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N° 3347

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2020.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE DEXAMINER
LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,
après engagement de la procédure accélérée, daccélération et de simplification
de laction publique,

PAR M. Guillaume Kasbarian,

Député.

——

 

 Voir les numéros :

 Assemblée nationale :  2750 rect.

  Sénat :  307, 358, 359 et T.A. 74 (2019‑2020).


 

 

La commission spéciale est composée de :

M. Bruno Duvergé, président ; M. Guillaume Kasbarian, rapporteur ; Mme Émilie Chalas, M. Rémi Delatte, Mme Laure de La Raudière, M. Philippe Vigier, vice-présidents ; M. Jean Marie Fiévet, Mme Catherine Kamowski, Mme Patricia Lemoine, M. Gabriel Serville, secrétaires ; M. Damien Adam, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Ugo Bernalicis, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, Mme Blandine Brocard, Mme Danielle Brulebois, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, Mme Christine Cloarec‑Le Nabour, M. Pierre Cordier, Mme Bérangère Couillard, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Julien Dive, Mme Sophie Errante, Mme Paula Forteza, M. Alexandre Freschi, Mme Laurence Gayte, Mme Séverine Gipson, Mme Émilie Guerel, Mme Christine Hennion, M. François Jolivet, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, M. Jérôme Lambert, M. Philippe Latombe, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Annaïg Le Meur, Mme Alexandra Louis, Mme Laurence Maillart‑Méhaignerie, Mme Sereine Mauborgne, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Monica Michel, M. Pierre Morel‑À‑L’Huissier, Mme Mathilde Panot, Mme Isabelle Rauch, M. Rémy Rebeyrotte, M. Buon Tan, M. Vincent Thiébaut, Mme Agnès Thill, M. Nicolas Turquois, Mme Cécile Untermaier, M. Pierre Venteau, M. Stéphane Viry.

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

SYNTHÈSE DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Examen des articles

TITRE Ier DISPOSITIONs RELATIVES À LA SUPPRESSION DE COMMISSIONS Administratives

Article 1er (article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime) Suppression de la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux

Article 1er bis (article L. 112-16 du code rural et de la pêche maritime) Suppression des commissions départementales de gestion de lespace

Article 1er ter (article 25 de la loi du 2 juillet 1935 tendant à lorganisation et à lassainissement des marchés du lait et des produit résineux [abrogé]) Suppression du comité central du lait

Article 2 (article 72 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes [abrogé]) Suppression de la commission de suivi de la détention provisoire

Article 3 (article 37 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs et à simplifier les modalités de leur nomination [abrogé]) Suppression du conseil national de laide aux victimes

Article 4 (article 7 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire [abrogé]) Suppression de lobservatoire de la récidive et de la désistance

Article 5 (article 28 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination [abrogé]) Suppression de la commission nationale des services

Article 5 bis (nouveau) (article L. 123-1 [abrogé] du code de la sécurité intérieure) Suppression de lInstitut national des hautes études de la sécurité et de la justice

Article 6 (articles 1510, 1511, 1512 [abrogé], 1513 [abrogé], 1515, 1652 bis [abrogé], 1653, 1732, 1740 A bis et 1753 du code général des impôts) Suppression de la commission centrale des impôts directs compétente en matière dévaluation foncière

Article 7 (article L. 239-2 [abrogé] du code de léducation) Suppression de lobservatoire national de la sécurité et de laccessibilité des établissements denseignement

Article 8 (article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de lhabitation et article 13 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale)  Regroupement du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable et du haut comité pour le logement des personnes défavorisées

Article 9 (article L. 1212-3-4 du code des transports et article 86 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination) Suppression anticipée du conseil national de laménagement et du développement du territoire

Article 10 (articles L. 115-1 et L. 115-2 [abrogés] et L. 451-5 du code du patrimoine) Suppression de la commission scientifique nationale des collections

Article 11 (article 74 [abrogé] de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer  et article 6 decies de lordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Suppression de la commission nationale dévaluation des politiques de lÉtat outre-mer

Article 12 (section 2 du chapitre IV du titre IX du livre V [abrogée] du code de lenvironnement) Suppression de la commission nationale dévaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs

Article 12 bis (articles L. 542-1-2 et L. 542-12 du code de lenvironnement) Allongement de trois à cinq ans de la durée à lissue de laquelle est révisé le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs

Article 13 Suppression de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires

Article 13 bis Harmonisation du traitement des demandes dindemnisation des victimes des  essais nucléaires français

Article 14 (articles L. 114-6, L. 114-20, L. 411-1 [abrogé], L. 411-2 [abrogé], L. 411-3 [abrogé] et L. 421-3 du code de la mutualité) Suppression du conseil supérieur de la mutualité

Article 14 bis (article L. 510-1 du code de la mutualité) Suppression du contrôle de certaines mutuelles par le Gouvernement

Article 15 (articles L. 2, L. 3, L. 2152-6, L. 2261-15, L. 2261-17, L. 2261-24, L. 2261-27, L.2261-32, L. 22711, L. 2272-1 et L. 3346-1 [abrogé] du code du travail et articles L. 911-3, L. 911-4 et L. 9115 du code de la sécurité sociale) Fusion de diverses instances consultatives relatives aux relations de travail

Article 16 (article L. 1145-1 du code du travail [abrogé] et article 9-1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions dadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) Absorption du conseil supérieur de légalité professionnelle entre les femmes et les hommes par le haut conseil de légalité entre les femmes et les hommes

Article 16 bis A (articles L. 1512-6 à L. 1512-18 du code des transports [abrogés]) Suppression du fonds pour le développement de lintermodalité dans les transports

Article 16 bis Modification de la composition des commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers

Article 16 ter (nouveau) (articles L. 2, L. 2-2, L. 33-2, L. 34, L. 34-11, L. 35-1, L. 35-2, L. 35-3, L. 43, L. 44, L. 125 [abrogé], L. 131 et L. 135 du code des postes et des télécommunications électroniques et article 40 de la loi n° 20161888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne) Suppression de la commission supérieure du numérique et des postes

Article 16 quater (nouveau) (article L. 642-9 du code rural et la pêche maritime) Modification de la composition des comités nationaux de lInstitut national de lorigine et de la qualité

Article 16 quinquies (nouveau) (articles 4, 5, 6 et 17 de la loi n° 2014856 du 31 juillet 2014 relative à léconomie sociale et solidaire) Suppression du conseil national des chambres régionales de léconomie sociale et solidaire

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À LA DÉCONCENTRATION DE DÉCISIONS ADMINISTRATIVES INDIVIDUELLES

Article 17 (article L. 361-2 du code de léducation, articles L. 212-10, L. 212-10-1 [nouveau], L. 641-1 et L. 641-3 du code du patrimoine, article L. 480-1 du code de lurbanisme et articles 2 et 3 de lordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles)  Déconcentration de diverses décisions individuelles dans le domaine de la culture

Article 17 bis (nouveau) (article 795 A du code général des impôts)  Déconcentration des décisions dexonération des droits de mutation à titre gratuit applicables aux monuments historiques

Article 17 ter (nouveau) (article L. 523-10 du code du patrimoine)  Déconcentration des décisions de règlement des différends en matière darchéologie préventive

Article 18 (article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle) Transfert au directeur général de lInstitut national de la propriété industrielle (INPI) des décisions relatives à linterdiction de la divulgation et de la libre exploitation des brevets ainsi quà leur prorogation et levée

Article 19 (articles L. 1313-1, L. 1313-5, L. 1321-5, L. 1322-4, L. 1322-13, L. 1431-3, L. 1432-2, L. 1441-5, L. 5123-2, L. 5126-6, L. 5132-6, L. 5132-7, L. 5311-1 et  L. 5521-7 du code de la santé publique) Déconcentration et simplification de certaines décisions administratives dans le champ de la santé

Article 19 bis A (nouveau) Mutualisation de fonctions support entre établissements publics exerçant des missions similaires

Article 19 bis (articles L. 1123-7 et L. 112371 du code de la santé publique) Simplification des procédures applicables aux recherches non interventionnelles ne portant pas sur un produit de santé

Article 19 ter (article L. 521-2 du code de lenvironnement) Simplification de la délivrance des certificats de conformité aux bonnes pratiques pour les laboratoires dessais dans le champ de la santé et de lenvironnement

Article 20 (article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales) Agrément des dispositifs de traitement dans les installations dassainissement non collectif

TITRE III DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES APPLICABLES AUX ENTREPRISES

Chapitre Ier Dispositions relatives aux procédures environnementales et à la participation du public

Article 21 (articles L. 512‑5, L. 512‑7 et L. 512‑10 du code de lenvironnement) Modalités dapplication des nouvelles prescriptions en matière dinstallations classées pour la protection de lenvironnement aux projets en cours

Article 21 bis (nouveau) (article L. 515-1 du code de lenvironnement) Précision des limites de durée pour le renouvellement des autorisations et des enregistrements pour les exploitations de carrières

Article 22 (article L. 522-2 du code du patrimoine)  Garanties concernant la réglementation applicable en matière de prescriptions darchéologie préventive

Chapitre II (Division et intitulé supprimés)

Article 23 (articles L. 122-1-1 et L. 181-10 du code de lenvironnement)  Actualisation des études dimpact

Article 23 bis (nouveau) (article L. 121-15-1 du code de lenvironnement) Droit doption entre la concertation prévue par le code de lurbanisme et celle prévue par le code de lenvironnement

Article 23 ter (nouveau) (articles L. 103-2, L. 104-1, L. 104-2, L. 104-3 et L. 122-22 du code de lurbanisme et article L. 12117-1 du code de lenvironnement)  Simplification et clarification des règles relatives à la participation du public et à lévaluation environnementale en droit de durbanisme

Chapitre III (Division et intitulé supprimés)

Article 24 (articles L. 512-7-3, L. 512-7-5, L. 512-12, L. 555-1 et L. 555-12 du code de lenvironnement) Modalités de consultation du conseil départemental de lenvironnement et des risques sanitaires et technologiques

Article 24 bis (nouveau) (article L. 121-19 du code de lenvironnement) Réduction des délais pour demander une concertation préalable

Article 25 (articles L. 181-9, L. 181-10 et L. 181-31 du code de lenvironnement et article L. 2391-3 du code de la défense) Consultation du public pour les projets soumis à autorisation ne faisant pas lobjet dune évaluation environnementale

Article 25 bis A (nouveau) (articles L. 23911 et L. 23913 du code de la défense, articles L. 1037 [nouveau] et L. 3002 du code de lurbanisme, section 6 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier et articles L. 123198, L. 1252, L. 51271 et L. 51525 du code de lenvironnement et ordonnance n° 20207 du 6 janvier 2020 relative à la prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, daccès à linformation et durbanisme) Prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, daccès à linformation et durbanisme

Article 25 bis B (nouveau) (articles L. 181-23-1 [nouveau], L. 214-3 et L. 215-15 du code de lenvironnement, articles L. 2111-5 et L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques et articles L. 121-32 et L. 12134 du code de lurbanisme) Simplification des procédures applicables aux ouvrages et aux opérations réalisés dans le cadre de lexercice par les collectivités de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations

Article 25 bis C (nouveau) (article L. 334-3-1  [nouveau] du code de lenvironnement) Procédures de consultation relatives aux parcs naturels marins

Article 25 bis D (nouveau) (article L. 14161 du code de la santé publique) Amélioration de la diffusion de linformation transmise au CODERST

Article 25 bis E (nouveau) (article L. 1224 du code de la voirie routière) Sécurisation de la participation financière de tiers à la réalisation douvrages liés à des autoroutes

Article 25 bis F (nouveau) (articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 code général des collectivités territoriales, article L. 21221-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques et article L. 121-39-1 du code de lurbanisme) Simplification des procédures permettant daccélérer le développement des énergies renouvelables électriques terrestres

Article 25 bis (sous-section 4 [nouvelle] de la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de lenvironnement) Information des maires sur les projets dinstallations éoliennes

Article 25 ter (nouveau) (article L. 121-8-1 du code de lenvironnement et article L. 311-13 [nouveau] du code de justice administrative) Simplification des procédures relatives à léolien en mer

Chapitre IV (Division et intitulé supprimés)

Article 26 (articles L. 181-15-1 [nouveau] et L. 181-30 du code de lenvironnement et articles L. 425-10 et L. 425-14 du code de lurbanisme) Exécution anticipée de travaux avant la finalisation de linstruction de lautorisation environnementale

Article 26 bis Dispositions transitoires relatives à la nouvelle définition des zones humides introduite par la loi du 24 juillet 2019 portant création de lOffice français de la biodiversité

Chapitre V (Division et intitulé supprimés)

Article 27 (articles L. 512‑6‑1, L. 512‑7‑6, L. 512‑12‑1, L. 512-21 et L. 514-8 du code de lenvironnement) Attestation par une entreprise certifiée de la qualité des mesures de mise en sécurité et de réhabilitation des sites industriels

Article 27 bis (nouveau) (article L. 512-22 [nouveau] du code de lenvironnement ) Fixation dun délai pour la réhabilitation et la remise en état des sites des ICPE mises à larrêt définitif

Article 27 ter (nouveau) (article L. 161-3 [nouveau] du code minier) Lutte contre les « mines orphelines »

Chapitre VI Modification du code de lénergie

Article 28 (article L. 351-1 du code de lénergie) Application du statut dentreprise fortement consommatrice délectricité à un ensemble de sites de consommation dune même plateforme industrielle

Article 28 bis A (nouveau) (article L. 34142 du code de lénergie) Globalisation du plafond maximal des réductions de TURPE applicables aux sites fortement consommateurs délectricité

Article 28 bis Conclusion avec les fournisseurs délectricité de contrats dapprovisionnement à long terme pour les sites industriels mettant en œuvre des procédés hyper électro-intensifs

Article 28 ter (article L. 342-1-1 [nouveau] du code de lénergie) Travaux de raccordement à la fibre optique simultanés aux travaux de raccordement électrique, aux frais du producteur

Article 28 quater (nouveau) (article L. 124-1 du code de lénergie) Extension de lutilisation des chèques énergie aux hébergements pour personnes âgées

Article 28 quinquies (nouveau) (Section 3 [nouvelle] du chapitre II du titre III du livre IV du code de lénergie et articles L. 554-1, L. 554-10 et L. 554-12 [nouveau] du code de lenvironnement) Renforcement du dispositif de sécurisation des canalisations de gaz

TITRE IV Diverses dispositions de simplification

Article 29 (articles L. 114-10-1 [nouveau], L. 552-13, L. 562-13 et L. 572-5 du code des relations entre le public et ladministration) Simplification de la justification et de la vérification du domicile déclaré pour la délivrance de certains titres « JustifAdresse »

Article 29 bis Autorisation donnée aux collectivités territoriales de solliciter un fournisseur de bien ou de service ou dun service public pour faciliter les enquêtes de recensement à défaut de réponse de ladministré

Article 29 ter Publication de la liste des procédures pour lesquelles le silence de ladministration vaut rejet

Article 30 (article L. 1321-6 du code de la santé publique) Suppression de la déchéance en cas de condamnation pénale du délégataire de service public deau potable

Article 30 bis Obligation de déclaration de domicile en mairie

Article 30 ter (nouveau) (article 38 de la loi  2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) Simplification et accélération de la procédure administrative dexpulsion en cas doccupation illicite du domicile dautrui

Article 31 (Section 1 du chapitre II du titre Ier du livre IV et article L. 443-1 du code du tourisme) Suppression de lagrément national délivré aux organismes de tourisme social et familial

Article 31 bis (nouveau) (article L. 14211 du code des transports) Suppression du registre des entreprises de transport public de personnes par voie maritime

Article 32 (articles L. 6521-1 à L. 6521-5, L. 6524-1, L. 6524-6, L. 6525-2, L. 6527-1, L. 6765-1, L. 6775-1 et L. 6785-1 du code des transports) Suppression des registres du personnel navigant professionnel de laéronautique civile

Article 33 Habilitation à légiférer par ordonnance pour modifier certaines règles applicables aux personnels de lOffice national des forêts  et des chambres dagriculture

Article 33 bis AA (nouveau) (article L. 166 G [nouveau] du livre des procédures fiscales) Communication de la matrice cadastrale aux experts forestiers

Article 33 bis AB (nouveau) Prolongation de trois ans de lexpérimentation sur lexercice et le transfert de certaines missions dans le réseau des chambres dagriculture

Article 33 bis A (articles L. 124-2, L. 142-6 et L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime) Toilettage du code rural et de la pêche maritime

Article 33 bis B (nouveau) (articles L. 256-2 et L. 256-2-1 du code rural et de la pêche maritime)

Article 33 bis (article L. 222-2 du code forestier) Création dun comité daudit au sein de lOffice national des forêts

Article 33 ter (nouveau) (article L. 211-3 du code de lenvironnement) Détermination par décret des volumes deaux prélevables dans certains bassins en déséquilibre significatif

Article 33 quater (nouveau) (article L. 214-10 du code de lenvironnement) Modification des conditions de recours contre les décisions relatives aux projets douvrages de prélèvement deau à usage dirrigation

Article 33 quinquies (nouveau) (article L. 434-5 du code de lenvironnement) Dématérialisation et centralisation des cotisations de pêche des pêcheurs de loisir

Article 33 sexies (nouveau) (article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques) Suppression de la limite de superficie des cessions foncières gratuites de lÉtat aux collectivités territoriales et à leurs groupements en Guyane

Article 34 (articles L. 5125-15, L. 5125-33, L. 512535, L. 5125-36, L. 5424-2 et L. 5521-2 du code de la santé publique) Assouplissement des conditions du commerce électronique de médicaments par une pharmacie dofficine

Article 34 bis A Limitation de la durée de validité de la carte Vitale à la durée de la validité des droits

Article 34 bis BA (nouveau) (article L. 111181 du code de la santé publique)  Utilisation du numéro de sécurité sociale par les services de santé au travail

Article 34 bis B (article L. 1111-23 du code de la santé publique) Possibilité de création automatique de dossiers pharmaceutiques, sauf opposition du patient

Article 34 bis C (article L. 1111-23 du code de la santé publique)  Obligation dalimentation du dossier pharmaceutique dans les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé et médico-sociaux

Article 34 bis DA (nouveau) (article L. 5126-1 du code de la santé publique) Renouvellement et adaptation des prescriptions dans les pharmacies à usage intérieur

Article 34 bis D (articles L. 6211-8 et L. 6211-9 [abrogé] du code de la santé publique) Faciliter la possibilité pour les biologistes médicaux de sécarter de la prescription

Article 34 bis E Modification des règles sur la détention du capital  de laboratoires de biologie médicale

Article 34 bis F Assouplissement du calendrier daccréditation des laboratoires de biologie médicale

Article 34 bis (article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale) Expérimentations dérogatoires à lorganisation  et au financement du système de soins

Article 35 Protocoles de coopération entre professionnels de santé

Article 35 bis A (nouveau) (articles L. 4011-4 et L. 4011-5 du code de la santé publique)  Simplification des dispositions relatives aux protocoles de coopération entre professionnels de santé

Article 35 bis (articles 45 et 50 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à lorganisation et à la transformation du système de santé, articles 6 et 46 de lordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou daccompagnement social ou médico-social à légard des personnes majeures faisant lobjet dune mesure de protection juridique et articles L. 1111-14, L. 111115, L. 1111-17, L. 111118 et L. 11121 du code de la santé publique) Renforcement de larticulation entre espace numérique de santé et dossier médical partagé et élargissement du champ des personnes pouvant avoir accès au dossier médical partagé

Article 36 (article 50 [abrogé] de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service dune société de confiance) Demande dhabilitation pour favoriser le développement des services aux familles et de laide à la parentalité

Article 37 (articles L. 231-2 et L. 231-2-1 du code du sport) Simplification des certificats médicaux de non-contre-indication au sport exigés des mineurs

Article 37 bis A (nouveau) (article L. 111-3-2 [nouveau] du code de léducation)  Suivi médical et paramédical sur le temps scolaire

Article 37 bis (article L. 242-1 du code de la sécurité sociale)  Exclusion de lassiette des cotisations de sécurité sociale des avantages fournis par lemployeur pour favoriser la pratique sportive en entreprise

Article 37 ter (article L. 3651 du code de lenvironnement ) Allègement des règles de responsabilité des propriétaires et gestionnaires de sites naturels dans le cadre des sports de pleine nature

Article 37 quater (nouveau) (article L. 231-2-4 [nouveau] du code du sport)  Exonération de responsabilité des organisateurs de compétitions et manifestations sportives amateur

Article 38 Délivrance de documents provisoires aux étrangers  demandant un titre de séjour

Article 38 bis (nouveau) (section unique [abrogée] du chapitre III du titre Ier du livre IV et articles L. 445-1, L. 446-1, L. 447-1 et L. 448-1 du code de la sécurité intérieure, article 16-12 du code civil et article 6-1 de la loi n° 71498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires) Dispositions relatives à la police scientifique

Article 39 (article L. 213-4-1 du code de la route)  Modalités dinscription à lexamen du permis de conduire

Article 39 bis (nouveau) (article L. 213-2 du code de la route) Évaluation préalable à la signature du contrat dapprentissage dans les auto-écoles

Article 39 ter (nouveau) (article 98 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 dorientation des mobilités)  Prolongation de lexpérimentation de la désintermédiation de lattribution des places à lexamen du permis de conduire

Article 40 (articles L. 162-17-3 et L. 162-17-3-1 du code de la sécurité sociale) Bulletin officiel des produits de santé

Article 40 bis (nouveau) (article L. 1213 du code monétaire et financier) Diversification des missions de La Monnaie de Paris

Article 40 ter (nouveau) (articles 36 et 38 de la loi n° 20131168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions  concernant la défense et la sécurité nationale) Maintien des avantages financiers des militaires recrutés pour encadrer le service national universel

Article 41 Habilitation du Gouvernement à définir par ordonnance le statut des encadrants du service national universel

Article 42 (article L. 221-15 du code monétaire et financier et article L. 166 AA [nouveau] du livre des procédures fiscales) Transmission de léligibilité fiscale de lépargnant au livret dépargne populaire par ladministration fiscale sur demande des établissements bancaires

Article 42 bis (articles L. 113-12-2 et L. 113-15-3 [nouveau] du code des assurances, articles L. 313-8, L. 313-30, L. 31346-1 [nouveau], L. 341-39 [abrogé], L. 341-25, L. 341-26, L. 341-26-1 [nouveau], L. 341441 [nouveau] et L. 341-46-1[nouveau] du code de la consommation et articles L. 221-10 et L. 221-10-4 [nouveau] du code de la mutualité) Clarification des modalités dapplication du droit de résiliation annuelle de lassurance emprunteur

Article 42 ter (nouveau) (article L. 1124 du code des assurances) Mention dans les contrats dassurance risque de la possibilité pour lassuré de recourir à une contre-expertise

Article 43 Dispositif dintéressement dans les très petites entreprises

Article 43 bis A (nouveau) (article L. 214-165 du code monétaire et financier) Suppression de lexigence dune élection des représentants des salariés dans les FCPE dactionnariat salarié relais

Article 43 bis B (nouveau) (articles L. 33122, L. 33128, L. 33229 [nouveau], L. 333261 [nouveau], L. 333371 [nouveau] et L. 33454 du code du travail et article 155 de la loi n° 2019 486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises) Sécurisation des accords de branche dépargne salariale et de leur mise en œuvre par les entreprises

Article 43 bis C (nouveau) (articles L. 33133, L. 33452, L. 33453, L. 332241 et L. 33228 du code du travail) Rationalisation du contrôle administratif des accords dépargne salariale

Article 43 bis (article L. 135 Y du livre des procédures fiscales) Simplification de la transmission des données relatives à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) aux chambres de commerce et dindustrie

Article 43 ter (nouveau) Prolongation des mesures permettant aux entreprises et aux exploitations en difficulté de faire face aux conséquences économiques de lépidémie de covid19

Article 44 Prolongation et adaptation de lordonnance relative au règlement du seuil de revente à perte et à lencadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires

Article 44 bis AA (nouveau) (article L. 751-9 [abrogé] du code de commerce) Suppression de la base de données « Implantations des commerces de détail » (ICODE)

Article 44 bis A (articles 302 octies, 1647 D et 1788 du code général des impôts et articles L. 212 et L. 225 du livre des procédures fiscales) Suppression de la délivrance dun récépissé de consignation pour lexercice dune activité commerciale sur la voie publique ou dans un lieu public

Article 44 bis B Expérimentation dune clause de révision de prix des produits alimentaires

Article 44 bis C (nouveau) (article L. 511-2-1 [nouveau] du code de la consommation et article L. 450-2-1 [nouveau] du code de commerce) Dématérialisation des actes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Article 44 bis (article L. 421-8 du code de la construction et de lhabitation) Facilitation des modalités de composition et de fonctionnement des conseils dadministration des offices publics de lhabitat

Article 44 ter A Création dun guichet unique pour laccès aux subventions de lÉtat et linstruction des projets dinvestissement des collectivités territoriales

Article 44 ter B (nouveau) (article 9 de la loi n° 2014856 du 31 juillet 2014 relative à léconomie sociale et solidaire) Modalités de sélection des projets relatifs aux pôles territoriaux de coopération économique

Article 44 ter Délégation à lautorité exécutive territoriale des décisions de mises à disposition à titre gratuit de biens appartenant à une collectivité

Article 44 quater (nouveau) (articles L. 2122-1, L. 2141-3, L. 2152-9 [nouveau], L. 2171-8 [nouveau], L. 2195-4, L. 2322-1, L. 2395-2, L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2661-2, L. 2661-4, L. 2671-1, L. 2671-2, L. 2671-4, L. 2681-1, L. 3123-3, L. 3136-4, L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3361-2,  L. 3371-1, L. 3371-2 et L. 3381-1 du code de la commande publique)  Passation dérogatoire de certains marchés publics et accès à la commande publique des entreprises en difficulté et des petites et moyennes entreprises

Article 44 quinquies (nouveau) (livre VII [nouveau] de la deuxième partie et livre IV [nouveau] de la troisième partie du code de la commande publique)  Adaptation des règles de la commande publique en cas de circonstances exceptionnelles

Article 44 sexies (nouveau) Application à certains marchés publics des règles applicables à la modification des contrats en cours dexécution

Article 44 septies (nouveau) (articles L. 213-8 et L. 213-8-1 du code de lenvironnement) Composition des comités de bassin

Article 44 octies (nouveau) (articles 706-71 et 804 du code de procédure pénale) Comparution par visioconférence des personnes détenues

Article 44 nonies (nouveau) (articles L. 122-5, L. 513-1 et L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle) Libéralisation du marché des pièces détachées visibles pour lautomobile

Article 44 decies (nouveau) Ratification de lordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique dinvestissement (BPI)

TITRE V Dispositions portant suppression de sur-transpositions de directives europÉennes en droit français et diverses dispositions

Article 45 Suppression de linterdiction faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires des avocats intervenant en protection juridique

Article 46 (articles L. 2512-5, L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2671-1, L. 2681-1, L. 3212-4, L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3371-1 et L. 3381-1 du code de la commande publique) Exclusion du champ de la commande publique de certaines prestations en matière de représentation légale dun client par un avocat dans le cadre dun contentieux et de conseil juridique par un avocat en amont dune probable procédure contentieuse

Article 46 bis A (nouveau) (article L. 2171-4 du code de la commande publique) Assouplissement du recours aux marchés de conception-construction pour les infrastructures de lÉtat

Article 46 bis B (nouveau) (article L. 2171-6 du code de la commande publique) Élargissement du périmètre des marchés globaux pour la Société du Grand Paris

Article 46 bis Règles de confidentialité applicables aux correspondances professionnelles des conseils en propriété industrielle

Article 47 (article 42 [abrogé] de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique) Suppression de lobligation de mise en conformité de tous les équipements radioélectriques avec la norme IPv6

Article 48 (article L. 219-1 du code de lenvironnement)  Suppression de lespace aérien surjacent du champ dapplication de la stratégie nationale pour la mer et le littoral

Article 49 (articles L. 111-1, L. 112-7 [abrogé] et L. 112-15 [abrogé] du code du patrimoine) Sortie des archives publiques courantes et intermédiaires du champ des trésors nationaux et suppression des obligations de publicité en matière dactions en restitution de biens culturels

Article 50 Entrées en vigueur différées

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

II. examen des articles du projet de loi

1. Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 17 heures

2. Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 21 heures 30

3. Réunion du mardi 15 septembre à 17 heures 15

4. Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 21 heures 30

5. Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 15 heures

6. Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 21 heures 30

7. Réunion du jeudi 17 septembre 2020 à 9 heures 30

8. Réunion du jeudi 17 septembre 2020 à 15 heures

liste des personnes entendues par le rapporteur


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   avant-propos

Examiné en conseil des ministres le 5 février 2020 et déposé au Sénat le même jour, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique a pour ambition de transformer l’action publique, de simplifier les relations des Français avec leur administration et d’accompagner les projets des entreprises en simplifiant leurs démarches. Ce texte met en œuvre un engagement important pris par le Président de la République en 2017 : simplifier la vie des Françaises et des Français, afin que la liberté, au cœur de notre devise républicaine, ne reste pas un vain mot. Cela implique de lutter contre les carcans administratifs qui freinent autant les initiatives individuelles qu’ils affaiblissent l’efficacité de l’action publique.

La transformation de l’action publique passe par une rationalisation du nombre de commissions consultatives, qui ne constitue pas un but en soi mais qui permettra d’accélérer les délais de préparation des décisions publiques, tout en faisant évoluer l’association des parties prenantes aux projets qui ont un impact sur la société. L’objectif est de garantir un meilleur pilotage de ces sujets, soit directement par les ministères concernés, soit grâce à la fusion de diverses instances, dans un souci d’efficacité et de lisibilité.

La simplification des relations des Français avec leur administration est une des conditions de la confiance des citoyens en l’État et les collectivités territoriales qui les administrent. Les décisions doivent être prises au plus près du citoyen de façon déconcentrée et dans un délai restreint. En effet, depuis de trop nombreuses années, un constat général, presque unanime, est répété avec force : l’action publique souffre de lenteurs et de lourdeurs, en raison de règles complexes et de contraintes croissantes.

Cette situation ne profite à personne : ni à notre administration, ni à nos concitoyens. Elle aboutit à générer une forme de défiance vis-à-vis de la puissance publique, alors même que s’exprime dans notre pays une volonté partagée de proximité et de réactivité qui émane aussi bien des entreprises que des particuliers.

L’accélération de la décision publique est un enjeu particulièrement important s’agissant des entreprises. Cela nécessite de se confronter aux réalités du terrain, celles que vivent au quotidien les entreprises et nos concitoyens. J’ai été missionné pour formuler des propositions afin d’attirer et accélérer les projets industriels sur nos territoires, en simplifiant les procédures préalables aux implantations industrielles. Dans le cadre de ces travaux, les acteurs économiques m’ont fait part d’une série de difficultés qui tenaient notamment à l’insécurité juridique, à la durée des délais et à la complexité des procédures environnementales. Le titre III du projet de loi propose ainsi une série de mesures qui visent à répondre à cette situation et à prévoir une adaptation souple des procédures aux cas concrets. Il vise par exemple à éviter une application automatique et immédiate des nouvelles règles du code de l’environnement à des projets d’installations classées pour la protection de l’environnement dont le dossier est déjà déposé, situation qui est génératrice d’une forte insécurité juridique. Il permet également, dans certaines conditions, de commencer l’exécution de travaux avant la finalisation de l'instruction de l'autorisation environnementale. L’objectif est de concilier simplification administrative et protection de l’environnement, ce à quoi parviennent très bien plusieurs pays, comme la Suède ou l’Allemagne, qui ont de hautes exigences environnementales. À cette fin, le titre III vise à concilier la préservation de l’environnement et le développement industriel par une action plus rapide et plus efficace de l’administration. Notre exigence environnementale sera ainsi clairement affirmée, sanctuarisée dans la loi… Il n’est pas question de construire un site industriel au détriment de notre biodiversité, dont la protection demeure un impératif.

Déposé au Sénat avec 50 articles, le projet de loi a été transmis à l’Assemblée nationale le 5 mars 2020 fort de 86 articles. Compte tenu de la grande diversité des sujets traités, une commission spéciale a été constituée. Les 59 membres de la commission spéciale ont eu à cœur, avec l’accord de notre président M. Bruno Duvergé que je remercie, de n’exclure aucun sujet dans cette discussion. Le choix a été fait d’analyser chaque article ajouté par le Sénat afin de savoir s’il répondait au souci d’accélérer et de simplifier l’action publique. C’est avec la même préoccupation que les amendements ont été discutés et plus de deux cents d’entre eux ont été adoptés, soit un tiers des amendements mis en discussion.

Le chantier continuera en séance publique, parce que des débats ont émergé en commission spéciale ou parce qu’il faut retravailler des dispositifs afin que simplification ne rime pas avec dérégulation : nous devons notamment conserver nos standards environnementaux qui font de la France un des pays les plus en pointe en termes de lutte contre le réchauffement climatique et de protection de la biodiversité.

Les préoccupations de mes collègues députés partent du terrain et je m’en félicite. Que ce soit leurs expériences professionnelles dans la vie civile ou leurs contacts avec les Français, les associations et les entreprises de leur territoire, les membres de la commission spéciale ont porté la voix de ceux qui ont à cœur d’entreprendre ou plus généralement d’agir. Dans cette dynamique, l’administration doit être une alliée et non un frein, elle doit se porter garante des droits de tous dans un souci permanent de défense de l’intérêt général mais aussi d’efficacité. C’est précisément dans cet objectif que la commission spéciale a adopté, à l’unanimité, un dispositif permettant de simplifier et d’accélérer la procédure administrative d’expulsion des squatteurs. Cette évolution législative démontre toute la capacité d’action des parlementaires afin de contribuer, dans des délais contraints, à la résolution de problèmes récurrents et inacceptables.

C’est également dans le souci d’améliorer les droits de nos concitoyens qu’au fil de son examen au Sénat et dans notre commission spéciale, le projet de loi s’est enrichi de nouvelles dispositions visant à fluidifier, enfin, le marché de l’assurance emprunteur en renforçant les obligations des prêteurs et assureurs et à faciliter le déploiement des dispositifs d’épargne salariale.

Cependant, la concurrence internationale est trop rude pour que nous, députés, n’ajoutions pas de la norme à la norme : il faut nous garder de sur-transposer le droit européen et tenter de contenir l’inflation législative. Trop d’amendements proposent encore de légiférer sur des sujets qui relèvent du domaine réglementaire : s’ils entrent dans le champ de la loi, il sera d’autant plus difficile d’y revenir. La souplesse d’action du pouvoir réglementaire répond bien à un objectif d’efficacité de l’action publique.

Il est également indispensable d’accompagner la relance de notre économie à l’épreuve de la crise que traverse le pays. Les dispositions assouplissant les règles de la commande publique adoptées par la commission s’inscrivent dans cette perspective, afin de soutenir l’activité des entreprises, notamment des PME-TPE.

La synthèse de nos travaux présente les suppression, modifications et ajouts de notre commission spéciale.

 

 

 


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   SYNTHÈSE DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

I.   Présentation synthétique du texte initial du projet de loi

II.   PRINCIPALES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Afin de préserver l’existence de certaines commissions consultatives, la commission spéciale du Sénat a procédé à la suppression des articles 1er, 4, 7, 10, 13 et 14.

En séance publique, le Sénat a en outre introduit l’article 1er bis tendant à supprimer les commissions départementales de gestion de l’espace et l’article 1er ter supprimant le comité central du lait. Sa commission spéciale a adopté l’article 16 bis modifiant la composition des commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers.

En séance publique, le Sénat a introduit l’article 12 bis dans le but d’étendre de trois à cinq ans la durée à l’issue de laquelle doit être révisé le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. L’article 13 bis a été adopté afin de clarifier les conditions d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Conformément à une préconisation émise par l’Inspection générale des affaires sociales en 2014, le Sénat a adopté l’article 14 bis tendant à supprimer le contrôle exercé par le Gouvernement sur certaines mutuelles et unions. Il a également adopté l’article 16 bis A tendant à supprimer le fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports.

À l’article 17, sa commission spéciale a supprimé la déconcentration des décisions d’attribution des labels de la création artistique.

En séance publique, les sénateurs ont adopté un article 19 bis qui simplifie les procédures applicables aux recherches non interventionnelles ne portant pas sur un produit de santé. Ils ont aussi adopté un article 19 ter qui simplifie la délivrance des certificats de conformité aux bonnes pratiques pour les laboratoires d’essais dans le champ de la santé et de l’environnement.

Les sénateurs ont complété certains articles. En séance publique, ils ont complété l’article 23 pour prévoir que, lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale, en l’absence de réponse de l’autorité en charge de l’examen au cas par cas, cette autorité communique au maître d’ouvrage, à sa demande, les motifs qui ont fondé sa décision dans un délai de quinze jours. Ils ont également complété l’article 24 en séance publique pour prévoir que le porteur de projet peut solliciter l’autorité administrative compétente pour qu’elle recueille l’avis, sur sa demande, du CODERST ou de la CDNPS.

En commission spéciale, les sénateurs ont prévu à l’article 28 que la demande de reconnaissance du statut de site fortement consommateur d’électricité, puis la répartition du bénéfice de la réduction du TURPE qui en découle fassent l’objet d’un accord entre toutes les entreprises du site, qui restent toutefois individuellement responsables de la mise en œuvre des contreparties en termes de performances énergétiques.

Les sénateurs ont également adopté des articles additionnels. L’article 25 bis vise à améliorer l’information des maires sur les projets d’installations d’éoliennes, en prévoyant qu’ils doivent recevoir un avant-projet au moins quinze jours avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale. L’article 26 bis prévoit que la nouvelle définition des zones humides prévue par la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité n’est pas applicable aux demandes d’autorisations environnementales et aux déclarations préalables antérieures à la publication de cette même loi.

L’article 28 bis a été introduit pour autoriser la conclusion entre les fournisseurs d’électricité et les entreprises ou les sites fortement consommateurs d’électricité de contrats de fourniture à long terme à un tarif encadré.

L’article 28 ter permet enfin la réalisation coordonnée des travaux raccordant une installation de production d’électricité au réseau public de distribution d’électricité avec la pose d’une ligne de télécommunications en fibre optique.

Les sénateurs ont adopté trois nouveaux articles relatifs aux relations de l’administration avec ses administrés : l’article 29 bis relatif à l’autorisation donnée aux collectivités territoriales de solliciter un fournisseur de bien ou de service ou d’un service public pour faciliter les enquêtes de recensement à défaut de réponse de l’administré ; l’article 29 ter qui prévoit la publication de la liste des procédures pour lesquelles le silence de l’administration vaut rejet et l’article 30 bis qui oblige les nouveaux habitants d’une commune à se déclarer en mairie.

Le Sénat a considérablement encadré l’habilitation prévue à l’article 33 lors des débats en commission spéciale. Il a strictement délimité les conditions dans lesquelles les agents contractuels de droit privé exerceront leurs missions de police à l’ONF, et a également modifié les conditions du rapprochement du statut des personnels des chambres d’agriculture du code du travail (la réforme devra s’opérer à l’initiative du réseau des chambres d’agriculture et dans le respect de l’organisation et des missions respectives des différents établissements infra‑nationaux du réseau).

En commission spéciale, les sénateurs ont prévu que les diverses parties prenantes des organismes réformés soient associées à l’élaboration de l’ordonnance. Ce processus devra d’ailleurs être consigné dans un rapport remis par le Gouvernement au Parlement.

En séance publique, le Gouvernement a obtenu l’extension de son habilitation afin de pouvoir réformer l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte.

L’article 33 bis adopté à l’initiative de la rapporteure prévoit la possibilité pour l’ONF d’instituer un comité d’audit auprès de son conseil d’administration. Cette possibilité est créée dans la loi, en conséquence de la suppression de l’habilitation à légiférer sur ce point à l’article 33.

Les sénateurs ont modifié larticle 34 en supprimant les références aux plateformes en ligne et au local rattaché et ont fait évoluer le critère de recrutement des pharmaciens adjoints.

Ils ont adopté une série d’articles additionnels concernant la santé publique.

L’article 34 bis A limite la durée de validité de la carte Vitale à la durée de la validité des droits.

L’article 34 bis B permet la création automatique des dossiers pharmaceutiques (sauf opposition du patient).

L’article 34 bis C rend obligatoire l’alimentation du dossier pharmaceutique dans les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé et médico-sociaux.

L’article 34 bis E inclut dans la liste des personnes pouvant détenir une fraction du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale privé les médecins spécialistes qualifiés en anatomie et cytologie pathologiques.

L’article 34 bis intègre les modalités d’approvisionnement en médicaments aux expérimentations dérogeant aux règles générales en matière d’organisation et de financement du système de santé.

L’article 35 bis renforce l’articulation entre espace numérique de santé et dossier médical partagé et élargit le champ des personnes pouvant avoir accès au dossier médical partagé.

Les sénateurs ont supprimé larticle 36 en commission spéciale.

Ils ont réécrit l’article 37 en commission spéciale pour supprimer le remplacement du certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive pour les mineurs par une autoévaluation de leur état de santé.

Ils ont introduit en séance publique un article 37 bis qui exclut de l’assiette des cotisations de sécurité sociale les avantages fournis par l’employeur pour favoriser la pratique sportive en entreprise et un article 37 ter qui allège les règles de responsabilité des propriétaires et gestionnaires de sites naturels dans le cadre des sports de pleine nature

En commission spéciale, les sénateurs ont supprimé l’article 41, considérant que le nouveau dispositif du service national universel méritait un débat plus large.

Le Sénat a introduit à l’article 42 bis le texte d’une proposition de loi, adoptée en octobre mais que l’Assemblée nationale n’avait pas encore examinée, qui vise à rendre plus effectif le droit des emprunteurs à changer d’assurance. Ces nouvelles modalités clarifient les dates d’échéance applicables, renforcent les obligations d’information des assureurs et des prêteurs ainsi que les sanctions en cas de manquement.

La commission spéciale du Sénat a complété l’article 43 pour étendre la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat aux entreprises de moins de onze salariés et simplifié les modalités de reconduction des accords d’intéressement mis en œuvre dans ces très petites entreprises par décision unilatérale de l’employeur.

Les sénateurs ont simplifié, à l’article 43 bis, le circuit de transmission des données relatives à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) aux chambres de commerce et d’industrie par les services du ministère de l’économie et des finances.

À l’article 44, le Sénat a supprimé l’habilitation du Gouvernement à modifier l’ordonnance et lui a préféré des modifications dans le texte même de l’ordonnance. Essentiellement, le dispositif adopté prévoit la possibilité de déroger à l’encadrement des avantages promotionnels en volume pour les « denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué ». Le dispositif expérimental est prolongé d’une durée de 14 mois. Le dispositif adopté prévoit également la remise par le Gouvernement au Parlement – avant le 1er octobre 2021  d’un rapport évaluant les effets de cet article.

Les sénateurs ont adopté l’article 44 bis A supprimant le récépissé de consignation délivré pour l’exercice d’une activité commerciale sur la voie publique ou dans un lieu public.

Le Sénat a introduit dans le projet de loi à l’article 44 bis B un dispositif qu’il avait adopté lors de la discussion du projet de loi dit « EGALIM » mais qui ne figurait pas dans le texte définitif. Il s’agit de l’expérimentation d’une clause de révision de prix des produits alimentaires.

Par l’article 44 bis, la commission spéciale du Sénat a réformé la représentation du personnel aux conseils d’administration des offices publics de l’habitat, abandonnant la désignation de représentants des organisations syndicales les plus représentatives dans le département du siège tout en renforçant la participation des employés de l’office.

Le Sénat a adopté l’article 44 ter A permettant la mise en place d’un service référent au sein des services déconcentrés de chaque département, chargé de piloter l’ensemble des procédures d’instruction des demandes de subventions et des projets d’investissements déposés par les collectivités territoriales et leurs groupements. En commission spéciale, les sénateurs ont également adopté l’article 44 ter afin d’autoriser les assemblées délibérantes des collectivités territoriales à déléguer à leur organe exécutif la faculté de conclure et de réviser les conventions de mise à disposition de biens à titre gratuit.

La commission spéciale a supprimé larticle 45 et adopté l’article 46 bis afin d’harmoniser les règles de confidentialité des correspondances professionnelles des conseils en propriété industrielle sur celles applicables aux avocats.

III.   PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté plusieurs amendements visant à rétablir certaines suppressions de commissions consultatives prévues par les articles 1er, 4, 7, 10, 12 et 14. Elle a également supprimé les articles 13 bis et 16 bis.

La commission spéciale a adopté plusieurs articles additionnels : l’article 5 bis supprimant l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’article 16 ter supprimant la commission supérieure du numérique et des postes, l’article 16 quater modifiant la composition des comités nationaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité et l’article 16 quinquies supprimant le conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire.

En outre, un amendement a été adopté à l’article 15 afin de maintenir l’existence du haut conseil du dialogue social.

La commission spéciale a introduit les articles 17 bis et 17 ter tendant respectivement à déconcentrer les décisions d’exonération des droits de mutation à titre gratuit bénéficiant aux propriétaires de monuments historiques et à simplifier la procédure de règlement des différends en matière de fouilles archéologiques entre l’aménageur et l’Institut national de recherches archéologiques préventives.

La commission spéciale a adopté un article 19 bis A qui permet la mutualisation de fonctions support entre établissements publics exerçant des missions similaires.

La commission spéciale a supprimé les ajouts faits par le Sénat à l’article 23 (sur la communication sous quinze jours des motifs de la décision implicite de rejet) et à l’article 24 (sur le droit à la saisine du CODERST ou de la CDNPS). Elle a aussi supprimé l’article 26 bis introduit au Sénat.

La commission spéciale a également supprimé le report à 2021 de la mise en œuvre de l’article 28, devenu sans objet, et l’article 28 bis qui recréait un tarif régulé contraire à la règlementation européenne du marché de l’électricité.

La commission spéciale a complété l’article 26 pour permettre le transfert partiel d’une autorisation environnementale, ce qui est notamment utile pour les sites « clé en main ».

Elle a réécrit l’article 28 ter pour préciser les conditions de la réalisation coordonnée des travaux de raccordement au réseau d’électricité et de pose d’une ligne en fibre optique et redonner au producteur usager le libre choix de son prestataire de services de télécommunications.

La commission spéciale a également adopté une série d’articles additionnels. Par exemple, larticle 23 bis crée, pour certaines situations, un droit d’option entre la concertation prévue par code de l’urbanisme et celle prévue par le code de l’environnement. L’article 25 bis B simplifie les procédures applicables aux ouvrages et aux opérations réalisés dans le cadre de l’exercice par les collectivités de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI). L’article 25 bis F simplifie les procédures pour accélérer le développement des énergies renouvelables électriques terrestres et l’article 25 ter simplifie les procédures relatives à l’éolien en mer.

L’article 27 bis permet au préfet de fixer un délai pour la réhabilitation et la remise en état des sites des ICPE mises à l’arrêt définitif.

À l’initiative du Gouvernement, la commission spéciale a par ailleurs adopté l’article 28 bis A qui globalise le plafond maximal des réductions du tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE) applicables aux sites fortement consommateurs d’électricité.

Elle a aussi adopté l’article 28 quater qui étend l’utilisation des chèques énergie aux hébergements pour personnes âgées.

À l’initiative du Gouvernement, la commission spéciale a adopté l’article 28 quinquies qui introduit diverses mesures visant à renforcer la sécurité des canalisations de gaz. Il organise ainsi le transfert de la propriété des conduites d’immeubles, précise les modalités de prise en charge de la réparation des réseaux de distribution en cas d’endommagement survenu au cours d’un chantier, élargit le droit de l’exploitant des réseaux de transport ou de distribution d’interrompre la livraison de gaz en cas d’opposition à une opération réglementaire de surveillance ou de maintenance des canalisations. La commission spéciale a également réintroduit des sanctions pénales, supprimées un temps, contre les atteintes volontaires au bon fonctionnement des canalisations.

Les travaux de la commission spéciale ont conduit à supprimer les articles 29 bis, 29 ter et 30 bis. La commission spéciale a salué l’intention louable des sénateurs mais relevé que ces dispositifs ne permettaient pas de simplifier la vie administrative des Français.

Elle a introduit un article 30 ter qui devrait permettre de simplifier et d’accélérer la procédure administrative d’expulsion en cas d’occupation illicite du domicile d’autrui par ce que l’on appelle des « squatteurs ». Cet article modifie l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 dite « DALO » pour clarifier la notion de « domicile » et l’étendre aux résidences secondaires ou occasionnelles. L’article 30 bis encadre l’action du préfet de délais contraints qui accéléreront la procédure administrative.

La commission spéciale a adopté l’article 31 bis supprimant le registre des entreprises de transport public de personnes par voie maritime.

Elle a en outre adopté plusieurs articles additionnels dans le domaine de l’agriculture, de la forêt et de la pêche.

L’article 33 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier certaines règles applicables aux personnels de l’Office national des forêts et des chambres d’agriculture. Pour l’ONF, l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance a été restreinte, tenant ainsi compte des inquiétudes des parlementaires : le Gouvernement a renoncé à modifier la composition du conseil d’administration de l’établissement. Un amendement du rapporteur a supprimé la limitation des infractions pouvant être constatées par les agents contractuels de droit privé à celles relevant exclusivement du code forestier, revenant ainsi à l’intention initiale du projet de loi. Pour le réseau des chambres d’agriculture, cette habilitation a été étendue afin que le Gouvernement puisse créer de nouvelles chambres territoriales et des chambres de région. La commission spéciale est revenue à la rédaction initiale de l’alinéa qui prévoit le rapprochement des statuts des personnels avec les règles du code du travail. La remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement a été supprimée au bénéfice de l’association des parlementaires à la rédaction de l’ordonnance.

L’article 33 bis AA pérennise la possibilité, pour les experts forestiers, d’obtenir communication de la matrice cadastrale.

L’article 33 bis AB prolonge de trois ans l’expérimentation prévue à l’article 38 de la loi du 10 août 2018 dite « ESSOC » et par l’ordonnance n° 2019‑59 du 30 janvier 2019 relative à l’exercice et au transfert, à titre expérimental, de certaines missions dans le réseau des chambres d’agriculture.

L’article 33 bis B met fin au groupement d’intérêt public « Pulvés » en rattachant ses missions à un autre organisme. Les conditions dans lesquelles est désigné cet organisme et le contenu des missions qui lui sont confiées seront précisés par voie réglementaire.

L’article 33 ter prévoit qu’un décret détermine les modalités dans lesquelles les volumes prélevables dans les eaux de surface ou souterraines sont évalués dans certains bassins en déséquilibre quantitatif.

L’article 33 quater modifie les conditions de recours contre les décisions relatives aux projets d’ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation, article qui devra être retravaillé en séance publique.

L’article 33 quinquies dématérialise et centralise les cotisations de pêche des pêcheurs de loisir auprès de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique (FNPF).

L’article 33 sexies supprime la limite de superficie des cessions foncières gratuites de l’État aux collectivités territoriales et à leurs groupements en Guyane afin de mettre en œuvre l’Accord de Guyane du 21 avril 2017 par lequel l’État s’est engagé à céder 250 000 hectares de propriété foncière lui appartenant.

La commission spéciale a supprimé les articles 34 bis A, 34 bis E et 34 bis F introduits au Sénat et elle a modifié la rédaction de l’article 34 bis C pour transformer l’obligation faite aux pharmacies à usage intérieur d’alimenter le dossier pharmaceutique en faculté.

Elle a également adopté une série d’article additionnels dans le domaine de la santé.

L’article 34 bis BA permet l’utilisation du numéro de sécurité sociale par les services de santé au travail.

L’article 34 bis DA permet le renouvellement et l’adaptation des prescriptions dans les pharmacies à usage intérieur.

L’article 35 bis A simplifie les dispositions relatives aux protocoles de coopération entre professionnels de santé.

La commission spéciale a également rétabli l’article 36 supprimé par le Sénat et rétabli la rédaction initiale de l’article 37 réécrit par le Sénat.

Elle a adopté un article 37 quater relatif à l’exonération de responsabilité des organisateurs de compétitions et manifestations sportives amateur.

Elle a supprimé l’article 38 dont les dispositions avaient été reprises par l’article 16 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume Uni de l’Union européenne.

En ce qui concerne le permis de conduire, elle a adopté un article 39 bis qui supprime le principe selon lequel l’évaluation préalable à la signature du contrat écrit doit avoir lieu dans le véhicule ou dans les locaux de l’établissement. Elle a aussi adopté un article 39 ter qui permet de prolonger l’expérimentation de la désintermédiation de l’attribution des places à l’examen du permis de conduire mise en place par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

La commission spéciale a introduit l’article 40 bis qui diversifie les missions de l’établissement public La Monnaie de Paris, l’autorisant notamment à valoriser son patrimoine privé.

En attendant l’adoption d’une loi sur l’ensemble du dispositif du service national universel, la commission spéciale a introduit l’article 40 ter permettant aux anciens militaires de conserver leurs avantages financiers s’ils sont recrutés pour encadrer les séjours de cohésion et rétabli l’article 41 habilitant le Gouvernement à définir par ordonnance les modalités de recrutement et d’emploi des différents profils d’encadrants.

En matière d’assurance, la commission spéciale a créé, à l’article 42 bis, un droit à résilier une assurance emprunteur à tout moment sur toute la durée du contrat de prêt. L’introduction de l’article 42 ter imposera de faire figurer dans un contrat d’assurance-risque la possibilité pour un assuré de recourir à une contre-expertise ainsi que le coût moyen de celle-ci.

Tout en saluant l’importance du dispositif créé, la commission spéciale a supprimé l’article 43, devenu sans objet après la reprise de ses dispositions par l’article 18 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée et la forclusion de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. À l’initiative du Gouvernement, elle a également adopté plusieurs articles additionnels relatifs à l’épargne salariale.

L’article 43 bis A supprime l’exigence d’une élection des représentants des salariés au conseil de surveillance des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) d’actionnariat salarié relais.

L’article 43 bis B sécurise les accords de branche, en prévoyant leur agrément par les autorités administratives compétentes, et précise les conditions de leur mise en œuvre par les entreprises.

L’article 43 bis C rationalise les contrôles administratifs opérés sur les accords d’épargne salariale en clarifiant les rôles des organes compétents.

L’adoption de l’article 43 ter permettra la prolongation jusqu’au 31 décembre 2021 des mesures permettant aux entreprises et aux exploitations en difficulté de faire face aux conséquences économiques de l’épidémie de covid-19.

Dans le secteur agricole, la commission spéciale a supprimé l’article 44 bis B qui prévoyait l’expérimentation d’une clause de révision de prix des produits alimentaires. Elle a estimé que ce dispositif était trop rigide et induirait de nombreux effets pervers.

La commission spéciale a supprimé l’article 44 ter A en raison de la création en 2019 de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dont la mission est précisément d’accompagner les collectivités territoriales dans le développement de leurs projets. L’article 44 ter a également été supprimé au regard de la nécessité de préserver les compétences budgétaires des assemblées délibérantes. Afin de simplifier les modalités de sélection des projets relatifs aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), la commission a adopté l’article 44 ter B.

À l’initiative du Gouvernement, elle a également adopté plusieurs articles additionnels dans champ de la commande publique.

L’article 44 quater simplifie la passation dérogatoire de certains marchés publics, facilite l’accès des entreprises en difficulté aux contrats de la commande publique et réserve une partie de l’exécution des marchés globaux aux PME et artisans.

L’article 44 quinquies adapte les règles prévues par le code de la commande publique en cas de survenance de circonstances exceptionnelles telles que la crise sanitaire.

L’article 44 sexies étend aux marchés de défense ou de sécurité ainsi qu’aux contrats de partenariat conclus avant le 1er avril 2016 le dispositif de droit commun relatif à la modification des contrats en cours d’exécution.

La commission spéciale a également adopté l’article 44 octies afin de tirer les conséquences d’une inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel relative au recours à la visioconférence dans le cadre de la détention provisoire.

Poursuivant l’objectif de simplification des règles de la commande publique, la commission spéciale a adopté deux articles 46 bis A et 46 bis B afin, d’une part, d’assouplir le recours aux marchés de conception-construction pour la réalisation des infrastructures de transport de l’État et, d’autre part, d’élargir le périmètre des marchés globaux auxquels recourt la Société du Grand Paris.

Enfin, la commission spéciale a supprimé l’article 46 bis.

 


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   Examen des articles

TITRE Ier
DISPOSITIONs RELATIVES À LA SUPPRESSION DE COMMISSIONS Administratives

Article 1er
(article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime)
Suppression de la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux

Rétabli par la commission

Le présent article, supprimé par la commission spéciale du Sénat puis rétabli par votre commission, tend à supprimer la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux (CCPNBR).

I.   le droit en vigueur

En application de l’article R. 414-5 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), la CCPNBR siège auprès du ministre chargé de l’agriculture. Présidée par le directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, elle comprend un représentant du ministre de la justice, des représentants des différentes organisations professionnelles agricoles, de la propriété agricole, du conseil supérieur du notariat et, à parité, des bailleurs et preneurs de baux ruraux.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la CCPNBR a pour seule mission de proposer au préfet les montants minimum et maximum des loyers des terres nues et des bâtiments d’exploitation dans chaque département, dès lors que l’autorité administrative constate la carence de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux (CCPDBR) compétente ([1]). Elle n’exerce donc aujourd’hui qu’un rôle supplétif, dans l’unique hypothèse où les CCPDBR ne sont pas en mesure de proposer au préfet les minima et maxima départementaux du prix des fermages.

Les loyers sont actualisés chaque année selon un indice national des fermages fixé par le ministre de l’agriculture. La loi du 27 juillet 2010 a retiré à la CCPNBR le pouvoir de rendre un avis sur les modalités selon lesquelles les éléments de calcul de l’indice des fermages ([2]) et leur variation sont constatés, la composition de l’indice étant désormais directement fixée par l’article L. 411-11 du CRPM ([3]).

Disposant d’une compétence désormais résiduelle, la CCPNBR ne s’est plus réunie depuis 2011, le mandat de ses membres n’ayant pas été renouvelé ([4]).

II.   le dispositif du projet de loi

Le présent article modifie l’article L. 411-11 du CRPM afin de supprimer la CCPNBR qui n’exerce plus qu’une mission supplétive de proposition au préfet des montants minimum et maximum des loyers en cas de carence de la CCPDBR compétente. Dans son avis rendu sur le projet de loi ([5]), le Conseil d’État estime que la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 27 juillet 2018 considérant  les CCPDBR et la CCPNBR comme une garantie du droit de propriété ([6]), ne fait pas obstacle à la suppression de la CCPNBR, le fonctionnement des CCPDBR étant maintenu selon le droit en vigueur. 

Le caractère superfétatoire de la CCPNBR depuis 2011 a été soulevé par plusieurs questions écrites posées au Gouvernement au cours de la précédente législature ([7]). Les réponses apportées par le Gouvernement soulignaient le rôle aujourd’hui très limité de la CCPNBR, ouvrant ainsi la voie à sa suppression dans le cadre de la stratégie de rationalisation des commissions consultatives entreprise depuis 2012 par le comité interministériel de la modernisation de l’action publique et poursuivie par l’actuel comité interministériel de la transformation publique.

III.   La position du SÉnat

La commission spéciale du Sénat a adopté un amendement de la rapporteure supprimant cet article, afin de maintenir l’existence de la CCPNBR. Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a rejeté un amendement de rétablissement de l’article présenté par le Gouvernement, la rapporteure de la commission estimant préférable de traiter cette question dans le cadre du futur projet de loi de réforme du foncier agricole.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté l’amendement n° 687 de votre rapporteur avec un avis favorable du Gouvernement, afin de rétablir le présent article supprimant la CCPNBR.

Article 1er bis
(article L. 112-16 du code rural et de la pêche maritime)
Suppression des commissions départementales de gestion de lespace

Adopté par la commission sans modification

Adopté par le Sénat en séance publique à la suite du vote d’un amendement présenté par M. Daniel Gremillet avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, le présent article vise à tenir compte, dans le CRPM, de la suppression par décret des commissions départementales de gestion de l’espace (CODEGE).

I.   le droit en vigueur

Supprimées par le décret n° 2017-1246 du 7 août 2017 modifiant les livres Ier et II de la partie réglementaire du CRPM, les CODEGE constituaient des organismes consultatifs présidés par les préfets dont la mission principale consistait à rendre un avis sur les orientations générales relatives à l’utilisation du fonds de gestion de l’espace rural ainsi que sur la répartition de ses crédits ([8]). Au niveau législatif, seul l’article L. 112-16 du CRPM mentionne encore l’existence de ces commissions et le rôle consultatif qu’elles exercent dans le cadre de la gestion de ce fonds.

Leurs attributions ont été reprises par les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) créées par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche à l’article L. 112-1-1 du CRPM.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de M. Daniel Gremillet avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement tendant à supprimer la mention des CODEGE à l’article L. 112-16 du CRPM, par cohérence avec l’évolution du cadre réglementaire depuis 2017.

III.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er ter
(article 25 de la loi du 2 juillet 1935 tendant à lorganisation et à lassainissement des marchés du lait et des produit résineux [abrogé])
Suppression du comité central du lait

Adopté par la commission sans modification

Adopté par le Sénat en séance publique à la suite du vote d’un amendement présenté par M. Daniel Gremillet avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, le présent article supprime le comité central du lait.

I.   le droit en vigueur

L’article 25 de la loi du 2 juillet 1935 tendant à l’organisation et à l’assainissement des marchés du lait et des produits résineux a créé le comité central du lait, qui exerce une mission consultative auprès du ministre chargé de l’agriculture s’agissant des questions relatives à la réglementation de la préparation et de la vente des produits laitiers.

Les compétences de ce comité sont exercées désormais par l’établissement public FranceAgriMer. Opérationnel depuis 1er avril 2009, cet établissement résulte de la fusion de plusieurs offices agricoles ([9]). Placé sous la tutelle du ministre chargé de l’agriculture, FranceAgriMer a notamment pour rôle de développer une expertise et des dispositifs de soutien technique et financier au profit de l’ensemble des filières agricoles. Son champ d’intervention inclut la production laitière.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de M. Daniel Gremillet avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement tendant à abroger l’article 25 de la loi du 2 juillet 1935 précitée, et à supprimer ainsi le comité central du lait.

Cependant, le présent article ne supprime pas les autres occurrences relatives aux compétences exercées par le comité central du lait existant dans la loi ([10]) désormais prises en charges par FranceAgriMer.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2
(article 72 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes [abrogé])
Suppression de la commission de suivi de la détention provisoire

Adopté par la commission sans modification

Le présent article tend à supprimer la commission de suivi de la détention provisoire (CSDP).

I.   le droit en vigueur

La CSDP a été créée par l’article 72 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Placée auprès du ministre de la justice, elle est composée d’un député et d’un sénateur, d’un magistrat de la Cour de cassation, d’un professeur de droit, d’un avocat et d’un représentant d’un organisme de recherche judiciaire.

La CSDP a notamment pour mission de collecter des données statistiques, juridiques et pénitentiaires sur la détention provisoire qu’elle publie dans un rapport annuel d’activité présentant également les politiques publiques mises en œuvre ainsi que les décisions prises en matière d’indemnisation de la détention provisoire.

L’article 2 du décret n° 2001-709 du 31 juillet 2001 précise que la CSDP se réunit en tant que de besoin et au moins trois fois par an. ([11])

Cependant, la CSDP ne sest plus réunie depuis le 11 avril 2018, le mandat de ses membres nayant pas été renouvelé depuis lors ([12]). Le dernier rapport publié par la CSDP en avril 2018 a souligné les multiples difficultés de collecte des données auxquelles elle a été confrontée, la privant ainsi des moyens nécessaires à laccomplissement de ses missions telles que prévues par loi du 15 juin 2000.

II.   le dispositif du projet de loi

Tirant les conséquences de l’inactivité de la CSDP au cours de ces deux dernières années, le présent article abroge l’article 72 de la loi du 15 juin 2000 afin de la supprimer.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification. Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a indiqué, d’une part, que les services du ministère de la justice seront directement chargés d’exercer les compétences actuellement dévolues à la CSDP, et, d’autre part, que les travaux menés par le contrôleur général des lieux de privation de liberté contribuent depuis 2007 à éclairer l’ensemble des enjeux liés à la surpopulation carcérale et aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

IV.   LES TRAVAUX DE de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3
(article 37 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs et à simplifier les modalités de leur nomination [abrogé])
Suppression du conseil national de laide aux victimes

Adopté par la commission sans modification

Le présent article tend à supprimer le conseil national de l’aide aux victimes (CNAV).

I.   le droit en vigueur

Le CNAV a été créé par le décret n° 99-706 du 3 août 1999. Élevé au niveau législatif par l’article 37 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs et à simplifier les modalités de leur nomination, le CNAV constitue une instance de concertation chargée de formuler des propositions concernant l’accueil, l’information, la prise en charge et l’indemnisation des victimes d’infractions pénales ([13]). Outre quatre élus ([14]) et plusieurs personnalités qualifiées, il est composé de représentants des ministres de la justice, de l’intérieur, des affaires sociales et de la santé ainsi que des associations d’aide aux victimes et des organisations professionnelles du secteur assurantiel. Le décret n° 2016-747 du 6 juin 2016 a renouvelé le CNAV pour une durée de quatre ans.

 

L’article 5 du décret précité prévoit que le CNAV se réunit au moins une fois par an ([15]). L’étude d’impact précise qu’il ne s’est plus réuni depuis le 26 septembre 2014 ([16]).

Parallèlement, le pilotage de la politique d’aide aux victimes a été réorganisé : le décret n° 2017-1072 du 24 mai 2017 a confié la prise en charge de l’aide aux victimes au ministre de la justice ([17]), sous la tutelle duquel est placée la délégation interministérielle de l’aide aux victimes créée par le décret n° 2017‑1240 du 7 août 2017.

II.   le dispositif du projet de loi

Tirant les conséquences de l’inactivité du CNAV depuis six ans, le présent article abroge l’article 37 de la loi du 3 août 2018 précitée qui constitue le fondement législatif de cet organisme.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification. Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a justifié la suppression du CNAV au regard des missions actuellement exercées par la délégation interministérielle de l’aide aux victimes, en lien avec les comités locaux d’aide aux victimes institués à l’échelle départementale ([18]).

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4
(article 7 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire [abrogé])
Suppression de lobservatoire de la récidive et de la désistance

Rétabli par la commission

Le présent article, supprimé par la commission spéciale du Sénat puis rétabli par votre commission, tend à supprimer l’observatoire de la récidive et de la désistance.

I.   le droit en vigueur

Sur le fondement de l’article 7 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, le décret n° 2014-883 du 1er août 2014 a créé l’observatoire de la récidive et de la désistance ([19]) (ORD) et a fixé les règles applicables à son organisation et à son fonctionnement. Opérationnel depuis le 20 avril 2016 et indépendant du ministère de la justice, cet observatoire a pour principale mission d’établir un rapport annuel afin d’analyser les données statistiques relatives aux infractions, à la récidive, à la réitération et à l’exécution des décisions de justice en matière pénale. En outre, ce rapport présente une évaluation des actions engagées par les établissements pénitentiaires afin de prévenir les suicides et la récidive.

Présidé par un magistrat, l’ORD est composé de 17 membres nommés pour une durée de quatre ans parmi lesquels figurent notamment deux parlementaires ([20]), deux élus locaux, des représentants du ministre de la justice et plusieurs personnalités qualifiées.

L’étude d’impact précise que l’ORD n’a produit à ce jour qu’un seul rapport publié en décembre 2017. En juin 2019, l’ORD a organisé un colloque dans les locaux de l’Assemblée nationale intitulé : « déconstruire la récidive, sortir de la délinquance ».

II.   le dispositif du projet de loi

Le présent article abroge l’article 7 de la loi du 24 novembre 2009 précitée afin de supprimer l’ORD.

III.   La position du SÉnat

La commission spéciale du Sénat a adopté un amendement de la rapporteure supprimant cet article, afin de maintenir l’existence de l’ORD. Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a rejeté un amendement de rétablissement de l’article présenté par le Gouvernement. Celui-ci estime que l’analyse des données statistiques relatives à la récidive peut désormais être directement réalisée par les services du ministère de la justice ([21]), rendant ainsi superfétatoire la mission dévolue à l’ORD.

En effet, l’article 85 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié l’article 48-1 du code de procédure pénale afin d’autoriser à des fins statistiques l’exploitation des données nominatives figurant dans le fichier informatique Cassiopée ([22]). Cette évolution vise à faciliter la collecte et l’analyse des données statistiques dans le cadre de la lutte contre la récidive.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté les amendements n° 688 de votre rapporteur et n° 392 de M. Buon Tan (LaREM) avec un avis favorable du Gouvernement afin de rétablir le présent article supprimant l’ORD.

Article 5
(article 28 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination [abrogé])
Suppression de la commission nationale des services

Adopté par la commission sans modification

Le présent article tend à supprimer la commission nationale des services (CNS).

I.   le droit en vigueur

Placée auprès du ministre chargé des services, la CNS a été créée par le décret n° 2013-666 du 23 juillet 2013. Ses missions consistent à conseiller les pouvoirs publics sur la situation des services en France et formuler des propositions visant à soutenir la compétitivité, l’innovation et le développement des politiques publiques sur les services, s’agissant notamment des aides publiques dont ils bénéficient.

Présidée par le ministre chargé des services ou son représentant, la CNS est composée de membres de droit ([23]), de deux parlementaires et de membres représentant le secteur des services répartis au sein de trois collèges ([24]), nommés pour une durée de trois ans. L’article 28 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination a consacré le fondement législatif de la CNS.

L’étude d’impact précise que cette commission est inactive depuis mai 2017, le mandat de ses membres n’ayant pas été renouvelé depuis lors ([25]).

II.   le dispositif du projet de loi

Tirant les conséquences de l’inactivité de la CNS au cours de ces trois dernières années, le présent article abroge l’article 28 de la loi du 3 août 2018 précitée afin de la supprimer.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification, dans le prolongement de sa position exprimée lors du vote de la loi précitée du 3 août 2018 ([26]).

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 bis (nouveau)
(article L. 123-1 [abrogé] du code de la sécurité intérieure)
Suppression de lInstitut national des hautes études de la sécurité et de la justice

Introduit par la commission

Le présent article, issu de l’amendement n° 689 de votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement, tend à supprimer l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Il abroge en conséquence l’article L. 123-1 du code de la sécurité intérieure.

Créé en 2009, l’INHESJ est un établissement public administratif placé sous la tutelle du Premier ministre. Il exerce principalement deux missions consistant, d’une part, à délivrer des formations relatives aux enjeux de sécurité et de justice, et, d’autre part, à conduire des travaux de recherche, notamment statistiques, sur la criminalité et la délinquance.

Justifiée par des raisons organisationnelles, la suppression de l’INHESJ implique le transfert de ses missions de formation à l’Institut des hautes études du ministère de l’intérieur créé par l’arrêté du 3 septembre 2020. En outre, le volet « recherche statistique » de ses missions sera directement pris en charge par les services centraux du ministère de l’intérieur.

Article 6
(articles 1510, 1511, 1512 [abrogé], 1513 [abrogé], 1515, 1652 bis [abrogé], 1653, 1732, 1740 A bis et 1753 du code général des impôts)
Suppression de la commission centrale des impôts directs compétente en matière dévaluation foncière

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article tend à supprimer la commission centrale des impôts directs compétente pour statuer sur les appels formés contre les tarifs d’évaluation foncière des propriétés non-bâties arrêtés par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Le Sénat a approuvé cette suppression mais en modifiant cet article, afin d’autoriser les maires et propriétaires à contester les tarifs d’évaluation applicables aux propriétés non-bâties devant la commission départementale précitée.

I.   le droit en vigueur

La détermination de la valeur locative des propriétés non-bâties ([27]) repose sur l’établissement d’un tarif d’évaluation de référence applicable sur le territoire de la commune. L’administration fiscale soumet pour avis à la commission communale des impôts directs (CCID) un projet de tarif. Si l’administration fiscale et la CCID ne parviennent pas à conclure un accord sur le tarif à arrêter, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires est saisie sur le fondement de l’article 1510 du code général des impôts (CGI) afin de déterminer le tarif applicable sur le territoire de la commune.

Dès lors que ce tarif a été arrêté ([28]), il fait l’objet d’un affichage public. Les articles 1511 et 1512 du CGI ouvrent la possibilité au maire ([29]), à l’administration fiscale et aux propriétaires possédant au moins la moitié des surfaces concernées par le tarif arrêté sur le territoire de la commune de former un appel contre la décision rendue par la commission départementale auprès de la commission centrale des impôts directs placée sous la tutelle du ministère de l’action et des comptes publics et dont le fonctionnement est régi par l’article 1652 bis du CGI.

L’exercice d’un recours devant la commission centrale n’emporte aucun effet suspensif, les tarifs arrêtés par la commission départementale demeurant le cas échéant applicables jusqu’à la date à laquelle la commission centrale rend sa décision. Si celle-ci venait à être favorable aux contribuables, des dégrèvements leur seraient alors rétroactivement accordés ([30]). La décision rendue par la commission centrale constitue une décision administrative contre laquelle les requérants peuvent former un recours pour excès de pouvoir ([31]).

L’étude d’impact précise que cette commission centrale ne connaît aucune activité depuis « de nombreuses années » ([32]), en l’absence de saisine.

II.   le dispositif du projet de loi

Le présent article supprime la commission centrale des impôts directs compétente pour statuer sur les appels formés contre les tarifs d’évaluation foncière des propriétés non-bâties arrêtés par la commission départementale.

Il abroge ainsi les articles 1511 à 1513 et 1652 bis, et procède, par coordination avec cette suppression, à la modification des articles 1515, 1653, 1732, 1740 A bis et 1753 du CGI.

III.   La position du SÉnat

Si le Sénat s’est prononcé en faveur de la suppression de la commission centrale régie par l’article 1652 bis du CGI, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements de la rapporteure tendant à préserver l’existence d’une voie de recours non-contentieuse au profit des maires et des propriétaires des terrains concernés. Outre deux amendements corrigeant une erreur matérielle, l’amendement COM-123 de la rapporteure adopté par la commission modifie l’article 1511 du CGI afin d’autoriser les maires et les propriétaires précités à contester devant la commission départementale les tarifs arrêtés par l’administration fiscale après accord de la CCID.

Ces dispositions s’inspirent de la voie de recours prévue par l’article 1503 du CGI s’agissant du régime applicable à l’évaluation des propriétés bâties.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ayant recueilli un avis favorable de la rapporteure afin de préciser que la décision rendue par la commission départementale ne peut pas être ultérieurement contestée à l’occasion d’un recours contre les impositions établies à partir des tarifs fixés par la commission départementale ([33]). Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir dans les deux mois suivant sa publication.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article modifié par les trois amendements rédactionnels n° 575, n° 576 et n° 577 de votre rapporteur avec un avis favorable du Gouvernement.

Article 7
(article L. 239-2 [abrogé] du code de léducation)
Suppression de lobservatoire national de la sécurité et de laccessibilité des établissements denseignement

Rétabli par la commission

Le présent article, supprimé par la commission spéciale du Sénat puis rétabli par votre commission, tend à supprimer l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement.

I.   le droit en vigueur

Créé en 1995, l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des enseignements d’enseignement est régi par les articles D. 239-25 à D. 239-33 du code de l’éducation. Son fondement législatif a été consacré par l’article 13 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs et à simplifier les modalités de leur nomination ([34]), dont les dispositions sont codifiées à l’article L. 239-2 du code de l’éducation.

Placé auprès du ministre chargé de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, l’observatoire étudie les conditions d’application des règles de sécurité, l’état des bâtiments scolaires et de l’enseignement supérieur ainsi que les conditions de leur protection en vue de prévenir toute atteinte aux personnes et aux biens. Ses missions ont été étendues en 2007 à l’évaluation de l’accessibilité des établissements. Il est chargé de remettre au ministre un rapport annuel synthétisant ses travaux et de formuler des propositions concrètes afin d’améliorer la sécurité et l’accessibilité des établissements.

En outre, l’article 26 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance prévoit que les collectivités territoriales compétentes tiennent compte des recommandations émises par l’observatoire dans le cadre de la construction ou de la réhabilitation des bâtiments scolaires ([35]).

En application de l’article D. 239-27 précité, l’observatoire est composé de 51 membres nommés pour une durée de trois ans et répartis au sein de trois collèges ([36]). Si le mandat des membres de l’observatoire n’a pas été renouvelé depuis 2017, celui-ci a poursuivi son activité en organisant notamment 49 réunions au cours de l’année 2019, comme l’indique son rapport d’activité publié en janvier 2020 ([37]).

Dans le cadre des auditions conduites par votre rapporteur, le président de l’observatoire M. Jean-Marie Schléret a indiqué que l’enveloppe budgétaire allouée à l’observatoire par le ministère de l’éducation nationale s’élève à un montant annuel d’environ 300 000 euros. Cette somme comprend la masse salariale du personnel administratif du ministère de l’éducation nationale affecté à l’observatoire ([38]), le coût de la location des locaux et les divers frais de fonctionnement ([39]).

II.   lE dispositif du projet de loi

Le présent article abroge l’article L. 239-2 du code de l’éducation afin de supprimer l’observatoire. Le Gouvernement estime que la création en juillet 2019 d’une cellule spécifiquement chargée du bâti scolaire auprès du secrétariat général du ministère de l’éducation nationale ne justifie plus l’existence de l’Observatoire.

Dans sa réponse publiée le 17 décembre 2019 à la question écrite posée par notre collègue Marielle de Sarnez sur la suppression envisagée de l’observatoire ([40]), le Gouvernement détaille les missions dévolues à cette cellule :

« [La cellule] travaille notamment à définir lorganisation et les dispositifs à mettre en place pour améliorer la protection de la santé et la sécurité des élèves et des personnels en lien avec lensemble des acteurs concernés au premier titre desquels les collectivités territoriales. La volonté du ministère est donc de se structurer afin dagir concrètement et efficacement sur les différents sujets de santé et de sécurité. »

Cette évolution organisationnelle motive ainsi la suppression de l’observatoire :

« Afin de conduire efficacement le changement, il apparait donc souhaitable que cette action soit portée par les services du ministère et en particulier par le secrétariat général qui a vocation à coordonner laction des différents acteurs. Cette approche facilite également grandement la collaboration avec le ministère des solidarités et de la santé et celui de la transition écologique et solidaire. Dans ce contexte, le maintien dune structure dédiée essentiellement à lobservation et mobilisant un très grand nombre dacteurs ne parait plus pertinent. Néanmoins, les missions assurées par lobservatoire nont pas vocation à disparaître mais à être portées par les services du ministère afin dassurer une déclinaison opérationnelle rapide des préconisations émises. Un accompagnement sera mis en place visant notamment à permettre aux agents de lobservatoire de poursuivre leurs missions au sein du ministère. »

S’il supprime le fondement législatif de l’observatoire prévue à l’article L. 239-2 précité, cet article ne modifie pas les articles L. 212-4, L. 213-2 et L. 214-6 du code de l’éducation ni l’article L. 4424-1 du code général des collectivités territoriales dont les dispositions mentionnent son existence.

III.   La position du SÉnat

La commission spéciale du Sénat a adopté deux amendements de la rapporteure et de Mme Sylvie Robert supprimant cet article, afin de maintenir l’existence de l’observatoire.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a rejeté un amendement de rétablissement de l’article présenté par le Gouvernement, la rapporteure estimant nécessaire de préserver le fonctionnement de l’observatoire eu égard à la qualité de ses travaux et à son volume d’activité.

IV.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté les trois amendements n° 391 de M. Buon Tan (LaREM), n° 426 de Mme Sophie Beaudouin-Hubière (LaREM) et n° 560 de M. Jean-Marie Fiévet (LaREM) avec un avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement afin de rétablir le présent article supprimant cet observatoire, en raison de la prise en charge de ses missions par la cellule du bâti scolaire créée au sein du ministère de l’éducation nationale en juillet 2019.

Article 8
(article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de lhabitation et article 13 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale)
Regroupement du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable et du haut comité pour le logement des personnes défavorisées

Adopté par la commission sans modification

Le présent article, modifié par la commission spéciale du Sénat, vise à fusionner le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO) avec le haut comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD).

I.   le droit en vigueur

A.   Le hclpd

Le HCLPD a été créé par le décret n° 92-1339 du 22 décembre 1992. Placé auprès du Premier ministre et composé de 18 membres nommés par le Président de la République pour une durée de trois ans, il a pour mission de formuler toute proposition utile sur l’ensemble des questions relatives au logement des personnes défavorisées. Pouvant être consulté par le Président de la République et le Premier ministre, le HCLPD leur adresse un rapport chaque année et a publié depuis sa création près d’une vingtaine de rapports thématiques ([41]).

Créé par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, l’article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation mentionne le HCLPD par le biais de son président, celui-ci étant désigné membre de la commission nationale compétente pour examiner les difficultés rencontrées par les communes n’ayant pas respecté leur obligation triennale en matière de logements locatifs sociaux.

Dans sa réponse publiée le 13 septembre 2016 à la question écrite posée par notre ancien collègue Thierry Lazaro sur le coût de fonctionnement du HCLPD ([42]), le Gouvernement indique que ses dépenses de fonctionnement s’élevaient à 53 528 € en 2015 ([43]) auxquelles s’ajoute un montant d’environ 200 000 € correspondant à la masse salariale de ses personnels ([44]).

L’étude d’impact précise que la présidence du HCLPD et du comité de suivi du DALO est commune. L’ensemble des membres du HCLPD siègent également au sein du comité de suivi du DALO ([45]).

B.   Le comité de suivi du DALO

L’article 13 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses dispositions en faveur de la cohésion sociale a créé le comité de suivi du DALO, chargé de vérifier la mise en œuvre effective de ce droit. Le décret n° 2007-295 du 5 mars 2007 définit ses missions et son organisation, comparables à celles du HCLPD. Placé auprès du ministre chargé du logement, il est composé de 59 membres, dont cinq représentants d’élus locaux et trente-et-un représentants du secteur associatif.

II.   Le dispositif du projet de loi

Tirant les conséquences de la proximité de ces deux organismes aussi bien au regard de leur composition que de leur champ d’intervention, le présent article procède à l’absorption du comité de suivi du DALO par le HCLPD. Il modifie en ce sens l’article L. 302-9-1-1 précité et abroge l’article 13 de la loi du 5 mars 2007.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a approuvé le regroupement du comité de suivi du DALO et du HCLPD ; la commission spéciale a toutefois adopté un amendement de la rapporteure modifiant l’article 13 de la loi du 5 mars 2007. Il s’agit, d’une part, de maintenir la présence des représentants d’élus locaux et du secteur associatif au sein de l’instance fusionnée, et, d’autre part, de la rattacher au Premier ministre ([46]).

IV.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 9
(article L. 1212-3-4 du code des transports et article 86 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination)
Suppression anticipée du conseil national de laménagement et du développement du territoire

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise à avancer la date de suppression du conseil nationale de l’aménagement et du développement du territoire (CNADT) actuellement prévue au 1er juillet 2022 à la date d’entrée en vigueur du projet de loi.

I.   le droit en vigueur

Le CNADT a été créé par l’article 3 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Composé d’élus locaux et nationaux ainsi que des représentants des secteurs économiques et associatifs concernés, il exerce un rôle consultatif sur toutes les questions relatives à l’aménagement et au développement durable du territoire.

Le CNADT ne s’est plus réuni depuis 2015. Aussi la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination a pris acte de son inactivité et a prévu sa suppression à compter du 1er juillet 2022 ([47]).

Cependant, l’article 60 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a modifié l’article L. 1212-3-4 du code des transports afin de soumettre l’élaboration du schéma national des véloroutes arrêté par le ministre chargé des transports à la consultation préalable du CNADT. L’étude d’impact indique que le futur schéma national était en cours de finalisation en janvier dernier ([48]).

II.   lE dispositif du projet de loi

Dans le but de ne pas retarder la publication du schéma national des véloroutes prévue en 2020, le présent article vise à supprimer avec effet immédiat ([49]) le CNADT qui doit, aux termes de l’article 86 de la loi du 3 août 2018, disparaître le 1er juillet 2022. Cet article supprime donc par coordination l’exigence de consultation préalable de celle-ci dans le cadre de l’élaboration du schéma précité sur le fondement de l’article L. 1212-3-4 du code des transports.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 10
(articles L. 115-1 et L. 115-2 [abrogés] et L. 451-5 du code du patrimoine)
Suppression de la commission scientifique nationale des collections

Rétabli par la commission

Le présent article, supprimé par la commission spéciale du Sénat puis rétabli par votre commission, supprime la commission scientifique nationale des collections (CSNC).

I.   le droit en vigueur

La CSNC, issue du décret n° 2002-628 du 25 avril 2002 pris en application de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002, a été réformée par l’article 2 de la loi n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.

L’article L. 115-1 du code du patrimoine dispose que la CSNC a pour mission de conseiller les personnes publiques ou les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain, dans l’exercice de leurs compétences en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant à leurs collections. Les procédures de déclassement sont rares et se justifient par la perte d’intérêt public des biens concernés. Les alinéas 2 à 6 de l’article L. 115-1 détaillent le champ d’intervention de la CSNC :

Alinéas 2 à 6 de larticle L. 115-1 du code du patrimoine

À cet effet, la commission :

1° Définit des recommandations en matière de déclassement des biens appartenant aux collections visées aux 2° et 3°, et de cession des biens visés au 4° ; elle peut également être consultée, par les autorités compétentes pour procéder à de tels déclassements ou cessions, sur toute question qui s’y rapporte ;

2° Donne son avis conforme sur les décisions de déclassement de biens appartenant aux collections des musées de France et d’œuvres ou objets inscrits sur l’inventaire du Fonds national d’art contemporain et confiés à la garde du Centre national des arts plastiques ;

3° Donne son avis sur les décisions de déclassement de biens culturels appartenant aux autres collections qui relèvent du domaine public ;

4° Peut être saisie pour avis par les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain, lorsque les collections n’appartiennent pas au domaine public, sur les décisions de cession portant sur les biens qui les constituent.

L’article L. 451-5 du code du patrimoine consacre l’inaliénabilité des biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique. Relevant du domaine public, ces biens ne peuvent faire l’objet d’une décision de déclassement qu’après avis conforme de la CSNC. La CSNC n’exerce cependant aucune compétence en matière de restitution d’objets culturels à un État étranger ([50]), comme le rappelle expressément le seul rapport produit à ce jour par cet organisme en 2014 ([51]).

L’article L. 115-2 du code précité prévoit que la CSNC est composée d’un député et d’un sénateur, de représentants de l’État et des collectivités territoriales, de professionnels de la conservation des biens concernés et de personnalités qualifiées. Les articles R. 115-1 à R. 115-4 déterminent la répartition des membres parmi quatre collèges, leurs modalités de nomination et les règles de fonctionnement de la CSNC.

La CSNC n’a tenu aucune réunion depuis 2018 ([52]). Selon le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi en séance publique au Sénat, cette commission n’a formulé que huit avis dans le cadre de procédures de déclassement entre 2013 ([53]) et 2018, illustrant ainsi le caractère limité de son activité.

II.   le DISPOSITIF DU PROJET DE LOI

Le présent article abroge les articles L. 115-1 et L. 115-2 précités et supprime le dernier alinéa de l’article L. 451-5 précité relatif à la compétence de la CSNC en matière de déclassement des biens constituant les collections des musées de France.

La décision de déclassement de biens culturels se fondera ainsi exclusivement sur les rapports rendus par les services des établissements patrimoniaux et ceux du ministère de la culture.

III.   La position du SÉnat

Opposée à la suppression de la CSNC, la commission spéciale du Sénat a adopté deux amendements de la rapporteure et de Mme Sylvie Robert tendant à supprimer cet article. Lors de l’examen en séance publique, un amendement de rétablissement de l’article présenté par le Gouvernement a été rejeté, eu égard au rôle du Sénat dans la mise en place de la CSNC ([54]) et à la nécessité de disposer d’un regard extérieur et pluraliste sur les déclassements de biens culturels envisagés par les services administratifs.

IV.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté les amendements n° 690 de votre rapporteur et n° 353 de M. Raphaël Gérard (LaREM) avec un avis favorable du Gouvernement afin de rétablir le présent article supprimant la CSNC.

Article 11
(article 74 [abrogé] de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer  et article 6 decies de lordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Suppression de la commission nationale dévaluation des politiques de lÉtat outre-mer

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article, complété par la commission spéciale du Sénat à des fins de coordination, supprime la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer (CNEPEOM). Outre un amendement de coordination du rapporteur, votre commission a également adopté un amendement de M. Gabriel Serville (GDR) afin de renforcer les missions d’évaluation et de contrôle exercées par les délégations parlementaires aux outre-mer.

I.   le droit en vigueur

Prenant la suite de la commission nationale d’évaluation de la loi de programmation pour l’outre-mer (CNELPOM) mise en place en juillet 2006, la CNEPEOM a été créée par l’article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

Composée majoritairement de parlementaires et de représentants des collectivités territoriales concernées, la CNEPEOM est chargée d’assurer le suivi de la mise en œuvre des politiques publiques de l’État en outre-mer, en particulier des mesures prises pour favoriser le développement économique et social de ces territoires.

Ses attributions consistent à produire des rapports d’analyse relatifs aux questions économiques et sociales spécifiques à l’outre-mer.

D’une part, elle établit un rapport public biennal d’évaluation de l’impact socio-économique des mesures de soutien économique et relatives à la politique du logement ainsi qu’à la continuité territoriale mises en œuvre dans les collectivités d’outre-mer ([55]). D’autre part, la CNEPEOM présente un rapport public annuel de suivi des stratégies de convergence déployées par l’État, les collectivités territoriales ultramarines ainsi que la Nouvelle-Calédonie et ses provinces, au regard des objectifs de convergence poursuivis par les plans mentionnés aux articles 7 et 8 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ([56]). Enfin, elle remet chaque année au Parlement un rapport d’activité qui présente sommairement les travaux d’évaluation qu’elle a réalisés.

L’étude d’impact ([57]) souligne les difficultés que rencontre la CNEPEOM à remplir les missions que lui a confiées le législateur depuis 2009. En effet, les sujets d’étude retenus par la CNEPEOM apparaissent éloignés des thématiques inscrites dans la loi du 27 mai 2009, voire redondants avec ceux choisis par divers organismes d’évaluation des politiques publiques en outre-mer ([58]). De plus, elle ne s’est réunie qu’à trois reprises au cours de l’année 2018 ([59]), en raison des contraintes pratiques empêchant les membres de se réunir pour mener à bien les travaux de la Commission. Son coût de fonctionnement s’élevait à près de 106 000 euros en 2018 ([60]).

II.   le DISPOSITIF DU PROJET DE LOI

Le présent article abroge l’article 74 de la loi du 27 mai 2009 afin de supprimer la CNEPEOM.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat s’est prononcé en faveur de la suppression de la CNEPEOM. À l’initiative de la rapporteure, la commission spéciale a simplement adopté un amendement de coordination rendu nécessaire par l’abrogation de l’article 74 de la loi du 27 mai 2009.

Lors de l’examen en séance publique, la rapporteure a souligné l’insuffisant cadrage des missions prises en charge par cette commission dont le champ d’intervention recoupe largement celui des délégations parlementaires aux outre-mer créées au Sénat en novembre 2011 et à l’Assemblée nationale en juillet 2012.

IV.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Outre un amendement de coordination n° 578 du rapporteur ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté l’amendement n° 444 de M. Gabriel Serville (GDR) avec un avis favorable du rapporteur et un avis défavorable du Gouvernement afin de renforcer les missions d’évaluation et de contrôle des délégations parlementaires aux outre-mer. Cet amendement modifie l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

L’amendement prévoit que ces délégations assurent le suivi de la mise en œuvre des politiques publiques de l’État en outre-mer, en particulier des mesures prises pour favoriser le développement économique, culturel et social des collectivités ultramarines. Il précise également que le Gouvernement doit leur présenter chaque année un bilan des politiques publiques mises en œuvre dans ces collectivités.

Article 12
(section 2 du chapitre IV du titre IX du livre V [abrogée] du code de lenvironnement)
Suppression de la commission nationale dévaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs

Adopté par la commission avec modifications

Dans sa rédaction initiale, le présent article procède à la suppression de la commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF). S’opposant à sa suppression, la commission spéciale du Sénat a estimé préférable de maintenir son existence et de la rapprocher de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans l’exercice de ses missions. Votre commission a rétabli l’article 12 dans sa rédaction initiale afin de supprimer la CNEF.

I.   le droit en vigueur

L’article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a créé la CNEF, dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par les articles L. 594-11 à L. 594‑13 du code de l’environnement.

En application de l’article L. 594-11, elle est principalement chargée d’évaluer le contrôle de l’adéquation des provisions d’actifs constitués par les exploitants d’installations nucléaires de base avec les charges financières de fermeture, d’entretien et de surveillance des installations de stockage de déchets radioactifs. La CNEF évalue également la gestion des actifs de deux fonds par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ([61]). Enfin, elle reçoit les rapports des exploitants des installations nucléaires de base précisant l’évaluation de leurs charges.

À cette fin, elle remet un rapport triennal au Parlement et au Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.

L’article L. 594-12 prévoit que la CNEF est composée des présidents des commissions parlementaires chargées de l’énergie et des finances et de personnalités qualifiées désignées par le Parlement et le Gouvernement.

L’étude d’impact souligne l’inactivité de la CNEF depuis 2012 ([62]). Ne s’étant pas réunie depuis plus de quatre ans ([63]), elle n’a produit qu’un seul rapport d’évaluation qui constate les difficultés de fonctionnement auxquelles elle est confrontée, interrogeant ainsi sa capacité à accomplir ses missions ([64]).

En outre, plusieurs institutions et organismes de contrôle interviennent dans le champ de compétence de la CNEF :

        l’Agence de sûreté du nucléaire ([65]) émet un avis sur les rapports des exploitants des installations nucléaires de base précisant l’évaluation de leurs charges ;

        l’ACPR exerce un rôle consultatif sur le respect des obligations de provisionnement des exploitants des installations nucléaires de base ([66]).

Il convient également de noter que la Cour des comptes a réalisé deux rapports publiés en juillet 2019 et février 2020 sur l’aval du cycle du combustible nucléaire et le démantèlement des installations nucléaires civiles, appréhendant ainsi les enjeux relatifs aux coûts de gestion des déchets radioactifs.

II.   LE dispositif du projet de loi

Tirant les conséquences de son inactivité depuis 2012 et du caractère redondant des missions d’évaluation qui lui sont attribuées avec celles dévolues à l’ACPR depuis 2015, le présent article, dans sa rédaction initiale, abroge les articles L. 594-11 à L. 594-13 du code de l’environnement afin de supprimer la CNEF.

III.   La position du SÉnat

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure tendant à préserver l’existence de la CNEF en lui permettant de saisir l’ACPR pour avis dans le but de mener à bien ses missions d’évaluation.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a rejeté un amendement du Gouvernement visant à rétablir la suppression de la CNEF.

IV.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté l’amendement n° 691 de votre rapporteur avec un avis favorable du Gouvernement afin de rétablir la suppression de la CNEF telle qu’initialement prévue par le présent article.

Article 12 bis
(articles L. 542-1-2 et L. 542-12 du code de lenvironnement)
Allongement de trois à cinq ans de la durée à lissue de laquelle est révisé le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs

Adopté par la commission sans modification

Issu d’un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat en séance publique avec un avis favorable de la rapporteure, le présent article étend de trois à cinq ans la durée à l’issue de laquelle doit être révisé le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR).

I.   le droit en vigueur

L’article L. 542-1-2 du code de l’environnement prévoit que le PNGMDR, qui détermine les orientations stratégiques et les principaux objectifs relatifs à la gestion des matières et des déchets radioactifs, doit être révisé tous les trois ans. En application de l’article L. 542-12 du code précité, la révision de l’inventaire national des matières et des déchets radioactifs réalisé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs observe également un rythme triennal.

Le PNGMDR doit intégrer l’impact des orientations de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) relative à ces enjeux. Contrairement à la périodicité triennale susmentionnée, la PPE fait l’objet d’une révision quinquennale ([67]) sur le fondement de l’article L. 141-4 du code de l’énergie.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement créant le présent article, avec l’avis favorable de la rapporteure. Celui-ci modifie les articles L. 542-1-2 et L. 542-12 du code de l’environnement afin de rendre identique la durée de révision de la PNGMDR et de l’inventaire national des matières et des déchets radioactifs à celle de la PPE, soit cinq ans.

Au-delà de cette mise en cohérence, le Gouvernement indique que l’allongement de la durée de révision de trois à cinq ans favorisera l’information et la participation du public et confortera la dimension stratégique du PNGMDR.

III.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 13
Suppression de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires

Suppression maintenue par la commission

Le présent article, supprimé par la commission spéciale du Sénat, supprime la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires français (CCSCEN). Votre commission a confirmé sa suppression.

I.   le droit en vigueur

La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français a créé le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Le CIVEN a acquis le statut d’autorité administrative indépendante sur le fondement de l’article 53 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Désormais doté d’un pouvoir décisionnel, il a pour mission de traiter les demandes d’indemnisation présentées par les personnes souffrant de maladies provoquées par les essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996.

L’article 7 de la loi du 5 janvier 2010 a également créé la CCSCEN qui exerce un rôle consultatif sur le suivi de l’application de la loi ainsi que sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites pour laquelle elle peut formuler des recommandations. Se réunissant au moins deux fois par an, elle est composée de 19 membres parmi lesquels figurent les présidents du Gouvernement et de l’Assemblée de la Polynésie française ou leur représentant, deux députés, deux sénateurs, quatre représentants du Gouvernement, cinq représentants du secteur associatif et quatre personnalités qualifiées nommées par le Premier ministre. Les modalités de fonctionnement de la CCSCEN sont fixées par le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014.

L’étude d’impact ([68]) indique que la liste des maladies radio-induites établie en 2014 n’a été modifiée qu’une seule fois en 2019. Confrontée à des difficultés d’organisation, la CCSCEN ne s’est réuni qu’une seule fois en 2019 ([69]).

II.   LE dispositif du projet de loi

Eu égard à sa faible activité et à la montée en puissance de la CIVEN en tant qu’autorité administrative indépendante, le présent article abroge l’article 7 de la loi du 5 janvier 2010 afin de supprimer la CCSCEN.

III.   La position du SÉnat

Favorable au maintien de la CCSCEN, la commission spéciale du Sénat a adopté deux amendement de la rapporteure et de M. Hervé Marseille tendant à supprimer cet article, invoquant notamment l’utilité du travail d’expertise médicale accompli par la CCSCEN.

Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a renoncé à rétablir cet article, conformément à la position exprimée par la commission spéciale. La réponse du Gouvernement publiée le 9 juin 2020 à la question écrite de notre collègue Corinne Vignon confirme le maintien de la CCSCEN ([70]).

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 13 bis
Harmonisation du traitement des demandes dindemnisation des victimes des
essais nucléaires français

Supprimé par la commission

Issu d’un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat en séance publique avec un avis favorable de la rapporteure, le présent article vise à clarifier les conditions d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. À l’initiative de votre rapporteur, la commission a supprimé cet article.

I.   le droit en vigueur

Les dispositions prévues au b) du 2° du I de l’article 232 de la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 réservent l’indemnisation versée aux victimes des essais nucléaires français aux personnes dont la maladie trouve sa cause dans une exposition aux rayons ionisants supérieure à la dose maximale d’exposition admise pour le public ([71]).

Dans deux décisions rendues le 27 janvier 2020 ([72]), le Conseil d’État a considéré que le b) du 2° du I de l’article 232 de la loi précitée ne s’appliquait pas aux demandes déposées avant son entrée en vigueur, en labsence de dispositions transitoires. Cette solution jurisprudentielle aboutissait à créer une distinction entre les demandeurs d’indemnisation selon la date de dépôt de leur demande.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Afin d’harmoniser les critères de traitement des demandes d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, le Sénat a adopté le présent article issu d’un amendement du Gouvernement avec l’avis favorable de la rapporteure. Il permet ainsi d’appliquer rétroactivement les dispositions du b) du 2° du I de l’article 232 de la loi de finances pour 2019 dans le but d’unifier le traitement par le CIVEN des demandes d’indemnisation, indépendamment de la date de leur dépôt. À des fins de sécurité juridique, cette disposition ne s’applique pas aux décisions de justice passées en force de chose jugée.

À l’initiative de votre rapporteur Guillaume Kasbarian, les dispositions de cet article ont été reprises dans les mêmes termes par l’article 57 de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

III.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Par cohérence avec l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 57 de du 17 juin 2020 précitée, la commission a adopté l’amendement n° 579 du rapporteur avec un avis favorable du Gouvernement tendant à supprimer cet article.

Article 14
(articles L. 114-6, L. 114-20, L. 411-1 [abrogé], L. 411-2 [abrogé], L. 411-3 [abrogé] et L. 421-3 du code de la mutualité)
Suppression du conseil supérieur de la mutualité

Rétabli par la commission

Le présent article, supprimé par la commission spéciale du Sénat puis rétabli avec modifications par votre commission, supprime le conseil supérieur de la mutualité (CSM).

I.   le droit en vigueur

Le CSM est institué en application de l’article L. 411-1 du code de la mutualité. Présidé par le ministre chargé de la mutualité, il est essentiellement composé de représentants des mutuelles, unions et fédérations ainsi que de représentants des organisations syndicales. Il comprend également un député et un sénateur ([73]).

Le CSM exerce trois missions distinctes. Premièrement, il est consulté par le Gouvernement sur tout projet de réforme législative ou réglementaire relative au fonctionnement des mutuelles, unions et fédérations. Deuxièmement, il peut formuler des recommandations au Gouvernement dans son champ d’intervention. Troisièmement, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations ([74]), il est chargé de la gestion du fonds national de solidarité et d’actions mutualistes (FNSAM) ([75])  qui a pour objet d’accorder des prêts ou subventions aux mutuelles et unions exerçant une activité non-assurantielle.

Dans le cadre des auditions conduites par votre rapporteur, la Fédération nationale de la mutualité française a indiqué que le FNSAM avait ainsi été mobilisé dans le cadre de subventions accordées à divers organismes mutualistes afin notamment de financer des plans de rénovation de centres de santé ou d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Enfin, le CSM est tenu de présenter un rapport d’activité adressé au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement. Lors de l’examen du projet de loi en séance publique au Sénat, le Gouvernement a précisé qu’aucun rapport d’activité n’avait été publié à ce jour et que la commission plénière du CSM ne s’était réunie qu’à trois reprises depuis 2012.

Parallèlement à l’activité du CSM, le décret n° 2012-1382 du 10 décembre 2012 a élargi le champ d’intervention du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) ([76]) aux textes prudentiels relatifs aux mutuelles. Cette évolution des obligations consultatives peut aboutir à une saisine conjointe du CSM et CCLRF sur des projets de réforme dont l’objet est identique.

II.   LE dispositif du projet de loi

Eu égard à l’élargissement des prérogatives consultatives du CCLRF, le présent article abroge les articles L. 411-1 à L. 411-3 du code de la mutualité afin de supprimer le CSM. Il modifie également l’article L. 421-3 relatif à la gestion du FNSAM, renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de définir les modalités d’attribution des subventions et prêts financés par ce fonds.

III.   La position du SÉnat

Favorable au maintien du CSM en tant qu’instance de concertation des acteurs mutualistes, la commission spéciale du Sénat a adopté deux amendements de la rapporteure et de M. Jean-Pierre Sueur de suppression de cet article, estimant que le champ d’intervention des mutuelles ne se circonscrit pas aux seules activités assurantielles pour lesquelles le CCLRF exerce un rôle consultatif.

Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement de rétablissement de cet article, rejeté par le Sénat.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté l’amendement n° 559 de M. Jean-Marie Fiévet (LaREM) avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement tendant à supprimer le CSM.

Cet amendement apporte également plusieurs clarifications. Premièrement, il prévoit que les aides attribuées aux mutuelles par le FNSAM seront octroyées par une commission d’attribution dont la composition permettra d’associer le secteur de la mutualité.

Deuxièmement, il modifie l’article L. 114-16 du code de la mutualité dans le but de clarifier les dispositions relatives à la possibilité de recourir au vote électronique pour l’élection des administrateurs des mutuelles par les membres de l’assemblée générale. Il s’agit de supprimer la notion de « bulletin secret » susceptible d’être interprétée comme nécessitant le recours obligatoire à des bulletins de vote sous format papier, alors que le recours au vote électronique est par ailleurs autorisé pour les votes en assemblée générale.

Troisièmement, il modifie l’article L. 114-20 du code de la mutualité afin de simplifier le fonctionnement des conseils d’administration des mutuelles, unions et fédérations, en facilitant le recours à la visioconférence dans le cadre des délibérations qu’ils sont amenés à prendre.

Article 14 bis
(article L. 510-1 du code de la mutualité)
Suppression du contrôle de certaines mutuelles par le Gouvernement

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article, issu d’un amendement de Mme Josiane Costes adopté en séance publique par le Sénat, la rapporteure et le Gouvernement s’en remettant à la sagesse de la Haute Assemblée, supprime le contrôle exercé par le ministre chargé de la mutualité sur les mutuelles pratiquant des actions de prévention, d’action sociale, de gestion et de réalisations sanitaires et sociales. Votre commission a adopté un amendement de rédaction globale de l’article présenté par le Gouvernement avec un avis favorable du rapporteur tendant à garantir le contrôle de l’usage des fonds du FNSAM par le ministre compétent.

I.   le droit en vigueur

L’alinéa 2 de l’article L. 510-1 du code de la mutualité prévoit que le contrôle des mutuelles et unions régies par le livre III du code précité incombe au ministre chargé de la mutualité ([77]).

Dans son rapport rendu en mai 2014, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) préconisait la suppression de cette disposition, estimant que l’État est dépourvu de moyens juridiques lui permettant de rendre ce contrôle effectif. Cette situation pourrait ainsi entraîner l’engagement de sa responsabilité pour « défaut de contrôle » ([78]). L’IGAS rappelle à ce titre la condamnation de l’État par le Conseil d’État en 2012 en raison de l’absence de contrôle par la puissance publique de la Mutuelle retraite de la fonction publique (MRFP) ([79]).

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Issu d’un amendement de Mme Josiane Costes adopté par le Sénat en séance publique ([80]), le présent article supprime l’alinéa 2 de l’article L. 510-1 précité afin de supprimer le contrôle du ministre chargé de la mutualité sur les mutuelles et unions régies par le livre III du code de la mutualité, conformément à la préconisation émise par l’IGAS en mai 2014.

III.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission a adopté l’amendement de rédaction globale n° 616 du Gouvernement avec un avis favorable du rapporteur. Si la suppression du contrôle des mutuelles régies par le livre III est confirmée, cet amendement vise à garantir le contrôle par le ministre chargé de la mutualité de l’usage des fonds octroyés par le FNSAM aux mutuelles dans le cadre des prêts et subventions dont elles bénéficient.

Article 15
(articles L. 2, L. 3, L. 2152-6, L. 2261-15, L. 2261-17, L. 2261-24, L. 2261-27, L.2261-32, L. 22711, L. 2272-1 et L. 3346-1 [abrogé] du code du travail et articles L. 911-3, L. 911-4 et L. 9115 du code de la sécurité sociale)
Fusion de diverses instances consultatives relatives aux relations de travail

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article procède à l’absorption par la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) de trois commissions consultatives relatives aux relations de travail. Outre quatre amendements rédactionnels, votre commission a adopté un amendement du rapporteur avec un avis favorable du Gouvernement afin de préserver l’existence du Haut conseil du dialogue social.

I.   le droit en vigueur

Quatre commissions consultatives sont compétentes en matière de relations individuelles et collectives de travail.

A.   La commission nationale de la négociation collective et LE conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (cnncefp)

L’article 36 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel a procédé au regroupement de la commission nationale de la négociation collective et du conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNNCEFP). En application de l’article L. 2271-1 du code du travail, la CNNCEFP exerce un rôle consultatif et de suivi de l’ensemble des enjeux relatifs aux relations individuelles et collectives de travail, dans une perspective particulièrement large ([81]).

L’article L. 2272-1 du code du travail prévoit que la CNNCEFP comprend des représentants de l’État, du Conseil d’État et des partenaires sociaux ([82]). Elle constitue une instance de concertation transversale eu égard au pluralisme des membres qui la composent et à la diversité des sujets relevant de sa compétence.

B.   La commission des accords de retraite et de prÉvoyance (ComaReP)

Régie par les articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale, COMAREP est chargée de donner un avis sur l’extension et l’élargissement des conventions et accords collectifs ayant pour objet exclusif la détermination des garanties de protection sociale complémentaire. Elle s’est réunie à cinq reprises en 2016 ([83]).

C.   Le haut conseil du dialogue social (hcds)

Sur le fondement de l’article L. 2122-11 du code du travail créé par la    loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, le HCDS exerce un rôle consultatif préalable à la publication des arrêtés relatifs à la représentativité syndicale et patronale. Il s’est réuni quatre fois en 2018 ([84]).

D.   Le conseil d’orientation de la participation, de l’intÉressement, de l’Épargne salariale et de l’actionnariat salariÉ (COPIESAS)

Sur le fondement de l’article L. 3346-1 du code du travail créé par la      loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, le COPIESAS est chargé de promouvoir et d’évaluer les dispositifs de participation, d’intéressement, d’épargne salariale et d’actionnariat salarié. Il s’est réuni à six reprises en 2018 ([85]).

II.   LE dispositif du projet de loi

Dans un objectif de rationalisation et de lisibilité des instances consultatives compétentes en matière de relations de travail, le présent article supprime la COMAREP ([86]), le HCDS ([87]) et le COPIESAS ([88]) et attribue les missions qui leur sont dévolues à la CNNCEFP ([89]), au regard de la transversalité de son champ d’intervention.

Opérationnelle depuis le 1er janvier 2019 ([90]), la CNNCEFP a pour vocation de devenir l’instance consultative privilégiée du dialogue social. L’avis du Conseil d’État ([91]) sur le projet de loi souligne la nécessaire réorganisation de la CNNCEFP, impliquant la création de sous-commission spécialisées en son sein afin de préserver la conduite des missions aujourd’hui exercées par la COMAREP, le HCDS et le COPIESAS.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a approuvé le regroupement proposé par cet article, la commission spéciale ayant adopté deux amendements de nature rédactionnelle présentés par la rapporteure.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

Avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté les amendements rédactionnels n° 580, n° 581, n° 582 et n° 583 présentés par le rapporteur. La commission a également adopté l’amendement n° 692 du rapporteur avec un avis favorable du Gouvernement afin de maintenir le HCDS en tant qu’instance paritaire autonome, eu égard à la spécificité de son action relative à la représentativité syndicale et patronale alors que le troisième cycle de la représentativité s’achève à la fin du mois de décembre 2020.

Article 16
(article L. 1145-1 du code du travail [abrogé] et article 9-1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions dadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations)
Absorption du conseil supérieur de légalité professionnelle entre les femmes et les hommes par le haut conseil de légalité entre les femmes et les hommes

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article procède à l’absorption du conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) par le haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE).

I.   le droit en vigueur

A.   Le csep

Initialement créé par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, le CSEP a été élevé au rang législatif à l’article L. 1145-1 du code du travail par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Exerçant un rôle consultatif sur les projets de réforme législatif ou réglementaire relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ([92]), il s’est réuni à quatre reprises en 2018 et présente un coût de fonctionnement s’élevant à 25 000 euros ([93]).

B.   Le hce

Créé par le décret n° 2013-8 du 3 janvier 2013, le HCE a été consacré par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Il a pour mission d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment par le biais de recommandations, de travaux d’évaluation et de la présentation d’un rapport annuel sur l’état du sexisme en France.

Placé auprès du Premier ministre et structuré autour de cinq commissions thématiques ([94]), le HCE est composé de cinquante-quatre membres parmi lesquels figurent des élus locaux et nationaux ([95]), des représentants du secteur associatif et des personnalités qualifiées.

II.   LE dispositif du projet de loi

Le présent article procède à la suppression du CSPE et attribue les missions qui lui sont dévolues au HCE, en élargissant son champ d’intervention aux enjeux d’égalité professionnelle ([96]). Lors de l’examen en séance publique au Sénat, le Gouvernement a indiqué qu’une commission paritaire chargée de l’égalité professionnelle sera mise en place au sein du HCE afin de statuer sur les projets de décret en la matière. Cette évolution permet d’envisager de façon transversale l’ensemble des questions relatives à l’égalité femme-homme, ce qui justifie un pilotage unique par le HCE. Cet article impose également le principe de parité femmes-hommes dans la composition du HCE ([97]).

III.   La position du SÉnat

Favorable à cette évolution améliorant la lisibilité et le pilotage stratégique des politiques publiques d’égalité entre les femmes et les hommes, le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

Avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté les amendements rédactionnels n° 585 et n° 584 du rapporteur.

Article 16 bis A
(articles L. 1512-6 à L. 1512-18 du code des transports [abrogés])
Suppression du fonds pour le développement de lintermodalité dans les transports

Adopté par la commission sans modification

Le présent article, issu d’un amendement de Mme Christine Lavarde adopté en séance publique par le Sénat avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, supprime le fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports (FDIT).

I.   le droit en vigueur

Le FDIT a été créé par la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, aux enquêtes techniques et au stockage souterrain de gaz naturel, d’hydrocarbures et de produits chimiques. L’article L. 1512-6 du code des transports précise que le FDIT est un établissement public administratif national chargé de concourir à la mise en œuvre de la politique intermodale des transports sur le territoire national par le financement des investissements nécessaires au développement du transport ferroviaire, fluvial ou maritime.

L’article L. 1512-8 du code précité dispose que le FDIT est administré par un conseil composé de deux députés, deux sénateurs, des représentants de l’État et des personnalités qualifiées. Il est tenu de se réunir au moins deux fois par an.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Issu d’un amendement adopté par le Sénat en séance publique, le présent article abroge les articles L. 1512-6 à L. 1512-18 du code des transports afin de supprimer le FDIT.

Lors des débats, Mme Christine Lavarde, désignée en tant que représentante du Sénat au FDIT en décembre 2017, a indiqué n’avoir jamais reçu de convocation à des réunions du FDIT en 2018 et 2019, soulignant ainsi l’inactivité de cet établissement. Ce constat avait déjà été établi par l’ancien député Michel Bouvard, auteur d’une proposition de loi déposée le 19 octobre 2010 visant à supprimer le FDIT ([98]).

III.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 16 bis
Modification de la composition des commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers

Supprimé par la commission

Issu de trois amendements identiques présentés par Mme Sylvie Vermeillet, MM. Claude Kern et Max Brisson et adoptés par la commission spéciale du Sénat avec un avis favorable de la rapporteure, le présent article prévoit que les commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) sont pour moitié composées de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements.

I.   le droit en vigueur

Créées par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, les CDPENAF peuvent être consultées sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de ces espaces ([99]).

Elles formulent un avis sur l’opportunité, au regard de l’objectif de préservation des terres naturelles, agricoles ou forestières, de certaines procédures ou autorisations d’urbanisme ([100]). Le ministère de la cohésion des territoires, dans sa fiche technique sur le fonctionnement des CDPENAF publiée en juillet 2019, considère qu’elles constituent la « cheville ouvrière de la stratégie de lutte contre lartificialisation excessive des terres naturelles, agricoles et forestières » ([101]).

En application de l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), les CDPENAF sont présidées par le préfet et comprennent une quinzaine de membres parmi lesquels figurent les représentants de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des professions agricole et forestière, des chambres d’agriculture et des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, des propriétaires fonciers, des notaires, des associations agréées de protection de l’environnement et des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs. La composition précise est déterminée par l’article D. 112-1-11 du CRPM qui prévoit notamment la participation du président du conseil départemental et de deux maires du maire du département. En l’état actuel du droit, les élus locaux représentent donc moins de 20 % des membres qui composent les CDPENAF.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Issu de trois amendements identiques adoptés par la commission spéciale du Sénat à l’initiative de Mme Sylvie Vermeillet et MM. Claude Kern et Max Brisson avec un avis favorable de la rapporteure, le présent article a pour objet d’instaurer au sein des CDPENAF la parité entre les élus locaux et les autres catégories de membres, modifiant en ce sens l’article L. 112-1-1 du CRPM.

Cet amendement reprend les termes d’une disposition ajoutée par le Sénat lors de la discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ([102]) puis supprimée par la commission des Lois de l’Assemblée nationale ([103]) dans le but de préserver le caractère pluraliste et équilibré de la représentation de l’ensemble des acteurs concernés par le développement du territoire.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. Joël Labbé, qui a recueilli un avis défavorable de la rapporteure et favorable du Gouvernement.

III.   Les travaux DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté cinq amendements n° 693 du rapporteur, n° 333 de Mme Mathilde Panot (LFI), n° 395 de Mme Agnès Thill (UDI-I), n° 502 de M. Stéphane Baudu (MODEM) et n° 567 de Mme Émilie Cariou (EDS) afin de supprimer cet article et maintenir en l’état la composition actuelle des CDPENAF.

Article 16 ter (nouveau)
(articles L. 2, L. 2-2, L. 33-2, L. 34, L. 34-11, L. 35-1, L. 35-2, L. 35-3, L. 43, L. 44, L. 125 [abrogé], L. 131 et L. 135 du code des postes et des télécommunications électroniques et article 40 de la loi n° 20161888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne)
Suppression de la commission supérieure du numérique et des postes

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 483 de M. Éric Bothorel (LaREM) qui a reçu un avis favorable du rapporteur et de sagesse du Gouvernement, le présent article supprime la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP).

La CSNP est issue de la commission supérieure du service public des postes et des télécommunications (CSSPPT) créée par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public des postes et télécommunications. Elle comprend sept députés et sept sénateurs ainsi que trois personnalités qualifiées dans les secteurs des postes et des communications électroniques. L’article L. 125 du code des postes et des télécommunications précise que la CSNP a notamment pour mission de contrôler les activités postales et de communications électroniques, en émettant des recommandations et avis sur les projets de réforme en la matière.

Le conseil national du numérique (CNN), créé par le décret n° 2011-476 du 29 avril 2011, exerce des compétences consultatives dans un champ d’intervention proche de celui de la CSNP. Eu égard, d’une part, à la proximité des missions dévolues au CNN et à la CSNP et, d’autre part, à l’activité de contrôle et d’évaluation des commissions parlementaires des affaires économiques, le présent article tend à supprimer la CSNP, conformément à l’objectif annoncé dans le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2020. ([104])

Article 16 quater (nouveau)
(article L. 642-9 du code rural et la pêche maritime)
Modification de la composition des comités nationaux de lInstitut national de lorigine et de la qualité

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 548 de M. Damien Adam (LaREM) qui a reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, le présent article modifie la composition des comités nationaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) en intégrant en leur sein des représentants d’associations de protection de l’environnement. L’amendement n° 548 a été sous-amendé par le Gouvernement (n° 701) avec l’avis favorable du rapporteur, afin, d’une part, de prévoir la représentation des associations environnementales au même niveau que celle des consommateurs, et, d’autre part, prévoir que la disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2022, afin que cette entrée en vigueur coïncide avec le renouvellement prévu des instances de l’INAO début 2022.

Régi par les articles L. 642-5 et suivants du code rural et de la pêche maritime, l’INAO est l’organisme qui propose la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier de signes d’identification. Il est chargé de la reconnaissance des organismes de défense et de gestion des produits et s’assure du contrôle du respect des cahiers des charges.

Il se structure autour d’un conseil permanent, de cinq comités nationaux et d’un conseil compétent en matière d’agréments et de contrôles. Les comités nationaux ont pour mission de proposer la reconnaissance d’un produit sous signe de qualité et d’origine, d’examiner le contenu des cahiers des charges, la définition des points à contrôler et leurs méthodes d’évaluation. L’article L. 642-9 du code précité dispose que les comités nationaux sont composés de représentants des professionnels, de représentants des administrations et de personnalités qualifiées assurant notamment la représentation des consommateurs. Ils comprennent également au moins un membre de chacun des autres comités nationaux et du conseil compétent en matière d’agréments et de contrôles.

Cet article reprend les dispositions de l’article 56 du projet de loi dit « EGALIM » censuré par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec le texte initial ([105]). Dans un objectif de transparence et de pluralisme, le présent article a donc pour but d’ouvrir la composition des comités nationaux de l’INAO aux représentants des associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141‑1 du code de l’environnement. Cette évolution entrera en vigueur le 1er janvier 2022 lors du prochain renouvellement des instances de l’INAO.

Article 16 quinquies (nouveau)
(articles 4, 5, 6 et 17 de la loi n° 2014856 du 31 juillet 2014 relative à léconomie sociale et solidaire)
Suppression du conseil national des chambres régionales de léconomie sociale et solidaire

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 617 du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article a pour objet de modifier la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire afin d’acter la suppression du conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CNCRESS), dont les missions sont reprises par ESS France. Il précise également que les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire sont membres de droit d’ESS France.

Enfin, l’article vise à tenir compte du changement de dénomination de la chambre française de l’ESS en ESS France, dans un objectif de lisibilité.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA DÉCONCENTRATION DE DÉCISIONS ADMINISTRATIVES INDIVIDUELLES

Article 17
(article L. 361-2 du code de léducation, articles L. 212-10, L. 212-10-1 [nouveau], L. 641-1 et L. 641-3 du code du patrimoine, article L. 480-1 du code de lurbanisme et articles 2 et 3 de lordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles)
Déconcentration de diverses décisions individuelles dans le domaine de la culture

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise à transférer aux autorités déconcentrées régionales ou départementales les décisions relatives à la reconnaissance des établissements privés dispensant des enseignements artistiques, à l’autorisation de consultation et de destruction de certaines archives, au commissionnement des agents publics dans le cadre de la constatation de certaines infractions aux règles du droit des monuments historiques et des sites patrimoniaux remarquables et du droit de l’urbanisme, au changement d’affectation de salles de spectacles et à l’autorisation des baux d’immeubles à usage de spectacles. La commission spéciale du Sénat a supprimé la déconcentration de l’attribution des labels de création artistique prévue par cet article dans sa rédaction initiale. Votre commission a confirmé la position du Sénat et adopté cet article sans modification.

I.   le droit en vigueur

A.   La reconnaissance des établissements privés d’enseignement artistique

L’article L. 361-2 du code de l’éducation prévoit que la reconnaissance des établissements privés d’enseignement supérieur en matière artistique relève du ministre de la culture. La reconnaissance de ces établissements vaut agrément pour bénéficier de certaines dispositions fiscales ([106]). Elle permet l’affiliation de plein droit au régime de sécurité sociale des étudiants et l’enregistrement des diplômes délivrés par ces établissements dans le répertoire national des certifications professionnelles. L’instruction des demandes de reconnaissance incombe à la direction générale de la création artistique du ministère de la culture qui examine chaque année entre 5 et 6 dossiers ([107]).

B.   L’autorisation de consultation et de destruction de certaines archives publiques et privées

En application des articles L. 213-3 et R. 212-1 du code du patrimoine, l’autorisation de consulter des archives publiques non librement communicables est délivrée le service interministériel des archives de France de la direction générale des patrimoines du ministère de la culture ([108]). 90 % des autorisations accordées concernent des documents conservés dans les services départementaux d’archives ([109]).

L’article L. 212-2 détermine les conditions dans lesquelles il peut être procédé à l’élimination des archives privées classées comme archives historiques dès lors qu’il apparaît, au cours de la réalisation d’un inventaire, que certaines d’entre elles sont dépourvues d’intérêt historique. Les autorisations de destruction de celles-ci relèvent du délégué interministériel aux archives de France et du service interministériel des Archives de France.

C.   Le commissionnement des agents missionnés par le ministère de la culture

Le commissionnement désigne la procédure d’habilitation des agents publics autorisés à constater les infractions relatives à la dégradation ou à la destruction d’immeubles et objets classés, du patrimoine archéologique, d’un bien culturel appartenant au domaine public et d’un édifice cultuel ([110]). Les articles L. 641-1 et L. 641-3 du code du patrimoine ainsi que l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme attribuent au ministre de la culture la décision de commissionnement des agents habilités à dresser procès-verbal en matière d’infraction au droit des monuments historiques et des sites patrimoniaux remarquables.

D.   Le changement d’affectation des salles de spectacles et l’autorisation des baux d’immeubles à usage de spectacles

L’article 2 de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles attribue au ministre de la culture la décision d’autoriser les changements d’affectation ou démolition des salles de spectacles. Une à deux demandes sont présentées en ce sens tous les deux ans au ministre de la culture.

L’article 3 de l’ordonnance précitée prévoit que l’autorisation des baux d’immeubles à usage de spectacles, les locations, sous-locations et cessions de fonds de commerce d’entreprises de spectacle relève également du ministre de la culture, lequel a examiné moins de 10 demandes au cours de la dernière décennie ([111]) .

E.   L’attribution des labels de la création artistique

Les articles 5 et 57 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création artistique, à l’architecture et au patrimoine établissent le cadre juridique de la politique de la labellisation des établissements et structures artistiques. La délivrance des labels de création artistique, dont la liste est fixée par le décret n° 2017-432 du 28 mars 2017, relève du ministre de la culture. Celui‑ci a ainsi procédé à la labellisation de 49 structures depuis le 1er juillet 2017 ([112]).

II.   LE dispositif du projet de loi

Dans un souci de renforcer la proximité des décisions administratives prises en matière culturelle, le présent article procède à la déconcentration à l’échelon régional de l’ensemble des procédures susmentionnées, à l’exception des décisions relatives à l’autorisation de consulter ou de détruire certaines archives dont il est proposé de confier la compétence aux services départementaux ([113]).

L’objectif de ces transferts d’attributions, aujourd’hui exercées par l’administration centrale aux services régionaux et départementaux de l’État, vise à améliorer l’efficacité de l’instruction des dossiers et de la prise de décision, au plus près des réalités locales.

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a approuvé les déconcentrations de décisions proposées par cet article. Par un amendement de la rapporteure, la commission spéciale a cependant supprimé la déconcentration des décisions d’attribution des labels de la création artistique. Outre la nécessité alléguée de maintenir un contrôle national afin d’assurer la cohérence territoriale de cette politique, l’amendement adopté par la commission spéciale estime préférable de renvoyer au futur projet de loi dit « 3D » ([114]) la détermination de la répartition des compétences en matière culturelle entre l’État et les collectivités territoriales.

Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement tendant à rétablir la déconcentration des décisions d’attribution des labels de création artistique, que le Sénat a rejeté.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

Confirmant la position du Sénat, la commission a adopté cet article sans modification.

Article 17 bis (nouveau)
(article 795 A du code général des impôts)
Déconcentration des décisions dexonération des droits de mutation à titre gratuit applicables aux monuments historiques

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 694 du rapporteur qui a recueilli l’avis favorable du Gouvernement, le présent article vise à déconcentrer les décisions d’exonération des droits de mutation à titre gratuit applicables aux propriétaires de monuments historiques.

L’article 795 A du code général des impôts accorde aux propriétaires de monuments historiques une exonération des droits de mutation à titre gratuit dès lors qu’ils souscrivent une convention à durée indéterminée dans laquelle ils s’engagent notamment à ouvrir le monument au public et à ne pas le vendre.

Cette convention, qui est conclue avec le ministre chargé de la culture après avis conforme du ministre chargé du budget, sera désormais souscrite avec les responsables des services déconcentrés du ministère de la culture, dans un objectif de proximité et de réactivité.

Article 17 ter (nouveau)
(article L. 523-10 du code du patrimoine)
Déconcentration des décisions de règlement des différends en matière darchéologie préventive

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 618 du Gouvernement qui a recueilli l’avis favorable du rapporteur, le présent article vise à simplifier la procédure de règlement des différends en matière de fouilles archéologiques entre l’aménageur et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), celui-ci étant le principal opérateur de fouilles archéologiques.

Dans l’hypothèse où aucun opérateur autre que l’INRAP ne s’est porté candidat ou ne remplit les conditions pour réaliser des fouilles archéologiques, l’INRAP est tenu d’y procéder à la demande de l’aménageur, sur le fondement de l’article L. 523-10 du code du patrimoine. En cas de désaccord sur les conditions de réalisation ou sur le financement des fouilles, l’INRAP et l’aménageur désignent d’un commun accord un arbitre parmi ceux figurant sur la liste dressée en application de l’article R. 523‑53 du code précité, qui précise que les arbitres sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable par arrêté du ministre chargé de la culture.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le Gouvernement, la liste des arbitres mentionnés aux articles R. 523-52 à R. 523-58 n’a jamais été dressée. Aucune demande de mise en œuvre de cette procédure d’arbitrage n’a jamais été formulée par un aménageur depuis son édiction par la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 et le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004.

L’ouverture en 2003 du marché des fouilles préventives à une concurrence élargie conjuguée au développement du nombre des opérateurs agréés et habilités pour la réalisation des fouilles préventives garantissent aux aménageurs privés la possibilité de trouver un opérateur susceptible d’effectuer ces opérations. Dans ce contexte, le recours systématique à l’INRAP n’est plus nécessaire, rendant inutile la procédure d’arbitrage afférente en cas de différends.

Sur le modèle de l’arbitrage décidé par le préfet en cas de désaccord sur les conditions de réalisation des diagnostics archéologiques ([115]), le présent article supprime cette procédure d’arbitrage externe au profit d’un règlement du différends tranché directement par l’autorité administrative compétente, c’est-à-dire le préfet de région.

Article 18
(article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle)
Transfert au directeur général de lInstitut national de la propriété industrielle (INPI) des décisions relatives à linterdiction de la divulgation et de la libre exploitation des brevets ainsi quà leur prorogation et levée

Adopté par la commission avec modifications

Cet article procède au transfert au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) des décisions relatives à l’interdiction de la divulgation et de libre exploitation des brevets ainsi qu’à leur prorogation et levée qui relèvent, selon le droit en vigueur, du ministre chargé de la propriété industrielle.

I.   le droit en vigueur

L’article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit que les inventions faisant l’objet de demandes de brevet ne peuvent être divulguées et exploitées librement sans autorisation ([116]) du ministre chargé de la propriété intellectuelle, après avis du ministre de la défense. Avant l’obtention de l’autorisation précitée, les demandes de brevet ne peuvent être rendues publiques et aucune copie conforme de la demande de brevet ne peut être délivrée sauf autorisation du ministre chargé de la propriété intellectuelle, après avis du ministre de la défense. L’article L. 612-10 précise que les interdictions prévues par l’article L. 612-9 peuvent être prorogées ([117]) et levées suivant la même procédure décisionnelle.

L’étude d’impact ([118]) précise que la procédure de mise au secret des brevets fait intervenir le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) des ministères économiques et financiers et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Elle souffre d’une certaine complexité en raison de fortes contraintes logistiques et de délais allongés par la multiplicité des acteurs impliqués dans le processus.

En effet, l’INPI est l’organisme récepteur et instructeur de l’ensemble des demandes de brevets d’invention. À cette fin, une équipe du ministère des armées est hébergée par l’INPI afin d’identifier les demandes de brevets pour lesquelles une protection est souhaitable eu égard aux intérêts de la défense nationale. Destinataire de l’étude accomplie par l’équipe précitée, l’INPI adresse ensuite un courrier au demandeur afin de lui signifier la libre exploitation de son invention ou, si l’invention intéresse le ministère des armées, prépare un projet d’arrêté de mise au secret du brevet pour une durée d’un an renouvelable transmis pour signature au HFDS, celui-ci exerçant en pratique les attributions dévolues au ministre chargé de la propriété intellectuelle sur le fondement de l’article L. 612-9.

L’étude d’impact indique que 105 arrêtés d’interdiction de divulgation et de libre exploitation de brevets d’invention, 555 arrêtés de prorogation de ces interdictions et 23 arrêtés de levées de celles-ci ont été signés en 2018.

II.   LE dispositif du projet de loi

Afin de simplifier et de sécuriser la procédure décisionnelle applicable à ces décisions relevant d’un domaine particulièrement sensible, le présent article modifie l’article L. 612-9 afin d’attribuer au directeur général de l’INPI le pouvoir d’autoriser la divulgation et la libre exploitation des brevets ainsi que la prorogation et la levée des interdictions de divulgation et de libre exploitation actuellement dévolu au ministre chargé de la propriété intellectuelle ([119]).

III.   La position du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   Les travaux de LA commission SPÉCIALE

À l’initiative de votre rapporteur et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement de nature rédactionnelle.

Article 19
(articles L. 1313-1, L. 1313-5, L. 1321-5, L. 1322-4, L. 1322-13, L. 1431-3, L. 1432-2, L. 1441-5, L. 5123-2, L. 5126-6, L. 5132-6, L. 5132-7, L. 5311-1 et  L. 5521-7 du code de la santé publique)
Déconcentration et simplification de certaines décisions administratives dans le champ de la santé

Adopté par la commission avec modifications

I.   le dispositif du projet de loi

A.   élargissement des missions de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

L’article L. 1313-1 du code de la santé publique définit les missions de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). L’ANSES contribue à assurer la sécurité sanitaire humaine dans les domaines de l’environnement, du travail et de l’alimentation, la protection de la santé et du bien-être des animaux, la protection de la santé des végétaux, l’évaluation des propriétés nutritionnelles et fonctionnelles des aliments ainsi que la protection de l’environnement (en évaluant l’impact des produits réglementés sur les milieux, la faune et la flore). Elle exerce des missions relatives à la délivrance, à la modification et au retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation de certains produits comme les produits phytopharmaceutiques ou les matières fertilisantes.

Aujourd’hui, les agréments des laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses du contrôle sanitaire des eaux sont délivrés par le ministre chargé de la santé après une expertise technique réalisée par le laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’ANSES. Le ministère chargé de la santé examine la recevabilité du dossier d’agrément et délivre l’agrément au vu de l’avis de l’ANSES. L’expertise de l’agence conditionne largement la décision et il a donc semblé souhaitable de déconcentrer la décision d’agrément à son échelon. Un transfert similaire est aussi souhaitable pour les autorisations préalables à l’utilisation, à des fins de recherche scientifique, en tant qu’additifs pour l’alimentation animale, de substances non autorisées par l’Union européenne autres que les antibiotiques, lorsque les essais sont conduits en condition d’élevage ou lorsque les animaux sur lesquels sont conduits les essais sont destinés à entrer dans la chaîne alimentaire. En effet, ces autorisations sont aujourd’hui accordées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) après évaluation des risques par l’ANSES.

C’est pourquoi le 1° de l’article 19 modifie l’article L. 1313-1 du code de la santé publique en confiant ces nouvelles missions d’agrément à l’ANSES. Le 2° modifie l’article L. 1313-5 du même code. La nouvelle rédaction de cet article prévoit que le ministre chargé de l’environnement ou le ministre chargé du travail peuvent s’opposer aux décisions prises par l’ANSES dans le cadre des nouvelles missions qui lui sont confiées et que le ministre chargé de la santé peut s’opposer aux décisions relatives aux eaux. Le 3° procède à des mesures de coordination.

B.   dÉfinition du périmètre de protection des sources d’eau minérale naturelle par l’autoritÉ prÉfectorale

L’article L. 1322-13 du code de la santé publique prévoit que la déclaration d’intérêt public et le périmètre de protection des sources d’eau minérale naturelle sont déterminés par décret en Conseil d’État. Ces décisions font suite à une instruction locale : intervention d’un hydrogéologue agréé, enquête publique, recueil des avis des collectivités, examen pour avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Compte tenu du faible nombre de dossiers, le Gouvernement a souhaité déconcentrer ces décisions vers le préfet de région.

En conséquence, le 4° et le 5° de l’article 19 modifient les articles L. 1322‑4 et L. 1322-13 du code de la santé publique pour renvoyer l’institution du périmètre de protection à un arrêté préfectoral.

C.   ouverture de la possibilité de transfÉrer une compétence spécifique à une seule agence régionale de santé pour l’ensemble du territoire national

L’article L. 1431-3 du code de la santé publique prévoit qu’un décret peut confier des compétences interrégionales à une ou plusieurs agences régionales de santé. Par contre, il n’est pas possible de leur confier des compétences nationales. C’est pourquoi le 6° de l’article 19 modifie cet article et permet à un décret en Conseil d’État de confier à une seule agence régionale de santé l’exercice, au niveau national, de compétences précédemment détenues par le ministre chargé de la santé ou relevant des missions dont sont chargées les agences régionales de santé. Il précise que les compétences ainsi attribuées concernent la gestion administrative des procédures ou l’adoption des décisions individuelles en application d’une législation spécifique dans le domaine sanitaire.

Cela permettra notamment de confier à une seule agence régionale de santé l’autorisation, le retrait ou la suspension de l’autorisation de réalisation de la phase analytique d’un examen de biologie médicale commencé en France par des laboratoires établis dans un autre État membre de l’Union européenne. En effet, en pratique, les quelques dossiers reçus chaque année concernent généralement des laboratoires établis dans des pays frontaliers de l’Est de la France([120]). Le de l’article 19 procède à une modification de coordination.

D.   obligation pour les médicaments de la liste de rétrocession d’être préalablement inscrits sur la liste des produits remboursables

En application de l’article L. 5126-6 du code de la santé publique, le ministre chargé de la santé fixe dans l’intérêt de la santé publique, la liste des médicaments que les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé peuvent vendre au public et au détail (ou « liste de rétrocession »). L’article R. 5126-61 du même code prévoit que cette liste est arrêtée par le ministre chargé de la santé après avoir recueilli l’avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Si un laboratoire n’a pas déposé de demande d’inscription d’un médicament sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, le ministre de la santé est contraint d’inscrire le médicament sur la liste de rétrocession pour garantir son accès aux patients ambulatoires alors qu’il n’y a aucun enjeu de santé publique le justifiant et que cette inscription oblige le patient à se rendre dans une pharmacie à usage intérieur.

C’est pourquoi le 8° de l’article 19 modifie l’article L. 5123-2 du code de la santé publique pour prévoir que la demande d’inscription sur la liste de rétrocession, formulée par l’exploitant du médicament, doit être obligatoirement précédée d’une demande d’inscription sur la liste des médicaments remboursables par les caisses d’assurance maladie. De plus, le 9° modifie l’article L. 5126-6 du même code pour permettre de conserver la possibilité d’autoriser, dans certains cas, les pharmacies à usage intérieur à vendre des médicaments à des patients non hospitalisés. Cette décision est transférée du ministre de la santé au directeur général de l’ANSM.

E.   recentrage de la compétence de l’ANSM sur les substances vénéneuses

L’article L. 5132-7 du code de la santé publique prévoit que, par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l’ANSM, les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II.  Celles-ci comprennent, aux termes de l’article L. 5132-6 du même code, certaines substances classées dangereuses pour la santé, les médicaments susceptibles de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé, les médicaments à usage humain contenant des substances dont l’activité ou les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale et tout autre produit ou substance présentant pour la santé des risques directs ou indirects. La liste I comprend plus particulièrement ceux qui présentent les risques les plus élevés pour la santé.

Les 10°, 11° et 12° de l’article 19 modifient les articles L. 5132-6, L. 5132‑7 et L. 5311-1 du code de la santé publique. Ces modifications permettent notamment d’attribuer la classification des plantes, substances ou préparations vénéneuses comme stupéfiants ou psychotropes au directeur général de l’ANSM et d’étendre la compétence réglementaire de l’ANSM à toutes les substances vénéneuses, y compris celles qui ne sont pas utilisées en médecine. Le 13° modifie l’article L. 5521-7 du code de la santé publique pour assurer l’application de ces nouvelles dispositions à Wallis-et-Futuna.

II.   La position du Sénat

Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel et de coordination de sa rapporteure en commission.

III.   les travaux de la commission spÉciale

Outre une série d’amendements rédactionnels, la commission spéciale a adopté un amendement n° 666 de son rapporteur qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement. Cet amendement améliore la rédaction de l’alinéa 24 de l’article pour permettre que les vaccins à usage réservé, imposés ou conseillés pour certains voyages, qui n’ont pas vocation à être inscrits sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, figurent néanmoins sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités publiques mentionnée à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique, afin que les centres de vaccination (qui sont des collectivités publiques) soient autorisés à les acheter et à les utiliser.

Article 19 bis A (nouveau)
Mutualisation de fonctions support entre établissements publics exerçant des missions similaires

Introduit par la commission

L’article 19 bis A a été créé par l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 619 du Gouvernement qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Cet article permet aux établissements publics qui exercent des missions similaires sur des périmètres géographiques différents de mutualiser les fonctions support dont la liste est fixée par un décret en Conseil d’État. Cet article permet de déroger au principe de spécialité des établissements publics, qui est de niveau législatif. Il permettra de réaliser des économies et favorisera une meilleure coordination des activités entre les établissements publics concernés. Ces dispositions pourront par exemple être utilisées par les agences de l’eau, les parcs nationaux, les établissements publics fonciers, les établissements publics d’aménagement ou encore les ports maritimes.

Article 19 bis
(articles L. 1123-7 et L. 112371 du code de la santé publique)
Simplification des procédures applicables aux recherches non interventionnelles ne portant pas sur un produit de santé

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 1121-1 du code de la santé publique distingue trois catégories de recherches impliquant la personne humaine :

– les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle ;

– les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes (dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé) ;

– les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle.

Le titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique fixe les règles encadrant ces recherches. Parmi celles-ci figure l’intervention d’un comité de protection des personnes qui, en application de l’article L. 1123‑7 du code de la santé publique, doit rendre son avis sur les conditions de validité des recherches au regard d’une série de critères parmi lesquels figurent la protection des participants, la qualité des informations écrites à fournir ainsi que la procédure à suivre pour obtenir le consentement éclairé des participants, l’indemnisation et les modalités de recrutement des participants, la qualification des investigateurs, la pertinence de la recherche, le caractère satisfaisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus ou encore l’adéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre. Ce comité se prononce par avis motivé dans un délai fixé par voie réglementaire et, en cas de faute dans l’exercice de sa mission, la responsabilité de l’État est engagée.

L’article L. 1123-1 du code de la santé publique prévoit que les comités de protection des personnes sont agréés par le ministre chargé de la santé et que leurs membres sont nommés par le directeur général de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle le comité a son siège.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 19 bis a été introduit par l’adoption, en séance publique au Sénat, d’un amendement de Mme Catherine Deroche, du groupe Les Républicains, qui a fait l’objet d’un sous‑amendement rédactionnel de la rapporteure. L’amendement et le sous-amendement ont recueilli un avis favorable du Gouvernement. L’article 19 bis vise à alléger la procédure applicable aux recherches non interventionnelles qui ne portent pas sur des produits de santé. Son objectif est que le comité de protection des personnes puisse délivrer un avis favorable sur l’engagement du promoteur de la recherche à respecter la réglementation applicable, ce qui doit réduire des délais de traitement des dossiers et alléger la charge des comités de protection des personnes.

Pour ce faire, l’article 19 bis insère un II dans l’article L. 1123-7 du code de la santé publique qui prévoit que, pour les recherches non interventionnelles ne portant pas sur un produit de santé, le comité rend son avis au regard des éléments d’un dossier qui comprend :

 – un document attestant que la recherche est conçue et réalisée conformément aux dispositions législatives et réglementaires du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, selon un modèle type fixé par arrêté du ministre chargé de la santé ;

 – une déclaration attestant la conformité des traitements de données ayant pour finalité la réalisation de la recherche à une méthodologie de référence homologuée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

 – un questionnaire d’auto-évaluation défini par arrêté du ministre chargé de la santé.

III.   les travaux de la commission spÉciale

Outre un amendement rédactionnel de son rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement n° 542 de Mme Sereine Mauborgne et des membres du groupe La République en Marche qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Dans le but de fluidifier les procédures, cet amendement supprime l’alinéa 9 de l’article 19 bis qui prévoyait un contrôle a posteriori des dossiers de recherches non interventionnelles (qui sont déjà examinés par le comité de protection des personnes)

Article 19 ter
(article L. 521-2 du code de lenvironnement)
Simplification de la délivrance des certificats de conformité aux bonnes pratiques pour les laboratoires dessais dans le champ de la santé et de lenvironnement

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article D. 523-8 du code de l’environnement prévoit que le contrôle des bonnes pratiques de laboratoire pour les produits chimiques autres que les produits mentionnés à l’article L. 5311-1 du code de la santé publique (produits à finalité cosmétique et produits à finalité sanitaire destinés à l’homme tels que les médicaments) et les médicaments vétérinaires mentionnés à l’article L. 5141-1 du code de la santé publique est réalisé par le groupe interministériel des produits chimiques.

L’article D. 523-9 du code de l’environnement prévoit que ce groupe est composé de six membres. Les ministres chargés de la santé, du travail, de l’écologie, de l’agriculture, de l’industrie et de la recherche désignent chacun un membre. Le secrétariat du groupe est assuré par la direction générale des entreprises.

En application de l’article D. 523-11 du même code, le groupe interministériel des produits chimiques prend les décisions relatives à la délivrance des certificats de conformité aux bonnes pratiques de laboratoire au vu des résultats des inspections et des vérifications exécutées par le Comité français d’accréditation.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 19 ter a été introduit par l’adoption, en séance publique, d’un amendement du Gouvernement qui a fait l’objet d’un avis de sagesse de la rapporteure. Cet article vise à rendre plus efficace et plus rapide la procédure de délivrance des certificats de conformité aux bonnes pratiques de laboratoire pour la réalisation d’essais non cliniques portant sur les produits chimiques autres que les produits mentionnés à l’article L. 5311-1 du code de la santé publique et les médicaments vétérinaires mentionnés à l’article L. 5141-1 du même code. Il déconcentre les décisions administratives individuelles relatives aux laboratoires d’essais dans le champ de la santé et de l’environnement.

Pour ce faire, il rétablit dans le code de l’environnement un article L. 521‑2 qui prévoit que c’est directement le Comité français d’accréditation qui prend, au nom de l’État, les décisions relatives à la conformité de ces laboratoires et des essais qu’ils effectuent aux bonnes pratiques de laboratoire. Toutefois, cet article prévoit qu’en cas de risque grave pour la santé publique, l’autorité administrative peut s’opposer par arrêté motivé à une décision du Comité français d’accréditation et lui demander de procéder, dans un délai de trente jours, à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à sa décision. Cette opposition est suspensive de l’application de la décision.

III.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur.

Article 20
(article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales)
Agrément des dispositifs de traitement dans les installations dassainissement non collectif

Adopté par la commission avec modifications

I.   Le droit en vigueur

L’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales confère aux communes la compétence en matière d’assainissement des eaux usées. À ce titre, elles doivent notamment assurer le contrôle, au moins tous les dix ans, des installations d’assainissement non collectif (ANC) pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées.

L’article L. 2224-8 prévoit que certains dispositifs de traitement destinés à être intégrés dans des installations d’ANC font l’objet d’un agrément délivré par les ministres chargés de l’environnement et de la santé. Un arrêté du 7 septembre 2009 ([121]) dispose que cet agrément est délivré par les ministres à l’issue d’une évaluation menée par un organisme notifié par la France à la Commission européenne en application du règlement du 9 mars 2011 relatif aux produits de construction ([122]). Le dispositif du règlement européen vise à assurer la qualité de la certification des produits de construction.

En France, la liste des organismes notifiés à l’Union européenne figure dans un arrêté du 21 juin 2013([123]). Deux organismes sont habilités à mener l’évaluation préalable à la délivrance de l’agrément : le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et le Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (CERIB). L’évaluation porte sur l’efficacité des dispositifs de traitement des eaux usées et sur les risques que ces installations peuvent engendrer pour la santé ou l’environnement. Il convient de remarquer qu’en application de l’arrêté du 7 septembre 2009, c’est déjà à ces organismes, et non pas aux ministères, qu’une entreprise qui souhaite obtenir un agrément adresse sa demande accompagnée des éléments techniques nécessaires. Au niveau des ministères, l’instruction des dossiers est principalement administrative selon l’étude d’impact du projet de loi([124]).

II.   le dispositif du projet de loi

L’article 20 du projet de loi modifie l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales pour charger les organismes notifiés à l’Union européenne (CSTB et CERIB) de délivrer les agréments à la place des ministres chargés de l’environnement et de la santé. La seule prérogative que conservent les ministres est la possibilité de demander à l’un de ces organismes de procéder au réexamen d’un agrément qu’il a délivré. Les modalités de cette saisine pour réexamen seront fixées par décret.

III.   La position du Sénat

Le Sénat a adopté l’article 20 sans modification.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté des amendements rédactionnels de son rapporteur.

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES APPLICABLES AUX ENTREPRISES

Chapitre Ier
Dispositions relatives aux procédures environnementales et à la participation du public

Article 21
(articles L. 512‑5, L. 512‑7 et L. 512‑10 du code de lenvironnement)
Modalités dapplication des nouvelles prescriptions en matière dinstallations classées pour la protection de lenvironnement aux projets en cours

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 512-5 du code de l’environnement prévoit que, pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation, un arrêté ministériel peut fixer des règles générales et des prescriptions techniques qui déterminent les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d’accident ou de pollution de toute nature susceptibles d’intervenir ainsi que les conditions d’insertion dans l’environnement de ces installations et de remise en état de leur site après arrêt de l’exploitation.

L’article L. 512-7 du même code prévoit que, pour les ICPE soumises à enregistrement, un arrêté ministériel peut définir des prescriptions générales qui peuvent notamment prévoir des conditions d’intégration du projet dans son environnement local ou encore l’éloignement des installations des habitations, des immeubles habituellement occupés par des tiers, des établissements recevant du public, des cours d’eau, des voies de communication, des captages d’eau ou des zones destinées à l’habitation par des documents d’urbanisme opposables aux tiers.

L’article L. 512-10 dudit code prévoit en outre que des prescriptions générales applicables à certaines catégories d’installations soumises à déclaration pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code peuvent être fixées par des arrêtés ministériels qui précisent également les conditions dans lesquelles ces prescriptions peuvent être adaptées par arrêté préfectoral aux circonstances locales.

Les articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 du code de l’environnement prévoient que les arrêtés précisent les délais et les conditions dans lesquels ils s’appliquent aux installations existantes. Par ailleurs, les modifications importantes affectant le gros œuvre ou entraînant un changement considérable dans le mode d’exploitation ne s’appliquent pas aux installations existantes. Cette exception, créée par voie jurisprudentielle ([125]), est reprise à l’art. R. 513-2 du code de l’environnement.

Par contre, aucun délai ni aucune exception n’existe pour les installations nouvelles. Ainsi, les articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 précités prévoient que les arrêtés s’imposent de plein droit aux installations nouvelles. Une installation dont la demande est en cours d’instruction peut donc se voir appliquer sans délai tout changement de prescriptions.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

L’application automatique de nouvelles règles du code de l’environnement à des projets d’ICPE dont le dossier est déjà déposé est génératrice d’insécurité juridique, d’allongement des délais et de complexité des procédures, autant de points qui font partie des principales sources de complexité pour les industriels mises au jour lors de la préparation du rapport sur le sujet remis au Premier ministre le 23 septembre 2019 par votre rapporteur ([126]).

C’est pourquoi le 1° et le 2° de l’article 21 modifient les articles L. 512‑5 et L. 512-7 du code de l’environnement relatifs aux ICPE soumis à autorisation et à enregistrement pour prévoir que, sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France (notamment du droit de l’Union européenne) :

– les délais et conditions d’application aux installations existantes des évolutions des prescriptions fixées par arrêté s’appliquent aussi aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète à la date de publication de l’arrêté ;

– les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes ou aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète à la date de publication de l’arrêté.

Enfin, le 3° modifie l’article L. 512-10 du code de l’environnement relatif aux ICPE soumises à déclaration pour prévoir que, sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France (notamment du droit de l’Union européenne), les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes.

III.   la position du Sénat

En commission spéciale, les sénateurs ont adopté une série d’amendements rédactionnels et de précision de la rapporteure.

En séance publique, un amendement de Mmes Catherine Fourier et Jocelyne Guidez, du groupe de l’Union centriste, a été adopté pour préciser que les demandes sont présumées complètes lorsqu’elles répondent aux conditions de forme prévues par le code de l’environnement. Cet amendement a recueilli un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Les sénateurs ont aussi adopté un amendement de M. Ronan Dantec, du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, qui intègre la protection de l’environnement parmi les motifs qui écartent l’application des mesures proposées par l’article 21 (délais supplémentaires de mise en conformité pour les installations en cours d’instruction et dispense d’application de nouvelles prescriptions affectant le gros œuvre). Cet amendement a fait l’objet d’un avis de sagesse de la part de la rapporteure et d’un avis défavorable de la part du Gouvernement qui a jugé que les termes de « protection de l’environnement » étaient source de fragilité juridique, contrairement aux termes de sécurité, de santé et de salubrité publiques choisis pour définir les exceptions dans le projet de loi.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté des amendements identiques n° 554 de Mme Monica Michel, du groupe La République en marche, et n° 668 du rapporteur, qui ont recueilli un avis favorable du Gouvernement. Ces amendements suppriment les dispositions adoptées par le Sénat pour intégrer la protection de l’environnement parmi les motifs permettant d’écarter l’application de l’article 21. Cette disposition, qui recouvrait un champ très large, conduisait en effet à vider l’article de sa substance.

Article 21 bis (nouveau)
(article L. 515-1 du code de lenvironnement)
Précision des limites de durée pour le renouvellement des autorisations et des enregistrements pour les exploitations de carrières

Introduit par la commission

L’article L. 515-1 du code de l’environnement dispose qu’en ce qui concerne les exploitations de carrières, la durée de validité de l’autorisation administrative ou de l’enregistrement ne peut excéder trente ans. Il prévoit que l’autorisation administrative ou l’enregistrement initial est renouvelable dans les mêmes formes.

La commission spéciale a adopté des amendements identiques n° 115 de M. Thibault Bazin, du groupe Les Républicains, et n° 408 de Danielle Brulebois, du groupe La République en marche, qui ont recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Ces amendements font évoluer la rédaction de l’article L. 515‑1 du code de l’environnement pour prévoir que l’autorisation administrative ou l’enregistrement, est renouvelable dans les mêmes limites de durée de trente ans que celle prévue pour l’autorisation ou l’enregistrement initial.

Article 22
(article L. 522-2 du code du patrimoine)
Garanties concernant la réglementation applicable en matière de prescriptions darchéologie préventive

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

Les règles relatives à l’archéologie préventive sont fixées par le titre II du livre V du code du patrimoine.

L’archéologie préventive a pour objet d’assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l’étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d’être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l’aménagement. Elle a également pour objet l’interprétation et la diffusion des résultats obtenus.

Le préfet de région peut prescrire un diagnostic archéologique en amont de grands travaux d’aménagement ou lorsqu’un permis de construire est déposé pour vérifier si le terrain recèle des traces d’occupations humaines. Des sondages sont alors effectués, soit par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), soit par le service d’archéologie de la collectivité territoriale, sur une part de la surface de terrain concernée par le projet d’aménagement. En fonction des résultats, l’État autorise l’aménageur à entreprendre ses travaux ou émet de nouvelles prescriptions visant la réalisation d’une fouille archéologique par un opérateur public ou privé agréé ou la modification du projet d’aménagement dans le but de réduire l’impact des travaux sur le patrimoine archéologique et d’éviter en tout ou partie la réalisation de la fouille. À l’issue des éventuelles fouilles, sauf classement des vestiges au titre des monuments historiques, la contrainte archéologique est levée et les travaux d’aménagement peuvent être réalisés.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

La procédure d’archéologie préventive ne concerne que peu de dossiers d’implantations industrielles. En effet, comme votre rapporteur l’a indiqué dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre, seuls 8 à 10 % des dossiers instruits font l’objet de prescription de diagnostics et, sur ces diagnostics, seuls 20 % donnent lieu à des prescriptions de fouilles. En pratique, 1,5 à 2 % des dossiers instruits font l’objet de fouilles ([127]). Or, comme l’a montré ce rapport, l’insécurité juridique, la complexité des procédures et l’incertitude sur les délais administratifs peuvent conduire les aménageurs à renoncer à des projets. C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir que les mesures réglementaires du code du patrimoine en vigueur lors de la date de réception du dossier du projet d’implantation industrielle par l’autorité administrative compétente s’appliqueront pour la suite des démarches relatives à l’archéologie préventive. Ainsi, lorsqu’un dossier aura été reçu par le service en charge de l’archéologie, il sera traité selon les règles applicables au moment de sa réception.

C’est pourquoi l’article 22 complète l’article L. 522-2 du code du patrimoine pour prévoir que les prescriptions de l’État concernant les diagnostics et les opérations de fouilles d’archéologie préventive sont mises en œuvre dans les conditions définies par les dispositions réglementaires en vigueur à la date de réception du dossier par l’autorité administrative compétente en matière d’archéologie.

III.   la position du Sénat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté l’article sans modification.

Chapitre II
(Division et intitulé supprimés)

Article 23
(articles L. 122-1-1 et L. 181-10 du code de lenvironnement)
Actualisation des études dimpact

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Les règles relatives à l’évaluation environnementale sont fixées par le chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement. Les projets présentant un risque d’incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine doivent faire l’objet d’une procédure d’évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d’entre eux, après un examen au cas par cas. Le processus se déroule en plusieurs phases :

– élaboration, par le maître d’ouvrage, d’une étude d’impact qui évalue les incidences de son projet sur l’environnement ;

– transmission de l’étude d’impact et de la demande d’autorisation à l’autorité environnementale et aux collectivités territoriales concernées par le projet, qui rendent un avis ;

– examen par l’autorité compétente de l’ensemble des informations contenues dans l’étude d’impact et des avis issus des différentes consultations ;

– lancement d’une procédure de participation du public (enquête publique ou procédure de participation du public par voie électronique) ;

– décision par l’autorité compétente d’autoriser ou de refuser le projet et, en cas d’autorisation, définition des prescriptions que devra respecter le maître d’ouvrage et des mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, à réduire celles qui ne peuvent être évitées et à compenser celles qui ne peuvent être ni évitées, ni réduites.

Le III de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement prévoit que les incidences sur l’environnement d’un projet dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation mais que, lorsque les incidences du projet n’ont pu être complètement identifiées ni appréciées avant l’octroi de cette autorisation, le maître d’ouvrage doit actualiser l’étude d’impact en procédant à une évaluation de ces incidences, dans le périmètre de l’opération pour laquelle l’autorisation a été sollicitée et en appréciant leurs conséquences à l’échelle globale du projet. En cas de doute quant à l’appréciation du caractère notable de celles-ci et à la nécessité d’actualiser l’étude d’impact, il peut consulter pour avis l’autorité environnementale. L’autorité environnementale, les collectivités territoriales et leurs groupements intéressés par le projet donnent un nouvel avis sur l’étude d’impact actualisée.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Les dispositions du III de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement constituent une source d’insécurité pour le porteur de projet et donc un frein à l’investissement. C’est pourquoi le rapport remis par votre rapporteur au Premier ministre a préconisé de faire évoluer la législation pour remédier à cette difficulté ([128]). L’article 23 du projet de loi reprend cette préconisation.

Le 1° et le 2° modifient l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement pour préciser que l’avis de l’autorité environnementale qui est à nouveau sollicité ne revient pas sur les éléments déjà autorisés et que les prescriptions nouvelles qui peuvent être formulées ne portent que sur ce qui fait l’objet de la demande concernée.

Par ailleurs, le 3° modifie l’article L. 181-10 du même code pour prévoir que la consultation de l’autorité environnementale vaut à la fois pour la procédure d’autorisation et pour le mécanisme d’actualisation de l’étude d’impact.

III.   la position du Sénat

En séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement de Mmes Catherine Fournier et Jocelyne Guidez, du groupe de l’Union centriste, qui a recueilli un avis favorable de la rapporteure. Il complète le IV de l’article L. 122‑1 du code de l’environnement pour prévoir que lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale, en l’absence de réponse de l’autorité en charge de l’examen au cas par cas, cette autorité communique au maître d’ouvrage, à sa demande, les motifs qui ont fondé sa décision dans un délai de quinze jours.

Les sénateurs considèrent que la décision implicite ne permet pas au maître d’ouvrage de connaître les enjeux environnementaux identifiés par l’autorité pour émettre sa décision et rend très difficile sa capacité à en contester le bien-fondé devant la juridiction administrative. Cet amendement a recueilli un avis défavorable du Gouvernement qui a jugé que le délai de quinze jours était trop court et que la possibilité d’intenter un recours administratif préalable contre la décision de soumission à évaluation environnementale permettait l’instauration d’un dialogue entre le porteur de projet et l’autorité ayant pris la décision. En effet, à cette occasion, l’administration doit expliciter les motifs qui ont conduit à soumettre le projet à une évaluation environnementale.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté des amendements identiques n° 669 de son rapporteur et n° 232 de Mme Frédérique Tuffnell, du groupe Écologie, Démocratie, Solidarité, qui ont recueilli un avis favorable du Gouvernement. Ces amendements suppriment le dispositif adopté au Sénat qui prévoyait que, lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale, en l’absence de réponse de l’autorité en charge de l’examen au cas par cas, cette autorité communique au maître d’ouvrage qui le demande, les motifs qui ont fondé sa décision et ce, dans un délai de quinze jours. Ce dispositif venait s’ajouter à un dispositif de droit commun déjà satisfaisant. L’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration prévoit qu’à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet doivent lui être communiqués dans le mois suivant cette demande.

Article 23 bis (nouveau)
(article L. 121-15-1 du code de lenvironnement)
Droit doption entre la concertation prévue par le code de lurbanisme et celle prévue par le code de lenvironnement

Introduit par la commission

En application de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme, font l’objet d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées :

– l’élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d’urbanisme ;

– la création d’une zone d’aménagement concerté ;

– les projets et opérations d’aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique, dont la liste est arrêtée par décret en Conseil d’État ;

– les projets de renouvellement urbain.

Ces projets peuvent aussi devoir faire l’objet d’une autre concertation en application de l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement, lorsqu’ils nécessitent une évaluation environnementale. Par exemple, un investissement routier dans la partie urbanisée d’une commune peut être soumis à concertation obligatoire au titre de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme et constituer une composante d’un projet routier qui entre dans le champ de la concertation prévue par l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement. Le porteur de projet doit alors réaliser deux concertations.

