de trouver un chemin collectif pour redonner des armes à la recherche publique, au-delà des clivages, dans l’intérêt général de notre pays.

Le dialogue et la concertation se poursuivent également avec les représentants de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce texte a été adopté par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). C’est le second projet de loi jamais adopté par cet organe depuis sa création, après la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (CNESERAC), a également approuvé ce texte, qui est par ailleurs discuté au niveau du comité national de la fonction publique d’État.

Le dialogue social se poursuit avec les organisations syndicales. Le 24 juillet dernier, j’ai proposé aux syndicats représentatifs, au sein du ministère, un protocole d’accord relatif aux perspectives de rémunération et de carrière ouvertes par le projet de loi de programmation pour la recherche. Je leur ai adressé des propositions concrètes, chiffrées, financées. Les négociations sont en cours et je vous informerai des conclusions.

Vous l’aurez compris, nous avons l’intention de porter enfin l’effort national pour la recherche à 3 % du PIB. Cet objectif est inscrit à l’article 1er. Nous vous proposons ainsi de réinjecter 25 milliards d’euros dans notre système de recherche au cours des dix prochaines années.

Derrière les chiffres se cache le souhait de porter haut une ambition scientifique renouvelée pour notre pays, car nous n’avons jamais eu autant besoin de science qu’aujourd’hui. En matière de santé, la crise sanitaire nous a fait prendre conscience de la nécessité de mieux connaître les maladies, qu’elles soient communes, rares, émergentes ou ré-émergentes, en nous inscrivant dans une perspective de santé globale qui intègre la santé humaine, animale, environnementale, sans négliger les sujets du vieillissement et de la dépendance, de plus en plus prégnants.

La montée en puissance des enjeux environnementaux illustre avec autant d’évidence ce besoin de science. La crise climatique et écologique, l’épuisement des ressources, la mise en danger de la biodiversité, mais aussi l’évolution des milieux naturels et humains nous invitent à aborder ces questions de manière pluridisciplinaire, avec la plus grande rigueur et une parfaite lucidité. Nous ne gérerons pas la complexité de ces évolutions d’un simple coup de menton. Les bonnes intentions, les convictions, aussi profondes soient-elles, ont besoin de science pour se transformer en actions et en solutions pérennes.

La révolution numérique, aussi, concerne tous les pans de notre société. L’intelligence artificielle, l’analyse des données, le calcul intensif nous ont ouvert de formidables perspectives dans le domaine de la santé et de l’industrie du futur. Nous ne sommes qu’au début de leur exploration. Parallèlement, ces nouvelles technologies font émerger de nouvelles questions autour du respect de la vie privée, de la souveraineté, de leur accessibilité dans l’ensemble du territoire. Elles ont aussi nourri les croyances infondées, les préjugés et les fausses informations, qui circulent de manière virale, concurrencent le discours scientifique et finissent par le fragiliser. La recherche doit aussi permettre de remédier à ces problèmes.

Certains se plaindront que 25 milliards en dix ans, c’est insuffisant ; d’autres jugeront que le rythme est trop lent ; d’autres, encore, auraient voulu faire autrement. Nous n’avons pas l’intention de dessiner la programmation idéale – elle occupe déjà de pleines étagères. Nous préférons construire une programmation réaliste et soutenable, qui permette à la recherche de respirer en lui donnant une visibilité sur le long terme. La trajectoire que nous vous proposons, au cœur de la programmation, est logique et cohérente. Premier pilier de ce projet de loi, elle est structurée en trois séries de marches : des tranches cumulatives de 400 millions d’euros entre 2021 et 2023, quatre tranches de 500 millions puis les trois dernières de 600 millions.

Cette programmation est un socle qui nous permet de tracer notre politique de recherche. Elle ne dit pas tout de l’évolution du budget du ministère ni des crédits alloués à la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) pour les dix prochaines années. La programmation est, en quelque sorte, le vaisseau amiral d’une entreprise plus globale de soutien à la recherche publique et privée.

Le plan de relance et le quatrième programme d’investissements d’avenir, le PIA 4, s’ajoutent aux enveloppes des trois précédents programmes pour transformer notre système de recherche dans tout notre pays. La programmation a été pensée de manière à construire des ponts avec la prochaine génération de contrats de plan entre l’État et les régions mais aussi avec le programme Horizon Europe. Tous ces programmes sont synchronisés pour amplifier, dès 2021, l’effort de recherche.

Cet alignement des planètes sans précédent permettra au secteur de la recherche de bénéficier, en plus du 1,2 milliard d’euros prévu jusqu’à la fin du quinquennat dans le cadre du projet de loi de programmation, de 3,2 milliards en deux ans. Au total, 4,4 milliards d’euros seront investis en plus dans la recherche en deux ans. Ce mouvement est inédit. C’est un effort sans précédent qu’aucun Gouvernement n’a consenti depuis plusieurs décennies.

La programmation est construite de manière progressive, de façon à donner de la visibilité aux métiers de la recherche et à les assurer de l’arrivée de nouveaux moyens chaque année. Concrètement, la perspective de disposer de moyens supplémentaires animera chaque année d’un nouvel élan les équipes de laboratoires ou d’établissements de recherche pour mener les meilleurs travaux de recherche possibles.

Au terme de la programmation, le budget du ministère dédié à la recherche sera supérieur de 5 milliards d’euros à celui de 2020, indépendamment du PIA, du budget européen, du contrat de plan État-région et du plan de relance.

Cette trajectoire est nourrie par deux dispositions majeures prévues aux articles 11 et 12 du projet de loi, qui tendent à moderniser le financement de la recherche en renforçant la solidarité entre les équipes et la cohésion territoriale. Nous souhaitons, en effet, mettre fin à l’opposition entre les financements par appel à projets et les financements de base. Soyons clairs, la recherche ne souffre pas d’un excès de financement par appel à projets mais d’un défaut de financement global. L’Agence nationale de la recherche (ANR) fut l’une des grandes perdantes de la dernière décennie. Or il n’y a pas de grand pays scientifique sans une grande agence de financement de la recherche. Au cours de la dernière législature, ces crédits sont passés de 700 à 500 millions d’euros, ce qui est très inférieur aux sommes consacrées par la Suisse ou les Pays-Bas à leur recherche.

Du fait de la faiblesse des moyens de l’Agence nationale de la recherche, notre pays a enregistré l’un des plus faibles taux de succès au monde : 15 % à mon arrivée au ministère. Nous sommes parvenus à atteindre 17 % en renforçant les moyens annuels.

Pour illustrer la faiblesse des moyens de base, je ne citerai que l’exemple du CNRS. En 2011, les moyens consacrés directement aux laboratoires s’élevaient à 635,7 millions d’euros. En 2017, ils avaient chuté d’un peu moins de 7 % et n’étaient plus que de 591,9 millions d’euros, ce qui représentait une baisse nette de 44 millions d’euros.

En soi, le projet de loi de programmation pour la recherche opère une petite révolution. Tout d’abord, il fixe un premier objectif simple : porter le taux de succès de l’ANR à 30 %. À cette fin, nous lui allouerons 1 milliard d’euros supplémentaire.

Nous comptons, par ailleurs, doubler le taux de préciput, qui représente la part du financement revenant non aux porteurs de projet mais aux établissements dans lesquels ces projets sont menés. Parallèlement à la hausse du budget de l’Agence nationale de la recherche, environ 450 millions d’euros de crédits de base seront distribués chaque année à ces établissements, en plus des moyens qu’ils percevront au travers de leur dotation budgétaire. Une équipe qui gagnera un appel à projets de l’ANR contribuera ainsi au financement de son laboratoire mais aussi à la politique scientifique de son établissement ou de son site.

La reconnaissance juridique du laboratoire de recherche sera un outil pour orienter directement une partie des crédits de politique scientifique vers les laboratoires, qu’ils soient ou non lauréats d’appels à projets, au service des politiques de sites conduites par les universités et les organismes. Dans les territoires, les universités et les organismes pourront ainsi percevoir chaque année plusieurs millions d’euros en crédits de base supplémentaires, dans un cadre qui leur permettra de développer leur signature dans le domaine de la recherche.

D’autres dispositifs permettront encore de renforcer les moyens de base des laboratoires, dans le prolongement des mesures de soutien que j’ai souhaité prendre dès 2017 et que nous allons amplifier. Je pense aussi aux contrats d’objectifs et de moyens qui devraient remplacer les contrats d’objectifs et de performance, dépourvus aujourd’hui de clauses financières.

Grâce à ce projet de loi de programmation et aux mesures du plan de relance, les moyens de base des laboratoires devraient augmenter très sensiblement dès les deux prochaines années.

Nous avons également l’ambition de faire émerger une nouvelle génération de scientifiques en rendant aux carrières scientifiques la reconnaissance et l’attractivité qu’elles méritent. Ce sera le deuxième pilier du projet de loi de programmation pour la recherche. La programmation représente, à cet égard, une nouvelle donne, en ciblant chacun des points critiques susceptibles de fragiliser le parcours des femmes et des hommes qui ont décidé de consacrer leur vie à la poursuite de la connaissance.

Le projet de loi porte le premier plan de revalorisation du doctorat. Après avoir obtenu la reconnaissance du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles en 2018, nous voulons aujourd’hui revaloriser de 30 % les contrats doctoraux d’ici à 2023 et augmenter de 20 % le nombre de thèses financées avant la fin de la programmation.

L’objectif est clair : chaque doctorant doit pouvoir financer sa thèse. Nous avons ainsi l’intention d’augmenter de 50 % le nombre de bourses obtenues par le dispositif CIFRE – convention industrielle de formation par la recherche –, de travailler à partir de contrats directement financés par le ministère, et de créer une nouvelle voie d’accès dans le corps des chercheurs et enseignants-chercheurs par la chaire de professeur junior. Enfin, je souhaite travailler aussi bien avec les associations qu’avec les collectivités territoriales, qui ont des besoins spécifiques, afin d’éradiquer la précarité dans le troisième cycle en moins de dix ans. Des mesures particulières permettront, par ailleurs, d’améliorer l’accueil des doctorants et des chercheurs étrangers.

Sur le plan juridique, le projet de loi de programmation prévoit de créer le premier contrat doctoral de droit privé afin de favoriser la rédaction de thèses au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et des entreprises. L’enjeu est majeur : faciliter l’insertion professionnelle des jeunes docteurs et des jeunes chercheurs.

Afin de lutter contre la précarité et d’entourer d’un maximum de garanties juridiques les jeunes docteurs, nous vous proposons également de créer un contrat postdoctoral de droit public comme de droit privé, qui donnerait un cadre juridique clair et adapté à cette période charnière et décisive qui suit le doctorat.

Rappelons, même si c’est une évidence, que nos chercheurs et nos enseignants‑chercheurs sont mal rémunérés puisqu’ils gagnent en moyenne 1,3 SMIC à 34 ans, quand ce n’est plus tard, après une thèse et plusieurs contrats postdoctoraux, après des années de contrats précaires. Ce scandale qui érode, année après année, l’attractivité des carrières scientifiques, est dénoncé depuis longtemps. Il appartiendra désormais au passé car, dès l’an prochain, plus aucun chercheur ou enseignant chercheur ne sera recruté à moins de 2 SMIC. L’article 25 prévoit d’appliquer rétroactivement ces mesures à ceux qui ont intégré le corps des chercheurs et des enseignants-chercheurs ces dernières années. Certains pourraient percevoir jusqu’à 7 000 euros pour rattraper les salaires dès l’année prochaine.

Qui plus est, tous les nouveaux recrutés recevront une dotation moyenne de 10 000 euros pour engager leurs travaux de recherche en toute autonomie. Nous n’avons pas prévu de mesure similaire pour les autres mais le projet de loi de programmation permet tout de même de corriger la situation puisqu’il prévoit le plus grand plan de revalorisation des personnels de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation jamais élaboré depuis des décennies.

Entre 2021 et 2027, pas moins de 2,5 milliards d’euros d’indemnités supplémentaires seront versés aux agents dans le cadre d’un plan de convergence des régimes indemnitaires des corps du ministère. L’accord est en cours de négociation avec les syndicats mais je peux vous assurer, dès aujourd’hui, qu’un maître de conférences percevra en moyenne, dès l’année prochaine, 1 000 euros supplémentaires et un chargé de recherche, environ 1 300 euros supplémentaires. En 2027, ces sommes représenteront en moyenne l’équivalent d’un à deux mois de salaire complémentaire. Nous avons ainsi prévu de verser sept tranches cumulatives de 92 millions d’euros chaque année, soit 644 millions d’euros de plus par an, en sept ans.

Les contractuels représentent un peu moins de 30 % de l’ensemble des personnels de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Certains sont des doctorants, d’autres ont signé des contrats au sein d’équipes de recherche pour mener des projets de longue durée, financés au niveau régional, européen ou international. Certains ont de l’or dans les mains : ils sont les seuls à savoir manipuler tel appareil, à pouvoir naviguer dans les bases de données ou les corpus documentaires. Pourtant, ils n’ont signé qu’un contrat à durée déterminée. Leur programme n’étant pas financé par des ressources de l’État, ils ne peuvent pas être titularisés et seront donc remerciés au bout de trois à cinq ans, sans espoir de réembauche dans le public.

Cette assignation à la précarité n’est plus tolérable, aussi l’article 6 du projet de loi prévoit-il de créer un CDI de mission scientifique qui permettra à ces femmes et à ces hommes de bénéficier des garanties qu’offre un tel contrat tout au long de leur mission, sans craindre que ne tombe le couperet arbitraire au bout de six ans, et aux établissements de conserver leur compétence, précieuse pour notre recherche. Il ne s’agit pas de transformer des emplois de titulaires en emplois de contractuels, comme nous l’entendons parfois, mais d’offrir des garanties supplémentaires à des agents en situation structurelle de précarité. Le CDI de mission scientifique représente un véritable progrès social qui permettra à des milliers de personnes d’accéder à des droits, comme celui d’obtenir un logement ou un crédit.

Le projet de loi de programmation tend à renforcer la diversité des recrutements en facilitant l’entrée dans la carrière scientifique de profils aujourd’hui désavantagés par les voies traditionnelles. Le dispositif des chaires de professeur junior, fruit de la réflexion du groupe de travail sur l’attractivité des carrières, devrait permettre que se constituent, au sein d’une université ou d’un organisme de recherche, une petite équipe dynamique de doctorants et d’ingénieurs, recrutés par un professeur junior grâce à un dispositif financier abondé par l’ANR. Cette mesure permettrait aux établissements de soutenir et de mettre en valeur leur politique de recherche scientifique, de conserver des disciplines rares et de renforcer leurs pôles d’excellence. Nous pourrions également conserver dans le monde académique des profils qui auraient pu être happés par des établissements ou des entreprises à l’étranger. Pour les jeunes chercheurs, enfin, cette disposition ouvre une voie supplémentaire d’accès à la carrière scientifique. Ce mode de recrutement est, du reste, le plus répandu dans le monde.

Juridiquement, il s’agit d’un contrat de pré-titularisation qu’un établissement peut passer avec le candidat à la chaire, dont la valeur scientifique du projet aura été évaluée par une commission indépendante. Au terme de ce projet, et après nouvelle évaluation, le professeur junior pourra être titularisé par une autre commission dans les corps des professeurs d’université ou des directeurs de recherche.

Le dispositif de la chaire de professeur junior est particulièrement adapté pour attirer les chercheurs internationaux en répondant aux besoins des jeunes chercheurs qui ont passé de longues années à l’étranger. Il permettra également de répondre à la situation des jeunes femmes dont les carrières s’interrompent souvent au sein des premiers corps faute de pouvoir passer une deuxième fois un concours très sélectif. Je ne doute pas que les débats en commission et en séance publique permettront de renforcer encore le caractère égalitaire de ce dispositif. Il est évident que les professeurs juniors n’ont pas vocation à se substituer aux maîtres de conférences ni aux chargés de recherche. Ainsi, les chaires ne seront ouvertes que sur des postes supplémentaires. Surtout, le nombre de départs à la retraite devrait considérablement augmenter dans les prochaines années. Nous recrutons aujourd’hui, en moyenne, 700 maîtres de conférences chaque année. Au terme de la programmation, nous devrions en embaucher entre 1 500 et 1 700 par an.

Le projet de loi de programmation prévoit une trajectoire d’emplois de 5 200 emplois supplémentaires dits sous plafond. Je peux vous assurer que l’âge moyen de recrutement des maîtres de conférences baissera au cours de la prochaine décennie. Par ailleurs, il est prévu que les chaires de professeur junior ne pourront pas représenter plus de 25 % des recrutements annuels dans les corps des professeurs ou des directeurs de recherche. Les établissements ne pourront pas effectuer plus de la moitié de leurs recrutements par cette voie. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous prévoyons 1 400 chaires de professeur junior sur dix ans. L’architecture des voies classiques ne sera pas remise en cause, ni l’intégration dans les corps.

Enfin, dans le cadre du dialogue social engagé notamment avec le CNESER, je me suis engagée à ouvrir, pour chaque création de chaire de professeur junior, une promotion supplémentaire d’un maître de conférences vers le corps des professeurs d’université, afin de débloquer les carrières de ces collègues souvent indispensables à la vie de leur établissement.

Pour redonner de l’attractivité aux métiers de la recherche, il faut également améliorer l’environnement global de la recherche. Nous engagerons une réflexion autour des corps d’ingénieurs, de techniciens, des métiers de l’administration, de bibliothécaires, de tous ceux qui concourent, par leur travail et leur expertise, à la réussite de notre pays.

Cependant, l’une des dynamiques indispensables au fonctionnement de la recherche et à l’excellence de la science, en France comme ailleurs, sera l’évaluation, qui figure au cœur du titre III. La question n’est pas tant de savoir si nous évaluons trop ou pas assez en France, mais si cette évaluation est utile et comment nous pourrions l’améliorer. Les évaluations doivent être une aide à la décision, à condition d’être plus simples, plus synthétiques, plus explicites et de permettre d’accompagner. Nous y travaillerons étroitement avec le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), mais d’ores et déjà, ce texte prévoit quelques dispositions en ce sens.

L’article 10 prévoit ainsi de renforcer et d’harmoniser le système d’évaluation des établissements de recherche et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, dans un souci de simplification, en prenant en compte toutes les missions exercées afin d’améliorer l’avancement professionnel de tous ceux qui contribuent, par leur travail, au rayonnement de leur établissement.

Par ailleurs, l’indépendance du HCERES est réaffirmée. Je vous sais nombreux à vous intéresser à son fonctionnement et à ses perspectives.

Pour simplifier la vie des chercheurs, nous devons aussi faciliter le financement de leurs travaux. En améliorant le taux de succès aux appels à projets, l’augmentation du budget de l’Agence nationale de la recherche rendra les financements plus accessibles à tous et à l’ensemble des disciplines. Un portail unique permettra de faire converger l’ensemble des appels à projets, de synchroniser les calendriers, d’harmoniser les cahiers des charges et les procédures de sélection.

Ces orientations, ces outils, ces moyens rendus à la recherche ne prennent véritablement tout leur sens qu’au regard des bienfaits que notre pays pourra en retirer. C’est pourquoi le titre IV vise à renforcer la diffusion des résultats de la recherche dans l’économie et la société. Je sais combien vous êtes attachés, tous, ici, aux objectifs portés par ce titre mais le seul terme d’« objectifs » ne suffit pas à décrire le changement de culture et de mode de pensée qu’il induit. En diffusant la recherche dans l’économie et la société, nous pourrons, du moins pour partie, répondre à l’un des grands défis auxquels nous avons été confrontés ces derniers mois : celui de l’incompréhension, voire de la défiance, entre la science et la société, celui de la disparition de toute communication entre deux mondes qui auraient pourtant tant à gagner à se retrouver.

Si la recherche et la société ne se rencontrent pas et ne se nourrissent pas de leurs apports mutuels, nous ne parviendrons pas à parfaire la transformation dont notre pays a besoin pour relever les défis de demain. L’investissement considérable que nous demandons à la nation pour la recherche prend alors tout son sens. Chacun, qu’il soit décideur, acteur économique ou simple citoyen, doit pouvoir en récolter les fruits. Nous devrons, à cette fin, faire en sorte que les relations entre la recherche et le monde socio-économique changent d’échelle pour que les connaissances, issues du travail en laboratoire, se concrétisent dans l’innovation, la croissance, pour nos start-up, nos PME, nos grands groupes, l’emploi et le mieux-être pour nos concitoyens. C’est l’une des grandes ambitions de ce titre IV.

Le partage de la culture scientifique, technique et industrielle est le second objectif prévu à ce titre. La science, aujourd’hui, ne relève pas des seules actions de l’État ou des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Elle rayonne et fédère un public plus large grâce aux initiatives portées par les associations, les collectivités, les médias, tous les lieux de diffusion, de médiation, de création des savoirs.

Grâce aux moyens alloués par le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, d’ambitieuses initiatives pourront être prises, à l’image des acteurs qui les soutiennent : plurielles, diverses, nationales ou territoriales, à petite ou grande échelle. Je pense aux centres Sciences et médias, à l’instar de ceux qu’ont installés d’autres pays comme l’Allemagne, l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni. Il pourra également s’agir du 1 % culture scientifique que prévoit l’Agence nationale de la recherche dans son budget d’intervention pour les relations entre la science et la société, mais aussi d’appels à projets dédiés ou du financement d’un volet culture scientifique dans le cadre des projets de recherche volontaires.

D’autres initiatives pourront naître à moyen terme : des projets de science participative, la formation de chercheurs au dialogue avec des non-spécialistes, l’apport d’expertise auprès des décideurs politiques ou le développement de recherches autour des relations entre la science et la société.

Nous travaillerons étroitement avec les autres ministères, en particulier celui de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, mais aussi avec les régions, car certaines sont à l’origine de très belles initiatives dans ce domaine. Je sais que vous portez de riches idées, vous aussi, et je serai heureuse d’en débattre avec vous à l’occasion de l’examen de ce titre.

Ce projet de loi de programmation représente à la fois la fin d’un cycle – celui du tarissement du financement de la recherche publique en France – et l’ouverture d’un nouveau chemin pour qu’émerge une nouvelle génération de chercheurs et d’enseignants-chercheurs, au service d’une ambition scientifique renouvelée pour notre pays. Il permettra de renforcer la solidarité, la justice, la sécurité : solidarité des équipes de recherche, des financements, des partenariats, des territoires ; sécurité des contrats, des recrutements et des parcours.

Ce texte nous offre une occasion unique de replacer la parole et la démarche scientifique au cœur du débat public et de notre société, dans les entreprises, les associations, les territoires. Je suis convaincue que vous saurez la saisir.

Mme Danièle Hérin, rapporteure générale. Ce texte est une véritable loi de progrès pour la recherche. Elle profitera à toutes les femmes et à tous les hommes qui font cette recherche et permettra de défendre les intérêts stratégiques de notre pays. La programmation budgétaire nous engage sur dix ans pour tenir compte du temps long de la recherche, et vise à revaloriser le financement de celle-ci, à renforcer l’attractivité de ses métiers et à participer au rayonnement de la France. Elle a pour objectif principal de donner de véritables moyens à la recherche et d’accompagner ce secteur clé pour l’avenir. Notre pays, qui a toujours été pionnier en matière de recherche et d’innovation, comme en attestent de nombreux prix Nobel, y trouvera les moyens de maintenir son rang dans la compétition accrue entre les nations.

Le Gouvernement et la majorité s’engagent donc de manière inédite pour la recherche et l’innovation. Cet engagement se traduit par un effort budgétaire sans précédent et par la création de dispositifs juridiques adaptés aux besoins des métiers de la recherche d’aujourd’hui.

En ce qui concerne le volet budgétaire, je tiens à rappeler que les crédits alloués à la recherche ont déjà augmenté de 2,5 millions d’euros en trois ans, soit autant que l’augmentation réalisée entre 2012 et 2017. Grâce au projet de loi, nous poursuivons et amplifions cet effort dès 2021. D’une part, le projet de loi de finances pour 2021 déclinera l’engagement prévu dans le présent projet de loi, soit 357 millions en plus par rapport à 2020 pour le récurrent et 149 millions d’euros supplémentaires pour les appels à projets de l’ANR. D’autre part, le plan de relance allouera à la recherche 2,55 milliards d’euros en 2021 et en 2022 à travers le PIA 4. L’Union européenne, à travers son programme Horizon Europe, et les contrats de plan État-région abonderont également son financement. Il s’agit donc d’un véritable choc budgétaire dès les deux premières années.

S’agissant de l’attractivité, nous créons de nouveaux dispositifs. Les chaires de professeur junior permettront la titularisation aux postes de professeur ou de directeur de recherche dans les six ans après la thèse. Cette nouvelle voie de recrutement vise à retenir les jeunes talents, en particulier dans des domaines où la concurrence des universités étrangères ou des entreprises est forte, par exemple dans l’informatique. Nous créons également un CDI de mission afin de mettre un terme à la précarité de nos chercheurs livrés à l’instabilité des contrats courts. Enfin, nous créons un contrat doctoral de droit privé afin de faciliter la recherche au service de l’innovation et de la compétitivité de nos entreprises.

Avec mes collègues rapporteurs, conscients des enjeux, nous avons travaillé dans le consensus afin d’améliorer encore le texte et d’entériner sa capacité à répondre aux problèmes actuels rencontrés par la recherche publique et privée.

De mon point de vue, une actualisation de la loi tous les trois ans est nécessaire afin d’évaluer les dispositifs créés, mais aussi de prendre en compte l’évolution de la conjoncture économique.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que la loi permette de diffuser la parole scientifique dans la société à travers des actions de médiation. L’enjeu est d’encourager les établissements, les chercheurs et les doctorants à développer le dialogue entre la science et la société et de les accompagner : ces activités devraient être reconnues et valorisées, pour les chercheurs comme pour les établissements.

En outre, je souhaite que cette loi soit l’occasion de reconnaître et de valoriser les spécificités du secteur des sciences humaines et sociales, en particulier dans leur activité internationale.

Enfin, nous serons attentifs à ce que des mesures soient prises pour faciliter la recherche collaborative et partenariale, afin que la recherche publique, les entreprises et la société civile – les associations, par exemple – travaillent ensemble.

Je remercie Mme la ministre de sa présence parmi nous. Je suis sûre que nos échanges vont permettre à nos collègues commissaires de mesurer les avancées permises par ce texte ambitieux.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur pour les titres Ier et III. À mon tour de vous remercier, madame la ministre, pour l’ambition historique que traduit ce texte porteur d’un investissement de 25 milliards d’euros sur les dix prochaines années. Il ne s’agit pas seulement d’un investissement financier : c’est l’expression du niveau de confiance dans l’avenir de notre nation, de la jeunesse et des générations futures, étant entendu que chaque euro mis dans la recherche, l’innovation et le développement, c’est, à la fin, du mieux-vivre et de l’emploi. Quand on aime son pays, on investit dans la recherche, surtout quand celle-ci a pour objectif, comme le rappelle le rapport annexé, de soutenir trois grandes transitions : sanitaire, écologique et technologique.

En parallèle, il y a l’agenda 2030, qui a pour but d’atteindre les dix-sept objectifs de développement durable adoptés en 2015 par les 193 pays membres de l’ONU, dont la France.

Le projet de loi reflète également une ambition en matière de simplification : il doit permettre de redonner du temps de recherche à nos chercheurs, qui souffrent trop souvent d’une lourdeur administrative qui n’est plus adaptée au XXIe siècle.

Nous avons hâte d’enrichir ce texte à vos côtés, madame la ministre, notamment pour ce qui est de garantir une meilleure diffusion de la science dans la société – enjeu qui englobe plusieurs aspects, notamment la valorisation du doctorat et de l’excellence scientifique française. On doit s’interroger sur la manière dont l’audiovisuel public pourrait s’engager pour une meilleure diffusion de la science dans notre société. Il faut également soutenir et reconnaître davantage la recherche participative, embarquer les citoyens, les associations, l’ensemble de la société.

Enfin, nous serons aussi très exigeants quant à la lisibilité de la trajectoire financière. Certains ont demandé un démarrage plus rapide lors des premières années ; les choses ont commencé à être précisées avec le plan de relance annoncé par le Premier ministre et la quatrième génération des PIA. Cela témoignera d’une ambition encore plus forte que celle qui est déjà exprimée dans le projet de loi.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure pour le titre II et les articles 19 et 25. Les articles dont j’ai la charge visent à renforcer l’attractivité des carrières en répondant à quatre grands enjeux.

Le premier concerne les débuts de carrière. À cet égard, l’article 3 crée les chaires de professeur junior, à savoir des contrats d’une durée de trois à six ans pour des jeunes docteurs, dans le cadre d’un parcours de titularisation dans le corps des professeurs des universités ou dans celui des directeurs de recherche. L’idée est d’ouvrir un accès plus direct aux fonctions de professeur des universités ou de directeur de recherche. Le dispositif cible des jeunes chercheurs au parcours atypique ou encore certains profils qui, sinon, partiraient à l’étranger. Ces chaires viennent compléter le recrutement en vigueur au travers du parcours de qualification en offrant aux établissements une possibilité complémentaire. Cette possibilité devra sans doute être mieux encadrée et évaluée régulièrement pour éviter tout effet de bord, mais il ne s’agit en aucun cas, je tiens à le préciser, d’une remise en cause du système de qualification. En effet, une trajectoire d’emploi prévoit d’augmenter le nombre de recrutements passant par la qualification. Par ailleurs, le dispositif ne revêt aucun caractère obligatoire : c’est une possibilité offerte aux établissements de recruter grâce à lui de nouveaux profils. Il en va avant tout de l’attractivité des carrières scientifiques.

L’article 4, quant à lui, crée un nouveau type de contrat ciblant les doctorants du privé. Il sera plus adapté aux particularités du doctorat et, surtout, permettra de sécuriser davantage les parcours des doctorants dans le privé et leur recrutement.

L’article 5 vise plus particulièrement les débuts de carrière par la création de contrats postdoctoraux de droit public et privé, ouvrant ainsi des possibilités aux titulaires d’un doctorat qui se retrouvent sans aucune solution adaptée à leur situation.

Le deuxième grand enjeu du titre II concerne la continuité des projets de recherche. Le projet de loi vise, en effet, à adapter les outils de gestion des ressources humaines existants afin de les faire correspondre au mieux aux réalités actuelles de la recherche.

L’article 6 ouvre ainsi la possibilité pour les établissements de recruter des agents en vue de mener à bien un projet identifié au moyen d’un CDI de mission scientifique. L’objectif essentiel du dispositif est de limiter le recours massif aux contrats précaires que l’on observe dans le monde de la recherche. La création du CDI de mission scientifique permettra de sécuriser davantage les agents, qui se verront assurés de rester en poste jusqu’au terme de l’activité de recherche pour laquelle ils ont été recrutés.

S’agissant toujours de la continuité des projets de recherche, l’article 9 prévoit la possibilité de maintenir en fonction au-delà de la limite d’âge les lauréats de grands appels à projets, pour une durée de cinq ans. Il s’agit de faire en sorte que la limite d’âge ne remette pas en cause la conduite de grands projets de recherche.

Le troisième enjeu est celui de l’accueil des doctorants et chercheurs étrangers. C’est l’un des aspects clés de l’attractivité internationale de notre système de recherche. L’article 7 renforce l’accueil des doctorants et chercheurs étrangers boursiers en définissant en particulier dans la loi le séjour de recherche, avec pour objectif de faciliter leur accueil et de renforcer l’attractivité des établissements français. Certains droits sont adossés au dispositif ; ainsi, la possibilité est ouverte de mettre en œuvre des dispositifs d’aide sociale.

Enfin, le quatrième enjeu est celui du déroulement des carrières. L’article 8 vise à permettre aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs détachés de bénéficier d’une nomination dans un autre corps au cours d’une période de mobilité sans qu’il soit mis fin à leur détachement. L’article 19 introduit des mesures de simplification en matière de cumul d’activités. L’article 25, quant à lui, permet l’application rétroactive de modifications concernant les règles de classement.

Ces mesures simplifient et accompagnent le déroulement des carrières dans la recherche. Leurs objectifs sont de sécuriser les parcours, de permettre à de nouveaux profils d’être titularisés ou encore de faciliter les mobilités. Elles répondent à des besoins bien identifiés et corrigent les limites du système actuel. Il faudra sûrement apporter des précisions – je pense notamment aux mesures envisagées plus spécifiquement pour les maîtres de conférences –, mieux encadrer certains dispositifs pour s’assurer de n’oublier personne et sécuriser certains points. Cela dit, je tiens à souligner que chacun de ces articles répond à un véritable besoin de la communauté des chercheurs. Ils permettront, à n’en pas douter, de sécuriser davantage les parcours et de renforcer l’attractivité de notre recherche.

M. Philippe Berta, rapporteur pour les titres IV et V. À mon tour de me réjouir du dépôt tant attendu de ce projet de loi de programmation pour les années 2021 à 2030. La situation du monde de la recherche ne réclamait pas moins. Enseignant-chercheur moi-même, je partage le constat largement dressé par les personnalités que nous avons entendues depuis quinze jours. Alors que leur métier est avant tout pour eux une passion et un engagement et qu’ils sont très largement porteurs de notre avenir collectif, un trop grand nombre de chercheurs et d’enseignants-chercheurs sont désenchantés et manquent de perspectives. Le présent projet a justement le mérite de tracer des perspectives de moyen terme, au-delà des échéances politiques immédiates. Ce point a pu faire l’objet de critiques ; il montre plutôt, à mon sens, une belle volonté de se dégager d’un calendrier purement institutionnel pour penser la recherche de demain.

Trop nombreux sont les départs à l’étranger qui ne participent pas au rayonnement de notre pays et qui témoignent, plus généralement, d’un manque d’attractivité du métier de chercheur en France. Ce n’est pas seulement dû à des questions financières, qu’il s’agisse des rémunérations, souvent faibles, ou du manque de ressources pour conduire les travaux ; le malaise me paraît en partie dû aussi à un sentiment de blocage – les procédures sont complexes, parfois opaques, la coordination entre les organismes de recherche publics et privés est perfectible et l’ouverture sur le monde de l’entreprise est trop timide, alors que les découvertes de nos chercheurs devraient y déboucher naturellement.

Tels sont les points pour lesquels le projet de loi s’efforce d’apporter des améliorations, parfois modestes d’apparence, mais dont certaines peuvent être décisives à moyen et long termes. Ces mesures de simplification sont comprises dans les titres IV et V, dont je suis rapporteur.

Le titre IV s’efforce d’améliorer les relations entre le monde de la recherche et l’ensemble de la société, notamment les entreprises.

L’article 13 élargit ainsi les possibilités ouvertes aux agents publics de participer à la vie d’une entreprise, voire d’en créer une, lorsqu’il s’agit de valoriser des travaux de recherche. L’article 14 permet aux chercheurs et enseignants-chercheurs de se partager plus facilement entre une activité d’enseignement, une activité de recherche et un emploi à temps partiel dans une entreprise, grâce à un assouplissement du régime de cumul d’activités à temps partiel et des mises à disposition. L’article 15 permettra notamment aux organismes de recherche, à l’instar des établissements d’enseignement, de créer des dispositifs d’intéressement susceptibles d’impliquer davantage les chercheurs sur le plan financier dans les résultats et les applications de leur recherche. Ce sont autant de mesures qui favorisent les échanges entre le monde de la recherche et l’ensemble de la société et de l’économie – au plus grand bénéfice de tous, je l’espère, mais d’abord des chercheurs.

Le titre V propose, quant à lui, diverses mesures de simplification et de réorganisation.

L’article 19, par exemple, remplace par un simple régime de déclaration préalable le régime d’autorisation auquel sont soumis les agents publics lorsqu’ils veulent exercer une activité accessoire qui relève de leurs missions statutaires. Je suis favorable à cette mesure, même s’il me semble que ce cumul doit garder des proportions raisonnables. Faut-il pour cela lui imposer un plafond dans la loi ou bien celle-ci doit-elle prescrire à leur organisme de rattachement d’en fixer un ? La première solution présente l’inconvénient d’aligner d’avance au cordeau des situations parfois très diverses ; la seconde pourrait créer des inégalités entre chercheurs selon leur établissement d’origine. Après réflexion, je préfère en rester à un appel à la sagesse.

L’article 22 prévoit une révision des règles d’ouverture et de fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur privés « dans le sens d’un renforcement du contrôle des conditions exigées des personnels de direction et d’enseignement et de lutte contre les fraudes et les atteintes à l’ordre public ». Sont notamment visés les établissements d’enseignement supérieur privés susceptibles de s’inscrire dans une approche communautariste, voire sectaire. Il ne faudrait pas, cependant, que les autres établissements pâtissent de ces mesures.

L’article 24 crée, auprès de chaque centre hospitalo-universitaire (CHU), un comité territorial de la recherche en santé, où seront représentés les universités, les autres établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les organismes de recherche et les collectivités territoriales. La coordination sera assurée par le CHU et l’université. Il appartiendra aux acteurs de s’approprier ce nouvel instrument qui vise à coordonner leurs efforts pour la mise en œuvre de la politique de recherche en santé. On peut se demander s’il ne serait pas bon de laisser aux acteurs locaux le choix de leur organisation.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis de la commission des finances. La commission des finances, saisie pour avis, a examiné le projet de loi ce matin et adopté des amendements.

Cette loi de programmation doit être conçue pour constituer un triple choc : un choc de confiance – la confiance que la nation doit avoir dans la science et le progrès ; un choc de mobilisation financière ; un choc d’attractivité des métiers de la recherche. Rien de cela ne s’est fait depuis au moins trois décennies. Il s’agit, non plus de combler un retard, mais bien de « challenger » l’avenir. Ma conviction est que le projet de loi permet de le faire.

Pour y parvenir, il me semble essentiel de crédibiliser la trajectoire, à savoir l’effort de 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2030, inscrit à l’article 2 ; cet aspect a fait l’objet d’un débat extrêmement intéressant en commission des finances. À cette fin, j’ai proposé plusieurs amendements, qui ont été adoptés. L’un d’entre eux prévoit, d’une part, que le Gouvernement remette au Parlement, en amont du débat d’orientation des finances publiques, un rapport annuel expliquant les écarts éventuels par rapport à la trajectoire et, d’autre part, une clause « de revoyure » dans trois ans, ce qui nous paraît plus efficace que d’engager un débat sans fin sur la durée de vie de cette loi de programmation.

Le texte contient plusieurs dispositions qui, dans le prolongement de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), étendent la possibilité pour les chercheurs du secteur public de passer du temps en entreprise. J’y souscris.

Par ailleurs, je souhaite que le suivi des doctorants soit renforcé, même s’il est déjà mentionné dans le projet de loi, en particulier lorsqu’ils ont fait le choix d’acquérir une expérience à l’international. J’ai déposé un amendement dans ce sens, adopté par la commission des finances ce matin.

Un autre sujet, et non des moindres, est le renforcement des liens entre la science et la société, qui est impératif. À cet égard, je me félicite de l’adoption de plusieurs amendements par la commission saisie pour avis. L’un précise que les territoires constituent une échelle tout à fait pertinente pour y contribuer ; un autre vise à poursuivre la méthode de travail qui a présidé à la préparation du projet de loi de programmation pendant près de deux ans, à savoir une association étroite de toutes les parties prenantes, au niveau national comme dans les territoires.

Par ailleurs, il me semble important de s’appuyer sur le haut-commissariat au plan. Un amendement d’appel, tout à fait perfectible, naturellement, a été adopté dans ce sens par la commission des finances : il s’agit de veiller à ce que les enjeux liés à la recherche et à l’innovation soient bien pris en compte dans le périmètre d’action et de réflexion du haut‑commissariat. Nous proposons que celui-ci joue un rôle dans la définition, pour les vingt prochaines années, de la stratégie interministérielle en la matière, laquelle a ensuite vocation à être déclinée, y compris dans les territoires. Contrairement à ce que j’ai entendu dire ce matin, il ne s’agit en aucun cas de faire en sorte que le haut-commissariat se substitue aux ministères.

Enfin, nous avons adopté un amendement au rapport annexé prévoyant que la recherche sur les cancers pédiatriques soit dotée de moyens d’action spécifiques et que le Parlement soit étroitement associé à l’élaboration des actions menées en la matière.

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour la mise en application de la loi. En tant que rapporteur d’application d’une loi qui n’a pas encore été votée, j’ai le sentiment de mettre la charrue avant les bœufs, mais, au regard des aléas qu’a connus la loi de programmation, avec plusieurs reports – la mise en pause du fait de la crise du covid-19 ou du changement de Gouvernement –, c’est plutôt un sentiment de soulagement qui a prévalu lorsque le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 22 juillet.

On ne peut que se réjouir de la volonté de favoriser enfin le rayonnement de la recherche française et, en cette période de crise sanitaire où les milliards injectés dans l’économie donnent le tournis, être satisfait de l’augmentation pluriannuelle des crédits destinés à la recherche. La loi de programmation prévoit une augmentation de 5 milliards d’euros en 2030 des crédits alloués à la recherche, dont 1 milliard pour l’ANR – et ce dès 2027 –, consolidant ainsi la place de cet organisme dans le domaine de la recherche. Elle se fixe également pour objectif la revalorisation des métiers scientifiques.

La revalorisation des carrières est attendue et plus que nécessaire. C’est un chantier titanesque, qui doit prendre en compte l’ensemble des personnels et des établissements publics, et non se limiter à ceux du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) : la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 doit concerner toute la recherche française.

Les débats ne seront pas de tout repos, car le texte a déclenché une vague de protestation sans précédent dans le monde universitaire et scientifique, qui craint qu’une recherche plus compétitive ne devienne sélective et n’augmente la précarité dans la profession.

Selon moi, l’un des enjeux est l’efficacité de la recherche appliquée en entreprise : certes, la loi de programmation doit en priorité permettre des progrès dans la recherche fondamentale – c’est le modèle dominant dans les universités –, mais ces deux approches, quoique différentes, me semblent complémentaires. Tout en regrettant au passage que la recherche en santé ne soit pas spécifiquement affichée et soutenue dans le projet de loi, je prendrai pour exemple la recherche médicale, qui peut être fondamentale ou clinique. Les membres du groupe de travail de notre commission chargé du suivi de la crise sanitaire du covid-19 dans le domaine de la recherche en ont pris conscience lors des différentes auditions orchestrées par Philippe Berta et Sandrine Josso.

Sans doute faudra-t-il de nouvelles approches entre l’université et les entreprises en matière de recherche, une proximité nouvelle qui créera une synergie forte avec les acteurs socio-économiques. Dans notre commission, tout au long de l’année 2019, les Rendez-vous de la recherche ont permis à la Conférence des présidents d’université, mais aussi à des organismes comme l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le CNRS ou l’INRIA de faire des propositions.

Un des objectifs majeurs est de redonner des marges financières à la recherche française. Pour cela, il faut avoir en mémoire la stratégie de Lisbonne qui, vous l’avez rappelé, madame la ministre, prévoyait il y a déjà vingt ans que 3 % du PIB soient consacrés à la recherche, dont 1 % à la recherche publique – en 2019, en France, nous en étions respectivement à 2,2 % et 0,7 %.

Nous sommes dans le cadre d’une loi de programmation pluriannuelle, à un an et demi d’une élection présidentielle : cela me conduit à penser que se soucier de l’application de la loi, même avant les débats, n’est finalement pas si incongru que cela. Madame la ministre, vous voulez donner du temps, des moyens et de la visibilité, et il s’agit d’une loi pour les dix ans à venir, mais n’oublions pas qu’il y a un certain nombre d’urgences. Si l’une des conséquences de cette loi pouvait être d’améliorer les débouchés dans le domaine de la recherche, cela permettrait sans doute à de jeunes chercheurs ayant quitté la France en fin de doctorat de trouver un poste dans leur pays d’origine. Ce serait déjà un très grand progrès.

Mme Natalia Pouzyreff. Nous sommes fiers de nos chercheurs et de notre recherche, et je suis certaine que les parlementaires, à l’instar du Gouvernement, souhaitent donner les moyens et ressources budgétaires nécessaires pour que la France se tienne au premier rang des nations en matière de recherche et d’innovation. Tel est bien l’objectif du projet de loi : la trajectoire budgétaire sur dix ans redonne la visibilité nécessaire pour la montée en puissance de notre effort de recherche, et le plan de relance en accélérera l’amorçage.

Parmi les sujets essentiels auxquels le groupe LaREM est particulièrement attaché, figure en premier lieu l’attractivité des carrières offertes à nos jeunes chercheurs, dont les conditions salariales se sont dégradées au cours des dernières décennies. On ne peut que déplorer la constante diminution du nombre de nouvelles inscriptions en doctorat, qui est passé de près de 20 000 en 2009 à 16 900 en 2017. Un autre exemple en est la réduction du nombre de candidats à l’entrée au CNRS : de 8 150 en 2010, il est tombé à 5 800 en 2018.

Une première réponse consiste donc dans la revalorisation des carrières. L’instauration d’une voie complémentaire et rapide, à savoir les chaires de professeur junior, permettra aussi à notre pays de garder nos meilleurs talents, très disputés sur la scène internationale, et de s’attacher des compétences rares venues de l’étranger. Ce nouveau dispositif fait débat dans le monde de la recherche, mais nous en assumons le principe. Sinon, que répondre à nos concitoyens qui s’interrogent, voire s’indignent du départ de nos jeunes chercheurs à l’étranger ?

Plus généralement, l’essentiel est de garantir à tous nos chercheurs, enseignants‑chercheurs et doctorants les conditions leur permettant de conduire leurs recherches l’esprit libre et serein. C’est pourquoi notre groupe est très favorable à une augmentation des crédits de fonctionnement des laboratoires et des établissements par la hausse des crédits de base et par un abondement à hauteur de 40 % des budgets de l’ANR.

Il faut également réduire la précarité des personnels attachés aux projets de recherche en offrant un CDI de mission scientifique, en remplacement des actuels CDD, et sécuriser doctorants et post‑doctorants en créant de nouvelles formes de contrat.

Nous nous félicitons également du recrutement prévu de plus de 5 000 personnels statutaires supplémentaires, ainsi que du déploiement d’un environnement de recherche alloué à chaque jeune chercheur et titulaire d’une chaire de professeur junior.

Nous soutenons aussi la nécessité d’alléger les dispositifs d’évaluation pour restituer aux chercheurs du temps de recherche et d’adapter davantage les procédures d’évaluation au contexte.

Par ailleurs, le groupe LaREM souhaite insister sur le lien entre la science et la société, notamment à travers les dispositifs destinés à diffuser la culture scientifique dans la jeunesse et contribuant à éclairer les débats – les polémiques aussi, parfois –, pour éviter que la raison ou l’objectivité des faits ne soient battues en brèche. Nous y travaillerons dans le cadre de l’examen de ce texte, en commission et dans l’hémicycle.

En outre, notre groupe s’est prononcé en faveur de la progression des carrières des femmes dans la recherche. Force est de constater, en effet, que les disciplines sont fortement genrées, avec une prédominance ostensible des femmes dans les sciences humaines et sociales, par exemple, et celle des hommes dans certaines sciences dites dures. Il ne s’agit en aucun cas de brider les compétences des unes et des autres dans le champ qui est le leur, mais nous devons trouver les voies adaptées pour opérer un rééquilibrage entre les femmes et les hommes, à moyen terme, dans les différentes disciplines, et travailler en amont pour susciter de nouvelles vocations chez les jeunes femmes et chez les jeunes hommes. Il importe aussi de veiller au respect de la parité dans toutes les instances décisionnelles.

Les membres du groupe LaREM sont très enthousiastes à l’idée de travailler à ce projet de loi dans la perspective de son adoption.

M. Patrick Hetzel. L’ambition affichée dès 2019 par le Président de la République et le précédent Premier ministre pour la recherche française, fleuron à préserver à tout prix pour que nous demeurions une grande nation dans la compétition internationale, a évidemment nourri beaucoup d’espoirs, notamment dans la communauté des chercheurs et des enseignants-chercheurs, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. L’un des enjeux majeurs identifiés alors était la nécessité de décloisonner le secteur public et le secteur privé, pour assurer un continuum de l’idée, c’est-à-dire de la recherche fondamentale – même si je n’aime pas beaucoup ce terme – à la réalisation concrète de celle-ci, qui passe par la recherche partenariale, le transfert puis la production.

L’indépendance stratégique de la France repose sur deux piliers au moins : la recherche et la production. La crise de la covid-19 nous a rappelé brutalement cette réalité et en a exacerbé les effets. Or force est de constater, à la lecture du projet de loi de programmation de la recherche présenté en conseil des ministres le 22 juillet, que la déception est immense pour un certain nombre d’acteurs, pour différentes raisons.

Je mets de côté la question du principe même d’une loi de programmation car, il y a deux ans, avec Danièle Hérin et Amélie de Montchalin, nous avions rédigé, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances, un rapport dans lequel nous en appelions à une telle démarche. Le problème est que ce projet manque singulièrement d’ambition. Où sont les enjeux ? Où sont les objectifs ? Proposer des moyens sans définir ni les uns ni les autres est un peu curieux.

Les augmentations budgétaires sont certes significatives, mais à partir de 2027, soit au-delà d’un second quinquennat éventuel. C’est du jamais vu ! Jusqu’à présent, aucune loi de programmation n’était allée au-delà de sept ans. Cela pose évidemment question. Certes, il s’agit de communication gouvernementale, mais ce n’est pas très sérieux – d’autant que, chacun le sait, les lois de programmation n’engagent que ceux qui les décrètent. Pour utiliser une formule un peu triviale, cela revient à dire : « Demain, on rase gratis. »

Les acteurs privés ne sont que peu pris en considération tout au long du texte. Leur rôle, et surtout leur contribution à la recherche publique sont totalement ignorés. De ce point de vue, il manque une jambe au projet de loi : il ne traite pas suffisamment de la question du privé. Or nous savons que la R&D et l’investissement des entreprises sont aussi des enjeux majeurs – les Allemands nous montrent clairement la voie à cet égard. Nous devons, nous aussi, progresser dans cette direction.

Par ailleurs, rien n’est fait pour réduire le millefeuille. Tout au contraire, il suffit de lire les articles du texte pour se rendre compte qu’il va encore grossir.

Enfin, autre sujet de préoccupation majeur, vous semblez maintenir la dichotomie entre l’enseignement supérieur et la recherche. Cela n’est pas raisonnable. Les universités et les établissements d’enseignement supérieur en général nous ont montré, au cours des dernières décennies, qu’ils étaient devenus des acteurs majeurs en matière de recherche. Que faites-vous pour placer notre enseignement supérieur au cœur du dispositif de recherche ?

Tous ces aspects sont importants et même stratégiques pour notre pays ; nous en débattrons donc fort volontiers avec vous, madame la ministre.

Mme Géraldine Bannier. À l’heure où l’épidémie de covid-19 révèle encore davantage l’ampleur des défis scientifiques de demain, le Gouvernement nous propose, par une politique de réinvestissement massif, de renforcer le soutien apporté aux secteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Si les débats lors des auditions autour de la loi de programmation pour la recherche ont été nourris, le constat établi dans le rapport annexé fait consensus. Ce dernier témoigne du manque d’attractivité des carrières scientifiques en France, en raison de la complexité du parcours de recrutement des post‑doctorants mais aussi des rémunérations, dont le niveau moyen est bien éloigné de ce qui est pratiqué par nos voisins européens. De même, le décrochage critique de l’investissement et le manque de visibilité et de mise en évidence des travaux des chercheurs sont des problèmes qui entravent le développement de la recherche française et, plus globalement, sa capacité à être compétitive. Pourtant, les bouleversements récents liés à la crise sanitaire ont remis en lumière les enjeux fondamentaux sur lesquels se penchent, dans l’ombre des laboratoires et des universités, nos chercheurs – dont la qualité fait consensus.

C’est donc, pour l’essentiel, sur les évolutions retenues que se concentrent les interrogations. La trajectoire budgétaire est globalement celle qui est attendue, c’est-à-dire à la hausse, même si certains souhaiteraient que la progression soit plus marquée dès les premières échéances, afin de donner une impulsion. Rappelons toutefois que le plan de relance comporte lui aussi un volet dédié à la recherche et à l’innovation, dont l’enveloppe est de 2,4 milliards d’euros sur la période 2021‑2022, notamment au travers du PIA 4. L’effort est donc bien réel et se veut conforme à l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement à 3 % du PIB.

Lors des auditions, un des points de débat portait sur la question de l’équilibre entre financements pérennes et financements ciblés issus des appels à projets. Les dispositions du projet de loi doivent permettre aux projets a priori peu éligibles aux appels à projets – parce que hors des effets de mode et nécessitant parfois plus de temps que de financements, ce qui est particulièrement vrai en sciences humaines et sociales – de se développer sans avoir à trop subir les conséquences chronophages des démarches administratives et de la recherche de financements. Nul doute que le Gouvernement portera une attention particulière à cette nécessité d’équilibre.

Pour ce qui est des évolutions dans le domaine des ressources humaines, avec le contrat postdoctoral en vue d’une titularisation, le CDI de mission, le fait de rendre compatibles le détachement et la mise à disposition avec une nomination dans un autre corps ou encore le maintien en fonction au-delà de la limite d’âge pour achever des travaux engagés, l’objectif est clair : donner plus de souplesse aux dispositifs existants et sécuriser le temps du projet de recherche en rendant sa durée adaptable, au bénéfice de la recherche. Toutefois, il faudra veiller à ce que la pluralité d’accès aux chaires de professeur ainsi créée, avec une plus grande diversité de statuts dans les faits, aboutisse bien, globalement, à la sécurisation des personnels, qui est souhaitable et attendue.

Les efforts budgétaires devront aussi concerner l’ensemble des personnels associés que sont les ingénieurs et techniciens, et le personnel administratif.

Par ailleurs, la question du statut des professeurs agrégés de l’enseignement du second degré français (PRAG) reste en suspens au sein du projet de loi.

On notera l’ouverture de la possibilité d’un séjour de recherche pour les doctorants et chercheurs étrangers. Cette mesure est très positive en termes d’attractivité et peut s’avérer tout à fait pertinente pour certains travaux de recherche.

De même, il est souhaitable de renforcer les partenariats entre le privé et le public, comme le fait l’article 24 avec la création du comité territorial de la recherche en santé.

Le MODEM salue les objectifs que se fixe le projet de loi. Il restera néanmoins vigilant au maintien d’un équilibre entre postes pérennes et postes occupés par des contractuels, de manière à ce que l’instauration du pré‑recrutement conditionnel contribue à la sécurisation du statut des post‑doctorants.

Par ailleurs, dans la mesure où la répartition du préciput est laissée à la charge des établissements, le MODEM sera attentif à ce que l’attribution de l’abondement ne crée pas un contexte de concurrence entre les établissements et les unités de recherche.

Je souhaite que ce débat soit l’occasion pour nous de réfléchir aux enjeux financiers et organisationnels, mais il faut aussi qu’il nous rappelle l’importance que doit avoir l’éthique dans la recherche de demain.

Mme Michèle Victory. Rédigé avant la première grande pandémie de notre siècle, le texte a pour ambition de renforcer la capacité de financement des projets, programmes et laboratoires de recherche français, de conforter et de renforcer l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques et de consolider la recherche partenariale et le modèle d’innovation français.

Force est cependant de constater qu’en l’état, la loi de programmation, malgré les bonnes intentions qu’elle affiche, ne répond pas entièrement aux exigences de notre temps. Certaines de ses contradictions et de ses insuffisances ont d’ailleurs été soulignées par plusieurs parties prenantes du secteur. Nous craignons, par exemple, que la trajectoire de dix ans ne soit trop longue, alors que nous stagnons à 2,2 % du PIB et que nous sommes en cinquième place parmi les pays les plus importants de l’OCDE. L’amendement de Valérie Rabault, adopté ce matin en commission des finances, a réaffirmé que les 3 % de PIB devaient être un seuil et sûrement pas un objectif. Par ailleurs, il règne un flou sur les augmentations budgétaires, d’autant que le seul budget qui a été chiffré est celui de l’ANR. Qu’en est‑il de la pérennité de ces financements ?

