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N° 3385

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à créer un congé de parenté égalitaire et effectif,

 

 

 

Par MGuillaume CHICHE,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3290.

 

 

 


–  1  –

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION

A. un dispositif rencontrant un important succÈs

1. Un congé ouvert à tous les pères, rencontrant un large succès

2. Un dispositif dont le succès ne dément pas depuis sa création

B. Un congÉ ParticuliÈrement court, À lorigine de fortes inÉgalitÉs socioprofessionnelles

1. Un congé particulièrement court

a. Un écart significatif avec les congés proposés aux mères

b. Un congé plus court que dans la plupart des pays européens

2. Un dispositif dont le recours varie largement selon la catégorie socioprofessionnelle du second parent

II. RÉformer le congÉ de paternitÉ : un impÉratif de justice et dÉgalitÉ

A. Un congÉ plus juste et plus inclusif

1. Prendre en compte toutes les formes de familles

2. Lutter contre les inégalités socioprofessionnelles face au recours au congé

B. Lutter contre les inÉgalitÉs entre les femmes et les hommes et renforcer le lien entre le second parent et lenfant

1. Protéger la mère et lenfant après la naissance

2. Renforcer le lien entre le second parent et lenfant

3. Lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes

4. Larticle unique de la présente proposition de loi répond à lensemble de ces impératifs en allongeant substantiellement la durée du congé ouvert au second parent

C. Un contexte favorable

1. Une demande sociale forte de réforme du congé de paternité

2. Des entreprises au rôle précurseur

Commentaire de larticle unique

Article unique Transformation du congé de paternité en un congé de parenté plus long et pour partie obligatoire

Travaux de la commission

ANNEXE : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 

 


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INTRODUCTION

« Il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour quils construisent avec leur bébé une relation harmonieuse. »

Ces mots, issus du rapport de la commission d’experts sur les 1 000 premiers jours de l’enfant, rendu le 8 septembre dernier au secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé en charge de l’enfance et des familles, M. Adrien Taquet, soulignent avec force l’importance de la présence des parents lors des premiers mois suivant la naissance de l’enfant.

Cette commission, lancée par le Président de la République en septembre 2019 et présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, recommande ainsi de valoriser les périodes de congés ouverts aux parents après la naissance de leur enfant. Parmi les propositions les plus significatives du rapport, figure notamment l’allongement du congé de paternité à neuf semaines.

Le congé de paternité, ou congé de paternité et d’accueil de l’enfant, fait référence aux onze jours de congés réservés aux pères ou au second parent dans la période qui suit la naissance de l’enfant, indemnisés par la sécurité sociale.

Ce dispositif apparaît aujourd’hui particulièrement peu satisfaisant.

● Par sa faible durée et son caractère facultatif, le congé de paternité tend d’abord à entretenir les inégalités entre les femmes et les hommes, mais aussi les inégalités socioprofessionnelles, pourtant déjà si criantes dans notre société.

Ce congé tend en effet à faire reposer sur les femmes l’essentiel des tâches parentales et renforce l’idée selon laquelle il appartient aux mères de s’occuper des enfants. De même, il favorise la persistance des inégalités professionnelles en faisant reposer entièrement sur les femmes le « risque » de la parentalité et ses conséquences sur la carrière professionnelle.

Par ailleurs, le succès du congé de paternité se heurte à d’importantes inégalités socioprofessionnelles, favorisées par le caractère facultatif du dispositif. Le congé bénéficie ainsi à 80 % des pères qui ont un emploi en contrat à durée indéterminée, contre seulement 48 % des pères dont l’emploi est instable ou précaire ([1]) (en contrat à durée déterminée).

● Trop court, le congé de paternité ne permet pas, en outre, au second parent de bénéficier du temps nécessaire à la construction d’un lien solide avec son enfant dans les semaines après sa naissance. Le dispositif actuel implique par ailleurs que les mères se retrouvent seules quelques jours seulement après leur accouchement, période où elles sont pourtant souvent vulnérables et ont particulièrement besoin du soutien de leur conjoint.

● L’appellation de congé « de paternité » apparaît enfin inadaptée et discriminante, au regard de la diversité des configurations familiales actuelles et alors que ce congé est ouvert aux couples homoparentaux depuis sept ans.

La nécessité de repenser le congé de paternité semble aujourd’hui faire l’objet d’un consensus. En ce sens, votre rapporteur salue les annonces du Président de la République le 23 juillet dernier quant à la réforme prochaine de ce congé et l’allongement de sa durée. Votre rapporteur déplore néanmoins la durée annoncée par le Gouvernement, fixée à vingt-huit jours, dont sept obligatoires, qui perpétue le modèle d’un congé bien inférieur à celui dont dispose la mère, alors même que le rapport de la commission sur les 1 000 premiers jours de l’enfant recommande un congé de neuf semaines pour le second parent. Par ailleurs, ce projet ne répond pas à l’impératif de mieux inclure les nouvelles formes de familles puisqu’il conserve une appellation aujourd’hui véritablement discriminante.

● La réforme du congé de paternité doit se montrer beaucoup plus ambitieuse et répond à un impératif de justice et d’égalité.

C’est pourquoi cette proposition de loi, par son article unique prévoit de renommer le congé de paternité et d’accueil de l’enfant « congé de parenté » et de le faire passer de onze jours à douze semaines, dont huit obligatoires et à treize semaines en cas de naissances multiples.

Une telle réforme est aujourd’hui indispensable. Elle l’est d’autant plus que le dispositif proposé par la France est parmi les moins généreux de l’Union européenne.