Dans un but de simplification des procédures pour les porteurs de projets, la commission spéciale a adopté un amendement n° 623 du Gouvernement qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Cet amendement insère dans le texte un article 23 bis qui modifie l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement pour prévoir que lorsque la création d’une zone d’aménagement concerté, un projet de renouvellement urbain, un projet ou une opération d’aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique entre à la fois dans le champ d’application de l’article L. 103‑2 du code de l’urbanisme et dans celui de l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement, le maître d’ouvrage peut faire le choix de soumettre l’ensemble du projet à la concertation prévue à l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement.

Article 23 ter (nouveau)
(articles L. 103-2, L. 104-1, L. 104-2, L. 104-3 et L. 122-22 du code de lurbanisme et article L. 12117-1 du code de lenvironnement)
Simplification et clarification des règles relatives à la participation du public et à lévaluation environnementale en droit de durbanisme

Introduit par la commission

L’article 23 ter a été créé par l’adoption, par la commission spéciale, d’un amendement n° 620 rectifié du Gouvernement qui recueilli un avis favorable du rapporteur.

Il ajoute les plans locaux d’urbanisme (PLU) dans la liste mentionnée à l’article L. 104‑1 du code de l’urbanisme des plans et programmes faisant l’objet d’une évaluation environnementale systématique et les supprime de la liste des documents qui couvrent de petites zones et ne font pas systématiquement l’objet d’une évaluation environnementale, qui est fixée à l’article L. 104‑2 du même code. En effet, depuis la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, les établissements publics de coopération intercommunale sont compétents pour élaborer les PLU. Ces documents ne peuvent plus être considérés comme couvrant de petites zones et ne peuvent donc figurer à l’article L. 104‑2 dudit code.

De plus, l’article 23 ter fait relever l’évaluation environnementale des autorisations préfectorales de création ou d’extension d’unités touristiques nouvelles des dispositions du code de l’urbanisme : les unités structurantes, qui sont fortement impactantes, sont soumises à l’évaluation environnementale systématique prévue par l’article L. 104‑1 du même code et celles qui le sont moins font l’objet de la procédure au cas par cas prévue par l’article L. 104‑2 dudit code.

Enfin, l’article 23 ter regroupe sous le régime de la concertation obligatoire au titre du code de l’urbanisme, aux modalités souples, les procédures de modification et de mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale et du PLU ainsi que l’élaboration et la révision de la carte communale, en les mentionnant expressément à l’article L. 103‑2 du code de l’urbanisme.

Chapitre III
(Division et intitulé supprimés)

Article 24
(articles L. 512-7-3, L. 512-7-5, L. 512-12, L. 555-1 et L. 555-12 du code de lenvironnement)
Modalités de consultation du conseil départemental de lenvironnement et des risques sanitaires et technologiques

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Les règles relatives aux installations classées pour l’environnement (ICPE) soumises à autorisation, à enregistrement ou à déclaration sont définies par le chapitre II du titre Ier du livre du V du code de l’environnement. Depuis la création de la procédure d’autorisation environnementale par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, la consultation du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) n’est plus obligatoire pour les ICPE soumises à autorisation. L’article R. 181-39 du code de l’environnement définit désormais les cas où le préfet peut solliciter son avis. Par contre, sa consultation est encore obligatoire dans certains cas pour les ICPE soumises à enregistrement ou à déclaration, régimes qui sont pourtant beaucoup moins contraignants que le régime d’autorisation.

L’article L. 512-7-3 du code de l’environnement dispose que pour les ICPE soumises à enregistrement, le préfet doit effectuer la consultation avant la décision d’enregistrement lorsqu’il souhaite définir des prescriptions spéciales pour l’installation ou lorsqu’il projette de définir des aménagements aux prescriptions générales justifiés par les circonstances locales. L’article L. 512-7-5 du même code prévoit qu’après la mise en service d’une ICPE soumise à enregistrement, le préfet doit effectuer la consultation lorsqu’il juge nécessaire de fixer des prescriptions complémentaires pour assurer la protection des intérêts définis par les articles L. 511-1 ou L. 211-1 dudit code. L’article L. 512-12 du même code prévoit la consultation lorsque le préfet souhaite définir des prescriptions complémentaires aux prescriptions générales pour les ICPE soumises à déclaration.

Par ailleurs, en application des articles L. 555-1 et L. 555-12 du code de l’environnement, pour les canalisations de transport de gaz, d’hydrocarbures ou de produits chimiques qui sont soumises à un régime spécifique, la consultation est obligatoire avant autorisation et lorsque le préfet impose des prescriptions spéciales ou demande la réalisation d’analyses, expertises ou contrôles durant les phases de construction, d’exploitation et de cessation d’activité.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Reprenant une préconisation du rapport remis par votre rapporteur au Premier ministre, l’article 34 vise à modifier le code de l’environnement pour aligner la pratique sur ce qui se fait en matière d’autorisation et confier au préfet le soin d’apprécier si la consultation est nécessaire ou non  ([129]).

Le 1° et le 2° de l’article 24 modifient à cet effet les articles L. 512-7-3 et L. 512-7-5 du code de l’environnement pour rendre facultative la consultation du CODERST pour les ICPE soumises à enregistrement dans les deux cas suivants :

– lorsque, au stade de l’autorisation initiale, le préfet définit des prescriptions complétant ou renforçant les prescriptions génériques ;

– lorsque, après la mise en service, le préfet définit des prescriptions complémentaires.

Le 3° modifie l’article L. 512-12 du code de l’environnement pour rendre facultative la consultation lorsque le préfet impose des prescriptions complémentaires pour les ICPE soumises à déclaration.

Le 4° et le 5°, qui concernent les canalisations de transport de gaz, d’hydrocarbures et de produits chimiques, modifient les articles L. 555-1 et L. 555-12 pour rendre facultative la consultation avant l’autorisation et lorsque le préfet impose des prescriptions spéciales.

III.   lA position du SÉnat

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de Mme Catherine Fournier, du groupe de l’Union centriste, qui a recueilli un avis favorable de la rapporteure. Il complète l’article L. 181-11 du code de l’environnement pour prévoir que le porteur de projet peut solliciter de l’autorité administrative compétente qu’elle recueille l’avis, sur sa demande, du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. L’autorité administrative compétente dispose alors d’un délai de trois mois pour recueillir cet avis. Pour son auteur, cet amendement vise à permettre aux porteurs de projet d’instaurer un dialogue bénéfique avec ces instances, favorisant la compréhension par tous des caractéristiques et conditions de réalisation du projet. Mais il a recueilli un avis défavorable du Gouvernement qui a indiqué que le porteur de projet avait déjà la possibilité de solliciter l’administration pour la réalisation d’une telle consultation et qu’il n’y avait aucune raison que le préfet ne donne pas suite à sa demande.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement n° 670 de son rapporteur qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement. Il supprime la disposition introduite au Sénat, qui permet au seul porteur de projet, dans le cadre d’un dossier d’autorisation environnementale, de demander au préfet la consultation du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. En réservant au porteur de projet un droit d’initiative que les parties prenantes représentées à la commission n’ont pas, cette disposition créait une disparité de traitement qui n’apparaissait pas justifiée. Par ailleurs, elle était susceptible d’allonger les délais administratifs, ce qui va à l’encontre de la philosophie du projet de loi.

Article 24 bis (nouveau)
(article L. 121-19 du code de lenvironnement)
Réduction des délais pour demander une concertation préalable

Introduit par la commission

Le III de l’article L. 121-19 du code de l’environnement prévoit que des collectivités territoriales, des associations de protection de l’environnement ou des habitants (dont le nombre minimal est fixé par la loi) qui sont concernés par un projet, un plan ou un programme disposent d’un droit d’initiative leur permettant de demander l’organisation d’une concertation préalable. Ce droit d’initiative doit s’exercer dans le délai de quatre mois suivant la publication de la déclaration d’intention du projet ou de la publication de l’acte prescrivant l’élaboration du plan ou du programme.

Dans le but de réduire les délais administratifs, la commission spéciale a adopté un amendement n° 700 de son rapporteur qui a recueilli un avis de sagesse du Gouvernement. Cet amendement insère dans le texte un article 24 bis qui modifie l’article L. 121-19 du code de l’environnement pour faire passer le délai de quatre à deux mois.

Article 25
(articles L. 181-9, L. 181-10 et L. 181-31 du code de lenvironnement et article L. 2391-3 du code de la défense)
Consultation du public pour les projets soumis à autorisation ne faisant pas lobjet dune évaluation environnementale

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

L’article L. 181-9 du code de l’environnement prévoit que les projets d’ICPE et les projets d’installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à autorisation au titre de la loi sur l’eau qui doivent faire l’objet d’une autorisation environnementale sont soumis à une enquête publique. Les règles relatives à ces enquêtes publiques sont définies à la section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier du même code. L’enquête est conduite par un commissaire-enquêteur désigné par le président du tribunal administratif parmi une liste d’aptitude départementale, et donne lieu à la remise d’un rapport et de conclusions motivées. La durée de cette enquête ne peut être inférieure à trente jours. Le public doit en être informé quinze jours avant son ouverture.

Toutefois, l’article 56 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance dite loi « ESSOC » a mis en place une expérimentation permettant de remplacer l’enquête publique par la procédure de participation du public par voie électronique prévue par l’article L. 123-19 du code de l’environnement. Cette expérimentation est menée dans les régions Bretagne et Hauts-de-France.

II.   LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI

Pour faciliter les projets, le rapport remis au Premier ministre par votre rapporteur préconisait de laisser le préfet choisir entre la consultation électronique du public et l’enquête publique, ce qui ferait gagner environ trois semaines de délais ([130]).

Dans ce but, le I de l’article 25 modifie les articles L. 181-9, L. 181-10 et L. 181-31 du code de l’environnement pour offrir ce choix au préfet, pour les projets soumis à une procédure d’autorisation environnementale, mais non soumis à évaluation environnementale. L’enquête publique reste par contre obligatoire pour tous les projets soumis à évaluation environnementale, qui sont ceux qui sont susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement. Le II de l’article 25 procède à une modification de coordination au sein du code de la défense.

III.   la position du SÉnat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté l’article 25 sans modification.

Article 25 bis A (nouveau)
(articles L. 23911 et L. 23913 du code de la défense, articles L. 1037 [nouveau] et L. 3002 du code de lurbanisme, section 6 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier et articles L. 123198, L. 1252, L. 51271 et L. 51525 du code de lenvironnement et ordonnance n° 20207 du 6 janvier 2020 relative à la prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, daccès à linformation et durbanisme)
Prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, daccès à linformation et durbanisme

Introduit par la commission

L’article 25 bis A est issu de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 627 du Gouvernement qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Cet article ratifie l’ordonnance n° 2020-7 du 6 janvier 2020 relative à la prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, d’accès à l’information et d’urbanisme et complète ses dispositions. En particulier, il instaure des dérogations à l’obligation de concertation prévue par l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme pour les opérations sensibles intéressant la défense nationale. Il insère également une section 6 dans le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’environnement qui fixe les règles relatives à la participation du public à l’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire pour en exclure :

– les opérations ayant reçu la qualification d’opération sensible intéressant la défense nationale ;

– les projets, lorsque tout ou partie des informations qui s’y rapportent sont soumises à des règles de protection du secret de la défense nationale et que ces informations sont essentielles à la compréhension du dossier ;

– l’approbation, la révision, la modification ou la mise en compatibilité d’un document d’urbanisme, lorsque cette approbation, cette révision, cette modification ou cette mise en compatibilité a pour objet exclusif de permettre la réalisation d’une opération ayant reçu la qualification d’opération sensible intéressant la défense nationale.

Par ailleurs, l’article 25 bis A modifie l’article L. 125-2 du code de l’environnement pour prévoir que dans le cadre de l’information de la population sur les risques technologiques majeurs et les risques naturels prévisibles majeurs, ne peuvent être ni communiqués, ni mis à disposition du public des éléments soumis à des règles de protection du secret de la défense nationale. Il en va de même des informations nécessaires à la sauvegarde des intérêts de la défense nationale ou de nature à faciliter des actes susceptibles de porter atteinte à la santé, la sécurité et la salubrité publiques ou encore dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à des secrets de fabrication ou au secret des affaires.

Article 25 bis B (nouveau)
(articles L. 181-23-1 [nouveau], L. 214-3 et L. 215-15 du code de lenvironnement, articles L. 2111-5 et L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques et articles L. 121-32 et L. 12134 du code de lurbanisme)
Simplification des procédures applicables aux ouvrages et aux opérations réalisés dans le cadre de lexercice par les collectivités de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations

Introduit par la commission

L’article 25 bis B est issu de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 535 de M. Rémy Rebeyrotte et des membres du groupe La République en marche, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Cet article vise tout d’abord à simplifier les procédures applicables aux ouvrages et aux opérations réalisés dans le cadre de l’exercice, par les collectivités, de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI).

Le 1° du I insère un article L. 181-23-1 dans le code de l’environnement pour simplifier les règles relatives aux ouvrages de prévention des inondations et permettre, par une procédure allégée couvrant le champ de l’autorisation environnementale, des interventions plus rapides pour garantir la protection des personnes. Cette procédure est circonscrite aux situations d’urgence à caractère civil et doit s’appliquer aux seuls travaux urgents absolument nécessaires pour la sécurité des personnes.

Le 2° du I modifie l’article L. 214‑3 du code de l’environnement pour donner une base légale claire à l’article R. 214-44 du code de l’environnement qui prévoit que « les travaux destinés à prévenir un danger grave et présentant un caractère durgence peuvent être entrepris sans que soient présentées les demandes dautorisation ou les déclarations auxquelles ils sont soumis, à condition que le préfet en soit immédiatement informé ».

Le 3° du I modifie l’article L. 215‑15 du code de l’environnement relatif à l’entretien des cours d’eau pris en charge par un groupement de collectivités. Il supprime la soumission automatique à une autorisation environnementale du plan de gestion pour faciliter les démarches entreprises par les groupements de collectivités ayant la compétence GEMAPI. Il donne une durée de validité pluriannuelle à la déclaration d’intérêt général adaptée à la durée de prise en charge de l’entretien groupé.

Cet article simplifie également certaines procédures concernant le littoral. Ainsi, le II modifie l’article L. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques pour prévoir que l’acte administratif portant constatation du rivage fait l’objet d’une participation du public par voie électronique (et non plus d’une enquête publique). Le III modifie les articles L. 121-32 et L. 121-34 du code de l’urbanisme qui concernent les servitudes de passage des piétons sur le littoral pour mettre en place une procédure d’enquête publique prévue par le code des relations entre le public et l’administration, moins lourde que la procédure relevant du code de l’expropriation actuellement utilisée.

Article 25 bis C (nouveau)
(article L. 334-3-1  [nouveau] du code de lenvironnement)
Procédures de consultation relatives aux parcs naturels marins

Introduit par la commission

Le 3° de l’article L. 123-2 du code de l’environnement prévoit que le projet de création d’un parc naturel marin doit faire l’objet d’une enquête publique. Aucune mesure de niveau législatif ne concerne la révision du périmètre d’un parc ou encore la modification de la composition du conseil de gestion ou des orientations de gestion du parc. Seul l’article R. 334-30 du code de l’environnement prévoit que le projet d’extension d’un parc naturel marin est soumis à enquête publique dans les communes intéressées par l’extension.

Pour combler ces lacunes, la commission spéciale a adopté un amendement n° 537 de M. Didier Le Gac et des membres du groupe La République en Marche, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Cet amendement crée un article 25 bis C qui insère dans le code de l’environnement un article L. 334-3-1 qui fixe les modalités de consultation applicables à la modification du décret de création du parc naturel marin. Il prévoit que lorsque la modification porte sur la délimitation du périmètre du parc ou sur les orientations de gestion du parc naturel marin, le décret de modification est pris après une enquête publique réalisée :

– sur le seul territoire de la ou des communes littorales concernées par la modification ;

– ou, lorsque la modification du périmètre du parc au large ne concerne pas de commune littorale déterminée, dans la commune, lieu du siège du ou des représentants de l’État dans les départements concernés et dans la commune lieu du siège du représentant de l’État en mer.

Cet article prévoit également que lorsque la modification porte sur la composition et les modalités d’organisation du conseil de gestion du parc naturel marin, il est recouru à la procédure de participation du public prévue à l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement (et non à une enquête publique).

Article 25 bis D (nouveau)
(article L. 14161 du code de la santé publique)
Amélioration de la diffusion de linformation transmise au CODERST

Introduit par la commission

L’article 35 bis D est issu de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 538 de M. Damien Adam, du groupe La République en marche, qui a fait l’objet d’un sous-amendement n° 703 du Gouvernement. L’amendement et le sous-amendement ont recueilli un avis favorable du rapporteur. L’article 35 bis D complète l’article L. 1416-1 du code de la santé publique pour prévoir que les documents transmis aux membres du Conseil départemental de l’environnement et risques sanitaires et technologiques (CODERST) sont rendus publics. Toutefois, ne sont pas rendus publics les éléments soumis à des règles de protection du secret de la défense nationale ou nécessaires à la sauvegarde des intérêts de la défense nationale ou de nature à faciliter des actes susceptibles de porter atteinte à la santé, la sécurité et la salubrité publiques ou encore dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à des secrets de fabrication ou au secret des affaires.

L’article 25 bis D tire les conséquences des enseignements de la mission d’information sur l’incendie du site industriel de Lubrizol à Rouen qui avait montré qu’il était nécessaire d’améliorer la transparence sur les travaux du CODERST par une publication en « open data » des documents qui lui étaient transmis ([131]).

Article 25 bis E (nouveau)
(article L. 1224 du code de la voirie routière)
Sécurisation de la participation financière de tiers à la réalisation douvrages liés à des autoroutes

Introduit par la commission

L’article 25 bis E a été introduit par l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n°625 du Gouvernement qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Cet article complète l’article L. 122-4 du code de la voirie routière pour permettre à toute personne publique ou privée intéressée d’apporter à titre exceptionnel des concours au financement d’ouvrages et d’aménagements dans le cadre des contrats de concession autoroutiers. La rédaction actuelle de l’article n’ouvre cette possibilité qu’à l’État et aux collectivités territoriales intéressées, or certains aménagements sont rendus nécessaires pour l’activité de tiers et il est d’usage que ces tiers les financent en totalité ou en partie. Cela permettra notamment de financer des diffuseurs utilisés par des aménageurs, des industriels ou des carriers.

Article 25 bis F (nouveau)
(articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 code général des collectivités territoriales, article L. 21221-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques et article L. 121-39-1 du code de lurbanisme)
Simplification des procédures permettant daccélérer le développement des énergies renouvelables électriques terrestres

Introduit par la commission

Cet article est issu de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 626 du Gouvernement qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Il met en place une série de mesures de simplification qui doivent permettre d’accélérer le développement des énergies renouvelables.

Le I modifie les articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales pour étendre à sept ans la durée des avances en compte courant que les collectivités territoriales et les groupements de communes peuvent consentir aux sociétés de production d’énergie renouvelable dont ils sont actionnaires. Cette dure est renouvelable une fois. Pour que le dispositif puisse être utilisé, il faut que l’énergie produite par les installations bénéficie de l’obligation d’achat à un tarif garanti par l’État ou d’un complément de rémunération.

Le II modifie l’article L. 2122-1-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques pour permettre d’exclure de la procédure de mise en concurrence prévue par cet article les projets de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable qui bénéficient d’un soutien public obtenu au terme de la procédure de mise en concurrence prévue à l’article L. 311‑10 du code de l’énergie. Cette réforme évite de mettre en place deux procédures de mise en concurrence successives, qui sont génératrices de délais.

Le III modifie l’article L. 121-39-1 du code de l’urbanisme pour permettre d’étendre aux installations d’énergie renouvelable les dérogations à la loi « littoral » prévues en Guyane pour les constructions ou installations liées aux activités de stockage, de traitement ou de valorisation des déchets incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Leur construction sera permise avec l’accord de l’autorité administrative, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cette modification est rendue nécessaire par le fait que 15 des 22 communes de la Guyane sont soumises aux dispositions de la loi « littoral », alors que certaines ont des surfaces géographiques très importantes.

Article 25 bis
(sous-section 4 [nouvelle] de la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de lenvironnement)
Information des maires sur les projets dinstallations éoliennes

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Les tableaux annexés aux articles R. 511-9 et R. 122-2 du code de l’environnement prévoient que les installations terrestres de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs (éoliennes) sont soumises au régime de l’autorisation environnementale :

– lorsqu’elles comprennent au moins un aérogénérateur dont la hauteur est supérieure ou égale à 50 mètres ;

–  lorsque les aérogénérateurs ont une hauteur comprise entre 12 et 50 mètres et que la puissance totale installée est supérieure ou égale à 20 mégawattheures.

Dans le cadre de cette procédure, les communes concernées sont informées car le préfet est tenu de recueillir leur avis dès le début de la phase d’enquête publique (article R. 181-38 du cde de l’environnement).

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

Jugeant que les maires étaient informés trop tard des projets éoliens, la commission spéciale a adopté un amendement de M. Jean-Pierre Sueur, du groupe Socialiste et républicain, qui insère une sous-section 4 dans la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement. Cette sous-section comporte un article L. 181‑28‑2 qui prévoit que le porteur d’un projet d’installation de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent doit adresser au maire de la commune concernée, quinze jours au moins avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale, un avant-projet dont les éléments sont fixés par décret. Cet avant-projet doit comprendre l’étude d’impact. Ces dispositions n’ont pas été modifiées en séance publique.

III.   les travaux de la commission spÉciale

Outre un amendement rédactionnel de son rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement n° 394 de Mme Laure de la Raudière, du groupe Agir Ensemble, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement. Cet amendement élargit le dispositif créé par le Sénat et prévoit que l’avant-projet d’implantation d’éoliennes doit être envoyé non seulement au maire de la commune concernée mais aussi aux maires des communes limitrophes. En effet, celles-ci peuvent aussi être impactées par l’implantation des éoliennes.

Article 25 ter (nouveau)
(article L. 121-8-1 du code de lenvironnement et article L. 311-13 [nouveau] du code de justice administrative)
Simplification des procédures relatives à léolien en mer

Introduit par la commission

L’article 25 ter a été créé par l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 628 du Gouvernement, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Il vise à accélérer le développement de l’éolien en mer par des mesures de simplification.

À cet effet, il modifie l’article L. 121‑8‑1 du code de l’environnement pour réduire les délais avant l’attribution des projets. Il ouvre la possibilité, pour le ministre chargé de l’énergie, de consulter le public, par l’entremise de la Commission nationale du débat public, sur l’identification de plusieurs zones potentielles d’implantation de projets de parcs éoliens en mer, afin de pouvoir lancer plusieurs procédures de mise en concurrence sur la base d’une participation du public commune. Il permet aussi au ministre chargé de l’énergie de réaliser les étapes de la procédure de mise en concurrence (notamment la sélection des candidats admis à participer au dialogue concurrentiel) parallèlement au déroulement du processus de participation du public.

Cet article insère aussi un article L. 311-13 dans le code de justice administrative pour réduire les délais dus aux recours exercés à l’encontre des projets en confiant la compétence en premier et dernier ressort pour connaitre des litiges relatifs à l’éolien en mer au Conseil d’État.

Chapitre IV
(Division et intitulé supprimés)

Article 26
(articles L. 181-15-1 [nouveau] et L. 181-30 du code de lenvironnement et articles L. 425-10 et L. 425-14 du code de lurbanisme)
Exécution anticipée de travaux avant la finalisation de linstruction de lautorisation environnementale

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 421-1 du code de l’urbanisme prévoit que les constructions, même si elles ne comportent pas de fondations, nécessitent un permis de construire. Il en va de même pour les travaux exécutés sur des constructions existantes et les changements de destination figurant sur une liste définie par décret en Conseil d’État. L’article L. 421-2 du même code dispose qu’un permis d’aménager est requis pour les travaux, installations et aménagements affectant l’utilisation des sols qui figurent sur une liste définie par décret en Conseil d’État. L’article L. 421-3 dudit code requiert un permis de démolir pour la démolition de constructions existantes qui relèvent d’une protection particulière définie par décret en Conseil d’État ou qui sont situées dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal a décidé d’instaurer le permis de démolir. Enfin, l’article L. 421-4 du même code soumet à un régime de déclaration les constructions, aménagements, installations et travaux qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l’exigence d’un permis et qui figurent sur une liste fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret fixe aussi les cas où les clôtures sont soumises à déclaration préalable.

L’article L. 181-30 du code de l’environnement dispose que les permis et les décisions de non-opposition à déclaration préalable requis en application des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l’urbanisme ne peuvent pas recevoir exécution avant la délivrance de l’autorisation environnementale.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Le fait que les permis et les décisions de non-opposition à déclaration préalable requis en application des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l’urbanisme ne puissent recevoir exécution avant la délivrance de l’autorisation environnementale est générateur de délais ; le rapport remis au Premier ministre par votre rapporteur préconisait de donner la possibilité au préfet d’autoriser, sans attendre l’autorisation environnementale, le démarrage de tout ou partie des travaux lorsqu’ils ne nécessitent pas d’autorisation spécifique (comme les autorisations de défrichement par exemple).

L’article 26 du projet de loi reprend cet objectif. Son I complète l’article L. 181-30 du code de l’environnement pour prévoir que les permis de construire, d’aménager et de démolir et les décisions de non-opposition aux déclarations préalables prévues par l’article L. 421-4 du code de l’urbanisme peuvent, à la demande du pétitionnaire et à ses frais et risques, recevoir exécution avant la délivrance de l’autorisation environnementale lorsque l’autorité administrative compétente pour délivrer cette dernière le permet. Cette décision désigne les travaux dont l’exécution peut être anticipée. Elle doit être motivée. La possibilité de commencer certains travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale doit être préalablement portée à la connaissance du public.

La nouvelle rédaction de l’article L. 181-30 du code de l’environnement prévoit que cette décision ne peut concerner que les travaux dont la réalisation ne nécessite pas l’une des décisions mentionnées au I de l’article L. 181-2 ou au I de l’article L. 214-3 du même code.

Le I de l’article L. 181-2 dudit code fixe la liste des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments dont l’autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l’application des autres législations. Ce champ est très vaste et concerne tant l’autorisation de défrichement prévue par les articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier que l’autorisation pour l’émission de gaz à effet de serre prévue par l’article L. 229-6 du code de l’environnement ou encore la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats prévue par le 4° de l’article L. 411-2 du même code.

Le I de l’article L. 214-3 dudit code concerne l’autorisation des installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation ou de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles.

Le II de l’article 26 procède à des modifications de coordination au sein du code de l’urbanisme.

III.   la position du SÉnat

Le Sénat a modifié cet article lors de l’examen par la commission spéciale en adoptant un amendement rédactionnel et un amendement de coordination de la rapporteure.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement n° 671 de son rapporteur qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement. Cet amendement insère un III dans l’article 26 de manière à traiter une situation qui n’avait pas été prise en compte par l’article, celle où des aménageurs peuvent être bénéficiaires d’autorisations environnementales pour des projets dont ils ne sont pas les seuls acteurs. Une partie des travaux et des mesures prévues peut relever d’un tiers comme l’exploitant d’une ICPE ou un opérateur qui construit sur des lots commercialisés. Cela peut concerner notamment un « site clés en mains », rendu utilisable par un aménageur, dont l’autorisation initiale a permis d’encadrer les dangers et inconvénients, mais qui finalement ne va pas exploiter lui-même une partie de la zone concernée.

Le III de l’article 26 rend possible le transfert partiel d’une autorisation environnementale, tout en garantissant que l’ensemble des obligations assignées au titulaire initial de l’autorisation seront remplies et que le bénéficiaire du transfert partiel remplit bien les conditions lui permettant d’assumer les responsabilités qui seront les siennes.

Article 26 bis
Dispositions transitoires relatives à la nouvelle définition des zones humides introduite par la loi du 24 juillet 2019 portant création de lOffice français de la biodiversité

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

L’article 23 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement a modifié la définition des zones humides prévue par le 1° du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement. Celui-ci disposait qu’on « entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés deau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de lannée ».

La nouvelle rédaction précise que les deux critères retenus pour définir une zone humide (sol hydromorphe et végétation hygrophile) doivent être pris en compte de manière alternative. Les zones humides sont désormais définies comme les « terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés deau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de lannée ».

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

L’article 26 bis a été créé par l’adoption, par la commission spéciale, d’un amendement de la rapporteure. Celui-ci prévoit que la nouvelle définition des zones humides issue de l’article 23 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 précitée n’est pas applicable aux demandes d’autorisations environnementales et aux déclarations préalables déposées avant la publication de ladite loi. Cet article vise ainsi à mettre en place un régime transitoire et à éviter l’insécurité juridique pour les porteurs de projets dont les caractéristiques étaient conformes aux textes en vigueur au moment du dépôt de leur demande.

III.   les travaux de la commission spÉciale

Jugeant que par les dérogations qu’il créait, l’article 26 bis portait atteinte à la protection des zones humides, la commission spéciale a adopté des amendements identiques n° 135 de Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe Socialistes et apparentés, n° 189 de M. Gabriel Serville, du groupe Gauche démocrate et républicaine, n° 237 de Mme Frédérique Tuffnell, du groupe Écologie, Démocratie, Solidarité, n° 551 de M.Vincent Thiébaut et des membres du groupe La République en Marche et n° 672 du rapporteur, qui ont recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Chapitre V
(Division et intitulé supprimés)

Article 27
(articles L. 512‑6‑1, L. 512‑7‑6, L. 512‑12‑1, L. 512-21 et L. 514-8 du code de lenvironnement)
Attestation par une entreprise certifiée de la qualité des mesures de mise en sécurité et de réhabilitation des sites industriels

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Lorsqu’une ICPE est mise à l’arrêt définitif, son exploitant est soumis à une obligation de mise en sécurité du site, afin qu’il ne porte pas atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement : commodité du voisinage, santé, sécurité et salubrité publiques, agriculture, protection de la nature, de l’environnement et des paysages, utilisation rationnelle de l’énergie ou encore conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

Les exploitants des ICPE relevant du régime d’autorisation ou d’enregistrement sont également soumis à une obligation de remise en état du site, en vue de permettre un usage futur. Les articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 du code de l’environnement prévoient qu’après l’arrêt définitif d’une ICPE enregistrée ou d’une ICPE autorisée avant le 1er février 2004, leur site doit être placé dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 dudit code. L’usage futur du site est déterminé conjointement avec le propriétaire du terrain ainsi qu’avec le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme. À défaut d’accord, il faut garantir un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation.

En ce qui concerne les installations soumises à déclaration, l’article L. 512‑12-1 du code de l’environnement prévoit que l’exploitant doit placer le site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 dudit code et qu’il permette un usage futur comparable à la dernière période d’activité de l’installation. Il doit informer le propriétaire du terrain sur lequel est implantée l’installation ainsi que le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme.

Les règles relatives à la mise à l’arrêt définitif et à la remise en état du site sont précisées à la sous-section 5 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre V de la partie réglementaire du code de l’environnement.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Lors de l’arrêt de l’activité d’une ICPE, les industriels ont en général recours aux services de bureaux d’études spécialisés en matière de sites et de sols pollués car ils ne disposent pas en interne de l’expertise nécessaire pour réaliser les analyses et diagnostics nécessaires pour répondre aux obligations prévues par les textes. Toutefois, comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, les analyses réalisées par ces bureaux ne sont pas forcément d’une qualité satisfaisante et il est nécessaire d’inscrire dans la loi le principe d’une certification des entreprises qui réalisent ces analyses, de manière à garantir leur qualité ([132]).

C’est pourquoi le I de l’article 27 modifie les articles L. 512‑6‑1 et L. 512‑7‑6 du code de l’environnement relatifs aux ICPE autorisées avant le 1er février 2004 et aux ICPE soumises à enregistrement pour prévoir que l’exploitant doit faire attester par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine, la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité, ainsi que la pertinence des mesures proposées pour la réhabilitation du site, puis la mise en œuvre de ces dernières.

Le II de l’article 27 complète l’article L. 512‑12‑1 du même code relatif aux installations soumises à déclaration pour prévoir que, selon les modalités et dans les cas définis par décret en Conseil d’État, l’exploitant fait attester la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité du site par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine.

III.   La position du SÉNAT

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

IV.   les travaux de la commission spÉciale

Outre un amendement de précision juridique de votre rapporteur, la commission spéciale a adopté deux amendements de fond.

Le premier est l’amendement n° 467 rectifié de M. Gabriel Serville, du groupe Gauche démocrate et républicaine, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Cet amendement complète l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement pour prévoir que lorsqu’une installation autorisée avant le 1er février 2004 est mise à l’arrêt définitif, son exploitant doit placer son site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211‑1 du même code relatifs à la protection des eaux.

Le second est l’amendement n° 674 du rapporteur, qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement. En premier lieu, il modifie l’article L. 512-21 du code de l’environnement pour compléter le dispositif dit « tiers demandeur » créé par l’article 173 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Ce dispositif, qui vise à faciliter et sécuriser la réhabilitation des friches industrielles, permet au préfet de prescrire à un tiers qui en fait la demande les obligations de réhabilitation d’une ICPE en substitution du dernier exploitant. Il permet qu’un tiers demandeur souhaitant prendre en charge la réhabilitation d’un ancien site industriel, comme un aménageur, puisse, dans un souci d’efficacité et d’encadrement des coûts, diriger l’ensemble des opérations de réhabilitation depuis l’origine.

L’amendement n° 674 permet de transférer l’autorisation de substitution d’un tiers demandeur à un autre tiers demandeur en cours d’opération sans avoir à refaire l’intégralité de la procédure. En second lieu, l’amendement n° 674 modifie l’article L. 514-8 du code de l’environnement pour préciser que les dépenses que l’État engage ou fait engager dans le cadre d’une situation accidentelle (par exemple pour caractériser la pollution induite dans les sols) sont à la charge des industriels à l’origine du risque. Cette mesure permet d’améliorer la mise en œuvre du principe pollueur-payeur.

Article 27 bis (nouveau)
(article L. 512-22 [nouveau] du code de lenvironnement )
Fixation dun délai pour la réhabilitation et la remise en état des sites des ICPE mises à larrêt définitif

Introduit par la commission

L’article 27 bis a été introduit par l’adoption d’un amendement n° 346 de M. Jean-Marc Zulesi, du groupe La République en marche, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et a fait l’objet d’un avis de sagesse de la part du Gouvernement. Cet article introduit un article L. 512-22 dans le code de l’environnement qui autorise le représentant de l’État dans le département à fixer un délai contraignant pour la réhabilitation et la remise en état du site d’une ICPE qui a été mise à l’arrêt de manière définitive. En effet, ces travaux connaissent souvent des retards qui sont fréquemment dus à une mauvaise gestion de la part des exploitants ou des propriétaires des sites, ce qui nuit à l’activité et l’attractivité des territoires où ces sites sont implantés ainsi qu’à la vie quotidienne des riverains.

 

Article 27 ter (nouveau)
(article L. 161-3 [nouveau] du code minier)
Lutte contre les « mines orphelines »

Introduit par la commission

L’article 27 ter a été introduit par l’adoption par la commission spéciale de l’amendement n° 470 rectifié de M. Gabriel Serville du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Cet article introduit un article L. 1‑61‑3 dans le code minier pour prévoir qu’en cas d’inactivité d’une mine, l’exploitant de celle-ci doit prendre toutes les mesures pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du même code (préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, protection des espaces naturels …) et que lorsque la période d’inactivité de la mine est supérieure à trois ans, l’autorité administrative peut mettre en demeure l’exploitant d’engager la procédure d’arrêt des travaux. Ces dispositions doivent permettre de lutter contre le phénomène des « mines orphelines », friches dont l’exploitant n’existe plus et pour lesquelles les obligations de dépollution, de remise en état ou de reconversion reviennent à l’État.

Chapitre VI
Modification du code de lénergie

Article 28
(article L. 351-1 du code de lénergie)
Application du statut dentreprise fortement consommatrice délectricité
à un ensemble de sites de consommation dune même plateforme industrielle

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Depuis 2016 ([133]), l’article L. 351-1 du code de l’énergie permet aux entreprises dont tout ou partie de leurs sites a une consommation élevée d’électricité de bénéficier de conditions particulières d’approvisionnement en électricité quand elles répondent à différents critères définis réglementairement. Ceux-ci portent sur le rapport entre la quantité d’électricité consommée et la valeur ajoutée produite par l’entreprise ou le site ([134]) et sur son degré d’exposition à la concurrence internationale ainsi que, éventuellement, sur le volume annuel de consommation d’électricité et les procédés industriels mis en œuvre.

Les articles D. 351-1 à D. 351-3 du code de l’énergie reconnaissent ainsi comme éligibles au statut de site fortement consommateur d’électricité :

– les sites dits électro-intensifs qui consomment plus de 2,5 KWh par euro de valeur ajoutée et plus de 50 GWh au total par an et qui ont une exposition à la concurrence internationale supérieure à 4 % ;

– et les sites dits hyper électro-intensifs qui consomment plus de 6 KWh par euro de valeur ajoutée et ont une exposition supérieure à 25 %.

Pour bénéficier du régime défini à l’article L. 351-1, ces entreprises et sites doivent mettre en œuvre une politique de performance énergétique, c’est-à-dire – comme le précise le dernier alinéa de cet article – disposer d’un système de management de l’énergie et atteindre en cinq ans des objectifs de performance énergétique définis par voie réglementaire pour chaque catégorie. À défaut, l’autorité administrative peut retirer le bénéfice du statut d’entreprise ou de site fortement consommateur d’électricité et prononcer une sanction pécuniaire.

Le principal avantage découlant de la reconnaissance de ce statut est une réduction sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité, dit « TURPE », lorsque ces sites fortement consommateurs d’électricité « présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique » et qu’ils sont directement raccordés à ces réseaux (article L. 341-4-2 du code de l’énergie). Cette réduction varie de 45 % à 90 % selon les profils et leurs sous-catégories (annexe de l’article D. 341‑9 du code de l’énergie). Un profil est reconnu stable au-delà de 10 GWh d’énergie annuelle soutirée sur le réseau et 7 000 heures d’utilisation du réseau ; le profil anticyclique suppose un niveau d’énergie soutirée supérieur à 20 GWh et au moins 44 % d’utilisation en heures creuses. Enfin, est considéré comme grand consommateur le site qui utilise plus de 500 GWh par an ; il est alors éligible à une réduction du TURPE si son utilisation se situe entre 40 et 44 % en heures creuses.

Toutefois, la reconnaissance du statut d’entreprise ou de site fortement consommateur d’électricité et les taux de réduction de TURPE plus généreux qui peuvent en découler ne s’appliquent qu’au sein d’une même entreprise : un site peut bénéficier du statut parce que son entreprise a fait reconnaître l’éligibilité de tout ou partie de ses sites et justifie chaque année en remplir les critères par une attestation remise au représentant de l’État dans la région. Deux sites appartenant directement ou indirectement à 50 % au moins au même actionnaire ultime, qui sont alimentés par le même poste d’entrée géré par le gestionnaire du réseau public de distribution, peuvent être considérés comme un unique site de consommation et atteindre ainsi les seuils d’éligibilité à la réduction de TURPE.

En revanche, en l’état actuel du droit, des sites appartenant à des exploitants industriels différents, situés au même endroit et utilisant des moyens communs d’alimentation en électricité ne peuvent y prétendre s’ils n’en remplissent pas individuellement les conditions et ce, même si, ensemble, ils dépassent les seuils nécessaires.

II.   le dispositif du projet de loi

Aussi l’article 28 du projet de loi propose-t-il d’étendre le statut de site fortement consommateur d’électricité, mais également le bénéfice de la réduction de TURPE, aux ensembles de sites situés au sein d’une même plateforme industrielle.

Issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi « PACTE ») ([135]), la notion de plateforme industrielle est définie à l’article L. 515-48 du code de l’environnement : elle correspond à un regroupement, sur un territoire délimité et homogène, d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) qui mutualisent certains des biens et services nécessaires à leur fonctionnement, comme leur fourniture d’électricité. L’inscription d’un regroupement de sites comme plateforme industrielle autorise l’adaptation de la règlementation à ses spécificités. Elle est subordonnée à la conclusion, entre les ICPE souhaitant se regrouper, d’un contrat de plateforme qui désigne notamment un gestionnaire de plateforme, responsable des gestions mutualisées.

Le dispositif étant très récent, aucune plateforme n’a encore été inscrite. Mais l’accès de ces regroupements aux avantages prévus aux articles L. 351-1 et L. 341-4-2 du code de l’énergie pourrait accélérer leur constitution en assurant aux ICPE de la plateforme un prix de l’énergie cohérent entre elles mais aussi comparable au prix appliqué à un ensemble similaire de sites relevant d’une même entreprise. Cela représenterait un allègement bienvenu des charges des entreprises concernées, grandes consommatrices d’électricité, tout en encourageant la concentration des sites de production industrielle, limitant ainsi l’artificialisation des sols.

Or, les conditions actuellement définies à l’article L. 351-1 ne permettent pas de bénéficier de ces régimes. L’article 28 propose donc de considérer les ICPE situées dans une même plateforme industrielle comme formant un seul site fortement consommateur d’électricité sous réserve :

– qu’elles soient toutes raccordées au réseau public d’électricité ;

– que, parmi les critères normalement exigés par l’article L. 351-1, l’ensemble des ICPE atteigne le volume annuel de consommation d’électricité éligible et remplisse les contreparties en termes de performance énergétique ;

– qu’elles désignent enfin une ou plusieurs entités responsables vis-à-vis de l’autorité administrative du respect des précédentes conditions.

III.   la position du sÉnat

La commission spéciale du Sénat a approuvé le principe de l’extension du statut d’entreprise fortement consommatrice d’électricité aux sites de consommation situés sur une même plateforme industrielle, tout en appelant à la vigilance sur les coûts induits pour les gestionnaires des réseaux publics de transport d’électricité.

Néanmoins, l’impact en volume resterait limité, avec de moindres recettes d’environ 4 millions d’euros par plateforme et par an selon l’étude d’impact du projet de loi, sur un total de TURPE de 13,5 milliards d’euros en 2017.

Le Sénat a également relevé la question de la compatibilité de ces réductions de TURPE avec le droit européen sur les aides d’État. Le Gouvernement a reconnu que le dispositif fait l’objet de discussions avec la Commission européenne, mais il estime que le nouveau régime des plateformes industrielles est moins susceptible de poser de problème parce qu’il se fonde sur le seul critère du volume annuel de consommation d’électricité – conformément à l’avis du Conseil d’État.

La commission spéciale a cependant complété le dispositif en adoptant trois amendements de sa rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, qui prévoient que :

– la demande de reconnaissance du statut de site fortement consommateur d’électricité découle d’un accord de toutes les entreprises concernées, et non de l’initiative de l’une d’entre elles ;

– font également l’objet d’un accord entre les entreprises de la plateforme la répartition entre les sites du bénéfice de la réduction de TURPE, qui découlera du nouveau statut, ainsi que le partage des responsabilités en cas de non‑respect des contreparties (mise en œuvre d’un management de l’énergie et atteinte des objectifs de performance énergétique), qui peut entraîner le retrait du statut, voire des sanctions financières. Au demeurant, cet accord peut constituer un des chapitres du contrat de plateforme ;

– pour autant, la mise en œuvre des contreparties pourra incomber à chaque entreprise individuellement, sans imposer un seul et même système.

Il s’agit de respecter de potentielles contraintes de confidentialité et plus globalement de conserver la possibilité d’adapter les stratégies de gestion de l’énergie à la diversité des organisations des plateformes ;

– une dernière disposition (le II de l’article 28) interdit l’application du nouveau régime aux demandes de réduction au titre de l’année 2020, les gestionnaires des réseaux ayant déjà calculé les rabais de TURPE à partir des demandes qui devaient leur être adressées avant le 30 novembre 2019 ;

– enfin, le Sénat renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des modalités de mise en œuvre du dispositif concernant les plateformes industrielles.

En séance, les sénateurs n’ont adopté qu’un amendement rédactionnel.

IV.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spéciale

Avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel (n° 304) ainsi qu’un amendement (n° 602) de son rapporteur supprimant le II du présent article, devenu sans objet.

Celui-ci visait à éviter tout effet rétroactif sur les recettes attendues en 2020 par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité. Mais, outre le retard pris dans l’examen du projet de loi, la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de la transition écologique a indiqué au rapporteur que, constituant des aides publiques aux entreprises, les nouvelles réductions de TURPE devront être notifiées à la Commission européenne avant d’être mises en œuvre. Même engagée le plus tôt possible, cette procédure ne permettra pas leur application avant 2021.

Article 28 bis A (nouveau)
(article L. 34142 du code de lénergie)
Globalisation du
plafond maximal des réductions de TURPE applicables aux sites fortement consommateurs délectricité

Introduit par la commission

I.   le droit en vigueur

Le dispositif modulant les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE) applicables aux sites fortement consommateurs d’électricité prévoit que ces réductions sont plafonnées « pour concourir à la cohésion sociale et préserver lintérêt des consommateurs ». L’article L. 341‑4‑2 du code de l’énergie définit ainsi les taux maximaux (variant de 20 à 90 %) applicables aux grandes catégories de sites, déclinés ensuite par décret. Il distingue en particulier les « catégories définies [à l]article L. 3511 » – à savoir les sites électro-intensifs et hyper électro‑intensifs – des « autres sites de consommation ».

Ces derniers sont aussi de grands consommateurs d’électricité qui présentent des profils « stables et anticycliques » mais ne répondent pas aux critères d’électro‑intensivité prévus par l’article L. 351-1 du code de l’énergie. Leurs caractéristiques sont précisées à l’article D. 341-9 du même code. Ils sont une cinquantaine sur les 220 bénéficiaires des réductions de TURPE, toutes catégories confondues.

II.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spÉciale

Le dispositif de réduction de TURPE fait actuellement l’objet d’une enquête de la Commission européenne au titre des règles relatives aux aides d’État aux entreprises.

Pour prévenir ses critiques, le Gouvernement envisage de ne plus faire varier les taux de réduction selon les différentes catégories de sites, mais en fonction seulement des caractéristiques de consommation et d’utilisation du réseau.

Aussi, avec l’avis favorable de son rapporteur, qui souligne l’intérêt de préserver des allègements de charges importants pour nos industries hyper électro-intensives, la commission spéciale a adopté l’amendement (n° 629) du Gouvernement.

Pour préserver la possibilité d’accorder des réductions jusqu’à un taux de 90 %, il réunit ces ensembles de sites sous le plafond unique de 90 %. Dans le détail, les différents plafonds possibles seront précisés par décret, en veillant au respect des règles européennes.

Article 28 bis
Conclusion avec les fournisseurs délectricité de contrats dapprovisionnement à long terme pour les sites industriels mettant en œuvre des procédés hyper électro-intensifs

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

Longtemps, les gros consommateurs d’électricité ont pu bénéficier de tarifs réglementés de vente (TRV) spécifiques, proposés par les fournisseurs « historiques » (EDF et les entreprises locales de distribution) et définis par les ministres en charge de l’économie et de l’énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) : un tarif jaune pour des puissances souscrites entre 36 et 250 kVA et un tarif vert pour les puissances supérieures.

Cependant, le droit européen a non seulement imposé l’ouverture du marché de l’énergie à d’autres opérateurs – ouverture effective en France depuis 2007 –, mais il a aussi progressivement limité la régulation des prix, considérant qu’elle constitue une entrave au jeu souhaité de la concurrence.

La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi « NOME ») a commencé par supprimer les tarifs jaune et vert en France métropolitaine continentale, imposant aux sites concernés de passer, à compter du 1er janvier 2016, à des offres de marché dont les prix sont librement fixés par les fournisseurs.

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat poursuit la réduction du périmètre des TRV en excluant de celui-ci, à partir du 1er janvier 2021, les consommateurs professionnels employant plus de 10 personnes ou dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan excèdent 2 millions d’euros par an.

Les consommateurs professionnels peuvent néanmoins continuer à prétendre à ces tarifs pour leurs sites en zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI). En outre, les sites fortement consommateurs d’électricité et présentant un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique peuvent toujours bénéficier d’une réduction – pouvant aller jusqu’à 90 % ‑ sur le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité dit « TURPE » (cf. le commentaire de l’article 28 du projet de loi).

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

En séance publique, le Sénat a adopté, contre l’avis du Gouvernement et de la rapporteure de la commission spéciale, un amendement de MM. Jean-Pierre Vial et Jean-Raymond Hugonet et des membres du groupe Les républicains visant à autoriser, par l’introduction d’un nouvel article L. 332-7 dans le code de l’énergie, la conclusion de contrats de fourniture à long terme entre les fournisseurs d’électricité et les entreprises ou les sites reconnus « fortement consommateurs d’électricité » selon les critères prévus à l’article L. 351-1 du même code. Cette faculté serait limitée :

– aux sites figurant sur une liste établie par un arrêté du ministre en charge de l’énergie, sur proposition de la CRE, qui sont « hyper électro-intensifs » au sens de l’article D. 351-3 du code de l’énergie, en raison d’une consommation supérieure à 6 KWh par euro de valeur ajoutée (au sens de l’article 1586 sexies du code général des impôts) et d’une exposition à la concurrence internationale supérieure à 25 % ;

– et pour les seuls besoins des procédés industriels qui y sont mis en œuvre et qui consomment de l’électricité comme matière première (comme en métallurgie, en électrochimie, papeterie ou cimenterie).

Le terme des contrats ainsi conclus ne pourrait dépasser l’échéance de 2035, donnée par l’article L. 100-4 du code de l’énergie, pour réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique.

En outre, les conditions prévues par lesdits contrats devraient « refléter la moyenne des coûts comptables de production délectricité » des installations nucléaires de base ou de concessions hydroélectriques dont la puissance des installations dépasse 4,5 MW.

Enfin, le « volume global maximal » (tous bénéficiaires et tous fournisseurs compris) pouvant être cédé dans ces contrats serait également déterminé par un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, après avis de la CRE, mais ne pourrait excéder 15 TWh par an et devrait demeurer « strictement proportionnel aux objectifs poursuivis [par la politique énergétique nationale mentionnés à l’article L. 100-1 du code de l’énergie] », notamment s’agissant du développement des énergies renouvelables.

Il s’agit, pour les auteurs de l’amendement, de favoriser l’émergence d’offres de fourniture d’électricité « sinscrivant dans la continuité des contrats historiques » qui disparaissent progressivement. Ils visent en cela non seulement des contrats de long terme mais également des prix stables sur plusieurs années.

L’intérêt de tels contrats ne fait aucun doute pour des clients qui consomment l’électricité en grandes quantités parce qu’elle est une composante majeure de leurs productions.

La sécurisation de leur approvisionnement sur le long terme et une certaine stabilité des prix sur plusieurs années sont des enjeux majeurs de la survie de ces entreprises, dont les filières compteraient 50 000 emplois industriels. Leur présence sur nos territoires participe par ailleurs à la stabilité du réseau électrique grâce à leurs capacités à interrompre leurs prélèvements en cas de besoin.

Le Gouvernement et la rapporteure de la commission spéciale du Sénat ont reconnu la pertinence de contrats de fourniture de long terme – dans le respect de la liberté contractuelle des clients.

La règlementation européenne autorise la négociation de contrats d’approvisionnement en électricité longs (cf. l’article 3, point o, du règlement (UE) 2019/943 du 5 juin 2019 du Parlement européen et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité (refonte)). Ce point est directement applicable sans qu’une loi soit nécessaire pour le transposer en droit interne.

En revanche, elle ne permet la régulation des prix que dans un cadre très restreint. En effet, l’article 5 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) n’admet l’intervention des États membres dans la fixation des prix de l’électricité qu’en faveur des clients résidentiels vulnérables ou en situation de précarité énergétique, ou pour un objectif d’intérêt économique général – comme le soutien aux très petites entreprises ‑ à condition de ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En outre, ces interventions doivent être « limitées dans le temps et proportionnées » et « non discriminatoires ».

Le Gouvernement, avec l’appui de la rapporteure de la commission spéciale du Sénat, s’est donc opposé à la définition d’un tarif légal de fourniture d’électricité au profit de ces usagers industriels, même si un accès compétitif à l’électricité est aussi un enjeu économique pour ces filières. Ce tarif légal constituerait une aide d’État sans base juridique légitime et donc contraire au droit européen.

Au demeurant, le dispositif de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH), mis en place en 2010, permet déjà de bénéficier des coûts amortis du nucléaire historique grâce à la vente annuelle de 100 térawattheures au prix modéré de 42 euros le mégawatheure à tous les fournisseurs alternatifs et grands consommateurs d’électricité.

Enfin, le Gouvernement a indiqué en séance être en discussion avec la Commission européenne pour obtenir des conditions de fourniture les plus compétitives possible pour les industries électro-intensives et hyper électro-intensives, tout « en les mettant sur le chemin dune transition énergétique ».

III.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spÉciale

La commission spéciale a adopté les amendements de son rapporteur (n° 604) et de Mme Danielle Brulebois (n° 409) du groupe La République en Marche qui suppriment le présent article.

Le rapporteur confirme en effet qu’une loi n’est pas nécessaire pour convenir de contrats de fourniture à long terme entre consommateurs et fournisseurs d’électricité. Les industries électro-intensives en ont déjà conclus avec EDF.

Le dispositif introduit par le Sénat vise surtout à fixer les prix applicables à ces contrats, ce qui soulève plusieurs difficultés. EDF souligne que le mode de calcul retenu lui causerait un préjudice économique en imposant, à ce seul opérateur, la vente de son électricité nucléaire et hydraulique à la moyenne de ses coûts comptables. Plus fondamentalement, la situation des grands consommateurs d’électricité n’entrant pas dans les cas autorisés par la règlementation communautaire, le nouveau tarif légal constituerait une aide d’État contraire au droit européen.

Le Gouvernement dit travailler avec la Commission européenne au mécanisme qui remplacera l’ARENH, au plus tard en 2025, dans la régulation de l’accès à l’électricité nucléaire, selon une approche qui ne fixera plus les tarifs mais permettra de garantir la couverture des coûts du parc nucléaire et de protéger les consommateurs sur le territoire français de la volatilité des prix du marché. Le nouveau dispositif devrait apporter une visibilité de long terme sur les tarifs.

En attendant, les industriels électro-intensifs bénéficient, outre l’ARENH, de plusieurs dispositifs de réduction ou de compensation qui atténuent sensiblement leurs charges d’électricité.

Article 28 ter
(article L. 342-1-1 [nouveau] du code de lénergie)
Travaux de raccordement à la fibre optique simultanés aux travaux
de raccordement électrique, aux frais du producteur

Adopté par la commission avec modifications

I.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Le Sénat a adopté en séance publique un amendement de M. Michel Canévet et d’autres membres du groupe Union centriste autorisant à coupler les travaux d’installation des réseaux de télécommunications en fibre optique avec ceux réalisés pour raccorder une installation de production (d’électricité) au réseau public de distribution d’électricité.

Le dispositif créé prévoit qu’à la demande et aux seuls frais d’un producteur (d’électricité), le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité concerné pourrait réaliser ou faire réaliser les travaux de pose de l’installation de transport des communications électroniques – nécessaires à ce même producteur pour piloter et surveiller son installation de production et donc optimiser son fonctionnement – en même temps qu’il procède au raccordement de son site de production.

Le même gestionnaire du réseau pourrait également, mais toujours à la demande et aux frais exclusifs du producteur, désigner un opérateur en charge de l’exploitation du réseau de télécommunications installé et de la fourniture des services associés.

Le Gouvernement et la rapporteure de la commission spéciale s’en sont remis à la sagesse du Sénat, partageant l’analyse quant à la légitimité de l’objectif de mutualisation des travaux, qui est déjà mis en œuvre dans le cadre de l’enfouissement coordonné de divers réseaux de distribution (électricité, télécommunications, éclairage public, etc.). Le Gouvernement indiquait néanmoins devoir étudier plus précisément la régularité du dispositif.

II.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spÉciale

Selon l’Union française de l’électricité, qui représente les transporteurs, distributeurs et producteurs d’électricité, la faculté ouverte par l’article 28 ter serait une vraie opportunité de simplifier le déploiement des nouveaux réseaux de fibre optique, avec moins de désagréments pour le voisinage, mais permettrait surtout aux producteurs de gagner en temps et en coûts de travaux.

Car même s’il est déjà possible aux différents opérateurs de coordonner leurs interventions, dans les faits, les producteurs subissent généralement ces travaux en plusieurs étapes.

Cependant, en donnant au gestionnaire du réseau de distribution d’électricité le choix de l’opérateur qui assurera, au final, la fourniture des services de communication électronique, le deuxième alinéa du nouvel article L. 342‑1‑1 du code de l’énergie porte atteinte au principe de mise en concurrence des opérateurs de télécommunications. Aussi la Fédération française des télécoms s’y oppose‑t‑elle vigoureusement.

Avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a donc adopté l’amendement (n° 704) de son rapporteur qui réécrit le dispositif : il confirme – en la précisant – la faculté pour un producteur d’électricité d’obtenir la réalisation coordonnée des deux ensembles de travaux par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité. Mais ce dernier remet ensuite la gestion et l’entretien du nouveau segment de ligne en fibre optique à l’exploitant du réseau de lignes à très haut débit en fibre optique déployé dans la zone de l’unité de production. Cet exploitant ayant le devoir d’en laisser l’accès à tout fournisseur de services de télécommunications, le producteur usager reste libre de choisir son opérateur.

Article 28 quater (nouveau)
(article L. 124-1 du code de lénergie)
Extension de
lutilisation des chèques énergie aux hébergements
pour personnes âgées

Introduit par la commission

I.   le droit en vigueur

Le chèque énergie est un titre spécial de paiement permettant aux ménages modestes d’acquitter tout ou partie du montant des dépenses d’énergie de leur logement. Il leur est distribué, au regard de leurs ressources, par l’Agence de services et de paiement mentionnée à l’article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime, qui en assure ensuite le remboursement aux personnes et organismes autorisés à le recevoir.

L’article L. 124-1 du code de l’énergie précise ainsi que les fournisseurs et les distributeurs d’énergie mais aussi les gestionnaires des logements-foyers ayant conclus avec l’État une convention d’aide personnalisée au logement sont tenus d’accepter ce mode de règlement. Dans le cas des logements-foyers, où les charges d’énergie sont collectives et intégrées à la dépense de logement, le résident peut utiliser son chèque énergie en paiement de la redevance due au gestionnaire du foyer.

De nombreux résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) et unités de soins de longue durée (USLD) reçoivent un chèque énergie ; mais ils ne peuvent l’utiliser parce que leur établissement n’entre pas dans les catégories de personnes morales pouvant l’accepter et qu’ils ne disposent pas non plus de facture d’énergie individuelle, leurs charges étant comprises dans le tarif de l’établissement.

II.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement (n° 705) de son rapporteur, sous-amendé (n° 710) par le Gouvernement, qui ouvre la qualité d’acceptants du chèque énergie à ces trois catégories d’établissements afin que leurs résidents bénéficiaires de la prestation puissent l’utiliser effectivement.

Initialement proposé à titre expérimental pendant trois ans et dans le seul département du Maine-et-Loire, le dispositif a été étendu, par le sous-amendement du Gouvernement, à toute la France et sans limitation de durée.

Article 28 quinquies (nouveau)
(Section 3 [nouvelle] du chapitre II du titre III du livre IV du code de lénergie et articles L. 554-1, L. 554-10 et L. 554-12 [nouveau] du code de lenvironnement)
Renforcement du dispositif de sécurisation des canalisations de gaz

Introduit par la commission

Avec l’avis favorable de son rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement du Gouvernement (n° 630), complété par un sous-amendement (n° 708 rectifié) de MM. Philippe Bolo, Nicolas Turquois et Mme Marguerite Deprez-Audebert du groupe MODEM, qui permet de renforcer le dispositif de sécurisation des conduites de gaz.

I.   LE transfert de propriÉtÉ des conduites montantes de gaz

Le I de l’article 28 quinquies crée une nouvelle section 3 au chapitre II du titre III du livre IV du code de l’énergie qui détermine le nouveau régime de propriété des canalisations de gaz situées entre le réseau public de distribution et l’amont du compteur (également appelées conduites d’immeubles ou conduites montantes).

Il précise que les canalisations de gaz créées à compter de la publication de la future loi appartiendront aux réseaux publics de distribution de gaz – soit en dernière analyse, aux collectivités locales propriétaires de ces réseaux.

Jusqu’au 31 décembre 2022, les conduites d’immeubles existantes qui ne sont pas déjà intégrées à la concession d’un réseau public sont présumées appartenir aux copropriétaires des immeubles où elles se trouvent. Dans ce délai, ceux-ci peuvent choisir de :

– transférer définitivement les canalisations au réseau public de distribution de gaz. Le transfert de propriété s’opère alors dès la notification de leur décision, à titre gratuit et sans contrepartie pour le gestionnaire de réseau ;

– ou revendiquer la propriété de ces canalisations.

À défaut de cette démarche, la propriété des canalisations sera automatiquement transférée au réseau public le 1er janvier 2023, toujours à titre gratuit et sans contrepartie pour son gestionnaire.

Après cette date, les copropriétaires d’immeubles ayant revendiqué la propriété des canalisations pourront encore changer d’avis en les transférant au réseau public mais sous réserve de leur bon état de fonctionnement.

Le II, non codifié, indique enfin que, hors clauses contraires de leurs contrats de concession, les entreprises concessionnaires du réseau public de distribution de gaz ne sont pas tenues de constituer des provisions financières pour anticiper le renouvellement des canalisations d’immeubles ainsi transférées.

Le statut des conduites d’immeubles est en effet disparate sur l’ensemble du territoire national. Il reste un certain nombre d’installations encore privatives, dont l’entretien – et son coût – incombe alors aux copropriétaires de l’immeuble où elles se situent, voire au propriétaire du logement jusqu’où elles pénètrent. L’objectif du transfert de propriété est de confier la surveillance et l’entretien de ces ouvrages au distributeur qui a l’expertise et les outils pour le faire. Un meilleur contrôle est une meilleure garantie pour la sécurité des réseaux de gaz.

La surveillance et l’entretien des installations de gaz intérieures, situées en aval du compteur, restent quant à eux à la charge du propriétaire des locaux.

II.   L’attribution de la prise en charge des travaux de rÉparation des rÉseaux de distribution

L’article L. 554-1 du code de l’environnement impose aux entreprises exécutant des travaux à proximité de réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution (de gaz mais aussi d’électricité, eau, télécommunications, etc.), au responsable du projet de travaux et aux exploitants de ces ouvrages de mettre en œuvre les mesures techniques et organisationnelles nécessaires pour éviter de porter atteinte à leur intégrité, sécurité ou continuité de fonctionnement, à l’environnement, à la sécurité des travailleurs et du voisinage ou à la vie économique.

Le 1° du III de l’article 28 quinquies clarifie les modalités de prise en charge de la réparation desdits ouvrages en cas de dommage survenu au cours de ces chantiers.

Il exonère ainsi du coût des travaux de réparation (et de l’obligation de réaliser cette réparation pour celui qui exécute le chantier) le responsable de projet et l’exécutant des travaux si :

– l’endommagement est accidentel ;

– il s’est produit au-delà de la zone dans laquelle des précautions particulières doivent être mises en place à l’occasion des travaux. Celle-ci est définie à partir des données de localisation fournies par l’exploitant ou des résultats des investigations de localisation des ouvrages menées en amont des travaux lorsque la position des ouvrages n’est pas connue avec une précision suffisante, le cas échéant, et selon une distance fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité des réseaux de transport et de distribution. On parle de zone d’incertitudes ;

– et il n’y a pas d’autre indice de la présence d’un ouvrage à l’endroit de l’endommagement.

Il s’agit de ne pas faire porter au responsable de projet et à l’exécutant des travaux plus que leur responsabilité de mettre en œuvre des techniques « douces » dans les zones d’incertitudes indiquées par les exploitants des ouvrages – et pour le responsable de projet de communiquer les résultats des investigations de localisation des ouvrages. Ils n’ont pas à supporter le coût des réparations des réseaux si, faute de réponses précises des exploitants à leurs déclaration d’intention de travaux et déclaration de travaux, la localisation réelle des ouvrages se trouve en dehors des zones d’incertitudes.

La responsabilité du responsable de projet et de l’exécutant reste entière dans les autres cas.

III.   L’Élargissement dES cas justifiant l’interruption de la livraison de gaz

L’article L. 554-10 du code de l’environnement autorise l’exploitant d’une canalisation de transport ou de distribution de gaz à interrompre la livraison du gaz à tout consommateur final qui y est raccordé s’il s’oppose à un contrôle réglementaire de ses appareils ou équipements à gaz (ou aux opérations de contrôle, d’adaptation et de réglage nécessaires en cas de changement de nature du gaz acheminé). L’exploitant interrompt la livraison du gaz lorsqu’il a connaissance d’un danger grave et immédiat pour la sécurité des personnes et des biens que présentent ces appareils et équipements.

Le 2° du III du présent article ajoute de nouvelles situations : en cas d’opposition à une opération réglementaire de surveillance ou de maintenance d’une canalisation de gaz de la part du consommateur final, mais aussi du propriétaire, de son mandataire ou de l’occupant d’un local ou terrain traversé par cette canalisation. Le danger grave et immédiat est alors celui que présente la canalisation.

Cet élargissement vise à imposer l’accès à toutes les parties privées traversées par les canalisations d’alimentation en gaz afin que les contrôles réglementaires et les opérations d’entretien nécessaires à la sécurité des installations soient exhaustifs et s’effectuent dans de bonnes conditions.

IV.   La rÉintroduction des sanctions des atteintes au bon fonctionnement des canalisations de gaz

Enfin, le sous-amendement a réintroduit la possibilité de sanctionner les actes de malveillance portant atteinte au fonctionnement des ouvrages et installations de distribution ou de transport de gaz (ou d’hydrocarbures liquides ou liquéfiés), qui avait été supprimée par erreur du code de l’énergie par l’ordonnance n° 2016‑282 du 10 mars 2016 relative à la sécurité des ouvrages de transport et de distribution.

Régulièrement confrontés à ce genre de comportement qui peut avoir des conséquences graves, les opérateurs de distribution et de transport de gaz ne disposent plus aujourd’hui de recours pénal, ce qui crée un flou préjudiciable à la sécurité des ouvrages.

Ces actes volontaires pourront désormais être punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 322-1 du code pénal), voire de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes (article 322-3 du même code).

TITRE IV
Diverses dispositions de simplification

Article 29
(articles L. 114-10-1 [nouveau], L. 552-13, L. 562-13 et L. 572-5 du code des relations entre le public et ladministration)
Simplification de la justification et de la vérification du domicile déclaré
pour la délivrance de certains titres « JustifAdresse »

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Lors de la constitution d’un dossier d’obtention d’une carte d’identité, d’un passeport, d’un permis de conduire ou d’un certificat d’immatriculation, tout usager est tenu de fournir un document justifiant de son domicile.

Les pièces acceptées sont, pour ceux qui disposent d’un domicile à leur nom, les factures d’eau, d’électricité, de gaz ou de téléphone (y compris de téléphone mobile), les avis d’imposition ou les certificats de non-imposition, les justificatifs de taxe d’habitation, les attestations ou factures d’assurance du logement, les quittances de loyer ou les titres de propriété ainsi que les relevés de la caisse d’allocation familiale mentionnant les aides liées au logement. Les personnes habitant chez un proche, hébergées dans un hôtel ou une caravane, ou sans domicile fixe, doivent produire d’autres types de documents.

25 millions de titres sont délivrés chaque année par les services de l’État, dont notamment 4,4 millions de cartes nationales d’identité et 3,5 millions de passeports ([136]). Or, la procédure est à la fois contraignante pour l’usager qui doit produire un nouveau justificatif pour chacune de ses demandes (parfois imprimer un document produit au format numérique) et pour l’administration qui doit vérifier les documents, les numériser et les stocker.

L’article 44 de la loi n° 2017-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (dite loi « ESSOC ») a prévu une expérimentation ([137]) pour simplifier les démarches d’obtention des quatre titres précités en supprimant la fourniture de pièces justificatives du domicile. Le dispositif est limité aux usagers qui le souhaitent et qui utilisent un téléservice.

Pour bénéficier de cette dispense, l’utilisateur déclare son domicile et fournit à l’administration une information permettant son identification auprès d’un fournisseur d’un bien ou d’un service attaché à son domicile. Deux arrêtés du 4 février et du 6 mai 2019 ont fixé la liste de ces fournisseurs : il s’agit de Total Direct Énergie, Électricité de France, Engie et Gaz Tarif Réglementé.

Le fournisseur est tenu de répondre aux sollicitations de l’administration en lui communiquant les données à caractère personnel lui permettant de vérifier le domicile déclaré par le demandeur. Dans son avis du 23 novembre 2017 sur le projet de loi « ESSOC » ([138]), le Conseil d’État avait estimé que ce dispositif ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant les charges publiques compte tenu du caractère limité de la contrainte imposée aux fournisseurs, de la sécurisation des titres permise par la vérification automatisée de l’adresse et de la simplification induite pour l’usager.

L’administration assure la confidentialité et la protection de ces informations.

Techniquement, l’interface dénommée « Justif’Adresse » procède, sur la base d’un algorithme, à la comparaison de l’adresse déclarée par l’usager avec celle de la base de données du fournisseur de bien ou de service qu’il désigne.

L’expérimentation a été menée dans quatre départements (l’Aube, le Nord, les Yvelines et le Val d’Oise) pour une durée de dix-huit mois. Elle devait prendre fin le 10 février 2020 mais le dispositif a été prolongé au-delà de cette date. Le décret n° 2020-732 du 15 juin 2020 relatif à la dématérialisation des justificatifs de domicile pour la délivrance des cartes nationales d’identité, passeports, permis de conduire et certificats d’immatriculation a donné une base juridique à cette pérennisation.

L’expérimentation a fait l’objet d’un rapport d’évaluation favorable du Gouvernement transmis au Parlement en février 2020 : sur douze mois de fonctionnement du dispositif, 337 962 personnes ont utilisé « Justif’Adresse », principalement pour les demandes de cartes nationales d’identité et de passeport. Parmi ces usagers, 186 655 personnes ont pu valider leur adresse, soit un taux de validation de 55,2 % sur les douze mois, en augmentation au cours des derniers mois. Ce taux s’explique par des problèmes techniques de l’interface compréhensibles et en partie corrigés, d’après le rapport du Gouvernement. Interrogée sur ce taux par le rapporteur, la direction de la modernisation et de l’administration territoriale a indiqué que les principaux points encore bloquants étaient les cas d’homonymie, les demandes enregistrées sous un nom de naissance lorsque le fournisseur de bien ou de service a enregistré un contrat sous un nom marital, les personnes hébergées chez des tiers et enfin les anomalies liées à des demandeurs ne résidant pas dans un des quatre départements de l’expérimentation.

92% des usagers sont satisfaits de leur utilisation de « Justif’Adresse ». Les agents des mairies et des centres d’expertise et de ressources titres (CERT) sont également « globalement satisfaits du dispositif et suggèrent des améliorations » techniques, selon le rapport d’évaluation précité.

II.   Le dispositif du projet de loi

L’article 29 du projet de loi pérennise, généralise à l’ensemble du territoire national et permet d’étendre à la délivrance d’autres titres ou demandes d’autorisation le dispositif « Justif’adresse ».

Le code des relations entre le public et l’administration est ainsi complété d’un article L. 114-10-1 qui reprend le principe du dispositif ayant créé l’expérimentation en l’adaptant. 

« Justif’Adresse » est pérennisé et généralisé à l’ensemble du territoire national.

« Justif’Adresse » pourra être étendu à d’autres procédures : il pourra être utilisé pour la vérification de l’adresse d’un demandeur pour la délivrance des quatre documents concernés par l’expérimentation mais également pour tous types de titres ou de demandes d’autorisation qui seront désignés par voie réglementaire. Interrogée par votre rapporteur, la direction de la modernisation et de l’administration territoriale a précisé que le dispositif pourrait être étendu aux procédures liées aux titres de séjour des étrangers en France. 

Le champ des acteurs tenus de répondre aux sollicitations de l’administration pour la vérification du domicile est étendu aux services publics n’ayant pas la qualité de fournisseur de bien ou de service pouvant attester du domicile. Le rapport du Gouvernement au Parlement précité formule la possibilité de solliciter la direction générale des finances publiques (DGFiP) via FranceConnect ou via le numéro de télédéclarant des personnes redevables de l’impôt sur le revenu.

Par coordination, les articles L. 552-13, L. 562-13 et L. 572-5 du même code sont modifiés afin de permettre l’application du dispositif aux collectivités ultramarines soumises au principe de spécialité : Polynésie française, Nouvelle‑Calédonie et îles Wallis et Futuna. Le rapport du Gouvernement au Parlement précité souligne cependant que « JustifAdresse, du moins au début, ne pourra pas être adapté aux spécificités de toutes les COM [collectivités d’outre-mer], voire certains DOM [départements d’outre-mer] ».

III.   La POSITION DU sÉnat

La commission spéciale a adopté un amendement de sa rapporteure qui prévoit – comme le mentionnait le dispositif créant l’expérimentation à l’article 44 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance précitée – que l’administration assure la confidentialité et la protection des informations échangées lors du fonctionnement de l’interface.

IV.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté cet article sans changement sur le fond du dispositif. Saluant le succès de cette expérimentation et donnant un avis favorable à sa pérennisation et à sa généralisation, le rapporteur de la commission spéciale est à l’origine d’un amendement de clarification rédactionnelle (n° 181) ayant reçu un avis favorable du Gouvernement.

Article 29 bis
Autorisation donnée aux collectivités territoriales
de solliciter un fournisseur de bien ou de service ou dun service public
pour faciliter les enquêtes de recensement à défaut de réponse de ladministré

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

L’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales confère au maire, sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, la responsabilité de procéder aux enquêtes de recensement (10°).

Aux termes de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, le recensement a pour objet le dénombrement de la population de la France, la description des caractéristiques démographiques et sociales de la population et le dénombrement et la description des caractéristiques des logements.

Ce même article prévoit que la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) prépare et réalise ces enquêtes, sous la responsabilité et le contrôle de l’État. À ce titre, ils reçoivent une dotation forfaitaire de l’État.

Les communes et les EPCI travaillent étroitement avec l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). L’INSEE organise et contrôle la collecte des informations, l’exploitation des données et la diffusion des résultats.

Méthodologiquement, l’INSEE rassemble les informations collectées par chaque commune ou EPCI au moyen d’enquêtes annuelles de recensement exhaustives (dans les communes de moins de 10 000 habitants) ou par sondage auprès d’un échantillon d’adresses (dans les communes de 10 000 habitants ou plus).

En application de l’article 156 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité précitée, l’INSEE peut également utiliser « les données démographiques non nominatives issues des fichiers administratifs, notamment sociaux et fiscaux, que linstitut est habilité à collecter à des fins exclusivement statistiques, ainsi que les résultats de toutes autres enquêtes statistiques réalisées en application de larticle 2 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur lobligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. À cette fin, les autorités gestionnaires des fichiers des organismes servant les prestations de base des régimes obligatoires dassurance maladie transmettent à lInstitut national de la statistique et des études économiques les informations non nominatives quil appartient à linstitut dagréger cinq ans après leur réception, à un niveau géographique de nature à éviter toute identification de personnes. »

Le défaut de réponse ou le cas de réponse sciemment inexacte à des « questions ayant trait à la vie personnelle et familiale » est puni d’une contravention de première classe telle que prévue au 1° de l’article 131-13 du code pénal (38 euros). Dans les faits, cette sanction est rarement appliquée.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

En séance publique, contre l’avis de la rapporteure de la commission spéciale et du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement de M. Reichardt et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Les Républicains qui modifie l’article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

L’objet de cet article tel qu’il résulte de l’exposé de son auteur, est de faciliter les opérations de recensement dans les cas où les « administrés refusent ou omettent de remplir les formulaires ». En modifiant l’article 7 de la loi n° 51‑711 précitée, l’article adopté prévoit qu’en cas de défaut de réponse de l’administré et après mise en demeure, l’administration puisse solliciter « soit auprès dun fournisseur dun bien ou dun service, soit auprès dun service public, la communication des données à caractère personnel nécessaires aux opérations de recensement ». Il est également prévu que l’administration assure la confidentialité et la protection de ces informations. 

Par coordination, le dernier alinéa de ce même article 7 est également modifié afin de supprimer une répétition.

III.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale a supprimé cet article avec un avis favorable du Gouvernement par l’adoption de trois amendements identiques de Mme Untermaier et ses collègues membres du groupe Socialistes et apparentés (n° 137), de Mme Brulebois du groupe La République en Marche (n° 411) et du rapporteur de la commission spéciale (n° 600).

Cet article est redondant avec des dispositions législatives déjà existantes et remet en cause le principe d’indépendance professionnelle de la statistique publique.

Le rapporteur a relevé ne pas avoir connaissance d’informations dont les fournisseurs d’un bien ou d’un service disposeraient et auxquelles l’INSEE n’aurait pas accès.

Le service de la statistique publique peut déjà accéder à des sources d’origine administrative : l’article 7 bis de la loi n° 51‑711 du 7 juin 1951 sur la coordination, l’obligation et le secret en matière de statistique précitée pour les dispositions générales et, dans le cas particulier des enquêtes de recensement de la population visées en premier lieu par cet article, le VII de l’article 156 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité précitée (voir supra).

Par ailleurs, l’INSEE a défini et met en œuvre des méthodes pour prendre en compte et corriger les effets de la non-réponse des habitants lors des enquêtes de recensement. Si l’on entend, par l’article 29 bis, imposer le choix d’une source pour la correction de la non-réponse, ses dispositions sont alors contraires au principe d’indépendance professionnelle posé par le 1-a de l’article 2 du règlement (CE) N° 223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 relatif aux statistiques européennes et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1101/2008 relatif à la transmission à l’Office statistique des Communautés européennes d’informations statistiques couvertes par le secret, le règlement (CE) n° 322/97 du Conseil relatif à la statistique communautaire et la décision 89/382/CEE, Euratom du Conseil instituant un comité du programme statistique des Communautés européennes : « les statistiques doivent être développées, produites et diffusées dune manière indépendante, notamment en ce qui concerne le choix des techniques, des définitions, des méthodologies et des sources à utiliser, ainsi que le calendrier et le contenu de toutes les formes de diffusion, et ces tâches sont accomplies sans subir aucune pression émanant de groupes politiques, de groupes dintérêt, dautorités nationales ou dautorités de lUnion ».

Article 29 ter
Publication de la liste des procédures pour lesquelles
le silence de ladministration vaut rejet

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

La règle « silence de l’administration vaut acceptation » est une mesure de bonne administration et de simplification des relations entre les administrés et l’administration. Elle implique qu’à la suite d’une demande d’un citoyen adressée à l’administration, le silence gardé par cette dernière pendant un délai de deux mois vaut acceptation de la demande. L’idée est d’inciter l’administration – qui n’est pas censée garder le silence – à répondre autant que possible aux demandes des citoyens et des entreprises dans le délai annoncé.

Applicable depuis la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, ce dispositif a renversé un principe en vigueur depuis 1864 ([139]) selon lequel le silence de l’administration valait rejet de la demande.

Le « silence de l’administration vaut acceptation » est applicable aux demandes adressées aux administrations de l’État, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales, aux organismes de sécurité sociale et aux organismes chargés d’un service public administratif.

Cette règle fait l’objet d’un encadrement :

-         le délai ne court qu’à compter de la saisine de l’administration compétente ;

-         la décision concernée doit avoir un caractère individuel, s’inscrire dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire et ne pas présenter de caractère financier.

Ce principe est désormais codifié à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Le silence gardé pendant deux mois par ladministration sur une demande vaut décision dacceptation. »

Aux termes de l’article D. 231-2 du même code, « la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision dacceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. » Cette liste est disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Silence-vaut-accord-SVA mais elle n’a visiblement plus été mise à jour depuis 2016. Auditionné par votre rapporteur, M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, a recensé 1 168 procédures pour lesquelles le silence de l’administration vaut acceptation (dont 1/3 qui concernent les particuliers et 2/3 les entreprises) et 1 270 procédures pour lesquelles le silence de l’administration vaut rejet.

La règle connaît de nombreuses exceptions prévues par la loi ou par décret.

« 1° Lorsque la demande ne tend pas à ladoption dune décision présentant le caractère dune décision individuelle ;

« 2° Lorsque la demande ne sinscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère dune réclamation ou dun recours administratif ;

« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;

« 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil dÉtat, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de lordre public ;

« 5° Dans les relations entre ladministration et ses agents. »

Le rapport du Gouvernement au Parlement sur le silence vaut acceptation, remis en mars 2019 en application de l’article 72 de la loi n° 2017-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi « ESSOC », fait le constat que les usagers et les services administratifs ne se sont pas approprié la réforme. Il en résulte un accroissement de la complexité de l’accès au droit.

La loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance précitée offre différentes solutions pour clarifier et harmoniser les procédures, notamment via la dématérialisation et les accusés de réception de l’administration qui doivent fournir le sens de la décision implicite (acceptation ou rejet).

II.   Les dispositions adoptées par le sÉnat

En séance publique, contre l’avis de la rapporteure de la commission spéciale et du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement de M. Wattebled et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Selon l’auteur de l’amendement, les trop nombreuses dérogations à la règle du « silence de l’administration vaut acceptation » ont dévoyé le principe et l’ont rendu incertain pour l’usager, qu’il soit particulier ou qu’il effectue une démarche au nom d’une entreprise.

Le dispositif adopté complète l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration et prévoit qu’un décret révisé annuellement rende publique la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet. En complétant l’article L. 231-4 précité, le dispositif semble prévoir un recensement des dérogations permises par les alinéas précédents (voir supra). 

L’article L. 231-5 du même code est abrogé, de sorte qu’il ne sera plus possible de déroger à la règle pour des motifs liés à l’objet des décisions et à la bonne administration. Le II de l’article prévoit une entrée en vigueur de cette abrogation deux ans après la promulgation de la présente loi. 

III.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté un amendement (n° 501) de suppression de l’article présenté par Mme Beaudoin-Hubière et ses collègues membres du groupe La République en Marche. Cet amendement a reçu un avis favorable du rapporteur de la commission spéciale et du Gouvernement.

Si la préoccupation exprimée par cet article consistant à ne pas vider de sa substance le principe du « silence vaut acceptation » peut se comprendre, le régime actuel encadre déjà le pouvoir réglementaire afin de limiter le nombre de dérogations possibles. La suppression de l’article L. 231‑5 du code des relations entre le public et l’administration prévue au présent article impliquerait qu’il ne serait plus possible de déroger au principe précité pour des motifs liés à l’objet des décisions et à la bonne administration. On ne peut lier ainsi les mains de l’administration qui doit pouvoir garder la possibilité de déroger au principe dans des conditions de contrôle juridique strict.

Après plusieurs années de mise en œuvre, ce principe est désormais bien appliqué par l’administration.

Votre rapporteur a souhaité rappeler que le principe du silence vaut acceptation ne constituait pas un but en soi : il existe pour inciter l’administration à répondre dans des délais raisonnables aux administrés. C’est cet objectif qu’il faut viser et non se focaliser sur une liste de procédures.

Article 30
(article L. 1321-6 du code de la santé publique)
Suppression de la déchéance en cas de condamnation pénale
du délégataire de service public deau potable

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

Toute personne qui offre au public de l’eau en vue de l’alimentation humaine est tenue de s’assurer que cette eau est propre à la consommation. Plus précisément, en application de l’article L. 1324-3 du code de la santé publique, la sécurité sanitaire de l’eau produite et distribuée au public exige que la personne qui en est responsable s’assure de surveiller la qualité de l’eau, de se soumettre au contrôle sanitaire, de prendre toutes les mesures correctives nécessaires en vue d’assurer la qualité de l’eau et d’en informer les consommateurs, ainsi que de respecter les produits et procédés de traitement de l’eau et les règles de conception et d’hygiène applicables aux installations.

La plupart des installations de production et de distribution d’eau sont exploitées en délégation de service public. Le délégataire est responsable de la sécurité sanitaire de l’eau produite et distribuée. En cas de méconnaissance de ces obligations aboutissant à une condamnation du délégataire par application de l’article L. 1324 du même code, l’article L. 1321-6 prévoit que le ministre de la santé puisse prononcer la déchéance de la délégation, sauf recours devant la juridiction administrative. Cette déchéance est prononcée « après avoir entendu le délégataire et demandé lavis de la collectivité territoriale intéressée, et après avis du Haut Conseil de la santé publique ».

II.   Le DISPOSITIF DU projet de loi

Cet article du projet de loi abroge l’article L. 1321-6 du code de la santé publique. L’étude d’impact du projet de loi indique que cette procédure de déchéance par le ministre de la santé publique n’est plus utilisée depuis les années 1930.

La délégation de service public fait l’objet d’un contrat dont les stipulations prévoient déjà une procédure pour mettre fin à la délégation en cas de méconnaissance de ses obligations sanitaires par le délégataire. De ce fait, la procédure faisant intervenir le ministre n’est plus nécessaire.

III.   la position du sÉnat

Le Sénat n’a pas vu d’obstacle à la suppression de cette disposition. Il a adopté l’article sans modification.

IV.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 30 bis
Obligation de déclaration de domicile en mairie

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

En France, les résidents d’une commune n’ont pas l’obligation de déclarer leur arrivée ou leur départ. Seules les opérations de recensement permettent de dénombrer les habitants d’une commune et d’en décrire les caractéristiques démographiques et sociales. Comme vu supra (article 29 bis), ces opérations sont réalisées annuellement au nom de la commune par l’INSEE selon une méthodologie qu’il définit. Les communes n’ont pas coutume de délivrer de certificat de domiciliation.

Par ailleurs, dans de nombreuses démarches administratives (délivrance d’un document d’identité, par exemple) ou commerciales (ouverture d’un compte bancaire, par exemple), le demandeur doit fournir un justificatif de domicile à son nom. Ce justificatif est obtenu auprès d’opérateurs privés (facture d’eau, d’électricité ou de téléphone, attestation d’assurance, quittance de loyer) ou par copie d’un avis d’imposition ou de non-imposition, de taxe d’habitation ou foncière ou de relevé de la caisse d’allocation familiale mentionnant les aides liées au logement.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sénat

En séance publique, contre l’avis de la rapporteure de la commission spéciale et du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement de M. Paccaud et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Les Républicains insérant un nouvel article au début du chapitre Ier (« Dispositions générales ») du titre IV (« Information et participation des habitants ») du livre Ier (« Organisation de la commune ») de la deuxième partie (« La commune ») du code général des collectivités territoriales.

Le dispositif crée l’obligation, pour tout nouvel habitant ou son représentant légal, de se déclarer à la mairie de son nouveau domicile et à celle de son ancien domicile.

Cette déclaration doit être faite dans les trente jours du nouvel établissement et mentionner, le cas échéant, la composition du foyer. Les personnes mentionnées dans la déclaration sont alors considérées comme ayant satisfait à l’obligation de déclaration.

La mairie délivre « sans délai » au déclarant un récépissé valant certificat de domiciliation et, à ce titre, justificatif de domicile. La mairie de l’ancien domicile du déclarant accuse réception de la déclaration.

Selon l’exposé sommaire de l’amendement, cette procédure déclarative aurait vocation à se substituer aux opérations de recensement.

III.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté six amendements identiques de suppression de cet article présentés par Mme Forteza et plusieurs de ses collègues membres du groupe Écologie, démocratie, solidarité (n° 224), M. Tan, membre du groupe La République en Marche (n° 385), Mme de la Raudière, membre du groupe Agir Ensemble (n° 402), Mme Brulebois, membre du groupe La République en Marche (n° 413), Mme Beaudoin-Hubière et ses collègues membres de La République en Marche (n° 429) et le rapporteur de la commission spéciale (n° 601). Ces amendements ont reçu un avis favorable du Gouvernement.

La commission spéciale a considéré que l’objectif du dispositif prévu à cet article était déjà satisfait.

Ainsi, il est d’ores et déjà loisible à la commune, notamment par le moyen de la consultation des rôles des impôts locaux ou du recensement, de connaître l’arrivée de nouveaux résidents sur son territoire. En effet, les populations légales que le recensement de l’INSEE établit permettent aux communes de disposer de données chiffrées sous forme anonyme pour évaluer les caractéristiques de leur population et gérer en conséquence les services publics locaux.

En outre, le dispositif adopté par le Sénat, sous couvert de simplification, crée en réalité deux obligations supplémentaires pour les usagers, contraires à l’objectif même de ce projet de loi.

Il crée des charges peu justifiées pour les communes sans en évaluer le coût. Celles-ci seront contraintes de s’organiser pour recevoir les déclarations de domicile, délivrer des récépissés et tenir un registre de la population communale.

De surcroît, le justificatif de domicile délivré ne reposerait sur aucun contrôle de la réalité du domicile puisque la délivrance du récépissé serait automatique.

Par ailleurs, ce dispositif soulève deux difficultés juridiques :

-         d’une part, la création d’une obligation de déclaration du domicile se traduirait par la constitution d’un traitement de données à caractère personnel et appellerait, par conséquent, une attention particulière au regard des exigences constitutionnelles relatives à la protection des libertés individuelles ;

-         d’autre part, la création d’un fichier domiciliaire imposant à tous les citoyens de déclarer leur domicile porterait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée, qui n’est justifiée par aucune finalité légitime.

En effet, cela reviendrait à constituer un fichier généralisé à l’ensemble de la population française aux fins du pilotage des politiques publiques locales et contreviendrait au cadre juridique applicable aux traitements de données à caractère personnel qui précise que les données sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes.

Par ailleurs, cela se traduirait par une durée de conservation excessive des données collectées. En effet, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés précise que la durée de conservation ne doit pas excéder « celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ».

Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel (Conseil constitutionnel, 2014‑690 DC du 13 mars 2014), la création d’un traitement de données à caractère personnel doit être justifiée par un motif d’intérêt général précis et d’une ampleur suffisamment importante, afin d’aboutir à une conciliation équilibrée avec la protection des libertés individuelles.

Le dispositif adopté par les sénateurs n’est assorti d’aucune garantie et l’utilisation en dehors de tout cadre d’un tel fichier pourrait susciter des inquiétudes légitimes chez nos concitoyens. Plusieurs membres de la commission spéciale ont ainsi considéré que ce dispositif portait atteinte à la vie privée.

Il ne peut s’agir, en outre, d’un outil permettant d’effectuer un recensement de la population française. Le recensement effectué par l’INSEE est déjà pleinement satisfaisant, les données qu’il établit permettant aux communes de disposer d’éléments chiffrés sous forme anonyme afin d’évaluer les caractéristiques de leur population et gérer en conséquence les services publics locaux.

Enfin, la rédaction de l’article est imprécise quant à la notion d’habitant. Elle ne permet pas de savoir s’il s’agit notamment de « la population municipale » ou de « la population totale de la commune » au sens du code général des collectivités territoriales.

Article 30 ter (nouveau)
(article 38 de la loi  2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale)
Simplification et accélération de la procédure administrative dexpulsion en cas doccupation illicite du domicile dautrui

Introduit par la commission

À l’initiative du rapporteur et suivant un avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a adopté, à l’unanimité, un amendement (n° 695) qui devrait permettre de simplifier et d’accélérer la procédure administrative d’expulsion en cas d’occupation illicite du domicile d’autrui.

Plusieurs procédures d’expulsion par les voies civiles et judiciaires existent, comme le prévoient les codes de procédure civile ([140]) et de procédure pénale ([141]) mais ces procédures sont indéniablement longues et les décisions de justice ordonnant l’expulsion des occupants illégaux du bien immobilier d’autrui ne sont pas toujours exécutées.

Une procédure administrative d’expulsion existe depuis la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale dite « loi DALO ». L’article 38 précise qu’en « cas dintroduction et de maintien dans le domicile dautrui à laide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte », le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux à trois conditions :

- avoir déposé plainte ;

- avoir démontré que le logement constitue son domicile ;

- avoir fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

Lorsque l’occupant n’a pas quitté les lieux à l’issue de la mise en demeure qui ne peut être inférieure à vingt-quatre heures, le préfet doit procéder à l’évacuation forcée du logement.

Cet article pose plusieurs difficultés d’interprétation et d’effectivité qui nuisent à son application. En témoignent les nombreux cas de propriétaires qui, parce qu’il s’agit de leur résidence secondaire ou s’agissant de personnes âgées vivant en EHPAD, voient leur résidence occupée illégalement par des « squatteurs » qui semblent souvent parfaitement au fait des insuffisances du droit pour ne pas craindre une expulsion. Cette situation est insupportable et le législateur doit remédier à un blocage juridique qui pourrait conduire les personnes lésées à se faire justice elles-mêmes.

Premièrement, une difficulté est apparue autour de la notion de « domicile » qui soulève en pratique de nombreuses ambiguïtés d’interprétation quant à savoir si elle recouvre ou non les résidences temporairement inoccupées, telles que les résidences secondaires. Les jurisprudences sont contradictoires et les réponses de l’administration sont variables.

Sur ce point, le dispositif adopté clarifie le champ d’application de l’article 38 et précise que le domicile correspond aussi bien aux résidences principales que secondaires ou occasionnelles.

Deuxièmement, le dispositif en vigueur prévoit que le préfet qui reçoit du propriétaire ou du locataire une demande de mise en demeure des squatteurs de quitter les lieux n’est pas tenu de répondre dans un délai déterminé.

Sur ce deuxième point, l’article adopté introduit une obligation de réponse du préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la présentation de la demande. En cas de refus de donner suite aux demandes des propriétaires ou locataires lésés par le squat de leur logement, les services administratifs devront leur communiquer sans délai les motifs de la décision de refus.

Troisièmement, dans un même objectif de rapidité procédurale, le dispositif adopté précise que le préfet, saisi d’une demande d’évacuation forcée du logement, devra intervenir « sans délai », ce qui permettra là encore de renforcer concrètement le caractère opérationnel du dispositif.

Sans bouleverser l’équilibre de la loi « DALO », l’initiative de votre rapporteur responsabilisera l’administration sur trois points : aucune interprétation ne sera plus possible s’agissant de la notion de domicile, le préfet ne pourra plus laisser les propriétaires et les locataires sans réponse et sa décision de refus devra être motivée. 

Simplifiée et clarifiée, l’action publique sera plus effective. L’introduction de délais d’action restreints accélérera indéniablement la procédure au bénéfice des propriétaires et locataires lésés.

Cet article protège le droit de propriété, droit fondamental à valeur constitutionnelle consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

 

Article 31
(Section 1 du chapitre II du titre Ier du livre IV et article L. 443-1 du code du tourisme)
Suppression de lagrément national délivré aux organismes
de tourisme social et familial

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

Consacrant l’égal accès de tous aux vacances et aux loisirs comme objectif national, l’article 140 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoyait que sa mise en œuvre « passe également par le développement des structures touristiques à caractère social et familial et lorganisation du départ en vacances des personnes en situation dexclusion. »

Le code du tourisme décline ainsi plusieurs dispositifs visant à faciliter l’accès aux vacances : l’attribution de chèques-vacances (articles L. 411-1 et suivants) et l’offre de « vacances adaptées organisées » destinée aux personnes handicapées majeures qui requiert l’obtention d’un agrément auprès des préfets de région (article L. 412-2). La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre IV (et son unique article L. 412-1) prévoit enfin un « agrément national délivré à des organismes de tourisme social et familial » (dit « agrément TSF ») dont le contenu est entièrement renvoyé à un décret.

Les articles R. 412-1 à R. 412-7 du même code visent plus précisément les activités de tourisme social et familial proposées par des associations et mutuelles. Celles-ci « peuvent » solliciter du ministre chargé du tourisme l’agrément TSF qui leur est délivré pour cinq ans dans la mesure où, notamment, leurs statuts garantissent une gestion désintéressée, qu’elles mettent en œuvre une politique d’accueil favorisant la mixité sociale, avec l’accueil, en particulier, de personnes ou de familles en difficulté ou bénéficiant d’aides sociales ou de personnes handicapées, et qu’elles pratiquent des tarifs adaptés.

II.   le projet de loi

En raison du caractère facultatif de l’agrément et de l’absence d’avantage associé (qu’il s’agisse de subvention, d’allègement de charges sociales ou fiscales, etc.) autre que son affichage par l’organisme qui en est titulaire, il n’aura été délivré qu’à 14 organismes – représentant 900 structures – jusqu’en 2010, selon l’étude d’impact du projet de loi, alors que le secteur du tourisme social et familial compterait environ 1 600 établissements. En 2011 et 2012, les services de l’État ont cherché à mobiliser un plus large panel d’hébergeurs, au-delà des villages de vacances à but non lucratif et maisons familiales de vacances historiquement concernés, et même au-delà des associations et mutuelles visées par l’article R. 412‑1– sans succès.

Le ministère en charge du tourisme peut encore délivrer cet agrément, mais il considère qu’il a perdu tout intérêt pratique au point d’avoir supprimé en 2013 la commission nationale qui émettait un avis sur les demandes d’agrément ([142]) et de conclure que les derniers agréments renouvelés en 2010 sont « de facto tous devenus caducs en 2015 ».

L’article 31 propose en conséquence la suppression pure et simple du dispositif de l’agrément TSF, en abrogeant la section 1 qui en constituait la base juridique, et corrige par coordination l’article L. 443-1 du code du tourisme qui l’appliquait à Mayotte.

III.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

La commission spéciale du Sénat a adopté cet article sans modification, actant l’abandon du dispositif, son faible succès passé et l’absence d’impact pour les organismes anciennement titulaires de l’agrément TSF.

L’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) a confirmé son obsolescence et le Gouvernement assure que sa disparition ne remet pas en cause les autres dispositifs soutenant le secteur du tourisme social et familial.

La commission spéciale a néanmoins demandé au Gouvernement de réfléchir à une formule plus souple, tel un label, qui assurerait une reconnaissance particulière à un secteur représentant des bénéfices sociaux et des retombées économiques pour les territoires.

IV.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spÉciale

Suivant l’avis de son rapporteur, la commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 31 bis (nouveau)
(article L. 14211 du code des transports)
Suppression du registre des entreprises de transport public de personnes
par voie maritime

Introduit par la commission

L’article 7 de la loi n° 82‑1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs a posé le principe, aujourd’hui codifié à l’article L. 1421‑1 du code des transports, selon lequel toute entreprise de transport public de personnes établie sur le territoire national doit être inscrite sur un registre tenu par l’autorité administrative compétente de l’État.

Mais, dans les faits, cet enregistrement n’a jamais été demandé aux entreprises de transport public de personnes par voie maritime.

Dans un souci de simplification législative et administrative, la commission spéciale a donc adopté un amendement (n° 661) de son rapporteur excluant explicitement le transport maritime de personnes du champ de cette obligation, avec l’avis favorable du Gouvernement.

Article 32
(articles L. 6521-1 à L. 6521-5, L. 6524-1, L. 6524-6, L. 6525-2, L. 6527-1, L. 6765-1, L. 6775-1 et L. 6785-1 du code des transports)
Suppression des registres du personnel navigant professionnel
de laéronautique civile

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

Actuellement, pour faire partie du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile, tel qu’il est défini à l’article L. 6521-1 du code des transports, il convient de réunir les trois conditions suivantes :

– être titulaire d’un titre aéronautique en état de validité (article L. 6521‑2). Brevet, licence ou certificat, ce titre est délivré par le ministère en charge de l’aéronautique civile ;

– être inscrit aux registres du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (article L. 6521-2) ;

– et, pour pouvoir s’inscrire à ces registres, ne pas avoir de mentions incompatibles avec l’exercice des fonctions auxquelles on postule dans le bulletin n° 2 de son casier judiciaire (article L. 6521-3).

II.   le projet de loi

L’inscription auxdits registres conditionnait en outre l’affiliation au régime de protection sociale et de retraite complémentaire, très favorable, de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (CRPNPAC).

Mais aujourd’hui cette inscription n’est plus une condition de l’affiliation à la CRPNPAC. Cette affiliation, obligatoire, se fait sur la production du contrat de travail et d’une déclaration sur l’honneur de son exercice habituel de la profession de navigant.

L’inscription aux registres n’a pas d’autre intérêt pratique, même du point de vue de la sécurité. En effet, la vérification des mentions du bulletin n° 2 du casier judiciaire ne fait l’objet d’aucun suivi dans ce cadre après l’inscription initiale. Le contrôle opérationnel se fait avec la délivrance des habilitations à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, qui donne lieu à une enquête administrative poussée et s’impose à la part la plus importante des personnels navigants.

Enfin, ces registres n’intègrent pas les nouvelles professions créées par la réglementation européenne – tels les membres d’équipages techniques en secours médical d’urgence héliporté – qui, par ailleurs, n’ont pas besoin de titres aéronautiques.

Aussi, en abrogeant les articles L. 6521-2 et L. 6521-3, l’article 32 du projet de loi propose de supprimer ces registres, devenus inutiles et obsolètes mais coûteux à gérer pour les acteurs du secteur. Réécrivant l’article L. 6521-1, il n’imposerait plus que deux conditions alternatives pour obtenir le statut de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile :

‑ être titulaire d’un titre aéronautique ;

‑ ou relever des règlements européens applicables aux personnels navigants ([143]), lesquels fixent, entre autres, diverses exigences en termes de compétences et de sécurité.

L’article 32 simplifie également la définition des fonctions concernées, qui seraient ramenées de quatre catégories (mentionnées aux 1° à 4° de l’actuel article L. 6521-1 du code des transports) à une seule, celle de « personnel navigant », dont l’intitulé global pourra s’adapter aux évolutions de ces métiers. On relève cependant que le 5° de l’article 32 vient préciser les fonctions de « personnel navigant technique » définies à l’article L. 6524-1 du code des transports en reprenant les 1° à 3° de l’article L. 6521-1.

L’article 32 apporte, enfin, plusieurs modifications de coordination, rédactionnelles pour l’essentiel, et prévoit l’application des nouvelles règles en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

III.   LA POSITION DU sÉnat

Le Sénat n’a adopté qu’un amendement de sa rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, en commission spéciale, avec l’avis favorable du Gouvernement. Cet amendement introduit une coordination supplémentaire à l’article L. 6525-2 du code des transports (traitant de la durée annuelle du temps de service des personnels navigants salariés), qui avait été oublié dans les ajustements rédactionnels réalisés par l’article 32.

IV.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spÉciale

Le rapporteur approuvant la simplification apportée par le présent article ainsi que la correction faite par le Sénat, la commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 33
Habilitation à légiférer par ordonnance
pour modifier certaines règles
applicables aux personnels de lOffice national des forêts
et des chambres dagriculture

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

A.   Les personnels de l’Office national des forÊts

L’Office national des forêts (ONF) est chargé de la mise en œuvre du régime forestier et de la gestion et de l’équipement des forêts publiques françaises.

Le chapitre II du titre II du livre II du code forestier a trait à l’organisation de cet établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle de l’État. Habituellement, les EPIC ont principalement recours à des personnels de droit privé. Dans le cas de l’ONF, les personnels sont au contraire principalement recrutés sous statut de la fonction publique. Ainsi, l’article L. 222-6 du code forestier dispose que « les agents de lOffice national des forêts sont régis par des statuts particuliers pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de lÉtat ». Cette même loi prévoit l’« adaptation de ces statuts aux besoins propres de loffice ».

Ainsi, le décret n° 2005-1779 du 30 décembre 2005 pris pour l’application de l’article L. 122-4 du code forestier prévoit que l’ONF puisse faire appel à des personnes contractuelles de droit public (pour les missions de service public administratif) ou à des salariés de droit privé (pour les missions autres que celles de service public administratif) en application du code du travail.

L’article L. 222-7 prévoit également – depuis la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique – le recrutement d’agents contractuels de droit public pour l’exercice de fonctions étrangères aux missions de service public industriel et commercial. 

Selon l’étude d’impact du projet de loi, « ce statut nest plus adapté aux évolutions de lenvironnement économique et de lactivité de lOffice. Ainsi, depuis plusieurs années, un mouvement de fond est constaté et les salariés de droit privé occupent une place de plus en plus importante ».

Les auteurs du rapport d’évaluation du contrat d’objectifs et de performance (COP) 2016-2020 de l’Office national des forêts (ONF) – proposition de pistes d’évolution établie par le Conseil général de lalimentation, de lagriculture et des espaces ruraux (CGAAER), le Conseil général de lenvironnement et du développement durable (CGDD), lInspection générale de ladministration (IGA) et lInspection générale des finances (IGF) en juillet 2019, indiquent qu’en 2018, 57 % des effectifs de l’ONF étaient sous statut de droit public (4 700 emplois) et 43 % sous statut de droit privé (3 100 emplois), principalement des ouvriers forestiers. La masse salariale représentant 55 % des charges de l’ONF en 2018 malgré une diminution des effectifs (9 038 ETPT), il s’agit d’un sujet majeur pour l’avenir de l’ONF dont la situation financière est déficitaire.

Ce même rapport rappelle qu’« une fonction importante portée par lONF est sa capacité à prévenir et sanctionner les infractions au code forestier, mais aussi au code de lenvironnement, au code rural et au code de la route ». Ainsi les articles L. 161-4 et L. 161-7 du code forestier prévoient que les agents en service à l’ONF et les agents des services de l’État chargés des forêts commissionnés à raison de leurs compétences en matière forestière et assermentés à cet effet puissent « rechercher et constater les infractions forestières ».

Selon l’intersyndicale ([144]) de l’ONF entendue par votre rapporteur, depuis trois ans, l’ONF ne recrute presque plus que des agents salariés de droit privé pour occuper des postes de techniciens forestiers territoriaux (gardes forestiers).

Pour les auteurs du rapport, « il convient de sassurer que ces agents salariés pourront exercer une activité de surveillance et de sanction de manière aussi efficace que les agents fonctionnaires ». Ils précisent que cette mission est décomposée en trois volets :

« - une surveillance technique axée sur le suivi des peuplements, du milieu naturel, des ouvrages, équipements et infrastructures du point de vue sylvicole (phytosanitaire) mais aussi de la sécurité. Cette surveillance implique le contrôle des cocontractants et ayants droit (dans le cadre des contrats de vente de bois ou de menus produits, prestations de service, affouage, chasse etc.) ;

« - une surveillance foncière destinée à préserver les limites de propriété, à contrôler les conditions dexercice des concessions et baux divers, et à faire cesser les troubles (empiètement, occupation sans titre) susceptibles de porter préjudice à la forêt et aux droits du propriétaire ;

« - la recherche et la constatation des infractions, cest-à-dire dactions et comportements interdits et réprimés par la loi et passibles de sanctions pénales (emprisonnement, amende, confiscation) ».

Seul ce troisième volet exige de disposer de pouvoirs de police judiciaire. La proposition n° 6 de la mission est donc de « modifier les textes du code forestier […] pour permettre aux agents salariés de droit privé occupant des fonctions de technicien forestier territorial de recevoir les pouvoirs spécialisés de police administrative et de police judiciaire nécessaires à lefficacité de leur action. »

Auditionné par votre rapporteur, M.  Bertrand Munch, directeur général de l’ONF, a estimé que le nombre de procès-verbaux dressés par technicien s’élevait à deux par an.

S’agissant de sa gouvernance, l’ONF dispose d’une instance dirigeante unique, un conseil d’administration, dont la composition est fixée par décret, en application de l’article L. 222-1 du code forestier. Il comprend :

-         des représentants de l’État (12 représentants prévus par l’article D. 222‑1 du même code) ;

-         des représentants des collectivités territoriales (1 conseiller régional prévu au même article D. 222-1) ;

-         des représentants des personnels (7 représentants prévus au même article D. 222-1) ;

-         des personnalités choisies en raison de leur compétence particulière dans le domaine professionnel, technique, économique, scientifique, social ou de la protection de la nature (4 représentants des personnes publiques autres que l’État, propriétaires de forêts relevant du régime forestier, 2 personnalités choisies parmi les membres du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances, 4 autres personnalités, l’une d’entre elles pouvant être un parlementaire, conformément au même article D. 222-1).

Comme le résument les auteurs du rapport de la mission des inspections précité : « le fait quil réunisse un grand nombre dacteurs, qui ne partagent pas tous la même conception de laffectio societatis qui caractérise en principe un administrateur, ne facilite pas les échanges et le dialogue en son sein ».

Relevant des défauts de gouvernance et de pilotage dont le contrat d’objectifs et de performance (COP) est l’illustration, la mission recommande de mettre en place un conseil d’administration composé de douze membres n’ayant pas de conflit d’intérêts avec l’établissement : un président-directeur général dont la voix serait prépondérante, six administrateurs désignés par l’État, deux administrateurs désignés par les salariés et trois personnalités qualifiées, indépendantes, avec une expérience de direction d’entreprise ou d’administration de sociétés.

La commission de la forêt communale serait maintenue pour conserver l’association des collectivités propriétaires à l’activité de l’ONF. Le comité scientifique de l’ONF serait également maintenu.

S’agissant de l’association des ministères en charge des politiques publiques concernées, des représentants de la filière bois, des chasseurs, des associations environnementales et des collectivités territoriales aujourd’hui représentés au conseil d’administration, la mission recommande de les associer au sein d’un conseil des forêts publiques françaises, distinct du conseil d’administration. Il « se recentrerait sur un rôle de coordination des parties prenantes pour la gestion du bien commun quest la forêt publique et la résolution des éventuels conflits dusage. Le conseil des forêts publiques françaises tiendrait un rôle de comité consultatif dappui au conseil dadministration de lONF. »

La mission recommande également la création d’un comité d’audit chargé de « veiller à ce que les comptes annuels donnent une image fidèle des opérations de lexercice, de la situation financière et du patrimoine de lorganisme. Il doit être majoritairement composé de personnalités qualifiées et dadministrateurs indépendants, et être présidé par lun deux. Il devrait comprendre au moins un administrateur particulièrement compétent en matière financière. Le service daudit de lONF, qui rend actuellement compte au comité de direction, ne serait responsable que devant ce comité dédié. »

B.   Les personnels des chambres d’agriculture

Le titre Ier du livre V du code rural et de la pêche maritime est relatif au réseau des chambres d’agriculture, établissements publics à caractère administratif placés sous la tutelle du ministère chargé de l’agriculture. Ce réseau consulaire comprend des chambres départementales, interdépartementales, régionales, interrégionales et un établissement national, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. Ces établissements sont pilotés par des élus professionnels représentants les principaux acteurs du secteur agricole, rural et forestier.

L’article L. 510-1 du même code investit les chambres d’agriculture de nombreuses missions qui « contribuent à lamélioration de la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières et accompagnent, dans les territoires, la démarche entrepreneuriale et responsable des agriculteurs ainsi que la création dentreprises et le développement de lemploi ». Elles représentent les intérêts de l’agriculture auprès des pouvoirs publics.

La loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers a prévu un statut spécifique pour le personnel administratif du réseau des chambres d’agriculture : il est établi par une commission nationale paritaire (CNP) nommée par le ministre chargé de l’agriculture.

L’article L. 514-3 du code rural et de la pêche maritime modifié par la loi n° 99-574 d’orientation agricole du 9 juillet 1999 a créé la commission nationale de concertation et de proposition (CNCP) qui « examine toutes questions relatives aux conditions demploi, de travail et de garanties sociales des personnels des chambres dagriculture ». Elle formule des propositions à la CNP précitée désormais compétente pour statuer sur tous les personnels et non plus seulement sur le personnel administratif des chambres d’agriculture. Les évolutions du statut adoptées en CNP font désormais l’objet d’une concertation préalable en CNCP entre les représentants des employeurs et les représentants des personnels des chambres.

En réponse à la question écrite n° 25330 du 30 avril 2013 de M. Paul Molac, député, le Gouvernement a précisé que « les dispositions du code du travail ne sappliquent pas directement aux salariés des chambres dagriculture. Pour rendre obligatoire les dispositions du code du travail à ces salariés, elles doivent avoir fait lobjet dune transposition dans le statut du personnel par la commission nationale paritaire. »

Par ailleurs, le Conseil d’État a rappelé que les agents administratifs des chambres d’agriculture n’étaient pas soumis aux dispositions du code du travail. Cependant l’article L. 514-4 du même code prévoit que les agents recrutés pour effectuer des activités de nature industrielle et commerciale relèvent d’une situation contractuelle de droit privé.

Le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) n° 13-139 relatif à l’articulation entre le code du travail et le statut du personnel des chambres d’agriculture ne concluait pas à la nécessité de modifier le statut du personnel des chambres d’agriculture à l’occasion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture l’alimentation et la forêt, alors en discussion au Parlement. L’article 89 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture l’alimentation et la forêt a néanmoins modifié les règles relatives à l’adaptation et à l’évolution du statut des personnels des chambres établi par la CNP en prévoyant que la CNCP « engage régulièrement, en cohérence avec les dispositions du code du travail, des négociations dans certains domaines et selon une périodicité définie par décret ».

Ainsi l’article 2 du décret n° 2015-549 du 18 mai 2015 relatif à la CNCP du réseau des chambres d’agriculture est ainsi rédigé : « Dans un délai de cinq ans à compter de la publication du présent décret, la Commission nationale de concertation et de proposition sassure de la cohérence des dispositions du statut du personnel des chambres dagriculture avec les dispositions du code du travail dans les domaines suivants : 1° Recours aux contrats à durée déterminée (CDD) et règles de gestion de ces contrats ; 2° Congés spécifiques ; 3° Procédures de licenciement et de suppression de poste ; 4° Santé et sécurité au travail ; 5° Sanctions disciplinaires et procédures applicables ; 6° Fonctionnement et attributions des institutions représentatives du personnel. »

Interrogées sur le rôle de la CNCP lors de l’audition de leur président M. Sébastien Windsor, les Chambres d’agriculture de France ont relevé que ses réunions étaient fréquentes mais que peu d’accords sociaux nationaux avaient été conclus : « la longue concertation pour parvenir à un comité économique et social qui concerne tous les personnels, sous statut comme de droit privé, na pas abouti ».

Les personnels des chambres d’agriculture sont majoritairement des personnels soumis à ce statut particulier de droit public qui n’a de fait quasiment pas évolué depuis sa création en 1952. Selon les Chambres d’agriculture de France, à la tête du réseau, ce statut est obsolète et cela engendre de réelles difficultés dans le fonctionnement quotidien du réseau. 

II.   Le DISPOSITIF DU PROJET DE LOI

Cet article habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables à l’Office national des forêts et au réseau des chambres d’agriculture.

D’une part, le Gouvernement souhaite faire siennes plusieurs propositions du rapport interministériel précité. Ainsi il souhaite modifier les dispositions du code forestier relatives à l’ONF afin d’élargir les possibilités de recrutement d’agents contractuels de droit privé et de leur permettre de concourir à l’exercice de l’ensemble des missions confiées à l’office, y compris la constatation de certaines infractions. Le Gouvernement demande également à pouvoir modifier la composition du conseil d’administration de l’ONF afin de faciliter la prise de décision au sein de l’office et de la mettre en cohérence avec les missions et le modèle économique de celui-ci, ainsi que prévoir les conditions dans lesquelles le conseil d’administration peut créer un comité d’audit.

D’autre part, le Gouvernement demande à prendre les mesures législatives nécessaires pour rapprocher les règles applicables aux agents des chambres d’agriculture de celles prévues par le code du travail et déterminer les modalités d’adoption de ces règles. Les spécificités du statut des personnels des chambres d’agriculture appellent des évolutions, conformément aux évolutions engagées dans les autres réseaux consulaires.

Le délai d’habilitation est de dix-huit mois, le Gouvernement disposant ensuite d’un délai de trois mois pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification de l’ordonnance.

III.   la position du sÉnat

A.   En commission spéciale

La réforme de l’Office nationale des forêts a fait l’objet de plusieurs amendements :

-         un amendement de la rapporteure de la commission spéciale a précisé l’habilitation à légiférer par ordonnance pour élargir les possibilités de recrutement par l’ONF d’agents contractuels de droit privé afin de limiter le champ des agents privés concernés à ceux commissionnés et assermentés à cet effet, en excluant explicitement de la compétence ainsi confiée la recherche des infractions et en spécifiant que les infractions sont celles relevant du code forestier à l’exclusion de celles relevant de tous les autres codes ;

-         un amendement de M. Sido et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Les Républicains a supprimé la possibilité pour le conseil d’administration de l’ONF de créer un comité d’audit. Cet amendement a également supprimé la référence à l’objectif de la réforme du conseil d’administration qui devait être de faciliter la prise de décision et de la mettre en cohérence avec les missions et le modèle économique de l’établissement. Il a précisé la composition du conseil d’administration qui devra prévoir « la représentation de lensemble des collectivités territoriales, afin denrichir la prise de décision de lOffice face aux nouveaux enjeux de la forêt » ;

-         deux amendements de la rapporteure de la commission spéciale concernant les conditions de l’élaboration de l’ordonnance relative à l’ONF ont prévu l’association des organisations syndicales représentatives des personnels de l’ONF d’une part, et des associations nationales d’élus locaux, en particulier ceux issus de collectivités territoriales propriétaires de forêts relevant du régime forestier, d’autre part, dans le cadre de ce processus.

La réforme du réseau des chambres d’agriculture a été modifiée sur deux points.

Adopté à l’initiative de la rapporteure de la commission spéciale, un premier amendement a encadré le champ de l’habilitation donnée au Gouvernement. Cet amendement prévoit d’une part que le rapprochement des règles applicables aux agents des chambres d’agriculture de celles prévues par le code du travail s’effectue à l’initiative du réseau des chambres d’agriculture. Il prévoit d’autre part que cette évolution intervienne dans le respect de l’organisation et des missions respectives des différents établissements infra‑nationaux du réseau.

Deux amendements identiques de Mme Artigalas et des membres du groupe Socialiste et républicain et de la rapporteure de la commission spéciale ont prévu que les organisations syndicales de salariés représentatives des personnels des chambres d’agriculture au niveau national et les représentants des employeurs soient associés à l’élaboration de l’ordonnance.

Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement prévoyant qu’au plus tard au moment du dépôt du projet de loi de ratification devant le Parlement (soit trois mois au plus tard à compter de la publication de l’ordonnance), le Gouvernement remette au Parlement un rapport rendant compte de l’association des parties prenantes à l’élaboration de l’ordonnance relative à l’ONF et au réseau des chambres d’agriculture (1° et 2° du I).

B.   En séance publique

En séance publique, deux amendements ont été adoptés à l’initiative du Gouvernement lui permettant d’étendre son habilitation à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi.

La première modification (3° du I) concerne l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) : le Gouvernement souhaite modifier sa dénomination, ses missions et compétences relatives à l’animation du réseau des chambres d’agriculture et des organismes inter-établissements du réseau mentionnés à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 514-2 du code rural et de la pêche maritime ([145]), y compris en matière de gestion des personnels et, en conséquence, modifier les missions des autres établissements, afin d’améliorer l’efficacité du fonctionnement du réseau. Le Gouvernement souhaite pouvoir tirer les conséquences législatives d’un premier contrat d’objectifs et de performance en cours d’élaboration par l’APCA qui porte un projet de réforme globale du réseau des chambres d’agriculture.

La seconde modification (4° du I) concerne la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte. Le Gouvernement est habilité à préciser les règles relatives à cet établissement afin qu’elles soient adaptées aux spécificités du territoire. Le Gouvernement a précisé qu’il s’agissait d’apporter une meilleure sécurité juridique à cette chambre d’agriculture afin d’améliorer sa gouvernance et d’accompagner le rééquilibrage de sa situation financière. Les règles relatives à la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte sont prévues aux articles L. 571-1 à L. 571-6 du code rural et de la pêche maritime.

IV.   LES TRAVAUX DE la COMMISSION spéciale

Votre rapporteur considère que le présent article est un article phare du projet de loi, attendu par les deux organismes à réformer, l’ONF d’une part, le réseau des chambres d’agriculture d’autre part.

L’APCA et le Gouvernement travaillent à un projet de contrat d’objectifs dont les avancées seront traduites dans la loi à l’issue de la concertation, ce qui justifie le recours aux ordonnances.

La commission spéciale a adopté cet article avec plusieurs modifications importantes. Pour l’ONF, l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance a été restreinte, tenant ainsi compte des inquiétudes des parlementaires. Pour le réseau des chambres d’agriculture, cette habilitation a été étendue afin de tirer les conséquences des avancées des discussions avec les parties prenantes du réseau.

A.   La réforme de l’office national des forêts a été restreinte et précisée

À l’initiative de son rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 686) ayant reçu un avis favorable du Gouvernement qui modifie son habilitation à légiférer par ordonnances afin que les agents contractuels de droit privé puissent constater des infractions dont le champ ne sera pas réduit au code forestier. Par cette modification, ces agents pourront être habilités à constater les infractions prévues non seulement au code forestier mais aussi au code de l’environnement, au code pénal, au code général des collectivités territoriales, au code de l’urbanisme, au code de la santé publique et au code de la route.  Il est en effet important que tous les personnels soient en capacité de sanctionner les mêmes infractions dès lors qu’elles portent atteinte aux milieux forestiers et à la biodiversité. Le contraire serait peu rationnel : des agents privés pourraient être témoins d’infractions sans pouvoir les constater.

Un amendement du Gouvernement (n° 631) ayant reçu un avis favorable du rapporteur a supprimé les alinéas 4 et 9 de l’article. Ce faisant, le Gouvernement a renoncé à modifier la composition du conseil d’administration de l’ONF. Au vu des incompréhensions suscitées par sa proposition au Sénat comme à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a jugé préférable de ne pas modifier l’article L. 222‑2 du code forestier actuellement en vigueur.

B.   La réforme des chambres d’agriculture a été élargie

Un autre amendement du Gouvernement (n° 633) ayant également reçu un avis favorable du rapporteur a rétabli la rédaction originelle du 2° du I de l’article sur la réforme des chambres d’agriculture, moyennant quelques ajustements. La rédaction adoptée étend le bénéfice du rapprochement avec les règles du code du travail aux agents des organismes inter-établissements du réseau (OIER), établissements publics créés entre plusieurs établissements du réseau des chambres. Elle permet aussi de prévoir que ce rapprochement soit opéré dans le cadre de l’ordonnance et non à l’initiative du réseau (comme pouvait le laisser entendre la rédaction adoptée par le Sénat). En effet, ce système a déjà été mis en place avec la Commission nationale de concertation et de proposition et il a montré son inefficacité puisque le statut des agents n’a quasiment pas évolué. La rédaction adoptée en commission spéciale supprime aussi la mention de l’organisation et des missions des autres établissements du réseau, susceptible de faire obstacle à une harmonisation des conditions d’emploi et de travail la plus poussée possible.

Le Gouvernement (amendement n° 632, 2ème rectification) a par ailleurs demandé à la commission spéciale d’étendre le champ de son habilitation à légiférer par ordonnance sur le réseau des chambres d’agriculture, ce qu’elle a accepté après un avis favorable de son rapporteur. Cet amendement prévoit la possibilité de modifier :

« a) Les conditions dans lesquelles les chambres régionales dagriculture peuvent proposer à des chambres départementales et à des chambres interdépartementales de leur ressort la création dune chambre dagriculture de région et leur transformation en chambre territoriale dépourvue de la personnalité juridique ;

« b) Les missions exercées par la chambre de région en lieu et place de la chambre régionale, des chambres départementales et des chambres interdépartementales rattachées, et les missions de proximité exercées par les chambres territoriales ;

« c) Lorganisation des chambres de région et des chambres territoriales concernées, notamment les conditions de désignation des élus siégeant dans les chambres territoriales ;

« d) Les conditions du transfert aux chambres de région des personnels employés antérieurement par les établissements rattachés, ainsi que des biens, droits et obligations. »

Ce faisant, l’habilitation permettra de créer de nouvelles chambres territoriales, sur la base du volontariat, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les chambres de commerce et d’industrie. Cette nouvelle modalité d’organisation s’inspire des réflexions en cours dans certaines chambres, notamment dans les Hauts-de-France.

S’agissant des conditions de la réforme, les sénateurs avaient souhaité préciser que les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national dans le réseau des chambres d’agriculture soient associées à l’élaboration de l’ordonnance prévue au 2° du I s’agissant des règles applicables aux agents des chambres d’agriculture. Suivant la même idée, la commission spéciale a adopté trois amendements identiques de M. Fiévet (n° 155) et de plusieurs de ses collègues membres du groupe La République en Marche, de Mme Bagarry (n° 200) et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Écologie, démocratie, solidarité et de M. Venteau (n° 434) et de plusieurs de ses collègues membres du groupe La République en Marche. Ces amendements ont reçu un avis favorable du rapporteur et le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de la commission spéciale. Ils prévoient que les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national dans le réseau des chambres d’agriculture soient associées à l’élaboration de l’ordonnance prévue au 3° du I qui concerne la réforme de l’APCA.

M. Venteau et plusieurs de ses collègues membres du groupe La République en Marche sont également à l’initiative d’un amendement (n° 432) adopté par la commission spéciale, avec un avis de sagesse du rapporteur et Gouvernement. Il prévoit que les députés et les sénateurs seront associés à l’élaboration de l’ordonnance prévue au même 3° du I. Compte tenu de cet apport, le rapporteur a émis un avis favorable à l’adoption de l’amendement (n° 634) du Gouvernement qui supprime la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement rendant compte de l’association des parties prenantes à l’élaboration de l’ordonnance prévue par cet article.

Article 33 bis AA (nouveau)
(article L. 166 G [nouveau] du livre des procédures fiscales)
Communication de la matrice cadastrale aux experts forestiers

Introduit par la commission

La commission spéciale a adopté un amendement (n° 513) présenté par M. Turquois et plusieurs de ses collègues membres du groupe MODEM qui pérennise la possibilité, pour les experts forestiers, d’obtenir communication de la matrice cadastrale. Cet amendement a reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

La matrice cadastrale est le seul instrument qui permette de connaître les propriétaires des bois et forêts. Son utilisation est limitée à l’administration fiscale et, sur demande, aux notaires. Or, l’éparpillement des données cadastrales quant à la propriété forestière bloque la politique de mobilisation du bois. En connaissant l’identité des propriétaires en forêt privée, les opérateurs économiques pourraient proposer d’effectuer l’exploitation de parcelles aujourd’hui laissées à l’abandon et contribueraient à développer la production de bois.

C’est la raison pour laquelle l’article 94 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a autorisé, à titre expérimental pour trois ans, la transmission aux organisations de producteurs intervenant en forêt des données détenues par le cadastre, mentionnées à l’article L. 107 A du livre des procédures fiscales : les références cadastrales, l’adresse ou, le cas échéant, les autres éléments d’identification cadastrale des immeubles, la contenance cadastrale de la parcelle, la valeur locative cadastrale des immeubles ainsi que les noms et adresses des titulaires de droits sur ces immeubles.

Le présent article pérennise cette disposition expérimentale afin de favoriser la mise en gestion, l’entretien et l’exploitation durables des ressources forestières qui sont caractérisées par un morcellement très important.

L’amendement de M. Turquois prévoyait que seules les données mentionnées à l’article L. 107 A du livre des procédures fiscales pourraient être communiquées aux experts forestiers. Un sous-amendement (n° 702) présenté par le Gouvernement et accueilli favorablement par le rapporteur a supprimé cette référence et précisé que les données communicables seraient celles situées dans le périmètre géographique dans lequel l’expert forestier est habilité à exercer ses missions d’information. Il a renvoyé au décret prévu au II de l’article la liste des données cadastrales qui pourront être communiquées.

Article 33 bis AB (nouveau)
Prolongation de trois ans de lexpérimentation sur lexercice et le transfert de certaines missions dans le réseau des chambres dagriculture

Introduit par la commission

À l’initiative du Gouvernement et suivant un avis favorable du rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 635 rectifié) qui prolonge de trois ans à compter de la date de promulgation de la présente loi l’expérimentation prévue à l’article 38 de la loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (dite loi « ESSOC ») et à l’ordonnance n° 2019‑59 du 30 janvier 2019 relative à l’exercice et au transfert, à titre expérimental, de certaines missions dans le réseau des chambres d’agriculture ([146])

Par la loi dite « ESSOC » précitée, le Gouvernement a été habilité à mener une expérimentation d’une durée de trois ans relative aux chambres d’agriculture. L’expérimentation portait sur trois points :

« 1° Les conditions dans lesquelles des établissements du réseau des chambres dagriculture assurent, au bénéfice des exploitants agricoles, une mission dinformation sur la réglementation nationale et européenne qui leur est applicable et sur les contrôles susceptibles dêtre réalisés à ce titre, dappui au dépôt des demandes daides par ces exploitants et dassistance à leur mise en conformité avec la réglementation ;

« 2° Les conditions dans lesquelles les chambres régionales dagriculture qui le souhaitent exercent à titre exclusif, en lieu et place des autres établissements du réseau de leur circonscription, tout ou partie des missions attribuées à ceux-ci ;

« 3° Le transfert aux chambres régionales dagriculture, ou la mise à la disposition de ces dernières, de personnels employés par dautres établissements du réseau de leur circonscription. »

L’expérimentation doit prendre fin en janvier 2022. Son déroulement a été bouleversé par la crise liée à l’épidémie de covid-19 qui a largement perturbé le plan de travail des chambres d’agriculture, pleinement mobilisées dans l’accompagnement des agriculteurs et le maintien de la chaîne alimentaire au cours du premier semestre 2020. Il est à prévoir que ces perturbations se poursuivent dans les mois à venir, sachant que le bilan de l’expérimentation devait être réalisé à l’été 2021. Les premiers résultats déjà obtenus méritent d’être approfondis avant de juger de leur pertinence.

Article 33 bis A
(articles L. 124-2, L. 142-6 et L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime)
Toilettage du code rural et de la pêche maritime

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

A.   L’article L. 124-2 du code rural et de la pêche maritime

L’article L. 124-2 du code rural et de la pêche maritime organise la cessibilité des droits de plantation de vignes. Il prévoit que lors d’un transfert de propriété résultant d’un échange d’immeubles ruraux, un droit de plantation de vigne puisse également être cédé, même si le fonds transféré n’est pas planté en vigne au jour de la cession.

Le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 a introduit au niveau européen un nouvel outil de gestion du potentiel de production viticole. Depuis le 1er janvier 2016, le régime européen des droits de plantation de vignes a été remplacé par le régime des autorisations de plantation. Chaque année, chaque État membre de l’Union européenne rend disponibles des autorisations de plantations nouvelles correspondant au plus à 1 % de la superficie nationale totale plantée en vignes. En France, l’augmentation potentielle annuelle est d’environ 7 500 hectares. Contrairement au précédent système des droits de plantation cessibles mais payants, les autorisations de plantation sont octroyées à titre gratuit et sont incessibles.

Depuis le 1er janvier 2016, le régime des autorisations de plantation est décrit dans la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime (section 1 « Gestion du potentiel de production viticole » du chapitre V du titre VI du livre VI).

La cessibilité des droits de plantation des vignes prévue à l’article L. 124‑2 du même code est donc devenue sans objet.

B.   L’article L. 142-6 du code rural et de la pêche maritime

L’article L. 142-6 du code rural et de la pêche maritime est relatif aux conventions de mise à disposition des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Ces conventions prévoient qu’un propriétaire foncier puisse confier à la SAFER la gestion locative de ses terres agricoles ou viticoles. Une telle convention, d’une durée de six ans au maximum, renouvelable une fois, répond à une situation transitoire d’un immeuble rural en attendant que son propriétaire décide de son usage à long terme (vente, exploitation par lui-même ou mise en location à laquelle s’applique le bail rural). Avec la convention de mise à disposition, les nombreuses règles applicables au bail rural et au statut du fermage ne s’appliquent pas, sauf en ce qui concerne le prix.

L’article 32 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a modifié les deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 142-6 pour notamment doubler la durée de ces conventions, autrefois limitées à trois ans, renouvelable une fois. Le régime de droit commun de ces conventions s’est aligné sur la durée des conventions applicables aux immeubles ruraux situés dans les périmètres de protection et d’aménagement des espaces naturels et agricoles et aux immeubles ruraux destinés à un pâturage extensif saisonnier, soit six ans (deuxième alinéa de l’article, non modifié par cette même loi).

Le deuxième alinéa de l’article L. 142-6 précité est donc devenu sans objet puisque similaire au droit commun décrit à l’alinéa précédent.

C.   L’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime

L’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime institue au profit des SAFER un droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole ou de terrains nus à vocation agricole.

Le deuxième alinéa de cet article prévoit que le droit de préemption de la SAFER puisse également être exercé lors de l’aliénation à titre onéreux de bâtiments situés dans une zone agricole ou un espace conférant aux terrains une vocation agricole ([147]) « et qui ont été utilisés pour lexercice dune activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé laliénation, pour leur rendre un usage agricole [perdu] ».

Il s’agit d’un régime autrefois réservé aux bâtiments situés en zone de montagne (avant-dernier alinéa de l’article) et que la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée a étendu à l’ensemble du territoire en modifiant le deuxième alinéa de l’article.

À noter que la loi n° 2019-469 du 20 mai 2019 pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale a étendu ce droit de préemption aux bâtiments utilisés pour l’exploitation de cultures marines exigeant la proximité immédiate de l’eau au cours des vingt années précédant l’aliénation et pour affecter ces bâtiments à l’exploitation de cultures marines.

II.   Les dispositions adoptées par le sénat

Adopté en séance publique à l’initiative de M. Daniel Gremillet, membre du groupe Les Républicains, avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission spéciale, un amendement portant article additionnel modifie trois articles du code rural et de la pêche maritime. Il procède à un « toilettage » de ce code en abrogeant et en modifiant plusieurs articles à droit constant.

Le 1° du I abroge, à compter du 1er janvier 2021 (II de l’article), l’article L. 124-2 du code rural et de la pêche maritime devenu sans objet avec l’entrée en vigueur du régime des autorisations de plantation de vignes (gratuit et incessible) en substitut du régime des droits de plantation de vignes (payant et cessible).

Le 2° du I supprime le deuxième alinéa de l’article L. 142-6 du même code, doublon des deux dernières phrases du premier alinéa de ce même article depuis l’adoption de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée.

Le 3° du I procède à une clarification rédactionnelle au sein de l’article L. 143-1 du même code. Les dispositions applicables aux communes ou parties de communes de montagne actuellement prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article sont rapprochées de celles applicables au reste du territoire pour les terrains à usage agricole et les terrains nus à vocation agricole au sein du deuxième alinéa. En conséquence, l’avant-dernier alinéa de l’article est supprimé.

III.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel (n° 183) de son rapporteur, auquel le Gouvernement a émis un avis favorable.

Article 33 bis B (nouveau)
(articles L. 256-2 et L. 256-2-1 du code rural et de la pêche maritime)

Rattachement des missions du groupement dintérêt public « GIP Pulvés » à un autre organisme et modification de ses missions

Introduit par la commission

À l’initiative de son rapporteur et suivant un avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 683) qui met fin au groupement d’intérêt public « GIP Pulvés » en rattachant ses missions à un autre organisme. Les conditions dans lesquelles est désigné cet organisme et le contenu des missions qui lui sont confiées seront précisés par voie réglementaire.

Le « GIP Pulvés » est un groupement d’intérêt public réunissant l’État (ministères chargés de l’agriculture et de la transition écologique), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Il apporte à l’autorité administrative son appui technique dans la définition et la mise en œuvre des procédures de contrôle et d’agrément des matériels d’application des produits phytopharmaceutiques (pulvérisateurs) et son expertise pour la recherche et la constatation des infractions aux prescriptions relatives à ces matériels. Il organise et assure la mise en œuvre de leur inspection périodique obligatoire. Il a en outre la charge d’instruire les demandes d’agrément des organismes d’inspection en charge du contrôle des pulvérisateurs et les demandes d’agrément des centres de formation des inspecteurs.

L’arrêté du 16 avril 2019 portant approbation de la convention constitutive du groupement d’intérêt public « Pulvés » prévoit que le groupement sera constitué pour une durée de deux ans non renouvelable (sachant que la précédente convention constitutive fut en vigueur entre 2009 et 2019). Son activité doit ainsi cesser au plus tard le 16 avril 2021. Le groupement est constitué d’une seule personne, ce qui confère une certaine fragilité à la structure et ne lui permet pas d’assurer pleinement et efficacement toutes les missions qui lui sont confiées.

Pour cette raison, l’article adopté simplifie et fiabilise le dispositif de contrôle des pulvérisateurs à travers :

- la mise en place d’une accréditation pour l’agrément des organismes d’inspection des pulvérisateurs à compter du 1er janvier 2021 ;

- la suppression de l’intervention du « GIP Pulvés » pour l’agrément des centres de formation des inspecteurs ;

- la disparition du « GIP Pulvés » en rattachant les missions résiduelles de cette entité administrative à une structure préexistante, de taille plus significative.

Ainsi l’article L. 256‑2-1 est-il modifié pour supprimer les références au « GIP Pulvés » dans la partie législative du code rural et de la pêche maritime. Cette modification entrera en vigueur le 1er janvier 2021, afin de permettre au nouvel organisme reprenant une partie des missions régaliennes du « GIP Pulvés » de pouvoir travailler avec lui avant sa disparition effective le 16 avril 2021. Cet opérateur sera désigné par le ministre chargé de l’agriculture à l’issue d’une procédure de sélection.

Cet article apporte une simplification du suivi du système de contrôle des pulvérisateurs pour les services du ministère chargé de l’agriculture et du ministère chargé de la transition écologique.

Il est sans impact budgétaire puisqu’il est prévu que la redevance sur les contrôles (fixée à 5 euros) finance l’activité de supervision.

Article 33 bis
(article L. 222-2 du code forestier)
Création dun comité daudit au sein de lOffice national des forêts

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

L’Office national des forêts (ONF) est administré par un conseil d’administration qui peut créer, en application de l’article L. 222-2 du code forestier, des comités consultatifs placés sous la présidence d’un de ses membres. Cantonnés à un rôle strictement consultatif, ces comités comportent nécessairement des « représentants des différentes activités intéressées par la forêt ». La loi exclut la présence d’administrateurs indépendants de l’ONF. 

Ces comités consultatifs se distinguent des comités spécialisés au sens de l’article L. 823-19 du code de commerce qui assurent « le suivi des questions relatives à lélaboration et au contrôle des informations comptables et financières » et dont la composition comprend des membres du conseil d’administration ou de surveillance de l’entité. Surtout, un membre au moins du comité doit présenter des compétences particulières en matière financière, comptable ou de contrôle légal des comptes et être indépendant.

La mission interministérielle sur l’évaluation du contrat d’objectifs et de performance (COP) 2016-2020 de l’Office national des forêts de juillet 2019 ([148]) recommande de réformer la gouvernance de l’office. Outre la modification du conseil d’administration de l’établissement dont la composition serait réduite pour constituer un véritable organe décisionnel, la mission recommande d’y attacher un comité d’audit – dans l’esprit des comités spécialisés prévus par l’article L. 823‑19 précité – qui devrait « veiller à ce que les comptes annuels donnent une image fidèle des opérations de lexercice, de la situation financière et du patrimoine de lorganisme. Il doit être majoritairement composé de personnalités qualifiées et dadministrateurs indépendants, et être présidé par lun deux. Il devrait comprendre au moins un administrateur particulièrement compétent en matière financière. Le service daudit de lONF, qui rend actuellement compte au comité de direction, ne serait responsable que devant ce comité dédié. »

II.   Les dispositions adoptées par le sénat

A.   En commission spéciale

Suivant la recommandation du rapport de la mission interministérielle, la commission spéciale a adopté un amendement de sa rapporteure qui prévoit la possibilité pour l’Office national des forêts de créer un comité d’audit auprès de son conseil d’administration. Ce comité assurerait le suivi des questions relatives à l’élaboration et au contrôle des informations comptables et financières de l’établissement.

Le dispositif adopté modifie directement l’article L. 222-2 du code forestier en conséquence de la suppression – à l’article 33 du projet de loi et à l’initiative de la rapporteure de la commission spéciale – de l’habilitation du Gouvernement à légiférer sur ce point par ordonnance. 

Interrogé sur ce projet, l’office s’est dit favorable à cette recommandation de la mission interministérielle.

B.   En séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté cet article sans modification.

III.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 33 ter (nouveau)
(article L. 211-3 du code de lenvironnement)
Détermination par décret des volumes deaux prélevables dans certains bassins en déséquilibre significatif

Introduit par la commission

À l’initiative du Gouvernement et suivant un avis favorable du rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 716) qui complète l’article L. 211-3 du code de l’environnement pour prévoir qu’« un décret détermine les modalités dans lesquelles les volumes prélevables dans les eaux de surface ou souterraines sont évalués dans certains bassins en déséquilibre quantitatif. »

Dans le contexte du changement climatique, la ressource en eau se raréfie et le partage de cette ressource entre les différents usagers (eau potable, irrigation pour l’agriculture, industrie) est un enjeu majeur. Certains bassins hydrographiques sont d’ores et déjà en déséquilibre quantitatif (les prélèvements sont supérieurs à la ressource disponible).

La politique de retour à l’équilibre structurel des bassins versants initiée par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre sur l’eau et les milieux aquatiques a conduit à une organisation collective des prélèvements en eau pour l’irrigation agricole avec la création d’organismes uniques de gestion collective et des autorisations uniques de prélèvements. Dans ce cadre, la réalisation d’études d’évaluation des volumes prélevables dans le respect des milieux a été organisée par circulaire.

Toutefois, les conditions de réalisation de ces études n’ont pas toujours permis d’assurer la solidité juridique de certaines autorisations uniques de prélèvement par une justification suffisante du caractère respectueux des milieux des volumes déterminés et autorisés.

Ce dispositif entend répondre aux fragilités de ces autorisations uniques de prélèvements en donnant un cadre juridique consolidé à la définition des volumes prélevables dans les milieux, qui sont le fondement de ces autorisations. Un décret précisera les modalités d’évaluation de ces volumes prélevables dans certains bassins en déséquilibre quantitatif en définissant notamment les instances associées à cette évaluation ou les bassins concernés par cette évaluation. 

Selon les mots de M. Julien Denormandie, ministre chargé de l’agriculture, en commission spéciale : « Les modalités de la répartition des volumes prélevables dans les eaux de surface ou souterraines constituent toujours une pierre dachoppement. Leur cadre juridique na jamais été précisé. Par cet amendement, le Gouvernement sengage à ce que le décret déterminant ces modalités soit finalisé le plus rapidement possible, afin de faciliter les concertations. »

Article 33 quater (nouveau)
(article L. 214-10 du code de lenvironnement)
Modification des
conditions de recours contre les décisions relatives aux projets douvrages de prélèvement deau à usage dirrigation

Introduit par la commission

À l’initiative de votre rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 717) créant un article 33 quater qui modifie les règles applicables aux recours contre les ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation. Le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de la commission spéciale, sous réserve de retravailler le dispositif d’ici la séance publique, souci partagé par le rapporteur.

La nouvelle version de l’article L. 214-10 du code de l’environnement qui en résulte prévoit que le Conseil d’État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des recours juridictionnels formés contre les décisions relatives aux projets d’ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation. L’article adopté renvoie à un décret en Conseil d’État les critères définissant les ouvrages concernés par cette procédure.

Le rapporteur de la commission spéciale a à cœur de simplifier l’exercice du métier d’agriculteur et d’apporter des solutions concrètes aux multiples épisodes de sécheresse.  Deux dispositifs complémentaires constituent des pistes de solutions que le rapporteur n’exclut pas de retravailler en séance publique :

-         la facilitation du stockage de l’eau, prévu par l’article 33 ter ;

-         la facilitation de la construction d’ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation par la simplification et l’accélération des voies de recours contre ces ouvrages, objet du présent article.

Le dispositif de l’article 33 quater est inspiré de celui prévu par l’article 25 ter du présent projet de loi s’agissant des recours contre les installations de production d’énergie renouvelable en mer ainsi qu’à leurs ouvrages connexes, réseaux et infrastructures portuaires. Ces deux dispositifs contribueront à considérablement réduire les délais de contentieux.

Article 33 quinquies (nouveau)
(article L. 434-5 du code de lenvironnement)
Dématérialisation et centralisation des cotisations de pêche des pêcheurs de loisir

Introduit par la commission

La commission spéciale a introduit cet article par l’adoption d’un amendement (n° 556) de Mme Le Meur et ses collègues membres du groupe La République en Marche, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Cet article modifie l’article L. 434-5 du code de l’environnement : la rédaction actuelle précise que la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique (FNPF) perçoit les cotisations pêche et milieux aquatiques « versées par les fédérations adhérentes ». Cet article, introduit par la loi n° 2006‑1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques qui a modernisé le secteur de la pêche, permettait de garantir qu’une partie des cotisations pour adhésion des pêcheurs soient reversées, au niveau national, à la FNPF.

Or, aujourd’hui, l’adhésion en ligne et le paiement direct des cotisations dues par les pêcheurs sur le compte cartedepeche.fr, géré par la FNPF, se généralisent. Dans ce cas, il n’y a plus stricto sensu de « versement d’une cotisation » par les fédérations départementales à la FNPF, mais une ponction par cette dernière de la part correspondante, avant reversement aux fédérations du reste des cotisations.

Le présent article permet la généralisation de la simplification que représentent l’adhésion et le paiement direct en ligne pour les pratiquants de la pêche de loisir.

Article 33 sexies (nouveau)
(article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques)
Suppression de la
limite de superficie des cessions foncières gratuites de lÉtat aux collectivités territoriales et à leurs groupements en Guyane

Introduit par la commission

La commission spéciale a adopté un amendement (n° 176) de M. Lénaïck Adam du groupe La République en Marche et de plusieurs de ses collègues, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

L’article L. 5142‑1 du code général de la propriété des personnes publiques applicable au département de la Guyane fixe une limite de superficie aux cessions à titre gratuit que l’État peut faire aux collectivités territoriales ou à leurs groupements en vue de constituer, sur le territoire d’une commune, des réserves foncières. En effet, la superficie globale cédée en une ou plusieurs fois ne peut excéder, sur chaque commune, une superficie de référence égale à dix fois la superficie des parties agglomérées de la commune de situation des biens cédés pour chaque période de dix années, à compter de la date de la première cession gratuite.

Or l’État s’est engagé, dans l’Accord de Guyane du 21 avril 2017, à céder, à titre gratuit, à la collectivité territoriale de Guyane et aux communes et groupements de communes de Guyane 250 000 hectares de foncier lui appartenant.

Le présent article supprime la limite de superficie prévue à l’article L. 5142‑1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui pourrait constituer un obstacle à la cession.

Article 34
(articles L. 5125-15, L. 5125-33, L. 512535, L. 5125-36, L. 5424-2 et L. 5521-2 du code de la santé publique)
Assouplissement des conditions du commerce électronique de médicaments par une pharmacie dofficine

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 5125-15 du code de la santé publique dispose que le pharmacien titulaire d’une officine doit exercer personnellement sa profession et qu’en toutes circonstances, les médicaments doivent être préparés par un pharmacien, ou sous la surveillance directe d’un pharmacien. Le pharmacien doit être assisté d’un pharmacien adjoint si son chiffre d’affaires est important : le même article L. 5125-15 prévoit qu’un arrêté du ministre chargé de la santé fixe, après avis du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, le nombre des pharmaciens dont les titulaires d’officine doivent se faire assister en raison de l’importance de leur chiffre d’affaires.

Les règles relatives au commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine sont fixées par le chapitre V bis du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique.

L’article L. 5125-33 de ce chapitre définit le commerce électronique de médicaments comme « lactivité économique par laquelle le pharmacien propose ou assure à distance et par voie électronique la vente au détail et la dispensation au public des médicaments à usage humain et, à cet effet, fournit des informations de santé en ligne ». Cet article prévoit que l’activité de commerce électronique est réalisée à partir du site internet d’une officine de pharmacie et que la création et l’exploitation d’un tel site sont exclusivement réservées aux pharmaciens titulaires d’une officine et aux pharmaciens gérants d’une pharmacie mutualiste ou de secours minière, exclusivement pour leurs membres. Les pharmaciens adjoints ayant reçu une délégation peuvent participer à l’exploitation du site internet de l’officine de pharmacie. Les pharmaciens sont responsables du contenu du site internet et des conditions dans lesquelles l’activité de commerce électronique de médicaments s’exerce.

L’article L. 5125-36 du même chapitre prévoit que la création du site internet de commerce électronique de médicaments de l’officine de pharmacie est soumise à autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétente. L’article L. 5125-38 du code de la santé publique prévoit que la cessation d’activité de l’officine de pharmacie entraîne la fermeture de son site internet.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

La règle posée par l’article L. 5125-15 du code de la santé publique selon laquelle le nombre de pharmaciens nécessaires pour seconder le titulaire d’une officine est fonction de l’importance du chiffre d’affaires peut se justifier par des raisons de santé publique pour la vente en officine « physique » mais n’apparaît pas aussi justifiée dans le cadre de la vente en ligne. En effet, dans ce cas, le chiffre d’affaires est majoritairement généré par des produits autres que des médicaments (hygiène, cosmétique notamment), ce qui n’impose pas nécessairement la présence d’un pharmacien pour assurer la sécurité de la vente. De plus, cette règle peut faire peser un coût salarial élevé et disproportionné sur les officines concernées.

C’est pourquoi le 1° de l’article 34 du projet de loi modifie l’article L. 5125‑15 du code de la santé publique pour prévoir que le pharmacien titulaire d’officine est assisté de pharmaciens adjoints « en fonction de lactivité de son officine » et non plus en fonction du chiffre d’affaires. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’appréciation des éléments constitutifs de cette activité ainsi que les modalités de transmission des informations correspondantes. Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe, après avis du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, le nombre de pharmaciens adjoints requis en fonction de l’activité de l’officine. Cette évolution permettra de mieux prendre en considération la réalité de l’exercice du pharmacien (amplitude horaire, personnels à encadrer par exemple). Les textes réglementaires pourront exclure des produits comme ceux de parapharmacie ou les produits cosmétiques du champ d’évaluation de l’activité.

La règle posée par l’article L. 5125-33 du code de la santé publique selon laquelle l’activité de commerce électronique est réalisée à partir du site internet d’une officine de pharmacie peut entraver le développement d’une telle activité, notamment dans les zones urbaines où le foncier est plus rare et cher. C’est pourquoi le 2° de l’article 34 modifie l’article L. 5125-33 du code de la santé publique pour prévoir que la vente de médicaments sur internet pourra être réalisée dans un autre local que celui de l’officine. Ce local sera rattaché à la licence de l’officine et placé sous le contrôle d’un pharmacien. L’article L. 5125‑33 est également modifié pour prévoir que la vente en ligne peut avoir lieu non seulement partir du site internet d’une officine de pharmacie, mais aussi d’une plateforme en ligne commune à plusieurs officines. La création et l’exploitation d’une plateforme sont exclusivement réservées aux représentants légaux de ces officines. Les 4° et 5° de l’article 34 procèdent à des modifications de coordination pour prendre en compte l’évolution de la rédaction de l’article L. 5125-33 du code de la santé publique.

L’obligation d’obtenir une autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétente pour créer un site internet de commerce électronique de médicaments étant trop contraignante, le 3° de l’article 34 modifie l’article L. 5125-36 du code de la santé pour remplacer l’autorisation par une déclaration préalable auprès du directeur général de l’agence régionale de santé.

Le 6° de l’article 34 complète l’article L. 5424-2 du code de la santé publique pour prévoir que l’absence de transmission à l’agence régionale de santé des informations relatives aux éléments constitutifs de l’activité constitue un manquement soumis à sanction financière. Cette disposition vise à lutter contre la non-déclaration et les déclarations incorrectes.

Enfin, le 7° de l’article 34 modifie l’article L. 5521-2 du code de la santé publique pour étendre à Wallis-et-Futuna l’application de la nouvelle rédaction de l’article L. 5125-15 du code de la santé publique.

III.   la position du Sénat

A.   L’EXAMEN EN COMMISSION SPÉCIALE

Lors de l’examen en commission spéciale, les sénateurs ont adopté trois amendements de la rapporteure qui modifient considérablement la portée de l’article 34 tout en conservant la substitution du régime de déclaration au régime d’autorisation pour l’ouverture du site internet d’une officine.

Le premier amendement portait sur l’article L. 5125-15 du code de la santé publique prévue par le 1° de l’article 34 pour modifier les règles relatives au recrutement des pharmaciens adjoints. D’une part, il prévoit que celles-ci doivent être fixées non en fonction de l’activité comme le proposait le projet de loi, mais en fonction de la part du chiffre d’affaires qui permet au pharmacien titulaire de dégager de la marge (qui est plafonnée par arrêté ministériel). Cette nouvelle rédaction établit un compromis entre l’obligation de recrutement justifiée par l’objectif de santé publique et la pérennité économique des officines libérales. Par ailleurs, le 1° de l’article 34 prévoit que les organisations professionnelles représentatives des pharmaciens doivent être consultées pour la préparation de l’arrêté relatif au recrutement des pharmaciens-adjoints prévu par l’article L. 5125‑15 du code de la santé publique.

Le deuxième amendement supprime les 2°, 4° et 5° de l’article 34 et modifie le 3° pour supprimer l’ouverture du commerce électronique des médicaments aux plateformes en ligne et la possibilité d’exercer cette activité dans un local distinct de l’officine. Le Sénat craint en effet que ces dispositions permettent que le gestionnaire du support virtuel de la vente ne soit plus le seul vendeur lui-même, ce qui ferait courir deux risques : l’hébergement virtuel de la vente en ligne de médicaments pourrait être confié à un prestataire de droit commun auquel seraient seulement applicables les dispositions du code de la consommation et, dans le cas où les officines exploitantes de la plateforme choisiraient d’en conserver la gestion, celle-ci serait assumée par celles qui ont la surface financière la plus importante, ce qui présenterait le risque de limiter l’activité des officines de petite taille, qui sont l’un des derniers éléments de soutien du tissu économique et social local, à la seule dispensation des médicaments à prescription médicale obligatoire, exclus de la vente en ligne.

Le troisième amendement complète le 6° de l’article 34 pour ajouter à la liste des manquements passibles de sanctions financières prévus par l’article L. 5424-2 du code de la santé publique le fait de ne pas respecter les conditions de création et d’exploitation d’un site de commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine en application de l’article L. 5125-33 du même code.

B.   L’EXAMEN EN SÉANCE PUBLIQUE

L’article 34 a été à nouveau largement réécrit en séance publique par l’adoption d’une série d’amendements identiques du Gouvernement, de M. Bernard Buis et des membres du groupe La République En Marche, de Mmes Corine Imbert et Martine Berthet et de membres du groupe Les Républicains ainsi que de M. Jean-Pierre Sueur et des membres du groupe Socialiste et républicain. Cette nouvelle rédaction a permis d’aboutir à un équilibre du dispositif.

Ces amendements modifient la rédaction de l’article L. 5125-15 du code de la santé publique prévue par le 1° de l’article 34 pour prévoir que le pharmacien titulaire d’officine est assisté de pharmaciens adjoints en fonction de l’activité globale de son officine et que les conditions d’appréciation de cette activité et les modalités de transmission à l’agence régionale de santé des informations correspondantes sont définies par décret en Conseil d’État. Cette nouvelle rédaction assouplit les dispositions actuelles pour ne plus lier le recrutement de pharmaciens adjoints à la seule notion de chiffre d’affaires et permet de s’adapter à l’évolution de la profession.

Ils rétablissent le 2° de l’article 34 dans une rédaction différente de celle du projet de loi initial et suppriment l’ouverture du commerce électronique des médicaments aux plateformes en ligne et la possibilité d’exercer cette activité dans un local distinct de l’officine

Enfin, ils suppriment le complément apporté au 6° en commission spéciale qui ajoutait à la liste des manquements passibles de sanctions financières le fait de ne pas respecter les conditions de création et d’exploitation d’un site de commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine en application de l’article L. 5125-33 du code de la santé publique.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté une série d’amendements rédactionnels de son rapporteur.

Article 34 bis A
Limitation de la durée de validité de la carte Vitale à la durée de la validité des droits

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

L’article L. 161-31 du code de la sécurité sociale prévoit que les organismes d’assurance maladie délivrent gratuitement une carte électronique individuelle inter-régimes à tout bénéficiaire de l’assurance maladie et que cette carte est valable partout en France et « tout au long de la vie de son titulaire, sous réserve que la personne bénéficie de prestations au titre dun régime dassurance maladie et des mises à jour concernant un changement de régime ou des conditions de prise en charge ».

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 34 bis A est issu de l’adoption, en séance publique, d’un amendement de Mme Nathalie Goulet, du groupe de l’Union centriste, qui a reçu un avis favorable de la rapporteure. Dans le but de lutter contre la fraude, il modifie l’article L. 161-31 du code la sécurité sociale pour prévoir que la carte Vitale est valable non plus « tout au long de la vie » de son titulaire mais « durant la validité » de ses droits. Cet amendement a reçu un avis défavorable du Gouvernement qui a indiqué que cette modification était inutile car l’article L. 161-31 du code de la sécurité sociale prévoyait déjà que la carte était valable sous réserve que son titulaire bénéficie de prestations au titre d’un régime d’assurance maladie et des mises à jour concernant un changement de régime ou des conditions de prise en charge.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a supprimé l’article par l’adoption des amendements identiques n° 143 de Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe Socialistes et apparentés et n° 675 du rapporteur, qui ont recueilli un avis favorable du Gouvernement. L’article 34 bis A était redondant avec les dispositions de l’article L. 161-31 du code la sécurité sociale qui prévoit que la carte est valable seulement sous réserve que son titulaire bénéficie de prestations au titre d’un régime d’assurance maladie et des mises à jour concernant un changement de régime ou des conditions de prise en charge.

Article 34 bis BA (nouveau)
(article L. 111181 du code de la santé publique)
Utilisation du numéro de sécurité sociale par les services de santé au travail

Introduit par la commission

L’article 34 bis BA a été introduit par l’adoption d’un amendement n° 422 de Mme Danielle Brulebois, du groupe La République en marche, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Il complète l’article L. 1111‑8‑1 du code de la santé publique pour permettre aux services de santé au travail d’utiliser le numéro de sécurité sociale pour la prise en charge des personnes qu’ils suivent. Jusqu’ici, ils ne pouvaient que le stocker mais pas l’utiliser, ce qui semblait assez illogique à l’ère du numérique. Cette évolution, qui permettra d’améliorer le suivi des personnes concernées, semble d’autant plus nécessaire que les services de santé au travail ont joué un rôle essentiel comme interlocuteur des entreprises qui devaient mettre en place des protocoles pour faire face à la pandémie de Covid-19.

Article 34 bis B
(article L. 1111-23 du code de la santé publique)
Possibilité de création automatique de dossiers pharmaceutiques, sauf opposition du patient

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 1111-14 du code de la santé publique prévoit que chaque bénéficiaire de l’assurance maladie peut disposer d’un dossier médical partagé qui est créé sous réserve de son consentement exprès. À côté de ce dossier médical partagé, largement connu, il existe un dossier pharmaceutique partagé. Celui-ci est prévu par l’article L. 1111-23 du même code qui prévoit que ce dossier est créé pour chaque bénéficiaire de l’assurance maladie, avec son consentement. L’article R. 1111-20-1 dudit code prévoit que le dossier pharmaceutique est créé par un pharmacien d’officine ou un pharmacien exerçant dans une pharmacie à usage intérieur sur présentation de la carte Vitale.

L’article L. 1111-23 du code de la santé publique prévoit que, sauf opposition du patient quant à l’accès du pharmacien à son dossier pharmaceutique et à l’alimentation de celui-ci, tout pharmacien d’officine est tenu d’alimenter le dossier pharmaceutique à l’occasion de la dispensation. Dans les mêmes conditions, les pharmaciens exerçant dans une pharmacie à usage intérieur peuvent consulter et alimenter ce dossier. Le même article L. 1111-23 prévoit que, sauf opposition du patient, le dossier pharmaceutique peut être consulté par le médecin qui le prend en charge au sein d’un établissement de santé, d’un hôpital des armées ou de l’Institution nationale des invalides ou par un biologiste médical. Enfin, l’article R. 1111-20-2 du même code prévoit que le dossier pharmaceutique comporte notamment les informations relatives à l’identification et à la quantité des médicaments dispensés pour l’usage du bénéficiaire, avec ou sans prescription médicale, ainsi que les dates de dispensation.

L’article 45 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a ajouté à ces dispositifs l’espace numérique de santé. Celui-ci, défini par les articles L. 1111-13 à L. 1111‑13-2 du code de la santé publique, doit contenir une série de données sur chaque personne et notamment le contenu du dossier médical partagé et du dossier pharmaceutique partagé. Il sera ouvert automatiquement, sauf opposition de la personne. L’article 50 de la même loi a modifié l’article L. 1111-14 du code de la santé publique pour prévoir que le dossier médical partagé serait lui aussi ouvert automatiquement, sauf opposition de la personne (passage de l’« opt-in » à l’« optout »). Ces dispositions ne sont pas encore appliquées, la loi prévoyant une entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 1er juillet 2021 pour ce qui concerne le dossier médical partagé et le 1er janvier 2022 pour ce qui concerne l’espace numérique de santé. Par contre, le passage de l’« opt-in » à l’« opt-out » n’a pas été prévu pour le dossier pharmaceutique partagé.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 34 bis B est issu d’un amendement de Mme Martine Berthet, membre du groupe Les Républicains, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement et un avis défavorable de la rapporteure (pour des raisons rédactionnelles mais non de « fond »). Il modifie l’article L. 1111-23 du code de la santé publique pour prévoir que le dossier pharmaceutique partagé doit être ouvert automatiquement, sauf opposition de la personne concernée. Le passage de l’« opt-in » à l’« opt-out » vise à aligner les règles applicables au dossier pharmaceutique sur celles qui seront applicables à l’espace numérique de santé et au dossier médical partagé dans le futur. L’article 34 bis B prévoit que cette réforme entrera en vigueur à une date fixée par voie réglementaire et au plus tard le 1er juillet 2021.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur.