S’agissant de l’attractivité de l’emploi et des carrières, le monde de la recherche craint vivement que l’introduction des tenure tracks (chaires de professeur junior), des nouveaux contrats postdoctoraux et des CDI de mission ne vienne accentuer leur précarité plutôt qu’y remédier. Dans ce domaine, la plus grande prudence s’impose. La part des emplois non titulaires doit être minimisée dans l’organisation des filières. L’attractivité ne peut passer que par une revalorisation immédiate et forte des salaires des chercheurs et par de meilleures conditions de travail et d’accueil. De plus, dans leur grande majorité, les jeunes chercheurs se disent découragés par l’empilement des évaluations qui manquent clairement de lisibilité et de cohérence, et font peser sur leur travail un poids trop lourd. Rien de significatif dans le projet de loi ne prend en compte cette revendication, qui vous a pourtant été exprimée clairement à différentes reprises. Il faut aussi renforcer les emplois de soutien indispensables au dynamisme de la recherche et à la disponibilité des chercheurs.

Le financement par appels à projets et la mise en concurrence entre les acteurs du secteur introduiraient une prime au plus fort, au détriment des petits établissements, provoquant un surcroît de tâches administratives et un surplus de stress pour les personnels. La recherche scientifique est une affaire de patience, d’endurance et d’humilité, à l’inverse des impératifs d’efficacité économique. Les acteurs de la recherche ont terriblement besoin d’un système de financement de base, pérenne, qui garantisse leur indépendance et mette en valeur les notions de travail collaboratif, de collectif et de solidarité. Le temps de la recherche n’est sûrement pas celui de la communication.

Enfin, est totalement absente du texte la question de la marge de progression à trouver dans la parité. Il ne s’agit pas de se contenter d’objectifs chiffrés inatteignables pour se donner bonne conscience, mais de créer des outils qui permettront de déceler les talents et les compétences et de les rendre visibles. Le directeur du CNRS a proposé des pistes intéressantes.

Madame la ministre, la première version du texte avait suscité une forte opposition au sein de la communauté scientifique et universitaire. Tous disent qu’il y a urgence à agir pour éviter un décrochage et une dégradation dans le secteur public de la recherche. À l’heure où notre pays a besoin de calme, de cohésion et, plus que jamais, des forces vives de la science et de l’innovation pour poursuivre le redémarrage économique et retrouver sa souveraineté sanitaire, il serait judicieux de ne pas ouvrir un énième conflit social, faute d’un véritable dialogue avec le monde universitaire et de la recherche. Aussi est‑il essentiel de rétablir la confiance en donnant des gages de votre capacité à entendre et dialoguer.

M. Michel Castellani. Il est nécessaire de mener un effort constant en direction de la recherche, qui est un moyen essentiel pour préparer l’avenir, au‑delà des préoccupations relatives à la compétitivité internationale, et pour répondre aux problèmes écrasants qui se posent à l’humanité. Or votre trajectoire dessine un effort à un horizon lointain et une montée en charge lente. Sans doute conviendrait‑il de restreindre sa durée.

Le texte pose aussi le problème de l’articulation entre l’activité professionnelle, le travail en entreprise et la recherche, et de la dévolution des droits de propriété intellectuelle. Vous proposez une évolution du dispositif Allègre, quand il faudrait assurément mieux définir ce type de relation. Soulignons encore la nécessité de soutenir les chercheurs et de valoriser les statuts.

Enfin, on ne peut que s’interroger sur la démarche de titularisation – le pré‑recrutement conditionnel – et de suppression de la phase de qualification pour plusieurs catégories. La qualification est une garantie de qualité. En tant qu’ancien membre du Conseil national des universités, vous comprendrez que je puisse avoir quelques réserves sur ce type de titularisation.

Cela dit, nous retenons l’effort manifeste accompli en direction de la recherche. En cette période de tensions et d’incertitudes, nous avons plus que jamais intérêt à investir financièrement, budgétairement et humainement dans la recherche et l’enseignement supérieur.

Mme Béatrice Descamps. La recherche, c’est l’avenir et l’espoir. Des technologies et des découvertes influeront sur nos vies, celles de nos enfants et petits‑enfants. Aussi faut‑il saluer la volonté de votre gouvernement de préparer le monde de demain. Néanmoins, si vos efforts sont louables, notre groupe s’interroge sur vos ambitions au regard de votre programmation budgétaire. L’objectif est fixé : consacrer au moins 3 % du PIB à la recherche, dont au moins un tiers provenant d’argent public. Mais pourquoi attendre 2030 ? Notre PIB va connaître une forte contraction cette année, les prévisions de croissance sont incertaines et rendent tout aussi incertaines les prévisions d’investissement à long terme. Alors que le plan de relance semble prévoir d’importants fonds pour la recherche, pourquoi ne pas en profiter pour concentrer la programmation sur une période plus courte, moins susceptible de subir les aléas politiques et économiques des années à venir ?

Nous avons entendu de nombreuses critiques sur l’augmentation du budget de l’ANR, qui se ferait aux dépens d’une recherche plus traditionnelle. Pour notre part, nous rejoignons le chœur des voix qui vous invitent à une répartition plus équitable des financements entre ces deux types de recherches. L’équilibrage est d’autant plus souhaitable que le plan de relance prévoit une enveloppe de 400 millions d’euros pour l’ANR dans les deux prochaines années. Le préciput semble être un moyen adapté pour répartir les fonds de l’ANR entre différentes équipes de recherche. À cet égard, vous semble‑t‑il opportun d’inscrire dans la loi un pourcentage minimal à lui dédier ?

C’est aussi toute la question de la vie universitaire qui se pose. Vous instaurez une nouvelle voie de titularisation par le biais des chaires de professeur junior. Si nous ne sommes pas opposés à cette nouvelle voie de recrutement, ne vous semble‑t‑il pas excessif de prévoir, dès sa mise en place, la possibilité d’effectuer 25 % des recrutements de cette manière ? Nous pouvons par ailleurs regretter qu’aucune disposition sur les revalorisations salariales ne figure dans le texte, ne laissant pas au législateur la possibilité de l’enrichir de ses propositions. Pourriez‑vous, madame la ministre, nous donner davantage de détails sur la mise en place du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » ? Comment pourra‑t‑il contribuer à améliorer les conditions de travail des fonctionnaires de l’enseignement supérieur et de la recherche ?

N’oublions pas non plus le sort de nos doctorants. Il est mentionné dans le rapport annexé que vous comptez revaloriser de 30 % les nouveaux contrats doctoraux. Qu’en est‑il de ceux en cours ? Enfin, parce que nos étudiants sont les chercheurs de demain, je voudrais profiter de cette rentrée assez exceptionnelle pour vous interroger sur les mesures prévues pour améliorer leur accueil et l’enseignement.

Comme vous le voyez, nous abordons ce texte avec quelques interrogations, mais surtout une envie de travailler à son amélioration de manière constructive.

Mme Muriel Ressiguier. En pleine crise sanitaire, le 19 mars, Emmanuel Macron, en visite à l’Institut Pasteur, twittait que la crise de la covid nous rappelait le caractère vital de la recherche scientifique et la nécessité d’investir massivement sur le long terme. Nous pouvions donc espérer une prise de conscience sur les enjeux et les besoins de la recherche. Hélas ! le projet de loi de programmation, présenté le 22 juillet en conseil des ministres, est dans la même veine idéologique que l’avant‑projet rendu public le 16 juin. La logique reste celle de l’ouverture au privé, de la mise en concurrence exacerbée et de la rentabilité à court terme. Nous ne sommes pas les seuls à vous le reprocher, puisque ce texte est également rejeté par la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui n’y retrouve pas les propositions qu’elle a formulées lors de la grande consultation lancée par le ministère. Elle déplore une concertation biaisée ainsi qu’un vote final bâclé par les membres du CNESER, le 12 juin, à 6 h 45 du matin, après presque vingt et une heures de séance. Même le CESE émet des réserves.

Concernant le financement, sur les 25 milliards d’euros annoncés pour la recherche d’ici à 2030, seuls 400 millions supplémentaires seront budgétisés en 2021, et nous n’avons aucune certitude sur l’engagement des gouvernements à venir. Outre le fait que les syndicats s’accordent sur la nécessité d’apporter 1 milliard d’euros supplémentaire par an pendant les dix prochaines années, le mécanisme d’attribution des moyens est également problématique. Le budget de l’ANR est considérablement renforcé et, surtout, le principe de l’appel à projets, tant décrié, est conforté. Avec seulement 16 % de réponses positives à ces appels en 2019 et la diminution des fonctions support, les chercheurs doivent de plus en plus se consacrer aux tâches administratives au détriment de leur temps de recherche. Ce système limite, en outre, les thématiques scientifiques et réduit la liberté des chercheurs.

De plus, vous conservez le crédit impôt recherche (CIR), régulièrement remis en cause, notamment par la Cour des comptes, qui estime que son efficacité est difficile à établir au regard de son objectif d’augmenter les dépenses intérieures de recherche et développement des entreprises. Ce cadeau fiscal de plusieurs milliards d’euros par an devrait être réaffecté aux subventions pour charges de service public et bénéficier ainsi en partie à la recherche fondamentale et aux sciences humaines, qui sont les grandes perdantes du projet de loi.

Sous couvert d’une compétitivité stimulante, votre texte va accélérer la dégradation des conditions de travail des chercheurs : la multiplication des contrats précaires, avec l’instauration de CDI de mission scientifique, les chaires de professeur junior, inspirées des tenure tracks américains, et les contrats doctoraux de droit privé tendent à supprimer peu à peu le statut de fonctionnaire. Cette multiplication des contrats induit de grandes inégalités et une concurrence entre les générations, ainsi qu’en leur sein. Non seulement cela est néfaste à la recherche, mais aussi aux chercheurs, en accentuant la concurrence entre les personnes, les laboratoires et les revues scientifiques. Cet individualisme exacerbé menace l’esprit de collaboration et crée des rivalités préjudiciables à un travail serein, collectif et efficace.

Pour faire face aux enjeux à venir, envisagez‑vous de changer enfin de braquet ? Allez‑vous renoncer à la notion de rentabilité à court terme et à la mise en concurrence à outrance, mortifère pour la recherche ? Allez‑vous écouter les acteurs du monde de la recherche et répondre à leurs besoins ? Sans doute pas.

M. Sébastien Nadot. La communauté de la science et de la recherche françaises attendait avec impatience ce projet de loi de programmation, depuis longtemps promis. C’est donc avec satisfaction et intérêt que le groupe Écologie Démocratie Solidarité apporte sa contribution à son examen. Nous souhaitons saluer l’effort budgétaire considérable et la revalorisation de certains personnels de recherche, quand l’Union européenne semble prendre le chemin inverse. Cependant, la trajectoire budgétaire s’étend sur une période inhabituellement longue, sans rapport avec un exercice budgétaire sincère, les enjeux du secteur et nos réalités politiques. Il s’impose de la raccourcir, l’horizon de 2027 nous paraissant le maximum acceptable, comme le réclament les acteurs de la recherche et le laisse entendre l’avis du Conseil d’État.

L’effort budgétaire doit se concentrer en début de période. L’accélération de l’histoire géopolitique, climatique et sanitaire nous impose de réarmer notre outil de recherche sans plus attendre. Plus fondamentalement, à quoi bon une loi de programmation de la recherche réduite à son implication socio‑économique ? Tout se passe comme si recherche fondamentale, recherche appliquée et innovation avaient les mêmes objets, les mêmes temporalités et les mêmes exigences. On a beau lire le texte, on n’y trouve aucune vision ample et humaniste de la recherche. Tout aussi étonnant, le texte semble oublier les missions et les conditions d’exercice des principaux acteurs de la recherche en France, que sont les maîtres de conférences et les personnels administratifs. Rien sur l’articulation, si essentielle, entre la recherche et l’enseignement supérieur.

Sur les nouveaux dispositifs de recrutement, l’étude d’impact ne permet pas d’émettre un avis fondé. Ces nouveaux contrats sont‑ils vraiment adaptés aux spécificités françaises et européennes de la recherche ? Si nous ne sommes pas opposés par principe aux tenure tracks, ce modèle d’inspiration anglo‑saxonne semble fortement plaqué sur le système français sans réflexion sur la cohérence d’ensemble. Plus encore, la précarisation et la discrimination des femmes, que l’on constate dans les pays où ce système existe, ne sont pas prises en compte. La France, avec ses 28 % de femmes chercheuses, se situe sous la moyenne européenne de 33 %. Rien, pourtant, dans ce texte qui inviterait à une transformation vers l’égalité femme‑homme dans le monde de la recherche. Ce sujet n’apparaît pas dans le projet de loi, pas plus que la recherche participative, les questions éthiques ou le rapport des médias à la recherche, soit tout ce qui contribue à inscrire la recherche dans la société.

Que peut et que doit faire la recherche française face aux défis environnementaux pour remplir ses objectifs de développement durable ? Comment s’inscrira la recherche française dans la recherche européenne ? Quel doit être son rayonnement mondial ? Comment mieux inscrire les doctorants dans la société, avec des parcours professionnels moins laborieux ? Comment mettre à profit pour la société l’extraordinaire savoir que chercheuses et chercheurs construisent patiemment ? Tout autant de questions auxquelles nous aurions aimé trouver des réponses plus précises.

Avec Cédric Villani et mes autres collègues, nous considérons qu’un travail substantiel d’amélioration de ce texte est encore nécessaire. Nous comptons y contribuer.

M. Pierre-Yves Bournazel. Le projet de loi de programmation est un texte volontariste et ambitieux, pour replacer la France dans le peloton de tête des classements internationaux et parmi les pays en pointe sur l’innovation. Ce sont d’abord des crédits nouveaux, qui font partie intégrante du paquet de mesures du plan de relance, à hauteur de 25 milliards d’euros sur dix ans. Autrement dit, ce sont en moyenne 500 millions d’euros supplémentaires qui viendront accroître chaque année les moyens de la recherche publique. L’objectif est bien de parvenir, par un effet de levier sur la recherche privée, à 3 % de PIB à l’horizon de 2030. Cela passe par une forte mobilisation et de fortes synergies entre public et privé. Notre groupe, Agir ensemble, salue cette ambition et l’inscription des crédits dans une trajectoire pluriannuelle, qui donnera de la visibilité à nos universités et à nos organismes de recherche et renforcera notre attractivité.

Nous avons trois défis à relever : défi écologique, défi numérique, défi des mutations du travail. Le défi écologique est posé par l’urgence du changement climatique et les dangers que nos modes de vie font peser sur la nature et la biodiversité. Il faudra trouver des moyens nouveaux pour y faire face et accroître notre résilience. La recherche fondamentale sur les énergies propres – je pense aux renouvelables ou à l’hydrogène – sera décisive. Le défi est aussi numérique, alors que les possibilités ouvertes par l’intelligence artificielle et les innovations en matière de santé sont vertigineuses. Dans le même temps, l’horizontalité croissante de notre société, conjuguée à l’effort de ces technologies nouvelles, a entraîné des dérives regrettables : manipulation de l’information et discrédit de la parole scientifique. Nous sommes entrés dans l’ère du soupçon et des manipulations, parfois au plus haut sommet de l’État. Il est d’autant plus essentiel pour nos démocraties de replacer la rationalité et la rigueur scientifique au cœur de nos sociétés. Enfin, alors que les précédentes révolutions industrielles avaient constitué des gisements d’emplois nouveaux, ce n’est pas le cas de la troisième, qui voit l’émergence du big data, de l’intelligence artificielle ou de la blockchain. Réinventer un modèle de croissance pour prendre en compte ces mutations durables va constituer notre plus grand défi. C’est la raison pour laquelle il faut y investir.

Cette loi de programmation est aussi une loi à l’intention des chercheurs eux‑mêmes. En réalité, depuis trop longtemps, nous négligeons les rémunérations des personnels scientifiques. Cette évolution conduit malheureusement à une perte de prestige, au discrédit de la parole scientifique et à l’exode de nos talents à l’étranger. En portant une attention particulière aux nouveaux entrants, c’est l’ensemble des personnels qui seront progressivement revalorisés.

Le projet de loi comporte plusieurs mesures qui ont parfois reçu un accueil mitigé d’une partie de la communauté scientifique, en particulier les chaires de professeur junior inspirées du modèle anglo‑saxon ou les contrats de mission. Notre groupe a deux interrogations à ce stade. Nous croyons qu’il est essentiel que le Gouvernement rassure quant à la portée de ces nouveaux dispositifs et rappelle leur aspect facultatif. Il faudra, par ailleurs, très certainement remettre l’ouvrage sur le métier et évaluer à échéances régulières les progrès accomplis pour parvenir à l’objectif de 3 % du PIB, d’autant que l’écart entre la France et nos voisins les plus ambitieux est important. Vous avez eu raison, madame la ministre, de rappeler le retard pris par la France ces dernières années. En Allemagne, par exemple, l’objectif de 3 % est déjà atteint, et le Gouvernement en a fixé un nouveau à 3,5 %. Notre groupe accueille donc favorablement l’examen de ce texte qui porte le beau projet de replacer la science au cœur de notre modèle républicain.

Mme Marie-George Buffet. Permettez‑moi de saluer les personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui assument leur mission pendant la pandémie, sans toujours disposer des moyens suffisants pour y faire face. Le projet ne les rassure pas, et je les comprends, car il porte une vision concurrentielle de la recherche, bien loin des besoins exprimés. Cette loi manque l’objectif de redonner à la recherche publique les moyens et la stabilité dont elle a besoin. C’est une loi de promesses, auxquelles de moins en moins de gens croient. L’effort budgétaire, pour atteindre l’objectif de Lisbonne de 3 % du PIB dédiés aux dépenses de recherche, dont un tiers à la recherche publique, ne débute que très lentement et ne sera réel qu’après le mandat actuel, sans aucune garantie. Une programmation sur dix ans me paraît excessive : elle fragilise les objectifs et est incapable de créer le choc d’investissement dont a besoin la recherche pour faire face aux défis environnementaux, sanitaires ou numériques.

Le projet acte l’augmentation des crédits de l’ANR, soit du financement par appels à projets. Depuis 2012, ce mode de financement vient progressivement supplanter les crédits récurrents. Les chercheuses et les chercheurs demandent un rééquilibrage en leur faveur, afin de leur dégager du temps, de favoriser l’innovation et la prise de risques et de garantir leur liberté de recherche.

Autre point préoccupant : les nouveaux contrats. La création d’un CDI de mission scientifique est une atteinte à la notion pourtant structurante dans notre droit du travail de CDI. Appeler CDI un contrat de mission est très surprenant ! Au‑delà de la sémantique, ce nouveau contrat sans titularisation ni prime de précarité vient accompagner la précarisation déjà bien avancée des personnels de la recherche. Madame la ministre, en refusant une titularisation massive des travailleurs de la recherche, en leur offrant comme seul avenir l’incertitude, nous privons notre pays de grandes ressources.

Les contrats dits de chaires de professeur junior ne sont pas non plus satisfaisants. En créant une nouvelle voie de recrutement, on affaiblit encore un peu plus le statut. En portant la limite à 25 % dans le corps et à 50 % des établissements, cette nouvelle voie vient directement en concurrence avec la voie classique et porte préjudice aux maîtres de conférences notamment. À défaut de les supprimer totalement, il est impératif que notre commission limite ces recrutements. Pour empêcher les jeunes talents de quitter notre pays, ce sont d’autres réponses qu’il faut trouver, au niveau des salaires et des moyens donnés à la recherche.

Le projet de loi est également insuffisant sur des points essentiels. Si le lien entre la recherche publique et le monde de l’entreprise doit être consolidé, il n’est pas l’unique critère de dialogue entre la science et la société. Quelle place pour les citoyennes et les citoyens dans la construction des grandes orientations en matière de recherche ? Comment améliorer le lien avec le tiers‑lieu scientifique ? Des associations comme Sciences citoyennes ont des propositions concrètes qu’il nous faut débattre.

La question de l’intégrité scientifique est également incontournable, afin de conserver à la parole scientifique toute sa crédibilité et sa portée dans la société. Plusieurs collègues de l’Assemblée et du Sénat ont travaillé à cette question et soumettront des amendements que nous soutiendrons. Le groupe GDR, en soutien à la mobilisation des chercheurs, présentera, lors du débat, d’autres propositions sur les points que j’ai soulevés.

Mme Fannette Charvier. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’évolution des crédits du programme 193. Ces crédits sont en constante augmentation depuis 2016, avec des augmentations très significatives en 2019 et 2020, dues à la volonté de la France d’apurer la dette de l’Agence spatiale européenne (ESA). Néanmoins, le budget pour 2021 s’annonce un peu plus faible que celui de 2020. Pourriez‑vous nous en donner la raison ? Par ailleurs, pourriez‑vous nous confirmer que la trajectoire budgétaire est bien en adéquation avec les engagements pris lors de la conférence ministérielle de l’ESA en 2019 ? Enfin, quel sera l’impact du plan de relance sur le programme 193 ?

M. Maxime Minot. Le texte affirme l’ambition de porter l’effort de recherche à 3 % du PIB à l’horizon de 2030. Néanmoins, le Conseil d’État a relevé que la période de programmation était particulièrement longue. Si j’entends qu’il faille agir dans le temps long, notre groupe va proposer de raccourcir la durée de programmation. Envisagez‑vous de nous répondre favorablement ?

M. Stéphane Testé. Le projet de loi entend remédier à la faiblesse des rémunérations, qui contribue à une perte d’attractivité des carrières scientifiques, et prévoit ainsi que l’embauche des jeunes chercheurs ne pourra pas se faire en dessous de deux SMIC. Comment ce montant a‑t‑il été calculé ? Pensez‑vous que cela sera suffisant à court terme pour attirer les meilleurs éléments et les inciter à embrasser une carrière de chercheur ?

M. Régis Juanico. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’article 21 et les coopérations renforcées entre établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Le projet actuel, mené au forceps, d’IDEX université cible, visant à la fusion de trois entités lyonnaises – ENS, Lyon 1, Lyon 3 – et de l’Université Jean Monnet de Saint‑Étienne a du plomb dans l’aile et est voué à l’échec. Il suscite une opposition quasi unanime des universitaires de Saint‑Étienne, des collectivités territoriales et des élus de la Loire. Tous souhaitent le maintien d’une personnalité morale et juridique propre à l’Université Jean Monnet. Vous avez annoncé plusieurs avancées, le report du conseil d’administration au 23 octobre au lieu du 30 septembre, le changement du nom pour intégrer Saint‑Étienne, ainsi que la garantie concernant le CHU de Saint‑Étienne. Mais il faut un plan B de coopération, privilégiant une association et non une fusion, qui puisse inclure d’autres établissements, comme Lyon 2. Comptez‑vous réunir, comme je vous l’ai suggéré dans un courrier, l’ensemble des élus de la Loire et du Rhône concernés pour en parler prochainement ?

Mme Cécile Rilhac. La faiblesse des rémunérations dans l’enseignement supérieur et la recherche tient à la configuration particulière de ces corps de fonctionnaires. Comme pour tous les corps de la fonction publique, elle est principalement déterminée par trois composantes : la valeur du point d’indice fixée transversalement à l’échelle de la fonction publique, les grilles déterminant la progression des carrières et les primes. Là où les différents corps de la fonction publique ont globalement fait l’objet d’un travail de réalignement des grilles dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations », les primes sont restées parmi les plus basses et les moins bien distribuées. Le niveau de rémunération des enseignants chercheurs et des chercheurs est loin des standards internationaux. Des annonces plus précises sont nécessaires pour leur redonner confiance. Pouvons‑nous envisager une majoration sensiblement plus marquée de l’indemnité des chargés de recherche et des maîtres de conférences de classe normale, comme le demandent certains syndicats ?

Mme Emmanuelle Anthoine. L’objectif de 1 % du PIB consacré à la recherche publique n’est pas inscrit à l’article 1er. En outre, vous attendez de la sphère privée qu’elle passe d’un budget consacré à la recherche de 1,44 % de PIB à 2 %. Pour atteindre un tel objectif, vous tablez sur l’effet qu’aurait le cadre favorable créé par votre loi de programmation. Concrètement, pouvez‑vous nous donner des précisions sur les moyens qui permettront à la sphère privée de consentir deux fois plus d’efforts que la recherche publique ?

Mme Florence Provendier. L’échéance décennale à 2030 rappelle celle des dix‑sept objectifs de développement durable que la France s’est engagée à respecter avec les pays membres de l’ONU. L’objectif 9, « Industrie, innovation et infrastructure », fait de l’investissement dans la recherche l’un des leviers d’action majeurs pour soutenir le développement durable. La progression de la France se mesurera grâce à des indicateurs précis : évolution quantitative des personnels de recherche, effort de recherche en pourcentage de PIB et crédits budgétaires publics. La démarche programmatique de ce texte laisse penser que des indicateurs seront fournis par le ministère afin de suivre l’évolution vers les objectifs. Quelles méthodes de suivi seront déployées ?

Mme Elsa Faucillon. Si la loi s’inscrit dans le temps long, je souhaite vous interroger sur l’ici et maintenant. Le taux de réussite au bac a été de 96 %, ce qui permet à 48 000 bacheliers de plus qu’en 2019 d’entrer dans le supérieur. Je considère que c’est une bonne nouvelle, mais nous savons qu’il manque des places à l’université et que votre gouvernement a fait le choix de la sélection. J’ai bien noté votre annonce de 180 millions d’euros qui devraient permettre d’ouvrir 4 000 places supplémentaires dans les universités. Concrètement, comment cet argent va‑t‑il être utilisé, sans recrutement d’enseignants‑chercheurs ni de personnels administratifs dans les prochains mois ? Les personnels disent leur désarroi devant une telle situation. Quel est votre plan pour cette année ?

Mme Florence Granjus. L’évaluation suscite de très nombreuses inquiétudes dans la communauté scientifique. Quels sont les axes stratégiques de la politique d’évaluation que vous souhaitez instituer, ainsi que ses moyens ?

M. Michel Larive. La rentrée universitaire s’annonce sous haute tension. Le simulacre d’une organisation fondée sur le distanciel masque mal la totale improvisation gouvernementale. Faute de moyens humains, les universités sont au bord de l’asphyxie. C’est dans ce contexte que vous avez choisi de passer en force, en procédure accélérée, votre loi de programmation. Nous nous retrouvons avec un projet similaire à celui qui avait suscité la contestation du monde de la recherche en décembre dernier. Aucun enseignement n’a été tiré de la crise sanitaire, alors que le sous‑investissement chronique dans la recherche fondamentale est, entre autres, à l’origine de la fragilité de nos connaissances sur le coronavirus. Bien au contraire, votre loi consacre la privatisation de la recherche, précarise davantage les personnels et désorganise les laboratoires. Soyez donc assurée de nous trouver face à votre projet destructeur, aux côtés des chercheurs, des facultés, des laboratoires et des revues, pour défendre la recherche publique.

Mme Sylvie Charrière. Votre présentation, madame la ministre, montre la place centrale que le Gouvernement accorde à la recherche, en lui apportant davantage de moyens financiers et opérationnels et en les sécurisant sur le long terme. Ils nous aideront à relever les défis posés par la crise et à construire le monde de demain. Parmi les axes importants du projet de loi, on retrouve l’attractivité des métiers de la recherche et la diffusion de la connaissance dans l’économie et la société. À cet effet, le projet de loi facilite les dispositifs de temps partiel et de mise à disposition entre l’université et les entreprises. Cette simplification bienvenue permettra de faire rayonner le savoir et la connaissance, en dehors des colloques et des séminaires, et de donner un dynamisme certain à notre économie, notamment dans le contexte de la relance qui fait la part belle à la recherche et à l’innovation.

Cela permettra également de favoriser la mobilité des chercheurs et d’ouvrir davantage leur champ des possibles, en renforçant par là même l’attractivité de leurs métiers. Ces nouveaux dispositifs devront être connus des futurs chercheurs. En ce sens, l’orientation des étudiants et l’information à l’université revêtent une importance fondamentale, alors que beaucoup d’entre eux perçoivent aujourd’hui les métiers de la recherche comme peu rémunérateurs, peu mobiles, peu accessibles et que l’on assiste à une fuite des cerveaux. Quelles actions pourront être mises en œuvre à l’université, dès le début de la formation et lors de l’orientation des étudiants, pour faire connaître les nouvelles possibilités offertes par le projet de loi et revaloriser la voie de la recherche ?

Mme Jacqueline Dubois. Aujourd’hui, la recherche n’est plus mono‑disciplinaire. La diminution des frontières interdisciplinaires, la transversalité des objets de recherche, la collaboration entre pays constituent des éléments essentiels de son progrès. Ce partenariat entre différents points de vue épistémologiques et méthodologiques est un moteur pour la recherche de demain. L’augmentation des financements alloués à la recherche est une véritable occasion pour toutes les disciplines, ainsi que pour les universités et les entreprises investies dans la recherche et le développement. On peut s’interroger sur les moyens qui permettraient de dynamiser cette transversalité, mais aussi de valoriser les résultats de la recherche. Certaines disciplines peinent en effet à obtenir des financements suffisants pour mener et diffuser leurs recherches. Les sciences sociales en sont un exemple, se sentant souvent lésées financièrement par rapport aux sciences dites dures. En ce sens, une répartition des financements en fonction des disciplines est‑elle prévue ?

M. Jacques Marilossian. Les dispositifs de chaire de professeur junior, de contrat doctoral de droit privé ou de CDI de mission scientifique vont dans le sens d’une reconnaissance matérielle et symbolique des jeunes chercheurs. Nous saluons aussi l’objectif louable de 100 % de doctorants financés, qu’aucun gouvernement n’avait visé.

Si les dispositifs énumérés financent tous les doctorants, les universités auront-elles à définir en interne des projets pour ceux qui, n’ayant pas remporté d’appels d’offres nationaux ou internationaux, se trouveraient sans poste ? Quelle garantie donnez-vous à tout nouveau doctorant qui a signé un engagement à réaliser une thèse qu’il sera bien financé dès sa première année de recherche ?

M. Pierre Henriet. L’article 5 du projet de loi améliore l’organisation et encadre la durée des contrats postdoctoraux. Comment cette réorganisation s’articule-t-elle avec les contrats d’attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER) ? Les contrats postdoctoraux ont-ils vocation à les remplacer ?

Outre la charge de recherche se pose la question de la charge d’enseignement. Les besoins sont considérables, étant donné l’afflux d’étudiants, en particulier dans les disciplines du droit ou des sciences économiques et sociales. Sans les ATER, il sera difficile d’y répondre. Les nouveaux contrats postdoctoraux seront-ils associés à une charge d’enseignement ? Dans le cas contraire, comment comptez-vous répondre aux besoins d’enseignement ?

Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Vos questions montrent à quel point les députés attendaient ce projet de loi et le jugent nécessaire. Le monde de la recherche vous en remercie très sincèrement.

Il a beaucoup été question de la durée de la programmation. Face à deux options – 2030, l’horizon de réalisation des objectifs de développement durable de l’ONU, ou 2027, celui du programme européen –, le choix a été fait de garantir une programmation sur dix ans, donnant ainsi une meilleure visibilité dans le temps.

Pour un laboratoire de recherche, qui engage un projet de recherche sur plusieurs années, il est essentiel de connaître à l’avance la disponibilité des crédits, donc de savoir qu’année après année, il pourra lancer de nouveaux programmes. Si tous les crédits étaient versés d’un seul coup, il ne serait pas possible d’ajouter de nouveaux programmes à ceux, nombreux, qui seraient engagés l’année suivante, chacun nécessitant un financement sur plusieurs années. Une montée en puissance financière est donc essentielle pour lancer de nouveaux programmes année après année. C’est la raison pour laquelle il importe que des marches supplémentaires soient prévues chaque année.

Pour répondre à la situation actuelle, le Gouvernement a choisi d’investir des financements supplémentaires dans le cadre du plan de relance. Destinés à accélérer la montée en puissance, ils devront être dépensés dans les deux ou trois prochaines années afin d’être efficaces pour relancer notre pays. La loi de programmation n’est en aucun cas un élément de la relance, c’est le plan qui vient s’y ajouter ; la programmation donne des moyens au temps et à la visibilité.

Il serait stérile de continuer à opposer les universités et les organismes de recherche. Depuis de nombreuses années, nous avons travaillé à définir des politiques de site et des signatures d’établissement, qui mêlent les stratégies nationales des organismes et l’implantation des universités au sein de sites et de territoires. Cette matrice, qui fonctionne, permet aux universités d’être des acteurs majeurs de la structuration des territoires, tant en termes de formation de compétences, de recherche, de production de connaissances que d’expertise mise au service du monde socio-économique.

Les organismes de recherche, eux, permettent de lancer des programmes prioritaires de recherche nationaux. Il n’est pas question de confier le programme national visant à sortir des produits phytosanitaires à une université plutôt qu’à une autre quand un organisme de recherche regroupant tous les laboratoires capables d’apporter des solutions à cette question peut être mobilisé.

Nous avons donc besoin de conserver des organismes nationaux qui concrétisent les politiques nationales sur des priorités, comme de disposer d’une recherche visible et structurée au sein des sites. Ce croisement nous le permet. Le projet de loi de programmation prévoit d’ailleurs d’abonder autant le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » que le programme 172 relatif aux organismes de recherche.

Pour lever toute ambiguïté, les chaires de professeur junior constituent bien des contrats de prétitularisation pour intégrer les corps de la recherche ou de l’enseignement supérieur et de la recherche, au niveau professeur ou directeur de recherche. Elles sont beaucoup plus sécurisantes que des années passées de post‑doc en post‑doc.

Je maintiens que ces chaires favoriseront l’accès des femmes aux corps de professeur et directeur de recherche : les candidats qui auront déjà réussi un premier concours n’auront pas à en repasser un second tout en menant parallèlement une vie de famille. Après avoir présenté un projet unique, où ils mettront en avant leurs capacités, ils suivront une phase de pré‑titularisation puis deviendront professeur des universités ou directeur de recherche à l’issue des six ans durant lesquels ils auront fait leurs preuves. J’aurais vraiment aimé que de telles chaires existent il y a quelques années !

Le dispositif est beaucoup plus sécurisant pour les femmes ou les jeunes chercheurs partis à l’étranger, qui ont parfois du mal avec les dates de dépôt des différents dossiers. Nous devons créer des voies particulières. Je redis que le nouvel outil des chaires de professeurs junior vient s’ajouter au recrutement traditionnel ; il ne le concurrence pas et est totalement facultatif.

Nous travaillons également sur le sujet des agrégés et des certifiés, dont certains sont détachés dans le supérieur tout en appartenant toujours à leur corps d’origine, au sein du ministère de l’éducation nationale. Leur rôle est essentiel dans les universités, y compris dans l’accompagnement des étudiants de premier cycle ou la préparation des futurs professeurs agrégés et certifiés.

Nous les prenons en compte, comme nous le faisons pour l’ensemble des personnels contribuant à la recherche. Des mesures fortes de promotion ou de repyramidage au sein du corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation (ITRF) sont ainsi en train d’être débattues avec les représentants des personnels. La proportion entre les professeurs d’université et les maîtres de conférences est aussi en cours d’examen, de même que la capacité à augmenter le nombre des directeurs de recherche hors classe. Ces objectifs sont en discussion dans le cadre du protocole que j’évoquais, et sur lequel je reviendrai.

Certains ont évoqué une « très forte opposition » ou un « énorme conflit social » au sujet de la loi de programmation. Je voudrais tout de même rappeler qu’entre 2012 et 2017, le programme 172 a augmenté de 50 millions d’euros ; entre 2020 et 2025, il augmentera de 1 455 millions. Avons-nous décidé, comme nous en sommes accusés, de « tuer la recherche française » à coups de milliers de millions d’euros ? Soyez convaincus que l’objectif du Gouvernement est bien de réarmer la recherche française. Tuer la recherche française, cela aurait été de maintenir un budget totalement insuffisant au regard de ce que la recherche est capable de produire. Ce que j’entends, moi, c’est beaucoup d’angoisse à l’idée que l’on continue d’abandonner la recherche française comme on l’a fait dans les dernières décennies, pas un conflit social majeur.

Je vous incite à remettre la réalité au cœur de vos discussions. Vous ne pouvez pas dire que ce gouvernement entend baisser les rémunérations des personnels de la recherche lorsque le projet de loi prévoit d’ajouter 646 millions d’euros par an sur sept ans. Il est difficile d’imaginer que nous voulons supprimer le statut des enseignants-chercheurs ou des chercheurs lorsque 5 200 emplois publics sous plafond sont ajoutés ou que nous cherchons à tuer les sciences humaines et sociales quand nous doublons les délégations qui leur sont destinées au CNRS. Sur l’ensemble de ces sujets, je vous invite à diffuser la réalité, c’est‑à‑dire ce texte.

S’agissant des difficultés liées au CNESER, ce Conseil, comme l’Assemblée nationale, est un lieu de débat. Avant que l’on ne décide d’interrompre les débats à minuit, nous avons passé bien des nuits dans l’hémicycle. Le premier budget de la recherche y a, par exemple, été voté entre 4 heures et 7 heures du matin. Qui s’engage dans une fonction de représentation, de la nation ou des personnels, doit être présent pour débattre et échanger autant que le débat le nécessite. C’est ainsi que 52 % des membres du CNESER ont approuvé ce projet de loi.

Bien sûr qu’il faut avoir une vision ample et humaniste de la recherche, et nous l’avons, mais ce n’est pas une loi qui fixe les limites de la confiance.

Quant à parler de discrimination des femmes dans la recherche, et à dire que seules 28 % des chercheurs sont des femmes, M. Nadot parlait peut-être des mathématiques ou des sciences exactes, car nos chiffres, sans être forcément parfaits, révèlent que 36,5 % des personnes qui font de la recherche dans notre pays sont des femmes. L’objectif est qu’il y ait davantage de femmes non seulement dans le monde de la recherche, mais aussi dans le corps des professeurs et des directeurs de recherche, ce à quoi les chaires de professeur junior contribueront.

On ne peut pas pointer une vision concurrentielle de la recherche lorsqu’un financement libre est accordé à l’ensemble d’un laboratoire, après qu’une de ses équipes a remporté un appel à projet, de façon à faire émerger de nouveaux projets. Cette vision est, au contraire, bien plus solidaire. Tous ceux qui ont pratiqué la recherche savent que le succès d’une équipe qui remporte un appel à projets de l’ANR est dû à l’ensemble du laboratoire. C’est pourquoi il importe qu’il puisse bénéficier du financement dans son ensemble.

Les chercheurs se plaignent du faible taux de succès des dépôts de projets à l’Agence nationale de la recherche. Cela n’est pas étonnant, car, dans la précédente législature, on a diminué de 700 à 500 millions d’euros le budget de l’Agence et, partant, le nombre de succès dans les appels à projets. Notre objectif est bien d’octroyer des financements à l’ANR afin que les projets financés soient plus nombreux à l’avenir.

Toutefois, lorsque nous redonnons 450 millions d’euros par an à la recherche de base, et que nous nous engageons à en augmenter, dans le même temps, les financements de 10 % dès l’année prochaine pour atteindre plus 25 % d’ici à 2023, il faut sortir de l’idée que nous ne réarmons que l’ANR. Cela dit, j’assume que nous réarmions celle-ci, car nous avons besoin d’une grande agence nationale de la recherche, ne serait-ce que pour chercher les projets à l’international et en Europe. Comme pour tout, il faut s’entraîner pour déposer des projets et obtenir des financements.

S’agissant des CDI de mission scientifique, demandez l’avis des jeunes docteurs recrutés en CDD, à qui l’on ne peut pas, même si les financements sont disponibles pendant dix ou douze ans, proposer un contrat excédant six ans, car cela détruirait un emploi titulaire. Les CDI de mission scientifique eux, peuvent être conclus pour douze ans, que le projet dure autant ou que le laboratoire, l’université ou le département en définisse un nouveau dans le cadre duquel le chercheur continuera à mettre tout ce qu’il a appris au service de son équipe, dans son établissement. Il ne s’agit donc pas de remplacer quoi que ce soit. Et non, on ne peut pas créer des emplois de fonctionnaire avec de l’argent venant de l’Europe ; on ne peut pas titulariser des personnes recrutées grâce à des contrats européens.

Le fait d’avoir fini de rembourser à l’Agence spatiale européenne (ESA) la dette d’un milliard d’euros, non financée, que nous avions trouvée, explique que le programme du secteur spatial semble reculer par rapport à l’an dernier. En réalité, il continue d’augmenter. Les engagements qui ont été pris envers l’ESA sont prévus dans le projet de loi de programmation.

Le choix a été fait de commencer la revalorisation par ceux qui touchent les rémunérations et les primes les plus faibles. C’est pourquoi, dès cette année, tous les maîtres de conférences toucheront au moins 1 000 euros de plus par an et tous les chargés de recherche recevront près de 1 300 euros annuels de plus. D’autres renforcements de leur régime indemnitaire s’ajouteront l’année prochaine. Nous avons donc choisi de commencer la revalorisation par les maîtres de conférences, les chargés de recherche et les catégories C des personnels de soutien à la recherche, qui ont les rémunérations les plus faibles et le moins de pouvoir d’achat.

Encourager les entreprises à investir dans la recherche et le développement est une condition indispensable pour amener les connaissances et les preuves de concept vers le marché. Cette démarche doit être renforcée. L’État doit soutenir et financer la création de connaissances, et des « passeurs » doivent les emmener un peu plus loin. Ensuite, les entreprises prennent leurs risques, ce qui est normal. C’est là le principe de la recherche et développement. Il faut faciliter et simplifier les dispositifs, penser de nouvelles possibilités de passerelles et des allers-retours afin que l’investissement des entreprises dans la R&D suive l’investissement massif que l’État réalise dans le secteur public. C’est ainsi que cela se passe dans tous les grands pays de recherche. Statistiquement, le financement de ces dépenses s’établit toujours à un tiers pour l’État, deux tiers pour les entreprises.

Naturellement, il faudra suivre les indicateurs pour garantir le maintien de la trajectoire, mais ce que j’ai entendu cet après-midi me rend certaine que personne ne souhaitera revenir sur ce projet de loi pour en abaisser les ambitions – pour les augmenter, peut-être, ce dont je ne pourrais que me réjouir.

La question de l’évaluation est essentielle : comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, il s’agit de savoir, non pas si nous en avons trop ou pas assez, mais à quoi cela sert. Évaluer c’est d’abord voir où l’on en est et quels outils donner pour accompagner et progresser. Ensuite, c’est prendre en compte toutes les missions remplies par les chercheurs au cours de leur carrière. À ce jour, les carrières des chercheurs et des enseignants-chercheurs ne sont fondées que sur la bibliométrie. Or, une fois de plus, la recherche est un travail d’équipe. Un laboratoire est aussi reconnu par sa capacité à passer des contrats industriels, à promouvoir la culture scientifique et technologique, à intéresser des étudiants pour qu’ils le rejoignent, à donner le goût de la science et de la recherche aux collégiens et aux lycéens. De même, l’investissement pédagogique, la capacité à repenser ses enseignements, à les moderniser et les mettre plus en phase avec ce que sont les étudiants aujourd’hui sont fondamentaux pour les enseignants-chercheurs. Tous ces aspects sont importants et doivent être pris en compte dans les carrières et les promotions.

Il faut donc repenser l’évaluation en profondeur. Ce travail fondamental sera mené avec tous les représentants des personnels. Il permettra à l’ensemble des chercheurs et enseignants-chercheurs de redevenir fiers de ce qu’ils font et de ne plus s’estimer de seconde zone parce qu’ils ne publient pas assez, ou peu reconnus alors qu’ils font fonctionner tout le département de formation. Mon objectif est d’éviter tout ce qui fracture le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Non, la rentrée universitaire ne s’est pas faite dans l’improvisation. Il faut respecter le travail de l’ensemble des personnels qui, tout l’été, l’ont préparée. Je tiens, une fois de plus, à les saluer et à les remercier de leur engagement exceptionnel, qui fait honneur au service public.

L’interdisciplinarité et le rôle des sciences humaines et sociales sont évidents. Soyons fiers de ces disciplines, même si elles requièrent naturellement des outils et des organisations adaptés. Dans l’appel à projets flash qui a été lancé sur la question de la covid, 30 % des projets sélectionnés, retenus et financés relèvent de ces secteurs. Changeons notre représentation de ces disciplines, qui contribuent de manière considérable à l’avancée des connaissances et de la recherche.

L’objectif de 100 % des doctorants financés, fixé au niveau macroscopique, signifie bien que nous créerons des contrats doctoraux supplémentaires. Environ 25 % de doctorants n’ont pas de financement actuellement. Nous augmenterons de 20 % ceux de l’État et, pour les 5 % restants, nous travaillerons avec les collectivités, les associations, les régions et le mécénat. Nous ne diminuerons donc pas le nombre de doctorants pour l’aligner sur celui des financements, ni n’opérerons de substitution entre les futurs contrats postdoctoraux et les contrats d’ATER, bien utiles pour finir un doctorat car, dans certaines disciplines, la durée d’un contrat doctoral peut être trop courte. Les contrats d’ATER sont aussi un engagement à se présenter à des concours d’enseignant-chercheur.

Dans le monde des entreprises, il est difficile de financer un post‑doctorat au travers d’un CDD, car la période est trop courte pour conduire un projet de recherche. Les contrats postdoctoraux visent donc à renforcer la situation du post‑doctorant en lui donnant une sécurité et une stabilité, qui sont largement attendues.

Je terminerai par quelques remarques qui ne sont pas spécifiques au projet de loi de programmation.

Nous continuons à déployer le plan Étudiants. C’est pourquoi l’augmentation du budget du ministère ne se résumera pas à celle de la loi de programmation. Le plan de relance consacrera 180 millions à la création de places supplémentaires. Les demandes des étudiants portent souvent sur des structures hors université. La demande est très forte, par exemple, pour le secteur paramédical, les métiers du soin – infirmier, orthophoniste, rééducateur –, que les jeunes ont découverts depuis l’épidémie et dont ils considèrent qu’ils ont un sens. Toutes ces formations sont actuellement financées par les régions. Le Gouvernement a choisi d’aider celles-ci à augmenter de plusieurs milliers le nombre de places dans ces formations.

Nous avons également soutenu l’apprentissage, car 170 000 bacheliers ont demandé des formations sous cette forme cette année. Avec la ministre du travail, nous organisons bientôt un important forum de l’apprentissage, et je vous invite à diffuser l’information : les 15 et 16 septembre prochains, toutes les offres de place des entreprises seront proposées aux jeunes qui recherchent des formations en apprentissage.

Quant à l’IDEX de Lyon-Saint-Étienne, ce n’est pas moi qui, devant un jury international, en contrepartie de financements, ai pris l’engagement d’une telle structuration du paysage de l’ESR. Pour ma part, j’accompagne les acteurs, dans les endroits où la démarche a eu du succès comme dans ceux où elle n’en a pas eu : il ne revient pas au ministère d’annoncer que les établissements fusionnent ou s’associent.

Je suis, par ailleurs, surprise de vous entendre dire, monsieur Juanico, que l’ensemble des personnels de l’université de Saint-Étienne sont contre le projet : ce sont bien eux qui ont récemment élu leur présidente sur le projet de réussir l’IDEX. Vous dites aussi que les élus estiment très important de garder une université de plein exercice, mais nous parlons là d’un projet académique d’enseignement supérieur et de recherche, qui a été soutenu et présenté par des établissements, qui ont depuis renouvelé leurs instances. Je soutiendrai les projets que les établissements ont défendus. S’ils décident de ne pas tenir les engagements évoqués devant le jury international, ils prendront leurs responsabilités et perdront les financements de l’IDEX. Je serai navrée que les établissements de Lyon-Saint-Étienne n’apparaissent pas sur la carte des meilleurs sites universitaires de France et qu’ils ne puissent pas bénéficier de cette visibilité, notamment pour attirer des chercheurs et des étudiants internationaux, mais je respecterai entièrement la capacité des établissements à tenir ou non les engagements qu’ils ont eux‑mêmes pris. Si je comprends l’intérêt des politiques, notamment du maire de Saint‑Étienne, je ne suis pas persuadée qu’il joue pour son université. Je respecte pourtant son choix. J’ai déjà proposé qu’il soit reçu par mon cabinet. Je les recevrai et les entendrai, mais il est bon que les acteurs qui s’engagent, dans l’ESR comme ailleurs, tiennent les engagements qu’ils ont pris.

 

 


—  1  —

II.   examen des articles

1.   Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 17 heures (article premier et rapport annexé) ([2])

M. le président Bruno Studer. Nous abordons cet après‑midi en présence de Mme la ministre Frédérique Vidal, l’examen des articles du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, dont la discussion générale a eu lieu le mercredi 9 septembre.

Sur les vingt‑cinq articles du projet de loi et son rapport annexé, environ 500 amendements ont été déposés, dont 120 sur le seul rapport annexé. Parmi les amendements jugés irrecevables, vingt l’ont été au titre de l’article 40 de la Constitution pour création de charge, onze car ils constituaient des injonctions au Gouvernement et deux au titre de l’article 38 de la Constitution, dans la mesure où ils étendaient une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Les séances en commission ont été ouvertes jusqu’à jeudi soir. Terminer plus tôt permettrait de mettre plus rapidement en ligne le texte adopté par notre commission et de préserver un délai raisonnable pour le dépôt d’amendements en séance, où l’examen du texte commencera lundi prochain. C’est pourquoi, en accord avec les groupes, j’ai maintenu le début de l’examen du projet de loi cet après‑midi.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, il y a un vrai problème de méthode. À midi, aujourd’hui, nous n’avions toujours pas accès aux amendements des rapporteurs ! Je sais bien qu’ils travaillent également dans des conditions de plus en plus compliquées, mais, alors que le texte doit nous conduire jusqu’en 2030, il est tout de même problématique de ne pas pouvoir exercer notre droit de sous‑amender ! Nous n’avons pas l’habitude de travailler dans des conditions aussi baroques.

M. Sébastien Nadot. Constater à quatorze heures quarante‑cinq que des amendements sont jugés irrecevables parce qu’il s’agirait d’injonctions au Gouvernement est pour le moins surprenant. Si vouloir changer la loi revient à adresser une injonction au Gouvernement, je ne sais pas ce que je fais ici !

M. le président Bruno Studer. Il n’aura échappé à personne que les délais sur ce texte sont assez restreints. Je prends bonne note de vos remarques. Nous essaierons tous ensemble de faire mieux la prochaine fois, mais vous savez bien que certains arbitrages n’arrivent qu’à la dernière minute. Monsieur Nadot, la Constitution dispose simplement que le législateur n’a pas à dire en détail ce que le Gouvernement doit faire dans ses textes réglementaires.

Titre Ier
Orientations stratégiques de la recherche et programmation budgétaire

Article 1er
Approbation du rapport annexé

La commission examine l’amendement AC49 de Mme MarieGeorge Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement vise à supprimer l’article. Si nombre de constats et d’objectifs présentés par le rapport annexé sont justes, nous pouvons regretter l’inadéquation entre la volonté qui y est affichée et les dispositions du projet de loi. La trajectoire budgétaire fait reposer l’effort essentiellement à partir de 2023. Sur le plan des ressources humaines, si le rapport souligne à juste titre la qualité exceptionnelle de nos personnels de recherche, les nouveaux contrats du projet de loi ne font qu’accompagner leur précarisation, quand ils ne s’attaquent pas directement au statut du fonctionnaire. Enfin, le rapport rappelle l’absolue nécessité de garantir le financement pérenne des laboratoires, alors que le projet de loi ne s’engage que sur une augmentation substantielle du financement par les appels à projets.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Le projet de loi est la preuve que la communauté scientifique a enfin la place qu’elle mérite, grâce à une trajectoire financière importante. Aussi est‑il paradoxal de vouloir supprimer d’emblée l’article 1er, sachant que nous avons tout fait pour apporter des éléments de réponse supplémentaires prouvant la puissance d’investissement dans la recherche, par le biais du plan de relance et du programme d’investissements d’avenir (PIA). Avis défavorable.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le rapporteur, j’ai bien précisé que nombre de constats et d’objectifs du rapport annexé étaient justes. Le problème, c’est que le projet de loi ne traduit pas ses ambitions.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC87 de M. Patrick Hetzel et AC66 de Mme Marie-George Buffet, les amendements identiques AC88 de M. Patrick Hetzel, AC159 de Mme Béatrice Descamps et AC277 de Mme Josette Manin, l’amendement AC119 de M. Sébastien Nadot, l’amendement AC485 du rapporteur, les amendements identiques AC147 de la commission des finances, et AC278 de Mme Josette Manin, l’amendement AC160 de Mme Béatrice Descamps, l’amendement AC146 de Mme Muriel Ressiguier, les amendements identiques AC62 de Mme Marie-George Buffet et AC279 de Mme Josette Manin, l’amendement AC161 de Mme Béatrice Descamps, ainsi que l’amendement AC276 de M. Michel Larive.

M. Patrick Hetzel. L’amendement AC87 vise à ajouter après « période » : « 2021 à 2027 en prenant compte l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et de développement à 3 % au moins du produit intérieur brut dont au moins 1 % de recherche publique au cours des sept années suivantes. » Malgré les explications de Mme la ministre, notre groupe continue de s’étonner du choix d’une période aussi longue. Même s’il y a besoin d’une prévisibilité et d’une planification de l’investissement dans la recherche, dix ans c’est de la communication gouvernementale ! Le Conseil d’État suggère également, dans son avis, de ne pas dépasser sept ans.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement AC66 vise à remplacer « 2030 » par « 2025 ». Lors de la discussion générale, nous avons tous souligné le besoin d’un effort significatif et rapide en faveur du financement de la recherche. Or vos propositions ne permettent pas le nécessaire choc de financement. Par ailleurs, la trajectoire est très hypothétique, dans la mesure où nous ignorons les choix de la future majorité, la loi de programmation n’engageant pas les gouvernements à venir.

M. Patrick Hetzel. L’amendement AC88 vise à substituer « 2027 » à « 2030 ». Par ailleurs, c’est bien immédiatement qu’il faut augmenter de manière significative les moyens de la recherche et non pas à l’horizon de 2028, de 2029 ou de 2030. Ce n’est que de la communication, quand nous souhaitons des actes pour rassurer la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement AC159 vise également à réduire la période de la programmation pluriannuelle de 2030 à 2027, pour mieux coller à l’agenda européen et éviter de la soumettre aux aléas politiques.

Mme Josette Manin. Nous devons engager un véritable effort financier pour éviter tout décrochage de notre pays. L’amendement AC277 vise à réduire la durée de la programmation de dix à sept ans, afin de la rendre plus cohérente et d’atteindre les objectifs fixés dès 2027.

M. Cédric Villani. Il y a quatre ans, en tant que chercheur, je participais à une grande opération auprès de certains scientifiques couronnés pour sauver une partie des budgets de la recherche, pour un total de 250 millions d’euros. La somme dont nous discutons aujourd’hui est cent fois supérieure. Au‑delà de toutes les améliorations que nous pourrons apporter au texte, reconnaissons déjà l’effort considérable dont beaucoup, dans la communauté scientifique, nous seront reconnaissants. L’amendement AC119 vise à porter l’ambition du financement de la recherche publique à 1 % du PIB, conformément à l’objectif déjà ancien de Lisbonne.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. L’amendement AC485 précise la trajectoire de l’effort global de recherche, en fixant l’objectif à au moins 3 % du produit intérieur brut annuel, dont au moins 1 % de dépenses intérieures de recherche et de développement des administrations (DIRDA).

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cela fait quinze ans que la France stagne à 2,2 % du PIB, quand d’autres pays ont largement dépassé les 3 %, comme la Corée du Sud, le Japon ou la Suède. L’Allemagne a, quant à elle, un objectif à 3,5 %. Bien sûr, il faut relativiser ces chiffres, étant donné que le PIB devrait chuter de 11 à 15 % en 2020. Il n’en reste pas moins que, si la France veut rester une grande puissance scientifique, l’objectif de 3 % du PIB fixé pour 2020 ne peut être qu’un seuil, comme le suggère l’amendement AC147.

Mme Josette Manin. L’amendement AC278 est identique à l’amendement AC147.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement AC160 vise à préciser que les objectifs de PIB ne doivent pas être des plafonds mais des seuils.

M. Michel Larive. L’amendement AC146 vise également à préciser que les dépenses doivent être portées à un minimum de 3 % du PIB. Qui plus est, le PIB n’étant pas l’indicateur le plus pertinent, il nous paraît urgent de penser à d’autres modèles. Si le produit intérieur baisse, le budget consacré à la recherche fera de même. Or, selon des estimations, le PIB devrait baisser de 10 points cette année.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement AC62 vise à préciser qu’au moins 1 % du PIB doit être consacré à la recherche publique, conformément aux engagements pris dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Aussi, ne pas définir la part de la recherche publique dans l’augmentation des dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) des administrations et entreprises traduit un manque d’engagement ferme du projet de loi en faveur de la recherche publique, manque d’engagement se confirmant d’ailleurs à l’article 2.