Cette réforme touche les enfants, les parents mais également la société toute entière. Elle répond à des attentes fortes des Français et en particulier des plus jeunes générations qui aspirent à des formes de parentalité plus égalitaires.

Il est temps d’agir pour instaurer un congé à la fois plus juste et plus inclusif.

 

I.   Le congÉ de paternitÉ : un dispositif plÉbiscitÉ mais largement insuffisant

A.   un dispositif rencontrant un important succÈs

Le congé de paternité fait l’objet d’un recours conséquent et relativement stable depuis sa création. Le dispositif est par ailleurs largement ouvert et ses conditions d’obtention sont peu contraignantes.

1.   Un congé ouvert à tous les pères, rencontrant un large succès

● Institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ([2]) et aujourd’hui prévu pour les salariés, à l’article L. 1235-5 du code du travail, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant a été mis en place dans l’objectif de favoriser une plus grande implication des pères dans l’éducation des enfants et de renforcer le lien de filiation.

Depuis 2002, les pères bénéficient ainsi d’un droit à congé en cas de naissance d’un enfant, d’une durée de onze jours calendaires consécutifs ou de dix‑huit jours en cas de naissances multiples. Le salarié en congé bénéficie d’une indemnisation versée par la sécurité sociale, dans les mêmes conditions que l’indemnisation prévue pour le congé de maternité par le code de la sécurité sociale. Le coût du dispositif s’élève à 263 millions d’euros en 2017, intégralement pris en charge par la Caisse nationale des allocations familiales ([3]) (CNAF).

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant peut être cumulé avec le congé de naissance, de trois jours, accordé au père et rémunéré par l’employeur. Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant n’est pas obligatoire.

Le congé de naissance

 Institué à la Libération par la loi du 18 mai 1946 ([4]) et prévu à l’article L. 3142-4 du code du travail, le congé de naissance est un dispositif qui accorde aux pères trois jours d’absence à l’occasion de la naissance ou de l’adoption d’un enfant.

 Le congé de naissance est ouvert à tout salarié et ne peut être refusé par l’employeur. Il doit être pris à une date proche de l’événement, fixée en accord avec l’employeur. À la différence du congé de paternité, le congé de naissance est rémunéré par l’employeur, étant considéré comme du temps de travail effectif.

 Le dispositif prévu par la loi fixe des conditions minimales. Des congés plus longs peuvent en effet être accordés pour chacun des congés légaux pour événements familiaux par les conventions ou les accords collectifs d’entreprises ou à défaut, les conventions ou accords de branche.

 Dans la fonction publique, trois jours ouvrables sont également accordés pour une naissance dans les quinze jours « entourant la naissance » ([5]).

●Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant est un dispositif largement ouvert et a été progressivement étendu à de nouveaux bénéficiaires.

– S’agissant des salariés, le dispositif est ouvert à tous, sans conditions d’activité ou de seuils d’effectifs et quelle que soit la nature du contrat de travail qui les lie avec leur employeur.

– Le congé de paternité est aussi ouvert aux fonctionnaires, aux agriculteurs, aux travailleurs indépendants, aux professions libérales et aux demandeurs d’emploi.

Ce congé a par ailleurs été ouvert à de nouveaux bénéficiaires, dans l’objectif de prendre en compte de nouveaux modèles de familles. Dans la lignée de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples et aux personnes de même sexe ([6]), la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ([7]) a rebaptisé le congé de paternité « congé de paternité et d’accueil de l’enfant ». De même, dans un objectif de justice et d’égalité entre les différentes formes de couple, cette loi a ouvert le bénéfice du congé de paternité au conjoint ou à la conjointe de la mère, quel que soit son lien de filiation avec l’enfant.

● Les conditions nécessaires à l’obtention du congé de paternité sont peu contraignantes. Le congé doit être pris dans les quatre mois qui suivent la naissance de l’enfant et pour en bénéficier, le salarié ou le fonctionnaire doit en formuler la demande un mois avant le début du congé.

2.   Un dispositif dont le succès ne dément pas depuis sa création

Le congé de parenté et d’accueil de l’enfant rencontre un important succès depuis sa création en 2002. La dernière étude complète réalisée à ce sujet par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2018 ([8]) indique ainsi qu’en 2016, environ 404 000 pères pour 783 640 naissances, soit sept pères sur dix ([9]) ont pris leur congé de paternité, dans son intégralité. Le dispositif a connu une montée en charge lors de la première année de sa création et fait l’objet d’un recours conséquent et relativement stable depuis 2003.

Évolution du nombre de naissances et du nombre de bÉnÉficiaires du congÉ de paternitÉ, en milliers (2002-2016)

Source : IGAS, juin 2018 : Rapport sur l’Évaluation du congé de paternité. Champ : bénéficiaires de tous régimes, nombre de naissances hors Mayotte.

Ces données correspondent à celles établies par l’enquête « modes de gardes » réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) en 2013. Par ailleurs, selon cette même enquête, en 2013, 85 % des pères déclarant prendre les jours de congés accordés par le congé de naissance les prolongeaient par le congé de paternité.

 

 

 

 

B.   Un congÉ ParticuliÈrement court, À l’origine de fortes inÉgalitÉs socioprofessionnelles

Le congé de paternité français est spécialement court, au regard notamment des dispositifs existant dans les pays européens. Le succès du congé se heurte par ailleurs à d’importantes inégalités socioprofessionnelles.

