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N° 3384

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2020.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation (n° 3289)

par M. Matthieu ORPHELIN

Député

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 Voir le numéro : 3289.


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-propos

I. Parce que la publicité est un levier d’action majeur, elle PEUT êTRE VERTUEUSE COMME DANGEREUSE POUR L’ENVIRONNEMENT

A. LA PUBLICITé est un levier économique et sociétal majeur

1. La publicité a un rôle important dans la société et dans nos vies

2. La publicité représente un poids économique majeur dont les investissements profitent largement à des secteurs parmi les plus polluants

B. CETTE INFLUENCE ÉCONOMIQUE ET SOCIÉTALE, QUI FREINE AUJOURD’hui LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, POURRAIT UTILEMENT LA PROMOUVOIR DEMAIN

1. Le modèle publicitaire actuel est un frein à la transition écologique

2. La publicité peut à l’inverse se révéler un levier majeur de transition écologique si elle est mise au service d’une consommation plus durable et plus sobre

II. L’HEURE EST VENUE DE METTRE LA PUBLICITé au service de la transition écologique

A. ON ASSISTE à une émergence de cette question dans le débat public et à une prise de conscience des citoyens

1. Des interrogations légitimes apparaissent

2. Des propositions de solutions émergent

B. RELATIVISER LES CONséquences économiques de cette pROPOSITION DE LOI sur le secteur et voir au contraire SON POTENTIEL

1. Des conséquences économiques à relativiser

2. Une proposition de loi positive pour le secteur

III. CETTE PROPOSITION DE LOI PORTE PLUSIEURS AVANCées pour engager la transformation du secteur publicitaire

A. SENSIBILISER ET PROVOquer une prise de conscience DES ACTEURS DE LA publicité en les formant EN AMONT SUR l’impact de leur secteur ET LE Rôle qu’ils peuvent jouer (ARTICLE 1er)

1. Un enseignement encore trop rudimentaire de ces enjeux au sein des écoles de commerce et de communication

2. Rendre obligatoire et concret un tel enseignement

3. Faisabilité

B. FAVORISER LA PUBLICITé écoresponsable en interdisant celle sur les produits ayant les plus forts impacts sur l’environnement (ARTICLE 2)

1. Une autorégulation aujourd’hui insatisfaisante

2. Une mesure d’interdiction qui serait ainsi véritablement efficace

3. Faisabilité

C. LUTTER CONTRE LES EXCès en interdisant la publicité lumineuse numérique (article 3)

1. Une consommation énergétique importante et une participation à la pollution lumineuse

2. Une interdiction totale

3. Faisabilité

commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er (article L. 611-13 [nouveau] du code de l’éducation) Obligation d’enseignement des enjeux liés à la préservation de l’environnement pour les étudiants formés dans les grands domaines liés à la publicité

Article 2 (section 12 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation) Interdiction progressive de la publicité portant sur des produits et services à fort impact négatif sur l’environnement

Article 3 (article L. 581-4 du code de l’environnement) Interdiction de la publicité lumineuse numérique

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. discussion générale

II. examen des articles

liste des personnes auditionnées

CONTRIBUTIONS écrites


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   AVANT-propos

Favoriser une évolution du modèle publicitaire pour le rendre compatible avec la transition écologique : telle est l’ambition de cette proposition de loi. Loin de constituer une initiative dirigée contre les acteurs de la publicité, elle vise au contraire à les mettre au cœur, et même à l’avant-garde, des transformations profondes qui s’imposent à nous.

Il s’agit de ne plus se mentir : répondre au défi du changement climatique ne sera pas possible sans changements sociétaux. Ce que nos comportements ont entraîné et entraînent encore, seuls des changements de comportements peuvent l’endiguer. Plus qu’une proposition de loi d’adaptation, nous proposons ici une loi de transition.

Comment la publicité pourrait-elle s’exonérer de ces nécessaires changements de comportements et de ce nécessaire tournant ? Elle qui exerce une influence majeure sur nos achats, nos modes de vie et nos représentations sociales. Elle qui est partout dans nos vies : des intervalles entre deux dessins animés regardés par nos enfants le matin aux interruptions du film du soir en passant par le panneau publicitaire dans les transports pour se rendre au travail, les journaux et magazines que l’on consulte, les affiches en face de l’école de nos enfants et, phénomène relativement nouveau, sur nos smartphones et dans nos boîtes mails. Un secteur économique aussi omniprésent dans nos vies ne peut être exempté d’une réflexion sur son évolution vertueuse.

Il ne s’agit donc pas de faire « le grand soir » de la publicité ou de « tuer » ce secteur comme on a pu l’entendre, il s’agit au contraire de lui donner une nouvelle vie, un nouveau rôle, un nouvel impact : le réorienter au profit de notre ambition écologique.

Votre rapporteur est convaincu qu’il s’agit du bon moment pour le faire. La question de l’impact de la publicité – telle qu’elle est actuellement orientée –  sur l’environnement est aujourd’hui largement posée. Plusieurs rapports ([1]) se sont récemment penchés sur la question et de nombreuses propositions émergent, au premier rang desquelles celles de la Convention citoyenne pour le climat ([2]) que cette proposition de loi vise en partie à traduire et donc à mettre en œuvre concrètement.

Sur ce point, certains disent qu’il faut laisser les concertations aller au bout. Deux éléments poussent votre rapporteur à considérer que nous pouvons, voire devons agir dès maintenant. D’abord, les travaux sur cette proposition de loi ont constitué une forme de concertation. Ensuite et surtout, ayant pu assister à la réunion de concertation sur les mesures de régulation de la publicité proposées par la Convention citoyenne pour le climat, votre rapporteur en est ressorti avec un vrai malaise devant la méthode adoptée laissant les citoyens à la merci des représentants d’intérêts.

Les acteurs de la publicité eux-mêmes sont conscients de leur rôle et de la responsabilité historique qui est la leur sur cette question. Des efforts ont d’ailleurs commencé à être réalisés mais pas assez vite. Combien de publicités incitent aujourd’hui à limiter l’usage de sa voiture ou à privilégier le covoiturage par rapport à toutes celles qui vantent l’achat d’une voiture individuelle ? Combien promeuvent la réparation d’un produit par rapport à toutes celles qui encouragent l’achat d’un nouveau produit ? Quasiment aucune, en tout cas trop peu.

Le secteur est aujourd’hui à la croisée des chemins : soit il choisit de refuser le changement et poursuit sa valorisation de tous les produits, y compris des plus polluants, et d’une surconsommation qui nous mène dans le mur, soit il prend le pari d’avenir de se mettre au service de la transition écologique et de la sobriété de consommation. Par cette proposition de loi, votre rapporteur se propose d’accompagner le secteur vers cette évolution vertueuse au service d’un mode de vie et de consommation renouvelé.

Afin de satisfaire aux exigences du calendrier législatif, cette proposition de loi est une version raccourcie de celle, plus large, que votre rapporteur avait initialement rédigée pour accompagner ce secteur ([3]). Elle traduit toutefois une ambition résolue sur cette question : donner un rôle moteur dans la transition écologique et la nécessaire sobriété de consommation à ce puissant levier d’influence qu’est la publicité.

À ceux, je les espère peu nombreux, qui voudraient dire « plus tard », « moins fort » ou « autrement », je demanderais simplement de répondre à une question : « comment proposez-vous alors de baisser de 5 à 7 % nos émissions de gaz à effet de serre chaque année ? » – unique solution pour les diminuer globalement par deux d’ici 2030. Si vous avez d’autres solutions, allons-y. Si vous n’en avez pas d’autre, nos enfants nous regardent, votez cette proposition de loi.


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I.   Parce que la publicité est un levier d’action majeur, elle PEUT êTRE VERTUEUSE COMME DANGEREUSE POUR L’ENVIRONNEMENT

A.   LA PUBLICITé est un levier économique et sociétal majeur

1.   La publicité a un rôle important dans la société et dans nos vies

De par sa nature même, la publicité exerce une pression permanente sur les individus. Sa raison d’être est en effet d’orienter nos choix au profit des produits qu’elle promeut. Ses maîtres mots sont alors naturellement l’insistance et l’influence. Le dictionnaire le Robert la définit d’ailleurs comme « le fait d’exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales, spécialement de faire connaître un produit et d’inciter à l’acquérir ».

À côté de cette dimension mentale, la publicité exerce aussi une action physique. Présente en tout temps dans nos vies, elle l’est aussi en tout lieu ([4]) : couloirs de métro, affiches sur les bus, panneaux publicitaires sur les monuments en rénovation, etc. Cette course sans fin ne semble plus se fixer de limite, une start-up russe envisageant même de diffuser des publicités dans l’espace.

Cette incidence psychologique, associée à cette omniprésence physique, lui donne un fort pouvoir d’ascendance sur nos comportements. Ce n’est pas l’insulter que de dire cela, c’est là son rôle premier. La publicité accompagne et influence nos modes de vie et nos représentations sociales, elle participe à normer nos comportements, diriger nos aspirations, redessiner nos valeurs.

Plus encore, la publicité construit un imaginaire collectif aujourd’hui bien plus important que beaucoup d’autres. Qu’on le veuille ou non, elle est productrice de sens et actrice de la construction de notre récit collectif. Même lorsque l’on pense à d’autres secteurs participant de notre vie commune et nous rassemblant, comme le sport par exemple, la publicité n’est jamais bien loin : elle est dans les stades et sur les maillots quand le joueur de football, lui, apparaît dans la publicité.

Tout ceci est révélateur des grandes compétences et de la forte créativité des publicitaires sur lesquels votre rapporteur tient à insister. Il ne s’agit en aucun cas de critiquer cette influence et ce talent, il s’agit au contraire de les mettre au service d’un nouvel imaginaire.

2.   La publicité représente un poids économique majeur dont les investissements profitent largement à des secteurs parmi les plus polluants

Afin d’avoir une vision non biaisée du poids économique du secteur de la publicité en France, il importe d’observer d’abord les chiffres et les dynamiques antérieures à la crise du coronavirus. Sans nier l’importance de ses effets sur les investissements et les recettes du secteur et la nécessité de l’accompagner dans cette période qui suscite des inquiétudes légitimes, l’honnêteté intellectuelle invite à constater que ses conséquences ont été plus larges, touchant tous les acteurs économiques. Par ailleurs, des signes de reprise se font déjà sentir dans la publicité.

Le marché de la publicité en France est un marché qui, en règle générale, se porte bien et demeure en expansion. Chaque année, le baromètre unifié du marché publicitaire (BUMP), étude de référence réalisée par France Pub, l’Institut de recherches et d’études publicitaires (IREP) et Kantar, permet de disposer de chiffres précis et fiables dans ce domaine.

Ainsi, en 2019, selon ce baromètre, le secteur de la communication publicitaire représentait 33,81 milliards d’euros d’investissements, soit une progression de 1,5 % par rapport au montant de 2018.

évolution des investissements de communication PUBLICITAIRE
entre 2017 et 2019

Source : Communiqué de presse accompagnant la publication du baromètre unifié du marché publicitaire 2019.

Les investissements des annonceurs se répartissent différemment selon les types de médias. Le tableau ci-dessous permet ainsi de constater que la progression globale des investissements de communication publicitaire est avant tout portée par les médias numériques même si l’adoption de dispositifs numériques par les médias classiques leur permet de se maintenir.

INVESTISSEMENTS DE COMMUNICATION DES ANNONCEURS
PAR TYPE DE MédiaS en 2019

Source : Communiqué de presse accompagnant la publication du baromètre unifié du marché publicitaire 2019.

Par ailleurs, autre indicateur important, les recettes publicitaires nettes totales des médias ont atteint, en 2019, 15,06 milliards d’euros, en hausse de 2,6 % par rapport à l’année 2018 ([5]). Les recettes publicitaires de plusieurs médias étaient alors en croissance : le cinéma (+ 8,3 % par rapport à 2018), la publicité extérieure (+ 3,6 % par rapport à 2018) et la radio (+ 1,7 % par rapport à 2018). La télévision connaissait alors une légère baisse (- 0,7 % par rapport à 2018) et la presse écrite voyait ses recettes publicitaires diminuer assez fortement (- 4,1 % par rapport à 2018).

Toujours selon ce baromètre, la progression des recettes publicitaires des médias est en grande partie portée par le digital, y compris concernant les médias traditionnels. L’affichage extérieur est également largement porté par son volet digital, le DOOH (Digital out-of-home, tous les systèmes de publicité extérieure digitale) avec une croissance de 20,5 % en 2019 par rapport à l’année 2018.

RECETTES PUBLICITAIRES DES Médias EN 2018 et 2019 PAR TYPE DE médias

Source : Communiqué de presse accompagnant la publication du baromètre unifié du marché publicitaire 2019.

Pour revenir sur la question des investissements de communication publicitaire, le graphique ci-dessous, proposé dans l’étude annuelle BUMP 2019, permet de saisir une dynamique globalement ascendante du secteur depuis plusieurs années. En tout état de cause, celle-ci suit approximativement celle de la croissance économique.

évolution du marché de la communication entre 1993 et 2019

Source : Baromètre unifié du marché publicitaire 2019.

Néanmoins, selon différentes Organisations non gouvernementales (ONG), l’orientation du marché publicitaire paraît en grande partie négative pour l’environnement puisque les investissements bruts de publicité et de communication des secteurs automobile, aérien et pétrolier sont estimés à 5,1 milliards d’euros en 2019, dont 4,3 milliards d’euros pour le secteur automobile, 668,1 millions d’euros pour le secteur des énergies fossiles et 126,9 millions d’euros pour le secteur aérien ([6]).

Il ressort ainsi de cette analyse succincte du poids économique du secteur deux principaux enseignements :

– le secteur publicitaire est un secteur économique très dynamique ;

– actuellement, une partie de cette dynamique positive est portée par des investissements importants dans des domaines défavorables à l’environnement.

Ces deux enseignements poussent votre rapporteur à constater une fois encore le potentiel important, compte tenu de son poids économique, que représenterait une réorientation du secteur de la publicité dans un sens plus favorable à la transition écologique.

Votre rapporteur tient tout de même à souligner l’impact majeur de la crise du coronavirus sur le secteur publicitaire. Le dernier BUMP ([7]), présenté le 15 septembre 2020, constate un niveau d’investissements publicitaires des annonceurs en diminution de 28 % au 1er semestre 2020 et un niveau de recettes publicitaires des médias en diminution de 22 % par rapport au premier semestre 2019, dynamique négative qui concerne tous les médias. Cette même enquête estime que le marché de la communication devrait connaître une baisse annuelle de 20 % en 2020 par rapport à 2019 (– 7 milliards d’euros). Cet affaiblissement du secteur paraît logique tant on sait que celui-ci suit en général la dynamique de la croissance économique globale du pays. C’est notamment au regard de cette situation et de l’inquiétude légitime qu’elle suscite que votre rapporteur tient à préciser, dans son dispositif, le caractère progressif des mesures qu’il propose ainsi que leur vocation à réorienter la publicité et non à en diminuer le volume.

Toutefois, plusieurs éléments semblent démontrer que cet impact est strictement conjoncturel et qu’une dynamique positive pourrait rapidement se réenclencher. En effet, le BUMP 2019 prévoyait une croissance annuelle de 1 % du marché de la communication sans prendre en compte la crise sanitaire. De même, la plus récente enquête BUMP précitée démontre une reprise des volumes publicitaires durant l’été 2020. Surtout, elle prévoit pour la fin de l’année un retour à des niveaux d’investissements comparables à ceux d’avant la crise.

Une image contenant carte

Description générée automatiquementNIVEAUX D’INVESTISSEMENTS publicitaires MENSUELS
entre décembre 2017 et décembre 2020 (prévisions)

Source : Baromètre unifié du marché publicitaire « 1er semestre 2020 vs 2019 »

Même si votre rapporteur est conscient des difficultés du secteur de la communication, de la publicité et des médias en général, induites par cette crise, et qu’il est favorable à un accompagnement de ces secteurs, il considère que cette situation qui rebat les cartes peut devenir une opportunité pour changer de modèle de promotion économique dans un sens plus vertueux. Parce que la publicité est clairement un secteur porteur de la croissance économique, elle peut devenir demain un secteur porteur d’une croissance plus durable.

B.   CETTE INFLUENCE ÉCONOMIQUE ET SOCIÉTALE, QUI FREINE AUJOURD’hui LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, POURRAIT UTILEMENT LA PROMOUVOIR DEMAIN

1.   Le modèle publicitaire actuel est un frein à la transition écologique

Il importe de le dire clairement : votre rapporteur considère que la publicité telle qu’elle fonctionne aujourd’hui est un frein à la transition écologique. Elle présente des effets directs et indirects allant, dans la plupart des cas, dans la direction opposée à celle que notre société doit prendre.

Elle a d’abord un impact direct sur l’environnement par l’espace qu’elle occupe et l’énergie qu’elle consomme. Cela concerne tout particulièrement les panneaux lumineux numériques que votre rapporteur propose de progressivement interdire dans l’article 3 de la présente proposition de loi.

Elle a également un double impact indirect dont il est plus difficile d’avoir conscience :

– d’abord, de nombreuses publicités vantent des produits nocifs pour l’environnement, la biodiversité et le climat, favorisant ainsi leur consommation au détriment d’autres produits plus vertueux. L’impact négatif du produit est alors démultiplié, celui-ci l’étant dans son processus de production, dans son transport, parfois dans son utilisation, puis dans la production de déchets induite ;

– ensuite, d’une manière plus générale, elle favorise la surconsommation en participant continuellement à la création d’un besoin qui n’existe pas forcément. C’est d’ailleurs la nature même de la publicité que de faire naître dans l’esprit du consommateur une nécessité qu’il n’aurait pas spontanément. Elle déconnecte ainsi totalement la question du besoin de celle de l’impact environnemental.

Ces deux impacts négatifs indirects se nourrissent d’ailleurs l’un et l’autre. En lien avec la question de l’imaginaire et de l’action psychologique de la publicité évoquée supra, votre rapporteur insiste sur cette incidence de la publicité : nous faire associer une vie réussie avec la capacité à multiplier les achats de téléphones, de tablettes, de voitures, de vêtements en privilégiant sur ce sujet la quantité à la qualité, de séjours organisés sur une courte durée, etc. Ainsi, non seulement la publicité valorise des produits très polluants mais elle vante également leur accumulation.

De ce fait, il est même possible de dire que la publicité rend actuellement très difficile toute possibilité de prise de conscience écologique, aussi bien par les produits qu’elle met en avant que par le mode de consommation qu’elle promeut. Reprise dans le rapport Publicité et transition écologique de MM. Guibert et Libaert, une citation de l’économiste britannique Tim Jackson, spécialiste du développement durable, est très éclairante sur ce sujet : « Prier instamment les citoyens d’agir contre le CO2, d’isoler leur maison, de baisser leur thermostat, de mettre un gros pull, de prendre un peu moins la voiture, de marcher un peu plus, de passer les vacances à la maison, d’acheter des produits locaux, toutes ces demandes resteront inaudibles ou seront rejetées comme de la manipulation tant que tous les messages relatifs à la consommation iront dans la direction opposée. » ([8]).

Les populations sont en effet soumises en permanence à des injonctions contradictoires, un grand nombre de produits valorisés par le secteur publicitaire étant extrêmement nocifs pour l’environnement. L’exemple des véhicules particuliers émettant des gaz à effet de serre est symbolique de ce point de vue. Comme évoqué supra, les dépenses de publicité et de communication du secteur automobile ont représenté 4,3 milliards d’euros en 2019 avec une part relativement faible ([9]) consacrée aux gammes de véhicules électriques. Pourtant, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ([10]), les véhicules SUV (abréviation de l’anglais sport utility vehicle) – dont les ventes sont en hausse en France – représentent le deuxième facteur contribuant à l’augmentation des émissions mondiales de CO2 depuis 2010, après le secteur de l’énergie mais devant l’aviation ou les poids lourds, par exemple. C’est la raison pour laquelle, dans le dispositif de sa proposition de loi, votre rapporteur lie le Gouvernement sur la nécessité de fixer des seuils d’impact sur l’environnement pour restreindre progressivement la publicité pour les véhicules particuliers émettant des gaz à effet de serre.

2.   La publicité peut à l’inverse se révéler un levier majeur de transition écologique si elle est mise au service d’une consommation plus durable et plus sobre

La publicité ne perdra jamais l’impact sociétal et économique qui est le sien mais elle peut le mettre au service d’un autre modèle de société. Encore une fois, il ne s’agit pas de freiner le secteur publicitaire, il s’agit de changer sa direction pour la mettre en conformité avec l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030.

Cela nécessite d’opérer une transition culturelle dans laquelle les publicitaires ont toute leur place. Ils doivent nous aider à imaginer une société plus durable, la rendre tangible et même désirable.

De ce point de vue, les compétences et la créativité des publicitaires, maintes fois démontrées, peuvent nous aider à contribuer à une nouvelle vision collective. Aujourd’hui au service d’un modèle privilégiant la surconsommation, ils peuvent demain modeler un nouvel imaginaire du bonheur : une consommation moins forte mais meilleure, « acheter moins mais mieux ». Il ne s’agira pas pour eux de dire « n’achetez pas » mais « achetez ce qui est plus juste écologiquement et socialement ». La proposition de votre rapporteur est en ce sens éminemment positive.

Les annonceurs et les publicitaires, auditionnés, ont d’ailleurs tous unanimement insisté sur leur rôle pivot dans les changements culturels indispensables à venir. Votre rapporteur partage ce constat.

C’est notamment pourquoi cette proposition de loi commence par une mesure destinée aux acteurs de la publicité : l’article 1er propose en effet une formation obligatoire de ces derniers aux enjeux du développement durable et à l’impact de ce secteur sur l’environnement lors de leurs études supérieures pour qu’ils puissent ensuite jouer pleinement leur rôle dans la transition écologique. Il s’agit de leur faire prendre conscience de la responsabilité qui est la leur et du levier que leur passion représente pour l’établissement d’une société plus durable et plus sobre.

II.   L’HEURE EST VENUE DE METTRE LA PUBLICITé au service de la transition écologique

A.   ON ASSISTE à une émergence de cette question dans le débat public et à une prise de conscience des citoyens

1.   Des interrogations légitimes apparaissent

Les questions environnementales n’ont pas toujours été au cœur des critiques et des questionnements entourant la publicité. Le débat le plus récurrent portait plutôt sur l’honnêteté intellectuelle de ce secteur, y compris concernant l’écologie avec la lutte contre le verdissement (le « greenwashing »). Aujourd’hui, la question du lien entre publicité et transition écologique est de plus en plus posée.

Les trois rapports rendus en juin 2020 sur cette question, déjà évoqués supra ([11]), affirment tous la nécessité d’encadrer la publicité en raison des impératifs liés à l’urgence écologique et climatique. Avec, certes, des approches et des propositions différentes, ils posent néanmoins tous clairement le constat d’un impact négatif de la publicité sur la transition écologique.

Différents sondages paraissent montrer que la publicité serait également largement remise en cause, y compris sur ces aspects, par les citoyens eux-mêmes : 88 % des Français considèrent que les entreprises incitent à la surconsommation ([12]) ; 79 % des Français jugent la publicité envahissante (+ 6 points de pourcentage en 10 ans), 85 % la considèrent intrusive (+ 7 points de pourcentage en 10 ans) ([13]) ; 53 % des Français considèrent la communication des entreprises en matière de développement durable plutôt fausse ou tout à fait fausse ([14]) ; une majorité des Français se déclarent irrités par la publicité (83 % par la publicité en ligne ; 79 % par la publicité à la radio ; 75 % par la publicité à la télévision) ([15]).

Des spécialistes de la question environnementale reprennent également ces critiques. Ainsi, la climatologue Mme Valérie Masson-Delmotte a évoqué devant la Convention citoyenne pour le climat la contradiction entre la publicité telle qu’elle fonctionne aujourd’hui et les nécessités de la transition écologique.