Article 34 bis C
(article L. 1111-23 du code de la santé publique)
Obligation dalimentation du dossier pharmaceutique dans les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé et médico-sociaux

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 1111-23 du code la santé publique prévoit que sauf opposition du patient quant à l’accès du pharmacien à son dossier pharmaceutique et à l’alimentation de celui-ci, tout pharmacien d’officine est tenu d’alimenter le dossier pharmaceutique à l’occasion de la dispensation. Il prévoit également que dans les mêmes conditions, les pharmaciens exerçant dans une pharmacie à usage intérieur peuvent consulter et alimenter ce dossier. Il s’agit d’une faculté et non d’une obligation.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 34 bis C est issu de l’adoption d’un amendement de Mme Martine Berthet, membre du groupe Les Républicains, qui modifie l’article L. 1111-23 du code la santé publique dans le but d’obliger les pharmaciens exerçant dans des pharmacies à usage intérieur à consulter et alimenter le dossier pharmaceutique partagé de manière à renforcer la coordination des soins. Ces dispositions doivent entrer en vigueur à une date fixée par voie réglementaire. Cet amendement a recueilli un avis défavorable de la rapporteure et une demande de retrait du Gouvernement, qui considère que la mise en œuvre de l’amendement pose problème car, tel que le système d’information est construit dans les hôpitaux, l’initialisation de la partie relative à la prescription ne se fait pas au niveau du pharmacien.

III.   Les travaux de la commission spéciale

Outre un amendement rédactionnel, la commission spéciale a adopté deux amendements de fond. Elle a adopté un amendement n° 546 de Mme Christine Hennion et des membres du groupe La République en Marche qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Cet amendement remplace l’obligation de consulter et d’alimenter le dossier pharmaceutique imposée aux pharmaciens exerçant dans une pharmacie à usage intérieur par une faculté. Cette mesure permet de prendre en compte le fait que les systèmes informatiques des hôpitaux ne sont pas encore prêts pour que les pharmaciens des pharmacies à usage intérieur puissent tous respecter cette obligation.

La commission spéciale a également adopté un amendement n° 676 de son rapporteur qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement. Cet amendement modifie le II de l’article qui renvoyait à un texte réglementaire le soin de fixer la date de son entrée en vigueur, ce qui faisait courir à l’article le risque d’être déclaré contraire à la Constitution, le législateur n’épuisant pas toute sa compétence. Cet amendement prévoit que l’article entre en vigueur dans des conditions définies par décret et au plus tard le 31 décembre 2024.

Article 34 bis DA (nouveau)
(article L. 5126-1 du code de la santé publique)
Renouvellement et adaptation des prescriptions dans les pharmacies à usage intérieur

Introduit par la commission

L’article 34 bis DA a été introduit par l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 415 de Mme Danielle Brulebois du groupe La République en Marche, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Cet article complète l’article L. 5126-1 du code de la santé publique pour permettre aux pharmacies à usage intérieur de renouveler et d’adapter les prescriptions des patients pris en charge par l’établissement. Cette mesure permettra notamment de renforcer la lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse et de fluidifier le parcours des patients.

 

Article 34 bis D
(articles L. 6211-8 et L. 6211-9 [abrogé] du code de la santé publique)
Faciliter la possibilité pour les biologistes médicaux de sécarter de la prescription

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 6211-8 du code de la santé publique dispose qu’un examen de biologie médicale est réalisé sur le fondement d’une prescription qui contient les éléments cliniques pertinents. Il prévoit que lorsqu’il l’estime approprié, le biologiste médical peut réaliser des examens de biologie médicale autres que ceux figurant sur la prescription ou qu’il peut décider de ne pas réaliser tous les examens qui y figurent. Les modifications sont proposées au prescripteur, sauf en cas d’urgence ou d’indisponibilité. Lorsqu’elles sont refusées par le prescripteur, les examens sont réalisés conformément à la prescription.

L’article L. 6211-9 du code de la santé publique prévoit que lorsqu’il existe des recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute Autorité de santé mentionnées à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, le biologiste médical assure la conformité des examens de biologie médicale réalisés à ces recommandations, sauf avis contraire du prescripteur.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 34 bis D est issu d’un amendement de M. Alain Milon, membre du groupe Les Républicains, qui a reçu un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement. Il vise à supprimer l’obligation pour le biologiste médical d’échanger avec le prescripteur quand il décide de réaliser des actes en plus ou en moins ou d’appliquer les règles de bonnes pratiques fixées par la Haute Autorité de santé alors que le prescripteur ne l’aurait pas forcément souhaité.

Pour ce faire, il abroge l’article L. 6211-9 du code de la santé publique et modifie l’article L. 6211-8 du même code. Ce dernier article prévoit désormais que lorsqu’il l’estime approprié, le biologiste médical réalise, conformément aux recommandations de bonnes pratiques mentionnées à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale lorsqu’elles existent, des examens de biologie médicale autres que ceux figurant sur la prescription ou ne réalise pas tous les examens qui y figurent, sauf avis contraire du prescripteur porté sur l’ordonnance. Le but de l’amendement est de faciliter le recours des biologistes médicaux à ces possibilités en leur évitant de contacter le prescripteur. L’article 34 bis D entre en vigueur au 1er janvier 2021.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur.

Article 34 bis E
Modification des règles sur la détention du capital
de laboratoires de biologie médicale

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

Les articles L. 6223-1 à L. 6223-8 du code de la santé publique posent les règles applicables à la structure juridique des laboratoires de biologique médicale. En particulier, l’article L. 6223-5 définit quelles personnes peuvent détenir directement ou indirectement une fraction du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale privé et quelles personnes ne le peuvent pas. Ainsi, une personne physique ou morale exerçant une profession de biologiste médical peut détenir une fraction du capital. Par contre, un fournisseur, un distributeur ou un fabricant de dispositif médical ou de dispositif médical de diagnostic in vitro ne le peut pas.

L’article L. 6213-9 du code de la santé publique prévoit qu’un laboratoire de biologie médicale privé est dirigé par un biologiste-responsable qui en est le représentant légal. Lorsque la structure juridique d’un laboratoire de biologie médicale permet l’existence de plusieurs représentants légaux, ces représentants sont dénommés biologistes-coresponsables. Des médecins spécialistes qualifiés en anatomie et cytologie pathologiques peuvent alors être désignés comme coresponsables.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 34 bis E est issu d’amendements identiques de M. Alain Milon et de Mme Catherine Di Folco, du groupe Les Républicains. Ils modifient l’article L. 6223-5 du code de la santé publique pour inclure dans la liste des personnes pouvant détenir une fraction du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale privé les médecins spécialistes qualifiés en anatomie et cytologie pathologiques. L’objectif de ces amendements est de faire évoluer le régime d’intégration au sein des laboratoires de biologie médicale des médecins spécialistes en anatomie et cytologie pathologiques qui peuvent déjà être coresponsables de tels laboratoires.

Ces amendements ont recueilli un avis favorable de la rapporteure et un avis défavorable du Gouvernement qui a jugé que le vecteur de l’amendement n’apportait pas de garanties de méthode suffisantes pour une telle réforme de l’outil de travail des biologistes et que réaliser une telle réforme devait aussi conduire à poser la question de l’élargissement de cette faculté à d’autres spécialités médicales.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a supprimé l’article en adoptant un amendement n° 544 de Mme Sereine Mauborgne et des membres du groupe La République en Marche qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. La commission spéciale a supprimé cet article car elle a jugé qu’il n’était pas souhaitable d’inclure les médecins spécialistes qualifiés en anatomie et cytologie pathologiques dans la liste des personnes pouvant détenir une fraction du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale privé. En effet, leur qualité d’associé emporterait la possibilité d’être responsable d’un laboratoire. Cela pourrait conduire à ce que des laboratoires de biologie médicale ne disposent d’aucun biologiste en charge de leur activité, alors que leur présence est une garantie de respect des exigences de qualité qui pèsent sur les laboratoires.

Article 34 bis F
Assouplissement du calendrier daccréditation des laboratoires de biologie médicale

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

Le régime juridique applicable aux laboratoires de biologie médicale a été profondément réformé par l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, prise sur le fondement de l’article 69 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. L’un des objectifs de cette réforme était de mieux garantir la qualité des examens de biologie médicale, notamment en mettant en place une procédure d’accréditation des laboratoires. Le système de contrôle de la qualité fondé sur le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale institué en 1994 était insuffisant. Il a donc été décidé de mettre en place dans un délai de six ans un système d’accréditation obligatoire pour tous les laboratoires de biologie médicale, pour tous les examens de biologie médicale qu’ils réalisent. La tâche était vaste car, en 2010, il n’y avait qu’environ 5 % de laboratoires de biologie médicale publics et privés à s’être fait accréditer.

Les règles d’accréditation et de contrôle de qualité sont aujourd’hui définies par les articles L. 6221-1 à L. 6221-13 du code de la santé publique. L’article L. 6221-1 prévoit qu’un laboratoire de biologie médicale ne peut réaliser d’examen de biologie médicale sans accréditation et que celle-ci doit porter sur la totalité de l’activité de biologie médicale réalisée par le laboratoire. L’organisme d’accréditation est le Comité français d’accréditation.

Toutefois, l’article 7 de l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 a mis en place des dispositions transitoires permettant à un laboratoire de fonctionner sans accréditation mais sur la base d’une autorisation administrative jusqu’au 31 octobre 2016. Il prévoyait que les autorisations administratives étaient abrogées au 1er novembre 2016. Ces règles ont été assouplies par la suite. L’article 7 de l’ordonnance n° 2010-49 a été modifié par la loi n° 2013‑442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale et la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. La date jusqu’à laquelle un laboratoire peut fonctionner sur la base d’une autorisation a ainsi été repoussée au 31 octobre 2020. À compter du 1er novembre 2020, les laboratoires de biologie médicale ne peuvent fonctionner sans disposer d’une accréditation portant sur 100 % des examens de biologie médicale qu’ils réalisent et les autorisations administratives délivrées sont abrogées au 1er novembre 2020.

Ces dispositions ont été réécrites par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Celle-ci a assoupli le calendrier et la procédure de l’accréditation, mesures rendues nécessaires par le surcroît d’activité lié à la réalisation des tests de dépistage de la Covid-19. Le I de l’article 7 de l’ordonnance précitée prévoit donc désormais qu’à compter du 1er mai 2021, un laboratoire de biologie médicale ne peut plus réaliser les examens de biologie médicale correspondant aux lignes de portée pour lesquelles il n’est pas accrédité sans avoir déposé auprès du Comité français d’accréditation une demande d’accréditation portant sur lesdites lignes – ne ligne de portée correspondant à un ensemble d’examens de biologie médicale ayant des caractéristiques communes et mobilisant une méthodologie commune d’accréditation.

Après la décision du Comité français d’accréditation, les examens de biologie médicale correspondant aux lignes de portée pour lesquelles le laboratoire de biologie médicale n’est pas accrédité ne peuvent plus être réalisés. Le IV de l’article 7 prévoit que les autorisations administratives demeurent valables jusqu’à la décision d’accréditation du laboratoire.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 34 bis F est issu de l’adoption d’un amendement M. Alain Milon, membre du groupe Les Républicains, qui a reçu un avis favorable de la rapporteure et un avis de sagesse du Gouvernement. Il visait à assouplir le calendrier d’accréditation des laboratoires prévu par l’article 7 de l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010.

Cet amendement ayant été adopté en mars 2020, avant l’adoption de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 précitée, le dispositif de l’article 34 bis F n’est plus compatible avec la nouvelle rédaction de l’article 7 de l’ordonnance n° 2010‑49 du 13 janvier 2010 qui a mis en place un dispositif encore plus souple. Ainsi, la date butoir fixée par l’article 34 bis F était le 1er novembre 2020 alors que la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée l’a fixée au 1er mai 2021. De plus, la même loi prévoit que les laboratoires pourront continuer à fonctionner sur la base d’une autorisation après cette date, dès lors qu’ils ont déposé une demande d’accréditation, ce que ne prévoit pas l’article 34 bis F du projet de loi.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a supprimé l’article 34 bis F, qui était devenu inutile, en adoptant un amendement n° 677 de son rapporteur, qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Article 34 bis
(article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale)
Expérimentations dérogatoires à lorganisation
et au financement du système de soins

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

L’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale fixe le cadre des expérimentations pour l’innovation dans le système de santé. Le I de cet article définit leur but. Il peut être de permettre l’émergence d’organisations innovantes dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l’amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l’efficience du système de santé et de l’accès aux soins, par exemple pour favoriser la présence de professionnels de santé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins. Ces expérimentations peuvent aussi servir à améliorer la pertinence de la prise en charge par l’assurance maladie des médicaments ou des produits et prestations associées mentionnés à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ([149]) et la qualité des prescriptions, en modifiant les conditions de prise en charge des médicaments et des produits et prestations associées onéreux au sein des établissements de santé ou encore les modalités de rémunération des professionnels.

Ces expérimentations peuvent être mises en œuvre pour une durée maximale de cinq ans, en dérogeant à un grand nombre de règles de financement, de paiement ou de tarification des établissements de santé, des professionnels de santé, des produits de santé et des établissements médico-sociaux. Les dérogations possibles sont prévues par le II de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale. Le III et le IV du même article définissent les modalités d’autorisation des expérimentations.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 34 bis est issu d’un amendement de Mme Maryvonne Blondin, du groupe socialiste et républicain adopté en commission spéciale. Cet article a fait seulement l’objet en séance publique d’un amendement de précision rédactionnelle de la même auteure, qui a recueilli un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Il poursuit le même objectif que certaines dispositions de l’article 66 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 qui avaient été censurées par la décision du Conseil constitutionnel n° 2019‑795 DC du 20 décembre 2019 parce qu’elles avaient été introduites en nouvelle lecture alors qu’elles n’étaient ni en relation directe avec une disposition restant en discussion, ni destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle.

L’article 34 bis vise à résoudre le problème de l’accès aux médicaments dans les communes isolées ou très peu peuplées, où il n’y a plus de pharmacie. En effet, en application de l’article L. 5125-4 du code de la santé publique, d’ouvrir une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants. Le dispositif prévu permettrait, dans le cas où l’unique officine d’un village cesserait son activité sans avoir trouvé de repreneur, à l’agence régionale de santé, d’autoriser la mise en place d’une antenne de pharmacie qui serait rattachée à l’officine la plus proche.

Dans ce but, l’article 34 bis modifie l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale sur deux points. D’une part, il modifie son I pour étendre aux zones caractérisées par des difficultés dans l’accès aux médicaments le champ des expérimentations relatives à la présence de professionnels de santé. D’autre part, il permet, au II de cet article, de déroger à l’article L. 5125-4 du code de la santé publique afin de permettre au directeur général de l’agence régionale de santé de garantir l’approvisionnement en médicaments et produits pharmaceutiques de la population d’une commune dont la dernière officine a cessé définitivement son activité, lorsque celui-ci est compromis. Pourra ainsi être autorisée l’organisation de la dispensation de médicaments et produits pharmaceutiques par un pharmacien, à partir d’une officine d’une commune limitrophe ou la plus proche. L’avis du conseil de l’ordre et des syndicats représentatifs devra être sollicité.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article sans modification.

Article 35
Protocoles de coopération entre professionnels de santé

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

L’article 66 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a modifié le cadre juridique applicable aux protocoles de coopération entre professionnels de santé institués par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Par ces protocoles de coopération, les professionnels de santé travaillant en équipe peuvent opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de prévention ou réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient. L’article 66 de la loi du 24 juillet 2019 précitée a réécrit le chapitre unique du titre Ier du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique relatif à ces protocoles. Il a notamment supprimé le principe selon lequel chaque protocole national est autorisé au cas par cas par les agences régionales de santé après avis conforme de la Haute Autorité de santé.

L’article L. 4011-2 du code de la santé publique prévoit désormais qu’un décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé définit les exigences essentielles de qualité et de sécurité des protocoles de coopération (décret n° 2019-1482 du 27 décembre 2019 qui a introduit dans le code de la santé publique un article R. 4011-1). L’article L. 4011-3 du code de la santé publique prévoit quant à lui que les protocoles sont autorisés sur l’ensemble du territoire national par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de la Haute Autorité de santé qui se prononce sur leur compatibilité avec l’article R. 4011-1 du code de la santé publique.

L’article 66 de la loi du 24 juillet 2019 précitée a prévu des dispositions transitoires pour l’application des protocoles de coopération autorisés avant l’entrée en vigueur de ladite loi. Il prévoit que les structures d’emploi ou d’exercice des professionnels souhaitant mettre en œuvre un protocole autorisé avant cette entrée en vigueur peuvent y adhérer selon les dispositions applicables antérieurement à l’entrée de la réforme, jusqu’à la date de publication du décret prévu par l’article L. 4011-2 du code de la santé publique (en l’occurrence le 27 décembre 2019). Les projets de protocole déposés avant l’entrée en vigueur de ce décret et ayant vocation à être déployés nationalement sont autorisés par arrêté après avis conforme de la Haute Autorité de santé. Les projets de protocole déposés avant l’entrée en vigueur du même décret et n’ayant pas vocation à être déployés nationalement sont instruits et autorisés selon la procédure applicable antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 66 de la loi du 24 juillet 2019 précitée.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Aucune disposition n’a été prise dans le cadre de l’article 66 de la loi du 24 juillet 2019 précitée pour les protocoles de coopération en cours à la date d’entrée en vigueur du décret prévu par l’article L. 4011-2 du code de la santé publique. Or, ces protocoles ont été autorisés pour une durée limitée, mentionnée dans l’arrêté d’autorisation et, lorsqu’ils arrivent à échéance, ils devraient donc être considérés comme de nouveaux protocoles et être soumis à la nouvelle procédure d’autorisation.

C’est pourquoi l’article 35 du projet de loi complète le dispositif transitoire. Il permet aux protocoles autorisés antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 66 de la loi du 24 juillet 2019 précitée d’être autorisés sans limite de durée sur l’ensemble du territoire national par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Lorsqu’ils sont en cours à la date de publication de la loi ASAP, leur validité est prorogée jusqu’à ce qu’il soit statué sur la délivrance de l’autorisation et ils sont alors réputés remplir les exigences essentielles de qualité et de sécurité mentionnées à l’article L. 4011-2 du code de la santé publique.

III.   la position du Sénat

L’article 35 a été adopté sans modification par le Sénat qui a jugé qu’il s’agissait d’une simplification de bon sens qui permettra de prolonger, sans hiatus, des modes plus innovants ou efficients d’intervention des professionnels de santé auprès des patients.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article sans modification.

Article 35 bis A (nouveau)
(articles L. 4011-4 et L. 4011-5 du code de la santé publique)
Simplification des dispositions relatives aux protocoles de coopération entre professionnels de santé

Introduit par la commission

L’article 35 bis A est issu de l’adoption de l’amendement n° 636 du Gouvernement qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Il vise à simplifier la mise en place des protocoles de coopération entre professionnels de santé. Pour ce faire, il modifie les articles L. 4011-4 et L. 4011-5 du code de la santé publique. Il sera désormais possible, après une validation de la commission médicale d’établissement et un simple enregistrement auprès de l’agence régionale de santé (ARS), de mettre en œuvre des protocoles de coopération et l’avis de la Haute Autorité de santé n’interviendra plus qu’a posteriori, pour juger du bien-fondé du déploiement du protocole sur le territoire national.

Article 35 bis
(articles 45 et 50 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à lorganisation et à la transformation du système de santé, articles 6 et 46 de lordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou daccompagnement social ou médico-social à légard des personnes majeures faisant lobjet dune mesure de protection juridique et articles L. 1111-14, L. 111115, L. 1111-17, L. 111118 et L. 11121 du code de la santé publique)
Renforcement de larticulation entre espace numérique de santé et dossier médical partagé et élargissement du champ des personnes pouvant avoir accès au dossier médical partagé

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

En l’état actuel du droit, l’article L. 1111-14 du code de la santé publique prévoit que chaque bénéficiaire de l’assurance maladie peut disposer d’un dossier médical partagé créé sous réserve de son consentement exprès. En application de l’article L. 1111-15 du même code, les professionnels de santé y reportent à l’occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge. Ce dossier comprend également un résumé des principaux éléments relatifs aux séjours en établissement de santé. Le médecin traitant y verse au moins une fois par an une synthèse. De plus, le dossier comprend les données nécessaires à la coordination des soins issues des procédures de remboursement ou de prise en charge qui détenues par l’organisme dont relève chaque bénéficiaire de l’assurance maladie. Par ailleurs, il comporte des volets relatifs au don d’organes ou de tissus ou encore aux directives anticipées. Enfin, l’article L. 1111‑23 du code de la santé publique prévoit que les informations du dossier pharmaceutique utiles à la coordination des soins sont reportées dans le dossier médical partagé dans les conditions prévues à l’article L. 1111-15 du même code.

Ledit article L. 1111-15 prévoit que certaines informations peuvent être rendues inaccessibles par le titulaire du dossier médical partagé. Cette inaccessibilité ne vaut pas pour certains professionnels comme le médecin traitant (article L. 1111-16) ou en cas d’urgence, à moins que la personne ait expressément indiqué son opposition à la consultation dans cette situation (article L. 1111-17). L’article L. 1111-18 du code de la santé publique dispose que les médecins du travail n’ont jamais le droit d’accéder au dossier médical partagé. Par ailleurs, il prévoit que l’accès à ce dossier ne peut être exigé ni lors de la conclusion d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé, ni à l’occasion de la conclusion de tout autre contrat exigeant l’évaluation de l’état de santé d’une des parties, ni préalablement à la conclusion d’un contrat, ni à aucun moment ou à aucune occasion de son application.

L’article 45 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 a institué un espace numérique de santé. Ce dispositif entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er janvier 2022. L’espace numérique de santé, défini par les articles L. 1111-13 à L. 1111-13-2 du code de la santé publique, est ouvert automatiquement, sauf opposition de la personne concernée. Le titulaire en est le seul gestionnaire et utilisateur. Le II de l’article L. 1111-13-1 du même code prévoit qu’il permet au titulaire d’accéder à :

– à ses données administratives ;

– à son dossier médical partagé ;

– aux données relatives au remboursement de ses dépenses de santé ;

– aux données relatives à l’accueil et l’accompagnement assurés par les établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

– à ses constantes de santé éventuellement produites par des applications ou des objets connectés ou toute autre donnée de santé utile à la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins ;

– à des outils permettant des échanges sécurisés avec les acteurs du système de santé, (notamment une messagerie de santé sécurisée et des outils permettant d’accéder à des services de télésanté) ;

– à des services numériques et des applications numériques de santé.

Le IV du même article L. 1111-13-1 prévoit que le titulaire peut exclure de son espace certains de ces éléments ou refuser d’y donner accès. Il prévoit également que la communication de tout ou partie des données de l’espace numérique de santé ne peut être exigée du titulaire de cet espace lors de la conclusion d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé et lors de la conclusion ou de l’application de tout autre contrat, à l’exception des contrats relatifs aux services et outils numériques référencés en application du III de l’article. Par ailleurs, ces services et outils numériques ne peuvent accéder aux données de l’espace numérique de santé du titulaire qu’avec l’accord exprès de celui-ci et qu’à des fins de prévention, de diagnostic, de soins ou de suivi social et médico-social, pour une durée de conservation strictement proportionnée à ces finalités.

La loi du 24 juillet 2019 précitée a également prévu de faire évoluer les règles applicables au dossier médical partagé. C’est ce que fait son article 50, dont les dispositions doivent entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2021. Il modifie notamment l’article L. 1111-14 du code de la santé publique pour prévoir que le dossier médical partagé sera ouvert automatiquement sauf opposition de la personne concernée, comme ce qui est prévu pour l’espace numérique de santé.

II.   les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 35 bis est issu d’un amendement de M. Alain Milon membre du groupe Les Républicains, qui a reçu un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Le a du 1° du I réécrit l’article L. 1111-13 du code de la santé publique créé par l’article 45 de la loi du 24 juillet précitée qui a créé l’espace numérique de santé. Cet article précise que le dossier médical partagé est intégré à l’espace numérique de santé dont il constitue l’une des composantes.

Le b du 1° du I modifie l’article L. 1111-13-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l’article 45 de la loi du 24 juillet 2019 précitée sur deux points. Tout d’abord, il supprime la possibilité pour le titulaire d’un espace de santé numérique d’occulter une partie des informations qui y étaient reportées. Par ailleurs, il lui ouvre la possibilité d’accorder l’accès à cet espace à davantage de personnes que ce qui était auparavant prévu. Le titulaire pourra accorder l’accès à ces données « à tout autre professionnel participant à sa prise en charge conformément à larticle L. 1110-4 » du code de la santé publique, ce qui lui permettra notamment de donner cet accès à un professionnel du secteur médico-social ou social.

Le a du 2° du I modifie l’article L. 1111-14 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l’article 50 de la loi du 24 juillet 2019 précitée pour prévoir que l’ouverture de l’espace numérique de santé (qui est automatique) emporte la création automatique du dossier médical partagé.

Le b du 2° du I modifie le II de l’article 50 de la loi du 24 juillet 2019 précitée pour repousser l’entrée en vigueur de cet article relatif à la création automatique du dossier médical partagé du 1er juillet 2021 au 1er janvier 2022, de manière à aligner cette entrée en vigueur sur celle de l’article 45 de la même loi, relative à la création automatique de l’espace numérique de santé.

Le 1° du II de l’article 35 bis complète l’article L. 1111-17 du code de la santé publique pour élargir la liste des personnes qui peuvent avoir accès au dossier médical partagé et l’alimenter. Il prévoit que « tout professionnel participant à la prise en charge dune personne conformément à larticle L. 11104 peut accéder, sous réserve du consentement de la personne préalablement informée, au dossier médical partagé de celle-ci et lalimenter », ce qui s’appliquera notamment aux professionnels du secteur social et médico-social.

Le 2° du II modifie l’article L. 1111-18 du code de la santé publique pour prévoir que la règle selon laquelle l’accès au dossier médical partagé ne peut être exigé « ni préalablement à la conclusion dun contrat, ni à aucun moment ou à aucune occasion de son application » s’applique « sans préjudice des II et III de larticle L. 1111-13-1 du code de la santé publique » relatif à l’espace numérique de santé. Ces dispositions prévoient que l’espace numérique de santé permet à son titulaire d’accéder à ses données administratives, son dossier médical partagé, aux données relatives au remboursement de ses dépenses de santé mais aussi à des données fournies par des services qui peuvent être privés (constantes de santé produites par des applications ou des objets connectés ou toute autre donnée de santé utile à la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins, outils relatifs à la télésanté, applications numériques de santé).

III.   Les travaux de la commission spéciale

Outre des amendements rédactionnels et de précision juridique de son rapporteur, la commission spéciale a adopté cinq amendements de fond.

Elle a adopté des amendements n° 678, n° 679 et n° 680 de son rapporteur qui ont recueilli un avis favorable du Gouvernement. Le premier permet d’assurer la coordination de l’article 35 bis avec l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique. Le deuxième met en cohérence les règles relatives au dossier médical partagé et les règles relatives à l’espace numérique de santé dont le dossier médical partagé constitue l’une des composantes en prévoyant que, comme l’espace numérique de santé, le dossier médical partagé doit être ouvert à tout le monde et non aux seuls bénéficiaires de l’assurance-maladie. Le troisième précise que dès lors qu’une personne a initialement donné son consentement au partage des informations contenues dans son dossier médical partagé, l’alimentation de ce dossier, par la suite, par les membres de l’équipe de soins implique seulement d’informer la personne mais non de recueillir son consentement à chaque fois.

La commission spéciale a aussi adopté des amendements identiques n° 521 de M. Cyrille Isaac-Sibille, du groupe Mouvement démocrate et apparentés, et n° 545 de Mme Sereine Mauborgne et des membres du groupe La République en Marche, qui ont recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Ces amendements précisent les obligations d’alimentation du dossier médical partagé pour les professionnels de santé et fixent le cadre de transmission des lettres de liaison dématérialisées qui permettent d’assurer une communication entre les établissements de santé et la médecine de ville.

Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement n° 520 de M. Cyrille Isaac-Sibille, du groupe Mouvement démocrate et apparentés, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Cet amendement permet aux médecins de la protection maternelle et infantile d’avoir accès au dossier médical partagé pour le consulter et y déposer des documents.

Article 36
(article 50 [abrogé] de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service dune société de confiance)
Demande dhabilitation pour favoriser le développement des services aux familles et de laide à la parentalité

Rétabli par la commission

I.   le droit en vigueur

La création, l’extension et la transformation des établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans sont soumises à autorisation. Le régime d’autorisation est défini par l’article L. 2324-1 du code de la santé publique. Celui-ci prévoit que si ces structures ne sont pas soumises à un régime d’autorisation en vertu d’une autre disposition législative, leur autorisation dépend :

– du président du conseil départemental (qui recueille l’avis du maire de la commune d’implantation) s’il s’agit d’une structure gérée par une personne physique ou morale de droit privé ;

– de la collectivité publique intéressée (qui recueille l’avis du président du conseil départemental) s’il s’agit d’un établissement ou d’un service public.

Enfin, c’est le préfet qui, après avoir pris l’avis du médecin responsable du service départemental de protection maternelle et infantile, a compétence pour autoriser l’organisation d’un accueil collectif à caractère éducatif hors du domicile parental, à l’occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs ouvert à des enfants scolarisés de moins de six ans et ce, qu’il soit public ou privé.

Outre les dispositions du code de la santé publique, de nombreuses autres dispositions forment le cadre juridique applicable aux modes d’accueil du jeune enfant qui est aujourd’hui très complexe et éparpillé dans de nombreux codes comme le code de l’action sociale et des familles, le code de la construction et de l’habitation ou encore le code du travail. En effet, la réglementation applicable est constituée à la fois de textes généraux (relatifs aux établissements recevant du public, à la restauration collective, au droit du travail par exemple) et de textes spécifiques relatifs aux procédures d’autorisation ou encore aux qualifications des personnes au contact des enfants. De ce fait, les porteurs de projets rencontrent des difficultés pour appliquer de manière cohérente des textes qui poursuivent des objectifs différents ou qui ne sont pas toujours adaptés au contexte local. La tâche des porteurs de projets est également compliquée par la multiplicité des interlocuteurs : l’autorisation dépend de la commune ou du conseil départemental tandis que le soutien au financement en investissement et en fonctionnement revient à la caisse d’allocations familiales. Enfin, l’absence de chef de file dans le secteur de l’accueil des jeunes enfants peut entraver le développement de l’action publique en la matière.

Ces constats impliquant la nécessité de faire évoluer le droit en vigueur, l’article 50 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de la confiance, dite « loi ESSOC », a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance jusqu’au 10 février 2020 dans le but de favoriser le maintien, l’implantation et le développement des modes d’accueil. L’objectif est de simplifier et d’assurer une meilleure cohérence des législations applicables et de définir les dérogations possibles à ces législations. Il s’agit aussi de permettre à l’une des autorités compétentes en la matière, dont les organismes débiteurs des prestations familiales, de prendre, au nom de chacune ou de certaines d’entre elles et après leur accord, tout ou partie des actes nécessaires à l’implantation, au développement et au maintien de modes d’accueil de la petite enfance ainsi qu’à leur financement, en vue notamment de proposer un guichet administratif unique facilitant les démarches des porteurs de projets et de favoriser la cohérence des démarches locales dans le champ des modes d’accueil de la petite enfance. L’article 50 de la loi ESSOC prévoit que ces mesures peuvent faire l’objet d’expérimentations qui donnent lieu à des rapports d’évaluation remis par le Gouvernement au Parlement.

Un travail de concertation pour la préparation de ce projet d’ordonnance a été réalisé de l’automne 2018 à l’automne 2019 et une consultation publique a été conduite entre mai et novembre 2019. Toutefois, l’ordonnance n’a pas été publiée dans les délais impartis par la loi.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

L’article 36 abroge l’article 50 de la loi ESSOC et habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures similaires à ce qui était prévu par cet article dans un délai de douze mois à compter de publication de la présente loi. La rédaction de l’article 36 reprend en grande partie celle de l’article 50 de la loi du 10 août 2018 précitée, avec quelques ajouts. En particulier, le dispositif ne vise plus seulement le développement des modes d’accueil du jeune enfant mais concerne plus généralement les services aux familles et le soutien à la parentalité. De plus, il étend le champ des personnes pouvant bénéficier du guichet administratif unique qui concerne désormais les porteurs de projets et les gestionnaires de modes d’accueil du jeune enfant ou de services de soutien à la parentalité. Enfin, il ajoute un nouvel objectif aux réformes : la simplification du pilotage local des actions menées en matière de services aux familles. (La simplification du pilotage local peut elle aussi faire l’objet d’expérimentations).

III.   la position du Sénat

Le Sénat a adopté en commission spéciale des amendements identiques de suppression de l’article 36 de la rapporteure et de Mme Michelle Meunier, du groupe Socialiste et républicain. Les sénateurs ont jugé que cette habilitation était inutile car un projet d’ordonnance ayant été rédigé, la Gouvernement était en mesure de déposer devant le Parlement un projet de loi qui intègre, le cas échéant, les mesures supplémentaires non prévues par l’article 50 de la loi ESSOC dont la concertation aurait pu faire apparaître la nécessité.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale rétabli l’article 36 par l’adoption des amendements identiques n°43 de Mme Laure de La Raudière, du groupe Agir Ensemble, n° 60 de Mme Patricia Lemoine, du même groupe, n° 549 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere et des membres du groupe La République en Marche et n° 637 du Gouvernement, qui ont recueilli un avis favorable du rapporteur. Ce rétablissement permettra de simplifier le cadre juridique applicable aux modes d’accueil du jeune enfant et de faciliter le développement de places d’accueil du jeune enfant en établissements et chez les assistants maternels, pour répondre à la demande des familles.

Article 37
(articles L. 231-2 et L. 231-2-1 du code du sport)
Simplification des certificats médicaux de non-contre-indication au sport exigés des mineurs

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article L. 231-2 du code du sport dispose que l’obtention d’une licence d’une fédération sportive est subordonnée à la présentation d’un certificat médical datant de moins d’un an et permettant d’établir l’absence de contre-indication à la pratique du sport ou, le cas échéant, de la discipline concernée. Il prévoit également que lorsque la licence sollicitée permet la participation aux compétitions organisées par une fédération sportive, le certificat médical atteste l’absence de contre-indication à la pratique du sport ou de la discipline en compétition. Les modalités de renouvellement de la licence et notamment la fréquence à laquelle un nouveau certificat est exigé, sont fixées par décret.

L’article L. 231-2-1 du même code prévoit quant à lui que l’inscription à une compétition sportive autorisée par une fédération délégataire ou organisée par une fédération agréée est subordonnée à la présentation d’une licence permettant la participation aux compétitions. À défaut de présentation de cette licence, l’inscription est subordonnée à la présentation d’un certificat médical datant de moins d’un an établissant l’absence de contre-indication à la pratique du sport ou de la discipline en compétition.

En ce qui concerne les mineurs, ces dispositions peuvent sembler redondantes avec l’article L. 2132-2 du code de santé publique qui prévoit que tous les enfants de moins de dix-huit ans bénéficient de mesures de prévention sanitaire et sociale qui comportent notamment des examens obligatoires et que le pouvoir réglementaire peut déterminer leur nombre, leur contenu et désigner ceux qui doivent donner lieu à l’établissement d’un certificat de santé. En effet, ces consultations offrent également, en cas de besoin, la possibilité au médecin de délivrer un certificat médical en vue d’obtenir une licence. La fusion de ces consultations permettrait de faciliter l’accès à la pratique sportive et d’alléger la charge de travail des médecins.

L’article 61 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a supprimé l’obligation de visite médicale prévue par le code du sport pour les mineurs. Il a en particulier modifié l’article L. 231-2 du code du sport pour prévoir que l’obtention ou le renouvellement d’une licence – qu’elle permette ou non de participer aux compétitions organisées par une fédération sportive – est seulement subordonnée à l’attestation de la réalisation d’un questionnaire relatif à l’état de santé du sportif mineur. Ce questionnaire est renseigné conjointement par le mineur et par les personnes exerçant l’autorité parentale. L’examen médical n’est nécessaire que dans les cas où une réponse au questionnaire de santé conduit à un examen médical. L’article L. 231-2-1 du même code a en outre été modifié pour prévoir une procédure analogue pour ce qui concerne la participation à une compétition de mineurs non licenciés d’une fédération sportive.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

L’article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a été censuré par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2019-795 DC du 20 décembre 2019, celui-ci a indiqué que la délivrance d’un certificat médical, qui n’est ni un acte de soin ni un acte de prévention, ne fait pas l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie et que ces dispositions n’entrent pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

En conséquence, les modifications apportées aux articles L. 231-2 et L. 231-2-1 du code du sport par ledit article ont été reprises dans l’article 37 du projet de loi.

III.   La position du Sénat

Les sénateurs ont jugé qu’il était risqué de priver les mineurs de l’occasion d’être examinés par un médecin avant d’entamer la pratique d’un sport ou de s’inscrire dans une compétition sportive. C’est pourquoi ils ont adopté en commission spéciale un amendement de la rapporteure qui a réécrit l’article 37. Cet article n’a pas été modifié en séance publique.

Le nouveau dispositif modifie les articles L. 231-2 et L. 231-2-1 du code du sport pour préciser que les visites médicales prévues pour les mineurs donnent lieu, le cas échéant, à la consultation de prévention obligatoire prévue en application de l’article L. 2132-2 du code de la santé publique. Cette mesure, qui n’a pas de coût puisqu’elle se contente de déclencher une visite qui doit avoir lieu, peut même être source d’économies pour l’assurance maladie en évitant que le médecin soit sollicité deux fois, pour l’obtention du certificat médical puis au titre de la consultation obligatoire.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a rétabli la rédaction initiale de l’article 37 en adoptant des amendements identiques n° 404 de Mme Laure de La Raudière du groupe Agir ensemble, et n° 440 M. Damien Adam, du groupe La République en Marche, qui ont recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. En effet, alors que les dispositions initiales constituaient une véritable simplification de la vie quotidienne pour les familles et permettaient d’alléger la charge de travail des médecins, la réécriture de l’article 37 par le Sénat avait vidé le dispositif de sa substance.

Article 37 bis A (nouveau)
(article L. 111-3-2 [nouveau] du code de léducation)
Suivi médical et paramédical sur le temps scolaire

Introduit par la commission

L’article 37 bis A a été introduit par l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 376 de Mme Laure de la Raudière du groupe Agir Ensemble, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement. Cet article insère un article L. 111-3-2 dans le code de l’éducation pour autoriser les suivis médicaux et paramédicaux des enfants en situation de handicap sur le temps scolaire. Cet article vise à résoudre les problèmes liés à certaines situations conflictuelles qui peuvent être rencontrées sur le terrain, quand l’école refuse que ces suivis aient lieu sur le temps scolaire.

Article 37 bis
(article L. 242-1 du code de la sécurité sociale)
Exclusion de lassiette des cotisations de sécurité sociale des avantages fournis par lemployeur pour favoriser la pratique sportive en entreprise
 

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que les cotisations de sécurité sociale dues au titre de l’affiliation au régime général sont assises sur les revenus d’activité tels qu’ils sont définis par l’article L. 136-1-1 du même code, ce qui englobe « toutes les sommes, ainsi que les avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à loccasion dun travail, dune activité […] quelles quen soient la dénomination ainsi que la qualité de celui qui les attribue, que cette attribution soit directe ou indirecte ».

Toutefois, le même article L. 242-1 prévoit que certains éléments sont exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, comme les sommes allouées au salarié au titre de l’intéressement ou réparties au titre de la réserve spéciale de participation, ou encore la contribution de l’employeur à l’acquisition des chèques-vacances (disposition qui est applicable uniquement lorsque l’entreprise compte moins de cinquante salariés).

II. les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 37 bis a été introduit par l’adoption, en séance publique, d’un amendement de MM. Michel Savin et Stéphane Piednoir, membres du groupe Les Républicains. Il modifie l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pour exclure de l’assiette des cotisations de sécurité sociale « les avantages fournis par lemployeur afin de favoriser la pratique sportive en entreprise ou au nom de lentreprise ainsi que la pratique du sport-santé ».

Cet amendement vise à résoudre le problème rencontré par certaines entreprises actuellement en contentieux avec les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) car ces avantages sont vus comme des avantages en nature qui ne peuvent être exclus de l’assiette des cotisations sociales. Cet amendement a recueilli un avis favorable de la rapporteure et un avis défavorable du Gouvernement qui l’a jugé inutile au motif que ces prestations entraient en général dans le cadre des prestations en nature ou en espèces relatives à des activités sociales et culturelles servies par le comité d’entreprise (ou par l’employeur en l’absence d’un tel comité) qui sont exonérées de cotisations sous certaines conditions.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article sans modification.

Article 37 ter
(article L. 3651 du code de lenvironnement )
Allègement des règles de responsabilité des propriétaires et gestionnaires de sites naturels dans le cadre des sports de pleine nature

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

L’article 1242 du code civil relatif à la responsabilité extracontractuelle dispose qu’« on est responsable non seulement du dommage que lon cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que lon a sous sa garde. »

L’article L. 365-1 du code de l’environnement précise pour sa part qu’en ce qui concerne les accidents survenus dans le cœur d’un parc national, dans une réserve naturelle, sur un domaine relevant du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou sur les voies et chemins inscrits au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée à l’occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d’activités de loisirs, la responsabilité civile ou administrative de propriétaires de terrains, de la commune, de l’État ou de l’organe de gestion de l’espace naturel est appréciée au regard des risques inhérents à la circulation dans des espaces naturels ayant fait l’objet d’aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et compte tenu des mesures d’information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique.

II.   LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

L’article 37 ter est issu de l’adoption en séance publique d’un amendement M. Michel Savin, membre du groupe Les Républicains, qui abroge l’article L. 365‑1 du code de l’environnement et insère dans le code du sport un article L.  11-1-1 qui prévoit que les dommages causés à l’occasion d’un sport de nature ou d’une activité de loisirs ne peuvent engager la responsabilité du gardien de l’espace, du site ou de l’itinéraire dans lequel s’exerce cette pratique pour le fait d’une chose qu’il a sous sa garde, au sens du premier alinéa de l’article 1242 du code civil.

Cet article vise à répondre aux difficultés qu’a créées, pour les gestionnaires d’espaces naturels, un jugement du 14 avril 2016 du tribunal de grande instance de Toulouse (confirmé en appel) qui a condamné la Fédération française de la montagne et de l’escalade, gestionnaire d’un site naturel pour le compte d’une commune, ainsi que son assureur, à indemniser la victime d’un accident d’escalade survenu à la suite de l’effondrement d’un rocher. Cet amendement a recueilli un avis favorable de la rapporteure et un avis défavorable du Gouvernement qui a indiqué que ce nouveau dispositif, qui ne concernait que la responsabilité civile, supprimait la protection créée par l’article L. 365-1 du code de l’environnement en ce qui concerne la responsabilité administrative.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a réécrit l’article 37 ter en adoptant un amendement n° 540 de Mme Catherine Kamowski et des membres du groupe La République en Marche qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Il fait évoluer la rédaction de l’article 37 ter qui ne permettait pas de répondre de manière satisfaisante à l’objectif de limitation de la responsabilité des gestionnaires d’espaces naturels en cas d’accident, poursuivi par les sénateurs. En effet, elle laissait de côté les questions liées à la responsabilité administrative et ne traitait pas du cas des accidents des piétons car elle abrogeait l’article L. 365‑1 du code de l’environnement relatif à l’exonération de responsabilité.

C’est pourquoi la nouvelle rédaction de l’article 37 ter réécrit cet article du code de l’environnement pour élargir son champ à tous les propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels et ajouter les activités sportives à la liste des activités bénéficiant de l’exonération de responsabilité.

Article 37 quater (nouveau)
(article L. 231-2-4 [nouveau] du code du sport)
Exonération de responsabilité des organisateurs de compétitions et manifestations sportives amateur

Introduit par la commission

L’article 37 quater a été introduit par l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n°349 de M. Jean-Marc Zulesi du groupe La République en Marche, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement. Cet article insère un article L. 231-2-4 dans le code du sport qui vise à exonérer de toute responsabilité les organisateurs de compétition et manifestation sportives amateur en cas d’usage d’un faux certificat par les participants et en cas d’accident dans le cadre de la pratique sportive. En effet, si l’article L.231-2-1 du code du sport prévoit que les participants non licenciés doivent présenter un certificat médical, les organisateurs n’ont bien souvent pas les moyens de vérifier leur authenticité.

Article 38
Délivrance de documents provisoires aux étrangers
demandant un titre de séjour

Supprimé par la commission

I.   Le droit en vigueur

Tout étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne doit, sauf exceptions, être titulaire d’un document autorisant son séjour en France pour que celui-ci puisse excéder trois mois. Le régime juridique de ces titres de séjour (les motifs permettant leur délivrance, la durée de leur validité, la procédure d’instruction des demandes ou encore les droits qu’ils confèrent à leurs titulaires) est régi par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ces titres sont octroyés et renouvelés par les préfectures qui instruisent les demandes et prennent les décisions d’attribution ou de refus.

En pratique, en raison de la longueur de l’instruction, les services préfectoraux remettent quasi systématiquement à l’usager qui dépose une demande de titre de séjour (ou qui en sollicite le renouvellement) un récépissé attestant de sa démarche. Ce document provisoire autorise la présence de l’étranger sur le territoire durant l’examen de sa demande (article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Le récépissé ne préjuge pas de la décision qui sera prise, à l’issue de l’instruction, sur le droit pour le demandeur de prolonger son séjour en France. Il se distingue d’autres documents à caractère provisoire (l’autorisation provisoire de séjour et l’attestation de demande d’asile) qui ne préjugent pas non plus du sens de la décision définitive. La délivrance de récépissés représente, en pratique, un facteur de lourdeur car elle nécessite le déplacement, avec prise de rendez-vous, du demandeur à la préfecture.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Le Gouvernement prévoit de déployer avant 2022 un nouveau service de dépôt en ligne et d’instruction des demandes de titres de séjour. Il ne sera donc plus, à terme, délivré aux usagers de récépissés au format papier, les documents provisoires (attestations de dépôt de demande ou de prolongation de l’instruction d’une demande) étant générés en ligne.

Pour faciliter cette démarche de dématérialisation, l’article 38 du projet de loi vise à supprimer toute mention d’un récépissé (ou d’une attestation) de demande d’un titre de séjour dans les dispositions législatives du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et à renvoyer à des dispositions réglementaires la définition des conditions dans lesquelles les documents provisoires – qui demeureront nécessaires – seront délivrés aux demandeurs.

III.   La position du Sénat

La commission spéciale du Sénat a adopté, à l’initiative de sa rapporteure, un amendement de coordination ainsi qu’un amendement visant à préciser que dans l’attente de la délivrance de la carte de séjour, l’étranger a le droit d’exercer sur le territoire français la profession de son choix.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement visant à préciser cette modification introduite en commission afin que ce droit, pour l’étranger, d’exercer la profession de son choix soit identique à celui prévu par l’article L. 314-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article L. 314-4 dispose que la carte de résident en cours de validité confère à son titulaire le droit d’exercer la profession de son choix sur le territoire de la France métropolitaine.

Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique a été déposé en février 2020 et examiné en séance publique au Sénat en mars 2020. Or l’article 16 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne a entre-temps repris à l’identique les dispositions l’article 38 du projet de loi dans sa rédaction issue des travaux du Sénat. L’article 38 est donc devenu sans objet.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

L’article 38, désormais sans objet, a été supprimé par la commission spéciale qui a adopté des amendements identiques n° 144 de Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe Socialistes et apparentés, n° 340 de M. Ugo Bernalicis, du groupe La France insoumise, n° 477 de M. Gabriel Serville, du groupe Gauche démocrate et républicaine, et n° 681 du rapporteur, qui ont recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Article 38 bis (nouveau)
(section unique [abrogée] du chapitre III du titre Ier du livre IV et articles L. 445-1, L. 446-1, L. 447-1 et L. 448-1 du code de la sécurité intérieure, article 16-12 du code civil et article 6-1 de la loi n° 71498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires)
Dispositions relatives à la police scientifique

Introduit par la commission

L’article 38 bis a été introduit par l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 639 du Gouvernement, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur. Cet amendement vise à simplifier les structures de la police nationale en charge des missions de police technique et scientifique pour améliorer leur coordination, leur efficience et leur visibilité. Dans ce but, à compter du 1er janvier 2021, un service national de police scientifique doit remplacer le service central de police technique et scientifique (qui dépend de la direction générale de la police nationale) et l’Institut national de police scientifique, établissement public placé sous la tutelle du ministre de l’intérieur dont le statut et les missions sont fixés par la section unique du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de la sécurité intérieure.

Le 1° de l’article 38 bis abroge cette section pour permettre de supprimer cet établissement public et le 2° procède à des modifications de conséquence dans le code de la sécurité intérieure. Le 3° et le 4° modifient l’article 16-12 du code civil et l’article 6-1 de la loi n° 71 498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires pour permettre au futur service national de police scientifique de procéder à l’analyse d’empreintes génétiques.

Article 39
(article L. 213-4-1 du code de la route)
Modalités dinscription à lexamen du permis de conduire

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

L’article L. 213-4-1 du code de la route dispose que la répartition des places d’examen au permis de conduire attribuées aux établissements d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière est assurée dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, ne portant pas atteinte à la concurrence entre ces établissements. Il prévoit que ces places sont attribuées aux établissements d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière en fonction notamment du nombre d’enseignants à la conduite dont ils disposent et de manière à garantir l’accès des candidats libres à une place d’examen. Il précise que la méthode nationale de répartition est définie par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière.

Reprenant une des recommandations du rapport « Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée » remis par Mme la députée François Dumas au Premier ministre en février 2019, le VIII de l’article 98 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (dite « LOM ») a mis en place une expérimentation de désintermédiation de l’attribution des places d’examen pratique du permis de conduire. Cette expérimentation doit permettre une meilleure répartition des places d’examen en rapprochant l’offre et la demande. Les places sont attribuées directement de manière nominative aux candidats qui en font la demande par voie électronique sur un système dédié. La demande peut aussi être effectuée, selon les mêmes modalités, par l’établissement d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière auprès duquel le candidat est inscrit. L’expérimentation doit avoir lieu dans les départements désignés par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière.

L’arrêté du 13 février 2020 relatif à la mise en œuvre d’une expérimentation portant sur l’attribution nominative des places d’examens pratiques du permis de conduire en application de l’article L. 213-4-1 du code de la route prévoit que les départements dans lesquels l’expérimentation est réalisée sont l’Aude, le Gard, le Gers, la Haute-Garonne et l’Hérault et que l’expérimentation débute le 2 mars 2020. Le VIII de l’article 98 de la LOM prévoit que cette expérimentation doit durer huit mois mais qu’elle peut être prolongée de trois mois.

Par ailleurs, le IX de l’article 98 de la LOM a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi les mesures relevant du domaine de la loi afin de modifier l’article L. 213-4-1 du code de la route au regard de l’évaluation de cette expérimentation afin de généraliser le dispositif.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Le IX de l’article 98 de la LOM a été censuré par le Conseil Constitutionnel. Dans sa décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, celui-ci a indiqué que ces dispositions qui portent sur une expérimentation qui n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation et ne déterminent pas non plus les conditions auxquelles la généralisation pourra avoir lieu, méconnaissent les exigences qui résultent de la combinaison des articles 37-1 et 38 de la Constitution relatifs aux expérimentations et aux ordonnances.

C’est pourquoi l’article 39 du projet de loi abroge l’article L. 213-4-1 du code de la route. Cette abrogation donnera la possibilité au Gouvernement de généraliser la procédure d’inscription en ligne au permis de conduire à l’issue de l’expérimentation sans devoir passer par une modification de la loi.

III.   la position du Sénat

L’article a été adopté sans modification par le Sénat qui a jugé que l’abrogation de l’article L. 213-4-1 du code de la route semblait d’autant plus justifiée que les modalités de répartition des places d’examen du permis de conduire ne relevaient pas du domaine de la loi mais du domaine réglementaire.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article sans modification.

Article 39 bis (nouveau)
(article L. 213-2 du code de la route)
Évaluation préalable à la signature du contrat dapprentissage dans les auto-écoles

Introduit par la commission

L’article L. 213-2 du code de la route dispose que les conditions et les modalités de l’enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière font l’objet d’un contrat écrit qui est conclu après une évaluation préalable du candidat dans le véhicule ou dans les locaux de l’établissement.

La référence au lieu de conclusion de ce contrat est supprimée par l’article 39 bis issu de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 487 de M. Damien Adam, du groupe La République en Marche, qui a recueilli un avis de sagesse du rapporteur et un avis favorable du Gouvernement. Cette évolution permet aux auto-écoles de réaliser, si elles le souhaitent, cette évaluation en ligne, et non plus en présentiel, obligation qui semble trop contraignante.

Article 39 ter (nouveau)
(article 98 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 dorientation des mobilités)
Prolongation de lexpérimentation de la désintermédiation de lattribution des places à lexamen du permis de conduire

Introduit par la commission

L’article 98 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (dite « LOM ») a mis en place une expérimentation de désintermédiation de l’attribution des places d’examen pratique du permis de conduire. Cette expérimentation doit durer huit mois mais elle peut être prolongée de trois mois.

La durée possible pour la prolongation est allongée à six mois par l’article 39 ter issu de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement n° 565 de M. Damien Adam, du groupe La République en Marche, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Cette mesure permet de prendre en compte le fait que l’expérimentation, qui a débuté avec retard, n’a pas pu se dérouler sur un temps suffisamment long.

Article 40
(articles L. 162-17-3 et L. 162-17-3-1 du code de la sécurité sociale)
Bulletin officiel des produits de santé

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

Aujourd’hui, les informations relatives à la prise en charge des produits de santé sont éparpillées entre le Journal officiel de la République française, le site internet du ministère des solidarités et de la santé et le site de l’assurance maladie, ce qui entrave la diffusion des règles de prescription et de prise en charge des produits et rend plus difficile leur respect. C’est pourquoi il est apparu nécessaire de regrouper l’ensemble des informations dans un Bulletin officiel des produits de santé. En outre, celui-ci pourra être automatiquement alimenté par des informations contenues dans un unique outil de gestion qui se substituerait à la multiplicité des outils existants.

Cette réforme devait être mise en œuvre par le 12° et le 13° du I de l’article 42 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020. Pour ce faire, le 12° remplace la référence au Journal officiel de la République française par la référence au Bulletin officiel des produits de santé à l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit que les prix de vente au public des médicaments, les tarifs et, le cas échéant, les prix des produits et prestations fixés par le Comité économique des produits de santé sont publiés au Journal officiel. Le 13° complète l’article L. 162-17-3-1 du même code pour prévoir que les informations et décisions relatives au remboursement, à la prise en charge, aux prix, aux tarifs et à l’encadrement de la prescription et de la dispensation des médicaments, des dispositifs médicaux, des autres produits de santé et, le cas échéant, des prestations associées, sont publiées au Bulletin officiel des produits de santé.

II.   LE dispositif DU PROJET DE LOI

Le 12° et le 13° du I de l’article 42 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2019‑795 DC du 20 décembre 2019, celui-ci a indiqué que ces dispositions, qui se bornent à prévoir des moyens d’information pour les professionnels de santé, n’entrent pas dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale défini par la Constitution.

C’est pourquoi, pour permettre la mise en place du Bulletin officiel des produits de santé, l’article 40 du projet de loi reprend la réforme prévue initialement par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Son 1° substitue la référence au Bulletin des produits de santé à la référence au Journal officiel à l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale. Le 2° complète l’article L. 162-17-3-1 du même code pour prévoir que les décisions relatives au remboursement, à la prise en charge, aux prix, aux tarifs et à l’encadrement de la prescription et de la dispensation des médicaments, des dispositifs médicaux, des autres produits de santé et, le cas échéant, des prestations associées sont publiées au Bulletin officiel des produits de santé et préciser que la Caisse nationale d’assurance maladie assure la mise en œuvre du Bulletin officiel des produits de santé.

III.   la position du Sénat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article sans modification.

Article 40 bis (nouveau)
(article L. 1213 du code monétaire et financier)
Diversification des missions de La Monnaie de Paris

Introduit par la commission

La commission spéciale a adopté un amendement (n° 640) du Gouvernement, avec un sous-amendement rédactionnel (n° 712) de son rapporteur, qui facilitera le développement local de l’établissement public La Monnaie de Paris.

Ses missions comprennent désormais expressément :

– la valorisation du domaine privé dont il est propriétaire ;

– la possibilité d’exercer, lui-même ou par le biais de filiales et participations, toutes activités connexes, y compris commerciales, qui se rattachent directement ou indirectement à ses missions ;

– et en complément de ses autres missions, la possibilité de fabriquer et commercialiser tous produits en lien avec ses activités et de mettre en valeur son patrimoine historique par tout moyen approprié.

Ces évolutions sont unanimement approuvées par l’ensemble du personnel de l’établissement. L’extension de ses missions devrait permettre à l’établissement de développer l’activité et l’emploi sur les territoires, en particulier à partir de son usine de Pessac.

Article 40 ter (nouveau)
(articles 36 et 38 de la loi n° 20131168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions
concernant la défense et la sécurité nationale)
Maintien des avantages
financiers des militaires recrutés pour encadrer
le
service national universel

Introduit par la commission

I.   le droit en vigueur

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a créé deux dispositifs d’accompagnement financier du départ anticipé des militaires de carrière qui remplissent certaines conditions d’âge et d’ancienneté :

– son article 36 a mis en place le dispositif dit de « pension afférente au grade supérieur » (PAGS) qui permet aux officiers et sous-officiers de bénéficier de la liquidation immédiate d’une pension calculée par référence à un indice correspondant au grade immédiatement supérieur à celui qu’ils détiennent ;

– et l’article 38 assure aux autres militaires un pécule dit « pécule modulable d’incitation au départ » (PMID).

Toutefois, le bénéfice de la PAGS est perdu au premier jour du mois au cours duquel le bénéficiaire reprend une activité dans l’un des organismes mentionnés à l’article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite, au nombre desquels figure l’État.

Les bénéficiaires du PMID doivent, pour leur part, rembourser le pécule en cas de reprise, dans les cinq années suivant leur départ, d’une activité au sein des armées ou en tant que fonctionnaires ou contractuels de l’État, des collectivités territoriales ou des hôpitaux.

II.   les travaux de la commission spéciale

Avec l’avis favorable de son rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 641) du Gouvernement qui maintient ces avantages financiers en faveur des militaires et officiers en retraite anticipée recrutés pour encadrer le séjour de cohésion du service national universel (SNU, cf. le commentaire suivant de l’article 41).

Lors de l’organisation de la session 2019, il est en effet apparu que les anciens militaires constituent l’un des plus importants viviers de recrutement pour le personnel d’encadrement des séjours de cohésion. Or, alors même que le nombre de jeunes volontaires doit passer de 2 000 à 25 000 en 2021, l’augmentation nécessaire de ce vivier est entravée par l’incompatibilité légale entre le maintien des aides au départ et la reprise d’un emploi public.

Le séjour de cohésion n’étant défini, encore, que par des dispositions réglementaires du code du service national, le présent article étend les dérogations autorisées par la loi n° 2013-1168 en visant plus largement les « autres formes de volontariat mentionnées à larticle L. 111-2 du code du service national ». Le Gouvernement a précisé qu’en pratique, au sein de cette catégorie, seul le séjour de cohésion est susceptible d’être encadré par des anciens militaires recrutés sous contrat.

Le rapporteur considère que la sécurité et la réussite des séjours de cohésion du SNU nécessitent des encadrants expérimentés et motivés ; il serait dommage que la perte de leurs pécules ne décourage les anciens militaires d’apporter leurs compétences à ce dispositif d’intérêt général.

Article 41
Habilitation du Gouvernement à définir par ordonnance le statut
des encadrants du service national universel

Rétabli par la commission

I.   le droit en vigueur

Le Président de la République a souhaité fonder sa stratégie pour « impliquer davantage la jeunesse [française] dans la vie de la Nation, promouvoir la notion dengagement et favoriser un sentiment dunité nationale autour de valeurs communes » ([150]) sur un nouveau dispositif de service national universel.

S’adressant aux jeunes dès 15 ans, le programme se décompose en trois étapes : les deux premières pourraient devenir obligatoires, comportant un « séjour de cohésion » de deux semaines dans un autre département que celui où réside le jeune, suivi d’une « mission d’intérêt général » de douze jours consécutifs, ou 84 heures, à proximité de son lieu de résidence et dans l’année qui suit. Chaque jeune pourrait ensuite poursuivre, jusqu’à ses 25 ans, une période d’engagement d’au moins trois mois dans des associations, des collectivités locales, des institutions ou des organismes publics ainsi que des corps en uniforme.

En l’absence de base légale et constitutionnelle, une première phase d’expérimentation a été organisée sur la base du volontariat, en juin 2019, dans 13 départements pilotes. 1 978 jeunes âgés de 16 ans environ ont ainsi participé à des séjours collectifs de cohésion. Puis les missions d’intérêt général « obligatoires » ont été lancées lors des vacances d’octobre 2019.

En février 2020, le secrétaire d’État, M. Gabriel Attal, annonçait la volonté du Président de la République et du Gouvernement d’accélérer le déploiement du service national universel, en organisant l’accueil de 20 000 à 30 000 jeunes dès 2020, dans l’ensemble des départements, et en visant 100 000 jeunes en 2021, 200 000 en 2022, avec l’objectif de mobiliser toute une classe d’âge – soit 800 000 jeunes – en 2024.

II.   le projet de loi

Les échelles envisagées et le projet de pérenniser le dispositif nécessitent, à l’évidence, de consolider le statut des personnels encadrant ces jeunes lors de leur séjour de cohésion. La première session a mobilisé 450 personnes, dont un tiers d’anciens militaires et deux tiers de personnels de l’éducation nationale en activité ou à la retraite ainsi que de personnels d’associations du secteur de l’éducation populaire. Cela représentait environ un adulte pour cinq jeunes. Sans maintenir nécessairement un taux d’encadrement aussi élevé, il importerait d’assurer le recrutement en nombre suffisant d’encadrants compétents, leur formation et leur fidélisation afin de garantir un niveau de sécurité élevé et la durabilité du programme.

Or, si les premiers encadrants ont pu bénéficier de contrats d’engagement éducatif, prévus à l’article L. 432-1 du code de l’action sociale et des familles, cette formule correspond à des participations seulement occasionnelles à l’animation ou la direction d’un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif « organisé à loccasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs ».

L’article 41 proposait donc l’habilitation du Gouvernement à définir par ordonnance des conditions plus adaptées de recrutement et d’emploi de ces encadrants.

III.   LA POSITION DU SÉnat

Le Gouvernement a indiqué à la rapporteure du Sénat, Mme Patricia Morhet-Richaud, qu’il envisageait de :

– créer un congé dédié pour les fonctionnaires d’État leur permettant d’encadrer ces stages contre rémunération ;

– d’instaurer également un nouveau congé spécifique dans le code du travail ;

– et d’adapter le statut des militaires pour autoriser ceux ayant bénéficié du pécule modulable d’incitation au départ anticipé ou de la pension afférente au grade supérieur à participer à ces encadrements rétribués sans perdre ces avantages financiers.

Mais la commission spéciale du Sénat a considéré que le dispositif du service national universel méritait un débat plus large que la question d’accorder ou non une habilitation à légiférer par ordonnance sur un volet très partiel du sujet. Son coût budgétaire justifierait en lui-même un examen poussé du programme. À raison de 1 500 euros par jeune, ce sont 30 millions d’euros qui ont été inscrits au budget de l’éducation nationale pour 2020 et 1,5 milliard d’euros annuels qui devraient être prévus à terme pour une classe d’âge.

Par ailleurs, les renseignements pris montraient que les travaux de l’administration n’étaient pas suffisamment avancés au premier trimestre de cette année pour s’appliquer à la session 2020, initialement prévue du 22 juin au 3 juillet. La définition d’un nouveau régime pouvait attendre, selon elle, un nouveau véhicule législatif traitant globalement du dispositif.

L’article 41 a donc été supprimé par le Sénat, avec l’adoption par la commission spéciale de deux amendements identiques de suppression de sa rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, et de la sénatrice socialiste, Mme Sylvie Robert. Aucun amendement de rétablissement n’a été présenté en séance publique.

IV.   les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’amendement (n° 605) de son rapporteur rétablissant l’article 41 dans sa rédaction initiale.

Le rapporteur est convaincu que le service national universel est un programme potentiellement très structurant pour la jeunesse de notre pays.

Certes, ce projet de société vaut un débat au Parlement, autant que les engagements financiers substantiels qu’il entraînera. En outre, condition de son efficacité, le rendre obligatoire suppose une adaptation de la loi, voire de la Constitution, pour autoriser et encadrer les atteintes aux libertés individuelles des jeunes concernés (l’assignation à une résidence forcée et l’obligation d’accomplir une tâche non rémunérée), entre autres, ce qui dépasse la seule question du statut des encadrants.

Le Gouvernement prépare à cet effet un projet de loi spécifique qui devrait être présenté au Parlement en 2021.

Mais d’ici son adoption, il importe d’assurer les meilleures conditions de réussite et de sécurité pour l’expérimentation en cours. Disposer d’un vivier de personnes compétentes et motivées suffisant pour accompagner la montée en charge du dispositif est indispensable.

En 2020, le problème ne s’est finalement pas posé. L’épidémie de la Covid‑19 a amené le Gouvernement à inverser les phases pour les candidats de cette année. Les missions d’intérêt général ont pu être réalisées dès juillet, en dehors du temps scolaire ; le séjour de cohésion a été, lui, reporté à une période ultérieure, non encore déterminée mais débordant 2020 en raison de la persistance active du virus.

Cependant, malgré la crise sanitaire, le SNU suscite un intérêt soutenu puisque plus de 10 000 jeunes, recrutés désormais sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin, se sont portés candidats pendant le confinement. Pour l’année prochaine, le Gouvernement vise une promotion de 25 000 jeunes et, pour son accueil et son accompagnement, compte inscrire, en loi de finances pour 2021, 61 millions d’euros au programme 163 « Jeunesse et vie associative » du budget de l’État.

Pour commencer à préciser le cadre juridique du SNU, le Premier ministre et les ministres compétents ont publié un décret n° 2020-922 portant diverses dispositions relatives au service national universel, le 29 juillet dernier. Applicable dès le 1er septembre, celui-ci définit notamment le séjour de cohésion, toujours sur la base du volontariat mais emportant l’engagement de participer à une mission d’intérêt général ; celle-ci se déroulera dans le cadre d’une « réserve du service national universel » créée à cet effet, dont le recteur de région académique sera l’autorité territoriale de gestion. Il validera les missions d’intérêt général proposées et contrôlera les conditions de mise en œuvre de la réserve. Le recteur de région académique organisera également le séjour de cohésion et assurera « le recrutement et la gestion des personnes physiques participant à des fonctions danimation ou de direction de ce séjour, notamment de celles recrutées par un contrat dengagement éducatif ».

Les services ministériels préparent par ailleurs un second décret pour créer une indemnité d’encadrement du service national universel.

Enfin, le nouvel article 40 ter permet désormais aux militaires en retraite anticipée de continuer à percevoir leur pécule spécifique pendant leur contrat SNU.

Il est toutefois nécessaire de compléter ces textes par des dispositions législatives définissant des modalités de recrutement et de rémunération plus adaptées aux différents autres profils potentiels des encadrants. Selon la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, interrogée par votre rapporteur, il est ainsi prévu que :

‑ les encadrants non-fonctionnaires, mais aussi les fonctionnaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière soient recrutés en contrat d’engagement éducatif, de droit privé ;

‑ les fonctionnaires et agents sous contrat à durée indéterminée de l’État bénéficient d’une autorisation de cumul d’activités sur des périodes courtes et de l’indemnité spécifique qui sera définie par décret ;

‑ enfin, les chefs de centre et leurs adjoints et tous ceux qui doivent être recrutés en amont du séjour de cohésion, pour sa préparation et pour la formation des encadrants, soient recrutés en contrat à durée déterminée public.

Ces évolutions paraissent légitimement nécessaires à la réussite des prochaines promotions de SNU, jusqu’à l’instauration du dispositif obligatoire, en permettant d’élargir le vivier des encadrants.

Article 42
(article L. 221-15 du code monétaire et financier et article L. 166 AA [nouveau] du livre des procédures fiscales)
Transmission de léligibilité fiscale de lépargnant
au livret dépargne populaire par ladministration fiscale
sur demande des établissements bancaires

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Le livret d’épargne populaire (LEP) est un produit d’épargne réglementée visant à préserver le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes grâce à un taux de rémunération de 1 %, contre 0,5 % pour le livret A ([151]), et à l’exonération des intérêts de l’impôt sur le revenu.

À ce titre, l’article L. 221-15 du code monétaire et financier le réserve aux contribuables qui ont leur domicile fiscal en France et dont les revenus de l’année précédente n’excèdent pas les montants mentionnés au I de l’article 1417 du code général des impôts, multipliés par 1,8 : ouvrir ou détenir un LEP en 2020 suppose ainsi que le titulaire du compte justifie d’un revenu fiscal ne dépassant pas 19 977 euros en 2018 si son foyer fiscal est composé d’une seule part, ou 36 645 euros si son foyer fiscal est composé de deux parts. S’il cesse de remplir les conditions de revenus, il doit demander la clôture de son LEP. Parallèlement, les établissements dépositaires doivent solder les comptes pour lesquels les justifications annuelles n’ont pas été produites.

En dépit des avantages offerts, l’Observatoire de l’épargne réglementée constate dans son rapport publié en 2019 que le nombre des LEP ne cesse de diminuer presque chaque année. L’obligation de prouver son niveau de revenus non seulement à l’ouverture du compte mais également chaque année de sa détention contribue vraisemblablement à son manque de succès auprès du public concerné, ainsi qu’auprès des établissements bancaires contraints de vérifier tous les ans l’éligibilité de leurs clients au regard de leurs revenus et de leurs situations familiales.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, la commission des finances de l’Assemblée nationale avait adopté un amendement, avec l’avis favorable du Gouvernement, qui autorisait l’administration fiscale à indiquer, à leur demande, aux établissements dépositaires ou habilités à proposer un LEP l’information nécessaire au contrôle des conditions de revenus.

Le Sénat avait à son tour complété le dispositif en supprimant explicitement la mention selon laquelle les épargnants doivent apporter chaque année la preuve de leur éligibilité au LEP.

Mais le Conseil constitutionnel a finalement censuré l’article 151 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 qui en résultait, considérant qu’il ne relevait pas du domaine des lois de finances. ([152])

II.   le projet de loi

L’article 42 du projet de loi reprend le dispositif élaboré lors des discussions sur le projet de loi de finances pour 2020.

Il supprime ainsi de l’article L. 221-15 du code monétaire et financier l’obligation pour les titulaires de LEP de justifier chaque année de leur niveau de revenus et renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des conditions de l’échange d’informations entre l’administration fiscale et les établissements bancaires, ou les modalités selon lesquelles les contribuables doivent eux-mêmes apporter ces informations si l’administration fiscale n’est pas en mesure de le faire.

Concrètement, un circuit direct sera créé via une application informatique entre la direction générale des finances publiques (DGFiP) et les banques. Celles-ci saisiront chaque année la DGFiP des noms de leurs clients détenteurs de LEP ou souhaitant en ouvrir un ; la DGFiP leur répondra en retour.

Enfin, l’article 42 complète le livre des procédures fiscales avec un nouvel article L. 166 AA qui encadre l’information transmise par l’administration fiscale, la limitant à l’indication de l’éligibilité, ou non, des clients concernés.

III.   la position du SÉnat

La commission spéciale du Sénat a adopté ce dispositif, supprimant seulement, par un amendement de sa rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, le III de l’article 42 qui opérait des coordinations redondantes avec les modifications prévues par les I et II.

IV.   les travaux de la commission spéciale

La nouvelle procédure allègera nettement les obligations incombant aux banques et à leurs clients. En outre, le secret fiscal sera non seulement préservé, mais mieux respecté puisqu’auparavant, les clients devaient présenter leur avis d’imposition chaque année à leur banque, avec toutes les informations personnelles qu’il contient. Enfin, tout usage de l’information transmise par l’administration fiscale autre que pour le suivi du LEP sera pénalement sanctionné.

La commission spéciale a cependant adopté un amendement rédactionnel (n° 305) ainsi qu’un amendement (n° 607) de son rapporteur visant à clarifier une ambiguïté dans la rédaction de l’article, en précisant :

– le fait que l’administration fiscale indiquera seulement si une personne est éligible, ou non, au livret d’épargne populaire ;

– et ce, à la demande seulement des établissements habilités à le distribuer.

Article 42 bis
(articles L. 113-12-2 et L. 113-15-3 [nouveau] du code des assurances, articles L. 313-8, L. 313-30, L. 31346-1 [nouveau], L. 341-39 [abrogé], L. 341-25, L. 341-26, L. 341-26-1 [nouveau], L. 341441 [nouveau] et L. 341-46-1[nouveau] du code de la consommation et articles L. 221-10 et L. 221-10-4 [nouveau] du code de la mutualité)
Clarification des modalités dapplication du droit de résiliation annuelle
de lassurance emprunteur

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Jusqu’à la fin des années 1990, les assurances emprunteur, liées à un prêt immobilier, étaient presque exclusivement des contrats collectifs, dits de groupe, souscrits par les banques au profit de leurs clients emprunteurs. À partir des années 2000, sont apparues des offres individuelles, plus compétitives, distribuées par des organismes non bancaires. Aujourd’hui notre pays compterait à peu près 6 millions de particuliers détenteurs d’un crédit immobilier, générant un total de cotisations d’assurance emprunteur d’environ 6 milliards d’euros par an. Quand les taux d’intérêt de ces crédits immobiliers étaient élevés, les cotisations d’assurance ne représentaient qu’une part mineure de leurs coûts. Depuis quelques années, avec le recul des taux d’intérêt, la cotisation d’assurance emprunteur peut représenter jusqu’à 50 % du coût total d’un crédit. Depuis 2010, la loi s’est efforcée de libéraliser le marché de l’assurance emprunteur en reconnaissant à l’emprunteur la liberté de choisir son assureur non seulement à la souscription du contrat (on parle de délégation d’assurance emprunteur) mais aussi pendant la durée de ce contrat (on parle de substitution).

De fait, la faculté reconnue aux consommateurs de résilier leur assurance (pour lui en substituer une autre dans le cas d’un crédit immobilier) est une arme potentiellement puissante pour faire jouer la concurrence et permettre une diminution des tarifs d’assurance. Elle a montré son efficacité dans d’autres secteurs. L’activer sur des contrats de prêt de longue durée portant sur des sommes élevées comme ceux relatifs aux opérations immobilières devrait redonner du pouvoir d’achat aux ménages emprunteurs confrontés au quasi-monopole des banques.

Cependant, la mise en œuvre de cette faculté reste complexe pour les particuliers. Le droit français définit en effet plusieurs droits à résiliation de contrat d’assurance :

– de longue date, un assureur et un assuré peuvent résilier le contrat qui les lie (souscrit pour couvrir un crédit ou tout autre risque) tous les ans dans les conditions définies par la police d’assurance (premier alinéa de l’article L. 113‑12 du code des assurances ; que l’on retrouve également au premier alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité pour les contrats d’assurance entre une mutuelle et un membre participant, autres que ceux portant sur un crédit immobilier) ;

– depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », l’assuré dispose également du droit, exclusif, de résilier son contrat à tout moment après la première année de la souscription de ce contrat, en respectant un délai de préavis de deux mois (deuxième alinéa et suivants de l’article L. 113-12 du code des assurances). C’est également le cas pour les contrats d’assurance à reconduction tacite (article L. 113-15-2) ;

– s’agissant de crédit immobilier, la loi « Hamon » a opté pour la règle inverse : l’article L. 113‑12-2 du code des assurances et l’article L. 221-10 du code de la mutualité prévoient, en des termes similaires, la faculté de l’assuré de résilier son contrat à tout moment mais dans les douze mois suivant la signature de l’offre de prêt. Au-delà de cette première année, ils reviennent au droit de résiliation annuel, à l’échéance contractuelle, défini au premier alinéa de l’article L. 113-12 du code des assurances ainsi qu’au premier alinéa de l’article L. 221-10 – tout en le réservant presque exclusivement à l’assuré ([153]). Les articles L. 113-12-2 et L. 221‑10 précisent les modalités à suivre pour exercer ces droits.

Malgré leur intérêt, il semble encore difficile aux assurés d’utiliser pleinement leurs droits à substitution d’agissant d’assurance emprunteur. Alors que 87,5 % des contrats demeurent souscrits auprès d’établissements bancaires, un cinquième des consommateurs ignoreraient qu’ils peuvent changer d’assurance et un tiers ne réussirait pas à substituer leurs contrats dans les temps.

De fait, la diversité des règles applicables à la résiliation des contrats d’assurance est déjà propre à créer une certaine confusion.

Mais, plus spécifiquement, dans son rapport sur une proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur, déposée en 2019 par le sénateur M. Martial Bourquin et les membres du groupe Socialiste et républicain, la rapporteure pour la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Élisabeth Lamure, considérait que nombre de ces difficultés sont imputables à la date d’échéance des contrats d’assurance emprunteur, difficile à identifier parce que juridiquement mal définie et parfois non mentionnée dans ces contrats.

Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par le Sénat le 23 octobre dernier puis transmise à l’Assemblée nationale ([154]) qui ne l’a pas encore examinée.

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

Le nouvel article 42 bis, adopté par la commission spéciale du Sénat à l’initiative des mêmes auteurs que la proposition mentionnée ci-dessus, reprend le texte de cette dernière. Modifiant en parallèle le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la consommation, il propose ainsi :

– de préciser la date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation annuel mentionné à l’article L. 113-12 du code des assurances (et au premier alinéa de l’article L 221-10 du code de la mutualité). Elle est « , au choix de lassuré (ou du membre participant), la date danniversaire de la signature de loffre de prêt par celui-ci ou toute autre date déchéance prévue au contrat » ;

Et dans le cas des crédits immobiliers :

– d’indiquer explicitement cette date d’échéance dans une notice à remettre obligatoirement aux emprunteurs lors de la présentation de l’offre de prêt (article L. 313-8 du code de la consommation), à savoir la fiche standardisée d’information de l’assurance de prêt ou FSI ;

– d’exiger des assureurs de rappeler activement, chaque année, à leurs assurés leurs droits à résilier leurs contrats d’assurance emprunteur et les modalités d’exercice de ces droits ([155]) ;

– d’imposer aux prêteurs de justifier de manière explicite et motivée les raisons de leur refus de changer d’assurance emprunteur (article L. 313-30 du code de la consommation) ;

– de transformer les sanctions pénales actuellement prévues (à l’article L. 341‑38 du code de la consommation) en cas de non-respect par un prêteur de ses obligations à l’égard d’un emprunteur lors de la formation du contrat de crédit immobilier en sanctions administratives (dans un nouvel article L. 341-44-1 du même code) et d’en alourdir les montants : actuellement limitée à 3 000 euros, l’amende resterait à ce montant pour une personne physique mais pourrait monter à 15 000 euros pour une personne morale.

La direction générale du trésor a indiqué au rapporteur de votre commission spéciale que ces amendes pénales étaient de fait peu appliquées. Leur transformation en amendes administratives suivies par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) devrait les rendre plus efficaces ;

– enfin, de créer des sanctions administratives similaires s’agissant des manquements d’un prêteur au stade de la formulation de l’offre de prêt (article L. 341-26-1 du code de la consommation) ainsi que de ceux de l’assureur pendant l’exécution du contrat (article L. 341-46-1 du même code).

Le IV de l’article 42 bis prévoit par ailleurs d’appliquer les nouvelles dispositions aux contrats en cours quatre mois après la publication de la présente loi.

III.   les travaux de la commission spéciale

Auditionnées à leur demande par le rapporteur, les assurances mutualistes (MAIF, Groupama, MACIF, MAAF, etc.) saluent les progrès apportés par l’article 42 bis mais seraient disposées à aller plus loin dans l’intérêt des clients. Elles ont notamment suggéré de renoncer à imposer une échéance pour reconnaître un droit de résiliation à tout moment, à l’instar de ce qui est prévu, au-delà de la première année, pour les assurances risque.

En commission spéciale, le rapporteur a dit sa crainte que les assureurs proposent à l’avenir des contrats moins protecteurs – ou plus chers – pour compenser leur plus grande instabilité. Et la ministre a proposé d’attendre l’étude que le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) publiera prochainement sur la nature exacte des difficultés rencontrées par les assurés pour changer d’assurance emprunteur avant d’améliorer encore davantage leur protection.

Finalement, contre l’avis du Gouvernement qui souhaite préserver l’équilibre de la réforme négociée avec le CCSF en attendant son bilan, la commission spéciale a adopté, outre un amendement rédactionnel (n° 308) du rapporteur, un amendement (n° 58) de Mmes Patricia Lemoine et Laure de La Raudière, du groupe Agir Ensemble, remplaçant l’actuel droit de résiliation pouvant être exercé à tout moment au cours de la première année du contrat de crédit immobilier, inscrit dans le code des assurances et le code de la mutualité, par un droit à résiliation à tout moment sur toute la durée de contrat de prêt.

Il vise à contrecarrer les mauvaises pratiques de certains établissements bancaires qui « ne répondent pas, ou que très tardivement, à des demandes de changement de contrat dassurance emprunteur », comme le relève l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Article 42 ter (nouveau)
(article L. 1124 du code des assurances)
Mention dans les contrats dassurance risque de la possibilité pour lassuré de recourir à une contre-expertise

Introduit par la commission

En matière d’assurance risque, lorsqu’un sinistre survient, l’assureur mandate un expert afin d’évaluer le montant des dommages à indemniser. Si l’assuré est en désaccord avec les conclusions de cet expert, il peut engager, à ses frais, une contre-expertise qui est réalisée par un autre expert dit « expert d’assuré ». Toutefois, les assurés ne sont pas toujours informés de cette possibilité. Celle-ci constitue pourtant leur premier outil de défense face à leurs assureurs, étant plus accessible et rapide qu’une procédure judiciaire.

Avec l’avis favorable de son rapporteur, mais contre l’avis du Gouvernement, la commission spéciale a adopté les amendements (n° 56) de Mmes Patricia Lemoine et Laure de La Raudière, du groupe Agir Ensemble, et (n° 478) de M. Gabriel Serville et du groupe Gauche démocrate et républicaine qui imposent de faire figurer sur le contrat d’assurance l’existence de cette option ainsi que le coût moyen de celle‑ci.

Cette mention est purement informative ; elle ne remet pas en cause le principe que cette contre-expertise est menée au frais de l’assuré, ni la liberté contractuelle entre un assureur et ses assurés. Un assureur peut toujours prévoir dans ses contrats le plafonnement de ses indemnisations, limitant en pratique l’intérêt d’une contre-expertise. Cette information renforcera néanmoins la protection des assurés.

Article 43
Dispositif dintéressement dans les très petites entreprises

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

L’intéressement est un dispositif d’épargne salariale collective mis en place dans certaines entreprises. Il prévoit le versement à chaque salarié d’une prime calculée en fonction des résultats de l’entreprise sous condition de l’atteinte d’objectifs collectifs de performance. Selon le choix du salarié, la prime peut lui être versée directement ou déposée sur un plan d’épargne salariale.

En principe, l’intéressement est mis en place pour trois ans par un accord, au niveau de l’entreprise, qui peut être conclu selon l’une ou l’autre des modalités suivantes (article L. 3312-5 du code du travail) :

– conclusion d’une convention ou d’un accord collectif de travail ;

– conclusion d’un accord entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;

– conclusion d’un accord au sein du comité social et économique (CSE) ;

– ratification à la majorité des deux tiers du personnel (référendum) d’un projet d’accord proposé par l’employeur. Lorsqu’il existe dans l’entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité social et économique (CSE), cette ratification est demandée conjointement par l’employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.

Ce dispositif est facultatif mais les bénéfices sociaux et économiques qu’il présente ont incité le Gouvernement à encourager son développement. Les études économiques montrent en effet l’impact significatif des systèmes de partage de la valeur ajoutée dans les entreprises sur la motivation des salariés et le bien-être au travail. Et majoritairement investie en actions ([156]), cette épargne salariale participe au financement de l’économie nationale. Diverses mesures renforçant ou prolongeant les avantages financiers associés aux dispositifs d’intéressement ont ainsi été prises ces dernières années, soit plusieurs allègements fiscaux et sociaux en faveur des salariés et/ou des employeurs ainsi qu’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat créée en 2019 ([157]) et reconduite en 2020 par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Pour autant, ces leviers ne peuvent suffire à lever les freins qui bloquent la diffusion des accords d’intéressement au sein des petites et moyennes entreprises (PME), notamment liés à la complexité des procédures de mise en place et à l’absence, pour les négocier, de représentants ou d’instances représentatives du personnel dans les très petites structures. De fait, en 2017, seuls 3,7 % des employés d’entreprises de moins de dix salariés bénéficiaient d’un accord de ce type.

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (PACTE) a d’ores et déjà introduit une série de mesures de simplification et de sécurisation des dispositifs d’intéressement. Elle prévoit notamment l’obligation pour les branches professionnelles de négocier des accords‑types d’intéressement au plus tard le 31 décembre 2020 et permet aux PME de choisir de les appliquer directement, sans négociation spécifique au niveau de l’entreprise. En deçà d’un effectif de cinquante salariés, un employeur a même la faculté d’appliquer par décision unilatérale l’accord négocié au niveau de la branche.

II.   le DISPOSITIF DU projet de loi

Si les branches professionnelles doivent négocier ces accords, elles ne sont toutefois pas contraintes d’aboutir dans ces négociations. L’étude d’impact du projet de loi ne décomptait au début de l’année que dix-sept branches à avoir conclu un accord-type d’intéressement.

Aussi l’article 43 propose-t-il une modalité dérogatoire de création d’un dispositif d’intéressement au sein des très petites entreprises qui emploient moins de onze salariés et sont dépourvues de délégué syndical et a fortiori de comité social et économique.

Complétant l’article L. 3312-5 du code du travail, il prévoit que le dispositif puisse être mis en place par décision unilatérale de l’employeur s’il n’y a pas eu d’accord conclu dans les cinq années précédentes.

Cela ne peut toutefois concerner un dispositif d’intéressement de projet (fondé sur un objectif commun à tout ou partie des salariés ([158])), ni autoriser l’application de critères de répartition des primes fondés sur l’ancienneté ou la qualification ([159]).

Enfin, la dérogation ne vaut que pour la création du dispositif puisque le régime d’intéressement mis en œuvre par décision unilatérale ne peut être reconduit que par un accord ou un référendum d’entreprise dans les conditions ordinaires définies au même article L. 3312‑5.

En dehors de ces dispositions spécifiques, le dispositif prévu à l’article 43 applique le droit commun de l’intéressement – en particulier s’agissant du régime fiscal et social et du contrôle exercé par l’administration ([160]). Seules les dispositions visant les accords d’intéressement conclus dans un groupe ou une branche ne s’appliquent pas, logiquement.

III.   lA Position DU SÉnat

La commission spéciale du Sénat a approuvé cette réforme, ne corrigeant que les modalités de reconduction de ces accords d’intéressement. En effet, sa rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, a considéré que le droit commun restait complexe à mettre en œuvre dans les TPE et proposé en conséquence un amendement, adopté en commission, supprimant son application à ces catégories d’accords (sans préciser toutefois les conditions de leur prolongation au-delà des trois premières années).

Par ailleurs, à linitiative également de sa rapporteure, la commission spéciale a complété larticle 43 par un II visant à étendre aux entreprises de moins de onze salariés (encore éloignées dun accord dintéressement) le bénéfice de la prime exceptionnelle de pouvoir dachat précédemment citée, réservée par la loi aux employeurs mettant en œuvre un accord dintéressement, pour « permettre aux employeurs de moins de onze salariés de les associer de manière plus simple aux résultats de lentreprise » selon les termes du rapport de Mme MorhetRichaud ([161]).

IV.   les travaux de la commission spéciale

Depuis l’examen du projet de loi au Sénat cependant, le dispositif défini au I de l’article 43 a été introduit dans le code du travail par l’article 18 de la loi n° 2020 734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, dans une version similaire à la version initiale du projet de loi.

Quant à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dont le II prévoit d’étendre le bénéfice, le délai de sa mise en œuvre est forclos depuis le 30 juin.

La commission spéciale a adopté en conséquence l’amendement (n° 608) de son rapporteur supprimant l’ensemble des dispositions de l’article 43, devenues sans objet.

Article 43 bis A (nouveau)
(article L. 214-165 du code monétaire et financier)
Suppression de lexigence dune élection des représentants des salariés dans les FCPE dactionnariat salarié relais

Introduit par la commission

L’article L. 214-164 du code monétaire et financier prévoit l’institution d’un conseil de surveillance dans les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) constitués pour gérer les sommes investies en application des plans d’épargne salariale prévus au titre III du livre III de la troisième partie du code du travail.

À compter du 1er janvier 2021, en application du premier alinéa du II de l’article L. 214‑165 du code monétaire et financier, tel que modifié par l’article 165 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi Pacte »), tout type de FPCE d’actionnariat salarié devra voir les représentants des salariés au conseil de surveillance élus lors d’élections spécifiques.

En l’état actuel du droit, cette obligation s’imposera également aux FCPE d’actionnariat salarié qualifiés de fonds relais. Ces fonds relais sont utilisés pour collecter les demandes d’investissement des salariés, acheter les titres offerts par l’entreprise effectuant l’opération, avant de fusionner dans de brefs délais avec le FCPE d’actionnariat salarié de référence de l’entreprise.

L’organisation d’élections pour des fonds à l’existence si brève apparaît donc comme une exigence disproportionnée et susceptible de dissuader les entreprises d’effectuer ces opérations d’actionnariat salarié, qui sont pourtant des composantes importantes du partage de la valeur et du financement des entreprises.

Avec l’avis favorable de son rapporteur, la commission spéciale a donc adopté un amendement (n° 643) du Gouvernement prévoyant une dérogation au principe de l’élection des représentants des salariés lorsqu’il s’agit d’un fonds relais.

Article 43 bis B (nouveau)
(articles L. 33122, L. 33128, L. 33229 [nouveau], L. 333261 [nouveau], L. 333371 [nouveau] et L. 33454 du code du travail et article 155 de la loi n° 2019 486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises)
Sécurisation des accords de branche dépargne salariale et de leur mise en œuvre par les entreprises

Introduit par la commission

Pour faciliter le déploiement dans les entreprises des dispositifs de partage de la valeur, l’article 155 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi Pacte ») a posé une obligation pour les branches professionnelles de négocier la mise en place d’un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale d’ici le 31 décembre 2020. Dès qu’ils sont mis en place, il est aujourd’hui possible pour les entreprises d’adhérer directement à ces accords de branche par voie d’accord d’entreprise ou par une décision unilatérale d’adhésion de l’employeur.

Avec l’avis favorable de son rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 644) du Gouvernement visant à sécuriser ces accords de branche et leur mise en œuvre par les entreprises.

Le nombre de ces accords augmentant, il est en effet apparu nécessaire de limiter les risques de contestation ultérieure.

Les nouvelles dispositions instaurent ainsi une procédure d’agrément de ces accords de branche par l’administration centrale (article L. 3345‑4 du code du travail). Cet agrément interdira toute remise en cause ultérieure par les régimes sociaux des exonérations fiscales et sociales attachées aux avantages accordés aux salariés des entreprises qui adhèreront à l’accord de branche.

Elles précisent par ailleurs les modalités d’adhésion des entreprises au dispositif d’intéressement (article L. 3312‑8 du code du travail), de participation (nouvel article L. 3322‑9 du code du travail), d’épargne entreprise (nouvel article L. 3332‑6‑1 du code du travail) ou d’épargne interentreprises (nouvel article L. 3333‑7‑1 du code du travail) proposé par les accords de branche ainsi que l’entrée en vigueur des exonérations attachées à ces dispositifs.

Le présent article prolonge enfin l’obligation de négociation pour les branches jusqu’au 31 décembre 2021.

Article 43 bis C (nouveau)
(articles L. 33133, L. 33452, L. 33453, L. 332241 et L. 33228 du code du travail)
Rationalisation du contrôle administratif des accords dépargne salariale

Introduit par la commission

Avec l’avis favorable de son rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement (n° 642 rectifié) du Gouvernement qui rationalise les différents contrôles administratifs opérés sur les accords d’épargne salariale (accord d’intéressement, de participation ou règlement de plan d’épargne) en clarifiant les rôles des organismes compétents.

Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) conservent l’instruction des formalités de dépôt et le contrôle des modalités de négociation, de dénonciation et de révision des accords, avant de délivrer un récépissé qui atteste du dépôt d’un accord ou d’un règlement validement conclu. En l’absence de ce récépissé toutefois, s’il n’y a pas eu de demande de pièces complémentaires ou d’observations de leur part dans le délai imparti, l’accord ou le règlement sera aussi réputé validement conclu.

L’intégralité du contrôle au fond sera ensuite transférée aux organismes de sécurité sociale (URSSAF, CGSS ou MSA ([162])) compte tenu de leur forte technicité en la matière.

Cette nouvelle organisation sécurisera les exonérations attachées aux accords d’épargne salariale et pourrait améliorer les délais d’instruction, tout en permettant aux DIRECCTE de recentrer leur action sur l’accompagnement à la négociation de ces accords.

Les nouvelles dispositions précisent les délais et modalités de ces différents contrôles. Elles s’appliqueront aux accords et règlements déposés à compter du 1er septembre 2021.

Le présent article supprime enfin les règles de calcul des seuils d’effectifs applicables en matière de participation aux résultats des entreprises (articles L. 3322‑4‑1 et L. 3322‑8 du code du travail) qui sont devenus obsolètes depuis que la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises a étendu les règles du code de la sécurité sociale aux entreprises de portage salarial.

Article 43 bis
(article L. 135 Y du livre des procédures fiscales)
Simplification de la transmission des données relatives à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) aux chambres de commerce et dindustrie

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

Actuellement, l’article L. 135 Y du livre des procédures fiscales prévoit que la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui est chargée du recouvrement de la taxe sur les surfaces commerciales (dite TASCOM), transmet à la direction générale des entreprises du ministère de l’économie et des finances les données déclarées par ses redevables – soit le nom de l’établissement, l’identifiant SIRET, le secteur d’activité, le chiffre d’affaires hors taxe par établissement, la surface de locaux destinés à la vente au détail et le nombre de positions de ravitaillement de carburant de l’établissement – qui les transmet ensuite, à l’exception du chiffre d’affaires, au réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI). Celles-ci les utilisent, essentiellement, pour des expertises et des études sur leurs champs de compétences (7° de l’article L. 710-1 du code du commerce) et pour la répartition entre les chambres d’Île-de-France des impositions qu’elles reçoivent (article L. 711-8).

Les bénéficiaires de ces communications sont astreints au secret professionnel pour les données dont ils ont à connaître, sous peine des sanctions prévues par le code pénal en la matière.

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

Le Sénat a adopté en séance publique, avec l’avis favorable de la rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, un amendement du Gouvernement visant à simplifier ce circuit de communication, lourd à gérer pour les administrations et qui crée des retards.

Réécrivant le deuxième alinéa de l’article L. 135 Y du livre des procédures fiscales, il propose que désormais la DGFiP transmettra directement les données issues des déclarations de TASCOM – à l’exclusion toujours du chiffre d’affaires – à CCI France, la tête du réseau national des CCI, qui se chargera ensuite de les adresser aux chambres intéressées.

III.   les travaux de la commission spéciale

Cette simplification avait été introduite, à l’initiative du Sénat et avec l’accord de l’Assemblée nationale, dans le projet de loi de finances pour 2020. Mais l’article 117 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, qui en était issu, a été censuré par le Conseil constitutionnel en ce qu’il ne relevait pas du domaine des lois de finances. ([163])

Sur proposition de son rapporteur, la commission spéciale a donc adopté l’article 43 bis sans modification.

Article 43 ter (nouveau)
Prolongation des mesures permettant aux entreprises et aux exploitations en difficulté de faire face aux conséquences économiques de lépidémie de covid19

Introduit par la commission

La commission spéciale a adopté un amendement (n° 645) du Gouvernement avec un avis favorable du rapporteur.

Cet article prévoit de prolonger la durée d’application de certaines mesures prévues par l’ordonnance n° 2020‑596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19.

Une telle prolongation est destinée à permettre aux entreprises et exploitations en difficulté de continuer à bénéficier des mesures adoptées afin de faire face aux conséquences économiques de l’épidémie de covid-19. Ces mesures portent à la fois sur la simplification, l’assouplissement et l’accélération des procédures et plans applicables aux entrepreneurs, entreprises ou exploitations agricoles en difficulté.

Sont ainsi prolongées jusqu’au 31 décembre 2021 :

– la mesure relative à la modification de la procédure d’alerte du commissaire aux comptes (article ler de l’ordonnance du 20 mai 2020) ;

– la possibilité pour le débiteur en procédure de conciliation de solliciter des délais de grâce ou une mesure de suspension des poursuites individuelles (article 2) ;

– l’ouverture facilitée des sauvegardes accélérées, en ouvrant à un nombre plus important de débiteurs l’éligibilité à ces formes accélérées de la procédure de sauvegarde par la suppression des conditions de seuils, tout en permettant une bascule vers une autre procédure à défaut d’arrêté du plan de sauvegarde accélérée (article 3) ;

– les mesures permettant l’adoption plus rapide des plans de sauvegarde ou de redressement avec la possibilité pour le juge-commissaire d’autoriser la réduction des délais de consultation des créanciers, l’allègement des formalités de consultation des créanciers et la possibilité de se référer au passif vraisemblable établi notamment à partir des informations comptables pour l’élaboration du projet de plan (article 4) ;

– les dispositions facilitant l’exécution des plans de sauvegarde et de redressement en permettant l’allongement jusqu’à deux ans de la durée des plans (s’ajoutant le cas échéant aux prolongations déjà arrêtées), l’allongement de la durée des plans arrêtés en cas de modification substantielle et l’assouplissement des modalités de modification substantielle des plans (I à III de l’article 5) ;

– la création d’un privilège de sauvegarde ou de redressement afin d’encourager les financements en période d’observation et en cours d’exécution du plan arrêté par le tribunal (IV de l’article 5) ;

– l’élargissement de l’accès aux procédures de liquidation judiciaire simplifiée et de rétablissement professionnel (article 6).

Il est important de prolonger ces mesures d’urgences tant le nombre d’entreprises en difficulté risque d’augmenter dans les mois à venir.

Article 44
Prolongation et adaptation de
lordonnance relative au règlement du seuil de revente à perte et à lencadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

A.   l’article 15 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

L’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires, prise sur le fondement de l’article 15 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Egalim », a pour objectif de provoquer un mécanisme de transfert de la marge des distributeurs pour offrir de meilleures conditions d’achat à leurs fournisseurs.  Les grandes marques de produits alimentaires sont utilisées comme produits d’appel. Les distributeurs compensent les pertes réalisées sur les produits alimentaires de grande consommation par des gains réalisés sur les produits agricoles de type produits frais. Cette ordonnance s’inscrit dans un ensemble de mesures destinées à revaloriser les productions agricoles et alimentaires en évitant d’en faire des produits d’appel et les variables d’ajustement des prix pratiqués par la grande distribution.

L’ordonnance prévoit à cet effet le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions en volume et en valeur pour une durée de deux ans.

L’article 2 de l’ordonnance prévoit le relèvement du seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie revendus en l’état aux consommateurs. Le prix d’achat effectif prévu à l’article L. 442-2 du code de commerce (devenu l’article L. 442-5) est affecté d’un coefficient de 1,10.

L’article 3, plus technique, organise l’encadrement des promotions en valeur et en volume. Il porte sur :

– les avantages promotionnels « immédiats ou différés, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur de denrées alimentaires ou de produits destinés à lalimentation des animaux de compagnie » ;

– l’encadrement des promotions en valeur qui est de 34 % du prix de vente au consommateur ou d’une augmentation de la quantité de produit vendue de 34 % ;

– l’encadrement des promotions en volume qui est de 25 %, que les avantages promotionnels soient accordés par le distributeur ou par le fournisseur. L’application de ce taux est précisée selon les catégories de produits : 25 % du chiffre d’affaires prévisionnel fixé par la convention unique prévue par l’article L. 441-7 du code de commerce (devenu l’article L. 441-4 du code de commerce), 25 % du volume prévisionnel convenu entre le distributeur et le fournisseur pour les produits sous marques de distributeurs (MDD) et 25 % des engagements en volume portant sur des produits périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture.

Conformément à ce qui est déjà prévu au 6° du I de l’article L. 442-4 du code de commerce (devenu l’article L. 442-5 du code de commerce), ces encadrements ne s’appliquent pas aux produits périssables menacés d’altération rapide.

Ce même article fixe les sanctions administratives nécessaires à l’effectivité du dispositif : une amende de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale ou la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel pour une personne morale. Ces sanctions peuvent être doublées en cas de réitération du manquement.

L’encadrement des promotions est entré en vigueur le 1er janvier 2019, l’expérimentation prendra fin le 1er janvier 2021. Quant au relèvement du seuil de revente à perte, il est entré en vigueur le 1er février 2019 ; l’expérimentation prendra fin le 1er février 2021. 

Conformément à ce que prévoyait l’article d’habilitation, l’article 4 de l’ordonnance précitée prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur l’évaluation des effets de l’ordonnance en prenant en compte les éléments d’appréciation de la pertinence des mesures en cause, fournis par les acteurs économiques de la filière alimentaire. Ce rapport doit être remis avant le 1er octobre 2020.

B.   L’article 54 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne

L’article 54 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne est issu de la reprise du présent article 44 du présent projet de loi dont l’examen avait alors été reporté sine die. La version définitive de l’article a modifié le texte initial du présent projet de loi sur plusieurs points.

1.   Un délai d’habilitation du Gouvernement abaissé à 14 mois

Le délai d’habilitation a été abaissé de 30 à 14 mois à l’initiative de votre rapporteur – également rapporteur du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne – afin de correspondre à la durée des contrats agricoles.

Selon le rapport législatif publié lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale en première lecture (n° 2907), « ce nouveau délai a pour principal objectif de permettre davantage de recul pour évaluer au mieux limpact des mesures de lordonnance sur le rééquilibrage des négociations commerciales, le revenu des agriculteurs et linflation et décider alors en toute connaissance de cause des suites à donner à cette expérimentation. En particulier, le Gouvernement souligne que la durée de deux ans est insuffisante pour mesurer leffet des mesures sur le revenu des agriculteurs. Les données du réseau dinformation comptable agricole (RICA) concernant le revenu des agriculteurs ne sont en effet disponibles quavec un décalage de deux ans. En outre, lentrée en vigueur étalée dans le temps dun certain nombre de mesures prévues dans la loi dite « Egalim » plaide également en faveur dune extension de la durée de lexpérimentation. Les derniers textes dapplication ont été pris en avril 2019 et leur pleine intégration aux négociations des contrats entre transformateurs et distributeurs sétalera dans le temps en fonction de la temporalité des contrats. »

2.   Un renforcement du contrôle du relèvement du seuil de revente à perte et de l’encadrement des promotions

L’habilitation prévoit de renforcer le contrôle du respect des dispositions de l’ordonnance. Selon le même rapport législatif, « ainsi que la précisé le Gouvernement, cette disposition a simplement pour objet de consolider juridiquement lhabilitation des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour contrôler le respect des dispositions de cette ordonnance et le cas échéant sanctionner les manquements à cette disposition. Cette habilitation, qui navait pas été prévue par lordonnance du 12 décembre 2018, résulte pour linstant du décret n° 2019-308 du 11 avril 2019 relatif au contrôle de lencadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires. »

Au 31 décembre 2019, 5 382 contrôles ont été effectués dans 4 871 établissements. Au moins une anomalie en matière de plafonnement des promotions a été relevée dans 605 d’entre eux, soit un taux d’établissements en anomalie d’environ 12,5 %.

3.    Une modification des conditions d’encadrement des avantages promotionnels en volume

Alors que l’habilitation initialement prévue par l’article 44 prévoyait « daménager » les dispositions de l’ordonnance «  dans lobjectif de rétablir des conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs, dassurer le développement des produits dont la rentabilité est trop faible, et de meilleur équilibre dans les filières alimentaires », l’article 54 tel qu’entré en vigueur a habilité plus précisément le Gouvernement à modifier les conditions d’encadrement des avantages promotionnels en volume, prévu au III de l’article 3 de l’ordonnance précitée.

Cet élément de l’habilitation a ainsi été justifié par votre rapporteur : « alors que ce nest pas le cas pour les avantages promotionnels en valeur, les avantages promotionnels en volume font lobjet dune remise en cause importante de la part de nombreux professionnels. Selon létude dimpact, les petites et moyennes entreprises (PME) pâtissent particulièrement de cette disposition. Les avantages promotionnels en volume peuvent constituer pour ces dernières un levier important de commercialisation, leur visibilité étant plus faible que celle dont peuvent se prévaloir les grandes entreprises, qui allouent des budgets plus importants à la publicité et au marketing. Le problème se pose avec une acuité particulière pour ce qui concerne les produits dits « festifs » (foie gras, chocolat de Pâques et de Noël notamment), dont la vente présente un caractère saisonnier très marqué. Pour ces produits, le plafonnement des promotions en volume à 25 % du chiffre daffaires prévisionnel freine lécoulement des ventes, en particulier après la période de commercialisation. Il peut en résulter du gaspillage alimentaire ou une reprise des invendus par certains fournisseurs qui ne seraient pas en mesure de refuser de telles demandes de la part de leurs distributeurs. »

Sur ce sujet, un rapport du Gouvernement au Parlement est attendu avant le 1er octobre 2020. Il reprendra les conclusions du comité de suivi qui doit s’assurer de la fiabilité de la méthode d’évaluation de l’ordonnance et permettre aux différentes parties prenantes de faire valoir leurs remarques durant le travail d’évaluation et de proposer des solutions.

Article 54 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée 

« I. - Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi ainsi que, le cas échéant, à les étendre et les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, afin :

[…]

2° De prolonger, pour une période ne pouvant excéder quatorze mois, la durée pendant laquelle sont applicables en tout ou partie les dispositions de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires, de renforcer le contrôle du respect des dispositions de cette ordonnance et de modifier les dispositions du III de l’article 3 de la même ordonnance, dans l’objectif de faciliter la commercialisation de certains produits, notamment pour les denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, et d’établir des conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs et de meilleur équilibre dans les filières alimentaires. »

II.   Le DISPOSITIF DU projet de loi

Par cet article, le Gouvernement demande au Parlement de l’autoriser à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois, toute mesure législative destinée à prolonger, pour une période de trente mois maximum, tout ou partie des dispositions de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires. L’habilitation comprend aussi la possibilité « daménager ces dispositions dans lobjectif de rétablir des conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs, dassurer le développement des produits dont la rentabilité est trop faible, et de meilleur équilibre dans les filières alimentaires ».

Le Gouvernement disposera ensuite d’un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance pour déposer un projet de loi de ratification de celle-ci.

III.   la position du sénat

A.   En commission spéciale

À l’initiative de sa rapporteure, la commission spéciale a supprimé l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance et porté directement dans le projet de loi des aménagements au régime prévu par l’ordonnance du 12 décembre 2018 précitée.

L’article tel qu’adopté en commission spéciale reprend la rédaction actuelle de l’ordonnance en la complétant sur un point.

Essentiellement, le dispositif adopté prévoit la possibilité de déroger à l’encadrement des avantages promotionnels en volume pour les « denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, figurant sur une liste définie par les autorités compétentes ».

Le dispositif expérimental est prolongé d’une durée de 14 mois à compter du 1er janvier 2021 s’agissant du relèvement du seuil de revente à perte et à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er mars 2021 s’agissant du nouvel encadrement des promotions.

Le dispositif adopté prévoit également la remise par le Gouvernement au Parlement – avant le 1er octobre 2021 – d’un rapport évaluant les effets de cet article sur « la construction des prix de vente des denrées alimentaires et des produits destinés à lalimentation des animaux de compagnie revendus en létat au consommateur et le partage de la valeur entre les producteurs et les distributeurs ».

B.   En séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel présenté par la rapporteure de la commission spéciale.

IV.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

La commission spéciale n’a pas modifié cet article.

Le rapporteur avait déposé un amendement de suppression de l’article, afin de ne pas revenir sur l’équilibre trouvé à l’article 54 de la loi précitée et adopté il y a à peine trois mois. Mais le Gouvernement s’est engagé à présenter en séance publique un dispositif alternatif modifiant directement l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.

Il semblerait que la rédaction des modifications envisagées de l’ordonnance ait bien avancé, en concertation avec les parties prenantes. Celles-ci devraient concerner l’encadrement des promotions en volume pour les produits saisonniers, qui a causé des difficultés dans la filière productrice de foie-gras. Des dérogations sont envisagées.

Article 44 bis AA (nouveau)
(article L. 751-9 [abrogé] du code de commerce)
Suppression de la base de données « Implantations des commerces de détail » (ICODE)

Introduit par la commission

La commission spéciale a adopté un amendement (n° 682) de son rapporteur avec un avis favorable du Gouvernement.

Cet amendement supprime l’obligation, pour le service de l’État chargé de la réalisation d’études économiques en matière de commerce, d’établir une base de données relative au commerce de détail.

L’article 46 de la loi n° 2014‑626 du 14 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a créé une obligation de production d’études économiques à la charge des services de l’État et généré une redondance d’informations statistiques.

L’application « Implantations des Commerces de Détail » (ICODE) avait ainsi pour objectif de fournir des indicateurs statistiques contribuant à une connaissance locale des magasins de commerce de détail, notamment le nombre et la surface de vente des établissements suivant leur activité. La direction générale des entreprises devait élaborer une base statistique et mettre l’outil de cartographie ICODE à la disposition des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et de l’artisanat et des collectivités territoriales.

Or, différents outils d’observation publics sont susceptibles d’offrir une prestation de même nature et de meilleure qualité. Ces informations sont déjà répertoriées par la direction générale des finances publiques depuis la loi n° 2017‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (dite loi « ESSOC ») et au sein des chambres de commerce et d’industrie.

En abrogeant le II de l’article L. 751‑9 du code de commerce, cet article allège la charge d’une mission d’études économiques de l’État et évite la redondance de données sur le commerce de détail.

Article 44 bis A
(articles 302 octies, 1647 D et 1788 du code général des impôts et articles L. 212 et L. 225 du livre des procédures fiscales)
Suppression de la délivrance dun récépissé de consignation pour lexercice dune activité commerciale sur la voie publique ou dans un lieu public

Adopté par la commission avec modifications

I.   le droit en vigueur

Actuellement, toute personne exerçant une activité lucrative sur la voie ou dans un lieu public doit déposer auprès de l’administration fiscale une somme ([164]) en garantie des impôts et taxes dont il est redevable s’il n’a pas de domicile ou de résidence fixe en France depuis plus de six mois. Il reçoit en contrepartie un « récépissé de consignation » qui doit être présenté à toute réquisition de magistrats ou de fonctionnaires habilités (article 302 octies du code général des impôts).

Toute infraction à ces obligations est passible d’une amende de 750 euros (article 1788 du même code).

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

En séance publique, le Sénat a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, un amendement du Gouvernement qui simplifie ce dispositif en supprimant la délivrance du récépissé de consignation.

Pour ce faire, il abroge les articles 302 octies et 1788 du code général des impôts, ainsi que le e de l’article L. 212 et l’article L. 225 du livre des procédures fiscales qui prévoyaient le constat par procès-verbal des infractions aux précédents articles, et corrige par coordination l’article 1647 D du code général des impôts.

De fait, l’administration fiscale permet d’ores et déjà de ne plus avancer la garantie si l’intéressé justifie avoir accompli ses obligations déclaratives en matière fiscale et avoir réglé les impôts et taxes à sa charge.

Au demeurant, toute activité commerciale impose de s’immatriculer auprès d’un centre de formalités des entreprises (CFE) et d’identifier son activité auprès des administrations fiscales et sociales.

Le maintien du récépissé apparaît donc superflu, de nature discriminatoire pour les gens du voyage, plus particulièrement concernés, par rapport aux autres commerçants et inutilement lourd pour les usagers et l’administration.

III.   les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel (n° 309) de son rapporteur, avec l’avis favorable du Gouvernement.

Article 44 bis B
Expérimentation dune clause de révision de prix des produits alimentaires

Supprimé par la commission

I.   le droit en vigueur

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (dite « loi Hamon ») a créé un article L. 441-8 du code de commerce qui prévoit que, pour tout contrat de plus de trois mois portant sur la vente de produits agricoles et alimentaires identifiés par décret, une clause de renégociation du prix permet de prendre en compte les fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, et, le cas échéant, des coûts de l’énergie à la hausse comme à la baisse.

Cette clause de renégociation est également applicable aux produits destinés à être vendus sous marque de distributeur (MDD) ainsi qu’aux contrats conclus entre producteurs et acheteurs de produits agricoles lors de la première mise en marché, contrats types définis par les organisations interprofessionnelles et contrats conclus en application de ces contrats types (articles L. 631-24 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime).

Tous les produits alimentaires ne sont pas concernés : sont ciblés les produits de consommation courante issus d’une première transformation de ces produits (par exemple : les pâtes, le fromage, le lait, le beurre, les viandes et les poissons transformés).

Les parties définissent ensemble les conditions et les seuils de déclenchement de la renégociation en prenant en compte des indicateurs définis par des tiers. L’objectif est de répartir équitablement entre les parties l’impact des fluctuations des coûts de production qui en résultent.

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a entendu rendre plus effective l’application de cet article peu mis en œuvre jusqu’alors du fait de la difficulté des parties à s’entendre sur le contenu de la clause de revoyure (les indices et les seuils de déclenchement). Depuis son entrée en vigueur, les contrats doivent comporter les modalités et les critères de détermination du prix afin d’intégrer à la formule de prix des éléments de variation en cas de fluctuation des cours. Le délai de négociation a été abaissé de deux à un mois. En cas d’échec de la renégociation, le recours à la médiation est obligatoire préalablement à la saisine du juge.

L’article L. 441-8 du code de commerce a répondu à la nécessité de prévoir les modalités de renégociation des prix au regard de la volatilité des cours affectant les matières premières agricoles et alimentaires. Il s’agit d’une clause de « rencontre » des co‑contractants (dite clause de « revoyure ») et non d’une clause d’indexation du prix.

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 » a prévu la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application de cet article L. 441-8. Ce rapport n’a jamais été remis.

II.   Les dispositions adoptées par le sénat

À l’initiative de M. Michel Raison et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Les Républicains, le Sénat a adopté en séance publique un amendement portant article additionnel non codifié. La rapporteure de la commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, contrairement au Gouvernement.

Il prévoit, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un dispositif d’indexation des prix des produits alimentaires en cas de fluctuation du cours du produit agricole ou alimentaire entrant dans la composition du produit fini à plus de 50 %.

Sont concernés les contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-8 du code de commerce et les produits finis figurant sur une liste établie par décret. À la clause de renégociation du contrat prévue par l’article L. 441-8 se substitue une clause définie par les parties précisant les conditions, les seuils de déclenchement et les modalités de mise en œuvre de la révision automatique du prix. C’est l’évolution du cours du produit agricole ou alimentaire entrant dans la composition du produit fini à hauteur de 50 % minimum qui déclenche la révision du prix, à la hausse comme à la baisse.

L’article adopté prévoit un mécanisme de sanction en cas d’absence de clause de révision des prix conforme au reste du dispositif : une amende administrative prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 470-2 du code de commerce dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Le montant maximum de l’amende est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai d’un an à compter de la date de la première sanction devenue définitive.

Enfin, les sénateurs ont prévu qu’un rapport d’évaluation soit remis par le Gouvernement au Parlement trois mois avant la fin de l’expérimentation. Le rapport analysera les effets du dispositif sur les prix de vente des produits, la qualité des négociations commerciales entre les acteurs et la santé financière des entreprises concernées.

Ce dispositif est issu d’une proposition du rapport d’information du Sénat dressant un bilan du titre Ier de la loi « Egalim » un an après sa promulgation (rapport d’information du 30 octobre 2019, n° 89), formalisée et adoptée le 14 janvier 2020 à l’article 2 de la proposition de loi modifiant la loi n° 2019-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre et les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l’activité des entreprises alimentaires françaises (déposée à l’Assemblée nationale sous le numéro 2582). Il reprend l’idée d’un amendement du rapporteur du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous au Sénat qui avait été supprimé en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.

III.   LES TRAVAUX de la commission SPÉCIALE

À l’initiative d’un amendement (n° 685) du rapporteur de la commission spéciale, cet article a été supprimé avec un avis favorable du Gouvernement.

Tout d’abord, d’un point de vue économique, un tel mécanisme uniformiserait de façon très rigide le comportement des opérateurs, lesquels seraient privés de toute liberté pour moduler les répercussions des hausses de prix. Un fournisseur innovant ne pourrait ainsi pas profiter de ses gains de productivité pour absorber une hausse des prix des matières premières agricoles. Une telle automaticité n’inciterait donc pas à l’efficacité et pourrait créer des situations de rente et des spirales inflationnistes, préjudiciables à la compétitivité des entreprises et au pouvoir d’achat des consommateurs.

Par ailleurs, les acheteurs seraient sans doute enclins, pour compenser la présence de cette clause, à durcir les négociations lors de la conclusion du contrat.

En outre, cette disposition pourrait être dangereuse en cas de retournement des marchés (chute des cours) et nuire finalement aux transformateurs et aux producteurs, qu’elle entend protéger.

D’un point de vue juridique, cette automaticité de la clause de révision des prix apparaît également contestable. En effet, l’atteinte qu’elle porte à la liberté contractuelle paraît excessive. Il ne semble pas justifié d’aller jusqu’à priver totalement les parties de latitude dans la révision des prix.

En pratique, le texte renvoie à un décret la liste « des produits finis concernés par lexpérimentation ». Or, l’établissement d’une liste exhaustive et stable de tous les produits finis comportant cette caractéristique de 50 % paraît impossible à établir.

Enfin, cette disposition s’ajouterait à celle prévue par l’article L. 441‑8 du code de commerce organisant les conditions d’une renégociation des prix en cours d’année. L’articulation entre ces deux clauses n’est pas prévue.

Article 44 bis C (nouveau)
(article L. 511-2-1 [nouveau] du code de la consommation et article L. 450-2-1 [nouveau] du code de commerce)
Dématérialisation des actes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Introduit par la commission

La commission spéciale a adopté un amendement (n° 647) du Gouvernement avec un avis favorable du rapporteur.

Cet article permettra aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de dématérialiser leurs actes.

Il s’agit, à l’instar de ce qui a été prévu pour les agents de la direction générale des douanes et droits indirects (article 322 du code des douanes) ou encore pour les agents dotés de pouvoirs de police pénale générale (article 801-1 du code de procédure pénale), de permettre aux agents de la DGCCRF de rédiger, signer et transmettre aux professionnels de manière dématérialisée et pleinement sécurisée leurs actes, y compris leurs procès-verbaux.

Les agents de la DGCCRF réalisent plus de 160 000 contrôles par an dans les entreprises. La dématérialisation des actes permettra de réduire les délais de traitement des procédures tout en garantissant la sécurité juridique, au bénéfice des professionnels.

Cette mesure contribuera aussi à la bonne mise œuvre du principe de la durée limitée des contrôles dans les TPE/PME (principe expérimenté dans deux régions), introduit dans la loi du 10 août 2018 dite « ESSOC », à la réalisation de gains de productivité et à une efficience accrue de la dépense publique.

Le dispositif adopté est identique à celui que prévoit le I de l’article 801-1 du code de procédure pénale en matière de police pénale générale. Ses modalités d’application seront précisées par décret.

Le présent article propose de codifier ces dispositions législatives – qui s’appliqueront tant à la mission de régulation concurrentielle de la DGCCRF qu’à celle relative à la protection des consommateurs – en insérant dans le code de la consommation un nouvel article L. 511-2-1, et dans le code de commerce un nouvel article L. 450-2-1. Ces dispositions s’appliqueront également aux agents de l’Autorité de la concurrence (pour le code de commerce).

Article 44 bis
(article L. 421-8 du code de la construction et de lhabitation)
Facilitation des modalités de composition et de fonctionnement
des conseils dadministration des offices publics de lhabitat

Adopté par la commission sans modification

I.   le droit en vigueur

En vertu de l’article L. 421-8 du code de la construction et de l’habitation, le conseil d’administration d’un office public de l’habitat (OPH) est composé, notamment :

– «  De personnalités qualifiées désignées par les institutions dont elles sont issues, parmi (…) les organisations syndicales les plus représentatives dans le département du siège (…) » ;

 « 5° De représentants du personnel de loffice désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du code du travail, qui disposent dune voix délibérative ».

Mais la Fédération des offices publics de l’habitat (FOPH) a indiqué à la commission spéciale du Sénat que le mode de désignation des représentants du personnel prévu au 5° est très complexe, au point que certains offices ne parviennent pas à pourvoir les sièges correspondants.

Quant à la désignation des administrateurs issus des organisations syndicales les plus représentatives dans le département, elle se fondait sur les résultats des élections prud’homales qui ne sont plus organisées depuis 2017, sans que l’on puisse leur substituer un autre système puisque la représentativité syndicale est désormais déterminée par un indicateur national agrégé, la mesure d’audience.

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

La commission spéciale a donc adopté un amendement de Mme Dominique Estrosi Sassone et du groupe Les Républicains, sous-amendé par sa rapporteure, Mme Patricia Morhet-Richaud, qui supprime, au 2° de l’article L. 421-8 du code de la construction et de l’habitation, la désignation de représentants des organisations syndicales les plus représentatives dans le département du siège, mais, en parallèle, renforce la participation des représentants du personnel de l’OPH.

En réécrivant le 5°, le nouvel article 44 bis propose en effet un dispositif plus simple et plus large :

– il associe, pour la première fois, le secrétaire du comité social et économique (CES) de l’office, avec une voix consultative et les droits classiquement reconnus par le droit du travail aux membres des délégations du personnel aux conseils d’administration ([165]) ;

– et il permet aux personnels des OPH trop petits pour disposer d’un CES ([166]) (qui en a l’exclusivité aujourd’hui) d’être représentés, avec voix délibérative, au sein du conseil d’administration de leur office. Un nouvel alinéa dispose ainsi que le conseil d’administration est composé : « 6° Dun ou de deux administrateurs, désignés parmi les membres du personnel de loffice par lorganisation syndicale ou les deux organisations syndicales représentatives ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections professionnelles du comité social et économique de loffice (…). En labsence dorganisation syndicale représentative dans loffice, ils sont désignés par ce comité ou, à défaut de comité, élus par le personnel de loffice. »

III.   les travaux de la commission spéciale

Consultées par la FOPH, les organisations syndicales n’ont pas exprimé d’opposition à la réforme.

Avec l’avis favorable de son rapporteur, la commission spéciale a donc adopté l’article 44 bis sans modification.

Article 44 ter A
Création dun guichet unique pour laccès aux subventions de lÉtat et linstruction des projets dinvestissement des collectivités territoriales

Supprimé par la commission

Adopté en séance publique à la suite du vote d’un amendement présenté par la rapporteure ([167]) malgré un avis défavorable du Gouvernement, le présent article, supprimé par votre commission, vise à mettre en place un service référent au sein des services déconcentrés de chaque département, chargé de piloter l’ensemble des procédures d’instruction des demandes de subventions et des projets d’investissements déposés par les collectivités territoriales et leurs groupements.

I.   le droit en vigueur

Mise en place le 1er janvier 2020, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été créée par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019. Cet établissement public de l’État résulte de la fusion du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), de l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et de l’Agence du Numérique.

A.   Les missions de l’anct

Instituée afin d’accompagner efficacement les collectivités territoriales dans la poursuite de leurs projets, l’ANCT a notamment pour objet de fluidifier les relations entre celles-ci et les services de l’État, dans un souci de simplification des démarches administratives entreprises à l’échelle locale. Si elle conserve les missions anciennement dévolues à l’EPARECA ([168]) et à l’Agence du Numérique ([169]), l’ANCT reprend et élargit le champ d’intervention du CGET dans le but de favoriser le développement de l’action territoriale de l’État et de ses opérateurs à des fins d’aménagement et de cohésion des territoires.

En effet, l’ANCT doit, d’une part, conduire des programmes nationaux territorialisés selon une logique descendante de déclinaison de programmes définis par l’État en projets locaux, et, d’autre part, soutenir et accompagner les projets portés par les collectivités territoriales et les autres acteurs locaux, selon une logique ascendante. Dans le cadre de cette mission, l’ANCT exerce une fonction de pilotage stratégique, en contribuant à l’ingénierie des projets territoriaux portés à sa connaissance et en apportant un concours humain et financier aux collectivités territoriales et à leurs groupements afin de les mener à bien, conformément aux dispositions prévues par le I de l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

B.   Le rôle du prÉfet en tant que dÉlÉguÉ territorial de l’Anct

Le représentant de l’État dans le département assure le maillage territorial de l’ANCT. L’article L. 1232-2 du CGCT prévoit en effet que le préfet exerce la fonction de délégué territorial de l’ANCT. Il constitue donc en pratique l’interlocuteur unique des collectivités qui sollicitent l’agence.

L’administration déconcentrée s’inscrit au cœur du dispositif en ce qu’elle prend en charge, par le rôle de proximité dévolu au préfet, la supervision et le suivi des projets portés à la connaissance de l’ANCT, en y associant l’ensemble des acteurs locaux concernés ([170]). L’accompagnement des collectivités et de leurs groupements s’adapte aux spécificités de leurs besoins, selon qu’ils s’inscrivent ou non dans le cadre des programmes nationaux pris en charge par l’ANCT.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de la rapporteure créant le présent article. Celui-ci prévoit de mettre en place un service référent au sein des services déconcentrés de chaque département chargé de recevoir et d’instruire les demandes de subventions et des projets d’investissements présentés par les collectivités ou leurs groupements.

 Le Gouvernement a prononcé un avis défavorable à cet amendement, estimant que son objectif était pleinement satisfait par la création de l’ANCT, opérationnelle depuis le 1er janvier 2020. Les préfets de département exercent en effet le rôle de référent unique des collectivités en matière d’accès au financement des projets locaux pour lesquels elles souhaitent solliciter l’appui de l’agence.

En outre, l’instruction interministérielle du 11 mars 2019 détermine les principales orientations que devront suivre les préfets de départements et de régions afin d’affecter les crédits des dotations et fonds de soutien à l’investissement local, dans un souci de transparence et de proximité de l’action publique. La publicité des règles de répartition et d’emploi de ces crédits a pour but de favoriser l’accès des collectivités territoriales au financement des projets qu’elles mettent en œuvre, en étroite coordination avec les services déconcentrés.

III.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté les amendements n° 698 du rapporteur et n° 525 de M. Stéphane Baudu (MODEM) afin de supprimer cet article, au regard des prérogatives exercées par l’ANCT depuis le 1er janvier 2020.

Article 44 ter B (nouveau)
(article 9 de la loi n° 2014856 du 31 juillet 2014 relative à léconomie sociale et solidaire)
Modalités de sélection des projets relatifs aux pôles territoriaux de coopération économique

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 697 du rapporteur qui a recueilli l’avis favorable du Gouvernement, le présent article vise à simplifier la procédure des appels à projets relatifs aux pôles territoriaux de coopération économique, dits « PTCE », prévue par l’article 9 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire de 2014.

Le droit actuel prévoit que ces projets sont sélectionnés par un comité interministériel ([171]) composé des représentants des ministres qui apportent leur soutien financier, logistique ou intellectuel à l’appel à projets, ainsi que du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ou son représentant, après avis de six personnalités qualifiées et de six représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements. Afin de faciliter le déploiement potentiel de nouveaux appels à projets, il est proposé de supprimer le comité interministériel et de resserrer la sélection des projets autour des deux principaux financeurs : l’État et les collectivités territoriales.

Article 44 ter
Délégation à lautorité exécutive territoriale des décisions de mises à disposition à titre gratuit de biens appartenant à une collectivité

Supprimé par la commission

Introduit par la commission spéciale du Sénat après l’adoption d’un amendement présenté par M. Bruno Sido avec l’avis favorable de la rapporteure, le présent article, supprimé par votre commission, vise à autoriser les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des syndicats mixtes fermés à déléguer à leur organe exécutif la faculté de conclure et de réviser les conventions de mise à disposition de biens à titre gratuit.

I.   le droit en vigueur

A.   Les rÈgles applicables À l’occupation et À l’utilisation À titre gratuit du domaine des collectivitÉs territoriales

Le code général de la propriété des personnes publiques détermine le régime de l’occupation et de l’utilisation du domaine public et privé des collectivités territoriales. Par dérogation au principe selon lequel toute occupation ou utilisation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance ([172]), l’article L. 2125-1 énonce les conditions auxquelles la mise à disposition de biens appartenant à la collectivité peut être effectuée à titre gratuit :

Alinéas 3 à 7 de larticle L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques

1° Soit lorsque l’occupation ou l’utilisation est la condition naturelle et forcée de l’exécution de travaux ou de la présence d’un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ;

2° Soit lorsque l’occupation ou l’utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même ;

3° Soit lorsque l’occupation ou l’utilisation contribue directement à assurer l’exercice des missions des services de l’État chargés de la paix, de la sécurité et de l’ordre publics ou du contrôle aux frontières dans les aéroports, les ports et les gares ;

4° Soit lorsque l’occupation ou l’utilisation permet l’exécution de travaux relatifs à une infrastructure de transport public ferroviaire ou guidé.

En outre, l’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général.

S’agissant du domaine privé des personnes publiques, l’article L. 2222-7 du code précité interdit les opérations de mise à disposition à titre gratuit.

B.   Les dÉlÉgations d’attributions au profit des exÉcutifs territoriaux

Le code général des collectivités territoriales autorise de façon limitative les assemblées délibérantes des collectivités territoriales à déléguer à leur exécutif les attributions qui leur sont dévolues pendant la durée de leur mandat. Ainsi, les conseils municipaux, départementaux et régionaux peuvent déléguer respectivement à leur maire et présidents le pouvoir de conclure ou de réviser les conventions de louage de choses pour une durée n’excédant pas douze ans ([173]) ainsi que de décider l’aliénation de gré à gré de biens mobiliers jusqu’à 4 600 euros ([174]).

II.   les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Introduit par la commission spéciale du Sénat, cet article est issu d’un amendement présenté par M. Bruno Sido avec l’avis favorable de la rapporteure. Complétant le 5° de l’article L. 2122-22, le 6° de l’article L. 3211-2 et le 5° de l’article L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales, il tend à élargir les facultés de délégation d’attributions précitées aux mises à disposition de biens à titre gratuit pour une durée n’excédant pas douze ans au profit des maires et présidents de conseils départementaux et régionaux.

Cet amendement reprend les termes d’une disposition ajoutée par le Sénat lors de la discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ([175]) puis supprimée par la commission des Lois de l’Assemblée nationale ([176]) eu égard aux implications financières que soulèvent ces mises à disposition de biens à titre gratuit, justifiant ainsi la nécessité de maintenir la compétence des assemblées délibérantes afin qu’elles puissent systématiquement débattre de ces questions et décider, au cas par cas, d’autoriser ou non de telles mises à disposition.

III.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté les amendements n° 696 du rapporteur, n° 382 de M. Buon Tan (LaREM) et n° 524 de M. Stéphane Baudu (MODEM) afin de supprimer cet article.

Article 44 quater (nouveau)
(articles L. 2122-1, L. 2141-3, L. 2152-9 [nouveau], L. 2171-8 [nouveau], L. 2195-4, L. 2322-1, L. 2395-2, L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2661-2, L. 2661-4, L. 2671-1, L. 2671-2, L. 2671-4, L. 2681-1, L. 3123-3, L. 3136-4, L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3361-2,  L. 3371-1, L. 3371-2 et L. 3381-1 du code de la commande publique)
Passation dérogatoire de certains marchés publics et accès à la commande publique des entreprises en difficulté et des petites et moyennes entreprises

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 652 du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article vise à assouplir les conditions de passation dérogatoire de certains marchés publics ainsi qu’à renforcer l’accès des entreprises en difficulté et des petites et moyennes entreprises à la commande publique.

Premièrement, cet article élargit les cas de recours à des procédures de passation de marché sans publicité ni mise en concurrence préalable régies par l’article L. 2122-1 du code de la commande publique. Les acheteurs sont ainsi dispensés de recourir à une procédure de publicité et de mise en concurrence en cas de première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée. Cet article modifie donc l’article L. 2122-1 afin de viser, parmi les motifs permettant au pouvoir réglementaire de dispenser certains marchés de procédure de publicité et de mise en concurrence, les motifs liés à l’intérêt général.

Afin de sécuriser juridiquement les évolutions réglementaires qui pourraient intervenir dans des secteurs confrontés à des difficultés économiques importantes ou constituant des vecteurs essentiels de la relance économique, l’ajout du motif d’intérêt général a pour objectif de renforcer le tissu économique des territoires. Il s’agit de faciliter la conclusion des marchés avec des PME qui ne disposent pas nécessairement des moyens techniques et humains pour s’engager dans une mise en concurrence.

Deuxièmement, cet article tend à renforcer l’accès des entreprises en difficulté aux contrats de la commande publique. Actuellement, sur le fondement du 3° des articles L. 2141‑3 et L. 3123‑3 du code de la commande publique, une entreprise en redressement judiciaire, qui ne peut justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du contrat, ne peut se voir attribuer un marché public ou un contrat de concession.

Cet article sécurise l’accès à la commande publique de ces entreprises en voie de redressement judiciaire en autorisant expressément les entreprises qui bénéficient d’un plan de redressement à se porter candidates à ces contrats. Ces entreprises, déjà exposées à de fortes difficultés financières, n’auront donc plus à démontrer qu’elles ont été habilitées à poursuivre leur activité pendant la durée prévisible du contrat. De plus, il modifie la rédaction de l’article L. 2195‑4 afin d’y faire apparaitre expressément l’interdiction faite à l’acheteur de mettre en œuvre son pouvoir de résiliation de plein droit au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.

Troisièmement, cet article réserve une partie de l’exécution des marchés globaux ([177]) aux PME ainsi qu’aux artisans. Les dispositions actuelles du code de la commande publique imposent à l’acheteur qui passe un marché de partenariat l’obligation de prévoir une part minimale de l’exécution du contrat à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans ([178]) et de tenir compte de cette part dans les critères d’attribution du marché ([179]). Cependant, les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance ou les marchés globaux sectoriels ne sont pas concernés par ce dispositif incitatif de sous-traitance au profit des PME.

Cet article a donc pour objet de généraliser à tous les contrats globaux du code de la commande publique le dispositif en faveur des PME prévu pour les marchés de partenariat.

Article 44 quinquies (nouveau)
(livre VII [nouveau] de la deuxième partie et livre IV [nouveau] de la troisième partie du code de la commande publique)
Adaptation des règles de la commande publique en cas de circonstances exceptionnelles

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 651 du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article vise à créer dans le code de la commande publique un dispositif pérenne permettant, en cas de circonstances exceptionnelles, d’adapter les règles prévues par le droit commun de la commande publique.

Afin de pouvoir réagir plus rapidement et plus efficacement à la survenance de circonstances exceptionnelles nouvelles ([180]), le présent article a pour objet de créer un cadre juridique adaptant les règles de la commande publique tant au bénéfice des acheteurs que des co-contractants.

Selon la durée et le champ d’application territorial qu’il détermine, le pouvoir règlementaire est ainsi habilité à fixer par décret les règles dérogatoires applicables aux modalités de mise en concurrence, aux conditions de prolongation du contrat, aux délais et modalités d’exécution ainsi qu’à la neutralisation des pénalités de retard et autres sanctions prévues dans le cadre du contrat.

Article 44 sexies (nouveau)
Application à certains marchés publics des règles applicables à la modification des contrats en cours dexécution

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 650 du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article rend applicable à certains marchés publics le dispositif de modification des contrats en cours d’exécution prévu par le code de la commande publique.

Sur le fondement de l’article 20 de l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, les articles L. 3135-1 et L. 3136‑6 du code de la commande publique relatifs à la modification des contrats ont été rendus immédiatement applicables aux contrats de concessions conclus ou pour lesquels une procédure de passation a été engagée ou un avis de concession a été envoyé à la publication avant le 1er avril 2016. Il s’agit de la date à laquelle est entrée en vigueur l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 assurant la transposition de la directive 2014/23/UE sur l’attribution des contrats de concession. Cependant, les modifications des marchés publics et des contrats de partenariats antérieurs au 1er avril 2016 demeurent régies par les textes en vigueur avant le 1er avril 2016.

L’article L. 2194-1 du code de la commande publique, qui encadre les conditions de modification des marchés, permet notamment aux acheteurs de modifier un marché sans nouvelle procédure de mise en concurrence, dans la limite de 50 % du montant du marché initial, lorsque des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires ou lorsque des modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues. En matière de modification des contrats, l’article 20 du code des marchés publics de 2006 ne prévoyait expressément que l’hypothèse de modification du contrat en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties.

Ainsi, à l’instar du régime applicable aux contrats de concession, le présent article vise à étendre aux marchés publics (marchés, marchés de défense ou de sécurité et contrats de partenariat) conclus avant le 1er avril 2016 le dispositif de modification des contrats en cours d’exécution prévu actuellement par le code de la commande publique. Les acheteurs bénéficieront ainsi de la possibilité de modifier ces marchés publics conclus pour une durée longue, lorsqu’une telle modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir.

Selon le Gouvernement, cette mesure présente également l’avantage de clarifier la possibilité de modifier les marchés conclus avant 2016 en vue de commander des travaux, fournitures ou services supplémentaires ([181]). L’achat de ces prestations complémentaires, constitue désormais une hypothèse de modification autorisée du marché en cours d’exécution.

Article 44 septies (nouveau)
(articles L. 213-8 et L. 213-8-1 du code de lenvironnement)
Composition des comités de bassin

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 648 du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article vise à préciser la composition des comités de bassin qui constituent les instances territoriales de concertation entre l’État, les collectivités locales et les usagers en matière de politique de gestion de l’eau.

L’article L. 213‑8 du code de l’environnement prévoit que la composition de chaque comité de bassin comprend au moins un député ou un sénateur. L’article D. 213‑17 du même code précise que dans chaque comité de bassin siège un député et un sénateur. Cet article vise à harmoniser la partie législative et la partie réglementaire du code de l’environnement en déterminant au niveau législatif la participation d’un député et d’un sénateur au comité de bassin. Il donne également la possibilité au député et au sénateur, membres du comité de bassin, d’être suppléés en cas d’absence. Le Gouvernement estime que cette évolution est rendue nécessaire par les très nombreuses contraintes d’agenda des parlementaires. Elle permettra ainsi de faciliter la présence des représentants des Assemblées au sein des comités de bassin.

Outre une clarification rédactionnelle sur le nombre de collèges composant les comités de bassin, le présent article impose également le respect de la parité femmes/hommes au sein de ces instances et des conseils d’administration des agences de l’eau.

Article 44 octies (nouveau)
(articles 706-71 et 804 du code de procédure pénale)
Comparution par visioconférence des personnes détenues

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 646 (rectifié) du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article vise à préciser les conditions de recours à la visioconférence dans le cadre des comparutions de personnes détenues.

L’article 706-71 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de recourir à des moyens de télécommunications, c’est-à-dire à un dispositif de visio-conférence, à plusieurs stades de la procédure pénale : « Aux fins d’une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l’estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle ».

Le Gouvernement estime que le recours à la visioconférence facilite et accélère la tenue des audiences, en évitant l’extraction des détenus rendue encore plus difficile par le contexte sanitaire actuel.

Par une décision QPC du 30 avril 2020 ([182]) le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les dispositions de cet article qui permettent de recourir à la visioconférence devant la chambre de l’instruction dans les dossiers criminels sans l’accord de la personne, privant ainsi les personnes mises en examen de la possibilité de comparaître physiquement devant leurs juges pendant un an. L’abrogation de ces dispositions a été toutefois reportée au 31 octobre 2020.

Le présent article prévoit donc qu’il soit satisfait à la demande de comparution physique pour mise en examen d’un prévenu devant ses juges lorsque celui-ci n’a pas bénéficié de ce droit depuis au moins six mois. Ces modifications ont déjà été adoptées par le Sénat en mars 2020 dans le cadre du projet de loi relatif au parquet européen dont l’examen en première lecture par l’Assemblée nationale ne devrait pas avoir lieu avant le mois de novembre 2020, soit postérieurement à la date à laquelle l’inconstitutionnalité sera effective. Le présent article vise donc à tirer les conséquences de la décision rendue par le Conseil constitutionnel afin de préserver le recours à la comparution des personnes détenues sous la forme d’une visioconférence, dans le respect des règles constitutionnelles.

Article 44 nonies (nouveau)
(articles L. 122-5, L. 513-1 et L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle)
Libéralisation du marché des pièces détachées visibles pour lautomobile

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 528 de M. Damien Adam (LaREM) sous-amendé par M. Buon Tan (LaREM) avec l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, le présent article vise à libéraliser le marché de certaines pièces détachées visibles ([183]) pour l’automobile.

Cet article reprend les dispositions de l’article 110 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités censurées par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif. Selon M. Damien Adam, il vise à libéraliser « de façon progressive et adaptée » le marché des pièces détachées visibles pour l’automobile, à compter du 1er janvier 2021, conformément au droit applicable dans d’autres États membres de l’Union européenne.

Cette évolution législative a pour objet de diminuer le coût de la réparation des automobiles et de favoriser la compétitivité des entreprises françaises, dans l’intérêt conjoint des consommateurs et des constructeurs. Adopté par la commission, le sous-amendement n° 718 de M. Buon Tan (LaREM) a retiré les pièces d’optique et de rétroviseurs du champ d’application du présent article. Selon M. Buon Tan, il n’apparaît pas opportun d’autoriser des fabricants à vendre des produits pour lesquels ils n’auraient pas eu à supporter de frais de recherche et développement.

Article 44 decies (nouveau)
Ratification de lordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique dinvestissement (BPI)

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 649 du Gouvernement avec l’avis favorable du rapporteur, le présent article vise à ratifier l’ordonnance n° 2020‑739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement et modifiant l’ordonnance n° 2005‑722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, prise sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Cette ordonnance a pour objet de simplifier l’organisation de la BPI et de son groupe afin de faciliter la prise de décision au sein du groupe et de développer l’octroi de prêts et de garanties compte tenu des difficultés économiques que traverse notre pays dans le contexte sanitaire actuel.

Dans un délai de 12 mois à compter de sa publication, l’ordonnance autorise la fusion entre la société anonyme Bpifrance et sa filiale agréée en tant qu’établissement de crédit, Bpifrance Financement. Selon le Gouvernement, cette réorganisation renforcera la solidité financière de la BPI et permettra d’augmenter les volumes de garanties et de prêts accordés.

TITRE V
Dispositions portant suppression de sur-transpositions de directives europÉennes en droit français et diverses dispositions

L’amendement n° 663 du rapporteur a complété l’intitulé initial du titre V.

Article 45
Suppression de linterdiction faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires des avocats intervenant en protection juridique

Suppression maintenue par la commission

Le présent article, supprimé par la commission spéciale du Sénat, vise à lever l’interdiction imposée aux assureurs de participer à la négociation des honoraires entre l’assuré et l’avocat dans le cadre d’un contrat d’assurance de protection juridique ([184]). Votre commission a confirmé la suppression de cet article.

I.   le droit en vigueur

Issue d’une initiative sénatoriale, la loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique a créé les articles L. 127-5-1 du code des assurances et L. 224-5-1 du code de la mutualité. Présentant une rédaction similaire, ces dispositions prévoient que les honoraires de l’avocat sont déterminés entre celui-ci et l’assuré, sans que l’assureur de protection juridique, la mutuelle ou l’union auxquels est lié l’assuré ne puissent intervenir dans la négociation de la convention d’honoraires.

Cette interdiction, motivée par la nécessité de clarifier les règles applicables à la fixation des honoraires d’avocats intervenant dans le cadre de contrats d’assurance de protection juridique, a pour objectif de garantir concrètement le principe prévu par le premier alinéa de l’article 10 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques selon lequel « les honoraires de postulation, de consultation, dassistance, de conseil, de rédaction dactes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. »

L’évolution du cadre juridique en 2007 s’appuyait notamment sur la recommandation n° 02-03 de la commission des clauses abusives publiée le 21 février 2002 ([185]) préconisant une plus grande liberté de choix de l’avocat par l’assuré, sans que l’assureur ne puisse s’ingérer directement ou indirectement dans la relation que souhaitent établir l’assuré et son avocat. Les articles L. 127-3 du code des assurances et L. 224-3 du code de la mutualité s’inscrivent également dans cette perspective libérale. Ils rappellent le caractère intangible de l’autonomie dont dispose l’assuré afin de choisir son avocat, le montant des honoraires de celui-ci étant toutefois pris en charge par l’assureur, la mutuelle ou l’union dans la limite du plafond de la garantie prévue par le contrat d’assurance de protection juridique.

Si le droit de l’Union européenne résultant de la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 dite « Solvabilité II » garantit à l’assuré la liberté de choisir son avocat ([186]), il n’impose pas pour autant aux États membres d’interdire la participation de l’assureur à l’élaboration de la convention d’honoraires entre son assuré et son avocat. Dans l’étude d’impact ([187]) annexée au projet de loi, le Gouvernement estime que la législation nationale en vigueur depuis 2007 se révèle plus rigide que le cadre établi par le droit européen, excédant ainsi de façon excessive le simple respect du principe conventionnel de libre choix de l’avocat par l’assuré ([188]).

II.   le dispositif du projet de loi

Reprenant les dispositions de l’article 6 du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français examiné en première lecture par le Sénat en novembre 2018 ([189]), le présent article vise à supprimer l’interdiction faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires des avocats intervenant dans le cadre d’un contrat d’assurance de protection juridique.

Le dispositif proposé prévoit de modifier les articles L. 127-5-1 et L. 224‑5‑1 précités afin de rendre possible la conclusion d’un accord préalable entre les assureurs et les avocats sur le montant des honoraires que ces derniers proposeront à leurs clients, tout en maintenant la liberté dont jouit l’assuré de choisir son avocat, qu’il s’agisse ou non de l’avocat proposé par son assureur. En outre, l’assureur, la mutuelle ou l’union ne peuvent proposer un avocat à leur assuré qu’en réponse à la demande écrite de celui-ci, conformément au dernier alinéa des articles L. 127-3 du code des assurances et L. 224-3 du code de la mutualité dont la rédaction demeure inchangée.

L’objectif est de simplifier et de fluidifier les relations qu’entretiennent les assureurs, les assurés et les avocats en facilitant les négociations financières des conventions d’honoraires. Le renforcement de l’accompagnement des assurés par leur assureur vise, d’une part, à réduire l’asymétrie d’information existant entre les avocats et les assurés quant à la détermination des modalités de rémunérations des prestations d’avocat accomplies dans le cadre d’un contrat de protection juridique, et, d’autre part, à faire bénéficier les assurés de tarifs plus compétitifs, grâce à la capacité des assureurs de négocier préalablement le montant des honoraires des avocats qu’ils seront susceptibles de proposer à leurs assurés.

L’étude d’impact souligne la difficulté d’évaluer les conséquences financières de cette évolution sur le montant des honoraires des avocats et de celui du reste à charge des assurés en cas de dépassement des plafonds contractuellement garantis ([190]). Cependant, le rapport de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi de réforme de la protection juridique publié le 17 janvier 2007 reconnaît que l’interdiction faite aux assureurs de participer à la négociation des conventions d’honoraires peut aboutir, selon les représentants des assureurs et des mutuelles auditionnés par le rapporteur M. Yves Détraigne « à un renchérissement du coût de la gestion des sinistres de lordre de 30 à 40 % (pour les contrats de protection juridique proposés par les sociétés dassurance spécialisées). […] Une telle évolution serait défavorable aux assurés qui subiraient, soit une inflation de leur prime dassurance, soit une plus lourde charge financière résultant de la part des honoraires supérieure aux plafonnements prévus dans le contrat. » ([191])

En outre, l’interdiction créée par la loi du 19 février 2007 n’aurait pas, en pratique, empêché toute négociation préalable entre les avocats et les assureurs. Le rapport susmentionné précise ainsi « quune négociation entre les avocats et les sociétés dassurance devra nécessairement être engagée pour définir des limitations de remboursement dhonoraires garantissant une plus juste rémunération de lavocat tenant compte de la qualité de la prestation et du temps consacré à chaque dossier. » ([192])

La modification proposée par le présent article n’emporte pas de conséquence sur le principe de liberté de choix de l’avocat par l’assuré qui conserve l’entière faculté de choisir un avocat différent de celui que son assureur lui aura éventuellement proposé.

III.   La position du SÉnat

La commission spéciale du Sénat a adopté plusieurs amendements ([193]) dont celui de la rapporteure tendant à supprimer le présent article dans le but de maintenir le droit applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 février 2007, eu égard à la nécessité de protéger la relation entre l’avocat et son client de l’ingérence éventuelle de l’assureur. En outre, la négociation préalable des honoraires des avocats pourrait aboutir à un nivellement vers le bas de leurs montant au risque de diminuer, de façon corrélative, la qualité des prestations accomplies en faveur des assurés.

Ce choix s’inscrit dans le prolongement de la suppression de l’article 6 du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français votée par le Sénat en novembre 2018 lors de l’examen en séance publique, malgré l’avis défavorable du rapporteur de la commission spéciale et du Gouvernement.

IV.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

La commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 46
(articles L. 2512-5, L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2671-1, L. 2681-1, L. 3212-4, L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3371-1 et L. 3381-1 du code de la commande publique)
Exclusion du champ de la commande publique de certaines prestations en matière de représentation légale dun client par un avocat dans le cadre dun contentieux et de conseil juridique par un avocat en amont dune probable procédure contentieuse

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à exclure du champ d’application des règles de la commande publique certaines prestations de conseil juridique, conformément au droit européen.

I.   le droit en vigueur

Si les directives 2014/23/UE, 2014/24/UE et 2014/25/UE du 26 février 2014 relatives à la passation de marchés publics excluent de leur champ d’application certains services juridiques dont ceux ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat, le code de la commande publique en vigueur depuis le 1er avril 2019 ne procède pas à la même exclusion, ce qui constitue une sur-transposition des directives précitées.

A.   Le droit europÉen

Les directives 2014/23/UE, 2014/24/UE et 2014/25/UE du 26 février 2014 établissent le cadre conventionnel des règles applicables à la passation des marchés publics dans l’Union européenne. Elles excluent certains domaines de leur champ d’application, en raison des spécificités des activités économiques qui s’y rattachent. C’est notamment le cas des prestations de services juridiques ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure contentieuse ou pré-contentieuse ([194]). La Cour de justice de l’Union européenne a récemment jugé ces dispositions conformes au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ([195]).

B.   Le droit national

La transposition en droit français des directives du 26 février 2014 a été assurée par l’ordonnance n° 2015-899 relative aux marchés publics et par le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. Contrairement aux dispositions prévues par le droit européen, les prestations de représentation légale d’un client par un avocat et de conseil juridique n’ont pas été exclues du champ d’application de l’ordonnance n° 2015-899, même si elles bénéficient d’une procédure de publicité et de mise en concurrence allégée ([196]). La jurisprudence administrative valide aussi bien l’adaptation de ces règles que la non-exclusion de ces prestations du champ d’application du droit commun, le législateur étant libre de définir des règles plus contraignantes que celles élaborées à l’échelle européenne en la matière ([197]).

Dans son avis rendu le 27 septembre 2018 sur le projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français ([198]), le Conseil d’État rappelle cependant que les particularités propres aux services de conseil juridique, telles que l’intuitu personae et la liberté de choisir son avocat, constituent un motif d’intérêt général suffisant afin de déroger aux principes fondamentaux de la commande publique dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([199]).

Les règles applicables à la passation et à l’exécution des marchés publics ont été codifiées par l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 et le décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 au sein du code de la commande publique entré en vigueur le 1er avril 2019.

II.   le dispositif du projet de loi

Le présent article reprend les dispositions de l’article 11 du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français adopté en première lecture par le Sénat en novembre 2018. Cet article avait été voté sans modification par le Sénat, aussi bien lors de l’examen en commission spéciale qu’en séance publique.

Le présent article exclut donc du droit commun de la commande publique, d’une part, les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits, et, d’autre part, les services de consultation juridique dans le cadre d’une procédure pré-contentieuse.

Formellement, le I de l’article assujettit ces prestations aux règles applicables aux « autres marchés publics » et « autres contrats de concession » régis par les deuxième et troisième parties du code de la commande publique.

Dans un souci de sécurité juridique, le II précise que la mesure ne s’appliquera pas aux marchés publics et contrats de concession pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé préalablement à son entrée en vigueur.

Cette simplification des contraintes administratives à la charge des acheteurs publics comme des opérateurs économiques assouplit considérablement les formalités procédurales.

En effet, ces marchés publics ne seront plus soumis qu’aux seules règles de droit commun applicables aux modalités d’exécution des contrats ([200]), et non plus à celles encadrant leur passation, c’est-à-dire aux procédures de mise en concurrence des candidats. Outre un gain de temps, cette évolution engendrera également des économies ([201]) dans l’intérêt conjoint des collectivités et cabinets d’avocats, en réduisant les coûts administratifs afférents à ces procédures.

III.   La position du SÉnat

Confirmant sa position exprimée lors de l’examen du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, le Sénat a adopté le présent article, modifié par un amendement rédactionnel de la rapporteure adopté par la commission spéciale.

IV.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement de précision du rapporteur.

Article 46 bis A (nouveau)
(article L. 2171-4 du code de la commande publique)
Assouplissement du recours aux marchés de conception-construction pour les infrastructures de lÉtat

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 621 du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article vise à assouplir les conditions de recours aux marchés de conception-construction ([202]) pour les infrastructures de transport de l’État.

Cet article vise à faciliter la réalisation des opérations d’infrastructures de transports de l’État en permettant le recours aux marchés de conception-construction. Il complète à cette fin l’article L. 2171-4 du code de la commande publique qui prévoit déjà plusieurs dérogations sectorielles ([203]) au principe selon lequel la mission de maîtrise d’œuvre de l’opération est distincte des prestations de travaux.

Article 46 bis B (nouveau)
(article L. 2171-6 du code de la commande publique)
Élargissement du périmètre des marchés globaux pour la Société du Grand Paris

Introduit par la commission

Issu d’un amendement n° 622 du Gouvernement qui a reçu un avis favorable du rapporteur, le présent article vise à élargir le champ d’application des marchés globaux auxquels recourt la Société du Grand Paris.

L’article L. 2171‑6 du code de la commande publique prévoit que la Société du Grand Paris peut recourir à un marché global incluant conception, réalisation, aménagement et maintenance des infrastructures du Grand Paris Express. Le présent article vise à permettre d’intégrer dans ce marché global la mission de construction et de valorisation immobilière de projets connexes au Grand Paris Express, même lorsqu’ils ne sont pas directement liés aux infrastructures du Grand Paris Express.

Selon le Gouvernement, la Société du Grand Paris pourrait ainsi confier au titulaire d’un marché global les missions de réalisation des infrastructures du Grand Paris Express et de réalisation de projets connexes qui accompagnent ce projet, dans un objectif global de simplification et d’efficacité.

Article 46 bis
Règles de confidentialité applicables aux correspondances professionnelles des conseils en propriété industrielle

Supprimé par la commission

Adopté par le Sénat en séance publique après le vote d’un amendement présenté par M. Dany Wattebled sur lequel la rapporteure s’en est remis à la sagesse du Sénat et le Gouvernement a émis un avis défavorable, le présent article, supprimé par la commission à l’initiative du Gouvernement, vise à harmoniser les règles de confidentialité des correspondances professionnelles des conseils en propriété industrielle (CPI) sur celles applicables aux avocats.

I.   le droit en vigueur

L’article L. 422-1 du code de la propriété intellectuelle définit le CPI comme un professionnel offrant, à titre habituel et rémunéré, ses services au public pour conseiller, assister ou représenter les tiers en vue de l’obtention, du maintien, de l’exploitation ou de la défense des droits de propriété industrielle ([204]). Les CPI présentent essentiellement un profil d’ingénieur ou de juriste ([205]) et peuvent exercer leur activité à titre individuel, dans le cadre d’un groupement ou en tant que salarié d’un autre CPI. Appartenant aux catégories des professions réglementées, ils sont tenus au respect de règles déontologiques similaires à celles applicables à la profession d’avocat :

Article R. 422-52 du code de la propriété intellectuelle

Le conseil en propriété industrielle exerce sa profession avec dignité, conscience, indépendance et probité, et dans le respect des lois et règlements régissant sa compagnie.

Article R. 422-54 du code de la propriété intellectuelle

Le conseil en propriété industrielle :

1° S’abstient dans une même affaire de conseiller, assister ou représenter des clients ayant des intérêts opposés ; il s’abstient également d’accepter un nouveau dossier si le secret des informations confiées par un ancien client risque d’être violé ;

2° Observe le secret professionnel : ce secret s’étend notamment aux consultations qu’il donne à son client, aux correspondances professionnelles échangées ainsi qu’à tous documents préparés à cette occasion ;

3° Conduit jusqu’à son terme l’affaire dont il est chargé, sauf si son client l’en   dessaisit ;

4° Rend compte de l’exécution de son mandat, notamment en ce qui concerne le maniement des fonds ; à cet effet, il remet à son client un compte qui fait ressortir distinctement, d’une part, les honoraires, d’autre part, les frais et redevances : ce compte indique les sommes précédemment reçues à titre de provision ou de paiement ;

5° Remet au client qui l’a dessaisi, ou au nouveau mandataire de celui-ci, tous les documents ayant un caractère officiel dont il est dépositaire ainsi que toutes les pièces et informations nécessaires à l’exécution ou à l’achèvement de la mission qui lui était confiée ; la remise doit intervenir dans un délai permettant d’éviter toute forclusion ou prescription.

Le rôle de conseil juridique dévolu aux CPI les rapproche de l’activité exercée par les avocats auxquels ils peuvent désormais s’associer au sein de sociétés pluri-professionnelles d’exercice ([206]). Cependant, les règles relatives au secret professionnel auquel les CPI et les avocats sont assujettis semblent présenter certaines différences en l’état du droit.

En effet, l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que le secret professionnel ne s’applique pas aux correspondances échangées entre un avocat et ses confrères dès lors que celles-ci portent la mention « officielle ». Cette disposition, qui permet notamment de produire en justice comme moyens de preuve les documents portant cette mention ([207]), n’est pas applicable aux correspondances échangées entre CPI ou entre un CPI et un avocat.

En outre, la rédaction actuelle du premier alinéa de l’article 66-5 prévoit que seules les correspondances entre le client et l’avocat ou entre celui-ci et ses confrères ([208]) sont couvertes par le secret professionnel. En revanche, l’article L. 422-11 du code de la propriété intellectuelle étend le secret professionnel aux correspondances professionnelles entre un CPI et un avocat, ce qui soulève une certaine ambiguïté quant à la protection effective de la confidentialité des échanges entre ces derniers.

Dans un arrêt rendu le 24 novembre 2015, la Cour d’appel de Paris considère que les avocats et les CPI sont réciproquement tenus par le secret professionnel : « […] prétendre que dès lors que lavocat nest pas de son côté tenu au secret édicté par cet article ([209]), il lui serait loisible de divulguer une correspondance qui lui a été adressée sous couvert de confidentialité, revient à vider de sa finalité ce secret destiné à protéger les intérêts du client concerné ». ([210])

II.   les dispositions adoptÉes par le sÉnat

Introduit par le Sénat en séance publique, cet article est issu d’un amendement adopté à l’initiative de M. Dany Wattebled, la rapporteure s’en étant remis à la sagesse du Sénat et le Gouvernement ayant émis un avis défavorable.

Il reprend en substance les dispositions insérées par le Sénat à l’article 42 quater du projet de loi dit « PACTE » lors de son examen en première lecture en février 2019.

Le Gouvernement estime que l’extension du secret professionnel applicable aux avocats à l’ensemble des correspondances entre ces derniers et les CPI risquerait d’entraver les enquêtes judiciaires et administratives. La confidentialité des échanges entre CPI et avocats serait ainsi opposable aux autorités judiciaires et administratives. De plus, cette évolution législative impliquerait, par cohérence, d’étendre son champ d’application à l’ensemble des professionnels susceptibles de constituer des sociétés pluriprofessionnelles d’exercice avec des avocats, tels que les experts-comptables ou les officiers publics ministériels.

III.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission a adopté l’amendement n° 653 du Gouvernement afin de supprimer cet article.

Article 47
(article 42 [abrogé] de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique)
Suppression de lobligation de mise en conformité de tous les équipements radioélectriques avec la norme IPv6

Adopté par la commission sans modification

Le présent article abroge l’article 42 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique qui impose une obligation de mise en conformité de tout équipement radioélectrique avec la norme IPV6 ([211]) à compter du 1er janvier 2018.

I.   le droit en vigueur

A.   Le droit europÉen

L’article 3 de la directive 2014/53/UE du 16 avril 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques prévoit les exigences essentielles que doivent respecter les équipements radioélectriques commercialisés dans l’Union européenne, eu égard aux impératifs sanitaires, de sécurité et de compatibilité électromagnétique.

Son article 9 interdit aux États membres de fixer des exigences supérieures à celles prévues par la directive. Celle-ci n’impose aucune obligation de compatibilité des terminaux radioélectriques commercialisés à compter du 1er janvier 2018 avec la norme IPV6.

B.   Le droit national

L’article 42 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique exige la mise en conformité de tout équipement radioélectrique vendu ou loué en France avec la norme IPV6 à compter du 1er janvier 2018. Cette disposition est issue d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale en séance publique lors de l’examen du projet de loi en première lecture, à l’initiative de notre ancienne collègue Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, malgré l’avis défavorable du Gouvernement. Supprimé par le Sénat, cet article a ensuite été réintroduit dans le texte adopté par la commission mixte paritaire puis voté par le Parlement.

Cette disposition constitue non seulement une sur-transposition de la directive européenne du 16 avril 2014 ([212]) mais aussi, comme le souligne l’avis du Conseil d’État rendu le 27 septembre 2018 sur le projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, une violation du droit européen, dans la mesure où l’article 9 de la directive prévoit expressément que « les États membres nempêchent pas, pour des raisons liées aux aspects couverts par la présente directive, la mise à disposition sur le marché sur leur territoire des équipements radioélectriques conformes à la présente directive ».