1.   Un congé particulièrement court

a.   Un écart significatif avec les congés proposés aux mères

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant, d’une durée de onze jours calendaires successifs ([10]) pouvant être cumulés avec le congé de naissance de trois jours, apparaît particulièrement court.

● Avec un congé de quatorze jours maximum proposé au père ou au second parent à la naissance de l’enfant, l’écart avec le dispositif proposé aux mères est très important. Les mères ont en effet à droit à un congé de maternité allant jusqu’à seize semaines, dont huit obligatoires.

● Cet écart est d’autant plus conséquent que les autres dispositifs de congés proposés au père ou au second parent pour l’éducation de leur enfant n’apparaissent pas satisfaisants, malgré les récentes réformes visant à en améliorer l’attractivité. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ([11]) avait ainsi pour visée d’inciter les pères à avoir d’avantage recours au congé parental d’éducation mais s’est traduite en échec. Entre 2014 et 2018, la part des pères percevant la prestation partagée d’éducation pour l’enfant (PreParE), prestation conçue pour indemniser le congé parental est en effet passée de 3 % à seulement 6,2 % et leur nombre a même diminué en valeur absolue ([12]).

Le congé parental déducation et la PreParE

Le congé parental d’éducation (ou congé parental dans le secteur public) est un dispositif créé en 1977 ([13]) et prévu par l’article L. 1225-47 du code du travail permettant aux parents salariés justifiant d’un an d’ancienneté, de cesser totalement ou partiellement leur activité à la suite de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, jusqu’aux trois ans de ce dernier ([14]).

Créée par la loi du 4 août 2014 et succédant au complément de libre choix d’activité (CLCA), la PreParE est une prestation familiale sans conditions de ressources, conçue pour indemniser le congé parental sous forme d’un forfait dont le montant varie selon la quotité de travail et dont la durée de versement dépend du rang de l’enfant.

En conditionnant le versement de la PrePare durant sa durée maximale au partage de la prestation entre les deux membres du couple, la réforme de 2014 entendait inciter les pères à avoir davantage recours au congé parental d’éducation. La réforme constitue néanmoins un échec, plus qu’en 2018, seuls 6,2 % des pères avaient recours à la PreParE.

b.   Un congé plus court que dans la plupart des pays européens

● Les comparaisons internationales montrent que la durée du congé de paternité français est particulièrement courte. Au Québec par exemple, le congé de paternité varie de trois à cinq semaines avec un montant d’indemnisation qui est fonction de la durée et un taux de recours qui a fortement évolué, atteignant 80 % en 2019. La Norvège a quant à elle prévu depuis 1993, un congé parental dont une partie est réservée aux pères et non transférable. La durée de ce « quota paternel » a progressivement été allongée. Depuis 2019, après la naissance de leur enfant, les parents norvégiens ont en effet d’abord droit à deux semaines de congés ensemble, puis le père et la mère bénéficient chacun d’un congé de 15 semaines et enfin, 16 semaines restantes peuvent être réparties selon les modalités choisies par le couple.

À l’échelle de l’Union européenne, le dispositif français apparaît également peu généreux. La majorité des pays européens accordent en effet au minimum deux semaines complètes aux pères à la suite de la naissance d’un enfant (Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Pologne, Bulgarie, Portugal, Chypre), voire au moins quatre semaines (à l’instar de la Finlande, de la Slovénie, de la Lituanie, de l’Espagne et de l’Autriche). Certains pays, comme l’Allemagne, ne disposent pas de congé de paternité en tant que tel mais offrent un congé parental beaucoup plus généreux. Les pères allemands peuvent ainsi prendre un congé parental à la suite de la naissance d’un enfant d’une durée maximale de douze mois pour un seul parent. De même, les Suédois bénéficient d’un congé parental indemnisé d’une durée totale de 480 jours, à répartir entre les deux parents.

 

 

 

DurÉe du congÉ de paternitÉ dans les pays de l’Union européenne en septembre 2020

Durée du congé

Pays

9 semaines (54 jours ouvrables), maximum 18 jours avec la mère, les 36 jours restants doivent être pris lorsque le père est seul avec l’enfant en congé.

Finlande

8 semaines (16 semaines en 2021)

Espagne

4 semaines

Slovénie, Lituanie, Autriche

20 jours

Portugal

15 jours

Danemark, Royaume-Uni, Irlande, Pologne, Bulgarie, République de Chypre

10 ou 11 jours

Suède, France, Belgique, Lettonie, Luxembourg, Estonie

7 jours

Italie, République tchèque

5 jours

Pays-Bas, Hongrie, Roumanie

2 jours

Grèce, Malte

Pas de congé paternité (susceptible de changer avec la directive d’avril 2019)

Allemagne, Croatie, Slovaquie,

Une partie du congé paternité est obligatoire

Portugal (2 semaines), Italie (4 jours)

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale

● Dans la lignée des discussions autour de la directive de l’Union européenne relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants ([15]) adoptée le 20 juin 2019, la tendance est par ailleurs à l’allongement du congé de paternité dans un grand nombre de pays européens. L’Estonie, l’Italie, l’Espagne, la République de Chypre, la Roumanie et la République tchèque ont toutes créé ou rallongé leur congé de paternité en 2017 ou 2018. Depuis 2019, le congé de paternité accordé aux pères en Espagne est de huit semaines ; il devrait être porté à seize semaines en 2021. En Finlande, le Gouvernement a annoncé le 5 février 2020 l’intention d’allonger le congé de paternité, qui atteint la durée de sept mois, et donc la durée du congé de maternité.