Le secteur lui-même est conscient de la nécessité de changer de modèle. C’est ainsi l’un des grands thèmes des États généraux de la publicité ([16]). De même, la chaîne de télévision TF1 a fait le choix de lancer très prochainement ([17]) un programme intitulé « EcoRespons’Ad », une offre publicitaire spécifique imaginée en partenariat avec l’Agence de la transition écologique (ADEME). Décrite par M. Laurent Bliaut, directeur général adjoint en charge du marketing et de la R&D chez TF1 publicité, lors d’une table ronde réunissant différents médias, il s’agira d’espaces de publicité dédiés pour mettre en avant des publicités responsables (ouverts uniquement aux produits labellisés par l’ADEME) lors d’une heure de grande écoute et dans un écran spécifique.

À l’étranger, plusieurs initiatives sont également à saluer comme celle du journal britannique The Guardian qui a annoncé en janvier 2020 abandonner les publicités pour des entreprises exploitant des énergies fossiles ou encore celle du quotidien danois Politiken qui a décidé en janvier 2019 de limiter à un par semaine les reportages promouvant des destinations lointaines dans ses pages touristiques.

Forts de cette large prise de conscience, votre rapporteur et les députés de son groupe, mais également de nombreux autres parlementaires, usent depuis plusieurs années de leur droit d’initiative (dans le cadre d’amendements ou de propositions de loi) afin de tenter de réguler davantage ce secteur et d’en limiter les excès.

2.   Des propositions de solutions émergent

En lien avec toutes ces réflexions, plusieurs propositions sont sur la table afin de mieux réguler le secteur publicitaire et de le mettre en conformité avec nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les ONG auteurs du rapport Publicité : pour une loi Évin climat proposent essentiellement l’interdiction de la publicité pour les produits les plus polluants, tandis que MM. Géraud Guibert et Thierry Libaert, auteurs du rapport Publicité et transition écologique préconisent surtout un renforcement de l’autorégulation.

Mais votre rapporteur tient ici à revenir avant tout sur les propositions de la Convention citoyenne pour le climat que le Président de la République s’est engagé à transmettre « sans filtre » aux parlementaires.

Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat concernant la publicité

Dans leur rapport, les citoyens insistent sur l’objectif de réguler la publicité : « nous pensons [que la publicité] est un des principaux leviers à actionner pour faire évoluer les comportements du consommateur de manière durable ».

Ainsi, ils proposent :

– d’interdire de manière efficace et opérante la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur tous les supports publicitaires. Les citoyens préconisent d’évaluer l’impact en fonction du « CO2 score ([18])  » qu’ils proposent également de mettre en place. À cette proposition s’ajoutent des moyens de contrôle renforcés avec des sanctions financières importantes pour être incitatives (proposition C2.1) ;

– de réguler la publicité pour limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies à la consommation : interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs hors information locale et culturelle ainsi que les panneaux indiquant la localisation d’un lieu de distribution, interdire les écrans numériques, limiter les publicités sur l’espace numérique, interdire le dépôt de toute publicité dans les boîtes aux lettres à partir du 1er janvier 2021, interdire les avions publicitaires, faire appliquer l’article 9 de la recommandation « développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) en interdisant les publicités incitant directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou au gaspillage d’énergie et des ressources naturelles (vente par lot, réduction de prix, soldes), etc. (proposition C2.2) ;

– de mettre en place des mentions pour inciter à moins consommer comme par exemple « En avez-vous vraiment besoin ? La surconsommation nuit à la planète » ou encore d’indiquer obligatoirement le « CO2 score » sur tous les produits et supports de vente, etc. (proposition C2.3).

Votre rapporteur reprend un certain nombre de ces propositions dans le dispositif de cette proposition de loi. Son adoption participerait donc du démarrage de la transcription législative des ambitions des citoyens. Par ailleurs, l’article 1er de la proposition de loi reprend également partiellement une proposition de la Convention citoyenne pour le climat (la proposition C5.3.5) : former aux enjeux du développement durable dans l’enseignement supérieur, même si votre rapporteur concentre cette exigence sur les étudiants dans le domaine de la publicité.

Sur tous ces sujets justement, votre rapporteur tient à souligner le fossé existant entre les attentes populaires, avec une certaine forme de consensus citoyen se formant sur cette question (enquêtes d’opinion citées supra, adoption des propositions de la famille publicité à 89,6 % des membres de la Convention citoyenne pour le climat), et la façon dont certains traitent, volontairement ou involontairement, la question de manière clivante et polémique.

B.   RELATIVISER LES CONséquences économiques de cette pROPOSITION DE LOI sur le secteur et voir au contraire SON POTENTIEL

1.   Des conséquences économiques à relativiser

Votre rapporteur est parfaitement conscient que la proposition de loi qu’il présente inquiète les publicitaires, les médias et les annonceurs quant à l’impact économique qu’elle pourrait avoir. Ces acteurs ont d’ailleurs largement eu l’occasion de faire part de leurs inquiétudes lors des tables rondes organisées. Toutefois, il tient à rassurer chacun de ces secteurs sur ses intentions, comme il l’a fait tout au long des auditions qu’il a menées :

– la montée en puissance des dispositions sera progressive (sur 10 ans pour l’article 2) et laissera le temps aux différents secteurs économiques de s’adapter ;

 il ne s’agit pas d’interdire toute la publicité mais uniquement celle qui a un impact négatif sur l’environnement et, encore une fois, progressivement. Ainsi, il demeurera possible pour les annonceurs de vanter leurs produits, pour les publicitaires d’imaginer les moyens de le faire et pour les médias d’en tirer des recettes. Votre rapporteur est en effet conscient de ce que certains médias tirent 35 % de leurs revenus de la publicité (pour la presse écrite) ; la table ronde réunissant différents représentants des médias a même été l’occasion pour ces derniers d’indiquer au rapporteur que cette proportion atteint parfois même 75 ou 100 % (notamment pour certaines radios indépendantes). Cela restera possible avec une mise en avant plus importante de produits et services plus respectueux de l’environnement ;

– la vente des produits sur lesquels l’interdiction de publicité pèsera demeurera possible, permettant de relativiser l’impact sur les industriels. Le consommateur gardera sa liberté de choix, seule l’influence exercée par la publicité sera interdite sur ces produits ;

– cette interdiction s’appliquera aussi à la publicité en ligne et ne favorisera donc pas ce secteur au détriment d’un autre ;

– afin d’accompagner la transformation du secteur de la publicité, un fonds de soutien à la publicité responsable sera par ailleurs proposé par votre rapporteur par voie d’amendement lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Il sera alimenté par une contribution versée par les annonceurs réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 millions d’euros à hauteur de 1 % de leurs dépenses publicitaires annuelles. Cette contribution permettra de dégager plus de 300 millions d’euros par an afin de financer la promotion de la consommation durable et l’éducation à celle-ci. Afin d’encourager la transformation des pratiques publicitaires, seront exclues de l’assiette de cette contribution les dépenses publicitaires portant sur des produits à moindre impact sur l’environnement selon une définition établie par l’ADEME qui s’appuiera sur des critères fiables tels que la note la plus exigeante de l’indicateur d’affichage environnemental et les labels environnementaux les plus exigeants. L’entrée en vigueur de cette contribution sera prévue à compter du 1er janvier 2022 afin de tenir compte des difficultés économiques actuellement rencontrées par les acteurs à la suite de la crise sanitaire.

L’impact économique de cette proposition de loi est donc bel et bien à relativiser : le financement des médias n’est pas mis en danger puisque la publicité changera mais ne disparaîtra pas, les publicitaires ne seront pas fragilisés mais mis au cœur d’un changement culturel et les annonceurs pourront continuer à vendre leurs produits et seront incités à améliorer leur offre respectueuse de l’environnement pour maintenir une activité de communication forte. Il reste que cette proposition de loi aura naturellement un impact, à court ou moyen terme, sur les industriels fournissant des produits ou services ayant un fort impact sur l’environnement et notamment sur ceux qui n’adapteront pas leur offre aux exigences environnementales : c’est un objectif de cette proposition de loi et votre rapporteur l’assume pleinement.

2.   Une proposition de loi positive pour le secteur

Contrairement aux caricatures que peuvent en faire certains, cette proposition de loi est donc profondément positive pour le secteur de la publicité. Il s’agit de lui donner une chance de s’adapter dès maintenant plutôt que le voir péricliter puis disparaître le jour où les mesures indispensables au respect de nos engagements climatiques seront prises plus brutalement – l’interdiction des produits, par exemple. La mesure proposée par votre rapporteur à l’article 2 a ainsi pour objectif d’accompagner et d’encourager les annonceurs dans cette transition.

Donner un nouveau sens au secteur français de la publicité, c’est aussi lui donner une longueur d’avance économique et sociétale par rapport aux GAFA ([19]) qui les menacent et captent chaque année un peu plus de valeur. Le représentant de la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie, des finances et de la relance, auditionné par votre rapporteur a notamment insisté sur ce point en indiquant que ces derniers étaient passés en dix ans d’une part de marché de 0 à plus de 40 %, Facebook et Google occupant à eux seuls 80 % de ce terrain.

D’ailleurs, il convient de noter sur ce point qu’un grand nombre de produits à fort impact sur l’environnement ne sont pas forcément fabriqués en France ou par des marques françaises (c’est par exemple le cas des véhicules les plus polluants). Notre pays pourrait ainsi renforcer son positionnement sur les produits plus favorables à l’écologie et faire de cette interdiction de publicité des produits à fort impact sur l’environnement une aubaine pour valoriser au contraire des produits durables et fabriqués en France.

III.   CETTE PROPOSITION DE LOI PORTE PLUSIEURS AVANCées pour engager la transformation du secteur publicitaire

A.   SENSIBILISER ET PROVOquer une prise de conscience DES ACTEURS DE LA publicité en les formant EN AMONT SUR l’impact de leur secteur ET LE Rôle qu’ils peuvent jouer (ARTICLE 1er)

1.   Un enseignement encore trop rudimentaire de ces enjeux au sein des écoles de commerce et de communication

Il apparaît que l’enseignement des enjeux de la sobriété et du développement durable est encore trop rudimentaire dans les grandes écoles de publicité, de commerce et de communication ainsi que dans les formations de l’enseignement supérieur public dans ces domaines.

Même s’il existe des sensibilisations aux enjeux environnementaux au sein des cours d’éthique des écoles de commerce, par exemple, ou parfois des cours dédiés, ceux-ci sont encore trop souvent marginaux dans le nombre d’heures dispensées ou trop généraux sur le fond. Lors d’une table organisée par votre rapporteur sur l’article 1er de cette proposition de loi, les représentantes du collectif pour un réveil écologique et du réseau français des étudiants pour le développement durable (REFEDD), elles-mêmes anciennes étudiantes en école de commerce, ont indiqué n’avoir jamais été sensibilisées aux liens entre les matières suivies et la surconsommation ou l’impact sur l’environnement. Les étudiants sont en demande d’une étude transversale de ces enjeux dans chacun de leurs cours, et d’un enseignement appliqué à leur discipline afin de les préparer à être acteurs de la transition écologique dans les fonctions professionnelles qu’ils occuperont.

La nécessité du renforcement de l’enseignement au développement durable et à la sobriété de la consommation en général, mais également spécifiquement dans les formations des acteurs de la publicité, fait consensus parmi l’ensemble des acteurs auditionnés : MM. Guibert et Libaert le proposent dans leur rapport, les services du ministère de la transition écologique, l’ARPP, l’ADEME, les ONG, les représentants des médias, des publicitaires, des annonceurs, des étudiants ou encore des écoles ont insisté sur l’importance de cette proposition.

Les membres du cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation auditionnés par votre rapporteur ont indiqué qu’un groupe de travail a réfléchi sur ce sujet, notamment afin de répondre à la proposition de la Convention citoyenne pour le climat, évoquée supra. Ils proposeront ainsi prochainement d’ajouter cette exigence dans la loi comme constituant une mission de l’enseignement supérieur. Votre rapporteur se satisfait de cette réflexion et reprend cette proposition à son compte même s’il souhaite la compléter par un enseignement obligatoire et spécifique pour les formations dans les grands domaines de la publicité.

2.   Rendre obligatoire et concret un tel enseignement

Ainsi, malgré un accord sur l’objectif, votre rapporteur ne peut que constater qu’il est encore trop difficile de savoir exactement combien d’heures sont dispensées sur ce sujet et si cet enseignement est en soi consacré à cette question. Une « enquête flash » menée, en parallèle des auditions, par votre rapporteur, à laquelle des anciens élèves de plus d’une trentaine de cursus et écoles différentes – dans les métiers de la communication, du commerce et du marketing – ont répondu, montre que :

– 70 % d’entre eux déclarent n’avoir reçu aucun cours, ni même aucune sensibilisation, sur le rôle de la publicité dans la transition écologique ou sur la sobriété dans l’utilisation des ressources ;

– pour ceux qui ont reçu un enseignement sur ce thème, il est de moins de 5 heures pour la moitié d’entre eux.

Le constat est clair : les initiatives isolées ne suffisent plus.

Aucun changement de comportement ne sera possible sans prise de conscience initiale. Cette vérité générale se révèle d’autant plus criante que l’on touche un secteur contribuant largement aux atteintes quotidiennes à l’environnement sans réellement pouvoir le formaliser concrètement. La publicité forme un écran entre ceux qui l’imaginent, la produisent et la diffusent et l’impact environnemental négatif du produit.

C’est pourquoi l’article 1er de cette proposition de loi vise notamment à rendre obligatoire la formation des acteurs de la publicité, de la communication et du marketing aux enjeux liés à la préservation de l’environnement et de la biodiversité, aux changements climatiques et à la sobriété de la consommation permettant le respect des limites planétaires selon des modalités précisées infra dans la partie commentaire d’articles du présent rapport.

Dans un second temps, cette obligation pourra et devra être élargie à la formation continue.

3.   Faisabilité

En ce qui concerne la faisabilité de cette mesure, celle-ci pourrait être rapidement mise en œuvre : les représentants de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) auditionnés par votre rapporteur ont d’ailleurs affirmé pouvoir contribuer à accompagner les établissements dans la formalisation de ces enseignements. Même si ceux-ci disposent déjà de bases documentaires fournies, d’ores et déjà en ligne et partagées avec les établissements qui le souhaitent, votre rapporteur précise qu’il s’agira pour l’ARPP de renforcer les éléments insistant sur la prévention de la surconsommation induite actuellement par le secteur publicitaire. Certains publicitaires ou annonceurs ont également indiqué travailler sur des outils pédagogiques spécifiques.

B.   FAVORISER LA PUBLICITé écoresponsable en interdisant celle sur les produits ayant les plus forts impacts sur l’environnement (ARTICLE 2)

1.   Une autorégulation aujourd’hui insatisfaisante

Aujourd’hui, en dehors de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales qui s’attaquent notamment au verdissement (« greenwashing »), des réglementations visant à assurer l’information du consommateur (mentions légales ou obligation d’information sur l’impact environnemental) ou de la réglementation sur l’affichage extérieur, il n’y a en France aucune disposition qui réglemente la publicité du point de vue de l’impact des produits promus sur l’environnement.

L’insuffisance des mentions légales

Votre rapporteur tient à s’arrêter spécifiquement sur les mentions légales, souvent vantées comme une solution idéale de compromis. Or, plusieurs études ont démontré l’inefficacité de ces dispositifs ([20]) : phénomène d’habitude auditive ou visuelle qui limite l’efficacité de la mention ; message trop général et peu adapté à la nature du produit en soi ; discrétion de la mention par rapport au message global.

Le secteur de la publicité, d’une manière générale mais donc particulièrement sur cet aspect, fonctionne en grande partie sur l’autorégulation. Auditionnée par votre rapporteur, l’ARPP est largement revenue sur ces dispositifs de droit « souple », notamment ses recommandations en matière de développement durable afin de rendre la publicité écoresponsable. Cette autorégulation a aujourd’hui montré ses limites :

– elle est insuffisante par son caractère non contraignant : la pratique du « nommer et couvrir de honte » (« name and shame ») n’a des effets que temporaires (et n’a d’ailleurs qu’une portée faible dans l’autorégulation de la publicité) ;

 elle est insuffisante sur le fond : en 2018, l’ADEME a déposé plainte auprès du jury de déontologie publicitaire (JDP) de l’ARPP concernant des publicités de l’entreprise C Discount incitant à la surconsommation et selon elle contraire aux règles de déontologie édictées par l’ARPP ([21]). Après deux avis négatifs du JDP, l’ADEME avait alors regretté dans un communiqué de son président que « le processus d’autorégulation mis en place ne fonctionne pas dans le cas d’un questionnement même de la place de la publicité en matière d’incitation à la surconsommation » ([22]). Dans le même ordre d’idée, les représentants de l’ARPP auditionnés par votre rapporteur ont confirmé qu’une publicité promouvant un aller-retour Paris-Athènes sur un week-end (selon un exemple proposé par votre rapporteur) serait considérée comme « conforme aux règles » ;

– elle est empiriquement trop peu efficace : le dixième bilan Publicité & Environnement de l’ADEME et de l’ARPP ([23]), publié récemment, présente un taux de non-conformité des publicités environnementales aux règles déontologiques de 11,6 %, soit le ratio le plus élevé depuis 2011 et quasiment le double de celui constaté lors du neuvième bilan (6,4 %). Selon Mme Valérie Martin, cheffe du service Mobilisation grand public, presse et institutionnel à la direction de la communication et de la formation de l’ADEME, auditionnée par votre rapporteur, ces résultats sont inquiétants et témoignent d’une baisse de vigilance de tous les acteurs de la publicité dans le domaine de l’environnement. L’association France nature environnement (FNE) en a tiré les conséquences en quittant, en septembre 2020, le conseil paritaire de la publicité, censé conseiller l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), en affirmant que l’autorégulation de la publicité était un échec.

Par ailleurs, votre rapporteur s’inquiète de la tournure prise actuellement par l’autorité de régulation, qui paraît être biaisée de l’intérieur. Le conseil de l’éthique publicitaire, instance composante de l’ARPP et qui a pour rôle de formuler des avis publics afin de participer à l’évolution de ses recommandations, a rendu un avis à charge ([24]) sur les différentes initiatives actuellement à l’œuvre pour mieux réguler le secteur publicitaire à des fins de santé publique et de protection de l’environnement. Qualifiant les propositions sur le secteur de la Convention citoyenne pour le climat d’« ultra radicales » et la publicité de « bouc émissaire », cette instance s’est posée en lobby et non en régulateur.

2.   Une mesure d’interdiction qui serait ainsi véritablement efficace

C’est face au constat de cette insuffisance et à la nécessité d’agir que votre rapporteur a rédigé l’article 2 de cette proposition de loi qui prévoit d’interdire progressivement la publicité des produits et services ayant un fort impact négatif sur l’environnement.

Même si les éléments juridiques les plus importants peuvent être retrouvés dans la partie commentaire d’articles infra, votre rapporteur souhaite insister sur le caractère progressif et transitoire de cette interdiction afin de laisser le temps à tous les acteurs de s’adapter. Celle-ci se déploierait en effet entre 2022, pour les excès les plus criants, et 2032.

Cette interdiction s’inspire naturellement de la loi dite « Évin » ([25]) qui interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et encadre fortement celle en faveur des boissons alcoolisées ([26]). Votre rapporteur est conscient du débat qui existe sur la question de l’efficacité de cette mesure d’interdiction. Une étude a néanmoins démontré un impact de l’interdiction de la publicité pour le tabac sur la baisse de la consommation, même s’il peut paraître limité ([27]).

Surtout, votre rapporteur tient à insister sur le fait que l’interdiction concernerait ici des produits bien différents, moins addictifs et pour lesquels il n’existe pas une habitude régulière d’achat et de consommation. Il s’agit de toucher des produits pour lesquels une grande partie de la consommation – et surtout de la surconsommation à laquelle il s’agit de s’attaquer principalement –  repose sur l’incitation réalisée par la publicité. De même, l’interdiction que propose votre rapporteur cherche à inciter les industriels à mettre en avant plus rapidement une offre plus respectueuse de l’environnement pour compenser l’interdiction de publicité sur leur gamme polluante. Dans le cas de la loi Évin, il ne s’agissait pas, comme ici, d’accélérer l’émergence d’un produit de substitution, de transformer les producteurs de tabac en producteurs de cigarettes en chocolat ou les producteurs d’alcool en producteurs d’eau minérale.

3.   Faisabilité

Concernant la critique en inconstitutionnalité, votre rapporteur souligne que le législateur peut apporter des restrictions à la liberté d’entreprendre sur le fondement de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ([28]). Cet article peut donc être constitutionnel à la condition que les moyens retenus par le législateur soient bien adéquats aux finalités visées et que la conciliation opérée entre les objectifs ne soit pas manifestement déséquilibrée. Pour votre rapporteur, ces deux conditions sont remplies :

– l’article 2 porte bel et bien à la liberté d’entreprendre une atteinte en lien avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement puisque les critères d’interdiction de la publicité sont en lien avec l’impact des produits et services sur l’environnement ;

– les garanties apportées à la liberté d’entreprendre paraissent suffisantes, l’entrée en vigueur étant différée (1er janvier 2022) et progressive (sur une période allant de 2022 à 2032 selon le niveau d’impact du produit ou du service).

Concernant la faisabilité technique du classement des produits en fonction de leur impact négatif sur l’environnement, les représentants de l’ADEME auditionnés ont affirmé à votre rapporteur que c’était tout à fait réalisable. M. Pierre Galio, chef du service Consommation et prévention à l’ADEME, a indiqué que la démarche d’accompagnement de TF1 évoquée supra s’est fondée sur une telle catégorisation et que la mise en place de l’affichage environnemental poursuit le même objectif.

Enfin, votre rapporteur tient une nouvelle fois à insister sur le fait que ces dispositions s’appliqueront à la publicité en ligne, ce qui lui a été confirmé par les représentants de la direction générale des entreprises (DGE) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) auditionnés.

C.   LUTTER CONTRE LES EXCès en interdisant la publicité lumineuse numérique (article 3)

1.   Une consommation énergétique importante et une participation à la pollution lumineuse

Les écrans publicitaires lumineux numériques constituent clairement une source de gaspillage énergétique (et même plus largement d’atteintes diverses à l’environnement) et de pollution lumineuse.

Concernant d’abord les atteintes à l’environnement et le gaspillage énergétique, de nombreux chiffres différents circulent. Une récente étude de l’ADEME ([29]) estime toutefois les impacts environnementaux des écrans numériques ([30]) à :

– 2 450 kg équivalent CO2 sur l’ensemble du cycle de vie pour dix années d’utilisation (60 % pour la phase d’utilisation et 40 % pour la phase de production) ;

– une consommation de 2 050 kWh d’électricité par an (uniquement sur la phase d’utilisation). Ce chiffre est à peu près équivalent à celui donné par les acteurs du secteur lors de la table ronde consacrée à l’article 3 ou par la DGE. Il est différent de celui donné par certaines ONG qui l’estiment plutôt à 3 000 ou 4 000 kWh mais qui ont fait part de leur difficulté à obtenir des chiffres récents de la part des acteurs du secteur. Cette différence a une explication : les nouveaux écrans numériques sont un peu moins consommateurs d’énergie que ceux installés dans un premier temps. Sans entrer dans une bataille de chiffres, il est clair que cette énergie, quelle que soit la consommation exacte que ces outils en font, est superflue. Réseau de transport d’électricité (RTE) lui-même qualifie les écrans publicitaires de consommations « superflues » ([31]) ;

– un indicateur MIPS ([32]) de 8 000 kg de matériaux pour produire un panneau de 200 kg.

Concernant ensuite la question de la pollution lumineuse, les effets néfastes de l’éclairage nocturne sur la santé humaine et plus généralement sur les écosystèmes sont de mieux en mieux connus. Ils ont été présentés à votre rapporteur par le docteur Claude Gronfier, chercheur titulaire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qui a bien insisté sur les conséquences physiologiques très importantes de l’exposition à la lumière notamment celle émise par ces écrans publicitaires numériques, agissant comme des perturbateurs endocriniens puissants.