II.   le dispositif du projet de loi

Le présent article est identique à l’article 47 du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français adopté par le Sénat en novembre 2018. Il abroge l’article 42 de la loi du 7 octobre 2016 et supprime donc l’obligation en vigueur depuis le 1er janvier 2018 de rendre compatible tout équipement radioélectrique avec la norme IPV6.

Outre le non-respect du droit européen et le caractère manifestement disproportionné de cette mesure ([213]), l’étude d’impact précise que celle-ci n’est pas mise en œuvre à ce jour, aucun contrôle ni dispositif de sanction n’ayant été mis en place afin de vérifier le respect effectif de l’obligation prévue par l’article 42 de la loi du 7 octobre 2016.

III.   La position du SÉnat

Confirmant sa position exprimée lors de l’examen du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, le Sénat a adopté le présent article sans modification.

IV.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 48
(article L. 219-1 du code de lenvironnement)
Suppression de lespace aérien surjacent du champ dapplication de la stratégie nationale pour la mer et le littoral

Adopté par la commission sans modification

Le présent article exclut l’espace aérien surjacent du périmètre de la stratégie nationale pour la mer et le littoral.

I.   le droit en vigueur

Le cadre de la planification de l’espace maritime des États membres de l’Union européenne est fixé par la directive 2014/89/UE du 23 juillet 2014. Son article 3 définit les eaux maritimes comme les « eaux, fonds marins et sous-sols au sens de larticle 3, point 1) a) de la directive 2008/56/CE et […] eaux côtières au sens de larticle 2, point 7) de la directive 2000/60/CE ainsi que leurs fonds marins et leurs sous-sols ».

En droit national, la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML) est prévue par l’article L. 219-1 du code de l’environnement issu de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dite « Grenelle II » puis complété par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Selon la notice de présentation du décret n° 2017-222 du 23 février 2017, la SNML donne un cadre de référence pour les politiques publiques concernant la mer et le littoral. Elle vise, sur le long terme, quatre objectifs structurants : la transition écologique de la mer et du littoral, le développement de l’économie maritime, le bon état écologique des milieux marins et la préservation de l’attractivité du littoral ainsi que le rayonnement de la France au plan international.

Dès son entrée en vigueur en 2010 ([214]), l’article L. 219-1 inclut l’espace aérien surjacent dans le champ d’application de la SNML, contrairement à la directive du 23 juillet 2014 qui ne le mentionne pas dans sa définition des eaux maritimes précitées. Adoptée par le décret du 23 février 2017 précité, la SNML ([215]) ne prend pas en compte l’espace aérien surjacent dans sa réflexion.

II.   le dispositif du le projet de loi

Le présent article est identique à l’article 18 du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français adopté par le Sénat en novembre 2018. Il supprime la mention d’espace aérien surjacent à l’article L. 219-1, conformément à la définition des eaux maritimes déterminées par la directive du 23 juillet 2014.

III.   La position du SÉnat

Confirmant sa position exprimée lors de l’examen du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, le Sénat a adopté le présent article sans modification.

IV.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 49
(articles L. 111-1, L. 112-7 [abrogé] et L. 112-15 [abrogé] du code du patrimoine)
Sortie des archives publiques courantes et intermédiaires du champ des trésors nationaux et suppression des obligations de publicité en matière dactions en restitution de biens culturels

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise, d’une part, à exclure les archives publiques courantes ou intermédiaires de la catégorie des « trésors nationaux », et, d’autre part, à supprimer l’obligation de publicité des actions en restitution de biens culturels introduites sur le territoire national ou à l’initiative de la France auprès d’un État membre de l’Union européenne.

I.   le droit en vigueur

A.   L’inclusion des archives publiques courantes et intermÉdiaires parmi les trÉsors nationaux

La directive 2014/60/UE du 15 mai 2014 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre définit la notion de « bien culturel » comme faisant partie des « trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ». Conformément à l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le droit européen laisse le soin aux États membres de déterminer les biens culturels bénéficiant de la qualité de « trésors nationaux ». L’appartenance à cette catégorie implique le respect de règles de circulation hors du territoire national particulièrement strictes. Ainsi, le certificat d’autorisation de sortie du territoire peut être refusé aux biens culturels assimilés à des trésors nationaux ([216]), ces derniers ne pouvant être exportés qu’à titre temporaire et aux seules fins de restauration, expertise, participation à une manifestation culturelle ou de dépôt dans une collection publique ([217]).

Dans le cadre de la transposition en droit national de la directive du 15 mai 2014, la loi n° 2015-195 du 20 février 2015 a élargi le périmètre des trésors nationaux établi par l’article L. 111-1 du code du patrimoine à l’ensemble des archives publiques telles que définies par l’article L. 211-4 ([218]), quel que soit leur intérêt artistique, historique ou archéologique.

B.   La publicitÉ des actions en restitution des biens culturels

La directive du 15 mai 2014 a révisé la procédure administrative par laquelle les États membres doivent coopérer afin d’organiser la restitution de biens culturels ayant illicitement quitté leur territoire. Ses modalités étaient jusqu’alors régies par la directive 93/7/CEE. La transposition de celle-ci en droit national a été assurée par la loi n° 95-877 du 3 août 1995 qui a institué une obligation de publicité applicable à l’introduction d’une action en restitution d’un bien culturel à l’initiative de la France ([219]). Les dispositions de la directive de 1993 comme celles du 15 mai 2014 ne prévoient pas une telle exigence formelle ([220]), maintenue par la loi n° 2015-195 du 20 février 2015.

II.   le dispositif du projet de loi

Le présent article opère la fusion des articles 25 et 26 du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français adopté par le Sénat en novembre 2018.

Premièrement, il modifie l’article L. 111-1 précité afin de retirer les archives publiques courantes ([221]) et intermédiaires ([222]) de la catégorie des trésors nationaux. Seules les archives historiques et les archives publiques définitives, c’est-à-dire les documents qui présentent une utilité administrative ou revêtent un intérêt scientifique ou historique ([223]), bénéficieront de cette qualité. L’étude d’impact annexée au projet de loi souligne que cette évolution facilitera la mise en place de solutions d’hébergement numérique des données archivées.

Deuxièmement, il abroge l’obligation de publicité applicable aux actions en restitution d’un bien culturel prévue par les articles L. 112-7 et L. 112-15 du code du patrimoine, dans un objectif d’allègement des contraintes procédurales. L’autorité administrative reste libre de les porter à la connaissance du public si elle l’estime nécessaire.

III.   La position du SÉnat

Confirmant sa position exprimée lors de l’examen du projet de loi de suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, le Sénat a adopté le présent article sans modification.

IV.   Les travaux de la commission SPÉCIALE

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 50
Entrées en vigueur différées

Adopté par la commission avec modifications

Le Sénat a adopté le présent article, compte tenu d’un amendement de la rapporteure adopté par la commission spéciale afin de corriger une erreur matérielle. Suivant l’avis favorable du Gouvernement, votre commission a adopté quatre amendements du rapporteur et un amendement de M. Damien Adam (LaREM) à des fins de coordination. Le tableau ci-après récapitule l’entrée en vigueur différée des dispositions du projet de loi :

 

Dispositions

Entrée en vigueur

Article 5 bis

1er janvier 2021

Article 15, 8°, 9° et 11° à 13° de l’article 19

Premier jour du sixième mois qui suit celui de la publication de la présente loi

1°, 2° et 3° de l’article 19 et article 20

Premier jour du troisième mois qui suit celui de la publication de la présente loi

Articles 23 à 25

Applicables aux procédures engagées après la date d’entrée en vigueur de la présente loi

Article 27

Applicable aux cessations d’activité déclarées à partir du premier jour du dix-huitième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française

Article L. 5125-41 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la présente loi

Applicable aux demandes de création de site internet de commerce électronique de médicaments déposées auprès des agences régionales de santé pour autorisation et en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État par l’article L. 5125-41

Article 37

Date fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, et au plus tard le 31 décembre 2020

Article 39

1er mai 2021

Article 40

Date fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, et au plus tard le 1er mars 2022


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de ses réunions du lundi 14 septembre, mardi 15 septembre, mercredi 16 septembre et jeudi 17 septembre 2020, la commission spéciale a procédé à la discussion générale, puis à l’examen, sur le rapport de M. Guillaume Kasbarian, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, d’accélération et de simplification de l’action publique (n°2750 rectifié).

I.   DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président Bruno Duvergé. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, pour examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dont M. Guillaume Kasbarian est le rapporteur.

Nous commencerons nos travaux avec une discussion générale, en présence de Mme la ministre, sur les titres Ier et II dont elle est responsable. Puis nous examinerons les articles sur ces deux titres, toujours en sa présence. Nous passerons ensuite à la discussion des titres III à V, avec une discussion générale en présence de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie, suivie de l’examen des articles également en présence de Mme la ministre déléguée.

Les amendements sont soumis aux règles régissant leur recevabilité. En matière financière, un certain nombre d’entre eux ont été déclarés irrecevables, sur le fondement de l’article 40 de la Constitution, par le président de la commission des finances, M. Éric Woerth, à qui ils ont été renvoyés.

En ce qui concerne l’examen de leur recevabilité sur le fondement de l’article 45 de la Constitution, relatif aux cavaliers législatifs et qui me revient, je rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel exige qu’en première lecture, les amendements présentent un lien indirect avec les dispositions du projet de loi initial tel qu’il a été déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Pour élaborer ma doctrine en la matière, j’ai été soucieux de préserver autant que possible l’initiative parlementaire en considérant qu’en cas de doute, celui-ci bénéficiait à l’auteur.

J’ai, par ailleurs, constaté que dans certaines matières, le Sénat a pu en l’espèce avoir une approche très souple. Or il ne me semble pas souhaitable que le traitement réservé aux députés soit plus restrictif que celui qui a été appliqué aux sénateurs. Aussi, compte tenu de la très grande diversité des sujets traités par le projet de loi, j’ai décidé que présentait un lien indirect avec celui-ci tout amendement concourant à simplifier les relations entre l’administration, quelle qu’elle soit, et les usagers, ainsi que les amendements visant à simplifier des procédures et l’organisation administrative et, d’une façon générale, à faciliter l’action publique ou à simplifier les démarches des particuliers et des entreprises.

En conséquence, je n’ai déclaré aucun amendement irrecevable sur le fondement de l’article 45 de la Constitution. Cette bienveillance n’est pas sans conséquence. J’attire votre attention sur le fait que, in fine, s’il était saisi, le Conseil constitutionnel pourrait s’éloigner de la doctrine que j’ai ainsi établie. Il sera seul juge en la matière.

Je souligne aussi que l’application de cette doctrine aura mécaniquement pour conséquence d’ouvrir le débat sur un certain nombre de sujets. Il vous reviendra d’en tenir compte dans la durée de vos interventions, afin que nous puissions achever nos travaux dans les délais qui nous sont impartis.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. C’est un honneur d’être avec vous aujourd’hui et de vous présenter les titres Ier et II de ce projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) que j’ai le plaisir de porter conjointement avec Agnès Pannier-Runacher, qui sera présente avec vous demain.

Ce texte ambitieux reflète les engagements du Gouvernement et du Président de la République de répondre aux attentes des Français. Ces travaux ont été lancés au lendemain du Grand débat national, dans l’optique de rapprocher l’action publique de nos concitoyens. Il trouve aujourd’hui une acuité particulière, tant la situation sanitaire exceptionnelle que nous connaissons a de nouveau révélé le besoin de simplifier l’action publique. La relance de notre économie demandera impérieusement d’amplifier cette action, puisqu’il n’y aura pas de plan de relance efficace sans transformation de l’action publique.

En tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques, il est de ma responsabilité première de traduire très concrètement et au plus vite ces engagements de simplification, de fluidification et d’application plus efficace de toutes nos politiques publiques. C’est pour cette raison que l’une des priorités de ma feuille de route est la simplification de l’action publique. Ce plan de simplification comprendra plusieurs volets : ce projet de loi, mais également d’autres textes et d’autres initiatives car la logique de la simplification administrative doit infuser toute l’action publique, pour se traduire concrètement dans le quotidien des citoyens et dans celui des agents publics qui, eux aussi, demandent instamment une simplification des procédures qu’ils ont à déployer et à appliquer.

À cet égard, cette logique est fondamentalement interministérielle – à l’image de mon ministère. C’est une force que nous puissions aborder ces thématiques de manière collective, d’autant que ce projet de simplification et de transformation de l’action publique ne pourra pas se déployer sans une démarche globale et si, dans chaque ministère, chaque administration et chaque agent public n’est pas convaincu de la nécessité de ce changement d’approche. Certains sujets sont d’ordre législatif, d’autres sont de l’ordre de la pratique. D’autres encore de l’ordre d’un fort changement culturel, chaque agent public étant, d’une certaine manière, responsable de cette simplification.

Les dispositions initiales de ce projet de loi, particulièrement les titres Ier et II que je porte, font suite aux décisions prises lors des troisième et quatrième comités interministériels de la transformation publique, qui se sont tenus les 20 juin et 15 novembre 2019. Ces deux titres traduisent deux engagements pris par le Gouvernement en termes d’organisation administrative. Le premier est celui d’une organisation administrative plus simple et plus réactive. Il détaille un certain nombre de suppressions et de regroupements de commissions et d’entités rattachées aux administrations centrales. L’objectif est de libérer du temps pour les agents publics, afin que ceux-ci puissent se concentrer sur les missions prioritaires pour les Français.

Pour utiliser cette image, il s’agit de simplifier le « jardin à la française » très touffu et très raffiné qui compose notre paysage administratif, en supprimant 86 commissions consultatives sur les 394 existantes – soit un cinquième d’entre elles. Cette simplification permettra de fluidifier de manière significative le processus de la décision publique, bien souvent trop lent et trop long tel qu’il est perçu par nombre de nos concitoyens, par les élus locaux et par les entreprises. La partie législative de ces suppressions de commissions, au titre desquelles la commission nationale des services et la commission centrale des évaluations foncières, figure dans ce texte. Pour sa part, mon ministère assure un suivi très régulier de la suppression des commissions administratives qui relèvent, elles, du domaine réglementaire.

Nous agissons toujours avec le souci de la rationalisation et de l’efficacité renforcée. S’agissant de ce titre, de belles avancées ont été réalisées au Sénat grâce à l’implication d’Olivier Dussopt et un consensus assez fort quant à la nécessité de rationaliser – lequel sera, je le sais, également partagé ici. Certaines dispositions ont été supprimées par les sénateurs. D’autres ont été ajoutées. Il me semble important de garder une cohérence d’ensemble dans cette démarche. C’est pourquoi nous porterons largement le rétablissement du texte initial.

Le deuxième engagement du Gouvernement, consiste à rendre les administrations plus proches et plus accessibles. À ce titre, le Gouvernement a lancé un plan de relocalisation de certaines administrations hors de Paris et hors des grandes métropoles régionales, le déploiement du réseau d’espaces France Services, mais aussi – c’est l’objet du titre II de ce texte – une démarche de déconcentration de la prise de décision, pour rendre celle-ci au plus proche du terrain.

Notre objectif consiste à approcher un taux de 99 % de décisions individuelles à l’échelle locale. Il doit nous permettre de répondre à une double attente, de proximité et surtout de rééquilibrage des institutions et des structures économiques sur l’ensemble du territoire, en déconcentrant nos décisions administratives individuelles, comme le prévoit le titre II, dans les domaines de la santé ou de la culture. Nous devrions ainsi avoir une organisation et une prise de décision plus proches, plus accessibles et mieux déployées. Ces dispositions ont reçu un accueil favorable du Sénat, ce qui permettra de poursuivre le travail accompli sur des bases solides.

Au travers de mesures variées, portant sur des sujets très divers, ce texte vise un objectif global, qui est celui de tout le Gouvernement : la simplification des démarches pour tous les citoyens, où qu’ils se trouvent sur le territoire, et pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. C’est aussi la simplification administrative pour tous les agents publics, quels que soient leur mission, leur grade et leur administration. C’est un objectif clair. Je suis convaincue que nous l’atteindrons ensemble, main dans la main, car au-delà de ce projet de loi, notre collaboration est indispensable. Simplifier l’action publique n’est pas le sujet d’un ministère. C’est un sujet pour tous, dans tous les territoires, au service des Françaises et des Français. Vous pouvez donc compter sur moi et je sais, de mon côté, pouvoir compter sur vous.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous sommes réunis pour examiner un texte dont l’objectif figure dans son intitulé : accélérer et simplifier l’action publique. J’ai conscience de la difficulté de la tâche qui nous incombe. En effet, depuis de trop nombreuses années, un constat général, presque unanime, est répété avec force : l’action publique souffre de lenteur et de lourdeur en raison de règles complexes et de contraintes croissantes. Cette situation ne profite à personne – ni à notre administration ni à nos concitoyens. Elle aboutit à générer une forme de défiance à l’égard de la puissance publique, alors même que s’exprime dans notre pays une volonté partagée de proximité et de réactivité, qui émane aussi bien des entreprises que des particuliers.

Depuis 2017, le Gouvernement et le Parlement se sont saisis de ces questions. Les travaux menés par les comités interministériels de la transformation publique et le projet de loi ESSOC, adopté en 2018, ont constitué de premières réponses utiles et concrètes. Le projet de loi que nous examinons cette semaine vise à poursuivre et à amplifier cette démarche. Le Sénat l’a adopté en mars dernier, juste avant l’interruption de nos travaux due à la crise sanitaire. Les douloureux événements que notre pays a récemment traversés soulignent à quel point les objectifs de ce texte restent d’actualité. Il s’agit de mettre en œuvre un engagement important pris par le Président de la République en 2017 : simplifier la vie des Françaises et des Français afin que la liberté, au cœur de notre devise républicaine, ne reste pas un vain mot.

En tant que rapporteur de ce texte, je revendique l’héritage de notre illustre prédécesseur Frédéric Bastiat, qui disait à juste titre : « On a essayé tant de choses, quand essayera-t-on la plus simple de toutes, la liberté ? ». Cela implique de lutter contre les carcans administratifs qui freinent les initiatives individuelles autant qu’ils affaiblissent l’efficacité de l’action publique. Bien sûr, cette mission n’est pas facile. Elle s’inscrit dans une perspective très large, qui brasse naturellement des domaines très divers. Cela nécessite de se confronter aux réalités du terrain, celles que vivent au quotidien les entreprises et nos concitoyens.

J’entends les critiques qui s’élèvent contre certaines dispositions prévues par le texte. Je précise évidemment que la simplification n’a de sens que si elle est utile. Il ne s’agit donc pas de simplifier pour simplifier. Mais je ne peux pas accepter que, dans le même temps, on continue de déplorer la complexité de nos règles administratives tout en refusant de résoudre ces problèmes lorsque l’on entre dans le vif du sujet. On ne peut pas ironiser sur l’existence de dizaines de « comités Théodule » et rejeter simultanément leur suppression ou leur regroupement. On ne peut pas non plus dénoncer des procédures kafkaïennes et ne rien faire pour les rationaliser. Ce projet de loi, c’est l’heure de vérité. En tant que parlementaires, nous devons veiller à traduire dans la loi, sans excès mais sans faiblesse, cette exigence de simplification.

Je n’entrerai pas ici dans les détails des dispositions que contiennent les titres III à V du projet de loi, puisqu’ils feront l’objet d’une seconde discussion générale. Les titres Ier et II, dont nous allons commencer l’examen, consistent d’une part à supprimer des commissions consultatives dont l’utilité n’apparaît plus acquise et, d’autre part, à procéder à la déconcentration de plusieurs décisions administratives individuelles afin de rapprocher l’administration de l’ensemble de nos concitoyens.

S’agissant du titre Ier, je précise d’emblée que la suppression ou la fusion de certaines commissions consultatives ne signifie pas que les missions qu’elles exerçaient – ou qu’elles n’exerçaient pas – seront abandonnées. Bien au contraire, l’objectif vise à garantir un meilleur pilotage de ces sujets, soit directement par les ministères concernés, soit grâce à la fusion de diverses instances, dans un souci d’efficacité et de lisibilité.

Par ailleurs, je veux souligner l’importance des mesures du titre II au regard des enjeux de santé. En particulier les mesures de déconcentration prévues par l’article 19 permettront de rendre notre administration plus agile et plus réactive. De plus, l’assouplissement des procédures et des délais d’accréditation pour les laboratoires, prévu par l’article 19 ter, est indispensable au vu de la charge de travail à laquelle les laboratoires doivent actuellement faire face.

En tant que rapporteur, je suis ouvert aux modifications et compléments qu’il est possible d’apporter à ce projet de loi. J’ai d’ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens. Les débats au Sénat ont utilement permis d’approfondir certains sujets, même s’il existe quelques points de divergence. Je suis convaincu que l’examen au sein de cette commission spéciale permettra d’enrichir ce texte tout en tirant les enseignements de la crise de la Covid-19, afin de contribuer à la relance du pays.

M. Vincent Thiébaut. Le texte que nous nous apprêtons à examiner est la concrétisation de plusieurs engagements majeurs pris par le Gouvernement, comme l’avait souhaité le Président de la République, notamment à l’issue du Grand débat national. L’ambition de cette démarche est de transformer l’action publique afin de rapprocher l’administration du citoyen, pour un État au service du citoyen. L’objectif que nous avons fixé réside en la construction d’une administration plus accessible, dont l’organisation est simplifiée et efficiente. Ce texte s’inscrit dans une démarche globale de transformation de l’action publique au travers de trois engagements principaux : la simplification de l’administration, des prises de décision plus proche des citoyens et des démarches simplifiées.

La simplification des démarches, en particulier, et la facilitation du développement des entreprises par l’accélération des procédures administratives répondent à une exigence forte et légitime de tous les acteurs. Les mesures qui en découlent concernent trois domaines majeurs du quotidien de nos citoyens : la culture, l’économie et la santé. Les décisions administratives individuelles prises dans ce domaine le seront désormais à un niveau déconcentré, car elles se doivent d’être plus proches des territoires. La crise sanitaire nous a parfois cruellement confirmé cette nécessité d’adaptation. C’est pourquoi les titres Ier et II ambitionnent de redonner du temps administratif à nos agents publics, pour une proximité enfin retrouvée entre administration et usagers.

De nouvelles dispositions permettront de transférer aux autorités déconcentrées tout un panel de décisions administratives qui, jusqu’ici, relèvent des compétences de l’administration centrale ou du ministre chargé de la culture. La reconnaissance des établissements d’enseignement supérieur privé dispensant des enseignements artistiques ou la consultation des documents d’archives publiques en sont deux exemples. Grâce à ce texte, ces décisions seront transférées au niveau déconcentré sous la responsabilité des directeurs des services départementaux ou régionaux.

Il nous incombe également d’agir dans le domaine de la santé. Nous devons déconcentrer certaines décisions administratives individuelles de portée locale en matière de santé, du niveau ministériel à l’échelon des agences spécialisées. Aussi ce texte prévoit-il notamment l’élargissement du champ des missions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. Cette agence, chargée d’évaluer les risques sanitaires dans les domaines précités, est actuellement placée sous la tutelle de cinq ministères. Nous souhaitons lui transférer des décisions d’agrément pour lesquelles elle n’intervient jusqu’ici qu’à titre d’expertise consultative.

Nous traitons, au travers des exemples que je viens de citer, d’éléments essentiels des champs de la culture et de la santé. Pour bénéficier à tous et à toutes, ces dispositions devront constituer, pour les acteurs concernés, un investissement sans faille. En tant que parlementaires, nous nous devons de veiller à ce que l’objectif premier reste l’amélioration du service rendu à tous les usagers C’est pourquoi cette volonté de simplification quel que soit le domaine concerné est en accord avec les grands principes de notre démocratie et de l’État de droit : adaptabilité, continuité, égalité.

M. Philippe Bolo. Qui parmi vous, lorsqu’il est dans sa conscription, n’a pas entendu parler de complexité et de lenteur ? Qui n’a pas entendu nos concitoyens lui relater les difficiles relations avec l’administration ? Qui n’a pas entendu des chefs d’entreprises évoquer les difficultés qu’ils rencontrent, notamment en matière de règles salariales ? Qui n’a jamais été en contact avec un maire ou un élu local soulignant l’addition et l’empilement des normes qui lui compliquent la vie ? Oui, ce texte répond à une attente forte des Français.

La complexification croissante de l’action publique par la production de normes est un mal français. Nous pouvons donc nous réjouir en abordant ce texte d’aller vers un certain nombre de simplifications. Cependant, n’oublions pas que nous avons un rôle collectif à jouer pour éviter qu’une apparente simplification devienne de la complexification.

L’exemple de la production des énergies renouvelables est parlant. Nous pourrions intégrer dans le projet de loi ASAP un certain nombre de dispositions permettant de faciliter le raccordement et de raccourcir les délais de procédure administrative. Mais ne perdons pas de vue que ces règles liées aux énergies renouvelables ont déjà été évoquées dans les lois EGALIM, PACTE et ESSOC, mais aussi dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ainsi, une simplification au regard de l’objet concerné ne le serait pas nécessairement pour la conduite des projets – en l’occurrence, l’émergence des énergies renouvelables.

Faisons donc cet effort collectif de simplification sans oublier la circulaire du 26 juillet 2017 qui prévoit que « toute nouvelle norme réglementaire doit être compensée par la suppression ou la simplification d’au moins deux normes existantes ». Nous avons rendez-vous aujourd’hui avec la simplification et l’accélération. Au nom du groupe MODEM, je propose que ce rendez-vous ne soit pas le seul de la législature, car ce serait insuffisant. Programmons chaque année, en parallèle du Printemps de l’évaluation, le Printemps de la simplification. Ce serait un marqueur fort pour la confiance dans nos administrations et la confiance vis-à-vis du législateur.

M. Jérôme Lambert. Avant d’évoquer le fond, je souhaite exprimer une remarque de forme. Alors que ce projet de loi contenait initialement 50 articles, le Gouvernement a déposé pas moins de 30 amendements portant articles additionnels sur ce texte. S’il est parfaitement possible que le Gouvernement propose ponctuellement des articles additionnels, dans le cas présent les proportions sont dantesques puisque cela revient à majorer le texte initial de 60 % tout en contournant – c’est là le problème – les obligations d’études d’impact et d’avis du Conseil d’État. Sans compter que l’écrasante majorité de ces amendements n’a rien à voir avec le contexte sanitaire. C’est une mauvaise manière faite au Parlement, et le prétexte énorme de réussir la relance grâce à ce texte est un peu gros à avaler. Certains de ces amendements sont substantiels, en matière d’urbanisme ou de commande publique notamment, et leur exposé des motifs est pour le moins sommaire.

J’en viens au fond de votre projet de loi, en tout cas aux titres Ier et II puisque telle est l’organisation qui a été retenue par notre commission. Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à la démarche de simplification que constitue la suppression de commissions et autres instances devenues obsolètes ou redondantes. Cependant, plusieurs des suppressions proposées concernent des instances qui peuvent plutôt être considérées comme complémentaires – je pense au conseil supérieur de la mutualité – ou disposant d’une technicité particulière, comme la commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base, de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Nous souhaitons donc le maintien de telles instances.

S’agissant de celles dont nous soutenons la suppression, nous appelons néanmoins le Gouvernement à préciser les mesures qu’il entend prendre pour que les administrations centrales assurent en interne les missions qui leur étaient autrefois dévolues. Je pense en particulier à la commission de suivi de la détention provisoire.

S’agissant du titre II, relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles, nous n’avons pas d’opposition aux transferts proposés, mais nous appelons encore ici le Gouvernement à une vigilance toute particulière concernant deux points. Le premier est le transfert des moyens propres à assurer aux administrations ou aux agences déconcentrées les conditions d’un exercice effectif de ces compétences nouvelles. Je pense notamment aux directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, en conséquence des transferts prévus à l’article 17. Les transferts de postes actuellement indiqués dans l’étude d’impact nous paraissent insuffisants.

Le deuxième point concerne la vigilance que l’État devra maintenir dans le temps dans le contrôle des entités délégataires. Ainsi, en déléguant au Comité français d’accréditation, le COFRAC, le contrôle des bonnes pratiques de laboratoire, l’État devra renforcer son propre contrôle sur l’activité de cette association de droit privé. De la même façon, s’agissant du contrôle sanitaire des eaux, l’État devra veiller à ce que l’ANSES conserve un haut niveau d’indépendance au regard des enjeux, alors même que cette agence est régulièrement accusée de frilosité ou de complaisance à l’égard de certains intérêts industriels ou pharmaceutiques. Ces contrôles sont une condition du succès de la démarche de déconcentration que vous souhaitez mener.

Ces deux titres n’appellent pas d’autres remarques de notre groupe, à ce stade. Nos principales critiques se situent dans les titres suivants.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Le Gouvernement affirme que ce texte s’appuie sur les grandes attentes majeures des Français, mises en lumière lors du Grand débat national. Tout cela est fort sympathique – en son temps, avec mes collègues Jean-Luc Warsmann et Étienne Blanc, nous avions déjà souhaité des lois de simplification et tiré la sonnette d’alarme quant à un certain nombre de complexités. Cela dit, si ce texte prévoit ou recommande la suppression de près de 80 commissions consultatives, une plus forte déconcentration des décisions administratives individuelles et une simplification de l’action administrative, il met surtout en exergue, une fois encore, l’hyper-administration de notre pays et la prolifération de la complexité administrative.

En fait, ce projet procède à des ajustements. Mais le mal est profond : des services publics locaux qui ne reçoivent plus le citoyen et l’absence de guichets dans les territoires, une culture administrative fondée sur le contrôle et non sur l’accompagnement, des délais administratifs souvent trop longs, les difficultés à obtenir un document administratif – malgré la CADA, la Commission d’accès aux documents administratifs, il faut parfois plus d’un an pour obtenir un document –, la lenteur de la juridiction administrative ou encore la dématérialisation galopante, source de déshumanisation.

Le Sénat a fait certains ajouts. Dont acte. Nous aurons nous aussi l’occasion d’amender et de compléter ce texte.

J’insisterai pour conclure sur la nécessaire consultation des populations locales et des maires en matière d’éolien – ne pas imposer, mais se concerter – la nécessaire préservation des enquêtes publiques, ouvertes à tous, la clarification de la règle selon laquelle le silence de l’administration vaut acceptation – règle qui s’avère, dans les faits, complexe voire incompréhensible tant il existe de dérogations –, la nécessaire réforme de la justice administrative qui statue trop souvent tardivement – mais là, je crains qu’on ne s’attaque au monstre qu’est le Conseil d’État –, la nécessaire réforme de la procédure de communicabilité d’un acte administratif avec des pouvoirs d’injonction et de sanction au profit de la CADA. Tout cela implique une révolution culturelle, laquelle consiste à passer, pour l’administration, d’une culture de contrôle à une culture de l’accompagnement.

Mme Mathilde Panot. Nous devons nous prononcer sur un texte qui traite pêle-mêle de commissions consultatives, de carte Vitale, de tourisme, de sport en entreprise, de demandeurs d’asile… Bref, un projet de loi fourre-tout qui semble résulter d’un brainstorming de technocrates dont la préoccupation initiale était « Comment liquider la puissance publique en un seul essai ? ». Nous étions jusqu’ici habitués à vos ardeurs libérales confuses. Néanmoins, il paraît qu’une crise sanitaire, sociale et écologique a dernièrement secoué le monde entier et a mis à nu les ravages du capitalisme libéral. À aucun moment, nous n’en voyons la trace dans ce projet de loi. Vous n’avez visiblement tiré aucune leçon de la période qui vient de s’écouler.

Je vais vous dire ce que recouvre concrètement le choc de simplification que vous appelez de vos vœux. Le choc de simplification, c’est Lafarge qui déverse paisiblement du béton dans la Seine. Le choc de simplification, ce sont les ravages de l’incendie de Lubrizol à Rouen. Le choc de simplification, c’est la diminution de moitié des contrôles des installations à risque dans notre pays depuis 15 ans. Comment pouvez-vous, sans honte, abhorrer les effets dont vous chérissez les causes ?

Quand il s’agit de simplifier des procédures, vous vous attardez davantage sur le sort des entreprises que sur celui de nos concitoyens. Ces derniers seraient ravis d’apprendre que vous facilitez l’accès à leurs droits essentiels, comme ceux de l’Assurance maladie, des allocations familiales ou de l’Assurance chômage, alors qu’une personne sur trois ne demande pas l’allocation de retour à l’emploi quand elle pourrait y prétendre.

Détruire l’État aujourd’hui, c’est se priver immédiatement d’avenir. C’est à l’État d’assumer son rôle à ce moment précis de la civilisation humaine où la catastrophe écologique et sociale est sous nos yeux. À ce sujet, il n’est pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Avec ce texte, vous mettez en péril le rôle crucial qui échoit aux autorités environnementales et vous amorcez la destruction du service public forestier. Vous favorisez le remplacement massif des fonctionnaires de l’Office national des forêts (ONF) par des contractuels de droit privé. On trouvera alors, dans les mêmes équipes, des personnels différemment assermentés. Vous parlez d’une simplification ! En bref, vous conduisez irrémédiablement l’établissement à sa privatisation. Comment pouvez-vous envisager d’abandonner la gestion de nos forêts publiques à la main invisible du marché, alors qu’elles constituent des puits de carbone indispensables à la lutte contre le changement climatique ? Les agents de l’ONF en ont assez de vos manœuvres ! L’avenir du service public forestier mérite un débat national. Pourquoi introduire de telles dispositions en catimini ? Où est le ministre de l’agriculture, ministre de tutelle de l’ONF ? Où est la ministre de l’écologie que l’on voyait arpenter la forêt publique de Fontainebleau pour son premier déplacement ?

Votre projet de loi est à courte vue. Vous vous préoccupez davantage du nombre de fonctionnaires qu’il sera possible de supprimer avec ce texte que des perspectives politiques qu’il vous reste à nous offrir. Je n’en vois aucune ici.

Mme Émilie Cariou. Vous nous présentez un projet de loi qui a déjà fait l’objet d’un examen au Sénat et qui vise à encourager une administration plus simple, plus lisible dans ses processus de décision. Vous nous rappelez les attentes fortes de nos concitoyens en matière de simplification et d’efficacité administrative. C’est notamment l’objectif des articles du titre Ier et II que nous examinons aujourd’hui : simplifier le paysage administratif en regroupant ou en supprimant des commissions consultatives.

Personne ne peut être contre la simplification et l’accélération administratives. Pourtant, nombre des mesures contenues dans ce texte ne visent pas la simplification, mais en fait une dérégulation et ne sont nullement anodines. Sous prétexte de répondre aux demandes de nos concitoyens, nous y voyons surtout un moyen d’exercer de simples coupes budgétaires. Nous ne pouvons pas traiter de la même manière la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux – à propos de laquelle nous vous suivons sans problème – et la commission nationale d’évaluation des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Vous savez combien nous manquons de transparence en la matière. Nous avons d’ailleurs travaillé toutes les deux sur ce point il y a quelques années.

De la même façon, fusionner cinq institutions nationales de négociation sociale en une seule commission nationale de la négociation collective de l’emploi et de la formation professionnelle, sans plus de précision, n’est pas raisonnable. En l’état, il s’agit d’une suppression sèche. Il n’est pas garanti, par exemple, que le texte inclue une spécialisation de principe en collège ou autre formation au sein de l’organisme subsistant rénové, ce qui aurait constitué un début d’assurance législative d’un continuum dans la négociation sociale.

À force de présenter des projets de loi fourre-tout sous couvert d’un seul objectif, on noie finalement les finalités réelles poursuivies. L’objectif de simplification, qui peut s’entendre notamment lorsqu’il s’agit de réduire des formalités administratives, dissimule souvent de la pure et simple dérégulation. Or après avoir réformé le droit du travail par assouplissements successifs, après avoir fait retomber de nombreuses réglementations sur les accords de branches ou les accords d’entreprise, les instances de négociation revêtent une très haute importance. De même, le regroupement du conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et du haut conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes ne nous paraît pas opportun, tant les missions sont différentes.

Si vous souhaitez réellement lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes, vous ne pouvez couper les faibles moyens du peu d’instances qui prennent en charge ces problématiques. Ce sont d’ailleurs principalement les problématiques que nous évoquerons lors de l’examen du titre III. Les dérégulations présentées dans cette partie du texte sont extrêmement graves, car elles entraîneront des conséquences qui peuvent être définitives pour notre environnement. Ce projet de loi préfigure, en effet, une importante régression sur le plan du droit et de la démocratie environnementale. Derrière un objectif louable de simplification, il met en péril notre capacité à conduire une véritable transition écologique. Les dispositifs prévus réduisent considérablement la place laissée à l’information du public et au dialogue avec les citoyens en amont de projets dont la nature pourrait créer des risques pour la santé et l’environnement.

En matière de normes environnementales – tout élu de terrain le sait bien, mais peut-être Mme Pannier-Runacher manque-t-elle d’expérience en la matière –, tout dégât est difficilement réparable tant les constats sont difficiles à établir, les responsables difficiles à identifier et les indemnisations quasiment impossibles à obtenir dans les délais utiles.

Enfin, nous demandons que la ministre de la transition écologique soit présente lors de la discussion du titre III, car voir le droit de l’environnement uniquement sous l’angle de l’intérêt de l’industrie et non seulement dangereux, mais aussi gravement anachronique.

Mme Patricia Lemoine. Nous débutons l’examen d’un texte très attendu. Dans le prolongement du Grand débat national de l’année dernière et dans un contexte sanitaire, social et économique difficile, le projet de loi ASAP répond plus que jamais à une demande de simplification de la part de nos concitoyens et des élus. Il s’inscrit dans la continuité de la loi ESSOC qui créait le droit à l’erreur – une première étape importante. Nous soutenons donc ce nouvel acte de transformation de l’action publique, toujours avec l’objectif de simplifier la vie quotidienne des Français et des entreprises, sans altérer le lien social.

Les titres Ier et II, sur lesquels je m’exprime au nom du groupe Agir ensemble, relèvent de la simplification mais surtout de la mise à jour de notre administration. En effet, nous avons pu constater que nombre de commissions ne se sont pas réunies depuis de nombreuses années. Le titre Ier, qui porte sur la suppression et les regroupements de commissions consultatives devenues totalement obsolètes, est absolument nécessaire pour rendre notre administration plus lisible. Avec ce projet de loi, nous faisons un premier pas vers l’objectif de suppression ou de regroupement de 90 commissions consultatives annoncé par le Gouvernement le 15 novembre 2019. Nous serons également attentifs à ce que l’article 10, visant à supprimer la commission scientifique nationale des collections, soit bien rétabli en adoptant les amendements en ce sens. Nous saluons ces avancées logiques et nous sommes à vos côtés pour aller plus loin dans cette démarche.

Concernant le titre II, ses articles apparaissent essentiels puisqu’ils permettent de mieux adapter l’administration aux besoins des Français en simplifiant de nombreuses procédures. Il est aussi important que l’administration s’adresse à tous et dans chaque territoire. Pour cela, vous proposez de déconcentrer de nombreuses procédures et des décisions administratives à des échelles territoriales plus adaptées, en matière d’environnement ou de culture par exemple. Les propositions du rapporteur Kasbarian, dont je salue la qualité des travaux, s’inscrivent dans la droite ligne d’un girondisme rénové tel que le Président de la République l’avait annoncé. Nous soutenons avec enthousiasme ces mesures qui permettront des prises de décision au plus proche des territoires.

La crise sanitaire et le confinement ont démontré que notre administration savait s’adapter aux besoins de nos concitoyens, au plus proche d’eux. Ce doit être pérennisé. Ainsi, les moyens supplémentaires alloués tant aux préfets qu’au couple du bloc intercommunal ont prouvé leur efficacité en termes de réactivité et de simplification des procédures. Il faudra s’en souvenir lors de nos discussions. Une nouvelle fois, ce texte va dans le bon sens mais il nous faut aller encore plus loin dans cette déconcentration. Nous savons pouvoir compter sur votre volonté en la matière.

Enfin, nous portons avec mes collègues le projet de réduire la « charge mentale administrative » dans notre pays et d’assainir des procédures trop lourdes et parfois inutiles pour nos concitoyens. Nous aurons l’occasion d’aborder à nouveau cette volonté commune dans nos prochaines discussions.

M. Gabriel Serville. Nous sommes réunis pour débattre des deux premiers titres du projet de loi portant accélération et simplification de l’action publique tel qu’il a été voté par nos collègues du palais du Luxembourg. C’est un texte aux ambitions louables, mais qui cache en réalité toujours moins de services publics et, surtout, toujours moins d’État – à l’opposé de ce qu’attendent les Français.

Parmi les dispositions les plus problématiques de ces deux premiers titres, figure la suppression de la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, la fameuse CNEPEOM. Cet espace de dialogue qui réunit État, parlementaires, conseillers économiques et sociaux et personnalités qualifiées pour analyser l’efficience des politiques publiques dans nos territoires et en tirer toutes les leçons, a été créé en 2009, conformément à un engagement présidentiel faisant suite aux larges mouvements sociaux qui avaient littéralement embrasé la Guyane et les Antilles – un conflit qui a duré quatre mois, sur fond d’abandon de ces territoires par l’État, avec la résultante que l’on connaît en termes de développement du chômage ou encore d’insécurité. Revenir en catimini et sans aucune concertation sur cet engagement dix ans plus tard, alors même que de nombreuses commissions inutiles et redondantes – de l’avis général – sont conservées est franchement regrettable. Sans compter que vous venez d’effacer les outre-mer du ministère des outre-mer, de supprimer France Ô, de faire disparaître la représentation ultramarine au Parlement européen, et tout cela à la veille d’une réforme du Conseil économique, social et environnemental qui risque de rendre davantage invisibles encore nos territoires. Quel signal terrible envoyé en direction des citoyens d’outre-mer, parfois érigés en souffre-douleur de ce Gouvernement ! Emmanuel Macron, lors de son passage en Guyane, avait prévenu les Guyanais qu’il n’était pas le Père Noël. Mais nous n’aurions jamais osé en déduire qu’il serait le Père fouettard !

Nous aurons le temps d’y revenir, à l’occasion des débats sur les amendements qui permettront, je l’espère vivement, de limiter la casse. En l’état, il ne sera pas possible aux députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine de soutenir pareille entreprise. Mais, encore une fois, nous espérons que la raison finira par l’emporter afin qu’un certain nombre de dispositions soient renouvelées ou améliorées, et à tout le moins maintenues.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je souhaite clarifier un certain nombre de points ou, en tout cas, certaines positions. Je remercie d’ailleurs ceux et celles qui voient dans ce texte d’abord le fruit de ce qu’il représente : un travail de dentelle, car si notre droit est certes compliqué, il ne faut pas, en voulant simplifier, rendre les choses plus complexes encore. Nous avons une tâche importante à effecteur sur le plan culturel, ainsi que l’observait notamment Pierre Morel-À-L’Huissier. Mais nous devons procéder avec beaucoup de méthode.

M. Bolo souligne qu’il faut vraiment simplifier. S’agissant de la règle que nous avons fixée, selon laquelle quand nous créons une norme, nous en supprimons deux, je voudrais dresser le bilan de la production de ce que l’on appelle les décrets « secs », c’est-à-dire tous ceux qui sont publiés par le Gouvernement hors d’un cadre d’application des lois. Depuis 2017, ils sont au nombre de 39 en tout et pour tout. Par comparaison, lors des précédents quinquennats, ils étaient en moyenne de l’ordre de 300 à la même période. Cela signifie que nous avons produit dix fois moins de normes qui ne sont pas liées à une loi. Cela concourt, en soi, à la lisibilité des obligations et à une forme de simplification. En tout cas, nous nous restreignons énormément.

M. Lambert s’intéresse aux conditions effectives de la réalisation de la déconcentration des décisions. Je suis, moi aussi, très attentive à ce point, essentiel. La déconcentration est à la mode mais il nous faut d’abord nous assurer de sa mise en œuvre réelle, ainsi que des capacités réelles de travail d’instruction, de suivi des dossiers et d’arbitrage dont disposent les équipes des services déconcentrés. C’est pour cela qu’en cohérence avec ce qui est présenté aujourd’hui, le Premier ministre a indiqué, lors de son discours de politique générale, qu’en 2021, nous maintiendrons l’emploi dans la fonction publique d’État au niveau de 2020. En revanche, toutes les nouvelles créations de postes résultant de réorganisations internes, de modifications d’organigrammes ou autres se feront hors des administrations centrales. C’est un acte fort, qui n’a jamais été posé, je crois, de manière aussi claire dans l’histoire administrative, en tout cas récente. Oui, nous voulons créer des circuits courts décisionnels et nous assurer que les décisions sont prises au plus près du terrain et de l’endroit où elles auront à s’appliquer. Et nous sommes bien conscients qu’il faut, pour cela, renforcer nos administrations déconcentrées.

Vous dites, M. Morel-À-L’Huissier, que l’administration devrait davantage accompagner et moins contrôler. Je le formulerais un tout petit peu différemment : nous devons créer une administration de la responsabilité plus que de la conformité. La responsabilité impose en effet de s’engager, de décider, d’arbitrer et, bien sûr, d’accompagner. En revanche, accompagner sans être en mesure de décider et d’arbitrer, revient à faire durer le plaisir ou le cauchemar administratif. Cette culture de la responsabilité doit donc aller de pair avec notre démarche visant à réarmer les services départementaux ou régionaux de l’État, c’est-à-dire beaucoup plus proches des conséquences des décisions prises. Ce faisant, celles-ci correspondront mieux à une compréhension globale des enjeux qui les concernent.

La dématérialisation est un exercice que je poursuis, avec trois défis à relever. D’abord, que les démarches fonctionnent. Ce n’est pas tout de dire qu’elles sont en ligne : si le taux de satisfaction des usagers est faible, c’est que cela ne fonctionne pas. Ensuite, que les démarches soient accessibles à tous les publics, notamment aux personnes en situation de handicap. Enfin, il faut que cela permette de libérer du temps pour les agents, dans les espaces France Services, au téléphone ou dans des lieux de contact – sinon des « guichets » – en tout cas des lieux d’accueil du public polyvalents qui regroupent nos services publics et qui internalisent la complexité administrative pour que le citoyen ou l’entreprise s’y retrouve. Alors qu’en matière de dématérialisation, il a beaucoup été question des usagers, on a parfois un peu oublié les agents publics. Or il est extrêmement important que nous soyons symétriquement aussi attachés à ce que nous offrons de modernité aux usagers et aux entreprises qu’aux agents publics. Si tout est numérisé jusqu’au guichet mais que, derrière le guichet, les outils de travail ne sont pas modernisés, nous n’aurons résolu ni le problème des délais ni celui de la complexité. En tout cas, c’est la feuille de route que je poursuis, notamment avec les services de la Direction interministérielle du numérique.

Mme Panot, je tiens à préciser, si un doute subsistait, que nous ne cherchons pas à détruire l’État. Je suis ministre de la transformation et de la fonction publiques. Nous cherchons à rendre l’État plus simple, plus proche, plus efficace, plus juste. Nous cherchons à faciliter l’accès aux droits. Dans quelques mois et même quelques semaines, par exemple, les CAF départementales pourront accéder plus facilement aux bases de données des impôts. Cela permettra de donner accès aux ressources, donc de faciliter l’accès aux droits pour la prime d’activité, pour les aides au logement et pour un certain nombre de droits dont nous savons – cela a été l’un de mes combats lorsque j’étais députée avec vous –que le taux de recours n’est absolument pas satisfaisant. Créer des droits pour s’apercevoir ensuite qu’ils ne sont pas effectifs pour la moitié des personnes qui pourraient y prétendre n’est satisfaisant ni pour les parlementaires ni pour le Gouvernement. Les mesures de modernisation ou de réorganisation internes que nous proposons n’ont pas vocation à détruire l’État, mais bien à le rendre objectivement plus efficace dans la bataille contre l’impuissance publique qui crée de la défiance politique et qui alimente une forme de désengagement des citoyens à l’égard du collectif que le service public a vocation à animer.

Non, il n’y a pas, derrière ce texte, d’enjeu de suppressions de postes de fonctionnaires. Parce que nous tenons compte de la crise sanitaire, nous avons posé un acte lisible : même nombre de fonctionnaires d’État en 2021 qu’en 2020. S’agissant de la fonction publique territoriale, vous le savez, les collectivités locales ont un principe de libre administration. Quant à la fonction publique hospitalière, les décisions prises lors du Ségur montrent bien que l’ambition n’est pas de couper des postes comme vous l’avez dit.

Enfin, vous avez cité deux entreprises – Lafarge et Lubrizol. Je tiens à dire, s’il faut encore le rappeler, que l’État ne tolère en rien le non-respect de la loi. Des poursuites sont engagées à chaque fois qu’il y a un manquement à la loi. Tel est déjà le cas dans certains des dossiers que vous avez évoqués. Il est extrêmement important, dans l’intérêt du débat démocratique, que nous puissions, certes nous opposer sur les objectifs, mais qu’a minima, nous soyons fidèles aux faits quand ils sont documentés.

Mme Cariou, sur l’égalité entre les hommes et les femmes, combat que partage l’immense majorité de cette commission, nous avons intérêt, non pas à multiplier les instances ou à cannibaliser l’action des uns ou des autres, mais à donner plus de visibilité à des acteurs identifiés. C’est ce que nous allons chercher à faire. Ne laissons pas croire qu’au motif que deux instances travaillant sur des sujets proches le feront désormais sous le même toit, nous réduirions notre capacité à répondre aux enjeux.

S’agissant de vos interrogations quant aux commissions exerçant dans des champs proches, notamment dans le dialogue social, nous garderons le haut conseil au dialogue social ainsi que tout ce qui a trait à la négociation collective et à la formation professionnelle. Nous prévoyons également des commissions spécialisées. Mais nous constatons de nombreuses redondances dans les domaines des accords de prévoyance, de participation et d’intéressement. À l’instar de l’égalité hommes-femmes, ces sujets sont des objectifs prioritaires du Gouvernement. Autant les traiter donc dans des instances ayant une capacité à agir et qui peuvent être force de proposition réelle, plutôt que de nous disperser et de diviser nos forces.

L’expression « charge mentale administrative », employée par Mme Lemoine, est intéressante tant il est vrai que nombre d’entreprises ou de citoyens ont l’impression que l’État les place dans une situation d’incertitude. Je fais ici le lien avec la règle du silence vaut acceptation. Le Sénat a voulu apporter une précision en supprimant la possibilité de déroger à ce principe par voie réglementaire. Nous y sommes opposés car il n’est pas certain qu’agir que par la loi permette d’atteindre notre objectif de simplification Cela étant, tout mon travail consiste à faire en sorte que les administrations répondent, et non qu’elles gardent le silence ou qu’elles soient contraintes de garder le silence pour échanger avec les citoyens. Nous avons plutôt besoin d’une administration bien outillée et modernisée dans ses outils de travail. J’insiste vraiment sur ce point car les agents publics sont, d’une certaine manière, les premières victimes des lourdeurs hiérarchiques et des pesanteurs de décision. Il faut que les administrations puissent répondre, et répondre clairement.

M.  Serville, je n’ai pas très bien compris en quoi les outre-mer avaient été supprimés du ministère des outre-mer. Mais peut-être faisiez-vous allusion à un épisode ou un fait ? Nous avons un ministère de plein exercice, comme cela a été le cas sans aucune discontinuité sous la Ve République. Dans le cadre de mes fonctions, s’agissant de la fonction publique, j’attache une attention toute particulière aux questions qui ont trait à l’organisation des services publics et à l’attractivité des postes des services déconcentrés de l’État dans les outre-mer. Et en termes de transformation, je suis particulièrement attachée à ce que le suivi de nos résultats et de l’efficacité publique, s’effectue avec autant de vigilance dans les départements et territoires d’outre-mer qu’en métropole – notamment parce qu’un certain nombre de situations provoquent des résultats qui ne sont pas à la hauteur de nos attentes, et que nous devons être en mesure d’identifier lucidement les blocages et de les lever, dans un esprit collectif. Dans ces territoires comme ailleurs, rien ne peut avancer si l’État est seul. Il a besoin des élus. Il a besoin des entreprises. Il a évidemment besoin des parlementaires et de la société civile. En tout cas, c’est l’esprit qui m’anime.

Enfin sur l’ONF, évoqué par Mme Panot, il est important de remettre les faits au milieu du débat : 43 % des agents de l’Office sont déjà des salariés de droit privé. Ce texte ne prévoit donc pas une privatisation rampante.

Je vous remercie pour vos questions et pour les travaux que nous aurons à conduire concernant ces sujets de manière désormais plus concrète et plus précise.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Merci, chers collègues. Je remercie MM. Thiébaut et Bolo ainsi que Mme Lemoine pour leurs paroles d’encouragement et leur propos positifs sur ce projet de loi. Je suis sûr que ce texte nous permettra d’avancer et d’apporter des solutions concrètes aux Françaises et aux Français.

Mme Panot, je ne vais pas entrer ici dans un débat sur le capitalisme libéral, nous en aurions pour la soirée, voire la semaine, mais je le ferai avec plaisir à un autre moment… Je voulais toutefois revenir sur l’expression que vous avez employée de « brainstorming de technocrates ». Cela m’irrite un peu car toutes les mesures proposées dans ce texte sont tout sauf technocratiques : toutes visent à apporter des solutions extrêmement concrètes aux Français qui sont confrontés à des blocages administratifs dans des procédures parfois ubuesques. Pour moi, apporter des solutions à un jeune qui s’inscrit au permis de conduire n’est pas un truc de technocrate, c’est s’inscrire dans le quotidien. Résoudre le problème du couple qui ne parvient pas à changer son assurance emprunteur n’est pas un truc de technocrate, c’est du concret. Faciliter la vie des parents qui inscrivent leurs enfants à une fédération sportive chaque année, n’est pas plus un truc de technocrate. Apporter une réponse au couple de retraités qui découvre que son domicile est squatté n’est pas non plus un truc de technocrate. Toutes ces situations sont vécues par ceux que nous représentons. Ce texte est profondément ancré dans la réalité.

Cela me permet d’en venir à la partie relative aux entreprises puisque certains d’entre vous ont eu des commentaires à ce sujet : toutes les mesures de simplification proposées au titre III ne viennent absolument pas d’une analyse faite dans un bureau de Bercy. Elles figuraient dans le rapport initial que j’ai remis en septembre 2019 au Premier ministre de l’époque. Nous détaillerons le sujet demain, mais je tenais à le préciser dès à présent : toutes s’appuient sur l’expérience du terrain et sur l’accompagnement d’une cinquantaine d’entreprises avec lesquelles nous avons étudié la procédure administrative de A à Z, non pas à partir de l’administration centrale, mais en partant du terrain. Nous avons tout décomposé pour savoir ce qui bloquait, ce qui freinait, ce qui faisait que nous étions parmi les plus mauvais en Europe sur le fardeau administratif, ce qui faisait que d’autres pays, pourtant très stricts en matière de respect de l’environnement, étaient bien meilleurs que nous en la matière.

Cela me permet de répondre à la question de Mme Cariou qui souhaitait associer le ministère de la transition écologique. Lorsque j’ai préparé mon rapport il y a six mois, pas une seconde ne s’est écoulée sans que j’associe tous les services du ministère chargé de l’environnement à mes préconisations ; toutes ont reçu l’aval de l’ensemble des administrations centrales du ministère. Vous pourrez poser la question au ministre en tant que tel : il n’est aucune proposition de ce titre III qui n’ait pas reçu l’aval de personnes dont la vie est consacrée à la préservation de l’environnement.

C’est la raison pour laquelle je vous assure que vous ne pouvez pas dire que ce texte constitue une régression du droit environnemental. Je le démontrerai, et nous en discuterons très calmement demain. Je considère cependant qu’il est possible de respecter les espèces protégées et la biodiversité en avançant plus vite qu’on ne le fait. Il est tout à fait possible de respecter les chauves-souris, les crapauds, les grenouilles et les scarabées, toutes espèces que nous protégeons aujourd’hui, sans être obligés de demander aux entrepreneurs qui veulent développer une industrie en France de refaire quarante fois les mêmes études. Les procédures administratives peuvent protéger la biodiversité tout en permettant au préfet d’aller plus vite lorsqu’on est sûr qu’aucun problème environnemental ne se pose et qu’aucune espèce protégée n’est menacée.

Cela vaut pour l’environnement, et également pour l’archéologie. La découverte d’une villa gallo-romaine à l’occasion de l’implantation d’une usine donnera bien évidemment lieu à des procédures administratives et des fouilles. Je vous citerai des exemples très concrets pour illustrer que l’on peut être de bonne volonté, chercher à protéger l’environnement et à respecter les espèces protégées tout en suivant un process administratif plus rapide que l’actuel. Sinon, cela revient à considérer comme normal que deux ans soient nécessaires à l’installation d’une usine en France et doivent donc s’écouler entre le dépôt du projet et la pose de la première pierre.

On ne peut pas tenir de grands discours sur la relocalisation et la souveraineté industrielle, en maintenant un processus administratif qui rend les choses si compliquées. Nous avons besoin d’accélérer. Cela ne signifie pas qu’il faille faire n’importe quoi s’agissant de l’environnement – notre modèle n’est pas la Chine –, mais que nous pouvons le faire de façon plus simple et plus efficace.

Nous y reviendrons plus en détail demain, et je serai ravi de le faire. Agnès Pannier‑Runacher, la ministre chargée de l’industrie, dont l’expérience de terrain et de l’administration est importante sera alors présente. En tout cas, je vous assure que ce texte n’est en rien un projet de technocrate ni une régression environnementale. C’est un texte concret pour les Français, qui a été construit avec les gens, sur le terrain et pas dans un bureau à Bercy.

II.   examen des articles du projet de loi

1.   Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 17 heures

La commission en vient à l’examen des articles.

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SUPPRESSION
DE COMMISSIONS ADMINISTRATIVES

Article 1er (article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime) : Suppression de la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux

La commission examine l’amendement n° 687 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement propose de rétablir l’article 1er du projet de loi visant à supprimer la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux.

Cette commission nationale ne s’est plus réunie depuis 2011. Par ailleurs, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 lui a retiré le pouvoir de rendre un avis sur les modalités selon lesquelles les éléments de calcul de l’indice des fermages et leurs variations sont constatés. Elle ne conserve donc plus qu’un seul rôle purement supplétif, dès lors que les commissions consultatives paritaires départementales ne sont pas en mesure de proposer au préfet les minima et maxima départementaux du prix des fermages. Dans tous les cas, c’est au préfet de département qu’il revient de procéder lui-même à la fixation de ces minima et maxima, en fonction des spécificités locales.

Le maintien d’une commission consultative nationale n’a donc plus de pertinence. C’est la raison pour laquelle cet amendement vous en propose la suppression.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Avis favorable du Gouvernement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rétabli.

Article 1er bis (article L. 112-16 du code rural et de la pêche maritime) : Suppression des commissions départementales de gestion de l’espace

La commission adopte l’article 1er bis sans modification.

Article 1er ter (article 25 de la loi du 2 juillet 1935 tendant à l’organisation et à l’assainissement des marchés du lait et des produits résineux [abrogé]) : Suppression du comité central du lait

La commission adopte l’article 1er ter sans modification.

Article 2 (article 72 de la loi n° 2000‑516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes [abrogé]) : Suppression de la commission de suivi de la détention provisoire

La commission examine les amendements identiques n° 125 de Mme Cécile Untermaier,  331 de M. Ugo Bernalicis et 441 de M. Gabriel Serville.

M. Jérôme Lambert. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, on ne peut évidemment que constater que la commission de suivi de la détention provisoire (CSDP) ne répond pas aux objectifs qui lui ont été assignés. Le Gouvernement propose que la sous‑direction de la statistique et des études du ministère de la justice reprenne les missions de cette commission de suivi de la détention provisoire. Fort bien ! Toutefois, considérant que la CSDP elle-même avait souligné le désintérêt de la chancellerie pour ce sujet et l’insuffisance des outils statistiques comme frein majeur à son efficacité, nous souhaiterions connaître précisément les mesures prises par le Gouvernement en la matière pour doter cette sous‑direction des moyens humains et des outils techniques à même de lui permettre de mener enfin à bien cette mission qui nous paraît importante.

Mme Mathilde Panot. En réponse à Mme la ministre et à M. le rapporteur, je pense que Lubrizol est un excellent exemple de l’affaiblissement de l’État, notamment parce que des dérogations étaient permises dans le droit environnemental. Le 15 janvier et le 19 juin 2019, c’est le préfet, et non l’autorité environnementale, qui a permis d’augmenter de manière substantielle les quantités de produits dangereux qui étaient entreposés. C’est la baisse des effectifs qui a conduit à une défaillance de la puissance publique. Je pourrais citer d’autres exemples récents.

Vous disiez également, Mme la ministre, que l’ONF employait déjà des agents de droit privé. Vous auriez pu ajouter, pour être totalement honnête, que cet office a perdu 50 % de ses effectifs et qu’il sera donc demandé à des personnes de droit privé de procéder à un contrôle de police, qui relève d’une compétence régalienne.

Pour en venir à l’amendement n° 125, notre groupe s’oppose à la suppression de la commission de suivi de la détention provisoire qui a démontré, à de nombreuses reprises, son importance, pour le regard critique qu’elle portait sur la politique menée et pour ses avis précieux. Son rapport de juin 2018 notamment faisait état d’un accroissement de 9 % du nombre de détenus prévenus entre 2016 et janvier 2018 – en janvier 2020, l’augmentation sur cinq ans était de l’ordre de 27 % – et présentait des recommandations.

Ses recommandations seront d’autant plus nécessaires alors que nous sortons de l’état d’urgence sanitaire durant lequel le Gouvernement a prolongé automatiquement la détention de milliers de personnes présumées innocentes. Cette instance est précieuse et nous nous opposons à sa suppression.

M. Gabriel Serville. Pour ne pas être redondant, je me bornerai à rappeler qu’entre 2014 et 2018, cette commission s’est réunie à vingt-six reprises. Au cours du mandat 2015‑2018, elle a publié deux rapports, en janvier 2017 et en avril 2018, en indiquant que les faibles moyens dont elle disposait ne lui permettaient pas de respecter le rythme annuel prévu par la loi. La responsabilité que vous voulez lui imputer découle donc des mauvaises conditions de travail qu’elle connaît.

La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, le 30 janvier 2020, eu égard aux conditions de détention sur son territoire. À ce titre, le travail de la commission de suivi de la détention provisoire apparaît indispensable. Au lieu de la supprimer, il serait, au contraire, préférable de lui donner les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

C’est la raison pour laquelle les députés de la Gauche démocrate et républicaine proposent de supprimer l’article 2.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Mon premier argument vaudra pour la totalité du titre Ier : quand la suppression ou la fusion d’une instance – commission, observatoire ou autre – est proposée, le propos n’est pas de minorer ou d’occulter les sujets mais bien de réorganiser les structures administratives dans un objectif de lisibilité et d’efficacité.

Quant à ces amendements identiques, qui proposent la suppression de l’article 2 afin de maintenir la CSDP, je rappelle qu’elle a pour mission de collecter des données sur la détention provisoire et d’analyser les politiques publiques mises en œuvre dans ce domaine.

Force est de constater qu’elle ne s’est plus réunie depuis deux ans et demi, le mandat de ses membres ayant expiré en avril 2018. Le dernier rapport qu’elle a publié à cette date mentionne d’ailleurs les très nombreuses difficultés de fonctionnement auxquelles elle est confrontée, s’agissant notamment de la collecte des données statistiques. Il convient donc de tirer les conséquences de l’inactivité de cette commission, dans la mesure où les missions qui lui étaient assignées seront directement reprises par les services du ministère de la justice et que les travaux menés par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) depuis 2007 permettent déjà de traiter les enjeux que soulèvent les politiques publiques relatives aux conditions de détention.

C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur ces amendements.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Effectivement, ce n’est pas parce qu’une commission est supprimée que nous nous désintéressons du sujet qu’elle traitait.

Les missions de suivi statistique et d’accès à un certain nombre d’éléments quantitatifs peuvent être exercées par les services du ministère de la justice afin de produire des analyses dont vous pouvez, en tant que parlementaires, demander la communication.

Par ailleurs, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui est une autorité indépendante, éclaire et garantit une bonne information du public sur des sujets très proches.

De plus, conformément à l’article 719 du code de procédure pénale, les parlementaires peuvent, à tout moment, visiter les établissements pénitentiaires et s’y faire accompagner d’un journaliste.

Sont donc réunies entre les mains du Parlement l’ensemble des prérogatives utiles, au sein du ministère de la justice la totalité des données nécessaires et, grâce à l’existence du contrôleur général des lieux de privations de liberté, tous les éléments permettant d’engager un débat public nourri et factuel sur la détention provisoire. Cette commission a certes produit des rapports – trois – depuis sa création, mais elle n’a pas vocation à avoir le monopole de ces sujets qui peuvent être traités dans de très bonnes conditions par d’autres instances.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Damien Adam. À propos de Lubrizol, Mme Panot n’a sans doute pas lu le rapport que j’ai rédigé en ma qualité de rapporteur de la mission d’information qui a traité du sujet pour l’Assemblée nationale. Elle aurait eu des réponses très concrètes aux questions qu’elles soulèvent. Elle évoque la défaillance de l’État en la matière. Or une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) seuil haut, comme l’est le site de Lubrizol, fait l’objet d’un contrôle tous les ans au moins. Depuis 2013, le site de Lubrizol a fait, en moyenne, l’objet d’un contrôle tous les six mois. On ne peut donc pas parler de défaillance de l’État et, en tout cas, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de contrôles de la part des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Fort heureusement, l’incendie de Lubrizol n’a engendré aucun mort, aucun blessé ni aucun dégât matériel en dehors du site lui-même. Il a eu certes quelques conséquences pour les riverains et des exploitations agricoles voisines mais l’incendie n’a donné lieu à aucun accident majeur et nous n’avons eu à déplorer aucune perte humaine, et ce grâce à l’action de l’État. C’est ainsi qu’une cuve de GPL a été déplacée et qu’un certain nombre d’éléments ont été modifiés au fil des ans pour renforcer la lutte contre le risque industriel.

Vous faites également allusion, Mme Panot, à deux arrêtés qui ont été pris. Or ceux‑ci ne concernaient absolument pas la zone qui a brûlé, mais un bâtiment qui, in fine, n’a jamais été construit ainsi qu’un autre projet qui n’a pas été mis en œuvre. Les éléments que vous évoquez ne correspondent donc pas à la réalité de l’incendie. Il serait bon de revenir à des faits, à la réalité, et ne pas évoquer des peurs, des sentiments ou des envies de penser que l’État ne ferait pas bien son travail. En l’occurrence, ce n’est pas le cas.

M. Jérôme Lambert. Que ce soit Mme la ministre ou vous-même, M. le rapporteur, vous nous indiquez que l’on continuera à s’intéresser à la détention provisoire malgré la suppression de la commission. Mais avec quels moyens ? Nous n’avons aucune information à ce propos.

Le manque d’intérêt porté à ce sujet depuis des années, dénoncé d’ailleurs par la commission, laisse supposer que la situation risque de perdurer.

Je maintiens donc cet amendement.

Mme Mathilde Panot. Nous n’allons pas ouvrir un débat sur Lubrizol, monsieur Adam. Je vous invite néanmoins à lire l’article qui vient de paraître dans Reporterre. Il évoque des défaillances administratives majeures, notamment concernant le site de Normandie Logistique, situé juste à côté, qui aurait dû être classé en catégorie supérieure. Je vous livre l’information, qui vous intéressera sans doute en tant que rapporteur de cette mission.

Quant aux conséquences, s’il n’y a certes pas eu de mort, nous ignorons encore tout des impacts sur la santé des travailleurs de Lubrizol notamment, et nous ne les connaîtrons pas avant de nombreuses années. C’est ce qu’une sociologue de la santé, Annie Thébaud‑Mony, appelle « l’effacement des traces ». Je vous invite à lire ses travaux.

Pour revenir à l’amendement, vous évoquez, Mme la ministre, le droit des parlementaires de visiter les prisons. Certes, il est important mais il n’est pas de même nature que l’apport de cette commission. Vous nous répondez que sa suppression n’est pas liée à un désintérêt du sujet, que les études se feront par ailleurs, d’autant qu’il est difficile pour cette commission d’obtenir des statistiques. La CSDP s’était d’ailleurs interrogée, considérant qu’elle ne disposait pas des moyens lui permettant d’assurer sa mission correctement. En tant que députés, nous n’établissons pas un rapport général de nos visites en prison. Celles‑ci nous aident dans notre travail de parlementaire, mais il est précieux de bénéficier des regards croisés des membres de cette commission dont les professions et analyses sont différentes.

Par ailleurs, vous nous dites que sa mission sera réintégrée au sein du ministère. Or c’est précisément ce dont nous ne voulons pas car, d’une part, le manque de moyens dans les ministères nous fait craindre que certains rapports ne soient pas publiés aussi régulièrement ; d’autre part, il est intéressant et important que ces études ne soient pas effectuées par le ministère. Elles doivent faire l’objet d’une analyse critique et indépendante, apportant des propositions extérieures au ministère.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Mme Panot, que nous nous comprenions bien : c’est bien parce que je suis d’accord avec vous sur le fait que nous avons besoin d’un regard extérieur sur les centres pénitentiaires, en particulier les centres de détention provisoire, que la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté est essentielle. Le statut et les moyens dont il dispose en tant qu’autorité indépendante, lui permet d’avoir une vision générale, actualisée et instruite du sujet.

Par ailleurs, j’y insiste, pour ce qui est des besoins en connaissances statistiques, en tant que parlementaires, vous êtes parfaitement placés, notamment ceux d’entre vous qui êtes membres de la commission des lois, pour interroger aussi souvent que nécessaire le ministère pour qu’il vous fournisse ces données. La présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale comme le président de la commission des lois du Sénat sont pleinement outillés pour faire en sorte que ces statistiques vous soient transmises et ne restent pas dans les rapports d’une commission qui ne s’est pas réunie depuis deux ans et demi.

Quant aux moyens, M. Lambert, la meilleure façon de s’assurer qu’ils sont bien là est que vous, parlementaires, ameniez le ministère de la justice à vous communiquer ces données. Elles devront être fournies et rendues publiques régulièrement. Suivre les conditions de détention provisoire et limiter les délais qui amènent parfois à des détentions provisoires très longues est une priorité du ministère de la justice, en termes de politique publique.

Je réaffirme avec conviction, non seulement parce que je suis une ancienne parlementaire mais aussi parce que je suis très attachée au droit du Parlement, le rôle de contrôle et d’évaluation que doit jouer pleinement le Parlement, sans passer par le truchement de commissions qui ne se réunissent plus depuis plus de deux ans et demi.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 (article 37 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs et à simplifier les modalités de leur nomination [abrogé]) : Suppression du conseil national de l’aide aux victimes

La commission est saisie des amendements identiques n° 126 de M. Jérôme Lambert et  442 de M. Gabriel Serville. 

M. Jérôme Lambert. Mon amendement vise à maintenir le conseil national de l’aide aux victimes (CNAV), qui est une instance d’échange entre des représentants d’association, des personnalités qualifiées et des parlementaires. Comme cela avait été rappelé par les sénateurs socialistes, le Gouvernement s’était engagé à réactiver le Conseil lors de l’examen de la loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement. Or aucune démarche n’a été engagée en ce sens, et voici qu’il est question de la suppression pure et simple de ce conseil national !

Nous demandons qu’il ne soit pas supprimé et que, au contraire, des moyens soient mis en œuvre pour lui permettre de fonctionner comme cela avait été envisagé par la loi du 3 août 2018.

M. Gabriel Serville. Le conseil national de l’aide aux victimes, créé par décret le 3 août 1999, est, je cite, « une instance de concertation chargée de formuler toute proposition concernant l’accueil, l’information, la prise en charge et l’indemnisation des victimes d’infractions pénales ». Ses missions visent à développer et coordonner les actions menées en faveur des victimes, tant au niveau national qu’au niveau local. Ce conseil a produit plusieurs rapports sur des sujets en lien avec la prise en charge des victimes.

Lors de l’examen en 2018 du projet de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, le Sénat s’était déjà interrogé sur l’opportunité de le supprimer. Le Gouvernement avait alors indiqué qu’il serait, au contraire, réactivé. Aujourd’hui, puisque le Gouvernement n’a pas respecté ses engagements, il propose, par facilité, de supprimer cette instance.

En conséquence, il paraît nécessaire de supprimer l’article 3 et de maintenir le conseil national de l’aide aux victimes, dont on connaît parfaitement l’utilité sociale et qu’il convient de réactiver.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur.  Ces amendements visent à supprimer l’article 3 afin de maintenir le conseil national de l’aide aux victimes.

Or, et c’est le cas de la très grande majorité des commissions consultatives dont le projet de loi propose la suppression, ce conseil est totalement inactif depuis six ans ; son dernier rapport remonte à 2012. Il n’a donc rien produit durant le dernier quinquennat, entre 2012 et 2017. Je veux bien qu’il soit très utile, et donc impératif de le conserver, le fait est qu’il est totalement inactif et n’a pas produit un seul rapport depuis 2012 !

Sa suppression est d’autant plus justifiée que la politique d’aide aux victimes a été réorganisée depuis 2017 grâce à la création d’une délégation interministérielle de l’aide aux victimes qui travaille en lien avec les comités locaux d’aide aux victimes institués à l’échelle départementale, afin d’assurer un maillage territorial efficace pour répondre à ces enjeux.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Pour compléter les propos du rapporteur, je vous rappelle la séquence : à la fin du quinquennat dernier, un poste ministériel a été créé puisque Juliette Méadel avait alors la charge de l’aide aux victimes ; puis, à partir de 2017, celle-ci a été confiée à une déléguée interministérielle, Elisabeth Pelsez, qui vient d’être récemment remplacée par Frédérique Calandra, placée auprès du garde des sceaux,

Sa mission est opérationnelle. C’est un travail crucial – que je salue d’autant plus dans le contexte actuel – dont l’objectif est de coordonner tous les acteurs, qu’ils soient institutionnels ou associatifs, dans une optique d’appui concret aux victimes, avec, comme l’a dit le rapporteur, dans chaque département des conseils locaux d’aide aux victimes.

Nous avons là un cas d’espèce dont nous devons tirer des leçons administratives. Ce conseil a, en quelque sorte, préfiguré la création d’un poste ministériel puis d’une délégation interministérielle à l’aide aux victimes. Il aurait donc dû être supprimé dès l’instauration de ce poste ministériel. Tel n’a pas été le cas et nous voilà, six ans après, en train de tirer les conséquences d’une réalité politique et administrative qui aurait dû être réglée à l’époque.

À mon avis, ce sujet ne mérite pas de polémiques puisque le CNAV a cédé la place à une organisation plus structurée qui, opérationnellement, réalise un très bon travail.

M. Jérôme Lambert. J’entends bien que ce conseil national ne produit pas de rapport depuis fort longtemps, mais est‑ce à dire qu’il ne se réunit pas ?

Il s’agit malgré tout d’une instance de dialogue entre la société civile et les parlementaires sur l’importante question de l’aide aux victimes. S’il ne se réunit pas du tout, je suis d’accord avec vous. Mais s’il se réunit, sans produire de rapport, il reste néanmoins un lieu de concertation avec les parlementaires qui s’intéressent à ce sujet, et je ne serai pas, dans ce cas, favorable à sa suppression.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Vous parlez d’utilité sociale. Ce conseil ne s’est pas réuni depuis 2014. S’il avait une utilité sociale aussi importante que le prétendent certains, on aurait pu s’émouvoir, ces six dernières années, de cette absence de réunion. Or tel n’a pas été le cas. Aujourd’hui, nous constatons qu’il est inactif, et sa suppression ne me semble pas devoir poser débat.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Il ne s’est pas réuni depuis septembre 2014 et les réunions qui avaient lieu sous son égide ont, depuis cette date, été le fait soit du poste ministériel, soit des déléguées interministérielles. Donc, toute l’activité qui lui était confiée se déroule ailleurs. Il n’a tout simplement pas été supprimé quand une autre configuration s’est mise en place. Il y a là un élément de doctrine important pour le futur : lorsque nous créons une organisation qui en remplace une autre, il ne faut pas oublier de supprimer celle qui existe.

 Mme Sereine Mauborgne. Vu l’augmentation du nombre des victimes qu’a, malheureusement, connu notre pays depuis 2015, si ce conseil avait présenté quelque intérêt, il aurait été réuni.

M. Gabriel Serville. Merci, Mme la ministre, pour ces éclaircissements, qui ne figuraient pas dans les documents mis à notre disposition. Nous comprenons aujourd’hui que le conseil ne s’est pas réuni parce que le travail était en fait réalisé dans un cadre différent. Si ces raisons avaient été exposées dès le départ, nous aurions évité ce qui peut s’apparenter à un malentendu.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Je ne cherche pas à alimenter un quelconque malentendu. Je suis aujourd’hui ministre au banc. Ayant été nommée le 6 juillet dernier, je reprends le dossier et je vous expose les faits de la manière la plus simple possible. Ce conseil ne s’est pas réuni parce que ses membres se retrouvaient dans le cadre d’une autre instance, où ils remplissaient leur mission avec satisfaction.

M. Gabriel Serville. Avec des parlementaires ?

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Bien sûr, la déléguée interministérielle ainsi que la ministre avant elle ont toujours associé les parlementaires, et ce dans des contextes extrêmement difficiles, notamment après les attentats de 2015. Cela n’a jamais posé de difficulté.

Donc, plutôt que de donner un avis défavorable, je ne saurais que vous inciter à retirer ces amendements.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 (article 7 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire [abrogé]) : Suppression de l’observatoire de la récidive et de la désistance

La commission examine les amendements identiques n° 688 du rapporteur et n° 392 de M. Buon Tan.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur.  Cet amendement rétablit l’article 4, qui supprime l’observatoire de la récidive et de la désistance.

En pratique, cet observatoire chargé de collecter et d’analyser des données statistiques n’a produit qu’un seul rapport, en décembre 2017, depuis sa création en 2009. Le maintien de cet observatoire n’est pas nécessaire. Ces missions pourront en effet être exercées sans difficulté par les services statistiques, d’étude et d’évaluation du ministère de la justice, et notamment ceux de l’administration pénitentiaire et de la direction des affaires criminelles et des grâces, afin de produire des analyses permettant d’améliorer la lutte contre la récidive, conformément aux objectifs de loi de programmation de la justice du 23 mars 2019.

Par ailleurs, je précise que la loi du 23 mars 2019 a modifié l’article 48‑1 du code de procédure pénale relatif à la base de données Cassiopée, qui comporte les données de toutes les procédures pénales suivies dans les juridictions afin de prévoir – ce qui n’était pas le cas auparavant – que les données nominatives figurant dans cette base pourront être exploitées à des fins statistiques par des services de la statistique publique dépendant du ministère de la justice.

Ces évolutions justifient donc la suppression de cet observatoire.

M. Buon Tan. Je préciserai seulement que le sujet n’est pas abandonné. Tous les travaux pourront être exercés par les services du ministère de la justice. Je ne pense pas, en effet, que l’on remarquera la suppression de cet observatoire qui ne s’est pas réuni depuis de tant d’années.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Favorable.

M. Jérôme Lambert. Vous n’avez pas répondu à ma question précédemment et vous n’allez sans doute pas le faire à présent mais elle reste posée : vous demandez à l’administration centrale d’intégrer dans ses missions les problématiques dont traitait la commission que vous voulez supprimer mais quels moyens supplémentaires lui seront-ils accordés ? Je manque d’éléments pour apprécier si le travail pourra être véritablement et correctement réalisé, faute peut-être de moyens supplémentaires.

Mme Mathilde Panot. La suppression de l’observatoire de la récidive et de la désistance repose sur des arguments quelque peu malhonnêtes. Ainsi, sur le nombre de réunions qu’il a tenues. Il a en effet organisé un colloque à l’Assemblée nationale en juin 2019 ; il n’est donc pas resté sans rien faire. Le rapport Dalloz note que cet observatoire est essentiellement composé de bénévoles et coûte moins de 3 000 euros par an en moyenne : donc pratiquement rien à l’État. En revanche, il présente l’énorme intérêt de faire appel à des chercheurs indépendants, des praticiens et des élus sur le phénomène de la récidive, ce que ne ferait pas l’administration centrale. Nous en avons besoin pour penser nos politiques publiques.

Le nombre de réunions tenues ou de rapports remis est plus une question de moyens qu’un argument de suppression de l’instance.

La commission adopte ces amendements.

En conséquence, l’article 4 est ainsi rétabli.

Article 5 (article 28 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination [abrogé]) : Suppression de la commission nationale des services

La commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 5 bis (nouveau) (article L. 123-1 du code de la sécurité intérieure) : Suppression de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice

La commission est saisie de l’amendement n° 689 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement vise à concrétiser dans le code de la sécurité intérieure la décision prise et annoncée par le Gouvernement l’année dernière de supprimer l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).

La suppression de cet établissement, dont je rappelle qu’il est placé depuis 2009 au sein des services du Premier ministre, n’implique pas une disparition de toutes les missions qu’il exerçait ou des expertises qu’il concentrait dans les domaines de la formation, de la recherche et de l’éclairage des politiques publiques. Il s’agit simplement de repositionner celles-ci dans les ministères au sein desquels elles sont les plus utiles, tout en permettant des économies de coûts de structure.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Mon avis est favorable pour les raisons exposées par le rapporteur.

M. Jérôme Lambert. Je ne sais si vous avez été nombreux, mes chers collègues, à avoir le bonheur de suivre une session de formation de cet institut. Pour ma part, j’ai été auditeur de la onzième session, il y a quelque vingt-cinq ans. Si la date exacte m’a échappé, je me souviens parfaitement de l’intérêt que cette formation présentait pour toutes celles et tous ceux qui y assistaient. Nous étions une centaine, environ, aux profils très variés : quelques parlementaires et de nombreux membres de la police, de la justice, du corps préfectoral, etc. L’année fut fructueuse. Penser que tout cela va disparaître m’attriste. Je trouve regrettable, mes chers collègues, qu’à votre tour, vous ne puissiez bénéficier d’une telle formation.

Mme Mathilde Panot.  La mort programmée de l’INHESJ a donné lieu à la parution de plusieurs tribunes. À chaque fois, on s’ oppose fermement à cette suppression, considérant, comme je l’expliquais précédemment, qu’en supprimant cet institut, l’État est en train de se priver d’un des rares espaces d’échange,  de dialogue et de confrontation d’idées entre magistrats, policiers, gendarmes, professionnels du secteur privé de la sécurité alors même que la nécessité de développer un continuum est régulièrement soulignée et que le caractère interministériel de l’Institut et son positionnement formaient l’enceinte adaptée de production du savoir à l’attention des décideurs publics dans le cadre de l’élaboration des politiques publiques de sécurité et de justice .

Là encore, cette suppression appauvrit notre analyse des politiques publiques. Nous avons plus que jamais besoin de conserver cet institut national.

Mme Émilie Cariou. La suppression de cet institut suscite en effet de nombreuses interrogations. D’après ce qui est prévu, ses missions seront fondues dans l’administration existante et rattachées au ministère de l’intérieur. Cette nouvelle organisation fera donc perdre la dimension interministérielle particulièrement intéressante de cet institut. D’après les informations dont nous disposons, seule une partie des agents de l’INHESJ serait rattachée au ministère de l’intérieur pour poursuivre ses missions. Pourriez-vous nous éclairer sur la pérennité des missions accomplies ?

Mme Amélie de Monchalin, ministre. L’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice figure dans le code de la sécurité intérieure. Le 3 septembre dernier, a été créé l’Institut des hautes études du ministère de l’intérieur (IHEMI). Le ministère de l’intérieur a fait le choix de conserver la dimension interministérielle de l’INHESJ en maintenant des sessions nationales de formation. Tout l’aspect interministériel de confrontation et de formation collective sera donc conservé au sein de l’Institut des hautes études du ministère de l’intérieur. Le sens de l’histoire n’est pas d’éloigner ceux qui travaillent à la sécurité et à la justice de ces formations auxquelles vous avez fait référence, M. le député.

Au sein de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, il existait un observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale, qui est en voie de transfert vers le service statistique du ministère de l’intérieur, où il pourra poursuivre son travail d’interprétation de l’enquête annuelle menée en lien avec l’INSEE, intitulée « cadre de vie et sécurité ».

La disparition de l’INHESJ constitue donc bien un ajustement de périmètre ministériel et non un abandon de mission, puisque la partie statistique est confiée aux autorités statistiques du ministère de l’intérieur et la partie formation se poursuit dans le cadre de cet Institut des hautes études du ministère de l’intérieur.

Voilà les précisions que je pouvais apporter aux explications très claires du rapporteur.

La commission adopte l’amendement.

Article 6 (articles 1510, 1511, 1512 [abrogé], 1513 [abrogé], 1515, 1652 bis [abrogé], 1653, 1732, 1740 A bis et 1753 du code général des impôts) : Suppression de la commission centrale des impôts directs compétente en matière d’évaluation foncière

La commission examine l’amendement n° 443 de M. Gabriel Serville. 

M. Gabriel Serville. L’article 6 supprime la commission centrale des évaluations foncières, qui se prononce sur les appels contre les tarifs des évaluations foncières arrêtés par la commission départementale des impôts directs, au motif que celle-ci est dormante en l’absence de litige depuis plusieurs années.

Or, dans la mesure où la mise en place de nouveaux tarifs n’est pas écartée, cette commission doit être maintenue dans le cas d’éventuels futurs recours de maires, de l’administration fiscale ou de contribuables. Par ailleurs, il importe de rappeler que cette commission n’engendre aucun coût en l’absence d’appel. L’argument évoqué de recherche d’économies en ces temps de crise ne nous paraît pas recevable.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de l’article 6.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement de suppression de l’article vise à maintenir la commission centrale des impôts directs compétente en matière d’évaluation foncière.

J’émets un avis défavorable dans la mesure où cette commission ne connaît plus aucune activité depuis de nombreuses années. J’ajoute que le Sénat a utilement modifié l’article 6 du projet de loi afin de prévoir un dispositif permettant de sauvegarder une voie de recours non contentieuse au profit des maires et des propriétaires de terrains qui auront ainsi la faculté de contester, devant les commissions départementales compétentes, les tarifs d’évaluation arrêtés par l’administration fiscale.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Je vais faire simple : soit on continue à considérer que tout doit se traiter au niveau central, soit on décide de traiter les dossiers au niveau du terrain. Il existe des commissions départementales des impôts directs et des taxes qui permettent une administration plus proche des citoyens. Le Sénat a en outre introduit une voie de recours précontentieuse qui permet aux maires et aux propriétaires de saisir ces commissions départementales pour contester un niveau d’évaluation. Si l’on souhaite faire proche, si l’on déconcentre et décentralise, ce n’est pas pour conserver des structures-chapeau qui, au niveau national, perdent beaucoup de leur intérêt puisque, grâce à cet amendement du Sénat, nous disposons d’une voie de recours pour excès de pouvoir.

Les tarifs d’évaluation retenus pour les propriétés non bâties devant le juge administratif peuvent également être contestés dans un délai de deux mois qui suit la publication de la décision de la commission locale.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements, rédactionnels, n° 575, n° 576 et n° 577, tous du rapporteur.

Elle adopte l’article 6 ainsi modifié.

Article 7 (article L. 239-2 du code de l’éducation [abrogé]) : Suppression de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement

La commission examine les amendements identiques n° 391 de M. Buon Tan, n° 426 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere et n° 560 de M. Jean-Marie Fiévet. 

M. Buon Tan. Mon amendement vise à réintroduire dans le projet de loi l’article 7 que le Sénat a supprimé. Il s’agit de confirmer la suppression de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, dont les missions pourront être rattachées au secrétariat général du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Une nouvelle fois, si la structure est supprimée, la mission n’en est pas pour autant abandonnée.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Même argumentation.

M. Vincent Thiébaut.  L’amendement n° 560 est défendu.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La suppression de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, prévue par l’article 7, soulève sans doute plus d’interrogations que celle d’autres instances. Nous avons d’ailleurs auditionné il y a une semaine – certains d’entre vous étaient peut-être présents – M. Jean-Marie Schléret, président de cet observatoire créé en 1995 et dont le champ d’intervention a été élargi au handicap en 2007. Il a effectué depuis lors un important travail, de façon indépendante et avec une réelle expertise, sur ces sujets complexes, comme j’ai pu le constater lors de l’audition. C’est aussi ce que la loi pour une école de la confiance, adoptée l’année dernière, a expressément reconnu.

Cependant, je sais que le ministère de l’éducation nationale a souhaité internaliser le pilotage de ces sujets au sein de son secrétariat général, en créant une « cellule du bâti scolaire » à l’été 2019. Cette nouvelle organisation, en place depuis déjà un an, explique la volonté de mettre un terme aux missions actuellement dévolues à l’observatoire. L’objectif est que le ministère puisse traiter directement des problématiques d’accessibilité et de sécurité des établissements d’enseignement, tout en améliorant la nécessaire coordination interministérielle en la matière.

Dans ces conditions, j’émets un avis favorable à ces amendements de rétablissement de l’article 7.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Se pose une question à la fois d’organisation et d’efficacité. Il est essentiel que le Gouvernement assure la pleine accessibilité des lieux d’éducation, que ce soit par l’accompagnement que reçoivent les enfants – d’où le changement de statut apporté aux assistants qui travaillent dans les classes –, mais également par le bâti.

Vous avez deux façons d’aborder ces problématiques très complexes, coûteuses et très opérationnelles : soit un ministre s’en saisit comme d’une priorité et crée, comme cela a été le cas au ministère de l’éducation nationale, une cellule opérationnelle rattachée au plus haut niveau, à savoir au secrétariat général du ministère, pour traiter et appuyer toutes les demandes de mise à niveau du bâti, soit on s’en tient à une organisation certes efficace pour observer et évaluer les conditions d’application des règles et qui émet des propositions, mais reste extérieure au ministère. En l’occurrence, le choix a été fait de la remontée et de l’appropriation politique et opérationnelle du sujet par le ministre de l’éducation nationale et ses services au plus haut niveau.

Je tiens ici à saluer le travail de sensibilisation et de persévérance de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement. C’est grâce à son action qu’aujourd’hui, ce sujet est porté au plus haut niveau. Il semble, en effet, plus utile d’internaliser ces missions et d’améliorer fondamentalement les raisons de l’existence même de cet observatoire : s’assurer que tous les enfants, tous les agents publics, enseignants et intervenants à l’école, puissent accéder aux lieux du bâti scolaire.

Je suis donc favorable à ces amendements.

M. Jérôme Lambert. L’argument pour justifier la suppression de cet observatoire est, cette fois, tout à fait différent : auparavant, on nous disait que ces organismes ne se réunissaient pas et ne produisaient aucun rapport ; là, nous n’entendons que des louanges ! On nous explique que l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement travaille sur des sujets importants et a obtenu des résultats. Pour autant, la conclusion reste la même : il faut le supprimer... parce que le ministère a pris conscience que l’enjeu était d’importance et préfère traiter ces questions en direct.

Pour ma part, je ne vois aucune opposition entre le fait que le ministère s’occupe de ces sujets – il le fait déjà d’ailleurs, fort heureusement – et le maintien de l’observatoire. Si le ministère est décidé à faire plus et mieux sur la sécurité et l’accessibilité, il ne pourra que tirer bénéfice de la poursuite des travaux de cet organisme dont il pourra s’inspirer et qu’il pourra interroger. En le supprimant, nous allons nous priver d’un outil de concertation plus large qu’un simple bureau ou service du ministère. Je n’en vois pas l’intérêt, d’autant que l’on nous dit que l’observatoire travaille – ce que nous savons puisque nous avons nous‑mêmes reçu des informations de la part de certains de ses membres.

Alors, mes chers collègues, ne scions pas la branche sur laquelle ils sont assis !

Mme Mathilde Panot. Vous reconnaissez le travail de qualité fourni par l’observatoire jusqu’à présent. Pourquoi alors vouloir le supprimer ? Il pourra fournir au ministère des éléments utiles pour définir des politiques publiques et agir concrètement.

Pourquoi n’est-il pas possible de concilier l’existence de l’observatoire et une prise en compte politique plus forte de ces questions au sein du ministère ? C’est d’autant plus nécessaire alors que nous traversons la très grave crise sanitaire du coronavirus, que nous avons également vécu cette année l’incendie de Lubrizol ainsi que la pollution au plomb due à l’incendie de Notre-Dame de Paris et que continuent de se poser des questions sur la présence d’amiante ou encore sur l’accessibilité. Pourquoi supprimer un observatoire qui a une utilité extrêmement forte du fait de son approche et de sa composition pour penser et agir sur les politiques publiques ? Je ne le comprends pas.

Il me semble qu’un organisme indépendant et collégial est essentiel au progrès des politiques de prévention des risques.

La commission adopte ces amendements.

En conséquence, l’article 7 est ainsi rétabli.

Article 8 (article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation et article 13 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) : Regroupement du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable et du haut comité pour le logement des personnes défavorisées

La commission adopte l’article 8 sans modification.

Article 9 (article L. 1212-3-4 du code des transports et article 86 de la loi n° 2018‑699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination) : Suppression anticipée du conseil national de l’aménagement et du développement du territoire (CNADT)

La commission adopte l’article 9 sans modification.

Article 10 (articles L. 115-1 et L. 115-2 [abrogés] et L. 451-5 du code du patrimoine) : Suppression de la commission scientifique nationale des collections

La commission est saisie des amendements identiques n° 690 du rapporteur et 353 de M. Raphaël Gérard. 

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la suppression de la commission scientifique nationale des collections.

Cette instance dédiée au déclassement de biens culturels a eu très peu de demandes à traiter au cours de ces dix dernières années. Elle a achevé le travail doctrinal que lui avait confié le législateur consistant en l’élaboration d’un rapport assorti de recommandations remis au Parlement en 2015. C’est d’ailleurs le seul rapport qu’elle a produit depuis sa création.

Je précise que cette suppression n’emporte pas d’effet sur l’intégrité des collections publiques et leur inaliénabilité : la CSNC rendait uniquement un avis sur les propositions de déclassement du domaine public et n’avait aucune compétence pour traiter des cas de restitutions internationales, comme celles envisagées pour le patrimoine africain.

La décision de déclassement du ministre de la culture continuera en conséquence de se fonder sur la justification d’un rapport argumenté établi directement par les personnels scientifiques des services et établissements patrimoniaux.

M. Raphaël Gérard.  Je précise que je suis le député censé représenter l’Assemblée nationale au sein la CSNC, qui ne s’est en effet jamais réunie depuis le début de cette mandature.

Au cours des débats au Sénat, une assez large confusion a porté sur ce qui relevait de l’aspect scientifique de la décision et ce qui relevait d’un aspect plus politique ou diplomatique, avec, comme vient de le souligner M. le rapporteur, la volonté de faire un lien entre la suppression de cette commission et l’agenda de restitution de certaines pièces du patrimoine africain. Ce sont deux champs bien distincts, qui se succèdent dans le temps, puisque la décision politique se fonde sur l’avis scientifique émis par les professionnels de la gestion des collections.

En 2010, il était question de fixer une doctrine. C’est ce qu’a fait cette commission quand elle a commencé à fonctionner, avant de s’arrêter. Il s’agissait de fixer un cadre général de restitution. Pour venir du monde des musées, je pense que l’on a tout intérêt à conserver des lois d’exception. Ainsi, à chaque décision de restitution d’éléments patrimoniaux à un pays tiers, le Parlement sera amené à se saisir du sujet et éclairera ses débats à partir de l’avis formulé par les scientifiques plutôt que par une commission qui gérerait la décision de façon administrative.

De mon point de vue, il faut donc supprimer cette commission.

De plus, avoir ce débat de fond sur la méthode au moment de la discussion sur la restitution qui doit intervenir dans les prochaines semaines est le moyen de s’assurer que l’avis des scientifiques a bien été pris en compte.

Mme Amélie de Monchalin, ministre. Je remercie M. Gérard pour son explication très pertinente sur la manière d’aborder deux sujets distincts : le déclassement, puis la restitution. On ne parle pas tout à fait de la même chose. Il faut avancer méthodiquement.

Je suis donc favorable à ces amendements.

Mme Émilie Cariou. Les restitutions sont des sujets sensibles puisqu’ils concernent les collections nationales et qu’aujourd’hui, rien ne peut sortir des collections nationales sans passer par le Parlement. Cette règle n’est évidemment pas remise en cause.

La CSNC avait été créée alors qu’il s’était agi de restituer des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Elle avait permis d’établir une doctrine visant à éclairer les positions prises par la direction du patrimoine et le ministère de la culture sur ces restitutions. Nous vous suivrons en l’occurrence dans la mesure où demeure un avis scientifique et qu’au surplus, cela passe devant le Parlement. Mais, de grâce, sur les sujets à venir, ne tirez pas trop argument du fait que des commissions ne se sont pas réunies parce que, parfois, cela prouve une vraie faiblesse de l’État et peut-être certaines de ces instances mériteraient-elles, au contraire, d’être réactivées. Ainsi, sur le sujet nucléaire, il n’est pas du tout normal que la commission concernée ne se soit pas réunie. Donc, si vous pouvez en tirer argument pour la CSNC, qui avait été créée sur un sujet bien spécifique, ce ne sera pas forcément le cas sur les autres sujets.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur.  Je trouve intéressant pour éclairer vos votes de vous indiquer la dernière fois où ces commissions et observatoires se sont réunis, le nombre de rapports qu’ils ont produit. À vous ensuite de prendre en compte, ou pas, ces arguments, c’est votre choix. Je vous donne des éléments qui vous permettent, en toute indépendance, de juger de la pertinence de ces instances.

J’ai noté, Mme Cariou, que ces arguments ne vous convenaient pas. Vous m’avez demandé qui pourrait être contre le fait de simplifier. Je constate que vous avez voté contre les différentes suppressions que nous avons évoquées. Je prends acte que mes arguments n’arrivent pas à vous convaincre ; j’estime néanmoins qu’ils sont utiles pour que nos collègues puissent prendre une décision librement, et je continuerai à les donner comme je l’ai fait depuis le début.

La commission adopte ces amendements.

En conséquence, l’article 10 est ainsi rétabli.

Article 11 (article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer [abrogé] et article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 septembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) : Suppression de la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer

La commission examine les amendements identiques n° 22 de M. Philippe Naillet, n° 332 de M. Ugo Bernalicis et n° 445 de M. Gabriel Serville.

M. Philippe Naillet. L’article 11 supprime la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer (CNEPEOM), qui a été créée en 2009 par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). Le fait que l’Assemblée nationale, le Sénat et le CESE se soient, depuis lors, dotés d’une délégation aux outre-mer rendrait la CNEPEOM inutile, redondante.

Pourtant, sa mission, sa composition et son fonctionnement distinguent clairement la commission de ces trois délégations aux outre-mer. En effet, la mission de la CNEPEOM est d’assurer « le suivi de la mise en œuvre des politiques publiques de l’État outre-mer, en particulier des mesures prises pour favoriser le développement économique et social des collectivités concernées ». Elle est « composée en majorité de membres des assemblées parlementaires, le nombre de députés étant égal à celui des sénateurs. Elle comprend en outre des représentants de l’État ainsi que des collectivités concernées et, le cas échéant, des personnalités qualifiées ».

Réformer la CNEPEOM pour la rendre plus efficace : oui ! Supprimer un outil qui répond à la nécessité de transparence et d’évaluation des politiques publiques : non ! Il convient, a contrario, de renforcer ses moyens. Après celle de France Ô, la suppression de la CNEPEOM serait un très mauvais signal pour les outre-mer.

Mme Mathilde Panot. Le groupe de La France insoumise s’oppose également à la suppression de la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.

On peut lire, dans l’étude d’impact, que « la programmation, le déroulement des travaux de la CNEPEOM et, plus globalement, l’efficience de son action se sont avérés insatisfaisants ». Et on en conclut que « son maintien n’est pas apparu opportun. » De mon point de vue, il serait plus pertinent de donner davantage de moyens à cette instance et d’en renouveler les attributions, que de la supprimer. Sa composition, plus large que celle des délégations parlementaires, est un atout.

Notre collègue a raison : après la suppression de France Ô, un tel signal serait dramatique. Peut-être certains d’entre vous ignorent-ils que la Guadeloupe est frappée en ce moment par une crise de l’eau ? La moitié de nos concitoyens, en Guadeloupe, n’ont plus accès couramment à l’eau potable ; certains n’y ont accès que quelques heures par jour ; d’autres en sont privés pendant plusieurs jours consécutifs ; quarante-cinq écoles sont fermées à cause de cette crise. De nombreux habitants de la Guadeloupe ont le sentiment d’être abandonnés, de ne pas être considérés comme des citoyens français.

Il importe d’évaluer les politiques publiques pour garantir l’égalité de tous. Supprimer la CNEPEOM, dans le contexte actuel, serait un signal terrible.

M. Gabriel Serville. Le rapport remis par la CNEPEOM tous les deux ans est le seul outil qui offre une vision relativement exhaustive de l’action de l’État outre-mer. Il permet d’en identifier les lacunes, mais aussi les réussites, et de les améliorer, par la préconisation de modifications législatives ou réglementaires. Au moment de l’élaboration de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer, les préconisations de la CNEPEOM ont été précieuses.

Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, les délégations aux outre-mer de l’Assemblée nationale et du Sénat, composées exclusivement de parlementaires, ne sont pas venues se substituer aux missions de la CNEPEOM. D’abord, parce que leurs agendas respectifs sont largement tributaires de celui fixé par le Gouvernement en fonction de ses priorités. Ensuite, parce que ces délégations ne disposent pas des moyens humains dont bénéficie la CNEPEOM, grâce à l’appui des services du ministère des outre-mer. De même, la délégation à l’outre-mer du CESE a essentiellement un rôle de prospective et d’aide à la décision politique et n’a pas vocation à analyser l’effectivité de l’action de l’État outre-mer.

Plusieurs décisions ont laissé un goût amer à nos concitoyens des outre-mer : la suppression de France Ô, la disparition de la représentation ultramarine au Parlement européen, la tentative, qui a heureusement échoué, d’exclure les ultramarins des instances du nouvel Office français de la biodiversité, alors même que l’outre-mer rassemble 50 % de la biodiversité française… Et je ne parle pas de la probable disparition, avec le projet de loi que nous allons bientôt examiner en séance, de la représentation ultramarine au sein du CESE. Une entreprise de démolition de la présence des territoires ultramarins au sein de nos institutions est en cours !

C’est pour toutes ces raisons que nous demandons la suppression de l’article 11.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends et partage les préoccupations que vous exprimez : il est évidemment nécessaire de contrôler efficacement les politiques publiques menées dans les collectivités et territoires ultra-marins, notamment en matière de développement économique et social.

Je pense toutefois que la CNEPEOM n’a pas pu, au cours des dix dernières années, tenir les promesses qui avaient justifié sa création. Son fonctionnement n’est pas optimal, puisqu’elle ne s’est réunie qu’à trois reprises au cours de l’année 2018, du fait de contraintes pratiques, et que ses travaux ne correspondent pas tout à fait aux thématiques inscrites dans la loi de 2009.

En outre, depuis la création de la CNEPEOM, le Sénat et l’Assemblée nationale ont créé en leur sein des délégations parlementaires aux outre-mer, dont le champ d’intervention, les compétences et les missions permettent d’assurer un contrôle efficace et transversal des politiques publiques en outre-mer. J’émettrai d’ailleurs un avis favorable sur les amendements tendant à renforcer les missions d’évaluation de ces délégations.

Sur ces amendements identiques, avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons besoin d’outils de suivi de la situation économique et des conditions de vie en outre-mer. La CNEPEOM a été créée en 2009, à une époque où les délégations aux outre-mer n’existaient pas – elles ont été créées respectivement en 2011 au Sénat et en 2012 à l’Assemblée nationale. Le CESE a créé sa propre délégation à l’outre-mer en 2010. Aujourd’hui, il y a donc des doublons.

La CNEPEOM a beaucoup de mal à mobiliser ses membres – ce qui n’est pas le cas des délégations de l’Assemblée nationale, du Sénat et du CESE. Je ne vous donnerai que quelques exemples : son assemblée plénière du 22 janvier 2019 a été reportée, parce que le quorum n’était pas atteint, alors que sa date avait été choisie par l’ensemble des membres. De la même manière, la réunion du bureau du 27 juin 2019 a été reportée parce qu’aucun membre n’était disponible et il en fut de même d’une audition du directeur général de l’offre de soins, le 21 janvier 2019. L’offre de visioconférence n’a pas non plus suscité d’intérêt. Du fait de ces difficultés, la présidente de la CNEPEOM a consulté en 2019 ses trente-six membres de droit et seuls trois d’entre eux se sont déclarés favorables au maintien de cette commission.

La suppression de la CNEPEOM n’est en aucune manière un signal d’abandon : il importe de continuer à suivre la situation outre-mer, qui est particulièrement difficile dans le contexte sanitaire actuel. Mais ce n’est pas le maintien de doublons qui nous aidera à mieux le faire. Il faut nous pencher sur les différentes politiques publiques que vous avez évoquées, mais reconnaissons objectivement, sans polémique, que cette commission n’est plus utile, dans la mesure où ses membres ne se réunissent pas.

M. Jérôme Lambert. Il y a trente ans, j’ai été à plusieurs reprises rapporteur pour avis de la commission des lois pour les départements d’outre-mer, en loi de finances. Je fis la découverte des spécificités et des richesses des territoires et des habitants d’outre-mer.

La CNEPEOM ne constitue pas un doublon, puisqu’elle a vocation à rassembler les membres des délégations aux outre-mer de l’Assemblée nationale, du Sénat et du CESE : c’est un lieu d’échange entre les trois assemblées. Plus on parle des spécificités de l’outre-mer, mieux c’est. On a le sentiment que vous voulez en parler moins, alors qu’il faudrait en parler mieux.

M. Raphaël Gérard. Je suis très partagé sur cette question. Je suis le premier à reconnaître la qualité des rapports de la CNEPEOM, mais il est vrai qu’elle rencontre des difficultés matérielles et organisationnelles et qu’elle ne remplit pas exactement sa mission initiale.

Il ne faudrait pas imaginer que, parce qu’on a créé la CNEPEOM, on a réglé les problèmes des outre-mer. Elle ne doit pas servir d’alibi. En dehors de nos collègues ultramarins, qui a lu ses rapports ? Je suis d’accord avec vous, Mme la secrétaire d’État : il faut faire des outre-mer un sujet transversal, national, qui prenne en compte l’ensemble de nos politiques publiques et qui associe tous les élus. Il faut renforcer les moyens des délégations parlementaires aux outre-mer et les faire dialoguer davantage.

Lors de l’examen du projet de loi relatif au CESE en commission, plusieurs amendements ont été examinés, qui visaient à améliorer la représentation des outre-mer, et nous veillerons, en séance publique, à assurer une représentation équilibrée de l’ensemble des territoires de la République et des outre-mer, ou plutôt des outre-mer dans la République. Méfions-nous des commissions prétexte et abordons le sujet d’une manière plus globale, avec tous les députés, et pas seulement avec les représentants ultramarins.

M. Gabriel Serville. Si cette « commission prétexte » a été créée, c’est parce que le législateur, à l’époque, a voulu corriger ce qu’il considérait comme de graves lacunes, comme des manquements. Il fallait des outils.

Si on fait un arrêt sur image, au lieu de regarder tout le film, on peut avoir le sentiment que cette commission ne sert à rien. Mais, pour y avoir siégé entre 2012 et 2017, je peux vous dire qu’elle s’est réunie très souvent et qu’elle a produit des rapports sur des sujets extrêmement variés : coût de la vie, prix du billet d’avion, habitat insalubre, culture, éducation, vieillissement de la population… Comme je l’ai déjà indiqué, ces rapports ont alimenté la réflexion des collègues qui ont rédigé la loi relative à l’égalité réelle outre-mer. Ces questions sont toujours d’actualité et il ne faudrait pas, parce qu’il y a eu un flottement au cours des deux dernières années, en conclure que la commission ne sert à rien.

Il n’est pas pertinent de comparer la CNEPEOM avec les délégations parlementaires aux outre-mer, puisqu’elles ne disposent pas du tout des mêmes moyens. Des quelques dysfonctionnements que vous avez relevés, il ne faut pas tirer des conclusions trop hâtives, car nous pourrions le regretter. La CNEPEOM n’est certainement pas un doublon. Si elle n’a pas rempli toutes les missions qui lui avaient été confiées initialement, il faut se demander pourquoi et y remédier.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine l’amendement n° 446 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Cet amendement propose de revaloriser la CNEPEOM pour en faire un outil de coordination et de synergies entre les délégations outre-mer à l’Assemblée nationale, au Sénat et au CESE.

Nous estimons qu’au lieu de supprimer la CNEPEOM, il est préférable de lui donner de nouvelles missions, liées au développement des délégations outre-mer. Nous proposons donc de renforcer le caractère d’espace de dialogue et d’aide à la décision publique qu’est la CNEPEOM.

Pour rappel, il existe un intergroupe parlementaire des outre-mer, commun à l’Assemblée nationale et au Sénat, qui fonctionnait tant bien que mal – et plutôt bien – sous la XIVe législature. Aujourd’hui, il n’a plus aucun moyen matériel et humain.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, je suis défavorable à cet amendement, qui vise à maintenir l’existence de la CNEPEOM.

Sur le fond, j’ajoute qu’il serait délicat de confier à une commission extra-parlementaire la tâche de coordonner les travaux accomplis par des délégations parlementaires dont l’autonomie ne doit pas être remise en cause.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Une commission administrative dépendant de la Direction générale des outre-mer ne peut pas assurer le suivi des travaux des délégations du Parlement et du CESE : cela porterait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à l’indépendance du travail parlementaire. Il importe que les parlementaires puissent jouer pleinement leur rôle sans être suivis ou supervisés par une commission dépendant d’un ministère.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement n° 444 de M. Gabriel Serville. 

M. Gabriel Serville. Pour compenser la disparition de la CNEPEOM, il est proposé de renforcer les missions d’évaluation des politiques de l’État dévolues aux délégations outre-mer de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Par ailleurs, en raison des moyens limités dévolus par ces deux assemblées aux délégations précitées, le présent amendement prévoit qu’il reviendra au Gouvernement de produire chaque année une synthèse d’évaluation des politiques publiques menées par l’État outre-mer.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement va tout à fait dans le sens des propos que j’ai tenus tout à l’heure pour justifier la suppression de la CNEPEOM, puisqu’il rappelle les missions dévolues aux délégations parlementaires aux outre-mer, créées en 2011 au Sénat et en 2012 à l’Assemblée nationale. Vous proposez de renforcer leurs prérogatives de contrôle, afin de consacrer leur rôle de suivi des politiques publiques menées dans les collectivités ultra-marines. J’y suis favorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est difficile pour un membre du Gouvernement de donner un avis sur l’organisation des travaux parlementaires et sur l’organisation interne du Parlement… Par ailleurs, comme membre de l’exécutif, je n’ai pas pu discuter de cette disposition avec les présidences de l’Assemblée nationale et du Sénat. La situation est un peu baroque : en donnant un avis sur cet amendement, je porterais atteinte à la séparation des pouvoirs, ce qui n’est pas mon objectif… Si je devais me prononcer, j’aurais plutôt tendance à donner un avis défavorable, précisément parce que mon rôle n’est pas de me prononcer sur cette question.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’amendement de coordination n° 578 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 11 ainsi modifié.

Article 12 (section 2 du chapitre IV du titre IX du livre V du code de l’environnement) : Suppression de la commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs

La commission examine l’amendement n° 691 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de rétablir la rédaction initiale de l’article 12, afin de supprimer la commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF).

Créée en 2006, cette commission est totalement inactive depuis quatre ans. Elle n’a produit qu’un seul rapport, en 2012, dans lequel elle constatait elle-même les difficultés de fonctionnement auxquelles elle était confrontée.

Je précise aussi que d’autres organismes interviennent déjà depuis plusieurs années dans son champ de compétence : c’est notamment le cas de l’Agence de sûreté du nucléaire (ASN) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Dans son rapport de 2012, la CNEF exposait effectivement les difficultés auxquelles elle était confrontée : faible participation des parlementaires à ses travaux et moyens insuffisants. Je signale d’ailleurs qu’elle ne s’est pas réunie depuis 2011. Elle suggérait de confier à la Cour des comptes l’évaluation dont elle avait la charge.

La Cour s’est saisie de ce sujet et a publié, en juillet 2019, un rapport sur l’aval du cycle du combustible nucléaire, dans lequel elle analyse le coût de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Ce rapport fait suite à une demande de la commission des finances du Sénat sur l’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires civiles – je tiens aussi à souligner l’engagement de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et particulièrement de Mme Émilie Cariou sur ces questions.

Nous avons beaucoup gagné en expertise et la question du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires est désormais bien documentée. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui dépend de la Banque de France, s’en est saisie et un contrôle de l’action du Gouvernement est exercé à la fois par la Cour des comptes et par le Parlement.

Mme Émilie Cariou. La commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs a été créée pour mettre à jour le coût global du nucléaire civil. Elle s’est réunie pour la première fois le 17 juin 2011, cinq ans après sa création. Elle a remis son unique rapport en juillet 2012 et, depuis, ses activités ont cessé.

De cette situation, que vous avez rappelée, je ne tire pas les mêmes conséquences que vous. En 2019, Mme la ministre, nous avons signé avec Mme Barbara Pompili, elle aussi encore députée, un amendement demandant un examen exhaustif des charges financières qu’imposerait à l’avenir la gestion des déchets radioactifs. Nous avions retiré cet amendement, parce que le Gouvernement s’était engagé à produire un rapport étayé sur cette question, avec des projections financières actualisées. Aujourd’hui, le coût de la gestion des déchets radioactifs dans le centre industriel de stockage géologique (Cigéo) est évalué à 25 milliards d’euros, mais tout le monde sait que cela coûtera beaucoup plus. Les missions que je mène au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) montrent que ce montant pourrait être trois fois supérieur.

Mme la ministre, vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes. Il est effectivement intéressant, mais la Cour constate surtout qu’elle n’a pas assez d’éléments pour actualiser les coûts. On en revient toujours au même problème…

M.  le rapporteur, le rôle de l’ASN n’est pas de gérer les aspects financiers, mais de fixer des normes techniques de sûreté nucléaire. Il n’y a d’ailleurs aucune articulation entre les préconisations de l’ASN, les comptes d’Orano ou d’EDF et les charges provisionnées… Mme Barbara Pompili le sait très bien, puisque notre commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires avait pointé ce problème. L’ACPR n’a rien à voir non plus avec la question du nucléaire : je ne la vois pas intervenir sur la question du coût du démantèlement…

Dans la loi relative à l’énergie et au climat, nous avions déposé un amendement proposant que la commission de régulation de l’énergie travaille en lien avec la CNEF pour produire des évaluations sur le coût de l’énergie. Plutôt que de supprimer cette commission, il aurait fallu la réactiver. Nous ne sommes pas favorables à sa suppression mais nous savons qu’elle sera votée, puisque vous êtes majoritaires. Nous demandons au moins que les projections financières soient actualisées, comme le demandent la Cour des comptes, l’ASN et différents cabinets d’audit. C’est tout le coût de l’énergie qui est en jeu, et la viabilité de projets de gestion de la filière nucléaire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. En page 39 de mon rapport, qui vous a été transmis, il est écrit que plusieurs institutions et organismes de contrôle interviennent dans le champ de compétence de la CNEF.

L’Agence de sûreté du nucléaire émet un avis sur les rapports des exploitants des installations nucléaires de base, précisant l’évaluation de leurs charges. C’est l’application du décret 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) exerce un rôle consultatif sur le respect des obligations de provisionnement des exploitants d’installations nucléaires de base, conformément à la loi n° 2015-99 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le Gouvernement se conformera aux recommandations de la Cour des comptes, qui exerce un suivi très méthodique de la mise en œuvre de ses rapports et ne les laisse jamais sans suite. Il faut chiffrer précisément les provisionnements que nous demandons aux exploitants, et ceux que nous devrons prévoir en loi de finances, car ils ne seront pas totalement pris en charge par les exploitants. Nous y avions travaillé lorsque j’étais députée, notamment dans le cadre du rapport spécial sur la mission « Recherche » du budget.

Mme Émilie Cariou. Ces provisionnements ne concernent pas que l’exploitant, nous avions identifié que certaines charges du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) paraissaient sous-évaluées.

La commission adopte l’amendement.

L’article 12 est ainsi rédigé.

Article 12 bis (articles L. 542-1-2 et L. 542-12 du code de l’environnement) : Allongement de trois à cinq ans de la durée à l’issue de laquelle est révisé le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs

La commission adopte l’article 12 bis sans modification.

Article 13 : Suppression de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires

La commission maintient la suppression de l’article.

Article 13 bis : Harmonisation du traitement des demandes d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français

La commission est saisie de l’amendement n° 579 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les dispositions de cet article ayant été insérées à l’article 57 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, il doit être supprimé.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable. J’étais au banc du Gouvernement lors de l’examen de ce projet de loi, la question avait été longuement débattue.

M. Jérôme Lambert. Ne passons pas trop rapidement sur ce sujet, très sensible. Je voudrais m’assurer des mesures que nous nous apprêtons à voter. Il serait bon d’avoir quelques explications ; lorsque nous en avons parlé il y a quelques semaines, ces dispositions posaient de graves soucis. Je ne voudrais pas adopter des mesures qui ne répondraient pas aux attentes des principaux intéressés : les victimes.

Mme Émilie Cariou. La disposition votée dans la loi du 17 juin 2020 n’a pas été bien accueillie localement. Pourriez-vous en réexpliquer les enjeux, et les conséquences sur les dossiers d’indemnisation ? Lesquels ne seront plus recevables ? La représentation nationale doit disposer de toutes les explications.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne vais pas rouvrir ici les débats sur la loi prévoyant ces dispositions d’urgence : nous en avons discuté pendant des heures et j’avais pris beaucoup de temps pour les expliquer. Je me souviens que vous étiez présent, M.  Lambert ; votre collègue de Polynésie du groupe GDR avait soulevé des questions auxquelles j’avais répondu point par point. Un consensus large existait sur le sujet. La disposition retenue est issue du texte voté par le Sénat, et la sénatrice de Polynésie y était favorable. En CMP, elle avait été adoptée sans poser de problème.

De nombreuses mesures votées dans cette loi prévoyant diverses dispositions d’urgence figuraient initialement dans le projet de loi ASAP – c’est notamment le cas de celle concernant le seuil de revente à perte (SRP). La loi a été promulguée : nous n’allons pas reprendre le débat ici. De nombreuses mesures seront supprimées de ce projet de loi car elles ont déjà été adoptées.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Pour simplifier la vie de nos concitoyens et des entreprises de notre pays, il est raisonnable de ne pas rediscuter le 14 septembre des dispositions d’une loi qui a été promulguée le 17 juin dernier. Les mesures relatives à l’indemnisation des victimes en Polynésie étaient initialement prévues dans le projet de loi ASAP. Mais les sénateurs ont souhaité les traiter dans la loi prévoyant diverses dispositions d’urgence et elles ont été promulguées le 17 juin. Je peux comprendre le désir d’échanger à nouveau sur le sujet, mais ne serait-il pas étrange de discuter à nouveau d’un article qui a été voté et qui est entré en vigueur ?

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 13 bis est supprimé.

Article 14 (articles L. 114-16 et L. 114‑20, titre Ier du livre IV [abrogé] et article L. 421-3 du code de la mutualité) : Suppression du conseil supérieur de la mutualité

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements n° 559 de M. Jean-Marie Fiévet et n° 405 de Mme Danielle Brulebois.

M. Jean-Marie Fiévet. Cet amendement rétablit l’article 14, supprimé par le Sénat. Il prévoit de supprimer le conseil supérieur de la mutualité (CSM).

Cette suppression met en œuvre une recommandation du Conseil d’État, préconisant d’alléger les obligations consultatives prévues par le code de la mutualité compte tenu de l’existence du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF), qui a pour mission de donner un avis sur tous les projets de textes normatifs traitant des questions relatives à l’assurance ou au secteur mutualiste, et au sein duquel la représentation du secteur mutualiste est assurée depuis 2012.

Le CSM est également chargé de présenter toute suggestion concernant la mutualité ou les bonnes pratiques applicables à ce secteur. En réalité, il est très peu actif sur ce point, puisque la commission plénière ne s’est réunie que trois fois depuis 2012, essentiellement pour examiner des nominations de membres de commissions spécialisées. Cette commission plénière n’a jamais produit de rapport d’activité.

La mission de gestion du Fonds national de solidarité et d’actions mutualistes (FNSAM) par le CSM est également supprimée, mais il n’est pas question de supprimer ce fonds. L’amendement prévoit que les aides attribuées aux mutuelles seront octroyées par une commission d’attribution dont la composition permettra, comme aujourd’hui, d’associer largement le secteur de la mutualité.

Cet amendement clarifie aussi les dispositions relatives au vote électronique pour l’élection des administrateurs des mutuelles par les membres de l’assemblée générale, en supprimant la notion de bulletin secret. Elle pouvait être interprétée comme imposant le recours à des bulletins de vote sous format papier, alors que le recours au vote électronique est autorisé, de façon générale, pour les votes en assemblée générale.

Il supprime également l’interdiction pour les conseils d’administration qui se prononcent sur les comptes annuels et le rapport de gestion de considérer comme présents les administrateurs qui recourent à la visioconférence ou à des moyens de télécommunication pour participer à ces délibérations, afin de simplifier le fonctionnement des conseils d’administration des mutuelles, unions et fédérations, en l’alignant sur le fonctionnement des conseils d’administration des institutions de prévoyance et des sociétés d’assurance mutuelle.

Mme Danielle Brulebois. Le secteur mutualiste est bien représenté au sein du CCLRF. Par ailleurs, la section des finances du Conseil d’État avait relevé, dans une note au Gouvernement de 2013, qu’une réflexion pourrait être entreprise aux fins d’alléger les obligations consultatives prévues dans le code de la mutualité, notamment celle du conseil supérieur de la mutualité.

Les fédérations des mutuelles, notamment la Fédération nationale de la mutualité française, remplissent très bien la mission de formuler des propositions aux pouvoirs publics sans passer par le CSM.

Les nouvelles modalités de fonctionnement du Fonds national de solidarité et de l’action mutualiste pourront être précisées par le Gouvernement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je partage totalement ces arguments. Pour des raisons rédactionnelles, je préfère retenir l’amendement n° 559, et j’invite à retirer l’amendement n° 405.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous cherchons aussi à simplifier la fabrique du droit. Or, en l’occurrence, deux instances sont consultées en doublon : le CCLRF, dont la mission est de donner un avis sur tous les projets de textes normatifs traitant de questions liées à l’assurance ou au secteur mutualiste, et le CSM.

La Mutualité française est représentée par la Fédération nationale de la mutualité française, qui est très active pour faire des propositions aux pouvoirs publics, alors que le CSM l’est beaucoup moins. Je ne suis pas ici pour m’intéresser aux intérêts de la Mutualité, mais j’ai l’impression qu’elle dispose d’un canal plus efficace que ce CSM. Par ailleurs, quand nous cherchons l’avis des mutualistes, nous les consultons systématiquement dans le cadre du CCLRF.

Pour élaborer la loi plus rapidement, nous souhaitons éviter de consulter les mêmes personnes deux fois, sur un même sujet dans deux instances différentes.

L’amendement n° 405 est retiré.

La commission adopte l’amendement n° 559.

L’article 14 est ainsi rétabli.

Article 14 bis (article L. 510-1 du code de la mutualité) : Suppression du contrôle de certaines mutuelles par le Gouvernement

La commission est saisie de l’amendement n° 616 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le Gouvernement souhaite recentrer le contrôle de l’État sur les mutuelles, à la suite des travaux du Sénat en faveur de la simplification des procédures. Nous proposons de supprimer le contrôle des mutuelles régies par le livre III du code de la mutualité par le ministre chargé de la mutualité, conformément à une recommandation de l’Inspection générale des affaires sociales.

Il est important cependant que l’État continue de contrôler l’attribution des fonds octroyés par le Fonds national de solidarité et d’action mutualistes (FNSAM). Le ministre chargé de la mutualité reste donc le garant des conditions d’octroi des aides par le fonds et de leur usage conforme au projet présenté par les demandeurs. Le contrôle du ministre sera limité à ce champ, afin de sécuriser l’utilisation des fonds publics accordés aux mutuelles.

L’État peut être efficace sans perdre son rôle de régulateur et de contrôleur : il convient de cibler ses missions.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à cet amendement du Gouvernement qui vient préciser les dispositions ajoutées lors de l’examen au Sénat.

La commission adopte l’amendement.

L’article 14 bis est ainsi rédigé.

Article 15 (articles L. 2, L. 3, L. 2152-6, L. 2261-15, L. 2261-17, L. 2261‑24, L. 2261-27, L. 2261-32, L. 2271-1, L. 2272-1 et L. 3346-1 [abrogé] du code du travail et articles L. 911-3, L. 911-4 et L. 911-5 du code de la sécurité sociale) : Fusion de diverses instances consultatives relatives aux relations de travail

La commission est saisie des amendements identiques n° 128 de Mme Cécile Untermaier, n° 447 de M. Gabriel Serville et n° 566 de Mme Émilie Cariou.

M. Jérôme Lambert. Il s’agit ici d’une perle. Dans le projet de loi prévoyant diverses dispositions d’urgence – dont M. Kasbarian était déjà rapporteur – plusieurs articles étaient susceptibles de poser de grosses difficultés dans le cadre des relations de travail ; c’est à nouveau le cas en l’espèce. L’ensemble des syndicats – CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et Force ouvrière – demandent donc le retrait de l’article 15 qui supprime différentes instances consultatives relatives aux relations de travail. Ils considèrent tous que ces instances de dialogue entre les syndicats, le patronat et le Gouvernement sont nécessaires.

M. Gabriel Serville. L’article 15 propose de fusionner cinq instances consultatives relatives aux relations de travail : la commission nationale de la négociation collective ; le conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle ; le haut conseil du dialogue social ; le conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié et la commission des accords de retraite et de prévoyance.

On peut comprendre l’objectif de simplification et de recherche d’efficacité qui motive une telle fusion, mais la méthode interpelle, en l’absence de toute évaluation préalable et alors que nous allons aborder un nouveau cycle de mesure de la représentativité syndicale. D’ailleurs, les cinq syndicats représentatifs au niveau national se sont tous adressés au Gouvernement pour s’étonner et contester cette fusion.

Les députés de la Gauche démocrate et républicaine proposent de surseoir à cette fusion pour que le Gouvernement engage la négociation avec les partenaires sociaux.

Mme Émilie Cariou. Je souscris aux arguments qui viennent d’être développés. Tous les syndicats s’opposent à cette fusion de cinq institutions nationales de négociation sociale sans concertation. La suppression est sèche et nous ne savons pas comment les fonctions de ces instances seront remplies.

Jamais le code du travail n’a autant été réformé que sous ce quinquennat. Mais tous ces assouplissements du droit du travail s’accompagnaient d’une promesse de concertation et de dialogue social. Si toutes les instances qui permettent le dialogue social sont supprimées, nous ne marcherons plus que sur une jambe. Alors que nous entrons dans une période qui s’annonce très dure au plan social, il ne faut pas se priver de ces instances de dialogue. Nous demandons donc la suppression de l’article 15.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’ensemble des missions exercées par ces différentes instances seront intégralement reprises par la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) qui a été créée en 2018 afin d’exercer un rôle consultatif et de suivi de l’ensemble des enjeux relatifs aux relations individuelles et collectives de travail, dans une perspective large et transversale. Cette évolution favorisera une meilleure lisibilité du paysage des commissions consultatives compétentes sur ces enjeux.

J’ai déposé un amendement afin de préserver l’existence de l’une des instances initialement concernées par ce regroupement : le haut conseil du dialogue social (HCDS), eu égard à la spécificité de ses missions en matière de représentativité syndicale et patronale. Je pense que vous serez sensibles à cette avancée.

Demande de retrait ou avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les différents intitulés – conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié, commission des accords de retraite et de prévoyance, commission nationale de la négociation collective, conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle – montrent que tous ces sujets sont discutés par les mêmes acteurs. Ils ont trait à l’accompagnement et aux droits collectifs octroyés aux salariés.

Or il nous paraît intéressant de lier retraite, prévoyance, participation, intéressement, épargne salariale et actionnariat salarié avec les enjeux de négociation collective et d’emploi. Le Gouvernement cherche à faire d’un plus grand partage de la valeur un axe fort de la relance et de la dynamique de création d’emplois.

Des doutes ayant été exprimés sur la nature concertée de la décision, il a été décidé, à la suite d’une concertation approfondie, de ne pas inclure le haut conseil du dialogue social à ce processus. Quatre instances seront fusionnées et non cinq, il en restera donc deux. Nous cherchons à avancer avec les acteurs dans une recherche de cohérence, je ne crois pas que nous mettions en cause le dialogue social. J’échange beaucoup avec les organisations syndicales dans le champ de ma mission, et toutes souhaitent l’authenticité, l’honnêteté et la qualité du contenu.

La commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de l’amendement n° 692 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement maintient l’existence du haut conseil du dialogue social, qui exerce depuis 2008 un rôle consultatif préalable à l’édiction des arrêtés relatifs à la représentativité syndicale et patronale.

L’absorption de cette instance a suscité beaucoup d’inquiétudes chez les organisations syndicales et patronales. Le HCDS est une instance paritaire qui a développé une véritable expertise en matière de représentativité. La spécificité de ces enjeux justifie ainsi de maintenir en fonction cet organisme consultatif et de concertation, notamment dans le cadre du troisième cycle de mesure de la représentativité qui s’achève à la fin du mois de décembre 2020.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels n° 580, n° 581, n° 582 et n° 583 du rapporteur.

Elle adopte l’article 15 ainsi modifié.

2.   Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 21 heures 30

M. le président Bruno Duvergé. Chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat, d’accélération et de simplification de l’action publique.

Nous entamons l’examen de l’article 16.

Article 16 (article L. 1145-1 du code du travail [abrogé] et article 9-1 de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) : Absorption du conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes par le haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes

La commission examine les amendements de suppression no 129 de Mme Cécile Untermaier, no 448 de M. Gabriel Serville et no 569 de Mme Émilie Cariou.

M. Jérôme Lambert. L’amendement no 129 vise à supprimer l’article 16, afin de revenir sur le transfert des missions du conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP) au haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCE). La réorganisation envisagée envoie un mauvais message, alors que l’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause du quinquennat. Au-delà de la reconnaissance du rôle du conseil supérieur et des travaux qu’il mène – par exemple s’agissant du sexisme en milieu professionnel, de la place des femmes dans les conseils d’administration ou encore de la négociation collective en matière d’égalité –, il s’agit de veiller à sa pérennité, et ce indépendamment du haut conseil à l’égalité, dont la mission est plus globale, à savoir travailler sur les grandes orientations de la politique en matière de droits des femmes et d’égalité. Nous ne souhaitons donc pas que les deux organes soient fusionnés : chacun a sa spécificité et, jusqu’à présent, a indéniablement joué son rôle.

Mme Émilie Cariou. L’amendement no 569 vise lui aussi à revenir sur la fusion des deux instances. Nous considérons que leurs fonctions sont complètement différentes : le haut conseil a une mission large, quand le conseil supérieur de l’égalité professionnelle est une instance paritaire, qui a son mode de fonctionnement propre et qui est très axée sur l’égalité dans le monde professionnel. La fusion ne nous paraît pas du tout aller dans le sens de la garantie du droit des femmes.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. En effet, je vous trouve un peu sévères. L’égalité entre les femmes et les hommes, qui est effectivement la grande cause du quinquennat, n’est pas un enjeu que l’on pourrait découper en portions, en distinguant la sphère professionnelle du reste : c’est précisément parce qu’il faut mener une politique globale et inclusive qu’il est nécessaire de consacrer le HCE en tant qu’instance consultative transversale pour l’ensemble des questions liées à l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette nouvelle organisation ne signifie pas, bien sûr, que les missions actuellement prises en charge par le CSEP vont disparaître : elles seront au cœur des attributions du HCE, lequel exercera directement le même rôle consultatif que le CSEP pour les projets de réforme législative ou réglementaire relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L’évolution proposée améliorera, me semble-t-il, la lisibilité et l’efficacité des actions conduites en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Comme le rapporteur, je suis défavorable à ces amendements. Certaines questions sont traitées dans les deux instances, et il est difficile de bien séparer ce qui relève spécifiquement du conseil supérieur de l’égalité professionnelle et du haut conseil à l’égalité. Du reste, le haut conseil doit pouvoir traiter pleinement des enjeux liés au monde du travail.

Le rapprochement des deux instances a pour objectif de favoriser la mutualisation de leur travail et de leur communication. Nous maintiendrons bien sûr le paritarisme dans la section consacrée à l’égalité professionnelle, et le partenariat avec les élus et les associations sera préservé dans la section dévolue aux droits des femmes.

En tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques, je fais mienne la priorité de féminiser un certain nombre de postes, notamment de direction et d’encadrement supérieur. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est une priorité, dans le secteur privé comme dans le secteur public. L’existence de deux instances rend en fait peu lisible l’action de l’une et de l’autre ; les faire travailler ensemble nous aidera à avancer. Ce n’est pas parce que l’égalité professionnelle ne sera pas dissociée du reste qu’elle ne sera plus traitée – au contraire.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel no 585 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement no 154 M. Jean-Marie Fiévet.

M. Jean-Marie Fiévet. Cet amendement a pour objectif d’assurer la représentation de chaque niveau de collectivités territoriales au sein du haut conseil à l’égalité, car elles sont directement concernées par les politiques publiques. Cet amendement procède d’une idée qui nous tient à coeur, au sein du groupe LaREM : les territoires devraient être davantage associés aux décisions publiques, surtout en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La composition du HCE relève du niveau réglementaire. J’ajoute que le décret du 26 février 2019, qui énumère la qualité des membres du HCE, satisfait déjà l’objectif que vous poursuivez, car son article 1er prévoit la présence de conseillers régionaux, départementaux et municipaux. Je me permets donc de vous demander de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis que le rapporteur : les précisions concernant les nominations au sein du HCE ne sont pas du ressort de la loi. Par ailleurs, le décret cité précise déjà bien les choses et inclut des représentants des collectivités territoriales.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel no 584 du rapporteur.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16

La commission examine l’amendement no 449 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Cet amendement vise à élargir la possibilité de saisine de la commission de conciliation en matière de documents d’urbanisme. En effet, la multiplication des documents de planification et de prospective en matière d’aménagement du territoire a pour corollaire l’augmentation des situations litigieuses entre les collectivités locales, les citoyens et l’État. Il s’agit donc de favoriser le dialogue en faisant intervenir la commission départementale de conciliation, pour faire en sorte que les documents d’urbanisme soient plus consensuels.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement relève du domaine réglementaire : avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’ajoute que, la semaine dernière, en conseil des ministres, a été présentée une disposition visant justement à simplifier la coordination entre les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) : nous essayons vraiment de ne pas alourdir les procédures. Évidemment, les élus communaux des territoires limitrophes sont toujours consultés pour avis sur des documents d’urbanisme. Élargir la possibilité de saisine à tout le département, voire à une maille encore plus large, ne nous semble pas aller dans le sens que nous souhaitons, à savoir celui de la simplification. Par ailleurs, comme le disait M. le rapporteur, la présence des élus locaux et des personnalités qualifiées relève de l’ordre réglementaire.

La commission rejette l’amendement.

Article 16 bis A (articles L. 1512-6 à L. 1512-18 du code des transports [abrogés]) : Suppression du fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports

La commission adopte l’article 16 bis A sans modification.

Article 16 bis (article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime) : Modification de la composition des commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers

La commission examine les amendements de suppression no 693 du rapporteur, no 333 de Mme Mathilde Panot, no 395 de Mme Agnès Thill, no 502 de M. Stéphane Baudu et no 567 de Mme Émilie Cariou.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 16 bis a été ajouté par le Sénat pour instaurer, au sein des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), une parité entre les élus locaux, d’une part, et les autres catégories de membres les composant, d’autre part, à savoir des professions agricoles et forestières, les chambres d’agriculture, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale, des propriétaires fonciers, des notaires, des associations agréées de protection de l’environnement et des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs. Or les élus locaux disposent d’ores et déjà de sièges au sein de ces commissions, dont la composition, définie au niveau réglementaire, vise à représenter de façon équilibrée toutes les parties concernées par le développement du territoire. Les avis de ces commissions, le plus souvent consultatifs, permettent de rendre compte de cette large concertation, marquée par un souci de pluralisme. Le présent amendement vise donc à maintenir en l’état la composition du CDPENAF en supprimant cet article.

Mme Mathilde Panot. L’amendement no 333 a lui aussi pour objectif de supprimer l’article : nous pensons qu’il déséquilibre la composition des commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers. Imposer 50 % d’élus locaux risquerait de créer une majorité artificielle et d’amoindrir fortement le rôle de la société civile, qui doit, selon nous, impérativement être partie prenante de la bifurcation écologique et solidaire – en l’espèce, de la préservation des espaces naturels.

M. Philippe Bolo. S’il avait été présent pour défendre l’amendement no 502, dont il est le premier signataire, M. Baudu vous aurait dit qu’il est inutile de renforcer le poids des élus locaux au sein de ces commissions dont l’objectif est de leur fournir un avis argumenté.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’ai comme l’impression qu’il y a une convergence de vues. Nous avons d’ores et déjà une instance de dialogue dont la composition est équilibrée au regard des différents intérêts économiques, agricoles et environnementaux. Ses avis permettent d’éclairer les décisions des collectivités territoriales. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, d’après une étude réalisée en 2018 par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, sur la totalité des avis des CDPENAF, simples et conformes, les trois quarts sont favorables aux projets qui leur sont soumis. Cela montre bien qu’on ne saurait prétexter que la composition actuelle des CDPENAF est bloquante et qu’elle nuit au bon déroulement des projets qui leur sont soumis. Je suis donc favorable à la suppression de l’article.

Mme Patricia Lemoine. Ma collègue Laure de La Raudière n’a pas pu défendre son amendement no 400. Je l’avais moi-même cosigné mais, pour une raison qui m’échappe, ce n’est pas indiqué sur le document. Quoi qu’il en soit, je tenais à vous dire que le groupe Agir ensemble est lui aussi tout à fait favorable à la suppression de cet article.

La commission adopte les amendements. En conséquence, l’article 16 bis est supprimé et les amendements nos 130, 81 et 406 tombent.

Après l’article 16 bis

La commission examine l’amendement no 381 de M. Dimitri Houbron.

Mme Patricia Lemoine. Cet amendement vise à inclure les associations de protection de la nature dans les commissions d’indemnisation des dégâts des grands ongulés, corrigeant ainsi une incohérence administrative, car ces associations sont membres des commissions départementales de la faune sauvage, dont sont issues les commissions départementales d’indemnisation des dégâts. Au regard du fait que les dégâts causés par la grande faune sauvage sont exagérés – ils sont soixante fois moins importants que ceux qui découlent des aléas climatiques –, il apparaît cohérent que les associations de protection de la nature aient accès aux documents qui les recensent, à l’échelle départementale et nationale.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je connais votre engagement sur le sujet, ainsi que celui de M. Houbron. La composition des commissions d’indemnisation des dégâts de gibier est déterminée au niveau réglementaire. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable de préciser ces éléments au niveau législatif. Par ailleurs, comme vous le signaliez, les associations de protection de la nature sont membres des commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage en formation plénière, lesquelles rendent public l’ensemble des données relatives aux dégâts de gibier, ce qui permet la bonne information de ces associations. Par conséquent, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Aux sages paroles de notre rapporteur, j’ajoute que, un mois avant chaque nouvelle campagne de chasse, les fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs transmettent au préfet et présentent à la commission départementale un bilan des dégâts commis lors de la dernière campagne, par espèce, par unité de gestion cynégétique, en volume, en valeur et en surface. Ces données sont ensuite rendues publiques. Les associations ont donc tous les éléments en leur possession. Par ailleurs, un décret relatif à la maîtrise des populations de grand gibier est en cours d’élaboration. Il prévoit d’ajouter au bilan les données brutes et cartographiées, ce qui concourra à renforcer encore l’obligation d’information. Dès lors que les informations que ces associations veulent avoir sont rendues disponibles, je ne crois pas qu’un élargissement de la composition des commissions soit la meilleure manière de procéder. Pour ces raisons, j’y suis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 16 ter (nouveau) (articles L. 34-11, L. 35-2, L. 125 [abrogé], L. 131 et L. 135 [abrogé] du code des transports et article 40 de la loi n° 2016‑1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne) : Suppression de la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP).

La commission est saisie de l’amendement no 483 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Cet amendement a pour objet de supprimer la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), dans un objectif de simplification, de rationalisation et d’accélération de l’action publique dans le domaine des communications électroniques et des postes.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous abordons un sujet éminemment sensible. L’amendement prend acte des dysfonctionnements auxquels la CSNP est confrontée, s’agissant à la fois de son organisation et de son champ d’intervention. Je comprends ce qui motive la demande d’évolution. J’ajoute que la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale exercent d’ores et déjà nombre de compétences de la CSNP en matière de contrôle et d’évaluation des activités numériques et postales. Ces commissions assument pleinement ces missions, notamment dans le cadre des auditions qu’elles sont amenées à organiser. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement de suppression.

Le sujet est sensible, et je sais qu’un certain nombre de nos collègues sont attachés à cette commission. J’ajoute donc qu’il sera toujours possible d’en rediscuter en séance, d’apporter des modifications. Mais il me paraît important de « cranter » dès maintenant une position, de façon à ce que toutes les parties concernées puissent s’exprimer et, d’ici à l’examen du projet de loi en séance, trouver éventuellement des moyens de substitution, ou des solutions pour résoudre les dysfonctionnements que j’évoquais.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Pour bien éclairer le débat, mais aussi faire preuve de transparence, je précise que j’étais moi-même, en tant que députée, membre de la commission en question. Celle-ci fait des choses très intéressantes, qui devront continuer à faire partie du travail des parlementaires ; d’autres sont plus étonnantes.

Parmi les aspects positifs, il me semble essentiel que les parlementaires conservent un rôle actif dans l’observatoire national de la présence postale, dont les membres sont issus de la commission supérieure du numérique et des postes. De la même manière, il y a tout ce qui touche au contrôle de l’action du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la couverture haut débit et le raccordement à la fibre – ce que l’on appelle le « New Deal » avec les opérateurs télécoms, qui est suivi de près par la CSNP.

À côté de cela, certains éléments appellent à examiner la proposition de M. Bothorel avec intérêt, car ils s’inscrivent dans la démarche dont procède le projet de loi. Je pense en particulier au fait qu’il s’agit d’une commission parlementaire, mais totalement financée par le Gouvernement, en l’occurrence avec les crédits du ministère de l’économie et des finances : si l’on est attaché à la séparation des pouvoirs et à l’effectivité du rôle de contrôle et d’évaluation du Parlement, cela doit interroger. Il me semble essentiel – je sors de mon rôle en disant cela, mais ce ne sera pas le cas très longtemps – que les parlementaires, avec la présidence du Sénat et celle de l’Assemblée, réfléchissent à la manière de reprendre à leur compte les missions de contrôle exercées par la CSNP, de manière à garantir leur effectivité et à s’assurer qu’elles sont accomplies de manière indépendante. Tout en étant donc plutôt favorable à cet amendement, dans les limites que je viens d’indiquer, je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale. Il faudra peut-être préciser certaines choses en séance si les parlementaires ne le font pas eux-mêmes.

Mme Christine Hennion. Je souhaite m’exprimer à propos de la CSNP, dont je suis vice-présidente. Nous sortons d’une période pendant laquelle, comme tout un chacun a pu s’en rendre compte, dans le domaine du numérique, la France a tenu. Nous avons également constaté à quel point le numérique était un enjeu extrêmement important pour l’ensemble de la société. Dans le plan de relance, nous allons lui consacrer 7 milliards d’euros, ce qui est plus que significatif. Je sors d’une réunion à l’Élysée consacrée à la French Tech ; le Président de la République a indiqué à quel point le numérique était important. Or nous nous apprêtons à supprimer la seule commission réunissant officiellement des sénateurs et des députés et exerçant un contrôle sur les textes relatifs aux télécommunications, aux postes et au numérique, y compris du point de vue de la mission de service public qui reste à La Poste – un peu aux télécommunications  également, même s’il n’y a plus grand-chose –, et qui se projette dans l’avenir en étudiant toutes les technologies. Voilà qui me semble paradoxal.

L’argument avancé est que la CSNP ralentit les procédures. Cela n’a absolument pas été le cas ces deux dernières années : tous les avis – et ils ont été nombreux – ont été rendus dans les délais, même quand ces derniers étaient courts. C’est une commission qui travaille : elle se réunit tous les quinze jours et est capable de siéger dans les deux à trois jours s’il faut faire vite – c’est ce qui s’est produit pour le texte consacré à la 5G, par exemple : le processus n’a en aucune façon été ralenti.

Il est vrai que la CSNP est financée par Bercy, ce qui est assez incongru. Nous reconnaissons tout à fait que sa gouvernance doit évoluer.

Vous avez évoqué l’observatoire de la présence postale, madame la ministre. Effectivement, comme il dépend de cette commission, si nous votons la suppression pure et simple de cette dernière, il y aura un problème : il faudra absolument étudier comment il pourrait être réintégré dans les textes.

J’en appelle à mes collègues : comment la France pourrait-elle supprimer une commission consacrée spécifiquement à ces aspects alors que tous nos voisins – Allemands, Britanniques, Espagnols – en ont une ?

Dans sa mission de contrôle, elle fait quelque chose qui ne se fait nulle part ailleurs : émettre des avis sur des décrets. Si ses missions sont réintégrées dans le Parlement, elle ne le pourra plus, en raison de la séparation des pouvoirs.

M. Jérôme Lambert. Merci, madame Hennion, pour ces informations qui sont autant de bons arguments pour considérer qu’il ne faut pas supprimer la CSNP. À entendre les propos des différents intervenants, nous ne pouvons en effet, me semble-t-il, qu’avoir le sentiment qu’elle est très importante. Elle traite de questions primordiales, dont chacun considère qu’il faudra continuer à les suivre – fort bien, mais comment ? On ne le sait pas. Si nous décidions de la supprimer dès à présent, ce que je ne souhaite pas, pas davantage d’ailleurs, me semble-t-il, que les collègues qui se sont exprimés, nous agirions à l’aveugle. Combien de mois seront-ils perdus entre le moment où nous déciderions de la supprimer et celui où elle serait éventuellement recréée ? Quels risques courrions-nous dans l’intervalle ? C’est un enjeu majeur, tout le monde le dit, et il n’est pas nécessaire de supprimer cette commission – bien au contraire. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc en faveur de son maintien.

Mme Émilie Cariou. Mes arguments iront dans le même sens que ceux de Mme Hennion. Je trouve étrange que des parlementaires sabrent leurs propres droits de contrôle, même s’il est vrai qu’une véritable commission consacrée au numérique serait encore préférable.

Je suis désolée de vous le dire, monsieur Bothorel, mais le conseil national du numérique n’a pas du tout les mêmes fonctions ; il s’agit d’une autre instance, indépendante, et je ne vois pas comment son travail pourrait s’articuler à celui des parlementaires.

Il serait même dangereux de supprimer la CSNP avant de créer un processus de contrôle différent, permettant d’accomplir toutes les missions dévolues à cette commission.

Je vous le dis franchement : je suis très étonnée que des parlementaires proposent un amendement comme celui-ci.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Sans méconnaître l’importance de cet organe de contrôle, il est en effet problématique qu’il soit financé par le Gouvernement – et par La Poste, d’ailleurs, puisque des personnels de La Poste y siègent qui sont payés par celle-ci.

Mme Christine Hennion. Non !

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Ne sont-ils pas juge et partie ?

De plus, l’organe doit être rattaché au Parlement ; or les discussions sur ce point n’avancent pas. En adoptant l’amendement, nous enverrions un message qui pourrait permettre de trouver une solution d’ici à l’examen du texte en séance publique ; les deux assemblées pourraient se mettre d’accord sur les modalités de ce rattachement.

Mme Christine Hennion. Une correction : le secrétaire général de la CSNP y est détaché par La Poste, mais est bien payé par Bercy une fois nommé.

Nous sommes tous d’accord pour dire que certains aspects de la gouvernance de la CSNP doivent évoluer. Mais peut-être faut-il, plutôt que la supprimer purement et simplement, attendre de disposer d’une solution permettant cette évolution.

M. Éric Bothorel. Le mariage de la présence postale et du numérique dans les domaines de compétence de la commission en souligne à lui seul le caractère daté.

D’autres organes informent les parlementaires à ce sujet et peuvent les conseiller, comme l’AVICCA, l’association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, qui se consacrait à l’origine à la distribution de la télévision et reste active aujourd’hui : la CSNP n’est pas la seule à se prononcer sur le déploiement du plan France Très Haut Débit. De plus, chaque année, notre rapporteur pour avis – Christine Hennion l’a été pendant trois ans – éclaire la réflexion de ses collègues sur les crédits des communications électroniques et de l’économie numérique. Ce n’est pas au sein de la CSNP, où se réunissent députés et sénateurs, que ces travaux ont lieu. En outre, comme Émilie Cariou le sait, d’autres instances se consacrant à la question accueillent des parlementaires – ainsi, Jean-Michel Mis siège au conseil national du numérique. De ce point de vue, la CSNP ne fait nullement exception, contrairement à ce que ma collègue a laissé entendre.

Je suis d’accord avec la ministre quant à la nécessité de préserver l’observatoire national de la présence postale, mais son objet est très éloigné, reconnaissons-le, des enjeux du numérique, en particulier de la couverture numérique du territoire. Nous pouvons donc nous passer de cette commission, sans compter le problème que pose son mode de financement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il importe que, d’ici à l’examen en séance, des précisions aient été apportées concernant le mandat des parlementaires actuellement membres de la CSNP – et dont la mission doit se poursuivre au moins jusqu’à la fin de la législature – et la reprise par le Parlement de ses travaux en cours. Celle-ci, je le répète, n’est pas de mon ressort : le Gouvernement juge assez baroque le mode de financement de la commission, mais importantes ses missions ; cela étant dit, les parlementaires sont autonomes pour exercer ces missions de contrôle et en organiser la mise en œuvre.

La commission adopte l’amendement.

Article 16 quater (nouveau) (article L. 642-9 du code rural et de la pêche maritime) : Représentation des consommateurs et des associations environnementales au sein des comités nationaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)

Elle examine ensuite l’amendement n° 548 de M. Damien Adam, qui fait l’objet du sous-amendement n° 701 du Gouvernement.

M. Damien Adam. Pour assurer une sorte de « service après censure », mon amendement vise à rétablir l’article 56 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, article censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Il s’agit d’améliorer la représentation des consommateurs au sein des comités nationaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, chargé du contrôle de l’origine et de la qualité de plus de mille produits de notre terroir, en permettant aux représentants d’associations de protection de l’environnement de prendre part aux décisions.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le sous-amendement du Gouvernement fixe la représentation des associations environnementales au même niveau que celle des consommateurs, parmi les personnalités qualifiées. En outre, il fait entrer la disposition en vigueur au 1er janvier 2022, afin que son application coïncide avec le renouvellement des instances de l’INAO prévu au début de cette année.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à l’amendement : il réintroduit une bonne mesure, que nous avions souhaitée lors de l’examen de la loi EGALIM.

M. le président Bruno Duvergé. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Oui.

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement n° 548 sous-amendé.

Article 16 quinquies (nouveau) (articles 4, 5, 6 et 17 de la loi n° 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire) : Réorganisation d’ESS France

Elle en vient ensuite à l’amendement n° 617 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, le CNCRESS, a fusionné avec ESS France en juillet. Pour tirer les conséquences de sa suppression, la loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est modifiée en vue de préciser qu’ESS France reprend les missions du CNCRESS et que les CRESS sont désormais membres de droit d’ESS France. Il s’agit également de tenir compte du changement de dénomination de la chambre française de l’ESS devenue ESS France.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à cette mesure de simplification organisationnelle dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

La commission adopte l’amendement.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA DÉCONCENTRATION
DE DÉCISIONS ADMINISTRATIVES INDIVIDUELLES

Article 17 (article L. 361-2 du code de l’éducation, articles L. 212-10 [abrogé], L. 212-10-1 [nouveau], L. 641-1 et L. 641-3 du code du patrimoine, article L. 480 1 du code de l’urbanisme et articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 45‑2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles) : Déconcentration de diverses décisions individuelles dans le domaine de la culture

La commission adopte l’article sans modification.

Article 17 bis (nouveau) (article 795 A du code général des impôts) : Déconcentration des décisions de souscription des conventions fiscales relatives à l’ouverture des monuments historiques

La commission est saisie de l’amendement n° 694 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il s’agit de déconcentrer une mission jusqu’à présent assurée par les services centraux du ministère de la culture.

L’article 795 A du code général des impôts accorde aux propriétaires de monuments historiques une exonération des droits de mutation à titre gratuit à condition de souscrire une convention à durée indéterminée dans laquelle ils s’engagent notamment à ouvrir le monument au public et à ne pas le vendre.

Cette convention, aujourd’hui souscrite avec le ministre chargé de la culture après avis conforme du ministre chargé du budget, le serait désormais avec les responsables des services déconcentrés du ministère de la culture, à des fins de proximité et de réactivité.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable. Les mesures de déconcentration de décisions administratives individuelles, auxquelles est consacré ce titre II, permettent aux services déconcentrés de l’État, qu’ils soient régionaux ou départementaux, de prendre des décisions qui ne relevaient jusqu’à présent que des administrations centrales. Dans certaines situations, en effet, il ne sert de rien de faire remonter les dossiers à Paris : cela allonge les délais, pour une décision qui ne diffère finalement guère de ce que proposent les acteurs de terrain. C’est le cas concernant ces questions culturelles.

La commission adopte l’amendement.

Article 17 ter (nouveau) (article L. 523-10 du code du patrimoine) : Déconcentration des décisions de règlement des différends en matière d’archéologie préventiveLa commission est saisie de l’amendement n° 618 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous proposons de simplifier une procédure lourde et complexe d’arbitrage concernant la mise en œuvre de l’archéologie préventive. Cette procédure n’a jamais été utilisée depuis son instauration par la loi de 2003 relative à l’archéologie préventive, car elle n’est pas applicable. Notre solution est simple et rapide : les différends seront directement tranchés par l’autorité administrative compétente, à savoir le préfet de région.

Ce type de procédure de décision est très intéressant : plutôt que d’écrire depuis Paris la liste de ce qu’il faut faire pour chaque éventuelle exception, nous chargeons une autorité compétente de trancher quand la situation est particulièrement complexe.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Article 18 (article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle) : Transfert au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) des décisions relatives à l’interdiction de la divulgation et de la libre exploitation des brevets ainsi qu’à leur prorogation et levée

La commission examine l’amendement n° 586 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement rédactionnel tend à remplacer le mot « intellectuelle » par le mot « industrielle ».

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable, même si j’aime à la fois l’industrie et la réflexion !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

Article 19 (articles L. 1313-1, L. 1313-5, L. 1321-5, L. 1322-4, L. 1322‑13, L. 1431-3, L. 1432-2, L. 1441-5, L. 5123-2, L. 5126-6, L. 5132-6, L. 5132-7, L. 5311-1 et L. 5521-7 du code de la santé publique) : Déconcentration et simplification de certaines décisions administratives dans le champ de la santé

La commission est saisie de l’amendement n° 334 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Nous souhaitons la suppression de l’article, qui conduit à des situations aberrantes du point de vue environnemental. Il fournit un exemple caractéristique de transfert des compétences de l’État à des agences certes publiques, mais dont les conflits d’intérêts sont avérés.

Ainsi, alors que les scientifiques alertent depuis des années sur les dangers des SDHI, pesticides massivement épandus que l’on retrouve dans 60 % de nos aliments et qui seraient à l’origine de cancers, l’ANSES, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, refuse de les interdire au nom du principe de précaution. Or l’une des expertes sollicitée par l’ANSES à ce sujet travaillait précisément au développement de ces pesticides. Comment une autorité pourrait-elle prendre des décisions impartiales et justes si ses membres sont régulièrement mis en cause en raison de conflits d’intérêts, notamment du fait de leurs liens avec l’industrie pharmaceutique ? On pourrait dire la même chose de Monsanto.

Comment notre assemblée pourrait-elle autoriser le préfet à déroger à des règles au nom de l’intérêt général quand il s’agit de nuire directement ou non à la qualité des eaux ? Je le répète, c’est aberrant ǃ Nous refusons que l’on joue ainsi avec la santé des Français et la protection de l’environnement. Des décisions aussi importantes que celles portant sur la qualité des eaux ou des médicaments doivent rester strictement encadrées.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne partage pas du tout ces craintes. Le périmètre des compétences que l’article 19 transfère à l’ANSES et à l’ANSM, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, est très restreint, et ce transfert ne fait que traduire le rôle prépondérant que ces agences jouent déjà dans la prise de décision du ministre.

Ainsi, actuellement, les agréments dont disposent les laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses en vue du contrôle sanitaire de la qualité des eaux leur sont délivrés par le ministre chargé de la santé après une expertise technique réalisée par le laboratoire d’hydrologie de l’ANSES, situé à Nancy. Le ministère chargé de la santé examine la recevabilité du dossier et délivre l’agrément au vu de l’avis de l’ANSES.

De même, l’arrêté du ministre chargé de la santé relatif aux plantes, substances et préparations vénéneuses est pris sur proposition du directeur général de l’ANSM.

Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je veux d’abord réagir à cette mise en cause directe de l’ANSM et de l’ANSES : personne ne gagne à mettre ainsi en cause ceux qui cherchent à fournir des avis scientifiques éclairés sur des sujets très complexes. Il ne s’agit pas de croyance, de sentiment, de ressenti, mais d’une toxicité qu’il faut évaluer. Il est dangereux de mettre systématiquement en cause les autorités et agences qui sont là pour éclairer les débats citoyens.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Bien sûr, c’est du complotisme !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. On peut souhaiter qu’elles décident autrement, mais partir du principe que, parce qu’il s’agit de l’ANSM ou de l’ANSES, leurs décisions sont contraires à l’intérêt de nos concitoyens et à leur santé est très grave. Le risque, dans notre démocratie, est que les Français ne puissent plus distinguer ceux qui les protègent de ceux qui les exposent à des risques.

Vous l’aurez compris, je ne partage pas vos soupçons de conflits d’intérêts. L’ANSES et l’ANSM offrent de puissantes garanties d’indépendance, et toutes leurs décisions peuvent être contestées devant le juge, de sorte que, si désaccord il y a, il se règle devant les tribunaux et non par des attaques.

M. Ugo Bernalicis. Excellent argument ǃ

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ces garanties d’indépendance ont été renforcées par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, dite loi Bertrand. Faudrait-il contester cette loi au motif qu’elle vient d’une personnalité politique à laquelle vous vous opposez ? Ce serait une attaque ad hominem. Ne mélangeons pas la politique et les procès en légitimité.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Il est très intéressant que vous parliez de décisions de justice, madame la ministre : en 2019, c’est un tribunal qui a invalidé l’avis de l’ANSES sur le Roundup Pro 360, parce que l’agence n’avait fait analyser qu’une seule des molécules qui composent celui-ci. Cette affaire a d’ailleurs suscité une petite polémique, car la directrice de cabinet du directeur de l’agence, lequel a évidemment fait appel de la décision, était lobbyiste pour le compte de laboratoires fabriquant des pesticides. Vous avez raison : foin de l’ère du soupçon, fondons-nous sur des faits avérés et incontestables ǃ

Pour le reste, quand il s’agit de transférer des compétences de ministères certes imparfaits – peut-être seraient-ils mieux gérés sous une autre majorité, mais c’est une autre histoire – à des organismes qui n’apportent pas les garanties que vous prétendez donner, ce ne sont pas des craintes que nous nourrissons, monsieur le rapporteur : nous nous y opposons ǃ

Les conflits d’intérêts dont nous parlons ne sont pas de l’histoire ancienne : en témoignent la décision de justice que je viens d’évoquer ainsi que de nombreux articles de presse. Peut-être les journalistes mentent-ils, et peut-être leur fera-t-on des procès en diffamation qui demanderont à la justice qu’elle tranche, mais je ne le crois pas. Les faits plaident plutôt pour nous ǃ

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels n°s 255, 264, 270, 276 et 281 du rapporteur.

Puis elle aborde l’amendement n° 666 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est un amendement d’amélioration juridique.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Favorable. Il touche à la vie quotidienne des Français : il s’agit des vaccins à usage réservé, imposés ou conseillés pour certains voyages, qui n’ont pas vocation à être inscrits sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux. Désormais, les choses seront beaucoup plus simples : les centres de vaccination seront autorisés à les acheter et à les utiliser.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel n° 285 du rapporteur.

Elle examine l’amendement n° 498 de Mme Séverine Gipson.

M. Jean-Marie Fiévet. Afin que leur pérennité soit garantie, nos pharmaciens ont besoin de pouvoir exercer leur activité dans des communes ayant des médecins. Un grand nombre de patients font régulièrement exécuter leurs prescriptions médicales en sortant de chez leur médecin, au plus près du cabinet de ce dernier. Dans les zones rurales, le pharmacien qui possède une officine dans un village qui a vu son dernier médecin partir à la retraite ou changer de commune subit une perte de clientèle. L’amendement donnera la priorité aux demandes de transfert des officines situées dans des communes qui ne possèdent plus de prescripteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends totalement votre préoccupation. Nous avons auditionné la semaine dernière, pendant une heure et demie, des représentants de l’ordre des pharmaciens. Néanmoins, j’ai l’impression que cet amendement pourrait conduire à déséquilibrer le maillage territorial en privant les habitants de petits bourgs ruraux d’un accès aisé aux pharmacies. Les conséquences pourraient donc être à l’opposé de ce que vous souhaitez. Je vous propose de travailler sur ce sujet d’ici à l’examen en séance, en mettant dans la boucle l’ordre des pharmaciens et en vérifiant les conséquences pratiques sur le terrain. Si l’ordre des pharmaciens juge que c’est positif, nous pourrons avancer ; sinon, il vaudrait mieux s’abstenir. Je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je comprends bien qu’une pharmacie qui n’a plus de prescripteur à proximité ait un peu moins de fréquentation, mais il faut aussi prendre en compte la télémédecine – il y a eu, très récemment, plus d’un million de consultations par semaine dans ce cadre. Les élus locaux encouragent fortement le développement de la télémédecine, notamment au moyen de cabines. Il serait dommage qu’une commune ou un bassin rural n’ait plus de pharmacie car cela réduirait l’intérêt de la prescription à distance. Je n’ai pas d’avis définitif, mais je crois qu’il y a des points à retravailler. Il ne faudrait pas affaiblir le maillage en services publics ou la capacité à avoir à proximité des choses utiles pour la vie quotidienne.