La directive du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant léquilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants.

Ce texte, issu d’une proposition de la Commission européenne de 2017, prévoit l’obligation d’un congé de paternité pouvant être pris à la naissance, d’au moins dix jours dans tous les pays européens, rémunéré à hauteur de la prestation de maladie de l’État concerné. Il institue également un congé parental d’au moins quatre mois, dont deux non transférables d’un parent à l’autre, pouvant être pris jusqu’aux huit ans de l’enfant et pour lequel chacun État pourra fixer « le niveau adéquat de rémunération ou dallocation ».

2.   Un dispositif dont le recours varie largement selon la catégorie socioprofessionnelle du second parent

Le dispositif de congé de paternité et d’accueil de l’enfant, qui n’est pas obligatoire, donne lieu à d’importantes inégalités tant son recours varie selon le statut des bénéficiaires potentiels.

Le taux de recours à ce congé est bien plus important parmi les pères ayant un emploi permanent, en contrat à durée indéterminée (80 %) ou parmi les fonctionnaires (88 %), que pour les pères ayant un emploi plus précaire (48 % pour les pères bénéficiant d’un contrat à durée déterminée) ou les demandeurs d’emploi (13 %). Seuls 32 % des travailleurs indépendants ont par ailleurs recours à ce dispositif ([16]).

Les parents dont l’emploi est moins stable sont ainsi moins enclins à prendre leur congé. Pour un père sur quatre, le non-recours au congé de paternité est lié à une « peur de l’employeur » ([17]).

Le non-recours au congé de paternité s’explique également par la peur d’être stigmatisé, notamment par ses collègues. En effet, comme l’a rappelé l’association Parents et Féministes lors de son audition, beaucoup d’hommes craignent que le fait de s’absenter pour s’occuper de leurs enfants apparaisse comme un manque d’engagement dans leur travail. Le succès du congé de paternité se heurte ainsi toujours à une perception sociale peu favorable dans certains milieux professionnels.

Les nombreuses difficultés que pose le congé de paternité justifient plus que jamais une réforme ambitieuse de ce dispositif, dont les modalités sont portées par la présente proposition de loi.

 

 

II.   RÉformer le congÉ de paternitÉ : un impÉratif de justice et d’ÉgalitÉ

A.   Un congÉ plus juste et plus inclusif

Le congé de paternité doit être renommé afin d’en faire un dispositif plus inclusif. Il doit également être rendu pour partie obligatoire, pour qu’il puisse bénéficier à tous les pères ou seconds parents, quel que soit leur statut professionnel.

1.   Prendre en compte toutes les formes de familles

Rebaptisé « congé de paternité et d’accueil de l’enfant » en 2013 et ouvert à la personne qui vit avec la mère, quel que soit son sexe et son lien de filiation avec l’enfant, le congé de paternité a été étendu aux familles homoparentales en 2013 (voir supra).

Le dispositif actuel n’est néanmoins toujours pas satisfaisant au regard de l’impératif d’égalité entre les différents types de familles. En effet la notion de congé « de paternité » induit une hiérarchisation injuste entre les familles et exclut de fait les couples homoparentaux.

Il apparaît ainsi nécessaire de modifier l’appellation de congé de paternité au profit d’une dénomination plus neutre et plus inclusive.

Par conséquent, larticle unique de la présente proposition de loi remplace la notion de congé « de paternité » par celle de congé de « parenté. » Cet article réaffirme par ailleurs l’égalité entre les formes de famille en disposant que le congé de parenté est ouvert à l’ensemble des assurés « quel que soit le genre de la personne concernée ou le mode de conception de lenfant ».

2.   Lutter contre les inégalités socioprofessionnelles face au recours au congé

Alors que le succès du congé de paternité se heurte à d’importantes inégalités socioprofessionnelles (voir supra), il paraît essentiel de rendre une partie de ce congé obligatoire.

Une telle mesure permettrait de protéger le parent de la pression des pairs et de l’employeur. Cette mesure semble en effet indispensable pour renforcer l’acceptabilité sociale et culturelle du congé de paternité et sa normalisation dans l’ensemble des milieux professionnels.

Par conséquent, larticle unique de la présente proposition de loi crée un congé de parenté d’une durée de douze semaines, dont huit au moins sont obligatoires.

B.   Lutter contre les inÉgalitÉs entre les femmes et les hommes et renforcer le lien entre le second parent et l’enfant

Essentielle pour renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes, une réforme du congé de paternité permettrait également de renforcer le lien entre le second parent et l’enfant ainsi que de protéger la santé de la mère et de l’enfant après la naissance.

1.   Protéger la mère et l’enfant après la naissance

Les semaines suivant la naissance de l’enfant constituent une période d’importante vulnérabilité, tant pour la mère que l’enfant.

● Pour la mère, les semaines suivant l’accouchement sont une période particulièrement éprouvante, pouvant s’accompagner d’importants problèmes de santé. Les mères sont en effet susceptibles de souffrir d’inconfort périnatal, de subir une infection ou une hémorragie, ainsi qu’un accident thrombo-embolique. La souffrance psychique des mères est également fréquente puisqu’il est estimé qu’environ 10 à 13 % des femmes souffrent de dépression pré ou postpartum ([18]). Selon le collectif Pour une PArentalité Féministe, entendu le 22 septembre en audition, pour une femme sur deux environ, la maternité s’accompagne d’un effondrement psychique et le suicide est la première cause de mortalité maternelle périnatale. Le fait que la mère se retrouve au bout de onze ou quatorze jours seule à s’occuper de son nourrisson ne lui permet pas de se remettre suffisamment de l’accouchement et de se rétablir dans l’éventualité où elle développerait des problèmes de santé.