Concernant enfin l’impact sur la santé publique, le chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), M. Mehdi Khamassi, s’est quant à lui longuement arrêté sur les dangers neurobiologiques et psychologiques liés à la publicité en général et la publicité numérique en particulier.

Mécanismes neurobiologiques et psychologiques à l’œuvre du fait de la publicité en général et des écrans vidéos publicitaires en particulier

Les informations émises par la publicité sont traitées par notre cerveau, mémorisées et viennent modifier souvent inconsciemment nos comportements, notamment d’achat :

– Captation automatique de notre attention par l’utilisation de stimuli saillants ([33]), généralement visuels ou auditifs ou par l’induction de mouvement dans la périphérie de notre champ visuel, même lorsque nous sommes concentrés sur une autre tâche cognitive. Ce phénomène vient du réflexe d’orientation du regard qui s’est développé au cours de l’évolution car il est utile pour la survie de l’être humain, permettant grâce à une élévation du niveau de stress de réagir plus vite à la présence de prédateurs ou de dangers ([34]). La puissance d’attraction automatique de notre attention est renforcée lorsque les écrans sont plus grands, les stimuli plus saillants, et face à certains types de contenu qui induisent plus de réaction émotionnelle au message ([35]) ;

– Moins bonne compréhension et moins bonne mémorisation des informations liées à notre tâche principale lorsque la distraction d’un écran vidéo augmente notre charge cognitive ([36]). Ce problème est exacerbé chez les enfants qui sont en phase de développement cognitif et qui doivent donc apprendre à maintenir leur attention soutenue sur un seul objet ;

– La publicité est efficace notamment grâce à un conditionnement par la répétition (conditionnement pavlovien) : le simple fait d’être exposé régulièrement à une image proposée conduit à un sentiment de familiarité qui entraîne le cerveau à associer cette image à une valence positive ([37]). Après une quinzaine d’expositions publicitaires, la simple perception de l’image favorise l’envie de consommer le produit concerné, même si l’on sait qu’il est néfaste ([38]). Le simple fait d’être exposé régulièrement à des produits polluants nous conditionne donc à désirer acheter ces produits et l’utilisation récente du neuromarketing renforce encore l’efficacité de la publicité sur ce point.

Source : document remis par Mehdi Khamassi, chargé de recherche au CNRS, au rapporteur à la suite de sa participation à une table ronde.

2.   Une interdiction totale

Votre rapporteur propose une interdiction de l’installation de nouvelles publicités lumineuses numériques et le retrait de celles existantes.

3.   Faisabilité

Concernant la constitutionnalité de cette disposition, votre rapporteur met en avant les mêmes arguments que pour l’article 2. À l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement s’ajoute toutefois ici également celui de protection de la santé, du même rang. En sus, il ne s’agit pas de l’interdiction d’une activité mais uniquement d’un support.

Sur la question de l’acceptabilité, M. Éric Piolle, maire de Grenoble, a indiqué lors d’une table ronde organisée par votre rapporteur qu’une telle mesure d’interdiction au niveau intercommunal avait été largement plébiscitée par la population. Il a également insisté sur la possibilité de distinguer, comme cela a été fait dans son cas, les écrans numériques statiques et les écrans numériques vidéos qui ont naturellement des effets différents.


—  1  —

   commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er
(article L. 611-13 [nouveau] du code de l’éducation)
Obligation d’enseignement des enjeux liés à la préservation de l’environnement pour les étudiants formés dans les grands domaines liés à la publicité

Rejeté par la commission

Le présent article vise à rendre obligatoire un enseignement des enjeux liés à la protection de la planète et à la nécessaire sobriété de consommation pour tout étudiant suivant une formation dans les domaines de la communication, de la publicité, du marketing, du commerce ou du management.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

Le dispositif de cet article s’inscrit dans un mouvement déjà engagé.

Il s’inscrit d’abord dans le cadre d’une obligation constitutionnelle ([39]) puisque l’article 8 de la Charte de l’environnement de 2004 dispose que « l’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente charte ».

Cet impératif s’est d’abord traduit concrètement dans l’enseignement scolaire ([40]). La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ([41]) est en ce sens symbolique puisqu’elle a créé, dans le code de l’éducation, un article L. 312-19 rendant obligatoire « l’éducation à l’environnement et au développement durable dès l’école primaire ». Progressivement précisée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([42]) puis par la loi pour une école de la confiance ([43]), cette obligation a été récemment complétée par une « sensibilisation à la réduction des déchets, au réemploi et au recyclage des produits et matériaux, ainsi qu’au geste de tri » par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ([44]).

Ce développement a toutefois dépassé le strict cadre de l’enseignement primaire et secondaire pour commencer à irriguer certaines formations dans l’enseignement supérieur.

Ainsi, la loi de 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ([45]) a ajouté aux objectifs de l’enseignement supérieur agricole public, définis à l’article L. 671-1 du code de l’éducation, la contribution « à l’éducation à l’environnement et au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes ».

De même, la loi pour une école de la confiance précitée a introduit le respect, la protection de l’environnement et la transition écologique aux formations de sensibilisation obligatoires dans les instituts nationaux supérieurs du professorat, définies à l’article L. 721-2 du code de l’éducation.

Enfin, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire précitée a modifié l’article L. 752-2 du code de l’éducation pour renforcer l’enseignement des enjeux environnementaux au sein des écoles nationales supérieures d’architecture en ajoutant à leurs obligations la nécessité de veiller au respect de l’environnement et de la préservation des ressources naturelles, et surtout en complétant leurs missions par l’obligation d’enseigner à leurs élèves l’écoconception et l’importance de privilégier l’utilisation de matériaux durables, naturels ou recyclables.

C’est ce dernier modèle qui intéresse et inspire tout particulièrement votre rapporteur pour cet article 1er. En effet, l’enseignement devenu obligatoire n’est pas seulement un enseignement général sur les enjeux de développement durable – ce qui est indispensable – mais il est adapté à l’école dans laquelle il est enseigné et à la future vie professionnelle de l’étudiant. Votre rapporteur considère comme essentielle cette dimension concrète, pratique et donc réellement effective en termes d’impact positif.

II.   LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

L’article 1er prévoit la formation des futurs acteurs de la publicité aux enjeux liés à la préservation de l’environnement et à la nécessaire sobriété de consommation lors de leurs études supérieures.

Plus précisément, les formations concernées par le dispositif sont celles de la communication, de la publicité, du marketing, du commerce et du management. C’est en effet autour de ces disciplines que se forment les acteurs du monde de la publicité de demain.

Concernant le contenu de l’enseignement, celui-ci porterait d’abord sur les enjeux liés à la préservation de l’environnement et de la biodiversité, aux changements climatiques et à la sobriété de consommation permettant le respect des limites planétaires.

La question de l’inscription du concept de « limites planétaires » dans la loi

Votre rapporteur tient à revenir ici sur le concept de limites planétaires. L’adoption de cet article 1er aurait en effet également pour conséquence d’intégrer dans la loi –  certes dans le code de l’éducation et non celui de l’environnement comme il le faudrait à terme – cette notion.

Le concept de limites planétaires, basé sur une démarche scientifique, désigne des seuils que l’humanité ne doit pas dépasser afin de ne pas fragiliser la stabilité du système terrestre et donc l’hospitalité de notre planète.

Il existe ainsi neuf limites planétaires qui correspondent à neuf grands équilibres indispensables à des conditions favorables de vie sur Terre :

– le changement climatique ;

– l’érosion de la biodiversité ;

– la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ;

– les changements d’utilisation des sols ;

– l’acidification des océans ;

– l’utilisation de l’eau ;

– la réduction de l’ozone stratosphérique ;

– l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère ;

– la pollution par des substances nouvelles introduites dans la biosphère.

Ce concept est extrêmement fécond car il permet d’appréhender très facilement l’idée de seuils plafonds d’utilisation des ressources qui peuvent être calculés et comparés. Il permet ainsi d’agir beaucoup plus fortement sur la prise de conscience des populations que des concepts parfois plus flous ou en tout cas moins appréhendables.

À ce stade, il ne s’agit que d’une notion scientifique. Toutefois, celle-ci est prise en compte à différents niveaux :

– par les Nations unies à travers la voix de l’ancien secrétaire général M. Ban Ki-Moon ;

– par l’Union européenne qui évoque ce concept dans ses septième puis huitième programmes d’action pour l’environnement ;

– par la France, ce concept étant repris dans un rapport de 2019 du Commissariat général au développement durable (CGDD) ([46]).

Plusieurs juristes et spécialistes plaident pour l’inscription de cette notion dans la Constitution ou dans la loi. L’adoption de cet article incluant le concept de « limites planétaires » serait ainsi une avancée plus grande encore que son seul impact prévu sur l’enseignement.

En outre, comme évoqué supra, et afin d’éviter un enseignement trop lacunaire ou déconnecté des attentes des étudiants se révélant finalement inutile, votre rapporteur a tenu à favoriser un enseignement adapté au cadre professionnel futur de ces étudiants en précisant dans le dispositif que cet enseignement doit aborder l’influence des secteurs dans lesquels les étudiants se forment sur l’évolution des comportements.

Tel que rédigé, cet article risquerait de ne créer réellement d’obligation que pour les établissements d’enseignement supérieur publics. Votre rapporteur propose ainsi un amendement afin que cet enseignement obligatoire s’applique également aux écoles de commerce.

Par ailleurs, afin de répondre aux attentes exprimées de nombreuses fois en audition et tirer les conséquences du travail de concertation réalisé depuis plusieurs mois, votre rapporteur proposera un amendement pour inscrire la nécessité d’un enseignement des enjeux du développement durable dans les missions plus larges de l’enseignement supérieur.

III.   LES travaux de votre commission

La commission a rejeté tous les amendements et l’article 1er.

*

*     *

Article 2
(section 12 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation)
Interdiction progressive de la publicité portant sur des produits et services à fort impact négatif sur l’environnement

Rejeté par la commission

Le présent article a pour objet d’interdire toute publicité portant sur des produits et services à fort impact négatif sur l’environnement. L’application de cette interdiction se ferait progressivement, sur plusieurs années. La publicité des produits et services ayant le plus fort impact sur l’environnement serait interdite dès le 1er janvier 2022.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

La réglementation de la publicité en lien avec les questions environnementales est aujourd’hui essentiellement concentrée sur la bonne information du consommateur qui prévoit notamment :

– la lutte contre la pratique du verdissement (« greenwashing ») qui consiste à utiliser abusivement des arguments environnementaux faux ou non prouvés. Cette pratique est encadrée par l’article L. 121-1 du code de la consommation qui interdit plus largement les pratiques commerciales trompeuses ;

– des mentions légales accompagnant certains produits. C’est ainsi que la loi d’orientation des mobilités ([47]) a, par exemple, récemment prévu la création d’un message obligatoire, faisant la promotion des mobilités actives, accompagnant toutes les publicités en faveur des véhicules terrestres à moteur ;

– une information accrue du consommateur concernant les caractéristiques environnementales des produits afin d’en faire un acteur éclairé de la transition écologique. La récente loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire précitée a fait un premier pas en cette matière puisqu’elle a créé un article L. 541-9-1 du code de l’environnement qui rend obligatoire l’information du consommateur sur l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, la recyclabilité, la présence de métaux précieux ou de terres rares, etc. Elle a également instauré le dispositif d’affichage environnemental qui regrouperait toutes ces informations. Cette même loi interdit une pratique publicitaire spécifique en proscrivant de donner l’impression, par des opérations de promotion coordonnées à l’échelle locale, que le consommateur bénéficie d’une réduction de prix comparable à celle des soldes (L. 121-4 du code de la consommation).

Il existe également une réglementation de la publicité plus clairement liée à la question de l’environnement, pour ce qui concerne la publicité extérieure et lumineuse. Cette réglementation, qui prévoit certaines interdictions, se trouve aux articles L. 581-4 à L. 581-16 du code de l’environnement. Des dispositions particulières s’appliquent également aux publicités lumineuses dont les principes sont fixés aux articles L. 583-1 à L. 583-4 du même code et déclinés par des mesures réglementaires. Il convient également de noter qu’une place est laissée aux communes (ou aux établissements publics de coopération intercommunale) qui peuvent instaurer, dans des zones définies, des règles plus restrictives que celles prévues dans le code de l’environnement dans le cadre du règlement local de publicité (RLP).

Autrement, comme rappelé supra, il s’agit surtout de règles déontologiques ou d’autorégulation que votre rapporteur ne croit plus suffisantes, en tout cas au regard de l’urgence qui est la nôtre.

Toutefois, un cadre légal d’interdiction de publicité sur certains produits existe déjà. La loi Évin ([48]) encadre en effet la publicité sur l’alcool et interdit celle sur le tabac. Votre rapporteur assume s’inspirer de ce dispositif, ou en tout cas de la philosophie qui le sous-tend, même s’il considère que l’interdiction des publicités sur les produits les plus polluants aura un impact encore plus fort sur la consommation comme évoqué dans l’avant-propos.

II.   le dispositif de la proposition de loi

L’article 2 de la proposition de loi propose d’interdire progressivement toute publicité portant sur des produits et services à fort impact environnemental négatif. Cette interdiction s’applique à toutes les formes de publicité, y compris réalisées en ligne ou par courriel.

Il est renvoyé à un décret le soin de définir les catégories de produits et services concernés ainsi que des seuils d’impact sur l’environnement qui auront deux rôles :

– fixer les seuils d’impact négatif sur l’environnement à partir duquel la publicité sur une catégorie de produit ou de service est interdite ;

– permettre des entrées en vigueur différenciées entre 2022 et 2032 en fonction du niveau d’impact négatif du produit sur l’environnement.

Votre rapporteur a fait le choix de lier partiellement le pouvoir réglementaire dans la nécessité d’intégrer certains produits dans les catégories pour lesquels il est obligatoirement fixé un seuil d’impact à partir duquel la publicité est interdite : les véhicules particuliers émettant des gaz à effet de serre ; les produits électroménagers fortement consommateurs d’énergie ; les liaisons aériennes domestiques et internationales substituables par une alternative ferroviaire satisfaisante ; les liaisons aériennes dont l’impact climatique est fort pour une courte durée de séjour ; les produits à fort impact environnemental global sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Pour tous ces produits, la publicité sera donc progressivement interdite selon une trajectoire dégressive de leur impact négatif sur l’environnement.

Au cours des auditions qu’il a menées, votre rapporteur a constaté un certain nombre d’incompréhensions vis-à-vis de cet article, suscitant des inquiétudes légitimes. Il propose donc un amendement de réécriture globale afin de :

– préciser ce qui est entendu comme un fort impact sur l’environnement : une atteinte aux espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, aux sites, aux paysages diurnes et nocturnes, à la qualité de l’air, au climat ou à la biodiversité ;

– définir des critères de constitution des seuils liant le pouvoir réglementaire : les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie, les déchets produits, le niveau d’atteinte à la biodiversité et aux milieux naturels ;

– spécifier que ces critères doivent être pris en compte dans le cadre d’une analyse sur l’ensemble du cycle de vie du produit : fabrication, mise à disposition et utilisation ;

– enfin, énoncer plus clairement l’idée que ces interdictions seront progressives entre 2022 et 2032 en précisant bien que le décret fixe les seuils, pour chaque catégorie de produits et de services, selon une trajectoire progressive.

III.   LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION

La commission a rejeté tous les amendements et l’article 2.

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Article 3
(article L. 581-4 du code de l’environnement)
Interdiction de la publicité lumineuse numérique

Rejeté par la commission

Le présent article a pour objet l’interdiction de toutes les publicités lumineuses numériques (encore appelées « écran numérique publicitaire » ou simplement « publicité numérique » dans la partie réglementaire du code de l’environnement).

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

La publicité lumineuse numérique est d’abord soumise à autorisation par l’article L. 581-9 du code de l’environnement en ce qu’elle constitue une « publicité lumineuse autre que [celle] qui support[e] des affiches éclairées par projection ou par transparence ».

Par ailleurs, de nombreuses dispositions réglementaires réglementent la publicité lumineuse (et donc la publicité numérique qui en est une forme particulière) en l’interdisant notamment à l’intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants et en la soumettant à des règles techniques particulières dans les agglomérations plus importantes (article R. 581-34 du code de l’environnement). Toutefois, alors qu’il est prévu une extinction des publicités lumineuses entre 1 heure et 6 heures dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants, ce n’est pas le cas pour les publicités numériques supportées par le mobilier urbain si leur image est fixe. Par ailleurs, il est laissé une marge de manœuvre aux autorités locales puisque, dans les aires urbaines de plus de 800 000 habitants, les obligations et modalités d’extinction sont prévues par le règlement local de publicité (article R. 581-35 du code de l’environnement).

Des dispositions techniques spécifiques s’appliquent également aux publicités numériques (articles R. 581-41 du code de l’environnement).

II.   LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

Votre rapporteur ne considère pas la réglementation actuelle suffisante. Cet article de la proposition de loi propose ainsi d’interdire toutes les publicités numériques. Pour répondre aux inquiétudes du secteur, un amendement fixant à 2025 la date d’entrée en vigueur de cette interdiction sera proposé.

III.   LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION

La commission a rejeté tous les amendements et l’article 3.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 30 septembre 2020, matin, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé l’examen, sur le rapport de M. Matthieu Orphelin, de la proposition de loi actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation.

I.   discussion générale

M. Guillaume Garot, président. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle la discussion d’une proposition de loi actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Chers collègues, je commencerai cette présentation par un court écran publicitaire : alors que cela fait plusieurs semaines que nous travaillons sur cette proposition de loi, nous avons vu certains lobbies tenter d’influencer – c’est leur métier – mais surtout raconter n’importe quoi au sujet de ce texte. Ils ont en effet réussi à faire croire à de nombreuses personnes que ce texte interdisait toutes les publicités sur les voitures, l’avion, les produits électroménagers et même sur le Nutella, alors qu’il ne s’applique pas aux produits de l’agroalimentaire !

Or, cette proposition de loi, c’est tout sauf une interdiction générale : elle vise à restreindre progressivement, dans certaines familles de produits, la publicité sur ceux d’entre eux qui sont les plus polluants. J’en veux beaucoup à ceux qui ont caricaturé et qui ont volontairement forcé le trait sur cette proposition de loi pour empêcher un débat serein. Même si c’est leur travail, je trouve qu’ils auraient pu se comporter autrement. Résultat, nous avons trouvé ce matin dans la presse écrite, pourtant sérieuse, mais aussi sur les chaînes d’information télévisées, des titres du style : « La loi qui veut interdire toute la publicité sur les voitures et l’aérien » : ce n’est pas du tout ce qui est écrit dans la proposition de loi, et j’espère qu’on pourra en débattre plus sereinement. Fin de la page de publicité.

Si cette proposition de loi devait avoir une vertu et une seule, ce serait celle de nous faire comprendre que répondre au défi du changement climatique ne sera pas possible sans changements sociétaux. Pour paraphraser un grand homme d’État, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : « L’écologie ! L’écologie ! L’écologie ! » mais si ce n’est pas suivi d’actes à la hauteur, jamais nous ne respecterons nos engagements climatiques ; nous continuerons à battre chaque année des records de température, à constater, rapport après rapport, que le réchauffement est plus rapide encore que ce qui avait été prévu et à voir la banquise fondre, les forêts brûler et les écosystèmes basculer à un rythme alarmant.

Je ne suis pas ici pour jouer à l’oiseau de mauvais augure mais, comme vous, pour proposer des solutions. La publicité peut devenir un levier de la transition écologique, et c’est bien l’objectif de cette proposition de loi : favoriser une évolution du modèle publicitaire pour le rendre compatible – et même proactif – avec la transition écologique.

La publicité, les soixante-neuf personnes que nous avons auditionnées s’accordent sur ce point, exerce une influence majeure sur nos actes et nos représentations sociales. D’abord, elle est omniprésente dans nos vies : dans les intervalles entre deux dessins animés de vos enfants, sur les bus et dans les couloirs de métro, dans les gares ou les aéroports. Selon différentes études, nous sommes exposés quotidiennement à entre 1 200 et 2 200 publicités. Elle a également une incidence psychologique forte sur nos comportements, prouvée par de nombreuses études, conditionnant nos idées et nos représentations sociales. Ce n’est pas insulter la publicité que de dire cela, c’est même son rôle premier : la publicité, selon le Robert, vise à « exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales, afin de faire connaître un produit et d’inciter à l’acquérir ».

Cette influence est souvent mise au service des produits les plus polluants – en 2019, 95 % des publicités pour les voitures concernaient des modèles thermiques – et des comportements les moins sobres. Combien de publicités incitent à ne pas utiliser la voiture plutôt qu’à en acheter une nouvelle ? Trop peu, voire aucune. Combien de publicités incitent à réparer plutôt qu’à acheter un nouveau produit ? Trop peu, voire aucune. Admettons-le sans détours : le modèle publicitaire actuel est un frein à la transition écologique.

La publicité ne peut pas s’exonérer des changements nécessaires. Pourquoi se priver d’une telle puissance de frappe pour faire évoluer les comportements d’achat ? L’attente est forte : plusieurs rapports poussent à une telle remise en cause ; de nombreux sondages montrent une vraie attente des Français, qui trouvent à 80 % que la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre devrait être interdite. La Convention citoyenne pour le climat, que nous applaudissons tous quand il s’agit de parler de ce processus, a elle aussi fait des propositions fortes pour mieux réguler le secteur de la publicité, adoptées à près de 90 %. Personne ne pourrait comprendre le fossé que vous créeriez entre les attentes citoyennes et vos actes en rejetant cette proposition de loi.

Alors allons-y !

Avec l’article 1er, rendons obligatoire l’enseignement des enjeux du développement durable dans les écoles de communication, de marketing et de publicité. Les soixante-neuf acteurs auditionnés, sans aucune exception, valident cette volonté et nous poussent même à aller plus loin, ce que je vous proposerai tout à l’heure par amendement afin d’étendre cet enseignement à toutes les formations du supérieur. En parallèle des auditions, nous avons mené une enquête « flash » et obtenu des réponses d’élèves en communication et publicité issus de plus de trente écoles différentes. Écoutez bien le résultat : 70 % des étudiants et anciens étudiants déclarent n’avoir reçu aucun cours sur le rôle de la publicité dans la transition écologique ou la sobriété dans l’utilisation des ressources. Les étudiants demandent eux-mêmes que cela change : le collectif étudiant Pour un réveil écologique, que nous avons auditionné, demande par exemple que les étudiants en marketing et communication soient formés contre les écueils de la publicité dans la transition écologique.

Avec l’article 2, interdisons progressivement, de 2022 à 2032, toute publicité portant sur des produits ou services à fort impact sur l’environnement. Les auditions m’ont permis de comprendre qu’il fallait préciser cet article pour répondre aux inquiétudes du secteur – c’est ce que je vous proposerai par amendement –, mais elles m’ont aussi conforté dans l’idée d’aller au bout de cette proposition avec vous. Certains caricaturent volontairement la loi et c’est regrettable : il ne s’agit pas d’interdire du jour au lendemain toute la publicité sur les voitures ou les trajets aériens, mais simplement de restreindre progressivement les publicités sur les produits les plus polluants de ces catégories.