Mme Josette Manin. L’amendement AC279 est identique. En 2007, la France et l’Allemagne consacraient chacune 0,74 % de leur PIB à la recherche publique. Treize ans plus tard, l’Allemagne a atteint les 1 %, alors que la France a stagné et se classe au dix‑huitième rang des pays de l’Union européenne.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement AC161 vise à indiquer que les objectifs doivent être des seuils et non des plafonds.

M. Michel Larive. L’amendement AC276 tend à préciser la part de la DIRD assurée par la recherche publique, qui devra atteindre 1,5 % du produit intérieur brut. En 2016, la DIRD représentait 2,22 % du PIB dont seulement 0,78 % pour les dépenses de recherche et développement des administrations (DIRDA), alors que les dépenses de recherche et développement des entreprises (DIRDE) atteignaient 1,44 %.

Pourtant, le rapport annexé à la présente loi constate que : « Les évolutions des dépenses de recherche et développement des entreprises au cours des prochaines années sont bien sûr moins directement pilotables par l’État. Elles dépendent de nombreux facteurs. » Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) renchérit dans son avis sur le projet de loi en indiquant que : « l’atteinte de cet objectif en 2030 est d’autant moins réalisable que le Gouvernement compte sur un effet de levier supposé de la dépense publique sur la dépense privée. Or on observe que cela n’a pas fonctionné, puisque l’effort de la dépense publique qui a contribué à la R&D n’a pas fait évoluer la part du financement du privé. »

La recherche publique souffre d’un sous-investissement chronique : l’effort public n’a cessé de régresser. Il est temps de lui redonner sa place, de confier la production et la diffusion des connaissances scientifiques au secteur public, au service de l’intérêt général, en portant les dépenses qui lui sont consacrées à 1,5 % du PIB.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Nombre d’entre vous, à la suite du Conseil d’État, ont relevé la durée excessive de la programmation. Or j’estime qu’il est très important de dessiner une trajectoire à long terme, en cohérence avec le respect des objectifs de développement durable fixés par les Nations Unies. Par ailleurs, comme je vous l’annonçais tout à l’heure, j’ai déposé un amendement visant à rendre plus lisible l’investissement fait dans la recherche les trois premières années. Avis défavorable aux amendements de réduction de la durée de la trajectoire.

Quant aux objectifs de part du PIB pour l’effort de recherche, je vous suggère de retenir ma rédaction, qui précise, d’une part, qu’il s’agit du PIB annuel et, d’autre part, que les 3 % comme les 1 % sont bien un seuil.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je suis extrêmement fière que ce gouvernement soit le premier à traduire dans une loi de programmation les bonnes intentions exprimées par chacun d’entre vous lors de la discussion générale. Je suis ravie de voir que nous partageons la volonté de réinvestir massivement dans la recherche publique.

Madame Buffet, vous avez mentionné la nécessité d’un choc de financement ces prochaines années : c’est exactement le sens de ce que fait le Gouvernement en inscrivant dans le plan France Relance 6,5 milliards d’euros supplémentaires sur les trois prochaines années pour soutenir la recherche. Notre réponse offre également une visibilité à long terme, que nous assumons, parce que la recherche a besoin de temps long et que nous rejoignons ainsi le calendrier des objectifs de développement durable des Nations unies.

Avis défavorable sur les amendements visant à modifier la durée de la programmation. S’agissant des pourcentages, il est important que nous nous mettions d’accord sur le fait qu’il s’agit bien de minima. C’est pourquoi je vous propose de retirer vos amendements au profit de l’amendement AC485 du rapporteur. Dans tous les pays, la proportion de l’investissement dans la recherche publique est d’un tiers pour deux tiers dans la recherche privée. L’effet levier fonctionne bien.

Mme Fannette Charvier. La trajectoire ne démarrerait pas suffisamment fort et serait trop longue. Le plan de relance a rendu caduc le premier argument : ce sont 2,5 milliards d’euros supplémentaires en 2021 et 2022 ; le budget de l’ANR passera de 518 à 953 millions d’euros dès 2021 ; sans oublier les 365 millions d’euros alloués au spatial entre 2021 et 2022, dont une partie ira aux travaux de recherche. Le choc attendu aura bien lieu. Quant à la durée de la trajectoire, tout le monde s’accorde sur le fait que la recherche demande un temps long. Aussi assumonsnous de nous caler sur le temps de la recherche et non sur le temps politique.

M. Patrick Hetzel. Certes, personne ne niera que la recherche a besoin de temps long. Mais, en réalité, le sujet est tout autre. Regardez ce que dit le Conseil d’État, qui renvoie au principe de la sincérité budgétaire. Plus une période est longue, plus la part d’aléas va croissant. Or aucun de vos arguments ne permet de garantir la sincérité de votre budget. Aller jusqu’en 2030, c’est de l’insincérité budgétaire !

M. Michel Larive. La période est trop longue, et la vie nous réserve souvent des surprises… Par ailleurs, l’effort minimal est réalisé sous votre législature, ce qui prive la recherche du choc attendu. Quant au reste, vous ne faites que spéculer sur le travail de vos successeurs.

M. Sébastien Nadot. Sur le terrain, nombreux sont ceux qui craignent l’effet Pinocchio de votre loi de programmation : plus on regarde loin, plus le nez s’allonge. Entre l’inflation et les aléas divers, il est difficile de faire un tel pari sur dix ans, d’autant que l’effort apparaît moins significatif au début qu’à la fin de la période.

La commission rejette successivement les amendements AC87 et AC66, les amendements identiques AC88, AC159 et AC277, ainsi que l’amendement AC119.

Elle adopte l’amendement AC485.

En conséquence, les amendements AC147, AC278, AC160, AC146, AC62, AC279, AC161 et AC276 tombent.

M. le président Bruno Studer. Nous passons maintenant aux amendements déposés sur le rapport annexé.

La commission examine l’amendement AC61 de Mme MarieGeorge Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement vise à supprimer l’alinéa 1 du rapport annexé, le monde scientifique pas plus que les acteurs de l’enseignement supérieur n’ayant été étroitement associés à l’élaboration de cette loi de programmation de la recherche (LPR). Les conditions d’examen du texte au sein du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) ont été largement dénoncées : transmission du texte seulement quatre jours avant l’examen ; amendements des organisations non étudiés de manière individuelle ; vingt et une heures de travail à la suite pour terminer à six heures quarante‑cinq du matin, au lieu d’étaler les travaux sur deux jours. Plusieurs syndicats ont refusé de participer ou sont partis en cours de route, considérant que les conditions du dialogue social étaient très dégradées. La FAGE a dénoncé le fait que : « La LPPR pass[ait] au CNESER dans des conditions déplorables pour notre démocratie et le dialogue social. »

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable. Les concertations ont bien eu lieu.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La loi a été annoncée en février 2019. Elle a donné lieu à trois groupes de travail incluant des parlementaires, qui ont auditionné un très grand nombre de représentants de la communauté scientifique. Des rapports ont été remis en septembre 2019. Un site web a été ouvert, qui a recueilli plus de mille contributions directes. Nous avons fait quelques dizaines de déplacements et rencontré quelques milliers de personnels sur les sites. Nous avons travaillé avec les représentants des personnels, bien en amont de l’examen au CNESER, lequel s’est exprimé à la majorité des présents en faveur du projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC114 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. L’amendement vise à impliquer les chercheurs rattachés aux universités, qui participent aux missions de recherche.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Votre amendement laisse penser que l’enseignement supérieur n’est pas concerné par la LPR, ce qui n’est évidemment pas le cas. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. La question n’est pas anecdotique. Madame la ministre, vous êtes bien ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ce qui montre bien que les deux termes ne sont pas équivalents. L’amendement de M. Nadot permet d’insister sur le fait que l’enseignement supérieur doit pleinement avoir sa place dans le projet de loi. Votre refus est très inquiétant, en ce qu’il laisse penser que vous avez une vision très dichotomique, avec la recherche d’un côté et l’enseignement supérieur de l’autre.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’examen de l’amendement AC486 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. L’amendement vise à souligner dès le préambule que la notion de recherche est avant tout associée à des activités qui produisent et développent des connaissances scientifiques, des découvertes et des inventions, et participent à la progression des connaissances nouvelles.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’examen de l’amendement AC55 de Mme MarieGeorge Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement vise à ouvrir une réflexion sur le choix du PIB comme indicateur, lequel peut être amené à fluctuer, comme nous le voyons avec la crise.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Le PIB est un standard international qui n’a jamais été remis en cause lors des discussions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC115 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. L’amendement vise à porter l’objectif de recherche publique à 1 % du PIB, conformément à l’objectif de Lisbonne de 2000.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cet objectif vient d’être inscrit à l’article 1er du texte, avec l’adoption de l’amendement AC485. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC116 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. La recherche doit être abordée avec l’enseignement supérieur. La dichotomie que vous posez pose problème, en méconnaissant notamment la mission des enseignants‑chercheurs.

Mme Danièle Hérin, rapporteure générale. Monsieur Nadot, cela fait deux fois que vous faites la même remarque. Lorsque nous parlons de recherche, cela inclut la recherche faite par les organismes mais aussi dans les universités. Si nous ne sommes pas d’accord sur ce point, je suis très embêtée. Préciser qu’il y a de la recherche faite par les enseignants aurait l’effet inverse de ce que vous souhaitez.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La recherche française est menée par un ensemble de personnels : les chercheurs, les enseignants‑chercheurs, les doctorants, les personnels de support. Ajouter une précision reviendrait à supposer que ce n’est pas le cas aujourd’hui. La recherche permet la production de connaissances, qui sont diffusées par l’enseignement supérieur. Quand on parle de recherche publique, on parle bien de toute la recherche.

M. Michel Larive. Je serais plutôt d’accord avec vous, madame la ministre, si votre projet de loi n’était pas intitulé : « projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur »…

Mme Frédérique Vidal, ministre. Si certaines dispositions regardent l’enseignement supérieur, la loi de programmation de la recherche concerne bien tous les programmes du ministère, le 150 comme le 172.

M. Cédric Villani. Pour avoir fait toute ma carrière de recherche dans une université, je ne peux qu’approuver ce qui a été rappelé. Quelle que soit la formulation, l’important est de rappeler que la recherche se fait aussi dans les universités. Nos débats actuels sont la marque d’une dichotomie historique, mais également la preuve que nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la recherche se fait aussi bien dans les organismes que dans les universités.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC148 de la commission des finances.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Je ne souhaite surtout pas déclencher les mêmes cris d’orfraie qu’en commission des finances. Il ne s’agit, en effet, que d’un amendement d’appel, que vous pourriez bien évidemment adopter, mais à partir duquel nous pourrions surtout définir une stratégie de moyen et long termes dans le domaine de la recherche. Il est inspiré des réflexions engagées au sein des groupes de travail auxquels j’ai participé avec MM. Villani et Berta pour préparer ce projet de loi de programmation et il fait suite à la récente création du poste de haut-commissaire au plan.

Le troisième groupe de travail proposait ainsi, dans son rapport, de créer une cellule stratégique auprès du Premier ministre et un outil opérationnel au travers d’une agence des grands défis sociétaux, dans l’objectif très simple de donner les moyens à la France, non pas seulement de rattraper son retard au cours des dix ou vingt prochaines années, mais de préparer l’avenir en identifiant les domaines dans lesquels notre pays, seul ou avec d’autres, possède des atouts, des avantages, pour bâtir un leadership. Il s’agirait dès lors de définir des champs, tracer les jalons, scientifiques, technologiques, industriels, commerciaux, de déterminer des partenariats de la manière la plus décloisonnée possible au sein de l’État comme dans les territoires. L’institution d’un haut-commissaire au plan – sans haut‑commissariat, notons cette originalité au passage – pourrait être l’occasion de combler cette lacune dans l’organisation de la recherche française, dont Cédric Villani a lui-même déploré le fonctionnement complexe et en silos.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Nous avons bien entendu votre appel mais l’avis sera défavorable car il ne nous appartient pas de modifier les attributions du haut‑commissaire au plan, définies par décret.

M. Cédric Villani. Je partage les arguments de M. le rapporteur pour avis mais l’amendement me pose problème en ce qu’il ne dit rien de l’articulation entre le haut‑commissaire au plan et le conseil stratégique de la recherche, organe destiné à définir la stratégie de la recherche pour le long terme et dont l’expérience nous a révélé, ces dernières années, les nombreux dysfonctionnements. Nous avons justement insisté, dans le rapport cité par M. Chouat, sur la nécessité de trouver une nouvelle place au conseil stratégique de la recherche car il n’existe pas, aujourd’hui, d’organe de pilotage capable de conseiller l’exécutif d’une manière générale et au niveau des ambitions de notre pays.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement, dont nous avons débattu en commission des finances, pose un problème de nature constitutionnelle. Si l’on vous suivait, vous transformeriez le haut-commissaire en vice Premier ministre, ce qui ne serait pas conforme à la Constitution. J’ai bien compris le caractère politique du sujet et je sais bien que cette majorité éprouve parfois le besoin de faire de la politique politicienne mais en l’espèce, cette proposition est inquiétante car elle signifie, madame la ministre, que le haut-commissaire vous dictera la politique de recherche à mener. À votre place, je ne l’accepterais pas, à moins d’apprécier de telles injonctions.

La commission rejette l’amendement.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Je le déposerai à nouveau.

Elle étudie l’amendement AC110 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Le rapport annexé ne définit pas la recherche, notion largement débattue au sein des trois groupes de travail. Il s’agit, par conséquent, de donner une définition plus ambitieuse de la recherche, en nous rapprochant des travaux d’Habermas, et qui ne se réduise pas à une utilité socio-économique immédiate.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il ne me semble pas souhaitable d’insérer une telle définition à cet endroit du texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC117 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit d’insérer après le mot « recherche » les termes « d’enseignement supérieur », à la première phrase de l’alinéa 8.

J’ai bien compris vos remarques mais nous voulions simplement relayer le sentiment des universitaires d’être les oubliés de ce texte. Votre réponse me satisfait mais il est dommage qu’elle ne transparaisse pas dans le texte.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AC118 de M. Sébastien Nadot.

Elle en vient aux amendements AC105 et AC104 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Le premier amendement tend à substituer, à la première phrase de l’alinéa 12, aux mots « faire face à », les mots « lutter contre » et à insérer, après le mot « biodiversité », les termes « et à faire face ». Le terme « lutter », plus volontariste que « faire face », reflète mieux l’urgence et la gravité des défis de la crise climatique et écologique.

Quant au second amendement, il vise à substituer aux mots « à la mise en danger », les mots « le dangereux déclin ». En effet, selon le rapport de l’IPBES, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, environ un million d’espèces animales et végétales seraient menacées d’extinction dans les prochaines décennies, ce qui est sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements.

Elle étudie l’amendement AC96 de Mme Jennifer de Temmerman.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit d’inscrire le respect des objectifs de développement durable dans le texte. Cet objectif transparaît mais n’est pas suffisamment marqué.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je partage cette préoccupation, d’autant plus que les objectifs de développement durable sont déjà inscrits à l’Agenda 2030 du Gouvernement. Avis favorable et nous élargirons la vision des objectifs de développement durable plus loin dans le texte.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC126 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Afin de participer pleinement à l’effort de transition écologique, chaque établissement de recherche devra intégrer dans l’évaluation de ses activités son impact environnemental. Un indicateur de mesure devra être construit et donner lieu à une évaluation annuelle de l’impact environnemental des établissements de recherche à l’échelle du pays. Beaucoup d’établissements ont engagé cette démarche mais la rendre systématique permettrait de parfaire la transformation.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cette proposition est intéressante mais l’annualité de l’évaluation est excessive. Peut-être conviendrait-il d’intégrer cette dimension au Haut conseil de l’évaluation, de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Je vous invite à le retirer pour le revoir d’ici l’examen en séance publique, sinon avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC487 du rapporteur.

Elle passe à l’amendement AC129 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit de substituer, à l’alinéa 35, aux mots « Une perte de rationalité » les termes « Les enjeux du rapport des citoyens à la rationalité scientifique ».

Qui, des citoyens, des médias ou des responsables politiques, se laissent gagner par l’irrationalité ? La rédaction de cet amendement pose la question.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC128 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. L’adhésion et le consentement des Français à l’effort public de recherche sont les fondements de notre pacte républicain, aussi la représentation nationale et le Gouvernement se doivent-ils d’analyser, à partir de publications solides, la qualité et l’évolution des rapports que nos concitoyens entretiennent avec la science.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. L’amendement, très déclaratif, n’ajoute rien aux propositions concrètes prévues aux alinéas 38 ou 40. Avis défavorable mais je serai heureux de revoir ces sujets avec vous avant la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC155 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Le financement de la recherche par des appels à projets, comme ceux de l’Agence nationale de la recherche (ANR), a déjà eu des conséquences désastreuses pour la recherche française, en particulier pendant la crise sanitaire.

Le Conseil économique, social et environnemental considère ainsi, dans son avis, que « les connaissances fournies par la recherche scientifique et l’expertise sont en outre indispensables pour éclairer les choix politiques et donnent les moyens de ne pas reproduire les erreurs du passé. À cet égard, le défaut de financement de projets engagés sur la famille des coronavirus, signalé par Bruno Canard, virologue entendu le 27 mai dernier par la section, doit nous interroger sur des pratiques qui compromettent notre capacité à prévenir les risques et à les résoudre. »

Loin de tirer les leçons de la crise, le projet de loi poursuit dans la même voie. Le collectif des sociétés savantes académiques de France craint également que « l’introduction des biais thématiques conduisent les établissements à privilégier les disciplines les plus rentables. De plus, il risque d’introduire au sein des laboratoires une course aux contrats préjudiciables à la recherche sur le temps long. »

La recherche exploratoire ne peut pas être sacrifiée ni certaines thématiques de recherche disparaître faute de crédits de fonctionnement et parce que l’ANR ne les considère pas comme prioritaires. Afin de garantir la liberté de la recherche préconisée dans ce rapport annexé au projet de loi, nous demandons la suppression de l’ANR et la redistribution de ses fonds sous la forme de crédits récurrents pour les équipes de recherche. Les grands équipements seront, quant à eux, financés par d’autres programmes.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable car la suppression de l’ANR n’est pas un objectif de ce texte.

Mme Marie-George Buffet. Mme la ministre a souligné la nécessité de rééquilibrer le financement entre les appels à projets et les subventions aux établissements, ce que ne reflète pas ce texte.

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’immense majorité de la communauté scientifique reconnaît l’importance de disposer d’une agence nationale de la recherche qui finance, avec des taux de succès suffisants, les projets de recherche. Vous ne pouvez pas dire que cette agence a joué un rôle néfaste pour la recherche durant cette phase de la pandémie. Au contraire, elle a permis de financer très rapidement d’excellents projets, dont 30 % entraient dans le domaine des sciences humaines et sociales, ce qui était une façon de financer des laboratoires qui en avaient vraiment besoin.

Je ne cesse d’entendre parler de M. Bruno Canard. Diversifiez vos sources pour faire entendre d’autres voix que la sienne, en particulier celles d’autres vrais spécialistes des coronavirus. Cessez de fantasmer en la matière et de mettre en avant l’inverse de ce que vous prétendez vouloir faire, c’est-à-dire laisser à la recherche la liberté de choisir ses sujets.

Nous souhaitons porter le budget annuel de la recherche de 15 à 20 milliards. Cette augmentation de 5 milliards permettra d’abonder l’Agence nationale de la recherche à hauteur d’un milliard d’euros et de redistribuer 400 millions d’euros chaque année à la recherche de base grâce aux différents processus imaginés pour accompagner les porteurs de projets, leurs laboratoires, les sites. Ce texte ne détaille pas la manière dont nous financerons la recherche de base mais nous avons l’objectif d’en augmenter les crédits de 10 % dès l’année prochaine et de 25 % dans les trois prochaines années. En revanche, le texte prévoit les moyens d’améliorer le financement de la recherche, en privilégiant les contrats d’objectifs et de moyens plutôt que les contrats d’objectifs et de performance, en augmentant les dotations des organismes et des universités qui se consacrent à la recherche.

M. Michel Larive. Le fantasme est aussi celui du CESE, qui est une institution républicaine. Lui direz-vous qu’il fantasme, lui aussi ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je lui dirai de diversifier ses sources.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie l’amendement AC130 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit d’intégrer dans ce texte le tiers secteur de la recherche, qui ne relève pas de la recherche académique, afin d’en faciliter le développement. En effet, de nombreuses initiatives ont pu être lancées, à la demande d’organisations non gouvernementales ou d’associations, souvent à partir du principe d’une recherche participative. La participation des citoyens à des processus de recherche est sans doute le meilleur moyen de lutter contre les fake news. Reconnaître le tiers secteur dans ce projet de loi serait un véritable progrès.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Le sujet de la recherche participative a largement occupé nos débats, sans jamais rencontré d’opposition. D’ailleurs, le texte prévoit de la soutenir par divers moyens. En revanche, je vous propose que l’on travaille ensemble, d’ici la séance, à définir ce tiers secteur de la recherche. Nous partageons la même ambition mais la formulation n’est peut-être pas comprise par tous. Je vous invite à retirer votre amendement sinon j’y serai défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC131 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit d’élargir la définition de l’innovation dans ses processus et ses objectifs.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC149 de la commission des finances.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Il s’agit de renforcer le suivi des docteurs formés en France et qui ont choisi d’acquérir une expérience à l’international. En effet, le lien ente la structure de formation et le chercheur est aujourd’hui trop souvent rompu, ce qui ajoute au phénomène dit de la fuite des cerveaux un déficit de reconnaissance dont peuvent souffrir les chercheurs.

Cet amendement tend également à concevoir l’expérience à l’international comme une opportunité à moyen et long termes pour la recherche française, en particulier dans les domaines stratégiques de la recherche partenariale et de l’innovation. Ainsi, le Japon a su, grâce à un suivi régulier de ses chercheurs partis se former aux États-Unis, tirer le meilleur parti de leurs expériences pour se remettre dans la course à la compétitivité.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous devons, c’est vrai, suivre les doctorants et tout particulièrement ceux qui partent à l’étranger. En revanche, je souhaite que l’on supprime de la rédaction la mention de la recherche partenariale et de l’innovation car nous devons renforcer le suivi dans tous les domaines.

M. Francis Chouat. Je suis d’accord.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis favorable.

M. Patrick Hetzel. Nous avons un problème de méthode ! J’aurais préféré que le Gouvernement sous-amende cet amendement avant la séance pour que nous puissions en prendre connaissance. Or, en l’espèce, le Gouvernement agit de son côté, ce qui nous donne l’impression que le groupe La République en marche veut travailler seul. Ce n’est pas sérieux. Si l’on veut travailler correctement, il faut donner aux parlementaires les moyens de se saisir des sujets. On me répondra que nous en sommes au rapport annexé et que ces sujets ne sont pas essentiels mais j’estime tout de même que ce n’est pas de bonne politique. Ce n’est pas en créant de la défiance entre les parlementaires que nous redonnerons confiance aux enseignants chercheurs.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle en vient l’amendement AC195 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Loin de partager l’enthousiasme des rédacteurs du rapport annexé sur l’état du système universitaire français, nous dénonçons la politique de destruction de l’université liée aux diverses cures d’austérité qu’elle doit subir. Ainsi, le taux d’encadrement par étudiant n’a cessé de se dégrader. Le syndicat SNPTES considère qu’après l’afflux record d’étudiants à la rentrée de 2020, il manque 36 000 agents pour revenir à un taux d’encadrement d’un enseignant pour quinze étudiants – taux de 2007, qui correspond à la moyenne des pays de l’OCDE.

Nous demandons donc un plan d’investissement dans l’enseignement supérieur qui augmente le nombre de places offertes aux étudiants, prévoie un plan de recrutement massif d’enseignants-chercheurs et des moyens matériels pour les universités. L’État doit garantir une place pour chaque étudiant dans la filière de son choix.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il n’est pas possible d’augmenter les charges publiques par voie d’amendement. Le fait que l’amendement ait été déposé au rapport annexé explique qu’il n’ait pas été jugé irrecevable. Cela étant, du fait de son manque de précision, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC489 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AC198 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Le rapport annexé au projet de loi vante, en son alinéa 53, un système français qui a « aujourd’hui trouvé un équilibre qui fonctionne ».

Nous ne partageons pas cet enthousiasme qui s’apparente à un déni de réalité. Nous dénonçons au contraire des inégalités territoriales exacerbées et nous partageons l’analyse d’un collectif d’enseignants-chercheurs et de chercheurs de l’université de Paris et du CNRS qui redoutent une désertification universitaire et scientifique du territoire français : « L’aménagement du territoire semble bien mis à mal par la concentration croissante des moyens publics de recherche et de l’enseignement supérieur au profit d’un très petit nombre de campus et d’initiatives d’excellences », « une telle politique est non seulement injuste mais aussi inefficace car l’accumulation des financements et ressources en quelques lieux rares ne paie pas ».

Ils relèvent ainsi que les initiatives d’excellence, les IDEX, ne concernent que cinq des dix-huit régions françaises et aucune en dehors du territoire métropolitain. Au sein de ces quelques régions favorisées, les départements les plus riches et surtout les nouvelles métropoles régionales issues de la fusion des régions antérieures concentrent les investissements d’avenir. Il existerait, par ailleurs, au sein même de la région parisienne, « un déséquilibre patent entre les moyens accordés à quelques établissements, pour la plupart parisiens, auxquels s’ajoute le campus de Saclay et le reste de l’agglomération. » « Les établissements des petits sites sont aujourd’hui menacés et dévalorisés au faux prétexte qu’ils ne sauraient tenir le rôle d’université de recherche. »

Le projet de loi renforcera ces inégalités territoriales aussi convient-il d’évaluer, avec rigueur et indépendance, les conséquences des politiques publiques de la recherche et de l’enseignement supérieur ces vingt dernières années afin d’en tirer toutes les conséquences pour, enfin, remettre la création et la critique des savoirs au service du bien commun.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je ne suis pas d’accord avec le lien que vous établissez entre l’autonomie des universités et les inégalités territoriales. Surtout, vous sous‑entendez que les chercheurs manqueraient de créativité et de recul alors que je pense tout le contraire. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Tout d’abord, ces propos ne sont pas de moi mais d’un collectif d’enseignants chercheurs et de chercheurs de l’université de Paris et du CNRS, que j’ai cités. Par ailleurs, l’autonomie des universités accélère bel et bien la concurrence entre les universités, comme en témoignent les initiatives d’excellence. Cinq des dix-huit régions françaises sont concernées.

Mme Marie-George Buffet. Il ne s’agit pas de porter un jugement mais de prévoir une évaluation sérieuse des effets, positifs et négatifs, de l’autonomie et de la mise en concurrence des universités. Elle est nécessaire pour préparer l’avenir de nos universités.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC197 de Mme Béatrice Descamps qui fait l’objet d’un sous-amendement AC538 de Mme Fannette Charvier.

Mme Béatrice Descamps. Le rapport annexé évoque l’ensemble de la recherche publique. Qui plus est, le conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (CNESERAC) avait été auditionné en amont pour avis. Les écoles d’architecture et les écoles d’art sont nommées à l’alinéa 302 dès lors qu’il s’agit de rappeler le rôle du préfet et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), comme pilotes des politiques de site.

En effet, depuis près d’une quinzaine d’années, les quarante-quatre écoles supérieures d’art et de design sous tutelle du ministère de la culture ont développé une activité de recherche en conformité avec leur entrée dans le LMD. Cette recherche spécifique dans le domaine de la création se réalise au travers des troisièmes cycles, des unités de recherche ou des partenariats avec les universités. Les budgets d’amorçage du ministère de la culture sont désormais sous-dimensionnés, d’autant plus que les enseignants d’une large partie de ces écoles n’ont pas de statut conforme pour assurer leurs missions de recherche. Le MESRI, chef de file, se doit de prendre en compte la recherche en création sous tutelle du ministère de la culture dans une loi de programmation.

Nous proposons que l’ANR comporte des appels à projets fléchés « création » à destination de la recherche des établissements sous tutelle scientifique du ministère de la culture.

Vous aurez compris, madame la ministre, que je reprends là un sujet qui me tient à cœur, celui de la place accordée à la recherche dans ces écoles.

Mme Fannette Charvier. Le sous-amendement tend à prendre en compte l’ensemble des établissements sous tutelle, pas uniquement ceux relevant du ministère de la culture. N’oublions pas la transition écologique, l’agriculture, les armées etc.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis favorable à l’amendement si le sous‑amendement est accepté.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Les appels à projets de l’ANR peuvent être fléchés même si la communauté scientifique préfère largement les appels à projets blancs, ouverts à tous les établissements. En revanche, votre proposition de réserver des appels à projets à certains établissements serait contraire à la mission de l’Agence nationale de la recherche qui se doit de financer des projets, quels que soient leurs porteurs.

Je comprends la philosophie sous-jacente mais la formulation, qui sous-entend que l’ANR pourrait financer des projets réservés à des sous-types d’établissements, ne me convient pas. Nous pourrions y réfléchir avant la séance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC127 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il est défendu.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je vous invite à retirer cet amendement qui s’inscrit dans le même état d’esprit que ceux relatifs à la recherche participative au sens large, afin d’y travailler ensemble avant la séance. Sinon, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements AC367 et AC370 de Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Les répercussions tout le long de la vie de la période des mille premiers jours de l’enfant sont encore méconnues. La commission des 1 000 premiers jours a ainsi préconisé, dans son rapport, de déployer davantage de moyens humains et matériels vers cet objectif. Nous vous proposons donc de créer un programme prioritaire de recherche (PPR) sur les mille premiers jours de l’enfant. Cette thématique correspond aux critères établis par la convention du 21 septembre 2017 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir. Les effets socio-économiques pour le pays pourraient être importants et contribuer à consolider le positionnement mondial de la recherche française. L’amendement suivant vise à proposer des financements.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Le sujet est éminemment important et le Gouvernement a déjà prévu de grands programmes, notamment pilotés par le secrétaire d’État Adrien Taquet. Je soutiens l’idée mais il n’est pas envisagé que le rapport annexé valide des programmes prioritaires de recherche. Je vous invite à retirer les amendements sinon avis défavorable.

Les amendements sont successivement retirés.

La commission étudie l’amendement AC459 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Il est important de fédérer les acteurs pour une approche globale de la science en santé, d’où la nécessité d’évoquer une recherche en biologie santé davantage intégrée. La phase de la pandémie nous l’a sévèrement rappelé.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC352 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Il s’agit de citer dans les programmes de recherche l’étude des perturbateurs endocriniens, dont la mission d’information, qui a auditionné des médecins et des scientifiques, et pour laquelle j’étais rapporteure, a permis de révéler la nocivité pour la santé humaine et l’environnement. Le sujet mérite un traitement à la hauteur des enjeux.

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’étude des perturbateurs endocriniens est un sujet majeur, comme beaucoup d’autres mais il me semble important de ne pas transformer le rapport annexé en une liste à la Prévert. Cependant, suite à l’intervention de M. Philippe Berta, j’accepte que l’on mentionne les perturbateurs endocriniens dans ce rapport, mais plutôt à l’alinéa 71. Je vous invite à retirer cet amendement pour le redéposer en séance après y avoir travaillé ensemble.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement AC227 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Les maladies dont souffrent les femmes sont parfois mal diagnostiquées, voire pas repérées par le corps médical. La délégation aux droits des femmes l’avait ainsi déploré dans son rapport sur la place des femmes dans les sciences en 2018.

Une chercheuse australienne, Kate Jenkins, a souligné qu’au cours d’une grande partie de l’histoire, les femmes se sont retrouvées exclues de la production de savoirs médicaux et scientifiques. Le système de santé s’est révélé être fait par et pour les hommes. Le manque historique d’intérêt du monde de la recherche pour la santé des femmes a compromis la qualité des informations médicales pour les femmes ou les soins qu’elles reçoivent. L’une des conséquences en fut par exemple un risque plus important d’effets secondaires médicamenteux pour les femmes.

Je vous propose par conséquent de rappeler l’importance des questions de santé liées aux femmes.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC490 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il s’agit d’insister sur la nécessité de renforcer la représentativité des femmes dans les recherches cliniques afin d’améliorer les médicaments qui leur sont destinés.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC491 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il s’agit de remplacer le terme « risque populiste » par celui de « dimension antidémocratique ».

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC492 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Les politiques de recherche doivent prendre en compte les inégalités numériques, qui demeurent majeures, pour tenter de les réduire.

La commission adopte l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AC139 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. Il convient de préciser que la recherche publique est notamment consacrée à la forêt, qui capte près de 90 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit près de 20 % de l’ensemble des émissions françaises.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je connais votre combat en la matière. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC493 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AC494 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cet amendement vise à souligner l’importance des océans, tant du point de vue de leur richesse écologique irremplaçable que de leur valeur scientifique.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AC103 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement a pour objet de rappeler l’implication de la France dans la Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques. En effet, à partir de 2021, la communauté scientifique internationale conjuguera ses efforts pour parvenir à une meilleure connaissance de l’océan, laquelle est absolument nécessaire pour lutter contre le changement climatique et nous adapter à ses inévitables conséquences.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis favorable.

M. Jimmy Pahun. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, ainsi que Mme la ministre, pour votre engagement en faveur de la Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC518 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cet amendement vise à rappeler l’importance de la question hydrique en Europe.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC138 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. Il s’agit, là encore, de souligner l’importance du deuxième puits de carbone que constituent nos forêts. Les forestiers ont besoin de la recherche publique pour les adapter au changement climatique, à l’heure où elles sont victimes de la sécheresse et sont confrontées, y compris dans le nord du pays, à un risque d’incendie accru.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie des amendements AC495 et AC496 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il convient de souligner, d’une part, les risques que les vulnérabilités des algorithmes peuvent faire courir à la démocratie et aux libertés individuelles et, d’autre part, l’importance de la souveraineté numérique et de la cybersécurité.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle examine l’amendement AC372 de Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Conformément aux préconisations du rapport « Les 1 000 premiers jours. Là où tout commence » de la commission des 1 000 premiers jours de l’enfant, nous proposons de préciser que « la digitalisation de nos sociétés et l’utilisation de plus en plus massive des outils numériques appellent à évaluer les conséquences de ces pratiques sur le développement du nourrisson et de l’enfant ».

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le sujet est très important. Il me semble cependant que vous pourriez modifier légèrement votre rédaction en insérant le mot : « notamment » après le mot : « évaluer ». Les conséquences de la digitalisation méritent en effet d’être étudiées de manière beaucoup plus globale. Par ailleurs, il me paraît préférable que votre amendement complète l’alinéa 101. Je vous suggère donc de le retirer afin que nous y retravaillions d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC497 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de réaffirmer le rôle de la science et de la recherche dans la réalisation des 17 objectifs de développement durable (ODD) adoptés par 193 pays en 2015.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC123 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit de diminuer la charge d’enseignement des maîtres de conférences afin qu’ils aient davantage de temps à consacrer à leurs recherches et, en contrepartie, d’imposer une charge légère d’enseignement aux chercheurs des instituts de recherche. Nous pourrions ainsi dynamiser la recherche publique.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable. Un processus de revalorisation salariale des maîtres de conférences est en cours.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Notre premier objectif est de donner à tous le temps de se consacrer à la recherche. Je partage l’idée selon laquelle les chercheurs doivent participer à la formation des étudiants, mais ils le font déjà, à hauteur de plusieurs millions d’heures. Au reste, votre proposition n’est acceptable ni budgétairement ni socialement. Créer un statut unique pour les chercheurs et les enseignants-chercheurs n’est pas l’objet de ce projet de loi. Ce n’est pas du tout d’actualité.

M. Sébastien Nadot. Notre rôle est de soumettre des propositions au débat. Je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AC281 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Les rémunérations des universitaires, largement moindres que celles des catégories équivalentes de la fonction publique, sont inférieures de 35 %, en début de carrière, et de 15 %, en fin de carrière, à la moyenne de l’OCDE. Leur faiblesse est principalement due à la valeur du point d’indice, aux grilles de progression des carrières et aux régimes indemnitaires. Alors que les grilles de progression des différents corps de la fonction publique ont fait l’objet d’un travail de réalignement, celles de l’enseignement supérieur et de la recherche restent parmi les plus faibles. Cet amendement a pour objet d’y remédier.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Sur ce point, une discussion est en cours avec les représentants des personnels qui doit aboutir à la signature d’un protocole d’accord. L’un des objectifs du projet de loi de programmation est précisément de disposer des moyens nécessaires pour revaloriser les carrières de l’ensemble des personnels qui concourent à la recherche. Nos travaux portent sur les repyramidages, les promotions, les carrières, les primes. J’espère vous présenter prochainement leurs résultats. En tout état de cause, ceux-ci ne relèvent pas du domaine législatif.

Mme Josette Manin. L’attente est telle, madame la ministre ! Je vous prends au mot, en espérant que ces travaux aboutiront rapidement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC201 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Cet amendement a trait aux écoles d’art et de design, qui ne doivent pas être les oubliées de ce texte ; je le retire afin d’y retravailler – avec Mme la ministre, si elle l’accepte – d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC282 de Mme Josette Manin.

M. Régis Juanico. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à réévaluer d’au moins 15 % les rémunérations des chercheurs et des maîtres de conférences, qui sont largement inférieures à celles des catégories équivalentes de la fonction publique. Alors que le salaire net moyen global de la catégorie A+ est de 4 384 euros pour les hommes, celui des universitaires est de 3 815 euros. Ces faibles rémunérations participent à la fuite des cerveaux vers l’étranger et à la baisse de l’intérêt pour les carrières dans le secteur de la recherche, notamment dans le public.

Dans un contexte de crise sanitaire et sociale sans précédent, il serait dommage que l’enseignement et la recherche ne profitent pas du « quoi qu’il en coûte » et de l’argent magique. Il est temps de réévaluer la rémunération de nos chercheurs et enseignants‑chercheurs !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Quel dommage que cette revalorisation ne soit pas intervenue il y a quelques années… Quoi qu’il en soit, nous allons consacrer 92 millions par an sur les sept prochaines années, soit 644 millions supplémentaires à l’horizon 2027, à l’amélioration des rémunérations de l’ensemble des personnels – j’y insiste, car les personnels de soutien et de support sont importants dans l’activité de recherche. L’investissement global s’élèvera à 2,5 milliards d’euros sur les sept prochaines années ; tel est l’objet du protocole qui est en cours de discussion.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC460 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Par cet amendement, cosigné par l’ensemble des rapporteurs, nous proposons de mieux reconnaître le rôle des directeurs de laboratoire et des directeurs d’unité en améliorant leur visibilité.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC283 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Il est nécessaire de faciliter les évolutions de carrière des personnels du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. En effet, 26 % des maîtres de conférences sont partis à la retraite en restant bloqués au dernier échelon de la classe normale. Cette situation nuit à l’attractivité des carrières et favorise la fuite des cerveaux vers l’étranger.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC180 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Cet amendement vise à défendre les enseignants vacataires. Dès lors que l’arrêté du 31 juillet 2009 reconnaît qu’une heure de travaux dirigés correspond à 4,2 heures de travail effectif, payer cette heure de TD 41,41 euros brut revient à rémunérer le vacataire 9,86 euros de l’heure, soit moins que le SMIC horaire brut, fixé à 10,15 euros.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Au-delà de la situation des vacataires, la question qui se pose est celle du paiement de l’ensemble des heures complémentaires effectuées dans l’enseignement supérieur ; elle est d’ordre réglementaire, et non d’ordre législatif. Je suis d’accord avec vous : il faut réfléchir à la situation des vacataires. Je m’engage à lancer ce chantier dans le cadre des concertations et d’élaborer un plan dès 2021. La question est incluse dans les protocoles en cours de discussion avec les personnels.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC179 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Il s’agit d’un amendement d’appel. Si la revalorisation des contrats doctoraux est une bonne chose, elle ne doit pas concerner les seuls nouveaux contrats si l’on ne veut pas créer une situation inégalitaire entre des doctorants qui effectueront leurs recherches au même moment.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Pour les raisons exposées précédemment, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements AC541 et AC461 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Trop de doctorants ne peuvent aujourd’hui pleinement se consacrer à leurs recherches, faute de financement adéquat. C’est pourquoi, par ces amendements, cosignés par l’ensemble des rapporteurs, nous proposons de préciser qu’à terme, la politique de la recherche doit tendre à faire coïncider le nombre des dispositifs individuels de financement et celui des thèses en formation initiale.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AC202 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Le rapport annexé au projet de loi déplore la baisse du nombre de doctorants. Pour y remédier, nous proposons qu’une expérience de recherche validée par un doctorat soit requise pour tous les postes impliquant la supervision de recherches dans le public, que, dans le privé, les aides publiques soient conditionnées à l’embauche de docteurs dans les postes d’encadrement et que le doctorat soit reconnu dans les conventions collectives. Ces propositions, accompagnées d’un financement des contrats doctoraux, permettront de mieux reconnaître le doctorat en France.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. D’autres amendements devraient permettre des avancées significatives en matière de reconnaissance du doctorat. Avis défavorable.

Mme Muriel Ressiguier. Je maintiens l’amendement, mais je prends acte de vos propositions. Nous suivrons cette question de près.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AC462 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Lors de nos auditions, il nous a souvent été rapporté que les budgets des établissements ne prenaient pas suffisamment en compte le glissement vieillesse et technicité (GVT), qui alourdit mécaniquement leurs charges de personnel. Il en résulte un manque de sincérité de la présentation budgétaire, notamment lors de la présentation de budgets constants. Cet amendement, cosigné par l’ensemble des rapporteurs, vise donc à insister sur la sincérité du budget des établissements.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC210 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Afin que les emplois sous plafond se transforment en recrutements effectifs, il convient de préciser que la subvention pour charges de service public doit être augmentée à la hauteur du coût de ces nouveaux emplois. Cela n’est toutefois pas suffisant : il faut également compenser l’augmentation de la masse salariale liée aux revalorisations salariales et prendre en compte le glissement vieillesse et technicité.

Le solde qui traduit l’augmentation de la masse salariale du fait de la progression des agents dans leur grille indiciaire n’a fait l’objet d’aucune compensation alors qu’il a atteint 30 millions d’euros pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) du programme 172. Le CNRS a dû ainsi, en 2020, supprimer 72 emplois à temps plein à cause d’une hausse de 45,5 millions de sa masse salariale, dont 19,5 millions dus au GVT. Pour mettre fin à l’érosion du nombre de personnels, il faut inscrire dans le projet de loi les compensations nécessaires au titre de la subvention pour charges de service public des établissements.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable. L’amendement sera partiellement satisfait par d’autres amendements qui appellent, de manière plus opérationnelle, à une sincérité budgétaire accrue.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La trajectoire d’emploi inscrite dans le rapport annexé est bien financée à l’article 2, qui prévoit les budgets nécessaires pour permettre aux établissements de reprendre leur recrutement dans toutes les fonctions – j’insiste –, y compris celles d’ingénieur et de technicien, qui ont été le plus souvent supprimées. L’amendement descend à un niveau de détail excessif, mais je vous confirme que le réarmement de la recherche et son financement ont bien entendu pour objectif de freiner l’érosion de l’emploi scientifique.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC204 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Loin de baisser le nombre de contractuels dans la recherche et de les titulariser, le rapport annexé au projet de loi prévoit une augmentation de 15 000 emplois hors plafond. Pourtant, en 2017, la France comptait 23 618 enseignants-chercheurs non permanents et 19 901 agents contractuels hors enseignants employés sur des missions permanentes, 5 116 chercheurs non permanents et 11 774 ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation contractuels sur des missions permanentes.

Si ces personnels exercent des emplois sur des fonctions pérennes, il n’y a aucune raison valable de les maintenir dans la précarité et de moins les rémunérer que leurs collègues titulaires. Nous demandons donc la mise en œuvre d’un plan de titularisation des précaires exerçant des emplois sur des fonctions pérennes dans la recherche publique. Le recours aux non-titulaires doit être plafonné à 5 % des effectifs hors doctorants et stagiaires.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Oui, nous allons accroître le nombre des contractuels, puisque nous allons augmenter celui des doctorants financés. N’oubliez pas que, dans les établissements de recherche et d’enseignement supérieur, les doctorants et les post‑doctorants entrent dans la catégorie des personnels contractuels. Pour que les choses soient claires, toute personne recrutée grâce à un financement qui n’est pas une subvention pour charges de service public ne peut pas l’être sur un poste de titulaire.

M. Michel Larive. Vous faites le choix politique de la précarité. Si vous augmentez le nombre des vacataires, même s’il s’agit de doctorants, vous diminuerez celui des titulaires : c’est mathématique. Assumez ce choix ; pour ma part, j’en fais un autre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le choix politique que nous faisons est celui d’augmenter non seulement le nombre des emplois sous plafond mais aussi celui des doctorants et des post-doctorants et de substituer des contrats à durée indéterminée (CDI) à des contrats à durée déterminée (CDD).

M. Michel Larive. Les CDI que vous évoquez n’en sont pas : ce sont des CDD à long terme. Si un contrat est conclu pour douze années, il a un terme. Sa durée est donc déterminée. Votre CDI est un CDD !

M. le président Bruno Studer. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AC498 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AC464 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Moi qui ai sévi dans l’enseignement supérieur et la recherche, j’ai toujours été très étonné par la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs en particulier, qui se limite essentiellement à une audition d’un quart d’heure. Par cet amendement, cosigné par l’ensemble des rapporteurs, nous proposons donc qu’une réflexion porte sur l’amélioration des stratégies de recrutement dans l’enseignement supérieur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC205 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Les enseignants-chercheurs doivent faire face à une charge de travail importante liée à leur mission d’enseignement, souvent au détriment de leurs activités de recherche. Nous proposons donc que leur service d’enseignement soit abaissé à 160 heures de travaux dirigés et que celui des enseignants sans décharge de recherche soit ramené de 386 à 300 heures de travaux dirigés. Au demeurant, il faut rappeler une évidence : si le nombre des enseignants-chercheurs était plus important, ils auraient plus de temps pour leurs travaux de recherche. Nous demandons donc le recrutement de nouveaux enseignants‑chercheurs.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC343 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. L’Institut universitaire de France (IUF), créé en 1991, est un outil très intéressant pour les universitaires qui souhaitent disposer de temps pour leurs recherches, puisqu’il leur permet de bénéficier d’importantes décharges d’enseignement pendant une durée de cinq ans, renouvelable pour les seniors, et d’une bourse personnelle très commode. Les lauréats sont choisis par un jury international qui leur confère toute légitimité et évite les éventuels procès en copinage.

Ce très bel outil – l’un des meilleurs au plan international, selon moi – contribue à retenir certains chercheurs particulièrement courtisés à l’international. Or, il est très sous‑employé : les effectifs ont d’abord été réduits, avant de stagner de façon désespérante au cours des dernières années. Par cet amendement, nous proposons donc d’inscrire dans le texte un engagement fort en faveur de l’évolution du nombre de lauréats de l’Institut universitaire de France afin qu’il soit au moins doublé d’ici à 2027.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cette remarque nous a parfois été faite au cours de nos auditions. Nous vous proposons de retirer l’amendement et d’y retravailler ensemble d’ici à la séance publique, notamment pour réfléchir au doublement du nombre des postes que vous proposez.

M. Cédric Villani. S’il s’agit d’y retravailler pour passer d’un doublement à un triplement, je ne dis pas non ! Nous devons avoir une véritable ambition en la matière. J’insiste sur le fait que les IUF seniors ne sont quasiment plus jamais renouvelés ; ce dévoiement du dispositif initial est absolument inacceptable. Persuadé de votre bonne foi, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC499 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AC284 de Mme Josette Manin.

M. Régis Juanico. Lorsque Mme la ministre évoque une revalorisation de 15 % des traitements des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’horizon 2027, elle pense surtout, me semble-t-il, à l’octroi de primes. Nous souhaitons, pour notre part, un dégel du point d’indice.

Quant à cet amendement, il vise à augmenter de 25 % les financements de base des laboratoires d’ici à 2022. La communauté de la recherche est en effet unanime sur le besoin d’augmenter le financement récurrent, et non pas contractuel, c’est-à-dire sur appel à projets – c’est un point très important –, des unités de recherche afin qu’elles puissent exercer leurs missions dans les meilleures conditions. L’augmentation de 10 % inscrite dans le texte est loin d’être suffisante puisque les dotations de la plupart des unités de recherche ne leur permettent pas de couvrir leurs dépenses de fonctionnement.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable. Dès lors que le préciput, c’est-à-dire le budget affecté au laboratoire du chercheur dont le projet a été retenu, sera porté à 40 % et que le taux de succès aux appels à projets de l’ANR sera accru, les laboratoires bénéficieront forcément d’une augmentation de leur financement.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Bien entendu, nous travaillons à l’augmentation des dotations de base des laboratoires. Nous allons ainsi passer de contrats d’objectifs et de performance à des contrats d’objectifs et de moyens. Au demeurant, si nous souhaitions diminuer les moyens de la recherche, nous n’y consacrerions pas 25 milliards dans les dix prochaines années.

Par ailleurs, nous modifions profondément le dispositif du préciput. Désormais, 40 % du montant des financements de l’ensemble des projets seront affectés à la recherche de base par un abondement direct du financement des laboratoires. Cette première mesure est certaine ; elle est inscrite dans la trajectoire de l’ANR. En outre, nous étudions actuellement l’augmentation, selon des modalités plus classiques, des dotations des laboratoires au travers des organismes et des universités. Encore une fois, notre objectif n’est pas d’asphyxier la recherche mais de lui permettre de respirer.

M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, les 25 milliards que vous évoquez sont un effet d’annonce : vous prévoyez cette augmentation à partir de 2026. Ce faisant, vous sapez la crédibilité de vos déclarations. Le Gouvernement devrait nous démontrer qu’il a la volonté d’agir au cours d’une période dont il a la maîtrise, c’est-à-dire dès 2021 et 2022. Or, c’est pendant ces deux années que les moyens injectés sont les plus faibles.

Encore une fois, ces annonces relèvent de la communication gouvernementale et non de la sincérité budgétaire. Ceux qui connaissent les lois de programmation savent pertinemment que le principe de l’annualité budgétaire permet de revenir d’une année sur l’autre sur les mesures prises. Qui peut accepter que vos engagements concernent en partie le prochain quinquennat ? Votre storytelling est hallucinant et politiquement très inquiétant.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Regardez l’augmentation du programme 172 et comparez-la à celle du budget de la recherche au cours des vingt dernières années. Quand bien même nous ne retiendrions que 2021 et 2022 – ce que je n’espère pas –, ces deux années représentent un investissement d’1,2 milliard d’euros. Si l’on y ajoute les 6,5 milliards d’euros du plan de relance que l’Assemblée nationale examinera très prochainement, on obtient un total de presque 8 milliards d’euros supplémentaires alloués au budget de la recherche dans les deux prochaines années. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

Quant à l’insincérité budgétaire, je vous rappelle que, selon le Conseil d’État, bien que la durée de la programmation soit inhabituelle, elle ne remet aucunement en cause sa sincérité budgétaire.

Mme Muriel Ressiguier. Je précise tout de même que le programme 172 comprend le crédit d’impôt recherche (CIR), une niche fiscale qui est critiquée même par la Cour des comptes.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Non, il est rattaché à la mission mais ne figure pas dans le programme 172.

La commission rejette l’amendement.

Les amendements AC203 et AC206 de Mme Béatrice Descamps sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement AC513 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il s’agit de souligner le caractère prioritaire de la stratégie d’étude d’impact de l’ANR. La LPR est le moment opportun pour renforcer cette stratégie afin de la rendre efficiente.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC150 de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à inclure la recherche en cancérologie pédiatrique parmi les priorités de la programmation budgétaire. Les parlementaires doivent être associés à la définition des actions de recherche menées en la matière afin de mieux comprendre ce type de cancer, d’améliorer les chances de guérison et les conditions de traitement des patients.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous avons déjà débattu de cette question. Vous savez combien le Gouvernement est attentif à la prise en charge de ces pathologies. Mais tenons-nous en à l’objectif et ne prévoyons pas un fléchage trop précis, car nous ignorons quelles disciplines, quelles connaissances, seront à l’origine des traitements de l’avenir. Avis favorable.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Je partage le souci exprimé par Mme la ministre. Il s’agit bien de prendre en considération l’ensemble des recherches menées dans le champ des cancers pédiatriques.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC500 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer la stratégie nationale d’équipement en moyens de calcul à haute performance et de traitement et stockage de données massives et d’assurer les conditions de souveraineté et de sécurité de nos systèmes numériques.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AC501 du rapporteur.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AC108 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. Nous proposons qu’à l’instar du programme prioritaire de recherche sur les océans annoncé par le Président de la République en décembre dernier, un PPR sur la forêt soit créé afin de favoriser son adaptation aux changements climatiques. Si la forêt est l’un des piliers de notre stratégie nationale bas carbone, il faut savoir qu’elle est confrontée à des risques et à un stress qui contribuent à diminuer son efficacité en tant que puits de carbone.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Même si nous comprenons et soutenons votre combat, il n’est pas prévu de créer des programmes prioritaires de recherche dans le rapport annexé. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Bien entendu, il est important que nos sujets de préoccupation actuels apparaissent dans le rapport annexé, mais nous ne pouvons pas y inscrire tous les programmes prioritaires de recherche, ne serait‑ce que parce nous ne sommes pas en mesure de savoir quels sont ceux qui s’imposeront dans quelques années.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC345 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Le présent amendement vise à inscrire dans le projet de loi une recommandation, formulée en 2019 dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la pollution au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, visant à y consacrer un programme prioritaire de recherche.

Il s’agit d’inscrire ce sujet majeur parmi les priorités stratégiques que vous évoquiez à l’instant, madame la ministre, en vue de faire avancer l’état des connaissances sur le chlordécone, mais aussi de donner aux populations de Guadeloupe et de Martinique un cadre temporel et législatif leur permettant d’envisager l’éradication de cette pollution, et d’imaginer un après-chlordécone pour élaborer un projet de développement durable et écologique.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Par cohérence avec l’avis émis sur les autres amendements relatifs aux programmes prioritaires de recherche, je suggère le retrait de celui‑ci et émettrai à défaut un avis défavorable. Nous n’en soutenons pas moins votre combat en la matière, chère collègue, notamment sur l’île aux belles eaux, dont vous êtes une digne représentante.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Tout en m’inscrivant dans la continuité des propos que j’ai tenus tout à l’heure, j’indique que j’ai lancé l’an dernier un appel à projets flash spécifiquement consacré au chlordécone, dans le cadre de l’Agence nationale de la recherche. Des préprogrammes de recherche sont en cours de financement ; ils permettront de définir la meilleure stratégie à adopter pour poser les bonnes questions scientifiques à ce sujet.

Je suis très attentive à cette question. J’ai pris l’engagement l’an dernier, quasiment jour pour jour, de lancer un tel appel à projets flash sur le chlordécone. Nous l’avons fait. Cette démarche est très utile ; elle permettra de mieux définir les forces et les faiblesses de la recherche en la matière, et de la renforcer là où cela s’avèrera nécessaire.

Pour l’heure, comme je l’ai indiqué précédemment, le rapport annexé n’a pas vocation à dresser la liste des futurs programmes prioritaires de recherche, ce qui nous ferait courir le risque de passer à côté de certaines possibilités.

Mme Justine Benin. J’ai pris bonne note de l’explication de Mme la ministre ; elle me laisse un peu triste et un peu perplexe.

Madame la ministre, nous vous avons auditionnée dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur la pollution au chlordécone. À cette occasion, nous avons fait le point sur les modalités de la recherche susceptible d’être menée en la matière dans le cadre de l’ANR, et nous vous avons interrogée sur la possibilité d’en faire une priorité stratégique. Monsieur le rapporteur, plusieurs membres de cette commission d’enquête étant cosignataires de l’amendement, vous comprendrez aisément que je ne puisse le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC133 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. La philosophie générale du texte donne à penser que les flux unissant la recherche et la société sont unidirectionnels, allant de la recherche à la société. Or ils vont dans les deux sens. L’amendement vise substituer aux mots « l’apport de la recherche à toute » les mots « les interactions entre la recherche et l’ensemble de » à l’alinéa 205.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements AC151 et AC152 de la commission des finances.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. L’amendement AC151 vise à préciser que les territoires constituent une échelle pertinente pour renforcer la diffusion de la recherche au sein de la société, notamment dans une perspective de reconsolidation du lien démocratique. Il fait également mention de la compétitivité de notre économie, afin de rendre plus explicite le rapport entre l’effort national de recherche et la nécessaire préservation du rang de la France, laquelle se trouve en situation de concurrence.