● Après la naissance, les nourrissons sont également susceptibles de développer des pathologies nécessitant une surveillance importance et une ré‑hospitalisation. Entre 2 et 4 % des nouveau-nés sont ré-hospitalisés avec un âge moyen de ré‑hospitalisation entre sept et quinze jours.

Il apparaît essentiel que le second parent puisse être présent pour ces périodes éprouvantes pour la mère et l’enfant.

2.   Renforcer le lien entre le second parent et l’enfant

Allonger la durée du congé de paternité est essentiel dans la mesure où la construction d’un lien étroit et durable avec l’enfant nécessite du temps. Le rapport de la commission d’experts sur les 1 000 premiers jours de l’enfant insiste sur la nécessité d’un congé de paternité beaucoup plus long ([19]) pour instaurer une relation sécurisante pour l’enfant. Le rapport indique ainsi qu’en ayant du temps partagé avec leur enfant, « les parents deviennent des figures dattachement sur lesquelles lenfant peut compter pour répondre à ses besoins de protection et réconfort, mais aussi de sécurité pour pouvoir explorer et apprendre ».

Le fait d’allonger la durée du congé de paternité permettrait également de favoriser l’engagement paternel et la qualité de la relation avec le père ou le second parent sur une longue période. Diverses études montrent en effet depuis longtemps que le fait pour le second parent d’être présent au moment des premières semaines après la naissance, renforce son implication sur le long terme, ce qui se traduit positivement dans la socialisation de l’enfant ([20]).

De manière générale, le rapport sur les 1 000 premiers jours de l’enfant insiste sur la nécessité d’une présence parentale importante lors de la première année de vie de l’enfant. L’allongement du congé de paternité constitue dès lors une mesure contribuant à l’intérêt supérieur de l’enfant.

3.   Lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes

● L’allongement du congé de paternité paraît en premier lieu essentiel pour instaurer un plus grand partage des tâches domestiques et parentales entre les femmes et les hommes. L’écart très important relatif à la durée du congé accordé aux pères et aux mères à la naissance d’un enfant, contribue en effet à ce que la mère apparaisse dès le départ comme « l’experte » des questions d’éducation. L’étude réalisée par l’Institut national des études démographiques (INED) ([21]) à la demande de la mission de l’IGAS sur le congé de paternité ([22]) démontre que le fait d’avoir pris le congé de paternité a un effet significatif sur le partage des tâches parentales (change, alimentation, coucher, bain, réveil la nuit et visites médicales).

Lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes dans le domaine de la parentalité passe nécessairement par la mise en place d’un congé pour le second parent dont une partie au moins doit être obligatoire. Pour l’association Parents et Féministes, une telle mesure permettrait de réaffirmer que la paternité est un devoir, au même titre que l’est la maternité. Il n’est en effet pas normal que l’obligation de prendre une partie du congé après la naissance d’un enfant ne soit réservée qu’aux mères.

● Allonger le congé de paternité est en outre indispensable pour mettre fin aux importantes inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. Le fait d’avoir des enfants et de bénéficier d’un congé après la naissance bien plus important que les hommes, désavantage significativement les femmes dans l’évolution de leur carrière.

Il existe en premier lieu une forme de « présomption de maternité » qui joue dès l’embauche, que les femmes souhaitent avoir des enfants ou non.

Par ailleurs, le manque d’implication des pères favorise les interruptions de carrière chez les femmes. Plus d’une mère d’enfants de moins de 8 ans sur deux s’arrête de travailler après la naissance de ses enfants ou réduit temporairement son temps de travail, c’est-à-dire au moins au-delà de son congé de maternité. En comparaison, seuls 12 % des hommes modifient leur temps d’activité au-delà de leur congé de paternité ([23]). Ainsi, l’entrée dans la maternité s’accompagne souvent d’une période d’évolution professionnelle limitée qui ne s’achève qu’après la scolarisation des enfants alors qu’à l’inverse, l’entrée en paternité des hommes tend à s’accompagner d’une évolution professionnelle dynamique ([24]). Allonger le congé de paternité permettrait donc de lutter contre cet état de fait.

4.   L’article unique de la présente proposition de loi répond à l’ensemble de ces impératifs en allongeant substantiellement la durée du congé ouvert au second parent

Larticle unique de la présente proposition de loi répond à ces impératifs de santé publique, de justice et d’égalité, en faisant passer le congé de paternité de onze jours à douze semaines, voire treize en cas de naissances multiples.

L’allongement substantiel de la durée du congé de paternité entend ainsi répondre à l’enjeu de mieux protéger la santé de la mère et de l’enfant dans les semaines suivant la naissance, ainsi que de renforcer le lien durable qui peut exister entre l’enfant et son second parent.

Le passage à un congé de parenté d’une durée de douze semaines, ainsi que le fait d’imposer la prise d’un congé d’au moins huit semaines pour l’autre parent visent en outre à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes, tant dans la sphère domestique que dans la sphère professionnelle. La mise en place d’un congé de douze semaines dont huit obligatoires permettrait en effet d’améliorer la situation des femmes sur le marché du travail, en faisant porter le « risque » de la parentalité sur la carrière professionnelle des deux membres du couple.

 

 

 

C.   Un contexte favorable

Réformer le congé de paternité est d’autant plus urgent que cette réforme fait l’objet d’une attente sociale forte. De nombreuses entreprises ont par ailleurs instauré des dispositifs de congés de paternité plus généreux que ce qui est prévu dans la loi. Il est de notre responsabilité de les accompagner.