Avec l’article 3, interdisons dès 2025 les écrans lumineux numériques qui consomment trop d’énergie et qui mettent en danger notre santé et celle de nos enfants. Vous trouverez dans le projet de rapport des études qui le démontrent. Aux procrastinateurs de la politique, à ceux qui diront qu’il faut renvoyer cette proposition de loi à plus tard et laisser les concertations se faire, je répondrai que j’ai assisté à la réunion de concertation sur cette question entre les membres de la Convention citoyenne pour le climat et les acteurs du secteur. Ce n’est pas une vraie concertation : j’ai détesté cette réunion, j’en suis ressorti avec un grand sentiment de malaise face à ces quelques citoyens jetés en pâture aux représentants d’intérêts qui, jouant les Cassandre, prédisaient la fin de leur secteur, la perte de centaines de milliers d’emplois, tout cela à cause d’une seule proposition de la Convention citoyenne pour le climat, déboussolant les citoyens et les laissant sans voix. Est-ce cela, la volonté des députés ? Détricoter tout le travail de la Convention citoyenne pour le climat, le sacrifier sur l’autel des lobbies et des caricatures, multiplier les jokers sur ses propositions ? Nous verrons ce que les uns et les autres répondront ce matin.

À ceux enfin, que j’espère peu nombreux, surtout dans cette belle Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui diront que cela est trop rapide, qu’il faut faire différemment, moins fort, autrement, je pose la question : comment proposez-vous de baisser de 5 à 7 % nos émissions de gaz à effet de serre chaque année ? C’est l’objectif que s’est fixé notre pays mais, pour cela, il faut des mesures fortes : la restriction progressive de la publicité sur les produits les plus polluants en est une. Si vous avez d’autres solutions, mettez-les sur la table ; si vous n’en avez pas, allons-y et votons cette proposition de loi !

Mme Véronique Riotton. Nous avons tous conscience qu’il faut faire évoluer le secteur de la publicité : celui-ci doit se réformer pour être en phase avec la transition écologique. Je salue le travail de mon collègue rapporteur, qui ouvre le débat sur cette question. Le groupe La République en Marche partage pleinement son objectif de faire de la publicité un véritable levier pour la transition écologique et d’opérer une véritable transition culturelle par ce biais.

Ce sujet, qui occupe largement le débat public, est présent dans les travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Celle-ci a fait seize propositions sur cette question, selon trois axes : interdire la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur tous les supports publicitaires, sur le modèle de la loi dite « Évin » ; réguler la publicité pour limiter les incitations à la consommation ; enfin, mettre en place des mentions pour inciter à mieux consommer. Cela représente 10 % de leurs propositions. Pourtant, les annonceurs que nous avons auditionnés disent ne pas avoir été entendus dans le cadre de l’élaboration de ces propositions. Il est nécessaire d’embarquer le secteur de la publicité si l’on veut qu’il évolue et se réforme. Or ce secteur est persuadé d’avoir déjà bougé et souhaite désormais dépasser les opérations de « greenwashing » qui l’ont caractérisé dans un premier temps, et dont personne n’est dupe.

À ce stade, les études d’impact sont insuffisantes, y compris sur la trajectoire d’interdiction. En outre, le calendrier pose problème dans la mesure où un projet de loi visant à transposer 40 % des propositions de la Convention citoyenne pour le climat est en préparation. Pourquoi devrions-nous court-circuiter ce processus démocratique ? Il est toujours tentant de montrer à l’opinion que l’on agit, mais il ne faut pas pour autant minimiser la complexité du problème. Nous allons donc examiner les articles de cette proposition de loi, même s’ils ne nous semblent pas aboutis en l’état. Nous ferons par la suite le travail parlementaire exigeant qui s’impose lorsque nous examinerons le projet de loi transposant les mesures de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Jean-Marie Sermier. Nous avons lu avec intérêt le travail fourni par notre collègue M. Orphelin. Le groupe Les Républicains partage son constat sur l’urgence climatique : il est nécessaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre et nous ferons un certain nombre de propositions – qu’il se rassure.

Tout comme lui, nous avons été approchés par des lobbies, mais qui défendaient des positions manifestement différentes – la capacité à faire des propositions sur le climat n’est pas réservée à quelques-uns ! Nous sommes tous, dans cette commission, acteurs de notre développement.

Par ailleurs, certains journalistes lanceurs d’alerte nous ont mis en garde contre ce texte dont ils craignaient qu’il ne remette en cause l’indépendance des médias. La publicité étant un élément essentiel du budget des radios indépendantes, votre texte déséquilibrerait l’ensemble de cette filière. Je sais qu’il est de bon ton de faire quelques annonces qui marquent les médias plutôt que d’être dans le concret, mais on aura beau annoncer la fin du Tour de France ou des sapins de Noël, cela ne changera rien à l’urgence climatique !

Nous aurions préféré examiner de vrais textes de loi portant sur de vrais problèmes. Qu’en est-il de l’amélioration énergétique des logements ou du verdissement des transports grâce à l’électricité et à l’hydrogène ? C’est de cela que nous devons parler si nous voulons réduire les émissions de CO2. Cette proposition de loi a sans doute un intérêt sur le long terme, mais elle doit d’abord être négociée ; or une réunion de quelques citoyens avec quelques représentants de la profession ne constitue pas une négociation. On ne peut pas rayer les unes après les autres toutes les filières qui ne nous plaisent pas. Il faut les écouter, négocier, se donner du temps : c’est comme cela que l’on parvient à tenir compte de la réalité. Il y a quelques mois, le Gouvernement a voulu avancer très vite sur l’augmentation de la taxe carbone ; résultat, il est désormais très en retard. Si nous voulons avancer sérieusement sur l’urgence climatique, nous devons prendre le temps de négocier avec l’ensemble des Français concernés.

Mme Aude Luquet. La publicité représente l’un des symboles de notre société de consommation. Les sujets que vous traitez dans votre proposition de loi ont fait l’objet de longues discussions lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) et du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

Le cœur de votre proposition de loi, à savoir l’article 2 qui interdit à compter du 1er janvier 2022 toute publicité portant sur des produits et services à fort impact sur l’environnement, reprend une des préconisations formulées par la Convention citoyenne pour le climat. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés ne peut toutefois la soutenir en l’état. En effet, il n’est pas possible de procéder à des interdictions pures et simples de publicité pour certaines catégories de produits, sauf en cas de problème de santé publique, comme c’est le cas pour le tabac. Nous avons eu ce débat durant l’examen de la LOM et notre proposition n’a pas varié : nous soutenons, depuis plusieurs années, une écologie incitative et positive. Nous avons préféré voter l’article 75 de la LOM qui dispose que « toute publicité en faveur de véhicules terrestres à moteur est obligatoirement accompagnée d’un message promotionnel encourageant l’usage des mobilités actives […], ou partagées, ou des transports en commun. » Nous pourrions soutenir un amendement similaire pour d’autres secteurs, comme celui de l’aérien. Travaillons à une meilleure information du consommateur, afin qu’il fasse un choix libre et éclairé.

L’article 3 traite de l’un des sujets qui a provoqué le plus de débats durant l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Bien que les écrans publicitaires numériques représentent un fort gaspillage d’énergie, nous ne pouvons pas soutenir cette disposition car elle contrevient à la libre administration des collectivités territoriales. En effet, celles-ci ont déjà les moyens de réglementer la publicité dans l’espace public : c’est par exemple le cas à Grenoble qui a interdit ce type d’affichage. Rappelons également que dans les plus grandes agglomérations, la publicité numérique est soumise à autorisation préalable. Cela permet à l’autorité compétente de veiller à ce que le dispositif respecte les règles qui lui sont propres, notamment l’interaction avec l’environnement architectural et paysager, et l’impact sur le cadre de vie, en tenant compte de la nécessité de limiter les nuisances visuelles pour l’homme et l’environnement. Cet article est donc déjà satisfait.

Enfin, s’agissant de l’article 1er, le code de l’éducation prévoit déjà des enseignements sur l’importance de la préservation de la biodiversité. Il est vrai qu’il ne précise pas que ces enseignements doivent être également adressés aux étudiants en communication ; cependant, il n’est pas du ressort du législateur d’influer sur le contenu des cours prodigués, cette responsabilité relevant des établissements d’enseignement supérieur. Ils sont d’ailleurs nombreux à intégrer ces enjeux dans leur formation et le seront encore plus d’année en année. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe MoDem et Démocrates apparentés ne peut soutenir votre proposition de loi.

M. Dominique Potier. Le groupe Socialistes et apparentés défend cette proposition de loi et se félicite qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée. Nous considérons en effet que ce texte renforce la démocratie et l’esprit de la République, à travers les principes d’égalité, de fraternité et également de liberté – je tiens à le souligner car cela ne paraît pas évident à tous nos collègues. C’est en effet une loi de liberté dans le sens où elle rééquilibre la puissance publique et la puissance privée : elle instaure des mécanismes de régulation de la puissance privée et renforce la puissance publique au moyen de l’information et de l’éducation, qui sont absolument indispensables au discernement et à la liberté des citoyens.

Cette loi de liberté n’a pas que des aspects négatifs, liés à la contrainte portée sur la publicité dans ce qu’elle a de toxique ou de négatif. Elle doit renforcer l’éducation populaire, l’éducation citoyenne et l’éco-citoyenneté, pour permettre aux Français de monter en liberté, en discernement, et de s’engager de façon heureuse dans la transition sociale et écologique.

Pour reprendre une expression de M. Roland Lescure, député des Français de l’étranger et notamment du Québec, c’est une loi d’« empuissancement ». Elle permet la montée en puissance de la société dans le sens où elle s’affranchit d’une forme de servitude marchande et où elle acquiert des capacités plus grandes de discernement pour choisir sa vie et s’engager dans la transition écologique. Celle-ci ne sera pas uniquement le fait des grandes entreprises ou de l’État : elle sera le fait de chaque citoyen qui, face aux 31 milliards d’euros dépensés par la puissance privée pour lui dire pourquoi il vit et comment il faut vivre, doit recevoir d’autres messages. C’est pour ce renforcement du discernement, de l’éducation populaire et de l’information que nous plaiderons aujourd’hui.

C’est aussi une question de sécurité. L’un de nos collègues évoquait une étude d’impact : tant d’années après la COP21, on n’en est plus à faire des études d’impact sur le climat et sur la santé publique ! Alors que nous vivons une décennie capitale, tant pour le changement climatique que pour la montée des maladies chroniques, plusieurs centaines de millions d’euros sont consacrés chaque année à faire de la publicité pour du gras, du sucré et du salé, conduisant les gamins, y compris les plus défavorisés sur le plan culturel et économique, à subir des maladies chroniques qui les condamnent à vie. Avons-nous encore besoin d’études d’impact pour dire que nous avons besoin de réguler la publicité ? Il nous faut apporter des limites, ainsi qu’une nouvelle instance de régulation, compte tenu de la défaillance de la structure actuelle. Au-delà, il nous faut faire en sorte que la responsabilité sociale et environnementale ne relève plus d’une liberté ou de soft law, mais d’une certification publique donnant à chacun, comme consommateur, comme épargnant et comme collaborateur, le choix du mode d’entreprise, d’économie et de société dans lesquelles il veut vivre.

Mme Sophie Auconie. Je partage avec vous, cher collègue Matthieu Orphelin, le sentiment qu’il faut faire évoluer notre modèle publicitaire. La Convention citoyenne pour le climat a montré que cette volonté était largement partagée par nos concitoyens, dénonçant, entre autres, une publicité incitant à la surconsommation. En outre, cette nécessité d’encadrer la publicité s’inscrit dans le cadre de l’urgence climatique et écologique.

Je partage également le constat qu’une incompatibilité existe entre certaines publicités et les objectifs nationaux de transition écologique. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI et Indépendants soutient l’article 1er proposant une formation obligatoire des étudiants en publicité, en communication et en marketing aux enjeux liés à la préservation de l’environnement.

Concernant l’article 2, nous sommes bien plus nuancés. En effet, préciser par décret les produits et services à fort impact sur l’environnement ne nous semble pas pertinent. De plus, nous considérons que nous ne pouvons pas pénaliser des secteurs entiers en intégrant ce genre d’interdictions avant même de leur avoir proposé des alternatives ; nous devons enclencher ensemble la transition.

Ensuite, nous sommes fondamentalement contre l’article 3, sur le fond comme sur la forme. Nous nous positionnons contre cette économie suradministrée qui établit des interdictions en pagaille. C’est l’échelon local qui doit intervenir sur ce sujet. Nous devons nous appuyer sur le règlement local de publicité pour prendre ces mesures. Laissons aux territoires leur autonomie et ne laissons pas l’État établir une liste d’interdictions par décret, sans prise en compte des spécificités locales – les Hauts-de-France ne sont pas la Corse, la Bretagne n’est pas l’Est de la France.

Enfin, nous ne pouvons négliger le fait que la publicité représente une ressource non négligeable pour de nombreuses entreprises. Est-ce le moment, au vu de la conjoncture économique, de priver certaines entreprises de cette ressource ? Je n’en suis pas certaine, en l’absence d’alternatives. Au nom du groupe UDI et Indépendants, je vous remercie pour ce travail, mais nous considérons que ce texte n’est pas totalement abouti. Nous souhaitons que cet examen soit l’occasion de retravailler des dispositifs aux côtés du Gouvernement, afin d’établir des propositions plus détaillées, opérationnelles, voire déconcentrées sur les territoires.

M. Loïc Prud’homme. Nous sommes réunis ce matin pour examiner un texte « actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation ». Je dois dire que j’ai relu plusieurs fois le titre, pensant d’abord à une erreur de lecture : faire de la publicité un levier de la sobriété, voilà qui est osé ! C’est même quasiment un oxymore quand on connaît l’objectif de ce secteur : nous faire consommer, même sans besoin. Monsieur Orphelin, pourquoi tant de pincettes et de précautions schizophrènes pour aborder la réforme d’une activité qui aurait besoin d’un encadrement ferme et urgent ? Nous subissons la publicité au quotidien : environ 2 000 messages publicitaires tous les jours, qui entrent dans nos vies et dans nos têtes sans y avoir été invités, guident nos envies et créent des besoins artificiels.

La publicité pose un problème à l’environnement, pour deux raisons : la première, la plus problématique, est que la publicité pousse à la surconsommation en créant des besoins en vue d’une accumulation infinie de marchandises, la plupart inutiles et superflues. Alors que vous le soulignez dans votre rapport, vous continuez d’espérer voir des publicitaires dire « Achetez moins, mais achetez mieux ». C’est complètement illusoire !

La seconde raison pour laquelle la publicité est non pas un frein, mais un obstacle à la transition écologique, c’est que les principaux investissements publicitaires sont le fait d’un nombre restreint de très grosses entreprises de secteurs très polluants – automobile, aérien, énergies fossiles, agroalimentaire. Mais pour limiter cela, vous prévoyez des interdictions progressives, voire repoussées aux calendes grecques, jusqu’à dix ans avant la mise en application de certaines restrictions pour « laisser le temps aux secteurs économiques de s’adapter », dites-vous. Mais le climat, lui, n’attend pas que la pub ou nous-mêmes nous adaptions : il a déjà changé et le réchauffement s’accélère. Nous n’avons pas dix ans devant nous pour changer nos habitudes de consommation, monsieur Orphelin ! Ou plutôt, nous n’avons plus dix ans pour prendre des habitudes de sobriété, pour nous libérer des injonctions marketing à consommer sans limite dans un monde aux ressources limitées.

L’écologie libérale, celle des petits pas et de l’incitation, montre à nouveau ses limites. Croire que la publicité peut être un levier de la transition écologique est au mieux une illusion gentiment naïve, au pire un mensonge éhonté. Nous avons besoin de mesures fortes pour faire taire le marketing climaticide et libérer enfin l’espace public des injonctions à consommer sans cesse des produits dont nous n’avons pas besoin.

M. Hubert Julien-Laferrière. Je salue tout d’abord le travail de fond qu’a effectué notre rapporteur, avec près de soixante-dix personnes auditionnées, des rapports d’experts, un questionnaire à destination des étudiants et un site internet dédié. Nos concitoyens ont bien compris ce qu’implique l’urgence climatique dans la transformation de nos modes de vie. Une part croissante d’entre eux rejette la consommation effrénée que la publicité suscite et encourage.

Mais soyons positifs : la publicité peut être utile. M. Matthieu Orphelin l’a dit, elle a pour vocation d’exercer une action psychologique sur le consommateur pour modifier son comportement d’achat. Elle crée donc de l’imaginaire. Et demain, elle peut créer un imaginaire plus propice à la préservation du vivant plutôt qu’à sa destruction. Qui, parmi nos concitoyens, parmi les acteurs économiques ou les acteurs politiques que nous sommes n’a pas pris conscience de l’accroissement de la pression publicitaire et de la nécessité de réguler ce secteur ?

La présente proposition de loi rejoint ce qu’expriment les Français : 36 % d’entre eux affirment désirer consommer moins et 20 %, autant, mais mieux. Surtout, depuis 2018, un mouvement se dessine : la vente des produits de grande consommation baisse quand celle des produits bio augmente de 15 % en une année.

Le Gouvernement nous invite souvent à être dans une écologie de l’action plutôt que de l’incantation. La proposition de loi poursuit précisément cet objectif : nous voulons être dans l’écologie de l’action et invitons tout un secteur économique à nous suivre.

Les étudiants en publicité, vous le savez, vont dans ce sens – en cela, l’article 1er est essentiel. Ils sont nombreux à faire partie de cette jeunesse engagée en faveur du climat. Comment leur projet professionnel pourrait-il être incompatible avec leur engagement et le sens qu’ils veulent donner à leur action ?

Certains acteurs du secteur considèrent qu’ils font déjà beaucoup. Cela est vrai mais nous sommes à un moment charnière, où il faut impérativement changer d’échelle.

Ayons un débat apaisé. M. Matthieu Orphelin l’a rappelé, nous devons nous affranchir des caricatures qui fleurissent depuis quelques semaines – « écologie de l’incantation », « ayatollahs », « Khmers », « Amish »… Nos débats méritent mieux.

Ce texte, on l’a dit, n’est ni antipub ni anticonsommation : c’est une loi pour la consommation durable et la transition écologique.

Dans 99 francs, Frédéric Beigbeder décrit un univers où le rédacteur publicitaire détient le pouvoir absolu sur notre consommation : il suscite l’envie, influence notre inconscient, décide à notre place ce qui lui semblera indispensable d’acheter. « Tout s’achète : l’amour, l’art, la planète Terre, vous, moi » dit Octave. Si le publicitaire a le pouvoir de vous faire acheter ce qu’il veut, il n’a pas celui de recycler ni celui de régénérer ou de guérir. Et si le fameux Octave nous incitait plutôt à acheter des produits écoresponsables et durables, ou des services respectueux de l’environnement et de la biodiversité ?

Ne passons pas à côté d’enjeux majeurs comme celui-là. Les Français ne le comprendraient pas. Pour un enjeu qui leur est aussi cher, dépassons nos clivages et donnons une majorité à cette proposition de loi.

M. Hubert Wulfranc. Nous avions annoncé très tôt, dans la semaine qui a suivi les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat, comment le Gouvernement allait peu à peu les détricoter. Pour ce qui nous concerne, nous n’avons pas été approchés par les lobbies, et nous n’avons sans doute pas la même analyse du phénomène publicitaire que les rédacteurs de cette proposition de loi. Nous considérons que ce phénomène est intrinsèquement lié à la libéralisation massive et accélérée de tous les marchés de consommation de services et de biens et à la concurrence impitoyable à laquelle se livrent les entreprises privées, des médicaments à l’automobile, de l’énergie à l’eau, des assurances à la grande distribution. Qu’il s’agisse de consommation courante ou plus rare, l’appui publicitaire fait partie de ces outils de guerre économique dont usent les grandes entreprises.

En appréhendant le phénomène publicitaire, nous sommes au cœur de la sphère de l’économie privée et capitaliste, bien loin de traiter des bienfaits d’une planification et d’une promotion des biens communs et des services publics. Dernier avatar en date, la fameuse publicité séquencée, qui a fait récemment l’objet d’un article dans UFC-Que Choisir, apparaît bien comme un outil majeur de pression sur les salariés consommateurs. Autant dire que c’est dans un cadre très contraint, purement réformiste, que nous abordons ce texte.

La proposition de l’article 1er peut paraître de bon aloi, compte tenu des constats qu’a opérés M. le rapporteur. Cependant, seul le caractère obligatoire de cette formation initiale et continue est à même de garantir une sensibilisation pérenne des professionnels à l’enjeu de l’écologie – ce qui ne suffira pas toutefois à les mettre à l’abri des pressions des donneurs d’ordre.

L’article 2 vise une régulation progressive, en ciblant certains biens et services, suivant un calendrier déterminé et en tenant compte de la réglementation européenne et d’une série de critères à déterminer par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) afin de catégoriser ces produits. Si la loi constituera sans doute une avancée qualitative, tout se jouera dans le décret d’application et le travail d’arbitrage, au risque de créer certaines surprises.

Enfin l’article 3 est salutaire : il prend de court l’envahissement que constitue la numérisation, qui devient un véritable fléau. Nous le voterons.

M. Paul Molac. Cette proposition de loi met en avant certains travers de notre société – la surconsommation, le superflu, l’inutile –, source d’une masse de déchets qui vont jusqu’à constituer des continents dans les océans. À l’évidence, cette société, qui entraîne nombre d’inconvénients, n’est pas durable.

Je suis toujours partagé lorsqu’il s’agit de légiférer dans des domaines qui relèvent de notre liberté : jusqu’à quel point pouvons-nous aller ?

M. Dominique Potier. La liberté d’aider les forts !

M. Paul Molac. Le fait que l’État en vienne à prendre des initiatives pour nous contraindre me gêne. Nous devons plutôt considérer le citoyen comme une personne capable de faire ses choix. Penser que la publicité le conduira nécessairement à effectuer certains choix, c’est aller trop loin. L’agriculture biologique représente désormais 15 % du marché et progresse de 20 % par an ; les circuits courts se développent alors que, parallèlement, la crise de la covid-19 a provoqué une prise de conscience chez les consommateurs. Cela va forcément dans le bon sens.

S’agissant de l’article 1er, on peut rappeler que l’écologie est déjà largement enseignée au collège et au lycée, en cours de géographie par exemple : c’est ce que je faisais, dans une autre vie, lorsque j’étais professeur. Faut-il à toute force le graver dans le marbre ? On peut se poser la question.

Autant de points sur lesquels nous continuons à réfléchir. Le groupe Libertés et Territoires n’a pas arrêté de position pour l’instant. Mais la liberté est importante pour nous, monsieur Potier…

Mme Danielle Brulebois. M. le rapporteur a bien décrit les inconvénients de notre société de surconsommation, mais ce n’est pas en taxant, en interdisant, en culpabilisant que nous progresserons. Il faut donner plus de place à l’éducation à la publicité, inciter à exercer son esprit critique, apprendre à décrypter et comprendre les images.

Par ailleurs, comment comptez-vous agir sur la publicité en ligne, sur l’ultradomination des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – et la publicité véhiculée par les supports numériques, en particulier par les réseaux sociaux ? Il faudrait aussi responsabiliser ceux qui tweettent ou qui publient sur Facebook pour rien, et qui sont les vecteurs indirects de la publicité.

M. Guillaume Garot, président. Message à tous ceux qui tweettent pour rien…

M. Patrick Loiseau. Si l’objectif final est louable et même souhaitable, ce texte m’inspire cependant quelques réserves : en l’état, il peut avoir de lourdes conséquences sur certaines entreprises et mettre en péril de nombreux emplois. Plusieurs éléments méritent d’être pris en compte.

Les publicités numériques sont une solution écologique et positive face à la prolifération des panneaux publicitaires en papier. Certaines entreprises orientent déjà leur message publicitaire au service de la transition écologique ou de l’intérêt général, par exemple en diffusant des messages de prévention sanitaire, d’information publique ou de publicité pour des produits et services verts. Des technologies quasi autonomes en énergie existent ou fonctionnent en hybride et incluent des énergies propres comme le photovoltaïque. Des entreprises investissent massivement dans la recherche et développement (R&D) pour trouver des solutions publicitaires neutres en émissions de carbone.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Mes chers collègues, je vous remercie pour ces échanges très intéressants. En rédigeant mon rapport après les auditions, j’avais le sentiment que cette proposition de loi était parvenue à un bon point d’équilibre. Vos positionnements parfaitement nuancés m’ont conforté dans cette impression : elle est jugée trop dure, trop rapide par les groupes LaREM et Les Républicains, et trop molle, pas assez rapide par la France insoumise… Nous nous retrouvons dans l’entre-deux, et nous l’assumons.