L’amendement AC152 vise à pérenniser, au-delà des travaux préparatoires du présent projet de loi de programmation, la démarche de concertation ayant permis d’aboutir à sa rédaction. Il vise aussi à faire en sorte que les acteurs du monde de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation, ainsi que les citoyens, les associations et les entreprises, soient pleinement informés des stratégies de développement de la recherche menées à l’échelon régional, national et européen, voire mondial.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur Chouat, je comprends ce qui motive la rédaction que vous proposez. Toutefois, je vous propose de retirer les amendements afin d’y travailler en vue de l’examen du texte en séance publique. En effet, il me semble que la rédaction proposée écrase la dimension européenne de la recherche, au point que celle-ci n’apparaît plus dans le texte, ce qui me semble un peu dommage. Je comprends votre intention, mais il me semble nécessaire de travailler davantage les amendements.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Je m’en voudrais d’écraser la dimension européenne de la recherche et retire les amendements ! (Sourires).

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement AC132 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il vise à amplifier les apports réciproques de la recherche et de la société, par des actions de soutien spécifique.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je suggère le retrait de l’amendement en vue d’y travailler en vue de l’examen du texte en séance publique, et émettrai à défaut un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC134 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit de renforcer et de structurer les interactions entre la science et la société. À cette fin, il pourrait être intéressant, par exemple, de créer un centre « Sciences et médias » ou – pour médiatiser les recherches en général et non les seules thèses – un concours intitulé « Mes recherches en quatre minutes ». Ces mesures peuvent sembler anecdotiques, mais le public fait preuve d’une véritable appétence d’informations en la matière.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il importe que nous soyons d’accord sur la philosophie qui sous-tend la relation entre la science et les médias. Monsieur Nadot, je suggère que vous retiriez l’amendement, afin que nous puissions y travailler davantage. Tel qu’il est rédigé, il trahit un peu notre souhait de disposer de centres de référence issus des laboratoires, des universités et du monde de la recherche en général, capables de fournir un état de l’art à l’instant T, afin d’éclairer les médias qui en font la demande. Depuis le début de la pandémie, beaucoup de gens ont été présentés comme des experts, alors même qu’ils n’exprimaient parfois que leur opinion particulière.

Les dispositions prévues par l’amendement me semblent complexes à mettre en œuvre. La recherche scientifique, la connaissance se construisent sur un doute méthodique, qu’il n’est pas évident d’expliciter en direct. Il importe que nous disposions de centres de ressources. Je suis très défavorable à l’édification d’une cathédrale censée dire ce que sont la science et la connaissance. Celles-ci doivent, me semble-t-il, prendre la forme d’un réseau, animé directement par les chercheurs, lesquels doivent être en mesure de prendre la parole de façon vulgarisée. Pour répondre aux questionnements émanant de la société et formuler des réponses, ils doivent être capables, sur un sujet donné, de présenter l’état de l’art, l’avancement des connaissances.

Il importe que nous prenions le temps de rédiger l’amendement sur cette base, afin de ne pas trahir la philosophie de la relation entre les chercheurs et la société, qui exige des interactions améliorées et des relations accrues.

M. Sébastien Nadot. Je retire l’amendement. Je souhaite que la rédaction qui en sera élaborée ultérieurement intègre le cahier des charges de l’audiovisuel public.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC228 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Cet amendement porte sur un paragraphe du rapport annexé relatif à l’importance de la refonte du pacte de confiance conclu entre la science et la société, en vue de le renforcer. Nous y mentionnons notamment l’exemplarité et l’impartialité de la communauté scientifique.

Par le biais de cet amendement, j’aimerais ajouter aux responsabilités de la science sa nécessaire représentativité, s’agissant notamment de l’âge, de l’origine, du sexe et du milieu culturel des individus qui sont parties prenantes de la communauté scientifique. Une telle disposition est essentielle pour renouer le lien précité.

Il s’agit d’un gage de crédibilité de la recherche, car la science ne peut être hermétique à la société. Il s’agit aussi d’un enjeu de fiabilité de la recherche, qui est enrichie par la diversité de la société, qui augmente le nombre de clés de lecture dont nous disposons pour comprendre le monde qui nous entoure.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis très favorable.

La commission adopte l’amendement AC228.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, tandis que vous vous apprêtez à clore les travaux pour cet après-midi, j’aimerais évoquer un dernier point de méthode. Le délai imparti pour déposer des amendements en vue de l’examen du texte en séance publique est très court – nous avons jusqu’à jeudi. Dès lors, est-il possible de disposer du texte consolidé au fur et à mesure de leur dépôt ? Je sais ce qu’une telle demande a de redoutable et de difficile pour les services de la commission, mais cela me semble nécessaire si nous voulons travailler convenablement dans les délais impartis. Je sais aussi qu’il sera possible de la satisfaire sous certaines réserves, mais il s’agit d’un point important. Il arrive que nous procédions ainsi, par exemple lorsque nous travaillons dans des délais très contraints, ce qui permet de déposer des amendements en temps et en heure, aux bons alinéas. C’est pourquoi je formule cette demande auprès de vous et, par votre intermédiaire, des services de la commission.

M. le président Bruno Studer. Nous ferons au mieux, cher collègue, en coordination avec le service de la séance, qui est aussi concerné.

 


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2.   Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 21 heures (suite de l’article premier - rapport annexé à l’article 3) ([3])

Article 1er (suite)
Approbation du rapport annexé

La commission adopte, suivant l’avis favorable du rapporteur, l’amendement de cohérence AC514 de M. Philippe Berta.

Puis elle examine l’amendement AC502 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur pour les titres Ier et III. Il convient de renforcer les liens entre l’Agence nationale de la recherche (ANR) et l’audiovisuel public pour assurer la diffusion d’une information scientifique de qualité. Tel est l’objet de cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

La commission est saisie des amendements AC239 et AC230, de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Si l’on peut se féliciter que l’alinéa 213 appelle à des opérations de proximité en vue de favoriser le dialogue entre chercheurs et jeunes dans une optique d’orientation scolaire, il est regrettable qu’on ne parle que de « chercheur », au masculin. C’est pourquoi je propose, par l’amendement AC239, de recourir à l’écriture inclusive ou bien, par l’amendement AC230, de décliner « un chercheur ou une chercheuse ». Il importe que les jeunes filles puissent elles aussi se projeter dans des modèles de scientifiques.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je partage votre préoccupation. Demande de retrait de l’amendement AC239 au profit de l’amendement AC230.

L’amendement AC239 est retiré et la commission adopte l’amendement AC230.

Elle examine ensuite l’amendement AC344 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. Si chacun ici est convaincu de la nécessité d’accroître les interactions entre science et société à travers la médiation scientifique, il existe un autre volet qu’il conviendrait de développer : il s’agit de la recherche participative et de la recherche hors les murs, c’est-à-dire quand la société elle-même est à l’origine de la recherche ou qui participe à son avancée. Ce fut d’ailleurs l’objet, en octobre dernier, d’un petit-déjeuner thématique regroupant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’Académie des sciences et l’Académie nationale de médecine.

La recherche participative peut être définie comme une forme de production de connaissances scientifiques à laquelle participent, aux côtés des chercheurs, des acteurs issus de la société civile, à titre individuel ou collectif, de façon active et délibérée. Il s’agit par exemple d’expériences menées en collaboration avec des associations de patients, comme la communauté de patients pour la recherche de l’AP-HP, ou de communautés d’astronomes, d’archéologues ou de chimistes amateurs. Cela peut déboucher sur des résultats spectaculaires : des problèmes complexes de formes d’équilibre de molécules chimiques ont ainsi été résolus de façon participative par le moyen de jeux. Il convient de prendre ces activités extrêmement au sérieux. Dédier des crédits spécifiquement au développement de la recherche participative hors les murs est d’ailleurs une recommandation des académies.

Cela doit toutefois se faire en accord avec des enseignants chercheurs et des universitaires, afin qu’on ne voie pas se développer une recherche participative déconnectée de la recherche universitaire. Ce que nous proposons, c’est tout d’associer les acteurs suivant une formule inspirée des conventions industrielles de formation par la recherche, les conventions CIFRE, pratiquées depuis longtemps avec succès entre la recherche universitaire et l’industrie. Le présent amendement vise donc à réserver une part du budget de l’ANR à la médiation scientifique, à la recherche participative et à la recherche hors les murs.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Si je partage l’objectif des auteurs de l’amendement, il me semble difficile de flécher les financements de l’ANR suivant la méthode de recherche utilisée. En outre, cela reviendrait à limiter à 2 % la part du budget dédié. Je souhaiterais que nous y retravaillions ensemble dans la perspective de l’examen du texte en séance publique. Avis défavorable.

M. Cédric Villani. Je veux bien y retravailler, mais je maintiens l’amendement, ne serait-ce que pour souligner la nécessité de quantifier dans la loi les crédits dédiés.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques AC465 de M. Philippe Berta et AC186 de M. Michel Castellani.

M. Philippe Berta. C’est un signal d’alerte : il est urgent d’accroître le niveau général des connaissances scientifiques et technologiques, aujourd’hui relativement bas, et de remédier à la grande misère de la culture scientifique dans notre pays – dont je peux témoigner en tant que président fondateur de l’école de l’ADN. En d’autres termes, il s’agit d’obtenir des sous !

M. Bertrand Pancher. Un secteur important a été complètement oublié ces vingt dernières années : le partage de la culture scientifique. Il est indispensable de le développer si l’on veut que nos concitoyens ne s’opposent pas en permanence aux évolutions scientifiques. L’État avait confié cette responsabilité aux conseils régionaux, qui sont les chefs de file de la culture scientifique dans notre pays, mais vu l’état des finances des régions, il serait nécessaire de relancer ce chantier au moyen d’un budget spécifique. C’est assurément le moment de le faire. Nous aurons beau, chers collègues, consacrer les moyens les plus importants à la science, cela ne servira à rien si l’opinion publique est tétanisée face aux évolutions scientifiques.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Pour les raisons indiquées précédemment, demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission passe à l’amendement AC199 de M. Sébastien Nadot.

M. Cédric Villani. Il s’agit d’insister sur l’importance de la culture scientifique, technique et industrielle.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Amendement plein de bon sens !

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC503 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je propose que soit lancée une expérimentation entre l’ANR et le Fonds pour le développement de la vie associative en vue d’apporter, à l’aide d’une convention partenariale, un soutien aux associations engagées dans le partage et la médiation de la culture scientifique.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient aux amendements AC268 et AC267 de Mme Fannette Charvier.

Mme Fannette Charvier. Ces deux amendements visent le même objectif, à savoir renforcer les liens entre la science et la société.

L’amendement AC267 vise à créer des chaires dédiées à la médiation scientifique au sein de l’Institut universitaire de France. La France a en effet besoin de chercheurs engagés dans la diffusion des savoirs scientifiques auprès du grand public. L’Institut universitaire de France ayant pour mission de favoriser le développement de la recherche de haut niveau dans les universités, la diffusion des savoirs, la féminisation du secteur de la recherche et le maillage scientifique du territoire, il s’agit de la structure la plus adéquate pour les accueillir.

L’amendement AC268 tend pour sa part à consacrer au moins 1 % des fonds de l’ANR au soutien aux programmes de médiation scientifique développés notamment par des associations représentant la société civile. Cela s’ajouterait au 1 % dédié au partage de la culture scientifique.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis favorable sur les deux amendements.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Si, sur le fond, je souscris à ce qui vient d’être dit, je préférerais que la disposition prévue par l’amendement AC268 soit rattachée à l’alinéa 214 du rapport annexé, qui prévoit de dédier 1 % du budget d’intervention de l’ANR au partage de la culture scientifique. Nous pourrions, madame Charvier, le travailler ensemble dans la perspective de l’examen en séance publique.

L’amendement AC268 est retiré.

La commission adopte l’amendement AC267.

La commission est saisie des amendements AC504 et AC505 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. L’amendement AC504 vise à renforcer la reconnaissance et la valorisation des travaux menés sur la médiation scientifique en créant une médaille et un prix du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour les chercheurs s’étant illustrés dans ce domaine.

De même, l’amendement AC505 vise à créer un prix, qui serait décerné chaque année par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), afin de récompenser des chercheurs s’étant illustrés dans la recherche participative.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AC269 de Mme Fannette Charvier.

Mme Fannette Charvier. Il s’agit d’inciter les écoles doctorales à proposer des modules de formation pour accompagner les doctorants dans la diffusion de leurs travaux et résultats de recherche. Il convient d’insuffler la culture de la transmission de la parole scientifique à la société civile dès les premières années de recherche.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC506 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cet amendement tend à ce que le Gouvernement propose aux organismes de recherche, aux conférences d’établissement et aux mouvements associatifs une charte d’engagements en vue de renforcer leur coopération.

La commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC466 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Nous proposons de substituer à « consultation citoyenne » l’expression « débat citoyen » – c’est à la mode et ce serait plus approprié !

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC200 de M. Sébastien Nadot.

M. Cédric Villani. Il s’agit là encore de renforcer les interactions entre science et école à travers la médiation scientifique.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC233 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Cet amendement fait écho aux travaux menés en 2018 par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous avions regretté à l’époque le faible nombre de jeunes femmes engagées dans les filières des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques, dites STEM. Je propose donc que soit lancée une campagne nationale d’information sur ces filières et métiers à destination, en priorité, des filles, ainsi que de leur famille et, plus largement, du grand public, campagne qui réfuterait les idées fausses couramment admises et valoriserait les parcours atypiques. On n’exploite pas assez aujourd’hui les compétences des jeunes filles. Il faut leur donner envie de s’engager dans cette voie : c’est un enjeu national.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je suggère, madame Calvez, que vous retiriez vos différents amendements en vue d’en rédiger un global sur la diffusion des sciences, en relation notamment avec l’audiovisuel public.

Mme Céline Calvez. C’est plus spécifiquement l’objet de l’amendement AC234 à suivre : il vise à promouvoir des programmes audiovisuels de fiction mettant en scène des femmes scientifiques – on sait quelle influence ont les séries, notamment, sur les jeunes.

M. le président Bruno Studer. Procédons dans l’ordre, je vous prie. Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur l’amendement AC233 ?

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AC234 de Mme Céline Calvez est retiré.

La commission est saisie des amendements AC235, AC237 et AC236 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. L’amendement AC235 vise à développer les actions de parrainage ou de « marrainage » afin que l’on puisse accompagner, d’une génération à l’autre, l’essor des carrières des jeunes scientifiques et que soit pleinement reconnu le temps consacré à cette tâche. On touche là à cette notion clé qu’est le mentorat : il importe de mieux le reconnaître et de le développer.

L’amendement AC237 tend à créer un fonds d’innovation pour soutenir les bonnes pratiques favorisant l’égalité professionnelle dans le monde de la recherche. S’il existe en effet de bonnes pratiques – nous avons pu le vérifier dans le cadre des travaux de la délégation aux droits des femmes –, il est regrettable que leur diffusion soit limitée à un établissement ou un laboratoire.

Dans la même optique, je propose, par l’amendement AC236, de confier au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche la tâche de recenser les bonnes pratiques en la matière – notamment grâce aux rapports annuels qui seront, aux termes de la future loi, remis par les établissements –, puis d’organiser la diffusion de celles-ci.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il me semble que l’amendement AC237 est satisfait.

L’amendement AC237 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements AC235 et AC236.

Elle est saisie de l’amendement AC207 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Madame la ministre, vous avez annoncé le 4 juillet 2018 un plan national pour la science ouverte. Ce plan impose notamment l’accès ouvert pour les publications et les données issues de recherches financées sur projet et instaure un comité pour la science ouverte. Vous déclariez alors : « La science est un bien commun que nous devons partager le plus largement possible. Le rôle des pouvoirs publics et de rétablir la fonction initiale de la science comme facteur d’enrichissement collectif. »

Comment comprendre dès lors les diverses mesures du projet de loi visant à renforcer les liens entre la recherche publique et les entreprises ? Le principe de la science ouverte entre en totale contradiction avec les règles en vigueur dans les entreprises privées, qui sont soucieuses d’appliquer le secret des affaires – on les comprend. Comme le dénonce la CGT, les chercheurs seront donc divisés entre leur travail public, où ils devront respecter les règles de la science ouverte, et leur travail privé, où on leur demandera au contraire de s’en tenir au secret des affaires.

Par cet amendement, nous souhaitons dénoncer les multiples mesures du projet de loi qui portent atteinte à l’indépendance des chercheurs et augmentent le nombre de conflits d’intérêts potentiels. L’objectif de la recherche est la création et la critique des savoirs au service du bien commun, et non de celui de quelques actionnaires. Nous proposons donc que les chercheurs du secteur public ne puissent être rémunérés par le secteur privé et soient couverts par le régime des lanceurs d’alerte.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC467 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. La grande majorité des étudiants en doctorat étant de fait appelés à rejoindre le monde de l’entreprise, il convient de les y préparer. D’autre part, il serait bon que ceux qui resteront dans le monde académique puissent avoir plus facilement accès aux entreprises et qu’ils comprennent l’intérêt de la valorisation et du transfert des résultats de leurs recherches. C’est pourquoi nous proposons d’introduire dans les écoles doctorales des modules de formation à la valorisation des recherches et à la connaissance du monde de l’entreprise.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Dans le cadre du plan « L’esprit d’entreprendre » en faveur de l’entrepreneuriat étudiant, il est déjà prévu que, dans toutes les filières, soit dispensée une formation à la connaissance du monde de l’entreprise, formation qui pourra être prolongée par des modules supplémentaires afin d’accompagner ceux qui le souhaitent vers la création d’entreprise, notamment dans le cadre du dispositif PEPITE (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat). On pourrait prévoir une formation complémentaire pour les seuls étudiants qui n’en auraient pas bénéficié. Quoi qu’il en soit, il convient de revoir la rédaction de l’amendement, étant entendu que l’objectif est que chaque étudiant bénéficie dans le cadre de son cursus d’une initiation à l’entrepreneuriat et d’une sensibilisation à la valorisation de ses recherches.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement AC468 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Les pôles universitaires d’innovation seront des lieux de rencontre, une sorte de guichet unique pour la valorisation et le transfert. Pourquoi en limiter arbitrairement le nombre à quinze ? Il vaudrait mieux laisser les choses se faire.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Demande de retrait ou, à défaut, avis de sagesse.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC262 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Natalia Pouzyreff. Depuis le début des années 2000, de nouvelles formes de recherches partenariales ont émergé. Les collectivités territoriales, ainsi que les fondations, les associations et les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont aujourd’hui des acteurs de la recherche aux côtés des établissements de recherche et des entreprises. Cela représente bien évidemment une mobilité potentielle supplémentaire pour les chercheurs. Or les CIFRE, pourtant plébiscitées par les acteurs, ne sont que dans une proportion de 5 % conclues avec des associations, des collectivités territoriales ou des structures de l’économie sociale et solidaire. Il semble donc nécessaire de favoriser le recours à ce dispositif.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements AC472, AC469 et AC470 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. L’action publique n’est efficace que si ses performances sont mesurées. Seuls des indicateurs de suivi peuvent être des outils solides de pilotage pour les décideurs publics. L’objet de l’amendement AC472 est d’en prévoir.

L’amendement AC469 vise à mettre à la disposition des établissements des outils de gestion afin qu’ils puissent renforcer l’efficacité de leur action et optimiser l’emploi de leurs ressources.

Quant à l’amendement AC470, il s’agit de concevoir des formules de financement innovantes susceptibles d’encourager les petites et moyennes entreprises à faire appel à l’expertise de doctorants ou de docteurs – par exemple en recourant à un système de coupons ou de chèques de services.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je suggère que l’amendement AC470 soit retravaillé en vue de l’examen en séance publique.

L’amendement AC470 est retiré.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements AC472 et AC469.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AC520 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AC473 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Cet amendement tend à inscrire dans le texte une clause d’actualisation régulière des orientations budgétaires, afin de tenir compte des effets de l’inflation ; à défaut, la stabilité de la trajectoire financière préalablement définie ne saurait être assurée.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC507 et AC508 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements AC531 et AC532 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. L’amendement AC531 vise à faire état de l’accélération, annoncée par le Gouvernement, de la montée en puissance de l’ANR dans le cadre du plan de relance. Ce sont 420 millions d’euros qui seront ainsi ajoutés sur les deux prochaines années : 280 millions en 2021 et 140 millions en 2022, ce qui permettra d’augmenter dès 2021 d’un peu plus de 400 millions d’euros le montant des appels à projets de l’ANR. Celle-ci pourra de ce fait financer un plus grand nombre de projets, et le taux de succès devrait atteindre plus rapidement la cible de 30 % fixée par le Gouvernement. Cela permettra en outre d’accélérer la hausse des financements accordés par l’ANR sur préciput : dès 2021, l’ANR aura la capacité de verser aux établissements et aux laboratoires une part accrue des préciputs liés aux projets sélectionnés en 2020.

Dans la même optique, l’amendement AC532 vise à faire état du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4), annoncé avec le plan de relance, et à présenter les perspectives ouvertes en matière de soutien pour les acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

M. Patrick Hetzel. J’en profite, madame la ministre, pour vous demander si vous pourriez nous indiquer, d’ici à la fin de l’examen du texte en commission, ce que représente, en valeur absolue et en pourcentage, le compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions » dans la hausse du budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela ne correspond pas en effet à une augmentation réelle de moyens, puisqu’il s’agit de dépenses destinées aux retraites.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous vous transmettrons les chiffres, monsieur Hetzel, mais je tiens à préciser que le CAS « Pensions » relevant, sauf erreur de ma part, du budget général de l’État, il n’a pas de répercussions sur le budget du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Son montant ne doit donc pas être défalqué des financements supplémentaires prévus par le projet de loi de programmation.

M. Patrick Hetzel. Cela date un peu, mais, il y a huit ans, quand j’avais la responsabilité du programme 150, une ligne budgétaire CAS « Pensions » apparaissait et il fallait en défalquer le montant pour connaître les moyens globaux disponibles. Il faudrait donc que nous disposions de cette donnée, dans la mesure où elle a une incidence directe sur les moyens effectivement affectés à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. le président Bruno Studer. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter à l’article 2.

La commission adopte les amendements AC531 et AC532.

Elle en vient à l’amendement AC209 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Il tend à supprimer le crédit d’impôt recherche (CIR), dont le montant devrait dépasser les 6,5 milliards d’euros en 2020 et qui n’a jamais prouvé son efficacité. De surcroît, étant plafonné au niveau de la filiale mais pas du groupe, il est souvent utilisé dans des montages d’évasion fiscale. C’est une niche fiscale coûteuse et inefficace.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable, sur le fond comme sur la forme : ce n’est pas dans le cadre d’un rapport annexé qu’on peut supprimer une disposition fiscale !

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC214 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Si le projet de loi conforte le rôle du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), cette instance est contestée par de nombreux chercheurs qui dénoncent son rôle éminemment politique.

Ainsi, lors de la campagne pour sa présidence, certains chercheurs ont déposé une candidature collective visant à « renouer avec les principes d’autonomie et de responsabilité des savants qui fondent la science ».

Selon eux, « il ne saurait y avoir d’administration distincte dotée d’un président pour superviser ces pratiques : c’est l’ensemble du corps savant qui doit présider à l’évaluation qualitative de sa production. » Ils la concluaient en ces termes : « Sans recherche autonome, nous n’avons pas d’avenir ».

Nous demandons la suppression de cet organisme, les modalités d’évaluation des unités devant être discutées en concertation entre les différents acteurs.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Défavorable.

Mme Fannette Charvier. Pas une seule fois la suppression du HCERES n’a été demandée au cours des auditions : nous n’allons donc pas le supprimer, pas plus que tout le travail accompli autour de l’évaluation de la recherche, au travers d’un amendement. Ayant siégé au sein de son collège, je peux vous assurer que les évaluations des travaux de recherche y sont menées en toute objectivité ainsi qu’en toute indépendance par des chercheurs que le HCERES recrute en tant qu’experts. En revanche, son indépendance peut être renforcée par un changement de statut : c’est ce que nous proposerons à l’article 10.

M. Cédric Villani. Je suis également d’avis que l’indépendance ainsi que le rôle du HCERES doivent être renforcés. Il est cependant incompréhensible autant qu’inadmissible, madame la ministre, que sa présidence demeure vacante depuis aussi longtemps, c’est-à-dire neuf mois : une grande nation de recherche comme la France a en effet besoin d’une stratégie d’évaluation au plus haut niveau.

Mme Muriel Ressiguier. J’ai conduit une série d’auditions parallèlement à celles de la commission. Nous avons également reçu nombre de notes, d’éléments et d’interpellations de la part des chercheurs qui ne partagent pas, Monsieur le rapporteur, vos propos. Nous trouver en désaccord sur ce point, dont nous aurons l’occasion de reparler, ne me surprend cependant pas.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC231 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Conformément à la logique visant à renouveler les relations et le dialogue entre l’État et ses opérateurs, l’idée est notamment d’améliorer constamment et de renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC320 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Les femmes sont sous-représentées dans le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur : 28 % des chercheurs et 36 % des vice-présidents d’universités. À la rentrée 2019, seules dix universités sur soixante-quatorze étaient présidées par des femmes, et deux d’entre elles seulement se trouvaient à la tête de deux des vingt-trois communautés d’universités et établissements (COMUE) et des associations d’universités.

Notre amendement vise à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans ce même monde et à rendre concrète cette grande cause du quinquennat.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Un certain nombre de dispositions allant dans ce sens ont été votées au cours de notre réunion : je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable, afin d’éviter une redondance.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er portant approbation du rapport annexé, modifié.

Après l’article 1er

La commission est saisie de l’amendement AC212 de M. Frédéric Reiss.

M. Patrick Hetzel. L’amendement vise à créer, au 1er janvier 2021, un label « pôles universitaires d’innovation » (PUI) qui aurait pour mission, sans donner naissance à de nouvelles structures, d’organiser l’offre de transfert de connaissances et de technologies, de fluidifier les relations ainsi que les partenariats entre secteurs public et privé et de réduire les délais de contractualisation et de transfert.

Les modalités d’une telle labellisation seraient définies par décret, en concertation avec les acteurs concernés. Il s’agit d’un sujet régulièrement mentionné notamment par les écoles d’ingénieurs qui souhaitent s’impliquer dans l’innovation.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Si nous avons voté la création des PUI, votre amendement vise à inscrire dans la loi la finalité de ce label, défini dans le rapport annexé. Or ce n’est malheureusement pas de son ressort. J’en demande donc le retrait. À défaut, j’y serais défavorable

M. Patrick Hetzel. L’argument, très facile à utiliser lorsque l’on siège dans la majorité pour rejeter les propositions de l’opposition, ne serait recevable que si nous examinions un texte ne comprenant en toute rigueur que des dispositions législatives. Il m’en faudrait donc d’autres.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Vous avez raison de souligner que la création desdits pôles ne doit pas aboutir à ajouter une couche ou à créer des intermédiaires mais bien à renforcer localement, et dans chaque écosystème, les liens existants entre les établissements et les entreprises. Ils doivent permettre d’identifier toutes les offres de compétences et de technologies. Le rapport annexé précise que cette mise en place n’emporte pas la création de nouvelles structures : il s’agit localement d’organisation et de pilotage conjoint. Accorder ce label impliquera en effet de travailler à chaque fois sur le terrain pour déterminer l’organisation idoine.

Je souhaite donc que l’amendement soit retiré : figer dans un décret les modalités de création des PUI risquerait en effet de créer un cadre ne correspondant pas à la réalité de chacun des sites concernés.

M. Patrick Hetzel. Il faut en effet se montrer prudent et ne pas trop figer les choses au travers d’un décret, car chaque pôle peut évidemment avoir ses spécificités : l’argument peut être entendu. Je suis donc prêt, au vu de notre échange, à retirer l’amendement, quitte à le retravailler en vue de la séance.

Je vous alerte cependant sur un point : il faut éviter un guichet unique dans la mesure où certains établissements d’enseignement supérieur ont d’ores et déjà développé des relations privilégiées qu’il faudrait éviter de casser. Je vais au bout du raisonnement : dans certains cas, les établissements concernés se sont rendu compte – même si ce n’est pas le cas partout, puisque par exemple Conectus, en Alsace, fonctionne très bien – que les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) leur posaient problème : un guichet unique ne constitue en effet pas forcément un dispositif efficient.

L’amendement AC212 est retiré.

Article 2
Programmation des crédits budgétaires de la recherche

La commission adopte tout d’abord l’amendement rédactionnel AC509 du rapporteur.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AC510 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, de l’amendement AC330 de M. Cédric Villani ainsi que des amendements identiques nos AC43 de M. Patrick Hetzel, AC162 de Mme Béatrice Descamps, AC187 de M. Michel Castellani et AC280 de Mme Josette Manin.

M. Cédric Villani. Il s’agit, dans l’esprit de la discussion que nous avons eue à l’article 1er, de ramener la programmation de dix ans – durée largement supérieure à celle nécessaire pour lancer une dynamique de recherche, qui est par ailleurs susceptible d’être affectée par de nombreuses incertitudes, présente le risque de voir la valeur du milliard d’euros modifiée par l’inflation et correspond à celle de plusieurs mandats – à sept ans.

Cependant, dans la mesure où les amendements à l’article 1er visant à ramener la fin de cette programmation de 2030 à 2027 ont été écartés, les conserver à l’article 2 n’aurait pas de sens : je retire donc l’amendement uniquement par cohérence.

L’amendement AC330 est retiré.

M. Patrick Hetzel. L’amendement AC43 poursuit deux objectifs. Le premier ne semble pas, au vu de nos discussions sur l’article 1er, satisfait, puisque la programmation – au caractère quelque peu problématique – s’étalera sur une décennie : il vise donc à la ramener à sept ans.

Le second est de répartir différemment les moyens concernés et de renforcer la montée en puissance du dispositif.

Mme Béatrice Descamps. Il est important de fixer le terme de cette loi de programmation en 2027 et de répartir ainsi les financements de manière plus équitable sans qu’ils soient, au regard de l’article 1er, concentrés sur les dernières années.

M. Bertrand Pancher. Si je veux bien comprendre, chers collègues de la majorité, que vous arrivez au terme de votre mandat et qu’il faut un peu de temps pour déployer l’ensemble des efforts, une loi de programmation sur dix ans, ce n’est cependant pas très sérieux : on donne en effet l’impression de faire porter l’effort sur les majorités futures ! Or nous attendons de la majorité actuelle qu’elle adopte les moyens permettant de s’engager dans de véritables politiques de recherche.

Mme Josette Manin. Notre démarche vise également à réduire la durée de la programmation budgétaire de trois années et à faire, au cours des deux premières années, un effort plus important sur les crédits de paiement.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. L’argumentation reste la même : défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC329 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. L’amendement traduit la volonté de garantir la valeur des montants concernés en tenant compte, même sur sept ans, de la longue durée de programmation, et de ne pas voir l’inflation trop détériorer la valeur du milliard d’euros prévu.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il s’agit à l’évidence d’un sujet majeur et d’une préoccupation partagée : c’est pourquoi nous défendrons tout à l’heure un amendement AC524 portant article additionnel après l’article 2 visant à instaurer une clause de « revoyure » afin de prévoir une actualisation triennale et de vérifier les hypothèses retenues.

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC153 de la commission des finances.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement vise, dans le même esprit, à corriger la trajectoire du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche de l’impact des mesures annoncées dans le cadre du plan de relance de l’économie, qui prévoit d’abonder dès 2021 le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) de 400 millions d’euros supplémentaires.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Certains éléments d’information ayant tout à l’heure été apportés concernant la trajectoire financière, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le plan de relance fera prochainement, en vue de son adoption, l’objet d’un débat au Parlement : il est donc compliqué et prématuré de préjuger de son vote. En revanche, une fois la première lecture à l’Assemblée nationale achevée, je m’attacherai à ce que la présentation du tableau tienne compte des incidences de ce vote sur l’accélération de la programmation.

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serais également défavorable.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. L’argument avancé par Mme la ministre, que je prends comme un engagement, me paraît plus fondé que celui du rapporteur : je retire l’amendement.

L’amendement AC153 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques AC188 de M. Michel Castellani et AC 285 de Mme Josette Manin.

M. Bertrand Pancher. L’amendement vise à attribuer aux politiques de recherche des établissements de recherche et d’enseignement supérieur, à un rythme plus important que celui que vous prévoyez, des crédits dédiés, de façon à garantir aux chercheurs la possibilité d’exercer leur métier sur le temps long et dans des conditions adéquates.

L’alinéa 181 du rapport annexé au projet de loi ne prévoit en effet qu’une augmentation de 10 % de ces crédits d’ici 2022 sans autre perspective à plus long terme. La crise sanitaire s’avère de ce point de vue salutaire, notamment au travers du plan de relance, car vous allez très vraisemblablement, Madame la ministre, nous annoncer de bonnes nouvelles.

M. Régis Juanico. L’amendement AC285 vise à ce que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport, qui a été supprimé dans la dernière version du projet de loi, sur l’exécution de l’article 2 en vue de l’actualisation de la programmation.

L’exposé des motifs du texte précise d’ailleurs que « Le Gouvernement prévoit que la présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont l’une, mise en œuvre avant la fin de l’année 2023, aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière jusqu’en 2030. »

Or il est essentiel que l’information du Parlement soit inscrite dans la loi. Nous proposons de rétablir l’alinéa 3 dans sa rédaction suggérée par le Conseil d’État dans son avis : « Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d’orientation des finances publiques, un rapport sur l’exécution de l’article 2 en vue, le cas échéant, de l’actualisation de cette programmation. »

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Nous avons déjà évoqué ce point lors de l’examen du rapport annexé : dans le même état d’esprit, nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut, notamment au cours des premières années, impulser une dynamique. Tant les éléments apportés que l’engagement de la ministre répondent à cette préoccupation : je demande donc le retrait des amendements. À défaut, j’y serais défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AC216 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Il s’agit toujours de la suppression du CIR, que nous considérons, et nous ne sommes pas les seuls à le penser puisque la Cour des comptes a émis des doutes à son sujet, comme une niche fiscale inefficace. Nous reprendrons l’argumentaire dans l’Hémicycle.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC318 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Les établissements de la recherche et de l’enseignement supérieur font face à un manque croissant de financements. Alors que les financements pérennes, durables et à long terme se font de moins en moins importants, les financements par appel à projets augmentent considérablement. S’ils peuvent présenter un intérêt dans certains cas, ils ne peuvent devenir le principal mode de financement.

Les financements de l’ANR ne peuvent être les seuls à être chiffrés alors que les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche souffrent de coûts de plus en plus élevés alors que leurs ressources stagnent, voire diminuent. L’amendement propose d’y remédier afin que tous les acteurs de la recherche bénéficient des crédits prévus par le projet de loi.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Vous proposez, ce qui est contraire à l’esprit du projet de loi, de supprimer les alinéas 3 et 4 relatifs au financement des projets par l’ANR : je suis par conséquent défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC215 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Le fonctionnement sous forme d’appels à projets organise la concurrence entre établissements et entre équipes de la recherche publique. Il a depuis sa création continuellement accru les disparités entre d’un côté les établissements et unités de recherche d’excellence, qui remportent de tels appels et bénéficient donc de financements, et de l’autre côté des établissements de seconde catégorie qui n’en obtiennent pas et doivent donc tenter de poursuivre leurs travaux avec des dotations de base insuffisantes pour fonctionner.

Ainsi 80 % des appels à projets sont remportés par une vingtaine d’universités, les plus prestigieuses, qui accueillent les étudiants issus des classes sociales les plus favorisées et qui en outre reçoivent des financements au titre de leur participation aux initiatives d’excellence (IDEX), ce qui consacre un système de recherche à deux vitesses basé sur la compétition entre établissements.

De plus, ce système de financement de la recherche est particulièrement inefficace : le coût du temps perdu à chercher des moyens plutôt qu’à faire avancer les connaissances est en effet considérable. En 2018, le taux de succès pour les appels à projets était de 16 %, ce qui signifie que 84 % des projets ont été déposés en vain, avec tout le gâchis de temps et d’énergie que cela suppose.

Les chercheurs doivent consacrer leur temps à leurs travaux scientifiques plutôt qu’à courir après des financements. Nous redemandons donc la suppression de l’ANR et la redistribution de ses fonds sous la forme de crédits récurrents aux équipes de recherche. Les grands équipements seront quant à eux financés par d’autres programmes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC331 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. L’amendement tend à ramener une nouvelle fois la durée de la programmation de dix à sept ans s’agissant du budget de l’ANR. Cette fois encore, par cohérence avec les dispositions déjà adoptées à l’article 1er, je le retire.

L’amendement AC331 est retiré.

La commission examine l’amendement AC163 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Cet amendement vise à apporter davantage de transparence tant dans la répartition des budgets consacrés à la recherche que dans leur utilisation. Si les grandes orientations budgétaires sont claires, il est cependant complexe de connaître, année par année, l’avancement et l’utilisation précise des sommes allouées.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement au profit, dans le même état d’esprit, d’amendements plus complets. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Soyons clairs : l’ANR rédige un rapport annuel d’activité qui indique donc publiquement qui est financé et pour quel type de projet. Elle met à disposition ses jeux de données relatifs aux financements accordés depuis 2005. Un moteur de recherche permet en outre d’explorer le paysage français de la recherche selon quatre critères : les structures de recherche, les financements, les auteurs et les productions.

L’un des amendements ultérieurs portera notamment sur les sommes allouées, de manière à disposer d’une analyse encore un peu plus fine. Je demande donc le retrait de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, de l’amendement AC154 de la commission des finances, des amendements identiques AC89 de M. Patrick Hetzel et AC286 de Mme Josette Manin, ainsi que de l’amendement AC287 de Mme Josette Manin.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Il ne fait aucun doute que cette loi de programmation fixe une trajectoire historiquement ambitieuse pour la recherche publique française. Cela étant dit, l’exercice de programmation doit évidemment, pour être crédible, s’articuler avec l’annualité des lois de finances. Aussi l’amendement complète-t-il l’article 2 en prévoyant que le Gouvernement remettra un rapport annuel au Parlement, en amont du débat d’orientation des finances publiques qui a lieu à l’été, commentant l’exécution de la trajectoire budgétaire et les écarts éventuels. En cas d’écart, le Gouvernement devra commenter l’opportunité d’actualiser cette trajectoire. Le Parlement pourra ainsi disposer d’une information en amont de la discussion de chaque loi de finances et débattre de l’opportunité de modifier les équilibres prévus dans la programmation actuelle. L’amendement instaure par ailleurs une clause de révision de cette trajectoire en 2023. Enfin, le rapport devra évaluer les résultats obtenus par la loi selon des critères de performance scientifique et de valorisation économique de la recherche publique.

M. Patrick Hetzel. Nous reprenons également l’une des observations du Conseil d’État : le Gouvernement a prévu un projet de loi d’actualisation en 2023, ce qui est contraire à la Constitution puisque considéré comme une injonction à légiférer, d’autant que la majorité aura sans doute changé en 2022. (Murmures sur les bancs du groupe LaREM.)

Afin de résoudre ce problème, l’amendement propose la remise d’un rapport permettant d’évaluer la mise en œuvre, notamment d’un point de vue budgétaire, de la loi de programmation.

M. Régis Juanico. Les amendements AC286 et AC 287 ont des objets similaires et je n’ai rien à ajouter aux propos de mes collègues Francis Chouat et Patrick Hetzel.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Nous faisons bien évidemment nôtre la demande de transparence, et donc la remise d’un rapport d’exécution de la programmation sur ces sujets et sommes favorables à l’amendement AC89 de M. Hetzel, qui est le plus complet. Je demande donc le retrait des autres.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. L’amendement adopté par la commission des finances me semble plus complet que celui de M. Hetzel : je suis par conséquent quelque peu étonné par l’avis du rapporteur.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il me semble qu’après l’article 2 un amendement AC524 de M. le rapporteur proposera une clause de « revoyure » : il serait donc plus cohérent à ce stade d’adopter l’amendement de M. Hetzel qui ne prévoit que la remise d’un rapport.

L’amendement AC154 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques AC89 et AC286.

En conséquence, l’amendement AC287 tombe.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La commission examine l’amendement AC524 du rapporteur.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il s’agit du fameux amendement qui prévoit que la programmation de la recherche fera l’objet d’actualisations au moins tous les trois ans : il vise donc à instaurer une clause de « revoyure » afin de vérifier la réalisation de ses hypothèses.

La commission adopte l’amendement.

Titre II
Améliorer l’attractivité des métiers scientifiques

Article 3
Création de parcours de titularisation pour les directeurs de recherche et les professeurs de l’enseignement supérieur

M. le président Bruno Studer. Je vous rappelle que notre commission a nommé notre collègue Valérie Gomez-Bassac rapporteure sur le titre II. Nous en venons tout d’abord à l’article 3.

La commission est saisie des amendements identiques de suppression de l’article nos AC120 de M. Sébastien Nadot, AC189 de M. Michel Castellani, AC217 de M. Michel Larive et AC288 de Mme Josette Manin.

M. Sébastien Nadot. L’amendement vise à supprimer l’article 3 qui crée une nouvelle voie de recrutement calquée sur le modèle anglo-saxon des tenure track et plaquée sans souci de cohérence sur le système français actuel, qui repose essentiellement sur les maîtres de conférences.

L’étude d’impact ne dit strictement rien à ce sujet. Je suis un peu surpris que l’on n’ait pas cherché, dans le cadre d’une loi de programmation de la recherche, à modéliser, par exemple avec des chercheurs en sciences sociales, l’impact d’une telle disposition. Se pose en particulier la question importante de la discrimination dont les femmes sont victimes.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à supprimer l’article qui crée un mode de pré‑recrutement des chaires de professeurs juniors. Or la création de telles chaires ne fait absolument pas consensus au sein de la communauté scientifique, qui craint que de tels recrutements locaux sans concours nationaux ne remplacent les recrutements classiques.

Ce nouveau dispositif ne contribue pas selon nous à lutter contre la précarisation du métier de chercheur. En outre, le faire coexister avec le système actuel de recrutement va créer des inégalités, accroître la compétition et mettre les chercheurs ainsi pré‑recrutés sous pression.

Madame la ministre, la communauté scientifique, en particulier les universitaires, est en émoi à ce sujet : il serait donc intéressant de savoir de quelle concertation cette proposition, qui fait véritablement controverse, a fait l’objet.

M. Michel Larive. Alors que l’âge de la titularisation des chercheurs et des enseignants-chercheurs n’a cessé de reculer, le Gouvernement propose de le différer encore. Chaque année, 25 % des créations de postes de professeurs et de directeurs de recherche, jusqu’à 50 % dans certains établissements, pourront être des contrats de droit public et non plus des emplois de fonctionnaires titulaires. Cette mesure participe à la dérégulation des statuts de la fonction publique. Elle crée une inégalité de traitement entre chercheurs, puisque les personnels occupant une chaire bénéficieront d’une enveloppe budgétaire de 100 000 euros de l’ANR, somme que les chercheurs fonctionnaires ne se voient jamais attribuer.

Il conviendrait plutôt d’augmenter le taux de succès au concours de maître de conférence, actuellement de 13,8 %, ou celui au concours de chargé de recherche du CNRS, inférieur à 5 %.

M. Régis Juanico. L’article 3 instaure, avec ce système de pré-titularisation conditionnelle, une nouvelle voie de recrutement pour les titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent. Ces « chaires d’excellence » permettraient à des contractuels de bénéficier en trois à six ans d’un passage rapide au grade de professeur ou de directeur de recherche, sans les obligations statutaires imposées aux maîtres de conférences et chargés de recherche. Cela constitue une rupture complète avec le mode de recrutement national, principalement par concours de la fonction publique et suite à une qualification nationale du Conseil national des universités (CNU).

Par ailleurs, ces embauches, prélevées sur le même budget que les postes de professeurs des universités et directeurs de recherche, diminuent les possibilités d’évolution vers ces grades pour les maîtres de conférences et chargés de recherche. La multiplication des voies de recrutement d’agents contractuels, déjà nombreuses, remet en cause le statut des enseignants-chercheurs et la conception française de la fonction publique.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure pour le titre II. Ces chaires sont un élément central du texte et répondent à une attente de la communauté universitaire. Les contrats de pré‑titularisation ne remettent nullement en cause les voies ordinaires de recrutement et n’entrent pas en concurrence sur la qualification. Je déposerai un amendement pour abaisser leur part de 25 % à 20 % des recrutements, afin de prouver qu’il s’agit bien d’une voie secondaire. Ils constituent de nouveaux supports pour rendre la recherche plus attractive et recruter d’autres profils, qu’il s’agisse de personnes ayant une expérience en entreprise ou de chercheurs ayant exercé à l’étranger. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cette demande émane de la communauté scientifique. Dans certaines disciplines, il s’avère nécessaire de faire revenir de l’étranger ou de retenir des doctorants de haut niveau, recrutés avant même d’avoir obtenu leur diplôme.

Il ne s’agit pas de créer une voie concurrente ou de bloquer ainsi la promotion et la carrière des enseignants-chercheurs et maîtres de conférence. Nous nous sommes engagés, et cela se concrétise dans le protocole d’accord, à ce qu’il y ait au moins une promotion vers le corps des professeurs par chaire de professeur junior créée. Un poste de titulaire permet d’avoir du temps devant soi, c’est une vision qui fait la force de notre recherche. Nous proposons là un outil supplémentaire pour parvenir à cette titularisation en un concours au lieu de deux.

Ce n’est pas discriminant pour la carrière des femmes, loin de là. Si elles sont minoritaires dans les corps de professeurs d’université ou de directeurs de recherche, c’est qu’après le premier concours, qui demande beaucoup d’investissement, et alors qu’elles se sont installées dans une vie de famille, où le partage des tâches demeure inégalitaire, il leur est difficile de se remotiver pour le deuxième concours.

On ne peut parler de titularisation automatique, mais dans la grande majorité des cas, cette voie doit aboutir à une titularisation.

Il s’agit aussi de renforcer l’attractivité de notre pays, en faisant revenir de l’étranger ou en retenant les doctorants de haut niveau, recrutés avant même d’avoir obtenu leur diplôme, lorsqu’ils exercent dans des disciplines en tension. C’est ainsi que l’école de mathématiques française, réputée mondialement, continuera de briller par son excellence. C’est donc un outil supplémentaire que nous mettons au service de la communauté scientifique. Avis défavorable.

M. Sébastien Nadot. Notre opposition n’est pas idéologique. Nous considérons qu’il est intéressant de disposer d’un outil supplémentaire, mais faute d’étude d’impact de qualité, nous ignorons comment fonctionnera ce recrutement, quelles incidences il aura sur le plafond d’emplois des universités, si à moyen terme on recrutera moins par les voies traditionnelles. Vous dites aussi que la titularisation interviendra dans la grande majorité des cas, mais l’étude d’impact ne permet pas de le prouver. Je ne sais comment me positionner et j’ai l’impression d’un saut dans le vide.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il ne s’agit en aucun cas d’utiliser les plafonds d’emplois actuels. Je rappelle que nous prévoyons par ailleurs la création de 5 200 emplois sous plafond État. S’agissant de l’étude d’impact, il est très difficile de savoir à quel rythme les établissements s’empareront de cet outil, dans la mesure où ils n’ont aucune obligation à le faire. C’est l’objet de la clause de rendez‑vous que nous avons prévue dans trois ans. Nous saurons alors si cette voie a connu un succès ou s’il faut retravailler le dispositif. Il me paraît toutefois important que cet outil soit offert à la communauté.

M. Bertrand Pancher. Il est important de souligner que cet outil demeure optionnel. Beaucoup d’universitaires craignent néanmoins que ce nouveau type de chaire remplace à terme les recrutements classiques. Vous indiquez qu’il y a eu concertation, mais j’appelle votre attention sur le fait que les représentants des universités, depuis de nombreuses années, estiment que cette concertation se fait mal. Un président d’université me faisait récemment part de sa frustration à cet égard.

M. Michel Larive. Quand bien même il s’agit d’une option, cela peut devenir une facilité pour les universités, qui seront peut-être tentées, dans quelques années, de compenser par ce type de contrats le départ à la retraite des enseignants-chercheurs.

Mme Natalia Pouzyreff. Cette voie reste minoritaire. Nous aurons l’occasion de revenir sur la part que pourront prendre les recrutements sur des chaires de professeurs junior. Pour ce qui est de l’étude d’impact, des contrats similaires existent à l’étranger. Certes, ils ne sont pas tout à fait comparables puisque le dispositif proposé ici est spécifique et protecteur. Il prévoit de mettre en réserve des postes de directeurs de recherche, mais aussi de professeurs.

Cet outil ne sera pas un facteur de précarisation ; au contraire, il permettra d’apporter une visibilité à ces jeunes chercheurs, courtisés par les universités étrangères. Voir une partie de la jeunesse partir à l’étranger parce que les conditions offertes sont bien meilleures n’est pas acceptable. Il s’agit donc de garder nos meilleurs talents et d’attirer les chercheurs étrangers, qui trouveront un intérêt à disposer d’une chaire de professeur junior et à profiter de son environnement.

La commission rejette les amendements de suppression.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC382 de la rapporteure.

Puis elle examine les amendements identiques de précision AC390 de la rapporteure, AC29 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC71 de M. Patrick Hetzel et AC97 de M. Jacques Marilossian.

M. Patrick Hetzel. Concernant les doctorats visés dans l’article, il convient de faire référence à l’article L. 612-7 du code de l’éducation afin d’éviter toute confusion avec les doctorats d’exercice.

La commission adopte les amendements

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC383 de la rapporteure.

Elle en vient à la discussion commune des amendements AC391 de la rapporteure, AC165 de Mme Béatrice Descamps, AC332 de M. Cédric Villani, AC164 de Mme Béatrice Descamps, AC289 de Mme Josette Manin et AC190 de M. Michel Castellani.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je propose de limiter à 20 % la part de postes disponibles pour cette voie de recrutement dans un établissement. Pour tenir compte de la situation spécifique de certains corps, où le nombre de recrutements autorisés est inférieur à cinq, je propose de la maintenir à 25 %.

Mme Béatrice Descamps. Je propose de réduire cette part à 20 %, voire à 15 %. L’amendement AC166, que nous examinerons ultérieurement, prévoit une révision de cette disposition en 2023.

M. Cédric Villani. Si cette nouvelle voie est susceptible de renforcer l’attractivité et de lutter contre la fuite des cerveaux, elle suscite beaucoup d’inquiétudes dans le monde universitaire, particulièrement dans certaines disciplines. Mme la ministre a bien voulu évoquer le cas de l’école française de mathématiques, et toute la communauté la remercie pour sa haute appréciation. Cependant, pourquoi le président de l’institut de mathématiques du CNRS a-t-il manifesté de la défiance vis-à-vis de cet article ? Le recrutement actuel fonctionne selon les principes d’une évaluation exigeante et d’une mobilité obligatoire, importante pour la bonne gestion de la communauté. Le jeune chercheur aura dû passer par trois universités différentes pour être recruté comme professeur. Cela contribue aux bonnes pratiques et au maintien en bonne santé du domaine. De surcroît, le texte ne prévoit pas l’éventualité de plans de recrutement qui associeraient deux universités.

Ces dernières décennies, la pratique a consisté à recruter au CNRS, en tant que chargé de recherche, les plus productifs des jeunes chercheurs. Par la suite, ils ne sont pas promus directeurs de recherche, mais nommés professeurs, car on considère qu’à un certain niveau, il est de leur devoir d’enseigner et non de se cantonner à la recherche. Une telle pratique subsistera-t-elle si des présidents d’université jugent plus intéressant de créer des chaires de professeur junior ? C’est une question que se pose la communauté mathématique, et certainement d’autres. Il est donc important de limiter à 15 % la part des recrutements réservés à cette voie.

Mme Josette Manin. Nous proposons aussi d’abaisser cette part à 15 %.

M. Bertrand Pancher. Nous estimons qu’elle ne doit représenter que 10 % des recrutements autorisés.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Les ATIP-Avenir fonctionnaient selon le même principe, sauf qu’aucun poste spécifique n’était prévu et que les lauréats se voyaient attribuer des emplois qui avaient vocation à être plus largement ouverts. Nous prévoyons ici des emplois de titulaires, afin de stabiliser ces jeunes chercheurs.

Monsieur Villani, je sais bien comment fonctionne l’école de mathématiques, mais elle est loin d’être représentative des autres disciplines – ce qui explique peut-être qu’elle est la meilleure au monde. Les traditions sont diverses, certaines exigent une grande mobilité de la part des chercheurs, d’autres ne l’imposent pas. Ces façons de fonctionner dépendent des disciplines, et il ne me revient pas d’imposer un mode de recrutement ou un autre. Je connais évidemment la position du directeur de l’institut de mathématiques. Il est tout à fait possible que ces professeurs junior deviennent professeurs, même si la chaire a été ouverte dans le cadre d’un concours du CNRS ou d’un organisme de recherche. Il faut que le système reste dynamique et demeure le moins figé possible.

Une fois de plus, la communauté scientifique doit s’emparer de l’outil et je ne doute pas qu’elle l’utilisera pour le meilleur des résultats.

L’amendement de la rapporteure a le mérite de tenir compte des organismes qui recrutent peu, car en-dessous d’un certain nombre de recrutements, la part des chaires juniors serait égale à zéro. J’y suis favorable et demande le retrait des autres amendements.

M. Philippe Berta. Plusieurs commentaires, si vous le permettez. Ce système a été adopté en Allemagne voilà quelques années, et 80 % des personnes sont « ténurées » au bout de six ans.

Par ailleurs, certains chercheurs, qui viennent de domaines nouveaux où les métiers se créent à l’interface des métiers existants, ne se retrouvent pas dans les sections CNU – elles sont immuables – car les disciplines qu’ils représentent n’existent tout simplement pas.

Enfin, cet outil pourrait s’avérer utile dans le cadre des politiques de site, qui favorisent les rapprochements entre universités, écoles et organismes de recherche, pour organiser rapidement des stratégies communes.

La commission adopte l’amendement de la rapporteure.

En conséquence, les autres amendements en discussion commune tombent.

La commission adopte les amendements de cohérence AC533 et AC384 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement AC346 de M. Gaël Le Bohec.

Mme Céline Calvez. Pour tendre vers la parité, il convient de préciser que pas plus de 60 % des recrutements en contrat de pré-titularisation concernent des personnes de même sexe.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je rejoins votre préoccupation, mais il serait trop restrictif, et contre-productif dans certaines disciplines, d’imposer un tel taux. Je vous propose de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC263 de M. Gaël Le Bohec.

Mme Natalia Pouzyreff. La composition de la commission chargée d’examiner les candidatures ne peut comprendre plus de 60 % de membres d’un même sexe. Dans certaines disciplines, l’équilibre ainsi trouvé pourrait même profiter aux hommes !

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements AC393 de la rapporteure et AC261 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Il convient de préciser que la moitié au moins de la commission de recrutement doit être composée d’enseignants-chercheurs et de chercheurs extérieurs à l’établissement.

Mme Natalia Pouzyreff. Si la politique de recrutement doit favoriser la politique de site, l’évaluation doit rester ouverte à des membres extérieurs à l’université.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La rédaction de l’amendement ne doit pas empêcher de composer des comités aussi ouverts que possible. Il est préférable, en l’état, que la rédaction fasse référence aux « enseignants-chercheurs » et aux « personnels assimilés » plutôt qu’aux « universitaires ». L’amendement de la rapporteure est donc préférable.

L’amendement AC261 est retiré.

La commission adopte l’amendement AC393.

La commission examine l’amendement AC385 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Amendement de précision visant à substituer aux mots « un étranger » les mots « une personne de nationalité étrangère. »

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC392 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. La personne de nationalité étrangère membre de la commission doit justifier d’au moins dix années de service à l’étranger.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC386 et AC387 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC394 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Le contrat de pré-titularisation doit comporter une obligation d’enseignement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements de précision AC388 et AC389 de la rapporteure.

La commission examine l’amendement AC395 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Le candidat doit être auditionné par la commission de titularisation.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC319 de Mme Josette Manin.