M. Jérôme Lambert. Vous venez de m’enlever, madame la ministre, la primeur de l’argument que je voulais mettre en avant. J’ai des exemples dans ma propre circonscription : il reste parfois une pharmacie mais il n’y a plus de médecin. Cela pose parfois des difficultés – pas toujours… On va mettre le paquet, sans doute à raison, sur les téléprescriptions qui permettent, où que l’on soit, à 50 kilomètres du médecin prescripteur ou davantage, de se rendre à la pharmacie de son village, si elle existe encore. Nous avions un maillage en pharmacies relativement bon, en raison d’un règlement ancien. Si on commence à y toucher, on risque de relancer des guerres territoriales et de désertifier encore un peu plus l’offre médicale, dont la pharmacie fait partie. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Sereine Mauborgne. Ma Santé 2022 avait pour objet de créer des cadres d’expérimentation pour de nouveaux modes de cohabitation interprofessionnelle et de rémunération afin de contrebalancer les pertes de chiffres d’affaires liées au départ des praticiens.

L’amendement n° 498 est retiré.

La commission adopte l’article 19 modifié.

Article 19 bis A (nouveau) : Mutualisation de fonctions support entre établissements publics exerçant des missions similaires

La commission examine l’amendement n° 619 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement permettra à des établissements publics dits territorialisés, comme les agences de l’eau, les parcs nationaux, les établissements publics fonciers ou d’aménagement, mais aussi les ports maritimes, de déroger au principe législatif de spécialité pour mutualiser leurs fonctions support avec des établissements similaires opérant dans d’autres parties du territoire. Plusieurs établissements publics administratifs pourront, par exemple, créer une fonction support commune pour bénéficier de gains de productivité ou de mutualiser des services qu’il serait plus intéressant d’avoir en commun. On pourra simplifier les règles de fonctionnement au sein des administrations, notamment afin de gagner en productivité et peut-être aussi en expertise pour certaines fonctions support très techniques.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable.

Mme Émilie Cariou. Cet amendement est extrêmement large, et nous n’avons aucune étude d’impact. On pourrait faire ce qu’on veut au sein des administrations, n’importe où en France. Alors qu’on observe une volonté de remettre du service public dans les territoires, vous voulez les reconcentrer je ne sais où. Nous ne pouvons pas nous prononcer à l’aveugle.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il ne faut pas qu’il y ait de malentendus : nous ne reconcentrerons rien. Nous dirons à des structures territorialisées similaires qu’elles pourront, si elles le souhaitent, mettre en commun des ressources. Si les parcs naturels régionaux voulaient créer un portail et une gestion en commun de leurs fonctions de marketing – mais je ne sais pas s’ils le voudraient – ils ne pourraient pas le faire à l’heure actuelle. Juridiquement, le principe de spécialité ne permet pas aux fonctions support de ces organismes d’être mutualisées. Chacun doit travailler chez soi. On voit bien l’intérêt qu’il peut y avoir, pour certaines structures, à mutualiser des fonctions. Il n’y aura pas de reprise en main puisque l’État central n’est en rien lié à de telles initiatives : ce sont les organismes concernés qui pourront mettre en commun des ressources.

Mme Émilie Cariou. On pourrait comprendre si votre amendement était un peu plus cadré, mais l’expression « fonctions support » est extrêmement large, et il n’y a pas d’étude d’impact. Tout cela n’a pas été analysé par le Conseil d’État. En l’état actuel, vous nous demandez un chèque en blanc.

M. Ugo Bernalicis. Il n’y aurait pas de lien avec l’État central… Mais on sait le chantage que vous avez exercé sur les subventions ou les dotations publiques de ces établissements, en leur disant qu’ils auraient peut-être un intéressement ou que leurs dotations seraient peut-être revues à la hausse en cas de mutualisation des fonctions support – les ressources humaines, la comptabilité, la paie…

C’est de cela qu’il s’agit, plutôt que de portails communs. Il n’y a aucun problème pour que des établissements publics se mettent d’accord pour en avoir. La décision peut être prise en conseil d’administration et chacun met alors un peu la main à la pâte. Je pense, par exemple, aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), qui sont des établissements publics autonomes, dotés d’une comptabilité propre. Ils ont les mêmes outils et les mêmes fonctionnalités. Il y a aussi les universités. Ne dites pas que ce que vous proposez n’est pas possible : c’est déjà le cas dans la réalité.

En fait, vous voulez encore réaliser des économies de bouts de chandelle, en éloignant des fonctions support des territoires, ce qui conduit à des aberrations. On l’a vu avec la gestion de la paie au niveau de l’État : on a voulu tout concentrer, tout mutualiser, puis on s’est rendu compte qu’il fallait quand même garder un peu de liens avec les gens, sur leur lieu de travail. Je vois bien la fuite en avant qui aura lieu, sous couvert de bonne gestion, de simplification, car c’est toujours la même chose…

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités. Les éventuels doutes sur la constitutionnalité et la légalité du dispositif seront examinés par le Conseil d’État.

M. Vincent Thiébaut. Au nom du groupe La République en Marche, je soutiens cet amendement qui va dans le bon sens. Pouvoir mutualiser certaines fonctions qui ne sont pas nécessairement spécifiques permettra peut-être d’avoir plus de moyens pour se concentrer sur les véritables missions au plan territorial. Par ailleurs, cet amendement s’inscrit dans une vraie logique de décloisonnement des services publics. C’est une opportunité pour leur personnel.

M. Ugo Bernalicis. Mais de quel décloisonnement parlez-vous ? Croyez-vous que l’on ne se parle pas entre établissements publics appartenant aux mêmes réseaux et ayant les mêmes champs de compétence ? Pensez-vous que les parcs naturels régionaux ne parlent pas avec leurs homologues ? Bien sûr que si. On échange des bonnes pratiques, on se voit. Ce que vous demandez, ce sont des économies d’échelle, comme d’habitude, en fusionnant pour faire en sorte qu’il y ait une grosse gestion de la paie, des ressources humaines, centralisée par grandes régions. Assumez-le au lieu de nous parler de portail ou de je ne sais pas quoi d’autre encore. Ce n’est pas la question. Malgré le recul des services publics, vous voulez encore supprimer des postes. Assumez-le.

La commission adopte l’amendement.

Article 19 bis (articles L. 1123-7 et L. 1123-7-1 du code de la santé publique) : Simplification des procédures applicables aux recherches non interventionnelles ne portant pas sur un produit de santé

La commission est saisie de l’amendement n° 542 de Mme Sereine Mauborgne.

Mme Sereine Mauborgne. L’alinéa 9 de cet article instaure un contrôle a posteriori du comité de protection des personnes en ce qui concerne la procédure pour les recherches non interventionnelles, ce qui est contraire à l’esprit initial du projet de loi : il tendait à simplifier le dépôt des dossiers et à ne pas alourdir les procédures pour des recherches qui ne sont pas les plus à risque. La suppression de cet alinéa permettra de revenir au texte initial et de simplifier réellement la procédure.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis. Ajouter des contrôles pour des recherches ne présentant pas de risque ne correspond pas à l’objet du projet de loi. Je vous remercie pour cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Après avis favorable de la ministre, la commission adopte l’amendement rédactionnel n° 289 du rapporteur.

Elle adopte l’article 19 bis modifié.

Article 19 ter (article L. 521-2 du code de l’environnement) : Simplification de la délivrance des certificats de conformité aux bonnes pratiques pour les laboratoires d’essais dans le champ de la santé et de l’environnement

La commission examine l’amendement n° 290 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Nous enlèverons simplement un « s ».

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est toujours important de faire les accords (Sourires). Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 19 ter modifié.

Article 20 (article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales) : Agrément des dispositifs de traitement dans les installations d’assainissement non collectif

Après avis favorable de la ministre, la commission adopte l’amendement rédactionnel n° 293 du rapporteur.

Elle examine l’amendement n° 667 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Presque. Il s’agit d’aligner la terminologie retenue par la loi française sur celle du droit de l’Union européenne.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Après la deuxième occurrence du mot « à », nous rédigerons ainsi la fin de l’alinéa 4 : « une nouvelle évaluation d’une demande d’agrément qu’il a instruite ».

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 20 modifié.

M. le président Bruno Duvergé. Nous avons achevé l’examen des articles des titres Ier et II du projet. Je remercie Mme la ministre pour sa présence parmi nous.

3.   Réunion du mardi 15 septembre à 17 heures 15

M. le président Bruno Duvergé. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Nous accueillons aujourd’hui Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie, pour examiner les titres III à V. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre présence. Nous allons commencer par une discussion liminaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. L’accélération et la simplification de l’action publique font l’objet d’une attente forte qui est régulièrement exprimée par nos concitoyens et nos élus. C’est aussi un axe important de notre politique depuis le début du quinquennat, avec la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi « ESSOC », présentée dès 2017, avec la loi « PACTE », présentée en 2018, qui a prévu de nombreuses simplifications pour les entreprises, comme la suppression de seuils ou la mise en place d’un guichet unique, avec la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », également de 2018, qui s’est attelée à la simplification dans le domaine du logement, et enfin avec le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, dont beaucoup de dispositions ont été reprises dans différents textes, notamment celui que vous examinez.

Les Français ont réitéré leur attente forte de simplification lors du grand débat. Ils ont exprimé un besoin de proximité de l’action publique, et je crois que la crise sanitaire, puis économique, que nous traversons n’a fait que renforcer le besoin de simplification et de proximité. Cela nous a surtout montré que nous sommes capables d’aller beaucoup plus loin dans des situations de crise et que cela peut éventuellement être pérennisé. Face à la crise économique actuelle, l’État a répondu présent, avec puissance et efficacité dans la plupart des situations. C’est la même puissance et la même efficacité que nous voulons pour l’avenir.

Un recensement réalisé en juillet 2020 pour la préparation du plan de relance a permis d’identifier deux types de simplifications. D’abord, des mesures adoptées en urgence depuis mars 2020 pourraient être pérennisées. Le Gouvernement s’est interrogé sur l’intérêt de chaque mesure et de chaque ordonnance. Des pérennisations sont proposées dans le cadre du présent projet de loi. Ensuite, des mesures de simplification additionnelles sont nécessaires, à titre temporaire ou pérenne, pour accélérer la relance de notre pays.

Les titres Ier et II du projet de loi, que vous avez examinés avec Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques, concernent le fonctionnement de l’administration, je n’y reviendrai donc pas. Je vous propose, en revanche, d’entrer dans le détail des titres III à V, dont l’objet est de rendre plus efficaces les relations entre nos concitoyens et leur administration, qu’il s’agisse de sujets du quotidien ou de nature économique.

Le projet de loi vise à simplifier le quotidien des Français. Notre objectif est de faire gagner du temps à nos concitoyens et à nos administrations, pour que celles-ci se concentrent sur les sujets ayant la plus forte valeur ajoutée pour les Français.

Nous voulons ainsi simplifier la délivrance de différents documents, comme les papiers d’identité, le permis de conduire et le titre de séjour, grâce à un dispositif permettant de dispenser le demandeur de présenter un justificatif de domicile ou tout simplement de renvoyer à une administration ou à un fournisseur détenant déjà le justificatif.

Il s’agit également de simplifier des démarches concernant les jeunes adultes. Dans le prolongement de la réforme du permis de conduire, nous allons faciliter l’inscription à l’examen grâce à une plateforme en ligne où les places seront attribuées sans quotas ni classement selon l’ordre d’inscription. Le texte supprimera, par ailleurs, la délivrance d’un certificat médical pour la pratique d’un sport dès lors que certaines conditions seront réunies.

En ce qui concerne des sujets plus complexes qui ont aussi un impact sur la vie quotidienne des Français, comme l’accueil de la petite enfance et le service national universel, le texte habilite le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour définir des dispositifs techniques tout en s’accordant le temps de la concertation et de la consultation.

Pour nos concitoyens aux revenus les plus modestes, nous voulons faciliter l’ouverture de livrets d’épargne populaire, auxquels 40 % des Français peuvent prétendre. C’est avantageux puisque le taux du livret A est actuellement de 0,5 % et celui du livret d’épargne populaire de 1 %. Un des freins est qu’il faut présenter un avis d’imposition à son banquier. Nous souhaitons faciliter la procédure en rendant directe la transmission du document, non seulement à l’ouverture du compte mais aussi les années suivantes pour les réactualisations.

Enfin, nous voulons améliorer la protection et la couverture des Français par les services publics, notamment en matière de santé, à la suite de la crise de la Covid-19. Très concrètement, le projet de loi permettra de faciliter l’utilisation du dossier médical partagé (DMP) et du dossier pharmaceutique pour assurer une meilleure prise en charge des patients. Le texte permettra en outre de supprimer la nécessité d’une autorisation préalable pour les sites de vente en ligne de médicaments des pharmaciens, afin de permettre un plus grand déploiement du système et un meilleur approvisionnement en médicaments, dans les communes sans pharmacie, par des officines de communes limitrophes.

Par ailleurs, le projet de loi vise à simplifier la vie de toutes les entreprises qui ont des projets de développement. Le Gouvernement souhaite simplifier les procédures afin d’accélérer les implantations et les extensions industrielles, sans modifier nos normes en matière d’urbanisme, d’archéologie ou d’environnement.

Lorsque nous avons travaillé sur le pacte productif, l’année dernière, avec M. le ministre Bruno Le Maire, nous avons confié à M. Guillaume Kasbarian une mission relative à l’accélération des procédures obligatoires préalables à une implantation industrielle. Le cahier des charges que nous avons fixé était de ne pas bouger une ligne des exigences du code de l’environnement et de se concentrer sur les processus administratifs, pour mieux les coordonner. Les articles correspondants du projet de loi s’appuient sur les conclusions de M. Guillaume Kasbarian qui a analysé des cas de projets ayant rencontré des difficultés d’installation et d’implantation liées à des raisons de nature administrative. Je saisis cette occasion de remercier et de féliciter le rapporteur pour ses travaux qui sont à l’origine du projet de loi.

Les délais des décisions d’autorisation sont deux fois plus longs en France qu’en Suède. Or on ne peut pas dire que le rapport à l’environnement soit moins exigeant dans ce pays. Concrètement, nous allons renforcer la sécurisation des porteurs de projets face aux changements réglementaires qui interviennent pendant l’instruction des dossiers. Il est évident qu’une nouvelle réglementation doit s’appliquer, mais de la même manière que si un opérateur dispose déjà d’un site. Il faudra se mettre en conformité – il n’y aura pas d’effet d’évitement – mais nous laisserons aux acteurs concernés la possibilité de s’organiser pour y parvenir. Quand une nouvelle réglementation entrera en vigueur, le dossier d’extension d’un site industriel en cours d’instruction ne devra pas redémarrer à zéro : il faudra se mettre en conformité dans les mêmes délais que pour une installation existante.

Nous souhaitons ensuite faciliter l’instruction des dossiers et adapter les procédures aux réalités du terrain en permettant aux préfets d’accélérer les délais au cas par cas. On pourra démarrer une partie des travaux lorsqu’il n’y a pas d’enjeux environnementaux.

Enfin, il s’agit d’anticiper et de faciliter les procédures pour accélérer le déploiement de la relance, notamment dans le domaine de la transition écologique. Nous proposons de déployer 30 milliards d’euros de crédits visant, essentiellement, à financer des investissements. De même, le projet de loi facilitera l’installation d’éoliennes en mer pour favoriser le développement des énergies renouvelables.

D’autres mesures visent également à simplifier la vie des entreprises et des Français. Je citerai des simplifications en matière d’intéressement, qui tendent à encourager un meilleur partage de la valeur. Ces mesures reposent sur l’expérience tirée de l’application de la loi PACTE qui a permis d’identifier des points de blocage. Il y aura également des simplifications pour la commande publique, par la pérennisation des mesures prises par ordonnances adoptées pendant la crise, et une pérennisation de celles concernant les entreprises en difficulté.

Simplifier pour rendre plus efficace, c’est une formule que l’on a l’habitude d’entendre ; au-delà du slogan, la simplification doit être une réalité. C’est la conviction du Gouvernement qui propose, avec ce projet de loi, une simplification administrative concrète, efficace, qui permettra aux administrations de se concentrer sur les vrais enjeux, parfois complexes – je pense, en particulier, à certaines autorisations environnementales –, pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens. Il s’agit de décider mieux, plus vite, plus simplement et plus clairement, afin de garantir un service public plus proche, plus à l’écoute et plus protecteur des intérêts de nos concitoyens. Par ailleurs, ces mesures contribueront à renforcer l’attractivité de nos territoires et de nos entreprises et, en conséquence, à créer des emplois au bénéfice de tous. Les temps exceptionnels que nous vivons ne font que renforcer la nécessité et l’urgence de cette réforme.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Grâce aux deux premiers titres du projet de loi, nous allons supprimer des commissions consultatives devenues inutiles et déconcentrer des décisions administratives individuelles. Je vous remercie, mes chers collègues, pour vos contributions.

Nous en arrivons à l’examen des titres III à V du projet de loi, pour lesquels la philosophie du texte reste la même. Ce projet de loi part du terrain, de ce que vivent les Français au quotidien, et vos amendements reprennent souvent cette méthodologie. Quand une commission ne fonctionne pas ou ne sert à rien, nous avons proposé sa suppression ou son regroupement avec une autre instance. Quand une démarche administrative du quotidien fait perdre du temps aux Français ou n’est pas efficace, nous la changeons. Quand nous constatons des blocages pour les relocalisations, les extensions ou les créations de sites industriels, nous les levons tout en préservant, comme l’a très bien dit Mme la ministre, les standards environnementaux dont nous sommes fiers et qui font de la France un des pays les plus en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour la protection de la biodiversité. Rien dans ce projet de loi ne viendra la menacer. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Le titre III me tient particulièrement à cœur puisque je suis, effectivement, à son origine. Dans le cadre des travaux menés pour la préparation du rapport que j’ai remis en septembre dernier au Premier ministre, les acteurs économiques m’ont fait part d’une série de difficultés qui tiennent notamment à une insécurité juridique, à la durée des délais et à la complexité des procédures environnementales. Le titre III propose une série de mesures pour répondre à cette situation et assurer une adaptation souple des procédures aux cas concrets. Je ne citerai que quelques exemples.

L’article 21 vise à éviter une application automatique de nouvelles règles du code de l’environnement à des projets d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) dont le dossier a déjà été déposé. La situation actuelle est génératrice d’une forte insécurité juridique tout au long de la procédure. Lorsque les règles changent, on doit repartir de zéro.

L’article 25 permettra au préfet d’adapter la procédure de consultation du public pour les projets soumis à une procédure d’autorisation mais ne nécessitant pas une évaluation environnementale. Le préfet aura le choix entre une enquête publique et une participation par voie électronique.

L’article 26 autorisera, sous conditions – il est important de le préciser –, l’exécution anticipée de travaux avant que l’instruction de l’autorisation environnementale soit finalisée.

Par ailleurs, le titre III aménage le code de l’énergie pour simplifier la gestion de nos industries. L’article 28 harmonise les conditions d’approvisionnement en électricité de sites de production regroupés au sein d’une plateforme industrielle. L’article 28 ter, introduit par nos collègues du Sénat, permettra de faire réaliser simultanément le raccordement au réseau électrique d’un site de production et la pose d’une ligne de télécommunications à haut débit en fibre optique. Cette mutualisation des travaux conduira à un gain de temps et à un moindre coût pour les producteurs, mais aussi à moins de désagréments pour le voisinage, ce que chacun pourra apprécier.

Les titres IV et V regroupent diverses mesures de simplification qui ont été considérablement complétées par le Sénat, il y a plusieurs mois.

Outre les mesures de toilettage des codes et de suppression de procédures qui ne sont plus utilisées, le titre IV a pour ambition de simplifier les démarches de nos concitoyens, souvent par la voie de la dématérialisation et toujours dans une logique de suppression de formulaires, de récépissés ou de demandes redondantes qui empoisonnent la vie des Français dans leurs démarches du quotidien. Il faut entrer dans le détail de notre droit pour déceler, point par point, les blocages et les lenteurs des procédures.

Certains articles adoptés par le Sénat, avec une bonne intention que je comprends tout à fait, tendent à améliorer l’information des maires, mais cela me paraît ajouter de la complexité dans le quotidien de leurs administrés. Nous en discuterons.

Le titre IV est, pour moi, l’occasion de mettre fin à des situations ubuesques, voire scandaleuses, qui portent parfois atteinte aux droits fondamentaux des Français. Je pense notamment à la procédure d’expulsion de personnes occupant de façon illicite des logements occupés ou temporairement inoccupés, tels que les résidences secondaires. L’évolution que je propose devrait faciliter la protection du droit de propriété en simplifiant et en accélérant l’application des dispositions existant déjà, afin de lutter efficacement contre les squats de logements. J’espère, chers collègues, que vous me soutiendrez dans cette initiative.

Au-delà, ce projet de loi prend en compte la complexité administrative à laquelle les entreprises font face. On entend souvent dire que c’est autant le niveau des prélèvements qui dissuade les entreprises de s’implanter en France que la complexité et les nombreux changements de la législation. Gardons en tête que la clarté et l’intelligibilité de la norme sont fondamentales si nous voulons inciter à entreprendre.

Cette loi permettra aussi d’améliorer la vie quotidienne des Français. L’article 34, par exemple, facilitera la vente en ligne de médicaments, plébiscitée par nos concitoyens, tout en garantissant l’existence d’un cadre qui permet vraiment d’éviter les dérives. Nous avons auditionné longuement l’Ordre des pharmaciens.

En clarifiant et en complétant les obligations des prêteurs et des assureurs, mais aussi en renforçant les sanctions qui leur seront applicables en cas de manquement, l’article 42 bis redonnera aux ménages engagés dans un crédit immobilier le plein exercice de leur droit à changer d’assurance emprunteur. C’est un puissant levier pour obtenir une diminution des tarifs d’assurance qui pèsent lourdement dans le coût des crédits. Je suis sûr que les Françaises et les Français y seront particulièrement sensibles.

L’article 43, lui aussi prometteur pour le pouvoir d’achat, tend à créer un nouveau dispositif d’intéressement dans les entreprises de moins de onze salariés qui n’ont pas de délégués syndicaux avec lesquels négocier un tel accord. Depuis son examen au Sénat, cette mesure a été introduite dans le code du travail par la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire. Je vous proposerai donc la suppression de l’article 43, dont je me félicite qu’il soit déjà présent dans notre droit.

M. Vincent Thiébaut. Avec les titres III à V, nous sommes au cœur d’une ambition qui nous anime depuis le début de notre mandat et que promeut le Président de la République : faciliter la vie de nos concitoyens et de nos entreprises.

Grâce au titre III, issu d’un brillant rapport de notre rapporteur M. Guillaume Kasbarian, nous allons faciliter les relocalisations et redynamiser nos territoires, notamment en simplifiant les procédures pour l’expansion et l’émergence de nouvelles industries, plus vertes et répondant aux ambitions de la transition énergétique, inscrite dans le plan de relance. Il n’aura échappé à personne que nous vivons une situation économique et sanitaire particulière. Ces dispositions sont très attendues, notamment pour notre souveraineté industrielle.

Raccourcir les délais n’implique pas d’amoindrir les exigences environnementales. On a trop tendance à croire, dans notre pays, que plus les études en la matière sont longues, plus on est exigeant, alors que ce n’est pas vrai du tout. On se retrouve parfois dans des situations complètement burlesques où des projets industriels partent chez nos voisins européens alors que ces derniers ont les mêmes exigences environnementales – voire des exigences supérieures dans certains cas –, tout simplement parce que nos délais sont trop longs et nos procédures trop complexes. Le titre III répond à une véritable attente au niveau économique.

Nous allons également simplifier des procédures afin d’améliorer la vie de nos concitoyens au quotidien en ce qui concerne le permis de conduire, l’accès à des médicaments ou la pratique du sport.

Grâce au titre V, nous mettrons fin à des aberrations liées à la sur‑transposition de directives européennes.

Enfin, l’accélération des procédures en cas d’inondation ou de coulées de boue me tient particulièrement à cœur. Il est assez fou de constater qu’il faut parfois huit ans, alors même que les problèmes sont récurrents, pour réaliser des travaux permettant de mettre en sécurité nos concitoyens et leurs biens.

S’agissant des squats, nous vous soutiendrons, monsieur le rapporteur.

M. Thibault Bazin. Je peux adhérer, avec mes collègues du groupe Les Républicains, à l’objectif de simplification des procédures à condition que cela ne masque pas, en réalité, une complexification, si les simplifications sont bienvenues, justes et efficientes et si elles respectent les personnes concernées. On peut être favorable à certaines dispositions des titres III à V, mais plusieurs mesures inquiètent nos concitoyens.

L’article 25 promeut une consultation complètement dématérialisée à la place d’une enquête publique. L’accès à internet n’est pas aisé pour tous, surtout dans les territoires enclavés, et cela ne doit pas être un frein à l’exercice de la démocratie. Surtout, la suppression de l’intervention d’un commissaire enquêteur peut être préjudiciable. Le dialogue avec le citoyen qui rencontre le commissaire enquêteur permet de faire de la pédagogie, de donner des explications sur le projet. On court donc un risque d’éloignement avec le public. Certes, le préfet pourra décider s’il y a besoin d’organiser une enquête publique, mais cette décision se basera sur des critères qui ne sont pas clarifiés par le texte. La fin ne doit pas justifier des moyens qui peuvent exclure des citoyens de cet espace de démocratie. Ceux d’entre nous qui ont déjà participé à des enquêtes publiques, qui ont questionné en tant que citoyens ou qui ont apporté des réponses en qualité d’élus, savent qu’un tel dialogue permet souvent d’améliorer les projets, de les rendre plus équilibrés. Je vous invite, monsieur le rapporteur, à amender en profondeur cet article.

Les dispositions relatives à l’Office national des forêts (ONF) et aux chambres d’agriculture inquiètent aussi. Nous aurons l’occasion d’en débattre. Enfin, nous défendrons des amendements attendus par les agriculteurs – je pense notamment à l’encadrement des promotions – ou par les pharmaciens.

M. Philippe Bolo. Nous connaissons tous des exemples de complexité, de lenteur ou de lourdeur administrative – ce sont les mots souvent utilisés par des Français confrontés à une administration qui leur rend la vie difficile. Les entreprises peuvent aussi se heurter à des difficultés liées aux procédures administratives. Les maires et les élus locaux nous adressent les mêmes témoignages. La simplification, très attendue, relève aussi de notre responsabilité en tant que législateurs : nos amendements introduisent parfois de la complexité.

S’agissant du titre IV et de la simplification par la dématérialisation, il ne faudrait surtout pas oublier l’existence de fractures numériques. Des TPE peuvent avoir des difficultés à accéder à des marchés publics faisant appel à une procédure dématérialisée, des citoyens peuvent se trouver dans l’incapacité d’accéder à des plateformes pour obtenir une pièce d’identité. La fracture numérique revêt deux réalités, celle des territoires sans la fibre et des zones blanches, et celle de l’illectronisme, qui fait que des générations ne sont pas connectées à internet. Ce qui apparaît comme une simplification aux urbains peut être vécu par d’autres comme source de complexité.

Le projet de loi ASAP est un rendez-vous important, souhaité par tous, mais nous n’aurons pas le temps de traiter l’ensemble des simplifications attendues par les Français. Le groupe Mouvement démocrate et apparentés propose donc un rendez-vous annuel de la simplification, un « printemps de la simplification », par exemple. Il faut obtenir des résultats immédiatement visibles dans la vie quotidienne des Français, des entreprises et des collectivités territoriales.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à certaines évolutions, notamment celles relatives à la simplification de la vie des entreprises dans leurs démarches administratives ou le montage de leurs projets. En revanche, nous ne pouvons pas souscrire à une série de mesures qui, sous couvert de simplification, allègent les obligations et les réglementations en matière environnementale.

Deux exemples nous heurtent particulièrement. Tout d’abord, les préfets pourraient autoriser le commencement de certains travaux avant la fin des évaluations environnementales, dans certaines conditions. Que ces travaux soient réalisés aux frais et risques des porteurs de projets ne changera rien à l’irréversibilité des atteintes environnementales que pourrait permettre une telle dérogation. À cela s’ajoute le saucissonnage des études environnementales permis par l’article 23, qui pose un principe d’évaluation opération par opération. Outre que cet article est contraire au droit de l’Union européenne, chacun conçoit bien qu’on ne peut véritablement mesurer l’impact environnemental d’un projet ou d’un site qu’en intégrant l’ensemble des impacts et des externalités. Nous vous proposerons de supprimer cet article dangereux.

En l’état, les dispositions du titre III relatives aux questions environnementales entraîneront mon groupe à voter contre ce projet de loi.

Pour ce qui est des titres IV et V, nous appelons l’attention sur deux dispositions.

Au sujet de l’ONF, nous ne sommes pas opposés à ce qu’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) emploie des agents de droit privé pour des missions qui ne présentent pas de spécificité en matière de service public. En revanche, les missions de police doivent rester dans les compétences des agents publics, en particulier s’agissant des délits.

L’article 38 prévoit la dématérialisation des récépissés des demandes de titres de séjour, qui concernent le plus souvent des personnes vulnérables, sans accès au numérique, maîtrisant mal la langue française. La dématérialisation revient, de fait, à créer une barrière à l’accès au séjour régulier. Pour nous, cet article est l’exemple type de la mauvaise mesure de simplification et de dématérialisation. Nous vous invitons vivement à accepter les amendements de suppression.

Enfin, si vous souhaitez faciliter et améliorer la vie des Français dans leurs rapports avec la puissance publique, nous vous demandons de soutenir l’amendement de notre groupe qui vise à créer un récépissé de demande d’acte notarié, afin de garantir l’effectivité du respect par les notaires de leur obligation d’instrumenter. C’est un corollaire indispensable de la situation de monopole dans laquelle se trouvent ces officiers publics et ministériels. Notre amendement s’inscrit dans l’esprit de la loi dite « Macron » : après la régulation économique, il faut une régulation déontologique.

Mme Agnès Thill. Nous abordons les derniers titres de ce projet de loi composé d’une accumulation de microréformes dans des domaines très hétéroclites, de la suppression de commissions administratives à la vente de médicaments en ligne, ce qui en fait, et on peut le regretter, un texte fourre-tout.

Même s’il répond à certaines attentes des Français et des collectivités locales, ce projet de loi laisse de côté certains sujets, comme la numérisation et l’informatisation des démarches administratives qui complexifient souvent la vie de nos concitoyens au lieu de la simplifier. Les trop nombreuses zones géographiques mal desservies par les réseaux internet se trouvent en grande difficulté, et on nous parle de la 5G…

Toutefois, ce projet de loi comporte un grand nombre de mesures pouvant simplifier la vie des entreprises, notamment dans leurs relations avec l’administration. Le groupe UDI et Indépendants tient à saluer cette volonté. En ces temps de crise, tout soutien au monde économique est à encourager.

Nous souhaitons également souligner l’important travail du Sénat qui a enrichi le projet de loi en complétant de nombreuses mesures prévues par le Gouvernement. Je n’en citerai que quelques-unes que nous espérons voir maintenues lors de l’examen du texte par notre assemblée.

L’article 25 bis renforce le droit d’information des maires s’agissant des avant-projets d’installation d’éoliennes. Si nous sommes pour une transition énergétique d’ampleur, nous pensons qu’elle doit se faire dans la concertation avec les élus locaux et les riverains ; sinon, les projets ne feront que renforcer la défiance des populations. C’est une question qui se pose d’une manière particulièrement vive dans l’Oise et dans le Grand Est.

L’article 34 bis A, adopté à la suite d’un amendement de la sénatrice Mme Nathalie Goulet, vise à faire coïncider les droits du titulaire de la carte Vitale avec la durée de vie de celle-ci. Ce sera une première mesure pour lutter plus efficacement contre la fraude sociale qui est le plus souvent une fraude documentaire – je pense au travail remarquable de notre collègue M. Pascal Brindeau. Ce sujet important mérite de nombreuses évolutions législatives et administratives.

L’article 44 bis B prévoit d’expérimenter pendant trois ans une clause de révision des prix pour les contrats agricoles. Ce sera une étape essentielle pour assurer un revenu décent à nos agriculteurs, dans le prolongement des propositions de la commission d’enquête sur les pratiques de la grande distribution présidée par M. Thierry Benoit.

Des interrogations persistent sur certaines dispositions, telles que l’article 33, qui prévoit le remplacement de fonctionnaires assermentés de l’ONF par des salariés de droit privé. Or l’instance rencontre des problèmes de gouvernance interne, marqués par une réduction du personnel et du budget, dans un contexte où les enjeux écologiques sont de plus en plus prégnants. Les forêts et l’avenir de cet établissement public méritent mieux qu’un débat tronqué, au détour d’un article d’une loi de simplification administrative.

Nous abordons la suite des débats avec une attitude constructive, mais plusieurs dispositions, dont nous reparlerons, nous interrogent.

M. Ugo Bernalicis. C’est assez extraordinaire : ce n’est pas à des amendements constituant des cavaliers que nous sommes confrontés, mais à un projet de loi qui est, en soi, un cavalier ! Jamais je n’ai vu un texte de simplification aussi complexe, partant dans tous les sens. On n’y comprend rien, puisqu’il va de la détention provisoire aux avis rendus en matière environnementale en passant par la comparution par visio-audience des personnes détenues, sans parler des amendements introduits en cours de discussion par le Gouvernement. Si vous vouliez simplifier les choses, c’est, ne serait-ce que sur la forme, déjà raté.

J’ai été atterré par ce qui s’est passé hier : vous avez supprimé la Commission de suivi de la détention provisoire et l’Observatoire de la récidive et de la désistance, au motif qu’il existe un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. D’abord, cela ne fait pas partie de ses missions. Ensuite, le Gouvernement serait bien avisé de nommer un nouveau Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont la mission très importante ne fait visiblement pas partie des priorités.

Vous voulez supprimer, par ailleurs, l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice en disant que vous donnerez les statistiques de la délinquance tous les mois, alors que cet institut abrite l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. On marche sur la tête. Vous osez appeler cela de la simplification ?

Dans le contexte de la Covid-19, vous demandez par amendement la comparution par visio-audience des personnes détenues, sans que leur consentement soit requis. J’espère, mais j’en doute, que le garde des Sceaux a vu passer cet amendement et que ce n’est pas la machinerie de la simplification administrative qui s’est mise en route toute seule.

Vous voulez également simplifier les avis relatifs aux installations classées pour  la protection de l’environnement (ICPE) alors que nous sortons d’une catastrophe – à Lubrizol – dans laquelle l’État a une part de responsabilité : si les démarches sont très longues, c’est que les fonctionnaires manquent dans les services qui suivent la prévention des risques, les dossiers concernant les ICPE et les usines Seveso « seuil haut » et « seuil bas » – j’en sais quelque chose du fait d’une expérience professionnelle passée. Ce sont des services sous-dotés dont les budgets diminuent chaque année.

Enfin, vous vous permettez une réforme de l’ONF dans une loi de simplification. C’est juste énorme ! Un débat d’une demi-heure ou de trois quarts d’heure, au maximum, débouchera sur une modification radicale de la nature de l’ONF et du statut de ses agents. Ce n’est ni fait ni à faire !

Il ne s’agit pas d’un texte de simplification mais d’une nouvelle offensive pour détricoter la puissance de l’État, la capacité d’action publique, au nom d’un dogme libéral classique qui consiste à réduire les coûts et à faire des économies de bouts de chandelles. C’est lamentable.

Mme Frédérique Tuffnell. J’évoquerai pour ma part la simplification et l’accélération des procédures administratives préalables à la mise en activité des installations classées – les ICPE.

Ce régime administratif a été créé car de telles installations suscitent, par nature, des risques ou des inconvénients en matière de santé, de sécurité et d’environnement. Il n’est pas question de carrés de tomates dans un jardin mais de carrières, de stations d’épuration, de sites de stockage de déchets, d’usines d’enrobés, de stations-service ou encore de raffineries de sucre. Il ne s’agit pas, en appliquant ce régime, de faire perdre du temps aux industriels, mais de préserver des intérêts supérieurs constitutionnellement garantis – la santé, la sécurité, un environnement sain.

En dépit de ces considérations, nous faisons face à une volonté simplificatrice qui se matérialiserait, si nous venions à voter le titre III, par l’exécution de certains travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale, par une consultation facultative du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) préalablement à certains actes administratifs ou encore par une réduction du champ d’application des enquêtes publiques.

Pour le groupe Écologie, Démocratie, Solidarité, ce texte consacre une politique du fait accompli, menée au mépris des grands principes du droit de l’environnement, tels que celui de non-régression qui a été rappelé par de nombreux juristes avec qui nous avons travaillé, ou encore le droit à l’information du public, prévu par l’article 7 de la Charte de l’environnement et par la convention d’Aarhus.

Bien loin de sécuriser les porteurs de projets, les évolutions législatives que vous proposez risquent de cristalliser encore plus les tensions qui peuvent exister entre les industriels et une population préoccupée par son droit à un environnement sain, préoccupation d’autant plus légitime après la catastrophe de Lubrizol et les longs mois du confinement.

Afin de prévenir une importante régression sur le plan du droit et de la démocratie environnementale, mon groupe défendra de nombreux amendements de suppression. Ce texte n’était pas politiquement opportun avant la crise de la Covid-19, il l’est encore moins aujourd’hui.

Mme Laure de La Raudière. Les lois de simplification ne sont pas nouvelles : vous rappelez l’engagement du Gouvernement, madame la ministre, mais il ne faut pas oublier le choc de simplification voulu par le gouvernement précédent. Pourtant, nos concitoyens n’ont pas l’impression que cela produise les effets attendus.

Loin de moi l’idée de dire que rien n’est fait, mais tout en apportant des simplifications, on crée toujours plus de normes. Ces changements incessants sont complexes pour les Français, et nous, parlementaires, au même titre que le Gouvernement, ne sommes pas sûrs de simplifier vraiment. Il serait temps d’adopter un pilotage de la simplification, comme l’ont fait depuis des années le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas, avec de bons résultats.

Le groupe Agir ensemble est sensible à ce sujet. Pour assigner des objectifs concrets à la simplification, il convient de mesurer l’évolution de la charge administrative et de fixer des objectifs de réduction à chaque ministère. Inspirons-nous des bonnes pratiques de nos voisins européens.

Le titre III est très directement inspiré par le travail de M. Guillaume Kasbarian, qui rejoint de nombreux rapports précédemment réalisés sur la simplification industrielle. Enfin ! La simplification administrative répond à une attente des entreprises, elle est un gain de compétitivité pour notre pays. Vous pouvez compter sur nos voix pour poursuivre en ce sens.

Nous soutenons également les dispositifs du titre V qui visent à supprimer des surtranspositions de directives européennes en droit français. Ce phénomène qui consiste à aller plus loin que ce qui est demandé est une source de complexification. Cet excès de zèle peut peser sur la compétitivité des entreprises et l’inflation législative et réglementaire alimente la charge mentale, tant des élus que des entreprises et des citoyens.

Le groupe Agir ensemble soutiendra ce texte, même si nous aurons à cœur de proposer des amendements que nous considérons comme des améliorations.

M. Gabriel Serville. Sous couvert de simplification, les titres III à V reviennent sur des garde-fous pensés par le législateur pour garantir un juste équilibre entre intérêts économiques, aménagement du territoire et intérêts environnementaux et de santé publique.

Les trois premiers articles du titre III créent des droits acquis pour les entreprises. Si l’on peut certes partager l’objectif d’accélérer l’installation des projets industriels, cela ne peut justifier que l’on ferme les yeux sur certains nouveaux impacts écologiques, ni que l’on considère artificiellement comme existantes des installations classées en cours d’instruction ou encore que l’on aménage les mesures d’archéologie préventive ! Ces mesures, que vous considérez comme une simplification de l’évaluation environnementale, ne constituent ni plus ni moins qu’en un retour en arrière. Outre que l’on voit mal en quoi ces modifications pourraient motiver un regain d’activité industrielle, elles envoient un très mauvais signal aux entreprises. Les citoyens attendent de nous tout le contraire : selon une étude récente, 56 % des Français déclarent préférer « un pays qui va faire le choix d’un autre modèle de développement avec comme objectif la préservation des ressources naturelles ». Il ne s’agit pas de s’opposer à l’industrie, moteur de notre économie – d’ailleurs, nous refusons cette dichotomie –, mais ce projet aurait dû être l’occasion de proposer des outils simples qui, sans alourdir les procédures, permettent de mieux concilier les différents intérêts.

Nous devons poser les bases d’un nouveau modèle de développement et non perpétuer un système ancré dans le passé. C’est le sens des amendements que nous proposons, en particulier sur l’évaluation environnementale et la prise en compte du public dans les procédures d’autorisation de projets industriels. Du sort qui leur sera réservé dépend le soutien du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Damien Adam. Ce texte nous offre une formidable opportunité de faciliter la vie de nos concitoyens dans de nombreux domaines. Je ne doute pas que nous aurons des débats nourris sur l’inscription au permis de conduire, la résiliation de l’assurance emprunteur ou encore le certificat médical pour la pratique sportive.

D’autres questions ne sont pas abordées. Alors que nous passons notre vie de consommateurs à nous abonner et à nous désabonner à des services, il est plus difficile de résilier un abonnement que d’y souscrire, notamment lorsqu’il s’agit de téléphonie mobile ou de box Internet. Madame la ministre, seriez-vous favorable à des mesures qui obligeraient les entreprises à simplifier les démarches ? Il devrait être possible de se désabonner directement en ligne sans avoir besoin d’envoyer un courrier avec accusé de réception !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Deux principes me semblent importants.

Premièrement, si le projet de loi couvre des sujets variés, c’est que la simplification attendue par les Français concerne différents domaines et que leur quotidien est riche de contacts avec diverses administrations. Nous répondons donc à la question qui est posée et non à celle qui nous arrangerait. C’est nous qui sommes au service des Français, monsieur Bernalicis, ce ne sont pas les Français qui doivent s’adapter aux lois et aux procédures administratives.

Le deuxième point concerne la méthode et l’esprit dans lequel nous abordons les sujets, notamment la question environnementale et l’archéologie préventive. Le rapport de mission du député M. Kasbarian a été présenté au groupe de travail sur le volet industriel du Pacte productif, dont fait partie France nature environnement. Les associations environnementales avec lesquelles nous avons travaillé ont bien compris que ce n’était pas une régression du code de l’environnement.

Il faut savoir regarder la réalité telle qu’elle est : ce n’est pas parce que nous écrivons des choses qui semblent nous protéger qu’elles nous protègent réellement des difficultés environnementales. Pour avoir présenté dans une autre vie des dossiers à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), je peux vous dire que les questions qui m’étaient posées n’avaient pas grand-chose à voir avec l’environnement. L’entreprise pour laquelle je travaillais était plutôt mieux-disante au plan environnemental – elle avait, la première, créé des observatoires de la faune et de la flore dans un certain nombre de régions pour soutenir les dossiers d’autorisation – mais les problèmes étaient essentiellement de nature administrative – on nous parlait de dossiers mal arrivés, de photocopies non faites, de surcharge des services, etc.

Nous sommes partis des obstacles administratifs, sans toucher à une seule virgule du droit de l’environnement. Je ne peux vous laisser affirmer le contraire, même si je vois bien le potentiel politique qui vous amène à soutenir une telle position. De même, le projet de loi ne s’oppose pas aux directives européennes et le Conseil d’État, qui n’est pas avare de recommandations, a bien évidemment examiné ces dispositions.

S’agissant de la méthode, je retiens l’idée de la récurrence de l’exercice et la proposition du MODEM d’un « printemps de la simplification ». Je ne saurais me prononcer dans la mesure où cela relève de l’organisation du Parlement, mais sachez que je participerai volontiers à ce type d’exercice, utile au niveau législatif, mais aussi au niveau réglementaire puisque les députés peuvent faire remonter les dysfonctionnements de l’administration. L’écoute de nos administrés est essentielle.

En ce qui concerne le dossier de Lubrizol, il ne faut pas tout mélanger et je me permettrai de me référer au rapport de M. Damien Adam sur le sujet. Nous avons tenu compte de ce qu’il s’est passé : l’amendement n° 674 du rapporteur clarifie le principe de pollueur-payeur ; l’amendement n° 538 de M. Damien Adam permet de rendre publics les dossiers des CODERST. Il faudra par ailleurs légiférer afin de créer un bureau d’enquête accidents industriels. Une proposition de loi est en cours de rédaction.

Monsieur Adam, le sujet que vous soulevez fort légitimement entre dans le cadre des simplifications, mais je dois avant tout mesurer l’impact de votre proposition. Il me semble que les formalités de certains abonnements et désabonnements sont déjà alignées.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Merci, chers collègues, pour vos propos.

Cela n’aurait aucun intérêt que je rouvre la discussion que nous avons eue hier ni que je prenne part au débat auquel nous invite M. Bernalicis sur les dogmes libéral et marxiste.

Le même a affirmé n’avoir jamais vu un texte de simplification aussi complexe. Certes, nous aurions pu nous en tenir à de grands principes comme : « la création d’industries doit être simple » ; « les médicaments doivent être vendus de façon dématérialisée » ; « l’inscription aux activités sportives ou au permis de conduire doit être simplifiée ». Mais la réalité est qu’il faut mettre les mains dans le cambouis, s’intéresser à ce que vivent les créateurs d’entreprises. J’ai interrogé des dizaines et des dizaines d’industriels, je les ai suivis sur le terrain et j’ai résumé étape par étape dans un document le « parcours du combattant de l’industriel pour créer son industrie ». Voyez, entre l’idée initiale et la première pierre, ce sont vraiment Les Douze Travaux d’Astérix !

Première étape : je choisis un territoire en fonction de mes implantations précédentes, des ressources, des transports, de sa culture industrielle ; je réactive et cherche des contacts locaux ; je visite des terrains et en choisis un ; je me renseigne sur les subventions et construis un plan d’investissement ; j’arbitre entre les promesses d’achat et de location ; je choisis un opérateur pour réaliser les travaux.

Deuxième étape, je monte mon dossier de projet : je fais le point sur les démarches administratives à suivre et je décide de me faire éventuellement accompagner parce que c’est très complexe ; je fais réaliser une étude par un cabinet privé à l’expertise technique et administrative reconnue ; j’élabore un pré-projet avec un cabinet d’architectes ; je demande à rencontrer la DREAL pour présenter mon projet ; je reçois l’avis de la DREAL quant à la complexité de mon projet, avec éventuellement des modifications substantielles, la préparation d’une enquête publique, etc.

Troisième étape : je dépose mes demandes. Si vous prenez le temps de lire le détail des démarches pour une demande de permis de construire, une évaluation environnementale et un diagnostic archéologique, vous verrez que les délais ne sont pas maîtrisés, que les projets ne sont pas sécurisés, bref que le processus est très compliqué.

Quatrième étape, je réponds aux demandes au fur et à mesure de l’examen de mes dossiers : je reçois des demandes de pièces supplémentaires, d’information complémentaire, de corrections ; je m’adapte aux nouvelles normes puisque, entre le moment où j’ai déposé mon dossier et le moment où on l’étudie, le législateur a modifié la loi et de nouvelles normes et nouveaux décrets ont été pris ; je contacte les différents acteurs et multiplie les échanges avec eux pour compléter au mieux mes dossiers ; je fais réaliser de nouvelles études d’impact si nécessaire ; j’essaie d’obtenir l’accord de chaque partie prenante.

Cinquième étape, je prépare la consultation du public : je fais valider chaque point de mon dossier avec la DREAL pour limiter les recours ; je démarre ma communication par la visite des maires alentour ; j’explicite mon projet – prise de parole, création d’un site web dédié, réunion avec des journalistes – ; je rends disponible mon dossier, consultable en mairie et sur internet.

Sixième étape, je suis le déroulé de la consultation ou de l’enquête publique : le public renseigne ses observations dans le registre – papier ou numérique – et je réponds à chacune des questions ; je fais un point régulier avec le commissaire enquêteur ; je reçois le rapport du commissaire enquêteur ; j’échange avec la DREAL et le maire et aménage éventuellement mon projet en fonction des réclamations du public.

Septième étape, j’attends d’avoir l’ensemble des autorisations : je reçois mon permis de construire et attends qu’il soit purgé d’un recours de tiers ou d’un retrait administratif ; j’attends le retour de consultations facultatives – CODERST, commission départementale de la nature, des sites et des paysages (CDNPS) – ; si des fouilles doivent être opérées sur mon terrain, j’attends l’appel d’offres, le choix de l’opérateur et leur réalisation ; une fois les fouilles réalisées, je reçois une lettre d’autorisation pour entreprendre les travaux. On a demandé à certains de faire des fouilles, mais sans leur donner l’autorisation de défricher, chaque administration se renvoyant la balle. Je vous passe les détails, c’est une cocotte-minute.

Huitième étape, l’autorisation délivrée fait l’objet d’un recours : je reçois un recours contre mon permis de construire ou mon autorisation environnementale ; je remplis mes obligations et me conforme aux prescriptions complémentaires éventuelles.

Après de longs mois, voire de longues années, je peux enfin poser la première pierre de mon chantier ! Il faudra encore du temps, et des difficultés, pour que l’usine ne sorte entièrement de terre.

J’ai donc repris chaque procédure, examinant la façon dont on pouvait la simplifier, la raccourcir. Le Gouvernement a fait ensuite un certain nombre de recommandations. Mme la ministre a lancé le plan « 78 sites clés en main » qui constitue une valeur ajoutée fondamentale pour les industriels. S’ils choisissent un terrain qui a été purgé des études préalables relatives à la biodiversité et à l’environnement – pas de crapauds ni de chauves-souris, pas de zone humide, pas de site gallo-romain – ils ont trois mois « top chrono » pour poser la première pierre. Je peux vous assurer que ce système a une énorme valeur ajoutée pour les industriels.

Oui, faire simple est compliqué lorsque l’on part d’une procédure kafkaïenne qui empêche la création d’usines et l’extension de sites industriels. On ne peut pas faire de grands discours sur la relocalisation, la souveraineté industrielle, la croissance verte, l’industrie en général et la maîtrise de nos technologies avec des procédures administratives que beaucoup seraient incapables de mener à terme. C’est là qu’il faut mettre les discours en cohérence avec les actes : nous devons en finir avec des procédures qui nous classent parmi les pires pays d’Europe en matière de fardeau administratif. On ne peut pas inviter des industriels à investir en France sachant qu’il leur faudra trois ou quatre ans pour voir naître leur projet.

Oui, c’est compliqué, cela va chahuter, on nous accusera de casser le code de l’environnement, mais comme l’a dit Mme la ministre, nous ne toucherons pas à une ligne des exigences légales. S’il y a une chauve-souris, une grenouille, un scarabée ou toute autre espèce protégée sur le terrain, les autorisations ne seront pas données, si le projet recouvre les restes d’une villa gallo-romaine, il est évident qu’il faudra creuser, fouiller et répertorier. Ce que nous voulons, c’est aller plus vite, que les délais soient encadrés, que des ajustements locaux soient possibles. Notre seul objectif est, je crois, partagé : restaurer la grandeur industrielle de la France, recréer des emplois industriels dans une période où l’on en a bien besoin ! (Applaudissements.)

M. le président Bruno Duvergé. Je retiens de cette discussion liminaire qu’un rendez-vous annuel est nécessaire. Avec ce projet de loi et les précédents, nous traitons le stock, mais je ne suis pas certain que nous parviendrons à résoudre toute la complexité qui existe en magasin. De plus, au fur et à mesure que nous légiférons, nous adoptons de nouvelles réglementations qui rajoutent à la complexité. C’est une bonne idée que de revenir chaque année sur la simplification. Je retiens également de la brillante démonstration du rapporteur que nous avons besoin de méthode, d’un savoir-faire quant à l’analyse des procédures auxquelles sont confrontés les citoyens et les entreprises. C’est en réitérant chaque année l’exercice que nous pourrons avancer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Comme vous le savez, il existe un classement mondial en matière de complexité administrative. Nous sommes passés de la 122e à la 105e position, mais le chemin est encore long ! Lorsque mes équipes expliquent que le classement est mal construit, je réponds que si l’on a passé le centième rang, c’est qu’il y a certainement une part de vérité.

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION
DES PROCÉDURES APPLICABLES AUX ENTREPRISES

Chapitre Ier
Dispositions relatives aux procédures environnementales et à la participation du public

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission adopte l’amendement rédactionnel n° 654 du rapporteur modifiant l’intitulé du chapitre Ier du titre III du projet de loi.

Article 21 (articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 du code de l’environnement) : Modalités d’application des nouvelles prescriptions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement aux projets en cours

La commission examine les amendements de suppression n° 185 de M. Gabriel Serville et n° 229 de Mme Frédérique Tuffnell.

M. Gabriel Serville. Je veux tout d’abord remercier le rapporteur d’avoir distribué ce document qui montre son souci de faire de la pédagogie. Mais, sous couvert de simplification et d’accélération des procédures environnementales, l’article 21 vise tout simplement à faciliter les implantations industrielles. Cela nous met très mal à l’aise puisqu’il prend le contre-pied de tous les combats que nous avons menés sous la XIVe législature pour renforcer le droit de l’environnement. Contrairement à ce qu’explique M. le rapporteur, cet article comporte les germes de véritables atteintes au code de l’environnement. Je pense notamment à l’implantation de projets ICPE qui seraient en cours d’instruction et qui pourraient tout simplement bénéficier du principe de droits acquis, alors qu’ils n’auraient pas encore reçu d’autorisations régulières. Je vous laisse imaginer les conséquences si l’on avait appliqué ce principe au projet Montagne d’Or, en Guyane – que le Président de la République a choisi finalement d’écarter car il ne remplissait pas toutes les garanties, notamment en matière de protection de l’environnement.

La sensibilité environnementale des députés du groupe GDR est telle qu’ils demandent la suppression de l’article 21 : considérer des projets en cours d’instruction comme des installations déjà existantes pose problème car cela ne laisse pas le temps d’apporter les réponses nécessaires.

Mme Frédérique Tuffnell. Cet article concerne les ICPE soumises à autorisation et à enregistrement et contient deux dispositifs distincts : il propose de traiter les installations en cours d’instruction de la même façon que les installations qui ont déjà leur autorisation ; il intègre ensuite, dans le code de l’environnement, le principe de non-rétroactivité des nouvelles prescriptions affectant le gros œuvre.

Prenons le cas d’une station-service soumise à autorisation au titre du régime des ICPE, pour laquelle un arrêté de prescription générique vient imposer que les pompes soient espacées de deux mètres. Pour appliquer ces nouvelles règles, elle bénéficie d’un délai de mise en conformité. Mais la totalité de ses études, portées au dossier, ont prévu un espacement d’un mètre entre les pompes. Si la demande d’autorisation complète a été déposée, le projet de loi permet d’échapper à la nouvelle règle de deux mètres.

En droit positif, il est nécessaire de se conformer à la nouvelle règle édictée dans un souci environnemental, tandis que l’article 21 consacre un droit acquis au moment du dépôt du dossier, ce qui est contraire au principe fondamental de légalité qui impose qu’une décision soit appréciée à la date de la signature de la décision d’autorisation. Nous demandons la suppression de l’article 21 car il est dangereux pour la sécurité des installations et revient sur des prescriptions initiales.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’objectif de l’article est de protéger les industriels face aux aléas de la réglementation. J’ai montré qu’un industriel qui a fait réaliser les études environnementales et déposé son dossier à la DREAL et à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) peut se voir demander des années après de repartir de zéro parce que la réglementation a changé et que l’administration s’est montrée incapable de lui donner le feu vert en quelques mois. Un industriel qui se conforme de bonne foi aux normes et aux règles ne doit pas être constamment soumis à des aléas qui l’empêchent de sortir de la procédure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je veux revenir sur l’exemple de la station-service, même si, en l’occurrence, elle n’est pas soumise à autorisation. L’autorisation sera instruite sur le dossier tel qu’il aura été déposé, en l’état du droit, mais l’installation en devenir devra se trouver en conformité avec la nouvelle loi, dans les délais prévus.

Mme Frédérique Tuffnell. Non !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est ce que prévoit le texte. Comme vous l’avez dit, il ne peut pas y avoir des installations qui respectent un droit A et d’autres un droit B. Ce serait contraire à un certain nombre de principes fondamentaux. Ce que nous proposons, c’est de geler le dossier, qui poursuit sa trajectoire, non de recommencer l’instruction du dossier. Par ailleurs, il reviendra au porteur de projet de se mettre en conformité avec le droit.

Mme Frédérique Tuffnell. Tel qu’il est rédigé, je crains que l’article 21 ne crée des contentieux supplémentaires. Nous avons travaillé avec des juristes pour tenter de comprendre comment ce dispositif fonctionnerait pour des ICPE soumises à autorisation et à enregistrement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je précise que ce texte est passé en Conseil d’État et que nous avons travaillé main dans la main avec les équipes du ministère de la transition écologique. Ce sont elles qui ont rédigé ces textes.

Mais il faut clarifier le point que vous soulevez et s’il faut écrire dans une circulaire qu’il n’y a pas d’ambiguïté, nous le ferons. Je m’engage à ce qu’il n’y en ait aucune : l’entreprise devra se conformer aux réglementations qui pourraient survenir avant que le projet ne soit bouclé.

La commission rejette les amendements identiques n° 185 et n° 229.

Elle en vient à l’amendement n° 230 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. La procédure d’autorisation concerne les ICPE qui présentent les risques ou les nuisances les plus significatifs en matière de santé, de sécurité ou d’environnement. Pour en tenir compte, cet amendement de repli les écarte du champ d’application de l’article 21.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne pense pas qu’il faille écarter les ICPE pour les raisons qui viennent d’être évoquées. Défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie les amendements identiques n° 668 du rapporteur et n° 554 de Mme Monica Michel.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les projets en cours d’autorisation doivent pouvoir bénéficier des délais impartis aux installations existantes pour se conformer aux nouvelles prescriptions en matière d’ICPE. Cet amendement supprime un ajout du Sénat qui vide la mesure de sa portée.

Mme Monica Michel. En effet, les dispositions adoptées au Sénat risquent de restreindre la portée de l’article. À l’heure où un choc de simplification doit accompagner le plan France relance, il serait dommage de priver d’effets une disposition qui vise à alléger les procédures pour stimuler les relocalisations et les créations d’emploi.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cette question a été examinée avec le Conseil d’État pour savoir sur quels motifs d’exception se fonde le droit de l’environnement. En règle générale, il s’agit des notions de sécurité, de santé et de salubrité publiques. La rédaction issue du Sénat était redondante et surtout, ouvrait grand la porte au contentieux. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’article 21 ainsi modifié.

Après l’article 21

La commission examine l’amendement n° 398 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière.  Actuellement, une simple déclaration de travaux est nécessaire pour le remplacement intégral d’une éolienne. Comme les modèles économiques ont été calculés sur la durée de vie d’une éolienne, qui est de vingt ans en intégrant le démantèlement, le porteur de projet n’est pas obligé de déposer une nouvelle autorisation et de tenir compte des avis locaux. Or il peut se trouver que les municipalités ne soient plus d’accord avec ces projets. Il conviendrait donc que le remplacement intégral soit soumis à la délivrance d’une nouvelle autorisation.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je connais votre engagement sur le sujet. L’article L. 181-14 du code de l’environnement requiert de demander une nouvelle autorisation uniquement lorsque l’installation fait l’objet d’une modification substantielle. Votre souhait que toute modification, substantielle ou non, soit soumise à autorisation va à l’encontre de l’esprit du projet de loi, qui est de simplifier les démarches et de raccourcir les délais.

Il ne s’agit pas pour moi d’ouvrir le débat sur l’éolien, mais d’éviter toute nouvelle contrainte.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Si la modification est substantielle, une autorisation est nécessaire, si elle ne l’est pas, elle n’est pas soumise à autorisation. Il semble que le droit soit simple, clair et adapté à la situation.

Mme Laure de La Raudière. Réhausser de 30 ou 40 mètres une éolienne n’est pas considéré comme une modification substantielle. Par ailleurs, les documents d’urbanisme peuvent évoluer, avec la mise en place, par exemple, d’une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP). En l’état du droit, ces évolutions ne pourraient pas concerner les parcs existants en cas de renouvellement – c’est le cas en Eure-et-Loir.

Je vais retirer cet amendement, car il ne correspond pas à une simplification. Mais le suivant concerne un cas très précis pour lequel il convient vraiment de faire quelque chose.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement n° 396 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Il s’agit de prévoir que l’autorité administrative compétente peut interdire le renouvellement complet d’une éolienne lorsque les documents d’urbanisme, adoptés après l’installation de la première éolienne, l’interdisent.

L’État s’apprête à prendre en Eure-et-Loir une directive paysagère protégeant les cônes de vue de la cathédrale de Chartres. Quatre parcs éoliens s’y trouvent actuellement. Nous n’aurons aucun moyen de faire respecter cette directive si les promoteurs éoliens veulent renouveler complètement les éoliennes. Une telle situation pourrait se reproduire ailleurs, comme dans la belle cité de Carcassonne, si une AVAP était mise en place. L’autorité administrative compétente doit pouvoir interdire le renouvellement des éoliennes dans les territoires protégés par des documents d’urbanisme.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Madame, vous me prenez par les sentiments car je suis moi aussi très attaché à la protection de la cathédrale de Chartres, à ses cônes de vue et à la directive paysagère, lancée par l’ancienne préfète, Mme Sophie Brocas, en lien avec les élus locaux. Je serai à vos côtés pour les défendre.

Néanmoins, j’ai le sentiment que l’amendement est déjà satisfait, car le préfet peut déclarer qu’il s’agit d’une modification substantielle.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. En effet, le préfet peut considérer que la modification apportée est substantielle, selon la situation – ce que l’on appelle l’intelligence du terrain. Une modification substantielle est soumise à autorisation, qui doit respecter les règlements d’urbanisme au moment où elle est délivrée. Dans le cadre d’une modification non pas substantielle mais « notable », le préfet peut renforcer les prescriptions applicables pour prévenir les dangers et inconvénients, ce qui aura pour effet de les rapprocher des règles d’urbanisme en vigueur.

Mme Laure de La Raudière. Mon interprétation juridique ne rejoint pas du tout la vôtre et les services de l’État, auxquels j’ai soumis cet amendement, me confirment qu’il n’est pas satisfait. Les éoliennes qui se trouvent dans les cônes de vue de la cathédrale de Chartres, de Carcassonne ou d’autres lieux pourront être renouvelées à la fin de leur vie, si aucune modification considérée comme substantielle ne leur est apportée.

Quand bien même l’amendement vous semble satisfait, la commission pourrait tout de même l’adopter : il s’agit simplement de laisser la possibilité à l’autorité administrative compétente d’imposer des prescriptions complémentaires ou de décider l’interdiction de ces modifications lorsque les documents d’urbanisme en vigueur n’autorisent plus l’implantation de telles installations.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les administrations nous confirment que l’amendement est satisfait. Je vous propose cependant d’examiner ce point d’ici à la séance publique pour m’en assurer. Dans le cas contraire, nous reviendrions sur le sujet.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous examinerons aussi si nous pouvons établir une rédaction satisfaisante d’ici à la séance.

Mme Laure de La Raudière. Il ne s’agit pas uniquement du cas particulier de Chartres : l’AVAP d’Illiers-Combray ou d’autres documents d’urbanisme, qui évoluent pendant la durée de vie de l’éolienne, peuvent également être concernés. Les parcs éoliens sont interdits, mais le renouvellement des éoliennes autorisé.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le renouvellement à l’identique d’un parc éolien n’est pas le cas le plus fréquent ; en général, des modifications sont apportées.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement n° 184 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Les territoires d’outre-mer sont souvent confrontés à une trop grande complexité administrative et à des situations inadaptées aux réalités et je serai le premier à plaider pour la simplification des procédures. Néanmoins, il ne s’agit pas de rechercher la simplification à tout prix, notamment lorsqu’elle pourrait aller à l’encontre d’impératifs de sécurité. La notion de « modification substantielle » est subjective et je souhaiterais qu’elle soit appréciée à l’aune de la sécurité.

J’ai ainsi en ligne de mire les grandes multinationales de l’industrie minière dont les projets réalisent des va-et-vient entre leur base, la préfecture de Guyane et les différents ministères. Sans garde-fous pour protéger les habitants et l’environnement, le principe des droits acquis est dangereux : nous en demandons la suppression. C’est une précaution d’usage, pour éviter les mauvaises surprises.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les acteurs économiques ont besoin d’un minimum de stabilité juridique pour développer leurs projets d’investissement. Je comprends votre intention mais suis opposé à la suppression des droits acquis, créatrice d’instabilité juridique. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le droit actuel prévoit qu’en cas de modification de la nomenclature des installations classées, le préfet établit les garde-fous que vous mentionnez ; l’usine concernée peut alors travailler à obtenir une autorisation au regard du nouveau droit, mais elle n’est pas contrainte de cesser net son activité. Ces cas ne sont pas théoriques : une entreprise productrice d’alumines, qui emploie près de 800 salariés à Gardanne, est suspendue à l’autorisation délivrée par le préfet.

Je suis d’accord avec vous sur le fait que les entreprises doivent se mettre en conformité, mais dans un délai raisonnable. Dans le cas contraire, la modification réglementaire conduirait à une atteinte majeure au droit de propriété, alors que l’entreprise n’a commis aucune infraction, ainsi qu’à un dispositif non opérationnel. Il n’y a pas de droit acquis de façon permanente : tout doit converger, à un rythme qui soit compatible avec les opérations.

La commission rejette l’amendement.

Article 21 bis (nouveau) (article L. 515-1 du code de l’environnement) : Limites de durée pour le renouvellement des autorisations et des enregistrements pour les exploitations de carrières

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 115 de M. Thibault Bazin et n° 408 de Mme Danielle Brulebois, ainsi que l’amendement n° 163 de M. Jean-Marie Fiévet.

M. Thibault Bazin. L’article L. 515-1 du code de l’environnement dispose que la durée de validité de l’autorisation relative aux exploitations de carrières « ne peut excéder trente ans ». Or la réforme de l’autorisation environnementale a introduit de nouveaux articles, notamment les articles L. 181-15 et L. 181-28. Il semble utile de préciser, par cet amendement rédactionnel, que la limite de trente ans s’applique à toute procédure de renouvellement d’une autorisation.

Mme Danielle Brulebois. Les dispositions préexistantes à la réforme de l’autorisation environnementale fixent une durée maximale des autorisations de carrières et traitent des règles procédurales applicables à leur renouvellement. Dans un souci de clarification et de coordination entre ces différents articles, il est utile de préciser que la limite de trente ans prévue à l’article L. 515-1 s’applique à toute procédure de renouvellement d’une autorisation.

M. Jean-Marie Fiévet. L’amendement n° 163 est défendu.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Monsieur Fiévet, je vous demande de retirer votre amendement. Avis favorable aux amendements identiques.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

L’amendement n° 163 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

Après l’article 21

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques no 162 de M. Jean-Marie Fiévet et no 407 de Mme Danielle Brulebois ainsi que les amendements n°s 114 de M. Thibault Bazin et 380 de Mme Laure de la Raudière.

M. Jean-Marie Fiévet. Nombre de carrières n’ont pas achevé l’extraction de l’intégralité de leurs gisements autorisés avant l’échéance des autorisations en raison des récentes perturbations économiques. Pour éviter de fortes charges administratives aux acteurs du secteur, nous proposons de leur permettre de prolonger leur autorisation administrative d’exploitation jusqu’à épuisement des volumes, avant d’effectuer une nouvelle demande, dans la limite de cinq ans supplémentaires.

Mme Danielle Brulebois.  La situation actuelle et les fortes incertitudes qui pèsent sur la reprise de l’économie du bâtiment au cours des prochaines années font que nombre des exploitations de carrières n’auront pas achevé l’extraction de l’intégralité des gisements autorisés avant l’échéance de leurs autorisations.

M. Thibault Bazin. La crise sanitaire a eu des incidences non seulement sur le secteur du bâtiment et des travaux publics mais aussi sur les carrières. Or la notion de durée d’exploitation entre dans le triple encadrement de l’activité des carrières. Ces autorisations arrivent bientôt à échéance.

Il serait dommage, alors que nous cherchons à limiter le mitage et la création de nouvelles carrières en optimisant les carrières existantes, de ne pas prendre en compte la crise sanitaire. Je propose de rallonger l’autorisation, non pas de cinq ans, mais d’une année supplémentaire si l’impact de la crise sanitaire sur l’exploitation de la carrière est avéré.

Mme Laure de La Raudière. L’objectif de mon amendement est sensiblement identique ; seule diffère la date à laquelle la demande complète devra être déposée pour être prise en compte.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. En application de l’article L. 181‑15 du code de l’environnement, les autorisations de carrière peuvent déjà être prolongées. Il n’est pas souhaitable de superposer les dispositifs car cela pourrait porter atteinte à l’intelligibilité de la loi. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le code de l’environnement permet déjà un renouvellement de l’autorisation, sans engager une nouvelle procédure complète, dès lors que le projet ne comporte pas de modification substantielle. Un arrêté du préfet suffit par exemple pour prolonger d’un an l’autorisation d’exploitation d’une carrière qui aurait été bloquée durant la crise sanitaire.

Les amendements nos 114 et 380 sont retirés.

La commission rejette les amendements identiques nos 162 et 407.

Article 22 (article. L. 522-2 du code du patrimoine) : Garanties concernant la réglementation applicable en matière de prescriptions d’archéologie préventive

La commission examine l’amendement n° 231 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. L’article 22 consacre un principe de sécurité juridique qui existe déjà pour les porteurs de projets : en matière d’archéologie préventive, notamment, des décrets prévoient systématiquement une application de leurs dispositions dans le temps. C’est pourquoi il convient de le supprimer.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Comme l’article précédent, l’article 22 vise à garantir la stabilité juridique du cadre législatif applicable aux projets, non à la diminuer. Ce sont les mesures réglementaires du code du patrimoine en vigueur à la date de réception du dossier du projet d’implantation industrielle qui s’appliquent pour la suite des démarches relatives à l’archéologie préventive.

Ces dispositions ne concernent qu’un nombre infime de dossiers – seuls 1,5 à 2 % des dossiers instruits font l’objet de fouilles. Je salue à nouveau la création des sites clés en main, qui permettent de promouvoir des lieux déjà fouillés, répertoriés et dont le patrimoine a été préservé. Je vous demande de retirer votre amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. Bien que le nombre de cas concernés soit peu élevé, il est loin d’être inutile de les sécuriser par la loi, ne serait-ce que dans la représentation que de nombreux industriels se font de la complexité administrative. M. le rapporteur l’a indiqué, ce sujet est souvent surestimé car on ne trouve pas de village gaulois exceptionnel dans tous les sites d’implantation !

L’article clarifie le dispositif, étant entendu que si des mesures réglementaires relatives à l’archéologie préventive sont nécessaires, le site doit se mettre en conformité, comme nous l’avons mentionné pour la partie environnementale.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 22 sans modification.

Chapitre II
(Division et intitulés supprimés)

Article 23 (articles L. 122-1-1 et L. 181-10 du code de l’environnement) : Actualisation des études d’impact

La commission examine les amendements de suppression no 131 de Mme Cécile Untermaier et no 451 de M. Gabriel Serville.

M. Jean-Louis Bricout. L’article 23 allège l’instruction des dossiers s’agissant de projets d’éoliennes.

On pourrait se féliciter des mesures d’accélération et de simplification des projets visant à réussir la transition énergétique, inscrite dans le marbre et souhaitée par nos concitoyens. D’un point de vue écologique, pourtant, nous sommes persuadés qu’une évaluation environnementale peut s’apprécier non pas opération par opération, mais selon une vision plus globale des impacts et externalités générés par les composants d’un ou de plusieurs projets. Nous ne pouvons par ailleurs encourager l’émergence de projets sans maîtriser leur impact sur les territoires et leurs activités touristiques et culturelles.

Mme Elisabeth Borne, alors ministre chargée de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, l’avait constaté en février en Thiérache : le développement anarchique de l’éolien peut menacer la visibilité des monuments historiques ou l’encerclement des bourgs. Dans les territoires concernés, le ressenti est unanime : trop c’est trop. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’éolien – qui pourrait s’opposer à une production d’électricité à partir du vent ? –, mais de demander une meilleure régulation pour une implantation plus harmonieuse.

Force est de constater que le modèle économique de l’éolien et son développement méritent d’être ajustés car il entraîne un lobbying des opérateurs aux conséquences malsaines. Les conseils municipaux de nos villages devisent ; les villages s’opposent ; les conflits d’intérêts se multiplient.

Outre des mesures de simplification, fournissez-nous des outils de régulation, en confiant aux élus locaux la modification des périmètres d’implantation et en proposant une répartition plus collective et plus juste de la fiscalité locale générée par ces projets. Le développement de l’éolien ne peut se faire contre les territoires.

M. Gabriel Serville. L’article 23 prévoit qu’en cas d’arrivée d’un nouveau porteur de projet sur un site, les prescriptions accompagnant sa demande d’autorisation ne peuvent porter que sur la nouvelle demande, afin de ne pas affecter les activités déjà autorisées sur le même site. Le manque de clarté de cet article n’est toutefois pas sans conséquence sur l’objectif poursuivi.

La loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a instauré une évaluation des impacts environnementaux pour l’ensemble des opérations d’un même projet, afin d’éviter le « saucissonnage ». Or l’article 23 peut être lu comme permettant d’évaluer les impacts de façon fractionnée, par législation ou par opération, plutôt que de façon globale, comme l’impose la directive concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dite directive « projets ». Cela aboutirait à fausser l’évaluation des impacts environnementaux, conduirait à une régression environnementale ainsi qu’à une fragilisation des projets qui pourraient être remis en cause pour non-conformité à la directive « projets ».

En outre, il est demandé aux industriels non de réévaluer l’impact d’une installation existante quand une nouvelle entreprise s’installe, mais seulement de vérifier les nouveaux impacts et les impacts cumulés. Au lieu de la simplifier, l’article 23 complexifie la législation et la fragilise in fine. Il convient donc de le supprimer.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La portée de l’article est en réalité plus limitée. Actuellement, l’article L. 122-1 du code de l’environnement prévoit que le maître d’ouvrage doit actualiser l’étude d’impact lorsque les incidences d’un projet n’ont pu être complètement identifiées ni appréciées avant l’octroi de la première autorisation.

L’article 23 vise seulement à prévoir que l’avis de l’autorité environnementale qui est à nouveau sollicitée ne revienne pas sur les éléments déjà autorisés, et que les prescriptions nouvelles ne portent que sur l’objet de la demande concernée. Il s’agit d’une mesure de bon sens qui simplifiera la vie des acteurs économiques sans porter atteinte à l’environnement. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. L’article ne revient pas sur la notion de projet, introduite en 2016, qui oblige le maître d’ouvrage à prendre en compte le projet et ses impacts dans leur ensemble. L’objectif est de sécuriser la mise en œuvre du processus d’actualisation des études d’impact, actuellement prévu par le code de l’environnement. Lors de l’actualisation, le maître d’ouvrage devra bien prendre en compte les effets cumulés du projet avec les installations préexistantes. Il n’y a donc aucune ambiguïté.

M. Jean-Louis Bricout. Même si les modifications peuvent être minimes par rapport aux enjeux écologiques, les projets éoliens ont des incidences très fortes sur les territoires. En Thiérache, ils sont trop nombreux, comme l’attestent les pancartes « non à l’éolien », visibles partout. L’éolien entre en confrontation avec les projets de territoire, parfois à visée culturelle ou touristique. Son implantation, parfois malheureuse, est encore facilitée aujourd’hui. Nous souhaitons qu’elle soit mieux régulée car la transition écologique n’avancera pas si vous allez ainsi contre les territoires.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  Il s’agit de clarifier la manière dont le maître d’ouvrage principal, lors de l’installation d’un site industriel, prend en compte l’impact de son projet par rapport aux autres sites implantés. Les dispositions ne s’adressent toutefois pas à l’éolien, bien qu’il s’agisse d’installations classées, et ne facilitent en aucune manière l’installation d’éoliennes. Je comprends votre combat, mais la question n’est réglée ni par l’article 23, ni par sa suppression.

La commission rejette les amendements.

La commission examine les amendements identiques no 669 du rapporteur et no 232 de Mme Frédérique Tuffnell.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement supprime les alinéas 2 et 3, par lesquels le Sénat a ajouté un dispositif qui complexifie le droit et rend la procédure peu lisible, ce qui peut empêcher l’administration de traiter correctement et efficacement les demandes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement n° 552 de Mme Barbara Bessot Ballot tombe.

La commission examine l’amendement n° 327 de Mme Laure de la Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Les modalités de l’évaluation environnementale des projets et des plans, définies notamment par la directive européenne, prévoient l’élaboration de documents d’étude de leurs incidences ou impacts, l’information et la participation du public. Ces textes imposent une séparation fonctionnelle légitime pour l’évaluation environnementale des projets soutenus par la puissance publique, mais ne prévoient pas de contrainte particulière pour l’évaluation des projets par les services de l’État en charge de l’environnement.

Il est ainsi à noter que les textes européens ne prévoient pas d’« autorité environnementale » à proprement parler et que nos voisins européens instruisent les projets des acteurs privés dans le strict respect de la directive, c’est-à-dire par les services de l’État compétents en matière d’environnement, sans une seconde instruction par un organisme tiers.

L’objet de l’amendement est donc de simplifier l’organisation de l’État sur ces procédures administratives en remplaçant « environnementale » par les mots « compétente pour l’autoriser ou en recevoir la déclaration » dans l’article L. 122-1 du code de l’environnement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement vise à remplacer l’autorité environnementale par l’autorité décisionnaire pour que celle-ci puisse rendre l’avis sur l’évaluation environnementale quand elle reçoit le dossier.

J’y suis défavorable car il est contraire au droit européen. Dans une décision du 6 décembre 2017, le Conseil d’État a ainsi rappelé que si les dispositions de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet puisse être en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, il est nécessaire qu’il y ait une séparation fonctionnelle au sein de cette autorité.

La création des missions régionales d’autorité environnementale a permis de mettre fin à la situation où les préfets, autorités compétentes pour autoriser les projets, rendaient également un avis sur l’évaluation environnementale. Il convient de conserver ce dispositif car sa modification pourrait entraîner une augmentation des contentieux, donc une complexification supplémentaire. Je vous demande de retirer l’amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis : cet amendement, qui semble contraire aux jurisprudences européenne et nationale, nous mettrait potentiellement en difficulté.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine successivement les amendements nos 313, 233 et 314 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Afin de favoriser l’implantation de nouveaux projets, l’article 23 entend sécuriser le processus d’actualisation des études d’impact existantes, pour l’ensemble des acteurs. L’étude d’impact du projet de loi plaide en effet pour une telle sécurisation dans le cas d’un nouvel entrant, par exemple d’une zone industrielle nécessitant des autorisations environnementales délivrées pour chaque composante d’un projet, sur plusieurs années.

La rédaction actuelle du code de l’environnement laisse une marge d’interprétation quant au périmètre de l’évaluation environnementale. Elle comprend donc un risque d’incertitudes pour le site existant, lors de l’implantation d’un nouveau projet industriel à proximité. Les précisions introduites aux alinéas 4 et 5 paraissent superflues et complexifient l’appréciation du dispositif. Il convient de les supprimer, ainsi que l’alinéa 6.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’avis de l’autorité environnementale ne revient pas sur des éléments qui ont déjà été autorisés. La mesure semble donc de bon sens, en tant qu’elle maintient la stabilité du cadre juridique, tout en garantissant que le projet respecte les règles environnementales, lesquelles, je le rappelle, sont très protectrices. Adopter les amendements viderait l’article de son sens. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Ces alinéas ont été rédigés dans un souci de clarifier le droit – le contraire eût été étonnant. Les entreprises déjà implantées sur un site ne doivent pas voir leurs autorisations remises en question, et le nouvel opérateur doit intégrer son projet en tenant compte des autres intervenants.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 23 ainsi modifié.

Article 23 bis (nouveau) (article L. 121-15-1 du code de l’environnement) : Droit d’option entre la concertation prévue par le code de l’urbanisme et celle prévue par le code de l’environnement

La commission est saisie de l’amendement n° 623 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’amendement vise les projets relevant d’une concertation obligatoire à la fois au titre du code de l’environnement et du code de l’urbanisme. Il permet au maître d’ouvrage d’opter pour une seule concertation, en l’occurrence celle prévue par le code de l’environnement. Ce droit d’option se fera avec l’accord de l’autorité administrative chargée de la concertation au titre du code de l’urbanisme.

L’objectif est de simplifier la charge administrative en réalisant une seule procédure au lieu de deux, sans pour autant dégrader la qualité de la participation du public, puisque la concertation au titre du code de l’environnement est réalisée sur l’ensemble du projet alors que celle au titre du code de l’urbanisme l’est souvent sur une partie du projet. Il s’agit donc d’opter pour une consultation unique, mais la plus large possible.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable.

Mme Cécile Untermaier. Certaines préoccupations d’urbanisme ne se retrouvant pas nécessairement dans le code de l’environnement, la concertation sur le périmètre le plus large inclura-t-elle des questions relatives aux deux codes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Tout à fait.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 23

La commission examine l’amendement n° 553 de M. Vincent Thiébaut.

Mme Séverine Gipson. L’article L. 181-8 du code de l’environnement prévoit d’inclure une étude d’incidence environnementale dans les dossiers de demande d’autorisation des projets non soumis à évaluation environnementale. Cette exigence constitue une surtransposition du droit européen.

Si l’obligation d’une étude d’incidence peut se justifier en raison de quelques articles spécifiques en matière d’eau ou d’espaces protégés, qui n’ont pas été intégrés au fur et à mesure des modifications de textes dans la réglementation générale sur l’évaluation environnementale, la généralisation de telles études à tous les cas pour lesquels l’évaluation environnementale n’est pas obligatoire semble excessive et injustifiée.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement, dont je comprends l’intention, simplifie un peu trop le dispositif en supprimant l’étude d’incidence environnementale pour les projets qui ne sont pas soumis à évaluation environnementale. Or une telle étude est proportionnée à l’importance du projet et à son incidence prévisible sur l’environnement. Il convient de la conserver afin de maintenir l’équilibre nécessaire entre la volonté de simplifier et d’accélérer les procédures et la protection de l’environnement.

L’amendement pouvant être de nature à remettre en cause l’équilibre trouvé, je vous propose de le retirer. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’étude d’incidence environnementale est indispensable pour connaître, donc encadrer, les dangers et les inconvénients d’une installation de site. Nécessaire à l’administration, elle lui permet de s’assurer qu’il n’existe pas de difficulté ni d’incidence environnementale supplémentaire.

Si elle n’était pas réalisée, il faudrait approfondir la demande préalable d’examen au cas par cas, ce qui conduirait à davantage de papier et de travail, sinon de temps, pour déterminer non seulement l’impact du projet mais également la façon d’encadrer l’exploitation afin d’éviter les problèmes. Le fait d’alerter dès le départ sur les incidences environnementales permet de mettre en place les éléments pour encadrer le dossier.

L’amendement est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements n° 452 et n° 453 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Le premier amendement introduit des règles relatives à l’évaluation environnementale des titres miniers dans le code minier. L’état actuel du droit ne permet toujours pas de prendre en compte les enjeux environnementaux lors de la délivrance de ces titres.

Certes, ces préoccupations ne sont pas absentes de l’instruction des demandes de titres, dans la mesure où l’article L. 161-1 du code minier fait référence à la protection des personnes, des biens et de l’environnement et que, la Charte de l’environnement ayant valeur constitutionnelle, ses principes s’imposent implicitement à toutes les décisions administratives. Mais il est fort regrettable que le code encadrant des activités qui ont, par nature, un impact sur l’environnement n’affiche pas clairement la volonté de trouver un juste équilibre entre nécessités économiques et intérêts écologiques.

La réforme du code minier promise depuis 2012 et annoncée pour fin 2019 étant constamment reportée, je propose de soumettre, dans un souci de sécurisation et de simplification de la législation minière, l’octroi et le renouvellement de titres miniers aux règles relatives à l’évaluation environnementale prévues par le code de l’environnement.

Le second amendement est de repli, mais nous n’aurons pas besoin d’en parler si vous acceptez le premier !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vais vous décevoir, monsieur Serville…

Les enjeux environnementaux sont déjà pris en compte par la législation : les articles L. 122-2 et L. 132-1 du code minier prévoient que nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches ou une concession d’exploitation de mine s’il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour assumer les obligations relatives à la préservation des intérêts mentionnés à l’article L. 161-1. Ce dernier vise notamment les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, la conservation des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, ainsi que les équilibres biologiques et les ressources naturelles. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. Dès lors qu’il y a travaux et exploitation, il y a évaluation environnementale. En outre, le titre dans lequel s’insère votre amendement est relatif au droit de propriété – il n’a donc pas le même objet. Enfin, je vous confirme que nous préparons, avec le ministère de la transition énergétique, une réforme du code minier. Le sujet que vous abordez, spécifique, mérite un projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 23 ter (nouveau) (articles L. 103-2, L. 104-1, L. 104-2, L. 104-3 et L. 122-22 du code de l’urbanisme et article L. 121-17-1 du code de l’environnement) : Simplification et clarification des règles relatives à la participation du public et à l’évaluation environnementale en droit de d’urbanisme

La commission examine l’amendement n° 620 rectifié du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il s’agit de simplifier et de mieux articuler entre elles, les procédures d’évaluation environnementale et de participation du public pour les documents d’urbanisme, ainsi que pour les unités touristiques nouvelles (UTN), afin de sécuriser juridiquement les porteurs de projets sur trois points. En premier lieu, il s’agit de mettre fin à l’insécurité juridique qui caractérise l’état actuel du droit relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme, en particulier des plans locaux d’urbanisme (PLU), comme l’a souligné l’avis du Conseil d’État dans son rapport public de 2019. En deuxième lieu, il s’agit de clarifier la procédure des autorisations préfectorales des UTN, largement complexifiée puisqu’elles sont désormais considérées comme des plans et programmes par le Conseil d’État – nous en tirons les conséquences. Enfin, il s’agit d’unifier le régime de participation du public pour tous les documents d’urbanisme, en les faisant relever du seul code de l’urbanisme.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Mon avis est favorable car cet amendement permet d’ajouter les PLU dans la liste des plans et programmes qui font l’objet d’une évaluation environnementale systématique. Il permet également de préciser les règles d’évaluation environnementale des UTN.

Mme Laure de La Raudière. Ce n’est pas forcément une simplification pour les PLU, alors qu’il s’agit d’un projet de loi de simplification, monsieur le rapporteur…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Ce n’est pas totalement faux…

Mme Laure de La Raudière. Merci !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Mais cela a le mérite de la clarté et d’alignement de tous les PLU sur la même procédure. C’est donc une forme de simplification : la procédure est plus claire, ce qui évitera des contentieux.

Mme Laure de La Raudière. Mon amendement, précédemment rejeté, visait le même objectif…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il s’agit également de nous conformer au droit de l’Union européenne.

La commission adopte l’amendement.

Chapitre III
(Division et intitulé supprimés)

Article 24 (articles L. 512-7-3, L. 512-7-5, L. 512-12, L. 555-1 et L. 555‑12 du code de l’environnement) : Modalités de consultation du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques

La commission examine les amendements de suppression n° 132 de Mme Cécile Untermaier, n° 203 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier, n° 386 de Mme Laure de La Raudière et n° 454 de M. Gabriel Serville.

Mme Cécile Untermaier. Nous souhaitons la suppression de l’article 24 qui vise à rendre facultative la consultation, aujourd’hui obligatoire, pour le régime d’enregistrement. Le même régime va donc s’appliquer à toutes les procédures et la consultation, facultative dans les trois types de cas de figure que nous avons déjà évoqués, sera à la main du préfet.

Nous ne sommes pas favorables à cette simplification. Certes, c’est plus lisible, mais la consultation est facultative pour l’autorisation car le régime d’instruction est beaucoup plus lourd, ce qui permet de s’exempter de la consultation du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Pour les ICPE enregistrées, la procédure d’instruction étant moins lourde, les avis du CODERST et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) apportent des garanties. En outre, un tel alignement constitue un affaiblissement, peu opportun, de la démocratie environnementale.

Mme Agnès Thill. L’article 24 permet au préfet de ne pas consulter la commission départementale consultative compétente, et notamment la CDNPS en ce qui concerne les parcs éoliens, avant toute autorisation d’ICPE. Cette modification constitue un recul dans la transparence et l’association de la population aux projets, et expose à une augmentation du nombre de contentieux.

Mme Laure de La Raudière. Comme mes collègues, je m’oppose à cet article qui vise à supprimer la consultation obligatoire des commissions ad hoc, et en particulier de celle qui protège les paysages et le patrimoine.

À quel type d’installations s’applique l’article L. 181-11 ? Je voulais le vérifier mais Legifrance n’est plus accessible, ce qui ne simplifie pas nos débats sur un projet de loi aussi technique… C’est très agaçant !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Lors de la discussion générale, je vous ai présenté les trois régimes – déclaration, enregistrement, autorisation – auxquels sont soumises les ICPE. Vous les retrouvez sur la dernière page du document présenté.

L’article 24 aligne la procédure prévue pour les ICPE soumises à enregistrement et à déclaration sur celle des ICPE soumises à autorisation. Les deux premières présentant moins de risques que les dernières, soumises à autorisation, cet article ne doit pas susciter de craintes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Au CODERST, certains dossiers méritent attention, mais le conseil doit aussi en instruire beaucoup d’autres. Vous n’avez pas complètement tort quand vous affirmez que c’est une « voiture-balai » utile, mais cela reste une voiture-balai… De telles dispositions sont en outre de niveau réglementaire et ne devraient pas figurer dans la loi.

Il s’agit d’aligner la procédure appliquée aux installations soumises à déclaration sur celle prévue pour les installations soumises à autorisation. Il faut faire confiance aux autorités administratives de terrain : dans un souci d’efficacité, elles doivent être capables de transmettre les dossiers qui le méritent au CODERST, mais pas ceux, plus banaux, qui ne le nécessitent pas. Un préfet aura toujours intérêt à faire monter les bons dossiers au bon niveau de consultation pour éviter les contentieux.

Mme Cécile Untermaier. Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre pour leurs explications. Mais on parle d’ICPE : ce ne sont donc jamais de « petits » dossiers. En outre, l’éolien est un sujet sensible. Dans nos circonscriptions, comment expliquer que l’on donne la main au préfet, seul décisionnaire de la réunion – ou non – de ce conseil ou de cette commission ? Il s’agit de sujets environnementaux, dont nous voulons absolument que les citoyens s’emparent – la Convention citoyenne pour le climat a plaidé en ce sens.

S’agissant d’une ICPE, ce n’est pas au préfet de décider, mais au législateur ou à l’administration de fixer des règles.

Il ne faut pas faire de la démagogie de la simplification vis-à-vis des entreprises – en ne traitant pas les problèmes, on les retrouve plus tard –, mais de la pédagogie de la complexité. En l’espèce, la consultation permet à la complexité d’émerger et aux citoyens de s’exprimer. Il serait donc sage de revenir sur votre décision et de supprimer l’article 24.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je le répète, le régime d’autorisation concerne les projets les plus sensibles et prévoit déjà de donner la main aux préfets. Nous ne faisons qu’aligner les régimes de déclaration et d’enregistrement, plus souples car concernant des projets de moins grande ampleur, sur ce premier régime. N’est-il pas paradoxal, voire absurde, d’autoriser les préfets à déroger à la consultation du CODERST pour les projets les plus strictement réglementés, mais pas pour les moins sensibles ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le rapporteur a raison, le régime d’autorisation est le régime le plus exigeant, mais la consultation du CODERST est facultative. Or les grandes installations d’éoliennes sont dans cette catégorie et donc déjà soumises, sur décision du préfet, à la consultation facultative du CODERST.

L’article 24 ne vise pas ces installations, mais uniquement celles soumises à enregistrement ou déclaration. Sur le terrain, certains dossiers, reportés d’un CODERST à l’autre parce qu’ils n’y ont pas leur place, perdent un ou deux mois. Ce n’est pas une gestion efficace… Un préfet a toujours intérêt à soumettre un dossier problématique au CODERST pour que le sujet soit traité le plus en amont possible et les contentieux évités.

Je le répète, le législateur peut se saisir du sujet, mais il s’agit d’une disposition réglementaire, d’organisation de l’administration, qui pourrait être déclassée.

Mme Frédérique Tuffnell. Votre réponse m’interpelle : en rendant facultative la consultation du CODERST pour les installations soumises à enregistrement ou déclaration, alors que c’est déjà le cas pour celles soumises à autorisation, vous affaiblissez un peu plus la démocratie environnementale, alors que nos concitoyens demandent à être consultés et à dialoguer.

Je rappelle que le CODERST comprend des représentants de l’État, un représentant de l’agence régionale de santé (ARS), cinq représentants des collectivités territoriales, neuf représentants d’associations, des personnes qualifiées, dont un médecin. Cela me semble équilibré. Il serait normal qu’il soit systématiquement consulté.

Mme Cécile Untermaier. Le rapporteur est de bonne foi dans ses explications. Le régime d’autorisation, strict dans sa procédure, peut effectivement justifier la saisine facultative du CODERST. En revanche l’ICPE « enregistrée » n’apporte pas les garanties nécessaires aux citoyens. Je serais membre d’une association participant bénévolement à ces conseils ou commissions, je percevrais mal cet article proposé par le Gouvernement…

Mme Danielle Brulebois. Il faut faire confiance au sens de l’intérêt général et des responsabilités des préfets. J’ai siégé pendant de longues années au CODERST : il s’agit d’assemblées pléthoriques et les fonctionnaires de l’État y passent beaucoup de temps, qui pourrait être bien mieux utilisé. Vous avez raison, madame la ministre, l’instruction des dossiers en est ralentie. Ainsi, il m’est arrivé de passer une heure sur un dossier de stockage de bois sec… Il s’agit donc d’un très bon amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Comment le préfet choisit-il les dossiers soumis au CODERST ? S’agissant des dossiers soumis à enregistrement, il existe des prescriptions standardisées. Si le préfet va au-delà ou s’y conforme, il ne soumet pas le dossier pour avis au CODERST. À l’inverse, s’il prévoit des prescriptions plus souples, il le soumet.

En outre, je rappelle que certains dossiers sont, avant éventuelle transmission au CODERST, soumis à enquête publique. La participation du public intervient donc bien en amont et la démocratie environnementale est bien respectée.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement n° 670 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement supprime les alinéas 2 et 3 qui réservent au seul porteur de projet la faculté de demander au préfet la consultation du CODERST ou de la CDNPS.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. J’y suis favorable. Cette modification du Sénat ne nous semble pas justifiée.

Mme Cécile Untermaier. Pourtant, cette disposition était intéressante : on mettait dans les mains du porteur de projet le pouvoir de juger de la pertinence de la saisine du CODERST. Cela lui permettait de s’interroger sur les conséquences pour l’environnement et les risques sanitaires et technologiques de son projet et de soumettre ses interrogations au préfet, qui n’aurait alors eu d’autre choix que de soumettre le dossier au CODERST.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement n° 390 de Mme Laure de La Raudière tombe.

La commission en vient à l’amendement n° 234 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit de supprimer les alinéas 4 à 8 relatifs à la consultation du CODERST.

Suivant l’avis du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement n° 455 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. L’article 24, que vous allez certainement adopter, permet au préfet de déroger à certaines consultations jusqu’ici obligatoires. À défaut de débat, l’amendement vise à prévoir que les dossiers soient adressés pour information aux instances consultatives. C’est un amendement de repli, par souci de transparence.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je partage votre objectif de transparence et suis favorable à la transmission d’informations. Si le CODERST n’est plus consulté, il doit rester informé. Mais votre demande est satisfaite puisqu’une telle disposition est prévue à l’article R. 181-39 du code de l’environnement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’article R. 181-39 s’applique effectivement aux dossiers soumis à autorisation. Nous allons procéder à la même modification de la partie réglementaire du code de l’environnement pour les dossiers soumis à enregistrement ou déclaration. Je m’y engage : la CDNPS ou le CODERST seront informés.

M. Gabriel Serville. Je veux bien vous faire confiance, madame la ministre, mais je vais prendre le temps de lire attentivement l’article R. 181-39 pour être sûr que nous visons le même objectif.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous allons étendre les dispositions applicables aux dossiers soumis à autorisation à ceux soumis à enregistrement ou déclaration. Il ne s’agit donc pas d’une promesse en l’air, mais de bonne articulation entre les dispositions législatives et réglementaires.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement n° 238 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 7 et 8 qui prévoient également la suppression de consultations obligatoires, au risque d’affaiblir la protection de l’environnement.

Ainsi, en l’état actuel du droit, pour les canalisations de transport de gaz, d’hydrocarbures ou de produits chimiques soumises à un régime spécifique, la consultation du CODERST est obligatoire avant autorisation, ainsi que lorsque le préfet impose des prescriptions spéciales ou demande la réalisation d’analyses, expertises ou contrôles durant les phases de construction, d’exploitation et de cessation d’activité.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne suis pas sûr qu’une usine Seveso soit moins dangereuse que des canalisations… Or votre amendement vise à aligner les règles relatives aux canalisations de transport de gaz, d’hydrocarbures ou de produits chimiques sur celles applicables aux ICPE soumises à autorisation – celles qui font potentiellement courir le plus de risques à l’environnement. Une telle mesure n’est pas proportionnée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je suis également défavorable car le droit des canalisations n’est pas le même que celui des ICPE. Il n’est pas pertinent de revenir sur la logique du droit de l’environnement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 24 ainsi modifié.

Article 24 bis (nouveau) (article L. 121-19 du code de l’environnement) : Réduction des délais pour demander une concertation préalable

La commission examine l’amendement n° 700 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le droit d’initiative permet à des collectivités territoriales, à une association agréée ou à des citoyens représentant 20 % de la population de la commune ou 10 % de la population du département ou de la région concernés de demander au préfet que soit organisée une concertation préalable au projet, plan ou programme ayant fait l’objet d’une déclaration d’intention, publiée dans la presse et sur internet et également affichée dans les locaux du porteur de projet.

Dans le cadre de la relance, dans un souci d’harmonisation avec les autres délais prévus par le code de l’environnement et de maîtrise des délais des procédures d’autorisation, il est proposé de réduire à deux mois le délai mentionné à l’article L.121-19 du code de l’environnement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le droit d’initiative concerne les plans ou programmes soumis à évaluation environnementale ainsi que les projets soumis à évaluation environnementale de plus de 5 millions d’euros, hors champ de compétence de la Commission nationale de débat public – dans ce dernier cas, la concertation est automatique.

Pour mémoire, lors de la réforme de la participation du public en 2016, le délai du droit d’initiative avait été fixé à deux mois par l’ordonnance du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes. Mais la loi de ratification du 2 mars 2018 avait ensuite porté ce délai à quatre mois, suite à un amendement parlementaire visant à favoriser la participation du public. Cet allongement aboutit à ce que le délai pour faire valoir le droit d’initiative soit supérieur à la durée de la procédure de concertation elle-même.

Le retour d’expérience sur le dispositif souligne qu’au-delà des délais, ce sont les conditions de publicité des déclarations d’intention, visant à informer le citoyen de l’existence du projet, du plan ou du programme, et les conditions d’exercice de ce droit d’initiative, afin de faciliter le recueil des signatures, qui pourraient être améliorées.

Des réflexions en ce sens sont en cours. Votre amendement n’est pas incompatible avec elles. Il est également en phase avec les objectifs du présent projet de loi, puisqu’il permet de mieux maîtriser les délais des procédures d’autorisation.

En conséquence, je m’en remets à la sagesse de votre commission.

M. Jérôme Lambert. Mme la ministre ne prend donc pas position. Lorsque le Parlement a voté pour le délai de quatre mois, il avait de bonnes raisons, qu’elle a d’ailleurs rappelées.

Quand un projet voit le jour, informer et mobiliser les citoyens prend du temps. Deux mois sont courts – d’autant que le courrier est un peu lent en ce moment… Vous risquez de couper l’herbe sous le pied de nombreuses initiatives de citoyens ou d’associations qui devront agir dans la précipitation ou renoncer à se prononcer. Dans un souci de bonne écoute de ces citoyens et associations, je souhaite que nous en restions à quatre mois – et j’espère que nous serons nombreux à le souhaiter.

Mme Emmanuelle Ménard. Mme la ministre l’a souligné, ce n’est pas tant le délai que les conditions d’information qui pèchent. Tant que ces dernières ne sont pas améliorées, je suis opposée à ce que l’on revienne sur le premier.

Un exemple pour illustrer mon propos : celui du parc éolien en projet à Puissalicon. Une association de riverains qui y est opposée a organisé une réunion d’information avec des élus locaux. Parmi eux, plusieurs maires de communes riveraines n’en étaient pas informés, alors que ce même projet avait été rejeté pour des raisons environnementales en 2012. Redéposé sous une autre forme, il avait redémarré. Vous le voyez, les conditions d’information ne sont pas toujours optimales…

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Mais ces projets font l’objet de publications dans la presse ou sur internet. Certes, il est complexe d’être toujours bien informé, et il y aura toujours des gens qui ne lisent pas la presse ou internet.

Je viens d’une circonscription très rurale et connais bien le sujet. Je vous rappelle que cette procédure a été utilisée trois fois depuis sa création, et jamais au bout de trois mois et demi ! Quand un sujet pose vraiment problème, les associations et les citoyens s’en saisissent tout de suite.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’information de la commune et des communes limitrophes est couverte par l’article 25 bis dont nous allons débattre, madame Ménard. Le Sénat a ajouté une précision qui répondra probablement à votre inquiétude.

Mme Cécile Untermaier. Les communes limitrophes ne sont généralement pas informées. Quatre mois ne sont rien à l’échelle d’un projet éolien, d’autant que le porteur du projet ne reste pas inactif durant cette période et que cela ne s’ajoute pas à la durée de la procédure. En outre, le préfet a toujours la possibilité d’optimiser les délais et de faire se chevaucher les instructions. Aucune ICPE n’aurait vu le jour dans le cas contraire !

Il s’agit simplement de laisser quatre mois aux citoyens pour se rassembler et, le cas échéant, demander la tenue d’une concertation préalable qui, si elle n’est pas réalisée, aboutit ensuite à des problèmes pour les porteurs de projets.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous l’avez tous souligné, c’est l’information, et non le délai, qui pose problème. Je suis favorable à une amélioration en la matière, tant en faveur des citoyens que des élus. C’est pourquoi j’émettrai un avis favorable sur un amendement ultérieur, présenté par Mme de La Raudière, qui prévoit la transmission de l’avant-projet aux maires des communes limitrophes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Soyons clairs, nous parlons là d’un délai de quatre mois en amont du dépôt du projet. Il ne s’agit pas de toucher aux délais de l’examen du dossier et des procédures en aval – autorisation, déclaration, etc. En outre, l’article 25 bis prévoit bien l’information des maires. S’agissant des éoliennes, elle intervient quinze jours avant le dépôt de l’autorisation.

Enfin, la procédure visée par l’amendement du rapporteur n’a jamais couvert un projet d’éoliennes. Il faut être attentif à ne pas analyser ce projet de loi uniquement par le prisme des éoliennes. Je comprends parfaitement qu’il s’agisse d’un sujet sensible, mais ne passons pas à côté d’autres sujets, comme les sites industriels.

Je maintiens mon avis de sagesse.

Mme Laure de La Raudière. Nous parlons beaucoup d’éoliennes car ce sont des ICPE, comme les sites industriels. Or elles bénéficient d’une législation spécifique, ce qui pose problème : en supprimant un niveau de recours pour les éoliennes, on a facilité leur implantation, plus que celle des sites industriels dans certains cas.

Partout dans les territoires, la sensibilité est extrême, surtout depuis que le gouvernement socialiste a supprimé les zones de développement de l’éolien (ZDE). Nous nous en mordons les doigts ! Le Gouvernement doit l’entendre car les députés de tous les bancs l’alertent !

Le délai, qu’il soit de deux ou de quatre mois, est neutre pour le chef d’entreprise – l’instruction de son projet d’ICPE durera plus de quatre mois ! Il faut laisser ces quatre mois aux citoyens pour se saisir de l’enjeu – il n’est pas simple de rassembler 20 % de la population dans une commune rurale. En ramenant ce délai à deux mois, vous affaiblissez la portée des dispositions législatives…

La commission adopte l’amendement.

4.   Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 21 heures 30

M. le président Bruno Duvergé. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.

Article 25 (articles L. 181-9, L. 181-10 et L. 181-31 du code de l’environnement et article L. 2391-3 du code de la défense) : Consultation du public pour les projets soumis à autorisation ne faisant pas l’objet d’une évaluation environnementale

La commission examine les amendements identiques n° 133 de Mme Cécile Untermaier, n° 235 de Mme Frédérique Tuffnell, n° 337 de M. Ugo Bernalicis et n° 456 de M. Gabriel Serville. 

M. Jérôme Lambert. L’amendement n° 133 vise à supprimer l’article 25. Celui-ci donne la possibilité au préfet d’adapter la procédure de consultation du public pour les projets ne faisant pas l’objet d’une évaluation environnementale.

Cette disposition pose des difficultés majeures, sur lesquelles les commissaires enquêteurs ont appelé notre attention. Ils font un travail remarquable et craignent de ne plus pouvoir le faire correctement, par la seule volonté du préfet. Avec la consultation dématérialisée, le commissaire enquêteur n’aura plus à se rendre sur les lieux de l’enquête, au plus près du public. Dorénavant, c’est derrière leur écran que nos concitoyens découvriront les projets sur lesquels ils seront appelés à se prononcer. Les enquêtes publiques actuelles ne se passent pourtant pas si mal et les commissaires enquêteurs jouent un rôle important sur le terrain.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement n° 235 tend également à supprimer l’article 25. Substituer à l’enquête publique une consultation dématérialisée risque de rendre certains projets invisibles aux yeux du public : n’oublions pas que nombre de nos campagnes souffrent encore de la fracture numérique. Internet ne remplacera jamais le contact avec les commissaires enquêteurs, qui ont à la fois vocation à écouter et à expliquer. Ceux de nos concitoyens qui n’ont pas accès à internet, particulièrement nombreux parmi les personnes âgées, seront, de fait, exclus de la consultation. Cela risque de crisper les parties prenantes et de mettre à mal l’acceptabilité des projets. Enfin, je ne suis pas certaine que la consultation dématérialisée soit réellement un gage de simplification.

Mme Mathilde Panot. Cet article pose un vrai problème de démocratie. Une consultation électronique ne peut remplacer ni un débat réel, ni une enquête publique de qualité. Dans notre pays, 13 millions de personnes sont concernées par l’illectronisme, soit parce qu’elles n’ont pas accès à internet, soit parce qu’elles ne savent pas l’utiliser. La disposition que vous introduisez va creuser les fractures sociales et territoriales et réduire considérablement la participation citoyenne. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 25.

M. Gabriel Serville. Il existe effectivement une fracture territoriale majeure dans notre pays, qui concerne particulièrement le monde rural et l’outre‑mer – lequel représente 50 % de la biodiversité française. La disposition introduite par cet article est une régression en matière de démocratie participative.

Une telle disposition porterait atteinte à la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ainsi qu’au principe constitutionnel de la participation des citoyens aux décisions environnementales, reconnu par l’article 7 de la Charte de l’environnement. Remplacer les échanges humains par la possibilité de déposer un commentaire en ligne ne contribuera pas à dynamiser la démocratie locale. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je précise avant toute chose que cette disposition n’est pas inconstitutionnelle, puisqu’elle a été validée par le Conseil d’État. Par ailleurs, je n’ai absolument rien contre les commissaires enquêteurs : comme vous, je connais la qualité et l’utilité de leur travail. Nous n’entendons ni porter atteinte à leur travail, ni minorer leur importance.

L’article 25 permet au préfet d’adapter la procédure de consultation du public pour les projets qui sont soumis à une procédure d’autorisation, mais pas à une évaluation environnementale – ce sont donc les projets qui font courir le moins de risque à l’environnement. Le préfet aura le choix entre une enquête publique et une participation du public par voie électronique. Il pourra toujours, s’il l’estime nécessaire, avoir recours à l’enquête publique. La consultation en ligne est une possibilité que nous lui donnons, pas une obligation.

Un préfet n’a aucun intérêt à bâcler une enquête publique : cela ne ferait que l’exposer à des recours. Je répète en outre que cette disposition concerne uniquement des projets qui ne sont pas sensibles sur le plan environnemental : son champ d’application est donc très limité.

Enfin, je ne voudrais pas laisser croire que nous ne sommes pas attachés à la ruralité. J’habite un petit village de cinquante habitants en Eure-et-Loir, Saint‑Martin-de-Nigelles. Nous sommes connectés et avons accès, grâce à l’action du département, à la fibre et au numérique. Il est commode de pouvoir s’exprimer par voie électronique, parce que les mairies n’ont pas une amplitude horaire démesurée et qu’il est souvent difficile, pour les gens qui travaillent, de s’y rendre dans la journée. Sortons de cette vision un peu triste d’une ruralité où les gens ne seraient pas connectés et ne sauraient pas se servir d’un ordinateur !

J’ajoute que nombre d’enquêtes publiques ne mobilisent personne, soit parce que les gens n’ont pas la possibilité de se déplacer, soit parce que les contraintes qui pèsent sur les mairies – par exemple le volume des documents à imprimer – sont trop lourdes. Penser que l’enquête publique serait plus respectueuse de la ruralité est une erreur. Je pense que la consultation dématérialisée peut permettre à bien des gens de s’exprimer plus et mieux que l’enquête classique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Je suis moi aussi défavorable à ces amendements, pour les mêmes raisons que le rapporteur, et j’aimerais vous répondre sur certains points.

D’abord, les 13 millions de personnes concernées par l’illectronisme ne sont probablement pas les premières personnes qui répondent à une enquête publique : il faut se départir d’une vision qui ne correspond pas à la réalité du terrain.

Ensuite, l’accessibilité au réseau est une question distincte de l’illectronisme, puisqu’elle concerne l’équipement. Il va de soi que le préfet n’ouvrira pas une consultation électronique dans une zone dont il sait qu’elle est caractérisée par des difficultés d’accès au réseau.

La réalité, enfin, c’est que nombre d’enquêtes publiques ne mobilisent personne. Si les gens ne se manifestent pas, c’est d’abord parce que les horaires d’ouverture des mairies ne sont pas toujours compatibles avec leurs horaires de travail. Dans les zones rurales, l’éloignement peut également jouer. Le numérique peut vraiment simplifier les choses pour les gens qui souhaitent donner leur avis.

Pour prendre un exemple concret, l’installation d’un établissement de reproduction offset est soumise à une enquête publique ; or cela ne mobilise pas les foules. Le préfet est capable de faire lui-même la distinction entre les projets qui ne posent pas de difficulté et ceux qui appellent une vraie discussion. Je rappelle enfin que la faculté que nous donnons au préfet de recourir à la consultation numérique est limitée à un nombre réduit de projets et que l’enquête publique reste le dispositif de référence pour les projets soumis à une évaluation environnementale.

Cet article entend faciliter la tâche des personnes qui ont un projet et qui sont obligés d’attendre trop longtemps pour le réaliser – à condition qu’il n’y ait pas d’obstacle environnemental. Notre droit a été écrit pour embrasser des situations complexes ; pour des cas plus simples, il faut que le préfet puisse privilégier une démarche plus efficace. Sur les dossiers complexes, le préfet n’a aucun intérêt à se priver de l’enquête publique. Celle-ci a précisément vocation à révéler des interrogations, des inquiétudes, voire des oppositions, qu’il vaut mieux prendre en compte en amont, afin de minimiser les risques de contentieux.

Ne nous trompons pas de combat : les sujets complexes, comme les éoliennes, dont il a beaucoup été question, ne sont pas concernés par cette disposition. En revanche, il faut que les projets qui ne présentent aucune difficulté puissent aboutir plus rapidement.

Mme Frédérique Tuffnell. Je ne suis pas du tout d’accord avec vous. Je pense que ceux qui, aujourd’hui, ne se déplacent pas pour une enquête publique ne participeront pas davantage à une consultation en ligne.

Vous dites que cette disposition ne concerne que les projets qui ne sont pas soumis à une évaluation environnementale. De quoi parle-t-on exactement ? D’un plan local d’urbanisme (PLU) ? De la construction d’un lotissement au sein d’un PLU ? De l’extension d’une zone d’activité ? Tous ces cas de figure peuvent poser des problèmes environnementaux…

Ce qu’il aurait fallu proposer, c’est de compléter l’enquête publique par une enquête dématérialisée : voilà un moyen d’élargir la participation du public ! Nos concitoyens ont de plus en plus envie de participer à la vie de leur commune, même dans la ruralité ; on sent une envie croissante de penser l’urbanisme différemment, c’est un grand débat de société.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je souhaite réagir en tant que députée de la Haute-Vienne – département rural, s’il en est. Les préfets sont des personnes responsables qui connaissent parfaitement leur territoire et qui sauront très bien quel mode de consultation utiliser.

En tant qu’habitante, en tant que citoyenne de la ruralité, je suis fatiguée de la manière dont on en parle. Nous, les ruraux, nous vivons aussi au XXIe siècle ! Je ne méconnais pas les difficultés d’accès au numérique que connaissent certains territoires, mais nous ne sommes pas des attardés ! Nous savons utiliser les outils numériques ! J’en ai assez de ces discours qui donnent à penser que les ruraux ne savent pas utiliser les moyens modernes : cela me met en colère !

Que ceux qui brandissent le référendum d’initiative citoyenne (RIC) comme un étendard depuis des mois nous expliquent aujourd’hui que la consultation électronique n’est pas possible, c’est le sommet ! Faisons confiance à nos préfets, qui connaissent parfaitement nos territoires et qui sauront trouver le meilleur moyen d’amener nos concitoyens à participer aux consultations.

Mme Mathilde Panot. Personne n’a parlé d’attardés ! Je suis l’élue d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Ce n’est certes pas la ruralité, mais on constate les mêmes difficultés d’accès à internet dans ces quartiers populaires de la banlieue parisienne, pour des raisons surtout financières. Et ces gens ne sont pas non plus des attardés !

À Ivry-sur-Seine, nous sommes coincés entre le périphérique, l’autoroute et le deuxième plus grand incinérateur d’Europe, qui est en train d’être reconstruit. J’estime que les gens qui sont les plus impactés par les inégalités environnementales ont leur mot à dire ! La démocratie n’est pas une perte de temps. On ne peut pas appeler sans cesse à la participation citoyenne et à la démocratie populaire et laisser au préfet, sur des sujets comme celui-ci, la possibilité de ne consulter les gens que sur internet. C’est une façon d’exclure.

Si vous ne voulez pas parler de la ruralité, alors parlons de tranches d’âge ! Les personnes en situation d’illectronisme sont majoritairement âgées : 55 % des personnes de plus de 70 ans n’ont pas accès à internet chez elles et 66 % des personnes les plus éloignées du numérique ont plus de 65 ans. Recourir à la consultation électronique, c’est exclure, de fait, toute une partie de la population. Or je pense que tout le monde a des choses à dire dans notre pays ; tout le monde a le droit de décider, en tant que citoyen. La proposition de notre collègue Frédérique Tuffnell de compléter l’enquête publique par une consultation électronique me paraît constructive : ne la balayons pas d’un revers de la main.

M. Philippe Bolo. Faisons-nous confiance ! Chacun de nous a une voix qui compte dans sa circonscription et vous avez certainement, comme moi, de bonnes relations avec le préfet de votre département. À plusieurs reprises, sur des dossiers de cette nature, il est arrivé que le préfet me demande mon avis. Nous pouvons être une force de proposition et conseiller le préfet sur la meilleure procédure à adopter.

Mme Frédérique Tuffnell. Je n’ai absolument pas essayé d’opposer le rural et l’urbain, les gens des champs et les gens des villes ! C’est vous, en définissant des cas où il faut une enquête publique, et d’autres où la consultation électronique suffit, qui créez une discrimination. Vous mettez automatiquement certaines personnes à l’écart, alors qu’il faudrait associer la population beaucoup plus largement. Quant aux insinuations sur le RIC, je ne les comprends pas : cela n’a rien à voir.

M. Vincent Thiébaut. J’aimerais apporter un peu de sérénité dans ce débat. De quoi parle-t-on exactement ? De 250 projets par an… Et la consultation électronique n’est pas systématique : c’est une possibilité offerte au préfet.

On parle beaucoup depuis un an de la déconcentration des services de l’État et de la responsabilité des territoires. Or le préfet est un acteur des territoires : il parle avec les élus locaux, il connaît le terrain, il peut compter sur les services de l’État et les services préfectoraux. Faisons confiance aux décideurs qui sont au plus près du terrain et aux services de l’État qui sont présents dans les territoires : ils sauront faire un bon usage de cette disposition qui, du reste, est extrêmement encadrée.

Le groupe de La République en Marche ne votera pas ces amendements.

Mme Danielle Brulebois. On estime que 85 % des enquêtes publiques ne reçoivent aucune contribution, sans doute parce que c’est une pratique très régentée, qui fait l’objet d’annonces légales : nos concitoyens participent rarement d’eux-mêmes à ces consultations. Nombre d’associations favorables au RIC disent que ces enquêtes sont un simulacre de démocratie. L’outil numérique me semble être un moyen efficace de faciliter la participation de nos concitoyens : les personnes âgées sont de plus en plus habituées à l’utiliser, y compris dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Mme Cécile Untermaier. Avec 13 millions de personnes touchées par la fracture numérique, nous sommes loin de l’égalité des chances. Il importe selon moi de maintenir les enquêtes publiques, en plus de la consultation numérique, tant que nous ne garantissons pas l’égalité d’accès au numérique sur l’ensemble du territoire.

Madame la ministre, je n’ai pas bien compris le type de projets concernés par cet article. Est-ce le cas des PLU ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Non.

Mme Cécile Untermaier. Tous les documents d’urbanisme sont donc exclus de ce dispositif ? Vous nous confirmez que le PLU a une dimension environnementale, en raison du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) ? C’est un point très important : de nombreuses personnes viennent dans nos permanences parce qu’elles se posent des questions sur le PLU. Le commissaire enquêteur, dans ce contexte, a vraiment un rôle à jouer pour éclairer nos concitoyens. Pouvez-vous me confirmer que les documents d’urbanisme ne sont pas concernés par cette possibilité de consultation en ligne, à la discrétion du préfet ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je confirme que les cas que vous évoquez ne sont pas concernés par cet article, puisqu’il exclut les projets soumis à une évaluation environnementale : le PLU n’est pas concerné, pas plus que l’autoroute ou la déchetterie qu’évoquait Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Je voulais seulement rappeler que les quartiers les plus pauvres sont les plus concernés par les questions environnementales !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Et moi je vous indique que de telles installations feront toujours l’objet d’une enquête publique. La démocratie que représente à vos yeux l’enquête publique continuera de s’appliquer. Pour vous donner un exemple précis, la construction d’un silo à grains dans un champ pourrait donner lieu à une consultation électronique, plutôt qu’à une enquête publique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Comme Mme Danielle Brulebois l’a justement rappelé, 85 % des enquêtes publiques ne donnent lieu à aucune prise de position, non pas parce qu’il n’existerait pas de démocratie environnementale, mais parce que les sujets dont il est question ne suscitent pas de débat particulier.

Les projets visés par cet article peuvent être des silos à grains, comme le rapporteur l’a indiqué, des imprimeries offset, des bancs d’essai de moteurs, des petites installations de pisciculture, par exemple. On parle d’un peu plus de 200 projets par an, dont la portée pratique est limitée. Ils font l’objet d’une autorisation parce que la France est un pays sérieux et que dès qu’une installation peut présenter un danger, il faut une autorisation. Mais ils ne sont pas soumis à une évaluation environnementale, parce qu’ils n’ont pas d’impact environnemental établi. Pour ces projets, on propose de simplifier les procédures. Il n’est plus possible que l’installation d’un silo prenne un an et demi de retard, parce qu’on est à la recherche d’un commissaire enquêteur.

Madame Panot, nous ne cherchons certainement pas à empêcher les Français qui habitent dans les territoires ruraux ou dans les territoires périphériques de s’exprimer. Mais je peux vous assurer que ce n’est pas là que s’exprime la démocratie. En revanche, là où elle s’exprime, nous pourrions certainement faire quelques progrès…

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement n° 253 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je pense que cet amendement va mettre tout le monde d’accord, puisqu’il précise que la consultation du public est réalisée sous la forme d’une enquête publique lorsque le projet implique des installations de production d’électricité à partir de l’éolien.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Votre amendement étant satisfait, j’y suis défavorable.

Je note qu’un grand nombre d’amendements se focalisent exclusivement sur l’éolien. Je sais que c’est un sujet de préoccupation pour nos concitoyens et pour nos élus, je comprends qu’il faille en débattre et je sais que certains d’entre vous ont un engagement militant sur cette question, que je respecte parfaitement. Mais je ne tiens pas à ce que nous refassions, au sein de cette commission spéciale, le débat sur l’éolien.

Ces articles concernent l’industrie au sens large. On dit qu’on veut des médicaments et des principes actifs fabriqués en France : c’est pour les industries de ce secteur que nous introduisons ces mesures de simplification. On dit qu’on veut manger local, produire et transformer les produits agricoles en France : c’est pour nos agriculteurs que nous faisons cette loi. On dit qu’on veut davantage de vélos et de composants industriels produits en France : c’est pour ce monde industriel-là que nous agissons. On se lamente sur la désindustrialisation de la France et les millions d’emplois industriels que notre pays a perdus au cours des dernières années : c’est pour les ouvriers, les techniciens, les ingénieurs de l’industrie au sens large que nous faisons tout cela. Je ne voudrais pas qu’on l’oublie, en focalisant le débat sur l’éolien. Il s’agit certes d’un sujet sensible, mais l’industrie, au sens très large, ne se résume pas à l’éolien. Les enjeux relatifs à notre souveraineté technologique et industrielle, la question du made in France, méritent que nous abordions ces questions dans leur globalité.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Votre amendement est effectivement satisfait : tous les projets éoliens entrent systématiquement dans le champ de l’évaluation environnementale et relèvent donc automatiquement d’une enquête publique.

Mme Emmanuelle Ménard. Cela va mieux en le disant !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est déjà écrit dans la loi : il est inutile de l’inscrire à nouveau ici.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement n° 503 de M. Jimmy Pahun.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Cet amendement concerne le cas, dont il sera question à l’article 26, où « l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale fait application de la dérogation prévue au deuxième alinéa de l’article L. 181‑30 », c’est-à-dire quand elle autorise l’entreprise à entreprendre des travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale. Nous pensons que, dans un tel cas, il est judicieux de préserver la procédure d’enquête publique.

Nous comprenons que cette dérogation est utile pour attirer certains projets industriels en France, dans un contexte de forte concurrence européenne. Nous saluons également les garanties qui entourent ce dispositif nouveau. Cependant, il ne nous paraît pas opportun de se passer de l’enquête publique pour l’autorisation environnementale dans ce cas‑là.

La question qui se pose est la suivante : le fait que les travaux aient commencé est-il de nature à influencer le résultat de la demande d’autorisation environnementale ? Si tel est le cas, le risque, même minime, doit être écarté. Il ne s’agit pas de complexifier, ni d’alourdir le dispositif, mais de considérer qu’eu égard au caractère dérogatoire de la décision et de ses implications concrètes sur le terrain, le temps de l’enquête publique, telle qu’elle se pratique aujourd’hui, reste indispensable.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Votre amendement vise à préserver l’enquête publique dans les cas où la procédure d’exécution anticipée de travaux, créée à l’article 26, est utilisée.

Cette procédure ne concerne que des projets dont l’impact potentiel sur l’environnement est faible et l’article 26 prévoit que le public est informé de l’exécution anticipée des travaux. De ce fait, je pense que votre amendement limite l’utilité de l’article 26 et qu’il contribue à allonger les délais, alors que la philosophie du projet de loi est précisément de les réduire. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les articles 25 et 26 concernent des situations distinctes.

L’article 25 porte sur les projets dont il a été vérifié que l’impact potentiel sur l’environnement reste faible ; il est alors proposé au préfet de choisir la forme de la consultation publique. L’article 26, quant à lui, permet dans des conditions très strictes, et en vérifiant l’absence d’effet négatif sur l’environnement, que des travaux puissent démarrer plus tôt. Le cas que vous évoquez n’existe pas. Il ne semble pas utile de mener une enquête publique sur le démarrage de travaux qui n’ont pas d’effet sur l’environnement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 258 et n° 256 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ne pensez pas que je suis obsédée par l’éolien, mais il se trouve que c’est une préoccupation brûlante dans le Biterrois et les Avant-Monts. Vous disiez, monsieur le rapporteur, que, plutôt que de se focaliser sur l’éolien, il faut s’interroger sur la provenance de nos composants industriels. De nombreuses personnes se préoccupent justement du fait que les composants des pales des éoliennes ne sont généralement pas fabriqués en France.

Mes amendements ont un objectif très simple. Je propose que lorsqu’une enquête publique a eu lieu et que les résultats attestent une opposition claire au projet concerné, celui‑ci doit être abandonné. Au mois de janvier, le Président de la République a déclaré à Pau que le consensus sur l’éolien était en train de nettement s’affaiblir dans notre pays. Il a également rappelé qu’on ne peut en aucune façon imposer l’éolien d’en haut. Mes amendements sont une façon de traduire les propos du Président de la République.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les résultats d’une enquête publique ne sont pas ceux d’un vote. Il arrive qu’une majorité de personnes s’exprime contre un projet et que l’enquête publique donne tout de même un avis favorable : c’est déjà arrivé en Eure-et-Loir. Au cours d’une enquête publique, il est fréquent que les opposants se mobilisent davantage que les partisans du projet. Le commissaire enquêteur a pour mission d’apprécier les arguments exposés et de faire un rapport en toute sérénité, sans se laisser influencer, par exemple, par la surreprésentation des opposants. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable pour les mêmes raisons. Une enquête publique est un processus d’écoute et non un vote démocratique permettant la libération de toutes les paroles. Il est assez probable que, dans une enquête publique, on entende plus les opposants que les partisans d’un projet. Cette procédure a pour objet de recenser les difficultés, de comprendre les interrogations, de répondre aux questions et d’améliorer le projet. On donne la faculté aux citoyens et aux associations d’exprimer leurs inquiétudes et leurs interrogations, d’exprimer, le cas échéant, leur opposition, dont il est tenu compte au mieux dans le respect de l’intégrité du projet. Il faut distinguer cette procédure du vote démocratique, faute de quoi la décision irait nécessairement aux opposants – les personnes favorables ou indifférentes ne vont pas se mobiliser pour l’enquête publique. Même dans le cadre des plus grandes enquêtes, le nombre de réponses est rarement très élevé.

Mme Emmanuelle Ménard. Je voudrais revenir sur le projet d’éoliennes à Puissalicon, dans la communauté de communes des Avant-Monts, à quinze kilomètres de Béziers, pour lequel une enquête publique est en cours. L’ensemble des communes citées dans l’enquête se sont prononcées contre le projet, à l’instar de la communauté de communes des Avant-Monts et de la communauté d’agglomération Béziers Méditerranée, de l’architecte des Bâtiments de France et, d’après ce que j’ai vu, d’une grande majorité des riverains sollicités. Par mon amendement, qui évoque une « opposition claire au projet concerné », j’entends me faire l’écho de ce type de situations. Lorsque l’opposition à un projet recueille l’unanimité – y compris du maire de la commune concernée, des associations de protection de l’environnement et des associations de riverains –, comment voulez-vous que les gens n’aient pas l’impression qu’on leur impose une décision d’en haut, dans l’hypothèse où un avis favorable est donné au projet à l’issue de l’enquête publique ? Je suis d’accord sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un vote. D’ailleurs, le maire de la commune concernée a voulu tenir une consultation locale sous la forme d’un référendum, ce qui lui a été refusé par le préfet. Lorsqu’une opposition unanime se manifeste contre un projet, il faudrait prévoir son abandon dans la loi.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle adopte l’article 25 sans modification.

Article 25 bis A (nouveau) (articles L. 2391-1 et L. 2391-3 du code de la défense, articles L. 103-7 [nouveau] et L. 300-2 du code de l’urbanisme, section 6 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier et articles L. 123-19-8, L. 125-2, L. 512-7-1 et L. 515-25 du code de l’environnement et ordonnance n° 2020–7 du 6 janvier 2020 relative à la prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, d’accès à l’information et d’urbanisme) : Prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, d’accès à l’information et d’urbanisme.

La commission est saisie de l’amendement n° 627 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le présent amendement ratifie et complète l’ordonnance n° 2020-7 du 6 janvier 2020 relative à la prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, d’accès à l’information et d’urbanisme. Cette ordonnance harmonise et met en cohérence les adaptations et dérogations dont dispose le ministère de la défense en matière d’information, de consultation et de participation du public afin d’assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation, qui est une exigence constitutionnelle. Dans le respect de la Charte de l’environnement, il est nécessaire de préserver la confidentialité des informations sensibles intéressant la défense nationale. L’exigence de confidentialité n’est pas compatible avec la mise à disposition de certains éléments dans le cadre des procédures d’information et de participation du public. À titre d’exemple, on n’assure pas de publicité au sujet d’un dépôt d’armement.

L’amendement intègre les dispositions du projet de loi de ratification de cette ordonnance, déposé au Sénat le 26 février 2020. Il complète le dispositif en modifiant le code de la défense, le code de l’urbanisme et le code de l’environnement. Il corrige des erreurs matérielles et étend les cas de dispense à la procédure de concertation, tout en sécurisant juridiquement les dérogations justifiées par les intérêts de la défense nationale, actuellement prévues dans la partie réglementaire de ces codes.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Après l’article 25

La commission examine l’amendement n° 457 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. La réduction du champ d’application de l’enquête publique se traduira par le fait que de nombreuses décisions antérieurement soumises à enquête publique seront assujetties à une procédure de mise à disposition d’informations au public sans commissaire-enquêteur. Il s’ensuit que la procédure de suspension d’une décision intervenue sans enquête publique par le juge administratif des référés devrait aussi être applicable à une décision intervenue sans mise à disposition d’informations au public. En effet, le même régime juridique doit s’appliquer aux procédures de participation du public, avec ou sans commissaire-enquêteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cela ajouterait de la complexité et de la lenteur, ce qui n’est pas l’objet du projet de loi. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

M. Gabriel Serville. M. le rapporteur et Mme la ministre pourraient-ils justifier plus précisément leur avis ? Je n’entends pas introduire de la complexité mais de la cohérence juridique entre les dispositions existantes et celles que nous allons inscrire dans la loi. Si cela nous permettait d’avoir une base juridique plus solide et plus stable, on y gagnerait, quitte, peut-être, à complexifier certaines règles.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je maintiens mon avis. L’amendement vise à rendre applicable la procédure de suspension par le juge des référés à une décision intervenue sans mise à disposition d’informations au public, ce qui irait à l’encontre de la philosophie du projet, lequel a pour objet de simplifier les procédures, réduire les délais et accroître la visibilité des règles.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement vise à établir des garanties en matière de référé-suspension dans le cadre d’une participation du public par voie électronique. Il est sans objet car l’article L. 123‑16 du code de l’environnement prévoit déjà, dans sa version actuelle issue de la loi du 2 mars 2018, la suspension par le juge administratif des décisions prises sans la participation du public prévue à l’article L. 123‑19 du même code, lorsque cette dernière est prévue par dérogation à l’enquête publique. À la différence de la participation du public par voie électronique sans commissaire-enquêteur, prévue à l’article L. 123-19, les dispositifs supplétifs prévus aux articles L. 133‑19‑1 et L. 123-19-2 du code de l’environnement ne constituent pas une alternative à l’enquête publique. Ils visent respectivement les décisions réglementaires et individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement. La consultation du public pour ces dispositifs spécifiques se déroule d’ailleurs dans des conditions différentes de celles prévues pour la participation du public définie par l’article L. 123-19.

M. Gabriel Serville. Nous allons examiner plus en détail, en vue de la séance publique, les dispositions citées par Mme la ministre. Pour l’heure, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Article 25 bis B (nouveau) (articles L. 181-23-1 [nouveau], L. 214-3 et L. 215-15 du code de l’environnement, articles L. 2111-5 et L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques et articles L. 121-32 et L. 121-34 du code de l’urbanisme) : Simplification des procédures applicables aux ouvrages et aux opérations réalisés dans le cadre de l’exercice par les collectivités de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

La commission est saisie de l’amendement n° 536 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Rémy Rebeyrotte. Cet amendement vise à simplifier les procédures applicables aux opérations et aux ouvrages réalisés dans le cadre de l’exercice, par les collectivités territoriales, de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, dite « GEMAPI ». En parallèle, il s’agit de simplifier les travaux à caractère d’urgence, notamment en cas de menace pesant sur la population ou un territoire donné.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Également favorable.

M. Vincent Thiébaut. Au nom du groupe La République en Marche, je voudrais dire que nous nous réjouissons de cet amendement qui introduira une véritable avancée pour les citoyens résidant dans des territoires soumis régulièrement à des inondations et à des coulées de boue. Les collectivités sont parfois obligées d’attendre sept ou huit ans avant d’obtenir l’autorisation d’effectuer les travaux. Nous saluons l’accord du rapporteur et du Gouvernement sur ce sujet.

La commission adopte l’amendement.

Article 25 bis C (nouveau) (article L. 334-3-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Simplification des procédures de création d’un parc naturel marin

La commission est saisie de l’amendement n° 537 de M. Didier Le Gac.

M. Didier Le Gac. Cet amendement vise à modifier des dispositions du code de l’environnement relatives aux parcs naturels marins. Le premier de ces parcs a été créé récemment, en 2007, dans ma circonscription du Finistère. Il en existe aujourd’hui neuf en France, et la création de nouveaux parcs est à l’étude, notamment outre-mer. L’amendement a pour objet d’introduire des modifications de procédure de deux ordres. La première modification concerne la délimitation du périmètre du parc, qui exige, à l’heure actuelle, le recours à une enquête publique dans l’ensemble des communes du département. Nous proposons de limiter l’enquête publique aux seules communes littorales qui seront intégrées dans le périmètre du parc, à l’exclusion de celles qui s’y trouvent déjà. La seconde mesure de simplification concerne la modification du conseil de gestion, qui comprend, par exemple, le commissaire du Gouvernement et les représentants d’associations environnementales. Il est proposé de remplacer l’enquête publique initiale par une procédure de participation du public par la voie électronique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Le Gac, pour cette proposition très pertinente, à laquelle je donne un avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je donne également un avis favorable à cet amendement qui vise les mêmes objectifs que le projet de loi.

La commission adopte l’amendement.

Article 25 bis D (nouveau) (article L. 1416-1 du code de la santé publique) : Amélioration de l’information du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques

La commission en vient à l’amendement n° 538 de M. Damien Adam, qui fait l’objet du sousamendement n° 703 du Gouvernement.

M. Damien Adam. Cet amendement a trait au Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Bien que les membres de cette instance ne puissent diffuser les documents examinés en son sein, il arrive, on le sait, qu’ils soient portés, sous le manteau, à la connaissance d’associations ou de journalistes. Dans un tel cas de figure, le préfet ne peut y apporter de réponses. Je propose que les documents du CODERST soient rendus publics, pour favoriser la transparence. Les acteurs de terrain l’ont demandé instamment en Seine-Maritime, département qui a subi l’incendie de Lubrizol. Un comité de transparence et de dialogue est actif depuis un an pour faire toute la lumière sur ce drame. L’absence de diffusion de documents présentés au CODERST empêche la pleine compréhension des événements survenus dans l’usine Lubrizol.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le sous-amendement vise à écarter les informations sensibles susceptibles de favoriser d’éventuels actes de malveillance du champ d’application du dispositif proposé par l’amendement n° 538. La nécessaire transparence des débats du CODERST doit être tempérée dans des cas particuliers. La diffusion ouverte sans restriction des informations susceptibles d’être évoquées, sous une forme adaptée, au CODERST, n’est pas toujours possible. Il est donc proposé d’introduire une restriction dont la formulation est issue de travaux récents du Conseil d’État sur une question similaire. Avis favorable sur l’amendement sous réserve de l’adoption du sous‑amendement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Monsieur Adam, je vous félicite de cette belle initiative. Je suis sensible aux arguments du Gouvernement sur la protection des informations relevant de la défense nationale. C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur votre amendement sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement ainsi sous-amendé.

Article 25 bis E (nouveau) (article L. 122-4 du code de la voirie routière) : Sécurisation de la participation financière de tiers à la réalisation d’ouvrages liés à des autoroutes

La commission examine l’amendement n° 625 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement vise à apporter une précision de nature à sécuriser la participation financière de tiers à la réalisation d’ouvrages liés à des autoroutes. Il a pour objet d’indiquer que des tiers, par exemple des entreprises, peuvent participer au financement d’ouvrages annexes à des autoroutes, comme les diffuseurs. Certains de ces ouvrages trouvent leur justification, par exemple, dans la desserte d’entreprises ou d’aménageurs de zones d’activité. La rédaction proposée permettra de réaliser des aménagements en zone frontalière avec une participation financière de l’État voisin intéressé.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est un amendement qui permettra de sécuriser juridiquement les contributions des personnes privées au financement des ouvrages et des aménagements dans le cadre des contrats de concessions autoroutières. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

La réunion, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.

Article 25 bis F (nouveau) (articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales, article L.2122-1-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques et article L. 121-39-1 du code de l’urbanisme) : Simplification des procédures permettant d’accélérer le développement des énergies renouvelables électriques terrestres

La commission en vient à l’amendement n° 626 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement propose diverses mesures de simplification pour accélérer le développement des énergies renouvelables électriques terrestres – on ne parle toutefois pas ici d’éoliennes terrestres ! (Sourires.) La programmation pluriannuelle de l’énergie vise des objectifs ambitieux pour développer les énergies renouvelables – il faut bien les mettre quelque part et qu’on se mette d’accord pour qu’elles s’installent... – à des fins de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et de diversification de notre mix énergétique. Ces filières participent de plus à la relance économique en créant de l’activité au niveau local dans nos territoires. Cet amendement vise à simplifier diverses procédures administratives pour les projets relatifs aux énergies renouvelables et à accélérer leur développement.

Premièrement, il a pour objet d’assouplir les conditions fixées aux collectivités locales souhaitant investir dans des projets d’énergies renouvelables par des comptes courants d’associés, en portant la durée de l’avance à sept ans. Deuxièmement, il vise à faciliter la participation des collectivités locales pour une transition énergétique au plus près des territoires. Troisièmement, il a pour but de faciliter l’installation des projets d’énergies renouvelables sur le foncier de l’État – les panneaux photovoltaïques sur les bâtiments de l’État sont notamment visés – en permettant à l’autorité compétente de ne pas lancer son propre appel d’offres pour des projets déjà lauréats d’un appel d’offres du ministère de la transition écologique. Enfin, il vise à assouplir la loi littoral, s’agissant uniquement de la Guyane, pour les projets d’énergies renouvelables situés à plus de trois kilomètres du rivage. L’enjeu est de tenir compte de la situation particulière de ce territoire, dont les communes littorales sont géographiquement très étendues et s’enfoncent dans les terres. L’exigence d’une localisation à plus de trois kilomètres du rivage permet de s’assurer de la préservation du littoral à proprement parler. Ces quatre dispositions très techniques visent à faciliter l’implantation de sources d’énergies renouvelables dans notre pays.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je remercie Mme la ministre de cette proposition qui contribuera au développement des énergies renouvelables. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 25

La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 458 et n° 459 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Je remercie le Gouvernement d’avoir présenté l’amendement précédent, qui va nous retirer quelques épines du pied. La simplification n’est pas toujours synonyme de mise à la poubelle de dispositions : elle peut consister à mettre de l’ordre là où règne le chaos et où existent des manquements.

La législation minière actuelle ne définit pas les modalités de consultation du public pour la délivrance des permis exclusifs de recherche (PER) et les autorisations d’exploitation. C’est pourquoi le 1° de cet amendement propose, dans le cadre de la délivrance des PER, des modalités de consultation adaptées à la taille des territoires concernés et qui ne feraient pas obstacle à l’enquête publique conduite localement lors de la réalisation de travaux pour l’exploration ou l’exploitation, dès lors que ceux-ci ont des effets significatifs sur l’environnement. Par parallélisme, la demande de prolongation du permis exclusif de recherche serait soumise à la même procédure d’information du public que la demande initiale de permis.

Par ailleurs, dans la mesure où ni le code minier, ni le décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 relatif aux autorisations d’exploitation (AEX) des mines dans les départements d’outre‑mer ne prévoient la mise en place d’une enquête publique ou d’information du public lors de l’instruction des demandes d’autorisation d’exploitation, compte tenu de délais d’instruction limités à six mois après réception de la demande, le 2° de l’amendement propose de mettre le régime des AEX en conformité avec les principes constitutionnels énoncés à l’article 7 de la charte de l’environnement. Cette mesure concourt à un double objectif : une meilleure acceptabilité des projets, grâce à la démocratie participative, et la sécurisation de la filière aurifère artisanale de Guyane, dans la mesure où l’absence de mise en conformité du régime des AEX laisse ouverte la voie à une question prioritaire de constitutionnalité. En outre, conformément à la décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 du Conseil constitutionnel, il appartient uniquement au législateur de préciser les conditions dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques.

Ces mesures de précision des modalités de consultation avaient été intégrées à la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en janvier 2017, avant d’être retirée de l’agenda législatif.

L’amendement n° 459 est un amendement de repli, qui s’inscrit dans la même philosophie.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne suis pas certain qu’il faille faire évoluer la législation sur les permis exclusifs de recherche. L’article L. 162-4 du code minier prévoit une enquête publique pour les autorisations de travaux. L’article L. 123-8 du même code dispose, pour sa part, que, lorsque la demande de permis exclusif de recherche est présentée en même temps que la demande d’autorisation des travaux, l’instruction de la demande de permis donne lieu à une enquête publique unique. Je comprends votre préoccupation, mais les sujets que vous avez abordés nécessitent un véhicule législatif spécifique, car ils soulèvent des enjeux économiques et environnementaux considérables. Ces questions ne doivent pas être traitées de manière parcellaire dans le cadre d’un projet de loi de simplification ; il convient de les inclure dans une révision globale du code minier, qui a déjà donné lieu à nombre de travaux. J’émets un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable pour les mêmes raisons. Il existe déjà des dispositions garantissant la prise en compte des enjeux environnementaux dans le domaine minier. Par ailleurs, le Gouvernement, dans le cadre, notamment, du conseil de défense écologique, s’est engagé à réformer le code minier. Cette modernisation est nécessaire mais ne doit pas être introduite dans un projet de loi qui a pour objet la simplification : elle doit faire l’objet d’un texte spécifique.

M. Gabriel Serville. Je maintiens ces amendements pour le principe. Un collègue me souffle que, depuis trente ans qu’il est en politique, il entend parler de la révision du code minier. Pour ma part, je suis député depuis 2012, et on ne cesse, depuis cette date, d’évoquer cette réforme. J’espérais que ce texte nous offre l’opportunité de modifier plusieurs dispositions de ce code, car un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Je ne mets bien évidemment pas en cause la sincérité de M. le rapporteur ni celle de Mme la ministre, mais chat échaudé craint l’eau froide : je demeure sceptique quant à notre capacité à faire aboutir ces revendications. À l’heure actuelle, cette situation occasionne des désordres sur le territoire guyanais. L’exploitation minière vient au troisième rang pour la contribution au PIB de la Guyane. Nous pourrions tenter de mettre un peu d’ordre dans le chaos actuel. À défaut, je crains qu’on ne passe encore beaucoup de temps à se poser les bonnes questions. Si ces amendements n’étaient pas adoptés, je les redéposerais en séance publique.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle est saisie des amendements n° 462, n° 460, n° 464 et n° 461 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Je vais considérer que ces amendements sont défendus, car j’entends déjà les réponses qui me seront faites.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis sensible à votre plaidoyer et comprends votre impatience au sujet de la réforme du code minier, qui est évoquée et attendue de longue date. Nous pourrons en discuter à nouveau dans l’hémicycle. Nous examinerons chaque amendement de manière rigoureuse et vous apporterons des réponses. Nous nous efforçons, chaque fois que c’est possible, de réaliser des avancées. Vous avez déposé, à l’article 27, des amendements auxquels je suis sensible – nous y reviendrons. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Ce sujet intéressant naturellement le Sénat, il serait délicat d’adopter vos amendements à ce stade de la navette. C’est pourquoi il nous semble nécessaire d’utiliser un véhicule législatif ad hoc, qui soit discuté dans les deux chambres. Toutefois, je veux vous rassurer : les services du ministère de la transition énergétique, comme ceux du ministère de l’économie, des finances et de la relance – en particulier, la direction générale des entreprises – travaillent sur la réforme du code minier. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 25 bis (sous-section 4 [nouvelle] de la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement) : Information des maires sur les projets d’installations éoliennes

La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 262 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 394 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement n° 262 a pour objet de soumettre les projets d’installations de parcs éoliens sur le territoire d’une commune à l’information préalable, non seulement du maire et de l’intégralité des membres du conseil municipal de la commune concernée, mais aussi à ceux des communes limitrophes. Il s’agit d’assurer la plus grande transparence possible.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement n° 394, qui poursuit le même objectif que le précédent, vise à diffuser l’information aux maires des communes limitrophes. Certaines installations se situent parfois plus près de la commune limitrophe que du centre bourg de la commune concernée.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Madame de La Raudière, je suis favorable à votre amendement, qui permettra de transmettre les informations aux maires des communes limitrophes. Madame Ménard, je suis défavorable à votre amendement, car il me semble compliqué d’informer l’ensemble des membres des conseils municipaux.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Madame Ménard, vous proposez que le porteur de projet envoie son prédossier à tous les membres des conseils municipaux, ce qui serait une procédure assez atypique : l’interlocuteur habituel est l’exécutif, autrement dit le maire, à qui il revient d’animer sa collectivité. Les conséquences juridiques du non-respect par l’exécutif de l’obligation fixée dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale ne sont pas déterminées par l’article. Si la jurisprudence concluait que le non-respect de cette obligation entraîne un vice de forme conduisant à annuler l’arrêté d’autorisation environnementale, cet amendement introduirait un risque juridique particulièrement lourd pour les porteurs de projet. Avis défavorable.

S’agissant de l’amendement de Mme de La Raudière, je donne un avis de sagesse bienveillante. Il s’agit d’ajouter des procédures préalables au lancement de la procédure d’autorisation elle-même, au cours de laquelle les communes limitrophes sont évidemment consultées. La mesure proposée ne s’inscrit pas tout à fait dans l’esprit du projet de loi, mais j’entends votre argument : l’installation peut se trouver beaucoup plus près des habitations de la commune voisine que de celles de la commune d’implantation.

Mme Emmanuelle Ménard. L’objet de mon amendement est d’éviter que le maire de la commune où les éoliennes doivent être installées soit le seul informé du projet. C’est pourquoi j’inclus les membres du conseil municipal de la commune concernée et des communes limitrophes, pour lesquelles le problème se pose de la même façon. Cela permettrait d’informer l’opposition. Il me paraît essentiel, au regard de l’exigence démocratique et des enjeux – environnementaux, paysagers, patrimoniaux – en cause, que chacun ait la même information, sans être tributaire du maire.

La commission rejette l’amendement n° 262.

Elle adopte l’amendement n° 394.

La commission en vient à la discussion commune des amendements n° 261 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 393 de Mme Laure de La Raudière et n° 204 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de prévenir suffisamment en amont le maire de la commune concernée par un projet d’implantation d’éolienne, afin qu’il ait le temps d’étudier les incidences de l’installation projetée. Le porteur de projet devrait lui adresser son avant-projet deux mois – au lieu de quinze jours – au moins avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale.

Mme Laure de La Raudière. Le délai de quinze jours fixé dans le texte me semble très court. L’élaboration de ce type de projets exige plusieurs mois, car il faut négocier un bail avec un exploitant agricole, mener des études sur les vents, parfois les sons. Si le maire reçoit l’avant-projet deux mois avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale, il a le temps de le présenter au conseil municipal.

Mme Agnès Thill. Les parcs d’éoliennes font partie des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). À ce titre, leur implantation est soumise au régime de l’autorisation environnementale. L’article 25 bis propose d’informer les maires des communes concernées quinze jours au moins avant le dépôt de la demande d’autorisation, plutôt qu’au moment de la phase d’examen. L’information doit notamment comprendre l’étude d’impact. L’amendement propose d’étendre ce délai à trente jours, de manière à ce que les maires, en particulier ceux des plus petites communes, puissent pleinement se saisir du sujet et y associer les riverains.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements, qui allongent les délais.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je rappelle que les maires ont quatre mois pour prendre position. Après la phase d’instruction de l’autorisation, on revient devant les conseils municipaux. Vous proposez d’aller à rebours de l’objectif du projet de loi, en allongeant les délais, avant même le début de l’instruction du projet et de l’enquête. Sachons raison garder. Nous avons prévu un délai de quinze jours pour apporter une information avant le début de l’examen collectif du projet. Il ne s’agit pas de demander au maire de prendre position en quinze ou en trente jours : ce n’est pas l’objet de l’article.

Mme Agnès Thill. Aucun de nous ne semble souhaiter avoir un grand nombre d’éoliennes sur son territoire. Il devrait y avoir un seuil de saturation !

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel n° 301 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement n° 179 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Le projet de loi prévoit que le maire de la commune concernée et ceux des communes limitrophes recevront les avant-projets d’installation d’éoliennes. Je propose d’ajouter : « Le maire informe les membres du conseil municipal de tout projet concernant une installation de production d’électricité à partir d’énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune ou des communes limitrophes. Il met à disposition des membres de son conseil municipal l’avant-projet envoyé par le porteur du projet au maire conformément aux dispositions du présent article. »

Il s’agit simplement de compléter le dispositif prévu par le Sénat en spécifiant que si le maire reçoit cet avant-projet, c’est pour le présenter au conseil municipal et en débattre avec lui.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il faut laisser aux maires le soin de gérer leurs relations avec les conseillers municipaux. Je ne suis pas favorable à cet amendement qui restreint les libertés des élus locaux, laissons-leur cette liberté. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable, il est très inhabituel qu’un texte de loi détermine les éléments que le maire doit communiquer à ses conseillers municipaux.

Mme Laure de La Raudière. Au contraire, le fonctionnement des conseils municipaux est très encadré, la loi détermine une liste de délibérations obligatoires. En l’espèce, il ne s’agit pas d’une délibération, mais la loi prévoit des cas analogues.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La loi ne doit pas commencer à spécifier les projets à propos desquels le maire doit informer le conseil municipal. Il s’agit bien d’une information, pas d’une délibération. À terme, faudra-t-il prévoir que le maire informe le conseil municipal de l’arrivée dans la commune d’un boulanger, d’un artisan, d’un projet d’implantation d’usine de retraitement des boues ?

Introduire des obligations d’information des conseils municipaux risque de contraire excessivement les maires, qui sont largement capables de décider des informations à donner.

Mme Laure de La Raudière. Je le modifierai en vue de la séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 266 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 193 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est proposé de soumettre l’installation d’un parc éolien à l’autorisation préalable des conseils municipaux concernés : celui de la commune sur le territoire de laquelle va avoir lieu l’installation ainsi que celui des communes limitrophes.

Cette mesure permettrait de renforcer la démocratie de proximité et de donner tout leur sens aux prérogatives des élus locaux, garants de la salubrité, de la santé et de l’ordre public.

Mme Laure de La Raudière. Pour ma part, je propose que l’autorité compétente soit tenue de recueillir formellement l’avis des conseils municipaux de la commune concernée et des communes limitrophes sur les projets éoliens. Sans délibération des conseils municipaux dans les trois mois après réception de l’avant-projet, leur avis serait considéré comme défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable.

Soit nous sommes tous prêts à faire la transition écologique et énergétique, et chacun accepte de faire un bout de chemin, soit chacun considère que rien ne doit se faire dans son arrière-cour, et que le problème doit être réglé par les autres. C’est un problème de confrontation avec la réalité que nous sommes en train de traverser.

Mme Laure de La Raudière. Tous ces amendements sont présentés car il existe un vrai problème. À la suite de la suppression des zones de développement éolien (ZDE), aucun dispositif d’urbanisme ne permet d’organiser l’implantation des éoliennes. Le plan local d’urbanisme (PLU) ne permet pas d’interdire l’éolien, et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ne sont pas prescriptifs. Nous souhaitons simplement que l’avis des maires soit pris en compte dans les délibérations sur l’installation d’éoliennes.

Il faut des installations éoliennes, et tout se passe bien dans certaines zones, mais parfois, la situation est mauvaise. Il faut un document d’urbanisme qui impose aux différents intervenants de se concerter pour organiser les choses.

M. Jérôme Lambert. Nous ne souhaitons pas tous que les éoliennes soient chez le voisin, mais il faut accepter qu’elles ne puissent pas être installées partout. Certaines collectivités ont des raisons objectives d’estimer que les éoliennes n’ont pas leur place dans des lieux donnés. Ne culpabilisez pas les collectivités ou les citoyens qui ne voudraient pas, pour des raisons légitimes et objectives, qu’une multitude d’éoliennes soient installées chez eux. Parfois, le refus ne porte pas sur les éoliennes, mais sur leur trop grand nombre.

Mme Agnès Thill. Nous sommes tous favorables à la transition énergétique, mais sans culpabiliser les citoyens. Si je fais état d’un seuil de saturation, c’est qu’il y en a parfois déjà trop. Dans l’Oise, dans certains endroits, on en voit cinquante-cinq d’un seul regard ! Et aucune loi ne permet de cesser d’en installer encore et encore. Les gens ne sont pas opposés à la transition énergétique, mais les élus des petites communes n’en peuvent plus, il faudrait définir un seuil de saturation et admettre que dans certains endroits, il y a trop d’éoliennes.

M. Rémi Delatte. Je suis surpris de la réaction de la ministre, qui laisse entendre qu’il faut limiter les procédures, éviter les concertations et rester très discret en amont pour installer des éoliennes sur le territoire.

Nous sommes tous conscients de l’intérêt de la transition énergétique, mais dans certains secteurs, les acteurs locaux ne souhaitent pas que des projets soient installés. Il est important qu’ils soient informés et qu’ils puissent s’exprimer.

Mme Frédérique Tuffnell. Le président du département de Charente-Maritime, Dominique Bussereau, a mis en place un observatoire de l’éolien dans le secteur de l’Aunis. Mais cet observatoire n’a aucun pouvoir. Il serait intéressant de permettre aux élus de donner leur avis sur les projets d’installations groupées d’éoliennes. La parole des citoyens au sein des conseils municipaux serait entendue. Je suis favorable à cet amendement, nous devons y réfléchir.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous invite à en revenir à l’amendement, beaucoup d’arguments ne s’y rapportent pas. Il n’y est pas question de seuil de saturation ou de délibérations citoyennes.

Je regrette que le débat se concentre sur l’éolien, c’est votre liberté de parlementaires, mais il est dommage de ne pas aborder toutes les autres industries. La France n’est pas qu’une usine à faire des éoliennes, nous avons des industries dans beaucoup d’autres secteurs : la chimie, la pharmacie, l’industrie légère, l’industrie lourde, la mécanique, l’automobile ou l’aéronautique. Il n’y a pas un seul amendement sur tous ces sujets, tandis que quarante amendements portent sur l’éolien. Je suis prêt à ce débat, mais comprenez mon étonnement.

La ministre n’a pas cherché à culpabiliser ou à critiquer la position des uns ou des autres, mais reconnaissons qu’il est paradoxal que notre société souhaite manger local sans avoir de champs dans le voisinage, que nous souhaitions des produits fabriqués en France sans voir d’usines, être livrés dans sa boîte aux lettres sans entrepôts, et nous voulons réaliser la transition énergétique sans permettre les installations qui la rendent possible. Sans culpabiliser ni critiquer personne, ce paradoxe est évident. Il est même présent au sein de cette commission : nous voulons simplifier, mais pas trop, et pas partout. C’est humain, nous affirmons certaines positions, mais à l’heure de les appliquer concrètement, les volontés manquent.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Ces amendements ajoutent des étapes à une procédure dont les conseils municipaux sont déjà partie prenante. Il est proposé de leur laisser décider si les projets doivent être lancés. C’est une atteinte à la liberté d’entreprendre dont la constitutionnalité n’est pas acquise. L’amendement n° 266 propose de laisser les conseils municipaux décider en amont du sort des projets, et l’amendement n° 193 va avoir pour effet de rallonger la procédure, alors qu’ils sont déjà consultés. Ils pourraient même confisquer la discussion, car il est ici question des maires, pas des citoyens.

Les installations éoliennes sont soumises à autorisation et à évaluation environnementale, cette procédure ne dure pas une semaine, mais quatre mois. Les conseils municipaux sont interrogés, les maires réunissent les conseils municipaux et leur fournissent les éléments sur la base des travaux menés lors de l’instruction de l’autorisation.

Il me semble que ces différents amendements traduisent la volonté de freiner le développement de l’éolien.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 25 bis ainsi modifié.

Article 25 ter (nouveau) (article L. 121-8-1 du code de l’environnement et article L. 311-13 [nouveau] du code de justice administrative) : Simplification des procédures relatives à l’éolien en mer

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements n° 628 du Gouvernement, n° 302 et n° 174 de Mme Sophie Panonacle.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le Gouvernement a repris les deux amendements de Mme Panonacle en les retravaillant pour des raisons d’articulation juridique. Il s’agit des procédures concernant l’éolien en mer.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe des objectifs ambitieux au développement de l’éolien en mer pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et diversifier notre mix énergétique.

Cette filière participe fortement à la relance de l’économie car elle crée une activité importante et plusieurs usines existent en France. Le développement des projets prend cependant de nombreuses années, ainsi les parcs attribués en 2012 devraient être mis en service en 2023, après onze années d’instruction et de contentieux.

L’amendement n° 628 permettra de simplifier et d’accélérer les procédures administratives et de diminuer la durée de la phase de recours, qui bloque les projets pendant plusieurs années. Les phases administratives de la procédure de mise en concurrence pourront commencer concomitamment au début du débat public. La prise en compte de ce débat n’en souffrira pas, car les décisions du Gouvernement interviendront postérieurement. Dans un objectif de cohérence, de planification et de transparence, les débats publics de plusieurs projets pourront être mutualisés.

Le Conseil d’État se verra attribuer la compétence en premier et dernier ressort pour connaître des litiges. L’ampleur des projets d’installations éoliennes en mer, de plusieurs centaines de mégawatts et plusieurs milliards d’euros, le justifie. La suppression d’un niveau de recours permettra de gagner deux ans sur les calendriers de développement des projets.

La France se flatte du deuxième domaine maritime au monde, mais nous sommes extrêmement en retard pour le développement de l’énergie éolienne en mer. C’est une question de stratégie : est-ce que nous accélérons la transition énergétique que nous appelons de nos vœux ? Je parle bien d’implantations d’éoliennes en mer, il n’est pas question de perspectives paysagères ni de mâts artistiquement placés à la frontière d’une commune afin de concentrer les nuisances dans les communes limitrophes. Ces projets industriels emploient 300 personnes à Cherbourg et au Havre pour la construction des pales d’éoliennes.

Mme Sophie Panonacle. Ces simplifications vont favoriser le développement des parcs éoliens en mer et réduire les délais d’attribution des projets. L’implantation de parcs présente plusieurs avantages : augmenter la production d’énergies renouvelables pour atteindre les objectifs de la PPE, et participer à la relance économique de la France grâce à la création de nombreux nouveaux emplois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je remercie Mme Panonacle d’avoir mené au printemps dernier la consultation de tous les acteurs.

Je suis favorable à l’amendement du Gouvernement, qui reprend les dispositifs proposés par Mme Panonacle.

Les amendements n° 302 et n° 174 sont retirés.

Mme Cécile Untermaier. Attribuer la compétence en premier et dernier ressort au Conseil d’État pour les contentieux relatifs à l’éolien en mer peut imposer d’en passer par un avocat au Conseil, ce qui induit des frais financiers importants.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Tous les litiges finissent déjà devant le Conseil d’État. Nous permettons d’économiser les coûts de la première instance.

Mme Cécile Untermaier. Mais pour introduire le recours en première et dernière instance, faut-il les services d’un avocat au Conseil ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les litiges dont sont saisis les tribunaux administratifs en première instance ne s’arrêtent pas à ce stade de la procédure. Nous avons prévu la saisine du Conseil d’État dès la première instance, en appliquant le formalisme propre à cette instance, mais tous les recours sont déjà tranchés par le Conseil d’État en dernier ressort.

Mme Cécile Untermaier. Mais pour introduire l’instance en premier ressort, faudra‑t-il un avocat au Conseil ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je pense que le formalisme est le même qu’en dernier ressort, le recours à un avocat est nécessaire. Mais je vous le confirmerai en séance.

La commission adopte l’amendement n° 628.

Après l’article 25

La commission examine les amendements identiques n° 247 de Mme Jeanine Dubié et n° 490 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement, préparé avec le Syndicat des énergies renouvelables, vise à contourner un obstacle majeur au développement de la petite hydroélectricité et à simplifier la procédure.

Par un décret du 4 octobre 2018, la France a introduit dans sa réglementation une interprétation extrêmement restrictive de la directive-cadre sur l’eau. Tout porteur de projet hydroélectrique doit démontrer que son projet ne dégrade aucun des critères de notation de l’état général du cours d’eau, sans quoi il contrevient au principe de non-détérioration du cours d’eau, et par conséquent ne peut être autorisé.

Il est possible de déroger à ce principe de non-détérioration si le porteur de projet établit le caractère d’utilité publique supérieure sur des critères énergétiques, climatiques et économiques. Cet amendement propose de préciser la procédure d’obtention de cette dérogation, et de l’intégrer à celle d’autorisation environnementale unique qui a précisément pour objet d’inclure l’ensemble des procédures d’instruction d’un projet.