Je remercie tout d’abord Mme Riotton avec laquelle nous partageons de nombreux objectifs. Depuis des années, nous tentons d’amener le secteur à s’autoréguler. Cela ne fonctionne pas. Jamais il n’y a eu autant de pratiques abusives de verdissement ou « greenwashing » que l’an dernier, où les cas ont été multipliés par deux. L’autorégulation à la française de la publicité était une première étape ; il faut en enclencher une seconde. C’est aussi l’objet de ce texte.

Je ne partage pas votre analyse selon laquelle la proposition de loi court-circuiterait le débat démocratique. C’est tout sauf cela : il s’agit de positions que nous défendons depuis plus de deux ans et il me paraît tout à fait normal d’en débattre à l’Assemblée nationale. Je regrette la position du groupe LaREM qui a décidé de la rejeter en bloc ; vous aviez d’autres choix, notamment la possibilité de voter au moins l’article 1er, sinon les articles 2 et 3, ne serait-ce que pour envoyer un signal fort au secteur. Sachant, madame Riotton, combien vous êtes engagée sur ces questions, je regrette que vous envoyiez un message qui ne sera pas compris par les citoyens et singulièrement par les membres de la Convention citoyenne pour le climat que j’ai soutenue depuis le début. Aujourd’hui, vous les perdez ainsi que tous ceux qui lui avaient apporté leur soutien.

Monsieur Sermier, lobbies contre lobbies, certains sont visiblement plus efficaces que d’autres, si j’en crois les remontées dans la presse et la télévision… Vous avez beaucoup caricaturé la situation dans votre intervention. C’est le jeu de nombreux responsables politiques, dont ceux de votre parti, sur l’écologie.

M. Jean-Marie Sermier. Elle est là, la caricature !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. C’est vous qui avez parlé du sapin de Noël, du Tour de France : cela n’a rien à voir avec la proposition de loi. Merci tout de même d’avoir mentionné la rénovation énergétique, pour laquelle certains d’entre nous se battent depuis vint-cinq ans.

Madame Luquet, l’article 2 est progressif, sur dix ans, ce qui évite tout risque d’inconstitutionnalité. J’ai déposé un amendement qui en propose une nouvelle rédaction, pour répondre plus clairement aux inquiétudes, notamment juridiques, qui ont été exprimées à cet égard. Vous avez fait état des mentions légales, notamment celles que nous avons ajoutées dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) : aucune étude scientifique, sur aucun sujet, ne démontre leur efficacité, notamment pour les mentions apposées sur les produits alimentaires. J’aimerais y croire, comme vous, mais cela ne suffit pas. C’est malheureux, mais c’est ainsi.

Du reste, j’observe que beaucoup d’entre vous passent totalement à côté de ce qu’est la publicité. Pourquoi la France y investit-elle 34 milliards d’euros chaque année ? Parce que le but de la publicité, c’est de changer les comportements et d’inciter à agir. C’est cela qu’il nous faut réguler. Que nous le voulions ou non, les mentions légales n’y changeront rien.

À vous entendre, ce ne serait pas la peine d’insérer des dispositions dans le code de l’éducation. Nous avons pourtant prévu une obligation de ce genre dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, pour les études d’architecture ; pourquoi n’en ferait-on pas autant dans l’enseignement supérieur ? Du reste, les établissements n’y sont pas opposés ; ils savent qu’ils doivent faire davantage dans ce domaine. Notre enquête a montré, je l’ai dit, que les deux tiers des étudiants du supérieur ne suivent aucun enseignement de ce genre.

Que vous dire, monsieur Potier, sinon merci pour vos arguments et la hauteur de votre raisonnement, qui montre que notre proposition de loi est aussi un projet de société. Nous avons si souvent partagé ces combats, loi après loi ! C’est un plaisir de vous retrouver pour promouvoir ces mesures.

Je remercie également Mme Auconie pour son soutien à l’article 1er. S’il n’était pas voté aujourd’hui, nous enverrions un drôle de signal à l’extérieur – mais chacun votera ce qu’il veut.

La nouvelle rédaction de l’article 2 devrait répondre à votre préoccupation. J’espère qu’elle emportera votre adhésion. Nous y renvoyons volontairement au décret. J’entends ceux qui craignent que le Gouvernement ne fasse pas assez ; au moins aurons-nous fixé un cadre. La concertation sera menée avant la publication des décrets.

Il est dommage, monsieur Prud’homme, de vous entendre tenir des propos aussi durs à l’égard d’une proposition de loi qui visiblement dérange et fait bouger les choses ! Dès 2022, nous commençons par les véhicules les plus écologiquement néfastes, les plus gros 4x4, les plus gros SUV – et non tous les SUV, comme je l’ai entendu. La trajectoire que nous définissons ensemble est celle d’une sortie en dix ans. Elle représente déjà une évolution majeure car nous l’avons conçue progressivement, avec les acteurs, en leur donnant de la lisibilité. Mais vous, et vos amendements le montrent, vous voulez tout et tout de suite. Interdire la publicité du jour au lendemain sur tous les produits, ce n’est pas notre position.

Je remercie également M. Hubert Julien-Laferrière pour son soutien.

La rédaction de l’article 2 que nous proposons à la suite des auditions devrait vous satisfaire, monsieur Wulfranc. Nous avons essayé d’engager le secteur à se mobiliser beaucoup plus. Nous assumons toutefois de ne pas faire disparaître le secteur de la publicité du jour au lendemain – c’est peut-être là où nous différons dans l’approche du sujet. Nous assumons d’atteindre ce but progressivement, en donnant de la lisibilité. J’ai compris que, comme avec Mme Riotton, nous avions des convergences de fond sur ces sujets.

La liberté est importante pour nous tous, monsieur Molac, mais la publicité la biaise. Mon rapport contient plusieurs références à des études dans lesquelles on a déterminé le nombre de publicités à partir duquel, qu’on le veuille ou non, on a envie d’acheter un produit. La répétition et l’insistance de la publicité influent sur nos choix, donc sur notre liberté, sans que nous nous en rendions compte. Il ne s’agit donc pas d’une loi anti-liberté ; tout au contraire, comme M. Potier l’a dit, elle permet de réarmer les citoyens pour la préserver.

Pour ce qui est des tweets, madame Brulebois, faisons des tweets utiles… Contrairement à ce que certains lobbyistes ont essayé de faire croire, cette loi s’applique sans ambiguïté aux GAFA. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), que nous avons auditionnée, nous a assuré qu’elle pourrait également les contrôler.

Enfin, monsieur Loiseau, les incidences de la publicité numérique en termes de consommation d’énergie, de matières utilisées, de terres rares, tout comme ses effets sur la santé font l’objet d’un encadré spécifique dans le rapport. Elles sont reprises par un amendement qui vise à interdire la publicité numérique d’ici à trois ans.

II.   examen des articles

Article 1er (article L. 611-13 [nouveau] du code de l’éducation) : Obligation d’enseignement des enjeux liés à la préservation de l’environnement pour les étudiants formés dans les grands domaines liés à la publicité

La commission examine l’amendement CD21 du rapporteur.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Cet amendement élargit l’obligation d’enseignement dans les formations liées à la publicité, prévue à l’article 1er, à toutes les filières de l’enseignement supérieur. Ce point est souvent revenu lors des auditions.

Il y a un an et demi, nous avions déposé une proposition de loi sur le sujet, cosignée par quatre-vingts députés, qui a donné lieu à une concertation, souhaitée par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et présidée par M. Jean Jouzel. Mon amendement en reprend la première recommandation, celle d’insérer dans le code de l’éducation « l’apprentissage des enjeux liés à la préservation de l’environnement et de la biodiversité, aux changements climatiques et à la sobriété de consommation permettant le respect des limites planétaires ». Cet ajout, qui concrétisera la mesure phare du groupe de travail de M. Jean Jouzel, donnera un cap nouveau à l’enseignement supérieur.

Mme Sophie Auconie. Le groupe UDI et Indépendants votera cet amendement. Ces thématiques sont bien identifiées dans les écoles, et enseignées dans les collèges et les lycées ; nos enfants sont les rois du tri sélectif parce qu’il leur est enseigné à l’école. Il faut continuer à sensibiliser les étudiants dans des domaines aussi fondamentaux que l’urgence climatique.

M. Loïc Prud’homme. L’article 1er ne mange pas de pain : il est difficile de s’y opposer. Cela dit, votre rapport indique que l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) s’est proposée pour réaliser ces formations, avec votre soutien. C’est un peu comme si vous disiez que la multinationale Total offrira demain des formations au vélo à tous les automobilistes ou que Monsanto délivrera les certifications d’agriculture biologique ! J’ai donc quelques doutes sur l’efficacité de cette mesure…

Mme Yolande de Courson. Je suis en quelque sorte une repentie, puisque j’ai dirigé une agence de communication durant trente ans… Et je connais l’énorme efficacité de la publicité – réclame, propagande, c’est la même chose –, dans le bon sens comme le mauvais. J’ai beaucoup côtoyé les directeurs de clientèle, chefs de pub, directeurs de création des agences de publicité. Souvent très sensibles à la transition écologique, ils vivent un réel conflit intérieur car ils doivent créer et réaliser des messages sur des sujets parfois contraires à leurs convictions. Introduire ces dispositions dans leur éducation leur donnerait du poids et au moins des arguments face à leurs clients.

Cet article n’a donc rien de « ramollo ». Au contraire, il pourra aider les professionnels qui travaillent dans les agences.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Je ne partage pas l’analyse de M. Prud’homme. Je l’ai dit, la majeure partie des étudiants de l’enseignement supérieur n’ont aucune formation sur ces questions. C’est d’ailleurs la première mesure que cite le rapport de M. Jouzel, issu d’un groupe de travail qui a auditionné tous les acteurs – étudiants, écoles, universités.

C’est donc tout sauf un amendement qui ne mange pas de pain : bien au contraire, il changera les choses en généralisant l’enseignement de ces sujets. Il permettra d’apprendre à l’ensemble des étudiants le lien entre les grands dérèglements et l’influence de la façon d’exercer leur métier.

Enfin, je transmettrai votre boutade aux représentants de l’ARPP car ils ont souvent l’impression que je suis trop dur avec eux, et non trop laxiste. Le rapport n’indique pas que l’ARPP peut tout faire, mais si elle se décide à en faire plus pour lutter efficacement contre le « greenwashing », cela ne me choque pas. Elle ne devra évidemment pas être la seule intervenante : je crois d’abord aux équipes éducatives et aux professionnels qui interviendront. Et surtout, ce sera un grand changement par rapport avec le rien ou le quasi-rien d’aujourd’hui : une étude portant sur 50 000 étudiants vient d’être publiée aujourd’hui. Ses conclusions pourront faire basculer les certitudes de certains. On est loin d’étudier ces sujets autant qu’il le faudrait dans l’enseignement supérieur. Cet amendement vise à franchir une nouvelle étape ; j’espère qu’il sera voté à l’unanimité.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CD23 du M. le rapporteur

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Je suis chagriné du message qu’envoie la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire en refusant un tel amendement. On est vraiment dans la quatrième dimension !

L’amendement CD23 est rédactionnel.

M. Loïc Prud’homme. Votre amendement CD21 ne mangeait pas de pain, mais je l’ai voté malgré tout – on ne sait jamais. Mais votre article 1er visait plus particulièrement les étudiants suivant une formation dans le domaine de la publicité et de la communication. C’est ce qui m’a fait dire que c’était demander à Total de former les automobilistes à utiliser un vélo… C’est une illusion de penser que l’ARPP pourra enseigner aux futurs professionnels à s’autoréguler, autrement dit à scier la branche sur laquelle ils sont assis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CD22 du rapporteur.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Pour éviter les trous dans la raquette, je propose d’élargir le champ de cet article aux écoles de commerce privées.

Plus généralement, j’aimerais comprendre pourquoi le groupe LaREM s’oppose à cet article. J’avoue ne pas bien saisir les arguments des uns et des autres.

M. Dominique Potier. M. Cédric Villani le rappelle souvent lorsqu’il s’agit de l’enseignement supérieur : on estime que les élites devraient avoir une conscience éthique pour diriger le monde. C’est déjà le cas, puisque nous avons entendu hier en audition que 40 % des jeunes mettent en avant l’éthique comme critère dans leurs choix d’orientation professionnelle. Sans mésestimer cette question – je considère que c’est l’un des éléments le plus à même d’ébranler le mauvais capitalisme –, je voudrais que nous parlions aussi des lycées professionnels et de ces professeurs qui consacrent une semaine au développement durable ou au commerce équitable. Il n’y a pas que les bacs +5 qui contribuent au changement : ceux qui ont des problèmes de fin de mois se préoccupent aussi de la fin du monde !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Vous avez raison de le signaler, cher collègue, cela ne doit pas apparaître comme une intention élitiste. J’ai pu le constater lorsque j’étais vice-président en charge de l’éducation et de l’apprentissage entre 2010 et 2015 au conseil régional des Pays-de-la-Loire : des lycées professionnels et technologiques mènent des actions formidables dans ce domaine. Mais comme une collègue l’a précisé tout à l’heure, les textes prévoient un enseignement de ce type pour les années pré-baccalauréat ; nous entendions simplement étendre ces dispositions aux études post-baccalauréat. Nous avons auditionné les cabinets ministériels, et celui de Mme Frédérique Vidal a confirmé que cet élargissement était en phase avec les conclusions du rapport de M. Jean Jouzel.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. L’enseignement supérieur opère des transformations sous l’effet des attentes sociétales, mais il reste très jaloux de son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique quant au contenu des formations. Je ne suis pas certaine que les enseignants apprécient qu’on leur dise comment penser, enseigner et, somme toute, influencer leurs étudiants.

M. Jean-Luc Fugit. La conférence des présidents d’université (CPU) a été très claire à ce sujet – je vous renvoie au communiqué qu’elle a publié –, et pour avoir enseigné pendant vingt et un ans à l’université, je confirme que les universitaires sont très attachés à leur indépendance lorsqu’il s’agit de concevoir les maquettes pédagogiques. Ils vivraient très mal qu’on leur impose tel ou tel thème dans leurs enseignements. Cette indépendance est un principe de base ; adopter un tel article irait à l’encontre de ce qui se pratique dans ce pays depuis plus de deux cents ans. Il suffit de rencontrer et de discuter avec les universitaires pour s’en convaincre. Vous verrez comment ils réagiront…

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Je suis gênée car cet article laisse entendre qu’il ne se passe rien dans l’enseignement supérieur, alors que cela fait bien dix ans que les établissements ont fait évoluer les enseignements et les consciences. Je vous invite à venir voir ce qui se fait dans l’académie de Rennes, où des démarches ont été entreprises selon les objectifs du développement durable. L’école de commerce de Rennes propose également des modules et des enseignements très poussés sur le changement climatique et la transition écologique.

J’entends bien que vous souhaitiez faire passer des messages, mais nous sommes ici pour faire la loi. Nous devrions nous employer à accompagner et à valoriser les initiatives, nombreuses dans ce domaine. Les jeunes n’ont pas besoin de nos injonctions pour se sentir concernés par ces enjeux. La marche du monde va plus vite que nous !

M. Bruno Millienne. Monsieur le rapporteur, nous partageons nombre de combats ; simplement, nous ne prenons pas toujours les mêmes chemins pour atteindre nos buts. L’écologie est une lame de fond, un tsunami même : les citoyens s’emparent de ces sujets et nous parviendrons, certes pas aussi rapidement que vous le souhaiteriez, à ce que certains recherchent depuis des années. Ce n’est pas tant sur le fond que nous nous opposons à cet article que sur la forme. Avec de telles injonctions, vous risquez d’en braquer beaucoup, alors que ce que nous voulons, c’est que tous acceptent d’entrer dans un monde plus durable et plus écologique. Tous les sujets abordés sont importants et je vous remercie de porter le débat au sein de la commission, mais les moyens que vous proposez d’employer dans ce texte ne sont pas les bons.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Chers collègues, je suis perdu car vos arguments sont pour le moins en contradiction avec les positions que vous avez jadis adoptées. Vous avez défendu et voté, dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, une disposition qui visait à renforcer l’enseignement des enjeux environnementaux au sein des écoles nationales supérieures d’architecture. Et vous venez maintenant expliquer qu’une disposition semblable, sur un autre sujet, n’a pas sa place dans la loi ? C’est incohérent !

Madame Maillart-Méhaignerie, je viendrai avec grand plaisir à Rennes, où mon fils est étudiant – il s’appelle Adam et fête ses dix-huit ans aujourd’hui même. Je ne méprise pas ce qui se fait dans certaines écoles, mais c’est un fait et l’enquête « flash » publiée aujourd’hui le démontre : deux tiers des étudiants sortent de leur école de commerce ou de marketing sans jamais avoir eu une seule heure d’éthique. Cela se fait parfois sous forme d’options ou de modules, mais bon nombre y échappent. Je me demande bien comment vous justifierez votre vote lorsque la ministre de l’enseignement supérieur soumettra un amendement semblable dans quelques semaines. Cela risque d’être cocasse !

Monsieur Fugit, vous être un grand professeur et j’ai beaucoup d’estime pour vous : vous savez mieux que quiconque que cet article ne touche pas aux maquettes pédagogiques, et encore moins à la liberté des établissements du supérieur ! Il ne s’agit que de faire figurer la défense de l’environnement parmi les grands objectifs assignés à l’enseignement supérieur, comme l’égalité entre les hommes et les femmes.

Mme Yolaine De Courson. Je crois qu’il y a un malentendu : il ne s’agit pas, avec cet article, de dire quoi penser, mais d’inviter les établissements à intégrer cet enseignement supplémentaire dans les formations. Si je regarde, au hasard, le programme de Sup de pub où j’ai enseigné, je constate que pas une heure n’est consacrée à l’impact des publicités sur l’environnement. Il serait pourtant fort intéressant que les étudiants puissent bénéficier de tels enseignements, et dès la première année.

Mme Véronique Riotton. Nous avons fait le même constat lors des auditions, ces enseignements sont souvent inexistants. Les écoles doivent adopter cette dynamique et intégrer davantage d’enseignements sur la transition écologique. Cela étant, nous refusons d’inscrire une telle disposition dans la loi, d’une part parce que cela irait à l’encontre de l’indépendance des universités, d’autre part parce que nous attendons les conclusions du groupe de travail. C’est donc davantage pour une question de calendrier et de forme que nous voterons contre cet article.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il me semble aussi que cet article stigmatise les communicants, les marketeurs et les publicitaires et que cette forme d’injonction s’inscrit dans une tendance qui nous forcera tous, un jour, à « manger du pain », mais bio ! Il faut que les enfants apprennent à décoder les publicités et à décrypter les messages, comme cela se fait déjà dans le secondaire, pour être libres en tant que consommateurs. Mais ne stigmatisons pas ces métiers : nous en avons besoin et ils peuvent aider à la transformation de la société.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement CD1 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. L’écologie libérale, celle des incitations et des petits pas, montre ses limites. L’urgence climatique réclame une rupture nette. Il ne peut y avoir de transition écologique rapide et populaire sans se défaire de cette emprise cognitive que les multinationales ont construite depuis des décennies.

Cet article additionnel a donc pour objet de libérer entièrement l’espace public de la manipulation cognitive de masse. Pour ce faire, il la subordonne aux motifs d’intérêt général relatifs à la protection de l’environnement et du cadre de vie. Toute publicité qualifiée de commerciale dans l’espace public est ainsi interdite. Des exceptions restent autorisées, notamment la publicité culturelle, celle liée à l’affichage municipal ou encore celle relative à des campagnes à l’initiative des services de l’État. Cet amendement vise également à interdire l’affichage de publicités commerciales dans les gares, aéroports et stations de transports publics de personnes.

Il convient de faire de l’interdiction de la publicité la règle et non l’exception. Certains pousseront des cris d’orfraie : je leur rappelle que la publicité dans l’espace public ne représente que 1,4 milliard d’euros sur les 34 milliards annuels investis, ce qui est sans commune mesure avec sa capacité à nous ronger le cerveau. Libérer nos vies de ces agressions publicitaires est essentiel. Il faut en finir avec l’écologie des touillettes et passer à quelque chose d’un peu plus sérieux !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Nous partageons une volonté, cher collègue. J’avais prévu de vous demander de retirer l’amendement pour y travailler en vue de la séance, trouvant la méthode proposée trop rapide et trop forte. Mais dans la mesure où la majorité a rejeté l’article 1er, je m’en remets à la sagesse de la commission : qui sait, le texte n’arrivera peut-être pas complètement vidé de sa substance ?

M. Loïc Prud’homme. C’est vrai, nous avons une divergence d’appréciation sur la méthode et la nécessaire urgence à agir. Le changement climatique, je l’ai dit tout à l’heure, ce n’est pas dans dix ans – nous sommes déjà dans le mur. Cette partie du marché de la publicité est en valeur assez faible, mais elle est majeure pour son impact sur nos comportements. S’il existe une mesure qui peut avoir rapidement des effets et contribuer à la transition vers la sobriété et la frugalité, c’est bien celle-là. Je vous remercie pour votre avis de sagesse, mais je vous invite à aller plus loin et à voter pour cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 (section 12 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation) : Interdiction progressive de la publicité portant sur des produits et services à fort impact négatif sur l’environnement

La commission est saisie de l’amendement CD28 du rapporteur.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Pour lever les inquiétudes qui se sont fait jour lors des auditions et battre en brèche les mensonges proférés sur cette proposition de loi, je propose de réécrire cet article. Il s’agit de préciser ce qui est entendu comme ayant un fort impact sur l’environnement ; définir des critères de constitution des seuils d’impact et préciser qu’ils doivent être pris en compte dans le cadre d’une analyse sur l’ensemble du cycle de vie du produit ; énoncer plus clairement la progressivité de ces interdictions de publicité sur une période de dix ans, de 2022 à 2032, pour laisser le temps au secteur de s’adapter. Un décret fixera donc les seuils selon une trajectoire progressive.

Pour reprendre l’exemple de la voiture, les premières années, on interdira la publicité uniquement sur les véhicules les plus polluants– les plus gros des 4x4, les plus gros des SUV. On définira les critères, qui ne seront pas basés uniquement sur les émissions de CO2, mais aussi sur le poids : ainsi, les énormes 4x4 électriques seront aussi concernés.

Ce que nous voulons, c’est envoyer un signal fort à l’ensemble des acteurs et éviter que les mesures de la Convention citoyenne pour le climat ne se trouvent détricotées par le pouvoir politique. Il faut regarder ce qui se passe aujourd’hui : le Président de la République a expliqué qu’il userait de trois jokers – de 149 mesures, on passait à 146. Mais depuis, chaque semaine, un joker s’ajoute : pas de moratoire sur la 5G, pas de critère de poids pour le bonus-malus, moins de mesures sur l’aérien. Les citoyens s’en inquiètent, ils sont reçus ce matin par le Premier ministre.

Qu’allez-vous leur proposer ? De reporter à plus tard, de faire davantage de concertations ? J’étais présent lors des concertations, c’était scandaleux ! Trois citoyens se sont retrouvés pendant trois heures face à des lobbies qui leur ont expliqué que les mesures de la Convention citoyenne pour le climat allaient entraîner la suppression de centaines de milliers d’emplois en France. Ce n’est pas sérieux ! Envoyons un message : nous ne calerons pas sur les mesures de la Convention citoyenne pour le climat. Ne comptons pas uniquement sur la mobilisation des acteurs. Si elle suffisait, nous ne serions pas dans un tel pétrin aujourd’hui, et aussi loin de nos objectifs.