1.   Une demande sociale forte de réforme du congé de paternité

Allonger le congé de paternité constitue une demande de plus en plus forte au sein de la population. Ainsi selon l’étude Les Français et les congés de maternité et paternité : opinion et recours ([25]) menée par la DREES, en 2013, 38 % des Français trouvaient le congé de paternité trop court et souhaitaient qu’il soit augmenté.

Une telle réforme est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’une demande majoritairement portée par les plus jeunes, qui seront les premiers concernés dans les années à venir par ce dispositif. Ainsi selon cette même étude, en 2013, 63 % des 18-24 ans souhaitaient un allongement du congé de paternité. Un tiers des moins de 35 ans étaient par ailleurs favorables à ce que le congé de paternité soit obligatoire pour tous les travailleurs.

2.   Des entreprises au rôle précurseur

Les entreprises peuvent prendre des dispositions conventionnelles plus favorables et accorder à leurs salariés des conditions de congés de naissance plus généreuses que ce qu’impose la loi (voir supra).

Les entreprises sont ainsi de plus en plus nombreuses à faire usage de ces dispositions et à accorder des congés plus longs pour les pères ou seconds parents salariés.

● En février 2020, une centaine d’entreprises ont signé une tribune dans le journal Les Echos indiquant qu’elles s’engageaient à proposer un congé d’au moins un mois et rémunéré à 100 % pour le second parent. Aujourd’hui, 377 entreprises ([26]) sont signataires de ce « parental act ».

● Certaines grandes entreprises proposent par ailleurs des congés pour le second parent plus longs que ce que prévoit le dispositif français. Parmi les plus connues d’entre elles, on trouve notamment Ikéa et Microsoft, qui ont respectivement porté la durée du congé de paternité à cinq et six semaines. Le groupe L’Oréal offre ainsi un congé de paternité de six semaines, rémunéré à 100 %, tandis que les entreprises EDF et Danone ont instauré un système permettant de transformer un élément de la rémunération en congé supplémentaire.

Ces exemples confirment la nécessité urgente de réformer le congé de paternité. D’une part, ils témoignent du fait que les entreprises sont aujourd’hui prêtes à accepter un tel changement. D’autre part, ils renforcent davantage encore la responsabilité qu’a le Parlement d’accompagner ces initiatives, en faisant évoluer le dispositif législatif existant.

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   Commentaire de l’article unique

Article unique
Transformation du congé de paternité en un congé de parenté plus long et pour partie obligatoire

Adopté avec modification

 ●Dans sa version initiale, l’article 1er vise à renommer le congé de paternité « congé de parenté » et à allonger sa durée de onze jours et dix-huit jours en cas de naissances multiples, à douze semaines et treize semaines en cas de naissances multiples. Il prévoit également huit semaines de congé obligatoires.

 ●Réécrit par un amendement de rédaction globale, l’article adopté par la commission prévoit un allongement du congé de paternité de onze jours et dix-huit jours en cas de naissances multiples à vingt-cinq jours et trente-deux jours en cas de naissances multiples. Il prévoit  en outre une interdiction d’employer le salarié dans les sept jours qui suivent la naissance de l’enfant. L’appelation de « congé de parenté » figurant dans la proposition de loi initiale n’a par ailleurs pas été retenue.

 

I.   Le droit en vigueur

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant ouvert aux salariés et indemnisé par la sécurité sociale est prévu à l’article L. 1225-35 du code du travail. Un congé aux modalités proches est également ouvert aux fonctionnaires en activité.

1.   Une appellation unique

Le congé ouvert au père ou au conjoint de la mère, à l’occasion de la naissance d’un enfant, est dénommé « congé de paternité et d’accueil de l’enfant ». Cette dénomination est issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 qui a ajouté à l’appellation « congé de paternité » les mots « et d’accueil de l’enfant ». Ce congé est mentionné à plusieurs reprises dans différents codes et lois (voir encadré infra).

Dispositions législatives mentionnant le « congé de paternité » ou les « congés de paternité »

-          À l’intitulé de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II de la première partie ; aux premier, deuxième, troisième et dernier alinéa de l’article L. 1225-35 ; à l’article L. 1225-36 ; au 5° de l’article L. 1142-3, à l’article L. 1225-70, au 3° de l’article L. 1262-4, au 2° de l’article L. 3141-5, aux articles L. 6323-12, L. 6323-28 et L. 6323‑35 et au 3° de l’article L. 8281-1 du code du travail ;

-          Au b du 1° de l’article L. 4138-2 et à l’article L. 4138-4 du code de la défense ;

-          À l’article L. 5553-3 et au 3° de l’article L. 5562-1 du code des transports ;

-          À l’intitulé du titre III du livre III ; à l’intitulé du chapitre Ier ; à l’intitulé de la section 4 du chapitre Ier, au troisième alinéa de l’article L. 331-8, à l’article L. 331-9, au 1° du II de l’article L. 136-8, au 1° de l’article L. 168-7, au 1° de l’article L. 168‑10, aux 7° et 8° de l’article L. 223-1, au 2° de l’article L. 331-9 ; au 1° du II de l’article L. 532-2, au 1° de l’article L. 544-9, au chapitre III du titre II du livre VI, au premier alinéa de l’article L. 646-4 et à la première phrase de l’article L. 712-3 du code de la sécurité sociale ;

-          Au septième alinéa de l’article 22 bis et au premier alinéa du b du 5° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ;

-          Au huitième alinéa de l’article 38 bis et au premier alinéa du b du 5° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

-          Au septième alinéa de l’article 32-2 et au premier alinéa du b du 5° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

-          À l’article 6 de la loi n° 2005-159 du 23 février 2005 relative au contrat de volontariat de solidarité internationale.