M. Régis Juanico. Cet amendement vise à préserver le mode de recrutement national des enseignants-chercheurs. Si le Conseil national des universités (CNU) est une spécificité française, c’est également lui qui permet de contrôler nationalement les recrutements afin que leur indépendance soit respectée, les conflits d’intérêts évités et que les compétences de chacun soient ainsi indiscutablement reconnues.

L’article 3 permettant une titularisation très rapide après l’obtention du doctorat, directement dans le corps des directeurs de recherche ou des professeurs d’université, nous proposons que la qualification nationale délivrée par le CNU soit exigée afin de conserver le caractère national de l’évaluation et du recrutement et que la titularisation dans le plus haut corps des enseignants ou enseignants-chercheurs ne paraisse contestable en aucune façon.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Avis défavorable, cette nouvelle voie de titularisation ne passant pas par le CNU. De plus, les chaires de professeurs juniors visent à favoriser des recrutements dans des champs situés aux frontières disciplinaires.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Pour les candidats aux chaires de professeurs juniors, nous ne souhaitons pas maintenir cette singularité française de la qualification préalable par le CNU pour se présenter à des postes d’enseignants-chercheurs. L’article 3 précise en effet que « Le contrat a pour objet de permettre à la personne recrutée d’acquérir une qualification en rapport avec les missions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée ». En quelque sorte, la qualification court pendant toute la durée du contrat, au terme de laquelle la titularisation sera prononcée par une commission composée de pairs qui s’assureront rigoureusement de son acquisition. Un doublon serait inutile.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement l’amendement AC526 de précision et l’amendement rédactionnel AC431 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC264 de M. Gaël Le Bohec.

Mme Natalia Pouzyreff. La commission de titularisation ne doit pas comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC432 de la rapporteure et AC274 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement vise à mettre en adéquation la composition de la commission chargée d’étudier la titularisation des contractuels bénéficiant d’une chaire de professeur junior avec la composition des comités prévus par le code de l’éducation, qui précise que ces derniers sont composés « d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés, pour moitié au moins extérieurs à l’établissement », ce qui permettra d’éviter un recrutement par trop local.

L’amendement AC274 est retiré.

La commission adopte l’amendement AC432.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC396 et AC397 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC125 de M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Les membres de la commission de titularisation doivent signer une charte relative à l’égalité femme-homme. Dans le milieu de la recherche, les femmes sont en effet confrontées à un problème récurrent de précarité comme en atteste l’état des lieux des CDI de mission scientifique : dans tous les domaines, personnels enseignants, BIATSS  bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé –, chercheurs, ITA – ingénieurs, techniciens et personnels administratifs –, les femmes connaissent systématiquement une situation précaire.

Ce projet ne témoigne manifestement pas d’une volonté nationale d’imposer quoi que ce soit mais il me semble important de susciter une réflexion à ce propos au moment du recrutement. On a beau me dire qu’en la matière, les choses se passent ailleurs, le recrutement et la titularisation sont des moments essentiels dans la carrière d’une femme.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je comprends votre amendement mais il est satisfait par le principe général de non-discrimination qui prévaut pour le recrutement à tout emploi public, contractuel ou statutaire, et de manière beaucoup plus sûre que par la signature d’une charte, notion très vague.

De plus, l’article 17 de ce projet de loi modifie le code de l’éducation et prévoit que le président de l’université « présente chaque année au conseil d’administration un rapport d’exécution du plan d’action pluriannuel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ».

Mme Frédérique Vidal, ministre. J’ajoute que la durée des contrats des chaires de professeurs juniors peut être prolongée suite à des congés de maternité ou de paternité, en cas d’adoption ou si un enfant est malade. Le parcours familial ne saurait avoir un impact négatif sur la réalisation du contrat et la titularisation.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC398 et AC399 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC348 de M. Gaël Le Bohec.

Mme Céline Calvez. Il est défendu.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je vous prie de bien vouloir le retirer, sinon, avis défavorable.

L’amendement AC348 est retiré.

La commission examine l’amendement AC400 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement vise à permettre un échange annuel au sein du Conseil académique de l’université ou au sein de l’instance délibérante dotée des mêmes compétences que le Conseil académique pour les autres établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Ce dialogue doit permettre une meilleure lisibilité du recours au dispositif des contrats de pré-titularisation et d’entrer dans une démarche d’évaluation au bénéfice du projet d’établissement, de la stratégie de recherche menée et de la politique de formation qui en découle.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC218 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Aujourd’hui, l’appréciation du travail scientifique repose principalement sur les publications. Il importe pourtant de prendre en compte l’ensemble des contributions à la science pour l’avancement des carrières et de porter un regard attentif aussi bien sur la recherche que sur sa transmission. C’est pourquoi l’enseignement, au même titre que le conseil, le tutorat, le mentorat, la construction du projet professionnel, la conduite d’activités de recherches, l’évaluation des acquis d’apprentissage, l’orientation professionnelle doivent être valorisés au même niveau que les publications.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Sur le fond, vous avez raison. L’appréciation de la valeur scientifique repose souvent sur les seules publications, ce qui est forcément très restrictif. Je vous prie néanmoins de retirer votre amendement car il est difficile de mesurer « l’ensemble des contributions à la science », formulation beaucoup trop floue pour un article de loi.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je suis entièrement d’accord : nous devons être capables de valoriser dans les carrières toutes les missions des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des personnels de soutien et de support à la recherche.

En l’occurrence, le contrat concerne la réalisation d’une activité de recherche et d’enseignement. L’engagement de départ des candidats à la chaire de professeur junior est clair et ne concerne que ces aspects-là.

Une meilleure valorisation de l’ensemble des contributions à la recherche dans l’ensemble des carrières demeure importante mais je vous prie de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Céline Calvez. J’entends votre propos et ma proposition constitue donc un « terrain de recherche » que nous pourrons je l’espère explorer, peut-être en séance, ailleurs dans le texte, tant il importe de reconnaître toutes ces formes de contribution.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC401 et AC437 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC434 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement concerne les modalités de présentation du bilan annuel par le chef d’établissement fixées par décret.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement de précision AC402 et l’amendement de cohérence AC403 de la rapporteure.

Elle examine les amendements identiques AC404 de la rapporteure et AC30 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Il convient d’exclure les docteurs d’exercice de la possibilité d’accomplir un contrat de pré-titularisation.

M. Frédéric Reiss. Nous avons déjà évoqué cet amendement lors de la discussion de l’alinéa 2.

La commission adopte les amendements.

Elle examine l’amendement AC405 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Il convient ici aussi de limiter à 20 % des recrutements autorisés dans le corps des directeurs de recherche en général et à 25 % lorsque le nombre de recrutements autorisés est inférieur à cinq.

La commission adopte l’amendement.

Suivant la demande de la rapporteure, l’amendement AC349 de M. Gaël Le Bohec est retiré.

La commission examine l’amendement AC265 de M. Gaël Le Bohec.

Mme Natalia Pouzyreff. Il convient, une fois encore, que la composition de la commission de recrutement soit équilibrée du point de vue du genre.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC273 de Mme Natalia Pouzyreff et AC435 de la rapporteure.

Mme Natalia Pouzyreff. Je retire mon amendement concernant le recrutement extérieur de membres des commissions de titularisation au bénéfice de celui de Mme la rapporteure.

L’amendement AC273 est retiré.

La commission adopte l’amendement AC435.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels, de cohérence et de précision AC406, AC407, AC409 et AC410, AC408, AC436, AC411, AC439, AC412, AC413 et AC440, de la rapporteure.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, elle adopte l’amendement AC266 de M. Gaël Le Bohec.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC417 de la rapporteure et AC272 de Mme Natalia Pouzyreff.

L’amendement AC272 est retiré.

La commission adopte l’amendement AC417.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC415, AC416, AC418 et AC419 de la rapporteure.

L’amendement AC353 de M. Gaël Le Bohec est retiré.

La commission examine l’amendement AC414 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement concerne le bilan annuel réalisé par le chef d’établissement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements de précision, rédactionnel et de cohérence AC420, AC438 et AC433 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC166 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. La durée d’application proposée par l’amendement serait trop courte pour expérimenter de manière concluante cette nouvelle voie de recrutement. Le terme, que vous proposez de fixer au 31 décembre 2023, ne permettra même pas le déroulement des contrats jusqu’à leur issue puisque leur durée sera comprise entre trois et six ans. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC290 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Notre amendement vise à réaffirmer les principes d’autonomie de la démarche scientifique et de libre expression garantis par les statuts des personnels de recherche et d’enseignement supérieur. Ces nouveaux contrats, qui sont autant de dérogations au statut de chercheur et d’enseignants chercheurs, sont en rupture totale avec la conception française de la recherche, dont il importe de préciser que les grands principes doivent s’appliquer aux contractuels dans le cadre de leur mission.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Les garanties que vous demandez sont légitimes mais je suis défavorable à l’adoption de cet amendement.

En effet, les garanties prévues par l’article L. 411-3 du code de la recherche sur l’autonomie de la démarche scientifique, la participation des chercheurs à l’évaluation des travaux qui leur incombent et le droit à la formation permanente, ainsi que celles relatives à l’indépendance des enseignants-chercheurs, sont déjà prévues par le projet de loi aux alinéas 5 et 18 de cet article. Cet amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AC321 de Mme Josette Manin.

Elle examine l’amendement AC167 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. L’objectif de cet amendement est de permettre la remise d’un rapport d’évaluation du dispositif des chaires de professeurs juniors au Parlement à l’issue de la première réalisation de ces contrats censés durer au maximum six ans.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je partage votre point de vue mais je propose également à l’amendement AC441, dont nous allons discuter, la remise d’un rapport d’évaluation selon des modalités différentes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC441 de la rapporteure, qui fait l’objet du sousamendement AC546 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement propose donc qu’un rapport évaluant l’utilisation des nouvelles dispositions relatives aux contrats de pré‑titularisation soit remis au Parlement dans un délai de quatre ans après la publication de la loi, puis dans un délai de quatre à sept ans après la même date.

Mme Natalia Pouzyreff. La filière des chaires de professeurs juniors est potentiellement favorable aux carrières des chercheuses et il convient donc d’en mesurer l’effet. Le rapport proposé par Mme la rapporteure doit inclure un comparatif en matière de parité entre la nouvelle voie de recrutement et les voies plus classiques.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. L’objectif n’est pas d’atteindre la parité dans les recrutements et les titularisations par la voie des contrats de pré-titularisation, même si elle est souhaitable : l’excellence des dossiers doit prévaloir. Sans doute pouvons-nous travailler d’ici la séance publique à l’intégration de la dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le rapport d’évaluation à l’échelle nationale.

Je vous prie de retirer votre sous-amendement.

Mme Natalia Pouzyreff. Il n’est pas tant question de rechercher la parité que de faire une comparaison entre les deux voies en termes de titularisation.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement AC441 sous-amendé.

Elle adopte l’article 3 modifié.


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3.   Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 17 heures 15 (de l’article 4 à l’article 12) ([4])

Article 4
Création d’un contrat à durée déterminée pour la formation doctorale dans le secteur privé

La commission examine les amendements identiques AC70 de Mme MarieGeorge Buffet et AC219 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Elsa Faucillon. L’amendement AC70 vise à supprimer l’article 4. Les conventions industrielles de formation par la recherche, dites conventions CIFRE, suscitent en effet une demande de consolidation et d’élargissement. Or vous proposez de remplacer le contrat tripartite entre le doctorant, l’entreprise et l’université par un nouveau contrat doctoral de droit privé liant uniquement le doctorant à l’entreprise. Le contrat tripartite existant a une pertinence, l’université jouant un rôle de médiation tout en assurant l’indépendance et la continuité avec le monde de la recherche, évitant ainsi l’isolement au sein de l’entreprise. De plus, ce nouveau contrat nous semble moins protecteur que le contrat tripartite et avec un encadrement légal beaucoup plus limité. C’est pourquoi nous demandons sa suppression. Nous nous interrogeons d’ailleurs sur vos motivations : pourquoi créer un nouveau contrat doctoral plutôt que de consolider les conventions CIFRE ?

Mme Muriel Ressiguier. Le contrat de droit privé créé par le Gouvernement protège bien mal les doctorants : pas de durée ni de rémunération minimales. La logique tripartite – doctorant, laboratoire de recherche et entreprise – est rompue pour lui substituer un rapport de subordination juridique entre l’employeur et le salarié. L’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) est également écartée du suivi du doctorant.

Comme le remarque également la Confédération des jeunes chercheurs, la répartition du temps de travail des doctorants entre les activités liées à la thèse et les tâches demandées par l’entreprise n’est pas mentionnée. Enfin, il n’y a pas de cadre juridique précis quant à la propriété intellectuelle des travaux de recherche. La Confédération dénonce un contrat doctoral au rabais et sans garde-fou scientifique. Nous demandons donc la suppression de l’article 4.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure pour le titre II. Les contrats doctoraux répondent à une véritable demande de la communauté, parce que les contrats à durée déterminée (CDD) permettant actuellement d’employer des doctorants ne sont que partiellement adaptés à cette fin. Le CDD de complément de formation, prévu dans le code du travail, présente l’inconvénient que la non-réinscription en école doctorale n’est pas considérée par le juge comme une cause réelle et sérieuse de rupture de la relation de travail. Le CDD à objet défini n’est quant à lui pas adapté car il dure trois ans au plus et sa conclusion est subordonnée à l’existence d’un accord de branche.

Le contrat de doctorat de droit privé proposé à l’article 4 offre un cadre plus adapté à la spécificité de la situation des doctorants. J’ai déposé en outre des amendements afin de préciser que le doctorant doit disposer de suffisamment de temps pour rédiger sa thèse et pour clarifier les conditions de l’échange et du partage des données entre le doctorant et son employeur. Je proposerai également qu’au moins cinq sixièmes de son temps de travail soient consacrés à des activités de recherche, comme c’est le cas pour le contrat doctoral de droit public. S’il est nécessaire de préciser certains éléments, cet article a un rôle à jouer dans la nouvelle organisation des contrats de recherche définie dans ce projet de loi. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il est important de mentionner que ces contrats permettent le recrutement en doctorat dans les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), établissements de droit privé qui devaient jusqu’à présent se livrer à des contorsions pour pouvoir accueillir des doctorants dans leurs laboratoires.

Mme Elsa Faucillon. Les remarques que vous formulez pouvaient s’intégrer dans une modification du contrat tripartite existant. De plus, vous ne répondez pas sur le rôle joué jusqu’à présent par l’université, à savoir garantir la liberté du doctorant : un contrat doctoral conclu directement avec une entreprise, ce n’est pas exactement la même chose qu’un contrat maintenant le contact avec une université. Par ailleurs, que se passe-t-il si l’entreprise est rachetée, délocalisée ou met la clef sous la porte ?

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Le lien avec l’université demeure car il y a toujours l’école doctorale et l’université. C’est inscrit dans les textes : le rattachement et le contrôle des activités de recherche seront les mêmes.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient à l’examen des amendements identiques AC21 de Mme Valérie
Bazin-Malgras, AC31 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC98 de M. Jacques Marilossian.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Afin de ne pas rendre confus l’usage des termes « contrat doctoral », cet amendement propose de nommer différemment les contrats doctoraux de droit public existants et ceux de droit privé. Cela éviterait en outre de devoir modifier tous les textes réglementaires des établissements mentionnant le contrat doctoral actuellement en vigueur, qui ne font pas systématiquement référence au décret du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement proposé par Mme Anthoine propose également de préciser qu’il s’agit de contrats doctoraux « de droit privé ».

M. Jacques Marilossian. Cet amendement vise également à éviter une confusion et une révision de tous les textes réglementaires faisant référence aux seuls contrats de droit public.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte ces amendements.

Elle est saisie des amendements identiques AC18 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC38 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC99 de M. Jacques Marilossian.

M. Frédéric Reiss. L’amendement AC18 est défendu.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Mon amendement propose de clarifier le fait qu’un doctorant contractuel doit nécessairement passer l’essentiel de son temps à mener des activités de recherche doctorale.

M. Jacques Marilossian. Le contrat doctoral de droit privé ne précise pas le volume d’activités de recherche que peut attribuer une entreprise au doctorant. Cette marge de manœuvre est compréhensible. Mais le doctorant doit avant tout obtenir son doctorat, ce qui implique que ses activités pour l’entreprise relèvent globalement de la recherche doctorale.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je comprends l’intention de ces amendements mais leur formulation me paraît imprécise. J’ai moi-même déposé un amendement fixant la quotité minimum du temps de travail consacrée à la recherche par le salarié à cinq sixièmes car il me paraît nécessaire d’inscrire ce quota dans la loi. Je vous propose donc de retirer vos amendements.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement AC527 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Il s’agit de l’amendement précisant que les activités complémentaires à la recherche ne peuvent excéder un sixième du temps de travail du salarié, ce qui laisse cinq sixièmes de temps pour la recherche.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC528 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Le présent amendement vise à garantir l’adéquation des activités de recherche avec le sujet de la thèse.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision AC421 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement AC422 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Il s’agit de faire figurer dans le contrat les conditions de rédaction de la thèse.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC423 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement vise à intégrer les conditions spécifiques du partage des résultats des recherches entre l’entreprise et le doctorant contractuel dans les éléments déterminés par le décret en Conseil d’État. Cela permet de donner un cadre précis au partage des données scientifiques.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Indiquer que les conditions d’échange et de partage des résultats des recherches se font « entre l’employeur et le doctorant » me paraît être d’un niveau de précision trop important. Je propose que l’on s’arrête après « des résultats des recherches ».

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Avis favorable à cette rectification.

La commission adopte l’amendement rectifié.

Elle se saisit de l’amendement AC294 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Le présent amendement vise à garantir l’adéquation du contrat doctoral de droit privé avec le sujet de recherche du salarié. Si notre groupe ne s’oppose pas au principe d’une augmentation du nombre de thèses en entreprise, nous ne voulons pas d’un nouveau contrat doctoral au rabais et souhaitons donc des garde-fous scientifiques.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable puisque nous avons adopté un amendement répondant à ces exigences.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC424 de la rapporteure.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AC296 de Mme Josette Manin.

M. Régis Juanico. Le présent amendement vise à supprimer la possibilité pour l’employeur de mettre fin au contrat doctoral lorsque l’inscription du doctorant n’est pas renouvelée, sans dommages et intérêts ni indemnités. Nous ne nous opposons pas au principe d’une augmentation du nombre de thèses en entreprise, mais nous ne voulons pas d’un nouveau contrat doctoral au rabais et nous souhaitons des garde-fous scientifiques.

L’article 4 a pour objet de sécuriser les étapes préalables au recrutement des chercheurs ou des enseignants-chercheurs. Toutefois, en laissant à l’employeur la possibilité de mettre fin au contrat lorsque l’inscription du doctorant n’est pas renouvelée, il précarise grandement le salarié. La dérogation relative à l’indemnité de précarité est donc inacceptable.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Avis défavorable : dans la mesure où le contrat conclu est adapté aux spécificités du travail des doctorants, il est logique que son exécution puisse ne pas être poursuivie en cas de non-renouvellement de l’inscription à l’université.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement AC425 de la rapporteure ainsi que les amendements identiques AC24 de Mme Valérie BazinMalgras, AC33 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC100 de M. Jacques Marilossian.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Mon amendement vise à éviter que le licenciement d’un salarié recruté par un contrat doctoral et dont l’inscription en vue d’obtenir un doctorat n’est pas renouvelée ne donne pas lieu au versement de dommages et intérêts et d’indemnités lorsque le non-renouvellement n’est pas de son fait.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Mon amendement propose également d’éviter que la non-réinscription, quand elle n’est pas du fait du doctorant, amène à un licenciement sans aucune indemnité.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit de préciser quand les dommages et intérêts sont dus et quand ils ne le sont pas.

M. Jacques Marilossian. L’article 4 ne précise pas que la rupture du contrat doctoral de droit privé pour cause de non-renouvellement de l’inscription du salarié à l’obtention du doctorat doit être le fait du salarié doctorant, alors qu’il existe des cas de figure où la non-réinscription n’est pas de son fait.

La commission adopte l’amendement AC425. En conséquence, les trois amendements identiques tombent.

Elle est saisie des amendements identiques AC32 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC107 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

M. Frédéric Reiss. L’amendement AC32 est défendu.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Cet amendement propose d’éviter que la non‑réinscription, quand elle n’est pas du fait du doctorant, amène à un licenciement sans aucune indemnité.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. L’amendement que nous venons d’adopter, qui prévoit que le salarié est privé d’indemnités uniquement si le non‑renouvellement de son inscription universitaire est de son fait, est suffisamment protecteur pour le salarié. Avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC426 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC291 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. L’amendement vise à réaffirmer les principes de l’autonomie de la démarche scientifique de libre expression garantie par les statuts des personnels de recherche et d’enseignement supérieur. Ces nouveaux contrats, qui sont autant de dérogations au statut de chercheur et d’enseignant-chercheur, sont en rupture totale avec la conception française de la recherche. Il est essentiel de préciser que ces grands principes doivent s’appliquer aux contractuels dans le cadre de leur mission.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. La rédaction de l’amendement me paraît problématique. En effet, l’article L. 411-3 du code de la recherche s’applique aux chercheurs relevant du secteur public ; or nous sommes dans un cadre privé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC322 de Mme Josette Manin.

M. Régis Juanico. Défendu.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC90 de M. Patrick Hetzel et AC338 de M. Cédric Villani.

M. Patrick Hetzel. De nombreux docteurs et post-doctorants formés en France partent à l’étranger, en partie en raison de difficultés d’insertion professionnelle en France pour un certain nombre de scientifiques en début de carrière. L’amendement AC90 vise à confier aux présidents d’université une mission explicite de suivi et d’accompagnement post‑doctoral pour maintenir un lien effectif entre l’université et les jeunes scientifiques, et de donner à la France les moyens de soutenir et d’encourager ses scientifiques lorsqu’ils souhaitent poursuivent leur carrière dans l’enseignement supérieur et la recherche ou dans une entreprise innovante en France.

M. Cédric Villani. Bien qu’ayant le même objectif, mon amendement couvre un périmètre un peu plus large et va un peu plus loin dans le détail que celui de M. Hetzel. Il s’agit d’accompagner efficacement nos jeunes chercheurs en confiant aux présidents d’université une mission explicite de suivi d’accompagnement post-doctoral de l’ensemble des docteurs et post-doctorants.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Tout d’abord je voudrais rappeler que l’obligation du suivi des docteurs figure déjà dans l’arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat.

Concernant ces amendements, je vous propose d’approfondir ces points pour la séance. Il faut en effet mentionner le lien avec les observatoires de l’insertion professionnelle créés dans les universités. De plus, l’une des missions du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERS) est de prendre en compte l’insertion professionnelle des doctorants au moment de l’évaluation des écoles doctorales. Nous devons donc reformuler cette obligation figurant dans la loi pour lui donner encore plus de force et en faire un levier dans le cadre des dialogues de gestion contractuelle avec les établissements. Je vous propose donc, à ce stade, de retirer vos amendements.

M. Patrick Hetzel. Je préfère maintenir mon amendement car il faut sécuriser un peu ce sujet, à charge pour le Gouvernement de le rectifier en séance. Cette demande émane des associations de doctorants : ne pas se prononcer dès l’examen en commission serait un mauvais signe.

M. Cédric Villani. Je partage la position exprimée par M. Hetzel. Je souhaite moi aussi que l’un ou l’autre de ces amendements puisse être adopté, quitte à l’affiner par la suite. Nous pouvons procéder par étapes.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je suis plutôt favorable à l’amendement de M. Villani.

M. Patrick Hetzel. Je n’en fais pas une affaire d’ego : l’amendement de M. Villani est également très satisfaisant. Je suis donc prêt à retirer le mien car l’objectif est vraiment de se préoccuper de manière sérieuse des doctorants et des post-doctorants.

L’amendement AC90 est retiré.

La commission adopte l’amendement AC338.

Article 5
Encadrement du contrat post-doctoral

La commission examine l’amendement AC221 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Les contrats post-doctoraux consistent bien souvent à confier à de jeunes chercheurs précaires des missions qui pourraient être effectuées par des titulaires. Après leur thèse, ils enchaînent pendant des années ce type de contrats en attendant des emplois pérennes. Développer les contrats post-doctoraux, sans aucune rémunération minimale, sans aucune durée minimale et parfois sans aucune durée maximale, retarderait encore plus l’entrée dans un emploi titulaire. Cela a des conséquences très concrètes sur la vie des chercheurs – difficultés à se loger, précarité matérielle –, alors qu’ils sont titulaires d’un doctorat et participent à la création de savoirs, tout comme les chercheurs titulaires. Nous demandons donc la suppression de l’article 5.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Les contrats post-doctoraux constituent aujourd’hui une étape normale de la carrière des chercheurs et des enseignants-chercheurs à l’échelle internationale. De plus, il s’agit moins par cet article d’encourager leur développement que d’encadrer et de sécuriser davantage le déroulement du post-doctorat. Le projet de loi précise notamment la durée maximale du contrat post-doctoral : trois ans, renouvelable une fois, pour le post-doctorat de droit public, et quatre ans pour le post-doctorat de droit privé. Il prévoit des engagements de l’établissement en matière d’accompagnement du post-doctorant en matière de formation et d’insertion professionnelle. L’objectif est précisément de trouver une certaine stabilité après le doctorat, en ménageant un temps pour la qualification tout en sécurisant par un contrat. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC333 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. Cet amendement vise à limiter la durée du contrat post‑doctoral. Certes, il s’agit d’une entreprise qui peut être palpitante, passionnante, mais elle n’en est pas moins précaire : il importe de ne pas trop l’allonger. C’est pourquoi l’amendement propose une durée de deux ans, prolongeable d’un an, au lieu de trois ans renouvelable une fois. Cet amendement a été aussi inspiré par les discussions avec la CFDT.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je comprends votre intention de limiter la durée des contrats post-doctoraux, mais il faut également conserver de la souplesse dans ces contrats. Pour certains projets de recherche, une durée plus longue que celle que vous proposez peut être pertinente. Je prépare, en vue de l’examen en séance, un amendement visant à instaurer une durée minimale d’un an et à mettre en cohérence les durées maximales des contrats post-doctoraux publics et privés. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Cédric Villani. Tout en saluant votre effort pour améliorer le texte, je préfère maintenir l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques AC26 de Mme Emmanuelle Anthoine et AC41 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

M. Frédéric Reiss. L’alinéa 6 de l’article 5 précise les engagements de l’établissement concernant l’accompagnement des bénéficiaires du contrat post‑doctoral, notamment en matière de formation. L’amendement AC26 propose de compléter l’alinéa en précisant qu’il s’agit bien de formation professionnelle.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Il s’agit d’un amendement d’uniformisation et de clarification.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cette précision est la bienvenue. Avis favorable.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine l’amendement AC208 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. Toujours dans le même esprit, il s’agit de limiter la durée de ces contrats post-doctoraux, en l’occurrence de droit privé.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Une durée plus longue peut être utile pour certains projets de recherche. Je partage votre objectif de ne pas multiplier les contrats entre le doctorat et la titularisation mais, pour les raisons déjà évoquées, l’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC292 de Mme Josette Manin.

M. Régis Juanico. Cet amendement vise à réaffirmer les principes d’autonomie de la démarche scientifique et de libre expression garantis par les statuts des personnels de recherche et d’enseignement supérieur. Ces nouveaux contrats sont autant de dérogations au statut de chercheur et d’enseignant-chercheur. Ils sont en rupture totale avec la conception française de la recherche. Il est donc essentiel de préciser que ces grands principes doivent s’appliquer aux contractuels dans le cadre de leur mission.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je comprends l’intention de votre amendement mais sa rédaction me paraît problématique puisque l’article L. 411-3 du code de la recherche s’applique aux chercheurs relevant du secteur public. Or il est en partie question de recherche privée : avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’article L. 411-3 du code de la recherche s’applique à tous les personnels de recherche, qu’ils soient titulaires ou contractuels. Le décret d’application précisera que les garanties d’autonomie s’appliquent au secteur privé.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement AC323 de Mme Josette Manin.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

 

 

Après l’article 5

La commission examine l’amendement AC91 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Nous avons pu constater dans le passé l’existence d’un problème très franco-français : la volonté de nommer à la direction d’un établissement de recherche quelqu’un qui, par ailleurs, n’est pas titulaire d’un doctorat. C’est une question de principe, qui montre toute la difficulté que nous avons en France pour faire reconnaître le doctorat. Le modèle français de production de nos élites est tel qu’il en vient à estimer que le doctorat n’est pas nécessaire pour être désigné à la tête d’un organisme de recherche. On ne verrait cela dans aucun autre pays au monde ! Si l’on souhaite vraiment valoriser le doctorat, il faut explicitement, dans la loi, l’ériger en condition sine qua non pour pouvoir diriger un grand organisme dans notre pays à l’avenir. Je lance un appel solennel, madame la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Votre proposition vise à introduire l’obligation de la détention d’un doctorat pour candidater à la direction d’un établissement public de recherche. Une telle proposition priverait les organismes de candidats présentant une expérience reconnue dans le domaine scientifique et technique sans être pour autant titulaire d’un doctorat. C’est le cas par exemple de certains membres des grands corps techniques de l’État.

Les statuts des organismes de recherche prévoient que leur dirigeant est choisi parmi des personnalités ayant une compétence reconnue dans le domaine scientifique et technique. Dans l’immense majorité des cas, cette nomination par le Président de la République est soumise à une audition à l’Assemblée nationale et au Sénat : vous avez donc toute latitude de vous exprimer si vous estimez que la personne auditionnée ne possède pas les compétences scientifiques ou techniques requises.

M. Patrick Hetzel. Votre réponse me surprend : évidemment je ne méconnais pas l’existence de grands corps techniques de l’État, mais c’est précisément la question ! Une nouvelle fois, une ministre de la recherche se place sous le joug de ces grands corps techniques, et l’on met de côté le diplôme ultime, prestigieux, de notre enseignement supérieur qu’est le doctorat, parce que l’on considère que ce sont les grands corps techniques de l’État qui doivent diriger. Votre réponse est révélatrice d’une certaine vision des choses, que je ne partage nullement.

M. Cédric Villani. L’amendement proposé par M. Hetzel est intéressant, à condition qu’on le prenne du bon point de vue. Il ne s’agit pas ici de dire qui est digne de présider un établissement de recherche, mais d’inciter de plus en plus de jeunes, par exemple diplômés des grandes écoles d’ingénieurs, à se diriger vers le doctorat. Celui-ci doit être vu comme offrant des perspectives de carrière, de la même façon que certains de nos jeunes chercheurs passent l’agrégation sans en avoir vraiment besoin parce qu’ils savent qu’elle leur ouvrira certaines portes. Nous devons trouver des mesures pour revaloriser le doctorat, et l’amendement de M. Hetzel est intéressant de ce point de vue.

Mme Annie Genevard. J’entends bien votre argument, madame la ministre : il nous appartiendra, lors des auditions des candidats, de déterminer s’ils sont aptes ou non à diriger un établissement de recherche. Mais vous savez bien que le fait majoritaire s’impose : dès lors que le Gouvernement a donné son aval, la majorité suit ! Le pouvoir d’appréciation de notre commission a tout de même ses limites politiques.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC223 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Plutôt que de baisser le nombre de contractuels dans la recherche et de les titulariser, votre projet de loi prévoit une augmentation de 15 000 emplois hors plafond. Pourtant, en 2017, la France comptait plus de 23 000 enseignants-chercheurs non permanents, plus de 20 000 agents contractuels hors enseignants employés sur des missions permanentes, plus de 5 000 chercheurs non permanents et près de 12 000 ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation contractuels sur des missions permanentes.

Vous m’avez déjà objecté, madame la ministre, que certaines catégories ne pouvaient être titularisées. Nous avons déjà eu cette discussion, qui est idéologique puisque vous avez fait un choix politique : celui de la précarisation. Pourtant, ces personnels exercent des emplois sur des fonctions pérennes : il n’y a donc aucune raison valable pour les maintenir dans la précarité et les rémunérer moins que leurs collègues titulaires. Nous demandons donc de nouveau un rapport d’information portant sur la mise en œuvre d’un plan de titularisation des précaires exerçant des emplois sur des fonctions pérennes dans la recherche publique.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Avis défavorable : les rapports déjà demandés dans ce projet de loi me semblent amplement suffisants et répondront sûrement à vos attentes.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Lorsque l’on enlève les doctorants et les stagiaires des emplois non titulaires, il reste finalement assez peu de personnels contractuels sur des fonctions pérennes. Pour le reste, les personnels contractuels sont majoritairement recrutés sur les ressources propres des établissements, qui rémunèrent par définition des fonctions non pérennes puisque liées à l’obtention par exemple de financements européens ou internationaux. Le projet de loi fait le choix de proposer des solutions aux situations précaires des contractuels, grâce aux chaires de professeurs juniors, qui amèneront à la titularisation, et grâce au dispositif du contrat à durée indéterminée (CDI) de mission, qui permettra de stabiliser et de sécuriser dans la durée une partie de ces contractuels. Avis défavorable sur l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 6
Création d’un CDI de mission scientifique

La commission examine les amendements identiques AC54 de Mme MarieGeorge Buffet, AC225 de Mme Muriel Ressiguier et AC316 de Mme Josette Manin.

Mme Elsa Faucillon. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 6, véritable pépite du projet de loi. Les rapporteurs font le constat d’une grande précarité dans le domaine de la recherche car, dans bien des domaines, les CDD s’enchaînent. Tous les contractuels disent combien bien ils recherchent la stabilité. Ils souhaitent avoir une vision sur leur carrière, connaître le moment où ils pourront être titularisés, engager un travail dans la continuité et, pourquoi pas, avoir une vie personnelle un peu plus stable. Or, plutôt que de contrer la précarité, vous inventez le CDI de mission. Chacun aura compris que ce contrat est tout sauf un CDI puisqu’il ne vaut que le temps d’une mission. Les missions ont vocation à être exercées dans le cadre de CDD mais, comme il s’agit d’un contrat court, les salariés et les organisations syndicales se sont battus pour qu’il soit le plus protecteur possible – clarification de sa durée, prime de précarité…

Avec le CDI de mission, vous renforcez la précarité. Nous savons bien, nous, députés, ce que cela représente car nos collaborateurs et collaboratrices travaillent ainsi. Nous savons donc à quel point cela crée des situations de vulnérabilité, dans lesquelles il est difficile pour les salariés de lutter contre d’éventuelles oppressions. Notre demande de suppression est donc loin d’être formelle car cet article est l’illustration d’un projet de loi qui ne répond pas au constat qu’il énonce.

Mme Muriel Ressiguier. Les CDI de mission scientifique n’ont de CDI que le nom : vous pouvez jouer sur les mots, mais cela ne change pas la réalité. La rémunération minimale n’est pas précisée, ni les indemnités de fin de contrat. Alors qu’un quart de la recherche publique est déjà assuré par des emplois non permanents, vous choisissez de créer un nouveau type de contrat précaire. Nous défendons le statut de fonctionnaire : les emplois sur des fonctions pérennes doivent être exercés par des emplois de titulaires. Par conséquent, nous demandons la suppression du CDI de mission scientifique. La création de ces contrats précaires, que vous multipliez dans le projet de loi, crée des inégalités entre les générations : ce n’est bon pour personne.

Mme Sylvie Tolmont. Mon amendement vise également à supprimer l’article 6. Le CDI de mission scientifique précarise les chercheurs sans durée minimale, sans indemnité de fin de contrat, sans délai de prévenance. Il se différencie d’un CDI classique par un licenciement de plein droit lorsque le projet prend fin. Or le droit actuel prévoit déjà la cessation d’un CDI dès lors qu’il n’a plus d’objet. La création de ce nouveau contrat n’a donc pas de raison d’être, si ce n’est de placer le chercheur dans une situation de dépendance vis‑à‑vis de son employeur, contraire à toute notion d’autonomie scientifique et de liberté d’expression. Les motifs de rupture étant à la seule appréciation de l’employeur, un licenciement pourrait être envisagé pour manque de financement ou pour désaccord entre le directeur de recherches et le contractuel qui rendrait impossible la réalisation d’un projet.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il arrive que les organismes de recherche qui ont obtenu des financements, de l’Union européenne par exemple, se trouvent dans l’incapacité de recruter les personnels nécessaires à la réalisation du projet. Nous proposons, par cet article, un CDI de mission scientifique de droit public, dont les modalités seront définies par un décret en Conseil d’État. Il est à rapprocher des CDI de chantier ou d’opération, prévus à l’article L.431-4 du code de la recherche, ouverts aux établissements publics de recherche à caractère industriel ou commercial, ou aux fondations reconnues d’utilité publique, et qui relèvent d’un accord d’entreprise.

Le décret en Conseil d’État précisera notamment les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat, les contreparties en termes de rémunération et d’indemnités de licenciement, les garanties en termes de formation, les modalités adaptées de rupture du contrat dans l’hypothèse où la mission pour laquelle ce contrat a été conclu ne peut se réaliser ou doit se terminer de manière anticipée.

Le Gouvernement prend l’engagement que le décret traitera de toutes ces questions et sera pris avant l’été 2021.

Certains amendements permettront d’atteindre le même niveau de garanties que les CDI d’opération de droit privé. Cela répond à une demande des ingénieurs, des techniciens, qui sont recrutés sur des financements qui durent huit, dix ou douze ans, mais voient leur contrat s’arrêter au bout de cinq ans maximum.

Mme Cécile Rilhac. Le CDI de mission n’étant pas encore cadré, on peut nourrir des craintes sur la façon dont le décret sera rédigé. Qu’adviendra-t-il des chercheurs, par exemple, si les fonds européens ne sont pas reconduits et que le projet avorte ? Il faut que le CDI de mission scientifique protège son titulaire, au même titre que le CDI de chantier de droit privé.

Sans aller jusqu’à adopter ces amendements de suppression, nous devrions amender l’article pour en améliorer la rédaction et obtenir toutes les garanties du ministère pour que le CDI de mission scientifique, une nouveauté dans le droit public, soit correctement encadré. Nous enverrions ainsi le message que la recherche est un métier et qu’elle peut sortir du système universitaire où elle est aujourd’hui cantonnée.

M. le président Bruno Studer. Je pense que nous pouvons faire crédit à Mme la ministre : 100 % des décrets d’application des textes examinés jusqu’à présent par la commission ont été pris. Si le décret n’est pas encore rédigé, cela ne saurait tarder !

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. L’un de mes amendements précise qu’en cas d’épuisement de l’objet du contrat, l’employeur doit justifier de l’arrêt effectif de l’activité de recherche. Ainsi, il n’y aura pas plusieurs contrats successifs sur une même activité, mais un contrat initial qui se poursuivra. Un autre prévoit que le décret en Conseil d’État fixe les modalités d’accompagnement des salariés dont le contrat s’est achevé.

M. Michel Larive. Un contrat qui comporte une date d’entrée et une date de sortie, cela s’appelle un contrat à durée déterminée ! Et c’est aussi le cas des CDI de chantier.

Madame la ministre, vous avez parlé de missions quasi exclusivement temporaires, justifiant ainsi l’impossibilité de recruter en CDI. Mais que dire alors des 20 000 agents contractuels hors enseignement supérieur ou des 12 000 ingénieurs ou personnels techniques contractuels qui sont sur des missions permanentes ? Ce sont des « permittents », comme ceux de l’audiovisuel : ils exercent des missions temporaires attribuées de façon permanente, et ce jusqu’à la retraite !

M. le président Bruno Studer. Il est impossible que les contrats se succèdent ainsi jusqu’à la retraite !

Mme Elsa Faucillon. Dans la recherche, mais pas seulement, l’utilisation de CDD renouvelés, réintitulés, ad vitam aeternam est très largement répandue. Il convient de lutter contre cette tendance, en travaillant à des contrats pérennes. Le décret doit comporter toutes les garanties de protection pour ceux dont la mission aura cessé.

Je vous entends faire le parallèle avec le CDI de chantier de droit privé, ce qui signifie que nous sommes en train d’introduire dans le droit public un CDI qui n’a plus de CDI que le nom. Prenez conscience du glissement sémantique : nous admettons que les CDI peuvent désormais être temporaires !

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : ce que vous souhaitez, c’est casser les statuts dans la fonction publique. Dites-le clairement, plutôt que de chercher à inventer une dénomination qui n’a aucun sens et qui ne répond absolument pas aux situations, notamment à celle des 20 000 agents contractuels hors enseignement supérieur !

Mme Sylvie Tolmont. Je partage les craintes évoquées par Elsa Faucillon. Durant les auditions, les chercheurs nous ont dit craindre que les 5 200 postes supplémentaires prévus d’ici à 2030 concernent aussi des CDI de mission scientifique. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point, madame la ministre ?

Mme Natalia Pouzyreff. Je vois une amélioration dans le fait que l’on pourra échapper à l’enchaînement de CDD courts, renouvelés tous les trois ans sur la durée du projet, et éviter ainsi bien des complications. Le CDI de mission scientifique est aussi une solution dans les cas où, comme sur les contrats de recherche européens, on ne peut créer des postes statutaires. Nous serons vigilants quant aux garanties et je me félicite à ce titre des amendements de la rapporteure.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur Larive, la loi Sauvadet interdit de renouveler en permanence des CDD.

M. Michel Larive. On peut les renommer !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Non, je vous l’assure. Pour avoir été présidente d’université, je connais bien le problème.

Nous parlons ici de contrats courts, de cinq ans maximum, qui sont uniquement des contrats sur ressources propres. Le CNES ou le CEA, qui sont soumis au droit privé, peuvent proposer aux techniciens, ingénieurs, ou chercheurs qui participent aux programmes de recherche financés sur des durées longues, des CDI d’opération. Ce que demandent les organismes de recherche publique, les universités, c’est de pouvoir embaucher, comme le CNES ou le CEA, des personnes pour toute la durée du programme. Aujourd’hui, les chercheurs qui ont obtenu des financements européens passent la moitié de leur temps à se demander comment faire pour garder les techniciens de contrat en contrat ! Faisons-leur confiance.

Mme Muriel Ressiguier. Le débat gagnerait à ce que l’on dise franchement les choses : un CDI de mission, c’est un CDD. Certes nous n’avons pas la même vision, nous avons des différences idéologiques, mais n’allez pas dire que nous ne sommes pas dans le réel ! Nous rencontrons la communauté scientifique, nous faisons des auditions, et je n’ai jamais encore entendu personne réclamer la précarité et la concurrence à outrance. Une nouvelle fois, vous ouvrez une branche pour mettre fin au statut de fonctionnaire, on connaît le film !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Si nous voulions mettre fin au statut de fonctionnaire, nous ne créerions pas des emplois sous plafond État et nous n’investirions pas 25 milliards d’euros dans la recherche publique sur les dix prochaines années. Créer des emplois de titulaires et refinancer la recherche, c’est une drôle de façon d’utiliser l’argent public quand on veut détruire la recherche. Vous avez raison madame, nous ne partageons pas la même vision de ce que doit être la recherche !

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient à l’amendement AC354 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Cet amendement vise à assurer l’égalité des chances dans l’établissement des CDI de mission scientifique après appel public à candidature, en interdisant toute discrimination de genre, en raison d’un handicap ou du lieu de résidence de la personne susceptible d’être recrutée.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Le principe de non-discrimination s’applique à tous les agents de la fonction publique, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels. L’article 6 bis de la loi de 1983 prévoit qu’aucune distinction directe ou indirecte ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe. Un décret du 24 août 2016 a étendu le bénéfice de ces dispositions aux agents contractuels de droit public et précise qu’aucune mesure discriminatoire, directe ou indirecte, concernant le recrutement ne peut être prise à leur égard. Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC299 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Par cet amendement de repli, nous proposons de limiter ce contrat à six ans afin qu’au-delà de cette période, le chercheur bénéficie d’un vrai CDI, avec des conditions normales de licenciement et qu’il ne se retrouve pas dans une situation de précarité à vie.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. C’est un non-sens que de prévoir un plafond pour un contrat à durée indéterminée ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC478 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. En cas d’épuisement de l’objet d’un CDI de mission scientifique, l’employeur ne doit pas poursuivre les travaux de recherche de façon dissimulée, en employant de nouveaux contractuels. Il doit justifier de l’arrêt effectif de l’activité de recherche associée au projet. Cette dernière ne peut être poursuivie par le recours à de nouveaux contrats portant sur des missions similaires.

La commission adopte l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AC300 de Mme Josette Manin.

Mme Sylvie Tolmont. L’employeur doit justifier de l’arrêt effectif de l’activité, qui ne doit pas être poursuivie par des recrutements sur des missions similaires. Cet amendement vise à protéger les titulaires d’un doctorat des situations contractuelles abusives, par lesquelles un employeur, plutôt que de miser dans la durée sur un post-doctorant par le biais d’un CDD longue durée ou d’un CDI, enchaîne plusieurs missions successives, avec des personnes différentes, pour une mission ou un projet de recherche de nature identique. Cet amendement prend en compte le fait que la plupart des projets de recherche, même s’ils ont une durée limitée, contribuent à conduire des missions de recherche permanente.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement précédent. Je vous demande de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AC427 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement prévoit que le décret en Conseil d’État fixera les modalités d’accompagnement des salariés recrutés en CDI de mission scientifique dont le contrat s’est achevé. Cela permettra d’encadrer davantage ce contrat.

Mme Cécile Rilhac. Merci pour cette proposition, qui permet de préciser dans le texte ce qui ne devait apparaître que dans le décret.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC293 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Il s’agit de réaffirmer les principes d’autonomie de la démarche scientifique et de libre expression garantis par les statuts des personnels de recherche et d’enseignement supérieur. Ces nouveaux contrats, qui sont autant de dérogations au statut de chercheur et d’enseignant-chercheur, sont en rupture totale avec la conception française de la recherche. Aussi est-il essentiel de préciser que ces grands principes doivent s’appliquer aux contractuels dans le cadre de leur mission.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement est satisfait par l’article L.411-3 du code de la recherche, qui s’applique à l’ensemble des personnels de la recherche publique. J’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement 324 de Mme Josette Manin. 

La commission examine l’amendement AC428 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Un rapport spécifique sur l’utilisation du CDI de mission scientifique sera rendu au Parlement dans un délai de cinq ans après la publication de la loi.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

La commission est saisie de l’amendement AC53 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Elsa Faucillon. Nous proposons de remplacer, à l’article L. 111‑7-1 du code de la recherche, les mots : « concourent à assurer une représentation équilibrée » par les mots : « assurent une représentation paritaire ». Durant des années, dans la loi mais aussi dans nos associations, nos partis, nous avons parlé de « tendre » vers la parité, sans que rien ne progresse. La loi doit être contraignante pour produire ses effets, et le code de la recherche doit comporter explicitement l’objectif de parité dans les nominations.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Je le déplore comme vous, les femmes sont très minoritaires dans certaines disciplines scientifiques. Nous devons faire preuve de davantage de volontarisme pour que les femmes s’engagent en plus grand nombre dans ces carrières. Mais en l’état actuel des choses, introduire la parité serait contreproductif, car il existe des disciplines où les femmes sont fort peu nombreuses. Enfin, la loi Fioraso prévoit déjà que la part des femmes dans les conseils doit être d’au moins 40 %.

Mme Elsa Faucillon. Ce sont les arguments que nous avons entendus des années durant, dans les conseils municipaux, dans nos partis politiques, avant que nous ne rendions la loi contraignante ! Vos propos constituent un retour en arrière, madame la rapporteure, il n’est plus possible d’entendre de tels arguments sur le faible nombre de femmes, d’autant que dans certains labos, elles sont majoritaires. Notre but n’est pas d’attaquer la recherche, mais de faire en sorte qu’elle trouve son essor grâce à la parité effective !

Mme Frédérique Vidal, ministre. La loi Sauvadet prévoit qu’il ne peut y avoir plus de 60 % de personnes d’un même sexe dans les conseils d’administration, les conseils de surveillance, l’ensemble des organes équivalents des établissements publics. La loi Fioraso renforce ces obligations, notamment pour les conseils d’administration, qui doivent être impérativement paritaires. Il me semble que dans la fonction publique de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce que vous souhaitez est déjà prévu.

La commission rejette l’amendement.

Article 7
Simplification des modalités d’accueil des doctorants et chercheurs étrangers bénéficiaires d’un financement dédié dans le cadre d’un séjour de recherche

La commission adopte l’amendement de cohérence AC429 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement AC355 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Cet amendement vise à assurer l’égalité des chances dans l’accueil des doctorants et des chercheurs étrangers, qui ne sauraient être écartés en raison de leur situation de handicap.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Cet amendement me semble satisfait par les dispositions existantes en matière d’accueil des personnes en situation de handicap, pour les établissements d’enseignement supérieur.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La commission est saisie des amendements identiques AC337 de M. Cédric Villani et AC371 de Mme Huguette Tiegna.

M. Cédric Villani. Il s’agit de valoriser la détention du diplôme de doctorat dans l’accès aux emplois supérieurs et de direction.

M. Pierre Henriet. L’amendement de Mme Huguette Tiegna a le même objet.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. L’article L.412-1 du code de la recherche prévoit que les concours et procédures de recrutement dans les corps et cadres d’emplois de catégorie A sont adaptés afin d’assurer la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle résultant de la formation à la recherche et par la recherche lorsqu’elle a été sanctionnée par la délivrance du doctorat. Il précise aussi que l’expérience résultant du doctorat est prise en compte dans le classement effectué lors de la nomination ou de la titularisation dans ces corps. Enfin, il prévoit que les périodes pendant lesquelles les titulaires d’un diplôme de doctorat ont bénéficié d’un contrat doctoral sont assimilées à des services effectifs pour se présenter au concours interne d’accès à l’ENA.

Je considère que ces amendements sont satisfaits et j’en demande le retrait.

Les amendements sont retirés.

Article 8
Promotions en cours de détachement ou de mise à disposition

La commission adopte l’article 8 sans modification.

Article 9
Maintien en fonction des professeurs et directeurs de recherche lauréats de grands appels à projets

La commission examine les amendements identiques AC56 de Mme MarieGeorge Buffet, AC229 de M. Michel Larive, AC301 de Mme Josette Manin et AC339 de M. Cédric Villani.

Mme Elsa Faucillon. Mon amendement vise à supprimer l’article 9. Il est tout de même paradoxal de permettre à des chercheurs d’exercer au-delà de la limite d’âge lorsque les jeunes chercheurs peinent à trouver un emploi stable, que les budgets sont comprimés et qu’il faut créer des CDI de mission. En outre, le titre de professeur émérite existe dejà, qui permet de continuer de transmettre aux jeunes générations.

M. Michel Larive. Plusieurs syndicats nous l’ont dit, il est déjà possible de prolonger l’activité au-delà de la limite d’âge dans la fonction publique, mais il semble que le ministère s’y oppose souvent. Il conviendrait de faire le bilan des dispositifs avant d’en créer de nouveaux.

Mme Sylvie Tolmont. Si cet article répond à une certaine cohérence, celle de garantir la continuité et le bon pilotage d’un projet en cours par le responsable qui l’a supervisé dès ses débuts, il reflète aussi la tendance, dans le monde universitaire et professionnel, à ne pas anticiper ou préparer la succession d’un collaborateur qui peut faire valoir ses droits à la retraite. Cela participe à retarder l’entrée sur le marché du travail de jeunes actifs formés et n’encourage pas une transmission sereine des compétences et des connaissances.

M. Cédric Villani. Il est de bonne pratique, lorsque l’on atteint le terme de sa carrière, de confier la relève à des jeunes, de les mettre en avant. Si nous voulons renforcer l’attractivité de la recherche, il faut insister sur tout ce qui permet de pousser les jeunes pleins de talents et d’avenir, plutôt que de maintenir en fonction les grands chercheurs ayant atteint la limite d’âge. Je ne suis pas convaincu par la pertinence de l’article 9, dont je demande la suppression

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est nécessaire de faire en sorte que les titulaires des bourses de type ERC senior (European Research Council) aillent au terme de leur projet. La position de professeur émérite est accordée par les établissements, et non par le ministère, à des professeurs qui partent à la retraite : ils conservent le droit d’encadrer des thèses mais ne sont plus éligibles aux financements européens. Résultat, ces professeurs se font recruter dans d’autres pays en tant que professeurs associés, et partent avec la bourse ERC senior, ce qui cause une déperdition en termes de moyens et de rayonnement international. Ce dispositif concerne un nombre très limité de cas, il ne s’agit pas d’empêcher les jeunes d’accéder aux carrières scientifiques.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine l’amendement AC430 de la rapporteure.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Il s’agit d’étendre cette possibilité de report de limite d’âge aux maîtres de conférences et chargés de recherche, par souci d’égalité.

La commission adopte l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AC302 de Mme Josette Manin.

Mme Sylvie Tolmont. Par cet amendement de repli, nous proposons de limiter à deux ans le maintien en fonction.

Mme Valérie Gomez-Bassac, rapporteure. Les projets retenus à l’issue d’appels d’offres internationaux se déroulent sur plusieurs années. Comme il s’agit de ne pas remettre en cause leur bon déroulement, la durée de cinq ans a été retenue à dessein. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Titre III
Consolider les dispositifs de financement et d’organisation de la recherche

Article 10
Évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

La commission est saisie de l’amendement AC240 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Le projet de loi conforte le rôle du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), une instance pourtant contestée par les chercheurs et les syndicats. La CGT, par exemple, dénonce une évaluation qui vise essentiellement à permettre des économies budgétaires et à justifier des restructurations associées. L’évaluation managériale ne sert pas à faire progresser les entités mais à en supprimer certaines ou à réduire les moyens financiers mis à disposition des autres. Elle ne sert d’autres objectifs que ceux des contrôles politiques opaques et des coupes budgétaires. En l’absence d’une instance démocratique et objective, nous demandons la suppression du HCERES.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Nous n’avons pas évolué sur ce sujet depuis hier, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC250 de M. Pierre Henriet.

M. Pierre Henriet. Les auditions conduites lors de la préparation du rapport de l’OPECST sur l’intégrité scientifique, dont je suis chargé avec le sénateur Pierre Ouzoulias, ont montré qu’il était urgent de prendre des mesures. Par cet amendement, je propose de faire de l’intégrité scientifique un pilier de la politique publique de la recherche en France. Cela permettra de renforcer la crédibilité de la recherche française à l’international, dans un contexte de défiance d’une partie de nos concitoyens à l’égard de l’autorité scientifique et alors que les cas de méconduite – publication de résultats erronés, vol ou falsification de données – se multiplient. Il est crucial de préserver la qualité et la légitimité de la production scientifique.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Le renforcement de la crédibilité de la recherche est hautement souhaitable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC251 de M. Pierre Henriet.

M. Pierre Henriet. Il s’agit d’ajouter l’intégrité scientifique aux critères d’évaluation des activités de recherche financées totalement ou partiellement par des fonds publics. L’intégrité scientifique est susceptible d’être prise en compte lors des évaluations, mais de façon implicite. Cet ajout permet de garantir une politique d’évaluation homogène et d’inciter les organismes de recherche à développer cette culture. Le travail mené par l’Office français de l’intégrité scientifique (OFIS), notamment en matière de formation, démontre qu’il est possible d’ajouter dès à présent l’intégrité aux critères d’évaluation.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, de l’amendement AC220 de Mme Céline Calvez, qui fait l’objet d’un sous-amendement AC540 de Mme Fannette Charvier, et de l’amendement AC356 de M. Gaël Le Bohec.

Mme Céline Calvez. L’évaluation confiée au HCERES doit aussi porter sur les objectifs des établissements en termes d’égalité entre les femmes et les hommes. Cela constituera une synthèse nationale des rapports sur l’égalité hommes-femmes que devront rédiger chaque année, aux termes de l’article 17 du présent texte, les établissements. Il y va de l’avenir de la recherche.

Mme Fannette Charvier. Je partage cette préoccupation et ne doute pas que l’examen de ce texte nous permettra d’avancer dans la représentation des femmes dans les structures de recherche. Lors de ses évaluations, le HCERES s’assure déjà que le critère de la parité est pris en compte dans les établissements. Les analyses thématiques réalisées par les établissements permettront au HCERES de vérifier à chaque niveau de l’évaluation – établissement, recherche et formation – les réalisations mises en place.

Cependant, il n’est pas souhaitable de lier ces évaluations au financement.