M. Bruno Millienne. Cet amendement n’est pas suffisamment précis : qui fixera les seuils d’impact sur l’environnement, secteur par secteur ?

Ce que je constate, c’est que le job n’a pas été trop mal fait, puisqu’il n’y a plus aucune publicité télévisée pour les voitures diesel, seulement pour les hybrides et les électriques. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de prise de conscience. Je suis peut-être un bisounours, mais j’ai le sentiment que l’on avance dans le bon sens, sans imposer les choses.

Lorsque nous prenons des décisions, ce n’est pas en pensant à la publicité que nous pourrons en tirer, mais aux conséquences qu’elles emporteront. C’est ainsi que je me suis opposé à Mme Delphine Batho dans l’hémicycle sur l’interdiction de l’utilisation des huiles minérales, qui menaçait entre 50 000 et 100 000 emplois dans l’imprimerie. On ne peut pas évacuer, comme vous venez de le faire, le fait que les mesures de la Convention citoyenne pour le climat ont des incidences sur l’économie. Vous dénoncez les lobbies, mais il en existe aussi dans l’autre camp, qui essaient d’imposer leurs vues. On entend tout et son contraire. Soyons un peu raisonnables et essayons de mettre en place des choses concrètes sur le terrain, plutôt que de se payer de mots car cela fait de la bonne publicité !

Mme Véronique Riotton. C’est bien parce que nous respectons les acteurs de la Convention citoyenne pour le climat que nous sommes résolus à discuter de l’ensemble de ces mesures dans le cadre du futur projet de loi. Il ne faut pas caricaturer : les citoyens ont travaillé, ils ont rendu leurs préconisations, ils ne sont plus engagés dans les concertations. Les représentants des secteurs concernés n’ont pas été entendus durant la Convention citoyenne pour le climat, ils l’ont fait savoir lors des auditions, monsieur le rapporteur. Désormais, le processus législatif est enclenché et 40 % des mesures passeront par le Parlement. Nous allons travailler, mener des auditions et défendre le projet de loi, avec les bons arbitrages. Fort heureusement, les citoyens de la Convention citoyenne pour le climat sont très respectueux du processus parlementaire !

Si nous nous en tenons aux objectifs, il n’y a pas un millimètre entre ce que vous défendez et ce que nous soutenons, monsieur le rapporteur : il faut mettre une saine pression sur le secteur publicitaire. Nous savons qu’il peut faire passer des messages positifs, et parfois à la demande des pouvoirs publics. Or il existe comme un décalage entre les actions qu’ils ont entreprises en faveur de la transition écologique et la perception que nous pouvons en avoir. Les représentations changent : songez à ces publicités qui montrent désormais plusieurs passagers dans une voiture ou des lave-vaisselle pleins.

Enfin, je ne vous laisserai pas dire que nous détricotons votre texte. Nous sommes là pour débattre et comme vous, nous pensons qu’il faut engager la transition écologique en mettant une saine pression sur la publicité. Le rapport de MM. Libaert et Guibert a fait des préconisations. Nous défendons l’idée d’un cheminement entre l’information, l’incitation, l’accompagnement – et l’interdiction au bout du bout. Comptez sur nous, nous ferons preuve d’exigence lors de la préparation du projet de loi. Le groupe LaREM ne votera pas cet amendement.

Mme Stéphanie Kerbarh. Je suis d’accord avec M. Bruno Millienne, nous nous payons de mots ! Avec cet article, vous dépossédez le consommateur de sa réflexion et de ses choix : il est pourtant capable, grâce aux indicateurs existants, d’opter pour le produit qui fait le moins de bruit, ou qui consomme le moins d’énergie – ses finances en dépendent aussi. Votre démarche, quelque part, est démagogique !

En outre, je suis choquée, en tant que législateur, que vous proposiez de définir les critères et d’en fixer la liste par décret. Vous savez très bien que choisir la voie réglementaire, c’est faire en sorte que rien ne s’applique ! Renvoyer à un décret, c’est la meilleure façon de saborder un sujet !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Mieux vaut entendre ça que d’être sourd !

Mme Stéphanie Kerbarh. C’est peut-être parce qu’il y a du vécu derrière que je me permets de le dire avec conviction !

Vous savez que l’on expérimente aujourd’hui l’affichage environnemental, basé sur l’analyse du cycle de vie (ACV). Ce dont on s’aperçoit, c’est que cela va pénaliser notre modèle agricole dans le secteur de la boucherie : le bilan d’une viande issue d’un animal resté au pré sera plus mauvais que celui d’une viande issue d’un animal engraissé rapidement dans de mauvaises conditions.

Enfin, je ne vois pas pourquoi vous vous focalisez sur la filière automobile. Ce que j’affirme, c’est que le consommateur est capable de choisir, de lire et d’interpréter des étiquettes !

M. Philippe Naillet. Je suis bien sûr favorable à l’interdiction déterminée, mais progressive, des publicités pour les produits et les services ayant un fort impact sur l’environnement. Mais je m’interroge sur les conséquences qui en résulteront pour les outre-mer. Un décret déterminera les seuils d’impact négatif sur l’environnement au-delà desquels la publicité portant sur les produits et services est interdite. Ces seuils sont établis, pour chaque catégorie de produits et services, en fonction notamment des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’énergie et de matières, des déchets produits et du niveau d’atteinte à la biodiversité et aux milieux naturels résultant de la fabrication, de la distribution, de la mise à disposition et de l’utilisation des biens et services. Une telle mesure pourrait priver les territoires ultramarins d’une manne touristique majeure : ce serait porter un coup fatal aux acteurs du tourisme qui traversent une période difficile en raison de la crise sanitaire. Par ailleurs, les productions agricoles ultramarines pourraient être menacées si la mesure de leur impact sur l’environnement devait prendre en compte le transport.

Mme Yolaine de Courson. Ce texte propose un encadrement. J’entends ici et là qu’on reviendrait au Moyen-Âge, qu’on supprimerait des emplois ; au contraire, il s’agit de remettre un peu de vertu dans un domaine où elle est absente – je connais le sujet, j’ai dirigé une agence pendant des années et je sais comment ça marche. Contrairement à ce qu’a dit Mme Stéphanie Kerbarh, tout le monde n’est pas au même niveau devant les annonces publicitaires ; il n’est pas toujours facile de décoder froidement des messages qui jouent sur la séduction et l’émotion.

Un exemple : au Chili, qui connaît les taux les plus élevés au monde d’obésité – 75 % des adultes, 50 % des enfants –, il a été décidé d’apposer sur les packagings et les publicités d’énormes logos noirs rappelant la teneur en glucides et les dangers d’une alimentation sucrée. Grâce à cette mesure, l’obésité a reculé de 25 % en cinq ans.

Alors qu’il existe encore des gens pour croire que la Terre est plate, il est important d’aider nos concitoyens à former ce jugement dont a parlé Mme Stéphanie Kerbarh.

M. Dominique Potier. Je suis pour le moins étonné de certaines affirmations, sans doute dénuées de tout esprit de provocation. Mme Stéphanie Kerbarh a mis en cause les décrets, or il y a peu de législatures où l’on a autant usé et abusé de la voie réglementaire ! C’est faire un bien mauvais procès que de reprocher au rapporteur, sur un sujet aussi complexe et sensible, de s’en remettre à un décret pour l’application d’une mesure.

M. Bruno Millienne a expliqué que l’on entendait tout et son contraire et qu’il y avait des lobbies dans les deux camps. Mettre au même niveau les défenseurs de la publicité et les institutions me semble défier la logique scientifique et la raison démocratique ! Le Haut Conseil pour le climat, la COP 21, les accords internationaux ont débouché, par discernement, sur une vérité partagée qui justifie divers plaidoyers. Ce sont des socles. On ne peut pas tout mettre au même niveau, il faut tout de même rétablir la hiérarchie des valeurs ! Non, monsieur Millienne, on n’entend pas tout et son contraire : il y a ce que dit le Haut Conseil pour le climat, qui est le fruit d’un processus scientifique et démocratique, et ce que prétend le lobby des SUV. Faut-il rappeler que la vente des SUV ruine à elle seule tous les efforts d’électromobilité et d’altermobilité que nous réalisons par ailleurs ? Doit-on se satisfaire de cette situation ? N’est-il pas temps de changer et de remettre un peu de raison, de science et de démocratie dans tout cela ?

M. Paul Molac. Dans ce débat un peu curieux, certains semblent oublier que la réglementation de la publicité ne date pas d’aujourd’hui ! La publicité sur la cigarette est interdite et les paquets doivent comporter des messages d’avertissement ; la publicité sur l’alcool est strictement réglementée. Si l’on estime que le climat est une cause juste, au même titre que la santé, il ne me paraît pas choquant que le pouvoir exécutif, par une injonction qui demeure à vrai dire générale, prenne un certain nombre de mesures pour éviter les impacts les plus importants sur l’environnement.

Mme Stéphanie Kerbarh. Madame Yolaine de Courson, la baisse de l’obésité en Amérique du Sud n’est pas seulement liée à la réglementation de la publicité : c’est plutôt en travaillant sur politiques favorisant l’accès à une alimentation saine et de qualité et à l’amélioration du pouvoir d’achat que le problème a pu être résolu.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Je serai plus bref sur les articles qui suivent.

Je ne partage du tout à ce que vous venez de dire, chère collègue Stéphanie Kerbarh. Des études ont montré, et les chercheurs que nous avons auditionnés nous l’ont confirmé, qu’il était parfaitement possible – l’obésité en est un bon exemple – de déterminer précisément les incidences spécifiques des mesures prises en matière de publicité.

Je m’inscris également en faux contre votre analyse pour le moins surprenante selon laquelle la proposition de loi compterait trop de décrets – notre collègue M. Potier l’a très brillamment expliqué. Enfin, vous êtes totalement hors sujet pour ce qui est de l’agroalimentaire, puisqu’il n’entre pas dans le champ de la proposition de loi, même si certains essaient de faire croire le contraire.

Je remercie notre collègue M. Naillet, avec lequel je serai heureux de débattre de ce sujet au cours des prochains mois. Ce texte ne vise absolument pas le transport aérien à destination des outremers, même si l’on a tenté, dimanche, de le faire passer pour une loi anti-outremers : sont seulement visées les publicités du type « week-end à Athènes » ou « week-end à New York » – arrivée vendredi soir, retour dimanche soir – que, pour l’heure, l’ARPP autorise sans aucun problème. Nous ne parlons que des courts séjours ; les outremers ne sont absolument pas concernés.

J’aimerais également m’adresser à notre collègue M. Millienne, avec lequel je mène des combats communs – hier encore, pour un amendement adopté à une voix de majorité : ne vous laissez pas enfumer, cher collègue ! Si nous nous contentons, dans un premier temps, d’interdire la publicité pour les plus polluants des 4x4 et des SUV, aucun constructeur français ne sera concerné.

M. Bruno Millienne. Il n’y a plus de publicités pour ces voitures-là !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Les choses évoluent et c’est tant mieux ; reste qu’en 2019, 95 % des publicités dans le secteur automobile concernaient des moteurs thermiques.

M. Bruno Millienne. Mais cela progresse !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Tant mieux, je prends note des progrès réalisés, mais il faut accélérer.

Plus généralement, contrairement à ce que vous semblez penser et à ce que les annonceurs prétendent, cette proposition de loi ne change pas le volume total de publicité, ce qui chagrine d’ailleurs nos collègues du groupe La France insoumise. Je veux bien que l’on nous fasse croire que tout le secteur se retrouvera au chômage du jour au lendemain, et de coup tous les médias faute de rentrées d’argent, mais c’est faux : on ne change pas le volume de publicité, on le réoriente progressivement vers les produits les moins impactants. On ne supprime pas la publicité, comme le proposent d’autres collègues et d’autres groupes. Il ne faut pas caricaturer.

Enfin, pourquoi un décret ? Pour laisser le temps à la concertation.

Mme Stéphanie Kerbarh. Mais sur quoi vous appuyez-vous ? Les indicateurs n’existent pas ! Ils sont en cours de validation !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Ne m’apostrophez pas comme ainsi, chère collègue !

M. Guillaume Garot, président. Monsieur le rapporteur, c’est à moi de faire la police des débats.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. La rédaction initiale pouvait paraître un peu floue sur certains points ; mais tout devient très clair avec mon amendement de réécriture de l’article, qui définit précisément les critères de constitution des seuils d’impact.

M. Hubert Wulfranc. J’entends dire que cet amendement porterait atteinte à la liberté de choix de consommation, qu’il serait liberticide. En abordant le problème sous le seul angle de la consommation, démarche qui intrinsèquement nous pose problème, on élude la question de la production et de la liberté de production. Quelle est la liberté de choix des salariés dans la stratégie des entreprises, pour contribuer eux-mêmes au caractère durable du produit, pour décider quel produit fabriquer et comment ?

Prenons le cas de Renault : les propositions des salariés visant à développer une petite voiture électrique populaire, à coût accessible pour les citoyens, sont systématiquement rejetées par la direction. En adoptant une approche centrée sur la consommation – ce n’est pas un reproche, c’est un constat –, on passe à côté d’un enjeu démocratique dans la détermination des choix de production dans notre pays, au-delà des enjeux économiques, notamment en matière d’emploi. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.

La commission rejette l’amendement CD28.

(Présidence de Mme Stéphanie Kerbarh.)

La commission examine l’amendement CD3 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. L’amendement CD3 me permettra d’indiquer ma position sur l’article 2 et sur les échanges précédents.

Monsieur le rapporteur, votre proposition ne changera absolument rien aux volumes financiers engagés dans l’industrie publicitaire, dites-vous. Mais le comportement des lobbyistes qui depuis plusieurs jours vous prêtent des intentions d’interdiction plaide pour l’adoption de notre amendement : ce qui les ennuie, c’est bien qu’on les contraigne à modifier le volume de leurs publicités, mais également qu’on limite les types de publicité autorisés.

Notre amendement CD3 est très clair : il n’est pas question de continuer à autoriser la publicité pour les industries les plus polluantes qui nous ont menés dans le mur climatique devant lequel nous sommes aujourd’hui – et non dans dix ans, monsieur le rapporteur. Les débats que nous avons depuis deux heures confirment à mes yeux que cet amendement est le plus à même d’engager la transition écologique dont nous avons besoin.

Quant au recours à un décret, il me semble poser problème. Cette législature est vraiment celle du gouvernement des décrets. Peut-être avez-vous passé trop de temps en Macronie, cher Matthieu Orphelin, mais vous reprenez exactement les mêmes méthodes ! Vous nous faites voter une coquille, certes très jolie et peinte en vert, mais vide, car tout renvoie à des décrets ! À quoi vous attendez-vous ? Croyez-vous que le gouvernement de votre ami M. Emmanuel Macron prendra le moindre décret contraignant ? Je vous pensais naïf, mais pas à ce point-là !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. C’est toujours vers onze heures trente que notre collègue M. Prud’homme se réveille, quand il commence à avoir faim ! Je le remercie de ce rappel, mais cela fait dix-huit mois que j’ai quitté la « Macronie », où je ne suis resté que treize mois…

Le but était de commencer par fixer un cadre, et le recours à un décret permet de continuer à agir après la phase de concertation. Je sais que nous ne sommes pas d’accord sur la façon de faire, monsieur Prud’homme ; j’espère que nous parviendrons un jour à faire converger nos positions qui sont moins éloignées que vous voulez le faire croire. Je préfère la rédaction plus progressive que j’ai proposée. Je suis donc défavorable à votre amendement. J’entends bien que, pour vous, je suis trop mou, et pour les députés LaREM, trop dur : tout cela est affaire de point de vue.

M. Dominique Potier. L’économie de la création culturelle induite par la publicité est une réalité : il s’agit d’une véritable industrie, avec des artistes, des artisans, tout un commerce. Nous serions fous de la mépriser, comme de mépriser tel ou tel secteur d’activité concerné par la transition sociale et écologique. Ce serait preuve de faiblesse, et d’une certaine pauvreté d’imagination de considérer que ce serait la fin de cette industrie. Nous avons à lutter contre des maladies chroniques, nous avons engagé des millions de concitoyens à adopter d’autres modes de vie, une autre manière de vivre ; nous avons besoin de messages publicitaires.

Le groupe Socialistes et apparentés avait déposé une série d’amendements, malheureusement tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution, qui distinguaient trois catégories : la rouge, où la publicité serait purement et simplement interdite, l’orange, où elle serait autorisée mais taxée, et la verte où elle serait tolérée, comme aujourd’hui. En taxant les publicités de la catégorie orange à un taux suffisant, nous pourrions renforcer le financement de l’association France prévention ou celui de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME –, afin de leur donner des moyens d’information et d’éducation à la hauteur des enjeux de notre société. Ce qui garantirait, pour les médias qui accueillent la publicité, une ressource, qu’elle soit publique ou privée, de même hauteur ; quant aux créateurs, j’imagine qu’ils sont prêts à mettre leur talent au service de la puissance publique comme ils le font pour une multinationale. C’est un abaissement du raisonnement que de penser que la fin de la publicité équivaut à la fin de la communication. C’est au contraire une mutation de la communication, avec un rééquilibrage au bénéfice de la citoyenneté et non plus de cette servitude marchande à laquelle nous consentons trop facilement.

La commission rejette l’amendement CD3.

Puis elle rejette l’article 2.

Après l’article 2

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CD2 de M. Loïc Prud’homme et l’amendement CD19 de M. Hubert Julien-Lafferrière.

M. Loïc Prud’homme. L’amendement CD2 vise à interdire toute forme de publicité ou de communication commerciale incitant directement ou indirectement à dégrader, abandonner ou remplacer prématurément des produits encore fonctionnels.

Selon les auteurs du rapport intitulé « Big Corpo », paru juste avant l’été à l’initiative d’un collectif d’associations, chaque individu serait exposé chaque jour à 15 000 stimuli commerciaux en moyenne. L’objet de ces messages n’est pas d’accorder la marchandise aux besoins réels de l’individu, mais d’accorder les besoins de l’individu à l’accumulation infinie de marchandises.

Les marques savent parfaitement comment influer sur nos choix de consommation ou de non-consommation. Leur impact neuro-cognitif est avéré et documenté. Elles nous persuadent que la sobriété n’est pas une solution et qu’il est possible de consommer toujours plus sans altérer ni la qualité des ressources disponibles, ni leur quantité, ni la qualité de l’environnement.

Ainsi, chaque Français consomme en moyenne dix kilos de textile neuf par an. Pour respecter les accords de Paris en matière d’émissions de gaz à effet de serre, il faudrait diviser ce chiffre par dix, pour parvenir à une consommation d’un kilo de textile neuf par habitant en 2022. Il est illusoire de considérer que le marché se régulera seul. L’obsolescence des produits n’est pas réservée, contrairement à ce qu’on pense, au monde de l’électronique et de l’électroménager. Elle vaut le secteur textile : en vous faisant croire que la couleur de vos chaussures ou de vos habits n’est plus la bonne parce que la mode a changé, on vous incite à en racheter régulièrement, même si même si vous n’en avez pas forcément besoin. De fait, cette proposition de loi ne s’attaque pas assez au problème de l’obsolescence des produits, quels qu’ils soient. Nous souhaitons par l’amendement CD2 l’introduire dans le débat.

M. Hubert Julien-Lafferrière. Mon amendement CD19 propose d’intégrer dans la loi certains points de la dernière recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Il me semble que nous pouvons tomber d’accord sur le fait que l’autorégulation, en matière de publicité, ne fonctionne pas bien.

Certaines publicités incitant à la surconsommation ne sont pas soumises à l’avis de l’ARPP. Beaucoup passent à travers les mailles du filet ou sont jugées a posteriori conformes aux règles déontologiques par le jury de déontologie publicitaire, ce qui provoque parfois des scandales – tels que l’affaire C-Discount. Plus grave, même si des publicités sont condamnées par le jury de déontologie publicitaire, la seule sanction se limite à un affichage sur son site internet…

Lorsque l’autorégulation fonctionne, comme c’est le cas dans d’autres domaines, il n’est pas besoin de légiférer. Mais en l’espèce, le caractère a posteriori du contrôle des campagnes publicitaires et l’absence de réelle maîtrise des sanctions prouvent la nécessité d’un encadrement législatif confortant la régulation assurée par l’ARPP.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Je partage la volonté de mieux encadrer la publicité en matière d’incitation à la surconsommation et remercie nos collègues de leurs amendements. J’ai une légère préférence pour celui de M. Julien-Laferrière, qui me semble plus complet, soit dit sans aucun favoritisme. Je suggère donc à M. Prud’homme de retirer son amendement CD2 afin que nous puissions tous voter, dans un immense élan, l’amendement CD19…

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement CD20 de M. Hubert Julien-Lafferrière.

M. Hubert Julien-Lafferrière. L’article additionnel proposé par cet amendement vise à instaurer l’obligation d’afficher de façon visible, sur les produits concernés, une information environnementale obligatoire ou un label environnemental reconnu par l’État.

Dans la plupart des publicités où elles sont obligatoires, les rares mentions à caractère écologique sont quasiment illisibles, voire invisibles. L’exemple le plus emblématique est l’affichage obligatoire des émissions de CO2 des voitures, qui passe inaperçu. Le Gouvernement a reçu au mois de juin dernier un rapport de MM. Libaert et Guibert qui préconise d’accroître la visibilité des mentions légales, pour l’heure dépourvues d’efficacité.

Nous proposons d’adopter un dispositif plus simple et plus clair, immédiatement compréhensible, sous forme de codes couleur, dont le détail serait précisé par décret. L’exemple du Nutriscore démontre que nous pouvons faire beaucoup mieux pour informer le consommateur des dégâts sur l’environnement de certains produits mis en avant par la publicité.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Avis très favorable. Ces informations sont insuffisamment mises en évidence. Certains amendements de notre collègue M. Potier, qui ne satisfaisaient pas aux critères de recevabilité financière, procédaient de la même idée. Mieux mettre en avant les conséquences de certains produits sur l’environnement ne peut qu’avoir des effets positifs.

J’espère que nous finirons par adopter l’une ou l’autre des dispositions proposées. Si la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale n’y parvient pas,…

Mme Stéphanie Kerbarh, présidente. Monsieur le rapporteur, nos collègues savent ce qu’ils doivent voter.

Mme Danielle Brulebois. On ne commente pas le vote de ses collègues !

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Mme Kerbarh l’a fait tout à l’heure ! Cela suffit, les leçons du groupe La République en Marche ! Un peu de dignité !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD12 de M. Dominique Potier et l’amendement CD4 de M. Loïc Prud’homme.

M. Dominique Potier. Mon amendement CD12 reprend un combat que Guillaume Garot, moi-même et les autres membres du groupe Socialistes et apparentés menons depuis très longtemps. Soyons honnêtes : même sous la précédente majorité, nous n’avons pas réussi à le mener à bien… Il fallait maintenir l’équilibre financier des grands médias, notamment des chaînes de télévision.

Il s’agit de limiter et d’encadrer la publicité de tout produit nocif pour la santé des enfants. Plus ceux-ci grandissent dans des milieux culturellement, socialement et économiquement défavorisés, plus ils en sont victimes. Les familles, trop fragiles pour faire contrepoids, ne relaient pas les messages de santé publique alors même qu’elles sont sans cesse exposées, par le biais des écrans, aux messages incitant globalement à manger gras, sucré et salé.

Chacun connaît les conséquences de cet état de fait en France comme dans d’autres pays : l’augmentation des cas de diabète de type 2 et autres problèmes gravissimes de santé publique, notamment l’obésité. Au handicap sanitaire vient s’ajouter un véritable handicap social.

La moindre des choses, nous semble-t-il, consisterait, comme nous l’avons fait dans les lois relatives à l’agriculture et dans les véhicules législatifs qui le permettaient, d’encadrer la publicité destinée aux enfants. Rappeler les contre-indications n’est pas efficace. Il faut impérativement interdire ces publicités, ou à tout le moins les encadrer.