Aujourd’hui, il est presque impossible d’aller au bout des projets de petite hydroélectricité.

Mme Danielle Brulebois. Favoriser le développement de la petite hydroélectricité contribuera à atteindre les objectifs très ambitieux de la PPE.

La Cour de Justice de l’Union européenne a interprété de façon restrictive le principe de non-détérioration de la qualité des masses d’eau prévu par la directive-cadre européenne sur l’eau (DCE). Selon cet arrêt, la détérioration d’une masse d’eau est constatée dès lors que l’un des critères d’évaluation de la qualité de cette masse d’eau est déclassé, et non l’ensemble des paramètres, tel que cela est considéré au sein de la DCE.

La France a introduit cette interprétation dans sa réglementation relative aux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). En application de ce texte, tout porteur de projet hydroélectrique doit démontrer que son projet ne dégrade aucun des critères de notation de l’état général du cours d’eau, sans quoi il contrevient au principe de non-détérioration, et par conséquent ne peut être autorisé. Cette interprétation constitue un obstacle majeur au développement de projets hydroélectriques.

Il est toutefois possible de déroger à ce principe de non-détérioration si le porteur de projet établit le caractère d’utilité publique supérieure sur des critères énergétiques, climatiques et économiques, conformément à l’article 4.7 de la DCE, comme l’a reconnu la CJUE dans son arrêt du 4 mai 2016. Cette possibilité est laissée à la discrétion des États membres. En France, cette dérogation est conditionnée au fait que les modifications ou altérations des masses d’eau répondent à un intérêt général. Mais les critères permettant cette qualification ne sont pas définis, pas plus que la procédure permettant de prétendre à cette dérogation.

Ainsi, alors que l’obtention de cette dérogation devient systématique pour le développement de nouveaux projets hydroélectriques, il apparaît pertinent d’en préciser certaines étapes et de l’intégrer à la procédure d’autorisation environnementale unique, dont l’objet premier est d’inclure l’ensemble des procédures d’instruction d’un projet.

Par conséquent, nous proposons que l’autorisation environnementale tienne lieu de dérogation aux objectifs de qualité des eaux. L’absence d’encadrement des projets d’intérêt général majeur fragilise juridiquement les projets bénéficiaires d’une autorisation environnementale, qui requièrent pourtant de faire la démonstration d’un impact acceptable sur l’environnement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il faut simplifier la réglementation pour la petite hydroélectricité.

L’objectif de mieux articuler les procédures est louable, mais la rédaction des amendements pose un problème pratique : la procédure de consultation du public prévue dans le régime de l’autorisation environnementale ne tient pas compte du fait qu’un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux n’est plus modifiable après son adoption, en dehors de son cycle de révision tous les six ans.

Je propose de retravailler ces amendements d’ici à la séance pour aboutir à une rédaction opérante.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous sommes confiants quant aux possibilités de trouver une rédaction satisfaisante d’ici à la séance.

Mme Frédérique Tuffnell. Ces amendements soulèvent la question plus large de la ressource en eau. La petite hydroélectricité a un impact important sur les cours d’eau, la vie aquatique et la continuité écologique. Certaines espèces en sont affectées. Alors que nous connaissons une période de sécheresse, la gestion de l’eau mérite d’être discutée plus longuement, dans un autre cadre. Il est trop tôt pour attribuer sans débat des dérogations aux installations hydroélectriques, j’invite le Gouvernement à ne pas agir avec précipitation.

Mme Jeanine Dubié. Je remercie le rapporteur et la ministre pour l’intérêt manifesté pour cet amendement, et j’accepte leur proposition de le retirer pour y retravailler.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je précise à l’intention de Mme Tuffnell qu’actuellement, les dispositifs sont autorisés sans que l’on sache exactement les critères retenus. Nous souhaitons sécuriser la procédure.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient aux amendements n° 360 de Mme Barbara Bessot Ballot, n° 399 de Mme Laure de La Raudière, n° 358, n° 359 et n° 356 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Mes quatre amendements poursuivent l’objectif de favoriser la petite hydroélectricité. J’entends les appels à la prudence, mais peut-être ne pensons-nous pas à des installations de même dimension. L’hydroélectricité envisagée par Mme Tuffnell semble déjà de taille importante. Dans mes échanges en circonscription, je n’ai jamais eu connaissance des problèmes qu’elle évoque, mais je n’ai aucune réticence à en discuter plus librement et de manière pragmatique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 360, si nous pouvons admettre qu’une enquête publique soit une procédure lourde pour les installations existantes, il n’est pas envisageable de s’en dispenser pour évaluer les projets visant à créer de nouveaux ouvrages de production hydroélectrique, même peu invasifs. Bien qu’il ne s’agisse que de petite hydroélectricité, l’amendement va trop loin, avis défavorable.

Mon raisonnement est analogue pour l’amendement n° 358 : une simple remise en état d’une installation électrique sans aménagement supplémentaire a un impact réel sur son environnement et justifie qu’une évaluation préalable de la situation soit réalisée. Un régime de déclaration préalable ne prévoirait pas cette évaluation, avis défavorable.

L’amendement n° 359 attribuerait aux services de l’État une mission de repérage et d’information de toutes les installations potentiellement concernées, très lourde et complexe à gérer, avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 356, il ne sert pas l’objectif poursuivi. Il va imposer aux exploitants de centrales hydroélectriques un entretien régulier des cours d’eau, sans les exonérer des procédures nécessaires à la protection de l’environnement. L’entretien des canaux ne sera pas simplifié, au contraire. Le projet de loi simplifie des procédures applicables à l’entretien des canaux de dérivation de centrales ou des sections de cours d’eau en amont de leur prise d’eau que cet amendement rendrait inopérantes. Avis défavorable.

Je vous propose de rechercher des solutions de simplification qui n’aillent pas si loin et maintiennent un degré de contrôle important. La rédaction retenue ne devra pas non plus surcharger les services de l’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les petites centrales hydroélectriques bénéficieront des dispositions de l’article 25.

La reprise d’ouvrages existants à des fins de production d’hydroélectricité n’est pas nécessairement soumise à une autorisation. Elle est actuellement traitée comme une modification des ouvrages déjà autorisés et ne donne lieu à une nouvelle procédure avec enquête publique que dans la mesure où la modification entraîne des dangers et inconvénients importants et nouveaux pour l’environnement. Par ailleurs, les simplifications prévues de l’autorisation environnementale bénéficieront également à ce type de projet.

La remise en exploitation d’anciens sites pour la production hydroélectrique n’engendre pas que des interventions d’entretien léger. La remise en route des dérivations et de la turbine emporte des conséquences environnementales qui peuvent justifier une nouvelle autorisation. S’il n’y a pas ou peu d’incidence, la remise en service pourra se faire selon un régime de procédures allégées déjà prévue par le code de l’environnement. Nous retrouvons l’alternative déjà rencontrée : si la modification est substantielle, une autorisation sera nécessaire, sinon le code de l’environnement s’applique.

L’article L. 214-6 du code de l’environnement encadre le droit d’antériorité des installations existantes. En cas de création d’une nouvelle rubrique de la nomenclature, il permet que des installations qui n’étaient pas soumises à la loi sur l’eau continuent d’être exploitées, sous réserve de déclarer leur existence à l’autorité administrative. Ces installations quasiment dispensées de procédures sont toutefois soumises aux règles de protection de l’environnement et doivent parfois respecter les prescriptions édictées par le préfet. L’amendement n° 359 aurait pour effet de dispenser les installations existantes de toute démarche à accomplir pour se faire connaître par l’autorité compétente. Il est possible de changer de nomenclature, mais cela peut entraîner des modifications du régime juridique.

L’amendement n° 356 impose l’entretien régulier des cours d’eau aux exploitants des centrales hydroélectriques, mais sans les exonérer des procédures de protection de l’environnement. L’entretien des canaux de dérivation de centrales ou de la section de cours d’eau à l’amont de la prise d’eau relève des prescriptions établies pour l’exploitation de l’installation, soit dans l’autorisation initiale, soit par arrêté complémentaire, selon des procédures qui bénéficient des simplifications prévues par ce projet de loi.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement n° 399 a pour objet d’augmenter la distance minimale pour l’installation d’une éolienne de 500 mètres à un kilomètre des habitations.

Quand la distance de 500 mètres a été retenue, les mâts d’éoliennes mesuraient 150 mètres de hauteur. Elles font maintenant 200 mètres, et à 500 mètres d’une habitation, elles produisent une sensation d’écrasement. Beaucoup de gens veulent implanter des éoliennes sans avoir mesuré, dans une habitation, l’effet de la présence d’une éolienne à 500 mètres.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable.

M. Jérôme Lambert. Vous avez raison de soulever le problème. Cela dit, faut-il imposer la distance de 1 kilomètre ? Je n’ai pas déposé d’amendement sur le sujet – peut-être l’aurais-je dû –, mais si je l’avais fait, j’aurais proposé un dispositif un peu plus souple, autorisant par exemple l’installation à 500 mètres pour les éoliennes qui ne dépassent pas une certaine hauteur – en l’occurrence 120 mètres, comme c’était le cas à l’origine –, puis procédant de manière proportionnelle : 800 mètres si elles font 180 mètres, et ainsi de suite.

Pour vivre dans une circonscription où il y a beaucoup d’éoliennes – je n’ai pas dit trop, mais il y en a quand même beaucoup –, et connaître de nombreuses personnes vivant à proximité d’éoliennes, ce qui est d’ailleurs mon cas, je puis témoigner du fait que, dans certaines situations, les citoyens attendent que nous modifiions la règle. En effet, celle-ci a été fixée il y a un certain temps, au début de l’installation des éoliennes ; or celles-ci ne cessent d’évoluer. Même quand on n’est pas opposé par principe aux éoliennes, comme c’est mon cas, voire qu’on y est favorable, force est de constater que, parfois, trop c’est trop : certaines sont hautes de 200 mètres et se trouvent à 500 ou 600 mètres des habitations. Cela me pose problème.

Mme Emmanuelle Ménard. Je me souviens d’une audition du ministre de l’agriculture, en 2017, devant la commission des affaires économiques, lors de laquelle j’avais eu l’occasion de l’interroger sur la raison de la règle des 500 mètres. En effet, comme vous le savez, dans d’autres pays, les règles sont différentes. Sa réponse, si elle avait le mérite de l’honnêteté, m’avait quand même surprise : il m’avait dit qu’en France, étant donné le mitage, il n’y aurait pas d’éoliennes si on avait imposé une distance de 1 kilomètre par rapport aux habitations. Autrement dit, la règle a été fixée de façon arbitraire, ce qui est pour le moins surprenant.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez dit qu’il n’était question que de l’éolien, qu’il n’était pas possible de faire du projet de loi un texte contre l’éolien et que nous n’allions pas refaire le débat sur cette forme d’énergie. Mais si on parle beaucoup de l’éolien et moins du photovoltaïque, c’est peut-être parce que certaines énergies renouvelables posent moins de problèmes que d’autres. En l’occurrence, il est vrai que des panneaux photovoltaïques installés sur le toit d’un parking ou d’un supermarché posent moins de problèmes aux gens qu’un mat éolien situé à 500 mètres de chez eux et qui, effectivement, leur pourrit la vie – passez-moi l’expression.

M. Rémy Rebeyrotte. Ce qui m’ennuie, c’est qu’on entre dans le fond des réglementations. Le débat sur l’éolien m’intéresse, mais l’enjeu est surtout d’éviter les délais totalement déraisonnables, aussi bien pour le porteur de projet que pour les riverains, et ce que le projet aboutisse ou pas. Pour un projet éolien, compte tenu de l’ensemble des recours possibles, le délai de traitement est de cinq à sept ans en moyenne. Cela anime nos territoires pendant des années, parfois même pour rien quand le projet ne se concrétise pas. Les personnes conduisant les projets nous disent que, quand elles en sont au stade des travaux à réaliser, le plus difficile est fait, car cela veut dire qu’elles en ont fini avec les dossiers visant à obtenir les autorisations diverses et variées et que tous les obstacles administratifs, souvent bloquants, ont été franchis. Cela me rappelle le livre de Guillaume Poitrinal, paru en 2012, Plus vite ! La France malade de son temps : il faut faire en sorte, en entrant dans la mécanique des retards inutiles, que ces questions soient tranchées le plus rapidement possible. De ce point de vue, le projet de loi revêt une importance majeure.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je rejoins totalement l’argumentation de M. Rebeyrotte. La question est non pas de savoir si on est pour ou contre l’éolien, ni si l’on veut faire en sorte que tous les projets éoliens aboutissent – ou au contraire qu’ils soient tous interdits –, mais de se doter d’une procédure efficace permettant de donner une réponse rapide. Cela vaut d’ailleurs pour toutes les industries, car de nombreux projets ne sont pas réalisés à cause de la présence d’une espèce protégée ou de telle ou telle caractéristique du sous-sol. Les industriels ont besoin d’un nombre de procédures administratives aussi réduit que possible, qui aillent vite et qui soient sécurisantes. Il faut également éviter de revenir sur les décisions : à un moment, c’est oui ou c’est non.

Par ailleurs, le projet de loi n’a pas pour objet d’aborder tous les secteurs. Sinon, il pourrait aussi y avoir des amendements consacrés au traitement des boues, pour faire en sorte qu’elles soient rejetées aussi loin que possible des maisons, au retraitement des déchets, ou encore à la distance à respecter pour l’installation d’une usine chimique. Moi aussi je pourrais me montrer très créatif pour rajouter des contraintes, que ce soit en matière de distances, de délais supplémentaires ou encore d’informations aux maires, qu’il s’agisse du plastique ou des sites Seveso – tout ce que vous voudrez. Mais ce ne serait pas vraiment en rapport avec l’objet du projet de loi, à savoir, je le répète, accélérer et simplifier. Je ne juge pas de vos objectifs, vous avez toute liberté de déposer une proposition de loi qui complexifie et ralentit la création de sites industriels, l’installation d’éoliennes ou ce que vous voudrez, mais ce n’est pas vraiment l’objectif du présent projet de loi ; dès lors, ne soyez pas étonnés que je n’y sois pas favorable.

Enfin, et pour en revenir aux éoliennes, ne généralisons pas : il y a des endroits où cela se passe plutôt bien. Cet été, je suis monté au sommet d’éoliennes, à Villemeux-sur-Eure et à Ormoy. Leur proximité n’en fait pas une obsession pour les habitants, les projets ont été coconstruits avec les élus et les citoyens. Je ne suis donc pas favorable à ce que l’on jette en pâture la totalité d’un secteur : il faut étudier les choses au cas par cas, dans le respect de chacun.

La commission rejette successivement les amendements nos 360, 399, 358, 359 et 356.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement no 529 de Mme Annaïg Le Meur et l’amendement no 342 de M. Didier Le Gac.

Mme Annaïg Le Meur. Je suis enchantée de constater que M. Le Gac s’est associé à moi dans cette discussion. Il s’agit, à travers ces amendements, de favoriser l’implantation de parcs photovoltaïques. L’enjeu a animé nos territoires à la suite d’un certain nombre de refus de permis de construire pour des projets qui devaient être développés sur des sites dégradés, c’est-à-dire des endroits qui ne peuvent pas être utilisés pour les activités agricoles, par exemple – je pense à d’anciennes décharges. Il en va de même pour les zones de captage d’eau. Il faut utiliser ces terrains pour y construire des parcs photovoltaïques, de manière à augmenter dans nos territoires la production d’électricité verte.

M. Didier Le Gac. Mon amendement insiste davantage que celui de ma collègue Annaïg Le Meur sur la notion de sites dégradés. Il vise des terrains qui ne sont pas constructibles, par exemple parce qu’ils accueillaient autrefois une déchetterie ou une décharge. Souvent situés en zone littorale, ils sont très nombreux et représentent un potentiel très important – plusieurs centaines de mégawatts –, en métropole comme outre-mer.

Le présent amendement a donc pour objet de rendre possible l’installation de panneaux photovoltaïques au sol sur des sites dégradés en zone littorale, tout en fixant bien sûr un cadre – un décret définirait au préalable les lieux concernés. Nous avions déjà beaucoup évoqué la question l’an dernier, à propos de la loi littoral ; une dérogation avait d’ailleurs été introduite pour les îles. Nous en demandons une autre afin d’installer des panneaux photovoltaïques sur les terrains dégradés des communes littorales, qui sont souvent situés à proximité de terrains déjà urbanisés.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis un peu gêné, pour deux raisons.

Premièrement, on touche à un sujet sensible, à savoir la loi littoral, que nous avons déjà abordé longuement à l’occasion de l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC), si je me souviens bien. La question mériterait une concertation très large et un accord unanime, ici et au Sénat.

Deuxièmement, sur le fond, et en s’en tenant à la rédaction proposée, j’ai du mal à comprendre ce qui entrerait dans la catégorie des sites dégradés : la notion mériterait d’être précisée, à la fois pour rassurer et pour qu’elle puisse être appliquée de façon effective sur le terrain.

Pour ces raisons, j’aurais tendance à vous demander de retirer ces amendements ; à défaut, avis défavorable. Nous pouvons essayer d’y travailler d’ici à la séance mais, vous le savez car vous êtes des spécialistes du littoral, c’est un sujet qui va susciter un certain nombre de questions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je comprends le sens de la proposition mais, dans les zones littorales, les considérations d’économie de l’espace et de protection des paysages sont privilégiées : l’approche n’est pas exactement la même qu’ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas à l’aise avec ces amendements et ne pouvons pas vous fournir de réponse immédiate. Autant, tout à l’heure, je pouvais dire à Mme Brulebois et à Mme Dubié qu’il était possible de parvenir rapidement à une rédaction satisfaisante, autant ce n’est pas le cas ici, je vous le dis très clairement. Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

Mme Annaïg Le Meur. Je comprends tout à fait vos réponses. Au moins Didier Le Gac et moi-même aurons-nous défendu ensemble cet enjeu. Peut-être faudrait-il que nous définissions un peu mieux les termes. Je ne me suis pas appuyée sur la loi littoral précisément pour ne pas tomber une fois encore sur des problèmes effectivement bien réels.

Par ailleurs, en Bretagne, la plupart des territoires sont liés à la zone littorale. Quand nous voulons développer les énergies alternatives, nous nous heurtons à des difficultés. Du reste, nous sommes dépendants de l’énergie produite – nous n’avons pas non plus de centrale nucléaire. Nous devons trouver des solutions ensemble, pour que notre territoire ne soit pas en retrait par rapport à la modernité. J’ai parlé des zones de captage d’eau : sur ces terrains, il n’y a pas de construction possible. Il faut que nous arrivions à utiliser la plupart des lieux disponibles, car il n’y a pas que sur les toits que l’on peut installer des panneaux photovoltaïques. Il faut y réfléchir, car notre territoire est particulier – c’est d’ailleurs pour cette raison que le Finistère est moteur sur la question.

Je retire mon amendement mais je souhaite y travailler avec vous.

M. Didier Le Gac. Je retire le mien également, et j’ai bien entendu moi aussi les propos du rapporteur nous invitant à y retravailler.

Les amendements sont retirés.

M. le président Bruno Duvergé. Voilà qui clôt nos travaux pour ce soir, mes chers collègues.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Monsieur le président, nous avons beaucoup parlé d’éoliennes ce soir, mais dans cette salle nous manquons d’air… Afin d’accélérer et simplifier nos travaux, pourrait-on envisager de changer de salle demain ? (Sourires.) C’est vraiment à la limite du supportable.

M. le président Bruno Duvergé. J’ai bien pris acte de votre demande, chère collègue, mais cela dépendra de la disponibilité des autres salles.

Quoi qu’il en soit, je vous donne rendez-vous demain à quinze heures – ici ou ailleurs – pour la suite de nos travaux.

5.   Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 15 heures

M. le président Bruno Duvergé. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.

Je vous informe que les articles 33, 33 bis A et 33 bis, relatifs à l’Office national des forêts, sont réservés : leur examen aura lieu ce soir, à vingt-et-une heures trente, en présence de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Chapitre IV
Exécution anticipée de travaux

Division et intitulé supprimés

Article 26 (article L. 181-30 du code de l’environnement et articles L. 425‑10 et L. 425-14 du code de l’urbanisme) : Exécution anticipée de travaux avant la finalisation de l’instruction de l’autorisation environnementale

La commission examine les amendements identiques n° 134 de Mme Cécile Untermaier, n° 236 de Mme Frédérique Tuffnell, n° 273 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 465 de M. Gabriel Serville.

Mme Cécile Untermaier. Le présent article donne au préfet la possibilité d’autoriser, dans certains cas, le lancement de certains travaux de construction de manière anticipée avant la décision d’autorisation environnementale lorsque le permis de construire a été délivré et que l’enquête publique est achevée.

Cette disposition, qui s’inscrit dans le droit fil de la procédure du rescrit qu’a introduite la loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC), permet aux porteurs de projet de gagner du temps. Mais elle nous pose un problème, dans la mesure où l’octroi du permis de construire et l’achèvement de l’enquête publique ne suffisent pas à régler la question environnementale.

Par ailleurs, il nous semble que cette disposition envoie un signal assez négatif, puisqu’elle fait de la question environnementale une question subsidiaire, alors qu’elle est essentielle et devrait faire l’objet d’une réflexion d’ensemble.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 26.

Mme Frédérique Tuffnell. L’article 26 permet au préfet d’autoriser le lancement de certains travaux de construction de manière anticipée, avant la décision d’autorisation environnementale.

En plus de complexifier le régime juridique de l’autorisation environnementale, cette disposition, qui ne comporte pas des garanties environnementales suffisantes, créera inévitablement des précontentieux ou des contentieux. En effet, les garde-fous dont vous parlez ne figurent pas dans le projet de loi. La rédaction retenue est peu claire et pourrait signifier que cette autorisation spéciale ne peut être accordée que si les travaux concernés ne nécessitent pas une autorisation environnementale unique. Or de nombreux projets ne relèvent pas de l’autorisation environnementale unique, qui est une procédure dérogatoire introduite il y a peu et assez rarement utilisée. Pouvez-vous préciser ce point ?

Mme Emmanuelle Ménard. Je suis sur la même ligne que mes collègues. En permettant que des travaux commencent avant l’obtention de l’autorisation environnementale, on vide cette autorisation de toute utilité. En l’état actuel du droit, pour les projets éoliens, le permis de construire et l’autorisation environnementale sont déjà fusionnés. Si l’on venait, par cet article, à consacrer la dispense d’autorisation environnementale pour, par la suite, distinguer le permis de construire et l’autorisation environnementale, cela reviendrait, pour les promoteurs éoliens, à se passer d’autorisation environnementale.

M. Gabriel Serville. Je suis sur la même longueur d’onde que mes collègues.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je rappelle que les travaux dont il est question à l’article 26 auront déjà donné lieu à la délivrance d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir. Il s’agit seulement, dans certains cas définis de manière très précise, d’autoriser le démarrage des travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale. L’article précise que la possibilité de commencer ces travaux doit avoir été préalablement portée à la connaissance du public. Tout cela est très encadré. J’ajoute que cela se fait aux frais et risques du demandeur.

Il ne faut pas avoir peur de cette mesure, qui permettra de réduire considérablement les délais en fin de procédure, sans remettre en cause la préservation de la biodiversité et de la nature. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. J’émettrai également un avis défavorable sur ces amendements.

Je préciserai d’abord que cet article ne s’applique pas aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à autorisation au titre de la loi sur l’eau, puisqu’il ne porte que sur les ouvrages qui n’ont pas d’impact environnemental irréversible : les zones humides ne sont donc pas concernées. L’article ne s’applique pas non plus aux éoliennes.

Mme Cécile Untermaier. J’ai bien conscience que le Gouvernement n’entend pas laisser les préfets autoriser n’importe quoi. Néanmoins, je m’interroge sur deux points.

Cette loi vise la simplification. Or cet article, en créant des cas particuliers, a plutôt tendance à complexifier la lecture du dispositif.

Par ailleurs, je m’interroge sur la notion d’irréversibilité, qu’il ne sera pas si facile à apprécier pour le préfet. C’est précisément l’autorisation environnementale qui permet souvent de mettre le doigt sur un risque qui a échappé à tout le monde.

Cette mesure n’est pas, selon moi, une mesure de simplification ; elle fait peser des risques inconsidérés sur le maître d’ouvrage et la question environnementale apparaît finalement comme la variable d’ajustement dans un projet industriel ou agricole.

Mme Frédérique Tuffnell. L’autorisation environnementale a le mérite d’introduire des mesures visant à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites (mesures dites « ERC »). Il nous semblerait plus prudent de préciser que cette disposition ne s’applique qu’à titre exceptionnel et lorsqu’un but d’intérêt général l’exige. Ce sont les termes retenus par la jurisprudence européenne.

Mme Émilie Cariou. Madame la ministre, permettez-moi de vous dire comment les choses se passent concrètement. Lorsqu’un incident se produit – pollution, incendie, explosion… –, il est très difficile de faire constater les dégâts, de les faire évaluer et de trouver un responsable. Allez trouver les responsables des dégâts environnementaux causés par l’exploitation minière quand les sociétés n’existent plus ! Or, quand on ne trouve pas les responsables, on ne peut pas indemniser les victimes. Je vous parle de choses que j’ai vécues : j’ai eu plusieurs cas de pollution industrielle diffuse dans ma circonscription et je peux vous dire qu’il est très difficile de faire reconnaître les dégâts et d’obtenir une indemnisation. Les autorisations préalables sont absolument nécessaires : quand un incident a eu lieu, il est trop tard.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’article 26 ne concerne pas l’exploitation en tant que telle – qui peut effectivement causer une pollution industrielle et qui nécessite une autorisation d’exploiter –, mais ce qui se passe en amont, à savoir la construction du site industriel.

Le début des travaux se situe en revanche en aval du rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement du projet, ou étude d'impact. L’étude d’impact détermine si les travaux risquent d’avoir des effets irréversibles sur l’environnement.

Madame Cariou, dans les cas qui nous intéressent ici, le responsable est bien identifié : c’est le porteur de projet. Vous évoquez des cas de pollution diffuse postérieurs à l’exploitation. Or cet article concerne le moment de la construction du site, avant le début de l’exploitation. L’autorisation d’exploiter, elle, est évidemment soumise à une autorisation environnementale.

Je rappelle qu’il s’agit d’une loi d’accélération et de simplification. Nous n’avons pas été particulièrement inventifs : nous nous sommes inspirés des bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest. En Suède, par exemple, il faut deux fois moins de temps qu’en France pour construire un site industriel ; notre pays est au-delà de la 100e place dans le classement mondial de la simplicité administrative. Or, comme vous le savez, nombre de nos voisins ont un niveau d’exigence environnemental très élevé, voire supérieur au nôtre.

Mme Emmanuelle Ménard. Vous dites, madame la ministre, que la disposition introduite par l’article 26 s’applique après l’autorisation environnementale, mais c’est avant !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est après l’étude d’impact et avant l’autorisation environnementale.

Mme Emmanuelle Ménard. Mais l’étude d’impact ne suffit pas à apporter une caution environnementale au projet. On va donc bien donner l’autorisation de commencer les travaux avant d’avoir tous les éléments en main.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le permis de construire est accordé sur la base de l’étude d’impact. L’autorisation environnementale, elle, vient plus tard. Et la partie des travaux qui est autorisée l’est précisément parce qu’elle n’a pas d’impact environnemental.

Mme Émilie Cariou. Madame la ministre, je suis désolée, mais une fois que vous aurez donné l’autorisation de construire, je ne vois pas comment vous pourrez empêcher une entreprise de lancer une exploitation. Il sera très difficile de revenir en arrière ! Nous voulons relocaliser des industries en France, mais pas des industries du XIXe siècle : nous ne voulons revenir ni sur les droits sociaux, ni sur les droits environnementaux. Nous voulons sécuriser ces relocalisations.

M. Ugo Bernalicis. Notre collègue a raison : à partir du moment où vous autorisez une partie des travaux, il sera très difficile de les arrêter en cours de route au prétexte que les règles environnementales n’auront pas été respectées : les entreprises en charge des travaux vont protester, demander des dédommagements et vous allez créer des contentieux qui vont durer des années, avec des chantiers en jachère. Il existe déjà des contentieux de ce type : à la frontière de ma circonscription, on a construit un bâtiment qui n’a jamais pu être exploité. Il est vide et  ne sert à rien.

Il serait évidemment préférable de suivre toutes les étapes et de ne donner un vrai feu vert que lorsqu’on est certain que toutes les normes seront bien respectées. En donnant une autorisation de construction de manière anticipée, on risque de ne pas pouvoir refuser l’autorisation d’exploitation – on nous fera du chantage à l’emploi, ou à autre chose. Votre article n’apporte aucune simplification ; il crée des complexités supplémentaires.

Mme Cécile Untermaier. Tout ce que j’espère, c’est que les porteurs de projet renonceront à utiliser ce dispositif, parce qu’il est compliqué et hasardeux.

Madame la ministre, je partage votre objectif d’accélérer les procédures : nous sommes tous au chevet d’entreprises qui ont de bons projets et nous voulons qu’elles les réalisent rapidement. Mais ce que vous avez l’air de leur dire, c’est que puisque l’administration est incapable de travailler dans des délais raisonnables, il vaut mieux que les entrepreneurs partent devant, et on les rattrapera. J’ai une autre conception de l’administration et de l’État de droit.

Je le répète : je ne suis pas trop inquiète, parce que je pense que les porteurs de projet n’oseront pas s’aventurer dans cette voie. Mais je pense que le message que vous délivrez est extrêmement dangereux, puisqu’on a le sentiment que l’administration démissionne et que, parce qu’elle se trouve elle-même trop tatillonne sur ces questions environnementales, elle laisse la main au porteur de projet.

Mme Frédérique Tuffnell. L’autorisation environnementale permet, je le répète, de prendre des mesures qui tendent à « éviter, réduire et compenser » (ERC) les dommages environnementaux. Vous voulez permettre que des travaux démarrent avant cette autorisation, sur la seule base d’une étude d’impact, mais la construction d’une simple clôture a des effets sur la faune et la flore. L’autorisation environnementale visait justement à réduire ce genre d’impact. Nous sommes en train de bafouer ce que nous avons construit avec la loi pour la reconquête de la biodiversité. Je voudrais avoir des garanties à ce sujet, et je ne les vois pas.

M. Vincent Thiébaut. Le groupe de La République en marche votera cet article. Il est bien précisé qu’il concerne des « travaux dont la réalisation ne nécessite pas l’une des décisions mentionnées au I de l’article L. 181-2 ou au I de l’article L. 214-3 » du code de l’environnement. Je vous invite à lire ces articles, qui encadrent très bien les choses. Peuvent être visés par l’article 26 des travaux de voirie nécessaires à l’aménagement d’un site industriel. Mais il n’est aucunement question ici de la phase d’exploitation. Faisons confiance aux services déconcentrés de l’État : ils connaissent le territoire, ils savent ce qu’ils font et ils sont bien accompagnés.

Mme Laure de La Raudière. Je suis favorable à cet article : il est très utile pour accélérer la construction de bâtiments industriels ayant obtenu un permis de construire. L’entreprise prendra certes un risque, mais elle le fera en concertation avec les services de l’État : ce n’est pas non plus une partie de loto ! Cet article fera gagner quelques mois aux entrepreneurs qui souhaitent lancer une activité et elle accélérera donc le déploiement d’emplois dans nos territoires. Le groupe Agir ensemble votera cet article.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Monsieur Bernalicis, vous avez dit que cette disposition risquait de créer des contentieux, que les entreprises allaient demander réparation. Je répète que cela se fait aux frais et risques du demandeur. Il me semble que les choses sont très claires.

Madame Cariou, madame Untermaier, pour démarrer l’exploitation, il faut une autorisation. Il n’est pas question de lancer l’exploitation sans cette autorisation.

Mme Cécile Untermaier. Heureusement !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Heureusement, oui ! Vous savez très bien qu’il faut une autorisation pour démarrer l’exploitation, alors ne dites pas qu’on ne pourra pas empêcher l’exploitation si on laisse l’entrepreneur poser la première pierre !

Madame Cariou, vous avez opposé la vieille industrie et la nouvelle industrie. Je ne partage pas votre vision des choses : l’aéronautique et l’automobile sont des industries modernes, qui se renouvellent, qui investissent et qui préparent les mobilités de demain.

Mme Émilie Cariou. Je n’ai rien dit sur ces industries !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous avez dit que vous ne vouliez pas d’industries du XIXe siècle : ce n’est pas moi qui ai utilisé cette expression. J’ajoute que cet article concerne aussi les usines qui fabriquent des composants pour les éoliennes, que Mme Emmanuelle Ménard voudrait attirer chez elle, des usines qui produisent des vélos, de l’hydrogène, des batteries électriques, des industries qui doivent nous aider à accélérer la transition écologique : il faut les attirer sur nos territoires pour favoriser le made in France. C’est aussi pour ces industries-là que nous prenons ces mesures d’accélération et de simplification. Il faut construire l’industrie du futur, une industrie verte et décarbonée : c’est elle qui bénéficiera de ces dispositions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je crois que vous faites une confusion entre deux étapes différentes : la construction du bâtiment, d’une part, et l’obtention de l’autorisation environnementale d’exploiter, d’autre part – laquelle autorisation contiendra des prescriptions sur la manière d’exploiter.

L’autorisation de construction est donnée lorsqu’on est certain que les travaux ne poseront pas de problème environnemental. Je rappelle qu’on parle ici de zones industrielles, comme la plateforme de Dunkerque. L’autorisation d’exploitation, que l’industriel recevra un peu plus tard, donnera des prescriptions sur la façon d’exploiter le site. Le risque que prend l’industriel, c’est que les prescriptions industrielles soient plus strictes que ce qu’il avait anticipé. Mais ces prescriptions sont assez classiques pour chaque type de métier et il saura à quoi s’attendre.

Madame Untermaier, nous ne laissons pas entendre que les administrations sont inefficaces. Je rappelle que jusqu’à la création de l’autorisation environnementale unique, en 2017, il arrivait fréquemment que la construction d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) commence avant l’obtention de l’autorisation environnementale. Le texte de 2017, qui visait la simplification, a eu pour effet – ce n’était pas son but – de repousser le début des constructions. Je pense, madame Untermaier, que les porteurs de projet se saisiront de cette disposition, car elle leur fera gagner six mois.

Je le répète, il ne faut pas confondre la construction du bâtiment et l’exploitation d’une industrie : cela n’a rien à voir. Enfin, il est clairement précisé que le porteur de projet est seul responsable : il n’y a donc aucune ambiguïté, s’agissant du risque de contentieux que certains ont évoqué.

La commission rejette les amendements.

La commission examine l’amendement n° 268 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un amendement de repli.

Le fait de se passer de l’autorisation environnementale est problématique, car cette autorisation n’est pas seulement une caution environnementale : elle permet aussi d’assurer la participation du public sous la forme d’une enquête publique unique pour un même projet.

L’autorisation environnementale fait vivre la démocratie locale et écologique. Il semble légitime que le public soit associé à la discussion sur le projet, puisqu’il est concerné au premier chef. Or, avec votre disposition, le public ne sera plus associé, mais seulement informé, puisqu’on pourra démarrer les travaux avant que l’autorisation environnementale ait été délivrée. Il y a dans tout cela une forme d’hypocrisie : on a du mal à croire qu’en cas de non-obtention de l’autorisation, les travaux qui auront commencé seront immédiatement stoppés et que tout sera remis en l’état. Quand bien même ce serait le cas, cela représenterait évidemment une perte de temps et d’argent et le risque de dégager un bilan carbone considérable – je sais que vous êtes sensible à cette question. Cette disposition aurait donc un effet pervers, diamétralement opposé à l’objectif visé par le mécanisme de l’autorisation environnementale.

J’ai bien compris la distinction que vous faites entre la construction du bâtiment et le début de l’exploitation. Un collègue a dit que cet article pourrait concerner des travaux de voirie. Dans ma circonscription, un projet en est au stade de l’enquête publique. Des travaux de voirie ont été engagés, qui sont liés à ce projet, même si le maire m’a dit qu’il s’agissait seulement d’élargir le chemin menant au cimetière – mais peu importe.

Le problème, c’est que ces travaux de voirie sont en train de manger des terres agricoles et viticoles et qu’ils mettent à mal la faune et la flore. Il existe dix-sept espèces de chauves-souris dans cette zone, et ces travaux les mettent en danger. Or ces animaux sont essentiels, car ils protègent les vignes du ver de la grappe. Les viticulteurs sont vent debout contre ce projet.

Ce que je veux mettre en évidence avec cet exemple, c’est l’absurdité de la situation. En détruisant les animaux qui protègent leurs vignes, on va obliger les viticulteurs à les traiter davantage : ce qu’il faut, c’est une vision d’ensemble, un bilan de ce que chaque étape fait gagner et fait perdre sur le plan environnemental. Or c’est précisément le rôle de l’autorisation environnementale.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Madame Ménard, je suis absolument d’accord avec vous : il faut protéger les chauves-souris, comme l’ensemble de la biodiversité. Dans le cadre de la mission que j’ai menée, j’ai suivi un industriel qui avait remis aux services de l’État une étude sur la présence de chauves-souris dans la zone où il souhaitait lancer son activité. Un mois plus tard, on lui a dit qu’il fallait refaire l’étude, parce qu’elle n’avait pas été faite dans de bonnes conditions. Il s’est immédiatement proposé de la refaire, mais on lui a dit que ce n’était plus le bon moment de l’année et il a dû attendre plusieurs mois pour la faire réaliser à nouveau. En fin de compte, il n’y avait aucune espèce protégée de chauves-souris dans cette zone. Il faut évidemment protéger les chauves-souris, mais il faut aussi améliorer les procédures, pour éviter aux gens de perdre ainsi plusieurs mois.

Notre objectif est d’accélérer les procédures administratives sans amoindrir de quelque manière que ce soit la protection de la biodiversité et des espèces protégées. Et, pour répondre précisément à votre amendement, l’éolien n’est pas concerné, pas plus que la route communale que vous évoquez. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les espèces protégées et les zones humides ne sont pas concernées par cette disposition, puisqu’il est bien précisé que cet article ne s’applique qu’aux « travaux dont la réalisation ne nécessite pas l’une des décisions mentionnées au I de l’article L. 181-2 ou au I de l’article L. 214-3 » du code de l’environnement. L’alinéa 3 exclut de fait les éoliennes et les travaux de voirie ne sont pas davantage concernés, puisqu’on parle ici d’installations classées. Vous le voyez, le présent article ne s’applique pas aux situations que vous évoquez, soit parce qu’il les exclut explicitement, soit parce que ce n’est pas son objet.

La délivrance d’un permis de construire suppose qu’un certain nombre d’investigations ont été faites. L’article autorise le lancement de travaux sur une zone artificielle qui fait déjà l’objet d’un usage industriel. Je répète que l’autorisation d’exploiter, qui viendra plus tard, précisera les prescriptions environnementales à respecter – elles peuvent concerner les émissions ou le stockage, pour ne donner que quelques exemples. Tout cela a très bien fonctionné jusqu’en 2017, sans que personne n’y voie aucun risque majeur pour l’environnement Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement n° 463 de M. Gabriel Serville. 

M. Gabriel Serville. Les collègues qui se sont exprimés avant moi ont suffisamment fait la démonstration des risques que fait peser l’article 26, à la fois sur l’environnement et sur les pétitionnaires. Selon nous, il conviendrait d’en limiter l’application à des cas exceptionnels motivés par l’intérêt général.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement réduirait excessivement le champ d'application de l’article. J’y suis donc défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement n° 303 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement n° 361 de Mme Christine Hennion. 

Mme Christine Hennion. J’avais déposé cet amendement pour lancer le débat et obtenir des explications. Ce débat ayant eu lieu et les explications ayant été données, je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement n° 269 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5.

En l’état actuel du droit, l’article L. 425-10 du code de l’urbanisme dispose que « lorsque le projet porte sur une installation classée soumise à enregistrement en application de l’article L. 512-7 du code de l’environnement, les travaux ne peuvent être exécutés avant la décision d’enregistrement prévue à l’article L. 512‑7‑3 de ce code ».

L’alinéa 5, en modifiant la rédaction de l’article L. 425-10, semble en renverser la logique. Cela revient à dire que lorsqu’une demande d’enregistrement n’a pas été déposée, les travaux nécessaires à la réalisation d’une installation peuvent être exécutés sans enregistrement. Or cela peut s’avérer problématique pour certains projets d’installation.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les procédures d’enregistrement ne sont pas modifiées par l'article : il n’y a aucune crainte à avoir à ce sujet.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je confirme qu’il est parfaitement illégal d’exploiter une installation soumise à enregistrement sans avoir obtenu sa décision d’enregistrement. Il est par ailleurs illégal de construire sans permis. L’alinéa 5 ne présente pas de problème : je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Ugo Bernalicis. Pourquoi ne pas aller pas au bout de votre logique ? Pourquoi ne pourrait-on pas commencer à construire avant d’avoir le permis de construire ? Objectivement, les choses iraient plus vite ! Si les gens sont de bonne foi, ils prendront les risques à leurs frais et il n’y aura aucun problème !

Vous voyez où votre logique nous conduit… On marche vraiment sur la tête ! Vous dites qu’il n’y aura pas de contentieux, mais je ne suis pas certain qu’une entreprise à qui vous refuserez l’autorisation d’exploiter, ou à qui vous direz, a posteriori, qu’elle n’avait pas le droit de faire de travaux, dira seulement : « Oh, dommage ! Tant pis pour moi ! ». Les gens iront se plaindre au tribunal et il y aura des procédures.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Monsieur Bernalicis, n’hésitez pas à déposer des amendements susceptibles d’accélérer et de simplifier encore davantage les procédures.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement n° 671 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Depuis que le projet de loi a été adopté au Sénat, le Gouvernement a lancé ce que l’on appelle les sites industriels « clés en main ». Sur ces sites, toutes les évaluations environnementales ont été faites en amont, on a réalisé des fouilles archéologiques préventives, etc. Du reste, il s’agit généralement de terrains déjà destinés à l’industrie : il vaut mieux que les investisseurs s’installent sur ces terrains que sur des terres agricoles ou forestières. Sur ces sites « clés en main », on garantit aux investisseurs qu’ils auront l’autorisation de poser la première pierre dans un délai de trois mois « top chrono », ce qui est assez exceptionnel.

Cet amendement complète le dispositif de l’article 26 en rendant possible le transfert partiel d’une autorisation environnementale, tout en garantissant que l’ensemble des obligations assignées au titulaire initial de l’autorisation seront remplies et que le bénéficiaire du transfert partiel remplit bien les conditions lui permettant d’assumer les responsabilités qui seront les siennes. Il peut arriver qu’il y ait plusieurs porteurs de projet sur ces sites industriels « clés en main » : le transfert peut permettre d’accélérer les travaux sur une partie de la parcelle.

Cette disposition devrait permettre d’accélérer les relocalisations.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je suis favorable à cet amendement, qui répond effectivement à notre objectif d’accélération et de simplification en vue de créer de l’emploi industriel. Il le fait dans le strict respect des conditions environnementales et des autres prescriptions.

Mme Laure de La Raudière. Je suis tout à fait en phase avec l’esprit de cet amendement et j’ai seulement une question technique : quel type de dossier le repreneur de l’autorisation environnementale devra-t-il déposer ? Il s’installera sur un site disposant d’une autorisation environnementale, mais il ne voudra pas nécessairement y poursuivre la même activité. Quels documents devra-t-il fournir à l’autorité qui délivre habituellement l’autorisation environnementale ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Ce que prévoit le texte, c’est qu’il faudra remplir un nouveau dossier en cas de modification substantielle de l’activité.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les prescriptions formulées par l’autorisation environnementale s’imposent au repreneur. Si son activité est substantiellement différente de celle qui existait jusque-là, il doit effectivement déposer un nouveau dossier.

Mme Laure de La Raudière. Ce que j’aimerais savoir, c’est ce que le repreneur devra déclarer à l’État. S’il estime que son activité n’est pas substantiellement différente, que devra-t-il déclarer à l’État pour reprendre l’autorisation environnementale ? Une attestation suffira-t-elle ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous avons déjà eu un débat hier sur cette notion de « modification substantielle ». Pour moi, celui qui décidera s’il y a ou non une modification substantielle, c’est le préfet.

Mme Laure de La Raudière.  Sur quels documents le préfet va-t-il s’appuyer pour décider s’il y a, ou non, une modification substantielle d’activité ? Quels documents sont adressés au préfet, dès lors qu’il n’y a plus de demande d’autorisation environnementale ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Pour obtenir un transfert d’autorisation environnementale, il faut en faire la demande. Un certain nombre de documents sont à fournir, dont la liste est établie par la voie réglementaire. C’est sur la base de ces documents que le préfet se prononcera. Si l’activité est substantiellement différente, il faudra redéposer un dossier complet.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 26 modifié.

Après l’article 26

La commission examine l’amendement n° 539 de Mme Monica Michel.

Mme Monica Michel. Je propose de réduire à deux mois les délais de recours des tiers contre les décisions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Dans un souci de relance de notre économie, il serait utile de conforter la sécurité juridique des exploitants tout en préservant le droit de recours des tiers dans le délai de recours de droit commun.

M. Guillaume Kasbarian rapporteur. Il s’agit d’une vraie proposition de simplification et d’accélération, mais la réduction du délai que vous proposez est excessive. Les ICPE peuvent soulever des sujets complexes à appréhender. Les délais de recours ont récemment été réduits et nous sommes arrivés à un équilibre que nous ne devons pas bouleverser.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La première section de votre amendement supprime le délai de quatre mois prévu par l’article R. 181‑50 du code de l’environnement pour permettre aux tiers intéressés de contester les autorisations environnementales, et l’aligne sur le délai de droit commun. Ce délai spécifique a été retenu en application d’un compromis trouvé en 2017, lors de la création de l’autorisation environnementale. Le délai précédent pour contester les installations classées était d’un an, il nous paraît difficile de le réduire dans les proportions que vous proposez.

Les autres dispositions de l’amendement sont satisfaites par la réglementation actuelle, qui ne prévoit pas de délai spécifique dans ces cas.

M. Ugo Bernalicis. J’ai soutenu de nombreux collectifs citoyens qui se sont mobilisés pour contester des projets inutiles ou attentatoires à l’environnement. Il leur faut le temps de se constituer en association, puis de contester le projet devant les tribunaux. Réduire à deux mois le délai de recours anéantirait toute forme de mobilisation citoyenne, pourtant utile pour alerter sur les dangers de certains projets. Cet amendement ne doit absolument pas être adopté.

En matière forestière, des projets d’usines à pellets constituant des scandales environnementaux ont pu être annulés par la justice administrative, saisie par des collectifs citoyens qui ont bénéficié des quatre mois de recours pour s’organiser. Nous ne sommes pas à deux mois près lorsqu’il s’agit de faire respecter l’environnement.

L’amendement est retiré.

Article 26 bis : Dispositions transitoires relatives à la nouvelle définition des zones humides introduite par la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité

La commission est saisie des amendements de suppression n° 672 du rapporteur, n° 135 de Mme Cécile Untermaier, n° 189 de M. Gabriel Serville, n° 237 de Mme Frédérique Tuffnell et n° 551 de M. Vincent Thiébaut.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La loi créant l’Office français de la biodiversité (OFB) prévoit que les deux critères retenus pour définir une zone humide – sol hydromorphe et végétation hygrophile – doivent être pris en compte de manière alternative. L’article 26 bis introduit au Sénat écarte l’application de cette définition des demandes d’autorisations environnementales et de déclarations préalables antérieures à la publication de la loi, ce qui est susceptible de porter atteinte à la protection de ces zones fragiles. Nous proposons donc sa suppression.

Mme Frédérique Tuffnell. Je me suis toujours battue pour la défense des zones humides. Avec Mmes Wargon et Pompili, nous avions beaucoup travaillé pour que ces critères alternatifs soient inscrits dans la loi créant l’OFB.

M. Vincent Thiébaut. Dans l’intérêt de la protection des enjeux environnementaux, nous sommes ravis de constater cette collégialité pour la suppression de l’article.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

Les amendements sont adoptés ; en conséquence, l’article 26 bis est supprimé et l’amendement n° 228 tombe.

Chapitre V
Sécurisation de la dépollution des friches industrielles

Division et intitulé supprimés

Article 27 (articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1 du code de l’environnement) : Attestation par une entreprise certifiée de la qualité des mesures de mise en sécurité et de réhabilitation des sites industriels

La commission est saisie de l’amendement n° 467 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Cet amendement vise à harmoniser la législation en matière de dépollution. Il est proposé que les dispositions de protection des eaux et de lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature applicables aux installations soumises au régime de l’enregistrement soient également applicables à l’autorisation et la mise à l’arrêt des ICPE soumises au régime de l’autorisation.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Votre proposition de modifier l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement est intéressante et j’y suis favorable. Je propose cependant de modifier votre amendement afin de supprimer la mention à l’article L. 512-5 du même code, qui est superflue.

M. Gabriel Serville. Je suis d’accord avec la rectification suggérée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable à l’amendement rectifié.

L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 673 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement n° 468 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Nous proposons d’harmoniser les obligations de dépollution entre les différents régimes ICPE, dans un souci d’efficacité et de lisibilité de la législation.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends l’intention, mais cette proposition me semble excessive, elle modifie l’équilibre du texte.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Notre droit est fondé sur le principe de proportionnalité. Les installations soumises à déclaration présentent peu de risques de pollution des sols, il s’agit de chaufferies collectives, d’installations de broyage des déchets végétaux, de tours aéroréfrigérantes. Il est donc logique, par souci de proportionnalité, que les dispositions qui leur sont applicables ne soient pas identiques à celles imposées aux installations de niveau supérieur.

Par ailleurs, un exploitant d’installation soumise à déclaration doit de toute façon remettre en état son site pour un usage futur comparable à la dernière période d’activité de l’installation et qui ne porte pas atteinte aux intérêts défendus par l’article L. 511-1 du code de l’environnement. Il serait donc paradoxal d’imposer à ces installations une procédure complexe de concertation au moment de la cessation des activités. Avis défavorable.

L’amendement est rejeté.

La commission en vient à l’amendement n° 674 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement répond à deux objectifs. Il tend à compléter le dispositif « tiers demandeur » créé par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars 2014, dite loi ALUR, pour mieux sécuriser la réhabilitation des friches industrielles. En second lieu, il améliore la mise en œuvre du principe pollueur payeur pour les friches industrielles.

À ces fins, il prévoit la possibilité de transférer l’autorisation de substitution d’un tiers demandeur à un autre tiers demandeur en cours d’opération, dans le cadre des opérations dites « clés en main ».

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable. Cet amendement permet, dans des conditions encadrées et simplifiées, lorsqu’il n’y a pas de changement par ailleurs, de transférer les obligations d’un tiers demandeur ayant pris la responsabilité de la remise en état d’un site industriel à un autre tiers demandeur. En accélérant la remise en état des friches, cette mesure contribuera à l’objectif d’utiliser des friches plutôt que d’autres parcelles.

L’application du principe pollueur-payeur est également clarifiée pour la prise en charge des frais engagés par l’État ou à sa demande dans une situation comparable à l’accident de l’usine Lubrizol.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 27 modifié.

Article 27 bis (nouveau) (article L. 512-22 (nouveau) du code de l’environnement) : Fixation d’un délai pour la réhabilitation et la remise en état des sites des ICPE mises à l’arrêt définitif

La commission examine l’amendement n° 346 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. La raffinerie de Berre-l’Étang a fermé en 2014, et son démantèlement vient de commencer, six ans plus tard. Ce sont six années de trop. Je propose de donner aux préfets la possibilité de fixer un délai contraignant aux opérations de réhabilitation et de remise en état des sites ayant accueilli des ICPE, en concertation avec les acteurs locaux.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous connaissons tous des friches industrielles qui attendent des années leur rénovation, créant des difficultés pour les élus locaux et un préjudice visuel aux riverains. Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Vous souhaitez assurer que les opérations de remise en état ne s’éternisent pas à la fin de l’exploitation d’une installation classée. Les actes que peut prendre un préfet pour encadrer la réhabilitation sur le fondement des articles législatifs que vous citez peuvent comprendre un délai d’exécution si besoin. Votre amendement est donc satisfait et il n’est pas nécessaire de légiférer spécifiquement sur cette question. Je peux néanmoins comprendre la volonté de la représentation nationale d’affirmer son engagement ; je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

Mme Patricia Lemoine. Je soutiendrai cet amendement. Nous connaissons tous des sites industriels qui restent abandonnés pendant des années : il faut adresser un signal.

L’amendement est adopté.

Article 27 ter (nouveau) (article L. 161-3 (nouveau) du code minier) : Lutte contre les « mines orphelines »

La commission en vient à l’amendement n° 470 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Cet amendement vise à rendre obligatoire, pour l’exploitant d’une mine, toute mesure assurant la protection des intérêts énumérés à l’article L.161-1 du code de l’environnement – santé, salubrité publique, environnement – pendant les périodes d’inactivité de la mine.

En cas d’inactivité supérieure à deux ans, l’autorité compétente pourra mettre en demeure l’exploitant d’engager la procédure d’arrêt de travaux et entamer ainsi la phase d’après mine afin que le site ne devienne pas une « mine orpheline », c’est-à-dire une friche dont l’exploitant n’existe plus et pour laquelle les obligations de dépollution, remise en état ou reconversion incombent à l’État.

Cet amendement avait été intégré à la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement, elle-même adoptée le 25 janvier 2017 par l’Assemblée nationale, et retirée de l’agenda législatif depuis. Cependant, eu égard à l’ampleur de la problématique « mines orphelines » – 900 sites pollués sont abandonnés en France, dont 120 ont un caractère de pollution majeure –, il apparaît urgent de régler cette question de la sécurisation de la dépollution des friches minières.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je partage votre objectif. Je suis favorable à cet amendement à condition de porter de deux à trois ans le délai au terme duquel la procédure d’arrêt de travaux peut être imposée.

M. Gabriel Serville. J’accepte cette modification.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable sur l’amendement rectifié.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle en vient à l’amendement n° 469 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Le phénomène des « mines orphelines » met en exergue la problématique de la gestion des externalités négatives des mines après cessation d’activité.

Cet amendement tend donc à prohiber les travaux miniers susceptibles de générer des effets de voisinages sensibles une fois l’exploitation du site arrêtée.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement devrait être traité dans un texte consacré à la réforme du code minier, afin de l’envisager dans le cadre d’une réforme globale. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable. Le préfet peut refuser de délivrer l’autorisation de travaux s’il estime que les intérêts protégés énumérés à l’article L. 161-1 du code de l’environnement ne pourront être assurés.

Mme Émilie Cariou. La réforme du code minier nous est annoncée depuis de nombreuses années, le texte doit déjà être prêt. Nous aurions souhaité un engagement plus ferme du Gouvernement sur ces sujets qui reviennent tous les ans lors de l’examen du projet de loi de finances, car ils posent de gros problèmes de suivi des indemnisations.

M. Ugo Bernalicis. Par vos réponses, madame la ministre, vous octroyez énormément de responsabilités aux préfets, et le Gouvernement se défausse de ses responsabilités sur l’autorité préfectorale. Or le préfet n’est que le représentant du Gouvernement et de l’État dans le territoire. Il en va de même pour la gestion de l’épidémie de covid-19 : vous demandez aux préfets de prendre leurs responsabilités car ils connaissent le terrain, quitte à les déjuger. Je ne suis pas d’accord pour que le Gouvernement se déresponsabilise systématiquement sur le corps préfectoral, placé en situation de fusible. Un projet accepté localement par le préfet, sensible aux créations d’emplois induites, pourrait être contesté par une mobilisation citoyenne, et le Gouvernement se désolidarisera alors de la décision du préfet. Je suis favorable à ce que le Gouvernement gouverne, plutôt qu’il délègue et se repose sur des fusibles.

Cette logique se retrouve d’article en article, et le préfet est parfois soumis à d’autres logiques que celles du Gouvernement. Nous avons connu des cas de préfets ayant des accointances avec certains élus locaux.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Monsieur Bernalicis, le préfet représente l’État dans les territoires, c’est l’État déconcentré. Le Gouvernement ne se défausse pas, il exerce ses compétences au plus près du terrain. Vous ne pouvez pas dénoncer en permanence les décisions prises dans de hautes sphères à Paris, puis protester lorsque des décisions sont renvoyées au préfet. Ayez un peu de cohérence et de connaissances de l’organisation de notre État !

M. Gabriel Serville. Ma proposition, qui relève de la santé publique, devrait trouver sa place dans la loi. Je prends acte de la réponse du rapporteur et de la ministre, et nous attendrons le prochain véhicule législatif pour introduire ces dispositions dans la loi lorsque nous réformerons le code minier.

L’amendement est retiré.

Chapitre VI
Modification du code de l’énergie

Article 28 (article L. 351-1 du code de l’énergie) : Application du statut d’entreprise fortement consommatrice d’électricité à un ensemble de sites de consommation d’une même plateforme industrielle

La commission est saisie de l’amendement n° 568 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Le projet de loi propose une modification du marché de l’énergie, en permettant à des sites industriels de regrouper leurs demandes afin d’obtenir des tarifs et coûts moindres de la part des distributeurs d’énergie.

La mesure envisagée peut avoir des effets pertinents, mais l’étude d’impact jointe au projet ne permet pas de préciser si la mesure bénéficiera aux petites et moyennes entreprises (PME), entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou grandes entreprises. Nous aimerions connaître les objectifs du Gouvernement. Quel sera l’impact sur la consommation d’énergie ? Procéder ainsi transfère potentiellement sur les opérateurs énergétiques des baisses de recettes. Le Gouvernement ne détaille pas les conséquences globales de ce manque à gagner sur l’équilibre économique des distributeurs en général et d’EDF/RTE en particulier, l’impact pour les autres consommateurs d’énergie, et le coût potentiel pour le contribuable. Le chiffrage fourni n’est pas dynamique, il n’envisage pas les conséquences à l’avenir.

Vous prétendez que cet article est bénéfique pour l’environnement car il va limiter l’artificialisation des sols, mais il n’incite pas du tout aux économies d’énergie. Il me semble que les objectifs poursuivis sont contradictoires. Cette mesure devrait s’accompagner d’une étude d’impact bien plus conséquente.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. J’entends vos interrogations. Dans une plateforme industrielle, la taille des entreprises est indifférente. Ce dispositif pourrait concerner des sites existants s’ils répondent aux caractéristiques légales et concluent entre eux un contrat de plateforme, mais aucune plateforme n’a encore été inscrite.

En revanche, le nouveau statut et la réduction du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) qui en découlera pourront inciter de futures implantations industrielles à s’organiser en plateforme. En se rassemblant sur un périmètre plus concentré, elles limiteront l’artificialisation des sols. Le manque à gagner sur les recettes du TURPE s’élèverait à 4 millions d’euros par plateforme, sur un total de 13,5 milliards d’euros en 2017. En contrepartie, les sites s’engagent à améliorer leur performance énergétique.

Il n’est pas question de dérégulation, mais d’une autre forme de régulation ; c’est pourquoi j’estime qu’il faut maintenir l’article 28. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les sites industriels fortement consommateurs d’électricité peuvent bénéficier de réductions du TURPE, mais ce dispositif présente des difficultés d’application dans le cas particulier des plateformes chimiques. Deux ateliers situés côte à côte et appartenant à un même exploitant peuvent bénéficier du dispositif, mais pas s’ils sont exploités par deux entreprises différentes.

Les plateformes intégrées, souvent gérées par de grands groupes, bénéficient donc du dispositif tandis que les PME et les ETI qui se regroupent sur une plateforme n’en bénéficient pas. Or la filière chimie française est composée à plus de 95 % de PME. Nous proposons donc d’y remédier.

Le coût de cette mesure est évalué à 4 millions d’euros par plateforme, à rapporter aux 13 milliards du TURPE.

Mme Émilie Cariou. J’ai parfaitement lu l’étude d’impact, madame la ministre, mais le chiffrage que vous donnez se fonde sur l’état actuel des choses et ne prend pas en compte l’impact futur de la mesure. Vous prétendez que cette mesure va plutôt bénéficier aux PME, mais pourquoi ne pas cibler spécifiquement ces entreprises ? Vous prenez l’exemple de l’industrie chimique, mais cet article s’applique bien plus largement. Beaucoup de cadeaux fiscaux sont prévus pour les grandes entreprises : les 10 milliards d’euros de baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne vont pas du tout irriguer les TPE, et très peu les PME. Ce sont ces entreprises qu’il faut encourager.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La baisse des impôts de production va bénéficier pour 75 % aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire. Il faut des sites en France pour bénéficier de la baisse des impôts de production.

Une catégorie d’entreprises fabrique à 70 % en France et exporte beaucoup : ce sont les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Elles ont une définition économique, mais ce n’est pas une catégorie juridique reconnue par la réglementation européenne. Cibler nos aides sur les PME en oubliant les ETI reviendrait à faire l’impasse sur le Mittelstand français, qui est quatre fois moins important que son homologue allemand. C’est un des gros problèmes de notre industrie française.

Pour l’emploi et l’industrie française, il faut faire la place à ces ETI, et la manière de le faire, c’est de ne pas prévoir de dispositifs spécifiques. Je vous rassure : les grandes entreprises ont déjà accès au TURPE, donc le sujet ne se pose pas dans les termes que vous mentionnez.

Mme Émilie Cariou. Le chèque de CVAE ne profitera qu’à 575 000 entreprises, parce que les TPE ne la paient pas, et les PME très peu. Sur ce total, 250 000 entreprises ne verront leurs impôts baisser que de 125 euros. Cela démontre que les 10 milliards d’euros sont concentrés sur les grandes entreprises, notamment dans le secteur de la finance. Nous en débattrons lors de l’examen du projet de loi de finances.

Vous n’avez pas expliqué pourquoi vous ne ciblez pas les PME alors que vous prétendez que ce dispositif est à leur intention. Le chiffrage n’est pas suffisamment étayé ; il devrait être dynamique. Le tarif de l’électricité soulève d’autres enjeux, tels que la situation d’EDF ou les coûts du secteur nucléaire. Il faudrait au moins renforcer l’étude d’impact.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel n° 304 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement n° 602 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous propose de supprimer le II de l’article 28, dont l’objet est de ne pas perturber les prévisions budgétaires pour 2020 des gestionnaires du réseau de distribution d’électricité.

En plus du retard pris dans l’examen de ce projet de loi, il faudra compter le temps nécessaire pour notifier à la Commission européenne ces nouvelles réductions de TURPE, qui constituent des aides publiques aux entreprises. Le nouveau régime ne sera donc pas mis en œuvre avant 2021, et cette précaution est inutile.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 28 modifié.

Article 28 bis A (nouveau) (article L. 341-4-2 du code de l’énergie) : Globalisation du plafond maximal des réductions du TURPE applicables aux sites fortement consommateurs d’électricité

La commission examine l’amendement n° 629 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le Gouvernement propose de porter à 90 % le taux maximal de réduction du TURPE pour toutes les entreprises grandes consommatrices.

Le dispositif de réduction du TURPE applicable aux sites fortement consommateurs d’électricité prévoit que les réductions pouvant être accordées sont plafonnées pour concourir à la cohésion sociale et préserver l’intérêt des consommateurs. Le dispositif de réduction fait actuellement l’objet d’une enquête de la Commission européenne au titre des règles applicables en matière d’aides d’État.

Dans ce cadre, le Gouvernement envisage une révision des plafonds actuellement prévus. Les taux de réduction continueraient de dépendre des caractéristiques de consommation et d’utilisation des réseaux, mais ne dépendraient plus des différentes catégories de sites dits « électro-intensifs » ou « hyper-électro-intensifs ». Ces derniers pourraient donc se voir appliquer le même taux de réduction que d’autres sites de consommation.

Or, suivant les dispositions en vigueur à l’article L. 341-4-2 du code de l’énergie, le taux maximum législatif concernant les autres sites de consommation – 20 % – pourrait s’avérer contraindre indirectement les plafonds appliqués aux sites électro-intensifs et hyper-électro-intensifs, alors que l’esprit du législateur était bien de permettre jusqu’à 90 % de réduction pour ces sites.

Pour ne pas préempter les observations de la Commission européenne dans le cadre de son enquête sur le dispositif et la révision du plafond au niveau réglementaire que le Gouvernement pourrait être amené à prévoir, l’amendement propose de prévoir un maximum unique de 90 % pour l’ensemble des catégories. Les différents plafonds possibles seront précisés par décret, en veillant au respect des règles européennes applicables.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable. Cette globalisation des plafonds de réduction de TURPE accordée aux sites fortement consommateurs d’électricité permettra de préserver des allégements de charges très importants pour nos industries hyper-électro-intensives.

Mme Émilie Cariou. Il s’agit encore d’un dispositif venant alléger les charges financières des entreprises. Je ne comprends pas qu’un projet de loi de simplification administrative soit utilisé pour faire des cadeaux financiers aux entreprises.

S’agissant d’un amendement gouvernemental, nous aimerions que l’étude d’impact, déjà très légère au départ, soit étayée. Si le Gouvernement souhaite proposer ce type de mesures, qu’il le fasse en bonne et due forme, avec avis du Conseil d’État et étude d’impact.

Mme Laure de La Raudière. C’est un amendement extrêmement important pour assurer la pérennité de certaines activités de souveraineté pour la France. Je le voterai avec enthousiasme.

M. Ugo Bernalicis. Des mesures si importantes et si déterminantes n’étaient pas prévues dans le texte initial, et par conséquent ne passent pas le filtre des différents contrôles et ne font pas l’objet d’une étude d’impact ? Je trouve nos collègues bien savants s’ils maîtrisent parfaitement les sujets liés à la fiscalité de l’énergie. Où est la simplification ? Quel est le rapport avec l’objet du projet de loi ? Il devient récurrent que le Conseil constitutionnel vous censure pour ces cavaliers législatifs. C’est un travail législatif inacceptable, même si vous aviez raison sur le fond. Découvrir de tels amendements en cours de route n’est pas acceptable.

Qu’au moins, par principe, nos collègues rejettent cet amendement pour prendre le temps de l’examiner avant la séance publique !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il ne s’agit pas de créer un nouveau dispositif, mais d’aligner le statut de trois catégories qui en bénéficient déjà. Il n’y a pas de nouveauté : c’est une simplification du droit qui nous permet en plus d’être corrects vis-à-vis de l’Union européenne. Il ne faut pas polémiquer en vain puisque les entreprises que nous mentionnons utilisent déjà ce système.

Par ailleurs, je vous remercie de penser que nous avons peut-être raison au fond. Il s’agit d’industries fondamentales, qui emploient des milliers des personnes et participent à notre souveraineté. Elles sont en forte concurrence avec des pays dont l’approche environnementale est très différente de la nôtre, ce qui conduit à importer des marchandises quatre à dix fois plus émettrices de charbon pour des questions de coût, alors que nous produisons les mêmes sur le territoire français.

Cette correction est une simplification, elle revient à aligner les trois régimes en un seul, et elle ne justifie pas les commentaires que vous venez de faire.

M. Ugo Bernalicis. S’il s’agissait uniquement d’une simplification, elle n’aurait aucun impact financier. Votre argumentation de fond est très intéressante : vous nous expliquez qu’il faut mettre en place des dispositifs pour contrer la concurrence internationale déloyale de la part d’entreprises qui n’ont aucune préoccupation de l’environnement. Mais qu’attendez-vous pour mettre en place un système de protectionnisme écologique et social ? Vous faites des traités de libre-échange, puis vous vous étonnez de la concurrence déloyale de la part de pays qui ne respectent pas les mêmes règles environnementales que nous ! De qui vous moquez-vous ?

M. Vincent Thiébaut. Nous sommes députés de l’Assemblée nationale, pas du Parlement européen. Certains semblent se tromper de discours et d’assemblée ; leur connaissance des institutions est à revoir.

Je soutiens cet amendement, mesure de simplification et d’adaptation à l’espace européen, qui va garantir la souveraineté industrielle pour notre pays, la relocalisation et l’émergence de certaines industries.

M. Thibault Bazin. Il est prévu de fixer des plafonds par décret : pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement à cet égard ? Pour réindustrialiser la France, il faut une approche énergétique et que nos industries ne soient pas pénalisées quand elles sont grandes consommatrices d’électricité. Au-delà des aspects administratifs de cette mesure, quel est son sens économique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous proposons de placer sous le même régime les trois catégories de sites, ce qui n’a pas de lien avec la question que vous mentionnez. La façon dont nous allons gérer les sites électro-intensifs dépend d’une négociation avec la Commission européenne, et prend aussi en compte ce qui existe hors de l’Union européenne. C’est tout l’enjeu du mécanisme d’inclusion carbone sur lequel l’Union va prendre position, grâce au Président de la République. Le Gouvernement a également obtenu des mesures de restriction sur l’importation de l’acier. Il est important de rappeler les faits plutôt que de se livrer à la polémique.

Le traitement qui sera proposé aux industries électro-intensives dépend de plusieurs facteurs interdépendants : le TURPE ; l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) ; les lignes directrices de la compensation carbone. Ces éléments sont en train de se mettre en place. Nous devons également être attentifs à la situation des autres grands pays producteurs, notamment l’Allemagne.

La commission adopte l’amendement.

Article 28 bis (article L. 332-7 [nouveau] du code de l’énergie) : Conclusion avec les fournisseurs d’électricité de contrats d’approvisionnement à long terme pour les sites industriels mettant en œuvre des procédés hyper électro-intensifs

La commission examine les amendements de suppression n° 604 du rapporteur et n° 409 de Mme Danielle Brulebois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends le souhait de nos industries électro-intensives et hyper électro-intensives d’obtenir des contrats de fourniture d’électricité de long terme et de bénéficier d’un accès compétitif à l’électricité : c’est un enjeu économique crucial.

Je propose néanmoins la suppression de cet article qui recrée un tarif réglementé de l’électricité. Les industriels peuvent déjà négocier ces contrats de fourniture de long terme sans besoin d’une loi, et la réglementation européenne interdit de recréer un tarif régulé au profit de ces usagers. La réforme de la régulation du parc nucléaire existant, en discussion avec la Commission européenne, saura apporter une visibilité à long terme sur les prix en France.

Mme Danielle Brulebois. Il convient de supprimer cet article car il est déjà possible de conclure des contrats à long terme. Par ailleurs, le principe de fixation du prix est contraire au droit européen. Enfin, ce sujet est actuellement en discussion avec l’Union Européenne. Il vaudra mieux prendre des dispositions à l’issue des négociations.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte ces amendements ; en conséquence, l’article 28 bis est supprimé.

Article 28 ter (article L. 342-1-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Travaux de raccordement à la fibre optique simultanés aux travaux de raccordement électrique, aux frais du producteur

La commission est saisie de l’amendement n° 704 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je propose une nouvelle rédaction de l’article, qui confirme la faculté d’un producteur d’électricité d’obtenir la réalisation coordonnée du raccordement au réseau d’électricité et de la pose d’une ligne de télécommunications par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité. Mais il se contentera ensuite de remettre la gestion et l’entretien du nouveau segment de ligne en fibre optique à l’exploitant du réseau local de communications électroniques. Ce dernier ayant le devoir d’en laisser l’accès à tout fournisseur de services de télécommunications, le producteur usager pourra choisir l’opérateur qu’il voudra.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement ; en conséquence, l’article 28 ter est ainsi rédigé.

Article 28 quater (nouveau) (article L. 124-1 du code de l’énergie) : Extension de l’utilisation des chèques énergie aux hébergements pour personnes âgées

La commission est saisie de l’amendement n° 705 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement n° 710 du Gouvernement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement s’inspire des travaux de M. Bolo et du groupe MODEM, très actifs sur le sujet. Certains résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) pourraient prétendre au chèque énergie, mais les établissements qui les accueillent ne font pas partie des organismes pouvant les accepter en règlement de leurs charges. Il est proposé, à titre expérimental, dans le Maine-et-Loire et pour une durée de trois ans, de permettre aux EHPAD d’accepter ce mode de règlement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le Gouvernement propose de lever le gage pour élargir cette expérimentation à l’ensemble de la France, sans limitation de durée. C’est une mesure concrète, utile au quotidien.

M. Thibault Bazin. L’amendement du rapporteur n’est acceptable que s’il est sous-amendé comme proposé, car le jeu des expérimentations privilégie certains territoires. Un exemple nous en est donné avec le texte examiné en ce moment dans l’hémicycle, qui a permis l’expérimentation de territoires « zéro chômeur » alors qu’il y a des chômeurs de longue durée partout. Par souci d’équité, la mesure de justice sociale proposée dans l’amendement du rapporteur doit être appliquée à tout le territoire.

M. Philippe Bolo. Au-delà du plaisir à faire parler du Maine-et-Loire, le recours à l’expérimentation est une mécanique qui permet de franchir l’obstacle de l’article 40. Je remercie le rapporteur et la ministre car cette mesure va permettre aux personnes qui détiennent un chèque énergie, dont la valeur faciale est souvent conséquente au regard de leurs revenus, d’en faire usage. Aujourd’hui, il y a une rupture d’égalité car le chèque énergie ne peut pas être utilisé dans tous les EHPAD. Nous faisons œuvre utile pour la sincérité, le respect de la parole donnée et le pouvoir d’achat.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, le sous-amendement est adopté.

L’amendement est adopté, sous-amendé.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement n° 348 de M. Jean-Marc Zulesi et l’amendement n° 535 de M. Vincent Thiébaut.

M. Jean-Marc Zulesi. L’amendement n° 348 résulte d’un travail avec Enercoop et des citoyens de ma circonscription participant au projet citoyen la Marie-Thérèse, à Velaux. Il vise à permettre la primo-contractualisation entre les producteurs d’électricité renouvelable et les organismes agréés (OA), ce qui simplifierait le cadre juridique des obligations d’achat et, à mon sens, encouragerait le développement de communautés d’énergie.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Monsieur Zulesi, monsieur Thiébaut, je comprends votre intention et connais votre engagement dans ce domaine, mais ces deux amendements n’apportent rien de plus au développement des énergies renouvelables (ENR) et des contrats de vente d’énergie verte, tout en faisant perdre aux producteurs d’ENR le bénéfice d’un système simplifiant leur entrée sur le marché de l’électricité. En effet, un organisme est agréé pour acheter de l’électricité à des producteurs d’ENR qui ont un contrat d’obligation d’achat. C’est un régime très encadré, car l’État lui rembourse les surcoûts associés. Mais, dans la mesure où il bénéficie de ces remboursements, il ne peut plus se prévaloir de vendre de l’électricité verte. Si un organisme agréé devient à la fois acheteur obligé, comme EDF et les entreprises locales de distribution (ELD), et fournisseur d’électricité, il devra garder une séparation stricte entre ces deux activités. Le dispositif ne permet pas de jouer sur les prix.

Les producteurs d’ENR ne sont pas obligés d’opter pour un contrat d’obligation d’achat s’ils veulent vendre directement à d’autres opérateurs que les acteurs historiques, et s’ils restent dans ce dispositif protecteur, ils ne sont pas captifs de leur contrat avec EDF ou avec les ELD. Ils peuvent signer dès qu’ils le souhaitent un nouveau contrat d’achat avec un organisme agréé.

La primo-contractualisation avec EDF et les ELD permet de leur présenter un interlocuteur unique capable de vérifier les conditions réglementaires exigées par le contrat d’achat. L’administration travaille d’ailleurs à la mise en place d’un portail regroupant toutes les démarches pour les porteurs de projets, des demandes d’autorisation jusqu’au raccordement, en passant par la demande de contrat. Un tel portail ne serait pas envisageable avec un grand nombre d’acteurs, aux exigences très diverses. Les amendements auraient donc des conséquences contraires à leurs objectifs. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis que M. le rapporteur, qui a brillamment défendu sa position.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement n° 533 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. Cet amendement est voisin des précédents. Il s’agit de raccourcir les délais de cession des contrats d’achat. En effet, les cessions n’interviennent qu’au 1er janvier suivant. Autrement dit, si la demande a été déposée en février, la cession n’est effective que onze mois après. Je propose de ramener ce délai à quatre mois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Une fois encore, monsieur Thiébaut, malheureusement, je vais vous demander de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable. En effet, l’accélération de la cession d’un contrat n’ajoute rien à la sécurité que l’obligation d’achat incombant à EDF et aux ELD assure aux producteurs d’ENR ; en revanche, elle pourrait mettre les OA en difficulté. Si les cessions de contrat ne sont possibles qu’au 1er janvier, c’est pour tenir compte des règles de compensation des charges découlant des achats d’ENR. La compensation pour une année donnée est faite sur la base des charges déclarées à une date fixe. Si la cession intervient à un autre moment de l’année, le nouvel OA risque de laisser passer la date limite de déclaration des charges, et donc de devoir attendre l’année suivante pour bénéficier de sa première compensation, ce qui nécessiterait une trésorerie importante.

De plus, une des conditions pour obtenir l’agrément est d’avoir des garanties financières suffisantes pour couvrir le déficit maximum de trésorerie théoriquement envisageable. Avec ce décalage des compensations, l’administration devrait demander des garanties financières plus importantes et il deviendrait plus difficile d’obtenir un agrément.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable également.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement n° 347 de M. Jean-Marc Zulesi et l’amendement n° 530 de M. Vincent Thiébaut.

M. Jean-Marc Zulesi. Cet amendement vise à prévoir la désignation d’acheteurs de dernier recours de l’électricité renouvelable, à l’instar du dispositif mis en place pour le biogaz dans la loi relative à l’énergie et au climat. Cela permettrait de renforcer la sécurité juridique des producteurs d’électricité renouvelable, en particulier quand il s’agit de communautés citoyennes d’énergie renouvelable, et de garantir la continuité du service public.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. On comprend le souci des producteurs d’énergie renouvelable à l’égard d’organismes agréés qui n’offrent pas la même stabilité  qu’EDF, mais l’agrément des OA est délivré en particulier sur la base de leurs capacités financières, afin de limiter autant que possible le risque de défaillance. Prévoir un acheteur de dernier recours en cas de défaillance des OA, cela reviendrait à déresponsabiliser ces derniers, et ferait peser le risque final sur EDF. C’est pourquoi je me permets de vous demander de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

Les amendements sont retirés.

Article 28 quinquies (nouveau) (Section 3 (nouvelle) du chapitre II du titre III du livre IV du code de l’énergie et articles L. 554-1, L. 554-10 et L. 554-12 (nouveau) du code de l’environnement) : Renforcement du dispositif de sécurisation des canalisations de gaz

La commission est saisie de l’amendement n° 630 du Gouvernement et du sous-amendement n° 708 rectifié de M. Bolo.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement vise à moderniser diverses dispositions relatives à la distribution publique de gaz. L’entretien des canalisations de gaz hors des immeubles relève clairement du distributeur, celui des canalisations après le compteur relève clairement des particuliers. En revanche, entre les deux, c’est-à-dire dans les immeubles mais avant les compteurs, toutes les situations coexistent ; parfois même, ces canalisations relèvent des particuliers sans qu’ils aient forcément conscience des obligations d’entretien et de sécurité qui leur incombent. Du point de vue de la sécurité, cette situation n’est évidemment pas optimale. C’est pourquoi un rapport d’inspection générale, demandé à la suite de plusieurs accidents de gaz, préconise d’y mettre fin rapidement. Tel est l’objet de cet amendement.

Il consiste à laisser aux particuliers un délai pour demander, s’ils le souhaitent, de garder la responsabilité de ces tronçons de canalisations, à défaut de quoi ils sont reversés sans indemnités dans la concession. À l’issue de ce délai, le reversement est automatique s’ils ne se sont pas prononcés. S’ils souhaitent s’en défaire plus tard, ils le pourront encore, mais le distributeur sera alors en droit d’exiger qu’elles soient en bon état.

Conséquence logique, également préconisée par le rapport d’inspection, il doit être possible de couper le gaz lorsque l’entretien de ces portions intermédiaires n’est pas effectué correctement, pour éviter les risques d’accident.

Enfin, l’amendement est l’occasion de clarifier les responsabilités en cas d’endommagement d’une canalisation lors de travaux, quand le repérage des canalisations n’a pas été fait de manière correcte. La situation actuelle est en effet insatisfaisante, puisque des procédures de recouvrement, avec éventuellement des contentieux civils, sont nécessaires.

M. Philippe Bolo. Je précise que le sous-amendement no 708 rectifié a fait l’objet d’un travail avec Gaz Réseau Distribution France (GRDF). Malheureusement, les réseaux sont parfois victimes de malveillance. C’est une question importante, car ils sont un patrimoine commun ; il faut le protéger. Ces réseaux sont une continuité d’approvisionnement, on l’a vu pendant l’épidémie de covid-19, avec la mobilisation d’agents qui ont été en mesure de maintenir l’approvisionnement en gaz tout au long de la crise ; cela aussi est important, et il faut le préserver contre les malveillances. Enfin, les usagers – foyers, entreprises, hôpitaux – méritent eux aussi que l’on protège leur utilisation du gaz. Vous l’avez compris, mon sous-amendement vise à protéger l’intégrité des réseaux. Pour ce faire, il rend possible le recours pénal en cas d’atteinte portée à leur fonctionnement et celui de leurs ouvrages. Il procède donc d’une logique de sécurité des biens et des personnes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Une précision supplémentaire : il y a une difficulté spécifique concernant les tronçons de canalisation de gaz situés à l’intérieur même des parties privatives. À Paris, notamment, on trouve 700 000 situations de ce type. Le délai de deux ans qui est prévu peut, vous l’imaginez bien, paraître contraint au regard de l’enjeu. La difficulté est en cours de traitement ; si elle est résolue d’ici à la séance, nous serons peut-être conduits à modifier le texte. Je tiens à le préciser dès maintenant pour éviter toute surprise. Quoi qu’il en soit, 95 % de la question est d’ores et déjà posée sur la table. Par ailleurs, je suis favorable au sous-amendement de M. Bolo.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement, qui prévoit le transfert de la propriété des canalisations de gaz, la prise en charge des réparations en cas de dommage accidentel et, le cas échéant, la suspension immédiate de la fourniture de gaz. Avis favorable également au sous-amendement de M. Bolo et du groupe MODEM : ces sanctions existaient jusqu’à ce qu’une réforme menée par ordonnance en 2016 ne les supprime par inadvertance.

M. Vincent Thiébaut. Pourrais-je avoir une précision, madame la ministre ? Vous avez évoqué le cas de Paris. Les compteurs sont installés dans les appartements, souvent à l’opposé par rapport au lieu où le gaz est consommé : c’est tout le cheminement à l’intérieur de l’appartement qui est compliqué. C’est bien de cela qu’il s’agit, et de l’échéance fixée à 2023 ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Tout à fait.

M. Thibault Bazin. C’est un enjeu important, qui fait parfois l’actualité et que les spécialistes des copropriétés évoquent régulièrement. Cela fait partie des attentes auxquelles la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) n’avait pas forcément répondu et dont la littérature s’est emparée. Je regrette que cette disposition arrive par voie d’amendement, madame la ministre, car cela nous empêche de l’examiner de manière approfondie et nous prive d’une véritable étude d’impact.

Par ailleurs, je m’interroge sur le montage que vous proposez, car il ne me paraît pas clair. En définitive, on invite les propriétaires ou copropriétaires à notifier le transfert au réseau public, mais s’ils ne le font pas, ce transfert est effectué de plein droit : quel est donc l’intérêt de prévoir une notification ? Cela signifie-t-il qu’elle pourrait être assortie de conditions ?

Mme Émilie Cariou. Je me pose les mêmes questions que M. Bazin. C’est une très grosse réforme de la distribution de gaz que vous proposez ; on peut donc regretter, une fois encore, qu’elle passe par la voie d’un amendement déposé en commission. Je regrette moi aussi de pas avoir d’étude d’impact : cela nous aurait permis de nous prononcer en connaissance de cause. Certes, il y a déjà eu des rapports sur la question, mais l’amendement que vous proposez est assez complexe ; nous aurions aimé avoir le détail de l’impact d’une telle réforme.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il faut savoir raison garder : ce n’est pas une réforme si structurante que cela. En outre, elle est issue d’un certain nombre de travaux qui font consensus. Pour répondre à votre question concernant la notification, monsieur Bazin, l’idée sous-jacente est d’obtenir plus rapidement un certain nombre de réponses, et donc de récupérer une partie des conduites avant l’expiration du délai imparti. C’est un élément d’efficacité. Cela dit, vous avez raison : avec le terme qui est posé, de toute façon, la situation finira par être clarifiée.

M. Thibault Bazin. Je comprends maintenant l’intérêt de la notification. En revanche, à quel moment le transfert a-t-il lieu ? Est-il immédiat ? Intervient-il à la date de réception de la notification, ou bien d’une éventuelle acceptation de celle-ci par le gestionnaire du réseau ? Il pourrait être utile de compléter l’alinéa, car cet aspect pose des questions d’ordre juridique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le transfert a lieu à réception de la notification. Par ailleurs, je répète que la question sur laquelle nous devons travailler d’ici à la séance n’est pas encore couverte par le dispositif.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement ainsi sous-amendé.

Avant l’article 29

La commission examine l’amendement n° 227 de Mme Monica Michel.

Mme Monica Michel. Les auditions menées par les membres de la commission spéciale saisie du présent projet de loi ont révélé que la délégation interministérielle à la transformation publique envisageait une généralisation du recours à l’appel téléphonique comme canal de réassurance pour l’usager dans les procédures administratives numérisées. C’est un enjeu de proximité de l’administration vis-à-vis du citoyen, quel que soit son niveau de maîtrise des outils numériques. La prise de rendez-vous serait privilégiée au guichet ouvert, dans la mesure où celle-ci permet un gain de temps, tant du côté de l’usager que de celui de l’administration.

Le présent amendement a pour objectif de modifier le code des relations entre le public et l’administration (CRPA) en ajoutant l’obligation d’accuser réception de toute demande adressée à l’administration et celle de faire mention de l’identité et du numéro de téléphone de la personne chargée de son suivi. C’est une proposition simple, qui permettrait, à mon sens, d’améliorer la relation entre l’usager et l’administration, alors que de plus en plus de procédures administratives sont numérisées.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Premièrement, une telle précision relève du niveau réglementaire. D’ailleurs, un décret détaille ce qui figure dans l’accusé de réception, en l’espèce la désignation, l’adresse postale – et, le cas échéant, électronique – et le numéro de téléphone du service chargé du dossier.

Deuxièmement, dans un service – et c’est tout aussi vrai dans une entreprise –, il est parfois compliqué d’avoir un interlocuteur dédié : c’est un ensemble de personnes qui traitent les demandes des usagers concernant les services publics. Il n’est pas forcément possible dans toutes les administrations ou dans tous les services d’une administration d’attacher un agent en particulier au traitement des demandes d’une personne. Cela pourrait même être une source de complexité supplémentaire. Je vous propose donc d’étudier plus avant le problème que vous soulevez d’ici à la séance, et éventuellement de retravailler votre amendement. À défaut de son retrait, j’émettrais un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis, pour les mêmes motifs.

L’amendement est retiré.

M. le président Bruno Duvergé. Mes chers collègues, je vous propose de suspendre nos travaux quelques minutes.

La réunion, suspendue à dix-sept heures cinq, reprend à dix-sept heures vingt.

TITRE IV
DIVERSES DISPOSITIONS DE SIMPLIFICATION

Article 29 (articles L. 114-10-1 [nouveau], L. 552-13, L. 562-13 et L. 572-5 du code des relations entre le public et l’administration) : Simplification de la justification et de la vérification du domicile déclaré pour la délivrance de certains titres « Justif’Adresse »

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 181 du rapporteur.

Elle adopte l’article 29 modifié.

Article 29 bis (article 7 de la loi no 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques) : Autorisation donnée aux collectivités territoriales de solliciter un fournisseur de bien ou de service ou d’un service public pour faciliter les enquêtes de recensement à défaut de réponse de l’administré

La commission examine les amendements de suppression n° 600 du rapporteur, n° 137 de Mme Cécile Untermaier et n° 411 de Mme Danielle Brulebois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne vois pas de quelles informations les fournisseurs d’un bien ou d’un service disposent auxquelles l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) n’aurait pas accès. En application de l’article 156 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, l’INSEE peut tout à fait utiliser « les données démographiques non nominatives issues des fichiers administratifs, notamment sociaux et fiscaux ». Pour cette raison, je vous demande de supprimer l’article 29 bis.

Mme Danielle Brulebois. Les fournisseurs de services ne disposent pas des informations nécessaires pour répondre utilement aux questions du recensement : donner le nom du titulaire du compte, par exemple, ne permettra pas de le faire. Par ailleurs, en application du règlement général sur la protection des données (RGPD), chaque mairie devra faire une analyse d’impact, interconnecter son système informatique, ou encore sécuriser les données. Tout cela aura un coût, notamment pour les opérateurs privés, qui méritera d’être compensé, car il est difficile à justifier. Cela va donc à l’encontre d’une logique de simplification.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable. Cet article ne tient pas compte du fait qu’il existe déjà des dispositions législatives claires s’appliquant à l’INSEE. Par ailleurs, il remet en cause l’indépendance de l’organisme.

La commission adopte les amendements. En conséquence, l’article 29 bis est supprimé et l’amendement n° 412 tombe.

Après l’article 29 bis

La commission examine l’amendement n° 506 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo. Chers collègues, ceux d’entre vous qui ont été maires connaissent l’utilité qu’il y a, pour un certain nombre de procédures et de démarches, à savoir précisément qui réside dans la commune : c’est nécessaire lors de l’établissement des listes électorales – quiconque a tenu un bureau de vote le sait –, mais aussi pour la mise en place de services publics. Nous avons parlé des projets d’éoliennes : connaître les habitants de la commune est utile lors des étapes de consultation et d’information.

Nous vous proposons donc, à travers cet amendement, de faire en sorte que les maires reçoivent communication par les services fiscaux du nom et de l’adresse des contribuables ayant leur résidence dans leur commune. Ces informations sont mises à jour annuellement, au moment de l’établissement de la déclaration de revenus. Nous avons évidemment pris soin de nous assurer que l’amendement était compatible avec les règles en matière d’utilisation des données personnelles et de secret fiscal.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends votre intention, qui est de mieux informer les maires. On a vu, pendant la crise sanitaire, qu’il était important pour eux de disposer d’autant d’informations que possible. Mais, précisément, au cours de la crise, on a vu que ce que vous proposez était déjà possible, sans intervention de la loi : les maires ont sollicité les services fiscaux, lors de la distribution de masques, pour savoir combien il y avait de foyers et connaître le nombre personnes dans chacun d’entre eux, notamment le nombre d’enfants. Certes, il ne s’agit pas d’une sollicitation encadrée, systématique et obligatoire, consacrée par la loi, mais c’est déjà possible. J’ai donc le sentiment que votre amendement est satisfait. Je ne parle même pas de la complexité qu’une transmission systématique pourrait créer pour l’administration fiscale : cela nécessiterait de concevoir un logiciel et d’établir un flux de données automatisé, ce qui suppose tout de même d’y affecter aussi des personnes. Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable également, pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

Article 29 ter (articles L. 231-4 et L. 231-5 du code des relations entre le public et l’administration) : Publication de la liste des procédures pour lesquelles le silence de l’administration vaut rejet

La commission examine l’amendement de suppression n° 501 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Il est défendu.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis favorable à la suppression de ce dispositif, adopté par le Sénat, qui complète l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration et prévoit qu’un décret révisé annuellement rende publique la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet. En complétant l’article précité, le dispositif semble prévoir un recensement des dérogations permises par les alinéas précédents.

L’article L. 231-5 du même code est abrogé, de sorte qu’il ne sera plus possible de déroger à la règle pour des motifs liés à l’objet des décisions et à la bonne administration.

Sur le fond, pourquoi pas une liste des procédures pour lesquelles le silence de l’administration vaut rejet ? Mais on ne peut pas lier ainsi les mains de l’administration. Celle-ci doit garder la possibilité de déroger au principe selon lequel silence vaut acceptation (SVA) dans des conditions de contrôle juridique strict.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable également. L’article L. 231-5 du code des relations entre le public et l’administration nous paraît équilibré. Je sais le travail que vous avez mené, madame Beaudouin-Hubiere, au moment de l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC) : ce sont des questions que vous connaissez bien.

Mme Cécile Untermaier. Du fait de l’adoption de cet amendement de suppression, l’amendement n° 138 va tomber. Je tiens donc à dire dès maintenant que nous proposions en quelque sorte un compromis entre le texte adopté par le Sénat et le retour à la situation actuelle, laquelle n’est pas satisfaisante car l’administration est montée en puissance : il y a désormais plus de procédures dérogatoires que de procédures de droit commun – c’est-à-dire respectant le principe du silence valant acceptation. Nous considérons qu’il est nécessaire d’encadrer l’administration en faisant en sorte qu’elle déroge au principe, mais uniquement dans le cas où « les conséquences de certaines décisions revêtent un caractère irréversible ».

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. J’ajoute que les dispositions de cet article relèvent du niveau réglementaire : c’est aussi pour cela que je souhaitais sa suppression.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, l’article 29 ter est supprimé et les amendements n° 138 et n° 243 tombent.

Après l’article 29 ter

La commission examine l’amendement n° 323 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Patricia Lemoine. À ce jour, la liste des pièces entrant dans le périmètre du programme de coffre-fort numérique pour les particuliers n’a toujours pas été publiée, alors que l’échéancier sur le site de Légifrance évoquait janvier 2017. Il s’agit pourtant d’un outil de simplification important pour nos concitoyens. Cet amendement vise à faire en sorte que le décret d’application de l’article 90 de la loi dite Lemaire soit enfin pris.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le décret du 18 janvier 2019, qui fixe la liste des pièces justificatives que le public n’est plus tenu de produire à l’appui des procédures administratives en application de l’article L. 113-13 du code des relations entre le public et l’administration, est celui que vous attendiez ; il crée un article réglementaire dans le même code. On y retrouve dix pièces justificatives pour les entreprises et organismes à but non lucratif s’agissant des procédures d’attribution des marchés publics et trois pièces justificatives pour les particuliers – avis d’imposition, attestation de droit aux prestations délivrées aux bénéficiaires par les organismes de sécurité sociale et justificatif d’identité, lorsque les services de l’administration proposent le dispositif FranceConnect. Je vous demande donc de retirer cet amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Effectivement, l’amendement est satisfait : demande de retrait.

Mme Patricia Lemoine. Je vais laisser ma collègue Laure de La Raudière vous répondre, puisqu’elle est de retour parmi nous.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement est en partie satisfait, effectivement : un décret a été pris pour préciser quelle serait la technique utilisée pour la mise en œuvre du dispositif « Dites-le nous une fois », grande avancée et promesse de simplification pour nos citoyens prévue par le gouvernement de l’époque dans la loi Lemaire, votée à l’unanimité à l’Assemblée. L’idée était la suivante : dès lors qu’un citoyen a donné une information à l’administration, celle-ci s’organise pour aller la récupérer les fois suivantes dans un coffre-fort numérique. Or le décret a été pris mais, sauf erreur de ma part, il ne précise pas quelles données peuvent faire l’objet de la procédure. Autrement dit, la disposition n’est pas applicable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le deuxième alinéa de l’article 1er du décret en question a créé l’article D. 113-14, qui prévoit que les personnes physiques ne sont pas tenues de produire à l’appui de leurs démarches administratives certaines pièces justificatives : avis d’imposition, attestation de droit aux prestations délivrées aux bénéficiaires par les organismes de sécurité sociale et justificatif d’identité.

Vous voulez plutôt parler de l’effectivité de la mise en œuvre, madame de La Raudière, sujet sur lequel nous travaillons et qui appelle un traitement non pas juridique mais organisationnel, que mon collègue Alain Griset a pris à bras-le-corps – et dont j’avais la charge auparavant –, en liaison avec Amélie de Montchalin pour ce qui est des enjeux liés à la réforme de l’administration publique.

Je tiens cependant à rappeler, car j’ai été heureusement surprise en découvrant ce classement, que la France est au quatrième rang mondial dans le domaine de l’administration numérique : c’est l’un des éléments qui ont contribué à hisser notre pays en douzième position des pays les plus innovants du monde, soit un gain de quatre places, ce qui n’est pas négligeable. Il convient aussi, à cet égard, de remercier l’Assemblée pour le travail qu’elle a accompli sur le sujet.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement n° 328 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Il s’agit là du principe du silence valant accord. Le présent amendement prévoit que, pour toute nouvelle procédure créée entrant dans le champ des exceptions, deux procédures existantes devront basculer dans le droit commun. C’est aussi un élément de simplification.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Premièrement, avec cette mécanique selon laquelle, quand on ajoute une exception, il faut en supprimer deux, on risque de mélanger des choux et des carottes, car les normes sont plus ou moins contraignantes ou paralysantes. J’ai donc un peu de mal avec cette logique purement mathématique.

Deuxièmement, en ce qui concerne le silence valant acceptation, je considère que l’essentiel est que l’administration réponde dans les délais. Pour tout dire, le SVA me laisse dubitatif. Nous avions interrogé un certain nombre d’industriels, et ils nous avaient dit qu’ils ne voulaient pas de mesures complémentaires de SVA, parce qu’ils craignaient que l’administration, par peur de ne pas réussir à étudier le dossier dans les délais impartis, charge la barque en demandant plus de documents que ne le prévoient la loi et la réglementation. Comme vous, j’avais trouvé la mesure séduisante sur le papier, mais j’ai été alerté sur ses risques par beaucoup de monde.

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable. Lorsqu’on met une procédure dans le régime des exceptions, c’est pour des raisons de fond – l’objet de certaines décisions et le motif de bonne administration. Pour rebondir sur ce qu’a indiqué M. le rapporteur, il existe une autre pratique dont j’ai fait l’expérience dans une précédente vie professionnelle, qui consiste à dire à l’usager : « Je vais devoir donner un avis négatif si vous ne retirez pas votre demande. Cela me donnera plus de temps pour l’instruire quand vous la déposerez de nouveau. » Quand on conçoit des dispositifs tels que celui-ci, il faut donc trouver un juste équilibre, de manière à préserver la qualité du dialogue avec l’administration et éviter que celle-ci ne trouve des méthodes de contournement au motif qu’elle est surchargée ou qu’elle n’a pas les moyens d’instruire correctement les dossiers. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Laure de La Raudière. Je vais le retirer, mais je voulais préciser à M. le rapporteur qu’il ne s’agissait pas de supprimer des normes – ça, c’est l’objet de l’amendement qui suit. Certains pays le font, mais dans ce cas ils évaluent le poids de la norme, car l’important, comme vous le disiez, c’est la charge administrative dont s’accompagne la création d’une norme : certaines sont légères, d’autres plus lourdes. Il faut en tenir compte.

L’amendement est retiré.

La commission en arrive à l’amendement n° 325 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Nous abordons une question qui me tient à cœur, et dont j’ai déjà parlé dans la discussion générale. Voilà longtemps que nous faisons des lois de simplification, ce qui est une excellente chose, et force est de constater que ce gouvernement mène beaucoup d’actions de simplification ; mais, dans le même temps, chaque fois que nous légiférons, nous créons des nouvelles normes. Une circulaire du Premier ministre énonce que, pendant ce quinquennat, il y aura autant de poids normatif créé que supprimé, mais ni nous ni le Gouvernement n’avons une vision complète de l’évolution de la charge normative qui pèse sur les citoyens, les entreprises et les collectivités. Cela entraîne une absence de visibilité de l’action de simplification menée par le Gouvernement et un manque de pilotage de chaque ministère par objectifs en termes de charge administrative.

Je propose donc de mettre en place, à titre expérimental, ce que j’appellerai un tableau de bord de la charge normative. On ne s’occuperait que du flux – les normes créées et supprimées –, pour voir si on va dans le bon sens, ce dont j’ai l’impression, mais personne ne peut le prouver, ce que je trouve vraiment dommage au vu des efforts accomplis. Certains pays voisins – l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore le Royaume-Uni – le font depuis longtemps. C’est un très bon principe de fonctionnement administratif : cela permet de penser réellement la simplification au quotidien, tout en communiquant de manière transparente, à destination des citoyens, sur ce que l’on fait dans ce domaine.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends totalement l’objectif, qui est d’avoir une meilleure information. Quand nous avions entrepris d’étudier et répertorier la totalité des normes s’appliquant aux installations et extensions de sites industriels, cela avait été la croix et la bannière.

Mme Laure de La Raudière. Tel n’est pas l’objet de mon amendement : il est beaucoup plus simple de suivre le flux !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. J’allais y venir : vous visez un peu le stock quand même, car l’amendement concerne toutes les normes depuis mai 2017.

Mme Laure de La Raudière. Je suis prête à modifier mon amendement !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est ce que j’allais vous proposer, madame de La Raudière, si vous m’aviez laissé terminer mon argumentation…

Je suis d’accord avec l’objectif consistant à se doter d’un tableau de bord. Toutefois, votre amendement s’appliquerait au stock qui s’est créé entre mai 2017 et septembre 2020. Or, je ne suis pas sûr qu’il faille introduire une telle rétroactivité : s’il faut établir un tableau de bord, c’est plutôt pour les normes à venir. Cela permettrait aux ministères de s’organiser pour les répertorier, sans les obliger à accomplir un travail « archéologique » sur ce qui s’est fait depuis 2017.

Quant aux exemples étrangers, il faut voir comment cela fonctionne, de quelle manière ils mesurent ces éléments. Je suis très preneur. Je me demande si la meilleure façon de procéder ne serait pas de se fonder sur la conséquence de la norme sur le citoyen ou l’entreprise, son impact sur les délais et la complexité. J’aimerais bien savoir, par exemple, quelle est la durée moyenne d’installation d’une entreprise, département par département et dans l’ensemble de la France ; a-t-elle diminué ou bien augmenté ? Savoir s’il y a cinq, dix ou quinze textes associés, c’est une bonne chose et cela constitue une première étape, mais l’idéal serait quand même, y compris pour le message qu’on véhicule à l’étranger en essayant d’attirer les investisseurs, de pouvoir indiquer le délai moyen d’installation d’un site industriel en France. De telles données n’existent ni au niveau national, ni au niveau départemental, ni au niveau local. Je me demande donc si l’on ne pourrait pas aller encore un peu plus loin que vous le proposez, madame de La Raudière, en indiquant dans le tableau de bord, au-delà de la charge normative, les conséquences de cette dernière sur les usagers.

Je vous propose donc de retirer votre amendement pour le retravailler d’ici à la séance afin d’exclure le stock et de trouver une rédaction satisfaisante.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je serai un peu moins enthousiaste que M. le rapporteur, ce qui ne veut pas dire que je ne poursuis pas le même objectif. D’abord, cela relève du domaine réglementaire. Ensuite, Amélie de Montchalin va faire des propositions très claires, s’appuyant sur un certain nombre de textes, notamment la circulaire du Premier ministre du 12 janvier 2018, qui prévoit que chaque projet de loi doit inclure un titre comportant des mesures de simplification législative.

En imposant du reporting pour étudier l’allégement de la norme, on risque d’y consacrer plus de temps qu’à l’action elle-même : l’exercice a des limites. Cette dimension relève plutôt d’une discussion comme celle que nous avons au moment du printemps de l’évaluation, ou d’une audition de la ministre en charge de l’efficacité de l’action publique, qui vous ferait des propositions et, sur cette base, on pourrait envisager d’aller plus loin. Avis défavorable.

M. le président Bruno Duvergé. Personnellement, j’ai besoin d’une petite explication, madame de La Raudière, car j’ai entendu deux choses différentes : la charge administrative peut se mesurer soit en prenant en compte la complexité pour le citoyen ou l’entreprise, soit à partir des ressources – humaines ou informatiques, par exemple – consommées par l’administration. Ces deux indicateurs peuvent se rejoindre, mais ils sont différents ; pourriez-vous préciser les choses sur ce point ?

Mme Laure de La Raudière. À l’étranger, on mesure le temps consommé par le citoyen, l’entreprise ou l’administration pour satisfaire à la réglementation. On raisonne en termes de dérivée, pas de valeur absolue, ce qui est un peu différent de ce que disait notre rapporteur, qui considérait qu’il serait intéressant d’avoir une idée des délais en valeur absolue. Les deux approches peuvent être complémentaires, mais ce qui m’intéresse, c’est bien de voir si on diminue la charge administrative pour les collectivités, les entreprises et les citoyens, ce qui se mesure uniquement à partir du flux. À cet égard, je rejoins M. le rapporteur : il faudrait que cet amendement porte sur les normes futures. Je confesse avoir recyclé un vieil amendement, car cela fait longtemps que je défends cette idée qui me tient à cœur.

Je ne suis pas d’accord avec vous, madame la ministre : il ne s’agit pas de passer son temps à faire du reporting, et ainsi de se priver d’agir. Il s’agit, chaque fois qu’on crée une norme, d’avoir le réflexe de mesurer la charge administrative qui en découle – dans l’étude d’impact des projets de loi, mais aussi pour chaque amendement, ou à la fin de l’examen de tous les textes à l’Assemblée nationale, avant leur adoption. Ensuite, chaque ministère devra piloter le nombre de normes, un peu comme il le fait pour son budget : ce serait une sorte de « budget de normes ».

La commission rejette l’amendement.

Article 30 (article L. 1321-6 du code de la santé publique) : Suppression de la déchéance en cas de condamnation pénale du délégataire de service public d’eau potable

La commission adopte l’article sans modification.

Article 30 bis (article L. 2141-1-A [nouveau] du code du code général des collectivités territoriales) : Obligation de déclaration de domicile en mairie

La commission est saisie des amendements de suppression n° 601 du rapporteur, n° 224 de Mme Paula Forteza, n° 385 de M. Buon Tan, n° 402 de Mme Laure de La Raudière, n° 413 de Mme Danielle Brulebois et n° 429 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 30 bis a été adopté au Sénat contre l’avis de la rapporteure de la commission spéciale et du Gouvernement, et pour cause : il crée l’obligation pour tout nouvel habitant d’une commune de se déclarer à la mairie de celle-ci et à celle de son ancienne commune de résidence dans un délai de trente jours, cette déclaration faisant l’objet d’un récépissé valant justificatif de domicile.

Imaginez la lourdeur et la complexité de la démarche pour nos concitoyens : arrivant dans une commune, vous devez prendre rendez-vous à la mairie pour le déclarer et obtenir un récépissé, mais aussi vous adresser à la mairie de votre ancienne commune, à charge pour la mairie de délivrer le récépissé. Et l’objet du projet de loi est l’accélération et la simplification de l’action publique !

Je comprends que l’on veuille que les élus locaux, notamment les maires, soient mieux informés ; mais cela peut passer par d’autres canaux – dont l’administration fiscale, comme cela a été dit précédemment.

Mme Émilie Cariou. J’approuve le rapporteur : le dispositif proposé est excessif, non seulement en raison des charges administratives qu’il crée, mais aussi parce qu’il a quelque chose de liberticide. Il existe d’autres outils, dont les déclarations fiscales, pour alimenter les communes en informations.

M. Buon Tan. J’ajoute que le dispositif implique la création d’un fichier, ce qui pose problème eu égard à l’exigence de protection des données personnelles. La jurisprudence constitutionnelle n’accepte la constitution d’un tel fichier que pour un motif d’intérêt général suffisant et précis, qui ne me semble pas exister en l’espèce.

Mme Laure de La Raudière. Le dispositif proposé dans l’article est ce que l’on pourrait appeler un marronnier sénatorial…

Mme Danielle Brulebois. L’article crée des charges très lourdes pour les communes, assujetties aux obligations du RGPD : il leur faudrait délivrer les récépissés, allouer du personnel à cette tâche ; cela semble difficilement supportable pour les petites communes.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Le projet de loi a pour objet de simplifier les démarches de nos concitoyens. Peut-être les sénateurs, n’ayant pas l’habitude de déménager, ignorent le nombre incroyable de démarches qu’il faut déjà accomplir dans cette situation, mais il ne me semble pas utile d’en ajouter une.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les amendements ont été très bien défendus. Avis favorable.

M. Rémi Delatte. L’article 30 bis introduit par le Sénat reprend en partie une proposition de loi que j’avais déposée avec une trentaine de mes collègues l’an passé ; vous ne serez donc pas surpris que je le juge intéressant et utile.

Qu’on le veuille ou non, la déclaration domiciliaire est un élément de simplification. En quoi cela serait-il une contrainte d’aller se déclarer à la mairie en arrivant dans une commune ? Au contraire, c’est une façon de s’approprier le lieu où l’on vient s’installer, une démarche responsabilisante et rassurante puisqu’elle permet de se savoir officiellement enregistré, avec toutes les conséquences que cela entraîne, notamment l’inscription sur la liste électorale.

J’admets que le Sénat a peut-être un peu compliqué les choses en imposant également l’inscription dans la commune que l’on quitte : on pourrait imaginer que la nouvelle commune de résidence prévienne l’ancienne.

Et si c’est un « marronnier sénatorial », chère Laure de La Raudière, c’est parce que les associations d’élus, notamment de maires, réclament la mesure depuis longtemps. Il s’agirait en effet d’un excellent outil de gestion, car elle permettrait de connaître la population de la commune en temps réel ; il n’est pas question d’établir des fichiers, mais de mieux évaluer les besoins et les attentes des administrés pour éclairer la gestion des équipements publics, en particulier. En outre, les élus pourraient être plus réactifs dans certaines situations telles que la crise sanitaire que nous venons de vivre – lors de laquelle les collectivités ont dû intervenir au plus près du terrain pour assurer la distribution de masques –, la mise en œuvre du plan communal de sauvegarde ou du plan canicule.

Pour ces raisons, je regrette que le rapporteur souhaite la suppression de l’article.

Mme Émilie Cariou. Au contraire, il s’agit d’une mesure très dangereuse de fichage global de la population : aux termes de l’article, les nouveaux habitants doivent aussi déclarer toutes les personnes qui vivent sous leur toit. Il n’y a aucune raison d’obliger les gens à dire qui vit avec eux ! D’autres outils de recensement de la population sont disponibles : le recensement lui-même, les déclarations fiscales, l’inscription à l’école pour les enfants. Je ne veux pas d’une société où l’on imposerait une telle obligation ; cela va beaucoup trop loin. Utilisons les outils qui existent déjà et sont encadrés par la loi.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. En effet, ces outils existent, alors que le dispositif proposé dans l’article n’est assorti d’aucune garantie quant à l’utilisation de ces fichiers nominatifs indiquant qui habite chez qui, ce qui est un peu troublant. J’y suis vraiment défavorable.

M. le président Bruno Duvergé. Je me permets d’intervenir en tant qu’ancien maire d’une petite commune. L’administration fiscale ou EDF connaissent la population de la commune, mais le maire, lui, ne la connaît plus ! À l’époque où la commune gérait l’eau en régie, on pouvait savoir exactement combien de maisons avaient l’eau et qui y habitait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Juridiquement, le maire a le droit de consulter le rôle des impôts locaux et les éléments dont dispose l’INSEE.

M. le président Bruno Duvergé. Alors il faut le faire savoir, car beaucoup de maires l’ignorent.

M. Thibault Bazin. Vous nous apportez un témoignage de terrain, monsieur le président. Il ne faut pas faire au dispositif le procès de vouloir ficher les gens : il correspond à une demande de certains élus locaux qui voudraient mieux appréhender les besoins de leurs administrés, lesquels peuvent évoluer très rapidement. Plusieurs maires se sont trouvés en difficulté pour appliquer des politiques publiques faute de disposer de ces éléments. Pour répondre aux besoins, il faut les connaître, ce qui nécessiterait un tel dispositif en l’état actuel de notre système de recensement et du fonctionnement des politiques publiques. Peut-être faut-il le corriger, l’aménager pour s’assurer qu’il respecte les libertés ; mais il faut permettre aux maires de mieux connaître la population de leur commune.

La commission adopte les amendements et l’article 30 bis est supprimé ; en conséquence, les amendements n° 244, n° 246, n° 249, n° 251, n° 254, n° 257, n° 507, n° 508 et n° 534 tombent.

Après l’article 30 bis

La commission examine l’amendement n° 157 de M. Jean-Marie Fiévet.

M. Jean-Marie Fiévet. Pour simplifier les démarches administratives que doivent accomplir les Français désirant se marier à l’étranger, l’amendement propose de supprimer l’obligation de solliciter la délivrance d’un certificat de capacité à mariage auprès de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente, ainsi que la procédure d’opposition ouverte aux autorités diplomatiques et consulaires en cas d’éléments qui laisseraient envisager un mariage frauduleux.

Ces formalités n’apparaissent pas nécessaires, pour les raisons suivantes. D’abord, les Français dont le mariage a été célébré par une autorité étrangère ne sollicitent pas tous la transcription de leur acte de mariage ; ensuite, un mariage célébré à l’étranger peut déjà être annulé dans un délai de trente ans après sa célébration ; enfin, les entretiens préalables aux mariages dispensés par les autorités diplomatiques et consulaires représentent une charge de travail certaine.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous y allez un peu fort dans la simplification… On ne peut pas se défaire de tout formalisme et de tout contrôle s’agissant du mariage, en particulier d’un mariage célébré à l’étranger qui n’est pas sans conséquences en France. Je laisserai la ministre nous présenter les implications de l’amendement, car elle doit disposer de chiffres éclairants concernant les mariages blancs. Pour ma part, vous l’aurez compris, j’ai quelques réserves vis-à-vis de votre volonté simplificatrice. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Adopter cet amendement reviendrait à supprimer tout contrôle a priori des mariages que les Français souhaitent contracter à l’étranger devant l’autorité locale compétente, tel qu’il est effectué par les officiers de l’état civil communaux lorsque le mariage est célébré en France. Cela introduirait une différence entre les mariages célébrés en France et ceux célébrés à l’étranger.

Or c’est dans l’optique d’apporter aux Français souhaitant se marier à l’étranger une protection identique à celle dont bénéficient ceux qui se marient en France que la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages a été adoptée. Ses dispositions permettent de s’assurer du consentement non vicié des futurs époux, afin que l’institution du mariage ne soit pas détournée pour obtenir ou faire obtenir la nationalité française ou un titre de séjour sur le territoire. Elles permettent également de vérifier la réalité du consentement et de l’intention matrimoniale des futurs époux en vue de lutter contre les mariages forcés – qui ne sont pas un problème théorique.

Voilà pourquoi, lorsqu’il est célébré par une autorité étrangère, le mariage d’un Français doit être précédé de la délivrance d’un certificat de capacité à mariage par l’autorité diplomatique ou consulaire ainsi que de l’audition des futurs époux. Au vu de ces éléments et, le cas échéant, après enquête, le procureur de la République peut s’opposer à un mariage projeté par un Français à l’étranger s’il estime que ce mariage est susceptible d’encourir le risque de nullité pour absence de consentement ou consentement vicié. Un tel mariage peut également être annulé a posteriori à l’initiative du procureur de la République lors de la demande de transcription de l’acte de mariage étranger sur les registres de l’état civil français.

La loi de 2006 a aussi permis d’harmoniser le dispositif en reprenant celui existant déjà pour les mariages célébrés en France et qui, conformément à l’article 63 du code civil, inclut une audition préalable des futurs époux afin de contrôler leur consentement libre et éclairé. Ce dispositif a en outre allégé les formalités de transcription des mariages contractés à l’étranger : il autorise une transcription quasi automatique dès lors que le fameux certificat a été délivré. Il s’agissait donc déjà d’une mesure de simplification : auparavant, les contrôles de validité des mariages contractés à l’étranger ne s’opéraient qu’au moment de la demande de transcription et pouvaient être beaucoup plus longs et contraignants.

Ainsi, le dispositif rend plus efficace la lutte contre la fraude, harmonise le droit du mariage quel que soit le lieu où celui-ci est célébré et allège les procédures de transcription, formalité rendue obligatoire pour les conjoints étrangers de Français voulant obtenir des titres de voyage – carte d’identité, passeport – ou de séjour.

Ces mesures ont bel et bien un sens et une utilité. Je rappelle que le parquet de Nantes a prononcé en 2016 et 2018 respectivement 231 et 365 oppositions à mariage et 100 et 93 oppositions à la transcription d’un mariage célébré à l’étranger.

Nous sommes parvenus à un dispositif équilibré, qui s’attache à concilier les impératifs que constituent la liberté fondamentale du mariage et la lutte contre les mariages frauduleux – que le mariage ne résulte que d’un groupement d’intérêts l’espace d’un instant ou, plus grave encore, qu’il soit forcé. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. L’objectif de simplification est louable, mais doit ici céder le pas devant un autre : la protection et la dignité, dans le contexte actuel, de ceux qui sont confiés à l’État. Ne soyons pas naïfs : le mariage forcé est une réalité mondiale. À ce fléau, nous devons opposer un arsenal efficace, et non simplifier la vie de ceux qui cherchent à détourner notre droit. Nous devons donc combattre cet amendement de toutes nos forces.

M. Buon Tan. Je souhaite apporter mon témoignage d’ancien adjoint au maire d’un arrondissement de Paris qui a célébré à ce titre des mariages. Nous sommes déjà très démunis dans certaines situations ; il faut absolument maintenir un degré minimal de protection. Quand on voit arriver dans la salle des mariages une seule femme accompagnée d’une quinzaine d’hommes, on a quelques doutes sur sa volonté réelle de se marier avec son futur époux, surtout quand, de toute la cérémonie, pas un sourire, pas un signe n’est échangé. En supprimant toutes les vérifications qui encadrent le mariage, on prend un grand risque et on ne peut plus protéger les personnes victimes de mariages forcés.

M. Jean-Marie Fiévet. À la lumière de ces arguments, je retire mon amendement.

Mme Laure de La Raudière. Bravo !

L’amendement est retiré.

La commission aborde ensuite l’amendement n° 364 de Mme Christine Hennion.

Mme Christine Hennion. Il s’agit de rendre effective la protection des consommateurs lorsqu’ils utilisent des lettres recommandées électroniques. Mais je vais retirer l’amendement au profit d’un autre que j’ai continué de travailler avec les services de l’Assemblée, que je n’ai pas eu le temps de déposer en vue de l’examen en commission, mais que je redéposerai pour la séance.

L’amendement est retiré.

La commission est alors saisie des amendements n° 509 et n° 510 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo. Ces deux amendements de Mme Marguerite Deprez-Audebert nous ramènent à la question de la déclaration en mairie lors d’un déménagement, chère non seulement aux sénateurs, mais également aux députés du groupe MODEM. Nous avons entendu maintes fois entendu des maires demander cette mesure et ceux d’entre nous qui ont été maires ont fait de même.

Il ne s’agit nullement de fichage, ni de flicage, mais d’une bonne pratique qui permet d’organiser au mieux les élections – découpage du territoire par bureaux de vote, envoi des cartes d’électeur et de la propagande électorale. En outre, des moments d’information des habitants, d’échange, de dialogue, de concertation avec eux sont nécessaires ; or le fait de les identifier facilite cette tâche.

Sans revenir sur un débat que nous avons déjà eu, les amendements montrent que la déclaration pourrait mettre le nouvel habitant en contact avec une administration accessible, claire et rapide. La mairie lui proposerait à cette occasion, aux termes de l’amendement n° 509, l’inscription sur la liste électorale, ce qui lui éviterait d’avoir à y venir deux fois, et, aux termes du n° 510, de transmettre ses coordonnées à la maison France services pour faciliter ses démarches administratives.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je le répète, je comprends la volonté de fournir aux maires des informations utiles pour servir leurs administrés, s’enquérir de leur situation ou, en période de crise sanitaire, disposer de leviers d’action. Mais je doute que le dispositif ici proposé pour y pourvoir soit plus rapide et simple pour nos concitoyens. En effet, les amendements me semblent ajouter de la complexité : ils supposent l’envoi de formulaires, alors que l’inscription sur la liste électorale n’est pas obligatoire et est souvent proposée sous forme dématérialisée.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

Je comprends moi aussi l’intention des auteurs des amendements : il est louable de vouloir améliorer l’organisation des élections et faire en sorte que le plus grand nombre possible de personnes s’inscrive sur les listes électorales. Mais il existe toute une série de dispositifs qui visent à faciliter cette inscription – possibilité de démarches en ligne, publicité, etc. –, et c’est plutôt cette voie qu’il convient de privilégier.

En outre, le dispositif proposé soulève plusieurs problèmes techniques et de constitutionnalité, touchant notamment à l’utilisation des données, qui nous paraissent disproportionnés par rapport à l’objectif visé.

M. Philippe Bolo. Il n’y a ici nulle défiance envers le rapporteur ou la ministre ; simplement, Mme Deprez Audebert a dû s’absenter pour se rendre dans sa circonscription et, n’ayant pu défendre ses amendements à l’article 30 bis puisqu’ils sont tombés, j’ai saisi cette nouvelle occasion d’apporter sa contribution au débat. À la lumière de ce qui vient d’être dit, je retire ces amendements.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement n° 362 de Mme Christine Hennion.

Mme Christine Hennion. Cet amendement fait suite aux propositions que Jean-Michel Mis et moi-même avons formulées dans notre rapport d’information sur l’identité numérique. On l’a vu au cours du présent débat, la simplification viendra aussi du numérique. Il est donc essentiel que nos concitoyens soient bien formés non seulement au numérique, mais à ce que signifie une citoyenneté numérique, et qu’ils sachent comment manipuler et protéger les données personnelles. Nous proposons donc d’inciter les régions, responsables de la formation, à dispenser autant que faire se peut des formations en ce sens.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) facilite l’accès de l’ensemble de la population aux outils numériques et le développement des usages et services numériques dans les territoires. Vous souhaitez ajouter à ces missions la formation à la citoyenneté numérique et à la protection des données personnelles, en lien avec la dématérialisation de la citoyenneté engagée depuis plusieurs années. Vous confiez donc une nouvelle mission aux régions. Sur le principe, je ne vois pas de raison de m’y opposer : la région est le bon échelon territorial pour favoriser ces compétences. Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous partageons le même objectif : la sensibilisation aux outils numériques est cruciale. D’abord, comme on l’a vu au cours du confinement, la prévalence de l’ilectronisme est élevée. Ensuite, même chez ceux qui savent utiliser les outils numériques, on observe une méconnaissance de la façon de protéger leurs données personnelles ou une négligence à ce sujet. Cela pose des questions ayant trait à la citoyenneté.

Je vous propose cependant de retirer votre amendement – sans quoi j’émettrai un avis défavorable – pour le retravailler d’ici à la séance publique, car nous n’en mesurons pas la portée. En particulier, modifiant le code général des collectivités territoriales, il supposerait un degré minimal de concertation avec les conseillers régionaux et l’ANCT, dont les missions, déjà définies par la loi du 22 juillet 2019, nécessitent des ressources humaines. Je serai ravie de m’y employer avec Cédric O.

Mme Christine Hennion. L’amendement n’impose pas d’obligation formelle à la région. Cela étant, à la lumière de vos explications, je le retire pour le retravailler avec vous.

L’amendement est retiré.

Article 30 ter (nouveau) (article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) : Simplification et accélération de la procédure administrative d’expulsion en cas d’occupation illicite du domicile d’autrui

La commission examine, en discussion commune, l’amendement n° 695 du rapporteur, qui fait l’objet des sous-amendements n° 706, n° 707 et n° 711 de Mme Emmanuelle Ménard, et l’amendement n° 427 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vais prendre le temps d’expliquer mon amendement, qui est important et va susciter des débats ici comme à l’extérieur. Il vise à apporter une solution au problème des squats.

Nous avons tous été choqués par la détresse de ce couple de retraités dont la maison, à Théoule-sur-Mer, a été squattée pendant plusieurs semaines, ce qui les a empêchés d’y accéder.

Loin d’être isolé, ce cas de figure est malheureusement très fréquent. La presse a rapporté ces derniers jours une affaire similaire dans la Nièvre, à Saint-Honoré-les-Bains, où la résidence d’une retraitée octogénaire récemment placée en EHPAD est squattée sans vergogne par plusieurs personnes sans que la famille de la propriétaire ne puisse reprendre possession de la maison. Les images sont édifiantes et inspirent un sentiment de scandale. On se souvient également du cas médiatisé de cette dame de 83 ans, Maryvonne, qui a été contrainte d’entamer des démarches de plusieurs mois afin de récupérer son domicile près de Rennes.

Chaque fois, le même constat est établi : les procédures sont longues et complexes à mettre en œuvre, ce qui laisse les propriétaires démunis et impuissants face aux squatteurs qui se sont introduits chez eux et semblent, eux, parfaitement au fait des marges de manœuvre juridiques dont ils disposent afin de rester dans les lieux.

Ces situations sont intolérables. Elles accentuent un sentiment d’injustice en suggérant que la loi protège davantage les délinquants que les victimes. Il peut en résulter des conséquences tragiques, car les propriétaires – ou les locataires de logements squattés – peuvent être tentés de se faire justice eux-mêmes, en passant outre les procédures, et d’expulser par la force les occupants illégitimes, au risque de provoquer des drames.

Ces situations nous interpellent directement en tant que législateur : que pouvons-nous faire afin de lutter efficacement contre ces phénomènes récurrents, qui provoquent à juste titre l’incompréhension et la colère de nos concitoyens ?

Le droit de propriété ne doit pas être une fiction. C’est un droit fondamental, à valeur constitutionnelle, consacré par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Nous ne pouvons plus accepter qu’il soit bafoué aussi facilement. Notre responsabilité est précisément d’agir afin de le rendre véritablement effectif dans la loi.

Je sais parfaitement qu’il s’agit là d’un sujet juridiquement complexe, qui a fait l’objet de réformes récentes, notamment à l’initiative de nos collègues sénateurs en 2015 ; nos collègues du groupe Les Républicains ont également déposé plusieurs propositions de loi concernant cette question. Deux procédures d’expulsion par les voies civile et judiciaire sont prévues par les codes de procédure civile et de procédure pénale. Il existe également une procédure administrative, hélas méconnue et visiblement peu appliquée, prévue, elle, par l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO).

Cette procédure permet au propriétaire ou au locataire d’un logement squatté de demander au préfet de mettre en demeure les squatteurs de quitter les lieux, dès lors que plusieurs conditions cumulatives sont satisfaites : avoir déposé plainte, avoir prouvé que le logement squatté constitue bien son domicile et avoir fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

Comme rapporteur, je considère qu’il convient de se concentrer à ce stade sur la seule procédure administrative, dans le but, conformément aux objectifs du projet de loi, de la simplifier et de l’accélérer.

J’en viens au contenu de mon amendement.

Premièrement, il est indispensable de clarifier le champ d’application de cette procédure. La notion de domicile que mentionne l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 comporte en pratique de nombreuses ambiguïtés d’interprétation : recouvre-t-elle ou non les résidences temporairement inoccupées, telles que les résidences secondaires ? Outre les jurisprudences parfois contradictoires sur ce sujet, je veux pour preuve de cette ambiguïté les informations publiées en la matière par le site service-public.fr, le site internet officiel de l’administration française, qui distinguait formellement les résidences principales et les résidences secondaires, les secondes ne semblant pas pouvoir bénéficier de la procédure administrative d’expulsion prévue par l’article 38.

Je remarque, avec une certaine satisfaction, que ces informations ont été actualisées par le Gouvernement lundi 14 septembre, et que cette distinction a subitement disparu… Pourtant, les ambiguïtés demeurent, puisque le domicile reste défini comme le lieu où la personne vit ordinairement, ce qui laisse encore penser que les résidences secondaires peuvent être exclues du bénéfice du dispositif.

L’amendement vise à mettre fin une bonne fois pour toutes à ces incertitudes : les résidences occasionnelles ou secondaires seront désormais explicitement concernées par la procédure administrative d’expulsion des squatteurs, et non plus les seules résidences principales.

Deuxièmement, l’amendement vise à responsabiliser l’administration. Aujourd’hui, le préfet qui reçoit une demande de mise en demeure des squatteurs n’est pas tenu d’y répondre dans un délai déterminé. L’amendement vient pallier cette difficulté en introduisant, pour répondre aux demandes de mise en demeure des occupants illicites, un délai de 48 heures à compter de leur présentation. En cas de refus de donner suite aux demandes des propriétaires ou locataires lésés par le squat de leur logement, les services administratifs devront leur communiquer sans délai les motifs de la décision de refus.

Troisièmement, dans un même objectif de rapidité procédurale, l’amendement précise que le préfet saisi d’une demande d’évacuation forcée du logement devra intervenir sans délai, ce qui contribuera à rendre le dispositif plus opérationnel.

Pardonnez-moi d’avoir été long. Je suis conscient que mon amendement n’épuise pas l’intégralité des questions relatives à la lutte antisquat, et reste bien sûr ouvert, d’ici à l’examen en séance, à des compléments ou coordinations susceptibles d’apporter une amélioration.

Il ne s’agit pas de révolutionner ou de déséquilibrer le droit applicable sur ces sujets sensibles, mais bien de fournir les outils juridiques nécessaires à la résolution effective et rapide de ces situations insupportables.

Mme Emmanuelle Ménard. L’objectif de mes sous-amendements est double : raccourcir les délais d’intervention, d’une part ; d’autre part, renforcer les pouvoirs de police du maire – une idée chère au Gouvernement.

Je souscris entièrement à vos propos, monsieur le rapporteur : les Français ont le sentiment que la loi protège davantage les squatteurs que les propriétaires et ne le comprennent plus. On en arrive à des situations intolérables et parfois ubuesques où c’est au-dessus des propriétaires qu’est suspendue une épée de Damoclès, les squatteurs étant moins punis que les propriétaires qui souhaitent faire valoir eux-mêmes leurs droits. Pourtant, la tentation de le faire peut être forte quand certaines procédures judiciaires mettent six à huit mois en moyenne pour aboutir, ce qui est très long quand vous savez que des personnes occupent illégalement votre logement et que vous vous demandez s’ils ne sont pas en train de tout saccager.

J’ai été saisie la semaine dernière du cas, dans un village près de chez moi, d’un couple pas très aisé qui, voulant assurer l’avenir de ses enfants, a acheté une petite maison à côté de la sienne pour la mettre en location. La situation n’est pas tout à fait celle d’un squat, puisqu’il s’agissait d’abord d’une location. Mais je prends l’exemple à dessein parce que les propriétaires se sont aperçus au bout de deux mois que non seulement le locataire ne payait plus, mais que la maison était entièrement saccagée ; et quand, au bout de dix mois, ils ont pu récupérer leur bien, ils ont été obligés, outre les frais d’huissier et de justice, de financer sa remise en état complète, ce qui leur a coûté des fortunes – le tout en continuant de payer l’emprunt qu’ils avaient souscrit pour l’acheter ! Ils sont pris à la gorge ; la dame m’a appelée plusieurs fois ; en plus, par un enchaînement terrible, elle a fait une dépression nerveuse et a dû arrêter de travailler.

Si j’approuve l’amendement, mes sous-amendements visent à simplifier et à accélérer encore la procédure – conformément à l’objectif du projet de loi. Je souscris à l’idée d’étendre la procédure aux résidences secondaires et occasionnelles : quel que soit le statut du bien, les Français sont tout aussi choqués lorsqu’ils sont placés devant le fait accompli de son occupation illégale.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Mon amendement est légèrement différent de celui du rapporteur ; je le retirerai au profit de ce dernier.

Nous avons la possibilité de proposer une solution effective et forte à un problème qui a défrayé la chronique dernièrement et concerne beaucoup de nos concitoyens, notamment des personnes modestes, locataires de leur résidence principale et propriétaires de leur résidence secondaire en vue de leur retraite ou pour y retrouver leur famille.

Voilà qui démontre la force de notre assemblée : nous allons faire bouger des lignes auxquelles l’administration refuse depuis des années de toucher. On nous a d’abord dit que la loi permettait d’agir, mais que son interprétation était floue. En réalité, il apparaît que ce n’était pas le cas.

En votant l’amendement du rapporteur, nous pouvons agir concrètement au service et au bénéfice de nos concitoyens.

Certains des propos qui viennent d’être tenus m’ont cependant alertée : gardons-nous de toute confusion ; il s’agit exclusivement des squatteurs, absolument pas des locataires. L’amendement du rapporteur vise les squatteurs qui occupent illégalement un logement.

L’amendement n° 427 est retiré.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je salue les propos de Sophie Beaudouin-Hubiere, dont je connais l’engagement en la matière et qui s’est battue, avec d’autres députés, face à ceux qui prétendaient qu’il ne fallait rien changer, que ce serait trop compliqué, que la loi faisait déjà très bien le travail, qu’il y avait simplement un problème d’interprétation et que tout allait s’arranger.

C’est effectivement un apport de notre assemblée que de remettre parfois en cause ce que nous disent l’administration ou des personnalités extérieures pour défendre des dossiers qui parlent aux Français et remédier à des situations quotidiennes scandaleuses. De manière générale, l’Assemblée s’attache à résoudre les problèmes quotidiens des Français : elle n’est pas sourde à ce qui se passe en dehors de ses murs, elle n’est pas aveugle à la détresse des citoyens et elle se préoccupe de l’application effective, facile et rapide des lois qu’elle vote.

Madame Ménard, je ne doute pas que l’on puisse proposer d’aller plus loin, concernant la nature de la résidence, les délais de réponse – 48 ou 24 heures – ou le fonctionnement de la procédure. Mais mieux vaudrait en débattre dans l’hémicycle plutôt que de sous-amender un amendement qui, je crois, parvient à un bon équilibre. Si notre commission spéciale l’adopte tel quel, ce sera un signal fort ; nous pourrons étudier ensuite vos éventuelles propositions rédactionnelles permettant une amélioration réelle – une procédure encore plus rapide, plus efficace, un texte plus explicite ne laissant subsister aucun doute quant à l’interprétation à donner de la loi. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos sous-amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le sujet n’est effectivement pas aussi facile que l’on a pu le croire : nous avions le sentiment qu’il pouvait être traité dans le cadre de la loi et des procédures existantes ; vous avez heureusement appelé notre attention sur le problème, nous avons approfondi notre étude et nous reconnaissons que l’amendement du rapporteur apportera davantage de sécurité à cet égard.

La question est bien circonscrite. D’abord, il ne s’agit pas du droit des locataires et du problème de ceux d’entre eux qui ne paient pas leur loyer, mais du cas où quelqu’un s’introduit dans une maison qui n’est pas nécessairement la résidence principale du propriétaire. Évidemment, quand on réside en EHPAD, on a le sentiment que son domicile reste celui où l’on a tous ses souvenirs, où l’on a vécu pendant des décennies : il serait déchirant de le considérer comme une résidence secondaire. Les cas de figure sont multiples et ce n’est pas un hasard si les personnes touchées sont souvent déjà vulnérables.

Ensuite, il y va de l’effectivité du droit – en l’espèce, du droit de propriété, en cas d’ingérence dans un lieu très intime.

L’amendement propose une solution équilibrée au problème. En ce qui concerne les sous-amendements, certes le maire détient un pouvoir de police générale, mais la situation envisagée ici ne relève pas de ses compétences : nous souhaitons que ce soit bien l’autorité préfectorale qui soit chargée du dispositif. Quant aux délais, celui proposé par l’amendement à compter du moment où la personne concernée a pu déposer plainte et prouver la réalité du problème – ce qui, vous en conviendrez, n’est pas très difficile – est suffisamment bref pour permettre l’effectivité du droit.

Pour ces raisons, avis favorable à l’amendement et défavorable aux sous-amendements.

Mme Mathilde Panot. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que votre amendement suscitait le débat ici comme à l’extérieur. C’est exact : tous les députés ont été alertés à son sujet par un communiqué de l’association Droit au logement (DAL) ; vous-même, ayant débattu ce matin avec Jean-Baptiste Eyraud, connaissez donc ses arguments, mais je tiens à les exposer pour ceux de nos collègues auxquels ils auraient échappé.

Le meilleur moyen de rassurer au sujet de votre amendement est de répondre à la demande du DAL d’en supprimer le mot « occasionnelle ». En effet, selon le DAL, la notion de résidence occasionnelle étant absente de la loi française, le dispositif risque d’être étendu aux logements vacants, ce qui serait très problématique dans le contexte actuel de crise du logement. Alors qu’il y a en France 3,2 millions de logements vacants, chaque année des hommes et des femmes meurent à la rue : c’est une indignité dans un pays aussi riche. Si cette notion de résidence occasionnelle permettait une expulsion sans jugement d’une ruine, d’un terrain où l’on aurait dressé une tente et, par extension, d’un logement vacant, ce serait très grave.

Le flou entourant cette notion pose selon le DAL un autre problème, lui aussi à prendre très au sérieux : une expulsion illégale pourrait devenir légale si un marchand de sommeil utilisait le dispositif pour chasser une personne qui menace de le dénoncer ou refuse de le payer.

L’amendement pourrait ainsi être détourné de manière très dangereuse compte tenu de l’ampleur du mal logement en France et des conséquences qui s’ensuivraient pour des centaines de milliers d’hommes et de femmes.

M. Damien Adam. Une proposition de loi a été déposée sur ce sujet au début de la législature, mais elle n’a pas été adoptée car ses dispositions n’étaient malheureusement pas très bonnes. Cet amendement, en revanche, paraît très pertinent.

La question qui se pose ne porte pas sur les résidences principales qui sont squattées, ni sur les locataires qui ne paient pas – il existe des dispositifs visant à éviter les abus – mais sur les résidences secondaires occupées quelques jours, quelques semaines ou quelques mois par an. Il y a une procédure, qui est régulièrement rappelée aux préfets à la suite de faits divers, mais elle semble trop complexe et pas nécessairement intégrée par les citoyens. Dans ces conditions, le droit n’est plus opérant. Je serais ravi que l’on toilette un peu la procédure afin de réduire le problème auquel sont confrontées des personnes aux revenus modestes dont la résidence secondaire est occupée par des gens qui n’ont rien à y faire et que l’on n’arrive pas à déloger rapidement.

Ce qui est très important est que vous prévoyez, monsieur le rapporteur, un délai extrêmement court : en 72 heures, tout compris, le logement squatté sera évacué. C’est très bien car il n’y a rien de pire qu’une règle dont l’application prend des semaines ou des mois. Il faut rendre le droit très concret et très puissant pour que les gens aient confiance en lui.

M. Philippe Bolo. Je veux dire le soutien du groupe MODEM à l’amendement n° 695. Qu’entend-on par logement ? Il ne s’agit pas uniquement d’un espace physique, composé de murs, d’un plancher, d’un plafond, de portes et de fenêtres : c’est aussi un espace de vie qui a été occupé, qui est l’objet de souvenirs et d’un attachement familial. En outre, c’est parfois le résultat d’un travail important qu’il fallait réaliser avant de pouvoir acheter. Nous avons perçu sur le terrain le sentiment d’injustice qui existe face aux situations dont nous parlons, l’incompréhension vis-à-vis de la puissance publique, mais aussi l’inquiétude de ceux qui se demandent ce qui se passerait si cela leur arrivait également à eux.

La procédure que vous proposez nous semble équilibrée, et le raccourcissement des délais va dans le bon sens. J’ai une question à vous poser, monsieur le rapporteur : comment seront traités les bâtiments économiques et administratifs, qui sont également susceptibles d’être occupés ?

M. Buon Tan. Merci au rapporteur d’avoir proposé cet amendement.

S’agissant de la notion de résidence, je pense qu’il faudrait aller plus loin. J’ai connu la situation suivante il y a quelques années : une vieille dame en maison de retraite a vu son logement, qu’elle louait, squatté alors que le locataire était parti en vacances. Le squatteur ne voulant pas s’en aller, le locataire ne pouvait pas récupérer le logement, malgré son bail en bonne et due forme, et est donc parti. Or la dame en question payait sa maison de retraite avec le loyer qu’elle percevait : au bout de six mois, elle a été menacée d’expulsion.

Le fait que certaines personnes n’aient pas de logement est un vrai problème mais on ne peut pas s’asseoir, pour cette raison, sur le droit de propriété en France. Bien qu’un délai de 48 heures soit fixé par la loi, des préfets refusent d’intervenir au-delà de 24 heures. Le problème des faux baux se pose aussi : quelqu’un entre par effraction chez vous pendant que vous êtes en vacances, change la serrure et signe un bail pour louer votre logement à quelqu’un d’autre. La personne qui s’y trouve a alors un bail, même s’il est faux, et on peut mettre deux ans pour récupérer son logement. Pendant ce temps, on va à l’hôtel avec sa famille… Il faut préserver la propriété. On ne peut pas laisser des gens à la rue parce que la loi ne permet pas de résoudre rapidement le problème.

On se heurte à un problème d’application du droit. Il est très difficile d’avoir le concours de la force publique. Même avec un jugement on n’y arrive pas. On peut se faire plaisir en votant des amendements, mais il faudrait surtout arriver à avoir une sanction claire, notamment pour ceux qui saccagent les appartements avant de s’en aller. Il faut dissuader les gens de squatter des logements, occupés ou non, car ils sont la propriété de quelqu’un.

M. Gabriel Serville. J’accueille très favorablement ce qui nous est proposé, car cela devrait renforcer le principe de l’inviolabilité de la propriété privée, qui ne saurait souffrir de clivages politiques entre nous.

Je pense notamment au territoire de la Guyane, où le squat des propriétés privées et des terrains privés est presque devenu le sport principal, à la progression exponentielle, les pouvoirs publics ne donnant pas le sentiment d’avoir les armes pour interrompre le processus. La situation est tellement grave qu’elle finit très souvent par entraîner des troubles à l’ordre public entre ceux qui squattent et ceux qui réclament que leurs biens soient libérés. Cela peut également conduire à des tensions sur le terrain entre des communautés, endogènes et exogènes. Une telle situation est susceptible de faire le lit, par moments, de certains partis politiques.

Il faut se donner les moyens de trouver la ou les solutions qui conviennent, en faisant attention à certains détails qui pourraient être contre-productifs. Je songe en particulier à ce qu’a dit notre collègue Mathilde Panot à propos des « résidences occasionnelles ». Il faudra sécuriser juridiquement cette notion pour éviter le contrecoup de certaines interprétations.

Renforcer la loi dans ce domaine est une nécessité absolue pour notre nation, pour notre République. Lorsque ce texte arrivera en séance, je déposerai certainement un amendement pour élargir le dispositif à la propriété foncière. Nous sommes en effet confrontés à une difficulté sur le territoire de la Guyane.

Il faudra aussi, dans une autre loi, avec un autre véhicule législatif, arriver à renforcer les moyens d’accompagnement pour les personnes souffrant de mal-logement ou de non-logement.

Mme Laure de La Raudière. Je me félicite du débat que nous avons et de la grande communauté de vues sur la nécessité d’avancer vraiment en ce qui concerne le respect du droit de la propriété, l’effectivité de la loi en matière de squats.

Ce que propose M. le rapporteur ne me paraît pas suffisant. Comme M. Tan, j’aimerais citer un cas, très courant : celui de retraités qui ont acquis un bien au cours de leur carrière pour compléter leur retraite – il s’agit d’artisans ou de commerçants qui ont mis de l’argent de côté parce qu’ils savaient qu’ils auraient une petite retraite, de 500 ou 600 euros. Un squatteur arrive entre deux locataires, il devient impossible de récupérer le bien, et les propriétaires perdent des ressources sur lesquelles ils comptaient pour vivre.

Les termes employés dans l’amendement de Mme Beaudouin-Hubiere sont les bons : il faut faire référence au « local à usage d’habitation », car cette notion existe déjà dans la loi. Nous éviterons ainsi les incertitudes sur ce qu’est une « résidence occasionnelle » et nous apporterons, en assurant le respect du droit de propriété, une vraie réponse à la personne citée par M. Tan et à celle que j’ai reçue à ma permanence il y a quelques années.

Mme Sereine Mauborgne. Après ce qui a été dit tout à l’heure au sujet des propriétaires éventuellement indélicats qui saisiraient une occasion de se débarrasser de squatteurs, je rappelle que les propriétaires sont toujours responsables pénalement, par exemple en cas de dégât des eaux ou d’incendie, lorsque des gens résident dans leur logement, avec ou sans contrat de location, c’est-à-dire même s’il s’agit de squatteurs. Par ailleurs, il y aura toujours une responsabilité en cas d’expulsion violente.

M. Jérôme Lambert. Nos échanges montrent bien la complexité du sujet. Il a été dit que ce sont des personnes vulnérables auxquelles on s’attaque à travers leur bien, mais ce sont aussi parfois – mais pas toujours – des personnes vulnérables qui squattent. Cela ne les rend pas innocentes, cela ne leur confère pas un droit, mais ce ne sont pas nécessairement des gens que l’on peut mettre dehors – les préfets, d’ailleurs, ne le feront pas – avec un simple coup de pied au derrière.

Le droit au logement existe. La difficulté que le préfet aura à affronter est de reloger des familles dans le besoin après leur expulsion d’un squat. Je trouve normal qu’elles soient expulsées. Néanmoins, ce n’est pas si simple, on ne peut pas le faire d’un coup de cuillère à pot. Je suis sensible aux arguments du DAL qui ont été présentés tout à l’heure.

Le droit de propriété est le même pour tous, mais je fais un distinguo entre un propriétaire qui est une personne physique, même si elle est riche – si elle a quatre maisons, par exemple – et une grande société disposant d’un patrimoine immobilier important qui peut être vacant. Je ne considère pas que ceux qui l’occupent ont un droit, mais je me demande s’il ne faut pas faire un distinguo lorsque des immeubles entiers sont inoccupés depuis des années, en attendant que le marché de l’immobilier monte ou que des travaux soient faits, et qu’on a affaire à des personnes vulnérables. Il faudrait peut-être réfléchir à deux fois avant de mettre tout le monde dehors, un matin, lors d’une opération de police. Il faut protéger le droit de propriété, mais pas nécessairement jeter à la rue des personnes très vulnérables qui squattent des bâtiments inoccupés.

M. Vincent Thiébaut. J’entends ce qui vient d’être dit, mais il ne faudrait pas que le squat soit la réponse à une problématique de logement. Ce serait un aveu d’échec : on admettrait les squats parce qu’on n’arrive à loger les gens. Nous avons des ambitions fortes. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas apporté autant de réponses sur le plan de l’immobilier, et il faut continuer les efforts, y compris du côté des collectivités locales.

On doit appliquer le droit d’une manière égale pour tous les propriétaires. Ce ne sont pas seulement des gens riches : il y a aussi des personnes qui ont réussi à acquérir un bien pendant leur vie professionnelle.

Mme Catherine Kamowski. Je partage entièrement ce qui vient d’être dit. On doit faire une différence entre la propriété privée individuelle, parfois acquise au prix de sacrifices, qu’il s’agisse des résidences principales ou des résidences secondaires, et les grandes sociétés foncières qui peuvent avoir des milliers de mètres carrés inoccupés. Nous devrions peut-être pousser à les transformer en logements : un vrai problème se pose dans les grandes villes, mais pas seulement. Nous avons plutôt bien avancé en ce qui concerne les aides, les facilités en matière de construction, y compris dans les petites communes.

Ne confondons pas les problèmes. Le premier nous a tous touchés : les Français ont pu s’identifier et se sentir également menacés – il y a plus de vingt millions de résidences secondaires dans notre pays, me semble-t-il. Notre réaction très rapide permettra d’apporter une partie de la réponse. Nous ne réglerons pas le reste – et ce n’est pas à ce texte de le faire : il faut travailler davantage sur la question du logement, ce qui n’est pas antithétique.

Mme Pascale Boyer. Des logements ont été squattés au cœur de Gap lors d’une importante opération de réhabilitation qui portait aussi sur du logement social. Il a fallu trente mois pour régler le problème, et on a perdu également tout ce temps pour la réhabilitation des logements sociaux. Voilà un exemple concret de ce qui peut se passer en cas de squat.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Merci, chers collègues, pour vos témoignages, vos exemples concrets et vos mots d’encouragement.

Je constate que certains d’entre vous veulent aller plus loin. Philippe Bolo a ainsi évoqué d’autres locaux, Buon Tan a parlé des faux baux et de la rapidité de l’exécution des décisions de justice, et Laure de La Raudière a cité le cas des logements vides entre deux locations.

Quand je dis qu’il faut respecter la propriété privée, je n’ajoute pas de « mais ». Elle doit être préservée d’une façon absolue, pour tout le monde – que l’on soit riche ou pauvre, au nord ou au sud, du côté de la Méditerranée ou dans l’Eure-et-Loir – du moment qu’on possède un bien, acquis à la sueur de son front, pour lequel on a travaillé ou même pour lequel on s’est endetté. Le jour où l’État n’assure plus ses missions régaliennes et ne garantit plus le droit de propriété, chacun se fait justice lui-même pour déloger la personne qui a usurpé son bien, ce qui met un terme à notre société. C’est une question absolument fondamentale et, pour moi, il n’y a pas de « mais » qui tienne, il n’y a pas d’excuse. Votre bien est à vous et il n’y a pas de raison que quelqu’un l’occupe de façon illicite alors que vous avez travaillé pour vous le payer.

Néanmoins, il y a deux procédures. Celle que nous faisons évoluer est la procédure administrative, qui est expresse : on fait constater que son domicile ou sa résidence secondaire ou occasionnelle est occupé, on va porter plainte à la gendarmerie en montrant qu’on est le propriétaire et on saisit le préfet, qui devra répondre dans un délai de 48 heures et faire appliquer immédiatement la mesure d’expulsion des squatteurs. La question est de savoir ce qu’on fait entrer dans cette procédure exceptionnelle, pilotée par le préfet. Il y a une option judiciaire dans d’autres cas concernant des bâtiments vides, des locataires ou des promoteurs immobiliers. On n’est pas démuni face à des squatteurs : une procédure judiciaire standard est à disposition, même si elle est longue et pénible. Nous ne l’abordons pas dans ce texte, car il est administratif.

Seraient donc concernées les résidences principales, secondaires et occasionnelles. Si vous souhaitez que la procédure administrative s’applique à d’autres types de biens, parce qu’il faudrait traiter en deux ou trois jours des cas qui ne peuvent pas attendre une décision judiciaire, nous pourrons en discuter en séance publique. Mais nous devons réaffirmer avec force le respect absolu qui est dû au droit de propriété. Rien ne doit le remettre en cause, et l’État doit assurer ses missions régaliennes pour le garantir à chacune et à chacun.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Mme Panot, qui est partie, s’est interrogée sur la référence au logement occasionnel et non au local à usage d’habitation. Il s’agit de faire la différence entre un logement utilisé comme tel et un logement vacant. La notion de local à usage d’habitation est beaucoup plus large : n’importe quel local vacant, dès lors qu’il est à usage d’habitation, peut entrer dans cette catégorie.

Il y a une définition claire qui nous semble correspondre au bon périmètre. Je ne vais pas m’élever au-dessus de ma condition – vous savez que ce sujet est suivi personnellement par Emmanuelle Wargon : je pense que les questions qui ont été posées ont vocation à être traitées d’ici à la séance publique. Il faudra aboutir à un dispositif convenant bien et aussi efficace que possible.

La situation visée est le fait d’être entré par effraction dans un logement meublé et occupé, même s’il ne l’est pas tous les jours. Cela ne concerne donc ni le marchand de sommeil ni le locataire – ce dernier est entré avec les clefs données par le propriétaire.

M. Jérôme Lambert. On peut aussi entrer par ruse.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Par effraction ou par ruse, vous avez raison. En tout cas, c’est sans l’accord du propriétaire.

Dans sa rédaction actuelle, l’amendement ne s’applique pas à toutes les formes de locaux, comme ceux qui appartiendraient à des sociétés foncières ou à l’administration, ni aux terrains. Je ne crois pas que nous souhaitions une évolution s’agissant des locaux institutionnels. Pour ce qui est des terrains, je comprends parfaitement la situation qui a été évoquée. C’est un sujet qui doit faire l’objet d’un travail d’ici à la séance. La question qui nous a semblé la plus immédiate est celle du domicile, à temps complet ou partiel, si je puis dire, d’une personne physique où s’introduisent une ou plusieurs personnes, par ruse ou par effraction. C’est ce que nous allons traiter selon une procédure rapide, en 72 heures, les autres sujets restant couverts autrement.

La commission rejette successivement les sous-amendements n° 706, n° 707 et n° 711.

Elle adopte à l’unanimité l’amendement n° 695.

Après l’article 30  bis.

La commission est saisie de l’amendement n° 401 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Nous allons complètement changer de sujet. La plupart des fédérations sportives permettent la délivrance de licences en ligne – c’est le cas des fédérations d’athlétisme et de tennis, par exemple – mais on m’a signalé que certaines ne le font toujours pas. L’amendement demande aux fédérations sportives exerçant des missions de service public, dans le cadre d’un cahier des charges, de se mettre au goût du jour d’ici au 1er janvier 2022. Je me trompe peut-être mais je crois me souvenir que la fédération de football ne l’a pas encore fait : cela ne concerne donc pas uniquement des petites fédérations.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’annexe I-5 aux articles R. 131‑1 et R. 131-11 du code du sport précise les dispositions obligatoires dans les statuts des fédérations sportives agréées : « les conditions de fond et de forme de délivrance des licences » en font partie. D’après les informations communiquées par les administrateurs de la commission, j’ai le sentiment que la dématérialisation que vous appelez de vos vœux pourrait relever du statut de la fédération sportive, mais pas nécessairement de la loi. En attendant de connaître l’avis du Gouvernement, je vous propose plutôt de retirer cet amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Que cela figure dans la loi ne nous gêne pas : la suggestion formulée par Mme de La Raudière paraît judicieuse. En revanche, il y a un petit problème de rédaction. Le calendrier des fédérations sportives suivant le calendrier scolaire, nous serions favorables à l’amendement sous réserve de remplacer « avant » le 1er janvier 2022 par « après » cette date, ce qui reporterait un peu l’échéance.

Mme Laure de La Raudière. Je vais retirer l’amendement et nous le réécrirons d’ici à la séance pour viser la campagne d’inscriptions 2022-2023.

Je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : cela devrait être dans le règlement des fédérations, mais il n’est pas interdit de le préciser dans la loi. Ce sera un objectif lié aux missions de service public.

L’amendement est retiré.

Article 31 (Section 1 du chapitre II du titre Ier du livre IV et article L. 443‑1 du code du tourisme) : Suppression de l’agrément national délivré aux organismes de tourisme social et familial

La commission examine l’amendement n° 471 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. L’agrément des organismes nationaux de tourisme social et familial avait pour objectif d’identifier les associations, ou leurs groupements, aptes à assurer de manière pérenne une prestation à la hauteur des enjeux dans ce domaine. Par ailleurs, la détention de l’agrément conditionnait l’attribution de certaines subventions par les collectivités locales, dans le cadre de programmes « d’aides à la pierre », ou par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), cette fois dans le cadre d’une prestation d’accueil des publics défavorisés. L’agrément constituait une assurance que l’organisme demandeur agissait bien dans le champ d’intervention social visé par les politiques publiques ouvrant des possibilités de subventions. À ce jour, quatorze opérateurs sont agréés. Ils représentent 927 équipements et plus de 121 000 lits.

La commission chargée de délivrer l’agrément a été supprimée en 2013 par décret. Pourtant, les organismes de tourisme social et associatif attachent une grande importance à ce dispositif : ils y voient une reconnaissance officielle de leur mission sociale, de leur différence, de leur originalité par rapport au secteur marchand classique. On peut s’interroger sur l’impact de cette évolution pour les opérateurs agréés et sur les contrôles que le Gouvernement envisage en lieu et place de ceux liés à la procédure d’agrément. D’où l’amendement d’appel n° 471 qui tend à supprimer l’article 31.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’agrément national dit « TSF » – tourisme social et familial – était facultatif. Il était, dans les faits, peu sollicité. Jusqu’en 2010, il n’a été délivré qu’à 14 organismes, représentant environ 900 structures, alors que le secteur compterait environ 1 600 établissements. Malgré les efforts des services de l’État pour mobiliser davantage d’acteurs, aucun agrément nouveau n’a été demandé par la suite, et il n’existe plus de renouvellement depuis 2015. C’est donc un dispositif obsolète qu’il est pertinent d’abroger. C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. Il y a eu un calage avec les organismes en question. Je peux vous assurer que la suppression de cet agrément, qui n’est plus utilisé, n’aura pas de conséquences pratiques.

M. Gabriel Serville. Je vais retirer l’amendement. J’ai été sollicité par un certain nombre d’organismes qui militent pour le maintien de l’agrément. Un élément d’appréciation a pu nous faire défaut.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement n° 472 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Vingt-deux millions de personnes ne peuvent pas partir en vacances chaque année en France, dont trois millions d’enfants. Selon l’Union nationale des associations familiales, 90 % de ceux qui ne sont pas partis dans les douze derniers mois en ont été empêchés par des raisons financières. À côté de cela, le tourisme représente 8 % du PIB français et deux millions d’emplois non délocalisables. Il est important et urgent que le Gouvernement fasse connaître à la représentation nationale sa feuille de route en matière de tourisme social et familial : mon amendement lui demande de le faire dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous reconnaissons tous l’importance de ce secteur pour les familles modestes ou fragiles. Mais soit votre demande de rapport ne concerne qu’une information sur les dispositifs en vigueur, ce qui ne nécessite pas de passer par la loi, soit vous attendez du Gouvernement qu’il définisse une feuille de route pour ce secteur, ce qui relève d’une injonction. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable. Néanmoins, je veux dire à M. Serville que le tourisme social et familial constitue une préoccupation importante pour le Gouvernement, qui a fait l’objet d’annonces dans le cadre du comité interministériel du tourisme. Il a été décidé, cette année, de lancer un plan ambitieux en faveur du départ en vacances du plus grand nombre, en particulier les familles modestes. Ce plan s’appuie notamment sur le rapport remis par la députée Pascale Fontenel-Personne, à la demande du Premier ministre, et a été repris dans le cadre des « vacances apprenantes », qui ont été un succès qualitatif et quantitatif.

L’accroissement des départs en vacances reposera surtout sur le développement et la redynamisation des chèques-vacances. Ce type de paiement, qui est piloté par l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), est le premier dispositif d’aide au départ : 4,6 millions d’actifs et 11 millions de Français, si l’on prend en compte les familles, en bénéficient. Pour que les chèques-vacances soient déployés auprès d’un plus grand nombre d’entreprises et de bénéficiaires, l’ANCV devra augmenter leur distribution par un recours croissant à des tiers et utiliser pleinement les dispositions existantes pour les très petites, les petites et les moyennes entreprises (TPE-PME), les artisans et les indépendants.

Nous sommes mobilisés sur cette question. Vous pourrez auditionner le nouveau directeur de l’ANCV et l’ensemble des parties prenantes. Je comprends qu’il existe aussi une proposition de loi sur ce sujet. En revanche, la présentation d’une feuille de route, qui n’est pas un rapport, ne relève pas de la loi.

M. Gabriel Serville. Je remercie Mme la ministre. Cette séquence me rappelle un échange d’hier soir au cours duquel le rapporteur m’a sèchement renvoyé dans les cordes ; heureusement que Mme la ministre peut nous apporter les éclairages nécessaires pour me donner envie de retirer mes amendements (Sourires). C’est d’ailleurs ce que je vais faire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous trouve sévère. J’ai accepté deux de vos amendements rectifiés. Quand je peux argumenter, je le fais, mais nous avons une contrainte de temps. J’aimerais que le débat avance… Si vous avez l’impression que je n’ai pas apporté assez d’éléments d’explication, je peux sans problème aller plus loin. Je vous remercie pour votre compréhension, monsieur Serville.

M. Gabriel Serville. Merci à vous, monsieur le rapporteur.

M. le président Bruno Duvergé. Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes (Sourires).

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 31 sans modification.

Article 31 bis (nouveau) (article L. 1421-1 du code des transports) : Suppression du registre des entreprises de transport public de personnes par voie maritime

La commission est saisie de l’amendement n° 661 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Depuis 1982, toute entreprise de transport public de personnes établie sur le territoire national doit être inscrite dans un registre tenu par l’autorité administrative compétente de l’État. Dans les faits, cela n’a jamais été demandé aux entreprises de transport public de personnes par voie maritime. Il est temps d’harmoniser le droit et la pratique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement n° 492 de M. Buon Tan.

Après l’article 31.

M. Buon Tan. Je vais présenter ensemble les amendements n° 492, n° 495, n° 494 et n° 493.

Le premier tend à créer à Paris une zone touristique internationale (ZTI) unique. Le morcellement de la capitale en plusieurs ZTI et l’existence de multiples régimes dérogatoires sont une source de confusion et d’effet délétères pour les commerçants comme pour les consommateurs. Outre une faible lisibilité, cette situation crée des effets de zone qui pénalisent les commerçants et nuit à l’attractivité touristique de la ville de Paris, notamment en comparaison avec les autres capitales européennes.

Les commerces sont normalement priés de fermer le dimanche, sauf dérogation pour les commerces alimentaires, qui doivent fermer à treize heures, et les restaurants, qui peuvent ouvrir quand ils veulent. Dans les zones touristiques, les commerces peuvent ouvrir le dimanche mais les commerces alimentaires doivent rester fermer après treize heures. Dans les zones touristiques internationales, en revanche, ils peuvent rester ouverts comme les autres.

Par ailleurs, les compensations prévues pour les salariés et les horaires du travail nocturne varient d’une zone à l’autre. Les employeurs n’arrivent pas à s’y retrouver et les consommateurs ne savent pas quelles sont les heures d’ouverture.

Tout cela étant un peu compliqué, notre proposition est de ne créer qu’une seule zone pour l’ensemble de Paris.

L’amendement n° 493 a pour objet d’instaurer un rescrit administratif en ce qui concerne l’ouverture dominicale des commerces.

La multiplicité des régimes dérogatoires conduit à une complexité et à une insécurité juridique qui peuvent dissuader les commerçants de se prévaloir de ces dispositifs. Il est regrettable que des considérations purement administratives empêchent la pleine application de la loi et brident l’activité commerciale dans notre pays.

Nous proposons de créer un rescrit, à l’image de celui qui existe en matière fiscale, pour permettre aux commerçants de solliciter auprès de l’administration un avis opposable en cas de contrôle.

L’amendement n° 494 vise à faire un peu le ménage dans les arrêtés préfectoraux relatifs à la fermeture hebdomadaire des commerces. Nous ne remettons pas en cause l’existence de ce dispositif, mais force est de constater que certains arrêtés sont vieux de soixante-dix ans – bien qu’ils soient oubliés, et plus du tout d’actualité, des commerçants peuvent s’en prévaloir. Notre amendement propose d’instaurer une clause de revoyure tous les trois ans et d’apporter une clarification sur les instances à consulter.