M. Gaël Le Bohec. Ces amendements s’inscrivent dans l’esprit de la grande cause du quinquennat qu’est l’égalité femmes-hommes. L’index de l’égalité, mis en place de façon massive dans plusieurs milliers d’entreprises, permet de dresser un état des lieux dans ce domaine. Je veux aussi rappeler l’engagement pris par le Gouvernement en mars 2018 de concevoir des budgets « genrés » pour l’ensemble des ministère. C’est à ce titre que, dans tous les projets de loi, nous travaillons à renforcer l’évaluation de l’égalité femmes-hommes. Nous proposons donc que l’évaluation périodique porte également sur les objectifs atteints et visés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et en matière d’inclusion.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je ne peux qu’être favorable à ces amendements qui visent à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche, mais il me semble que l’amendement AC253, qui sera défendu plus tard par Mme Calvez, est préférable : il prévoit que l’évaluation portera non sur les objectifs des établissements mais sur la mise en œuvre des mesures en matière d’égalité. Je propose donc un retrait.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement AC257 de Mme Fannette Charvier.

Mme Fannette Charvier. L’adoption de cet amendement très important aurait des conséquences qui ne le seraient pas moins pour le HCERES, organisme au sein duquel j’ai siégé comme représentante de notre assemblée pendant la première moitié de la législature.

Il s’agit d’en préciser les missions, d’apporter un peu de souplesse au cadre actuel pour lui permettre d’adapter la « granulométrie » de ses évaluations aux différentes situations, notamment pour éviter un phénomène de cumul d’évaluations qui mobilisent les enseignants‑chercheurs au détriment des projets de recherche, mais aussi de lui conférer un rôle de coordination des quatre instances d’évaluations nationales – HCERES, Commission des titres d’ingénieur (CTI), Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) et Commission consultative nationale des Instituts universitaires de technologies (CCN-IUT) – et, c’est le plus fondamental, de changer son statut : d’autorité administrative indépendante, il deviendrait une autorité publique indépendante.

Ainsi, la gestion des ressources humaines serait plus souple, sans qu’elle passe nécessairement par les services du ministère, et il serait possible de développer les activités à l’international, ce qui est aujourd’hui possible mais qui reste limité, le HCERES ne disposant pas de la personnalité morale. Demain, il pourrait notamment candidater pour être chef de file de grands projets européens en matière d’évaluation, ce qui pourrait favoriser un développement de ses ressources propres et contribuerait à accroître le rayonnement de notre pays.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement présente de très nombreuses dispositions, dont plusieurs retiennent très favorablement mon attention : conférer au HCERES une personnalité morale par sa transformation en autorité publique indépendante afin qu’il puisse mener des évaluations sur un plan européen ou international, à l’instar des autres agences ; lui conférer également une mission de promotion de l’égalité femme-homme et de l’intégrité scientifique, et lui confier, enfin, un rôle de coordination.

En revanche, certaines propositions me semblent un peu délicates. Elles conduiraient notamment à supprimer les dispositions prévoyant que le HCERES s’assure de l’effectivité de la participation des étudiants à l’évaluation des enseignements ou de la prise en compte, dans l’évaluation des personnels, de l’ensemble de leurs missions.

Je suis donc favorable à cet amendement mais sous réserve que nous puissions le retravailler d’ici à la séance publique.

M. Pierre-Alain, Raphan, rapporteur. Nous avons auditionné le HCERES et nous avons été sensibilisés à la nécessité de réviser son cadre juridique. Je suis donc favorable à l’adoption de cet amendement dont il sera sans doute possible de revoir la rédaction en séance.

Mme Fannette Charvier. Cet amendement, en effet, a été travaillé avec le HCERES. Il apporte certes des éléments nouveaux mais il constitue aussi un toilettage de la loi. Je suis bien évidemment disposée à le modifier afin de parvenir à un cadrage adéquat.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC325 de Mme Josette Manin et AC253 de Mme Céline Calvez.

Mme Josette Manin. Notre amendement donne mission au HCERES d’évaluer le respect des principes d’égalité entre les femmes et les hommes et d’égal accès aux emplois publics dans les établissements dont il a la charge.

Mme Céline Calvez. Je remercie Mme la ministre pour ses propos concernant cet amendement AC253, qu’elle a jugé plus pertinent que le AC220. L’évaluation menée par le HCERES sur l’égalité femme-homme permettra en effet de constituer un socle commun à tous les établissements afin d’en tirer tous les enseignements pour qu’ils progressent au mieux.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je prie Mme Manin de bien vouloir retirer l’amendement AC325. Avis favorable à l’amendement AC253, dont la rédaction est meilleure.

La commission rejette l’amendement AC325.

Elle adopte l’amendement AC253.

La commission examine l’amendement AC254 de Mme Fannette Charvier.

Mme Fannette Charvier. Cet amendement précise dans le code de la recherche le rôle du collège qui administre le HCERES.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC521 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Suite, notamment, à des discussions avec son ancien président, cet amendement vise à alléger le conseil du HCERES en le faisant passer de 30 à 24 membres.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC522 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Cet amendement tire les conséquences de la réduction du nombre de membres du collège du HCERES.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC255 de Mme Fannette Charvier.

Mme Fannette Charvier. Cet amendement prévoit que le HCERES remette chaque année au Gouvernement et au Parlement un rapport sur ses travaux. Il édite déjà un bilan annuel public d’activité mais nous souhaitons officialiser la transmission de ce document aux pouvoirs exécutif et législatif afin de mettre en lumière cet organisme méconnu et pourtant si important dans le système français de recherche. C’est une demande de sa part à laquelle je vous propose de bien vouloir accéder.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement est satisfait : si le HCERES devient une autorité publique indépendante, il sera soumis à la loi portant statut général de ces autorités, qui prévoit qu’un rapport est adressé chaque année au Gouvernement et au Parlement avant le 1er juin.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement de coordination AC256 de Mme Fannette Charvier.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC511 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Article 11
Unités de recherche

La commission examine l’amendement AC307 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Notre amendement vise à limiter l’élargissement de la définition des unités de recherche  aux associations et fondations.

Tel qu’il est rédigé, l’article 11 complexifie le paysage de la recherche publique française, déjà suffisamment compliqué. Les unités de recherche doivent rester au sein des organismes de recherche et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Par ailleurs, le principe d’allocation d’une dotation directe de fonctionnement et d’équipement est contraire au bon fonctionnement des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Aussi, cet amendement propose de clarifier le cadre juridique des unités de recherche.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Il n’est pas question de complexifier mais d’offrir une nouvelle possibilité aux différents opérateurs. Rien n’obligera les associations et fondations d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique de comporter des unités de recherche. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 11 sans modification.

Article 12
Agence nationale de la recherche (ANR)

La commission examine l’amendement AC241 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. L’étude d’impact du projet de loi précise que si le préciput constitue aujourd’hui un montant forfaitaire de 11 %, il représentera à terme 40 % de financement pour les établissements. Elle acte donc que les dotations de base sont insuffisantes, reconnaît « la faiblesse actuelle du système » et prône l’augmentation du préciput qui permet de « redonner des marges de manœuvre pour développer une stratégie de développement scientifique solide, de manière vertueuse car liée à leur performance scientifique ». Or, le coût de fonctionnement des laboratoires sera ainsi pris en charge, en partie, par l’Agence nationale de la recherche (ANR)… uniquement pour les plus compétitifs d’entre eux : une vingtaine d’universités seulement capte 80 % des financements des appels à projets.

Aussi, seuls les établissements ayant remporté un appel à projet de l’ANR recevront ce préciput, ce qui accroîtra donc les disparités entre, d’un côté, les établissements et unités de recherche d’excellence qui remporteront des projets et des financements pour leurs équipements et, de l’autre côté, des établissements de « seconde catégorie » qui n’obtiendront pas de financement de l’ANR et devront faire avec des dotations de base, insuffisantes pour fonctionner. C’est la consécration d’un système de recherche à deux vitesses fondé sur la compétition entre établissements.

Pour y remédier, nous proposons que l’Agence nationale de la recherche soit supprimée. Ses fonds seront redistribués aux établissements publics qui pouvaient répondre à ses appels à projet sous la forme d’une dotation de fonctionnement annuelle par personnel titulaire. Les grands équipements seront quant à eux financés par d’autres programmes.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Je note la créativité dont fait preuve M. Larive ! Nous ne souhaitons pas supprimer l’ANR.

Mme Elsa Faucillon. Ce n’est pas faire preuve d’une grande créativité : nous avons déjà connu cette situation.

Aujourd’hui, certains établissements et laboratoires n’ont pas les moyens de fonctionner sans avoir toujours forcément besoin, d’ailleurs, de beaucoup d’argents pour répondre aux appels à projets. Certains chercheurs en sciences humaines ont simplement besoin de se déplacer et ils doivent payer leur billet d’avion sur leurs propres deniers pour se rendre en Afrique, en Amérique latine ou en Asie !

Nous savons également combien il est difficile, pour nombre d’équipes, de constituer des projets. Vous proposez d’augmenter le taux d’accord, qui est en effet très faible mais, pour ce faire, vous entravez encore un peu plus des laboratoires qui sont déjà obligés de se conformer aux thématiques de l’ANR au point de présenter parfois des projets qui sont étrangers à leur domaine pour obtenir des financements ! C’est ridicule !

Je m’associe donc à mon collègue, qui fait moins preuve de créativité que de pugnacité.

M. Michel Larive. Je suis également sensible à l’humour, monsieur le rapporteur, et je le pratique parfois ! En l’occurrence, c’est vous qui faites montre de créativité pour poursuivre la destruction du service public de la recherche.

Mme Fannette Charvier. Il est tout de même étonnant que, chaque fois, la solution passerait par une suppression : celle du HCERES, de l’ANR, etc.

M. Michel Larive. Nous proposons de supprimer ce qui n’est pas bon !

Mme Fannette Charvier. Une recherche de haut niveau implique de disposer à la fois d’une recherche de base et d’une recherche par projets mais, aussi, de créer une émulation qui pousse à l’excellence. Vous dénoncez la compétition entre établissements ? Oui, elle existe, et ce n’est pas seulement le fait de l’ANR : elle existe aussi avec l’étranger.

Cette loi de programmation permet d’augmenter les crédits consacrés à la recherche de base que le préciput permettra d’alimenter plus encore. Nous la jugeons donc équilibrée et nous rejetterons les amendements de suppression.

M. Patrick Hetzel. Que les choses soient claires : le groupe Les Républicains est favorable à l’ANR, que nous avons portée sur les fonts baptismaux en 2005.

Dès la loi Chevènement de 1982, le débat portait sur ce qui devait relever des modèles récurrent et incitatif. Comment trouver un équilibre ? Je fais partie de ceux qui considèrent que l’ANR est utile mais que nous sommes confrontés à un problème important : les crédits globaux pour la recherche sont insuffisants, y compris pour le modèle récurrent, et il convient également d’augmenter les crédits de l’ANR car les taux de sélection sont tels que d’excellents projets ne sont pas financés. Je plaide donc plutôt en faveur du maintien de l’ANR.

Le Gouvernement veut accroître le préciput en le passant de 11 % à 40 % mais comment sera-t-il réparti ? Nous avons besoin de le savoir, madame la ministre, même si cela relève du règlement.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je répète que l’on ne déshabille personne quand on augmente le budget de la recherche de 30 %.

Pas un seul grand pays ne fonctionne sans une agence de recherche. Le vrai problème, tous les chercheurs nous l’ont dit, c’est celui du taux de succès. En deçà d’un certain seuil, entre le dernier projet retenu et le premier qui ne l’a pas été, il est très difficile d’argumenter.

Nous voulons faire en sorte que le taux de sélection remonte à l’instar de celui qui existe dans les grandes agences de financement, soit, 30 %.

La question de l’alimentation des politiques de site par les préciputs est également importante. Lorsque des porteurs de projets gagnent des appels à projets de l’ANR, c’est l’ensemble du site qui, en fait, a contribué à ce succès : le laboratoire auquel l’équipe appartient et le site lui-même.

La répartition du préciput – augmenté – fait l’objet de discussions entre les universités et les organismes de recherche mais je tiens à ce qu’une partie soit mise à disposition des laboratoires de recherche. Nous savons en effet que c’est au plus près du terrain que les idées germent, que l’on s’aperçoit qu’elles doivent être soutenues, et il importe que le directeur du laboratoire puisse directement avoir à sa disposition une partie du préciput.

J’ai eu également l’occasion de souligner l’augmentation en cours de la dotation globale de base des laboratoires à travers les organismes et les universités.

Nous voulons simplement renforcer l’Agence nationale de la recherche et faire en sorte que les lauréats des appels à projets contribuent à développer les politiques de sites. Pour donner une idée de l’impact de ces augmentations de crédits, cela correspondra, pour les programmes de recherche du site universitaire le plus modeste, a minima à une multiplication par deux et demie des financements actuels.

La commission rejette l’amendement AC241.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement AC59 de Mme Marie-George Buffet.

Elle examine l’amendement AC259 de Mme Fannette Charvier.

Mme Fannette Charvier. Je ne reviendrai pas sur l’importance de la culture scientifique pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. Nous en avons abondamment parlé lors de la discussion du rapport annexé.

Nous souhaitons donc qu’au moins 1 % du budget d’intervention de l’ANR soit consacré au partage de la culture scientifique. Son budget devant passer à 953 millions en 2021, cela devrait représenter au moins 9,5 millions.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis favorable, sous réserve de rectifier l’amendement en précisant qu’il s’agit bien de l’Agence nationale « de la recherche ».

M. Patrick Hetzel. Je comprends la logique de vos propos, madame la ministre, mais un petit problème se pose néanmoins : d’un côté, vous incitez les établissements à accroître leur autonomie et, de l’autre, vous semblez vous orienter vers un décret fléchant une partie du préciput vers les laboratoires. Est-ce bien le cas ? Ne conviendrait-il pas de laisser le système respirer davantage en faisant en sorte que les universités, autonomes, décident de leur politique scientifique, comme c’était autrefois le cas avec le principe de financement BQR – Bonus qualité recherche ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cela n’a rien de contradictoire : il n’est pas question de donner la moitié du préciput aux laboratoires. Il s’agit de redonner la main aux directeurs de laboratoires pour qu’ils puissent au plus près soutenir des projets, sans avoir à passer devant le conseil scientifique de l’université ou à suivre des processus de type BQR, quitte à les présenter ensuite devant l’établissement comme partie intégrante de sa politique scientifique.

Les laboratoires définissent leur politique scientifique en lien avec leurs tutelles, qui la valide, mais un projet peut surgir en cours d’année dont on juge qu’il vaudrait le coup de « payer pour voir ». C’est la facilité que nous voulons offrir aux directeurs des laboratoires de recherche et c’est essentiel. Nous en discutons avec les présidents d’universités et les directeurs des organismes. C’est ainsi que nous assouplirons le système.

M. Patrick Hetzel. Je partage pour une part vos propos mais procéderez-vous par décret ou laisserez-vous le système respirer ? À moins que rien ne soit encore arrêté ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Rien n’est encore décidé.

La commission adopte l’amendement AC259 rectifié.

Elle examine l’amendement AC145 de Mme Delphine Bagarry.

M. Cédric Villani. Cet amendement propose de renforcer considérablement l’ambition du projet de loi de programmation dans les domaines de la médiation et du journalisme scientifique en favorisant les échanges entre le monde de la recherche et l’ensemble de la société. Il importe donc d’accroître très sensiblement les moyens à cette fin.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. L’objectif de votre amendement visant à ce que l’Agence nationale de la recherche consacre 2 % de son budget d’intervention au financement d’actions de partage de la connaissance scientifique pourrait être atteint grâce au nôtre, visant à consacrer « au moins 1 % » du PIB à la recherche publique mais, en l’état, mon avis est défavorable.

M. Cédric Villani. Je le retire. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC308 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Notre amendement vise à préciser l’objet du préciput de l’ANR et à centrer la liste des établissements bénéficiaires sur les seuls établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) et établissements d’enseignement supérieur.

Comme le rappelle le rapport annexé, le préciput est un mécanisme utilisé à l’échelle mondiale comme levier de financement des laboratoires et des établissements. Aujourd’hui, son faible niveau ne permet pas de couvrir l’ensemble des coûts indirects. Le rapport indique notamment qu’« il doit permettre de couvrir réellement les coûts d’environnement tout en donnant aux laboratoires et aux établissements une capacité supplémentaire pour mettre en œuvre leur politique scientifique, et financer des actions dans le cadre de leurs priorités. »

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable. Je renvoie aux éléments apportés par Mme la ministre lors de la discussion des amendements précédents. Il nous semble par ailleurs que cet amendement pourrait exclure de grands instituts comme les Institut Curie ou Pasteur.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC326 de Mme Josette Manin.

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement vise à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes à travers la prise en compte, par l’Agence nationale de la recherche, d’un nouveau critère d’évaluation d’attribution de ses financements : l’objectif de parité. Les femmes sont en effet sous-représentées dans le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur : seuls 30 % des appels à projets financés par l’ANR, par exemple, sont défendus par des femmes.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cette question est au cœur des préoccupations du Gouvernement. La prise en compte du genre figure dans la charte de déontologie et d’intégrité scientifique de l’ANR et le plan d’actions pour l’égalité femme-homme voté par son conseil d’administration. Ainsi, tous les projets de 2021 et 2022 devront décrire dans leur document scientifique comment cette question est intégrée et un critère d’évaluation de ce type sera introduit en 2022. Tout cela me semblent beaucoup plus efficace que votre amendement, dont un certain nombre de points restent flous.

Que signifie : l’Agence nationale de la recherche « privilégie » les laboratoires et établissements respectant la parité ? Comment la parité est-elle définie ? Est-ce celle du laboratoire ou de l’établissement ? Que se passe-t-il lorsque les projets relèvent de plusieurs laboratoires ? Faut-il tenir compte de tous les personnels, titulaires, statutaires ? Que se passe‑t-il lorsque l’établissement qui propose le projet ne respecte pas la parité alors que l’équipe ou le laboratoire qui le réalisent la respectent ? Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC135 de M. Sébastien Nadot.

M. Cédric Villani. Il est défendu.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. La participation d’acteurs locaux ou associatifs est déjà possible. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC170 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. L’un de vos amendements adoptés hier, monsieur le rapporteur, prévoit me semble-t-il que le plan de relance présenté par le Gouvernement devra permettre d’atteindre un préciput d’au moins 25 %. Mon amendement impose ce taux minimum dans les financements octroyés par l’ANR afin que l’argent des appels à projets puisse contribuer à un financement plus large et égalitaire de la recherche. Il laisse néanmoins la possibilité de contrevenir à ce taux minimum si le demandeur le justifie.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons déjà indiquées.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC171 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Cet amendement incite l’ANR à déterminer, en dialogue avec les laboratoires de recherche, quels programmes ou projets pourraient être ouverts en inter‑universités.

M. Pierre-Alain Raphan, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait, les programmes de recherche faisant fréquemment l’objet de partenariats entre établissements. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 12 modifié.


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4.   Réunion du mardi 21 septembre 2020 à 21 heures (de avant l’article 13 à l’article 25) ([5])

Titre IV

Diffuser la recherche dans l’Économie et la société

Avant l’article 13

La commission est saisie des amendements identiques AC109 de M. Sébastien Nadot et AC374 de Mme Céline Calvez, qui fait l’objet du sousamendement AC547 de M. PierreAlain Raphan.

M. Cédric Villani. L’intitulé du titre IV laisse supposer que les mouvements entre recherche et société sont à sens unique, la seule recherche informant la société et allant à sa rencontre. En vérité, ces mouvements sont plus riches et plus complexes, et les interactions vont dans un sens comme dans l’autre. L’amendement AC109 propose un changement de titre plus évocateur de cet enrichissement mutuel.

Mme Céline Calvez. Le titre nous paraît insatisfaisant au regard des rapports que science et société devraient entretenir, et en effet pas à sens unique.

Si la science éclaire, bien sûr, comme nous l’avons vu ces derniers temps, la société, celle-ci peut également éclairer cette dernière en retour : leurs interactions doivent être renforcées. Le titre IV que nous nous apprêtons à examiner doit reconnaître l’apport des citoyens.

M. Pierre-Alain Raphan. Le sous-amendement AC547 vise à substituer au mot : « interactions », le mot : « relations ».

M. Philippe Berta, rapporteur pour les titres IV et V. Avis favorable à un nouvel intitulé du titre IV : « Renforcer les interactions de la recherche avec l’économie et la société », mais défavorable au sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement et adopte les amendements.

Elle examine l’amendement AC213 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la ministre, vous avez précédemment évoqué la notion de science soutenable comme un enjeu de premier ordre afin d’agir de façon éclairée en faveur d’une transition écologique, sociale, mais aussi économique, que les 195 pays signataires de l’Agenda 2030 des Nations unies ont appelé de leurs vœux en définissant de façon consensuelle les dix-sept objectifs de développement durable (ODD).

S’engager pleinement dans cette voie suppose d’identifier ce qui relève de la science soutenable, en s’appuyant entre autres sur des référentiels tels que ces ODD, mais également de flécher rapidement les financements et les stratégies des acteurs de la recherche et de l’innovation afin que leurs projets contribuent activement au développement durable ainsi qu’à la responsabilité sociétale. Il faut évaluer leur contribution afin de progresser dans le sens de l’exemplarité des pratiques mais également de rendre compte à la communauté internationale de la contribution de la France à ce même Agenda 2030.

La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche française est aujourd’hui suffisamment outillée pour répondre à une impulsion forte de l’État visant à développer dans notre pays une science de la soutenabilité de premier ordre. Tel est l’objet de l’amendement.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement propose une prise en compte systématique des ODD tant dans les appels à projets que dans la définition de la stratégie des établissements : si une telle position de principe me paraît tout à fait louable, elle ne nécessite cependant pas de consécration législative. Du point de vue légistique, en effet, un tel article additionnel ne s’inscrit clairement dans aucun code ni n’édicte aucune norme. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Chaque axe des appels à projets génériques de l’Agence nationale de la recherche (ANR) indique les ODD concernés : les candidats sont donc tenus de décrire en quoi leur projet scientifique contribue à leur réalisation.

L’intégration des ODD dans les contrats d’objectifs des établissements publics nécessiterait, en outre, de modifier tout à la fois le code de l’éducation s’agissant des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), le code de la recherche s’agissant des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) ainsi que le code général des collectivités territoriales s’agissant des régions.

L’amendement étant satisfait par la rédaction des appels à projets, j’en demande le retrait. À défaut, j’y serai défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 13
Participation d’agents publics à une entreprise pour valoriser des travaux de recherche

La commission est saisie de l’amendement de suppression AC242 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Dans le prolongement de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, l’article 13 prévoit d’ouvrir plus largement le monde académique aux entreprises en élargissant les possibilités offertes aux agents publics de créer ou de participer à la vie d’une entreprise en vue de valoriser des travaux de recherche.

Si la science et la connaissance sont pour la recherche publique des biens communs, elles représentent des enjeux et des objectifs économiques pour le secteur privé qui n’a pas intérêt à partager ses travaux. Nous demandons donc la suppression de l’article.

M. Philippe Berta, rapporteur. Celui-ci ne fait pas autre chose que d’aller un peu plus loin que les lois Allègre en élargissant certaines possibilités offertes aux chercheurs, en fonction de leur activité, pour participer au développement économique. Les règles applicables en la matière avaient été définies de manière très étroite, ce qui explique leur très faible utilisation, comme l’a montré l’étude d’impact. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC534 de la commission des affaires économiques.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques a souligné tout l’intérêt que présente le projet de loi du point de vue du lien entre le monde de la recherche et le monde économique, entre lesquels il importe de faciliter l’établissement de passerelles.

L’amendement vise à étendre aux personnels de la fonction publique hospitalière les nouvelles modalités de collaboration entre le monde académique et les entreprises privées, actuellement ouvertes aux seuls fonctionnaires civils de l’État.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC482 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il s’agit de réparer un oubli en ouvrant, au titre des entreprises publiques, les travaux de valorisation de la recherche aux collectivités territoriales.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 13 modifié.

Après l’article 13

La commission est saisie de l’amendement AC137 de M. Sébastien Nadot.

M. Cédric Villani. L’amendement, tout comme l’amendement AC136 à venir, vise à renforcer le caractère explicite des interactions entre science et société et à enrichir le texte en la matière.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le contenu de l’amendement relève beaucoup plus du rapport annexé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 14
Cumul d’activités à temps partiel

La commission est saisie de l’amendement de suppression AC243 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. L’article 14 élargit les possibilités de cumul d'activités à temps partiel des personnels des établissements publics de la recherche, en particulier dans les entreprises. Nous nous opposons à toute disposition pouvant entraîner des conflits d’intérêts. Plutôt que de multiplier les liens entre privé et public, il convient, au contraire, d’assurer l’indépendance des chercheurs. Pour ce faire, nous demandons l’interdiction pour les chercheurs du public d’être rémunérés par le privé. L’article doit donc être supprimé.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il ne vise qu’à élargir un dispositif existant. Nombre de chercheurs et d’enseignants-chercheurs utilisent déjà un cumul d’activités dûment déclaré et jusqu’à présent soumis à autorisation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC483 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il s’agit d’élargir, là encore, aux collectivités territoriales les possibilités de cumul d’activités des personnels de la recherche ne travaillant qu’à temps partiel pour leur institution de rattachement.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC270 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. L’amendement vise à ce que les compléments de rémunération prévus respectent strictement l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Philippe Berta, rapporteur. Le principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes étant consacré dans la Constitution, le rappeler systématiquement dans chaque article du projet de loi risque de faire oublier qu’il est d’application générale, son caractère universel devant, au contraire, être préservé.

Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Gaël Le Bohec. Je le maintiens afin d’aller jusqu’au bout : ce principe doit être consacré dans cet article.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 14 modifié.

Après l’article 14

La commission est saisie de l’amendement AC136 de M. Sébastien Nadot.

M. Cédric Villani. Il est très similaire dans son esprit à l’amendement AC137 examiné plus haut.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC444 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il s’agit, en quelque sorte, de corriger le tir puisque le texte prévoit uniquement la possibilité, pour les chercheurs ou enseignants-chercheurs, au travers du cumul d’activités, d’aller travailler dans le privé. En revanche, les acteurs de l’industrie, dans le même secteur, n’ont pas la possibilité de travailler pendant une période donnée dans le monde académique et ainsi de l’enrichir. Or l’on sait à quel point leur participation est importante dans certaines formations, ne serait-ce que pour initier nos étudiants au monde de l’entreprise.

L’objectif est de favoriser les mobilités entre les secteurs privé et public en permettant à un salarié du privé de bénéficier, sans rompre son contrat de travail, d’une autorisation d’absence d’une durée maximale d’un an, en vue de dispenser, à temps plein ou à temps partiel, un enseignement technologique, professionnel ou supérieur, ou de participer à une activité de recherche ou d’innovation dans un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC67 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Elsa Faucillon. Nous souhaitons que les difficultés rencontrées dans l’utilisation des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) par les associations et les collectivités territoriales soient évaluées, ainsi que les solutions permettant le cas échéant de les lever, au travers d’un rapport. Nous nous interrogeons, en effet, sur l’opportunité de créer un dispositif ad hoc pour les associations.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous disposons de données sur ce sujet, qui me paraît effectivement important : les collectivités territoriales ont bénéficié de trente-cinq CIFRE en 2017, de trente-sept en 2018 et de quarante-sept en 2019, le monde associatif en totalisant, pour les mêmes années, respectivement quarante-sept, quarante-cinq et soixante et onze.

L’augmentation significative en 2019 s’explique notamment par la promotion du dispositif menée par l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) auprès du monde associatif et des collectivités territoriales.

Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Elsa Faucillon. Au-delà des chiffres extrêmement faibles, qui pourraient s’expliquer notamment par des difficultés économiques, nous souhaitons identifier les obstacles expliquant leur niveau et savoir si un dispositif spécifique au monde associatif et aux collectivités ne permettrait pas de les faire décoller. Le but n’est pas tant d’en augmenter le nombre que d’évoluer vers une véritable appropriation citoyenne et démocratique de la science et de la technique, de sorte à réduire la défiance qu’elles peuvent susciter, que l’on constate à la faveur de la crise pandémique.

Peut-être existe-t-il d’autres obstacles à lever, que le rapport permettrait d’identifier ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Je ne doute pas du suivi très étroit et multiparamétré du projet de loi, et plus particulièrement des CIFRE. Nous serons tenus informés de leur évolution. Je suis donc, à ce stade, défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 15
Attribution des primes et dispositifs d’intéressement

La commission examine l’amendement de suppression AC246 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. La création de primes d’intéressement au sein des grands organismes de recherche comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) relève d’une volonté de reproduire des techniques de management des entreprises privées au sein de la recherche publique. Cela amène à individualiser les carrières, à déréguler le statut de fonctionnaire et à instaurer une compétition entre les personnels.

La suppression de la référence à la prime d’encadrement doctoral et de recherche est justifiée dans l’étude d'impact par la refonte du régime indemnitaire par voie réglementaire. C’est donner quitus au Gouvernement sur ce sujet.

Pour notre part, nous défendons une augmentation indiciaire plutôt qu’indemnitaire et demandons, par conséquent, la suppression de l’article.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’attribution de primes aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs n’est pas une idée neuve ; elle a cours dans l’ensemble des établissements. L’important ici est que la décision est décentralisée à l’échelon de leurs conseils d’administration : ceux-ci en fixeront le montant et en voteront le principe de répartition. L’article va un peu plus loin puisque ces mêmes établissements pourront mettre en place un système d’intéressement.

Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La refonte du régime indemnitaire, qui figure aux alinéas 105 et suivants du rapport annexé, fait l’objet d’un protocole en cours de négociation. La revalorisation indemnitaire est une priorité dans la mesure où les écarts entre les filières de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que le retard accumulé au plan interministériel demeurent très grands.

De nombreuses mesures se traduiront néanmoins concrètement par des gains indiciaires. Notamment, l’amélioration des règles de classement à l’entrée dans un corps ou encore les mesures de repyramidage des grades et des corps permettront d’atteindre la fameuse rémunération minimale de deux SMIC.

Avis défavorable également.

Mme Muriel Ressiguier. Tant mieux si des augmentations indiciaires interviennent ! De manière générale, je considère la prime, qui n’est pas pérenne, comme néfaste. Augmentons les salaires en tant que de besoin !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC445 et AC446 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AC271 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Il s’agit de conditionner la création des dispositifs d’intéressement par le conseil d’administration des établissements publics à caractère scientifique et technologique au strict respect du principe d’égalité entre les femmes et les hommes.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels AC447 et AC448 du rapporteur.

Elle adopte l’article 15 modifié.

Article 16
Autorisation de licences collectives pour l’utilisation en ligne d’œuvres protégées relevant des arts visuels dans le cadre d’une activité d’enseignement supérieur ou de recherche

La commission adopte l’article 16 sans modification.

Après l’article 16

La commission examine l’amendement AC144 de Mme Delphine Bagarry.

M. Cédric Villani. L’amendement reprend une proposition du collectif des sociétés savantes académiques de France visant à renforcer la diffusion de l’information scientifique dans les médias afin de contribuer au raffermissement du lien entre science et société.

M. Philippe Berta, rapporteur. Nous partageons l’intention constante d’aller vers le grand public pour élever le niveau global des connaissances scientifiques et technologiques. J’observe cependant qu’il est très difficile d’imposer des règles de diffusion – à quels horaires, sur quels médias ? Est-ce notre rôle d’en décider ? Cette discussion n’aurait-elle pas plus sa place dans un projet de loi relatif à l’audiovisuel ? Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La situation de l’audiovisuel est extrêmement hétérogène, entre l’exemplarité de Radio France, qui propose de nombreuses émissions de culture scientifique, de décodage de l’information et de fact checking, et la rareté des émissions scientifiques à la télévision, avec des chiffres contrastés d’une chaîne à l’autre.

Pour autant, le succès de certains youtubeurs scientifiques montre qu’il existe une demande. Si je partage vraiment votre préoccupation, je ne pense pas que l’inscription dans la loi d’un quota constitue la meilleure approche en la matière. Comment en contrôlera-t-on le respect ? Qui qualifiera une émission de scientifique ? Cela pourrait même s’avérer contre‑productif.

Je vous propose de travailler avec ma collègue en charge de la culture en vue d’identifier les leviers qui permettraient de renforcer la place de la culture scientifique au sein des grands médias audiovisuels, et de donc retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Cédric Villani. Je le maintiens, car il me semble important que nous ayons le débat, même si je partage votre avis s’agissant des difficultés techniques soulevées. Sur ce sujet, il convient de se montrer volontariste.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC340 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. L’amendement vise à renforcer les compétences de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dont la fonction d’évaluation pourrait être mise à profit pour apprécier, sur des sujets variés, dans quelle mesure la législation s’appuie sur la science ainsi que sur la technologie.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Respectueux du principe de séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne souhaite pas se prononcer sur la façon dont le Parlement choisit de s’organiser pour éclairer ses décisions.

M. Philippe Berta, rapporteur. En fait, l’amendement tend à transformer l’OPECST en commission scientifique permanente qui pourrait s’autosaisir, alors qu’aujourd’hui, il ne rend des avis sur des projets de loi relatifs à la recherche que s’il est expressément saisi par une commission permanente.

Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Cédric Villani. L’OPECST, dont il est important de renforcer les pouvoirs, a réussi, ces dernières années, à produire des avis systématiquement transpartisans, associant la majorité et l’opposition, l’Assemblée nationale et le Sénat, ce qui leur a conféré à la fois légitimité et solidité.

M. Patrick Hetzel. J’abonde dans le sens de notre collègue. Le travail large et assez approfondi de l’OPECST a acquis une très forte crédibilité qui, à la fois, rejaillit sur le travail parlementaire en tant que tel et contribue à sensibiliser aux enjeux scientifiques et de recherche. Je voterai l’amendement avec enthousiasme.

M. Cédric Villani. Dans son classique La Constitution, Guy Carcassonne regrette d’ailleurs que l’OPECST ne soit pas davantage utilisé.

M. Philippe Berta, rapporteur. Si je comprends très bien la démarche, je ne peux à ce stade la soutenir, car il faudrait ouvrir la discussion sur ce changement très profond avec le Sénat. Ce n’est ici ni le moment ni le lieu.

M. Cédric Villani. Il y a une navette !

M. Philippe Berta, rapporteur. C’est tout de même un changement très profond.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC341 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. Garantir la publicité de ses travaux serait une autre manière de renforcer l’OPECST. Il s’agit en réalité d’officialiser un mode de fonctionnement qui existe depuis de nombreuses années.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC475 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, de même que dans le rapport annexé, est affirmée la volonté de valoriser le doctorat et les compétences des docteurs au sein de la société française. Une meilleure reconnaissance du grade de docteur par le tissu économique et associatif est régulièrement demandée par la communauté des docteurs et doctorants. Le présent amendement vise à inscrire dans l’article L. 612-7 du code de l’éducation que le grade de docteur vaut expérience professionnelle de recherche qui peut être reconnue dans les conventions collectives.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis favorable.

M. Patrick Hetzel. Sans m’inscrire en faux contre ce que vient de dire M. Raphan, je rappelle qu’au moment de la discussion du projet de loi Fioraso, il en fut déjà question et l’on a eu – passez-moi l’expression – un mal de chien à faire avancer les choses. Il existe aujourd’hui une branche dans laquelle le doctorat est réellement valorisé, c’est la chimie, car le secteur industriel le reconnaît. Je regrette que l’État ne fasse pas toujours de même. Adopter l’amendement visant à exiger la détention d’un doctorat pour diriger un établissement public de recherche aurait été, de ce point de vue, un signal fort. Nous devons tout mettre en œuvre pour valoriser le doctorat, et l’État devrait donner l’exemple.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cette disposition reprend, en effet, un article de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui n’a jamais été appliqué, car les conventions collectives sont à la main des partenaires sociaux. Si elle est à nouveau inscrite dans le présent texte de loi, elle risque de connaître le même sort. C’est pourquoi je pense que le bon instrument serait plutôt le comité de suivi des cycles licence, master et doctorat (LMD) instauré par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cela permettrait d’engager des discussions avec les branches professionnelles afin que l’article de la loi de 2013 soit enfin mis en œuvre.

Je n’émettrai aucune objection à ce qu’on inscrive à nouveau cette disposition dans la loi, mais il faudrait avant tout veiller à ce qu’elle se traduise dans les faits.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC342 de M. Cédric Villani.

M. Cédric Villani. Nous en venons à la question stratégique du conseil scientifique au Gouvernement et, plus généralement, aux autorités politiques. En France, c’est le Conseil stratégique de la recherche qui est chargé de cette mission. Or, en dépit de plusieurs réformes, il n’est toujours pas opérationnel et n’arrive pas à se faire entendre.

Le présent amendement vise à créer un poste de haut-commissaire à la science et la technologie, qui serait occupé par le vice-président du Conseil stratégique de la recherche. Un tel poste existe déjà dans plusieurs pays, avec un succès incontestable, car il permet d’assurer la liaison entre le monde scientifique et le monde politique. Cela apporterait une solution à un problème récurrent chez nous.

M. Philippe Berta, rapporteur. Un tel poste de haut-commissaire existe en effet dans divers pays. En général, il est placé auprès du Premier ministre. Il s’agit d’une réflexion concernant l’organisation de l’exécutif qui ne me semble pas relever de nos missions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC477 de M. Pierre-Alain Raphan et AC27 de Mme Emmanuelle Anthoine.

M. Pierre-Alain Raphan. Toujours dans l’objectif de valoriser le doctorat au sein de notre société, il est proposé, par l’amendement AC477, de modifier l’article L. 412-1 du code de la recherche pour permettre aux titulaires du grade de docteur de faire usage du titre de docteur dans tout emploi et en toute circonstance.

M. Frédéric Reiss. Le diplôme national de doctorat correspond à la reconnaissance d’une expérience professionnelle de recherche menée à son terme. Il se distingue des diplômes d’exercice en médecine, en chirurgie dentaire ou en pharmacie, qui autorisent l’exercice des professions correspondantes.

Par l’amendement AC27, nous proposons de permettre aux titulaires du grade de docteur de faire usage de ce titre comme civilité. Cela lui donnerait une plus grande visibilité et favoriserait la reconnaissance par la société française du diplôme national de doctorat, plus haut grade universitaire.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il s’agit d’une situation spécifique à la France. Dans les pays anglo-saxons, c’est le titulaire d’un PhD qui est appelé « docteur », tandis que le docteur en médecine, le MD, est le « medic ». Il serait en effet souhaitable qu’en France tous les docteurs puissent faire valoir leur titre et être reconnus comme tels. Avis favorable.

Mme Elsa Faucillon. Je ne suis pas sûre de bien saisir l’intérêt de ces amendements. Autant je soutiens sans réserve les dispositions qui consistent à mieux faire reconnaître le grade de docteur dans le cadre de l’activité professionnelle, dans la fonction publique ou encore dans le calcul de la pension de retraite, car je pense que c’est un apport pour la société française et qu’il importe d’inscrire dans le parcours de vie toutes ces années d’études et de recherche, autant je m’interroge sur la nécessité que ce titre apparaisse sur une carte de visite. Ce n’est pas dans notre culture, même si cette pratique peut avoir cours dans d’autres pays occidentaux. Cela répondrait-il à autre chose qu’à la recherche d’une marque de distinction ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je partage un peu votre opinion. En réalité, personne ne vous empêche de vous faire appeler docteur quand vous avez un doctorat ! L’usage social est celui qu’on en fait.

Si je n’ai pas, néanmoins, d’objection particulière à opposer à l’amendement AC477, en revanche, faire du titre de docteur un élément de l’état civil me semble problématique. C’est pourquoi je préférerais la formulation proposée par M. Raphan.

La commission adopte l’amendement AC477.

En conséquence, l’amendement AC27 tombe.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement AC112 de M. Sébastien Nadot.

La commission est saisie de l’amendement AC172 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Nous proposons une expérimentation afin que les laboratoires de recherche qui le souhaitent puissent demander l’aide des collectivités territoriales pour le montage de leurs demandes de subventions européennes, à l’instar de ce qui se pratique pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ou le Fonds social européen (FSE).

M. Philippe Berta, rapporteur. Pour avoir déjà participé au montage de projets de recherche européens, je peux vous assurer qu’il existe déjà, dans les délégations régionales du CNRS, dans celles de l’INSERM et dans les universités, des structures qui apportent leur aide aux scientifiques – et c’est heureux, car c’est un travail assez lourd ! Je pense que les régions seraient bien embarrassées si on leur confiait cette mission. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Titre V
Mesures de simplification et autres mesures

Article 17
Simplification de l’organisation et du fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et des fondations partenariales

La commission examine l’amendement AC226 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez. Nous avons adopté hier un amendement au rapport annexé visant à confier au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation la tâche de recenser les bonnes pratiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes à partir des rapports annuels rédigés par les établissements. Le présent amendement, que Gaël Le Bohec et moi cosignons, en est le pendant : il s’agit de demander aux établissements de transmettre au ministère leur rapport d’exécution du plan d’action pluriannuel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, une fois celui-ci validé par le conseil d’administration ; le ministère intégrera ensuite à son bilan annuel sur l’état de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation une synthèse de l’ensemble des relevés.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable. Il me semble bien trop lourd d’imposer par la loi une telle obligation de recensement et de synthèse.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Imposer la transmission de ces rapports au ministère afin que celui-ci en fasse une synthèse annuelle me paraît un processus lourd et complexe. En outre, il s’agit d’un simple rappel de l’obligation incluse dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et qui a été renforcée par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Cette obligation s’impose donc déjà à l’État et à l’ensemble des établissements publics. Comme je comprends néanmoins l’intention des auteurs de l’amendement, je propose qu’ils le retirent et que nous le retravaillions ensemble en vue de l’examen en séance publique.

Mme Céline Calvez. J’accepte de le retirer, mais cela pose quand même question… Il faudrait que ce que nous avons inscrit dans le rapport annexé trouve une traduction concrète dans la loi ! Il serait bon de retravailler l’amendement en ce sens.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC450 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il tend à préciser que les conditions dans lesquelles un président d’université peut déléguer une partie de ses pouvoirs – ce qui est une innovation du texte – seront définies par le règlement intérieur de l’établissement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC449 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AC303 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Dans la mesure où des représentants du patronat seront appelés à siéger au conseil d’administration, il nous semble essentiel de prévoir que siégeront également des représentants des organisations représentatives des salariés, afin que soient représentés l’ensemble des partenaires sociaux.

M. Philippe Berta, rapporteur. Dans les conseils d’administration actuels siègent les représentants des professionnels concernés, ainsi que ceux des étudiants. Si l’on y ajoutait les représentants des organisations représentatives des salariés, ils deviendraient pléthoriques ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC78 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Il tend à supprimer l’alinéa 14. La volonté de simplification nous semble un prétexte pour amoindrir le rôle de la commission de la recherche du conseil académique.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AC304 de Mme Josette Manin.

Elle est saisie de l’amendement AC451 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. Il s’agit de réintroduire la consultation de la commission de la recherche du conseil académique des universités sur les conventions conclues avec les organismes de recherche, celles-ci étant de nature à préciser les relations des opérateurs entre eux ainsi que le cadre d’intervention des équipes de recherche mobilisées au sein des laboratoires. En revanche, la simplification des modalités de détermination des règles de fonctionnement des laboratoires serait maintenue.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC312 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Le mandat des représentants des étudiants est moitié moins long que celui des personnels de l’université. Par conséquent, en cas de vacance d’un siège à six mois de la fin du mandat, un non-renouvellement reviendrait à ne pas avoir de représentant durant le quart de la durée totale dudit mandat, ce qui ne serait pas sans conséquence sur la représentation des usagers au sein de la gouvernance des établissements d’enseignement supérieur. Le présent amendement vise donc à abaisser à trois mois avant la fin du mandat le seuil de non‑renouvellement.

M. Philippe Berta, rapporteur. Les élections aux conseils universitaires sont déjà rendues difficiles par le faible nombre d’électeurs, mais dans le cas d’élections partielles, c’est encore pire – je peux en attester pour avoir dirigé un établissement public. Le risque est qu’on se retrouve sans électeur du tout ! L’objet de cette disposition du projet de loi est de procéder à une simplification qui, pour être juste, doit s’appliquer dans les mêmes termes à tous les membres des conseils. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AC311 de Mme Josette Manin.

Elle examine l’amendement AC79 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Le rythme, extrêmement soutenu, de l’examen de ce projet de loi par la commission est assez éloigné de celui de la recherche ! Nous avons jusqu’à minuit, monsieur le président : peut-être pourrions-nous au moins prendre le temps de voter les amendements ?

L’amendement AC79 tend à supprimer les alinéas 32 et 33. Nous souhaitons rappeler notre opposition à la libéralisation progressive du service public de la recherche et contestons, par conséquent, la facilitation des conventions entre établissements publics à caractère scientifique et technologique et entités de droit privé. Ces conventions pouvant, en effet, conduire le secteur public de la recherche à gérer des contrats, exploiter des brevets et licences ou encore commercialiser les produits de son activité, nous considérons qu’elles comportent des risques de dérives trop importantes.

Vous tweetiez tout à l’heure, madame la ministre, que le projet de loi allait rendre notre système « beaucoup plus compétitif ». Pour ma part, ce n’est pas le mot que j’emploierais pour parler de la recherche. À mon sens, le premier objectif de la recherche, ce n’est pas d’être compétitive par rapport aux autres pays – tout comme ce n’est pas d’être rentable. Cela ne signifie pas qu’elle ne doit pas l’être, mais ce n’est pas sa raison d’être.

M. le président Bruno Studer. Permettez-moi de vous indiquer, madame Faucillon, que j’ai donné la parole à tous ceux qui me l’avaient demandée.

Mme Elsa Faucillon. Les réponses du rapporteur sont rapides, voire inexistantes !

M. le président Bruno Studer. Quand un amendement est déclaré défendu, il est d’usage que le rapporteur donne une réponse rapide – et je crois que tout à l’heure, vous avez obtenu les précisions souhaitées.

Mme Frédérique Vidal, ministre. La procédure en question a pour objet de faciliter l’approbation des conventions liant les établissements à leurs filiales de valorisation. La procédure sera aussi exigeante et répondra aux mêmes critères qu’aujourd'hui, l’objectif étant de garantir à l’établissement une réponse rapide de l’administration, en posant comme principe que passé un certain délai, l’accord est réputé acquis. Ce sera donc une source de simplification pour l’établissement comme pour l’administration, qui pourra recourir au principe selon lequel silence vaut accord. Je suis défavorable à l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC452 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement vise à étendre aux dirigeants des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC)
– le CEA en est un – la possibilité de décider qu’une délibération sera organisée au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle ou par l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie. Cette possibilité, ouverte de manière transitoire pendant la période d’état d’urgence sanitaire, en application de l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020, s’est avérée des plus utiles pour ces établissements. Il n’y a aucune raison qu’ils ne continuent pas à bénéficier, en la matière, des mêmes facilités que les autres organismes de recherche.

M. Patrick Hetzel. Voilà qui prouve qu’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances n’est pas une garantie de bon fonctionnement… Je fais partie de ceux qui sont plutôt hostiles à ce que le Gouvernement recoure de manière systématique à cette procédure ; je pense que les ordonnances visent en réalité à empêcher le Parlement de débattre du sujet. Nous en avons là une parfaite illustration !

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 17 modifié.

Article 18
Autorisation des conventions de mandats, des dons et des legs pour l’Institut de France

La commission est saisie de l’amendement AC156 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Cet amendement vise à aligner le régime du droit d’auteur des agents publics en poste à l’Institut de France et dans les académies qui le composent sur celui des autres agents publics. L’article L. 111-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle reconnaît aux agents publics auteurs d’œuvres de l’esprit un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Afin de ne pas gêner le bon fonctionnement du service, l’article L. 121-7-1 encadre le droit moral des agents publics concernés. Pour ce qui est du droit d’exploitation, il est prévu à l’article L. 131-3-1 du même code que « dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent de l’État dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’État ».

Ce régime dérogatoire est applicable aux agents de l’État et, en vertu des dispositions de l’article L. 131-3-2 du même code, à ceux des collectivités territoriales, des établissements publics à caractère administratif, des autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale et de la Banque de France. Le présent amendement vise à en étendre l’application, dans les mêmes conditions, aux agents de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques. Cela permettra un meilleur fonctionnement du service public assuré par l’Institut.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis favorable. Il n’y a aucune raison de ne pas aligner le régime applicable en matière de droits d’auteur aux agents publics de l’Institut et des académies sur celui des autres agents publics.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 18 modifié.

Article 19
Régime de déclaration préalable des activités accessoires des chercheurs et des enseignants-chercheurs

La commission adopte l’article 19 sans modification.

Article 20
Dispositions de simplification en matière de formation dans l’enseignement supérieur

La commission examine l’amendement AC83 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. L’amendement vise à supprimer l’alinéa 5, qui étend les procédures de sélection aux formations préparant à des licences professionnelles. Vous savez combien nous sommes opposés au principe de sélection, qui a marqué votre entrée en fonction, madame la ministre, avec Parcoursup.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je ne qualifierais pas de la même manière que vous le fait d’avoir permis à un peu plus de 50 000 étudiants de rejoindre l’enseignement supérieur et de commencer à voir ces étudiants réussir de plus en plus en premier cycle.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’entrée en licence professionnelle a toujours été soumise à une sélection, dans la mesure où les promotions n’excèdent pas vingt‑cinq étudiants. L’accomplissement d’un stage y est également obligatoire. La carte de France de ces licences est très fournie et très évolutive, car elles correspondent à des besoins ponctuels dans les territoires. À ma connaissance, il y a plus d’offres que de demandes, qui proviennent majoritairement des IUT et des BTS. En réalité, la sélection est donc très peu pratiquée. Avis défavorable.

Mme Elsa Faucillon. Je ne sais pas de quel type de licences professionnelles vous parlez. Dans celles qui sont proposées à l’université, la sélection existe depuis plus de vingt ans. J’ai pu constater à quel point elles étaient discriminantes sous plusieurs aspects : coût du stage, genre, classe sociale voire race. S’il n’y a pas de demande, comme vous le dites, pourquoi instaurer une sélection ?

M. Patrick Hetzel. Il me semble qu’il y a un problème de forme, puisque l’amendement de Mme Faucillon vise à supprimer l’alinéa 5 quand elle voudrait apparemment supprimer l’alinéa 6.

Mme Elsa Faucillon. Si l’alinéa 5 est supprimé, les alinéas 6 et 7 n’ont plus lieu d’être.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame Faucillon, je réfute vos propos sur le racisme dans les universités. Il est très grave de prétendre que l’accès aux licences professionnelles se fait en fonction de la race. Si c’était le cas, il faudrait bien évidemment le dénoncer.

Mme Elsa Faucillon. Je note que la discrimination de classe ou de genre ne pose, quant à elle, pas de problème…

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le racisme est puni par la loi.

Mme Elsa Faucillon. J’ai expliqué à quel point la sélection ne favorisait pas les femmes, les classes populaires et les personnes de couleur. Ces données sont documentées. Je n’ai jamais pointé une institution pour son racisme !

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AC454 du rapporteur est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC175 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement vise à revenir à ce qu’avaient prévu la stratégie de Lisbonne de 2000 et celle de Göteborg en 2001 : la mise en place d’une vraie économie de la connaissance et des compétences, par des modèles expérimentaux, au profit d’un territoire, dans une logique d’égalité des chances, d’un épanouissement des jeunes diplômés, et en parcours de formation tout au long d’une vie.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC535 du Gouvernement.

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’amendement vise à simplifier les modalités d’appréciation de la date d’admission à concourir. Actuellement, pour la fonction publique d’État, la date est fixée par la loi, alors que la loi relative à la fonction publique hospitalière reste muette sur le sujet, les dates n’étant pas toujours clairement fixées dans les statuts particuliers. Cette exigence de simplification s’est notamment manifestée à l’occasion de la crise sanitaire, au cours de laquelle sont apparues des difficultés d’interprétation ayant trait aux silences des statuts particuliers quant aux conditions d’admission à concourir. Les dispositions proposées ont ainsi vocation à répondre à cette difficulté, en clarifiant les conditions applicables pour les candidats et les gestionnaires. Pour la la fonction publique d’État, la mesure vise, en outre, à clarifier l’applicabilité de la date de référence par défaut, en particulier s’agissant de l’emploi titulaire hors concours.

M. Patrick Hetzel. Je ne peux m’empêcher de me demander, à la vue de tels amendements, si le projet de loi a bien été préparé aussi méthodiquement que nous le dit le Gouvernement. La question aurait dû être traitée en amont, pour nous laisser le temps de sous‑amender.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

L’amendement AC176 de Mme Béatrice Descamps est retiré.

La commission adopte l’article 20 modifié.

Après l’article 20

La commission est saisie de l’amendement AC177 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement vise à mettre en avant l’employabilité des formations et non leurs stricts résultats diplômants. Il s’agit de redéfinir avec les représentants des employeurs publics et privés les critères d’employabilité des jeunes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC453 du rapporteur.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’amendement entend tirer les conséquences de la crise sanitaire, en permettant de façon pérenne aux autorités compétentes de prendre toutes mesures d’adaptation des modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur en cas d’urgence, comme la dématérialisation des épreuves. Cette disposition avait dû être expressément prévue par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020‑351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire.

La commission adopte l’amendement.

Article 21
Ratification et modification de l’ordonnance du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, regroupement ou fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche

La commission examine les amendements de suppression AC80 de Mme Elsa Faucillon, AC248 de M. Michel Larive et AC305 de Mme Josette Manin.

Mme Elsa Faucillon. L’article ratifie l’ordonnance du 12 décembre 2018 qui crée de nouvelles dérogations en matière de regroupement d’universités et d’établissements. Opposés à ces politiques de regroupement, qui ne répondent d’ailleurs même pas aux ambitions promises, nous souhaitons le retrait pur et simple de cette ordonnance.

M. Michel Larive. L’article ratifie l’ordonnance du 12 décembre 2018 et la modifie, afin de favoriser la création de communautés d’universités et d’établissements (COMUE) expérimentaux. Les politiques de regroupement répondent à une volonté des gouvernements de différenciation des universités, à l’américaine, entre des universités à vocation internationale et des universités de proximité, en charge d’assurer la mission de service public. Elles organisent la concurrence entre regroupements, afin de capter les fonds du programme d’investissements d’avenir (PIA) ou de l’ANR. L’étude d’impact est d’ailleurs assez claire : la plupart des établissements qui doivent bénéficier du programme d’investissements d’avenir ont déjà été créés. Ces regroupements n’ayant pas de sens, notre groupe demande la dissolution des COMUE et propose de rassembler les établissements dans une seule structure nationale, souple et démocratique.

Mme Josette Manin. L’amendement vise à supprimer la ratification de l’ordonnance COMUE, laquelle n’a fait qu’introduire une immense confusion dans le paysage universitaire français. Sa ratification précipitée, sans bilan du début de sa mise en place, serait une erreur.

M. Philippe Berta, rapporteur. L’ordonnance avait pour but de remettre un peu d’air dans le système et de permettre l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochements, de regroupements, voire de fusions de certains établissements d’enseignement supérieur. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Madame la ministre, ce système est un système de compétition, et vous le soutenez. Soit ! Les gens doivent l’entendre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Votre vision de la situation me semble faussée. Énormément d’établissements, qui sont ce que vous appelez des petites universités – un terme que je ne me permettrais jamais d’utiliser –, ont recours à cette ordonnance pour mener de véritables politiques de site, en lien avec les écoles de leur territoire, de manière à ce que l’offre de formation ouverte aux jeunes soit concertée et qu’il y ait des passerelles. Les établissements se sont saisis de cette ordonnance volontairement et de façon tout à fait démocratique au sein de leur conseil d’administration.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC455 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AC306 de Mme Josette Manin.

M. Régis Juanico. J’ai plusieurs fois eu l’occasion d’évoquer les très grandes difficultés dans lesquelles se trouve le processus de création de l’université cible prévue par le projet IDEX, entre Lyon et Saint‑Étienne. L’amendement vise à soumettre la transformation d’une COMUE à l’approbation des conseils d’administration de ses établissements membres. L’article veut faire de la transformation d’une COMUE en COMUE expérimentale une simple mise à jour des statuts, non soumise à l’approbation des conseils d’administration des établissements membres, soit un pouvoir discrétionnaire du chef d’établissement. Or cette opération est loin d’être une simple opération technique, car elle peut changer fortement les équilibres internes au sein de la COMUE.