Or à chaque fois, sous la présidence de M. François Hollande comme sous celle de M. Emmanuel Macron, on nous a opposé le même et unique argument : l’équilibre financier des chaînes de télévision. Le jour où la sécurité sociale va exploser face aux problèmes de santé publique qui frapperont notamment les milieux populaires, comment expliquerons-nous à nos enfants et à nos petits-enfants combien nous avons été lâches en continuant à favoriser la malbouffe ? C’est incroyable ! J’appelle vraiment votre attention sur ce point.

M. Loïc Prud’homme. Mon amendement CD4 porte sur le même sujet. Nous proposons d’interdire immédiatement la publicité relative aux pratiques alimentaires néfastes pour la santé. Comme l’a rappelé M. Dominique Potier, la promotion d’une alimentation saine est un enjeu de société majeur. La consommation d’aliments trop gras, trop salés ou trop sucrés expose à un risque accru de développer un diabète, du surpoids, de l’obésité ou des maladies cardio-vasculaires. J’ai beaucoup travaillé sur ce sujet, notamment lorsque j’ai présidé une commission d’enquête qui y était consacrée.

En quelques années, la proportion de personnes traitées pour un diabète a doublé en France, atteignant 5,4 % de nos concitoyens. Près de la moitié des Français sont en surpoids ; 17 % sont obèses. Les maladies cardio-vasculaires sont responsables de 140 000 décès par an. Il est temps d’agir pour inverser cette tendance, ce qui suppose d’autoriser la publicité des seuls produits permettant une alimentation saine, qui pourraient être évalués d’après leur Nutriscore : ce pourrait être une première base, à défaut d’être l’alpha et l’oméga de la nourriture saine.

S’agissant plus spécifiquement des enfants et des adolescents, il convient de cesser toute publicité pour les produits alimentaires et les boissons qui les ciblent. Le marketing neuro-cognitif explique que 76 % des demandes d’achat des enfants âgés de quatre à dix ans portent sur des produits pour lesquels ils ont vu une publicité. Ces publicités sont réalisées en vue de créer des besoins qui n’existent pas au sein de ce public, dont 18 % est en surpoids.

Comment une proposition de loi relative à l’encadrement de la publicité peut-elle ignorer ce sujet ? Monsieur le rapporteur, j’ai cru comprendre que vous êtes favorable à son inclusion dans la présente proposition de loi.

S’agissant de l’équilibre financier d’une telle mesure, j’aimerais abonder dans le sens des propos de M. Dominique Potier par quelques données chiffrées : l’obésité, le diabète et les autres maladies chroniques provoqués par la malbouffe, ainsi que les émergences de cancer qui en découlent, coûtent à notre système de santé plus de 50 milliards d’euros par an. Les conséquences des mesures que nous proposons sur l’équilibre financier des régies publicitaires, télévisées par exemple, seraient, d’après mes calculs, de l’ordre de 600 millions d’euros par an, soit 100 euros pour chacun de nos fils et chacune de nos filles. La santé de nos enfants vaut bien plus que 100 euros par tête…

Il faut absolument que nous nous saisissions de ce sujet et que la puissance publique mobilise les moyens nécessaires pour que la sécurité sociale, notre système de santé en général et la santé de notre population n’explosent pas en plein vol.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. L’amendement CD12 se propose d’ajouter aux objectifs de la politique alimentaire française l’encadrement de la publicité et du marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants. Ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui, mais comme il s’agit d’ajouter un principe à la loi qui pourra permettre des avancées par la suite, je suis très favorable à cet amendement et je remercie notre collègue M. Potier de mener ce combat inlassablement, depuis plusieurs années. Il faut en effet mettre un terme à une certaine lâcheté sur ce sujet, comme sur d’autres.

Je remercie également notre collègue M. Prud’homme du travail qu’il a réalisé sur la malbouffe. Chacun sait que votre implication a été totale, cher collègue. En dépit de l’importance du sujet pour notre société, il est assez éloigné de l’objectif initial de la proposition de loi dans la mesure où celle-ci porte sur l’impact environnemental de la publicité, non sur l’agriculture et l’alimentation. Cela pouvait justifier certaines réserves à son égard ; mais loin de moi l’idée de mésestimer l’importance du sujet.

Toutefois, à présent que le texte a été largement vidé de sa substance et que tout porte à croire qu’il le sera complètement lorsque nous achèverons son examen, j’émets un avis favorable. Même si la rédaction de l’amendement CD4 pose problème, mieux vaut une action, fût-elle imparfaite, que l’inaction.

M. Dominique Potier. Je soutiens l’amendement de M. Loïc Prud’homme, auquel je dois le chiffrage du coût de la mesure proposée pour le secteur de la publicité. Je l’avais estimé à 800 millions d’euros, et lui à 600 millions ; pour une fois, le groupe La France insoumise donne l’exemple de la modération, ce dont je suis très heureux…

En revanche, les chiffres qu’il avance pour le diabète de type 2 et l’obésité me semblent très en deçà de la réalité. Nous pouvons vérifier ce point et l’aborder de nouveau en séance publique. Je m’appuie pour ma part sur un chiffre solide, fourni par le ministère des solidarités et de la santé.

J’aimerais aussi évoquer un problème qui frappe les enfants in utero : le syndrome d’alcoolisme fœtal. Il s’agit d’une addiction provoquée par des pauvretés multiples, mais aussi d’un problème d’information des femmes enceintes sur la consommation ou la non-consommation d’alcool. Le coût pour la sécurité sociale des réparations de ses conséquences – pour autant qu’on puisse les réparer, car les dégâts sont souvent irréversibles – est estimé à 20 milliards d’euros.

Allons-nous continuer à raisonner « en silo », en protégeant les quelques centaines de millions gagnés par l’industrie publicitaire grâce à la malbouffe, qui pourraient être mieux utilisés, et en réparant de façon indigne les dégâts dont sont victimes les plus fragiles de notre société ? Franchement, sur ce sujet, sur un amendement aussi modéré prévoyant d’encadrer la publicité et le marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants, pouvons-nous renoncer au courage ?

M. Loïc Prud’homme. Monsieur le rapporteur, mon amendement est loin d’être sans rapport avec l’environnement : la production d’aliments ultratransformés par l’agro-industrie a des conséquences directes sur le mode d’agriculture retenu, donc sur notre environnement.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement CD18 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. Cet amendement d’appel reprend celui déposé par la majorité et adopté au cours de l’examen de la proposition de loi du groupe La France insoumise visant à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et à encourager les bonnes pratiques alimentaires. Il s’agit de rappeler l’importance de la présence du Nutri-Score dans les publicités alimentaires et au-delà, afin de renforcer la lutte contre l’obésité en améliorant l’information du consommateur, qui doit être simple et transparente. Ce combat est à mener à l’échelon français comme au niveau européen. Rappelons que la proportion de personnes obèses a presque doublé en vingt ans.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Même avis que sur l’amendement précédent.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 (article L. 581-4 du code de l’environnement) : Interdiction de la publicité lumineuse numérique

M. Stéphane Buchou. L’article 3 prévoit d’interdire toutes les publicités lumineuses numériques. Si l’affichage numérique peut soulever de légitimes interrogations, une disposition aussi radicale ne nous semble pas envisageable.

Tout d’abord, ce secteur d’activité est déjà très réglementé, particulièrement au niveau local : les collectivités, sur le territoire municipal ou intercommunal, peuvent décider d’interdire la publicité ou tout au moins d’en encadrer le format ou le type de dispositif. C’est particulièrement vrai pour l’affichage numérique, soumis à une réglementation en général plus restrictive.

Qui plus est, ces panneaux, tous équipés d’une sonde de luminosité, sont éteints entre minuit et six heures du matin. Bref, les villes qui autorisent l’affichage numérique pourraient très bien, d’ores et déjà, décider de l’interdire.

Pour ce qui est des conséquences économiques d’une telle mesure, je m’étonne qu’à l’heure où nous traversons une crise sanitaire, économique et sociale, le numérique se retrouve banni du secteur de l’affichage publicitaire et de lui seul, alors même qu’il est partout ailleurs présenté comme un élément incontournable de la transition écologique et comme la solution pour évoluer vers une société plus sobre – sans parler des conséquences sur l’emploi.

Tout comme Mme Aude Luquet, j’ai le sentiment que vous faites de l’affichage numérique l’épouvantail qui serait à l’origine de tous les maux de notre société.

Je suis convaincu que le numérique, mis au service de la publicité, représente une véritable opportunité pour relancer l’économie, dans le respect de la transition écologique. Souvenons-nous des entrées de nos villes, polluées par une multitude de panneaux publicitaires de quatre mètres par trois il y a encore quelques années : les panneaux numériques, en permettant de regrouper plusieurs annonceurs sur un seul affichage, ont considérablement réduit la pollution visuelle.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 3.

Mme Sophie Auconie. Le groupe UDI et Indépendants votera contre cet article pour des raisons de fond et de forme. Les élus locaux sont les plus à même de réguler ce secteur en prenant des mesures qui, tout en allant dans notre sens, seront adaptées aux réalités des territoires. De surcroît, il convient de distinguer entre les différents types d’affichages lumineux : si les panneaux numériques installés à l’extérieur, notamment ceux qui mesurent quatre mètres par trois, peuvent représenter une pollution visuelle importante, surtout la nuit, il n’en va pas de même de ceux que l’on trouve à l’intérieur des gares, des aéroports ou des stations de transport public, qui peuvent permettre, par ailleurs, d’engranger des recettes. Il me semble impossible d’adopter une disposition aussi générale.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Ce dernier article subira, n’en doutons pas, le même sort que les précédents… Ne perdons pas notre temps à écouter les raisons qui vous poussent à ne pas agir et à balayer d’un revers de la main une proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Vous en avez le droit mais je le regrette. Selon une étude de l’ADEME, un panneau lumineux de deux mètres carrés, qui aura nécessité plus huit tonnes de matériaux pour sa construction, émet environ 2,5 tonnes d’équivalent CO2 sur l’ensemble du cycle de vie et consomme plus de 2 000 kilowattheures d’électricité par an.

Pour ce qui est de la pollution visuelle, vous trouverez dans notre rapport quelques éléments de synthèse des analyses des chercheurs auditionnés. Ils militent largement pour une régulation de la publicité numérique lumineuse dans les espaces publics comme privés, ce que prévoit l’article 3.

Enfin, pour répondre aux inquiétudes du secteur concerné, je proposerai tout à l’heure un amendement CD25 qui vise à repousser la date d’entrée en vigueur de cette interdiction au 1er janvier 2025. Je retire les autres amendements, rendus inutiles par la non-fertilité du débat.

La commission en vient à l’amendement CD5 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement vise à étendre le champ de l’interdiction des publicités numériques ou lumineuses. La publicité s’apparente à une manipulation cognitive qu’il convient d’éliminer de l’espace public. Le rapporteur vous a rappelé les effets de cette publicité sur l’environnement mais il était, ce faisant, bien en deçà de la réalité car certains nouveaux panneaux, je viens de l’apprendre, ne sont plus seulement numériques ou lumineux : ils peuvent reproduire le fumet et le crépitement d’un plat qui mijote ! Tous les moyens sont bons pour manipuler notre imaginaire et nous faire acheter des produits dont nous n’avons pas besoin. Je suis très inquiet qu’on en arrive à cette extrémité : il est pratiquement impossible pour nos cerveaux de résister à ces messages de manipulation cognitive. Qui plus est, les outils techniques qui permettent d’atteindre un tel résultat rendront les panneaux publicitaires encore plus consommateurs d’énergie et de ressources, au détriment de l’environnement. Nous avons atteint le sommet de la folie. Il faut absolument mettre fin à cette dérive.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Sagesse.

M. Stéphane Buchou. Ne tombons pas dans la caricature, cher collègue Prud’homme. L’exemple que vous citez se résume à un panneau et je ne suis pas certain qu’il sera suivi de beaucoup d’autres.

Monsieur le rapporteur, vos propos sont contradictoires : d’un côté, vous affirmez votre volonté de réguler, que nous partageons, mais de l’autre, vous proposez d’interdire. Or, on ne régule pas en interdisant.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Que proposez-vous, dans ce cas ?

M. Stéphane Buchou. Mme Auconie l’a très justement rappelé, les élus locaux ont toute latitude pour réguler la publicité, en particulier l’affichage numérique, à travers des règlements locaux de publicité municipaux ou intercommunaux. Ainsi, la ville de Grenoble avait décidé, en 2014, d’interdire la publicité mais cette décision a été remise en cause en 2019, puisque le syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise a lancé un appel d’offres portant, notamment, sur des dispositifs numériques, lequel a été remporté par une grande société d’affichage. L’affichage et la publicité représentent des ressources nécessaires pour les collectivités locales. Ne serait-ce que pour cette raison, il est préférable de réguler.

Rappelons enfin que la proposition issue de la Convention citoyenne pour le climat, à laquelle vous faites souvent référence, opère une distinction en autorisant les panneaux publicitaires destinés à l’information locale ou culturelle. Or le code de l’environnement définit clairement la publicité en son article L. 581-3 comme « toute inscription, forme ou image, à l’exclusion des enseignes et des pré-enseignes, destinée à informer le public ou à attirer son attention ». Par conséquent, il est impossible de distinguer entre la publicité, l’affichage municipal, culturel, sportif ou associatif. Vous expliquerez aux élus locaux que vous voulez interdire l’ensemble de ces messages dans leur territoire…

M. Bruno Millienne. Je comprends votre intention, monsieur le rapporteur, mais je partage l’avis de Mme Auconie : le groupe MoDem attache une importance capitale à la libre administration des collectivités. Mme la ministre Jacqueline Gourault s’apprête d’ailleurs à présenter au Parlement un projet de loi dit « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration – et nous serons particulièrement attentifs aux mesures relatives à la décentralisation et à la différenciation. Or votre article 3 revient à donner la main à la déconcentration, ce que nous voulons précisément éviter. Nous voterons donc contre.

M. Dominique Potier. Cet argument de la liberté des territoires m’agace. Nous avions obtenu la liberté de construire des lotissements, de créer des zones industrielles : c’était le fruit de la décentralisation. On s’est aperçu qu’il fallait une régulation : c’est ce qu’a fait la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite « loi SRU », en instaurant une planification stratégique pour économiser les sols, l’énergie et le capital naturel. Cette régulation s’est faite par le bas, avec les élus locaux, sous le regard de l’État qui a fixé des limites ; mais ce sont les élus qui font la régulation.

M. Bruno Millienne. Ce n’est pas la même chose !

M. Dominique Potier. Le processus qui nous est proposé aujourd’hui relève de la même logique. Les élus locaux peuvent mettre librement en œuvre ces mesures, dans un cadre fixé par la loi car l’énergie n’est pas inépuisable et il faut en limiter la consommation. Dès juillet-août, on a déjà consommé toutes les ressources annuelles que produit la Terre et on se met à faire crever les autres ! Opposer la liberté des territoires à notre survie commune est d’un archaïsme absolu.

Pour réguler les grands espaces urbains sous le regard de l’État, nous avons inventé la loi SRU. C’est ce processus vertueux que je reconnais dans le dessein de cette proposition de loi : réguler au nom de l’intérêt général, dans le respect du discernement local. N’opposons surtout pas les uns aux autres.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Je retiens de cet échange que nos divergences quant au rôle de la loi sont beaucoup plus profondes que je ne le pensais. La loi est là pour encadrer, interdire, fixer un cap. Or, à chaque fois que nous avons voulu lui donner ce rôle, on nous a répondu qu’il ne fallait surtout pas dessaisir certains de leurs prérogatives, ce qui revient à reconnaître l’impuissance politique au niveau national. Décidément, on aime l’incantation… On se respecte énormément au sein de cette commission, tout le monde dit partager notre analyse, et je ne doute pas que ce soit sincère, mais dans la pratique, on ne fait rien ! Cette proposition de loi ne contient plus aucune mesure qui permette de s’engager dans la bonne voie. Il faudrait réduire de 5 à 7 % les émissions de gaz à effet de serre, diminuer notre consommation d’énergie. Bien sûr, vous semblez approuver le principe mais dès qu’il s’agit de prendre des mesures concrètes, vous nous opposez les collectivités, les compétences, les maquettes pédagogiques – auxquelles nous ne touchions pas, du reste. J’ai le sentiment qu’un fossé nous sépare sur nos conceptions de ce que doit faire la loi. Ou bien l’on décide de ne rien faire et de ne servir à rien, ou bien on essaie de faire une loi de l’action, quitte à discuter de la date de mise en œuvre et des modalités. Or, depuis trois heures, nous avons des débats très intéressants, mais nous n’avons pas réussi à avancer sur la moindre action.

M. Stéphane Buchou. Je ne peux vous laisser dire que rien n’a été fait et que nous ne voulons rien faire. Commençons par reconnaître que nous ne partons pas de rien. Nous avons deux manières de voir les choses, qui s’opposent ; prenons acte de ce désaccord, dans le respect les uns des autres. Je soutiens que le numérique doit être mis au service de la transition écologique et de l’économie de demain : ce n’est pas en l’interdisant que nous avancerons. Oui à la régulation, non à l’interdiction totale.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CD24 du rapporteur est retiré.

La commission rejette l’amendement CD25 du rapporteur.

Les amendements CD26 et CD27 du rapporteur sont retirés.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Cette discussion aura mis en évidence, de manière claire et respectueuse, les positions des uns et des autres. J’aurai deux regrets.

Pour commencer, certains sous-estiment totalement la portée de la publicité qui n’est rien d’autre que l’art d’orienter les choix des consommateurs. C’est son essence même. C’est dommage : nos débats en auraient été différents.

Je regrette également, mais ainsi le veut la règle démocratique, que sur ce sujet, comme sur tant d’autres qui touchent à l’écologie, l’inaction l’ait une nouvelle fois emporté sur l’action. Il aurait pu en être autrement, ne serait-ce qu’en adoptant l’article 1er ou l’article 2 réécrit : vous auriez envoyé aux acteurs le signal que la mobilisation changeait d’échelle. Cela aurait même pu préparer le terrain pour la future loi issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, dont on nous dit maintenant qu’elle n’arrivera pas à l’Assemblée avant la fin du premier trimestre 2021 : autrement dit, elle ne sera pratiquement pas appliquée durant ce mandat. Espérons que les choses changeront en 2022 et que nous pourrons enfin avancer, en accompagnant l’ensemble des acteurs, notamment dans le secteur de la publicité.

La commission rejette l’article 3.

Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement CD6 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement vise à taxer le montant des contrats de publicité et de marketing signés par les entreprises ainsi que le chiffre d’affaires des régies publicitaires à hauteur de 5 %. Il permet de baisser le seuil du chiffre d’affaires des personnes assujetties à cette taxe sur la valeur ajoutée et d’augmenter le pourcentage de cette taxe. Les sommes ainsi collectées permettront d’abonder le budget de l’État ; le volant budgétaire ainsi dégagé pourra être fléché pour partie vers l’audiovisuel public dont les recettes publicitaires seront réduites du fait des dispositions de l’article 2, qui prévoit d’interdire la publicité pour la malbouffe, ainsi que vers les collectivités locales qui s’engageraient dans des actions visant à promouvoir la sobriété et qui accepteraient de retirer les panneaux publicitaires de l’espace public.

Sur 3 millions d’entreprises en France, moins de 1 % ont accès au marché publicitaire. En 2014, à peine de plus de 600, autrement dit 0,02 % d’entre elles, représentent 80 % des dépenses publicitaires engagées. Des sommes colossales sont investies à rebours de l’urgence écologique et climatique pour laquelle je plaide depuis trois ans. En 2019, les secteurs automobile, aérien et des énergies fossiles auront à eux seuls investi plus de 5,1 milliards d’euros dans la publicité et la communication.

Grâce aux marges financières ainsi dégagées, les élus locaux pourraient sortir de cette spirale infernale qui les oblige à accepter des panneaux publicitaires dans leur territoire parce qu’ils sont synonymes de recettes. Et pour ce qui est de l’audiovisuel, il me semble essentiel de ne pas fragiliser certains équilibres et de favoriser la transition rapide et efficace de ce secteur en lui trouvant de nouvelles ressources, indépendantes de la publicité.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Avis plutôt défavorable car nous proposerons, lors de l’examen du projet de loi de finances, un autre dispositif à partir d’une contribution sur l’ensemble des achats d’espaces plutôt que du chiffre d’affaires des régies publicitaires. Mais vous abordez un réel problème. Nous y travaillerons dans le cadre du projet de loi de finances avec notre collègue Mme Émilie Cariou.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine enfin les amendements CD10, CD11, CD8, CD13, CD14 et CD16 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Ces amendements visent à approfondir certaines dispositions de la proposition de loi, si du moins celle-ci avait été construite dans un esprit participatif.

L’amendement CD10 vise à consolider une avancée obtenue dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, en matière d’affichage environnemental et social dans l’industrie de la mode. L’industrie du textile est la deuxième plus polluante au monde et ce secteur est celui où il est le plus porté atteinte aux droits de l’homme, notamment pour ce qui concerne la sécurité et le travail des enfants.

L’amendement CD11, dans le même esprit, tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la mise en œuvre d’une obligation d’affichage environnemental et social applicable à la publicité faisant la promotion de produits textiles d’habillement.

L’amendement CD8 est peut-être le plus important de la série. Il prolonge une proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés défendue le 19 décembre 2019 mais qui n’avait pas été suivie par la majorité – mais, entre-temps, les consciences ont pu évoluer. L’idée est d’expérimenter un « scoring », une certification publique de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Cette notation mettrait en valeur, par exemple, leur absence dans les paradis fiscaux, leur respect de l’égalité hommes-femmes, la diminution progressive de leur empreinte carbone ou encore leur participation à l’économie circulaire – bref, des critères sociaux.

Le monde de l’économie sociale et solidaire (ESS) a réalisé, sur la base des travaux des Journées de l’économie autrement, un scoring qui ressemble furieusement à ce que nous n’avons pas pu, à mon grand regret, inscrire dans la loi. Il est renseigné à 80 % à partir des documents comptables, le reste faisant l’objet d’une simple enquête. Ainsi, la loyauté fiscale et sociale, la contribution au bien-être et le respect de la planète sont notés sur une échelle de 1 à 100. Cela permet de classer les entreprises en rouge, vert et orange – c’est une sorte de Nutri-Score pour les entreprises. Tout le mouvement de l’ESS – je pense en particulier au Centre des jeunes dirigeants d’entreprise – est favorable à cette différenciation qui éclairerait le citoyen, comme consommateur, épargnant et collaborateur potentiel, mais qui permettrait également à l’État de mener des politiques sociales et fiscales modulées.

Il y a un siècle, la comptabilité classique a permis d’augmenter la prospérité par la loyauté des échanges ; je suis persuadé que le fait de connaître la réalité de la contribution sociale et environnementale d’une entreprise serait un levier de changement extrêmement puissant pour notre société. En tout cas, ce serait un acte démocratique tout à fait fondateur.

L’amendement CD13 propose, dans une autre version, un encadrement de la publicité et du marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants, que j’ai défendu tout à l’heure avec le succès que vous savez.

Enfin, j’ai la conviction profonde que la gauche a perdu son âme le jour où, sous l’impulsion d’un ministre de l’économie qui s’appelait Emmanuel Macron, elle a augmenté le nombre de jours d’ouverture des magasins. C’était en 2015, dans un texte préfigurant la loi dite PACTE. Si l’on devait écrire ce qui est la fin d’un récit social, écologique et, j’en ai peur, civilisationnel… (Exclamations.) Puis-je terminer ? Vous pourriez au moins me respecter, d’autant que j’ai fait l’effort de regrouper tous mes amendements.