J’en viens à l’amendement n° 495. Les commerces alimentaires situés dans les zones touristiques (ZT) doivent fermer à treize heures le dimanche, je l’ai dit, alors que ceux des ZTI peuvent rester ouverts. Par ailleurs, la définition des ZTI fait appel à des éléments qui ne sont pas vraiment adaptés, comme le pourcentage de demandes de détaxe ou le nombre d’hôtels internationaux dans le secteur. Comme on trouve partout à Paris une station de métro à moins de 500 mètres, on peut tout à fait résider dans un hôtel situé dans un arrondissement sans monuments touristiques et visiter d’autres arrondissements. Il est évident que l’ensemble de Paris est un site touristique. Nous proposons que les commerces alimentaires aient les mêmes horaires d’ouverture, qu’ils se trouvent en ZT ou en ZTI.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je connais votre engagement sur cette question sensible, à laquelle nous avons répondu dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Je crois qu’il faut faire attention à ne pas rouvrir des débats que nous avons tranchés récemment. Néanmoins, je vais vous répondre dans le détail.

S’agissant de l’amendement n° 492, qui ne concerne que la commune de Paris, non seulement l’ouverture le dimanche et en nocturne ne se justifierait pas dans tous les quartiers, mais en outre d’autres villes touristiques risqueraient de solliciter le même traitement. La fermeture dominicale deviendrait alors une exception pour beaucoup de salariés. Ensuite, je ne suis pas certain que l’argument touristique soit opérant, car Londres a un régime plus restrictif que Paris et n’a pas perdu son attrait pour les visiteurs. Je vous demande donc de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Même position en ce qui concerne l’amendement n° 493 : compte tenu du nombre de demandes potentielles, je pense que l’administration ne pourrait en traiter qu’une partie, ce qui donnerait un avantage injustifié aux acteurs qui passeraient à travers le dispositif.

Au lieu d’accélérer l’action publique, l’amendement n° 494 risque d’alourdir le processus en imposant de remettre à plat les arrêtés tous les trois ans, avec ce que cela implique en matière de consultation des représentants des employeurs et des salariés, puis d’information de tous les professionnels concernés. Il serait préférable que les syndicats saisissent les préfets s’il y a lieu de revoir les arrêtés. Là encore, je vous propose de retirer l’amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Pour ce qui est de l’amendement n° 495, je rappelle que la demande touristique est moindre dans les ZT que dans les ZTI. Souvent, les gains réalisés ne suffiront pas à couvrir les charges induites par l’organisation à mettre en place pour tenir compte de l’amplitude horaire plus large, et cela créera de l’incertitude pour les salariés sans apporter un vrai plus au voisinage, qui bénéficie déjà de l’ouverture jusqu’à treize heures le dimanche. Par conséquent, même position qu’à l’égard des amendements précédents.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Ce sont en effet des questions anciennes sur lesquelles il est difficile d’avancer puisque, alors que les situations sont d’une très grande diversité, il faut une égalité devant le droit au plan métropolitain. À Paris, on est plutôt favorable à une ouverture des commerces et à faciliter le travail le dimanche, tandis que dans l’ouest de la France le débat n’est pas le même. À cela s’ajoutent d’autres considérations, comme une distinction entre les commerces de périphérie, les commerces de taille importante versus les commerces de centre-ville et les plus petits commerces dont les modèles d’affaires ne sont pas les mêmes. Pour ces raisons, je vais me montrer timide sur vos amendements et formuler des avis défavorables pour des raisons peut-être un peu différentes.

S’agissant de l’amendement n° 492, comme vous le savez la création d’une zone touristique internationale doit répondre à un certain nombre de critères. Plus la zone est grande, plus on dilue la part de touristes étrangers dans la fréquentation des commerces. L’ensemble du périmètre parisien ne remplit pas tous les critères. En 2019 – je ne parle pas de l’année 2020, le contexte étant très particulier – beaucoup de touristes ont fréquenté certaines rues de Paris alors qu’elles ne sont pas en ZTI, ce qui entraîne une forme de frustration de certains commerçants. En revanche, Paris compte aussi des zones très locales. C’est peut-être ce découpage-là qu’il faudra revoir à l’avenir.

Votre amendement n° 493 vise à créer un rescrit administratif en matière d’ouverture dominicale des commerces. Il nous semble que les dérogations acquises sur une base géographique ont été réformées en 2015 dans le but de permettre, sur le seul fondement d’un accord collectif prévoyant certaines contreparties, de bénéficier de la dérogation au repos dans les ZTI, ZT et zones commerciales. Les accords collectifs conclus par les partenaires sociaux qui feraient l’objet de ce rescrit font très rarement l’objet de contestations. Quant aux dérogations préfectorales, elles font déjà l’objet d’une autorisation individuelle par le préfet au vu d’un accord collectif. Un rescrit portant sur cet accord serait redondant. En tout état de cause, un tel dispositif pourrait porter atteinte aux prérogatives de l’inspection du travail. Avis défavorable.

S’agissant de la limitation de la durée de validité des arrêtés de fermeture hebdomadaire, effectivement des arrêtés très anciens mériteraient d’être revisités. Vous proposez une clause de revoyure tous les trois ans. Trois ans, c’est très court…

M. Buon Tan. La révision pourrait avoir lieu tous les cinq ans, par exemple.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il conviendrait de trouver un équilibre. Je sais que mon collègue Alain Griset a relancé une grande consultation auprès des fédérations. On peut peut-être retravailler votre amendement d’ici à l’examen du projet de loi en séance publique, mais je ne vous garantis rien car trouver des points d’équilibre avec l’ensemble des fédérations de commerçants n’est pas toujours aisé.

Enfin, avec l’amendement n° 495, vous souhaitez aligner le régime juridique de l’ouverture dominicale des commerces de détail alimentaire situés en zone touristique sur celui des zones touristiques internationales. Ces dernières ayant un régime supposant des contreparties en matière de rémunérations, d’avantages, on risque de créer un déséquilibre. En tout cas, c’est ce que nous disent certains commerçants qui craignent de ne pas pouvoir se mettre à bon niveau par rapport à des magasins de taille plus importante. Pour ces raisons, nous recommandons de temporiser. Avis défavorable.

M. Jérôme Lambert. Je partage l’avis de Mme la ministre et de M. le rapporteur.

Monsieur Tan, dès lors qu’on a créé, après moult débats, des zones particulières, la tentation est grande de les généraliser. Sauf que, à ma connaissance, ni la ville ni les organisations de travailleurs ne le demandent.

Évidemment, on peut penser qu’en dérégulant tout irait mieux, mais le capitalisme sauvage n’est pas forcément la meilleure solution.

M. Buon Tan. Je ne parle pas d’obligation d’ouverture, seulement de laisser la possibilité à chaque commerçant d’ouvrir ou non. Dans la pratique, il s’avère que près de 30 % de commerces supplémentaires ouvrent dans la zone citée.

Nous proposons de créer une zone touristique internationale unique à Paris, parce que c’est la capitale la plus touristique du monde.

Quant à la révision périodique, elle pourrait avoir lieu tous les cinq ou six ans, et non tous les trois ans comme je le propose. On pourrait aussi prévoir de tout remettre à plat à partir de 2023 ou 2025, de manière à laisser à l’administration le temps de travailler.

Si je propose une clause de revoyure, c’est parce qu’il y a trop de spécificités et que les paramètres pour la détermination des zones touristiques compliquent l’application du dispositif.

Je retire mes amendements que je représenterai en séance publique après les avoir retravaillés.

Les amendements n° 492, n° 495, n° 494 et n° 493 sont successivement retirés.

Article 32 (articles L. 6521-1 à L. 6521-5, L. 6524-1, L. 6524-6, L. 6525‑2, L. 6527‑1, L. 6765-1, L. 6775-1 et L. 6785-1 du code des transports) : Suppression des registres du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile

La commission examine l’amendement n° 473 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement n° 306 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.

La rédaction des règles applicables en métropole, en vertu de règlements européens, était la rédaction retenue, conformément à l’avis du Conseil d’État, dans l’ensemble du livre VII relatif à l’outre-mer de la partie aviation civile du code des transports lors de sa codification en 2010. Elle apparaît dans une quinzaine d’articles du livre VII. Il n’apparaît donc pas opportun de créer une inhomogénéité en remettant en cause cette rédaction dans les articles modifiés par le projet de loi ASAP.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il me semblait qu’il s’agissait d’un amendement purement rédactionnel visant à substituer au mot : « vertu » le mot : « application ». Je vais vérifier cela avec les services. Je le retire et je le redéposerai en séance si c’est bien un amendement rédactionnel.

L’amendement est retiré.

La commission étudie l’amendement n° 662 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il s’agit de corriger une référence obsolète relative à la réglementation européenne, applicable aux personnels navigants de l’aviation civile.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’amendement proposé est incomplet en ce qu’il omet de corriger l’article L. 6735-1 du code des transports concernant Saint-Barthélemy.

Plus généralement, si le toilettage proposé par cet amendement est bien fondé en droit car les références sont effectivement obsolètes, l’article L. 6511-11 ainsi mis à jour n’a pas de lien avec l’article 32, qui concerne la suppression des registres des personnels navigants. Par ailleurs, ce toilettage aurait pour conséquence de créer une disparité dans le livre VII du code des transports, où subsisteraient encore des mentions au règlement 216/2008, ainsi qu’avec le reste des livres du code des transports. La mise à jour complète du code des transports et son adaptation vis-à-vis de l’entrée en vigueur du règlement 2018/1139 sont certes nécessaires, mais il ne nous semble pas que cela trouve sa place dans le projet de loi ASAP.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 32 sans modification.

M. le président Bruno Duvergé. Comme je l’ai indiqué en début de séance, les articles 33, 33 bis A, et 33 bis ainsi que tous les amendements s’y rapportant sont réservés, la discussion de ces articles intervenant ce soir, à partir de vingt et une heures trente, en présence de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Article 34 (articles L. 5125-15, L. 5125-33, L. 5125-36, L. 5424-2 et L. 5521-2 du code de la santé publique) : Assouplissement des conditions du commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine

La commission examine l’amendement n° 310 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel, en espérant, cette fois, obtenir un avis favorable du Gouvernement. (Sourires.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable.

L’amendement est adopté.

Puis, suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission adopte successivement les amendements rédactionnels n° 311, n° 318 et n° 319 du rapporteur.

La commission adopte l’article 34 modifié.

Après l’article 34

La commission est saisie de l’amendement n° 435 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. Cet amendement vise à pérenniser une mesure de simplification prise dans le contexte sanitaire de la covid-19 qui permettait de simplifier l’obtention de médicaments pris sur ordonnance pour une maladie chronique.

Lorsque l’on prend des médicaments tous les mois dans le cadre d’une maladie chronique, il arrive que notre ordonnance arrive à expiration, ce qui oblige le médecin à fournir une nouvelle ordonnance alors que le traitement ne change pas et qu’une nouvelle visite médicale n’est pas nécessaire. Cette situation oblige donc le patient à prendre un nouveau rendez-vous uniquement pour récupérer le papier de l’ordonnance.

Dans une logique de simplification, cet amendement vise à permettre aux officines de délivrer les boîtes de médicaments supplémentaires à un patient lorsque son ordonnance est arrivée au bout de son renouvellement. Le nombre de boîtes garantissant la poursuite du traitement serait fixé par décret, et l’officine aurait bien sûr l’obligation de le signifier au médecin.

La mesure constitue pour le patient une prise en charge plus efficace et moins contraignante, ses démarches étant facilitées, et elle permettrait de contribuer à désengorger les cabinets médicaux.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Monsieur Adam, je suis sensible à vos arguments comme celui qui consiste à donner plus de liberté aux pharmacies pour le renouvellement d’ordonnances, question qui a été abordée lors de l’audition des représentants de l’Ordre des pharmaciens.

Le pharmacien peut dispenser, à titre exceptionnel, une boîte de médicaments par ligne d’ordonnance, ce qui permet en général de couvrir un mois de traitement pour une pathologie chronique. Votre amendement risque de complexifier les règles pour les patients et les pharmaciens, car il faudrait définir par voie réglementaire une durée susceptible de s’appliquer de manière différenciée selon les boîtes pour chaque ligne d’ordonnance.

Par ailleurs, le lien avec le médecin est important pour le suivi du patient. Le développement de la télémédecine permet d’avoir plus facilement accès qu’auparavant à un médecin pour un renouvellement de prescription.

J’avoue que je suis assez partagé sur le sujet, parce que je comprends votre volonté de laisser la main à plus de renouvellements de prescription. Toutefois, je vous propose de retirer votre amendement pour le retravailler d’ici à la séance parce que la disposition que vous proposez mérite d’être mieux cadrée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je demande le retrait de cet amendement parce qu’il nous semble assez largement satisfait.

Les dispositions en vigueur autorisent le pharmacien à dispenser, à titre exceptionnel, une boîte de médicaments, ce qui, de manière générale, permet de couvrir un mois de traitement pour une pathologie chronique.

Il n’est pas si simple de prévoir de manière différenciée une durée susceptible de s’appliquer selon le type de boîtes pour chaque ligne d’ordonnance. Cette mesure pourrait ajouter de la complexité.

Le renouvellement des traitements par les pharmaciens est d’ores et déjà prévu au travers des missions confiées au pharmacien correspondant. Ce dernier est alors habilité à renouveler les traitements chroniques ou à ajuster les posologies, ce qui est vraiment de nature à désengorger les cabinets.

Enfin, une grande avancée a été faite ces derniers mois puisque la France a définitivement basculé dans le régime des téléconsultations, ce qui permet d’alléger la charge des médecins tout en assurant le suivi de la pathologie chronique et de prescrire rapidement.

M. Damien Adam. J’entends les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Toutefois, pendant le confinement, cette disposition a permis de faciliter les choses, ce qui montre qu’elle était justifiée. Mais la question des maladies chroniques est tout autant justifiée aujourd’hui que pendant le confinement. Aussi, je ne comprends pas pourquoi on met en place une règle que l’on considère pertinente, mais qu’on ne la pérennise pas ensuite. Je pense que vos arguments ne sont pas très cohérents.

Je pourrais comprendre que vous me répondiez qu’il faille lancer une vague de concertation pour retravailler la question. Au lieu de cela, vous dites que la mesure que je propose n’est pas pertinente, ce qui me semble antinomique avec ce que le Gouvernement a fait pendant le confinement. Je souhaiterais avoir une réponse de Mme la ministre sur ce point.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Dans la période de confinement, ce qui avait été retenu était un choix dégradé, et il était assumé comme tel. Certaines réglementations qu’on a mises en place pendant cette période d’urgence, comme celle sur le temps de travail ou encore sur le travail du dimanche, étaient aussi des modes dégradés. Le fait d’avoir un pharmacien correspondant qui fait très exactement ce que vous décrivez, tout en étant entouré de sécurités, répond à votre demande.

Pendant le confinement, on a expérimenté des choses qui nous paraissaient impossibles et dont on s’aperçoit aujourd’hui qu’elles sont possibles. Ces modalités de fonctionnement ont été très utiles et ont vraiment rendu service aux Français. Je vous propose donc de revoir cette question d’ici à la séance, en tenant compte des éléments que j’ai indiqués.

M. Damien Adam. Je retire mon amendement en espérant que nous pourrons le retravailler d’ici à la séance et déterminer les éléments sur lesquels il conviendrait d’avancer en complément de ce qui a déjà été traduit dans le droit.

M. Jérôme Lambert. Monsieur Adam, je vous trouve très courageux. En lisant votre amendement, j’ai l’impression que vous allez, sinon mettre en péril, du moins toucher certains cabinets médicaux qui font des ordonnances à la pelle dans certaines circonstances et qui facturent le prix d’une consultation, ce qui fait beaucoup d’argent. Vous vous attaquez là à des rentes de situation pour certains médecins.

Il est parfois utile qu’un patient voie son médecin, même quand il s’agit d’un simple renouvellement d’ordonnance.

Mme Laure de La Raudière. Je voudrais apporter mon soutien à la démarche de Damien Adam. Les territoires ruraux connaissent une désertification médicale. C’est le cas de l’Eure-et-Loir qui, bien que n’étant pas loin de Paris, est l’avant-dernier département de France en matière de présence médicale. La mesure que propose notre collègue permet d’éviter des visites médicales à des gens qui ont une maladie chronique et qui savent pertinemment quels types de médicaments ils doivent prendre.

La téléconsultation est un bon outil, mais on se heurte à un frein réglementaire majeur puisqu’il faut qu’un médecin du territoire accepte cette pratique. Si les médecins ne sont pas moteurs, alors cet outil ne se met pas en place. C’est la même chose pour le pharmacien correspondant dont a parlé Mme la ministre puisque l’on s’appuie sur des volontariats locaux. Si personne ne veut le faire, la mesure ne s’applique pas. Au moins, l’amendement de M. Adam permet de rendre les choses effectives.

Mme Christine Hennion. Moi aussi je soutiens cet amendement. Pour certaines pathologies, on vous fait une ordonnance pour six mois alors qu’on vous dit de revenir l’année prochaine. Il faudrait donc une cohérence entre le rythme des visites nécessaires pour le suivi du malade et l’ordonnance. Peut-être faut-il revoir l’amendement, mais je pense qu’on a besoin effectivement d’une logique dans ces prescriptions.

M. Pierre Venteau. On a en effet besoin d’un peu de cohérence. Les premières promotions d’infirmiers en pratique avancée (IPA), notamment sur le suivi des maladies chroniques, sont sorties de l’école au début du mois de juillet. Dans mon territoire, il y a des IPA qui sont diplômés mais qui ne trouvent pas de place. Il faut donc parvenir à un équilibre entre les visites chez le médecin, la place des IPA et ces solutions qui permettent des assouplissements.

L’amendement est retiré.

6.   Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 21 heures 30

M. le président Bruno Duvergé. Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. le ministre Julien Denormandie qui tenait à être présent pour l’examen des articles 33, 33 bis A et 33 bis, précédemment réservés.

Article 33 (code forestier et code rural et de la pêche maritime) : Habilitation à légiférer par ordonnance pour modifier certaines règles applicables aux personnels de l’Office national des forêts et des chambres d’agriculture (précédemment réservé)

La commission examine les amendements identiques n° 190 de M. Gabriel Serville et n° 339 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Nous en venons à un article aussi saillant que problématique de cette loi fourre-tout, qui marquera la fin du service public forestier.

En appui aux propos qu’ont tenus les représentants de l’intersyndicale de l’Office national des forêts (ONF), que nous sommes plusieurs à avoir rencontrés, je suis indignée que ce débat ait lieu au cours de l’examen d’un des articles d’un texte qui en compte tant. La forêt française, enjeu majeur face à l’urgence écologique, enjeu social et démocratique fondamental, mérite un débat spécifique.

Depuis 2005, on recense plus de cinquante suicides à l’Office national des forêts, soit un ratio par rapport à l’effectif plus élevé qu’à France Télécom. Cela donne une idée de la souffrance qui existe dans l’office aujourd’hui.

L’ONF a déjà perdu la moitié de ses effectifs. Avec l’article 33, nous allons mettre fin au statut de ses fonctionnaires, pour embaucher des agents privés qui auront en partie des pouvoirs de police. En permettant le recrutement d’agents contractuels de droit privé, nous mettons fin au service public forestier, pourtant indispensable aujourd’hui pour mener une politique forestière digne de ce nom.

Les enjeux relatifs à la forêt sont énormes. Une privatisation rampante s’y installe, notamment dans certaines régions, parallèlement à une industrialisation sur le même type que celle qu’a connue l’agriculture – coupes rases, plantation, monoculture.

Il nous revient de décider d’un modèle pour la suite. S’agissant de l’agriculture, aucun débat politique et démocratique n’a eu lieu sur la question. Nous devons le mener pour la forêt. Nous ne pouvons pas nous contenter de mettre fin au service public forestier au sein d’un simple article, dans une loi fourre-tout comme celle-là.

Un dernier chiffre : en 2019, l’ONF a connu 400 suppressions de poste, soit 1 emploi sur 20. L’article pose donc la question de la disparition de l’Office national des forêts. J’alerte mes collègues à ce sujet : si nous permettons le recrutement d’agents contractuels de droit privé, nous affaiblissons le service public forestier et le faisons disparaître. Personne n’y a intérêt, d’autant que nous connaissons l’importance du service public dans un secteur où de fortes pressions économiques pèsent sur les agents. Il ne faut pas que les agents y soient soumis. La ministre l’a dit lors de la discussion liminaire, un grand nombre de contractuels privés ont été recrutés depuis plusieurs années. Les missions de l’ONF, notamment de contrôle, doivent revenir à des fonctionnaires, non à des contractuels de droit privé.

M. Gabriel Serville. Malgré sa réécriture en commission spéciale au Sénat, l’article 33 organise la privatisation larvée de l’Office national des forêts. L’habilitation demandée par le Gouvernement pour réformer le statut des salariés et la composition du conseil d’administration de l’office, au moment où celui-ci connaît une crise économique et sociale majeure, est un mauvais signal envoyé aux personnels comme aux élus locaux.

En trente ans, l’office a perdu 40 % de ses effectifs, baisse qui a entraîné une crise de sens et la multiplication des suicides. De nombreux syndicats soulignent que les agents publics peuvent résister aux pressions des propriétaires et des marchands de bois et appliquer la loi en toute impartialité. Ce ne sera certainement pas le cas des agents contractuels de droit privé.

Dans ces conditions, l’opacité de la procédure d’habilitation prévue par l’article 38 de la Constitution ne peut se substituer à un véritable débat parlementaire. La transformation de l’Office national des forêts en simple gestionnaire d’une usine à bois – c’est bien de cela qu’il s’agit – est totalement inacceptable.

En Guyane, l’ONF gère 96 % du territoire, qui relève du domaine forestier privé de l’État, avec très peu d’agents. Il est ainsi dans l’incapacité de contrôler véritablement ce qui se passe dans la forêt guyanaise, notamment l’orpaillage illégal, une des difficultés majeures que connaît le territoire. Aller vers la privatisation, c’est prendre le risque de voir diminuer sévèrement le nombre d’agents qui seront chargés de contrôler, de surveiller, d’exploiter et de favoriser l’exploitation efficiente d’une forêt aussi dense.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 33.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 33 est important et attendu tant par l’ONF que par le réseau des chambres d’agriculture. Ces institutions ont grandement besoin de se réformer.

S’agissant de l’ONF, dont la situation financière est structurellement déficitaire, une mission des corps d’inspection de l’administration a constaté des défauts de gouvernance et de pilotage qui résultent de son organisation même. Le contrat d’objectifs et de performance en est l’illustration. Le Gouvernement souhaite faire siennes plusieurs propositions du rapport interministériel d’évaluation du contrat d’objectifs et de performance 2016-2020, paru en 2019.

Il souhaite ainsi modifier les dispositions du code forestier relatives à l’ONF afin d’élargir les possibilités de recrutement d’agents contractuels de droit privé et de leur permettre de concourir à l’exercice de l’ensemble des missions confiées à l’office, y compris la constatation de certaines infractions. De fait, l’ONF recrute aujourd’hui essentiellement des personnels de droit privé, ce qui est logique compte tenu de son statut d’établissement public à caractère industriel et commercial.

L’ONF n’est pas la seule institution qui embauche des personnels de droit privé – je le rappellerai par la suite car des amendements ont été déposés sur le sujet. Les agents chargés du contrôle du stationnement comme ceux de la sûreté ferroviaire de la SNCF ou de la RATP travaillent également sous contrat de droit privé. L’objection avait d’ailleurs été formulée par les syndicats lorsque nous les avions interrogés : l’argument ne vaut pas car de telles situations se retrouvent ailleurs.

Quant au réseau des chambres d’agriculture, il regroupe près de 8 000 collaborateurs. Leur statut, qui date de 1952, n’a que très peu évolué depuis, ce qui a des conséquences sur le fonctionnement des établissements et déteint sur le dialogue social. La structure du réseau, y compris sa tête, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), doit être revue pour s’adapter aux missions qu’elle exerce de facto mais dont elle ne dispose pas par la loi. Les mutualisations entre chambres doivent être rendues possibles, tout en conservant le maillage territorial actuel. La réforme est ainsi très attendue par les chambres.

Le besoin de modernisation est donc très important. L’APCA et le Gouvernement travaillent à un projet de contrat d’objectifs dont les avancées seront traduites dans la loi à l’issue de la concertation, d’où le recours aux ordonnances.

J’anticipe aussi vos remarques s’agissant de la mission de nos collègues sur les chambres d’agriculture. Je laisserai le Gouvernement défendre son projet mais j’imagine que, compte tenu du délai d’habilitation qui est de dix-huit mois, les conclusions du rapport pourront aussi, sous réserve du champ de l’habilitation, être traduites dans la loi.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les amendements ne portent que sur la question forestière alors que, le rapporteur l’a rappelé, l’article 33 qu’ils visent à supprimer concerne à la fois la forêt et la réforme des chambres d’agriculture. Il y a donc une contradiction entre la défense de ces amendements et le contenu de l’article.

Sur le fond, si nous n’avons manifestement pas la même vision de la forêt française, je suis tout à fait prêt à avoir un débat sur le sujet. En tant qu’ingénieur agronome, ingénieur des ponts, des eaux et forêts, la forêt me passionne depuis près de vingt-cinq ans.

S’agissant de votre sensibilité forestière et de notre différence d’approche, je veux rappeler que la forêt se cultive, y compris d’un point de vue environnemental.

Mme Mathilde Panot. C’est une caricature !

M. Julien Denormandie, ministre. Pas du tout. Dans votre communication, vous choisissez de présenter une ornière forestière comme une atteinte à la biodiversité. Cela montre que vous vous êtes assez peu rendue dans une exploitation forestière. Comment comptez-vous cultiver une forêt sans tracteur ni ornière ?

M. Ugo Bernalicis. Nous n’avons vraiment pas la même vision de la forêt !

M. Julien Denormandie, ministre. Nous avons le droit d’avoir des visions différentes. La mienne est qu’une forêt se cultive. Vous pouvez ne pas être d’accord avec cela. Je serai ravi de pouvoir vous le démontrer, y compris d’un point de vue écologique. Une forêt qui se cultive est bien préférable, et très nécessaire, notamment dans un pays comme la France.

Le deuxième élément concerne le statut des personnels – là encore, nous n’avons pas le même point de vue. Ce n’est pas parce que nous encadrons le volet d’agent contractuel embauché par l’ONF que nous mettons fin au statut forestier. La formation des techniciens et ingénieurs forestiers comprend d’ailleurs toujours deux voies, l’une de fonctionnaire, l’autre de contractuel. Dire que toute personne qui s’engage dans des études forestières devrait forcément devenir fonctionnaire ne fait pas sens. Ne dites donc pas de contre-vérités sur la fin du statut forestier. L’information est fausse, et même anxiogène pour les personnes que vous semblez défendre.

Troisième élément : Mme Panot et M. Serville ont tous deux évoqué une privatisation rampante, qui atteste que nous avons définitivement un problème d’approche. Jusqu’à preuve du contraire, la privatisation ne concerne en aucun cas le statut des personnes qui y travaillent mais le capital de la structure. À l’évidence, les articles du projet de loi et les amendements ne prévoient pas de modifier la structure du capital de l’ONF.

M. Ugo Bernalicis. Ils prévoient du moins une accentuation du privé !

M. Julien Denormandie, ministre. Cela voudrait dire que tout contractuel qui travaillerait dans un secteur public renforcerait la privatisation rampante. Il faut sortir de ce dogmatisme selon lequel une personne travaillant dans le service public ne peut être que fonctionnaire, jamais contractuelle. Certains projets peuvent nécessiter une compétence précise, pendant une durée donnée. Refuser d’embaucher un contractuel au motif qu’il s’agirait d’une privatisation ne fait pas sens.

M. Ugo Bernalicis. Il ne s’agit pas là d’un besoin précis.

M. Julien Denormandie, ministre. Au moment où je vous parle, 43 % des personnes travaillent déjà à l’ONF sous statut de contractuel.

M. Ugo Bernalicis. Nous sommes au courant !

M. Julien Denormandie, ministre. Ce n’est pas nouveau ! Dans l’ensemble des structures remplissant des missions de service public qu’évoquait M. le rapporteur, de nombreuses personnes sont contractuelles de près ou de loin, et c’est très bien ainsi.

M. Ugo Bernalicis. Même à Pôle Emploi ?

M. Julien Denormandie, ministre. Parfaitement. Dire que des fonctionnaires ne sont soumis à aucune pression alors que des contractuels seraient sous la pression des propriétaires forestiers est une approche bien singulière.

M. Ugo Bernalicis. Vous le découvrez ?

M. Julien Denormandie, ministre. Non. Cela signifierait que les contractuels présenteraient un conflit d’intérêts car ils pourraient être embauchés par les propriétaires forestiers. Je ne comprends pas ce raisonnement.

En revanche, madame Panot, je vous rejoins sur la question de la crise de sens, qui est actuellement l’enjeu principal. Nous le savons tous, l’ONF est aujourd’hui confronté à des difficultés. J’envisage le malaise des agents, que vous avez rappelé, avec le plus grand sérieux, la plus grande détermination. La première des actions à mener est de travailler cette question du sens.

La crise de sens a par exemple trait au fait que, depuis des années, on ne cesse d’inciter à reboiser certaines de nos forêts françaises. Qu’un ingénieur ou un technicien forestier, travaillant sous statut public ou privé, visite une parcelle de bois scolytée alors que, dans le même temps, il n’a pas la possibilité de reboiser, accentue son malaise.

Face à cette situation, notamment à la suite du rapport de votre collègue Mme Anne‑Laure Cattelot, le plan de relance a décidé d’affecter 150 millions d’euros au plus vaste plan de reboisement que la France ait connu depuis des décennies. Il permettra également à l’ONF d’utiliser les nouvelles technologies, notamment la télédétection par laser (light detection and ranging, LIDAR), une autre proposition du rapport de Mme Anne-Laure Cattelot, pour aider l’ensemble des personnes travaillant dans la gestion forestière.

La forêt, je le répète, se cultive. C’est le sens qu’il faut redonner, ce que permet notamment le plan de relance.

Pour l’ensemble de ces raisons, de fond et de forme, j’émets un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article 33.

M. Nicolas Turquois. M. le ministre l’a souligné, l’ONF traverse une grave crise, depuis des années. Son modèle doit être questionné car ses missions se sont diversifiées. Aujourd’hui, l’office compte de multiples interlocuteurs, notamment les communes forestières, et de nombreuses problématiques. La question de la forêt de Guyane, qui comprend un enjeu de protection écologique, diffère ainsi de la problématique des forêts productives. Certains élus souhaitent une « forêt loisir » à côté de leur ville, ce qui pour l’instant n’entre pas dans la culture de l’ONF. L’office doit donc diversifier ses moyens de recrutement afin de remplir ses différentes missions, et enrichir sa structure.

Avec M. le rapporteur, nous avions auditionné celui qui est devenu le directeur général de l’office en début d’année.

Mme Mathilde Panot. Il a été élu à une voix près !

M. Nicolas Turquois. De vraies questions se posent, qu’il sera nécessaire d’aborder. Il faudra permettre à l’ONF d’ouvrir son recrutement pour remplir de nouvelles missions alors qu’aujourd’hui, du fait de ses difficultés financières, il ne parvient pas à les mener à bien.

Les auteurs des amendements ont raison de souligner le malaise des agents. Je connais l’un d’entre eux, qui travaille dans un secteur où une coupe rase a été effectuée. Interpellé par des citoyens à la suite des vidéos que vous avez publiées, mis en cause, il s’est retrouvé en grande difficulté personnelle. Certes, il faut transmettre des éléments, une culture, mais ce n’est pas en opposant un mode de fonctionnement historique aux adaptations nécessaires que nous y parviendrons. Au contraire, je souhaite assouplir le fonctionnement de l’ONF pour permettre le recrutement d’agents de droit privé, et voterai contre la suppression de l’article.

M. Vincent Thiébaut. Nous voterons également contre les amendements. Hormis le statut que le ministre a largement évoqué et défendu, le changement dans la gouvernance est attendu par l’ONF et, surtout, par ses partenaires. Mais permettez-moi de rétablir la vérité sur quelques points.

Le périmètre d’intervention de l’ONF représente 25 % de la forêt française, essentiellement des forêts publiques et communales. Dire que l’on s’attaque à toute la forêt française lorsque l’on modifie le mode de gouvernance de l’ONF est faux.

Aujourd’hui, ce modèle de gouvernance vise à mieux associer les communes forestières, ce qui permet une véritable gestion de la forêt dans les territoires.

La forêt traverse effectivement une crise. S’agissant des coupes rases, on peut rappeler que, dans le Grand Est, 11 000 hectares d’arbres scolytés vont mourir. Sans coupe rase, on ne peut pas les retirer pour replanter des essences qui résisteront à la sécheresse et au changement climatique. Nous avons donc besoin des coupes rases comme un outil de culture et, surtout, pour préserver la forêt.

M. Ugo Bernalicis. Non !

M. Vincent Thiébaut. S’agissant de l’industrialisation, la forêt française a doublé depuis 1850, progressant de 60 % depuis quarante ans, essentiellement grâce à l’homme.

La forêt française a besoin d’être accompagnée. Il est faux de dire qu’elle est surindustrialisée : l’industrialisation moyenne des surfaces en France est de 6 à 7 % contre 12 à 13 % dans d’autres pays. En revanche, arrêter de couper des arbres en France conduit à promouvoir la production de meubles et de chaises en bois à partir d’arbres qui viennent de l’autre bout de la planète ou qui y ont été transformés. Équiper son logement avec de tels meubles est une aberration écologique.

Nous nous félicitons donc de cet article et ferons tout pour que la forêt française reste en l’état, en votant contre ces amendements.

Mme Anne-Laure Cattelot. Depuis quelques mois, j’ai eu le plaisir et l’honneur de travailler sur le sujet de la forêt française et de la filière bois. Certains d’entre vous ont suivi les travaux très aboutis de la Cour des comptes sur la performance économique et environnementale de la forêt, ainsi que ceux de nos collègues Mme Émilie Cariou et M. Hervé Pellois. Les professionnels de la filière ont également rédigé une feuille de route d’adaptation des forêts au changement climatique. Enfin, six organisations non gouvernementales (ONG), dont le Fonds mondial pour la nature (WWF), France nature environnement (FNE) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont rédigé un rapport très intéressant, Forêts françaises en crise.

Tous et toutes, tous enjeux économiques et écologiques considérés, convergent et estiment nécessaire d’investir dans les forêts ainsi que dans la recherche, pour savoir que faire en forêt. Certains acteurs de la filière sont en effet démunis à l’heure actuelle, ce qui peut désespérer les forestiers, publics ou privés, et instiller de la fragilité dans l’esprit des hommes et des femmes qui s’occupent de la forêt.

Nous devons les aider, les conforter, avec des moyens financiers et du personnel dévoué sur le territoire. Les agents de l’ONF que j’ai pu rencontrer depuis six mois sont dévoués à leur tâche. Ils ont choisi leur métier et ont besoin d’être confortés dans cette ligne.

Lorsque le ministre a lancé, notamment dans le cadre de « France relance », le plan de 200 millions d’euros dédiés à la forêt, il a redonné de la confiance et un état d’esprit positif à ces agents qui ont pu sentir la considération que leur portait l’État français. Cela faisait longtemps que cela n’était pas arrivé.

S’agissant des contractuels, je crois dans la vocation publique de l’Office national des forêts et dans son caractère régalien. Pourtant, lors d’un déplacement dans la circonscription de Mme Émilie Cariou, à Verdun – je pourrais prendre d’autres exemples, comme ma circonscription –, j’ai réalisé que les agents qui avaient réussi le concours, une fois affectés dans un tel territoire, n’avaient malheureusement qu’une envie, celle de partir vers des régions plus attractives comme le Sud. Ceux qui restent sont souvent des contractuels, nés dans le territoire, formés au lycée ou au centre de formation d’apprentis (CFA) local, qui éprouvent de l’affection pour leurs forêts, leurs massifs et leur territoire. C’est un vrai signal.

Pour ce qui me concerne, j’ai travaillé comme contractuelle de mission dans les collectivités territoriales, avec autant de dévouement et d’indépendance que mes collègues.

M. Julien Denormandie, ministre. Exactement !

Mme Anne-Laure Cattelot. J’ai notamment conduit une mission de trois mois auprès du conseil général des Côtes d’Armor sur un projet européen. Les agents du conseil général, tout compétents qu’ils étaient, ne détenaient pas les compétences que j’ai apportées. Si la qualité des agents publics et leurs capacités d’adaptation sont indéniables, les contractuels sont parfois utiles. Dans tous les cas, ils ne dénaturent pas la vocation publique de l’office et l’amour que nous portons au service public.

Mme Mathilde Panot. Tout le monde acte qu’il y a un vrai malaise à l’Office national des forêts, dont atteste notamment le nombre des suicides. Il n’est donc pas sérieux d’inclure ces dispositions au milieu d’une telle loi et de voter un tel article après un court débat. Cela n’est pas à la hauteur des enjeux.

S’agissant de la privatisation rampante, M. le ministre estime que nous n’avons pas la même vision. Quant au rapporteur, il indique que l’ONF attend cette réforme. Or les représentants de l’intersyndicale, que nous avons rencontrés il y a deux jours nous ont demandé de combattre cet article car, loin d’attendre cette réforme, ils n’en veulent pas. Ce n’est pas moi, une illuminée insoumise, qui vous le dis, mais l’intersyndicale de l’ONF ainsi que les conclusions d’un travail que je mène depuis un an, dans une commission d’enquête citoyenne, en auditionnant de nombreux forestiers et associations environnementales. L’article 33 les inquiète car, comme les collectivités, ils craignent de n’être pas représentés, après le changement du conseil d’administration qui passera de 30 à 12 membres.

Vous dites que permettre à l’ONF de recruter des contractuels privés ne conduira pas à une privatisation rampante et que ceux-ci représentent déjà 43 % de son effectif. Depuis trois ans, l’office a gelé l’embauche de fonctionnaires, tout en supprimant 400 postes, soit 1 emploi sur 20. Je ne dis pas cela pour lancer une polémique mais pour vous alerter sur ce que j’estime être une privatisation. L’intersyndicale interprète également cette évolution de la sorte.

Il a été question de la pression économique à laquelle les agents sont soumis. Pour certains d’entre eux, réaliser une coupe rase est une souffrance. Nous ne sommes pourtant pas des Idéfix, qui ne veulent pas cultiver la forêt ! Cette caricature est dommageable au débat démocratique. Pour ce qui me concerne, je crois à une sylviculture douce, dans l’esprit de la sylviculture Pro Silva. J’ai visité de nombreuses forêts qui sont gérées différemment, sans utiliser des engins qui tassent le sol, ni des ouvriers forestiers dont l’espérance de vie en bonne santé est dramatiquement basse – c’est un enjeu social qu’il faudra évoquer un jour car celle d’un bûcheron ne dépasse pas 52 ans. Ce chiffre donne une idée de ce qui se passe en forêt et des enjeux sociaux du secteur.

La forêt est multifonctionnelle : derrière le bois, la question de l’eau ou la question sociale se posent. Auparavant, les agents de l’ONF invitaient de nombreuses classes pour leur faire découvrir les forêts. Ces activités n’entrent pas parmi les apports économiques de la forêt. Aujourd’hui, les agents affirment qu’ils ne peuvent plus les mener car ils sont trop peu nombreux – leur nombre, je l’ai dit, a été divisé par deux. Leur secteur étant plus grand, ils n’ont plus le temps de remplir ces missions multiples.

J’assume que l’on puisse faire autre chose que des coupes rases en forêt. Elles ne sont pas une fatalité. De nombreux forestiers s’en passent d’ailleurs déjà. La France est très en retard sur cette question : la Suisse a interdit les coupes rases dès 1872 ; l’Autriche a une réglementation similaire à celle que j’ai proposée dans la proposition de loi que j’ai présentée avec d’autres députés ; et tous les Länder allemands disposent de lois qui réglementent la coupe rase en forêt. La France, elle, laisse faire.

Il faut poser ce débat sérieusement, non aussi rapidement que nous le faisons, afin que la représentation nationale puisse décider ce qui va advenir des forêts et du service public forestier. Poser le problème au milieu d’une loi comptant plusieurs dizaines d’articles n’est pas sérieux.

Enfin, si l’article est appliqué, les équipes de l’ONF comprendront des agents différemment assermentés en leur sein. C’est bien une complexification, alors que nous visons une loi de simplification.

J’aurais encore beaucoup à dire, mais je m’arrêterai là.

M. Éric Bothorel. On s’en remettra !

Mme Mathilde Panot. Les cinquante suicidés de l’ONF, non !

M. Éric Bothorel. C’est lamentable.

M. le président Bruno Duvergé. Je comprends que le débat soit passionné mais il sera d’autant plus efficace que nous nous écouterons les uns les autres.

M. Gabriel Serville. J’en profite pour inviter nos collègues à visiter la forêt profonde en Guyane. Il est dommage que nous ne soyons pas nombreux à l’avoir fait.

Ce débat nous met du moins d’accord sur un point : l’ONF traverse une véritable crise de sens. En revanche, nous avons du mal à nous accorder sur d’autres points car nous fonctionnons avec un esprit trop jacobin qui consiste à vouloir appliquer à l’intégralité du territoire des normes qui ne sont pas toujours adaptées à toutes ses parties.

La forêt française hexagonale compte 17 millions d’hectares ; la forêt guyanaise, 8 millions, qui relèvent presque intégralement du domaine privé, non public, de l’État. Nous devons nous interroger sur la meilleure façon de nous organiser pour gérer cette forêt.

Lorsque nous avons évoqué une privatisation larvée, rampante, nous ne cherchions pas à mettre en doute l’intégrité des agents actuels, contractuels de l’ONF, et éventuellement de ses agents futurs. Nous avons expliqué que des fonctionnaires assermentés agissent d’une manière nécessairement différente de celle de personnes dont nous savons qu’elles pourraient subir certaines pressions. Nous devons donc nous demander quel est le meilleur modèle économique à instaurer pour gérer la forêt, notamment guyanaise, qui relève du domaine privé de l’État.

Nos opinions témoignent d’une véritable dichotomie. Or la tendance qui se dégagera, après ou avant le vote, ne rendra pas nécessairement service à la Guyane.

L’ONF en Guyane, je l’ai dit, compte entre quatre et cinq fois moins de personnel par kilomètre carré de forêt à gérer et à préserver que ce que l’on observe sur le territoire de la France hexagonale. Toutes les précautions devraient être prises pour éviter d’aller vers une diminution des effectifs, compte tenu des difficultés d’ordre économique que connaît l’office.

Mon propos se veut pragmatique, non idéologique. C’est la raison pour laquelle je prétends que nous devons prendre en considération ce point crucial. Si nous n’y prêtons pas attention, nous risquons de placer l’office, en Guyane notamment, dans des situations encore plus difficiles qui nous empêcheront de gérer et de préserver la forêt.

La forêt guyanaise constitue un joyau français dans le bassin amazonien, qui mérite toute notre attention. Ne considérons pas que l’outil ONF chargé d’en assurer la gestion peut se laisser décapiter. J’insiste auprès de vous, mes chers collègues, car nous vivons ces situations en permanence.

J’ai rappelé le fléau que représente l’orpaillage illégal sur le territoire guyanais. Le nombre élevé d’orpailleurs est certainement dû au fait que l’État, à travers toutes ses structures et ses institutions, n’a pas la capacité d’en assurer un contrôle permanent. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent... L’idée est bien d’y remédier.

M. Ugo Bernalicis. On ne peut pas résumer dans une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à la fois à la réforme des chambres d’agriculture et celle de l’Office national des forêts. Vous avez donc bien entendu, monsieur le ministre, nous demandons la suppression de l’intégralité de l’article 33 car nous souhaitons supprimer toute l’ordonnance. Vous connaissez d’ailleurs notre peu d’attachement aux ordonnances, dont nous demandons systématiquement la suppression.

Tout le monde aura compris que les dispositions de l’article ne visent pas du tout une simplification. J’espère au moins – cela sera noté au compte rendu et dit en séance – que le Conseil constitutionnel fera son travail de censurer ce cavalier législatif, car les dispositions de l’article 33 n’ont rien à voir avec une procédure de simplification.

Si vous n’avez pas compris la différence existant entre le statut d’agent de la fonction publique et celui d’agent contractuel de droit privé, c’est que vous n’avez rien compris à ce qui s’est passé après-guerre et que vous ne comprenez rien à ce que sont l’État et la fonction publique.

M. Julien Denormandie, ministre. Rien que ça !

M. Ugo Bernalicis. À tout prendre, virons les fonctionnaires et n’embauchons que des contractuels. Certains pays l’ont fait. Mais au fond, pourquoi avons-nous créé le statut de la fonction publique ? De qui, de quoi est-il protecteur ? Nous n’en savons rien.

Le statut de la fonction publique a une dimension supplémentaire, celle de l’intérêt général, qui nous dépasse. Le temps de la forêt, c’est le temps extrêmement long du développement d’une forêt, non celui du contrat.

Je suis pour que l’on coupe des arbres, que l’on récolte, que l’on vende du bois, que l’on fabrique des meubles, que l’on fasse du bois d’œuvre, à condition que cela soit fait en futaie irrégulière, sur une forêt à couvert continu. Voilà ce que je veux. Vous, monsieur le ministre, vous vous en fichez. Vous voulez faire une coupe rase, planter des arbres et hop, c’est reparti pour un tour.

Si vous avez fait des études d’agronomie pour devenir ingénieur je-ne-sais-pas-trop-quoi (Exclamations), vous devriez savoir qu’une forêt qui se porte bien n’a pas besoin que l’on plante d’arbres. La régénération naturelle est beaucoup plus efficace d’un point de vue environnemental, social, écologique et productif.

M. Julien Denormandie, ministre. Non !

M. Ugo Bernalicis. Du point de vue de la compétitivité internationale de la filière bois, il est certain qu’il vaut mieux tout couper à court terme. Nous avons bien compris quel était l’enjeu.

D’ailleurs, vous réduisez aujourd’hui autant les forêts privées que les forêts de l’ONF à une surproductivité par rapport à leur capacité de rendement. Et vous replantez, à coups de millions, pour faire le plus grand plan de replantation jamais imaginé. Mais c’est un scandale !

Nous demandons donc la suppression de cet article. Le sujet est central, car il nous dépasse et dépasse même les agents de l’ONF. La France a une responsabilité particulière car elle abrite l’une des plus grandes forêts d’Europe. Avec le changement climatique, s’occuper correctement de la forêt est un enjeu essentiel.

Mais vous, vous regardez passer le marché, qui propose d’installer des usines à pellets à Gardanne, dans votre centrale à biomasse qui n’a rien d’écologique – du point de vue européen, la biomasse, ça fait bien, ça fait vert. On peut comprendre que vous ne compreniez rien à la forêt, mais ce n’est pas seulement l’enjeu : vous abordez ce sujet par le biais de l’article 33 d’un projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, c’est‑à‑dire une demande d’habilitation à prendre une ordonnance sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. La forêt demande un débat responsable, raisonné, qui puisse confronter les différents points de vue. Visiblement, vous êtes dans le dogmatisme et les phrases creuses comme « j’aime la forêt française », « les forestiers ont besoin de… », « les contractuels sont des gens très bien ».

Oui, les contractuels sont des gens très bien. Et heureusement que les gens qui aiment la forêt ne s’arrêtent pas à leur statut. Mais le statut est plus protecteur lorsqu’il est celui de la fonction publique. Il permet aussi aux forestiers, si la forêt est mise à mal, de le dire. Les contractuels peuvent beaucoup moins se le permettre, à moins de prendre le risque d’être licencié, surtout lorsque l’on voit la forêt subir des coupes rases qui n’ont aucun sens écologique.

M. le président Bruno Duvergé. Nous avons entendu vos arguments, monsieur Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Je termine, monsieur le président, avec une remarque sur les scolytes. Certes, la monoculture intensive fait que, lorsqu’un arbre est infesté, toute la forêt l’est et qu’elle n’a aucune résilience. Avec des essences plus diversifiées, certains arbres résisteraient. On m’a même laissé entendre qu’il valait mieux ne pas couper les arbres atteints car les scolytes quittent l’arbre coupé, pour manger le suivant. En Allemagne, dans certaines forêts atteintes par les scolytes, les forestiers ne coupent plus les arbres.

Examinons donc la situation rationnellement. Si l’on vous écoutait, il faudrait tout couper, partout. Vous le voyez, votre appréhension de la forêt est assez limitée.

M. Julien Denormandie, ministre. Un problème de fond se pose : vous demandez un débat, mais vous faites des leçons de morale. C’est insupportable, je vous le dis franchement.

Si vous voulez, nous pouvons entrer dans le détail. Dans des territoires dont les députés ne sont pas forcément de la majorité, expliquez-moi comment faire la culture des pins de Gascogne, dont l’intérêt écologique est indéniable ? Et comment peuvent vivre durablement des forêts de feuillus et de résineux, que la nature aurait créées ?

Enfin, je ne vous laisserai jamais déporter le débat et dire que, contrairement à nous, vous défendez les agents de l’ONF. Ma seule préoccupation est de redonner du sens à ce que nous faisons à l’ONF pour et par les agents. Mon travail consiste à les accompagner et à les protéger, à redonner du sens. Dans le même temps, vous tenez un discours alarmiste, anxiogène que les Français entendent et répercutent dans les forêts auprès des agents de l’ONF.

M. Ugo Bernalicis. C’est la situation qui est alarmante, pas notre discours !

M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur Bernalicis, je ne vous ai pas interrompu.

Les citoyens entendent qu’une coupe rase est une atteinte à toute la biodiversité, un assassinat des forêts. Où est la responsabilité de ces propos vis-à-vis des agents de l’ONF ?

À la différence de vous, monsieur le député, les agents de l’ONF connaissent parfaitement leur métier. Ils savent comment cultiver la forêt. Face à une forêt atteinte par les scolytes, ils ont les tripes retournées à penser que les moyens manquent pour replanter des arbres. Pour la première fois, nous affecterons 150 millions euros, pour replanter 50 millions d’arbres. Comme Colbert l’a fait en son temps, comme après-guerre, où il a été décidé de planter des douglas et de l’épicéa, nous devons nous demander quel bois nous aurons besoin de produire dans quarante, cinquante ou soixante ans. Aujourd’hui, c’est l’ancien ministre du logement qui vous le dit, la France est à la traîne sur la construction en bois. Comment ferez‑vous pour que le bois de nos maisons ne soit plus importé des pays du Nord ? Est-ce avec votre gestion forestière que vous y parviendrez ?

M. Ugo Bernalicis. Exactement !

M. Julien Denormandie, ministre. Pas le moins du monde ! La filière forestière compte davantage d’employés que le secteur automobile. Les scieries de hêtres – je peux en parler longtemps, un de mes premiers métiers a été d’installer un chauffage à bois dans une telle scierie – existent en France, mais elles ont besoin d’être renforcées, de même que l’amont et l’aval, sans les opposer. C’est d’ailleurs un problème fondamental depuis dix ans.

M. Ugo Bernalicis. Où sont-elles, ces scieries ?

M. Julien Denormandie, ministre. Il y a vingt ans, on disait dans notre pays que la forêt avançait et que le bois reculait. Cette situation perdure aujourd’hui.

Les choses ne se passent pas comme dans votre vision, avec une forêt uniquement naturelle, qui n’aurait qu’une seule utilisation, où le gland du chêne se reposerait à côté d’un douglas ou d’un épicéa, de feuillus, de résineux. La grume est prise pour faire une poutre ; le houpier donne des pellets. Tout cela est organisé, avec des personnes dont c’est le métier.

Je ne vous laisserai donc jamais dire que nous n’assurons pas la protection des agents forestiers. Je suis leur ministre de tutelle, la première personne qui a la responsabilité de les protéger. Je partage leur passion et je vous assure que je les défendrai.

Enfin, ce dont nous avons le plus besoin, c’est du sens. Par votre discours, vous remettez de l’anxiété. Par nos actions au travers du plan de relance, par le rapport de Mme Anne-Laure Cattelot, nous tentons de remettre le sens dont les agents forestiers de l’ONF ont besoin.

Mme Anne-Laure Cattelot. Une des particularités de la forêt française est sa multifonctionalité. Nous ne pouvons pas être comme la Scandinavie car nous n’avons pas de grandes étendues non habitées à perte de vue. Tout est proche de l’habitat, donc tout doit être harmonieux.

On peut donc définir la forêt française par la capacité qu’elle a d’associer les enjeux sociétaux, économiques et écologiques. Cette nouvelle politique forestière va parfaitement dans le sens de la relance du pays et nous apportera non seulement de l’autonomie, mais aussi de la résilience dans notre économie et notre quotidien d’acheteur et de consommateur. Elle a du sens en tant qu’elle relocalise, crée des emplois dans les territoires ruraux, permet de développer des métropoles durables, avec de l’habitat durable. Nous touchons du doigt une filière qui mérite d’être développée. J’ai toute confiance dans le ministre pour atteindre cet objectif.

S’agissant des pellets, le ministre a rappelé leur utilité : comme dans le cochon, tout est bon dans l’arbre. Nous devons tout valoriser afin qu’il n’y ait pas de déchet. L’usine de pellets doit être non pas l’aboutissement de l’exploitation de très beaux arbres, mais le débouché des parties d’arbres qui ne pourraient pas servir d’éléments de construction ou de meubles. On trouve là une cohérence et des éléments de développement très intéressants avec l’arbre dans son entier.

Le sujet des coupes rases, auquel vous voulez ramener notre débat, n’est pas la question que nous nous posons maintenant. Il s’agit plutôt de définir ce que nous devons faire de notre forêt maintenant, à moyen et à long terme.

M. Ugo Bernalicis. Vous modifiez mes propos !

Mme Anne-Laure Cattelot. Absolument pas. Je vous invite à devenir plus rural et à venir un peu en forêt, ce qui fait le plus grand bien.

Nous devons amener la sylviculture à évoluer progressivement. Les propriétaires forestiers réalisent des coupes rases non pour leur plaisir, mais en raison d’un modèle qui date effectivement d’un certain temps. J’ai des idées et des convictions sur le sujet, mais je sais surtout que nous pourrons obtenir des résultats progressivement, non en claquant des doigts. Nous allons conduire les propriétaires forestiers à prendre encore plus soin de l’environnement – ils le font déjà –, et à adopter la philosophie de ne pas placer tous leurs œufs dans le même panier.

Monsieur Bernalicis, faites confiance au dialogue que le ministre est en train d’ouvrir avec l’ensemble des propriétaires publics et privés, les syndicats, les chercheurs, les associations. Vous verrez alors ce qu’est la coconstruction.

M. Rémy Rebeyrotte. Contrairement à M. Bernalicis, nous faisons confiance au ministre. Nous sommes ravis que la forêt redevienne un enjeu majeur pour le Gouvernement. (Applaudissements.)

L’office a plusieurs fonctions : non seulement celle, régalienne, de contrôle, mais aussi industrielle et commerciale. C’est pourquoi il faut une pluralité de statuts, de formations, de compétences, pour mener les missions diverses qui en découlent.

La question du sens est au cœur du problème. La France a déchargé la question de la politique forestière sur l’office depuis des années : le pouvoir politique n’a pas défini de stratégie en la matière, en lien avec les partenaires, notamment les communes et la forêt privée. C’est de cela que nous souffrons.

Actuellement, nous constatons une volonté de redonner une stratégie forestière au pays, y compris dans l’évolution de la manière de faire. Il s’agit notamment de changer les pratiques en matière de biodiversité et d’en intégrer de nouvelles, comme de nouvelles approches – en termes de massifs, par exemple.

Il y a donc une volonté d’avancer. Nous ne sommes d’ailleurs pas en opposition sur tout ce qui a été dit. La filière elle-même opère une prise de conscience, face aux problèmes du scolyte, de la sécheresse et des changements climatiques qui obligent à entrer en action. Ce mouvement est en train de s’amorcer, l’État prenant toute sa place dans la réflexion globale avec la filière, les communes et l’ensemble des acteurs qui composent la forêt française.

C’est pourquoi nous devons ouvrir toutes les possibilités, assouplir les cadres pour que demain, ces choix puissent se traduire concrètement sur le terrain par des actions et la capacité de l’office de mettre en œuvre la politique qui sera déterminée en commun. Ce moment est donc important car il amorce un questionnement de fond sur l’évolution de la politique forestière de notre pays, sur ses ambitions et sa volonté de reconquérir des marchés.

La balance commerciale du secteur, je le rappelle, est très déficitaire, à hauteur de 6 milliards d’euros. Nous importons énormément, et parfois de très loin, ce qui pose des problèmes incommensurables à M. Bernalicis. Nous allons essayer de les régler. Je remercie à ce titre M. le ministre de l’initiative prise.

M. Nicolas Turquois. Le plaidoyer de M. le ministre Julien Denormandie était parfait ! Je suis heureux qu’un ministre de l’agriculture s’intéresse à la forêt, au-delà des urgences agricoles ou de celles liées à l’élevage.

Je prendrai un seul exemple, celui d’un producteur de bois. Dans le centre de la France, si vous coupez une forêt puis la laisser repousser, la pression des grands cervidés est telle – ils broutent les petits arbres en permanence – qu’elle les empêche de repousser. Le seul qui repousse, c’est l’acacia car il a des épines. Sans action de l’homme, la forêt s’appauvrit donc et devient une forêt d’acacias. L’action de l’homme sur la forêt existe depuis cinq cents ans et elle est indispensable... Puis-je finir mon propos, monsieur Bernalicis ?

M. Ugo Bernalicis. Non, parce qu’il est mensonger ! (Protestations dans la salle)

M. Nicolas Turquois. Votre connaissance de la forêt est si faible que vous la compensez par un excès d’agressivité dans vos paroles ! C’est insupportable ! Il faut faire preuve de beaucoup de modestie car les problèmes de la forêt sont complexes. Le seul secteur où la forêt française est excédentaire, c’est celui de l’exportation de grumes brutes non transformées : on les envoie en Chine et on les fait revenir par conteneurs, en raison de l’absence d’une politique de développement de l’aval de la filière… Il faut un ministre qui s’y attelle et je salue le plaidoyer du ministre sur la forêt, car nous n’en avions pas entendu depuis longtemps !

Mme Mathilde Panot. Monsieur le ministre, vous affirmez que vous ne laisserez jamais dire que, contrairement à vous, nous protégeons les agents. Il reste que, si cet article est adopté – et ce sera sans doute le cas en raison du fait majoritaire –, ce sera contre l’avis de l’ensemble des syndicats de l’Office national des forêts.

Or que font les agents de l’ONF ? Dans les années 2000, ils ont réalisé un travail remarquable sur le dépérissement. La forêt représente un enjeu majeur sur le long terme : c’est la meilleure façon de capter du carbone. Une coupe rase, ce n’est pas seulement des arbres coupés et une moindre captation de carbone, c’est aussi une modification des sols : un champ d’arbres n’est pas une forêt malgré vos affirmations ! Beaucoup de sylviculteurs en sylviculture douce soulignent que leur pratique est économiquement aussi intéressante qu’une sylviculture industrielle. Elle est surtout beaucoup plus intéressante sur le long terme, puisqu’elle ne détruit pas les sols, préserve la filtration d’eau et conserve plus longtemps le carbone.

Nous devons réussir à faire vieillir nos forêts. Mme Cattelot soulignait qu’il n’y a pas de déchets dans un arbre. À Cosne-sur-Loire, une usine fait des granulés avec des chênes centenaires : c’est une aberration quand on devrait les utiliser pour fabriquer du bois d’œuvre et investir pour que les première et deuxième transformations aient lieu en France ! En 1960, la France comptait 15 000 scieries, en 1980, il n’y en avait plus que 5 000 et aujourd’hui, on en dénombre seulement 1 500. C’est le résultat de cette absence d’investissements !

Nous avons impérativement besoin de personnes qui connaissent la forêt, qui l’observent tous les jours, afin de faire face au dépérissement, aux maladies, etc., car il n’existe pas de solution magique. Les forestiers le disent souvent : lorsqu’on plante, on s’est planté !

M. Gabriel Serville. Même si les jeux sont quasiment faits, je tenais à apporter une précision, à exprimer un regret et à formuler un vœu.

J’ai pris ma calculatrice et me suis amusé à comparer les équivalents temps plein (ETP) affectés respectivement à la forêt hexagonale française et à la forêt guyanaise : le ratio est de 840 ETP par million d’hectares pour l’Hexagone et de 16,6 ETP par million d’hectares en Guyane. Alors que la forêt guyanaise est deux fois plus importante que celle de France hexagonale, en termes d’ETP, le rapport est de 1 à 50 ! Cela vous permet de mieux comprendre pourquoi je vous invite à la prudence et plaide pour que la Guyane soit dotée des moyens dont elle a besoin !

Ensuite, monsieur le ministre, compte tenu de l’actualité, je regrette votre référence à Colbert. Lors de la rédaction du code noir, il avait indiqué que pas un clou ne devrait sortir des colonies… C’est un assemblage malheureux et que j’espère fortuit.

Enfin, pourriez-vous vous engager à renforcer les effectifs de l’ONF en Guyane ? C’est une nécessité absolue pour préserver la forêt guyanaise. J’espère que vous entendrez ce cri du cœur : le Gouvernement doit accorder à ce territoire les moyens dont il a besoin pour avancer.

M. Julien Denormandie, ministre. Si je cite Colbert, c’est parce que beaucoup de forêts ont été plantées à cette époque, dans une logique industrielle et militaire. Après-guerre, on a semé de nouveaux types d’arbres – douglas, épicéas – pour faire face à la reconstruction car il fallait une essence qui pousse vite.

La beauté de la forêt, c’est d’imaginer à quoi vont servir les arbres que l’on va planter dans trente, cinquante ou quatre-vingts ans – en fonction de l’essence. Il nous faut trouver des essences qui répondent à deux objectifs : elles devront fournir la construction et résister à la sécheresse.

Madame Panot, les seuls chênes qui servent à fabriquer des pellets ou des granulés sont ceux qui n’ont pas été cultivés ! En effet, la grume ne peut être utilisée en construction ou en ameublement quand elle contient des nœuds. Comment les éviter ? En élaguant pendant toute la période où l’arbre grandit ! La grume n’est pas non plus utilisable lorsque l’arbre n’a pas poussé droit et cela arrive quand la forêt est trop dense, l’arbre ne pouvant alors monter vers la lumière. C’est donc bien l’intervention des ingénieurs et des techniciens forestiers qui permet de l’éviter et c’est précisément pour cela que la forêt se cultive !

Vous faites de beaux bilans écologiques et vous nous expliquez que celui d’un « champ d’arbres » serait inférieur à celui d’une forêt. Mais, dans ce bilan, prenez-vous en compte la moindre utilisation de béton dans la construction ou la rénovation grâce à ce champ d’arbres ? Si votre raisonnement s’arrête aux bornes de la parcelle, il n’est pas valide !

La commission rejette ces amendements.

Elle passe à l’amendement n° 570 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Je suis désolée, je vais ajouter ma pierre au débat sur la forêt et l’ONF. Je suis élue d’une des circonscriptions les plus forestières de France, circonscription qui porte également tous les stigmates des errements du siècle précédent : la pollution post-industrielle, à laquelle j’ai tenté de sensibiliser Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher, en soulignant l’importance de conserver des autorisations préalables – mais, visiblement, cela n’a eu aucun effet –, ainsi que les stigmates de la première guerre mondiale. En effet, à l’issue de cette dernière, dans la zone rouge qui a connu plusieurs centaines de milliers de morts durant la bataille de Verdun, on a planté une forêt de résineux, désormais centenaire, qui a également servi de dédommagement de guerre.

Enfin, cette circonscription subit les effets du réchauffement climatique. D’ailleurs, monsieur le ministre, je vous ai invité il y a peu car on ne s’attendait pas à subir la sécheresse et ses conséquences en Meuse…

Pourquoi Mme Anne-Laure Cattelot est-elle venue dans ma circonscription ? C’était notre dernière sortie avant le confinement et elle a été impressionnée par les travaux menés par l’ONF et par le professionnalisme de ses agents. Nous avons également rencontré tous les propriétaires privés de la forêt meusienne. Depuis le début de mon mandat, je suis très investie sur la forêt et la filière bois qui doit faire vivre la forêt, dans une optique d’exploitation durable. L’année dernière, à la commission des finances, au titre de l’article 58‑2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), j’ai demandé une enquête de la Cour des comptes visant à rénover l’ensemble des dispositifs publics de soutien à la forêt et à la filière bois. L’étude constitue un important travail de fond et, pour une fois, la Cour des comptes conclut qu’il faut mettre de l’argent dans le traitement, le reboisement et le repeuplement de la forêt.

C’est un enjeu fondamental pour nos territoires et pour la planète, mais aussi pour la filière, qui devrait mieux vivre. Actuellement, la forêt est exploitée et coupée à foison avant de partir aux Pays-Bas, puis en grumes vers la Chine avant de revenir en meubles. Le fonctionnement de la filière est donc défectueux. Le sujet, global, est néanmoins trop vaste pour être abordé lors de nos débats de ce soir. Cela étant, commencer à le traiter par une réforme par ordonnance de l’ONF ne me paraît ni raisonnable, ni à la hauteur des enjeux.

Mon amendement est plus ciblé que les précédents. Nous ne souhaitons pas de réforme de l’ONF par ordonnance. Laissons-nous le temps de la réflexion. Il faut présenter un projet de loi et en discuter avec les parlementaires.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne vais pas rouvrir le débat que nous avons tenu pendant plus d’une heure. J’y suis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Ugo Bernalicis. Il est dommage que Mme Cariou, qui a défendu un amendement, ne bénéficie d’aucune réponse…

M. le président Bruno Duvergé. Monsieur Bernalicis, les amendements de suppression nous ont permis de débattre pendant une heure, comme dans le cadre d’une discussion générale. Toutes les questions posées ont fait l’objet de réponses.

M. Ugo Bernalicis. Il ne s’agit pas de questions au Gouvernement ! J’émets une opinion et j’apporte des arguments. Je vais le refaire puisque, visiblement, je n’ai pas été bien compris par le ministre : il pense que nous ne voulons pas d’agents dans les forêts, que nous plaidons pour que ces dernières poussent librement, sans que personne ne prélève de bois et que nous souhaitons la destruction de notre filière bois.

Il a tout faux ! Je suis pour qu’il y ait des agents publics de l’ONF, plus nombreux qu’aujourd’hui, en forêt. Je souhaite qu’ils accompagnent aussi la forêt privée car cela fait partie de leurs missions, qu’ils ne peuvent accomplir faute d’effectifs. Je suis pour davantage d’interventions humaines en forêt, avec tout ce que cela implique d’intelligence collective et d’intelligence individuelle. Ceux qui ont les compétences savent quelles jeunes pousses il faudra couper et lesquelles il faudra laisser progresser en fonction de ce qu’on envisage de récolter pour alimenter les scieries et la filière en bois de construction.

Le problème ne vient pas du fait que l’on plante des douglas sur le plateau de Millevaches, mais du fait qu’on les coupe trop jeunes ! Il faudrait les laisser vieillir plus longtemps pour qu’ils emmagasinent plus de carbone avant de devenir du bois de construction. Ainsi, le carbone serait définitivement stocké. À force de planter et de couper, vous vous plantez – Mme Panot l’a souligné – mais surtout, le bilan écologique est moins bon que lorsque les arbres sont récoltés à maturité.

Même la forêt privée est capable de passer à la sylviculture douce. Nous avons visité une exploitation en futaie irrégulière dans une forêt à couvert continu, qui récoltait différentes essences en fonction des besoins et des commandes. Ses propriétaires savaient donc faire et cette forêt est rentable, plus rentable que celle d’un propriétaire qui fait une coupe rase, prend le pognon et n’aura plus une seule rentrée d’argent tant que les arbres n’auront pas repoussé ! Le modèle économique dominant est surprenant : beaucoup de propriétaires privés héritent d’une forêt, coupent tout et revendent leur terrain car ils ne savent plus quoi faire de cette forêt. Vous passez à côté de la forêt !

M. le président Bruno Duvergé. Monsieur Bernalicis, depuis le début de nos débats, je donne la parole à tout le monde, sans limitation de temps. Jusqu’à présent, nos débats étaient apaisés, argumentés et chacun a pu s’exprimer. Si vous commencez à parler longuement sans développer de nouveaux arguments, je vais devoir limiter le temps de parole. Ce serait dommage.

Mme Émilie Cariou. Je n’ai que peu participé au débat, j’aurais donc aimé que le ministre me réponde sur la nécessité de procéder à cette réforme par ordonnance.

Avec la sécheresse, les scolytes et toutes les espèces invasives ont proliféré. En outre, les coupes rases posent des problèmes environnementaux. Ce projet de loi va encore déréguler le secteur mais, selon l’exécutif, tout va bien ! Quelle urgence y a-t-il à réformer l’ONF par ordonnance ? Pourquoi se priver d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État ? Chers collègues, pourquoi vous dessaisir de votre pouvoir de débattre d’un projet de loi, de permettre le dialogue social avec les syndicats, mais aussi tous les partenaires de la forêt, y compris privés, qui peuvent interagir avec l’ONF, et les collectivités locales, l’ONF étant un acteur essentiel de gestion des forêts communales ?

Monsieur le ministre, je suis déçue par votre réponse. Je parle respectueusement et n’agresse personne, mais je souhaite des explications.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Nous parlons de la forêt depuis une heure et quart et c’est très bien. Nous sommes donc parfaitement éclairés et conscients de l’urgence à agir. Cette dernière nous impose précisément de ne pas prendre davantage de temps pour proposer un projet de loi que nous ne pourrons pas forcément examiner avant la fin de la mandature. C’est pourquoi nous voterons contre votre amendement, l’ordonnance nous semblant le meilleur moyen d’atteindre l’objectif que nous poursuivons manifestement tous.

M. Julien Denormandie, ministre. Je ne voudrais surtout pas que Mme Cariou prenne ombrage de ma réponse. Nous nous connaissons : elle sait que je prends toujours soin de répondre – j’ai d’ailleurs parfois été critiqué pour la longueur de mes réponses ! – et que j’attache une immense importance au débat parlementaire. Mais nous devons agir rapidement. Bien sûr, nous pourrions réfléchir à une grande loi forestière et débattre dans l’hémicycle pendant des heures et des heures de la forêt. J’en serai ravi, mais il n’a échappé à personne que l’agenda législatif est un peu dense…

Vous avez raison, madame la députée, nos forêts pâtissent d’une importante sécheresse et le sujet est peu connu. Vous avez parlé des scolytes ; j’évoquerai les frênes qui nécessitent beaucoup d’eau et subissent actuellement un véritable cataclysme, manifestation concrète de la sécheresse. Les 150 millions d’euros du plan de reboisement visent justement à permettre à la forêt de lutter contre les effets du changement climatique, en replantant des espèces plus résistantes au manque d’eau.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement n° 474 de M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Il s’agit de supprimer l’alinéa 7 qui prévoit de confier à des salariés de droit privé toutes les missions de l’Office national des forêts, y compris celles de police judiciaire et du service public administratif.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la possibilité pour l’ONF d’employer des salariés contractuels, ni d’entraver les possibilités de déroulement de carrière pour ces derniers. Les députés de la Gauche démocrate et républicaine ne sont pas opposés au recrutement de salariés sur des postes jusque-là occupés par des fonctionnaires, mais ils doivent pouvoir continuer à se voir proposer la titularisation et l’attribution du statut de fonctionnaire qui, seul, garantit la protection des personnels et l’application des textes visant à protéger les forêts en toute impartialité et en toute indépendance.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je l’ai déjà évoqué, l’ONF est chargé de faire appliquer la loi dans les forêts publiques. Il faut que les agents, publics comme privés, puissent constater les infractions, sans quoi les forêts seront exposées à l’impunité des contrevenants. L’ONF recrute déjà des personnels sous statut privé. Ils doivent disposer des mêmes pouvoirs que les fonctionnaires en place. Sur le terrain, il serait dommageable qu’ils ne puissent pas constater les infractions dont ils auraient été témoins.

Outre les infractions au code forestier, les agents doivent aussi pouvoir sanctionner les atteintes au code de l’environnement et de l’urbanisme. Or nombre d’infractions sont de nature pénale.

Votre objection a également été soulevée lors de l’audition de l’intersyndicale. Je le répète, des missions de police sont d’ores et déjà confiées à des agents sous statut privé dans d’autres secteurs, comme à la SNCF ou la RATP. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Ugo Bernalicis. Personne n’est opposé au recrutement de contractuels pour des besoins spécifiques ou des missions ponctuelles – le statut de la fonction publique le prévoit depuis l’origine. Mais le statut de la fonction publique, comme notre bloc de constitutionnalité, disposent qu’un besoin d’intérêt général permanent doit être pourvu par des personnes disposant du statut de fonctionnaire, qui les protège des intérêts privés ou d’un changement inopiné de situation. Je ne dis pas qu’un salarié du secteur privé ne peut pas défendre l’intérêt général – ce dernier peut se confondre avec l’intérêt particulier – mais, quand vous êtes fonctionnaire, c’est votre façon de voir les choses. En conséquence, je suis opposé au fait que les agents de sûreté de la RATP et de la SNCF soient des contractuels. Cela doit revenir dans le giron du service public !

Vous démantibulez tout, vous détricotez tout et, ensuite, vous organisez des colloques et des missions d’information sur le continuum de sécurité, plaidez pour plus de cohérence, pour une reprise en main et vous vous interrogez sur la déontologie ! Mais il y a une force dans le statut de la fonction publique que, quelle que soit la bonté, la générosité, les compétences des personnes sous statut privé, vous ne retrouverez jamais.

Quel dogmatisme éclairé ! Allez-y, si les salariés de droit privé sont si exceptionnels, proposez le changement de statut ! Dites aux fonctionnaires de l’Assemblée nationale de devenir contractuels de droit privé. Dites-le à tous les agents des ministères. Souplesse, agilité, flexibilité, on connaît vos recettes ! Mais seul le statut de la fonction publique permet de préserver l’intérêt général et d’envisager le temps long, et c’est encore plus vrai en forêt.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 142 et n° 141 de Mme Cécile Untermaier ainsi que l’amendement n° 686 du rapporteur.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement n° 142 des députés socialistes et apparentés vise à restreindre l’habilitation du Gouvernement à étendre par ordonnance les possibilités de recrutement d’agents de droit privé au sein de l’ONF, pour en exclure les missions de police. En effet, il ne nous paraît pas souhaitable que des agents de droit privé puissent exercer des missions de constatation d’infractions, même dans le cadre plus strict prévu par nos collègues sénateurs. Cette analyse s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’importance de conserver un service public de la forêt, et donc des personnels fonctionnaires formés pour remplir l’ensemble des missions déléguées à l’ONF.

Au-delà d’une question de coût des recrutements, le fait de favoriser les contrats de droit privé a un impact sur la façon dont l’ONF peut répondre à ses missions économiques, sociales et environnementales. De par leur statut, les fonctionnaires sont moins perméables aux pressions auxquelles ils font face de façon accrue ces dernières années. Ces pressions réorientent majoritairement l’action des agents de l’ONF vers la dimension économique. Afin de remplir convenablement les différentes missions qui leur incombent et pour s’opposer à une logique de rentabilité de nos forêts, l’ONF doit demeurer un service public. Le recrutement de personnels est indispensable et le statut des agents fonctionnaires est davantage en adéquation avec les missions attendues, notamment lorsqu’il s’agit de remplir des missions de police.

L’amendement n° 141 est de repli. Il vise à restreindre l’habilitation du Gouvernement à étendre par ordonnance les possibilités de recrutement d’agents de droit privé au sein de l’ONF, pour en exclure les missions de police visant à constater des infractions relevant d’un délit ou un crime.

Il ne nous paraît pas souhaitable que des agents de droit privé exercent des missions de constatation d’infraction, même dans le cadre plus strict prévu par nos collègues sénateurs, d’autant que soixante-dix-huit de ces infractions pour lesquelles les agents de l’ONF sont aujourd’hui assermentés sont des délits et une, l’incendie volontaire, est un crime.

Si l’amendement n° 142 venait à être rejeté, il nous paraît essentiel que les infractions relevant d’un délit ou d’un crime ne puissent être constatées par un agent de droit privé.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement n° 686 vise à supprimer le mot « forestières » à l’alinéa 3. Le champ de cet article a été limité au Sénat afin que les agents contractuels de droit privé ne puissent constater que les infractions forestières. Ils n’auront donc pas la possibilité de constater celles relatives au code de l’environnement, au code pénal, au code général des collectivités territoriales, au code de l’urbanisme, au code de la santé publique ou au code de la route. Cette limitation est dommageable pour la répression de certaines infractions portant atteinte aux milieux forestiers et à la biodiversité, mais aussi peu rationnelle en termes de coût pour l’ONF. Voilà pourquoi je souhaite que toutes les infractions puissent être sanctionnées.

Madame Jourdan, s’agissant de l’amendement n° 142, il faut que les agents puissent sanctionner les infractions en forêt en application de tous les codes – c’est le sens de mon amendement. S’agissant de l’amendement n° 141, il serait curieux que les agents sous statut privé soient empêchés de constater des délits ou des crimes : ils pourraient alors être témoins de coupes illégales, de dégradation des forêts, de la circulation illégale de véhicules ou d’un incendie volontaire – un crime –, sans rien pouvoir faire !

Mon avis sera donc défavorable sur les deux amendements.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis favorable à l’amendement n° 686 du rapporteur, et défavorable aux amendements n° 142 et n° 141, pour les mêmes raisons que le rapporteur.

La commission rejette les amendements n° 142 et n° 141, puis elle adopte l’amendement n° 686.

Elle en vient à l’amendement n° 631 du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, ministre. Il s’agit de supprimer les alinéas 4 et 9 qui habilitaient le Gouvernement à modifier la composition du conseil d’administration de l’ONF par ordonnance afin d’y faciliter la prise de décision.

Les débats au Sénat ont fait apparaître beaucoup d’interrogations concernant la représentation des collectivités locales au sein de l’ONF, représentation à laquelle je suis particulièrement attaché. En effet, l’ONF gère des surfaces considérables pour le compte des collectivités – notamment des communes forestières.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est un peu regrettable, compte tenu des recommandations du rapport des inspections qui relevait les problèmes de dialogue au sein du conseil d’administration qui réunit aujourd’hui de très nombreux acteurs. Leur proposition de nommer des administrateurs indépendants, dotés d’une expérience de direction d’entreprises ou d’administration de sociétés, aurait été intéressante. Mais ce renoncement à réformer le conseil d’administration est parfaitement compréhensible au vu des réactions suscitées au Sénat et à l’Assemblée, comme en témoignent les amendements déposés sur cet alinéa. J’émets donc un avis favorable.

Mme Émilie Cariou. Je suis favorable à l’amendement, mais nous aurions pu aller au-delà : vos arguments s’appliquent à toute l’habilitation à légiférer par ordonnances qui crée beaucoup d’incompréhension, monsieur le ministre.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements n° 206 de M. Pierre MorelÀL’Huissier, n° 377 de M. Dimitri Houbron et n° 476 de M. Gabriel Serville tombent.

La commission examine ensuite l’amendement n° 571 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi une habilitation à réformer par ordonnances le réseau consulaire des chambres d’agriculture.

L’année dernière, elles ont fait l’objet de nombreuses discussions en projet de loi de finances. À l’issue de ces discussions, une mission d’information a été créée. Il est regrettable de les réformer par ordonnances, alors que les dernières réformes des chambres consulaires ont été réalisées par voie législative.

Il s’agit de sujets extrêmement sensibles, dans le droit fil de nos débats sur la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM. Dans l’accompagnement de notre agriculture vers des modèles plus respectueux de l’environnement, l’apport parlementaire est essentiel, y compris s’agissant de la réforme des missions des chambres d’agriculture. Si elle doit être mise en œuvre, qu’elle le soit après un débat parlementaire en bonne et due forme !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne partage pas votre opposition de principe : les chambres d’agriculture elles-mêmes souhaitent être associées à la rédaction des ordonnances qui les concernent. Elles les attendent. Je trouve dommage que vous n’ayez pas assisté à notre audition des chambres d’agriculture, il y a deux semaines. Les auditions étaient ouvertes à tous les membres de la commission spéciale.

Au fil des lois, on ne cesse de leur confier de nouvelles missions, notamment en matière de transformation écologique. Donnons-leur les moyens organisationnels d’assurer au mieux ces missions, avec le souci de la rationalisation des moyens et de la mise à jour des statuts.

Enfin, la ratification des ordonnances fait l’objet d’un examen au Parlement : c’est alors l’occasion de déposer des amendements pour modifier directement dans le code rural le résultat des choix gouvernementaux.

M. Julien Denormandie, ministre. Ces propositions de légiférer ont été longuement discutées avec le réseau des chambres, sur la base de nombreux travaux. J’ai de l’ambition pour les chambres d’agriculture. Grâce à elles, nous disposons d’un maillage territorial très puissant sur lequel nous allons pouvoir nous appuyer pour décliner le volet agricole du plan de relance. Elles ont aussi un rôle très important pour accompagner les transitions.

Cela passe par deux outils : l’organisation – objet de deux amendements à venir – et les moyens financiers. J’ai connaissance des débats de l’an passé sur le budget des chambres. Nous en avons longuement discuté ensemble et le ministre du budget l’a confirmé il y a quelques heures, les chambres ne connaîtront pas de baisse de leur budget. Nous leur donnons ainsi les moyens d’accompagner ces transitions et le déploiement du plan de relance.

M. Gabriel Serville. Peut-être ai-je mal compris mais je crains qu’une telle approche ne fasse jurisprudence. Cela signifierait que d’autres corps constitués, ou d’autres organisations, pourraient insister pour que les modifications les concernant passent par voie d’ordonnance. Ainsi, nous, parlementaires, accepterions-nous de nous décharger de vos obligations et de notre fonction de législateur pour laisser les autres faire le travail à notre place ? Si j’ai bien compris vos propos, je suis perplexe !

Mme Émilie Cariou. Monsieur le rapporteur, vous avez auditionné les chambres, c’est très bien. Mais nous les avons tous auditionnées ! Bien sûr, les syndicats professionnels, les réseaux consulaires, les lobbies influent sur la rédaction des ordonnances – je le sais pour avoir rédigé des ordonnances quand je travaillais avec M. Julien Denormandie au sein de cabinets ministériels. Mais il ne s’agit pas là de débats démocratiques, ni du débat transparent que nous souhaitons devant la représentation nationale. Tous ces dispositifs concourent à affaiblir le Parlement, la représentation nationale issue du scrutin et du vote républicain. On nous sert « la République » à longueur de temps mais, là, on l’affaiblit !

Quand on rencontre des représentants des chambres d’agriculture, on rencontre aussi tous les syndicats agricoles, y compris ceux qui sont minoritaires ; on rencontre également les associations environnementales et tous ceux qui ont un mot à dire sur la transition écologique et la transition de notre modèle agricole. On le fait au Parlement, lors d’auditions publiques, et un compte rendu permet de consigner les propos tenus durant l’audition.

Nous demandons des réformes par voie législative. Quand des ordonnances visent à transposer rapidement des dispositions déjà négociées pendant dix ans, on peut éventuellement le concevoir, même si la façon dont se négocient nos traités internationaux ou nos directives n’est pas très démocratique. En revanche, vous affaiblissez la démocratie et la République en faisant de la création législative par ordonnance. Ce n’est pas raisonnable ! En réformant les chambres d’agriculture aux forceps par ordonnance, vous aurez beaucoup de problèmes…

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Madame Cariou, les auditions étaient ouvertes à tous et publiques, et je ne vous ai pas vue à une seule de ces réunions, pas plus que M. Bernalicis. Je vais le dire calmement mais, ici, des collègues ont travaillé du lundi au vendredi, pour entendre tous les acteurs. Pas une seule fois vous n’étiez présente !

Et vous arrivez, ce soir, avec vos certitudes et votre science alors que vous n’avez pas participé à une seule audition ! Un peu d’humilité ! Vous aviez l’occasion de poser les questions que vous souhaitiez à tout le monde, puisque tout le monde a été auditionné et a pu s’exprimer, transmettre des contributions écrites et répondre à toutes les questions des parlementaires – et il n’y avait pas que des parlementaires de la majorité. (Protestations parmi les députés de La France insoumise.)

Monsieur Bernalicis, je refuse de répondre à vos provocations. C’est votre technique pour endiabler la séance, mais cela ne marchera pas ! (Protestations) Continuez, interrompez‑moi à chaque mot, hurlez, monopolisez la parole, cela ne me perturbe absolument pas et je continuerai à dérouler mes arguments. Vous en ferez ce que vous voulez ; je suis là pour essayer de vous éclairer. Vous ne m’entraînerez pas dans un débat de mauvaise qualité. J’ai auditionné, rédigé un rapport, fait mon boulot, en y ajoutant ce que je savais du fait de mon expérience de terrain, qui n’est pas celle d’un technocrate. J’ai travaillé dans le secteur privé pendant huit ans avant d’être député. J’ai été salarié, j’ai gagné ma vie à la sueur de mon front et je n’ai aucune leçon à recevoir sur la vraie vie !

Madame Cariou, quand vous étiez en cabinet ministériel, aucune ordonnance n’a-t-elle été adoptée ? C’est un outil constitutionnel, dont la procédure est claire. Soyez cohérente ! Vous affirmez que ce n’est pas démocratique et que cela ne respecte pas la République et la démocratie. Il faut faire attention aux mots qu’on emploie : nous sommes dans un cadre parfaitement démocratique et la procédure est encadrée par la Constitution. La position de principe consistant à s’opposer aux ordonnances parce que c’est une atteinte aux droits du Parlement est un peu facile.

Enfin, j’ai donné des avis favorables – parfois contre l’avis du Gouvernement – aux amendements de collègues visant à développer le contrôle parlementaire. Je fais donc mon travail. Mais une heure et demie de propos choquants, d’attaques et de leçons de morale, ça commence à bien faire !

Mme Mathilde Panot. Monsieur le rapporteur, vous reprochez à une élue de la nation de « ramener sa science ». Vous pouvez tenir toutes les auditions que vous voulez – il est d’ailleurs important de le faire –, il n’en reste pas moins que l’ordonnance est un moyen de saborder notre pouvoir de parlementaire. Je ne dis pas que vous ne faites pas votre travail, mais il faut engager un vrai débat sur l’ONF et non pas se contenter d’un article noyé dans la masse du texte, qui plus est pour habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances. La discussion doit avoir lieu de manière transparente en notre sein. Chaque élu a son mot à dire, qu’il ait ou non participé aux auditions. Aucun élu de la Nation n’étale sa science. Ce n’est pas manquer d’humilité : nous accomplissons notre travail de parlementaire. Un parlementaire a le droit de dire ce qu’il veut ; pour ma part, j’affirme que le recours aux ordonnances, sur l’ONF comme sur les chambres d’agriculture, entraîne un dessaisissement du pouvoir parlementaire.

M. le président Bruno Duvergé. Je vais devoir établir des règles : nous allons limiter le débat à une intervention par groupe, qui ne pourra excéder une minute.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements n° 633 et n° 632 deuxième rectification du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, ministre. Ces amendements ont pour objet de compléter le champ de l’habilitation. L’amendement n° 633 vise à rétablir la rédaction originelle du deuxième alinéa du I, qui a été modifiée par le Sénat. Il s’agit de préciser que le rapprochement entre les règles applicables aux agents des chambres d’agriculture et celles du code du travail n’est pas laissé à l’initiative du réseau et vaut aussi pour les agents des organisations interétablissements du réseau – autrement dit, des agents des établissements publics créés entre plusieurs chambres d’agriculture. Il convient également de supprimer les mentions à l’organisation et aux missions des autres établissements du réseau, qui peuvent faire obstacle à une harmonisation des conditions d’emploi et de travail. In fine, cet amendement vise à harmoniser la gestion du personnel des établissements, comme le souhaite l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, par cohérence avec les orientations déjà adoptées pour les autres réseaux consulaires.

L’amendement n° 632 deuxième rectification élargit le champ de l’habilitation pour autoriser les chambres régionales d’agriculture à mettre en place de nouveaux schémas d’organisation au sein du réseau des chambres d’agriculture, par la création de chambres de région, auxquelles seraient rattachées des chambres dites « territoriales », dépourvues de personnalité juridique. Alors qu’il existe à l’heure actuelle plusieurs types d’organisation, ces besoins ont été identifiés au sein du réseau des chambres d’agriculture afin de mutualiser des missions. C’est une possibilité donnée au réseau des chambres, à charge pour elles, si elles le souhaitent, de faire vivre ces structures. Je suis très attaché à une approche territoriale, notamment départementale, mais ces schémas dépendent de l’intelligence collective au niveau local. C’est au réseau des chambres de le décider.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La disposition que tend à rétablir l’amendement n° 633 vise à préciser que le rapprochement des règles applicables aux agents et des dispositions du droit du travail ne se fait pas à l’initiative du réseau. En effet, l’expérience nous a montré l’inefficacité de ce système. La loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 a créé la Commission nationale de concertation et de proposition (CNCP), qui « examine toutes questions relatives aux conditions d’emploi, de travail et de garanties sociales des personnels des chambres d’agriculture ». Cette instance est chargée de transposer dans le statut du personnel les dispositions du code du travail, lorsqu’elles peuvent l’être. Or le statut n’a quasiment pas évolué. Avis favorable sur l’amendement n° 633. J’en profite pour poser une question au Gouvernement : que deviendrait la CNCP ?

S’agissant de l’amendement n° 632 deuxième rectification, la création de chambres territoriales d’agriculture est une demande des chambres d’agriculture, qui souhaitent disposer d’une structure intermédiaire entre la chambre départementale et la chambre régionale, exerçant des missions spécifiques et dépourvue de la personnalité juridique. Il s’agit de mettre à disposition des employés pour accomplir une ou plusieurs missions en mettant en commun des moyens. L’action des chambres d’agriculture gagnerait en efficacité et le maillage territorial, auquel nous sommes tous attachés, serait préservé. Cela irait dans le sens d’une meilleure efficacité de l’action publique. Avis favorable sur l’amendement n° 632 deuxième rectification.

M. Pierre Venteau. S’agissant de l’amendement n° 632 deuxième rectification, il me semble que, dans la rédaction du a), il faudrait adopter l’ordre inverse. Ce ne sont pas les chambres régionales d’agriculture qui devraient faire des propositions aux chambres départementales, puisque l’échelon issu du scrutin démocratique professionnel est l’échelon départemental. C’est à mes yeux une erreur rédactionnelle majeure qui suscitera, à coup sûr, la bronca des chambres départementales – à moins qu’il n’y ait un dessein caché.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu affirmer votre attachement à l’échelon territorial, mais celui-ci n’existe que s’il est incarné politiquement et techniquement. Or, on crée une entité territoriale dépourvue de personnalité juridique, ce qui constitue, à mes yeux, un problème.

On peut procéder par ordonnance – je ne m’y opposerai pas. Toutefois, il aurait été adroit de procéder à cette différenciation territoriale dans le projet de loi relatif à la décentralisation, à la déconcentration et à la différenciation (3D), ce qui nous aurait laissé le temps d’attendre le rapport et de légiférer dans de meilleures conditions sur les missions du réseau des chambres, qui ont une importance majeure pour la transition écologique.

M. Ugo Bernalicis. Il n’y en avait pas assez dans le projet de loi, il vous faut ajouter de nouveaux paragraphes habilitant le Gouvernement à aller encore plus loin. C’est déplorable. Par ailleurs, notre collègue vient de relever que la rédaction proposée laissait à désirer. Les chambres d’agriculture ont-elles véritablement appelé cette mesure de leurs vœux lors des auditions ? S’agit-il uniquement des chambres régionales ? Je ne sais pas qui vous avez auditionné mais, manifestement, ce n’est pas encore clair pour tout le monde.

Monsieur le président, je veux bien qu’on s’emballe – je suis moi-même très souvent insupportable, comme beaucoup le font remarquer –, mais, contrairement à Mme Sophie Beaudoin-Hubière, je ne traite pas mes collègues de « connard ». Il serait bon de faire un rappel à l’ordre, afin d’éviter qu’on puisse s’insulter à notre guise.

M. Nicolas Turquois. Les dispositions proposées concernant le statut des salariés des chambres d’agriculture répondent à une véritable attente. Il y a en effet autant de statuts que d’organismes. Il me paraît bienvenu d’établir des rapprochements, de moderniser le statut pour permettre des avancées – par exemple, l’institution de la mobilité entre les chambres, ce qui renforcerait l’esprit de corps.

Je suis plus dubitatif sur la réorganisation territoriale. Les agriculteurs, contrairement aux membres des autres chambres consulaires, sont très attachés à leurs représentants locaux, à l’échelon départemental. Si on peut concevoir des réorganisations régionales, et plus encore une harmonisation nationale pour des services support, des formations ou les systèmes informatiques, je suis perplexe s’agissant de rapprochements régionaux. Prenons l’exemple de la Nouvelle-Aquitaine : la diversité des cultures des Pyrénées-Atlantiques et de la Vienne, distantes de 500 kilomètres, me conduit à m’interroger sur la perspective proposée.

Mme Émilie Cariou. Monsieur le rapporteur, je suis désolée que vous ayez pris ombrage de mes propos, mais je ne parlais ni de vous ni des auditions que vous avez menées : j’évoquais le problème institutionnel de la législation par ordonnance. J’ai présenté ce matin un rapport d’information sur l’application de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, qui a nécessité de nombreuses auditions. Quand vous avez effectué vos auditions, j’en tenais d’autres de mon côté – je ne suis pas la seule dans ce cas. Il n’y a aucune raison de me dire que je ramène ma science, alors que, en ma qualité de rapporteure spéciale sur le budget de l’agriculture, j’ai mené des auditions, pendant plusieurs dizaines d’heures, avec M. Hervé Pellois, député de la majorité, qui peut l’attester. J’ai beaucoup travaillé sur les chambres d’agriculture, par exemple l’année dernière avec Mme Verdier-Jouclas. Il me paraît inutile de porter ce genre d’attaques. Je dis au Gouvernement – et non à vous, monsieur le rapporteur – que le recours aux ordonnances pose problème. En votre qualité de parlementaire, vous devriez prendre un peu de distance vis-à-vis du Gouvernement. Le parlementaire a un rôle qui lui est propre, distinct de celui de l’exécutif. Que ce dernier veuille faire passer ses ordonnances, c’est une chose, mais le Parlement doit défendre ses prérogatives.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne crois pas vous avoir manqué de considération. En tout état de cause, je respecte vos travaux, votre expérience, vos connaissances, tout comme votre indépendance d’esprit et votre liberté de jugement et de vote. Je souhaite qu’on ait une discussion apaisée. C’était le cas jusqu’à présent.

M. Julien Denormandie, ministre. Je voudrais répondre aux interrogations qui ont été formulées sur la rédaction de l’amendement n° 632 deuxième rectification. Je suis très attaché à l’échelon territorial, notamment départemental. Je voudrais lever toute ambiguïté en vous répondant de manière très précise, monsieur Venteau. Cela n’apparaît pas dans le texte, mais le a) du 5° décrit les conditions dans lesquelles les chambres régionales d’agriculture peuvent proposer à des chambres départementales et à des chambres interdépartementales la création d’une chambre d’agriculture de région. L’article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que le réseau des chambres d’agriculture « comprend également des chambres interdépartementales […] et des chambres d’agriculture de région créées, après avis concordants des chambres d’agriculture concernées […] ». Je m’engage, messieurs les députés – vous avez été deux à soulever cette question – à travailler avec vous à la rédaction d’un amendement qui préciserait cela et que vous pourriez éventuellement présenter. Nous entendons conférer la possibilité aux territoires qui le souhaitent de créer des chambres de région, mais en aucun cas imposer à des territoires ou à des chambres départementales de suivre cette voie s’ils y étaient opposés.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle examine les amendements identiques n° 155 de M. Jean-Marie Fiévet, n° 200 de Mme Delphine Bagarry et n° 434 de M. Pierre Venteau.

M. Jean-Marie Fiévet. L’article 33 accordant une habilitation au Gouvernement pour modifier l’organisation de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, il est essentiel que les parties prenantes, notamment les organisations syndicales des salariés et des employeurs, soient consultées dans le cadre de l’élaboration de la future ordonnance

M. Pierre Venteau. L’article 33 accorde une habilitation au Gouvernement pour modifier par voie d’ordonnance « la dénomination de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, compléter ses missions et compétences relatives à l’animation du réseau des chambres d’agriculture et des organismes interétablissements du réseau […], y compris en matière de gestion des personnels, et modifier en conséquence les missions des autres établissements ». Cette ordonnance ouvre la porte à des modifications profondes dans le fonctionnement, l’organisation, les relations entre les établissements du réseau, mais aussi dans les missions et les activités de chaque établissement. Cette évolution affectera vraisemblablement l’organisation du travail et les conditions de travail des salariés, d’autant plus que l’habilitation vise spécifiquement la gestion des personnels. Au regard des enjeux et des changements majeurs que cela induira concernant le fonctionnement du réseau, l’organisation du travail, les conditions d’emploi et de travail ainsi que le dialogue social, il est indispensable que les parties prenantes, organisations syndicales de salariés et d’employeurs, soient associées à l’élaboration de l’ordonnance. Tel est l’objet de cet amendement, qui a été travaillé en collaboration avec la Fédération générale agroalimentaire (FGA) de la CFDT.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis de sagesse.

La commission adopte ces amendements.

Elle en vient à l’amendement n° 432 de M. Pierre Venteau.

M. Pierre Venteau. Le réseau des chambres d’agriculture est constitué d’un maillage d’établissements départementaux qui jouent un rôle majeur dans la mise en œuvre des politiques publiques. À ce titre, et en tant qu’organismes de conseil et de développement agricole, les chambres départementales d’agriculture sont en première ligne pour accompagner la transition écologique des exploitations agricoles. Diminution de l’usage des produits phytosanitaires, certification environnementale, conversion à l’agriculture biologique, adaptation au changement climatique, biosécurité et bientraitance animale, souveraineté alimentaire sont autant de sujets qui nécessitent une organisation efficace du réseau des chambres d’agriculture et qui justifient pleinement la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) – dont M. le ministre Olivier Dussopt vient d’annoncer le maintien pour l’année 2021. L’ordonnance pourrait affecter notablement les missions des différents échelons du réseau et la répartition de leur financement au travers de la TATFNB. Il est donc nécessaire que la représentation nationale, qui décide annuellement du montant de cette taxe, soit associée à l’élaboration du texte. Tel est l’objet de l’amendement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cette association est souvent d’usage. J’émets un avis de sagesse.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement n° 634 du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, ministre. Nous proposons de supprimer la disposition demandant au Gouvernement de remettre un rapport sur l’association des parties prenantes à l’élaboration des ordonnances prévues. Cela paraît d’autant plus justifié que les deux amendements que vous venez d’adopter impliqueront encore davantage les parties prenantes à leur conception.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les projets de loi de ratification sont accompagnés d’une étude d’impact qui pourrait comprendre ces éléments. Dès lors que la loi le prévoit, le Gouvernement sera tenu d’associer les personnes mentionnées aux alinéas précédents. Si, toutefois, l’association se heurtait à des difficultés, il serait toujours temps de discuter du fond des dispositifs faisant l’objet des ordonnances lors de la discussion au Parlement du projet de loi de ratification. Dans la mesure où nous venons d’adopter le principe de l’association des députés et des sénateurs à l’élaboration des ordonnances, nous pourrions supprimer la demande de rapport. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements identiques n° 664 de Mme Valérie Bazin-Malgras et n° 665 de Mme Emmanuelle Anthoine ainsi que l’amendement n° 16 de Mme Valérie Bazin-Malgras tombent.

La commission adopte l’article 33 ainsi modifié.

Article 33 bis AA (nouveau) (article L. 166 G du livre des procédures fiscales) : Communication de la matrice cadastrale aux experts forestiers

La commission examine, en discussion commune, l’amendement n° 513 de M. Nicolas Turquois, qui fait l’objet du sous-amendement n° 702 du Gouvernement, ainsi que les amendements n° 514, n° 511 et n° 512 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. La forêt privée se caractérise, en France, par un extrême morcellement qui est souvent présenté comme une des raisons de son mauvais entretien, de son exploitation médiocre et du désintérêt des propriétaires pour la valorisation de leurs bois et de leurs forêts. Des opérations telles que le remembrement sont très longues et très coûteuses et ont parfois des effets contreproductifs. Une expérimentation a été menée à destination des professionnels forestiers, notamment des coopératives et des experts, pour identifier facilement les propriétaires riverains, lors de l’intervention sur une parcelle, et leur proposer d’être associés à une coupe de bois. L’objectif est de gérer en commun un territoire composé de multiples parcelles. Ces amendements, qui ont été élaborés avec le concours du Conseil national de l’expertise foncière agricole et forestière, visent à ce que les experts fonciers puissent se voir communiquer informatiquement par les matrices cadastrales, les noms et les coordonnées des propriétaires des parcelles entourant les parcelles exploitées, ainsi que la nature de ces terrains. Cette évolution mériterait d’être étendue à d’autres professions réglementées.

M. Julien Denormandie, ministre. Je donne un avis favorable à l’amendement n° 513, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement qui vise à supprimer la référence à l’article L. 107 À du livre des procédures fiscales, afin de pouvoir étendre par décret la liste des données communicables aux experts forestiers. Si on ne le faisait pas, le texte proposé ne répondrait pas à l’ensemble des besoins, notamment à la nécessité de communiquer des données sur la nature des bois et des forêts. C’est pourquoi il est proposé de renvoyer à un décret le soin de préciser les données qui seront communiquées aux experts forestiers. Je demande le retrait des amendements n° 514, n° 511 et n° 512 au profit de l’amendement n° 513 sous-amendé.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je donne un avis favorable au sous-amendement n° 702 et à l’amendement n° 513 sous-amendé et demande le retrait des amendements n° 514, n° 511 et n° 512.

M. Nicolas Turquois. Je les retire.

Les amendements n° 514, n° 511 et n° 512 sont retirés.

M. Rémy Rebeyrotte. Les coopératives forestières ont déjà la possibilité, à titre transitoire, d’accéder aux données cadastrales. La mesure proposée les concernera-t-elle également ou ne visera-t-elle que les experts forestiers ?

M. Nicolas Turquois. J’avais proposé un amendement – sans succès – à la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) au sujet des coopératives forestières. D’ici à la séance publique, il faudrait élargir l’amendement n° 513 à certaines professions réglementées, telles que les coopératives.

M. Rémy Rebeyrotte. S’il me paraît souhaitable de rétablir l’équilibre entre les coopératives et les experts forestiers, en étendant aux seconds les règles applicables aux premières, il n’en est pas moins nécessaire de faire apparaître les deux professions dans le texte.

M. Julien Denormandie, ministre. L’amendement n° 513 de M. Turquois s’applique notamment aux « experts forestiers figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime » et aux « organisations de producteurs du secteur forestier reconnues par l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article L. 551-1 du même code ». Nous allons nous assurer que cette mesure s’appliquera aux coopératives.

La commission adopte le sous-amendement n° 702.

Puis elle adopte l’amendement n° 513 sous-amendé.

Article 33 bis AB (nouveau) : Prolongation de trois ans de l’expérimentation sur l’exercice et le transfert de certaines missions dans le réseau des chambres d’agriculture

La commission en vient à l’amendement n° 635 du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, ministre. Cet amendement vise à prolonger de trois ans l’expérimentation prévue par l’article 38 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (dite « ESSOC ») et par son ordonnance d’application. L’expérimentation, qui est réalisée au bénéfice du réseau des chambres d’agriculture, consiste à attribuer de nouvelles missions aux établissements du réseau et ouvre la possibilité d’envisager de nouvelles formes d’organisation. Elle doit prendre fin en janvier 2022 ; son évaluation devra être réalisée à l’été 2021. Or, sa mise en œuvre a été profondément perturbée par la situation que nous connaissons actuellement.

Afin de clarifier la rédaction, il conviendrait de préciser que l’expérimentation issue de l’article 38 de la loi ESSOC est prolongée pour une durée de trois ans « à compter de la date de promulgation de la présente loi ». Si vous en êtes tous d’accord, je vous propose de rectifier l’amendement en ce sens.

M. le président Bruno Duvergé. L’amendement est ainsi rectifié.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement n° 635 ainsi rectifié.

Article 33 bis A (articles L. 124-2, L. 142-6 et L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime) : Toilettage du code rural et de la pêche maritime (précédemment réservé)

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 183 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 33 bis A ainsi modifié.

Après l’article 33 bis A (précédemment réservé)

La commission est saisie des amendements n° 378 et n° 379 de M. Dimitri Houbron.

Mme Patricia Lemoine. Ces amendements d’appel visent à simplifier les procédures d’identification des chiens et des chats. Ils imposent aux vétérinaires de faire appliquer, lors d’une consultation, l’obligation d’identification. Leur rédaction doit sans doute être revue, mais nous souhaitions entendre le ministre à ce sujet.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 378, l’obligation d’identification existe déjà. Vous proposez de définir les conditions de cette obligation afin de la rendre effective, en l’occurrence chez le vétérinaire. Ce dispositif relève du domaine réglementaire et fait l’objet des articles D. 212-63 et suivants du code rural et de la pêche maritime, qui sont déjà très complets.

Concernant l’amendement n° 379, mon avis est défavorable sur le fond. Nous avons évoqué précédemment la possibilité de contraindre les nouveaux habitants à se déclarer en mairie et notre débat a fait ressortir la difficulté d’accomplir cette formalité. Or, vous proposez de demander aux propriétaires de déclarer leurs nouveaux animaux de compagnie en mairie. Nous ne l’avons pas fait tout à l’heure pour les femmes et les hommes ; il ne me paraît pas opportun de le décider, à présent, pour les animaux de compagnie. Ce serait source de complexité administrative et contredirait l’objectif du texte qui vise à accélérer et à simplifier les procédures. Bien que je sois très sensible à la condition animale et que je comprenne l’objectif que vous poursuivez, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. S’agissant de l’amendement n° 379, la procédure proposée implique que les communes aient connaissance des numéros d’identification des animaux, ce qui, comme l’a expliqué le rapporteur, serait une source de complexité. Concernant l’amendement n° 378, il faut que nous rediscutions de votre proposition, car vous entendez transférer l’obligation d’identification du cédant au professionnel. Cela n’est pas anodin. Si je comprends votre objectif, je crois nécessaire de continuer à travailler sur cette question. Avis défavorable.

Mme Patricia Lemoine. Je les retire, compte tenu des explications qui m’ont été apportées.

Les amendements sont retirés.

Article 33 bis B (nouveau) (articles L. 256-2 et L. 256-2-1 du code rural et de la pêche maritime) : Rattachement des missions du groupement d’intérêt public « GIP Pulvés » à un autre organisme et modification de ses missions

La commission examine l’amendement n° 683 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le GIP Pulvés est un groupement d’intérêt public réunissant l’État et des organismes publics de recherche et de représentation des chambres d’agriculture. Il apporte son appui technique dans la définition et la mise en œuvre des procédures de contrôle et d’agrément des pulvérisateurs, ainsi que son expertise pour la recherche et la constatation des infractions aux prescriptions relatives aux pulvérisateurs. Il organise et assure la mise en œuvre de l’inspection périodique obligatoire des pulvérisateurs agricoles. Il instruit en outre les demandes d’agrément des organismes d’inspection en charge du contrôle des pulvérisateurs et les demandes d’agrément des centres de formation des inspecteurs. La convention constitutive du GIP prévoit que son activité doit cesser au plus tard en avril 2021. Il est proposé de simplifier et de fiabiliser le dispositif de contrôle des pulvérisateurs par une accréditation pour l’agrément des organismes d’inspection des pulvérisateurs et le rattachement des missions résiduelles de cette entité administrative à une structure préexistante, de taille plus significative. Cette modification importante conduit à une simplification du suivi du système de contrôle des pulvérisateurs.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis favorable. Ce GIP est un outil extrêmement utile qui a permis d’engager et de développer le contrôle des pulvérisateurs en France en réponse aux obligations, notamment européennes, définies il y a un peu plus d’une dizaine d’années. Ces propositions d’évolution et de simplification vont dans le bon sens.

La commission adopte l’amendement.

Article 33 bis (article L. 222-2 du code forestier) : Création d’un comité d’audit au sein de l’Office national des forêts (précédemment réservé)

La commission adopte l’article 33 bis sans modification.

Article 33 ter (nouveau) (article L. 211-3 du code de l’environnement) : Détermination par décret des volumes d’eaux prélevables dans certains bassins en déséquilibre significatif

La commission examine l’amendement n° 716 du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, ministre. Cet article a trait à la gestion de l’eau, qui fait l’objet d’un débat essentiel. Le conflit relatif à l’usage de l’eau est vieux comme le monde. Cette question complexe nécessite la concertation la plus approfondie possible et des mesures de simplification. Si une concertation trop longue peut entraîner un risque de blocage, elle n’en reste pas moins indispensable. C’est la ligne que nous défendons au sein du Gouvernement, notamment en lien avec la ministre Mme Barbara Pompili. La concertation a été permise notamment à la suite des nombreux travaux auxquels vous avez participé dans le cadre des Assises de l’eau, pour donner encore plus de poids aux projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Plusieurs dizaines de projets sont aujourd’hui en cours, dont une vingtaine ont atteint un stade avancé. Les modalités de la répartition des volumes prélevables dans les eaux de surface ou souterraines constituent toujours une pierre d’achoppement. Leur cadre juridique n’a jamais été précisé. Par cet amendement, le Gouvernement s’engage à ce que le décret déterminant ces modalités soit finalisé le plus rapidement possible, afin de faciliter les concertations.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est un sujet essentiel pour les agriculteurs. On connaît tous des agriculteurs qui se sont lancés dans des projets de retenue d’eau, d’irrigation, qui essaient de diversifier leurs cultures, mais qui s’embourbent dans les procédures administratives. Parfois, leurs démarches ne peuvent aboutir. On les empêche de procéder à la diversification de leurs cultures. Nous avons connaissance de blocages un peu partout. On m’a fait part aujourd’hui d’un cas édifiant. Un projet de création de vingt et une réserves de substitution à La Boutonne, en Charente-Maritime, a obtenu en 2018 une autorisation préfectorale, laquelle a fait l’objet d’un recours en février 2019. Un mémoire en réponse a été déposé en mai 2019, un mémoire de défense de la préfecture a été produit le 17 octobre, puis une communication a été faite au syndicat mixte des réserves de substitution (SYRES) de Charente-Maritime en décembre. Depuis, les intéressés n’ont reçu aucune nouvelle, alors que la sécheresse s’accentue. Tout laisse à penser que les agriculteurs ne pourront mener à bien leur projet. On recueille de nombreux témoignages similaires.

L’amendement du Gouvernement apporte, me semble-t-il, une première brique en traitant de la volumétrie, qui est l’un des deux sujets de préoccupation. J’ai toutefois le sentiment que ce n’est pas suffisant. Je connais, monsieur le ministre, votre engagement sur cette question. Devant la commission des affaires économiques, il y a quelques semaines, vous nous aviez fait part de votre préoccupation et de votre volonté d’avancer sur le dossier avec les agriculteurs. Une deuxième réponse, beaucoup plus large, est proposée par les députés de La République en marche, dont nous examinerons les amendements. Je recommande d’accepter la proposition du Gouvernement. Nous nous pencherons ensuite sur l’amendement de nos collègues. J’apporterai également une proposition pour tenter de remédier à ce problème. Cette question fera, en tout état de cause, l’objet de discussions et de travaux jusqu’à la séance publique ; on ne résoudra pas tout ce soir. Cela étant, on ne peut pas élaborer un projet de loi sur l’accélération et la simplification des procédures administratives en mettant de côté ces projets agricoles, qui sont souvent au point mort ; les agriculteurs ne le comprendraient pas. Avis favorable.

Mme Émilie Cariou. La sécheresse est en effet un problème majeur. Nous devons trouver les moyens d’irriguer les parcelles et de créer des réserves d’eau. Toutefois, nous n’avons absolument pas eu le temps d’examiner cet amendement qui paraît beaucoup trop large. En effet, il est proposé qu’« un décret détermine les modalités dans lesquelles les volumes prélevables dans les eaux de surface ou souterraines sont évalués dans certains bassins en déséquilibre quantitatif ». Des contentieux sont en cours. Il me semble qu’en adoptant l’amendement, on donnerait, encore une fois, un blanc-seing au Gouvernement sans avoir aucune vision des incidences de la mesure.

M. Philippe Bolo. On doit tenir compte, dans le calcul des volumes prélevables, de références hydrographiques qui sont construites sur la base de données statistiques provenant de séries anciennes, dont on sait aujourd’hui qu’elles sont perturbées par le changement climatique. Monsieur le ministre, ces séries seront-elles adaptées à l’évolution du climat ? Parfois, la capacité à prélever un volume d’eau dépend de la capacité de stockage. Est-il possible que les règles de calcul tiennent compte de la capacité de stockage ? On déplore, à l’heure actuelle, des étiages très sévères. L’agriculture doit pouvoir contribuer à alimenter les débits, actuellement très faibles, et à rehausser les étiages, en évitant notamment les assecs.

M. Nicolas Turquois. Je suis favorable à cet amendement qui permettra de définir des règles sur les débits prélevables. Toutefois, on constate sur le terrain que la principale difficulté, lors de la recherche d’un accord entre agriculteurs, consommateurs et associations de protection de l’environnement, réside dans le nombre excessif d’acteurs intervenant dans ce domaine : on a cité les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), il y a aussi les agences de l’eau, les syndicats de rivière, la direction départementale des territoires (DDT) ; il existe parfois un schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), et il peut arriver qu’on soit aux limites de deux départements ou de deux régions. On se retrouve souvent à quarante autour de la table pour parler d’une petite rivière. Si on pouvait diminuer le nombre de structures intervenant en la matière, cela simplifierait la gestion de l’eau dans notre pays. Il y a des enjeux de protection majeurs. Mme Cariou a soulevé une question légitime. La complexité empêche de prendre des décisions opérationnelles pour l’environnement, les agriculteurs et les consommateurs d’eau potable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je voudrais revenir sur le problème de la temporalité. Pour la détermination des références hydrographiques, on consulte habituellement des données statistiques portant sur les dix dernières années, alors que la sécheresse s’est récemment aggravée. Il me semble – mais je le vérifierai d’ici au débat en séance – que, dans le cadre des Assises de l’eau, un travail avait été engagé pour établir des séries statistiques sur quatre ans, au lieu d’une dizaine d’années, afin de mieux tenir compte des épisodes de sécheresse.

La gestion de la retenue d’eau de fleuve ou de rivière – qui est à distinguer de la petite retenue d’eau de pluie – doit tenir compte de l’étiage, ce qui renvoie aux projets de territoire pour la gestion de l’eau. Ma conviction est qu’il faut prendre en considération l’étiage et recourir à la concertation. L’eau est évidemment indispensable à nos agriculteurs. Cela étant, je le dis clairement, lorsqu’on effectue un prélèvement, cela a un impact à l’échelle du bassin versant, même si le cycle de l’eau est continu. Une partie de l’eau qu’on prélève dans le fleuve ou dans la rivière finit toujours dans la mer ou l’océan. C’est l’enjeu principal de la concertation, qui achoppe lors de la discussion sur le débit d’eau. Les modalités des retenues ne sont en effet pas suffisamment précisées. C’est pourquoi le Gouvernement propose de prendre ce décret. Si on arrive à le rédiger avant l’examen du projet de loi dans l’hémicycle, cela permettrait d’éclairer le débat et nous conduirait – dans l’hypothèse où vous l’adopteriez ce soir – à revenir sur le dispositif proposé.

M. Gabriel Serville. Nous reconnaissons tous que la question de l’accès à l’eau est fondamentale. Je ne puis que me réjouir des dispositions de l’amendement même si, comme l’a dit Mme Cariou, il arrive tardivement, au dernier moment. C’est une mesure qui me paraît essentielle. Cela étant, je voudrais rappeler la nécessité de penser à une autre région française, la Guyane, qui occupe la troisième ou la quatrième place dans le classement mondial du volume d’eau renouvelable disponible par habitant. Si la ressource en eau est largement disponible – nous sommes loin de la pénurie et du stress hydrique –, elle n’est absolument pas préservée. Je lance un nouvel appel en faveur de l’accélération de l’action publique dans le domaine de la protection des eaux de la Guyane. Je présenterai certainement un amendement en ce sens en séance publique, qui n’irait pas dans le sens de la simplification, mais concourrait à l’objectif d’accélération de l’action publique.

Mme Émilie Cariou. J’ai l’impression que l’amendement vise à purger des contentieux en cours. Notre groupe considère que la définition des méthodes de calcul des volumes d’eau relève de la loi et non du décret. Nous ne pouvons donc être favorables à l’amendement. Par ailleurs, la fin de l’exposé des motifs est assez éclairante : « En sécurisant à l’amont les autorisations de prélèvement, cet amendement est une alternative à l’amendement relatif à la restriction du droit de recours, qui ne respecte pas les obligations imposées par le droit européen ». Il y a là un problème juridique qui doit être expertisé. On ne peut pas donner un blanc-seing au Gouvernement comme cela. Légiférons de manière plus propre, éventuellement en vue de la séance.

M. Julien Denormandie, ministre. Les projets déposés en ce domaine font l’objet de nombreux recours contentieux – les amendements n° 410 et n° 717 ont d’ailleurs trait à ce sujet. Plus on précisera le cadre de la concertation au moyen de règles clairement définies, plus on évitera le risque de contentieux. L’objectif est de faciliter la conclusion d’un accord dans le cadre de la concertation. Le contentieux relatif aux retenues d’eau est particulièrement prononcé – et peut parfois conduire à des drames humains – au moment de la définition du projet ; il y a beaucoup moins de contestations dans le cadre de la gestion de la retenue. La concertation en amont est donc essentielle. Nous voulons favoriser la concertation plutôt que restreindre les recours. Je pense que cela rejoint votre point de vue, madame la députée.

La commission adopte l’amendement.

Article 33 quater (nouveau) (article L. 214-10 du code de l’environnement) : Modification des conditions de recours contre les décisions relatives aux projets d’ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation

La commission en vient à la discussion commune des amendements n° 410 de Mme Danielle Brulebois et n° 717 du rapporteur.

M. Pierre Venteau. On vient d’évoquer la répartition des volumes, qui constitue la première brique. Une deuxième brique est la limitation des recours contentieux engagés contre des travaux et des ouvrages dès lors qu’ils sont issus d’une concertation ou qu’ils apportent toutes les garanties sur le plan environnemental. L’objet de l’amendement est de faire évoluer le code de l’environnement sur ce sujet.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous êtes nombreux à soutenir l’amendement n° 410. Je partage totalement cette préoccupation pour le monde agricole. Vous abordez ici les conditions de mise en œuvre des recours contentieux. Je remercie le ministre d’avoir proposé de présenter le projet de décret d’ici à la séance publique, ce qui nous rassurerait. S’agissant de l’encadrement des recours, pour lequel le Gouvernement n’a pas fait de propositions, je vous soumets une autre rédaction. Je vous propose de voter l’amendement n° 717, même s’il faudra continuer à y travailler d’ici à la séance. Cela nous permettra d’écouter les différents acteurs, d’engager une concertation et d’améliorer la rédaction en séance publique. Il s’agit d’apporter des solutions aux deux difficultés évoquées, pour avancer sur la question de l’irrigation ; ces progrès sont très attendus sur le terrain. Je vous demande de retirer l’amendement n° 410 au profit de l’amendement n° 717.

M. Julien Denormandie, ministre. Je ne suis pas du tout favorable à l’amendement n° 410 car il limiterait considérablement le droit de recours. Si on veut avancer sur le sujet, il faut le faire dans le cadre de la concertation. Le recours demeure une possibilité lorsque la concertation n’a pas débouché sur un accord. Aux termes de l’amendement n° 410, « Les tiers, personnes physiques ou morales, les communes ou leurs groupements ne sont recevables à former un recours pour excès de pouvoir contre les décisions prises en application des articles L. 214‑1 à L. 214‑6 et L. 214‑8 que si les installations, ouvrages, travaux ou activités sont de nature à affecter de manière grave et irréversible les intérêts mentionnés à l’article L. 211‑1 du code de l’environnement. » Autrement dit, la possibilité d’introduire un recours est liée à la qualification de l’impact environnemental du projet. Cela constituerait, à mes yeux, une entrave au droit de recours et ne répondrait pas à la nécessité d’améliorer la concertation et d’accroître la confiance, notamment par une plus grande rapidité.

Le rapporteur s’efforce de trouver une autre solution, en privilégiant la rapidité du recours. Son amendement vise à ce que le Conseil d’État soit compétent en premier et dernier ressort. J’ai un avis de sagesse sur sa proposition, à la condition qu’on s’engage à y retravailler d’ici à la séance. En tant que ministre de l’agriculture, je ne peux qu’être favorable à l’accélération des procédures, mais je dois en parler avec mes collègues du Gouvernement.

M. Pierre Venteau. Dès lors que la solution proposée par l’amendement n° 717 conduit à renforcer la sécurisation des parcours et à les encadrer dans le temps, en offrant ainsi une parfaite visibilité aux porteurs de projets, je retire l’amendement n° 410.

L’amendement n° 410 est retiré.

La commission adopte l’amendement n° 717.

Article 33 quinquies (nouveau) (article L. 434-5 du code de l’environnement) : Dématérialisation et centralisation des cotisations de pêche des pêcheurs de loisir

La commission est saisie de l’amendement n° 556 de Mme Annaïg Le Meur.

Mme Annaïg Le Meur. Cet amendement concerne les cotisations perçues par la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique. En 2006, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques permettait de garantir qu’une partie des adhésions des pêcheurs perçues au niveau départemental remonte au niveau national. Aujourd’hui, l’adhésion en ligne et le paiement direct des cotisations dues par les pêcheurs sur le compte cartedepeche.fr, géré par la fédération nationale, se généralisent.

Dans ce cas, le versement d’une cotisation par les fédérations départementales à la fédération nationale est remplacé par une ponction par cette dernière de la part correspondante, avant reversement aux fédérations du reste des cotisations. Il est donc nécessaire d’adapter la loi, afin de généraliser la simplification que représentent l’adhésion et le paiement direct en ligne pour les pratiquants de la pêche de loisir.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous remercie, madame Le Meur, pour cette mesure de simplification qui sera utile à de nombreuses personnes. Je suis entièrement favorable à l’adhésion en ligne et au paiement direct des cotisations dues par les pêcheurs.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis favorable, pour les mêmes raisons. L’amendement conduit à une vraie simplification pour les pêcheurs.

La commission adopte l’amendement.

Article 33 sexies (nouveau) (article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Suppression de la limite de superficie des cessions foncières gratuites de l’État aux collectivités territoriales et à leurs groupements en Guyane

La commission est saisie de l’amendement n° 176 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. En Guyane, plus de 95 % du foncier appartient à l’État et le reste aux personnes privées et aux collectivités, de loin les plus démunies, qui peinent à implanter des infrastructures publiques et à établir toute planification urbanistique sur leur territoire. Pour le moindre projet, il faut quémander une autorisation aux autorités déconcentrées.

Quant au développement agraire de la Guyane, il est ramené à la portion congrue compte tenu des difficultés d’accès au foncier que rencontrent les agriculteurs. Cette situation, dénoncée comme un fait colonial, n’a que trop duré.

L’État s’était engagé dans le cadre des accords du 21 avril 2017 à rétrocéder aux collectivités 250 000 hectares de foncier à titre gratuit. La rétrocession foncière est une revendication unanime des Guyanais. Il faut travailler à poursuivre ce type d’opérations.

Un obstacle d’ordre législatif demeure cependant : le code général de la propriété des personnes publiques fixe une limite de surface à ces cessions à titre gratuit. Le présent amendement le supprime pour rendre les cessions possibles. Son adoption permettra au Gouvernement d’honorer une promesse chère aux Guyanais. En ce sens, chers collègues, je vous demande de bien vouloir voter l’amendement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends l’intention de votre amendement et j’y suis entièrement favorable. Je connais votre attachement et votre engagement sur l’accord de Guyane, sujet sur lequel je laisse le Gouvernement s’exprimer.

M. Julien Denormandie, ministre. L’amendement est très important pour la Guyane. En tant que ministre du logement, j’ai eu l’occasion de participer à ces cessions à titre gratuit, notamment dans le cadre des établissements publics fonciers que vous connaissez bien. Une limite quantitative s’applique aujourd’hui. Je souscris pleinement à sa suppression, afin que l’État puisse mener à bien les cessions à titre gratuit de terrains au profit des collectivités locales. C’est pourquoi je lève le gage et j’émets un avis favorable à l’amendement.

M. Gabriel Serville. Je vous remercie d’avoir levé le gage sur une question aussi importante pour le territoire guyanais. J’ai cosigné l’amendement de M. Lénaïck Adam, montrant que, par-delà nos divergences politiques, nous sommes capables, lorsque l’intérêt supérieur du territoire est en jeu, de nous mettre d’accord pour trouver des solutions acceptées par le plus grand nombre.

La Guyane est la seule région de France à être entièrement dépossédée de son foncier car, après les lois de décentralisation, celui-ci n’a pas été rétrocédé aux communes, avec de tels micmacs juridiques que l’on ne sait même plus si l’État est réellement possesseur du foncier.

Il serait temps d’aller au-delà de la décision qui sera prise ce soir pour poser la question du foncier et de sa gestion sur le sol guyanais, et ne pas attendre d’autres manifestations de rue pour contraindre le Gouvernement à prendre des dispositions de bon sens. Monsieur le ministre, j’espère que nous aurons l’occasion de nous retrouver pour approfondir cette question et voir comment la raison et l’intelligence pourraient prévaloir dans une telle circonstance. Je vous en remercie par avance.

M. le président Bruno Duvergé. Je soutiens les propos de nos deux collègues de Guyane, un département auquel je suis très attaché et où beaucoup reste à faire. Ce territoire le mérite.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 33 bis

La commission examine l’amendement n° 522 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo. Le label Alim’Confiance attribue à des établissements de commerce alimentaire un smiley plus ou moins souriant selon le respect des normes sanitaires. Les contrôles sanitaires sont aujourd’hui réalisés par les services vétérinaires alors que nous disposons d’un ensemble de laboratoires agréés par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation qui peuvent effectuer des contrôles auprès d’industries agroalimentaires.

L’amendement vise à confier la réalisation des contrôles pour accéder au label Alim’Confiance à ces laboratoires agréés, ce qui permettrait aux vétérinaires de se concentrer sur d’autres tâches. Il s’agira donc bien d’une simplification et d’une accélération pour cette profession.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, du 30 octobre 2018 a réformé le label Alim’Confiance. L’ordonnance a été publiée un an plus tard.

Le dispositif est donc récent. Je souhaiterais que le Gouvernement transmette des éléments sur l’étendue des contrôles réalisés. Avant de confier au privé des responsabilités suppléant l’action publique, il faut des éléments chiffrés.

Ces dispositions semblant un peu prématurées au vu du caractère récent des nouvelles modalités de contrôle, je vous invite à retirer votre amendement pour en apprendre davantage d’ici à la séance. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je comprends lobjectif de cet amendement qui vise à accroître le champ des personnes habilitées à réaliser les contrôles, en y intégrant les laboratoires agréés. Les conditions de la délégation des contrôles à des tiers sont toutefois encadrées par la réglementation européenne. À ce titre, l’article L. 231-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit la liste des personnes habilitées à les réaliser. Or l’habilitation ne peut pas être accordée à une structure.

Je vous propose donc, monsieur le député, de retirer l’amendement afin de confirmer l’analyse juridique, quitte à en reparler dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

7.   Réunion du jeudi 17 septembre 2020 à 9 heures 30

Article 34 bis A : Limitation de la durée de validité de la carte Vitale à la durée de la validité des droits

La commission est saisie des amendements identiques de suppression n° 675 du rapporteur et n° 143 de Mme Cécile Untermaier.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 34 bis A introduit au Sénat tend à préciser que la carte Vitale est valable, non plus tout au long de la vie de son titulaire, mais durant la validité de ses droits. Or cette modification est inutile car le code de la sécurité sociale dispose déjà que la carte est valable sous réserve que son titulaire bénéficie de prestations au titre d’un régime d’assurance maladie et qu’aient été effectuées les mises à jour concernant un changement de régime ou les conditions de prise en charge. L’amendement n° 675 vise donc à supprimer l’article 34 bis A.

Mme Josette Manin. L’amendement n° 143 a le même objet. L’article 34 bis A, introduit au Sénat, est présenté comme une modalité de la lutte contre la fraude sociale. Or cette disposition n’est d’aucune utilité puisque la carte Vitale ne peut, de fait, être utilisée que si elle est régulièrement mise à jour des droits et conditions de prise en charge du porteur. En outre, en imposant le renouvellement de la carte Vitale, on créerait une charge nouvelle pour les usagers et les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM).

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 34 bis A est supprimé.

Article 34 bis BA (nouveau) (article L. 1111-8-1 du code de la santé publique) : Utilisation du numéro de sécurité sociale par les services de santé au travail

La commission examine l’amendement n° 422 de Mme Danielle Brulebois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je reprends cet amendement qui a pour objet d’autoriser les services de santé au travail à utiliser le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes, plus communément appelé numéro de sécurité sociale. À ce jour, ces services n’ont que le droit de le stocker alors qu’ils devraient pouvoir l’utiliser pour avoir une connaissance complète de la santé du salarié auquel ils ont affaire. Je précise qu’un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) doit bien évidemment intervenir pour fixer le cadre de cette autorisation.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est une mesure de bon sens. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 34 bis B (article L. 1111-23 du code de la santé publique) : Possibilité de création automatique de dossiers pharmaceutiques, sauf opposition du patient

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 320 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 34 bis B ainsi modifié.

Article 34 bis C (article L. 1111-23 du code de la santé publique) : Obligation d’alimentation du dossier pharmaceutique dans les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé et médico-sociaux

La commission est saisie de l’amendement n° 546 de Mme Christine Hennion.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. S’il convient de permettre au dossier pharmaceutique d’être alimenté par les prescriptions dispensées aux patients au cours de leur hospitalisation, il paraît prématuré de rendre cette alimentation obligatoire, compte tenu du développement actuel des systèmes d’information. Cet amendement apporte un peu de souplesse.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Favorable à la suppression de l’obligation pour les pharmacies d’alimenter le dossier pharmaceutique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

Mme Laure de La Raudière. Permettez-moi d’être un peu taquine, mais je remarque que l’exposé sommaire commence par les mots : « Le Gouvernement partage l’objectif… » On peut se demander s’il s’agit d’un amendement de Mme Hennion ou d’un amendement du Gouvernement.

M. Vincent Thiébaut. Peut-être se voyait-elle déjà ministre… (Rires.)

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel n° 322 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement n° 676 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il s’agit de fixer la date butoir du 31 décembre 2024 pour la date d’entrée en vigueur de l’article.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 34 bis C ainsi modifié.

Article 34 bis DA (nouveau) (article L. 5126-1 du code de la santé publique) : Renouvellement et adaptation des prescriptions dans les pharmacies à usage intérieur

La commission est saisie de l’amendement n° 415 de Mme Danielle Brulebois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je reprends cet amendement sur lequel je m’apprêtais à donner un avis favorable. Il vise à pérenniser la possibilité offerte pendant la crise sanitaire aux pharmaciens des pharmacies à usage intérieur (PUI) des établissements de santé de renouveler les traitements chroniques. Confier cette mission à ces pharmaciens serait un facteur d’amélioration de la pertinence des prescriptions et de la sécurisation du circuit des médicaments au sein des établissements de soins, en incluant la pharmaco et la médico-économie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable. Les pharmaciens, qu’ils exercent dans une PUI ou dans une officine, ont été formés à cette fin.

Mme Laure de La Raudière. Nous avons débattu de cette question hier à propos des pharmacies d’officine. Il est dommage que les deux types de pharmacie ne soient pas soumis aux mêmes règles en la matière. Cela étant, nous voterons cet amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le pharmacien d’officine a déjà la possibilité d’adapter les traitements.

La commission adopte l’amendement.

Article 34 bis D (articles L. 6211-8 et L. 6211-9 du code de la santé publique) : Faciliter la possibilité pour les biologistes médicaux de s’écarter de la prescription

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 326 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 34 bis D ainsi modifié.

Article 34 bis E : Modification des règles sur la détention du capital de laboratoires de biologie médicale

La commission est saisie de l’amendement n° 544 de Mme Sereine Mauborgne.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. L’article 34 bis E introduit par le Sénat a pour objet d’autoriser les médecins anatomopathologistes à entrer au capital des laboratoires de biologie médicale. Or il nous paraît préférable de confier à la concertation avec les professionnels concernés le soin de définir un équilibre entre les disciplines au sein du capital des laboratoires. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. Le Gouvernement n’était pas opposé par principe à cette disposition, mais elle lui paraît un peu prématurée car il souhaite que la concertation soit menée à son terme.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 34 bis E est supprimé.

Article 34 bis F : Assouplissement du calendrier d’accréditation des laboratoires de biologie médicale

La commission est saisie de l’amendement n° 677 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 34 bis F est issu d’un amendement adopté en mars 2020. Or des dispositions similaires ont été adoptées depuis, avec l’article 23 de la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire. Il convient donc de supprimer cette disposition, devenue inutile.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis évidemment favorable. C’est une question de légistique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 34 bis F est supprimé.

Après l’article 34 bis F

La commission examine l’amendement n° 518 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Bolo. Trois millions d’enfants sont concernés par les 70 000 pathologies génétiques recensées à ce jour et le nombre des diagnostics est en augmentation. Or on manque, dans les structures hospitalières, de conseillers génétiques, lesquels sont chargés d’accompagner les familles, d’établir les diagnostics et de contribuer au traitement des patients concernés.

Cet amendement vise donc à offrir la possibilité aux docteurs en sciences spécialisés en génétique de devenir des référents compétents en appui des effectifs existants, qui sont en nombre insuffisant. Ils ont les compétences nécessaires, puisqu’ils sont spécialisés en génétique humaine, en génétique moléculaire et en génomique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les praticiens qui peuvent réaliser les examens du diagnostic prénatal ou préimplantatoire doivent remplir des conditions de qualification et d’expérience très strictes : ainsi, pour réaliser des examens de diagnostic prénatal, il faut être biologiste médical, posséder un diplôme universitaire dans les spécialités relatives au diagnostic prénatal et justifier d’une expérience importance, ce qui suppose d’avoir un diplôme d’études spécialisées en biologie médicale ou une expérience de la réalisation d’un examen de biologie. Le diplôme d’études spécialisées en génétique ne me semble donc pas suffisant. Aussi vous demanderai-je de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Demande de retrait, ou avis défavorable, pour les mêmes motifs que ceux exprimés par M. le rapporteur.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Nous sommes d’accord sur le principe, mais la demande est importante et nous manquons de médecins. De deux choses l’une : ou bien on laisse les listes d’attente s’allonger, comme c’est le cas actuellement, ou bien on permet aux généticiens d’intervenir en appui des médecins ou des biologistes dotés des compétences et de l’expérience requises et sous leur responsabilité. Cet amendement me paraît donc intelligent.

M. Philippe Bolo. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous paraît-il possible de modifier l’amendement d’ici à la séance publique afin qu’il soit acceptable ?

M. Guillaume Kasbarian rapporteur. Je comprends votre objectif ; je n’y suis pas opposé par principe. Nous pouvons donc éventuellement travailler ensemble, d’ici à la séance publique, à une nouvelle rédaction mais, à ce stade, je ne peux vous donner aucune garantie.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Nous pourrions éventuellement modifier l’amendement en précisant que les généticiens travailleront sous la responsabilité des conseillers génétiques.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cette question relève d’une expertise médicale que je ne possède pas ; je demanderai au ministère de la santé d’étudier la question avec vous, mais je ne peux pas vous donner de garanties. Je comprends l’enjeu : la demande est forte, et personne ne peut être satisfait de voir s’allonger les listes d’attente. Mais il importe de préserver la qualité du diagnostic. Il faut trouver la juste pondération.

M. Philippe Bolo. Je retire l’amendement et je demanderai à M. Berta de prendre contact avec vous.

L’amendement est retiré.

Article 34 bis (article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale) : Expérimentations dérogatoires à l’organisation et au financement du système de soins

La commission adopte l’article 34 bis sans modification.

Article 35 : Protocoles de coopération entre professionnels de santé

La commission adopte l’article 35 sans modification.

Article 35 bis A (nouveau) (articles L. 4011-4 et L. 4011-5 du code de la santé publique) : Simplification des dispositions relatives aux protocoles de coopération entre professionnels de santé

M. le président Bruno Duvergé. L’amendement n° 99 de Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe n’est pas défendu. En conséquence, le sous-amendement n° 715 qui s’y rapporte est sans objet.

Mme Laure de La Raudière. C’est dommage… C’est un réel problème, et même proprement hallucinant.

La commission est saisie de l’amendement n° 636 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Afin de répondre à une forte attente des professionnels de santé qui, au sein des établissements de santé publics et privés, souhaitent s’engager dans une démarche de coopération, nous vous proposons, par cet amendement, de concrétiser la mesure n° 9 du plan « Investir pour l’hôpital ».

Il s’agit de prendre en compte les initiatives de terrain en laissant les acteurs de santé définir le champ des coopérations interprofessionnelles qu’ils souhaitent instaurer. Le Gouvernement fait ainsi le choix de faire confiance aux équipes qui pourront directement mettre en place leurs protocoles de coopération après validation interne par les commissions compétentes et une simple déclaration à l’agence régionale de santé (ARS). La mise en œuvre de tels protocoles doit contribuer à libérer du temps médical et à reconnaître l’implication des personnels paramédicaux dans ces activités, lesquels se verront attribuer une prime spécifique à ce titre. La sécurité des patients sera garantie par le respect des exigences essentielles qui ont déjà été définies par décret pour les protocoles nationaux ; la Haute Autorité de santé (HAS) évaluera a posteriori le bien-fondé de ces protocoles.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Favorable : cet amendement permettra d’accélérer le déploiement des protocoles de coopération.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 35

La commission examine l’amendement n° 497 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Il s’agit d’un amendement d’appel qui, je vous prie de m’en excuser, a été rédigé avec les pieds… Pour que les téléconsultations soient remboursées, il faut qu’un des médecins membres de la communauté professionnelle territoriale de santé ait déclaré pratiquer la télémédecine. Or, dans les territoires souffrant de désertification médicale – en Eure-et-Loir, par exemple –, cette pratique n’intéresse pas les médecins : leur patientèle est déjà si nombreuse qu’ils n’ont aucune envie d’exercer une activité supplémentaire avec des consultations en ligne. Je souhaiterais donc supprimer cette obligation, dont on s’est du reste affranchi durant la crise sanitaire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Madame de La Raudière, je partage votre volonté d’encourager la télémédecine, en particulier dans le département de l’Eure-et-Loir qui est l’un des moins bien dotés en médecins, et de supprimer tous les obstacles à son développement. Toutefois, vous faites référence à des « mesures dérogatoires » sans préciser les règles auxquelles il faudrait déroger. Je vous propose donc de travailler avec vous afin d’identifier précisément les blocages qu’il convient de supprimer pour simplifier l’accès à la télémédecine, au bénéfice de nos concitoyens et des professionnels de santé.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous partageons votre objectif de développer la télémédecine. Le Gouvernement a décidé de maintenir au moins jusqu’au 30 octobre prochain les dérogations décidées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ; les actes sont pris en charge à 100 %. Ce faisant, il envoie un signal clair.

Cette ambition en matière de déploiement de la télémédecine a été reprise dans les conclusions du Ségur de la santé. Ce qui est déjà possible à titre expérimental sera ainsi renforcé dans le cadre des négociations conventionnelles à venir. L’objectif est d’étendre l’accès à la télémédecine, d’abord en assouplissant la condition liée à la connaissance préalable du patient par le médecin, ensuite en permettant, sous certaines conditions, que les téléconsultations aient lieu en dehors des règles actuelles du parcours de soins coordonné. Ces assouplissements ont vocation à bénéficier aux patients résidant en zones sous-denses.

Votre amendement sera donc satisfait dans le cadre de la convention qui est en cours de négociation. Nous avons la chance d’avoir pu développer – certes, sous la contrainte – les téléconsultations, dont le volume demeure très important depuis la fin du confinement. Nous voulons à présent transformer l’essai en adoptant les mesures qui s’imposent.

Mme Laure de La Raudière. Je le reconnais, monsieur le rapporteur : cet amendement a été rédigé avec les pieds… De fait, dans ce domaine, toutes les normes sont de nature réglementaire ; elles ne peuvent donc pas être modifiées par amendement.

Je vais retirer mon amendement, mais je serai très vigilante. Depuis plusieurs années, je souhaite que l’on avance dans ce domaine : hélas, les gouvernements reculent face au blocage des médecins. Mais j’ai confiance dans ce gouvernement et je suis certaine qu’il ira jusqu’au bout.

L’amendement est retiré.

Article 35 bis (articles 45 et 50 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, articles L. 1111-14, L. 1111-15, L. 1111-17, L. 1111-18 et L. 1112-1 du code de la santé publique et articles 6 et 46 de l’ordonnance n° 2020 232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique) : Renforcement de l’articulation entre espace numérique de santé et dossier médical partagé et élargissement du champ des personnes pouvant avoir accès au dossier médical partagé

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 341 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement n° 678 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Amendement de coordination avec l’ordonnance du 11 mars 2020.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement n° 679 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Amendement de mise en cohérence des règles relatives au dossier médical partagé (DMP) avec celles relatives à l’espace numérique de santé.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 521 de M. Cyrille Isaac-Sibille et n° 545 de Mme Sereine Mauborgne.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Permettez-moi de vous présenter sommairement les amendements que j’ai déposés sur l’article 35 bis. Le Gouvernement a pour objectif d’améliorer la coordination des soins. Le DMP est le principal outil de cette coordination. Il doit donc être ouvert, alimenté et utilisé. Depuis deux ou trois ans, la Caisse nationale d’assurance maladie encourage son ouverture, si bien qu’on compte actuellement environ 10 millions de DMP ouverts. Encore faut-il qu’ils soient alimentés et utilisés. Ces amendements visent donc à faciliter leur alimentation et leur utilisation.

Mon amendement n° 521 tend ainsi à imposer aux professionnels de santé d’alimenter le DMP. Nous proposerons ensuite qu’ils puissent y accéder en un seul clic, car ils ne disposent pas toujours du temps actuellement nécessaire – cinq à dix minutes – pour le faire.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Le Ségur de la santé a provisionné des crédits importants destinés à inciter les industriels et les professionnels intervenant dans le système de santé à faire évoluer leurs outils numériques pour tendre vers une meilleure interopérabilité et une meilleure sécurité, et fluidifier les échanges. Outre ces mesures incitatives, il est nécessaire de clarifier la rédaction des textes actuels et de rappeler l’obligation incombant aux professionnels qui participent à la prise en charge des patients d’alimenter le dossier médical partagé. Tel est l’objet de l’amendement n° 545.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable. Ces amendements permettent véritablement de développer l’utilisation du dossier médical partagé. Je tiens à saluer à cet égard le travail de M. Isaac-Sibille et de Mme Mauborgne.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable. Le DMP doit structurer les données relatives au patient, dont la protection est assurée par toutes les mesures de sécurité nécessaires.

Mme Frédérique Tuffnell. Le DMP est sujet à controverse car ses données sont rassemblées dans un hub hébergé sur les serveurs de Microsoft, entreprise qui, de par sa nationalité, est soumise à la réglementation américaine – un référé-liberté a du reste été déposé devant le Conseil d’État, en vain. J’aimerais avoir des précisions sur ce point.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il y a une confusion : ce n’est pas le DMP mais le Health data hub qui est stocké sur un serveur de Microsoft. Des mesures de sécurité ont bien entendu été prises, mais votre remarque permet de souligner l’enjeu que représente la construction d’un cloud européen souverain, construction qui nous occupe beaucoup, MM. les ministres Cédric O, Bruno Le Maire et moi-même.

La commission adopte les amendements.

Elle examine l’amendement n° 239 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Dès lors qu’on oblige les professionnels de santé à alimenter le DMP, il faut leur en simplifier l’accès. Par cet amendement, certes déclaratif, nous proposons donc d’imposer aux éditeurs de leur fournir des logiciels accessibles en un seul clic. Actuellement – nous en discuterons lors de l’examen du PLFSS –, les professionnels les choisissent eux-mêmes, si bien que les hôpitaux, par exemple, y compris au sein d’un même groupement hospitalier de territoire, se sont parfois équipés de logiciels incompatibles !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je perçois cet amendement comme un amendement d’appel. Vous y énoncez en effet le principe selon lequel « le dossier médical partagé doit être simple d’utilisation », mais cela n’a aucune portée normative. C’est pourquoi, si je comprends votre volonté de supprimer les obstacles que vous avez constatés sur le terrain, je vous suggère de retirer votre amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. J’y vois, moi aussi, un amendement d’appel. On a suffisamment déploré le temps médical consommé par les tâches administratives et le défaut d’interopérabilité des systèmes d’information médicaux pour que notre objectif, au plan opérationnel, soit de simplifier le plus possible l’alimentation du DMP et d’adapter celui-ci à l’usager. Hélas, il ne suffit pas, pour y parvenir, de l’écrire dans un projet de loi ; cela requiert un travail d’exécution auquel nous allons consacrer beaucoup d’énergie.

J’ajoute que les éditeurs de logiciels ne sont pas les seuls responsables. Une conduite du changement et un accompagnement sont nécessaires. Je sais, pour y avoir travaillé au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), combien il est difficile de construire un DMP parfaitement plug and play

M. Cyrille Isaac-Sibille. J’entends vos remarques, et je peux y souscrire. Mais il me paraît difficile d’obliger les professionnels de santé à alimenter le DMP sans imposer simultanément une simplification du dispositif. Il faut respecter le parallélisme des formes.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais encore faudrait-il définir les critères d’une utilisation simple. Par exemple, lorsque nous avons examiné, au titre III, les procédures administratives applicables à l’industrie, nous ne nous sommes pas contentés d’inscrire dans la loi : « Créer une usine doit être simple » ; nous avons examiné chacune d’entre elles pour déterminer les simplifications ou les dérogations nécessaires. En l’espèce, l’expression « simple d’utilisation » est trop générale pour avoir une portée normative. Mais, encore une fois, je ne remets pas en cause votre objectif.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Et si nous ajoutions : « en un clic » ? C’est concret !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cette rédaction ne me paraît pas non plus satisfaisante : il est rare que l’on puisse accéder à un logiciel en un seul clic… Il en faut souvent au moins trois ou quatre. Je vous suggère donc de retirer l’amendement afin que nous y retravaillions d’ici à la séance publique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Pour m’être arraché les cheveux en voulant simplement rassembler l’ensemble des logiciels de l’AP-HP dans une seule plateforme, je peux vous assurer qu’un seul clic ne suffira pas. Nous n’avons pas non plus l’intention de bloquer l’alimentation du DMP. Le Gouvernement peut s’engager, dans le cadre du travail sur les textes réglementaires, à prendre des dispositions en vue de la simplifier et de l’accélérer ; mais il serait dangereux d’organiser par la loi l’architecture des systèmes d’information : même au niveau du cahier des charges, nous n’y parvenons pas – je le sais d’expérience.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je maintiens l’amendement car dès lors qu’une obligation est posée, il faut un parallélisme. J’y retravaillerai cependant d’ici à la séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel n° 660 du rapporteur.

Puis elle adopte l’amendement de précision juridique n° 680 du rapporteur.

Elle en vient aux amendements n° 520 et n° 519 de M. Cyrille IsaacSibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Les données de santé ont de multiples origines et nous essayons d’améliorer la coordination entre toutes les médecines. Or on oublie encore trop souvent la protection maternelle et infantile (PMI), la médecine scolaire ou la médecine du travail qui, elles aussi, produisent des données numériques de santé ; malheureusement, les autres professionnels de santé n’y ont pas accès parce qu’elles n’ont pas été versées dans le DMP. Ainsi, les enfants peuvent, dans un premier temps, être examinés par un médecin de la PMI ; mais quand ils sont scolarisés, les médecins scolaires n’ont pas accès aux informations de santé produites par la consultation en PMI, ce qui les oblige à s’adresser à la PMI pour en savoir davantage.

Nous souhaitons, par ces amendements, permettre aux professionnels de la PMI, de la médecine scolaire et de la médecine du travail, de verser au DMP les données de santé, au même titre que les professionnels de santé hospitaliers ou de ville.

Je l’ai rappelé dans mon rapport, les systèmes d’information sont nombreux et parfois très coûteux. La médecine scolaire utilise le système Esculape, tout comme la PMI. Chaque département dispose de son propre système d’information, puisque cela relève de son champ de compétence. Je comprends qu’il soit compliqué de les rendre interopérables, mais nous devrons tout de même faire en sorte qu’ils le deviennent. Pour l’heure, nous vous proposons simplement que le DMP soit alimenté par toutes les données de santé, y compris celles provenant de la PMI, de la médecine scolaire ou de la médecine du travail. L’amendement n° 520 vise à permettre à la médecine des services de protection maternelle (PMI) et infantile d’accéder au dossier médical partagé, et l’amendement n° 519 à autoriser la médecine du travail à accéder et à alimenter le dossier médical partagé.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à l’excellent amendement n° 520 qui vise à mieux coordonner les suivis médicaux des femmes et des enfants appartenant à des catégories de public fragile et souvent suivis en PMI.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Sur le principe, nous sommes d’accord pour favoriser l’alimentation du DMP. Dans le détail, les avis que je rendrai aux amendements dépendront de l’avancée des discussions que nous menons avec chacune de ces professions, en particulier au sujet du recueil du consentement du patient ou du représentant légal dans le cas de la médecine scolaire.

Je suis ainsi favorable à l’amendement n° 520 mais pas à l’amendement n° 519, que je vous invite à retirer : nous menons une négociation interprofessionnelle sur le recueil de l’accord du travailleur pour accéder à son dossier et les garde-fous à prévoir. Elle devrait aboutir d’ici à la fin de l’année et vous pourrez vérifier que les conclusions sont bien mises en œuvre.

J’en profite pour vous répondre dès à présent pour ce qui est de la médecine scolaire, objet de votre prochain amendement n° 526. Les discussions engagées entre la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la santé pour autoriser le versement d’une synthèse médicale par le médecin scolaire au DMP et déterminer les modalités de recueil du consentement des responsables légaux de l’enfant sont moins avancées. Nous souhaitons favoriser l’alimentation du DMP mais nous attendons la conclusion des discussions. Là encore, je vous invite à retirer votre amendement, sinon j’y serai défavorable.

La commission adopte l’amendement n° 520.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement n° 519.

Puis elle adopte l’article 35 bis ainsi modifié.

Après l’article 35 bis

La commission en vient à l’amendement n° 526 de M. Cyrille IsaacSibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Compte tenu du travail accompli par Mme Charlotte Lecocq sur la médecine du travail et de la réponse de Mme la ministre, je le retire.

L’amendement n° 526 est retiré.

La réunion, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente.

Article 36 : Demande d’habilitation pour favoriser le développement des services aux familles et de l’aide à la parentalité

La commission est saisie des amendements identiques n° 637 du Gouvernement, n° 43 de Mme Laure de La Raudière,  60 de Mme Patricia Lemoine et n° 549 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le président, mesdames, messieurs, merci de m’accueillir dans votre commission. Je tenais à vous présenter moi-même ce matin l’amendement du Gouvernement, identique à plusieurs autres que vous avez vous-même déposés. Je tenais à vous en remercier, ainsi que le rapporteur, M. Guillaume Kasbarian, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, mais aussi tous les groupes qui ont pris conscience de l’importance de ce sujet pour le secteur de la petite enfance.

Cet amendement, très attendu par l’ensemble des acteurs dans l’intérêt des enfants, des parents et des professionnels, tend à rétablir la rédaction initiale de l’article 36 pour autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure destinée à simplifier et à mettre en cohérence des normes relatives à la petite enfance.

Le rétablissement de cet article est primordial, en particulier dans le contexte actuel. Les structures d’accueil du jeune enfant jouent un rôle essentiel dans le développement des enfants et dans la lutte pour l’égalité des chances. La crise sanitaire a éclairé d’une lumière nouvelle les enjeux de la politique d’accueil du jeune enfant et ces structures ont été en première ligne pour accueillir les enfants des personnels hospitaliers dès le début du confinement. La crise ne les a pas épargnées et le choc économique ralentira encore les projets de création de crèches alors qu’elles sont déjà insuffisamment nombreuses et de surcroît inégalement réparties dans tout le territoire, du fait d’une réglementation parfois incohérente, éclatée et trop complexe.

Nous devons faire mieux, pour les professionnels, pour les parents, pour les enfants. Le ministère des solidarités et de la santé y travaille depuis des mois, sous l’autorité, à l’époque, de Mme Christelle Dubos, dont je salue l’engagement, en concertation avec tous les acteurs du secteur, pour améliorer le dispositif dans l’intérêt de tous. Le dialogue a été plus long que prévu mais ce temps était nécessaire pour aborder tous les aspects d’un sujet essentiel. Le délai pour légiférer par ordonnance dans ce domaine, accordé au Gouvernement par l’article 50 de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi « ESSOC », a été dépassé mais l’urgence est toujours aussi aiguë. Nous devons sécuriser les conditions de travail de tous les professionnels des structures collectives mais aussi des assistantes maternelles pour prendre soin des enfants, en particulier des plus fragiles. Nous devons les protéger, par exemple en nous assurant mieux aujourd’hui que nous ne l’avons fait par le passé, de l’absence d’antécédents judiciaires des professionnels en contact avec les enfants. Ce sujet, auquel je tiens particulièrement, est au cœur de travaux menés en parallèle.

Ces mesures sont très attendues par l’ensemble du secteur et le travail a bien avancé.

Enfin, il me semble normal que les députés soient informés régulièrement ; aussi vous proposerai-je de travailler ensemble, d’ici à la séance publique, à la rédaction d’un amendement par lequel le Gouvernement s’engagerait à rendre compte au Parlement des conditions dans lesquelles les professionnels du secteur de la petite enfance ont été consultés pour préparer ces nouvelles dispositions.

Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de ne pas manquer l’opportunité de donner un nouvel élan, attendu par tous, au secteur de la petite enfance, pour le bien de nos enfants.

Mme Laure de La Raudière. Je suis d’accord avec la proposition du Gouvernement de rétablir la rédaction initiale de cet article. Mon amendement n° 43 a exactement le même objet.

Mme Patricia Lemoine. Mon amendement n° 60 également. En tant qu’ancienne présidente d’intercommunalité, compétente dans le domaine de la petite enfance et régulièrement confrontée à des obstacles d’ordre administratif pour proposer des places en crèche attendues impatiemment par nos concitoyens, je ne puis qu’être très favorable au rétablissement de cet article.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. L’amendement n° 549 est identique et vous pouvez compter sur notre soutien, monsieur le secrétaire d’État. Le projet de réforme des modes de garde en vue d’en simplifier la réglementation n’a pu aboutir dans les délais assignés par l’excellente loi ESSOC – petit clin d’œil à mes collègues avec lesquels nous y avons travaillé. Ce retard s’explique par la crise sanitaire, mais aussi l’intensité des consultations que le Gouvernement a menées et qui ont été plus longues que prévu. Il serait incompréhensible de renoncer à cette réforme alors que vous êtes tout près d’aboutir à un accord avec les parties prenantes et que les attentes des familles restent très fortes.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous êtes nombreux à avoir déposé un amendement pour rétablir l’article 36 et autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans le secteur de la petite enfance, ce qui était très attendu par les parties prenantes.

Mme Lemoine, qui est une élue locale, a rappelé à juste titre combien les normes pouvaient être inadaptées à la réalité, diverger selon les territoires et, finalement, freiner la création de places en crèche, altérant, par là même, la qualité de l’accueil des jeunes enfants, sans parler de la crise sanitaire qui a accru ces difficultés. Je suis convaincu qu’en habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances dans ce domaine, nous apportons des solutions concrètes aux problèmes qui se posent sur le terrain.

Je ne reprendrai pas les arguments des uns et des autres : je suis favorable à ces amendements et je remercie le secrétaire d’État qui s’est montré désireux d’améliorer la transmission d’informations au Parlement pour mieux associer les députés aux travaux qui seront menés.

Mme Émilie Cariou. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour votre engagement sans faille qui a porté ses fruits – j’ai pu le constater dans ma circonscription. En revanche, nous regrettons que vous ne présentiez pas un vrai projet de loi devant le Parlement. Le sujet le méritait et, grâce à votre implication, nous aurions pu en débattre en bonne et due forme plutôt que de nous voir privés de notre pouvoir législatif durant près de deux ans et demi, si l’on cumule la durée des habilitations ; c’est sans doute pour cette raison que le Sénat a rejeté cet article. Je ne vous adresse aucun reproche, monsieur le secrétaire d’État, mais nous déplorons, depuis le début, d’avoir à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Au moins avez-vous le mérite de proposer d’associer formellement le Parlement aux travaux qui se tiendront en amont de l’élaboration des ordonnances. Tous les membres du Gouvernement n’ont pas fait preuve d’une telle ouverture d’esprit. Cela étant dit, les attentes restent fortes et nous vous accompagnerons.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Merci, madame la députée, d’avoir parfaitement résumé dans votre conclusion, la situation de notre pays, les attentes de nos concitoyens et la nécessité d’avancer rapidement, sans entrer dans le fond des sujets, même si je m’engage à ce que le Parlement reste associé aux travaux. Ma porte, vous le savez, vous restera toujours ouverte.

Le rétablissement de l’article 36 permettra de créer des places en crèches, ce qui nous tient tous à cœur, en faisant tomber nombre d’obstacles. Surtout, nous devons avoir une approche plus qualitative de l’accueil de nos enfants, qui s’inscrit dans le parcours que nous préparons autour de la période des 1 000 premiers jours de l’enfant. Vous pourrez en discuter lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui reprendra sans doute des propositions issues des travaux de la commission présidée par M. Boris Cyrulnik.

L’habilitation à légiférer par ordonnance permettra d’adopter une charte nationale d’accueil, applicable à l’ensemble des établissements, qui mettra en exergue la qualité de l’accueil des enfants, en particulier de ceux en situation de handicap ; elle permettra également d’élargir l’accès à la médecine du travail de tous les professionnels de la petite enfance, en particulier les assistantes maternelles. Bref, nous voulons nous engager sur une série de progrès qualitatifs, sans nous limiter au seul nombre de places créées, quand bien même cela reste un réel enjeu dans notre pays. Nous aurons l’occasion de reparler de ces sujets dans les prochaines semaines, si ce n’est à l’occasion de l’examen d’un projet de loi.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 36 est ainsi rétabli.

Article 37 (articles L. 231-2 et L. 231-2-1 du code du sport) : Simplification des certificats médicaux de non-contre-indication au sport exigés des mineurs

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 404 de Mme Laure de La Raudière et n° 440 de M. Damien Adam, ainsi que l’amendement n° 489 de M. Damien Adam.

Mme Laure de La Raudière. L’article 37 prévoit d’exempter les mineurs de la présentation d’un certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive pour obtenir une licence ou participer à une compétition lorsque le résultat d’une autoévaluation de leur état de santé, conduite par leurs parents, permet de dispenser d’une visite médicale. Je regrette que le Sénat ait voulu complexifier cette mesure de bon sens ; aussi mon amendement n° 404 propose-t-il de revenir à la version initiale du projet de loi.

M. Damien Adam. L’amendement n° 440 vise à rétablir l’article 37 du projet de loi initial qui prévoit de simplifier le cadre légal des certificats médicaux de non-contre-indication à la pratique sportive pour les mineurs dans les disciplines sportives sans contraintes particulières.

Cette mesure, votée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, avait été censurée par le Conseil constitutionnel qui y avait vu un cavalier social. Il s’agit de dispenser du fameux certificat médical les mineurs inscrits à une activité sportive, leurs aptitudes étant contrôlées dans le cadre du parcours de santé et de prévention des enfants jusqu’à l’âge de dix-huit ans, que nous avons renforcé lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Par ailleurs, une autoévaluation réalisée conjointement par le mineur et par les personnes exerçant l’autorité parentale permettra de s’assurer qu’un médecin a été consulté dernièrement.

L’amendement n° 489 reprend cette dernière disposition tout en proposant de simplifier le renouvellement d’une licence sportive pour les majeurs.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis favorable aux excellents amendements n° 404 et n° 440. En revanche, j’invite M. Adam à retirer son amendement n° 489.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je suis favorable aux amendements n° 404 et n° 440 qui visent à rétablir la version initiale du projet de loi, dans un souci de simplification. J’invite également M. Adam à retirer l’amendement n° 489 dans la mesure où une mission a été confiée à ce sujet à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Cela étant, je me demande s’il ne serait pas souhaitable de travailler cet amendement d’ici la séance publique car la différence n’est pas si grande entre la pratique sportive des majeurs et celle des mineurs. Je me tournerai vers mes collègues du ministère de la santé.

L’amendement n° 489 est retiré.

La commission adopte les amendements n° 404 et n° 440.

En conséquence, l’article 37 est ainsi rédigé.

Article 37 bis A (nouveau) (article L. 111-3-2 [nouveau] du code de l’éducation) : Suivi médical et paramédical sur le temps scolaire

La commission étudie l’amendement n° 376 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Il arrive que l’éducation nationale refuse que les parents, lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement, prennent des rendez-vous médicaux pour leurs enfants en situation de handicap durant le temps scolaire, même en l’absence de décrochage scolaire ou de difficultés d’éducation particulières dans la famille. Cet amendement tend à clarifier la situation et répondre à des problèmes très concrets.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je comprends votre intention et j’ai bien conscience des difficultés que peuvent rencontrer ces parents, mais je crains qu’en imposant une règle générale et automatique qui permette aux parents ou aux intervenants extérieurs de décider eux-mêmes des absences de l’élève, nous ne compliquions le travail des enseignants et des élèves. Il me semble préférable de privilégier le dialogue avec les équipes pédagogiques, les familles, les praticiens, au cas par cas. Je vous invite à retirer votre amendement, sinon j’y serai défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. En fait, cet amendement est déjà satisfait : le cadre réglementaire actuel autorise déjà les professionnels de santé à intervenir durant le temps scolaire. Les directions départementales des services de l’éducation nationale et les académies signent des conventions pour autoriser les services d’éducation spéciale et de soin à domicile à intervenir au sein des écoles et des établissements scolaires. De même, l’arrêté du 16 avril 2019 relatif au contrat type pour les professionnels de santé qui exercent en libéral dans le domaine de la prise en charge précoce des enfants présentant des troubles du neurodéveloppement dispose que ces professionnels peuvent intervenir dans tous les lieux de vie de l’élève, dont l’école, sous réserve de l’autorisation de la famille. Juridiquement, les autorisations existent, même si, à vous entendre, elles ne semblent pas toujours appliquées.