Par ailleurs, la possibilité ouverte aux COMUE expérimentales de modifier leurs statuts sans contrôle de l’autorité réglementaire semble contraire à l’idée même d’expérimentation, toute expérimentation supposant au contraire un suivi, ce qui implique qu’elle soit connue de l’autorité réglementaire.

M. Philippe Berta, rapporteur. Votre proposition ne va pas dans le sens de l’assouplissement recherché. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC456 du rapporteur.

Elle est saisie de l’examen de l’amendement AC315 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. L’amendement vise à exiger une majorité des deux-tiers des conseils d’administration des établissements concernés lors de la création d’une COMUE. Actuellement, l’alinéa 2 de l’article 2 de l’ordonnance indique que le décret portant création d’un établissement public expérimental en approuve les statuts après qu’ils ont été adoptés par chacun des établissements le composant, par délibérations statutaires du conseil d’administration prises à la majorité absolue des membres en exercice. Compte tenu de l’importance et des conséquences d’une telle fusion, nous suggérons de remplacer cette majorité simple par une majorité renforcée.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 21 modifié.

Article 22
Habilitations à légiférer par voie d’ordonnances

La commission examine les amendements de suppression AC92 de M. Patrick Hetzel, AC249 de Mme Muriel Ressiguier et AC314 de Mme Josette Manin.

M. Patrick Hetzel. L’amendement vise à supprimer l’article 22 qui habilite le Gouvernement à intervenir par ordonnance sur des sujets très importants : la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs ; la procédure applicable aux utilisations confinées de risque nul ou négligeable d’organismes génétiquement modifiés ; les modalités selon lesquelles les avis et recommandations relatifs aux biotechnologies sont élaborés, sur lesquelles l’OPECST a un rôle à jouer ; les notions de cours et d’établissements d’enseignement supérieur privés ; les modalités de leur habilitation à recevoir des boursiers. Les parlementaires ont leur mot à dire sur de tels sujets.

Mme Muriel Ressiguier. Nous sommes également opposés à cette habilitation à légiférer par ordonnances.

Mme Josette Manin. Nous sommes opposés à ces ordonnances : les premières sont sans rapport avec le projet de loi et touchent à des domaines sensibles ; les autres concernent les établissements d’enseignement supérieur privés, et reviennent à privatiser l’enseignement supérieur. Il nous semble nécessaire de concerter les acteurs concernés et de s’en remettre au Parlement.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je ne peux pas vous suivre, dans la mesure où ces habilitations me semblent pleinement justifiées. Je vous renvoie à l’étude d’impact du projet de loi, qui explicite ce choix des ordonnances dans les différents domaines concernés. Les raisons tiennent pour l’essentiel à leur technicité qui leur permet difficilement d’être traités dans le cadre d’une loi de programmation de la recherche. Les modifications que nous souhaitons apporter sont clairement présentées dans l’exposé des motifs. Si l’objet précis de l’une ou l’autre de ces habilitations pouvait vous paraître obscur, le Gouvernement se ferait un plaisir de vous éclairer. Sur certains sujets, il faut évidemment ouvrir des concertations et des discussions, de manière à avoir des textes simplifiés et compréhensibles. C’est tout l’objet du travail technique permis par les ordonnances.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement AC313 de Mme Josette Manin.

Elle examine l’amendement AC81 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Je constate, non sans regret, que M. Hetzel a été plus maximaliste que moi, en proposant de supprimer tout l’article 22. Cette marque de tiédeur sera corrigée pour la séance ! J’ai, pour ma part, retenu les sujets qui avaient le plus prêté à débat, notamment les OGM et la traçabilité des semences résistantes aux herbicides. Modifier cela par ordonnance me semble dangereux, non pas tant parce que je n’aurais pas confiance dans le Gouvernement, mais parce que ces sujets ont besoin d’être débattus. Je ne sais trop si vous avez voulu aller vite ou si vous avez mis dans cet article tout ce qui traînait dans les ministères, mais ça ne va pas.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je voudrais réagir au mot « OGM », tellement galvaudé qu’il nécessite une explication. Il faudrait distinguer les OGM, les organismes génétiquement modifiés – nous en sommes tous, puisque nous mutons en permanence –, et les VGM, les végétaux génétiquement modifiés. Les OGM concernés par le texte sont les OGM de classe 1, soit ce que nous produisons au quotidien depuis les années soixante-dix : des bactéries intégrant des plasmides pour produire de l’insuline, des mouches modifiées génétiquement pour étudier l’impact de la modification sur leur développement ou des souris mutées avec une pathologie humaine. Tous ces OGM sont parfaitement inoffensifs, et on procède à de telles manipulations des dizaines de milliers de fois tous les jours dans les laboratoires. Pour les végétaux, il s’agit, au contraire, de permettre une meilleure traçabilité de ceux qui sont résistants aux herbicides.

M. Patrick Hetzel. Un clin d’œil à Mme Faucillon : nous pourrions optimiser nos chances de réussite, en proposant et un amendement de suppression de l’article et des amendements de suppression par alinéa.

Mme Elsa Faucillon. C’est entendu, monsieur Hetzel ! Vos propos, monsieur le rapporteur, m’étonnent un peu. Le recours quotidien à ces manipulations suppose‑t‑il de passer par voie d’ordonnance et d’empêcher l’Assemblée de se saisir de ces sujets et de disposer de toutes les données pour se prononcer ? La révision des lois de bioéthique, avant les congés d’été, pouvait concerner des actes pratiqués quotidiennement ; or nous avons parfois passé des heures à en débattre. Vous avez, par exemple, parlé de tests sur des animaux : peut‑être avons‑nous des choses à en dire.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je le répète, il ne s’agit que d’ajustements techniques, car nous devons transcrire dans la loi les mesures de simplification prévues par les directives européennes afin de ne pas soumettre nos chercheurs à des contraintes réglementaires plus lourdes que celles qui pèsent sur leurs collègues européens.

M. Michel Larive. On peut ne pas être d’accord avec les directives européennes !

Mme Frédérique Vidal, ministre. C’est l’objet de l’ordonnance de simplification qui concerne l’utilisation des OGM en milieu confiné présentant un risque nul ou négligeable.

Par ailleurs, le Haut Conseil des biotechnologies avait été créé, en partie, pour réorganiser les modalités d’expertise des biotechnologies. Or force est de constater qu’à l’issue de deux mandats, malgré une révision de son organisation au cours du second mandat, le Haut Conseil n’a pas atteint ses objectifs, comme en témoignent les nombreuses démissions intervenues ces dernières années.

En raison des enjeux, nous voulons séparer les considérations d’ordre éthique et social de l’évaluation des risques et des bénéfices afin d’éclairer utilement la décision publique. En particulier, nous souhaitons améliorer les conditions du débat public dans le domaine des biotechnologies.

Ces ordonnances ont donc bel et bien vocation à proposer des solutions techniques.

M. Michel Larive. Le sujet est majeur puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, du sens que nous voulons donner à notre société. Nous ne sommes pas ici pour mesurer l’intérêt scientifique des OGM ni même des mesures que ce texte prévoit mais pour débattre de questions d’ordre sociétal. Nous sommes des législateurs, pas des scientifiques. Loin de nous l’intention de freiner le progrès mais nous devons l’encadrer pour lui donner une orientation conforme à notre vision de la société et prévenir des conséquences néfastes pour elle.

Nous examinons un projet de loi de recherche : nous n’avons pas à évaluer les données scientifiques. Je n’ai pas été élu pour supporter votre condescendance et votre suffisance. J’ai les mêmes droits que vous et je ne suis pas là pour écouter vos leçons ou m’entendre dire que ma vision de la société est faussée, que je n’ai pas compris le texte et que je vis en dehors des réalités. Pourquoi, au contraire, n’aurais-je pas le droit de m’opposer au nom de ma vision de la société, de ma compréhension, de mon sens du réel ? Nous sommes en démocratie !

Mme Elsa Faucillon. Ce n’est pas bien ! La discussion du projet de loi bioéthique ne s’est pas passée ainsi.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement AC82 de Mme Elsa Faucillon.

La commission est saisie de l'amendement AC529 du Gouvernement.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Dans sa décision du 7 février 2020 relative à la mutagenèse et aux variétés rendues tolérantes aux herbicides, le Conseil d’État enjoint le Gouvernement d’appliquer les recommandations que l’Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a émises dans son avis du 26 novembre 2019. L’ANSES a, en effet, identifié des facteurs de risques d’apparition et de développement de résistance des adventices aux herbicides. Le Conseil d’État a, par conséquent, considéré que l’usage de ces variétés rendues tolérantes aux herbicides devait être accompagné d’un suivi des cultures et de pratiques culturales destinées à limiter l’apparition des résistances.

L’amendement vise ainsi à compléter la disposition prévue pour les variétés tolérantes aux herbicides afin de fixer les conditions particulières de leur mise en culture, parallèlement à leur traçabilité, conformément à l’injonction du Conseil d’État.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AC309 de Mme Josette Manin.

La commission est saisie de l’amendement AC530 rectifié du Gouvernement.

Mme Frédérique Vidal, ministre. En cohérence avec les objectifs portés par le projet de loi dans le domaine de la recherche spatiale, cet amendement tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour favoriser la recherche et le développement, en actualisant le cadre juridique applicable aux activités spatiales, régies par une loi du 3 juin 2008 qui a très peu évolué depuis son entrée en vigueur alors que le contexte spatial a subi de profondes transformations. Il était donc devenu nécessaire d’adapter la législation à ces évolutions afin de favoriser la recherche dans le secteur spatial et d’accompagner le développement des opérateurs.

Cette habilitation vise à couvrir l’ensemble du spectre des évolutions nécessaires, qu’il s’agisse des opérations de lancement, de mise et de maintien à poste des objets spatiaux comme de leur retour dans l’atmosphère, du recueil et de la diffusion des données d’origine spatiale, des activités menées dans l’espace comme les services en orbite ou encore des acteurs impliqués dans ces domaines.

Il sera nécessaire, en particulier, de clarifier certains termes de la loi, dont celui d’opérateur spatial, d’étendre le champ d’application de la loi et d’en adapter les dispositions à de nouvelles technologies, activités, objets ou véhicules, d’instituer et de moderniser des régimes d’immatriculation et d’autorisation applicables aux opérations et activités spatiales.

Ces évolutions devront tenir compte de la nécessité de préserver et de garantir les intérêts de la défense nationale, en encadrant le développement des opérations spatiales militaires.

M. le président Bruno Studer. Il semblerait, madame la ministre, que l’amendement doive mentionner l’alinéa 13 en plus du 12 pour pouvoir « tourner ».

Mme Frédérique Vidal, ministre. Rectifions-le en ce sens.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

La commission adopte l’article 22 modifié.

Article 23
Dissolution de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC457 du rapporteur.

Elle adopte l’article 23 modifié.

Article 24
Comités territoriaux de la recherche en santé

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC73 de M. Patrick Hetzel et AC93 de M. Bertrand Bouyx.

M. Patrick Hetzel. Il est prévu d’introduire à l’article L. 6142-13 du code de la santé publique un comité territorial de la recherche en santé. Ce nouvel organe serait placé sous la responsabilité conjointe du centre hospitalier universitaire et de l’université. Nous proposons d’insérer à l’alinéa 2, après le mot « territorial », le terme « universitaire », pour lever toute ambiguïté.

La recherche doit être traitée sous l’angle universitaire, à la demande de la conférence des doyens de médecine mais aussi des professeurs d’université qui ont des composantes médicales, ce qui est cohérent. Que les directeurs généraux des centres hospitaliers universitaires commencent par s’occuper de la gestion du volet hospitalier avant de chercher à étendre, une nouvelle fois, leur périmètre d’action. Nous devons maintenir le principe du pilote unique.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable, car l’objectif est de réunir dans un même site les acteurs de la santé : les acteurs hospitaliers universitaires, les professionnels de la santé privée, éventuellement des membres du conseil national de l’ordre des médecins pour intégrer aussi la médecine générale, les acteurs de la recherche, qu’il s’agisse de la recherche clinique en visant les centres hospitaliers universitaires ou de la formation et de la recherche publique, en ciblant les universités mais aussi les organismes de recherche comme l’INSERM, le CNRS, l’Institut de recherche pour le développement, l’Institut Pasteur en région parisienne.

Il a donc été décidé de confier la responsabilité de l'animation et de la coordination au CHU et à l’université pour atteindre un équilibre et couvrir tous les aspects, de la santé à la recherche.

M. Patrick Hetzel. Le rejet de ces amendements posera deux problèmes. Tout d’abord, la crise sanitaire nous aura prouvé, s’il en était besoin, que nous ne devions pas avoir une vision centrée exclusivement sur l’hôpital. Les doyens de médecine nous invitent à tenir compte aussi du volet ambulatoire et des autres formations médicales.

Ensuite, les universités nous aussi alertés quant au risque qu’elles se retrouvent au second plan si la coordination du dispositif est confiée au centre hospitalier universitaire.

Nous tenions à vous prévenir, car nous avons bien compris que le ministère de la santé vous incitait fortement à prendre une telle mesure. Il nous appartient, à l’occasion de l’examen d’un texte concernant la recherche, de défendre la place des universités.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement AC260 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Il s’agit d’associer les laboratoires vétérinaires aux membres du comité territorial de la recherche en santé. Pendant la crise sanitaire, leur aide a été assez longtemps refusée alors qu’ils auraient pu réaliser, eux aussi, des tests.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je comprends votre réflexion car, en effet, les laboratoires vétérinaires ont été d’un précieux renfort en participant à l’établissement des diagnostics de la maladie covid-19 par la réalisation de tests RT‑PCR. Il s’agissait cependant de répondre à des circonstances exceptionnelles. La santé animale et la santé humaine relèvent de deux champs bien distincts, gérés par des instances différentes. Du reste, la santé animale relève du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, pas du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Avis défavorable.

M. Michel Larive. J’ai bien compris qu’il fallait distinguer la recherche sur l’animal de la recherche sur l’humain mais la covid-19 étant une zoonose, notre proposition ne me semble pas idiote.

Mme Géraldine Bannier. Je ne suis pas d’accord avec l’exposé sommaire de l’amendement : cet été, en Mayenne, les laboratoires vétérinaires ont largement participé aux campagnes de tests.

M. Philippe Berta, rapporteur. Je rebondis sur des propos déjà entendus : nous sommes réunis pour aborder le sujet de la recherche. Les plateformes de diagnostic covid-19 par PCR sont répertoriées et connues dans chaque département. On les trouve dans de nombreuses structures différentes : les laboratoires académiques, les hôpitaux, les laboratoires privés, les entreprises de production de produits vétérinaires, les entreprises pharmaceutiques. Il y en a partout. Il s’agissait donc, en l’espèce, d’accéder à des plateformes supplémentaires si nécessaire, pas de mener des recherches de manière collaborative.

En revanche, votre réflexion est intéressante en ce que, en effet, nous avons affaire à une zoonose. La santé végétale a des conséquences sur la santé animale qui en a elle-même sur la santé humaine. Je suis d’accord avec vous. Cependant, je ne vois pas comment associer les quatre écoles vétérinaires de notre pays même si on peut imaginer qu’elles participent, depuis leur lieu d’implantation. Je le répète, ce sont des situations particulières.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AC381 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de modifier l’alinéa 4 pour que le comité territorial de la recherche en santé ne soit plus piloté conjointement par le centre hospitalier universitaire et l’université mais uniquement par l’université, qui a seule vocation à coordonner la recherche en santé, par nature pluridisciplinaire.

M. Philippe Berta, rapporteur. Avis défavorable, car ce serait oublier la recherche clinique, complémentaire de la recherche fondamentale, et qui intègre en particulier les essais cliniques. Nous sommes dans la lignée du parcours du médicament ou du dispositif médical.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l’article 24 sans modification.

Article 25
Reclassement rétroactif de certains agents

La commission adopte l’article 25 sans modification.

Après l’article 25

La commission est saisie de l’amendement AC328 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. La crise sanitaire a démontré l’importance des interactions entre le milieu naturel et l’homme. Il est donc essentiel que les travaux de recherche qui traitent spécifiquement des questions environnementales, énergétiques et sanitaires soient évalués par le législateur pour vérifier que les engagements de l’État soient bien suivis d’effets.

Nous proposons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement qui permette de mesurer la portée des travaux et des avancées pour la société.

M. Philippe Berta, rapporteur. La recherche environnementale est un domaine extrêmement intéressant qui m’a passionné durant des années. Cependant, la remise d’un rapport ne permettra pas de répondre aux attentes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Titre

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC86 de M. Patrick Hetzel et AC65 de Mme Marie-George Buffet.

M. Patrick Hetzel. Ce projet de loi de programmation devrait porter sur sept ans et non dix. Hélas ! le Gouvernement ne le souhaite pas, contrairement à l’avis du Conseil d’État.

Mme Elsa Faucillon. L’amendement AC65 vise à substituer la date de 2025 à celle de 2030. Le Conseil d’État considère qu’il est inédit de prévoir une loi de programmation pour dix ans. En soi, la critique n’est pas très virulente mais une telle durée aurait pour effet de diluer la portée de ce texte. Mme Buffet a évoqué un texte de promesses budgétaires et je constate qu’il vous est difficile de nous prouver le contraire, en nous garantissant que les engagements que vous prenez aujourd’hui devant la représentation nationale seront tenus jusqu’en 2030.

La recherche, comme le monde associatif, a besoin de financements pérennes, indépendamment des appels à projets. Or le maximum des crédits que vous promettez est prévu à l’échéance d’une période de dix ans, dans le cadre d’appels à projets.

C’est pourquoi nous vous proposons de réduire la portée du texte à cinq ans, qui reste un délai suffisamment long pour préparer l’avenir, tout en concentrant la hausse des crédits sur les prochains exercices budgétaires. Je ne vois pas comment vous pourriez, sinon, respecter vos engagements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte ensuite l’ensemble du projet de loi modifié.

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*     *

 


En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 Texte adopté par la commission : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3339_texte-adopte-commission.pdf

 

 Texte comparatif : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-cedu/l15b3339-compa_texte-comparatif.pdf

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION des affaires Économiques

La commission des affaires économiques a procédé à l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (n° 3234), sur le rapport de M. Richard Lioger, lors de sa réunion du 14 septembre 2020 ([6]).

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, je souhaite tout d’abord la bienvenue à notre collègue David Corceiro, député du Val d’Oise (MODEM), suppléant de Nathalie Élimas, qui a intégré le Gouvernement auprès de M. Jean-Michel Blanquer fin juillet.

Nous reprenons nos travaux législatifs juste avant l’ouverture de la deuxième session extraordinaire. Ce programme sera très intense dans les prochaines semaines puisque nous serons amenés à examiner, d’ici début octobre, le projet de loi n° 3298 relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire, dit projet de loi « Betteraves », le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DADUE) et deux propositions de loi qui devraient être inscrites le 15 septembre, en Conférence des présidents, à l’ordre du jour des séances réservées au groupe Écologie, Démocratie, Solidarité (EDS). J’ajoute que nombre d’entre nous auront à travailler dans les prochains jours sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), qui fait l’objet d’une commission spéciale et dont M. Guillaume Kasbarian est rapporteur.

Dans l’immédiat, il nous appartient de donner notre avis sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, qui a été renvoyé au fond à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Je remercie d’ailleurs, en votre nom, le président Bruno Studer qui a accepté de repousser de quelques heures le début des travaux de sa commission pour nous permettre de nous réunir en ce début d’après-midi.

Le projet de loi comporte 25 articles. La commission des affaires économiques s’est saisie au titre de ses compétences en matière de recherche appliquée : elle n’a donc retenu que cinq articles dans le champ de sa saisine. Il s’agit des articles 1er – et rapport annexé – et 2, qui donnent les grandes orientations et l’évolution des crédits pour la période 2021 à 2030 ; des articles 13 et 14 sur la diffusion de la recherche dans les entreprises ; ainsi que des 2° et 4° de l’article 22 qui concernent les habilitations à légiférer par ordonnances sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et la traçabilité de certaines semences modifiées.

Un seul amendement, déposé par notre rapporteur pour avis, M. Richard Lioger, est en discussion.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. En cette période de bouleversements sanitaires, environnementaux, sociétaux et technologiques, le Gouvernement fait le choix de miser sur la recherche pour nous aider à répondre à ces grands défis et aussi contribuer à la relance économique de notre pays.

La recherche a besoin de moyens et de visibilité à long terme. Pourtant, cela faisait plus de seize ans qu’une loi de programmation pluriannuelle n’avait pas été présentée au Parlement. De fait, la situation de notre recherche nationale s’est beaucoup dégradée. Le projet de loi que nous allons examiner porte de grandes ambitions et mobilise des moyens d’un niveau inédit jusqu’alors.

L’État investira ainsi dans ses infrastructures de recherche, ses laboratoires et sur ses scientifiques plus de 25 milliards d’euros entre 2021 et 2030, pour atteindre en fin de période un supplément budgétaire annuel de 5,1 milliards d’euros.

Renforcer l’emploi scientifique en France est une priorité. Les crédits annoncés financeront une revalorisation, différenciée mais générale, des personnels de la recherche publique et relanceront les recrutements – notamment parmi les personnels ingénieurs, techniciens et administratifs qui ont payé le plus lourd tribut aux rationnements budgétaires de ces dernières années. Les syndicats des personnels regrettent que les emplois pérennes ne progressent pas davantage, mais ce plan permettra tout de même d’accroître les effectifs sous plafond de 5 200 emplois en équivalent temps plein travaillé, et de 15 000 emplois hors plafond. Une attention particulière est prêtée aux jeunes chercheurs et aux doctorants, avec une progression des contrats doctoraux de 20 %. De nouvelles modalités de recrutement seront créées pour s’adapter à la diversité des parcours professionnels. Le Gouvernement ouvrira notamment des chaires de professeur ou de directeur junior susceptibles d’attirer les talents les plus prometteurs, à un rythme de 300 par an en fin de période, s’ajoutant et non se substituant aux recrutements statutaires.

L’autre grand choix stratégique de cette programmation est de s’appuyer largement sur les appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour relancer les investissements dans la recherche publique et privée nationale. L’objectif est d’augmenter de 150 % son budget d’intervention. Sa trajectoire financière sera également deux fois plus rapide que les autres investissements les premières années, pour atteindre sa vitesse de croisière de 1 milliard d’euros supplémentaires par an dès 2027. Pour accélérer encore sa montée en puissance, le plan gouvernemental « France Relance », présenté le 3 septembre dernier, ajoutera 400 millions d’euros sur les deux prochaines années. Ces renforts devraient permettre d’obtenir un taux de succès aux appels à projets de l’ANR de 25 % dès 2021, alors qu’il n’est encore que de 16 % aujourd’hui. Ils amorceront aussi le nouveau dispositif du préciput que la programmation veut faire passer d’un taux de 19,6 % à 40 %. Ces deux évolutions devraient offrir de puissants leviers à la stratégie de consolidation et de redynamisation de la recherche nationale.

Selon son niveau, le taux de succès aux appels à projets de l’ANR peut décourager en effet les projets audacieux et désespérer les laboratoires par manque de perspectives. J’ai pu le constater pendant trois ans en tant que rapporteur pour avis du budget des organismes de recherche. Un bon taux de succès à ces appels à projets peut au contraire stimuler la créativité, favoriser les collaborations, et donner une première chance aux jeunes chercheurs. Quant au préciput, qui finance les frais de gestion des porteurs de projet et les charges pour les établissements hébergeurs, bien que notoirement insuffisant il est vital au fonctionnement des laboratoires et des établissements de recherche. Son doublement les consolidera en leur donnant de nouvelles marges de manœuvre pour financer d’autres projets.

Ces divers crédits et d’autres bénéficieront indirectement, par un environnement revivifié pour la recherche en général, ou directement à la recherche partenariale et à l’innovation ainsi qu’au renforcement de la contribution de la recherche nationale à la compétitivité des entreprises. L’ANR doublera à terme les dotations de plusieurs instruments de financement dédiés : les chaires industrielles, les laboratoires communs (LabCom) constitués entre le monde académique et une petite et moyenne entreprise (PME) ou une entreprise de taille intermédiaire (ETI) et les incitations à la création des instituts Carnot. Ces instruments ont montré leur intérêt pour renforcer les partenariats entre la recherche publique et les entreprises. Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), qui soutiennent les travaux d’un doctorant accueilli dans une entreprise, seront par ailleurs augmentées de 50 % d’ici 2027.

Enfin, des moyens seront mobilisés pour la maturation et l’accompagnement des projets d’entrepreneuriat étudiant et de création de start-ups, dans l’objectif de créer 500 start–ups de haute technologie par an à partir de 2030, contre 170 par an aujourd’hui.

Par ailleurs, quinze pôles universitaires d’innovation (PUI) seront labellisés pour augmenter l’efficacité du transfert des connaissances et technologies de la recherche publique vers les entreprises. Il s’agira de mettre en place, à l’échelle d’un grand site universitaire, sans création de structure nouvelle, une organisation qui rende plus lisible l’offre de transfert en associant étroitement les différents acteurs du transfert et de la recherche partenariale. Les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) pourront un jour être intégrées dans les universités comme des départements de transfert de technologies, mais le processus se fera progressivement. En attendant, les SATT conserveront leur statut d’entreprise.

La stratégie passera également par un assouplissement des dispositifs statutaires permettant à des personnels de la recherche publique de collaborer avec le monde économique. Ainsi, l’article 13 du projet de loi vise à élargir les possibilités des fonctionnaires civils des services et établissements de recherche de l’État de créer ou participer à la vie d’une entreprise, notamment comme associé ou dirigeant, dans le cadre de l’exécution d’un contrat conclu entre cette entreprise et leur employeur et dans les rigoureuses limites déontologiques fixées par la loi. Quant à l’article 14, il aménage les règles du cumul des activités publiques et privées, les étend à de nouveaux bénéficiaires, et reconnaît aux enseignants-chercheurs comme aux chercheurs la possibilité de percevoir un complément de rémunération des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), fondations ou entreprises auprès desquels ils sont mis à disposition à temps complet ou incomplet.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle porte donc une stratégie globale prometteuse pour la recherche en général et pour encourager le développement des collaborations entre le monde académique et le monde économique. On peut enfin en escompter un réel effet de levier sur la recherche privée, même si cette dernière dépend également d’autres facteurs.

Je donnerai donc un avis très favorable aux articles dont notre commission s’est saisie : l’article 1er, qui propose d’approuver le rapport annexé au projet de loi, pour ce qui est de la mobilisation des moyens budgétaires et de la stratégie de soutien à la recherche partenariale ; l’article 2, qui précise les trajectoires financières de l’ensemble des crédits investis et des dotations de l’ANR en particulier ; enfin, les articles 13 et 14, qui portent des réformes statutaires qui devraient faciliter les échanges des chercheurs avec les entreprises.

Je donnerai également un avis favorable à la demande du Gouvernement d’être habilité à légiférer par ordonnance sur deux sujets intéressant la recherche agricole – 2° et 4° de l’article 22.

M. Damien Adam (LaREM). Je me réjouis que notre commission ait été saisie pour avis pour étudier ce projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ce projet de loi mobilise des moyens essentiels pour que la France retrouve son leadership sur la recherche publique et privée et pour que nous puissions respecter les accords tacites passés dans les années 2000 en vue de consacrer 3 % du PIB à la recherche.

Ce projet a vocation à inverser en profondeur la tendance au décrochage et à l’affaiblissement de la recherche scientifique et technologique en France. Cette dernière décroche en effet progressivement du « top 10 » mondial depuis le début des années 2000, notamment du fait d’une allocation non optimale des moyens. Plusieurs outils sont proposés afin de contrecarrer cette tendance. Il est prévu de renforcer l’efficacité du financement de la recherche à travers un réinvestissement massif dans la recherche publique, qui aura également un effet d’entraînement sur la recherche privée. L’objectif est d’atteindre un effort national de recherche à hauteur de 3 % du PIB au moyen d’un effort public sans précédent : 25 milliards d’euros supplémentaires seront investis dans les dix prochaines années. Après l’annonce des 100 milliards d’euros du plan « France Relance », quelques milliards supplémentaires peuvent paraître anodins, mais en réalité ce montant est colossal.

Le deuxième objectif du projet de loi est de renforcer l’attractivité des carrières scientifiques. Il s’agit aussi d’un élément essentiel. De nombreux chercheurs français partent en effet à l’étranger pour subvenir à leurs besoins et avoir davantage de moyens à consacrer à leurs recherches. Il faut créer un choc d’attractivité des métiers de la recherche structuré autour de leur revalorisation, en mettant particulièrement l’accent sur l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes scientifiques ayant vocation à porter le nouvel essor de la recherche publique française et son rayonnement dans l’ensemble de la société.

Nous cherchons également à amplifier l’ouverture du monde académique vers les entreprises en élargissant les possibilités ouvertes aux agents publics pour créer une entreprise ou participer à la vie d’une entreprise existante afin de valoriser leurs travaux de recherche.

Comme à chaque loi de programmation, la question de la trajectoire est l’objet de critiques – moi-même, je peux en avoir à émettre – qui sont d’ailleurs parfois contradictoires. Ainsi, les fonds seraient insuffisants, prévus sur une trop longue période dépassant l’actuel mandat, incertains, ou mal ciblés. Il convient de rappeler que la programmation budgétaire est ambitieuse, progressive et poursuit un objectif de sincérité – comme tous les projets que nous conduisons depuis trois ans. L’objectif n’est pas de faire des promesses en l’air, mais des promesses effectivement applicables dans la durée.

Les syndicats ont émis des critiques concernant les risques possibles de précarisation des emplois. Ce sujet devra être étudié avec beaucoup d’attention. Cependant, le projet de loi vise justement à améliorer les conditions de recrutement et de travail des chercheurs en France. Cet élément est également essentiel pour agir en faveur de la recherche dans notre pays.

Tels sont les points cruciaux que je souhaitais souligner, sur lesquels j’espère que l’ensemble du Parlement apportera un vote favorable.

M. David Corceiro (MODEM). La situation de la recherche représente à elle seule un paradoxe français. D’un côté, les sous-investissements chroniques ont dégradé l’état de notre recherche, qui se caractérise désormais par une inflation administrative attirant de moins en moins de jeunes. De l’autre, l’excellence de la recherche française continue à être reconnue dans le monde entier et notre pays demeure une grande puissance scientifique. Cette situation paradoxale, nous la vivons depuis plusieurs mois au travers de la crise sanitaire dans plusieurs secteurs, notamment le secteur médical. Un soutien financier beaucoup trop faible depuis plusieurs décennies et une complexité administrative grandissante ont sclérosé nos établissements médicaux. Pourtant, la qualité de la médecine française et de notre système de soins suscite le respect dans le monde entier. Cet exemple pourrait se décliner dans les secteurs agricole ou scolaire.

Ce texte résulte néanmoins d’un travail de long terme entamé bien avant la crise due au coronavirus, car le déclin de notre recherche est pointé du doigt depuis de très nombreuses années. La crise ne fait que mettre en lumière un problème structurel. Plus que jamais, il est nécessaire de rendre l’essentiel de la carrière des métiers de la recherche plus attractif.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche entend favoriser nos talents français, mais également attirer des talents scientifiques étrangers en redonnant des perspectives pour l’emploi. Le groupe MODEM et apparentés soutient donc ce texte qui donne à nos scientifiques les moyens de bâtir un nouveau modèle cohérent et équilibré. Ce modèle, celui de la tenure track, a l’avantage de lutter contre la précarité à laquelle sont confrontés de nombreux étudiants en situation de post-doctorat.

Ainsi, le réinvestissement massif qu’insuffle le projet de programmation de la recherche est indispensable pour maintenir la France parmi les pays scientifiques de premier plan et garantir la souveraineté de son économie.

S’agissant des articles sur lesquels notre commission est saisie pour avis, sur la valorisation économique des résultats de la recherche et sur les recherches appliquées au secteur de l’agriculture, notre groupe approuve les orientations affichées qui redonnent des marges de manœuvre pour une stratégie de développement scientifique solide. L’articulation entre la recherche et le développement économique est en effet un axe majeur, essentiel pour bâtir une réelle économie de la connaissance.

Cette ambition d’augmenter la contribution de la science à la compétitivité des entreprises françaises et à la création de valeur et d’emploi pour notre économie emporte l’entière adhésion de mon groupe.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit de ma première venue en commission des affaires économiques.

M. le président Roland Lescure. Bienvenue !

M. Sébastien Nadot (Écologie, Démocratie, Solidarités). Merci.

La communauté de la science et de la recherche attendait avec impatience ce projet de loi de programmation de la recherche. C’est donc avec satisfaction et intérêt que le groupe EDS souhaite apporter sa contribution à l’examen de ce texte.

Dans cet esprit, nous avons déposé plus d’une cinquantaine d’amendements pour l’examen en commission des affaires culturelles et de l’éducation. Ce travail a été conduit en étroite collaboration avec les acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui ont pu nous alerter sur plusieurs points.

La trajectoire budgétaire qui structure ce texte sur une période inhabituellement longue ne correspond pas à un exercice budgétaire sincère, et ne correspond pas davantage aux enjeux du secteur ni aux réalités économiques et politiques de notre pays. Ramener la périodisation du projet de loi à 2027 s’impose à nos yeux. C’est ce que réclame l’ensemble des acteurs de la recherche du pays et ce que laisse entendre fortement le Conseil d’État dans son avis. De nombreux amendements émanant de plusieurs groupes parlementaires ont été déposés en ce sens. Il est important que le Gouvernement et la majorité ne s’opposent pas à cette amélioration cruciale du texte.

L’effort budgétaire doit par ailleurs se concentrer en début de période. Nous saluons à cet égard l’effort budgétaire consacré à la recherche par le plan de relance. Les annonces du Premier ministre devront, bien entendu, être suivies d’actes.

Le texte semble oublier les principaux acteurs de la recherche en France que sont les maîtres de conférences et les personnels administratifs. Rien sur l’articulation essentielle entre recherche et enseignement supérieur ! C’est un non-sens économique.

Concernant les nouveaux dispositifs de recrutement, l’étude d’impact ne permet pas d’émettre un avis fondé, en particulier sur le système de tenure track. Ce modèle d’inspiration anglo-saxonne semble ici plaqué sur le système français sans réflexion sur la cohérence d’ensemble. En tout cas, l’étude d’impact ne fournit pas d’éléments permettant de préciser les choses. La précarisation et la discrimination des femmes, que l’on constate dans les pays où existe ce système, ne semblent pas prises en compte dans le projet de loi. Plusieurs groupes parlementaires demandent la suppression de l’article 3. Nous espérons que le Gouvernement et la majorité comprendront qu’en l’état, l’introduction du système de tenure track en France est précipitée. Le projet de loi n’apporte pas de garanties suffisantes contre la précarisation et les effets de discrimination à l’encontre des femmes chercheurs. La mise en cohérence du dispositif avec la voie principale de recrutement par concours des enseignants-chercheurs n’est pas démontrée, voire ignorée.

La France, avec ses 28 % de femmes chercheuses, se situe sous la moyenne européenne à 33 %. Or ce texte ne comporte aucune invitation à une transformation vers l’égalité femmes-hommes dans le monde de la recherche.

Enfin, il manque une réflexion stratégique poussée sur les grands programmes de recherche. Quels sont les grands programmes à engager ou à accélérer ? Quels sont les programmes jugés non-prioritaires ? Pour une loi de programmation, une telle lacune ne laisse pas de surprendre !

D’autres sujets tout aussi essentiels sont malheureusement absents de ce projet de loi de programmation. La spécificité des sciences humaines et sociales n’apparaît pas. Est-ce un projet de loi sur la recherche, ou seulement sur l’innovation ? Que peut et que doit faire la France face aux défis environnementaux pour remplir les objectifs de développement durable auxquels elle a souscrit ? Comment atteindre vraiment l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 du plan climat ? Comment la recherche française s’inscrira-t-elle dans celle de l’Europe et quel doit être son rayonnement mondial ? Voilà des questions auxquelles nous aurions aimé trouver des réponses dans le projet de loi.

Le groupe EDS considère qu’un substantiel travail d’amélioration de ce texte est nécessaire.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Les propos qui viennent d’être tenus relèvent plutôt de la commission saisie au fond, voire de la commission des finances.

Nous avons auditionné la Conférence des présidents d’université (CPU) et l’ensemble des laboratoires unités mixtes de recherche (UMR) concernés par ce projet, notamment par l’abondement de l’ANR.

S’agissant de la précarisation, je peux dire qu’en tant que jeune chercheur recruté à 35 ans à l’université comme maître de conférences…

M. le président Roland Lescure. C’était hier !

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Merci ! J’aurais aimé bénéficier de cette manne de l’ANR pour pouvoir vivre sous contrat, voire faire mon doctorat en étant rémunéré. Cette loi prévoit qu’à terme, 100 % des docteurs auront un contrat doctoral et seront payés pendant leurs études. Nous avancerons donc vers des parcours beaucoup plus sécurisés.

J’entends par ailleurs votre question relative à l’égalité femmes-hommes, mais cela se joue à mon sens en amont. L’évaluation doit porter sur la qualité scientifique des travaux menés. En amont, le parcours doit conduire les femmes vers les doctorats, et favoriser l’égalité sur la qualité de la recherche. En revanche, nous ne pouvons pas introduire un critère sur ces questions, même s’il s’agit effectivement d’un problème important. Il incombe aux universitaires de faire en sorte que les femmes s’orientent davantage vers des doctorats, notamment dans les sciences dures.

Les programmes prioritaires sont là pour donner des priorités. Ainsi, 2,4 milliards d’euros sont prévus dans les PIA pour accélérer l’innovation notamment dans les domaines de l’hydrogène et de la cybersécurité. Des programmes prioritaires sont donc bel et bien fléchés dans une stratégie globale du Gouvernement portant sur ce qui apparaît comme des nécessités pour le développement de la France et de l’Europe.

M. Sébastien Nadot. Nos interrogations ne portent pas sur le montant dévolu aux PIA, mais sur leur contenu. Ira-t-on vers la recherche sur le nucléaire, ou vers autre chose ? C’est pourtant le propre d’une loi de programmation que de donner des indications en ce sens. Or nous n’en avons pas.

La question de l’égalité femmes-hommes constitue par ailleurs un point noir de la recherche. Or le système de tenure track revient à mettre les femmes en situation précaire en période de pré-recrutement, à l’âge où elles peuvent espérer avoir des enfants. Nous risquons donc de renforcer le problème, déjà très prégnant, de la faible place attribuée aux femmes chercheurs.

Vous dites enfin que 100 % des contrats doctoraux seront pris en charge. Voilà une bonne nouvelle pour tous les chercheurs en sciences sociales qui n’en attendaient pas moins ! Il me semble cependant qu’il ne s’agit pas d’une interprétation satisfaisante du texte.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi dont elle s’est saisie.

Article 1er : Approbation du rapport annexé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1eret du rapport annexé.

Article 2 : Programmation des crédits budgétaires de la recherche

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2.

Article 13 : Participation d’agents publics à une entreprise pour valoriser des travaux de recherche

La commission examine l’amendement CE2 du rapporteur pour avis.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Il nous a paru nécessaire de rectifier une disparité créée par l’article 13 entre les droits des fonctionnaires civils de l’État et ceux des personnels de la fonction publique hospitalière (FPH), notamment des établissements publics de santé, tout en s’inscrivant pleinement dans l’esprit de la loi d’amplifier les collaborations entre nos scientifiques et les entreprises.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

Article 14 : Cumul d’activités à temps partiel

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14.

Article 22 : Habilitations à légiférer par voie d’ordonnances

La commission émet un avis favorable à l’adoption des 2° et 4° de l’article 22.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi.

M. le président Roland Lescure. Merci pour ce galop d’essai !


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION des Finances

La commission examine, pour avis, les articles 1er et 2 du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (n° 3234) lors de sa réunion du mercredi 9 septembre 2020 (M. Francis Chouat, rapporteur pour avis) ([7]) .

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Cette loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) constitue le socle d’un effort historique en faveur de la recherche, inédit depuis la création du CNRS en 1939 et les efforts consentis pendant les « Trente Glorieuses ».

Elle vise à susciter un triple choc. Choc de confiance de la nation dans le progrès, la formation aux sciences et la culture scientifique ; mobilisation financière inégalée depuis des décennies ; et pour la première fois depuis des décennies, un choc d’attractivité des métiers de la recherche. À la suite de la crise sanitaire de la covid-19, et face aux nombreux autres défis que notre pays doit relever ‑ défi climatique et environnemental, cybersécurité et technologie quantique, ou encore lutte contre les obscurantismes et la défiance vis-à-vis de l’idée de progrès – nous pouvons nous accorder sur la nécessité de réarmer nos établissements, nos laboratoires et nos chercheurs, afin de leur donner les moyens de leurs ambitions.

La France a pris du retard : il ne s’agit plus aujourd’hui de le combler, mais bien de challenger l’avenir !

Cela fait bien trop longtemps ‑ au moins depuis 1982 et la loi Chevènement ‑ que les gouvernements successifs n’ont pas suffisamment investi dans ce domaine, pourtant si essentiel à notre développement et à la préservation de notre rang dans la course à la découverte à laquelle se livrent les puissances mondiales de plus en plus nombreuses. Et, lorsqu’ils l’ont fait – je pense ici à la loi de programme pour la recherche de 2006 – ils ont nourri des espoirs qu’ils n’ont pas pu honorer, suscitant une défiance qui perdure au sein de la communauté scientifique.

Je mesure donc les doutes et les craintes de certains acteurs. Je serai particulièrement vigilant à ce que la trajectoire fixée par le projet de loi, particulièrement ambitieuse et sincère avec au total plus 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2030, soit tenue. Je serai également attentif à ce que les incertitudes liées à l’évolution de notre produit intérieur brut, ainsi que les variations de l’inflation ne neutralisent pas les efforts ambitieux esquissés par ce projet de loi.

Pour autant, mesurons précisément la nature et la crédibilité des moyens engagés.

En matière de dépenses de recherche, la France est en situation de lent mais incontestable décrochage. L’effort national est ainsi redescendu à 2,2 % du PIB en 2018, loin des pays les plus en avancés en la matière : la Corée du Sud – 4,55 % –, l’Allemagne – 3,04 % –, le Japon – 3,21 % –, ou encore les États-Unis – 2,79 %. Cette diminution s’explique pour l’essentiel par la baisse de la part des dépenses publiques, passées de 0,83 % à 0,76 % du PIB entre 2014 et 2018, soit sept points de moins.

Rapporteur spécial de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances et ancien maire d’Évry – qui héberge en son sein le Genopole et l’Université d’Évry-Val-d’Essonne, membre associé de l’Université Paris-Saclay –, j’estime que cette LPPR doit impérativement inverser la tendance, et je suis convaincu qu’elle le permettra.

Le choc historique en faveur de la recherche doit être appréhendé en même temps que d’autres dispositifs de financement, nationaux comme européens, qui viendront doter le monde de la recherche de moyens budgétaires historiques et sans précédent depuis 40 ans.

La trajectoire inscrite à l’article 2 du projet de loi prévoit, en euros courants, un effort de 25 milliards d’ici à 2030. Elle est progressive, ce qui signifie que la LPPR repose sur des choix de programmation budgétaire réalistes. Il n’a pas été décidé de renvoyer à plus tard les efforts budgétaires les plus importants : avec l’effort supplémentaire réalisé sur les crédits de l’Agence nationale pour la recherche (ANR) dans le cadre du plan de relance, la recherche française bénéficiera d’un milliard d’euros supplémentaires dès 2022. Cette LPPR n’est pas une loi sèche, mais constitue un des leviers pour réarmer notre recherche publique.

Afin de crédibiliser la programmation, une meilleure articulation avec les lois de finances que nous serons amenés à discuter, avec des mécanismes réguliers de révision de la trajectoire, doit être trouvée. Je propose donc un amendement à l’article 2, adapté d’une proposition du Conseil d’État, qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel, en amont du débat d’orientation des finances publiques, expliquant les écarts éventuels à la trajectoire. Nous pourrons ainsi être informés bien avant la discussion budgétaire, pour corriger le tir en cas de besoin. Je propose également un amendement établissant une clause de revoyure, prévoyant qu’un exercice de révision de cette programmation soit effectué, quoi qu’il arrive, tous les trois ans.

Cette loi de programmation est complétée par d’autres outils : plan de relance et PIA 4, programme Horizon Europe, ou encore contrats de plan État-région. Un travail de mise en cohérence, de connaissance et d’information doit être engagé en ce sens, puisque 6,5 milliards d’euros supplémentaires seront investis dans les trois prochaines années au titre du plan de relance : 2,4 milliards d’euros, au titre du PIA 4, pour accélérer nos innovations dans l’hydrogène, la cybersécurité, ou encore la technologie quantique ; 3,1 milliards d’euros pour les financements structurels des écosystèmes et les aides aux acteurs de l’innovation – IRT (instituts de recherche technologique), ITE (instituts pour la transition énergétique), SATT (sociétés d’accélération du transfert de technologie) ; le budget d’intervention de l’ANR sera porté à plus de 900 millions d’euros dès 2021, soit 400 millions d’euros supplémentaires ; 300 millions d’euros seront consacrés à l’emploi de jeunes docteurs en entreprise, en particulier dans la recherche et développement (R&D), qui est jugée à risque dans la période qui vient ; enfin, 180 millions d’euros seront dédiés à la création de nouvelles places dans l’enseignement supérieur et 35 millions d’euros pour développer l’hybridation et les équipements numériques universitaires.

Cette loi doit contribuer à répondre à trois problèmes majeurs : les rémunérations de nos chercheurs sont trop faibles ; la sélectivité des projets de recherche déposés à l’ANR est trop forte, et les liens entre recherche publique et recherche privée sont notoirement insuffisants.

La LPPR prévoit, en premier lieu, d’importantes mesures de revalorisations salariales. Elles n’ont que trop tardé : comment justifier qu’aujourd’hui, un jeune scientifique ne puisse espérer un poste de titulaire qu’aux alentours de 33 ou 34 ans, avec un traitement qui atteint seulement 1,4 SMIC ? Cette loi de programmation doit permettre de passer à un minimum de 2 SMIC, soit une revalorisation de 30 % dès l’année prochaine. Voilà un premier engagement massif et concret pour nos chercheurs.

Renforcer l’attractivité de la recherche française, c’est aussi s’inspirer des meilleures pratiques en matière de recrutement de scientifiques. Le projet de loi prévoit d’ouvrir une nouvelle voie de recrutement de scientifiques au moyen de chaires juniors. L’objectif est de recruter de jeunes chercheurs prometteurs pour des contrats de six ans qui leur ouvriront la possibilité d’être titularisés au sein des corps de la fonction publique scientifique. Cette disposition crée beaucoup de débats ; elle sécurisera pourtant, à mon avis, le parcours professionnel des jeunes scientifiques, en garantissant un financement de l’ANR et en ouvrant la possibilité d’une intégration à l’issue du contrat. Trois cents chaires de professeurs ou de directeurs de recherche juniors seraient ainsi ouvertes chaque année, en plus des recrutements habituels.

Le rapport annexé précise que les recrutements seront augmentés sur les voies traditionnelles de titularisation afin d’éviter les effets de concurrence. Cette mesure va rendre le recrutement dans la fonction publique scientifique plus diversifié, plus attractif, et mieux adapté aux besoins des établissements.

Il nous faut aussi améliorer le financement des projets français de recherche, encore trop sélectif. Aujourd’hui, une demande de financement de projet de recherche a 16 % de chance d’être acceptée. C’est extrêmement faible : la moyenne des pays de l’OCDE est de 30 % – le double. Du fait de cette très forte sélectivité, il n’est pas possible de financer tous les dossiers qui méritent de l’être, ce qui entraîne beaucoup de frustration et de découragement.

La LPPR prévoit donc un triplement des moyens d’engagement de l’ANR d’ici 2027, qui doivent passer d’environ 500 millions d’euros à 1,5 milliard d’euros, ce qui nous rapproche des sommes consacrées par notre voisin allemand, dont l’agence de recherche distribue chaque année 2 milliards d’euros. Ces moyens supplémentaires permettront de faire remonter le taux de succès, l’objectif étant de le porter à un niveau supérieur à 25 %.

Ils doivent également permettre d’augmenter les montants moyens financés par projet, encore trop faibles. Enfin, ils contribueront à augmenter le préciput, c’est-à-dire les sommes versées aux établissements dont les chercheurs obtiennent des financements de l’ANR. De 19 %, ce préciput passerait à 40 % pour couvrir les charges générales liées aux activités de recherche.

En aval du réinvestissement dans les moyens de notre recherche publique, la loi de programmation vise également à mieux en valoriser les résultats.

La programmation budgétaire prévoit d’augmenter de 50 % le financement des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) et de plusieurs dispositifs de valorisation : chaires industrielles de l’ANR, Labcom, ou encore Instituts Carnot. Elle crée également une nouvelle « convention industrielle de mobilité en entreprise des chercheurs » afin de faciliter l’embauche à temps partiel de chercheurs et d’enseignants-chercheurs au sein des entreprises.

Par son objet même, cette loi de réarmement budgétaire en faveur de la recherche publique et partenariale ne permet pas de traiter d’autres sujets. C’est le cas du crédit impôt recherche (CIR), outil fiscal majeur – 6,2 milliards d’euros en 2020 – de soutien public à la recherche privée, en particulier dans les PME ou des dispositifs destinés à favoriser l’innovation, tel que le Fonds pour l’innovation et l’industrie.

Mais sous le contrôle du président Woerth et de notre rapporteur général Laurent Saint Martin, il ne fait nul doute qu’à l’occasion de la discussion du plan de relance et de la prochaine loi de finances, la question de l’efficience, d’une meilleure visibilité et des impacts pour le développement économique, pour l’emploi et l’attractivité de notre pays fera l’objet de débats et de propositions.

La loi PACTE a étendu la possibilité pour les chercheurs publics de passer du temps en entreprise afin de valoriser le produit de leurs recherches. La LPPR contient plusieurs dispositions qui prolongent cette logique. L’accent devrait davantage être mis sur le renforcement du suivi des doctorants, qu’il s’agisse des expériences acquises dans le secteur privé ou à l’international. Je présente un amendement en ce sens.

L’effort français doit également être envisagé au niveau européen : les négociations n’ont pas encore abouti, mais le prochain cadre budgétaire pluriannuel augmentera les moyens du programme Horizon Europe, qui finance les programmes de recherche et de développement des États membres. Plus que jamais, nous devons inscrire notre recherche dans ce contexte européen : nos chercheurs y trouvent autant d’opportunités supplémentaires pour se financer, à une échelle qui mobilise les meilleures compétences internationales. Or la France reçoit encore assez peu de financements européens au regard de son potentiel scientifique : alors que nous réalisons 17 % de la R&D européenne, seuls 11 % du total des financements alloués par la Commission nous reviennent.

Le taux de succès de nos équipes, qui est bon, ne permet pas de compenser un nombre encore trop faible de candidatures. L’augmentation du préciput versé par l’ANR permettra aux équipes de recherche de renforcer les moyens dédiés à la levée des financements européens, et le dispositif de chaire junior facilitera le recrutement de talents européens – d’autant qu’il correspond à une pratique standard de la recherche internationale.

Enfin, la mobilisation des moyens nationaux doit aller de pair avec celle des collectivités territoriales, en premier lieu des régions. Les mandats pour les contrats de plan État-région (CPER) qui seront signés cette semaine doivent renforcer le couple État-région pour aboutir à une meilleure articulation institutionnelle, mais aussi structurelle, entre le plan de relance et les CPER par exemple.

Je me réjouis de lire, dans le rapport annexé, que la stratégie du Gouvernement a pour objectif explicite de travailler aux liens entre science et société, qui sont susceptibles de créer des externalités positives pour notre pays. Songeons par exemple aux vocations que la Cité des sciences et de l’industrie a pu susciter au sein des jeunes générations, au rôle déterminant que jouent les associations dans la diffusion des savoirs scientifiques ou encore à la nécessité de lutter contre la propagation des fausses informations – voire de thèses complotistes et obscurantistes – et d’éduquer et informer le public sur la démarche scientifique de production théorique et d’application technique. Le rapport annexé est ambitieux en la matière, mais nous devons aller plus loin. Je présente plusieurs amendements en ce sens. Il est impératif que le lien entre science, innovation et progrès social soit restauré, dans tous les territoires. À ce titre, je souhaite que le travail qui a présidé à la préparation de cette LPPR en associant toutes les forces de manière centralisée et territoriale soit poursuivi. Je le dis avec d’autant plus de conviction qu’ayant moi-même été associé aux travaux préparatoires, j’ai pu mesurer l’importance que la concertation revêt et le foisonnement d’idées qu’elle permet.

Par ailleurs, je pense qu’il est absolument essentiel de s’appuyer sur la création du poste de haut-commissaire au plan, en veillant à ce que les enjeux liés à la recherche et à l’innovation soient bien pris en compte dans son périmètre d’action et de réflexion. Je propose ainsi qu’il lui revienne d’élaborer, sur la base de grands enjeux sociétaux, un cadrage stratégique qui sera ensuite décliné en différentes stratégies de recherche.

Dans un autre domaine, le rapport annexé ne me semble pas assez fourni sur la partie spatiale de la stratégie scientifique de la France. J’ai discuté avec le cabinet de la ministre sur ce point ; j’espère qu’il pourra nous apporter des précisions sur ce qui est anticipé. La formation du récent Gouvernement a néanmoins transféré la compétence spatiale au ministère de l’économie, des finances et de la relance. L’état de notre industrie spatiale dans ce contexte de crise sanitaire et économique inquiète à juste titre : le plan de relance contient d’ailleurs des investissements spécifiques dans ce secteur, de près de 500 millions d’euros.

Enfin, je propose que notre commission amende le rapport annexé afin que la recherche sur les cancers pédiatriques soit dotée de moyens et d’actions spécifiques et que le Parlement qui s’est emparé de cette grande cause soit associé à l’élaboration des actions.

M. le président Éric Woerth. L’écart entre les lois de programmation et la réalité est toujours important – elles n’engagent que les programmateurs du moment. J’aimerais que ce ne soit pas le cas pour ce projet de loi, il faudra y veiller. Cette LPPR intervient à un moment particulier, alors que le plan de relance nous projette à moyen et long terme et comprend des éléments ayant trait à la recherche et au développement. En raison de la situation financière, je ne sais pas quelle est la robustesse de cette loi de programmation. Peut-être sera-t-il possible de détailler les recoupements entre cette loi de programmation et le plan de relance ? Les PIA, la transformation écologique et l’aéronautique sont concernés à des titres divers.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur le rapporteur, je reprendrai vos trois points : revalorisation des métiers de la recherche, sélectivité des projets de l’ANR et amélioration des relations entre le public et le privé dans la recherche. Améliorer la valorisation de la recherche et le lien avec la recherche appliquée dans les entreprises est un vieux problème français.

Est-il exact qu’après l’adoption de cette loi de programmation, la rémunération moyenne des jeunes chercheurs français atteindra le niveau standard des pays de l’OCDE ? Rattraperons-nous enfin le retard accumulé pour la rémunération des chercheurs, notamment les plus jeunes ? Il faudrait connaître la part de rémunération publique par rapport à la rémunération privée : au-delà du salaire en euros courants, que représente l’effort de la puissance publique pour la rémunération de ces chercheurs ? Au terme de l’exécution de cette loi de programmation, nos jeunes chercheurs auront-ils une rémunération dans la moyenne des pays de l’OCDE, tandis que la part de la puissance publique serait bien plus importante qu’ailleurs ?

Comment élaborer une loi de programmation en temps de crise ? Devons-nous faire abstraction du ratio de 3 % de PIB, délicat à utiliser puisque le dénominateur va connaître des hauts et des bas dans les années à venir ? Réfléchir en euros courants, ou corrigés de l’inflation, permettrait, le cas échéant, de nous comparer aux autres pays en fonction du nombre de chercheurs. Les indicateurs pourraient être précisés.

Nous devons considérer cette LPPR comme partie intégrante du plan de relance. Même si son horizon va au-delà de 2022, nous ne pouvons pas les décorréler : une stratégie commune les sous-tend.

Quelle pertinence reconnaître aux chaires junior, aussi appelées tenure tracks ? Avez-vous évalué leur efficience dans d’autres pays, et quel pourrait être l’apport de ce nouveau type de contrats pour la recherche française et pour les post-doctorants ?