À l’époque, j’ai échangé avec M. Emmanuel Macron, avec beaucoup de respect, car ce sont des choses dont on peut parler en se respectant, même quand on n’a pas les mêmes opinions. J’étais un des rares, dans le groupe socialiste, à m’opposer à cette décision, ce qui m’a valu d’être tourné en ridicule. Je soutenais que faciliter l’ouverture des magasins le dimanche et les jours patriotiques et religieux, autrement dit les jours fériés, était un abaissement de notre civilisation ; que, dès lors que nous étions entrés dans l’anthropocène, nous devions, au contraire, apprendre à partager, à vivre autrement ; qu’une société ayant une âme, une culture, était aussi capable d’être productive, et qu’il fallait réussir les deux à la fois ; que cette sorte d’abaissement civilisationnel consistant à supprimer les jours communs était une faiblesse énorme qui, sur le plan idéologique, a marqué pour nous le début de la fin. Eh bien, il faut envoyer un signe de renaissance. Je dis qu’il faudrait un jour sans pub, un jour où ni Amazon – ou un autre des GAFA – ni aucune puissance privée ne pourront coloniser nos imaginaires, un jour libéré pour la culture, pour le spirituel, pour le lien, pour le décarboné, pour tout ce qui est le sens et l’essence même de notre vie. Tel est l’objet de l’amendement CD16.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Je soutiens tous ces amendements, à l’exception du dernier, car je ne suis pas persuadé par ce jour sans pub, malgré le brillant plaidoyer que nous venons d’entendre : même ce jour-là, la publicité sera partout, par exemple dans les magazines. Je préfère donc des mesures valables toute l’année.

En revanche, je suis favorable à la généralisation de mentions relatives à la qualité environnementale et sociale dans les publicités pour des produits textiles d’habillement. Merci, cher collègue Potier, de montrer la voie et d’essayer inlassablement de faire avancer cette question évidemment très importante. Avis favorable, donc, à l’amendement CD10.

Il en va de même pour l’amendement CD11. Le consommateur manque d’informations quant à l’impact des produits d’habillement sur l’environnement. L’amendement prend la forme d’une demande de rapport ; ne pas l’adopter serait assez révélateur de l’inaction qui nous caractérise depuis le début de la matinée.

Avec l’amendement CD8, vous réintroduisez le label public RSE que vous aviez défendu dans une proposition de loi. À l’époque, déjà, j’étais plutôt favorable à cette idée, qui va dans le sens de l’histoire.

Je suis plus que favorable, évidemment, à l’amendement CD13, amendement de repli par rapport au CD12, rejeté tout à l’heure. Il demande un rapport sur l’encadrement de la publicité et du marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants.

S’agissant de l’amendement CD14, on pourrait en débattre : faut-il une nouvelle agence pour la régulation de la publicité ou bien ce rôle peut-il être confié à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ou à une autre agence existante ? Quoi qu’il en soit, sur le principe, on voit bien la nécessité de ce que vous demandez.

Je salue votre travail et votre engagement sur ces questions, monsieur Potier.

Mme Véronique Riotton. Je voudrais remettre les choses en perspective. Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser parler de l’inaction de notre commission depuis le début de la matinée. Nous aurions pu déposer trois amendements de suppression et cela aurait été terminé en vingt minutes… Il faut respecter le travail parlementaire qui a été fait aux cours de ces trois heures d’un débat dont je salue la qualité. De même, dans mon propos liminaire, j’ai salué votre travail qui nous permet d’engager l’ensemble des citoyens, de la profession visée et de nos collègues dans ce débat. Nos discussions ont été éclairées et éclairantes.

La Convention citoyenne pour le climat a engagé une dynamique et fait des propositions, sur lesquelles nous allons travailler. Comme le dirait ma collègue Mme Danielle Brulebois, vous faites de la « com’ » sur la question, relayée par des tweets par les associations environnementales. Je conteste votre accusation d’inaction : nous sommes dans une dynamique de travail. Nous allons continuer d’auditionner et de mettre une pression saine sur le secteur publicitaire, car nous partageons l’objectif de transformer la publicité au service de la transition écologique.

Je ne retiendrai qu’une chose de notre réunion de ce matin : je suis ravie de nos débats et du travail que nous avons accompli, et je remercie l’ensemble des collègues d’être restés mobilisés durant ces trois heures. Nous aurons certainement de nouveaux débats en séance. Si, techniquement, nous n’adoptons pas ces articles et amendements, nous n’en poursuivons pas moins le travail.

M. Hubert Julien-Laferrière. Nous voterons les amendements de M. Dominique Potier, même si, j’imagine, ils seront rejetés par la commission, vu l’orientation des votes depuis le début de la réunion.

Il y a vingt ans, j’enseignais le droit constitutionnel, et quand j’expliquais le vote de la loi à mes étudiants, je leur disais que dans l’hémicycle, chacun respecte les consignes de son camp, mais qu’en commission les clivages politiques s’estompent et qu’on se rejoint sur l’intérêt général. Là, je constate une opposition totale à l’article 1er qui vise à ce que l’on enseigne les enjeux liés à la protection de l’environnement ; même chose s’agissant de la demande d’une meilleure lisibilité des informations environnementales – pardon de prendre pour exemple mon amendement. Je trouve cela lunaire et affligeant. Je vais devoir retourner devant les étudiants pour leur dire que je m’étais complètement trompé : en commission, chacun respecte les consignes de son camp et lève la main quand on le lui demande…

Sur le fond, vous soutenez que l’on déposséderait les citoyens d’un choix considéré comme totalement rationnel, au rebours de ce que montrent pourtant toutes les études : la publicité agit sur le système cognitif. Autrement dit, du fait de la publicité, nos choix ne sont pas à 100 % rationnels. Si on accepte l’ensemble des études scientifiques, il faut légiférer. Je constate que vous ne le voulez pas ce matin ; c’est dommage.

M. Dominique Potier. Je remercie Mme Riotton qui, dans sa munificence, n’a pas mis un terme au débat en faisant adopter trois amendements de suppression… Selon moi, débattre, c’est la moindre des choses. En même temps, je veux lui dire que, paradoxalement, même si elle vient de rejeter tout ce que nous proposions, je ne doute pas de sa sincérité et je ne désespère pas.

Lors des débats sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, nous avons réussi à faire inscrire, avec deux voix de majorité, un affichage social et environnemental du textile. Or vous avez eu, avec Mme Brune Poirson, alors secrétaire d’État, la délicatesse de ne pas demander de seconde délibération, et nous sommes maintenant engagés ensemble, avec la ministre Mme Barbara Pompili, pour mettre en œuvre de manière expérimentale cet affichage qui serait une petite révolution dans le monde du textile. Je vous fais donc crédit de votre sincérité, tout en regrettant, évidemment, que nous n’ayons pas obtenu ce matin une ouverture, quelques signes permettant d’engager avec un peu d’espoir la discussion en séance. Nous aurions pu apporter au moins une contribution à la loi future ; malheureusement, je ne vois pas trace de cette construction et de ces débats de fond.

Je félicite pour son travail M. le rapporteur, ainsi que le groupe politique qui a présenté cette proposition de loi. S’agissant de l’amendement CD14, vous avez tout à fait raison : il est mal rédigé. Je ferai mieux pour la séance publique. On pourrait tout à fait confier à l’ADEME, en collaboration avec le ministère de la santé, le soin d’installer des feux rouges indiquant que certaines choses sont interdites car mortifères pour la planète et pour notre société. Il n’est nul besoin pour ce faire d’une nouvelle agence. Moi aussi je suis pour la simplification. Quoi qu’il en soit, on doit sortir du système, proprement stupéfiant, de l’ARPP : il faut remettre la puissance publique au cœur de la vie démocratique.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Que les choses soient claires : je salue moi aussi la qualité de nos débats qui, la plupart du temps, ont été respectueux. Nous avons pu donner nos arguments. Ce que je regrette, c’est l’absence totale d’action : tout a été rejeté en bloc, jusqu’à la plus minime des demandes de rapport.

Mme Riotton disait qu’il aurait été possible de terminer cela en cinq minutes avec trois amendements de suppression. Je croyais pourtant que le groupe LaREM, après avoir agi de la sorte en commission pour les niches d’autres groupes, en avait tiré la leçon et compris que c’était une erreur sur le plan démocratique, qu’il fallait avoir de la considération pour la discussion. Je vous le dis franchement : vous aviez d’autres possibilités. Vous pouviez envoyer quelques petits signaux dont nous nous serions servis pour dire que l’action allait arriver.

Certes, madame Riotton, vous nous trouverez présents, bien sûr, au moment de la traduction législative des propositions de la Convention citoyenne pour le climat : nous vous féliciterons si les dispositions sont au niveau, nous ferons des propositions si elles ne le sont pas et nous les dénoncerons si elles relèvent du « greenwashing », mais je regrette vraiment que vous ayez aujourd’hui tout rejeté en bloc, quel que soit le sujet. Ce n’est pas nous que vous devez convaincre de votre action écologique : ce sont les citoyens. Or, ils vont avoir du mal à comprendre ce que vous avez fait ce matin – et je ne parle pas seulement des 150 personnes qui faisaient partie de la convention citoyenne. Il aurait pourtant été si simple d’envoyer un microsignal d’action sur l’un ou l’autre des thèmes : l’article 1er, par exemple, était parfait pour cela, c’était son objectif. C’est bien dommage, même si cela n’enlève rien à la qualité de nos débats – dont je vous remercie.

M. Vincent Thiébaut. À mon tour de souligner la qualité de nos débats, mais vous venez de dire, cher collègue, que vous auriez aimé travailler avec nous, alors que c’est ce que nous faisons depuis trois ans, avec à la clé de belles avancées, par exemple la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dont il a été fait mention. Si on veut travailler dans la collégialité, encore faut-il, à un moment donné, arrêter de s’opposer : comme je le disais à propos de la biodiversité, il n’y a pas ceux qui sont contre le vivant et ceux qui sont pour sa sauvegarde. Il faut également cesser ces reproches qui sont blessants pour nous, députés de la majorité, qui avons à cœur, et vous le savez très bien, les enjeux de développement durable.

Et puis, à propos de travail en commun, nous examinons actuellement dans l’hémicycle le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP). Certes, vous avez été présent et vous avez défendu vos amendements, mais lorsque nous nous sommes mis à défendre les énergies renouvelables, et particulièrement les éoliennes, vous n’étiez plus là pour les soutenir.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Nous ne sommes que quinze dans notre groupe, et j’étais là jusqu’à vingt-trois heures !

M. Vincent Thiébaut. À un moment donné, il faut être cohérent, cher collègue. Je veux bien qu’on nous fasse des procès mais, pour défendre ses positions et travailler de manière commune au bien-être, notamment s’agissant des objectifs en matière d’énergies renouvelables, encore faut-il être présent. Moi, j’aime bien les gens pragmatiques et factuels.

M. Matthieu Orphelin, rapporteur. Parce que votre président de groupe était en séance hier soir, lui, peut-être ?

La commission rejette successivement les amendements.

La commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

 


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   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Agence de la transition écologique (ADEME)

Mme Valérie Martin, cheffe du service Mobilisation du grand public

M. Pierre Galio, chef du service Consommation et prévention

Ministère de la transition écologique

M. Olivier David, chef du service Climat et efficacité énergétique à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

Mme Marie Olive-Otto, cheffe de bureau de la production et de la consommation responsables à la DGEC

M. Vincent Montrieux, sous-directeur de la qualité du cadre de vie à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

Mme Dorine Laville, cheffe du bureau des paysages et publicité à la DHUP

Cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

M. Didier Hoffschir, conseiller en charge de la recherche agronomique, de l'environnement et du développement durable

M. Julien Blanchet, conseiller social et engagement écologique

Direction générale des entreprises (DGE), ministère de l’économie, des finances et de la relance

M. Geoffroy Cailloux, sous-directeur Services marchands

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ministère de l’économie, des finances et de la relance

M. Paul-Emmanuel Piel, chef du bureau Médias, communications électroniques, secteur culturel et économie de la donnée

Table ronde « médias »

 Syndicat des radios indépendantes (SIRTI)

M. Alain Molina (dit Liberty), président

M. Kevin Moignoux, secrétaire général

 Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV)

M. David Larramendy, président

M. Antoine Ganne, délégué général en charge des relations publiques

 Groupe TF1

M. François Pellissier, membre du comité exécutif en charge des sports et de TF1 Entertainment, président exécutif de TF1 Pub

M. Laurent Bliaut, directeur général adjoint marketing R&D – TF1 Pub

 France Télévisions Publicité

Mme Irène Grenet, directrice générale adjointe

M. Laurent Vaneson, secrétaire général

 Alliance de la presse d’information générale

M. Pierre Petillault, directeur général

 Bureau de la radio

Mme Anne Fauconnier, secrétaire générale des radios du groupe Lagardère

Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)

M. François d’Aubert, président

M. Stéphane Martin, directeur général

Mme Magali Jalade, directrice des affaires publiques et juridiques

Table ronde « Société civile »

 M. Mathieu Jahnich, chercheur-consultant en communication environnementale

 Réseau action climat

Mme Anne Bringault, coordinatrice

 Résistance à l'agression publicitaire

M. Thomas Bourgenot, chargé de plaidoyer

 Membres de la Convention citoyenne pour le climat

M. Sylvain Burquier

Mme Agnès Catoire

M. Matthieu Sanchez

 WWF

M. Jean-Baptiste Crohas, expert en mobilité durable

 Les Amis de la Terre

M. Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France

Table ronde sur l’article 3

 Médiatransports

Mme Valérie Decamp, directrice générale

Mme Alexandra Lafay, directrice déléguée communication, RSE et affaires publiques

 Union de la publicité extérieure (UPE)

M. Stéphane Dottelonde, président

Mme Boutaina Araki, présidente-directrice générale de Clear Channel France

 Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

M. Mehdi Khamassi, chargé de recherche

 Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Dr Claude Gronfier, chercheur titulaire

 Collectif Plein la Vue

Mme Marie-Hélène Lafage, porte-parole du collectif

M. Benjamin Badouard, fondateur du collectif

 M. Eric Piolle, maire de Grenoble

 Résistance à l'agression publicitaire

M. Thomas Bourgenot, chargé de plaidoyer

 Syndicat national de la publicité extérieure (SNPE)

M. Vincent Piot, président

Mme Nathalie Tureau-Mazic, directrice juridique et secrétaire générale

 Exterion Media

M. Jean-François Curtil, membre du comité de direction du SNPE et président de la société Extérion Media France

Table ronde sur l’article 1er

 CGE

M. Denis Guibard, président de la commission développement durable et responsabilité sociétale de la CGE, directeur d'Institut Mines-Télécom Business School

 Réseau français des étudiants pour le développement durable (REFEDD)

Mme Anais Darenes, responsable projets et plaidoyer

 Collectif pour un réveil écologique

Mme Caroline Mouille

Mme Inès Pitavy

 École supérieure de publicité (ESP)

Mme Mélanie Viala, directrice générale

 Sup de pub

Mme Sonia Bennacer, directrice du service carrières de Sup de Pub, relations entreprises & formation executive

Table ronde « Annonceurs »

 Union des marques (UDM)

M. Jean-Luc Chetrit, directeur général

Mme Hanaé Bisquert, responsable des affaires publiques & RSE

 Groupement des marques d’appareils pour la maison (GIFAM)

Mme Camille Beurdeley, déléguée générale

M. Patrick le Devehat, directeur technique

 Comité des constructeurs français d’automobile (CCFA)

M. Nicolas Le Bigot, directeur technique et environnement

Mme Louise d’Harcourt, chargée des affaires parlementaires

 Entreprises pour l’environnement (EPE)

Mme Claire Tutenuit, déléguée générale

M. David Laurent, responsable de pôle Climat et océan

M. Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas

Table ronde « Publicitaires »

 BETC France

Mme Catherine Charrier Emprin, directrice générale

 Agence Sidièse

M. Gildas Bonnel, président

 Association des agences conseils en communication

M. Laurent Habib, président

Mme Marie-Pierre Bordet, vice-présidente

 Publicis

Mme Agathe Bousquet, présidente de Publicis Groupe en France

 Havas Paris

M. Julien Carette, président

Mme Nathalie Pons, directrice générale adjointe en charge de l’engagement et de l’inclusion

MM. Thierry Libaert et Géraud Guibert, auteurs du rapport Publicité et transition écologique

   CONTRIBUTIONS écrites

– Conférence des présidents d’université (CPU)

– Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN)

 


([1]) Publicité et transition écologique, MM. Géraud Guibert et Thierry Libaert, remis au Gouvernement ; Big corpo –  Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique, programme Système publicitaire et influence des multinationales (SPIM) ; Pour une loi Évin climat : interdire la publicité des industries fossiles, Greenpeace France, Réseau action climat et Résistance à l’agression publicitaire.

([2]) Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, thématique « Consommer », famille B : publicité.

([3]) Proposition de loi n° 3256.

([4]) De nombreuses études, plus ou moins fiables, s’intéressent au niveau d’exposition des populations à la publicité. Pour ce qui concerne la France, le chercheur en neuromarketing à l’UCL Arnaud Pêtre estimait dans un article rédigé en 2007 pour Etopia – tout en insistant sur la difficulté de chiffrer réellement ce niveau d’exposition – que les Français étaient exposés chaque jour à environ 1 200 à 2 200 publicités. S’il ne travaille plus sur la question, il a eu l’occasion d’estimer auprès de journalistes que le fort développement connu par Internet depuis ses travaux laisse penser que ce chiffre a augmenté.

([5]) Baromètre unifié du marché publicitaire et de la communication en 2019, France Pub, IREP et Kantar, 18 mars 2020.

([6]) Pour une loi Évin climat : interdire la publicité des énergies fossiles, Greenpeace France, Réseau action climat et Résistance à l’agression publicitaire, juin 2020.

([7]) Baromètre unifié du marché publicitaire, « 1er semestre 2020 vs 2019 », septembre 2020.

([8]) Tim Jackson, Prospérité sans croissance, De Boeck, 2010, page 156.

([9]) Selon le rapport Publicité : pour une loi Évin climat, sur les 2,4 milliards d’euros d’investissements publicitaires plurimédias du secteur automobile en 2019, seulement 5 % étaient consacrés aux gammes de véhicules électriques.

([10]) World Energy Outlook 2019, Agence internationale de l’énergie (AIE).

([11]) Publicité et transition écologique, MM. Géraud Guibert et Thierry Libaert, remis au Gouvernement ; Big corpo –  Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique, programme Système publicitaire et influence des multinationales (SPIM) ; Pour une loi Évin climat : interdire la publicité des industries fossiles, Greenpeace France, Réseau action climat et Résistance à l’agression publicitaire.

([12]) Baromètre de la consommation responsable, GreenFlex et YouGov, septembre 2019.

([13]) Baromètre publicité et société, Australie et TNS Sofres, octobre 2013.

([14]) Observatoire de l’authenticité, Makheia – Occurrence, septembre 2015.

([15]) Sondage de l’institut CSA, mars 2016.

([16]) Démarrés en juin 2020 sous l’égide de Mme Mercedes Erra, présidente de l’Association pour les actions de la filière communication et de M. Franck Gervais, président de l’Union des marques et directeur général Europe du groupe Accor.

([17]) Après une annonce en février, le lancement a été reporté en raison du coronavirus. Les représentants de TF1 ont cependant affirmé vouloir relancer cette gamme et même l’étoffer très prochainement.

([18]) Voir proposition C1.2 de la Convention citoyenne pour le climat. Il s’agit d’élaborer une méthode de calcul harmonisée des émissions de gaz à effet de serre des produits. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a fait un premier pas en ce sens en prévoyant la mise en place d’un dispositif d’affichage environnemental qui serait plus large que le « CO2 score » envisagé par les citoyens.

([19]) Acronyme désignant les quatre grandes firmes américaines dominant le marché du numérique : Google, Apple, Facebook, Amazon.

([20]) Agir sur les comportements nutritionnels - Réglementation, marketing et influence des communications de santé, INSERM, 2017. Ce rapport a notamment insisté sur la difficulté pour les messages du type « mangez, bougez » de contrecarrer les effets néfastes pour la santé provoqués par la communication des produits de mauvaise qualité nutritionnelle ; voir aussi l’étude Les avertissements sanitaires sont-ils efficaces pour lutter contre la consommation excessive d’alcool ? Résumé de la littérature et voies de recherche, Mme Gloria Dossou et Mme Karine Gallopel-Morvan, Journal de gestion et d’économie médicales, 2018, qui met en évidence un effet très limité des avertissements sanitaires concernant la consommation d’alcool sur les intentions et les comportements d’alcoolisation.

([21]) Il s’agissait de deux visuels publicitaires promouvant, pour l’un, l’achat d’un ordinateur portable neuf alors que « mon vieil ordinateur fonctionne encore » et, pour l’autre, d’un grand écran de télévision alors que « je n’ai pas besoin d’un si grand écran ».

([22]) Lettre ouverte du président de l’ADEME, M. Arnaud Leroy, le 2 octobre 2018.

([23]) Depuis juin 2007, l’ADEME et l’ARPP publient régulièrement un bilan du respect des règles déontologiques contenues dans la recommandation « développement durable » de l’ARPP. Ce dixième bilan, portant sur les publicités diffusées en 2019, a été publié en septembre 2020.

([24]) Publicité et nouvelles censures – la publicité bouc émissaire, Conseil de l’éthique publicitaire, 25 août 2020.

([25]) Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.

([26]) Plusieurs modifications législatives ou jurisprudentielles sont depuis venues renforcer ou assouplir cette loi. Votre rapporteur n’estime pas utile d’en faire ici une chronologie précise.

([27]) The impact of tobacco advertising bans on consumption in developing country, Evan Harold Blecher, article dans le Journal of Health Economics, août 2008.

([28]) Cet objectif de valeur constitutionnelle a été affirmé en des termes inédits par la récente décision du Conseil constitutionnel n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020.

([29]) Modélisation et évaluation environnementale de produits de consommation et bien d’équipements, fiche de synthèse sur les résultats écran publicitaire, ADEME.

([30]) L’ADEME donne ces chiffres pour un écran de 2 m².

([31]) Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, RTE, édiction 2019.

([32]) L’indicateur MIPS s’intéresse à la quantité de matière indispensable par unité de service en s’intéressant à cinq types de matières : les matières abiotiques, y compris les matières minérales, les combustions fossiles et les terres extraites ; les matières biotiques ; les mouvements du sol dans l’agriculture et la sylviculture, y compris l’érosion ; l’eau provenant des eaux de surface, des nappes souterraines et des eaux profondes ; l’air en relation avec le processus de combustion et les transformations chimiques et physiques.

([33]) Saccadic eye movements and cognition : trends in cognitive sciences,  MM. Simon P. Liversedge et John  M.  Findlay, 2000.

([34]) Comment fonctionne l’esprit, M. Steven Pinker, Odile Jacob, 2000.

([35]) Emotional scene content drives the saccade generation system reflexively, MM. Lauri Nummenmaa, Jukka Hyönä et Manuel G. Calvo, Journal of experimental psychology : human perception and performance, 2009.

([36]) The effects of screen size and message content on attention and arousal, M. Byron Reeves, Mme Annie Lang Mme Deborah Tatar, M. E Kim, 1999.

([37]) Attitudinal effects of mere exposure, M. Robert Zajonc, Journal of personality and social psychology, 1968.

([38]) Relations between pavlovian-instrumental transfer and reinforcer devaluation, M. Peter Holland, Journal of experimental psychology : animal behavior processes, 2004.

([39]) La Charte de l’environnement a valeur constitutionnelle du fait de son intégration au bloc de constitutionnalité à la faveur de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 (Décisions n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 et 2014-394 QPC du 7 mai 2014).

([40]) Il s’est d’ailleurs traduit avant même une quelconque disposition constitutionnelle ou législative puisque, dès 1977, une circulaire (n° 77-300 du 29 août 1977) donne naissance à l’éducation à l’environnement en France. Celui-ci ne fera ensuite que se développer.

([41]) Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

([42]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([43]) Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

([44]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

([45]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

([46]) L’environnement en France, édition 2019, Commissariat général au développement durable (CGDD).

([47]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

([48]) Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.