Mme Laure de La Raudière. L’absence pour ce motif est soumise à l’autorisation du directeur de l’école. Je connais des familles à qui la directrice de l’école a refusé que l’enfant, en situation de handicap, s’absente un jour à quatorze heures trente pour se rendre à un rendez-vous médical, obtenu avec le plus grand mal un mois et demi auparavant, au motif qu’il empiète sur le temps scolaire. La scolarisation des enfants en situation de handicap relève déjà du parcours du combattant ; pardonnez mon émotion, mais c’est réellement insupportable !

Mme Émilie Cariou. Je soutiens l’amendement de Mme de La Raudière : pour l’heure, tout dépend de la bonne volonté du directeur de l’établissement ou de l’équipe enseignante. Si l’on veut simplifier la vie de ces familles, il faut adopter cette mesure. Les enfants en situation de handicap ne peuvent pas être soumis à un rythme aussi soutenu, où le temps médical vient se surajouter au temps scolaire. La scolarisation des enfants en situation de handicap est, c’est vrai, un vrai parcours du combattant qui épuise parents et enfants. Il faut clarifier la situation pour restaurer l’égalité entre tous les élèves, dans toutes les écoles et sur tout le territoire.

M. Vincent Thiébaut. Même s’il peut y avoir des exceptions, il est assez largement permis à un élève de s’absenter pour se rendre à un rendez-vous médical ; je peux en témoigner à titre personnel. Il est également possible que des associations interviennent dans le lieu scolaire.

Ce sujet ne relève pas du niveau législatif, mais des bonnes pratiques et de l’organisation au sein de l’éducation nationale, ce qui suppose d’accompagner les enseignants. Ce serait une mauvaise idée de traiter dans la loi d’un sujet qui touche à l’organisation au sein de l’éducation nationale, alors que Gouvernement mène une politique qui favorise l’émergence d’une société inclusive. J’ai déjà abordé ce sujet avec la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées ; des expérimentations sont en cours, la situation progresse.

Par ailleurs, si l’on se contente d’adopter cet amendement sans prendre de mesures pour accompagner les instituteurs ni tenir compte des problématiques qui peuvent se poser, par exemple en fonction du milieu, urbain ou rural, où se situe l’établissement, nous ne résoudrons rien. Nous devrons réfléchir aux modalités d’organisation, à l’association éventuelle des maisons départementales des personnes handicapées. Le sujet est trop complexe pour être traité au détour d’un amendement mais je sais que le problème est réel même si, à titre personnel, j’ai la chance de ne pas rencontrer de difficultés.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis d’accord avec la ministre : cet amendement est satisfait et le sujet, de surcroît, qui relève de l’organisation interne de l’éducation nationale, pourrait être réglé par la voie réglementaire, voire par circulaire. Cela étant, Mme de La Raudière et Mme Cariou témoignent, à juste titre, de réelles difficultés sur le terrain, où ce qui devrait être fluide et simple ne l’est pas toujours.

Vous avez le choix entre deux options. Ou bien vous retirez cet amendement et vous obtenez des informations de Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées ainsi que du ministre de l’éducation nationale pour le retravailler d’ici la séance publique ; ou bien nous l’adoptons pour prendre date, quitte à revenir dessus en séance publique si, entre-temps, vous avez obtenu des réponses et des engagements des ministres concernés. Si une circulaire est prise, il est possible que nous supprimions de la loi cet article qui ne présenterait plus d’utilité. Au moins aura-t-il servi de levier en vous assurant que, d’ici à la séance publique, le Gouvernement aura pris des mesures d’application concrète sur le terrain.

Mme Laure de La Raudière. C’est ce que j’allais vous proposer. Et si le Gouvernement s’engage clairement par le biais d’une circulaire et que je peux la voir, je déposerai moi-même en séance publique un amendement pour supprimer cette disposition. M. Vincent Thiébaut a tout à fait raison : le problème ne concerne pas toutes les écoles, mais seulement une toute petite partie. Mais lorsque cela arrive, c’est juste insupportable. Notre rôle de législateur est de faire avancer ces sujets. Et si nous avançons d’ici à la séance publique, je m’engage à demander moi-même la suppression de cet article additionnel.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Dans ces conditions, avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Article 37 bis (article L. 242-1 du code de la sécurité sociale) : Exclusion de l’assiette des cotisations de sécurité sociale des avantages fournis par l’employeur pour favoriser la pratique sportive en entreprise

La commission adopte l’article 37 bis sans modification.

Article 37 ter (article L. 365-1 du code de l’environnement) : Allégement des règles de responsabilité des propriétaires et gestionnaires de sites naturels dans le cadre des sports de pleine nature

La commission examine l’amendement de suppression n° 403 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je ne sais pas à quoi pensaient les sénateurs lorsqu’ils ont rédigé cet article assez étonnant qui prévoit de décharger de toute responsabilité le gardien d’un établissement si des dommages y sont causés… C’est au juge d’en décider. Qui sait si le gardien n’a pas quitté son poste pour aller fumer une cigarette ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne suis pas favorable à votre amendement, car nous avons besoin d’encadrer plus précisément la responsabilité des gestionnaires d’espaces naturels – en particulier celle des maires des communes de montagne. Cela étant, la rédaction du Sénat n’est pas satisfaisante dans la mesure où elle ne fait pas référence à la nécessité d’informer les usagers des risques liés à la circulation dans ces espaces naturels peu aménagés. Je vous invite ainsi à retirer votre amendement au profit de celui qui vient juste après, n° 540, et qui propose une rédaction différente de cet article.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je partage le diagnostic de Mme de La Raudière : le texte actuel n’est pas satisfaisant. En revanche, je lui demande de retirer son amendement au profit de l’amendement n° 540 qui me paraît plus équilibré dans la mesure où il élargit le champ de l’exonération de la responsabilité pour les gestionnaires d’espaces naturels dans des cas pour lesquels l’ambiguïté en la matière est lourde de conséquences, alors même qu’ils n’ont pas de levier d’action. Ce qui ne signifie pas, vous avez tout à fait raison, qu’ils peuvent se délester de toutes leurs responsabilités.

Mme Laure de La Raudière. Je viens de prendre connaissance de l’amendement de notre collègue Mme Kamowski ; je n’y suis pas favorable. Je maintiens donc le mien.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement n° 540 de Mme Catherine Kamowski.

Mme Catherine Kamowski. Cet amendement a pour objectif de simplifier et surtout de clarifier la notion de responsabilité en cas d’accident dans les espaces naturels, quelle que soit leur nature juridique, qu’ils aient fait ou non l’objet d’aménagements et quel qu’en soit le propriétaire ou le gestionnaire. Nous traitons ici des accidents survenus en l’absence de toute faute : nous sommes dans le domaine de la responsabilité civile ou administrative et non pénale. La question est épineuse, je le reconnais – l’ancienne maire que je suis a eu l’occasion d’y être confrontée –, notamment pour les collectivités locales et les personnes publiques qui peuvent se voir condamnées, même en l’absence de toute faute, à des dommages et intérêts parfois très lourds.

L’article 37 ter, introduit par voie d’amendement au Sénat, reprend les termes d’une proposition de loi adoptée par la Haute assemblée en 2018 et que nous n’avons pas examinée. Cette disposition qui crée dans le code du sport une exonération de responsabilité pour la pratique sportive ou de loisir en plein air, ce qui est aussi notre objectif, supprimerait l’exonération de responsabilité administrative dans les espaces naturels, ce qui n’est évidemment pas souhaitable et avait d’ailleurs, en son temps, motivé l’avis défavorable du Gouvernement.

Nous vous proposons donc une rédaction globale de l’article L. 365-1 du code de l’environnement qui permet de répondre à la fois aux intentions des sénateurs et aux nôtres, ainsi qu’aux attentes de tous les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels. Ainsi, si vous adoptez cet amendement et, je le souligne une fois encore, en l’absence de toute faute, tous les propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels seront concernés par cette exonération de responsabilité pour les accidents survenus à l’occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d’un sport de nature ou d’activités de loisirs. C’est donc une simplification et une clarification.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Comme je le disais tout à l’heure, madame Kamowski, je suis tout à fait favorable à votre amendement. J’en profite pour saluer votre maîtrise technique de la question et votre engagement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable également sur le principe, mais il est possible qu’il faille retravailler encore le texte d’ici à la séance publique, si vous en êtes d’accord : de petits ajustements sont encore nécessaires – Mme de La Raudière avait quelques raisons de ne pas y être favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 37 ter est ainsi rédigé.

Article 37 quater (nouveau) (article L. 231-2-3-1 [nouveau] du code du sport) : Exonération de responsabilité des organisateurs de compétitions et manifestations sportives amateur

La commission examine l’amendement n° 349 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. En 2015, M. Frank Favereau, président des Foulées pélissannaises, avait organisé cette traditionnelle course à pied à Pélissanne, commune que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur. Lors de cette édition, un participant se blessa : il a attaqué l’organisateur de la course et il gagné… M. Franck Favereau a fait appel. Cette situation est ubuesque. Les courses à pied telles que celle-ci font la richesse de nos communes ; ces courses à pied, c’est la simplicité, la convivialité, le partage et le respect des différences. À travers l’amendement n° 349, je demande que la responsabilité des organisateurs ne soit pas engagée dans des cas comme celui qui est visé.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. M. Zulesi me prend par les sentiments, car j’ai vécu huit ans à Pélissanne dans mon enfance… Je suis donc sensible à ses arguments. Par ailleurs, je comprends très bien le problème qui est soulevé. Toutefois, les sports qui sont visés ne sont peut-être pas ceux qui posent le plus problème : la rédaction de l’amendement devra sans doute être revue en séance, mais nous pouvons inscrire d’ores et déjà cette avancée. Avis favorable, sous la réserve que je viens d’indiquer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je suis sensible à la situation que vous mentionnez et je prends note du fait que la rédaction peut être améliorée. Sagesse.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. En effet, énormément de faux certificats sont produits pour participer aux courses à pied. L’amendement de M. Jean-Marc Zulesi me permet de revenir sur l’amendement n° 489 à l’article 37, défendu tout à l’heure par M. Damien Adam qui proposait, pour les certificats médicaux délivrés aux adultes, de faire des distinctions en fonction de l’âge. Il pourrait être intéressant de réfléchir, avec le ministère de la santé et celui des sports, à la façon d’améliorer l’article 37 d’ici à la séance publique dans ce sens : pourquoi ne pas prévoir, pour les adultes de moins de 50 ans comme pour les enfants, que le certificat médical soit valable trois ans, puis moduler la durée en fonction de l’âge – deux ans à partir de 50 ans, un an au-delà de 55 ans ? Je propose de faire appel au ministère de la santé car certains éléments d’ordre médical doivent être pris en compte, par exemple sur le plan cardiaque, s’agissant de la course à pied. Quoi qu’il en soit, il s’agit là d’un domaine où la simplification et la facilitation sont possibles, notamment pour certains organisateurs d’épreuves sportives.

Mme Laure de La Raudière. D’après mon expérience personnelle, les certificats médicaux sont valables trois ans, notamment pour la course à pied, mais aussi pour de nombreuses pratiques sportives : ce que vient de proposer Mme Beaudouin-Hubiere existe donc déjà. Avec l’amendement de M. Damien Adam, au-delà de 50 ans, le renouvellement devait être annuel, quel que soit le sport, ce qui aurait constitué une régression. Je ne suis pas intervenue tout à l’heure car il a retiré son amendement, mais je le fais maintenant puisque nous y revenons.

En revanche, ce que propose M. Zulesi règle le problème des faux certificats. Plus vous complexifierez, plus vous imposerez de conditions – par exemple en faisant passer la durée de validité du certificat à un an au lieu de trois –, plus vous aurez de faux certificats produits par les gens désireux de participer à la course du village.

La commission adopte l’amendement.

Article 38 : Délivrance de documents provisoires aux étrangers demandant un titre de séjour

La commission examine les amendements de suppression n° 681 du rapporteur, n° 144 de Mme Cécile Untermaier, n° 340 de M. Ugo Bernalicis et n° 477 de M. Gabriel Serville.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement n° 681 vise à supprimer une disposition initialement inscrite dans ce projet de loi, mais qui a été adoptée entre-temps dans le cadre de la loi du 17 juin dernier portant diverses dispositions liées à la crise sanitaire.

Mme Josette Manin. Notre amendement n° 144 propose également la suppression de cet article qui prévoit une dématérialisation des récépissés de demande de titre de séjour. Nous considérons que sur le plan juridique, les droits qui seront rattachés au futur document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ne sont pas connus, ce qui soulèverait d’importantes questions quant aux droits des usagers, dans un domaine aussi significatif que celui de la légalité de la présence sur le territoire national. Mais c’est surtout sur le plan pratique que cette dématérialisation constitue un non-sens : le tout-numérique n’est pas une option soutenable pour les populations vulnérables, car souvent elles n’y ont pas accès. De plus, les contraintes administratives – parfois même l’usage de la langue française – représentent pour elles des difficultés.

M. Ugo Bernalicis. Je souhaite moi aussi, par mon amendement n° 340, la suppression de cet article, mais visiblement pas pour les mêmes raisons que le rapporteur. La dématérialisation, souvent vendue comme facilitant l’accès, étant plus rapide et efficace, cache en réalité bien des écueils, notamment dans le domaine des documents provisoires délivrés à l’occasion des demandes de titre de séjour.

Il y a un précédent : en Seine-Saint-Denis, la dématérialisation de la prise de rendez-vous – ce n’étaient même pas les documents qui étaient concernés – a provoqué un vrai bazar, au point qu’un véritable business des rendez-vous s’était mis en place : il fallait lâcher jusqu’à 200 euros pour avoir un rendez-vous en préfecture, car des réseaux parallèles s’étaient mis en place, avec des gens qui s’organisaient pour cliquer plus vite que les autres et accaparer les plages horaires sur le site de la préfecture ! Il faut donc faire très attention lorsqu’on met en place de telles procédures.

À vous entendre, monsieur le rapporteur, la disposition a déjà été adoptée dans un autre texte, et il n’y a donc pas de problème. Justement si, il y a un problème de fond. L’oratrice précédente vient de le dire : un document provisoire, ce n’est pas la même chose qu’un récépissé, et certains textes de loi font référence explicitement au récépissé pour l’ouverture de droits dans certaines structures, notamment des droits sociaux. Si vous ne modifiez pas les termes dans la totalité des textes, vous exposez certaines personnes à avoir moins de droits, ou alors elles devront se procurer d’autres documents pour y avoir accès – et tout cela sous couvert de simplification.

Certes, cet article est promis à la suppression, mais ce qui est sûr, c’est que la disposition en question n’est pas une simplification : c’est une complexification, notamment pour des publics qui sont davantage éloignés du numérique que les autres.

M. Gabriel Serville. Affichée comme un moyen de faciliter le quotidien des usagers du service public, la dématérialisation des procédures de demande de titre de séjour a bel et bien, comme le souligne le Défenseur des droits, cristallisé, voire exacerbé, et surtout rendu invisibles les entraves à l’accès aux services publics, notamment pour les personnes étrangères.

C’est ainsi qu’en dépit des multiples critiques et de la jurisprudence du Conseil d’État, le Gouvernement réaffirme son objectif de dématérialisation complète des demandes de titre de séjour. L’article 38 propose la suppression des récépissés pendant l’instruction des demandes de titre de séjour, remplacés par des documents édités en ligne par les particuliers. En cela, le Gouvernement semble faire l’impasse sur la fracture numérique qui existe toujours, en particulier dans des territoires comme Mayotte et la Guyane, où une grande partie de la population n’a tout simplement pas accès à un ordinateur ou à une connexion à internet.

La dématérialisation totale soulèvera donc de nombreux problèmes. Outre les difficultés posées par la fracture numérique, l’accès à la langue, les dysfonctionnements des sites internet et les files d’attente devant les préfectures vont indubitablement s’aggraver, car les usagers viendront chercher de l’aide pour réaliser leur demande en ligne.

Enfin, loin de simplifier la procédure, cet article complexifie l’accès au droit. Le Gouvernement semble envisager une multiplication des types de documents provisoires pour remplacer le récépissé : attestation dématérisalisée de dépôt d’une demande, attestation de prolongation de l’instruction, ou encore attestation de décision favorable. Cela ne fera qu’aggraver l’illisibilité de la procédure.

Pour toutes ces raisons, les auteurs de l’amendement n° 477 demandent la suppression de cet article et le renforcement du droit à un récépissé dès l’enregistrement d’une demande de titre de séjour.

Je crois avoir compris que cet article sera certainement supprimé. Au-delà de cette question, un certain nombre de problèmes vont perdurer, notamment pour le territoire de la Guyane : permettez-moi de vous dire à quel point il est nécessaire de s’y attaquer, car ils risquent de dénaturer le vivre ensemble que nous avons toujours tenu à préserver. L’immigration irrégulière s’est fortement accrue ces dernières années. Il est important notre assemblée se penche véritablement sur la question.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable à ces amendements de suppression : comme l’a indiqué M. le rapporteur, la disposition est déjà inscrite dans la loi. En revanche, la présentation qui en a été faite par certains orateurs n’est pas tout à fait exacte, car elle répond bien à un enjeu de simplification. Cela évite à un certain nombre de demandeurs de passer par la case préfecture : au lieu de devoir se présenter, ils peuvent obtenir le document provisoire en ligne – ce qui, d’ailleurs, n’empêche nullement de le faire imprimer à la préfecture. Quoi qu’il en soit, je le répète, la discussion n’a pas lieu d’être car la disposition a d’ores et déjà été votée.

M. Ugo Bernalicis. Ce que dénoncent les associations – la CIMADE, par exemple –, ce n’est pas le fait qu’il y ait une procédure dématérialisée, ce qui simplifie effectivement les choses pour celui qui a accès à internet chez lui et peut ainsi demander le renouvellement de son titre de séjour, c’est qu’il ne soit pas prévu de maintenir l’autre voie, avec la remise d’un papier s’appelant un récépissé, susceptible d’être utilisée par ceux qui le souhaitent. Les demandeurs recevront désormais un document provisoire et non un récépissé, ce qui n’est pas pareil. Quant à la procédure alternative prévue, ce qui va se passer concrètement, c’est que la personne qui demande son titre sera accompagnée en préfecture pour faire la démarche sur un ordinateur : cela n’a rien à voir avec le fait de garder une procédure non dématérialisée. On a vu le bazar qu’a provoqué la dématérialisation d’autres procédures, qu’il s’agisse des cartes grises, des permis de conduire ou des rendez-vous en préfecture pour les personnes étrangères : chaque fois, cela a été un échec. Je ne sais pas comment il faut vous le dire, mais cela ne ressemble vraiment pas à de la simplification.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 38 est supprimé et tous les autres amendements qui s’y rapportent tombent.

Article 38 bis (nouveau) (section unique du chapitre III du titre Ier du livre IV et articles L. 445-1, L. 446-1, L. 447-1 et L. 448-1 du code de la sécurité intérieure, article 16-12 du code civil et article 6-1 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires) : Dispositions relatives à la police scientifique

La commission examine l’amendement n° 639 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’objet du présent amendement est de rationaliser l’organisation de la police technique et scientifique au sein de la police nationale en permettant la création d’un service à compétence nationale de la police technique et scientifique dénommé « service national de police scientifique », issu de la fusion du service central de la police technique et scientifique (SCPTS) et de l’Institut national de police scientifique (INPS).

La police nationale a engagé un vaste processus de transformation de sa fonction de police technique et scientifique en avril 2017 par la création du service central de la police technique et scientifique. L’objectif était de resserrer la gouvernance d’une filière éclatée au sein du périmètre de la police nationale. Cette création s’est inscrite dans le cadre de la mise en œuvre des préconisations formulées par la Cour des comptes et l’Inspection générale de l’administration sur l’organisation de la police technique et scientifique.

Le SCPTS s’est vu notamment confier la tutelle métier sur l’Institut national de police scientifique. Au sein des organismes participant à la mission de police technique et scientifique, cet établissement public occupe une place importante et a su faire face au défi de la police technique et scientifique de masse. À titre d’information, en 2019, l’INPS a traité 150 000 dossiers de traces, dont à peu près 99 000 en biologie, soit 67 % de son activité. Parallèlement, il a établi et transmis au fichier national automatisé des empreintes génétiques 230 000 profils génétiques. Cette activité fait de l’institut le premier contributeur dans l’alimentation de ce traitement qui a permis l’identification de plus de 36 000 suspects en 2019. La personnalité morale de l’INPS lui permet d’assurer des missions d’expertise judiciaire et d’intégrer dans son budget les recettes afférentes.

Un recul de trois ans permet de constater que la réforme n’a pas permis d’optimiser complètement la lisibilité de l’organisation de la police technique. Une nouvelle étape, préconisée par le rapport susmentionné, qui verra la fusion de cet institut et du SCPTS, permettra de remédier aux carences constatées tout en réalisant des gains importants : regroupement au sein d’une entité de la définition des besoins de la communauté de la police technique et scientifique ; une partie des achats pourra être rationalisée, en accord avec les principes gouvernant la politique d’achat de l’État ; les services de soutien pourront être mutualisés pour dégager des marges nécessaires à la prise en compte des demandes croissantes d’analyse.

Dans sa circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, le Premier ministre a fixé aux services de l’État un objectif général de simplification du paysage administratif ; c’est très exactement ce que nous faisons à travers cet amendement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable.

Mme Émilie Cariou. Les effectifs seront-ils tous maintenus ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. À ma connaissance, oui. L’objectif est de mutualiser un certain nombre de missions administratives pour dégager des marges sur les missions plus techniques, notamment les analyses biologiques. Il s’agit de mieux répondre à l’augmentation de la charge de l’activité des deux entités réunies.

La commission adopte l’amendement.

Article 39 (article L. 213-4-1 du code de la route) : Modalités d’inscription à l’examen du permis de conduire

La commission adopte l’article 39 sans modification.

Article 39 bis (nouveau) (article L. 213-2 du code de la route) : Évaluation préalable à la signature du contrat d’apprentissage dans les autoécoles

La commission examine l’amendement n° 487 et l’amendement n° 565 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. L’amendement n° 487 vise à simplifier la réalisation de l’évaluation préalable à l’inscription au permis de conduire. Avant de signer un contrat d’apprentissage avec un élève, chaque auto-école a l’obligation de lui faire passer une évaluation préalable destinée à estimer le nombre d’heures de cours nécessaires. Cette évaluation ne peut se faire que dans un véhicule ou dans les locaux de l’établissement : mon amendement vise à supprimer cette contrainte. Autrement dit, l’évaluation pourrait s’effectuer aussi bien dans des locaux ou dans une voiture qu’en ligne, par questionnaire.

Contrairement à ce que j’ai entendu dire ici ou là, il ne s’agit en aucun cas de favoriser telle ou telle entreprise par rapport à une autre ni d’enlever quoi que ce soit à un type d’entreprise, mais de laisser une plus grande liberté aux auto-écoles, dont chacune pourra se saisir. Qui plus est, je propose d’enlever de la loi une disposition qui ne relève pas forcément du domaine législatif.

Par ailleurs, l’obligation de se déplacer dans les locaux de l’auto-école pour réaliser l’évaluation apparaît particulièrement contraignante dans le contexte sanitaire que nous connaissons.

Enfin, cet amendement constitue une mesure de simplification et facilite l’inscription à l’examen pratique du permis de conduire en l’adaptant aux avancées technologiques qui sont désormais à la disposition des écoles de conduite – et qu’elles utilisent couramment.

S’agissant de l’amendement n° 565, nous avions voté, dans la loi d’orientation des mobilités (LOM), une expérimentation donnant la possibilité aux candidats au permis de conduire de s’inscrire directement en ligne. En Occitanie, pas moins de 880 écoles de conduite et 5 800 candidats étaient concernés. Cependant, d’après les acteurs concernés, cette expérimentation ne semble pas s’être déroulée sur un temps suffisamment long pour que son évaluation soit pertinente et permette de décider de la généralisation du dispositif. Cet amendement vise donc à prolonger l’expérimentation du dispositif pour une durée de six mois avant d’envisager sa généralisation. Par cohérence, un autre amendement, qui sera examiné plus loin, vise à repousser l’abrogation des modalités actuelles de l’inscription au permis de conduire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je serai un peu long car c’est un véritable casse-tête ; nous-mêmes, nous y avons passé beaucoup de temps lors de la préparation du travail en commission.

M. Adam soulève un véritable problème. Un jeune qui veut s’inscrire dans une auto-école doit passer une évaluation préalable avant de signer son offre de formation. Jusqu’à une date récente, il n’était pas précisé que cela devait se faire dans le véhicule ou dans les locaux de l’auto-école. Mais cette règle a changé depuis, ce qui interdit aux auto-écoles en ligne d’organiser l’évaluation préalable à distance : elles en viennent à amener une voiture devant le domicile des personnes qui souhaitent s’inscrire pour le permis en ligne… Nous nous sommes donc penchés sur la question.

Dans une auto-école classique, l’évaluation du nombre d’heures de formation nécessaires se fait de trois façons : soit dans une voiture, c’est-à-dire que le moniteur propose au jeune de faire un tour pour évaluer sa sensibilité, soit sur un véritable simulateur, soit sur une tablette, avec des vidéos de mise en situation et un questionnaire préétabli – sur lequel, d’ailleurs, le moniteur d’auto-école n’a pas beaucoup la main. Et il se trouve que le logiciel utilisé dans ce dernier cas est le même que celui des auto-écoles en ligne…

J’ai donc beaucoup de mal à comprendre la valeur ajoutée d’une évaluation « physique », réalisée sur place, d’autant qu’elle fait appel au même logiciel. En revanche, je sais que c’est un sujet éruptif pour les auto-écoles classiques qui y consacrent un local et facturent bien évidemment la prestation. Une évaluation sur tablette facturée au même niveau qu’une heure de conduite, cela représente un enjeu financier non négligeable pour les auto-écoles. Dans le même temps, cependant, on ne peut empêcher les auto-écoles en ligne de fonctionner. Or, comme elles ne peuvent pas faire passer l’évaluation préalable en ligne, les contrats de formation ne peuvent pas être signés. Pour elles, le blocage est complet.

Nous avons affaire à une situation un peu absurde, et pour ma part, monsieur Adam, j’irais encore plus loin que nous : je crois qu’en réalité l’évaluation préalable ne sert à rien. Nous sommes sans doute un des rares pays dans le monde où il faut passer une évaluation pour pouvoir commander sa formation… C’est kafkaïen. J’ai creusé la question. J’ai même téléphoné à quelques auto-écoles classiques dans mon département d’Eure-et-Loir, pour leur demander combien elles facturaient l’évaluation, quelle part de leur chiffre d’affaires elle représentait, si elle servait à quelque chose. L’une d’entre elles m’a même proposé de tester le logiciel d’évaluation préalable. Très objectivement, je crois qu’on s’est fait des nœuds au cerveau en proposant cette évaluation ; si l’on voulait vraiment faire de la simplification et de l’accélération, on devrait la supprimer pour tout le monde, pour les auto-écoles classiques comme pour les auto-écoles en ligne. Je comprends bien qu’elle représente un petit chiffre d’affaires pour les auto-écoles mais, très objectivement, la véritable question n’est pas de savoir s’il faut l’autoriser en ligne : un jeune qui veut passer le permis devrait pouvoir s’inscrire directement et commencer sa formation, sans avoir à passer une évaluation préalable pour estimer un nombre d’heures plus ou moins fictif, dans la mesure où il ne correspond pas forcément à celui qu’il lui faudra suivre. Cette évaluation n’est qu’une étape administrative supplémentaire qui ne sert à rien.

En ce qui concerne donc votre amendement n° 487, monsieur Adam, je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale. Je sais qu’il va susciter des réactions, voire « mettre le feu », car vous touchez un point sensible. Je n’ai aucune envie de rouvrir la guerre entre auto-écoles en ligne et auto-écoles physiques, mais je comprends aussi que l’on ne puisse pas laisser les auto-écoles en ligne complètement bloquées dans cette situation kafkaïenne où elles doivent faire venir une voiture en bas de l’immeuble et demander au gamin de monter dedans pour lui dire de combien d’heures de formation il aura besoin… Cela s’appelle quand même mettre de la complexité là où il n’y en a pas besoin ! J’attends que le Gouvernement se positionne : n’y aurait-il pas moyen de supprimer l’évaluation préalable ?

Avis favorable, en revanche, en ce qui concerne votre amendement n° 565, relatif au délai pour l’expérimentation : je rejoins votre analyse.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable aux deux amendements. Cette question a déjà été beaucoup débattue, je ne reviendrai donc pas sur les avantages et les inconvénients. Nous sommes évidemment soucieux de la situation des auto-écoles physiques, mais il y a aussi un intérêt à développer une alternative en ligne. Avec le ministère de l’intérieur, nous essayons de préserver au mieux l’équilibre. Quoi qu’il en soit, pour les deux points que vous mentionnez, nous suggérons d’avancer.

M. Damien Adam. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur. Je vous propose que nous adoptions ces amendements, quitte à les retravailler en vue de la séance publique pour aller dans le sens que vous souhaiteriez.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je remercie M. Adam d’avoir soulevé la question. Au-delà des deux amendements en discussion, j’appuie les propos du rapporteur : il faudra étudier la pertinence de l’évaluation préalable, que ce soit tout de suite ou un peu plus tard, et pour cela, nous devrons exiger des chiffres, pour comparer le nombre d’heures indiqué à l’élève lors de l’évaluation et celui dont il aura réellement eu besoin pour obtenir le permis. À ce moment-là, nous verrons si l’évaluation est pertinente ; si elle ne l’est pas, supprimons-la. Je ne méconnais pas l’impact financier pour les auto-écoles : ne nous précipitons pas, mais il me semble vraiment important d’étudier la question.

Mme Patricia Lemoine. Je voudrais rebondir sur les propos que vient de tenir notre collègue, car je suis un peu dans le même état d’esprit. Pour tout vous dire, j’avais déposé le même amendement que M. Adam et, en creusant la question, j’ai décidé de le retirer, précisément pour les motifs que vous avez invoqués, monsieur le rapporteur. Nous allons sans doute adopter cet amendement mais, en ce qui concerne l’évaluation en elle-même, il va falloir se poser la bonne question.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. J’entends parfaitement la question qui est posée et elle est tout à fait pertinente. Il faut engager une concertation approfondie avec les acteurs, pour deux raisons. Premièrement, le bon sens commande de nous retourner vers les experts pour voir ce qui peut être amélioré ; deuxièmement, la situation actuelle colore un peu le propos – la période est très difficile pour les auto-écoles. Certaines réformes sont plus faciles à faire quand tout va bien.

Pour être tout à fait transparente, je ne suis donc pas sûre que, d’ici à la séance publique, le Gouvernement puisse se déclarer favorable à un amendement comme celui que vous évoquez. Un travail important a d’ores et déjà été fait, nous avons vraiment pesé le pour et le contre – il n’a pas été si facile d’aller dans la direction souhaitée par M. Adam. D’ici à la séance publique, je ne donne aucune garantie quant au fait que nous allions encore plus loin, car je ne voudrais pas déséquilibrer la situation d’acteurs, souvent de très petite taille, qui participent au maillage des territoires et doivent aussi retenir notre attention.

La commission adopte l’amendement n° 487.

Article 39 ter (nouveau) (article 98 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités) : Prolongation de l’expérimentation de la désintermédiation de l’attribution des places à l’examen du permis de conduire

La commission adopte l’amendement n° 565 de M. Damien Adam, précédemment présenté par son auteur, avec l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Article 40 (articles L. 162-17-3 et L. 162-17-3-1 du code de la sécurité sociale) : Bulletin officiel des produits de santé

La commission adopte l’article 40 sans modification.

Article 40 bis (nouveau) (article L. 121-3 du code monétaire et financier) : Diversification des missions de la Monnaie de Paris

La commission examine l’amendement n° 640 du Gouvernement qui fait l’objet du sous-amendement n° 712 du rapporteur.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement porte modification des statuts de l’établissement public industriel et commercial de la Monnaie de Paris, créé en 2007 à partir de l’ancienne direction des monnaies et médailles. Cet EPIC dispose du monopole légal pour la frappe des euros à la face française et exerce des activités concurrentielles, telles que la frappe de monnaies courantes étrangères et la frappe et la vente de monnaies de collection à valeur faciale, ainsi qu’une activité culturelle autour de son site parisien historique – et magnifique – de l’hôtel de la Monnaie.

Le présent amendement doit faciliter le développement de l’établissement, dont les statuts sont strictement limitatifs et fixés par la loi. Il élargit le champ des activités possibles de la Monnaie de Paris. L’amendement permettra à l’établissement de trouver de nouveaux relais de croissance et de conforter sa transformation : activités de valorisation du site historique de l’hôtel de la Monnaie, développement de nouveaux produits et gammes de produits, ou encore recherche de partenaires. Il permettra également à la Monnaie de concevoir des projets industriels et commerciaux autour de son important site de Pessac, dans l’agglomération bordelaise, et ainsi de développer l’activité et l’emploi dans ce territoire. Comme vous avez pu le voir ces dernières années, un travail important a été accompli par les différents dirigeants de la Monnaie de Paris ; il faut continuer, c’est un site de grande qualité culturelle, mais qui a aussi une dimension industrielle. L’objectif de cet amendement est donc de permettre à ces beaux projets de développement de voir le jour.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Mon sous-amendement procède à une correction rédactionnelle. J’émettrai un avis favorable à l’amendement du Gouvernement ainsi sous-amendé.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. J’accepte ce sous-amendement rédactionnel.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement ainsi sous-amendé.

Article 40 ter (nouveau) (articles 36 et 38 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale) : Maintien des avantages financiers des militaires recrutés pour encadrer le service national universel

La commission est saisie de l’amendement n° 641 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement et l’amendement n° 605 du rapporteur, qui suit, sont complémentaires. Il s’agit, dans les deux cas, d’améliorer l’encadrement du séjour de cohésion du nouveau service national universel (SNU).

Le vivier des anciens militaires susceptibles d’être recrutés pour encadrer les séjours de cohésion du SNU se trouve limité du fait d’incompatibilités entre certains dispositifs d’aide au départ et la reprise d’un emploi public. Ainsi, les bénéficiaires d’un pécule modulable d’incitation au départ sont astreints au remboursement de la somme perçue s’ils reprennent un emploi public dans les cinq ans suivant leur départ de l’institution. Les militaires auxquels a été accordée la pension afférente au grade supérieur en perdent pour leur part le bénéfice en cas de reprise d’un emploi public, et ce sans limite de temps.

Il est par conséquent proposé de prévoir, pour chacun de ces dispositifs, une dérogation en cas de conclusion d’un contrat pour encadrer les participants au séjour de cohésion.

L’amendement n° 605 du rapporteur, portant rétablissement de l’article 41, à suivre, habilite le Gouvernement à définir par voie d’ordonnance les conditions de recrutement des encadrants des jeunes dans le cas du SNU, ainsi qu’à déterminer leurs conditions d’emploi. Cette ordonnance assurera en tant que de besoin la coordination entre la présente mesure et les autres dispositifs envisagés, notamment la création d’une nouvelle réserve opérationnelle.

Les anciens militaires sont un profil très apprécié pour l’encadrement des séjours de cohésion, comme le montre l’expérience de l’année 2019 qui a permis de recevoir 2 000 volontaires – il n’y a pas eu de séjours en 2020, évidemment, pour cause de covid-19, mais l’objectif est de reprendre en 2021. En 2019, les anciens militaires représentaient 30 % des encadrants. L’assouplissement de leurs conditions de recrutement, c’est du gagnant-gagnant : pour le SNU, cela permet de trouver des profils adaptés, au demeurant appréciés des jeunes ; pour les anciens militaires, c’est une nouvelle possibilité de reconversion.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis très favorable à cet amendement. La sécurité et la réussite des séjours de cohésion du SNU nécessitent des encadrants expérimentés et motivés. Les anciens militaires constituent bien évidemment un des viviers naturels de leur recrutement. Il serait dommage que la perte de leur pécule les décourage d’apporter leurs compétences à ce dispositif qui est vraiment d’intérêt général.

La commission adopte l’amendement.

Article 41 : Habilitation du Gouvernement à définir par ordonnance le statut des encadrants du service national universel

La commission est saisie de l’amendement n° 605 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le Gouvernement a annoncé le dépôt en 2021 d’un projet de loi portant spécifiquement sur le SNU. D’ici à son adoption, le SNU doit poursuivre sa montée en charge, ce qui exigera la mobilisation de nombreux encadrants. Or, pour disposer de personnels expérimentés, il est nécessaire de surmonter plusieurs difficultés juridiques. Ainsi, un décret relatif aux conditions de rémunération des encadrants va paraître, et l’amendement que nous venons d’examiner visait à limiter les conséquences d’un recrutement par l’État sur les avantages financiers dont bénéficient les anciens militaires.

Toutefois, ces mesures ne suffiront pas à résoudre les questions statutaires. Je propose donc de rétablir la rédaction initiale de l’article 41 qui autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnance à propos des conditions de recrutement et d’emploi des encadrants du SNU.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable. On l’a vu à propos du précédent amendement, nous sommes tout à fait capables d’inscrire certaines mesures « en dur » dans la loi. Ici, l’objectif est de poursuivre la montée en charge du SNU. Lorsque les mesures relatives à l’encadrement et à l’optimisation de l’organisation seront mûres, nous pourrons vous les proposer de la même manière ; mais, à ce stade, elles sont inabouties.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 41 est ainsi rétabli.

Article 42 (article L. 221-15 du code monétaire et financier et article L. 166 AA [nouveau] du livre des procédures fiscales) : Transmission de l’éligibilité fiscale de l’épargnant au livret d’épargne populaire par l’administration fiscale sur demande des établissements bancaires

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 305 du rapporteur.

Puis elle aborde l’amendement n° 607 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il s’agit de clarifier l’information donnée par l’administration fiscale à la demande des banques, qui porte sur la seule éligibilité des clients au livret d’épargne populaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable à cette clarification bienvenue.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 42 ainsi modifié.

Après l’article 42

La commission aborde l’amendement n° 225 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. L’idée est d’étendre le dispositif prévu à l’article 42 concernant le livret d’épargne populaire au plan d’épargne en actions, au livret de développement durable et solidaire et au livret jeune, dont les souscripteurs doivent avoir leur résidence fiscale en France. Cela apporterait une simplification.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les informations déterminant l’éligibilité des clients aux produits d’épargne cités ne sont pas réservées à l’administration fiscale comme l’est le niveau des revenus des titulaires de livrets d’épargne populaire. Le domicile fiscal peut être aisément prouvé par les clients des banques, alors que demander à l’administration fiscale de le confirmer pour chaque compte entraînerait une lourde charge de travail pour ses services.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

La piste de simplification est parfaitement valide ; toutefois, dans la mesure où les éléments d’information concernent non seulement l’administration mais également les banques, elle mériterait d’être retravaillée avec la Fédération bancaire française. D’autant que, dans le détail, la rédaction de l’amendement comporte des éléments inopérants. Deux exemples : l’amendement vise le livret A en proposant de compléter l’article L. 221-7 du code monétaire et financier, alors que l’ouverture du livret A n’est pas subordonnée à la résidence fiscale en France ; de même, s’agissant du livret jeune, la référence n’est pas la résidence fiscale mais la résidence à titre habituel, le jeune pouvant avoir quitté le domicile parental tout en restant rattaché au foyer fiscal de ses parents.

Nous ne pourrons pas réécrire l’amendement à temps pour la séance publique, mais je vous propose de tenir compte de vos propositions dans un prochain véhicule législatif après avoir fait le travail nécessaire d’analyse technique et de consultation.

L’amendement n° 225 est retiré.

La réunion, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 11 heures 55.

Article 42 bis (articles L. 113-12-2 et L. 113-15-3 [nouveau] du code des assurances, articles L. 313-8, L. 313-30, L. 313 46-1 [nouveau], L. 341-39, L. 341-25, L. 341-26, L. 341‑26-1 [nouveau], L. 341-44-1 [nouveau] et L. 341‑46‑1 [nouveau] du code de la consommation et articles L. 221-10 et L. 221‑10‑4 [nouveau] du code de la mutualité) : Clarification des modalités d’application du droit de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur

La commission est saisie de l’amendement n° 58 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. Il s’agit d’étendre aux contrats d’assurance emprunteur le dispositif de résiliation instauré par la loi dite « Hamon », plus efficace que celui actuellement en vigueur et qui simplifierait le changement d’assurance emprunteur, qui s’apparente souvent pour les assurés à un parcours du combattant du fait de la résistance des assureurs. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a d’ailleurs relevé que certains établissements ne répondaient pas à la demande des assurés ou ne le faisaient que très tardivement. Nous proposons en somme une harmonisation du dispositif de résiliation à des fins de simplification.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous convenons tous de la nécessité de conforter le droit des emprunteurs à changer d’assurance pour la couverture d’un crédit immobilier, afin qu’ils puissent négocier de meilleurs tarifs. Les améliorations apportées par l’article 42 bis renforcent déjà sensiblement les droits à résiliation existants ; c’est une avancée significative, dont il convient de prendre la mesure et qu’il faut expliquer à nos concitoyens, car elle permettra de contrer concrètement des manœuvres qui énervaient à juste titre le consommateur.

Leur offrir la possibilité de résilier leur assurance à n’importe quel moment jusqu’à la fin du prêt créerait en revanche une incertitude quant à l’équilibre économique des assureurs qui pourraient être tentés de devenir moins protecteurs ou plus chers.

J’entends vos arguments : dans d’autres secteurs, la date anniversaire du contrat n’entre pas en ligne de compte pour la résiliation. Mais aller plus loin que ne l’ont fait les sénateurs modifierait l’équilibre du texte.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. En effet, des avancées significatives ont déjà été opérées : on peut désormais changer d’assurance emprunteur dans les douze mois qui suivent la signature du contrat, puis chaque année à la date anniversaire de celle-ci. La gestion du contrat est ainsi clairement encadrée et l’assuré peut très régulièrement remettre en cause ce dernier, sachant que nous parlons de prêts à huit, dix ou quinze ans. Le dispositif nous paraît donc équilibré.

Nous avons saisi le comité consultatif du secteur financier (CCSF) pour qu’il fasse le point sur la mise en œuvre des différentes réformes intervenues. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir d’où viennent les difficultés : de la non-application de la loi, d’une mauvaise information des personnes ? La solution est-elle législative, réglementaire, d’organisation, de publicité ? C’est sur le fondement de ce bilan, qui nous sera remis bientôt, que nous proposons de travailler à améliorer encore davantage la protection du consommateur et le dynamisme du marché. Nous ne souhaitons apporter aucune modification avant d’avoir procédé à cette concertation et alors même que nous l’avons lancée en toute transparence vis-à-vis de l’ensemble des acteurs concernés.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Nous entendons vos arguments et nous nous rangerons à votre avis, madame la ministre. Néanmoins, l’article 42 bis est l’occasion de relever deux éléments. D’une part, la notion de date anniversaire perdure s’agissant des contrats d’assurance emprunteur alors qu’elle a disparu dans de nombreux autres cas. Nous devrions y réfléchir, même si j’entends bien qu’une concertation est nécessaire. D’autre part, certains opérateurs persistent à exiger que l’on souscrive l’assurance chez eux pour octroyer un crédit. Ce n’est pas normal : la délégation d’assurance est un droit. Il conviendrait de le rappeler dans de nombreuses négociations.

M. Damien Adam. N’ayant pu défendre mon amendement n° 496, je tiens à m’exprimer sur ce sujet important. Tous les citoyens, comme consommateurs, sont habitués à pouvoir changer d’assurance à n’importe quel moment – d’assurance habitation, par exemple, ou d’assurance automobile, les deux polices les plus usuelles dans notre pays. Je ne comprends pas l’argument selon lequel cela ne pourrait pas être le cas pour l’assurance emprunteur. Certes, a été négociée la possibilité d’en changer à tout moment au cours des douze premiers mois, et non ensuite ; mais, dans le cas d’un prêt à vingt-cinq ou trente ans, cela signifie que, pendant toutes ces années, on est tenu d’attendre la date anniversaire. Cela ne me semble pas être ce qu’il y a de plus simple pour le consommateur.

D’autant que, comme l’a rappelé Mme Beaudouin-Hubiere, lors d’une demande de changement à la date anniversaire, certains assureurs ne font aucun effort pour transmettre à temps les documents nécessaires à l’assuré et s’ingénient même à lui mettre des bâtons dans les roues, de sorte que celui-ci peut se trouver bloqué alors qu’il a engagé les démarches requises auprès d’un nouvel assureur. Il faut absolument se montrer intransigeant à ce sujet. Je voterai l’amendement, pour avancer, libéraliser le secteur et simplifier la vie de nos concitoyens – cela dit sans nier les avancées déjà opérées, essentielles pour améliorer la transparence et l’information des consommateurs.

Mme Patricia Lemoine. Je suis entièrement d’accord avec ce qui vient d’être dit.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements n° 159 et n° 160 de M. Jean-Marie Fiévet tombent.

La commission en vient à l’amendement n° 606 de M. Jean-Marie Fiévet.

Mme Séverine Gipson. Cet amendement vise à étendre la possibilité déjà offerte aux assurés de changer d’assurance à n’importe quel moment pour le leur autoriser non plus seulement pendant la première année mais durant toute la durée de leur prêt. Cela facilitera grandement leurs démarches de renégociation de leur assurance emprunteur et leur apportera un gain de pouvoir d’achat sans modification des droits et des obligations des parties au contrat.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Votre amendement aboutit à supprimer les obligations renforcées d’information de l’assureur à l’égard de son assuré, introduites par l’article 42 bis. J’avoue mal comprendre ce que cela apporterait à l’emprunteur. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. Concernant l’intention de fond, je me suis déjà exprimée. Qui plus est, la rédaction de votre amendement ne correspond pas à son objectif.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement n° 527 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo. À la lumière des débats qui viennent d’avoir lieu, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques n° 480 de M. Gabriel Serville et  609 de M. Jean-Marie Fiévet.

M. Gabriel Serville. L’amendement n° 480 vise à remplacer, à l’alinéa 10, le terme de « documents » par celui, plus large, d’« informations ».

M. Jean-Marie Fiévet. L’amendement n° 609 est défendu.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. En réalité, la modification apportée par ces amendements ne porte pas sur un dispositif d’accord tacite du prêteur à une demande de substitution d’assurance, mais redéfinit la manière dont le prêteur doit motiver sa décision de refus. Remplacer « documents manquants » par « informations manquantes » est plus large, certes, mais aussi moins précis. Peut-être faudrait-il associer les deux formules.

Je vous propose de retirer vos amendements afin de les réécrire en ce sens en vue de la séance publique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La modification proposée concerne la manière dont le prêteur doit motiver sa décision de refus d’une demande de substitution d’assurance emprunteur. Pour éviter les mauvaises pratiques, en particulier l’absence de réponse du prêteur dans un délai de dix jours, le Gouvernement mise plutôt sur le renforcement du pouvoir de sanction de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Il est aussi prévu de préciser par voie réglementaire les obligations de transmission d’informations relatives aux garanties minimales exigées entre prêteur et assureur, conformément aux articles R. 313-23 et R. 313-24 du code de la consommation.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement n° 161 de M. Jean-Marie Fiévet et les amendements identiques n° 98 de Mme Patricia Lemoine et n° 603 de M. Gabriel Serville.

M. Jean-Marie Fiévet. En modifiant l’article L. 313-31 du code de la consommation, notre amendement n° 161 tend à améliorer le fonctionnement des procédures de substitution d’assurance engagées par l’emprunteur.

Lors d’une procédure de substitution, avant de formuler une demande de substitution auprès de son prêteur, l’emprunteur assuré a déjà souscrit l’offre d’assurance auprès du nouvel assureur et connaît de fait les informations précontractuelles et contractuelles qui y sont liées, sous la responsabilité de ce nouvel assureur. La loi dispose par ailleurs que le prêt ne doit pas être modifié du fait de cette demande de substitution.

Ainsi, l’émission d’un avenant au contrat complique la procédure de substitution sans apporter d’informations complémentaires et essentielles, ce que ne fait pas non plus le calcul du nouveau taux effectif global du prêt puisqu’il correspond à une actualisation des flux futurs sachant que l’emprunteur a déjà réglé une part importante du prêt.

Mme Patricia Lemoine. Notre amendement n° 98 vise à rendre réellement effectif le droit au changement d’assurance emprunteur en prévoyant une acceptation tacite par le prêteur des termes du nouveau contrat d’assurance lorsque le délai de réponse de dix jours ouvrés suivant la réception de ce contrat est expiré.

M. Gabriel Serville. L’amendement n° 603 est défendu.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Comme beaucoup d’entre vous, je souhaite qu’il soit mis fin aux pratiques des prêteurs qui font traîner leur décision d’acceptation ou de refus de la substitution d’assurance. Au cours des auditions, nous avons reçu beaucoup de témoignages de terrain faisant état de ces manœuvres dilatoires qui, dans les faits, empêchent de changer d’assurance. Je souscris à l’objectif des amendements, car je condamne ces pratiques.

Mais la suppression de l’avenant au contrat de prêt ne les fera pas disparaître et n’empêchera pas le chevauchement des primes. En effet, l’avenant n’équivaut pas à la notification de la décision du prêteur : il se situe à une étape ultérieure, nécessaire pour objectiver les conséquences du changement d’assureur sur le contrat de prêt, notamment le nouveau taux annuel effectif global, en fonction des informations fournies par l’assureur délégué, et le nouveau coût de l’assurance.

L’enjeu n’est pas de s’en dispenser, mais, plus en amont, de faire respecter par le prêteur la limite légale des dix jours ouvrés pour notifier sa décision d’acceptation ou de refus. Or l’article 42 bis crée précisément des sanctions pour manquement du prêteur à ses obligations envers l’emprunteur, dont le non-respect du délai de réponse fait partie. C’est l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre les manœuvres dilatoires en question.

Je demande donc le retrait de ces trois amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable aux trois amendements. La proposition de loi dite « Bourquin » a permis de parvenir à un équilibre propre à satisfaire les attentes des consommateurs en prévoyant un durcissement des sanctions et l’ajout de leviers permettant à la DGCCRF de lutter contre de telles manœuvres dilatoires.

L’acceptation tacite du contrat présente en revanche une fragilité : le délai de réponse pourrait être dépassé alors que l’assuré a signé un contrat moins-disant ; dans ce cas, un consommateur ayant cédé à une démarche commerciale agressive bénéficierait au bout du compte d’une moins bonne assurance parce que son assureur historique – auquel on peut certes reprocher de n’avoir pas répondu dans les dix jours – n’aurait pas eu la possibilité de lui faire valoir les différences de couverture entre les deux contrats.

Mieux vaut donc s’en remettre au travail de la DGCCRF. Je profite de l’occasion pour rappeler l’existence du dispositif SignalConso, très simple, qui, sans qu’il soit besoin d’écrire une lettre complexe, déclenche l’intervention quasi immédiate de la contrepartie mise en cause par le consommateur et de la DGCCRF.

Commençons donc par faire le point sur l’efficacité de ces différents dispositifs qui sont tout récents – la proposition de loi « Bourquin » a été adoptée fin 2019 –, à partir de notre saisine du CCSF.

Mme Patricia Lemoine. J’entends les arguments du rapporteur et de la ministre, mais notre amendement apporterait une vraie simplification en établissant un accord tacite dès lors que la limite des dix jours ouvrés est dépassée. Pour l’usager, engager une procédure pour faire sanctionner l’organisme qui ne joue pas le jeu constitue une lourdeur administrative de plus.

Peut-être faut-il cependant laisser la proposition de loi précitée produire ses effets. Je vais donc retirer l’amendement, mais je veillerai à ce que l’on nous rassure quant à l’efficacité de ces nouvelles dispositions.

L’amendement n° 98 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements n° 161 et n° 603.

Elle est ensuite saisie de l’amendement n° 52 de Mme Patricia Lemoine.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. En droit, l’avenant au contrat de prêt n’est pas l’acte qui officialise la date du changement d’assurance. Le délai de réflexion accordé à l’emprunteur ne sert qu’à lui permettre de vérifier les évolutions apportées à son contrat de prêt en conséquence de son changement d’assurance, non à retarder la substitution. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis, pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement n° 610 de M. Jean-Marie Fiévet.

M. Jean-Marie Fiévet. Le Parlement a consacré depuis près de dix ans la possibilité pour les emprunteurs de choisir l’assurance liée à leur crédit immobilier, et d’en changer, au moment de la signature de leur offre de crédit, tout au long de la première année, et chaque année ensuite, grâce aux lois dites « Lagarde », « Moscovici », « Hamon » et « Sapin ». Mais, en dépit de ce corpus législatif, des difficultés continuent d’entraver l’application de cette mesure, en particulier pour les ménages les moins favorisés.

Ainsi, pour exercer ce droit, il faut avoir connaissance de la date d’échéance du contrat. Or beaucoup de contrats bancaires historiques n’en ont pas prévu et, dans ces cas, il est compliqué d’en obtenir une. Cela s’ajoute aux délais de traitement des demandes, les emprunteurs ne parvenant toujours pas à obtenir une information automatique et claire de la part des prêteurs.

Pour simplifier et clarifier la situation, notre amendement vise à étendre la possibilité déjà offerte aux assurés de changer d’assurance pour l’autoriser à n’importe quel moment, non plus seulement pendant la première année, mais durant toute la durée de leur prêt. Cela facilitera grandement leurs démarches de renégociation de leur assurance emprunteur et leur apportera un gain de pouvoir d’achat – de 7 000 à 13 000 euros selon le contrat – sans modification des droits et des obligations des parties, ce qui est important pour la population en ces temps de crise.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. En fait, votre amendement supprime une nouvelle obligation d’information incombant à l’assureur, ainsi que le renforcement des sanctions qu’il encourt. Cela ne va vraiment pas dans le sens d’une consolidation des droits des emprunteurs et aboutit à l’effet inverse de celui recherché. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement n° 164 de M. Jean-Marie Fiévet.

M. Jean-Marie Fiévet. Pour permettre aux emprunteurs de choisir librement leur assurance associée au prêt, il impose aux établissements bancaires d’indiquer les conditions d’assurance avant l’émission de l’offre de prêt, par l’intermédiaire de la fiche standardisée d’information et de la fiche personnalisée, afin que l’emprunteur puisse le cas échéant en choisir une autre.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Après vérification avec l’aide des services, votre amendement est entièrement satisfait par les articles L. 313-8 et L. 313-10 du code de la consommation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’amendement est bien partiellement satisfait par les deux articles cités. Pour le reste, c’est-à-dire l’ajout d’une information obligatoire sur le coût de l’assurance, il pourrait être source de confusion, dans la mesure il s’agit quasiment d’une incitation à choisir l’assurance proposée par l’établissement bancaire, alors que l’objectif est précisément de dissocier le prêt de l’assurance emprunteur. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte ensuite l’amendement de précision rédactionnelle n° 308 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 42 bis ainsi modifié.

Article 42 ter (nouveau) (article L. 112-4 du code des assurances) : Mention dans les contrats d’assurance risque de la possibilité pour l’assuré de recourir à une contre-expertise

La commission examine les amendements identiques  56 de Mme Patricia Lemoine et n° 478 de M. Gabriel Serville.

Mme Patricia Lemoine. En cas de sinistre, un assuré peut en principe engager à ses frais une contre-expertise s’il est en désaccord avec les conclusions de l’expert mandaté par l’assureur. Pourtant, on constate que de nombreux assurés ne sont pas toujours informés de cette possibilité. L’amendement n° 56 vise donc à faire figurer sur le contrat d’assurance la possibilité, pour l’assuré, de recourir à une contre-expertise, ainsi que le coût moyen de l’opération.

M. Gabriel Serville. L’amendement n° 478 est défendu. Ma collègue a tout dit…

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Ces amendements permettent en effet une meilleure information de l’assuré et votre proposition ne me semble en rien déraisonnable. Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable.

En cas de sinistre, les modalités d’encadrement et d’évaluation des dommages, notamment la possibilité de recourir à une contre-expertise, relèvent de la liberté contractuelle. Si des difficultés étaient avérées, le Gouvernement serait prêt à travailler à des mesures, mais nous n’avons pas eu d’échos particuliers en la matière, en particulier s’agissant des expertises qui font suite aux catastrophes naturelles.

En l’état, il ne nous semble donc pas particulièrement utile de légiférer. Comme toujours avec ce genre de question, nous avons tout intérêt à engager une concertation préalable avec les professionnels pour éviter les conséquences imprévues.

Mme Patricia Lemoine. Je ne comprends pas vos réticences, madame la ministre. Cet amendement de précision vise simplement à informer l’assuré du droit à une contre-expertise. Élue d’une circonscription soumise quasiment chaque année à un aléa inondation, je vous assure que cette information a toute son importance. Je maintiens donc mon amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Une telle disposition relève du contrat mais elle n’y figure pas nécessairement, certains contrats disposant même explicitement qu’une contre-expertise est exclue : du coup, si l’on adoptait votre amendement, on s’exposerait à une aporie, autrement dit une contradiction insoluble entre la loi et le contrat, lequel est censé préciser les caractéristiques de ce à quoi vous avez droit dans la gestion des litiges.

Mme Patricia Lemoine. Le droit à la contre-expertise devrait couler de source et son inscription dans la loi me semblerait fort utile. Je comprends vos arguments, mais je reste très attachée à cette disposition.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est un problème juridique : ce que vous proposez d’écrire est contraire à la liberté contractuelle. Vous voulez créer un droit à l’information sur un sujet qui n’existe pas… On peut évidemment faire le choix d’imposer une contre-expertise, mais nous ne sommes plus dans le cadre du droit d’information.

La commission adopte les amendements.

Article 43 : Dispositif d’intéressement dans les très petites entreprises

La commission examine l’amendement de suppression  608 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Par cohérence, je vous propose de supprimer la disposition prévue par cet article, déjà adoptée dans le cadre de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, déjà entrée en application.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 43 est supprimé et les amendements qui s’y rapportent tombent.

Article 43 bis A (nouveau) (article L. 214-165 du code monétaire et financier) : Suppression de l’exigence d’une élection des représentants des salariés dans les FCPE d’actionnariat salarié relais

La commission examine l’amendement  643 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La mesure que nous proposons vise à améliorer encore le partage de la valeur dans les entreprises et à faciliter l’accès à l’actionnariat salarié en introduisant une dérogation à l’obligation d’élire des représentants des salariés pour les fonds d’actionnariat mis en place par les entreprises lorsqu’il s’agit de fonds relais, dont la durée de vie est très limitée, ayant vocation à être fondus dans les fonds pérennes de gestion de l’actionnariat salarié.

Lors d’une opération d’actionnariat salarié, un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) d’actionnariat salarié qualifié de fonds relais est utilisé pour collecter les demandes d’investissement des salariés et acheter les titres offerts par l’entreprise effectuant l’opération avant de fusionner, après de brefs délais, avec le FCPE d’actionnariat salarié de référence de l’entreprise.

À compter du 1er janvier 2021, en application du premier alinéa du II de l’article L. 214-165 du code monétaire et financier tel que modifié par la loi « PACTE » relative à la croissance et à la transformation des entreprises, tout type de FPCE d’actionnariat salarié, y compris les fonds relais, pourtant de durée de vie très limitée, devrait comporter des représentants des salariés élus lors d’élections dédiées, ce qui constitue une opération disproportionnée. L’important est de faire en sorte que le véhicule de référence qu’est le FCPE compte des élus des salariés, et non de compliquer l’opération technique d’apport.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Une telle exigence serait en effet disproportionnée pour les FPCE d’actionnariat salarié relais, dont la durée de vie est très limitée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 43 bis B (nouveau) (articles L. 3312-2, L. 3312-8, L. 3322‑9 [nouveau], L. 3332-6-1 [nouveau], L. 3333-7-1 [nouveau], L. 3345-4 du code du travail et article 155 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises) : Sécurisation des accords de branche d’épargne salariale et de leur mise en œuvre par les entreprises

La commission examine l’amendement  644 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Toujours dans l’objectif d’améliorer le partage de la valeur dans les entreprises, cet amendement vise à prolonger l’obligation de négociation pour les branches professionnelles en matière d’épargne salariale et à sécuriser l’adhésion des entreprises à ces accords de branche par la mise en place d’une procédure d’agrément par le ministère du travail.

Pour faciliter le déploiement des dispositifs de partage de la valeur – intéressement, participation et plan d’épargne salariale – et les étendre à un plus grand nombre de salariés, en particulier à ceux des petites entreprises, la loi PACTE impose une négociation aux branches professionnelles qui doit se conclure avant le 31 décembre 2020, l’objectif étant que les branches professionnelles proposent des accords type « clé en main » que les entreprises, en particulier les plus petites, puissent appliquer directement.

Compte tenu du contexte sanitaire et économique, nous proposons de prolonger d’un an cette obligation de négociation en reportant la date limite au 31 décembre 2021.

Dès lors que ces accords de branche « clé en main » sont institués, il sera possible pour les entreprises d’y adhérer directement par voie d’accord d’entreprise ou par une décision d’adhésion de l’employeur.

Afin d’assurer une meilleure sécurisation des accords et décisions d’adhésion des entreprises, cet amendement propose également d’instaurer une procédure d’agrément de l’accord de branche au niveau de l’administration centrale. Il s’agit ainsi à la fois de pallier les limites que présente la procédure actuelle d’extension des accords de branche en matière d’épargne salariale, et le risque d’une remise en cause par les URSSAF des adhésions des entreprises à ces accords.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les premiers accords de branche ont été conclus. Il importe maintenant qu’ils soient pleinement sécurisés et qu’ils puissent être mis en œuvre dans les entreprises qui le souhaitent selon des modalités incontestables. Je suis donc favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Article 43 bis C (nouveau) (articles L. 3313-3, L. 3345-2, L. 3345-3, L. 3322-4-1 et L. 3322-8 du code du travail) : Rationalisation du contrôle administratif des accords d’épargne salariale

La commission examine l’amendement  642 rectifié du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il s’agit de simplifier l’examen des accords d’épargne salariale en transférant le contrôle au fond à l’URSSAF.

Le contrôle de légalité des accords d’entreprise d’épargne salariale fait l’objet d’une collaboration entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et les URSSAF. Ce contrôle au fond préalable par l’administration se justifie par le fait que les sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation font l’objet d’exonérations sociales et fiscales.

L’administration dispose d’un délai de quatre mois pour analyser les accords. En l’absence d’observations, les exonérations sont réputées acquises. En l’absence d’observations dans un délai supplémentaire de deux mois, un accord d’intéressement est sécurisé pour toute la durée de son application.

Une enquête menée auprès des services en charge des contrôles a révélé que la nature de l’analyse et la répartition des compétences entre les DIRECCTE et les URSSAF sont très hétérogènes selon les départements et que les échanges entre ces deux services gagneraient à être simplifiés compte tenu de leurs champs de compétences respectifs.

Cet amendement propose donc de transférer l’intégralité du contrôle au fond de ces accords aux URSSAF compte tenu de leur expertise technique reconnue et du fait qu’elles sont particulièrement concernées. Le délai de quatre mois court à partir de la transmission de l’accord à l’URSSAF par la DIRECCTE.

Cette mesure permettra de conserver une sécurisation des exonérations à travers un contrôle a priori des accords tout en rationalisant le processus de validation administrative.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable : cet amendement permet de rationaliser les contrôles administratifs sur ces accords d’épargne salariale en clarifiant les rôles de chacun. De surcroît, il supprime les règles de calcul des seuils d’effectifs applicables en matière de participation au résultat des entreprises, devenus obsolètes depuis la loi PACTE.

La commission adopte l’amendement.

Article 43 bis (article L. 135 Y du livre des procédures fiscales) : Simplification de la transmission des données relatives à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) aux chambres de commerce et d’industrie

La commission adopte l’article 43 bis sans modification.

Article 43 ter (nouveau) : Prolongation des mesures permettant aux entreprises et aux exploitations en difficulté de faire face aux conséquences économiques de l’épidémie de covid19

La commission examine l’amendement  645 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement tend à prolonger jusqu’au 31 décembre 2021 la durée d’application de certaines mesures prévues par l’ordonnance du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19.

Une telle prolongation vise à permettre aux entreprises et exploitations en difficulté de continuer à bénéficier des mesures adoptées afin de faire face aux conséquences économiques de l’épidémie. Celles-ci portent à la fois sur la simplification, l’assouplissement et l’accélération des procédures et plans applicables aux entrepreneurs individuels et dirigeants d’entreprises et aux exploitants agricoles en difficulté.

Sont ainsi prolongées : la mesure relative à la modification de la procédure d’alerte du commissaire aux comptes ; la possibilité pour le débiteur en procédure de conciliation de solliciter des délais de grâce ou une mesure de suspension des poursuites individuelles ; l’ouverture facilitée des sauvegardes accélérées ; les mesures permettant l’adoption plus rapide des plans de sauvegarde ou de redressement ; les dispositions facilitant l’exécution des plans de sauvegarde et de redressement ; la création d’un privilège de sauvegarde ou de redressement afin d’encourager les financements en période d’observation et en cours d’exécution du plan arrêté par le tribunal ; l’élargissement de l’accès aux procédures de liquidation judiciaire simplifiée et de rétablissement professionnel.

Vous l’avez compris, ces mesures ont fait leurs preuves pendant ces premiers mois de crise et nous devons les prolonger tant le risque est élevé que le nombre d’entreprises concernées augmente. Nous devons pouvoir les accompagner avec la plus grande souplesse possible.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Article 44 : Prolongation et adaptation de l’ordonnance relative au règlement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires

La commission examine l’amendement  684 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cette fois encore, toute une série de mesures adoptées dans la loi relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, dont je vous rappelle que la CMP a été conclusive, n’ont pas lieu de figurer dans le présent projet. D’où cet amendement de suppression.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Il est vrai qu’un équilibre a été trouvé voilà quelques semaines, mais nous avons continué à avancer. Une concertation est en cours avec l’ensemble des acteurs et si nous sommes parvenus à apaiser la guerre des prix, elle ne s’est pas pour autant éteinte. Avec M. le ministre Julien Denormandie, nous nous montrons particulièrement vigilants à cet égard, comme nous l’avons rappelé au mois de juillet dans le cadre du comité de suivi des relations commerciales – nous en retiendrons un fin septembre-début octobre.

Par ailleurs, je m’assure que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) se mobilise pleinement pour contrôler la bonne application de la loi dite « ÉGALIM » pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

L’arrêt de l’encadrement des promotions et du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) du jour au lendemain, en février 2022, qui plus est peu avant la conclusion des négociations commerciales, serait très difficile à gérer : outre que ce serait compliqué à expliquer juridiquement, les distributeurs pourraient l’interpréter comme un signal pour relancer la guerre des prix.

Les parlementaires ont également été très clairs : une ordonnance a vocation à avoir un début, un milieu et une fin, laquelle a vocation à intervenir avant la fin de la législature. Nous proposons donc d’écrire « en dur » dans la loi un certain nombre d’éléments – ce qui vous permettra ainsi de reprendre la main – et de sortir de l’incertitude juridique que nous risquons de connaître en février 2022.

Nous formulerons donc des propositions pour la séance publique afin de reprendre les éléments d’expérimentation et les modifications qui paraissent les plus évidents, notamment pour ce qui touche à l’encadrement des promotions en volume pour les produits dits saisonniers. Vous savez combien cette mesure a causé de sérieuses difficultés, en particulier dans la filière du palmipède gras – le foie gras. À quelques mois de Noël, nous devons nous en souvenir. Certains produits feront donc l’objet de dérogations dans certaines conditions. Nous y travaillons avec les acteurs des filières agricole, agroalimentaire et de la distribution.

M. Rémi Delatte. Cette discussion, intéressante, rappelle combien la question de la hausse du seuil de revente à perte avait mobilisé la profession agricole. Je suis heureux, madame la ministre, que vous ayez ainsi posé les termes du débat. Effectivement, le monde agricole ne comprendrait pas que l’on revienne sur cette disposition qu’il convient, vous l’avez dit, de graver dans le marbre. Cette mesure emblématique de la loi ÉGALIM et issue des États généraux de l’alimentation devrait assurer une meilleure rémunération des producteurs en limitant l’éternelle compression des prix de vente par la grande distribution.

Cette question est si vaste qu’il faut en faire une analyse exhaustive, ce qui demande du temps : nous avons besoin de délais supplémentaires.

Le maintien de cet article se justifie donc parfaitement.

J’ajoute, comme vous l’avez dit madame la ministre, qu’il est indispensable d’encadrer l’ensemble des promotions. La profession agricole en particulier tient à ce qu’aucune dérogation ne soit attribuée.

Mme Barbara Bessot-Ballot. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir mis ces problématiques en évidence. Le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions ont montré que nous avons fait preuve de volontarisme et ont largement témoigné de leur utilité.

Toutefois, j’étais hier avec des représentants du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG), qui m’ont fait part d’une perte assez importante de leur chiffre d’affaires en raison de cette disposition. La raison en est toute simple : on n’écrit pas sur sa liste de courses « foie gras » ! Leurs produits doivent être mis en lumière. Cet angle mort nous avait échappé dans nos réflexions sur la loi ÉGALIM.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous me mettez dans une situation délicate, dans la mesure où nous avions discuté de cette question ensemble, avec nos collègues sénateurs, et la CMP a été conclusive. Néanmoins, j’entends vos arguments, madame la ministre ; je comprends les difficultés rencontrées ainsi que les commissaires qui souhaitent remettre cette question sur la table. Je précise que ce sera la seule de toutes celles qui figuraient dans le projet dit « DDU » que j’accepterai de reprendre dans ce texte.

Je précise également, comme vous-même l’avez dit, madame la ministre, que les parlementaires restent attentifs à ce que les délais d’habilitation ne dépassent pas la durée de la législature : les législateurs de cette mandature ne sauraient engager ceux de la suivante. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, s’agissant du Brexit, nous avons réduit fortement la durée d’habilitation. Je serai donc vigilant en cas de réouverture du dossier.

Je suis d’autant plus sensible à votre argument concernant la réinscription dans le « dur » de la loi d’un certain nombre de mesures que les parlementaires, vous le savez, sont toujours un peu réticents à l’endroit des habilitations à légiférer par ordonnances. Cette disposition est de nature à les rassurer et je suis sûr que nos collègues sénateurs y seront sensibles. Ils comprendront que l’on remette cette question sur la table dès lors que le Gouvernement leur propose de nouveaux éléments à inscrire « en dur » dans la loi.

Je veux donc bien retirer mon amendement de suppression, mais je souhaite que mes collègues jouent collectivement le jeu en retirant eux aussi tous ceux qu’ils ont déposés sur cet article afin que nous ayons cette discussion en séance publique. Si tel n’est pas le cas, je n’argumenterai pas et je me bornerai à en demander le retrait ou à émettre un avis défavorable. Le Gouvernement formulera des propositions d’ici à la séance – durées d’habilitation raisonnables, éléments fermes ; si ce n’est pas le cas, je redéposerai mon amendement de suppression.

Mme Patricia Lemoine. Monsieur le rapporteur, j’accepte votre proposition et je retire évidemment mes amendements. J’en profite pour saluer la qualité de nos échanges depuis le début de la semaine – sauf hier soir, où la situation était un peu compliquée –, ce qui nous permet d’avancer de façon très constructive.

Les amendements  169 et n° 166 sont retirés.

M. Rémi Delatte. Je salue quant à moi la sagesse et l’ouverture d’esprit de notre rapporteur. Nous prenons acte de votre proposition, fort rassurante, madame la ministre, car elle va dans le sens de ce que nous attendons. Je retire également mes amendements.

Les amendements  563 et n° 555 sont retirés.

Mme Sophie Beaudoin-Hubiere. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir ainsi pris en compte nos préoccupations, telles que Mme Bessot-Ballot les a exposées. Je remercie également M. le rapporteur.

Le groupe La République en marche n’a aucun amendement à retirer, faute d’en avoir déposé…

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je retire donc mon amendement.

L’amendement  684 est retiré.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous proposerons donc une rédaction de l’article en séance publique propre à sécuriser les différents acteurs, à donner un cadre général et à vous redonner la main.

J’indique à M. Delatte que nous avons travaillé avec la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs et les autres organisations professionnelles ; tous sont opposés à l’ouverture des promotions, hormis dans des cas particuliers. La filière du palmipède gras est consciente que, pour un nombre limité d’entreprises, PME ou ETI, il n’y a pas d’autre solution que d’accorder des dérogations pour des promotions en volume, pour peu qu’elles soient très rigoureusement encadrées. C’est dans cette optique que nous nous concertons avec l’ensemble de la filière.

La commission adopte l’article 44 sans modification.

8.   Réunion du jeudi 17 septembre 2020 à 15 heures

Après l’article 44

La commission examine l’amendement n° 192 de M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Cet amendement ainsi que le n° 191 à venir visent à simplifier le recouvrement de créances entre professionnels. On estime à 25 % le nombre de défaillances d’entreprises dues à des retards ou à des défauts de paiement, et cela représente chaque année 56 milliards d’euros. Dans le cas d’une créance non contestée par le débiteur, les délais de recouvrement s’élèvent en moyenne à quatre mois et demi. Dès lors qu’une créance n’est pas contestée, le greffier devrait pouvoir apposer sur la facture, après un délai d’un mois, la formule exécutoire, sans attendre l’intervention du juge.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur de la commission spéciale. La création d’un nouveau titre exécutoire sur la base d’une facture fournie par le créancier n’est pas suffisante juridiquement. Il faut que l’acheteur ait été à même de dire qu’il y avait bien relation commerciale avec le créancier et que cela soit vérifié. Déjudiciarisation ne signifie pas forcément amélioration des conditions économiques des entreprises. Compte tenu de la situation qu’elles connaissent, je ne suis pas certain que vos amendements soient de nature à l’améliorer, puisque cela priverait l’acheteur d’un recours au juge.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Même avis. Le ministère de la justice travaille à la simplification de l’injonction de payer. Il va généraliser sa dématérialisation, qui s’est déjà largement développée devant le tribunal de commerce entre professionnels. Il va aussi simplifier par décret, avant la fin de l’année, les conditions d’apposition de la formule exécutoire sur l’injonction de payer, laquelle permet entre professionnels la délivrance d’un titre exécutoire très rapidement, avec un haut degré de sécurité juridique. Nous sommes donc en train d’apporter des réponses au problème soulevé par vos amendements.

M. Rémi Delatte. Je regrette vos avis. Mes amendements auraient contribué à l’accélération promise par le projet de loi et évité des défaillances d’entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Article 44 bis AA (nouveau) (article L. 751-9 [abrogé] du code de commerce) : Suppression de la base de données « Implantations des commerces de détail » (ICODE)

La commission est saisie de l’amendement n° 682 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement vise à supprimer l’obligation, pour le service de l’État chargé de la réalisation d’études économiques en matière de commerce, d’établir une base de données relative au commerce de détail. L’application « Implantations des commerces de détail » (ICODE) a pour objectif de fournir des indicateurs statistiques contribuant à une connaissance locale des magasins de commerce de détail. Or ces informations sont déjà répertoriées par la direction générale des finances publiques et au sein des chambres de commerce et d’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.  

Après l’article 44

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement n° 191 de M. Rémi Delatte, précédemment présenté par son auteur.

Article 44 bis A (articles 302 octies, 1647 D et 1788 du code général des impôts et articles L. 212 et L. 225 du livre des procédures fiscales) : Suppression de la délivrance d’un récépissé de consignation pour l’exercice d’une activité commerciale sur la voie publique ou dans un lieu public

La commission adopte l’amendement rédactionnel n° 309 du rapporteur.

Elle adopte l’article 44 bis A ainsi modifié.

Article 44 bis B : Expérimentation d’une clause de révision de prix des produits alimentaires

La commission est saisie de l’amendement de suppression n° 685 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer de nouveau un dispositif introduit une première fois par le Sénat, lors de l’examen du projet de loi dit « EGALIM ». M. Jean‑Baptiste Moreau, qui était le rapporteur du texte, lui avait reproché son caractère automatique qui priverait les opérateurs de toute marge de manœuvre et risquerait de durcir les négociations et de pénaliser encore plus les fournisseurs face à la distribution. J’inviterais les professionnels à utiliser plutôt la clause de renégociation du contrat, prévue à l’article L. 441‑8 du code de commerce.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable. Ces clauses automatiques sont dangereuses, dans la mesure où elles risquent d’écraser la marge en cas de chute des cours.

La commission adopte l’amendement et l’article 44 bis B est supprimé.  En conséquence, l’amendement n° 65 de M. Richard Ramos tombe.

Article 44 bis C (nouveau) (article L. 511-2-1 [nouveau] du code de la consommation et article L. 450-2-1 [nouveau] du code de commerce) : Dématérialisation des actes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

La commission est saisie de l’amendement n° 647 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’amendement vise à permettre aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l’Autorité de la concurrence de dématérialiser leurs actes d’enquête.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est une mesure de bon sens. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.  

Article 44 bis (article L. 421-8 du code de la construction et de l’habitation) : Facilitation des modalités de composition et de fonctionnement des conseils d’administration des offices publics de l’habitat

La commission adopte l’article 44 bis sans modification.

Après l’article 44 bis

La commission examine l’amendement n° 196 de Mme Stéphanie Kerbarh.

M. Vincent Thiébaut. Cet amendement vise à ouvrir le régime juridique de la résidence-services aux jeunes. L’ouverture et l’adaptation de cet outil, initialement destiné aux personnes âgées, à un public de jeunes présenteraient deux avantages principaux. En premier lieu, cela permettrait d’augmenter l’offre de logements accessibles aux jeunes confrontés à une crise du logement et au chômage, et ainsi de faire face à leur essor démographique et à leur besoin de mobilité. En second lieu, cela favoriserait le développement de logements adaptés aux jeunes, tant du point de vue des caractéristiques architecturales, du régime locatif et des besoins de lieux de vie active – coworking, pépinières ou crèches – que des services, avec des plateformes digitales pour faciliter le contact avec les autres résidents ou un parcours locatif digitalisé.

L’amendement s’inscrit pleinement dans l’objectif de simplification et d’accélération de l’action publique, puisqu’il clarifie juridiquement le statut de résidence‑services junior et permet aux collectivités de s’engager plus sereinement dans leur construction.

Dans un contexte de crise économique et sociale, il permettra au secteur du bâtiment de relancer ses activités. Cet amendement avait d’ailleurs été adopté dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » avant d’être retiré lors de la commission mixte paritaire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis défavorable. Le dispositif actuel des résidences‑services n’est pas spécialisé. Il est inutile de créer des sous‑catégories et de complexifier le paysage des structures d’habitation. Il existe déjà une offre diversifiée de solutions en faveur des jeunes – foyers de jeunes travailleurs, résidences jeunes actifs ou résidences universitaires. On peut craindre, en revanche, que l’association de services à une prestation de logement ne pousse à des dérives, notamment en matière de prix.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cette solution avait été écartée lors de l’examen de la loi ELAN au motif qu’il existait déjà une offre suffisante de solutions pour les jeunes. Par ailleurs, lier services et contrat de bail fait courir le risque de dérives constatées dans les résidences­‑services dites de première génération, en matière de facturation. Enfin, le cadre juridique actuel sur les résidences‑services s’applique quel que soit le public. Une spécialisation n’est donc pas nécessaire et le complexifierait sans plus‑value.

Avis défavorable.

M. Vincent Thiébaut. Je retire l’amendement. Je ferai part de vos remarques à Mme Stéphanie Kerbarh et lui proposerai de se rapprocher de vous pour des éléments complémentaires, le sujet lui tenant particulièrement à cœur.

L’amendement est retiré. 

Article 44 ter A : Création d’un guichet unique pour l’accès aux subventions de l’État et l’instruction des projets d’investissement des collectivités territoriales

La commission examine les amendements de suppression n° 698 du rapporteur et n° 525 de M. Stéphane Baudu.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 44 ter A créé par le Sénat afin de désigner, dans chaque département, un unique service de l’État qui serait chargé de recevoir et d’instruire toutes les demandes de subventions déposées par les collectivités. L’objectif est en réalité satisfait par la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), opérationnelle depuis le 1er janvier 2020. Au sein de l’ANCT, le préfet exerce le rôle de délégué territorial et représente l’interlocuteur unique des collectivités dans le cadre de l’accompagnement de leur projet. Aussi me semble‑t‑il préférable de laisser le temps à l’ANCT d’exercer pleinement ses missions.

M. Philippe Bolo. L’amendement de mon collègue M. Baudu rappelle que ce qui existe est suffisant et que le dispositif du Sénat ne ferait que complexifier la procédure, voire serait contreproductif.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte les amendements et l’article 44 ter A est supprimé.  

Article 44 ter B (nouveau) (article 9 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire) : Modalités de sélection des projets relatifs aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE)

La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 697 du rapporteur et n° 357 de Mme Barbara Bessot Ballot.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement n° 697 a pour objet de simplifier la procédure des appels à projets liés à un pôle territorial de coopération économique, dits PTCE, prévue par la loi relative à l’économie sociale et solidaire de 2014. Le droit en vigueur prévoit que ces projets sont sélectionnés par un comité interministériel associant les financeurs, après avis de personnalités qualifiées et de représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, parmi lesquels des conseils régionaux et départementaux. Afin de faciliter le déploiement potentiel de nouveaux appels à projets, il est proposé de supprimer le comité interministériel et de resserrer la sélection des projets autour des deux principaux financeurs : l’État et les collectivités territoriales.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Mme Bessot Ballot aurait adoré défendre son amendement n° 357 cet après‑midi, engagée qu’elle est dans l’économie sociale et solidaire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à l’amendement n° 357.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable aux deux amendements.

La commission adopte l’amendement n° 697.

En conséquence, l’amendement n° 357 tombe. 

Article 44 ter : Délégation à l’autorité exécutive territoriale des décisions de mises à disposition à titre gratuit de biens appartenant à une collectivité

La commission examine les amendements de suppression n° 696 du rapporteur, n° 382 de M. Buon Tan et n° 524 de M. Stéphane Baudu.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 44 ter introduit par le Sénat dispose que l’organe délibérant de la commune, du département ou de la région peut déléguer à l’exécutif la faculté de décider des mises à disposition de biens à titre gratuit. D’une part, cette mesure ne précise pas le champ d’application des mises à disposition concernées. D’autre part, elle peut entraîner des conséquences dommageables, dans la mesure où ces décisions ont un impact sur les finances des collectivités concernées. Il apparaît donc nécessaire de protéger les deniers publics et d’éviter des atteintes au patrimoine des collectivités, en maintenant expressément la compétence des organes délibérants relative à la mise à disposition de biens à titre gratuit.

M. Philippe Bolo. Cette mesure pourrait également être prise à mauvais escient par des exécutifs qui auraient des ambitions électorales. Par ailleurs, elle pose également un problème démocratique, les assemblées délibérantes ne pouvant plus décider de ce qu’elles font d’un bien pendant douze ans. Enfin, cela immobilise des biens municipaux pendant autant d’années.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte les amendements et l’article 44 ter est supprimé.

Article 44 quater (nouveau) (articles L. 2122-1, L. 2141-3, L. 2152-9 [nouveau], L. 2171-8 [nouveau], L. 2195-4, L. 2322-1, L. 2395-2, L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2661-2, L. 2661-4, L. 2671-1, L. 2671-2, L. 2671-4, L. 2681-1, L. 3136-4, L. 3123-3, L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3361-2, L. 3371-1, L. 3371-2 et L. 3381-1 du code de la commande publique) : Passation dérogatoire de certains marchés publics et accès à la commande publique des entreprises en difficulté et des petites et moyennes entreprises

La commission est saisie de l’amendement n° 652 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’ampleur des difficultés économiques et sociales rencontrées par les opérateurs économiques, particulièrement les petites et moyennes entreprises, fortement touchées par l’état de crise sanitaire, conduit le Gouvernement à simplifier la passation dérogatoire de certains marchés et à inscrire durablement au sein du code de la commande publique les dispositifs de soutien à l’économie et aux entreprises introduits par les ordonnances prises sur le fondement de l’habilitation de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

L’amendement cherche à atteindre trois objectifs.

D’abord, à simplifier la passation dérogatoire de certains marchés, en ajoutant l’intérêt général comme cas de recours possible à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence.

Ensuite, à faciliter l’accès des entreprises en difficulté aux contrats de la commande publique, en autorisant expressément les entreprises bénéficiant d’un plan de redressement à se porter candidates à ces contrats, en modifiant la rédaction de l’article L. 2195‑4 du code de la commande publique, afin d’y faire apparaître l’interdiction faite à l’acheteur de mettre en œuvre son pouvoir de résiliation de plein droit au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.

Enfin, il vise à réserver une partie de l’exécution des marchés globaux – 10 % au moins – aux PME et aux artisans, laquelle sera un critère d’évaluation de la qualité de l’offre.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement va dans la bonne direction pour soutenir efficacement nos entreprises à l’heure du plan de relance. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 44 quinquies (nouveau) (articles L. 2711-1 à L. 2711‑8 [nouveaux], L. 2725-1 [nouveau], L. 2726-1 [nouveau], L. 2727‑1 [nouveau], L. 2728-1 [nouveau], L. 3411-1 à L. 3411-7 [nouveaux], L. 3425-1 [nouveau], L. 3426-1 [nouveau], L. 3427-1 [nouveau] et L. 3428‑1 [nouveau] du code de la commande publique) : Adaptation des règles de la commande publique en cas de circonstances exceptionnelles

La commission examine l’amendement n° 651 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Afin de pouvoir réagir plus rapidement et plus efficacement à la survenance de circonstances exceptionnelles nouvelles, l’amendement a pour objet d’inscrire dans le code de la commande publique un dispositif pérenne de crise, qui pourra être mis en œuvre sur décision des autorités compétentes. Pour faire simple, supposons qu’une crise sanitaire arrive et qu’il faille s’équiper de protections, l’application stricte des règles de la commande publique n’est peut‑être pas tout à fait adaptée à la situation.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement vise à inscrire dans le code de la commande publique des dispositions permettant, dans le cas de circonstances exceptionnelles telle la crise du covid-19, d’adapter les règles de la commande publique s’agissant notamment des procédures de passation des marchés et de l’exécution des contrats. Une telle anticipation me semble tout à fait fondée. Avis favorable.

Mme Émilie Cariou. Madame la ministre, serait‑il possible d’avoir, d’ici à la séance publique, un éclairage sur la compatibilité de ces dispositions avec le droit communautaire ?

M. Buon Tan. Madame la ministre, je me réjouis de cet amendement qui permettra d’éviter bon nombre de problèmes qui se posent depuis le mois de mars. Pourrez‑vous vous assurer qu’il sera appliqué rapidement, afin d’éviter de nouveaux déboires ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’amendement est évidemment compatible avec le droit de la commande européen. Jusqu’alors, la France a plutôt montré de la timidité dans l’utilisation des différents leviers. Par exemple, alors que le seuil des marchés publics sans formalité était de 25 000 euros en France, au 1er janvier 2020, nous l’avons fait passer à 40 000 euros. Le niveau européen est de 40 000 euros en moyenne pour les services et de 80 000 euros en moyenne pour les travaux, avec des variations pouvant aller au‑delà de 100 000 euros. La direction des affaires juridiques de Bercy est en lien avec la Commission européenne sur chacune de nos avancées, pour s’assurer de la compatibilité de nos textes, mais également pour présenter notre conception en matière de simplification – la dématérialisation notamment, domaine dans lequel nous faisons partie des bons élèves.

Mme Émilie Cariou. En l’absence d’étude d’impact, dans la mesure où c’est un amendement gouvernemental, vous serait‑il possible de nous faire passer une note de synthèse de la direction des affaires juridiques de Bercy, afin de nous rassurer ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La directrice des affaires juridiques peut me signer un papier disant que mes propos sont vrais…

Mme Émilie Cariou. Je vous parle d’une analyse juridique. Jusqu’à preuve du contraire, il y a encore une hiérarchie des normes qu’il nous faut respecter. Ce serait bien de disposer d’une note juridique pour être sécurisés. Par exemple, ce matin, M. le ministre Adrien Taquet a dit qu’il allait associer les parlementaires à ses travaux et les informer. Je vous demande simplement un éclairage.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Dans le cadre des règles européennes, il est difficile de faire une note disant qu’on est bien dans le code des marchés. Je pourrais éventuellement demander une étude d’impact, mais une note pour affirmer que nous avons bien respecté la directive sur la commande publique, je ne vois pas bien ce que je mettrais dedans. Vous savez tous que j’ai toujours associé les parlementaires à mes travaux, sur ce texte comme sur tous les autres.

Mme Émilie Cariou. Quand vous préparez votre texte, vous passez forcément par une analyse juridique. On ne vous demande pas un scoop ! J’ai bien noté votre réponse : « Débrouillez‑vous pour valider ! » On verra si le Conseil constitutionnel sera saisi ou non… Quand on ne passe pas devant le Conseil d’État, le minimum est de donner des sécurités juridiques aux parlementaires. Vous ne voulez pas le faire, soit !

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 44 ter

La commission examine l’amendement n° 504 de M. Jimmy Pahun.

M. Philippe Bolo. Le code de la commande publique permet d’exclure les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour un certain nombre d’infractions pénales : prise illégale d’intérêts, corruption ou blanchiment. L’amendement vise à étendre cette interdiction aux cas d’atteinte au droit de l’environnement, plus précisément, en cas d’infraction pénale liée au non‑respect des procédures d’autorisation pour la réalisation de travaux ou d’ouvrages. Il pose ainsi un principe fort : les atteintes à l’environnement ne sont pas moins graves que les délits financiers et justifient autant l’exclusion temporaire des marchés publics. Une telle disposition garantira un meilleur respect du droit de l’environnement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Si je comprends tout à fait la motivation de cet amendement, dans une perspective de moralisation de la commande publique, il soulève une première difficulté de forme, dans la mesure où l’extension des cas d’exclusion de la commande publique que vous proposez ne s’appliquerait pas à l’ensemble des marchés publics, laissant de côté les contrats de concession pour lesquels les motifs d’exclusion sont prévus par les articles L. 3123‑1 et suivants du code de la commande publique.

Sur le fond, le juge judiciaire peut déjà, sur le fondement de l’article 131‑39 du code pénal, prononcer une peine complémentaire d’interdiction à l’accès aux marchés publics, afin de sanctionner les personnes qui ont, par exemple, commis des infractions pénales en matière environnementale. Il s’agit de garanties d’individualisation et de proportionnalité de la peine, qui ont un effet dissuasif supplémentaire, en cas de poursuites pénales.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable.

M. Philippe Bolo. Étant donné la précision des arguments avancés, je laisse la liberté à M. Pahun de voir s’il souhaite aller plus loin, mais en attendant je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Article 44 sexies (nouveau) : Application à certains marchés publics du dispositif de modification des contrats en cours d’exécution La commission est saisie de l’amendement n° 650 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il s’agit d’étendre aux marchés publics conclus avant le 1er avril 2016 le dispositif de modification des contrats en cours d’exécution prévu par le code de la commande publique, à l’instar des contrats de concession conclus avant le 1er avril 2016. En vertu du II de l’article 20 de l’ordonnance du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, les dispositions de ce code relatives à la modification des contrats ont été rendues immédiatement applicables aux contrats de concession conclus ou pour lesquels une procédure de passation a été engagée ou un avis de concession a été envoyé à la publication avant le 1er avril 2016. En revanche, les modifications des marchés publics et des contrats de partenariats antérieurs au 1er avril 2016 demeurent régies par les textes en vigueur avant le 1er avril 2016.

À l’instar du régime applicable aux contrats de concession, l’amendement vise à étendre à l’ensemble des contrats répondant à la définition d’un marché public, au sens de la commande publique – marchés, marchés de défense ou de sécurité, contrats de partenariat et autres marchés complexes –, conclus avant le 1er avril 2016, le dispositif de modification des contrats en cours d’exécution prévu actuellement par le code de la commande publique. Cette mesure permet aux marchés publics antérieurs au 1er avril 2016 de bénéficier de nouvelles dispositions favorables en matière de modifications sans publicité ni mise en concurrence, de modifications pour l’achat de prestations complémentaires ou de modifications rendues nécessaires par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à cet amendement d’harmonisation.   

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 44 ter

La commission examine l’amendement n° 19 de M. Philippe Vigier.

M. Rémi Delatte. L’ouverture d’un établissement scolaire est soumise à un régime déclaratif. Dans la mesure où le dossier de déclaration d’ouverture est complet et répond à toutes les exigences légales et réglementaires, la non‑opposition du maire, du représentant de l’État dans le département et du procureur de la République dans un délai de trois mois vaut autorisation d’ouverture. Ce délai permet d’effectuer, le cas échéant, toutes les vérifications nécessaires. Mais si ces vérifications se révèlent satisfaisantes dans un délai inférieur à trois mois et que les autorités le mentionnent au rectorat, nul besoin d’un tel délai. C’est une mesure de simplification et d’accélération.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le délai de trois mois dont disposent le rectorat, le maire de la commune, le préfet et le procureur de la République pour former opposition à l’ouverture d’un établissement scolaire privé hors contrat n’est pas de trop pour vérifier que l’ensemble des conditions requises – ordre public, protection de l’enfance, réalité de l’activité scolaire – sont satisfaites. Cela laisse le temps aux autorités compétentes d’instruire précisément les dossiers, étant entendu que si aucun motif d’opposition n’a été formulé au cours de ces trois mois, l’établissement ouvre automatiquement.

Je ne suis pas sûr que laisser chacune de ces autorités annoncer sa non-opposition à l’ouverture de l’établissement avant l’expiration du délai constitue vraiment une simplification.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Avis défavorable.

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi dite « Gatel », le délai légal de trois mois s’avère nécessaire pour permettre aux autorités compétentes d’instruire les dossiers de demande d’ouverture dans des délais raisonnables. C’est un travail qui suppose des échanges d’informations entre les services puisque quatre administrations doivent être consultées, l’objectif étant de s’assurer que le contenu de l’enseignement de l’établissement hors contrat ne soulève pas de problème particulier.

J’observe que l’amendement aurait pour effet technique de priver le recteur d’académie de sa faculté de s’opposer à l’ouverture de l’établissement dès lors que le maire, le préfet ou le parquet feraient état d’une non-opposition mais pas d’un agrément, ce qui nous paraît contraire à l’esprit de la loi Gatel et ne peut que nuire à l’effectivité des contrôles.

M. Rémi Delatte. Dès lors que tous les protagonistes sont d’accord pour ouvrir l’établissement, je ne vois pas pourquoi il faut attendre trois mois, au prétexte que c’est un délai raisonnable pour l’instruction du dossier.

Dans cet amendement, nous n’imposons pas une réduction du délai, nous proposons seulement d’autoriser l’ouverture de l’établissement.

Monsieur le rapporteur, vous venez de dire que l’on pouvait ouvrir l’établissement avant le délai de trois mois. Or sans mon amendement, ce n’est pas possible.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vérifierai ce point d’ici à l’examen du texte en séance publique, mais je maintiens mon argumentation.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Dans votre amendement, vous n’avez pas prévu la non-opposition du recteur.

M. Rémi Delatte. C’est le recteur qui donne l’autorisation. Dès lors que le maire, le procureur de la République et le représentant de l’État ont fait savoir au recteur qu’il n’y a pas d’opposition à l’ouverture de l’établissement, la boucle est bouclée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Tel qu’il est rédigé, votre amendement exclut le recteur.

M. Rémi Delatte. Je le retire pour le retravailler d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

Article 44 septies (nouveau) (articles L. 213-8 et L. 213-8-1 du code de l’environnement) : Composition des comités de bassin

La commission examine l’amendement n° 648 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il s’agit d’adapter la gouvernance des comités de bassin en précisant le nombre de députés, de sénateurs et de suppléants présents au sein de chaque comité, ainsi que d’y favoriser la parité hommes-femmes, de même que dans les conseils d’administration des agences de l’eau.

L’amendement tend également à corriger une coquille, suite à la réforme de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages concernant le nombre de collèges dans les comités de bassin.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à cet amendement qui permet notamment de mettre en cohérence les règles applicables au niveau législatif et réglementaire s’agissant de la participation des parlementaires dans les comités de bassin.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 44 ter

La commission examine l’amendement n° 355 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je ne sais pas pourquoi cet amendement n’a pas été placé dans le cadre de la discussion que nous avons eue sur l’accompagnement des enfants handicapés – certainement pour des raisons de codification. Il vise à simplifier la vie des parents d’enfants porteurs d’un handicap et à leur éviter la double peine des démarches et blocages administratifs.

Depuis de nombreuses années, les recours de parents affluent devant les juridictions et le Défenseur des droits concernant le refus d’aménagement des examens par l’éducation nationale. Il est incompréhensible que les parents d’enfants en situation de handicap soient contraints de remplir un dossier de demande d’aménagement, alors que ces mêmes aménagements pédagogiques ont été décidés depuis de nombreuses années et appliqués au sein de l’établissement scolaire. D’où mon amendement qui précise que ces aménagements sont de droit sans que le candidat en fasse la demande, s’ils ont préalablement fait l’objet d’une validation par le rectorat au cours de la scolarité.

Toutes les démarches que doivent faire les parents d’enfants handicapés sont très lourdes : c’est juste l’enfer ! Après avoir accompli toutes les démarches administratives pour faire reconnaître et accepter le handicap de leur enfant à l’école puis aménager son parcours scolaire, les parents doivent tout recommencer à zéro pour obtenir un aménagement lorsque l’enfant doit passer un examen. Ce que je propose constituerait vraiment une simplification administrative et rendrait service aux parents d’enfants handicapés.

Voilà pourquoi je défends avec force cet amendement et le suivant.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je salue votre engagement sur ce vrai problème. Néanmoins, je pense qu’il relève du niveau réglementaire.

Je considère votre amendement comme un appel à obtenir des réponses et un déblocage de la situation de la part du Gouvernement, aussi espéré-je que Mme la ministre aura des réponses à nous apporter sur le sujet et des pistes permettant de lever les blocages que vous évoquez.

Demande de retrait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Effectivement, il s’agit d’une mesure d’ordre réglementaire.

Le Gouvernement est favorable à cette évolution. C’est pourquoi il prévoit de publier à l’automne 2020 un décret qui préciserait que les élèves disposant d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS), d’un plan d’accompagnement personnalisé (PAP) au titre des troubles du neuro-développement, notamment ceux que l’on appelle les troubles « dys », ou d’un projet d’accueil individuel (PAI) pourraient bénéficier de droit à des aménagements dont ils ont bénéficié sur le temps scolaire. Ce décret simplifiera la procédure puisque, au moment des examens, il ne sera plus nécessaire pour la famille de soumettre la demande au médecin désigné par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), la situation ayant nécessairement été étudiée lors de l’établissement du PPS, du PAP ou du PAI. Je crois que ce futur décret répond pleinement à votre demande.

Je signale d’ailleurs que le ministère de l’éducation nationale, en collaboration avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, expérimente en cette rentrée un livret de parcours inclusif qui sera disponible à partir de la rentrée scolaire 2022.

Je demande donc le retrait de cet amendement, car il sera satisfait dans les prochaines semaines.

Mme Laure de La Raudière. Je n’ai vraiment pas envie d’embêter le Gouvernement et je conviens que la mesure est d’ordre réglementaire. C’est pourquoi la rédaction que je propose est seulement une orientation et qu’elle complète un article relatif aux aménagements.

Je soulève ce problème depuis longtemps, en fait depuis que je suis députée. Je ne doute pas de la sincérité du Gouvernement, mais si le décret paraît bien à l’automne, cela ne mange pas de pain d’adopter aujourd’hui mon amendement, quitte à le supprimer en cours de procédure d’examen du texte.

Par ailleurs, l’adoption de mon amendement ne mettrait pas en défaut le Gouvernement. C’est dans cet esprit-là que je ne retire pas cet amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je vais demander aux services de l’éducation nationale de nous envoyer au moins un projet de décret, même s’il n’est pas encore passé sous les fourches caudines du Conseil d’État, de façon à s’assurer que tout est correctement anticipé. Je pense que cela peut répondre à votre questionnement.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Les engagements et les propos de Mme la ministre me paraissent assez éclairants. Nous sommes, bien évidemment, sensibles au problème que vous soulevez et nous veillerons à avoir le projet de décret avant l’examen du projet de loi en séance publique. Et si, dans l’hémicycle, le Gouvernement ne nous le proposait toujours pas, nous pourrions vous suivre. Mais laissons le temps au Gouvernement de nous présenter ce projet de décret.

Mme Laure de La Raudière. Je suis d’accord avec ce principe. L’examen du texte en séance publique débutera dans quinze jours. Si on nous présente un projet de décret, je ne redéposerai pas mon amendement, sinon je le redéposerai. Je fais confiance à la majorité et à l’engagement de Mme Beaucouin-Hubiere de me suivre au cas où le Gouvernement ne présenterait pas de projet de décret. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement n° 366 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je m’attends à la même réponse que sur l’amendement précédent. Le n° 366 vise à simplifier la vie des parents d’élèves qui demandent des aménagements, que l’enfant soit ou non porteur d’un handicap.

Si un plan d’accompagnement – PAP, PPS, programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) – a été mis en place pour l’enfant, je propose que ce soit le chef d’établissement qui sollicite le rectorat au moins six mois avant l’examen pour que l’enfant bénéficie d’un aménagement. J’ajoute un « cliquet » en prévoyant que l’absence de réponse du rectorat dans un délai d’un mois vaut acceptation.

Actuellement, les parents sont obligés de passer par une CDAPH et d’envoyer directement leur demande d’aménagement d’examen au rectorat. Mais bien souvent, ils n’ont pas de réponse du rectorat, et l’examen a lieu. J’essaie donc de modifier la procédure pour que les parents ne se retrouvent pas dans cette situation.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Comme vous l’avez dit, cette mesure est d’ordre réglementaire, et je comprends également cet amendement comme un appel à rendre la procédure plus efficace. Là encore, j’en demande le retrait au bénéfice des éléments de réponse que le Gouvernement pourra vous apporter.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La direction générale de l’enseignement scolaire a lancé un groupe de travail qui réunit les membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Ce groupe de travail a contribué à l’élaboration d’un projet de décret, complété par une circulaire et des formulaires nationaux qui préciseront les modalités de la procédure. Ce décret, qui sera publié à l’automne 2020, est en cours de consultation, donc accessible. Le deuxième alinéa de l’article prévoit que la demande doit être formulée au plus tard à la date limite d’inscription à l’examen ou au concours concerné, sauf dans le cas où le handicap est révélé après cette échéance. Cette question va donc être couverte par ledit décret en cours de consultation. Tel qu’il est rédigé aujourd’hui, le texte est plus protecteur que le vôtre puisque la demande peut être faite jusqu’à la date d’inscription.

Quant au délai de réponse, il respecte les contraintes calendaires et la réponse est toujours motivée.

Je demande le retrait de l’amendement.

Mme Laure de La Raudière. Si le décret est en cours de consultation, je vais pouvoir vérifier tout cela. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Article 44 octies (nouveau) (articles 706-71 et 804 du code de procédure pénale) : Comparution par visioconférence des personnes détenues

La commission est saisie de l’amendement n° 646 rectifié du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement complète le code de procédure pénale pour permettre le recours à la comparution par visioconférence devant la chambre de l’instruction, l’idée étant de simplifier, faciliter et accélérer la tenue des audiences en évitant de multiplier les extractions des établissements pénitentiaires.

Tout en s’inscrivant clairement dans l’objectif général de simplification et d’accélération de l’action publique du présent projet de loi, l’amendement fait suite à une décision QPC du Conseil constitutionnel donnant jusqu’au 31 octobre 2020 au Gouvernement et au Parlement pour tirer les conclusions de l’inconstitutionnalité partielle constatée par le Conseil. Son unique objet est, en effet, de préciser que les personnes détenues depuis plus de six mois en matière criminelle et qui contestent leur détention doivent pouvoir comparaître en personne devant la chambre de l’instruction, sans que l’on puisse leur imposer, comme le permettent les textes actuels, le recours à la visioconférence. Il s’agit donc d’une garantie nouvelle : le droit de comparaître physiquement au moins tous les six mois devant son juge, ce qui impose de réécrire l’article 706-71 du code de procédure pénale avant le 31 octobre. À défaut, il ne serait plus possible de recourir à la visioconférence devant les chambres de l’instruction, ce qui poserait évidemment de grandes difficultés pour les juridictions qui pourraient être amenées à extraire systématiquement les détenus sous peine de remise en liberté immédiate. Or ce risque est majeur au vu des difficultés récurrentes que connaissent déjà les services chargés des extractions judiciaires.

Je précise qu’une décision similaire du 20 septembre 2019 avait déjà donné lieu à l’adoption de telles dispositions par le Sénat, au mois de mars 2020, dans le cadre du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. Elles présentent donc un caractère consensuel.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement vise à tirer les conclusions concrètes d’une décision d’inconstitutionnalité prononcée dans le cadre d’une QPC en avril dernier. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 44 nonies (nouveau) (articles L. 122-5, L. 513-1 et L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle) : Libéralisation du marché des pièces détachées visibles pour l’automobile

La commission examine l’amendement n° 528 de M. Damien Adam, qui fait l’objet du sous-amendement n° 718 de M. Buon Tan.

M. Damien Adam. Cet amendement de « service après censure » propose de rétablir l’article 110 de la loi d’orientation des mobilités, censuré par le Conseil constitutionnel qui l’a considéré comme un cavalier législatif.

Cet article vise à libéraliser le marché des pièces détachées visibles pour l’automobile, au bénéfice tant du pouvoir d’achat des consommateurs que de la compétitivité des équipementiers de la filière automobile. Concrètement, les dessins et modèles concernant les rétroviseurs, les pièces de vitrage, d’optique ou la carrosserie d’origine ne seraient plus la propriété exclusive des constructeurs automobiles mais pourraient être utilisés par n’importe quel fabricant pour produire et vendre les pièces aux particuliers.

Enfin, pour les autres pièces de carrosserie, il était prévu de faire tomber les dessins et modèles dans le domaine public au bout de dix ans et non vingt-cinq ans, comme aujourd’hui.

M. Buon Tan. Cette disposition permettrait à des fabricants de vendre des produits pour lesquels ils n’ont pas eu à supporter de frais de recherche et développement, ce qui risque de nuire à l’innovation en France. C’est pourquoi je propose de supprimer, au dixième alinéa de l’amendement n° 528, les mots « à l’optique et aux rétroviseurs ».

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement n° 528, sous réserve de l’adoption du sous-amendement de M. Tan.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. Il s’agit de rétablir en l’affinant une rédaction qui avait déjà été adoptée.

La commission adopte successivement le sous-amendement n° 718 et l’amendement n° 528 sous-amendé.

Après l’article 44 ter

La commission examine l’amendement n° 345 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Nous partageons la volonté de décarboner, en particulier les transports de marchandises, notamment en travaillant sur la complémentarité des modes de transport. Il nous semble donc important de pouvoir renforcer l’attractivité et la compétitivité des offres logistiques combinant le rail et la route, ainsi que le fluvial et la route.

Je propose d’agir sur le premier maillon que constituent le pré et le post-acheminement routier en portant de 44 à 48 tonnes le poids maximum autorisé des ensembles routiers affectés aux transports combinant le rail et la route.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je connais votre engagement sur le sujet. Néanmoins, il semble que votre amendement relève plutôt du niveau réglementaire.

Quant au fond, j’ai un doute sur le fait que l’élévation du poids maximum autorisé des véhicules de transport routier soit vraiment l’avenir, surtout si on souhaite développer le fret non routier.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

Selon l’analyse du ministère de la transition écologique, l’augmentation du poids des véhicules routiers entraînerait certes individuellement une amélioration du bilan carbone, mais elle dégraderait la compétitivité relative du fret non routier en contribuant à réduire le coût du transport routier. Les gains attendus ne se retrouveraient donc pas à l’échelle globale du transport de marchandises.

Par ailleurs, le seuil national de 48 tonnes contreviendrait à la directive européenne 96/53 /CE relative aux poids et dimensions des véhicules de transport routier, qui limite à 44 tonnes le poids des véhicules concourant aux opérations de transport intermodal.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement n° 550 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. L’article 32 de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite « ESSOC », permettait d’expérimenter pendant quatre ans dans les régions Hauts‑de‑France et Auvergne-Rhône-Alpes une limitation de la durée des contrôles administratifs de tous ordres opérés dans les petites et moyennes entreprises. Pour un même établissement, la durée cumulée de contrôle ne peut dépasser neuf mois par période de trois ans.

Or le retour d’expérience fait état d’une difficulté engendrée par le deuxième alinéa dudit article 32 qui permet d’écarter la limitation de durée des contrôles s’il existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire. Le présent amendement rend au texte son esprit initial en permettant d’écarter l’application de la limitation de durée seulement pour les manquements les plus graves, c’est-à-dire en cas d’indices précis et concordants de travail dissimulé.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. La loi a prévu une expérimentation de quatre ans à compter de la promulgation de la loi ESSOC. J’entends vos arguments sur les premières remontées de terrain, mais pour revenir sur les modalités de l’expérimentation il faudrait qu’un bilan en soit fourni par le Gouvernement. L’article 32 de la loi ESSOC prévoit que l’expérimentation fasse l’objet d’une évaluation, notamment de son impact sur les délais administratifs, dont les résultats seront transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme. On pourrait peut-être réduire la date de dépôt de l’évaluation en la prévoyant au bout de deux ans.

La dématérialisation des actes et procès-verbaux de la DGCCRF que nous venons de voter devrait permettre d’accélérer les temps de contrôle. Voilà pourquoi je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’article 32 prévoit que la limitation de durée n’est pas opposable à une administration qui détient des indices de manquement à toute obligation légale ou réglementaire, quelles que soient sa nature et sa gravité, afin de lui permettre d’examiner si ces indices correspondent ou non à un manquement. En cas de constatation d’un manquement à une obligation légale ou réglementaire, l’administration doit pouvoir poursuivre son contrôle, même si la durée cumulée de neuf mois est atteinte, afin d’être en mesure de sanctionner les manquements, quelle que soit leur gravité. Le lui permettre dans le seul cas d’indices de travail totalement ou partiellement dissimulé l’empêcherait d’assurer le respect d’autres lois et règlements.

En outre, de nombreux manquements graves ne sont pas couverts par l’amendement, notamment dans le domaine fiscal ou douanier. Ainsi, même un contribuable qui aurait commis une fraude fiscale ou douanière grave, et pour des montants élevés, pourrait opposer la limitation de durée à l’administration. Une telle situation ne me paraît pas adaptée aux circonstances et serait particulièrement choquante puisqu’elle créerait une inégalité devant la loi.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. Damien Adam. Je retire mon amendement pour le retravailler éventuellement d’ici à l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement n° 315 de Mme Anne-Laure Cattelot.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis.

L’amendement est retiré, de même que les amendements n° 316 et n° 317 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Article 44 decies (nouveau) (ordonnance n° 2020-739 du 17 juin portant réorganisation de la Banque publique d’investissement et modifiant l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissements) : Ratification de l’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement

La commission est saisie de l’amendement n° 649 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le présent amendement a pour objet de ratifier l’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement (BPI). L’ordonnance visée permet de simplifier l’organisation de la BPI et de son groupe, afin notamment de faciliter la prise de décision au sein du groupe et de développer l’octroi de prêts et garanties dans le contexte des difficultés économiques prolongées que vivent de nombreuses entreprises.

Cette ordonnance permet que soit opérée, dans un délai de douze mois à compter de sa publication, la fusion entre la société anonyme Bpifrance et sa filiale agréée en tant qu’établissement de crédit, Bpifrance Financement. À l’issue de cette opération, le nouvel ensemble, dont l’organisation et la gouvernance auront été sensiblement simplifiées et qui disposera d’une tête de groupe au rôle renforcé, aura des fonds propres plus importants compte tenu de la consolidation de la filiale de Bpifrance Participations. Cette solidité financière permettra d’augmenter le volume de garanties et de prêts accordés.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à cette ratification.

La commission adopte l’amendement.

TITRE V
Dispositions portant suppression de surtranspositions
de directives européennes en droit français et diverses dispositions

Avant l’article 45

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission adopte l’amendement rédactionnel n° 663 du rapporteur visant à compléter l’intitulé du titre V du projet de loi.

Article 45 : Suppression de l’interdiction faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires des avocats intervenant en protection juridique

La commission maintient la suppression de l’article 45.

Article 46 (articles L. 2512-5, L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2671-1, L. 2681-1, L. 3212‑4, L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3371-1 et L. 3381-1 du code de la commande publique) : Exclusion du champ de la commande publique de certaines prestations en matière de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’un contentieux et de conseil juridique par un avocat en amont d’une probable procédure contentieuse

La commission adopte l’amendement de précision n° 599 deuxième rectification du rapporteur.

Elle adopte l’article 46 ainsi modifié.

Article 46 bis A (nouveau) (article L. 2171-4 du code de la commande publique) : Assouplissement du recours aux marchés de conception construction pour les infrastructures de l’État

La commission est saisie de l’amendement n° 621 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cet amendement vise à permettre de recourir aux marchés de conception-construction, au lieu de passer deux marchés différents pour des projets d’infrastructures de transport. Il s’agit d’une option que l’État pourra utiliser pour les projets simples pour lesquels la dissociation des deux marchés génère des délais supplémentaires sans apporter de plus-value. Cela permettra donc d’accélérer la réalisation des projets. Les bâtiments éventuellement liés à ces infrastructures sont exclus de cette possibilité, compte tenu de l’importance de la partie conception, par le biais de concours d’architectes, par exemple.

Je précise que cette disposition n’empêche aucunement de fixer des conditions d’intervention de PME dans le cadre de ces marchés. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait tout à l’heure.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis favorable à cet amendement de simplification.

La commission adopte l’amendement.

Article 46 bis B (nouveau) (article L. 2171-6 du code de la commande publique) : Élargissement du périmètre des marchés globaux pour la Société du Grand Paris

La commission examine l’amendement n° 622 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il s’agit de permettre à la Société du Grand Paris de recourir à des marchés globaux pour les projets connexes à l’infrastructure du Grand Paris Express et ses 200 kilomètres de lignes et soixante-huit gares.

La Société du Grand Paris peut déjà recourir à un marché global incluant conception, réalisation, aménagement et maintenance des infrastructures. Cet amendement permettrait d’y intégrer des projets liés à sa mission de construction et de valorisation immobilière, les ouvrages connexes au Grand Paris Express, même non directement liés aux infrastructures de celui-ci – par exemple, la construction d’immeubles à usage d’habitation ou de bureaux au-dessus d’une gare ou contigus à une gare.

Le marché global permet de limiter les interfaces entre plusieurs titulaires de marchés publics, générateurs de coûts. En étant responsable de l’ensemble des projets, la gare et les immeubles connexes, le titulaire optimise le coût et la conception des ouvrages. Par exemple, en ayant une bonne vision de l’immeuble à construire au-dessus de la gare, les fondations, les liens avec la gare sont optimisés, soit un gain de l’ordre de 1 million d’euros par gare.

De la même manière, le marché étant global, le chantier est continu, ce qui permet aussi des gains de temps estimés à au moins un an par rapport à un découpage en deux projets distincts.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Favorable à cet amendement qui permettra d’élargir le périmètre des marchés globaux pour la Société du Grand Paris.

Mme Christine Hennion. Il s’agit d’un élargissement assez inhabituel du champ des marchés publics. Je comprends que lorsque l’on veut construire un immeuble au-dessus d’une gare, il soit nécessaire d’associer les deux projets, mais j’espère qu’il y aura des limites à la possibilité de globaliser les marchés dans ces quartiers qui, dans de nombreuses villes, devront évoluer.

Mme Émilie Cariou. Je souhaite faire une remarque générale sur les amendements gouvernementaux qui viennent d’être présentés.

Le Conseil d’État vient de publier un rapport relevant que les études d’impact n’apportent aujourd’hui pas suffisamment d’informations sur les textes portant sur les enjeux les plus importants, et que certaines dispositions, issues notamment des propositions de loi, d’amendements gouvernementaux ou parlementaires, ne font l’objet d’aucune étude préalable. Aussi le Conseil suggère-t-il une mise à jour de l’étude d’impact après la première lecture ou à tout le moins après l’adoption de la loi.

Au vu du nombre d’amendements gouvernementaux très structurants, sur le code des marchés publics mais pas uniquement, qui ont été adoptés, il me semble qu’une mise à jour de l’étude d’impact serait de bon aloi.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. J’entends la demande de Mme Cariou sur l’étude d’impact.

La question de Mme Hennion revient à demander s’il s’agit d’une pratique dérogatoire. La loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique, dite MOP, est une loi spécifiquement française, et au regard du droit de la commande publique européenne, cela n’a donc rien de dérogatoire. Par ailleurs, sont bien visés les ouvrages connexes aux ouvrages du Grand Paris, c’est-à-dire des immeubles de bureaux soit attenants à la gare, soit au-dessus. Il ne s’agit pas d’aménager un quartier entier, je vous rassure. Des dérogations existent sur d’autres aménagements assez classiques lorsqu’on veut accélérer les travaux. Je pense notamment à tout ce qui concerne les Jeux olympiques.

La commission adopte l’amendement.

Article 46 bis : Règles de confidentialité applicables aux correspondances professionnelles des conseils en propriété industrielle

La commission est saisie de l’amendement de suppression n° 653 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le secret professionnel est inhérent à la profession d’avocat et sert à protéger, en toutes circonstances, la relation de confiance entre un avocat et son client. Lorsqu’un avocat échange avec un autre professionnel, quand bien même celui-ci est également soumis au secret professionnel, pour le compte d’un client commun, leur échange ne bénéficie pas de la confidentialité et de la protection du secret professionnel des avocats. Cette règle revêt une importance particulière en matière d’enquête : les correspondances échangées entre un avocat et ces professionnels peuvent être saisies, chez le client comme chez l’avocat, sans que puisse être invoqué le secret professionnel.

L’article 46 bis remet en cause cette règle au seul profit des conseils en propriété industrielle, notamment au sein des sociétés pluri-professionnelles d’exercice. Objectivement, rien ne justifie une telle dérogation, d’autant que les conseils en propriété industrielle ne sont pas les seuls à pouvoir constituer de telles sociétés avec des avocats. En effet, les textes relatifs à l’interprofessionnalité visent également les experts-comptables, qui disposent d’informations de nature tout aussi confidentielle, et les officiers publics et ministériels. Avant d’être appliqué, le dispositif prévu à l’article 46 bis doit faire l’objet d’une véritable analyse de son impact, en particulier sur les pouvoirs d’enquête des autorités judiciaires ou administratives.

Nous retrouvons, là encore, le problème des amendements, d’origine gouvernementale ou parlementaire, dont on ne connaît pas vraiment l’impact. D’où la demande de suppression de l’article 46 bis.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Si mon avis est favorable et si j’entends les arguments développés par le Gouvernement au sujet de l’article 46 bis ajouté par le Sénat, il conviendra cependant de s’atteler prochainement à une nécessaire harmonisation des règles applicables au secret professionnel des professions juridiques réglementées afin d’éviter des dissymétries auxquelles la jurisprudence se voit aujourd’hui contrainte de remédier.

L’amendement est adopté et l’article 46 bis est supprimé.

Article 47 : (article 42 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique [abrogé]) : Suppression de l’obligation de mise en conformité de tous les équipements radioélectriques avec la norme IPv6

La commission examine les amendements de suppression n° 223 de Mme Paula Forteza et n° 363 de Mme Christine Hennion.

Mme Christine Hennion. Cet article a été introduit car figurant sur la liste des surtranspositions qui devaient faire l’objet d’un texte il y a quelque temps. Or la loi pour une République numérique, intervenue en 2016, a poussé au passage à la norme Internet Protocol version 6, ou IPv6. Il s’agissait d’une disposition extrêmement volontariste sur laquelle il n’est pas souhaitable de revenir.

Conserver la norme IPv4 avait encore un sens il y a deux ans, mais aujourd’hui, cela reviendrait vraiment à faire un pas en arrière : il ne reste plus aucune adresse IPv4 à distribuer, et laisser croire notamment à des PME qu’elles pourraient en obtenir pour monter des sites internet et se lancer dans le numérique les induirait en erreur. Tout doit se faire en IPv6. C’est pourquoi je propose de supprimer cet article.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Ces amendements de suppression visent à maintenir l’obligation, résultant de l’article 42 de la loi pour une République numérique, de mise en conformité de tous les équipements radioélectriques avec la norme IPv6 à compter du 1er janvier 2018. J’y suis défavorable pour deux raisons, tant pratiques que de conformité au droit européen.

D’abord, cette obligation constitue non seulement une surtransposition de la directive européenne du 16 avril 2014, comme le souligne un rapport interinspections de 2018, mais également une violation du droit européen, selon un avis du Conseil d’État qui s’appuie sur l’article 9 de ladite directive, énonçant en son premier alinéa que « les États membres n’empêchent pas, pour des raisons liées aux aspects couverts par la présente directive, la mise à disposition sur le marché de leur territoire des équipements radioélectriques conformes à la présente directive ».

Ensuite, si elle fait peser des contraintes techniques importantes sur les fabricants, cette obligation ne fait l’objet d’aucun véritable dispositif de contrôle à ce jour.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Effectivement, la disposition est inappliquée et contraire au droit de l’Union européenne. Il convient de se mettre en conformité avec le cadre harmonisé de mise sur le marché des équipements radioélectriques. Avis défavorable.

M. Vincent Thiébaut. Le groupe La République en marche votera contre ces amendements. Si j’entends que l’on manque d’adresses IPv4, la rédaction actuelle de l’article 42 de la loi pour une République numérique me gêne en ce qu’elle instaure une obligation systématique de mise à niveau.

Aujourd’hui, les équipements radioélectriques sous IPv4 fonctionnent et la migration en IPv6 peut s’avérer coûteuse dans la mesure où elle ne porte pas que sur le matériel. Il ne faut pas brusquer les évolutions technologiques de marché qui doivent également se dérouler de manière naturelle dans le monde numérique.

La commission rejette les amendements. 

Elle adopte l’article 47 sans modification.

Article 48 (article L. 219-1 du code de l’environnement) : Suppression de l’espace aérien surjacent du champ d’application de la stratégie nationale pour la mer et le littoral

La commission adopte l’article 48 sans modification.

Article 49 (articles L. 111-1, L. 112-7 [abrogé] et L. 112-15 [abrogé] du code du patrimoine) : Sortie des archives publiques courantes et intermédiaires du champ des trésors nationaux et suppression des obligations de publicité en matière d’actions en restitution de biens culturels

La commission adopte l’article 49 sans modification.

Article 50 : Entrées en vigueur différées

La commission est saisie de l’amendement n° 714 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement de coordination tend à prévoir la suppression de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) au 1er janvier 2021.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels n° 611 et n° 709 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement n° 615 du rapporteur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Par cohérence, l’amendement vise à fixer la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 37 au plus tard le 31 décembre, et non août, 2020.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement n° 557 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. En cohérence avec l’amendement n° 565 adopté plus haut, il s’agit de repousser de trois mois la généralisation de l’inscription au permis de conduire en ligne à l’ensemble du territoire. L’expérimentation en cours ne semble pas s’être déroulée dans un temps suffisamment long pour que son évaluation soit pertinente et permette de décider ou non de la généraliser à l’ensemble du territoire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis totalement favorable à cet amendement de cohérence.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 50 ainsi modifié.

Après l’article 50

La commission examine l’amendement n° 517 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo. Nous mesurons depuis lundi à quel point la simplification constitue une opération complexe. Selon le MODEM, c’est un exercice que nous aurions tout intérêt à refaire régulièrement, car il nous permet d’évaluer la complexité et la lenteur qui pèsent sur les entreprises, les collectivités et la vie quotidienne de nos concitoyens. D’où cet amendement tendant à ce que la loi fasse l’objet d’actualisations périodiques.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous appréciez comme moi, cher collègue, le travail de simplification accompli au sein de la commission spéciale. Néanmoins, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’inscrire une obligation d’actualisation dans le projet de loi. D’une part, il s’agirait d’une disposition non contraignante et, d’autre part, la loi votée fera l’objet d’un contrôle d’application dans les mois et années à venir afin de vérifier son efficacité et d’envisager des améliorations.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même avis. Dans la mesure où la légistique pure interdit toute injonction à l’exécutif, je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Cet exercice montre toute sa pertinence et doit être réitéré régulièrement. Vous connaissez, par ailleurs, l’engagement du Premier ministre sur ces enjeux de simplification.

M. Philippe Bolo. Je retire l’amendement, en étant sûr que nous saurons, sur tous les bancs, trouver des solutions pour simplifier les dispositifs dont on nous fait part de la complexité.

M. le président Bruno Duvergé. J’en suis certain.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements n° 354, n° 374, n° 425 et n° 430 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Il s’agit de demandes de rapports au Gouvernement, relatifs à l’accompagnement des élèves en situation de handicap dans leur scolarité. Même si celui-ci relève du domaine réglementaire, il représente pour les parents une lourde charge administrative qui s’ajoute à la charge psychologique.

L’amendement n° 354 vise à obtenir un état statistique complet de la scolarisation des élèves en situation de handicap, de l’accompagnement assuré par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), et permettant d’identifier les différences entre départements.

L’amendement n° 374 traite du problème crucial de l’accompagnement pendant la pause méridienne : du fait d’un vide juridique, on ne sait pas si la prise en charge de ces élèves incombe à l’État ou à la collectivité concernée. C’est péniblissime ! Leurs parents travaillent et ne peuvent l’assurer ; ils ne peuvent pas aller à la cantine sans accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), mais l’éducation nationale n’octroie pas de financement pour cette pause méridienne, et si les collectivités ne veulent pas le prendre en charge, enfants et parents se trouvent bien démunis.

L’amendement n° 425 concerne un rapport formulant des propositions afin que les élèves en situation de handicap scolarisés dans un établissement français à l’étranger et titulaires d’un droit à l’accompagnement puissent bénéficier d’un AESH.

Enfin, l’amendement n° 430 vise à détailler les délais d’instruction des dossiers, notamment ceux des enfants et des jeunes adultes de moins de 21 ans, dans chaque MDPH, afin de rendre possible la comparaison des procédures et donc de la réponse apportée aux parents.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Par principe, je ne suis pas certain qu’il faille, de manière générale, inscrire les demandes de rapport dans la loi. Sur le fond, le Gouvernement ne manquera pas de vous apporter des éléments de réponse.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je demande le retrait de ces amendements, qui sont satisfaits.

D’ores et déjà, un état statistique précis de la scolarisation des enfants en situation de handicap est disponible sur le site du ministère de l’éducation nationale. Sont, en outre, suivis deux panels d’élèves, l’un depuis l’entrée à l’école primaire et l’autre depuis l’entrée au collège, afin de décrire et d’expliquer de manière plus qualitative les parcours, les réussites aux examens ainsi que les diplômes obtenus.

Pour les données manquantes, un système d’information est en cours d’élaboration pour consolider celles concernant notamment les AESH. Quant aux données relatives à la pause méridienne et au temps périscolaire, elles ne pourraient être recueillies que par le biais d’une évolution des enquêtes actuelles, ces temps étant sous la responsabilité des collectivités locales.

L’engagement de Mme Sophie Cluzel, qui a fait faire un bond quantique à l’accueil des enfants en situation de handicap à l’école, ne fait aucun doute. Ce combat doit être poursuivi, notamment en s’assurant que ce que nous prévoyons dans les textes se reflète sur le terrain. Les moyens, et donc les capacités d’accueil et de suivi, ont par ailleurs été renforcés de manière importante au cours des deux dernières rentrées.

S’agissant de la pause méridienne et du temps extrascolaire, une décision du Conseil d’État est pendante et devrait intervenir d’ici à la fin de 2020, afin de lever une incertitude juridique.

Concernant les élèves en situation de handicap scolarisés dans des établissements français à l’étranger, le code de l’éducation précise que le respect des principes de l’école inclusive fait partie des critères d’homologation de ces derniers.

Un observatoire pour les élèves à besoins éducatifs particuliers a, par ailleurs, été créé en juin 2016, en lien avec la Mission laïque française (MLF). Il est chargé d’analyser, d’informer et de formuler des propositions en vue d’améliorer la scolarité des élèves concernés et de mettre en valeur les bonnes pratiques des établissements français à l’étranger. Il réunit les acteurs à échéance régulière, crée des outils et contribue à faire évoluer la réglementation dans le réseau qui doit, en outre, respecter la législation du pays d’accueil. Des états généraux se sont ainsi tenus à l’automne 2019, sous l’égide de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et de la MLF ; ils ont eu une forte audience. Cet observatoire joue précisément ce rôle de recueil des informations et produit des travaux mis à la disposition du public et du Parlement, consultables sur le site de l’AEFE.

Enfin, si les délais moyens de traitement des demandes par les MDPH au niveau national se sont avérés en 2018 conformes aux exigences des textes, les délais les plus longs restent insupportables. Le plan d’action « Ma MDPH 2022 » comporte un diagnostic des mesures d’amélioration des droits des personnes, mais également de simplification et d’appui à ces structures afin qu’elles répondent plus efficacement aux besoins des personnes concernées.

Mme Laure de La Raudière. Je vais retirer ces amendements, car ils ne seraient pas adoptés. Il s’agit pourtant de simplification que les parents des élèves en situation de handicap attendent tout autant que des résultats. Dans ce champ du handicap, un chantier énorme nous attend.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement n° 523 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo. Cet amendement d’appel tend à supprimer, au travers d’une demande de rapport, l’obligation d’installer une ligne de téléphone fixe au sein de chaque établissement recevant du public (ERP).

Il ne faut pas oublier la dimension économique de la simplification. En l’occurrence, cette obligation représente pour les 36 000 communes un coût annuel total de 43,2 millions d’euros investis dans des lignes téléphoniques qui, la plupart du temps, ne fonctionnent pas et qui utilisent, par ailleurs, toujours le cuivre dans un contexte de déploiement de la fibre.

M. le président Bruno Duvergé. Plus précisément, ces lignes fonctionnent mais elles ne sont pas utilisées.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet amendement d’appel nous interpelle une nouvelle fois sur des dispositifs kafkaïens ou ubuesques auxquels nous avons essayé, tout au long de la semaine, de mettre fin, dans la mesure où ils empêchent les Français d’avancer. Nous avons donc fait œuvre utile, et j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à siéger aux côtés de chacun et de chacune d’entre vous.

Je suis, par ailleurs, toujours défavorable, par principe, aux demandes de rapport et donc à l’amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Si je suis du même avis, une modification potentielle de la réglementation pourrait être étudiée dans le cadre de la réécriture de la partie réglementaire du code de la construction et de l’habitation relative aux règles de construction qui sera finalisée au plus tard en juin 2021. Les arrêtés associés à ces dispositions pourraient également être modifiés à cette occasion. Aussi vous invité-je à vous rapprocher du ministère en charge du logement.

M. Philippe Bolo. Je retire l’amendement, mais la démonstration est faite que nous avons encore du pain sur la planche.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

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   liste des personnes entendues par le rapporteur

 

         M. Stéphane Tisserand, directeur des affaires publiques de la Mutuelle d’assurance des instituteurs de France (MAIF), M. Stéphane Hug, directeur général adjoint de MAIF Vie.

         M. Jérôme Narbonne, directeur des affaires publiques de Groupama, et Mme Magali Heriaud, directrice juridique de Groupama Gan Vie.

         M. Thierry Beaudet, président de la Mutualité française et M. Grégory Guillaume, directeur de la mission affaires publiques.

         Ministère de la transition écologique :

        Mme Sophie Mourlon, directrice de l'énergie de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de la transition écologique ;

        M. Philippe Merle, chef du service des risques technologiques à la direction de la prévention des risques ;

        M. Jean-Luc Perrin, sous-directeur des risques chroniques et du pilotage du service des risques technologiques à la direction de la prévention des risques ;

        M. Brice Huet, directeur adjoint de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature ;

        M. Loïc Agnès, sous-directeur de l'intégration des démarches de développement durable dans les politiques publiques du service de l’économie verte et solidaire au Commissariat général au développement durable ;

         Mme Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, Mme Caroline Lhopiteau, directrice générale et Mme Hélène Leblanc, directrice des affaires publiques européennes et internationales.

         Cabinets ministériels :

        Mme Pauline Pannier, directrice adjointe au cabinet de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Mme Amélie de Montchalin, ;

        Mme Aigline de Ginestous, conseillère attractivité, territoires, industrie 4.0 et inclusion au cabinet de la ministre déléguée chargée de l’industrie, Mme Agnès Pannier-Runacher ;

        Accompagnées par Mme Laure Bédier, directrice des affaires juridiques du ministère de l’économie, des finances et de la relance.

         Ministère de l’intérieur

        M. David Julliard, adjoint au délégué à la sécurité routière ;

        M. Wassim Kamel, sous-directeur de l'éducation routière et du permis de conduire de la délégation à la sécurité routière ;

        M. Jean-Marc Galland, chef de la mission délivrance sécurisée des titres de la direction de la modernisation et de l'administration territoriale.

         M. Philippe Duclaud, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l’agriculture et M. Nicolas Mazières, conseiller en charge des relations avec le Parlement au cabinet du ministre de l’agriculture.

         M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

         Table ronde consacrée au titre III du projet de loi :

        M. Jean-Pierre Chaulet, vice-président de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs;

        M. Philippe Darmayan, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie ;

        M. Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire ;

        M. Thierry Bruneau, président de Catella Logistic Europe ;

        M. Patrick Martin, président délégué du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et M. Olivier Viano, président du groupe de réflexion sur le droit de l’environnement.

         M. Jean-Marie Schléret, président de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement et M. Daniel Le Cam, responsable du secteur politique scolaire - laïcité au Syndicat national des enseignements de second degré - Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU) et représentant de la FSU.

         M. Bertrand Munch, directeur général de l’Office national des forêts (ONF).

         Intersyndicale de l’ONF :

        M. Philippe Canal, secrétaire général SNUPFEN Solidaires ;

        M. Loukas Benard, secrétaire national CGT Forêt ;

        M. Dominique Paquet et Mme Corinne Larenaudie, membres du bureau fédéral UNSA Alimentation Agriculture Forêts.

         M. Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture de France, M. Christophe Hillairet, secrétaire général et M. Régis Dubourg directeur général.

         Ministère des solidarités et de la santé :

Direction générale de l'offre de soins :

        M. Frédéric Kervella, chef du bureau synthèse stratégique et appui au pilotage ;

        Mme Laura Létourneau, déléguée if au numérique en santé ;

        Mme Véronique Lallemant, bureau du premier recours.

Direction générale de la santé :

        Mme Anne Moulin, cheffe du bureau qualité des pratiques et recherches biomédicales ;

        M. Frédéric Dittenit, adjoint à la cheffe du bureau médicament ;

        M. Jean-Yves Lacoste, adjoint à la cheffe du bureau qualité des pratiques et recherches biomédicales.

Direction générale de la cohésion sociale :

        Mme Laurence Cate, adjointe à la sous-directrice de la sous-direction prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation ;

        Mme Corinne Feliers, cheffe du bureau qualité des eaux ;

        M. Jean-François Meira, sous-directeur adjoint de l’enfance et de la famille.

Direction de la sécurité sociale :

        M. Laurent Gallet, adjoint au directeur de la sécurité sociale.

Délégation ministérielle au numérique en santé

        Mme Emilie Passemard, experte juridique

         M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique du ministère de la transformation et de la fonction publiques.

         Ministère de la culture :

        Mme Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale de la création artistique ;

        M. Philippe Barbat, directeur général des patrimoines ;

        M. Alban de Nervaux, chef du service des affaires juridiques et internationales.

         Ministère de l’économie, des finances et de la relance :

Direction générale des entreprises

        Mme Emma Delfau, cheffe de service Tourisme, Commerce, Artisanat, Services ;

Direction générale du Trésor

        Mme Alice Navarro, conseillère juridique de la directrice générale du Trésor ;

        Mme Eléonore Trigano, cheffe du bureau « Institutions et évaluation des politiques sociales et de l’emploi » au sein du service des politiques publiques ;

        M. Vincent Alhenc-Gelas, chef du bureau « Financement du logement et des activités d’intérêt général » au sein du service du financement de l’économie ;

        Mme Françoise Georgin, adjointe au chef du bureau des marchés et des produits d’assurance au sein du service du financement de l’économie.

Direction générale des finances publiques

        M. Audran Le Baron, chef du service de la gestion fiscale ;

        Mme de Marie Croes, cheffe du bureau de la fiscalité des particuliers ;

        Mme Alexandra Blanc-Jeanjean, cheffe du bureau de la fiscalité des professionnels.


([1]) Article L. 411-11 du CRPM.

([2]) Jusqu’à la loi du 27 juillet 2010, l’indice des fermages était fixé à l’échelle départementale.

([3]) Cet indice est composé pour 60 % de l’évolution du revenu brut d’entreprise agricole à l’hectare constaté sur le plan national au cours des cinq années précédentes et pour 40 % de l’évolution du niveau général des prix de l’année précédente.

([4]) Étude d’impact, p. 12.

([5]) Conseil d’État, 27 septembre 2018, avis n° 395785, p. 3.

([6]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018-274 L du 27 juillet 2018.

([7]) Question écrites n° 11275 de M. Michel Zumkeller publiée le 20 novembre 2012 et n° 43612 de M. Marc Le Fur publiée le 26 novembre 2013.

([8]) Article D. 112-54 du CRPM abrogé par l’article 2 du décret n° 2017-1246 du 7 août 2017.

([9]) Il s’agit de l’Office national de la pêche et de l’aquaculture, de l’Office de l’élevage (né de la fusion de l’Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers et de l’Office national interprofessionnel de la viande), de l’Office national interprofessionnel des grandes cultures, de l’Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales et de l’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture.

([10]) Articles 2, 3, 6, 7, 13, 16 et 17 de la loi du 2 juillet 1935.

([11]) L’étude d’impact (p. 13) indique que la CSDP s’est réunie 38 fois entre 2012 et 2017.

([12]) Étude d’impact, p. 13.

([13]) Article 2 du décret n° 99-706 du 3 août 1999.

([14]) Un député, un sénateur, un président de conseil départemental et un maire.

([15]) Le dernier rapport du CNAV, relatif aux victimes d’infractions routières, a été publié en novembre 2012.

([16]) Étude d’impact, p. 14.

([17]) Par ailleurs, un comité interministériel de l’aide aux victimes a été créé par le décret n° 2017-143 du 8 février 2017.

([18]) Décret n° 2016-1056 du 3 août 2016.

([19]) La désistance correspond au processus de sortie de la délinquance.

([20]) Le fondement législatif de la présence d’un député et d’un sénateur au sein de l’ORD a été consacré par l’article 42 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018.

([21]) Direction des affaires criminelles et des grâces et direction de l’administration pénitentiaire.

([22]) Cassiopée est une base de données regroupant l’ensemble des procédures pénales suivies dans les juridictions.

([23]) Il s’agit des ministres chargés de l’économie, du travail, de la santé, de l’économie numérique, de la poste et des télécommunications, du tourisme, du commerce, de l’industrie, de l’emploi, du commerce extérieur, des transports, du développement durable, de l’intérieur, de l’éducation nationale, et de l’enseignement supérieur ou leur représentant, du président de l’Association des régions de France, du président de CCI France, du président de CMA France, du directeur général de Bpifrance, du médiateur des relations interentreprises et du directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

([24]) Le collège des entreprises de services, le collège des salariés des services et le collège des personnalités qualifiées.

([25]) Étude d’impact, p. 15.

([26]) Suivant la position de son rapporteur M. Loïc Hervé, la commission des Lois du Sénat avait refusé d’élever la CNS au rang législatif en supprimant l’article 27 de la proposition de loi.

([27]) La valeur locative des propriétés non-bâties constitue la base de calcul de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties, de la cotisation foncière des entreprises et de plusieurs taxes telles que la taxe spéciale d’équipement.

([28]) À la suite d’un accord entre l’administration fiscale et la CCID ou de la décision prise par la commission départementale en cas de désaccord entre l’administration fiscale et la CCID.

([29]) Sur l’autorisation du conseil municipal.

([30]) Article 1513 du CGI.

([31]) Conseil d’État, 4 juin 1976, n° 94833.

([32]) Étude d’impact, p. 16.

([33]) Cette disposition est similaire à celle retenue en cas de litige portant sur l’évaluation des locaux professionnels en application de l’article 1518 F du CGI.

([34]) Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2018, le fondement juridique de l’observatoire était règlementaire. Le décret n° 2015-623 du 5 juin 2015 avait renouvelé l’Observatoire pour une durée de cinq ans.

([35]) Articles L. 212-4, L. 213-2, 214-6 du code de l’éducation et L. 4424-1 du code général des collectivités territoriales.

([36]) Le collège des élus, le collège des représentants des personnels et usagers et le collège des représentants de l’État, des chefs d’établissements et des personnalités qualifiées.

([37]) Rapport d’activité 2019 de l’observatoire national de la sécurité de l’accessibilité des établissements d’enseignement, p. 118.

([38]) Soit actuellement quatre équivalents temps plein mis à disposition par les services du ministère, ce qui représente une masse salariale annuelle d’environ 150 000 euros.

([39]) Il s’agit essentiellement des frais d’impression des documents et de déplacements des membres.

([40]) Question écrite n° 23670 de Mme Marielle de Sarnez, 15 octobre 2019.

([41]) Le HCLPD s’est réuni neuf fois en 2018.

([42]) Question écrite n° 83364 de M. Thierry Lazaro, 30 juin 2015.

([43]) Il s’agit essentiellement du coût de la location des locaux. Pour l’année 2019, les coûts de fonctionnement s’élevaient à 58 230 € selon le jaune budgétaire relatif aux commissions consultatives annexé au projet de loi de finances pour 2020 (p. 59).

([44]) Soit, en 2014, un secrétaire général et deux chargées de mission.

([45]) Article 2 du décret n° 2007-295 du 5 mars 2007.

([46]) L’amendement permet également, à droit constant, de conserver dans la rédaction de l’article 13 de la loi du 5 mars 2007 la disposition selon laquelle l’instance remet un rapport annuel au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement.

([47]) Articles 76 et 86 de la loi du 3 août 2018.

([48]) L’association Vélo & Territoires indique que le schéma national actualisé a été publié en avril 2020 : https://www.velo-territoires.org/schemas-itineraires/schema-national/actualisation-schema-national-des-veloroutes/

([49]) C’est-à-dire dès l’entrée en vigueur de la présente loi.

([50]) Dérogeant au principe d’inaliénabilité des collections, les restitutions de biens culturels doivent être approuvées par le législateur.

([51]) Commission scientifique nationale des collections, rapport au Parlement, 2014, p. 15.

([52]) Le fonctionnement de la CSNC est interrompu en raison de la vacance de la présidence de la CSNC depuis janvier 2019, à la suite de l’expiration du mandat de son président

([53]) La CSNC est pleinement opérationnelle depuis le 21 novembre 2013.

([54]) La loi du 18 mai 2010 résulte d’une proposition de loi sénatoriale et l’article 11 de la loi du 4 janvier 2002 créant la commission scientifique est issu d’un amendement adopté par le Sénat.

([55]) Ce rapport doit notamment rendre compte de l’impact de l’organisation des circuits de distribution et du niveau des rémunérations publiques et privées outre-mer sur les mécanismes de formation des prix.

([56]) Ce rapport rend compte de l’évolution des indicateurs choisis pour mesurer la réduction des écarts de niveaux de développement.

([57]) Étude d’impact, p. 19.

([58]) Telles que la formation ou l’insertion professionnelle.

([59]) Jaune budgétaire relatif aux commissions consultatives annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 60.

([60]) Ibid.

([61]) Il s’agit du fonds destiné au financement des recherches et études sur l’entreposage et le stockage des couches géologiques profondes des déchets radioactifs et du fonds destiné au financement de la construction, de l’exploitation, de la fermeture, de l’entretien et de la surveillance des installations d’entreposage ou de stockage des déchets de haute ou de moyenne activité à vie longue construites ou exploitées par l’Agence.

([62]) Étude d’impact, p. 20.

([63]) Jaune budgétaire relatif aux commissions consultatives annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 20.

([64]) Rapport présenté au Parlement en juillet 2012, p. 37.

([65]) Décret n° 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires.

([66]) Loi n° 2015-99 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([67]) L’actuelle PPE a été adoptée par le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020.

([68]) Étude d’impact, p. 20.

([69]) Il ne s’est pas réuni en 2017 et 2018 selon le jaune budgétaire relatif aux commissions consultatives annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 27.

([70]) Question écrite n° 27449 de Mme Corinne Vignon.

([71]) Déterminée par les articles L. 1333-2 et R. 1333-11 du code de la santé publique.

([72]) Conseil d’État, 27 janvier 2020,  429574 et n° 432578.

([73]) Articles L. 411-2 et R.411-1 du code de la mutualité.

([74]) Article L. 421-3 du code de la mutualité.

([75]) L’étude d’impact (p. 21) précise que ce fonds est financé par les excédents constatés à la suite de l’apurement du passif des mutuelles et unions faisant l’objet d’une liquidation.

([76]) Article L. 614-2 du code monétaire et financier.

([77]) Le premier alinéa de l’article L. 510-1 attribue à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution la mission de contrôle des mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité, c’est-à-dire celles pratiquant des opérations d’assurance, de réassurance et de capitalisation.

([78]) Rapport de l’inspection générale des affaires sociales sur l’évaluation du secteur des mutuelles du Livre III du code de la mutualité, mai 2014, recommandation n° 10, p. 70.

([79]) Conseil d’État, 16 mars 2012,  342490.

([80]) Au cours des débats, le Gouvernement a indiqué qu’il prononçait un avis « d’une sagesse particulièrement bienveillante » sur cet amendement.

([81]) Son champ d’intervention inclut notamment le développement des négociations individuelles et collectives, la politique de l’emploi et de la formation professionnelle, la fixation du salaire minimum interprofessionnel de croissance, l’égalité professionnelle, le taux d’activité des seniors et les accords d’assurance chômage.

([82]) Organisations représentatives des employeurs et des salariés.

([83]) Jaune budgétaire relatif aux commissions consultatives annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 38. Le nombre de réunions en 2017 et 2018 n’est pas précisé.

([84]) Ibid, p. 40.

([85]) Ibid, p. 39.

([86]) Alinéas 23 à 31.

([87]) Alinéas 7 à 11 et 14, 18 et 19.

([88]) Alinéas 16, 17 et 20 à 22.

([89]) Alinéas 1 à 6, 12 et 13.

([90]) Décret n° 2018-1262 du 26 décembre 2018.

([91]) Conseil d’État, 27 septembre 2018, avis n° 395785, p. 3.

([92]) L’étude d’impact (p. 24) indique que le CSEP est placé auprès du ministre chargé des droits des femmes et du ministre du travail.

([93]) Jaune budgétaire relatif aux commissions consultatives annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 30.

([94]) Consacrées aux violences de genre, à la lutte contre les stéréotypes sexistes, aux enjeux internationaux et européens, à la parité et aux droits sexuels et reproductifs.

([95]) Dont deux députés, deux sénateurs et les deux présidents des délégations parlementaires aux droits des femmes.

([96]) Alinéas 2 à 7.

([97]) Alinéas 8 et 9.

([98]) Cette proposition de loi n’a jamais été examinée par l’Assemblée nationale.

([99]) Article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime.

([100]) Il s’agit essentiellement d’avis simples, à l’exception des projets d’élaboration, de modification ou de révision d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme ou d’une carte communale ayant pour conséquence une réduction substantielle des surfaces affectées à des productions bénéficiant d’une appellation d’origine protégée ou une atteinte substantielle aux conditions de production de l’appellation, pour lesquels l’avis conforme des CDPENAF est requis.

([101]) Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, fiche technique relative aux objectifs et modalités de fonctionnement de la CDPENAF, juillet 2019, p. 3.

([102]) Article 21 bis.

([103]) Amendement CL n° 1197.

([104]) Jaune budgétaire relatif aux commissions consultatives annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 36.

([105])  Conseil constitutionnel, décision DC n° 2018-771 du 25 octobre 2018.

([106]) Article 238 bis du code général des impôts.

([107]) L’étude d’impact (p. 32) précise que 25 établissements sont concernés par cette procédure.

([108]) À l’exception des archives des ministères des affaires étrangères et de la défense.

([109]) Étude d’impact, p. 33.  

([110]) Les peines sont prévues à l’article 322-3-1 du code pénal.

([111]) Étude d’impact, p. 34

([112]) Ibid, p. 35.

([113]) Alinéas 6 à 11.

([114]) Déconcentration, décentralisation et différentiation.

([115]) Article R. 523-30 du code du patrimoine.

([116]) L’autorisation peut être accordée à tout moment et est acquise de plein droit à l’issue d’un délai de cinq mois à compter du jour du dépôt de la demande de brevet.

([117]) Sur réquisition du ministre des armées.

([118]) Étude d’impact, p. 36.

([119]) La nouvelle procédure ne modifie pas les prérogatives d’avis et de réquisition du ministre des armées telles que mentionnées par les articles L. 612-9 et L. 612-10.

([120])  Étude d’impact du projet de loi, p. 39.

([121])  Arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 (demande biochimique en oxygène mesurée à cinq jours).

([122])  Règlement (UE) n° 305/2011 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil.

([123])  Arrêté du 21 juin 2013 relatif à la désignation et au suivi des organismes notifiés au titre du règlement (UE) n° 305/2011 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil.

([124])  Étude d’impact du projet de loi, p. 41.

([125])  Décision n° 212067 du Conseil d’État du 12 janvier 2004.

([126]) M. Guillaume Kasbarian, Cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles, rapport au Premier ministre, 23 septembre 2019, p. 8.

([127]) M.  Guillaume Kasbarian, Cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles, rapport au Premier ministre, 23 septembre 2019, p. 10.

([128]) M. Guillaume Kasbarian, Cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles, rapport au Premier ministre, 23 septembre 2019, p. 22.

([129]) M. Guillaume Kasbarian, Cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles, rapport au Premier ministre, 23 septembre 2019, p. 28.

([130]) M. Guillaume Kasbarian, Cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles, rapport au Premier ministre, 23 septembre 2019, p. 3.

([131])  M. Christophe Bouillon et M. Damien Adam, Rapport d’information n° 2689 déposé par la mission d’information sur l’incendie d’un site industriel à Rouen, Assemblée nationale, 12 février 2020.

([132]) Étude d’impact, p. 66.

([133])  Cf. la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et son décret d’application n° 2016-141 du 11 février 2016 relatif au statut d’électro-intensif et à la réduction de tarif d’utilisation du réseau public de transport accordée aux sites fortement consommateurs d’électricité.

([134])  Au sens des articles 1586 ter à 1586 octies du code général des impôts.

([135])  Et de son décret d’application n° 2019-1212 du 21 novembre 2019 relatif aux plateformes industrielles.

([136]) Étude d’impact du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (déposé à l’Assemblée nationale le 27 novembre 2017 sous le n° 424).

([137]) Sur le fondement de l’article 37-2 de la Constitution.

([138]) Assemblée générale, avis du 23 novembre 2017 n° 393744.

([139])  Décret du 2 novembre 1864 à l’égard des recours gracieux auprès des ministres.

([140]) Articles L. 412-1 à L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution et articles 493 et 848 du code de procédure civile.

([141]) Sur le fondement de la flagrance prévue par l’article 53 du code de procédure pénale.

([142])  Décret n° 2013-420 du 23 mai 2013 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif et modifiant le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif.

([143]) À savoir le règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne, et modifiant les règlements (CE) n° 2111/2005, (CE) n° 1008/2008, (UE) n° 996/2010, (UE) n° 376/2014 et les directives 2014/30/UE et 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant les règlements (CE) n° 552/2004 et (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil ainsi que le règlement (CEE) n° 3922/91 du Conseil, en particulier ses articles 20 et suivants et son annexe IV, ainsi que ses règlements d’application.

([144]) Intersyndicale public/privé des personnels de l’Office national des forêts.

([145])  Pour gérer des moyens communs ou mettre en œuvre des actions communes, plusieurs établissements du réseau peuvent créer des organismes disposant de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

([146])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038074337/

([147]) Telle que définie au premier alinéa de cet article, c’est-à-dire dans les zones agricoles protégées, dans les espaces agricoles et naturels périurbains et dans les zones agricoles ou naturelles et forestières délimitées par un document d’urbanisme ou, en l’absence de document d’urbanisme, les terrains situés dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l’exclusion des bois et forêts.

([148])  Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD), Inspection générale de l’administration (IGA), Inspection générale des finances (IGF), Évaluation du contrat dobjectifs et de performance (COP) 2016-2020 de lOffice National des Forêts (ONF). Proposition de pistes dévolution, juillet 2019

([149]) Il s’agit « des dispositifs médicaux à usage individuel, des tissus et cellules issus du corps humain quel qu’en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, des produits de santé autres que les médicaments visés à l’article L. 162-17 [du code de la sécurité sociale] et des prestations de services et d’adaptation associées » qui, en application sont inscrit sur une liste (article L. 165-1 du code de la sécurité sociale).

([150])  Cf. la présentation du service national universel sur le site www.gouvernement.fr

([151])  Depuis février 2020.

([152]) Décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019.

([153]) Les derniers alinéas de l’article L. 113-12-2 du code des assurances prévoient que :

« Ce droit de résiliation appartient exclusivement à lassuré.

« Pendant toute la durée du contrat dassurance et par dérogation à larticle L. 113-4, lassureur ne peut pas résilier ce contrat dassurance pour cause daggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil dÉtat, résultant dun changement de comportement volontaire de lassuré. »

([154]) Proposition de loi n° 2360 tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2019.

([155])  Hormis pour les mutuelles.

([156]) Les encours s’élevaient à 125,5 milliards d’euros au 31 décembre 2018.

([157]) Par la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales.

([158]) Article L. 3312-6 du code du travail.

([159]) Article L. 3314-7 du code du travail.

([160]) Par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

([161])  Sénat, Rapport sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, d’accélération et de simplification de l’action publique n° 358 du 26 février 2020.

([162]) La Caisse générale de sécurité sociale et la Mutualité sociale agricole.

([163]) Décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019.

([164])  150 euros majorés de 76 à 300 euros en fonction du nombre de véhicules.

([165])  Droit à la communication des mêmes documents que ceux adressés ou remis aux membres de ces instances à l’occasion de leurs réunions et droit de soumettre les vœux du comité social et économique au conseil d’administration, lequel donne un avis motivé sur ces vœux (article L. 2312-73 du code du travail).

([166])  L’article L. 2311-2 du code du travail exige d’avoir au moins onze salariés pour constituer un CES.

([167]) Cet amendement a été initialement déposé par M. Henri Cabanel, membre du groupe Rassemblement Démocratique Social et Européen (RDSE).

([168]) Le IV de l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales précise que l’ANCT a pour mission de favoriser l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux ainsi que des espaces incluant à titre accessoire des espaces de services.

([169]) Le V de l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales précise que l’ANCT a pour mission d’impulser, d’aider à concevoir et d’accompagner les projets et les initiatives portés par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les réseaux d’entreprises et les associations dans le domaine du numérique.

([170]) Le troisième alinéa de l’article L. 1232-2 donne mission aux préfets d’assurer la cohérence et la complémentarité des actions de l’agence, d’une part, avec les soutiens apportés aux projets locaux par les acteurs locaux publics ou associatifs intervenant en matière d’ingénierie et, d’autre part, avec les décisions prises au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 du CGCT.

([171]) Décret n° 2015-431 du 15 avril 2015.

([172]) Sauf lorsque l’occupation ou l’utilisation concerne l’installation par l’État des équipements visant à améliorer la sécurité routière ou nécessaires à la liquidation et au constat des irrégularités de paiement de toute taxe perçue au titre de l’usage du domaine public routier .

([173]) 5° de l’article L. 2122-22, 6° de l’article L. 3211-2 et 5° de l’article L. 4221-5.

([174]) 10° de l’article L. 2122-22, 10° de l’article L. 3211-2 et 9° de l’article L. 4221-5.

([175]) Article 25 bis.

([176]) Amendements n° CL1207 et CL1063.

(1) Il s’agit des marchés passés en un lot unique, par dérogation au principe d’allotissement.

(2) Article L. 2213-14.

(3) Article L. 2222-4.

([180]) Article L. 2213-14.

([181]) Article. R. 2194-2 du code de la commande publique.

([182]) Conseil constitutionnel, décision n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020.

([183]) Il s’agit des pièces destinées à rendre au véhicule son apparence initiale.

([184]) L’article L. 127-1 du code des assurances définit l’opération d’assurance de protection juridique comme toute opération consistant, moyennant le paiement d’une prime ou d’une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d’assurance, en cas de différend ou de litige opposant l’assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou de représenter en demande l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l’objet ou d’obtenir réparation à l’amiable du dommage subi.

([185]) Commission des clauses abusives, recommandation n° 02-03 du 21 février 2002 relative aux assurances de protection juridique, recommandations n° 5, 6 et 7.

([186]) Article 201 de la directive.

([187]) Étude d’impact, p. 144.

([188]) Il convient cependant de noter que le droit français ne résulte pas d’une sur-transposition de la directive 2009/138/CE, la loi du 19 février 2007 étant antérieure à celle-ci.

([189]) Adopté par le Sénat le 7 novembre 2018, ce projet de loi n’a pas été examiné par l’Assemblée nationale à ce jour.

([190]) Étude d’impact, p. 146.

([191]) Rapport de M. Yves Détraigne au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi visant à réformer l’assurance de protection juridique, 17 janvier 2007, p. 40.

([192]) Ibid.

([193]) Il s’agit des amendements déposés par MM. Adnot et Wattebled, Mme Lopez, le groupe La République en Marche et le groupe Socialiste et Républicain.

([194]) Articles 10 des directives 2014/23/UE et 2014/24/UE et article 21 de la directive 2014/25/UE.

([195]) CJUE, 6 juin 2019, C-264/18.

([196]) Article R. 2123-8 du code de la commande publique.

([197]) Conseil d’État, 9 mars 2016, Conseil national des barreaux, n° 393589.

([198]) Conseil d’État, 27 septembre 2018, avis n° 395785, p. 8.

([199]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

([200]) Tels que les délais de paiement ou les modalités de facturation.

([201]) L’étude d’impact (p. 150) précise que l’ensemble des économies annuelles réalisées sur une année du fait de l’exclusion de ces prestations du droit commun de la commande publique s’élève à 1 272 000 €, ce chiffre prévisionnel ne concernant que les marchés recensés dont le montant est supérieur à 90 000 € hors taxe.

([202]) Il s’agit des marchés publics permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux.

([203]) S’agissant notamment des immeubles affectés aux forces de l’ordre et des établissements pénitentiaires.

([204]) L’alinéa 2 de l’article L. 422-1 précise que les services mentionnés incluent les consultations juridiques et la rédaction d’actes sous seing privé.

([205]) Les ingénieurs de formation exercent davantage une activité de CPI en brevet tandis que les juristes sont majoritairement des CPI en marques et dessins ou modèles.

([206]) Article L. 422-7-1 du code de la propriété intellectuelle.

([207]) Sous réserve de l’interprétation prétorienne du contenu des documents portant cette mention, comme le souligne la décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 octobre 2016.

([208]) Dès lors qu’elles sont dépourvues de la mention « officielle ».

([209]) Article L. 422-11 précité.

([210]) Cour d’appel de Paris, Pôle 1, 3è chambre, 24 novembre 2015, n° 14/16359.

([211]) La norme IPV6 est une norme internationale de format d’adresse IP. L’adresse IP permet d’identifier les terminaux radioélectriques (serveurs, routeurs, tablettes, ordinateurs, smartphones…) et d’orienter les flux d’information transitant sur Internet. La norme IPV6, qui améliore notamment la sécurité des équipements informatiques, a progressivement vocation à remplacer la norme IPV4 massivement utilisée jusqu’à présent, les deux normes étant par ailleurs incompatibles entre elles. Selon l’ARCEP, le taux d’utilisation de l’IPV6 s’élève à 25 % en 2018, contre 5 % en 2012.

([212]) Ce sujet a notamment été identifié par le rapport inter-inspections relatif aux sur-transpositions de directives européennes publié en avril 2018 et par le rapport d’information de M. René Danesi fait au nom de la commission des affaires européennes et de la délégation aux entreprises du Sénat déposé le 28 juin 2018.

([213]) Cette obligation de compatibilité à la norme IPV6 de tous les équipements radioélectriques à compter du 1er janvier 2018 fait peser de très lourdes contraintes techniques pour les fabricants.

([214]) Les dispositions de l’article L. 219-1 issu de la loi dite « Grenelle II » étant antérieures à la directive du 23 juillet 2014, il ne s’agit donc pas formellement d’une sur-transposition.

([215]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/17094_Strategie-nationale-pour-la-mer-et-le-littoral_fev2017.pdf  

([216]) Article L. 111-4 du code du patrimoine.

([217]) Article L. 111-7 du code du patrimoine.

([218]) Quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et le support, les archives publiques correspondent aux documents d’activité de l’ensemble des collectivités publiques et des personnes de droit privé gérant ou exerçant des missions de service public ainsi qu’aux minutes et répertoires des officiers publics ministériels et registres de conventions notariées de pacte civil de solidarité.

([219]) Ou à l’initiative d’un autre État membre sur le territoire national.

([220]) L’information du public est assurée par l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC).

([221]) Selon l’article R. 212-10 du code du patrimoine, il s’agit des documents habituellement utilisés par les services.

([222]) L’article R. 212-12 précise que les archives intermédiaires correspondent aux documents qui ont cessé d’être considérés comme archives courantes et ne peuvent encore, en raison de leur intérêt administratif, faire l’objet de sélection et d’élimination.

([223]) Tels que les collections des musées et manuscrits anciens des bibliothèques.