Quel sera l’apport de cette loi en matière de valorisation de la recherche ? Avons-nous établi un bilan assez fin de l’efficacité des SATT ? Que pourraient apporter les pôles universitaires d’excellence ? Un vrai changement dans la relation entre la recherche publique et la recherche privée peut-il être espéré ?

M. Fabrice Le Vigoureux. Depuis des années, nous constatons que les carrières scientifiques ne sont pas attractives. Un maître de conférences est recruté en moyenne à 34 ans, à un premier échelon de rémunération qui s’élève à 1,5 ou 1,6 fois le SMIC. On ne peut pas retenir ainsi les meilleurs profils dans la recherche publique.

Nous constatons également que le doctorat n’est pas assez reconnu en France, que 25 % des doctorants n’ont pas de financement, que les possibilités de mener des travaux scientifiques pour des entreprises ou des collectivités sont trop limitées, avec des contrats insécurisants.

Les appels à projet de l’ANR sont beaucoup trop sélectifs : y répondre prend un temps fou qui décourage les postulants. Ils n’engagent pas nos meilleurs profils à mener des recherches pour l’ANR.

Il est très difficile pour un maître de conférences de passer dans le corps des professeurs, les possibilités de promotion sont limitées, et nous ne reconnaissons pas assez tous ceux qui participent à la transmission de la culture scientifique, qui gèrent des diplômes et accompagnent des étudiants dans la réussite. Ces tâches doivent être mieux valorisées dans une carrière.

Nos meilleurs chercheurs sont captés par les meilleures universités étrangères et nous avons du mal à les retenir en France.

Il faut pouvoir créer des contrats à durée indéterminée dans les laboratoires et pas uniquement des contrats à durée déterminée de mission. Les laboratoires qui ont des financements européens réguliers sont parfois obligés de se séparer de certains talents au bout de cinq ans car ils ne peuvent signer que des CDD.

Cette loi de programmation, couplée au plan de relance, répond à tous ces problèmes. C’est pourquoi le groupe la République en marche accueille ce texte avec beaucoup d’enthousiasme. Nous le voterons dans son ensemble.

M. Patrick Hetzel. Au nom du groupe Les Républicains, je dois tempérer cet enthousiasme. Ce projet manque d’ambition ; pour résumer la situation budgétaire d’une phrase triviale : « Demain, on rasera gratis. »

Les augmentations budgétaires significatives sont lointaines : nous devrions atteindre le milliard d’euros entre 2028 et 2030, c’est-à-dire après le prochain quinquennat. Tout cela est extrêmement hypothétique : il ne s’agit ni plus ni moins que de communication gouvernementale. Nous souhaitons des actes.

Le décloisonnement du public et du privé n’est abordé que de façon très timide, alors que les freins sont encore importants. Ce texte maintient une dichotomie entre l’enseignement supérieur et la recherche, alors que l’enjeu majeur est de créer un système d’enseignement supérieur et de recherche. Ce sujet est quasiment ignoré et rien n’est proposé pour simplifier le millefeuille administratif ou financier en matière de recherche ; au contraire, il sera encore complexifié. Prétendre que ce projet est un succès est une belle supercherie.

D’un point de vue budgétaire, comment sera-t-il financé ? Le rapporteur général confirme-t-il le lien avec la réforme des retraites, puisque la baisse des cotisations patronales de l’État sur les fonctionnaires pour la période 2021-2030 sera de 22 milliards d’euros ? Faut-il considérer que ce sont ces sommes qui seront réinjectées dans le système ? Il s’agirait alors d’une opération de bonneteau.

M. Luc Geismar. Les articles dont nous sommes saisis pour avis valident la trajectoire budgétaire de la politique de recherche nationale.

La crise sanitaire que nous traversons illustre l’ampleur des défis scientifiques de demain et la nécessité d’accroître les investissements dans le domaine de la recherche publique, mais aussi de la recherche privée.

Le groupe MODEM salue un projet qui s’inscrit dans la tendance suivie depuis le début de la législature, avec l’accroissement des crédits du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation destiné à porter les dépenses de recherche et développement des administrations et des entreprises à 3 % du PIB. La France retrouve ainsi, enfin, une véritable ambition en termes de recherche lui permettant de répondre aux grands enjeux scientifiques à venir.

Nous regrettons toutefois que l’effort budgétaire ne soit pas plus important dans les deux premières années de la programmation, car cela permettrait une montée en puissance plus rapide pour nos établissements de recherche, qui en ont tant besoin.

Nous soutenons également les revalorisations des métiers scientifiques : enseignants-chercheurs, chercheurs, ingénieurs, personnels administratifs, bibliothécaires, techniciens –  autant de métiers qui souffrent aujourd’hui d’un manque d’attractivité, en particulier en début de carrière.

M. Luc Geismar. La recherche publique ne parvient pas à retenir les talents qu’elle forme et qui se tournent plutôt vers le secteur privé ou l’étranger en raison des différences de salaire.

La qualité de la recherche française est unanimement reconnue. Pour que cela perdure, il est nécessaire de lui en donner les moyens : nous devons avoir de l’ambition pour notre recherche, nos chercheurs, nos doctorants ! Cette LPPR répond à cet objectif et le MODEM votera les deux articles qui nous sont soumis.

Mme Valérie Rabault. Comme l’a rappelé le président, une loi de programmation n’engage que les programmateurs. Elle n’a aucune valeur obligatoire, c’est la loi de finances qui importe. Je remercie le rapporteur de s’être engagé à effectuer un suivi de l’application de cette loi de programmation dans les lois de finances : il faudra être extrêmement vigilant, car les entourloupes existent dans chaque programme.

C’est la première fois, dans l’histoire du Parlement, qu’une loi de programmation de la recherche couvre une durée de dix ans. Tout le monde, dans cette salle, peut faire des promesses à une telle échéance, surtout si elles engagent ceux qui vont nous succéder. Vous faites porter la quasi-totalité de l’effort sur les dernières années de cette loi de programmation. Nous proposons a minima de revenir au schéma classique d’une programmation sur sept ans.

Nous souhaitons tous que le financement de la recherche publique atteigne 1 % du PIB. L’Allemagne a atteint ce niveau en 2019, alors que nos deux pays étaient au même niveau en 2007. Les quinze dernières années en France ont été marquées par une dégradation imputable aux gouvernements successifs. Pour atteindre 1 % du PIB, il ne faut pas prévoir 5 milliards d’euros par an à la fin de la loi de programmation mais 12 milliards d’euros par an. Vous semblez oublier de prendre en compte l’inflation et la variation du PIB. Quand la ministre de la recherche explique que 25 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés à la recherche, c’est faux. Au terme de la période, l’effort sera de 5 milliards d’euros, chacun pourra faire le calcul.

Le Conseil d’État a alerté sur la faible qualité de l’étude d’impact, ce qui a imposé au Gouvernement d’en refaire une partie en juillet. Nous pensons que des travaux restent à mener sur les indicateurs.

Finalement, que souhaitons-nous pour la recherche ? Quels sont les objectifs ? La recherche spatiale a été placée sous la responsabilité du ministère de l’économie, ce qui sous‑entend que le ministère de la recherche n’est pas capable de la gérer. Le rapporteur ne l’a pas formulé ainsi pour rester poli, mais cela signifie qu’au sein du ministère de la recherche, il n’y a plus de pilotage des objectifs et que vous estimez que les gens sérieux sont à Bercy. Je souhaite connaître les attentes de l’État concernant la physique nucléaire, le spatial, les mathématiques et parler du cœur de la recherche française qui rencontre des difficultés de financement après avoir connu de grandes heures.

M. Michel Castellani. La nécessité d’un effort budgétaire est entendue, la R&D est essentielle à la préparation de l’avenir, à la compétitivité internationale et aux réponses à apporter aux problèmes de société. Ce texte prévoit une trajectoire très longue, à horizon 2030, et la montée en charge sera très lente.

S’agissant de l’intégration entre activité professionnelle et recherche, une évolution du dispositif Allègre est prévue ainsi qu’une dévolution des droits de propriété intellectuelle. Ces problèmes récurrents méritaient d’être traités.

Il est nécessaire de soutenir les chercheurs et de valoriser les statuts. Je m’interroge sur la démarche de titularisation et la suppression de la phase de qualification, qui offre une garantie de qualité des chercheurs.

Comme l’a souligné le Conseil économique, social et environnemental, les investissements en matière d’enseignement et de recherche ne sont pas de même nature que les autres : ils doivent être appréciés à l’aune des impacts positifs qu’ils engendrent en matière d’emploi et de croissance. La période d’incertitudes et de bouleversements que nous traversons doit plus que jamais nous inciter à investir massivement dans la recherche et l’enseignement supérieur.

M. Éric Coquerel. J’ai apprécié l’humour du rapporteur qui explique que cette loi de programmation pourrait être versée au plan de relance. Il illustre le problème du plan de relance lui-même : si une loi de programmation courant jusqu’à 2030 peut y figurer, on peut y inclure tout et n’importe quoi. Les deux années qui engagent le Gouvernement, notamment 2021, sont marquées par les augmentations de budget les plus faibles : 357 millions d’euros.

Ce projet de loi n’a pas changé à la suite de l’épidémie de covid-19, aucune conclusion n’a été tirée des propos de beaucoup de virologues scientifiques sur l’absence de financements pour de nombreux projets, notamment sur la famille des coronavirus. La recherche fondamentale n’est pas immédiatement rentable, contrairement aux exigences de la recherche par projets, mais elle a besoin de fonds plus importants.

Mes critiques sont identiques à celles exprimées par le Comité national de la recherche scientifique ou le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), qui n’a entériné ce projet qu’après vingt et une heures de débat et le départ des organisations syndicales. Le CESE, qui a rendu un avis très critique sur ce projet, se demande si l’on peut guérir avec les outils qui ont rendu malade.

Les 25 milliards d’euros annoncés sont un trompe-l’œil car une loi de programmation n’engage pas ceux qui la proposent, mais leurs successeurs. Cette LPPR consacre le financement de recherche par projets, donc le choix de la concurrence généralisée, de la recherche à court terme, au détriment de la recherche fondamentale. Enfin, on ne peut pas accorder des indemnités supplémentaires au personnel en accélérant la précarisation et la déréglementation que dénoncent tous les chercheurs.

Mme Émilie Cariou. Si l’on peut saluer l’ambition affichée par ce projet, les 25 milliards d’euros supplémentaires annoncés sur dix ans seront néanmoins débloqués très lentement. Il est donc possible de s’interroger sur la véritable ambition du Gouvernement car, avec seulement 1,2 milliard d’euros supplémentaires d’ici la fin du quinquennat, en 2022, ce renforcement ne sera ni aussi important ni aussi significatif que décrit. Si ces ambitions de long terme sont positives, la trajectoire d’investissement ne permettra pas de répondre aux enjeux urgents afin que le secteur de la recherche reste compétitif. La recherche publique et privée ne bénéficiera vraiment des investissements annoncés qu’à la fin du prochain quinquennat et pendant le suivant.

Les autorisations d’engagement de l’ANR représentent un budget supplémentaire de 7 milliards d’euros, avec une trajectoire plus favorable qui atteindra 1 milliard d’euros par an dès 2027 – quoique le démarrage, là encore, soit trop lent, avec 400 millions d’euros supplémentaires seulement en 2022.

Le groupe Écologie, démocratie et solidarité critique donc la trajectoire choisie par le Gouvernement et proposera des modifications de fond par voie d’amendements afin d’accélérer ces investissements et d’atteindre l’objectif visant à consacrer 1 % du PIB à la recherche publique.

Mme Lise Magnier. J’entends et je partage certaines remarques concernant ce projet mais le groupe Agir ensemble préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.

Nous le savons tous, qu’elles concernent les finances publiques, la justice, la défense ou la recherche, les lois de programmation permettent de concevoir sur le long terme les moyens alloués à une politique. Selon nous, ce texte volontariste et ambitieux permettra de replacer la France dans le peloton de tête des classements internationaux et des pays en pointe en matière d’innovation. Par ailleurs, nous saluons la large concertation menée en amont par le Gouvernement avec la communauté scientifique.

Alors que le budget public de la recherche s’élève aujourd’hui à environ 15 milliards d’euros, ce texte prévoit l’ouverture de nouveaux crédits à hauteur de 25 milliards d’euros sur dix ans, ce qui est notable. Cette augmentation, massive, doit être mise en perspective avec celle, moins importante, du budget public de la recherche de ces dix dernières années qui s’élevait en moyenne à 350 millions d’euros par an.

S’il est vrai, conformément au principe d’annualité budgétaire, que ce texte n’a aucun caractère contraignant pour le Gouvernement et le Parlement, il n’en constitue pas moins un signal très encourageant. L’objectif est bien de parvenir, par effet de levier sur la recherche privée, à un niveau de dépense de 3 % du PIB à l’horizon de 2030, ce qui passera nécessairement par de fortes mobilisations et synergies entre public et privé, lesquelles font gravement défaut aujourd’hui.

Les enjeux sont importants, cela a été rappelé. Nous devons réussir les trois grandes transitions écologique, numérique et des modes de travail. Comme pour le plan de relance, la bonne utilisation des nouveaux crédits et l’application de politiques efficaces seront la clé de la réussite de la recherche française. En tant que parlementaires, a fortiori membres de la commission des finances, nous jouerons un rôle essentiel pour améliorer et contrôler l’utilisation des crédits ouverts.

Le groupe Agir ensemble salue donc cette ambition et l’inscription de ces crédits dans une trajectoire pluriannuelle.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Le débat ne fait que s’engager. Il va commencer au sein de la commission des affaires culturelles et il se poursuivra évidemment dans l’hémicycle. Nous n’allons donc pas le clore aujourd’hui et je ne répondrai pas de façon détaillée à chaque intervenant, d’autant plus que la discussion à venir d’un certain nombre d’amendements nous permettra d’approfondir certains points.

Quelques éléments, néanmoins, de cadrage général et politique.

Je vais vous faire une confidence : moi aussi, j’ai des regrets ! Je regrette que la commission des finances ne soit saisie que pour avis alors que nous discutons d’une loi de programmation budgétaire qui n’a rien de chimérique et dont les crédits n’arriveraient jamais ou seulement en fin de course, après sept ou dix ans : ils sont engagés dès 2021.

De plus, entre la préparation du projet de loi, voilà plus d’un an et demi, et son examen par le Parlement, des crises et des urgences financières ont vu le jour. Je comprends donc pleinement M. le président Woerth et M. le rapporteur général lorsqu’ils insistent sur les questions de crédibilité, de lisibilité et de contrôle. D’une manière inversement proportionnelle à l’importance toute relative d’un rapport pour avis de la commission des finances sur une loi de programmation budgétaire, je propose que nous nous armions, avec les commissions des affaires culturelles et des affaires économiques notamment, afin de pouvoir faire le point sur l’articulation entre ce qui relève strictement du budget du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, et ce qui relève d’autres dispositifs : plan de relance, PIA, Horizon Europe, contrats de plan État-région.

Mon regret est provisoire car, au fond, j’en appelle à la commission des finances pour qu’elle s’investisse dans son rôle de contrôle et d’aiguillon. Si j’insiste sur les clauses de revoyure et sur l’articulation entre nos débats d’orientation budgétaire, l’examen de la préparation de la loi de finances et, en amont, la mise en place de cette loi de programmation, c’est que j’ai conscience de la fragilité inhérente aux lois de programmation, quel que soit leur rythme.

Je vous rappelle, chère Valérie Rabault, que Jean-Pierre Chevènement avait défendu en 1982 une loi d’orientation et de programmation en tant que ministre de la recherche… et de l’industrie. Je ne vous propose pas d’en revenir là mais il me semble que nous pourrions nous rejoindre sur l’articulation entre économie, industrie et activités scientifiques.

Connaissant le sens de la mesure de notre collègue Patrick Hetzel, je n’aurai pas la cruauté de lui rappeler que la loi de programme de 2006 s’est éteinte après seulement vingt-quatre mois.

Chacun doit faire preuve d’humilité, votre serviteur y compris. Je m’occupe des questions d’éducation et d’enseignement supérieur depuis quarante ans, avant de m’occuper des collectivités locales – je prends donc ma part. Quel est notre rôle ? Alimenter la défiance ou se doter des moyens permettant de mesurer concrètement l’effort accompli, lequel ne saurait être résumé à la seule loi de programmation de la recherche ?

Les lois précédentes, pour reprendre l’expression de notre collègue Hetzel, visaient précisément à s’attaquer au millefeuille, or, elles ne l’ont pas fait. En l’occurrence, nous devions donc choisir : ou nous remettions sur la table l’ensemble du dispositif, trop complexe et illisible, de notre arsenal de recherche publique, ou nous nous fixions des objectifs de rattrapage, de développement et d’évolution. D’où les propos de Laurent Saint-Martin sur la façon de faire un diagnostic sur les SATT ou de défendre les unités mixtes de recherche ; d’où les questions d’articulation – Fabrice Le Vigoureux les connaît très bien – entre universités, organismes de recherche et recherche partenariale.

Concernant la question de l’augmentation annuelle des moyens consacrés à la recherche, je précise que la trajectoire ne sera pas celle qui a été indiquée mais qu’elle sera supérieure puisque je propose un amendement rétablissant dans la loi des éléments de programmation plus proches de la réalité dès 2021. La courbe de progression prévue, qui doit être analysée et contrôlée, n’est en rien chimérique puisque les augmentations doivent être très sensibles dès 2021 et 2022, à condition de mesurer la réalité de l’articulation entre les dispositifs financiers et les politiques de relance et de programmation.

Oui, cher Laurent Saint-Martin, le rattrapage des rémunérations des chercheurs repose pour l’essentiel sur un effort public, avec la souplesse qui s’impose – certaines rigidités sont en effet aujourd’hui insupportables – sans pour autant mettre en cause le caractère national de la fonction publique dans l’enseignement supérieur et la recherche. Le statut de tenure track est bien connu dans le monde entier, depuis longtemps, et la France est l’un des rares pays à ne pas utiliser un dispositif d’une telle souplesse, qui favorise l’attractivité des métiers de la recherche. Ceci alors même que les jeunes chercheurs restant chez nous sont voués à percevoir un peu plus du SMIC, ce qui ‑ nous pouvons au moins en être tous d’accord ‑ est insupportable et concourt à leur départ. Reconnaissons les efforts accomplis pour que les jeunes chercheurs expatriés, s’ils le souhaitent, puissent revenir et s’épanouir en France !

Nous pouvons également nous réjouir que des règles claires, transparentes, attractives, permettent d’assurer la mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé, et inversement.

J’insiste sur le rôle central de la commission des finances dans les étapes législatives à venir sur cette loi ambitieuse. On peut certes considérer cette ambition, à ce jour, comme théorique, mais je ne la juge pas quant à moi chimérique : sa concrétisation massive dès le budget pour 2021 relève de notre responsabilité, en ce qui concerne tant l’effort national de recherche que l’attractivité de ces métiers.

M. le président Éric Woerth. Il relève en effet de la responsabilité des rapporteurs spéciaux – et vous êtes bien placé pour ce faire – de suivre l’évolution des lois de programmation. Plusieurs d’entre elles ont été votées depuis le début de cette législature – loi de programmation militaire, loi de programmation pour la justice – et chaque rapporteur doit opérer un suivi très précis, année par année, de leur respect ou des éventuels écarts à la trajectoire qu’elles prévoient.

La commission en vient à l’examen des articles.

 

Article 1er et rapport annexé

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CF2 de M. Patrick Hetzel, CF4 et CF5 de Mme Valérie Rabault, CF9 de Mme Sabine Rubin et CF6 de Mme Valérie Rabault.

M. Patrick Hetzel. L’amendement CF2 vise à réduire la durée de la programmation de dix à sept ans car, comme des orateurs viennent de le dire, la fixation d’une période qui s’étend au-delà de sept ans est inédite pour une loi de programmation.

Il précise également qu’au cours de la décennie à venir, les objectifs de dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises sont d’au moins 3 % du produit intérieur brut, dont 1 % au moins de recherche publique.

L’Allemagne prévoit de consacrer 3,5 % de son produit intérieur brut aux dépenses de recherche et de développement et les dépenses intérieures de recherche en Corée du Sud sont quant à elles estimées à 4,5 % de son PIB. Si la France veut rester dans la course internationale, l’effort doit être intensifié.

Le Gouvernement prévoit par ailleurs que la programmation fera l’objet d’actualisations mais il serait opportun de disposer d’éléments plus resserrés que ceux qui, en l’état, sont prévus.

Je note également que la façon dont nous procédons devient un peu baroque et originale : le rapporteur, que je félicite, a été désigné ce matin et nous nous apprêtons à examiner ses amendements… qui ont été rédigés avant sa nomination. Une telle méthode n’est en rien respectueuse des commissaires des finances.

M. le président Éric Woerth. En général, le rapporteur est en effet nommé avant l’examen d’un texte. Le présent cas de figure est un peu particulier car nous n’étions pas en mesure de le nommer à la fin de la précédente session extraordinaire, et car nous devons tenir compte du calendrier d’examen par la commission saisie au fond et ne pouvions examiner plus tardivement le projet.

M. Patrick Hetzel. Je ne vous en fais pas le reproche.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF4 vise également à réduire la durée de programmation à sept ans, une durée supérieure étant inédite dans l’histoire parlementaire.

La portée de cette loi sera en effet beaucoup plus limitée en raison des aléas qui ne manqueront pas de survenir. Il nous paraît donc souhaitable de sortir de ce temps long afin de reconcentrer les crédits et de répondre à l’urgence. La France accuse un très grand retard par rapport aux pays de l’OCDE et la programmation doit répondre aux enjeux de ce rattrapage. Il faut en finir avec quinze ans de stagnation à 2,2 % du PIB et passer à 3 % le plus rapidement possible, dont 1 % pour la recherche publique !

Mme Valérie Rabault. Avec l’amendement CF5, nous proposons d’insérer les mots « au moins » afin de ne pas limiter les dépenses de recherche à 3 % du PIB, d’autres pays ayant dépassé ce seuil.

M. Éric Coquerel. Je voterai les amendements qui viennent d’être défendus car ils vont dans le bon sens. Outre le sous-investissement chronique de l’État, le décrochage de la France par rapport à d’autres pays est problématique, je pense notamment à l’Allemagne, y compris d’ailleurs lorsque l’on compare les plans de relance.

L’amendement CF9 propose de compléter la première phrase par les mots : « dont 1,5 % pour la recherche publique ». En 2016, la part des dépenses intérieures de recherche et de développement des administrations et des entreprises (DIRD) représentait 2,22 % du PIB, dont seulement 0,78 % pour les dépenses de recherche et développement des administrations (DIRDA), qui ne dépendent pas du bon vouloir des entreprises bénéficiant du crédit impôt recherche.

Cette baisse constante profite donc plus aux dépenses de recherche et développement des entreprises (DIRDE) qu’aux DIRDA, d’où une moindre efficacité de la dépense publique pour la recherche par rapport à la dépense privée.

Mme Valérie Rabault. Il convient de ne pas se limiter à 1 %. Nous proposons avec l’amendement CF6 de préciser « au moins 1 % » afin d’avoir une plus grande latitude.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Monsieur Hetzel, c’est moi qui, en tant que rapporteur pour avis, suis dans la situation la plus inconfortable – ce qui renvoie d’ailleurs au rôle de la commission des finances dans l’examen de ces lois de programmation.

J’entends les questions soulevées par le rythme que nous avons choisi mais je ne suis pas favorable aux amendements CF2 et CF4 pour deux raisons.

D’une part, la trajectoire sur dix ans est certes lointaine mais elle est aussi progressive : nous ne pouvons pas augmenter les moyens de la recherche de 5 milliards d’euros chaque année. Le plan de relance, de surcroît, vise à accélérer cette trajectoire les deux premières années et je défendrai un amendement pour corriger les tableaux de trajectoire.

D’autre part, afin de pallier les défauts d’une loi de programmation, il me semble que d’autres outils peuvent être plus efficaces qu’un raccourcissement de la période de programmation. Je proposerai un amendement instaurant un débat annuel au Parlement ainsi qu’une clause de revoyure en 2023. Nous pourrons ainsi ajuster la trajectoire en temps voulu.

Comme vous, chère Valérie Rabault, je souhaite que ce texte ne soit pas seulement une loi de rattrapage mais une loi qui, avec d'autres outils, permette de placer la France à la frontière technologique mondiale. Aussi, je suis favorable à la précision bienvenue que vous proposez d’apporter avec l’amendement CF5.

Autant j’adhère à la logique de la présidente Rabault visant à consacrer les 3 % du PIB comme un plancher, autant je trouve que fixer des planchers au niveau des sous-objectifs, comme le proposent les amendements CF9 et CF6, serait trop contraignant. L’effort principal porte sur la recherche publique et l’essentiel est de savoir de quel niveau de produit intérieur brut et d’inflation nous parlons : M. le président Woerth, ancien ministre du budget, sait bien que les lois de programmation sont toujours examinées en euros courants et non constants, ce qui ne justifie pas de ne pas regarder l’évolution de la trajectoire par rapport au PIB et à l’inflation.

M. le président Éric Woerth. Nous ne connaissons évidemment pas l’inflation à venir.

La commission rejette successivement les amendements CF2 et CF4.

Elle adopte l’amendement CF5, puis, rejette successivement les amendements CF9 et CF6.

La commission examine l’amendement CF15 du rapporteur pour avis.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. L’amendement CF15 vise à conforter le rôle du haut-commissaire au plan dans la définition d’un cadrage stratégique pour positionner la France parmi les nations les plus puissantes en 2030, cadrage ensuite décliné en stratégies de recherche et d’innovation par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en coopération avec les différentes entités compétentes et, en particulier, avec le ministère de l’économie et des finances s’agissant de la politique d’innovation.

Le rapporteur général le réclame depuis des années et je suis d’accord avec lui : nous devons pouvoir examiner le périmètre du ministère de l’enseignement et de la recherche dans l’évolution de la politique de recherche.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement soulève en effet une question qui n’est en rien anodine.

Lors de leurs nominations, les ministres ont évidemment reçu un certain nombre de missions sur leur périmètre d’action. Les orientations stratégiques en matière de recherche, sous l’autorité du Premier ministre, relèvent des compétences du ministre de la recherche. Le dispositif que vous proposez réduit les marges de manœuvre des ministres, ce qui est tout de même assez étonnant.

Si vous persistez à déposer ce type d’amendements, on pourra se demander si un problème constitutionnel et même politique ne se posera pas. La réorientation que vous proposez est assez importante, très troublante et technocratique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le haut-commissaire au plan risque d’interférer dans tous les domaines pour sécuriser l’ensemble des crédits budgétaire, ce qui revient à créer un Premier ministre bis, au-dessus de tous. Aujourd’hui, nous comptons donc deux Premiers ministres ce qui, sur un plan constitutionnel, soulève un vrai problème. Passons-nous du ministre de la recherche ! Les doublons sont inutiles !

M. Charles de Courson. En effet : comment les fonctions ministérielles s’articulent-elles avec celles du haut-commissaire ? Il n’est pas possible de dire, comme le prévoit cet amendement, que « Le haut-commissaire au plan aura pour objectif d’élaborer, sur la base de grands enjeux sociétaux qu’il contribuera à définir… ».

De plus, précisez-vous, « ce cadrage stratégique pluriannuel (…) aura ensuite vocation à être décliné… ». Qu’est-ce que cela signifie ? Soit il sera décliné, soit ce sera la pétaudière totale. Une réécriture s’impose.

Le haut-commissaire au plan peut contribuer à alimenter la réflexion du ministre de la recherche et des autres mais, en l’état, il ne me semble pas possible de voter cet amendement.

M. Éric Coquerel. Jusqu’à plus ample information, nous voterons en faveur de cet amendement qui me semble aller dans le bon sens.

Nous demandons depuis longtemps l’instauration d’une planification écologique et sanitaire et nous soutiendrons tout ce qui fera du haut-commissaire au plan autre chose qu’un France Stratégie bis. Le haut-commissaire a un rôle stratégique de long terme que le Gouvernement, ensuite, décline dans une loi de programmation.

La dernière phrase de l’amendement me satisfait également : « Ce cadrage stratégique, de même que sa mise en œuvre, préserveront les principes d’une recherche fondamentale libre et non-dirigée », même si j’aurais plutôt évoqué une restauration de ces principes, dont j’estime qu’ils ont été largement mis à mal.

M. Julien Aubert. Je m’interroge sur la rédaction de cet amendement, qui mêle deux visions.

Tout d’abord, un haut-commissaire définissant lui-même sa feuille de route « sur la base de grands enjeux sociétaux qu’il contribuera à définir ». Pourquoi, d’ailleurs, des enjeux sociétaux en matière de recherche ?

Ensuite, conformément à ce qu’est l’administration française, qui ne doit pas être perturbée, vous précisez que ce cadrage stratégique « aura vocation à être décliné », ce qui me fait penser au « chef de filat » des régions, primus inter pares sans en avoir vraiment les moyens. À la fin, c’est un beau bazar !

Cet amendement n’est pas assez précis si l’on souhaite être efficace et trop précis si l’on ne veut pas que le Gouvernement pâtisse d’une certaine désorganisation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis d’accord avec M. Coquerel. Je précise d’ailleurs que, selon le décret d’attribution, le haut-commissaire dispose du concours de France Stratégie – qui est donc un outil – et qu’il faut en effet être vigilant et ne pas le transformer en un France Stratégie bis. Son action politique doit être plus assumée.

Le même décret précise que le haut-commissaire est rattaché au secrétariat général du Gouvernement. La dimension interministérielle y est donc intrinsèque.

Un haut-commissaire au plan suppose une vision de long terme : quelle politique publique, sinon la recherche, et particulièrement, la recherche publique, a-t-elle vocation à s’inscrire sur le long terme ? Toute polémique politique serait inutile dans un domaine où, depuis sa création, le haut-commissaire au plan est légitime pour proposer un cadre stratégique pluriannuel.

M. le président Éric Woerth. Vous admettrez toutefois que cet amendement est un peu superfétatoire. Où va-t-on si vous définissez dans chaque texte le rôle du haut-commissaire au plan ! Il va de soi qu’il a vocation à examiner la stratégie de recherche en France et c’est également vrai dans un grand nombre de domaines. Il me semble qu’il y a là quelque chose d’assez désagréable pour le haut-commissaire.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Ne nous emballons pas ! Il s’agit d’un amendement d’appel.

Je note soigneusement les précisions sémantiques dont Charles de Courson a fait état mais je refuse la lecture presque caricaturale de cet amendement, comme si le rapporteur pour avis que je suis voulait sponsoriser François Bayrou – ce qui n’est pas le cas –, et mettre le désordre dans les périmètres gouvernementaux – ce qui est largement au-dessus de mes forces !

Revenons donc à l’essentiel. Je reconnais que cette réflexion, en partie personnelle, résulte des trois rapports préparatoires à la rédaction de la loi de programmation. Le dernier, à la rédaction duquel j’ai participé, comporte une proposition qui a reçu l’aval de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche : comme dans toutes les autres grandes démocraties, où le secteur de la recherche est développé, il est nécessaire de disposer, sous la forme d’un conseil scientifique, d’un organe permettant d’avoir une vision qui ne soit pas simplement en silo – ministère de l’économie et des finances, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère de l’agriculture, ministère de la défense, ministère de la culture… –, comme si le Premier ministre pouvait à lui seul piloter la réflexion !

Il ne s’agit pas définir les politiques mais de poser les enjeux de la réflexion stratégique dans les vingt à trente prochaines années. Nous traversons une crise sanitaire ; nous voyons bien les enjeux, les polémiques, les avis contradictoires suscités par l’activité scientifique. Le troisième rapport préparatoire du projet de loi prévoyait la création d’un haut conseil rattaché au Président de la République lui-même, mais on nous a expliqué que ce n’était pas possible, ce qui est sans doute vrai constitutionnellement. J’ai noté avec un certain amusement qu’avec l’installation du haut-commissaire au plan, nous avons en quelque sorte coupé la poire en deux : la lettre de mission et de cadrage vient de l’Élysée et l’ensemble des moyens est rattaché, ce qui est normal, à Matignon. Il n’y a donc pas de concurrence entre le haut-commissaire au plan et le Premier ministre.

Cet amendement d’appel ne vise pas à jouer à je ne sais quel jeu de quilles mais à souligner l’une des faiblesses de notre système de pilotage de la recherche publique partenariale et privée : le cloisonnement. Je cherche donc un lieu, au-delà du pilotage de tel ou tel programme ou budget, pour examiner les grands enjeux scientifiques, les rapports entre la science et la société. Il me semble que le haut-commissaire au plan est d’actualité. Si ce doit être autre chose, ce sera autre chose, mais tel est l’esprit de cet amendement.

La commission adopte l’amendement CF15.

Elle examine l’amendement CF16 du rapporteur pour avis.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à assurer un suivi renforcé de nos docteurs formés en France et qui ont choisi d’acquérir une expérience à l’international. En effet, le lien entre la structure de formation et le chercheur est aujourd’hui trop souvent rompu, avec pour conséquence d’ajouter au phénomène dit de la fuite des cerveaux un déficit de reconnaissance dont peuvent parfois souffrir les chercheurs.

Plus globalement, l’amendement vise à concevoir l’expérience à l’international comme une opportunité à moyen et long termes pour la recherche française, en particulier dans les domaines stratégiques de la recherche partenariale et de l’innovation. Par exemple, le Japon, grâce à un suivi régulier de ses chercheurs partis se former aux États-Unis, a su tirer parti de leurs expériences pour se remettre dans la course à la compétitivité.

La commission adopte l’amendement CF16.

Elle examine l’amendement CF13 du rapporteur pour avis.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Je présente cet amendement avec le président Woerth.

Il vise à préciser que la recherche en cancérologie, en particulier en matière de cancers pédiatriques, est une priorité pour les prochaines années. Les parlementaires qui sont très impliqués dans ce combat seront associés à la définition des actions de recherche menées afin de mieux comprendre ce type de cancers, d’améliorer les chances de guérison et les conditions de traitement des patients.

M. le président Éric Woerth. Je ne reviendrai pas sur l’historique de cette question, sur laquelle nous travaillons ensemble, quelles que soient les formations politiques, afin d’exercer une forme de pression sur l’État tant en ce qui concerne les crédits que la transparence des actions conduites, sachant que la recherche, par définition, prend du temps et qu’elle est complexe. La transparence, qui est nécessaire, n’est pas toujours de mise.

M. Julien Aubert. Effectivement, cela nous rappelle des combats homériques qui ont eu lieu en commission.

Cet amendement ne gagnerait-il pas à être précisé en exposant les modalités de l’association des parlementaires à ce travail ? Souvent, c’est à travers des rapports qui alourdissent les procédures, ce que nous n’aimons guère. Certains parlementaires spécialisés sur ces questions seraient très intéressés à l’idée de bénéficier d’un accès direct au suivi.

M. Michel Lauzzana. Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord sur la nécessité d’avoir des informations. Les parlementaires ont des liens directs avec de nombreuses associations qui, souvent, demandent des comptes, comme je l’ai encore récemment constaté, et veulent savoir ce que sont devenus les budgets que nous votons.

Sur la forme, la phrase : « Les parlementaires, associés à l’élaboration des actions destinées à mieux comprendre ces cancers… » pourrait laisser croire que l’information vise les seuls parlementaires associés à cette élaboration. Afin d’ôter toute ambiguïté, on pourrait préférer écrire : « Les parlementaires sont tenus informés des progrès réalisés et sont associés à l’élaboration… ».

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Nous devons faire vivre cet amendement, en discuter avec le cabinet de la ministre. L’articulation dans le pilotage des recherches, notamment dans le cadre de l’Institut national du cancer, entre le ministère de la santé et le ministère de la recherche, soulève des interrogations et pose un vrai problème de visibilité. Ce type de sujet peut-il faire l’objet d’un programme prioritaire de recherche ? Je ne peux pas répondre à votre question, mais c’est l’esprit dans lequel nous sommes.

M. le président Éric Woerth. En fait, nous devons chaque année provoquer une sérieuse discussion avec l’État, car ce n’est pas lui qui en prendra l’initiative. Elle peut avoir lieu au moment de l’examen des crédits ou du projet de loi de règlement, comme nous l’avons déjà fait lorsque l’État nous a présenté un bilan de l’utilisation des 5 millions d’euros supplémentaires en faveur de la recherche sur les cancers pédiatriques par type d’action. Les outils existent : à nous de les faire vivre. Il y a un groupe d’études sur le cancer à l’Assemblée nationale, qui s’occupe tout particulièrement de cela, et chacun y est le bienvenu.

M. Daniel Labaronne. Je suis tout à fait d’accord pour que le Parlement soit associé et informé sur la question des cancers pédiatriques, mais il ne faut pas donner le sentiment que l’on établit une sorte de hiérarchie privilégiant la recherche sur le cancer au détriment de la recherche sur d’autres maladies, notamment les maladies orphelines, qui touchent également des enfants.

M. le président Éric Woerth. Les débats ont été particulièrement virulents sur ce sujet. Il ne s’agit évidemment pas d’ignorer les autres maladies et il n’y a pas de hiérarchie, cela va de soi, entre les différentes maladies. Les modalités de financement sont différentes pour la recherche sur les maladies orphelines.

M. Charles de Courson. Sur le fond, je suis tout à fait d’accord mais, telle qu’elle est rédigée, la deuxième phrase se heurtera une nouvelle fois au problème des injonctions au Gouvernement. Il faudrait indiquer que les parlementaires « sont tenus informés des progrès réalisés » plutôt que d’écrire qu’ils sont « associés à l’élaboration des actions », car cela relève d’une confusion entre le législatif et l’exécutif.

M. le président Éric Woerth. Le rôle du Parlement est de contrôler l’utilisation des fonds.

M. Julien Aubert. S’il s’agit de l’information qui transite dans les débats budgétaires habituels, alors cet amendement n’apporte pas grand-chose. Il m’avait semblé que pour suivre cette action particulière, on mettait en place un système garantissant que les parlementaires seraient associés. Je maintiens qu’il serait bon d’y réfléchir d’ici à la séance, parce que si nous ne le précisons pas dans la loi, nous prenons le risque de nous entendre dire que nous sommes informés lors du débat budgétaire. Cela ne servirait donc à rien !

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Je m’associe à vos remarques, monsieur le président, et à vos souhaits, Charles de Courson. Faisons vivre cet amendement, allons jusqu’à l’hémicycle ; nous trouverons une solution. L’amendement que j’ai déposé traduit une volonté politique, celle de renchérir les ambitions de l’article 1er tout en apportant un peu plus de souplesse.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’un amendement au rapport annexé.

La commission adopte l’amendement CF16.

Elle examine l’amendement CF17 du rapporteur pour avis.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que les territoires constituent une échelle pertinente pour renforcer la diffusion de la recherche à toute la société dans une perspective de reconsolidation du lien démocratique. Il fait également mention de la compétitivité de notre économie, afin de mieux souligner le rapport entre l’effort national de recherche et la nécessaire préservation du rang de la France en situation de concurrence économique internationale. Il est également proposé de supprimer la référence à la société française et européenne, afin de dissiper le malentendu selon lequel la recherche fondamentale serait totalement et exclusivement dirigée au service de l’économie.

La commission adopte l’amendement CF17.

Elle est saisie de l’amendement CF18 du rapporteur pour avis.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à pérenniser la démarche de concertation qui a permis d’aboutir à la rédaction de ce projet de loi, en veillant à ce que les acteurs du monde de la recherche, de l’enseignement supérieur, de l’innovation, ainsi que les citoyens, les entreprises ou encore les associations soient pleinement informés des différentes stratégies de développement de la recherche conduites à l’échelon national et régional.

La commission adopte l’amendement CF18.

Elle examine l’amendement CF10 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Après ce que nous venons de vivre avec la crise du covid-19, nous ne pouvons pas continuer comme avant. Plus que jamais, il faut revoir la question du financement de la recherche en France, en supprimant notamment le crédit d’impôt recherche, niche fiscale coûteuse et inefficace, qui revient à donner de l’argent de l’État sans aucune condition et avec parfois des conséquences assez étonnantes. On me rétorquera que ce crédit d’impôt est ouvert aux TPE – soit. Mais il bénéficie aussi et surtout aux très grandes entreprises, avec un plafonnement au niveau des filiales et non pas du groupe, ce qui ne fait que renforcer le risque de montage fiscal avantageux.

Sanofi touche 150 millions d’euros par an de crédit d’impôt recherche : cela coûte donc à l’État 1,5 milliard d’euros sur dix ans. Les effectifs de Sanofi sont passés de 6 300 à 3 800 en 2019, et le groupe annonce de nouvelles suppressions d’emplois en pleine crise du covid-19. L’exemple de Sanofi est frappant : on ne peut plus continuer avec un crédit d’impôt qui avantage sans condition les actionnaires, dont les bénéfices ne sont pas orientés vers la recherche, et sans que l’État puisse y faire grand-chose une fois l’argent donné. Pour cette raison, nous proposons de supprimer le crédit d’impôt recherche.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Quelle que soit sa radicalité, cet amendement ne conduirait absolument pas à une suppression du crédit d’impôt recherche : il se contenterait d’inscrire cet objectif dans le rapport annexé, qui a vocation à orienter la recherche publique et privée en France.

La question du crédit d’impôt recherche est centrale pour comprendre la dynamique des dépenses de recherche en France. Avec 6,2 milliards d’euros, il s’agit d’un mécanisme utile, qui a incité beaucoup d’entreprises à localiser leurs activités en France. Cet outil est fondamental pour soutenir l’effort de recherche et de développement national car, en période de crise, quand la survie de l’entreprise est en jeu, c’est ce poste de dépenses que les entreprises ont tendance à rogner en priorité.

Je souhaite ouvrir une discussion sur l’efficience du crédit d’impôt recherche à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances, afin d’en finir avec les fantasmes sur le grand capital dévoreur des ressources du pays. Selon plusieurs rapports, des améliorations peuvent être apportées. Conditionnalité, contreparties ou encore dynamique : l’essentiel, c’est que le Parlement soit en situation de mesurer de quelle manière un tel effort fiscal peut contribuer à l’effort de recherche privée, absolument indispensable à notre pays sous peine de le condamner à un décrochage permanent.

Mme Émilie Cariou. Je comprends parfaitement l’objectif recherché par cet amendement, mais je le trouve beaucoup trop radical. Le crédit d’impôt recherche est un outil public d’incitation à la recherche en France, notamment à la recherche privée et dans le secteur industriel. Il n’alimente pas que la finance, même si je trouve assez dérangeante l’idée que les profits de la finance ne suffisent pas à embaucher les personnes faisant de la recherche algorithmique.

On peut s’interroger sur l’allocation du crédit d’impôt recherche. Il faut orienter l’argent public d’une manière beaucoup plus stratégique, dans une logique industrielle, voire de relocalisation. Il n’y a plus de temps à perdre : au-delà d’un certain montant, il faut absolument conditionner ce crédit d’impôt à des engagements très clairs et à la relocalisation d’unités industrielles en France et en Europe. Il ne s’agit pas de faire du nationalisme économique : la zone européenne a été largement désindustrialisée et s’est grandement fragilisée depuis quarante ans dans des secteurs très stratégiques comme le matériel de santé, les télécoms, l’aérospatiale ou encore l’agroalimentaire. L’État et notre haut-commissaire au plan, s’il sert à quelque chose, devront se poser des questions stratégiques de cet ordre, mais c’est maintenant qu’il faut le faire : on ne va pas attendre encore cinq ans et plusieurs de rapports avant de réorienter de manière beaucoup plus stratégique l’argent public.

Mme Valérie Rabault. Je ne voterai pas cet amendement. Le crédit d’impôt recherche a été créé en 1983 par Henri Emmanuelli, que l’on ne peut accuser d’avoir voulu faire vivre le grand capital !

M. Éric Coquerel. C’était aussi un ancien banquier !

Mme Valérie Rabault. Ce crédit d’impôt a véritablement été créé pour soutenir la recherche. Élue depuis 2012, j’ai déposé chaque année des amendements pour le modifier – sans aucun succès ! En effet, quelles que soient les majorités, des blocages empêchent de le faire évoluer, alors même que les dépenses fiscales ne cessent d’augmenter. Il faut s’interroger sur la concentration de ces 6,5 milliards d’euros. Le rapporteur général du budget – je l’ai été précédemment – a accès à toutes les liasses permettant de savoir, entreprise par entreprise, qui en bénéficie. Quand on a ces liasses sous les yeux, on se dit qu’il y a quand même de sérieuses modifications à faire ! J’espère que le rapporteur général du budget et le président de la commission des finances auront la curiosité d’aller les consulter.

Je continuerai à militer pour que des modifications soient apportées au crédit d’impôt recherche. En 2007, la France et l’Allemagne consacraient à peu près la même part de PIB à l’investissement dans la recherche des entreprises. L’Allemagne l’a augmentée de 25 % : nous n’en sommes pas du tout là, alors que le niveau du crédit d’impôt recherche a été doublé.

M. Nicolas Forissier. Je voudrais faire entendre une tonalité un peu différente. Même s’il faut le contrôler et éviter qu’il ne soit toujours capté par les mêmes, le crédit d’impôt recherche est un atout considérable pour l’attractivité française. Quand on connaît le niveau des prélèvements obligatoires sur les entreprises, on peut se féliciter qu’il existe au moins un outil très attractif, que les industries du reste du monde nous envient. De grâce, ne rouvrons pas ce débat ! En vrai libéral, je suis favorable à un État fort dans la régulation, mais l’idée d’imposer des conditions m’inquiète beaucoup car cela serait totalement contre-productif. Les entreprises ont besoin d’oxygène et de liberté !

M. Charles de Courson. Le débat sur la conditionnalité est tout à fait légitime puisque tout argent public, en particulier s’agissant de l’impôt, doit être conditionné par un motif d’intérêt général. Or le crédit d’impôt est calculé en fonction d’un objectif, à savoir le montant consacré à la recherche. La voilà, la condition : ce n’est pas open bar, comme on dit ! Si vous voulez aller plus loin en imposant des contreparties en termes d’emplois, je vous souhaite bien du plaisir ! Toutes les tentatives se sont soldées par un mécanisme de plus en plus bureaucratique, et cela ne ferait que croître et embellir. Je vous mets en garde contre la gestion administrative : quels critères imposer ? Comment et par qui en contrôler l’application ? C’est tout cela qu’il faut déterminer avant de se lancer. Le crédit d’impôt recherche n’est donc pas inconditionnel. Si vous voulez créer une condition supplémentaire liée aux résultats, alors c’est un autre débat, qui vaut pour tous les crédits publics…

Mme Émilie Cariou. Cela s’appelle du pilotage, tout simplement !

M. Charles de Courson. Allez jusqu’au bout du raisonnement. Tant que l’on s’en tient à des idées un peu vagues et générales, ça va, mais quand on entre dans le détail, c’est autre chose !

M. Michel Castellani. Le crédit d’impôt recherche soutient beaucoup de structures. Certaines sont de petites unités de recherche, d’autres consomment des montants extrêmement importants. Dans un cas comme dans l’autre, la procédure de contrôle doit être renforcée : le crédit d’impôt ne doit pas devenir une libéralité accordée à des chasseurs de primes. Mais, sur le fond, il est hors de question d’y toucher car il est indispensable à beaucoup d’unités de recherche.

M. Patrick Hetzel. L’objectif principal du crédit d’impôt recherche est de rendre nos entreprises plus actives en matière de recherche et développement : il y a réellement contribué. S’il a sans doute entraîné des effets d’aubaine dans certains secteurs, il est l’un des rares éléments d’attractivité de la France à l’échelle internationale : ne perdons pas de vue cet élément.

Le projet de loi que nous examinons ne traite pas suffisamment de la question de l’intensification de la recherche et du développement des entreprises privées ; c’est bien là le problème. Si les Allemands font nettement mieux en la matière, c’est sans doute parce qu’ils ont moins désindustrialisé que nous. Nous devons aborder cette question de fond ; malheureusement, le projet de loi n’en fait rien.

M. Éric Coquerel. Le crédit d’impôt recherche – et c’est bien le problème – est accordé sans condition.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais non ! Il est très encadré !

M. Éric Coquerel. Sanofi, qui reçoit 150 millions d’euros par an de crédit d’impôt recherche, a drastiquement diminué la part du personnel consacré à la recherche en France, tout en continuant à faire des bénéfices.

Je répondrai à mon collègue qui souhaite donner de l’oxygène aux entreprises que celui-ci ne peut provenir de l’argent public, surtout s’il s’agit de nourrir des actionnaires plutôt que de développer la recherche. Je ne parle pas du grand capital – c’est une caricature – mais j’évoque des choses précises : avec 6,5 milliards d’euros mis sur la table pour développer la recherche en France, le crédit d’impôt recherche est la première dépense fiscale de l’État. Il n’est plus possible de maintenir cette niche fiscale sans condition.

Le rapport entre l’argent investi par l’État dans la recherche publique et les sommes consacrées au crédit d’impôt recherche s’est dégradé depuis 1983 parce que l’on a affaibli le financement de la recherche publique au profit de l’aide inconditionnelle au privé. Il faut en faire le constat : cet argent public ne sert pas, dans sa totalité, à l’objectif recherché. On ne peut pas continuer comme cela très longtemps !

M. Laurent Saint-Martin. L’amendement d’Éric Coquerel est caricatural : il vise les grandes entreprises, particulièrement Sanofi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour ne pas dire exclusivement !

M. Laurent Saint-Martin. Il faudrait plutôt se demander ce que le déplafonnement instauré pendant le quinquennat 2007-2012 a réellement apporté à la recherche. Il faut mener le débat sur l’apport des grands groupes à la recherche et développement (R&D) dans notre pays, avec les externalités positives que cela peut créer pour de plus petites entreprises. Voilà un vrai débat ! Le crédit d’impôt recherche est de facto conditionné : il faut faire des dépenses de R&D pour en bénéficier. Quand Sanofi supprime des postes de chercheurs en France, elle diminue d’autant son assiette de crédit d’impôt : on ne fait pas de cadeau avec, en contrepartie, des suppressions d’emplois ! Le vrai scandale, ce n’est pas la R&D de Sanofi mais le fait que son produit phare, à savoir le Doliprane, est produit à 80 % en Chine.

La stratégie que nous devons adopter pour l’avenir, c’est la relocalisation de la production. La R&D de Sanofi est réalisée en France, mais quelle est la valeur ajoutée de la R&D des grands groupes dans notre pays ? Faut-il retoucher certains critères ? Le déplafonnement voulu sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy a-t-il été utile ? Le Gouvernement s’est engagé à nous faire parvenir des documents sur ce point avant la fin du mois. La production est le sujet central sur lequel nous devons nous concentrer : il faut faire revenir sur notre territoire une production industrielle.

La commission rejette l’amendement CF10.

Elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 1er et du rapport annexé modifiés.

Article 2

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF7 de Mme Valérie Rabault, CF3 de M. Patrick Hetzel et CF14 du rapporteur pour avis.

Mme Valérie Rabault. L’amendement CF7 vise, d’une part, à ramener la loi de programmation à sept ans au lieu de dix ans et, d’autre part, à répartir l’argent initialement prévu pour les années 2028 à 2030 sur les années 2021 à 2027.

M. Patrick Hetzel. L’objectif de l’amendement CF3 est lui aussi de réduire de dix ans à sept ans la programmation budgétaire et, par voie de conséquence, de réallouer ces moyens sur cette nouvelle période, avec un fléchage sur les programmes 172 et 193, ainsi que sur le programme 150 concernant l’enseignement supérieur.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. L’amendement CF14 vise à corriger la trajectoire présentée par la loi de programmation de l’impact des mesures annoncées dans le cadre du plan de relance de l’économie, lequel prévoit de consacrer près de 400 millions d’euros supplémentaires dès 2021 au budget de l’Agence nationale de la recherche.

Concernant les deux autres amendements en discussion commune, plutôt que de réduire la durée de vie de la loi de programmation, je préfère prévoir une clause de revoyure, qui permettrait à la commission des finances d’en débattre : réduire de trois ans la durée de la programmation ne changera rien à cette nécessité. Avis défavorable aux amendements CF7 et CF3.

Mme Valérie Rabault. L’amendement du rapporteur pour avis est cohérent avec ce qui a été annoncé dans le plan de relance. Toutefois, les 435 millions d’euros supplémentaires ne concernent pas, comme certains ont pu le penser, la loi de programmation, mais bien la loi de finances initiale : cela fait en réalité une augmentation d’environ 286 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Quand on examine le texte gouvernemental, la croissance des crédits paraît extrêmement rapide, avec 1,3 milliard d’euros à partir de 2023. Or notre espérance de vie est bornée à 2022 : on peut toujours affirmer que l’on fera croître les moyens dans la future législature, mais bien malin qui peut dire ce qui sortira des prochaines élections ! Il n’est pas très raisonnable de tabler sur des croissances aussi fortes pour la prochaine législature.

M. le président Éric Woerth. C’est une espérance de vie renouvelable, contrairement à l’espérance de vie classique !

La commission rejette successivement les amendements CF7 et CF3 puis adopte l’amendement CF14.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CF12 du rapporteur pour avis ainsi que les amendements identiques CF1 de M. Patrick Hetzel et CF8 de Mme Valérie Rabault.

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. La loi de programmation, qui prévoit d’augmenter de 5 milliards d’euros les moyens annuels de la recherche d’ici à 2030, doit s’articuler avec l’annualité des lois de finances. Le présent amendement a donc pour objet la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement, en amont du débat d’orientation des finances publiques, commentant l’exécution de la trajectoire budgétaire et les écarts éventuels. En cas d’écart, le Gouvernement devra commenter l’opportunité d’actualiser cette trajectoire. L’amendement vise par ailleurs à instaurer une clause de révision en 2023.

M. Patrick Hetzel. Le Conseil d’État a fait observer que prévoir l’actualisation de la programmation budgétaire pour la recherche dans un projet de loi constituait une injonction au Gouvernement dénuée de base juridique. Si l’on souhaite agir, il faut que le Gouvernement remette un rapport en amont. Il est donc nécessaire de compléter ou de réécrire l’article 2. Tel est l’objet de l’amendement CF1.

Mme Valérie Rabault. L’amendement CF8 est similaire à celui du rapporteur pour avis, même si la rédaction n’est pas tout à fait la même : il vise à assurer un suivi de la mise en œuvre concrète de cette loi de programmation.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur pour avis, c’est un amendement sympathique que votre amendement CF12 mais, de grâce, supprimez la dernière phrase ! « Au regard de ces écarts éventuels, il commente l’opportunité… Ce n’est pas une loi : c’est une discussion de salon ! Cessons donc de commenter et écrivons plutôt : « Le cas échéant, il explique les écarts entre la programmation budgétaire et l’exécution annuelle des crédits. »

M. Francis Chouat, rapporteur pour avis. Ce qui m’importe, c’est l’effectivité des mécanismes d’évaluation et de révision.

Je considère que mon amendement est un tout petit peu plus précis que ceux de Valérie Rabault et de Patrick Hetzel parce qu’il prévoit une clause de révision. Je leur demande donc de bien vouloir retirer leurs amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Les amendements CF8 et CF1 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CF12.

Elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

 


([1])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9453024_5f58cff9c8afc.commission-des-affaires-culturelles--mme-frederique-vidal-ministre-de-lenseignement-superieur-de-9-septembre-2020

([2])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9461188_5f5f83c19c956.commission-des-affaires-culturelles--programmation-de-la-recherche-pour-les-annees-2021-a-2030-14-septembre-2020

([3]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9462622_5f5fbc247ca23.commission-des-affaires-culturelles--programmation-de-la-recherche-pour-les-annees-2021-a-2030-sui-14-septembre-2020  

([4])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9467423_5f60d903ec25d.commission-des-affaires-culturelles--programmation-de-la-recherche-pour-les-annees-2021-a-2030-sui-15-septembre-2020

 

([5])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9471932_5f610cb78e89b.commission-des-affaires-culturelles--programmation-de-la-recherche-pour-les-annees-2021-a-2030-sui-15-septembre-2020

 

([6]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9460936_5f5f5a8d427ac.commission-des-affaires-economiques--projet-de-loi-de-programmation-de-la-recherche-pour-les-annees-14-septembre-2020

([7]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9448502_5f58824a26053.commission-des-finances--projet-de-loi-de-programmation-de-la-recherche-pour-les-annees-2021-a-2030-9-septembre-2020