2.   Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant ouvert aux salariés

a. Modalités du congé et conditions pour en bénéficier

● Depuis le 1er janvier 2002, l’article L. 1225-35 du code du travail prévoit qu’à la naissance d’un enfant, le père salarié bénéficie d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours calendaires (jours fériés et week-end compris) consécutifs ou de dix‑huit jours en cas de naissances multiples.

Ce congé est également ouvert depuis la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 au « conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle ». Il bénéficie donc aussi au conjoint salarié de la mère de l’enfant, quel que soit son sexe et son lien de filiation avec l’enfant.

● Ce droit s’applique quel que soit le type de contrat de travail et sans condition d’ancienneté dans l’entreprise.

Le salarié qui souhaite en bénéficier doit avertir son employeur au moins un mois à l’avance, en précisant les dates de début et de fin du congé prévu. Si ce délai est respecté, l’employeur ne peut pas s’opposer à la demande du salarié.

Aux termes de l’article D. 1225-8 du code du travail, ce congé doit être pris dans un délai de quatre mois suivant la naissance.

● Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant entraîne la suspension du contrat de travail. Selon l’article L. 1225-36 du code du travail, à l’issue de ce congé, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.

● Ce congé est facultatif. Il peut s’ajouter aux trois jours de congé de naissance rémunérés par l’employeur prévus aux articles L. 3142-1 et L.3142-4 du code du travail dont bénéficient tous les salariés depuis la loi du 18 mai 1946.

● Depuis la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, précisée par le décret n° 2019-630 du 24 juin 2019 relatif à la création d’un congé de paternité en cas d’hospitalisation de l’enfant, lorsque l’enfant nécessite, en raison de son état de santé, une hospitalisation immédiate après la naissance, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant est de droit pendant la période d’hospitalisation, dans la limite d’une durée maximale de trente jours consécutifs.

b. Modalités de versement de l’indemnité du congé de paternité et d’accueil de l’enfant par la sécurité sociale

● Selon l’article L. 331-8 du code de la sécurité sociale, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant donne lieu au versement par la caisse d’assurance maladie à laquelle le salarié est affilié, d’indemnités journalières dont les conditions d’ouverture et les modalités de calcul sont fixées de la même manière que celles versées pendant le congé de maternité prévu à l’article L. 331-3 du code de la sécurité sociale. Ces indemnités sont versées durant la durée légale du congé de paternité, c’est-à-dire durant onze jours ou dix-huit jours en cas de naissances multiples.

● S’agissant des conditions d’ouverture de ces indemnités, pour percevoir une indemnisation, l’assuré doit :

– prendre son congé dans les quatre mois suivant la naissance de l’enfant, sauf en cas d’hospitalisation de l’enfant où le congé est de droit dans la limite d’une durée maximale de trente jours consécutifs.

– être immatriculé à la sécurité sociale depuis au moins dix mois à la date du début du congé.

– avoir travaillé au moins 150 heures au cours des trois mois précédant le début du congé (ou avoir cotisé sur un salaire au moins équivalent à 1 015 fois la valeur du smic horaire au cours des six derniers mois précédant le congé, soit aujourd’hui 10 302,25 euros).

– cesser toute activité salariée.

● L’article R. 331-5 du code de la sécurité sociale prévoit que le montant des indemnités journalières est calculé selon les modalités suivantes :

– calcul du salaire journalier de base : il s’agit de la somme des trois derniers salaires bruts perçus avant la date d’interruption du congé, dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale de l’année en cours (3 428 euros au 1er janvier 2020), divisée par 91,25 ;

– à ce salaire journalier de base, est appliqué un taux forfaitaire de 21 %, correspondant à la part salariale des cotisations d’origine légale ou conventionnelle.

Dès lors, le montant des indemnités journalières ne peut être inférieur à 9,63 euros par jour et supérieur à 89,03 euros par jour.

● Cette indemnité n’est pas cumulable avec l’indemnisation des congés maladie et d’accident du travail, ni avec l’indemnisation par l’assurance chômage et ou le régime de solidarité. Des dispositions collectives peuvent cependant prévoir des conditions d’indemnisation plus favorables que celles de la sécurité sociale, pouvant aller jusqu’au maintien intégral du salaire.

3.   Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant prévu pour les agents publics

Les agents des fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière ainsi que les contractuels bénéficient également d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant, prévu à l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, à l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ainsi qu’à l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

● Ce congé est relativement proche dans ses modalités du congé prévu pour les salariés dans le code du travail :

– la durée et les bénéficiaires du congé sont similaires. Le père fonctionnaire ou contractuel en activité ou le conjoint fonctionnaire ou contractuel de la mère, quel que soit son sexe et son lien de filiation avec l’enfant, peut en effet bénéficier d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant d’une durée de onze jours ou dix‑huit jours en cas de naissances multiples ;

– le congé doit également être pris dans les quatre mois suivant la naissance de l’enfant et la demande de congé doit être formulée au moins un mois avant la date de début du congé ;

– à l’expiration du congé, le fonctionnaire est réaffecté de plein droit dans son ancien emploi. Dans le cas où celui-ci ne peut pas lui être proposé, le fonctionnaire est affecté dans un emploi équivalent, le plus proche de son ancien domicile.

● Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant dont disposent les agents publics comporte néanmoins quelques particularités :

– à la différence du père salarié, le père fonctionnaire a la possibilité de fractionner son congé en deux périodes, dont une d’au moins sept jours ;

– le père fonctionnaire peut effectuer sa demande de congé moins d’un mois avant le début du congé, s’il établit l’impossibilité de respecter ce délai ;

– les modalités de calcul de l’indemnité versée sont également différentes. Les fonctionnaires et les contractuels ayant au moins six mois de service voient leur rémunération (traitement indiciaire, indemnité de résidence, supplément familial de traitement et la nouvelle bonification indiciaire) maintenue en intégralité pendant le congé. Les contractuels ayant moins de six mois d’ancienneté ne disposent en revanche que des indemnités journalières de la sécurité sociale.

– seuls les pères ou conjoints contractuels ont la possibilité de bénéficier d’un congé de paternité supplémentaire en cas d’hospitalisation de l’enfant après la naissance.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article vise à réformer le congé de paternité au profit d’un dispositif plus généreux, plus juste et plus inclusif.

Le I remplace dans l’ensemble des dispositions législatives (voir encadré supra), la dénomination de « congé de paternité » (ou congés de paternité au pluriel) par celle, plus neutre, de « congé de parenté » (congés de parenté au pluriel). Cette nouvelle appellation entend prendre en compte la réalité de la diversité des familles qui composent aujourd’hui notre société.

Le II étend la durée du congé de paternité pour tous les salariés et en rend une partie obligatoire. Il modifie l’article L. 1225-35 du code du travail en faisant passer le congé de onze jours consécutifs et dix‑huit en cas de naissances multiples, à douze semaines consécutives et treize en cas de naissances multiples. Il prévoit en outre que le salarié doit obligatoirement prendre huit semaines de ce congé. Ces mesures entendent permettre un rééquilibrage en faveur de l’égalité professionnelle avec un congé de parenté plus long et dont une partie est obligatoire, à l’instar du congé accordé aux mères après la naissance d’un enfant.

Le II réaffirme en outre que ce congé bénéficie à l’ensemble des familles et notamment aux familles homoparentales en disposant que « ces dispositions sont applicables à lensemble des assurés, quel que soit le genre de la personne concernée ou le mode de conception de lenfant ».

Le III établit les conditions d’indemnisation de ce nouveau congé par la sécurité sociale, selon les mêmes modalités que le dispositif précédent. L’indemnité journalière prévue pour le congé de parenté est versée pendant une durée maximale de douze semaines, ou treize semaines en cas de naissances multiples, dont huit obligatoires. La présente proposition de loi estime que le congé de parenté devrait représenter pour la CNAF un coût d’environ 2,4 milliards d’euros, sur la base de huit semaines de congé obligatoires (pour lesquelles le taux de recours serait de 90 %) et de quatre semaines facultatives (pour lesquelles le taux de recours serait équivalent au taux actuel, soit environ 70 %).

Le III réaffirme également que l’indemnité journalière versée pour le congé de parenté est versée à tous les assurés, prenant de nouveau en considération la réalité des sociologies familiales diverses.

Les IV, V et VI étendent les dispositions du nouveau congé de parenté mentionnées précédemment aux agents de la fonction publique de l’État, à ceux de la fonction publique territoriale et à ceux de la fonction publique hospitalière.

Les VII, VIII et IX prévoient un mécanisme de compensation des pertes de recettes et des charges qui résulteraient, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, de l’adoption de l’article unique de la présente proposition de loi. Cette compensation reposera sur l’augmentation à due concurrence des droits pesant sur le tabac, mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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   Travaux de la commission

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9555635_5f7431bf35677.commission-des-affaires-sociales--renforcer-le-droit-a-l-avortement--creer-un-conge-de-parente-ega-30-septembre-2020

Au cours de sa première séance du mercredi 30 septembre 2020, la commission des affaires sociales a examiné la proposition de loi visant à créer un congé de parenté égalitaire et effectif (n° 3290) (M. Guillaume Chiche, rapporteur).

M. Guillaume Chiche, rapporteur. C’est un réel plaisir de venir vous présenter une proposition de loi que j’ai déposée avec le groupe Écologie Démocratie Solidarité et qui vise à améliorer le congé de paternité.

L’article unique de cette proposition de loi propose de modifier à la fois la forme et le fond du dispositif instauré en 2002. Depuis cette date, en plus de trois jours d’absence autorisés dont bénéficient l’ensemble des salariés lors de la naissance d’un enfant, les pères se sont vu accorder un congé de paternité de onze jours, voire de dix-huit jours en cas de naissances multiples.

Contrairement à ce que sous-entend la sémantique actuelle, le congé de paternité ne concerne pas uniquement les hommes : depuis la loi de 2013, le parent qui ne porte pas l’enfant peut être une femme et donc en bénéficier. La dénomination « congé de paternité » est donc devenue impropre dans une société où l’égalité effective est constamment recherchée. D’autant plus qu’à la faveur de la première lecture du projet de loi relatif à la bioéthique, nous avons adopté l’ouverture à toutes les femmes de l’aide médicale à la procréation. Dès lors, il est délicat d’affirmer que la parentalité conserve une exclusive de genre, de sexe ou d’orientation sexuelle dans notre droit positif. C’est pourquoi le premier volet de cette proposition de loi vise à donner au congé de paternité la dénomination plus inclusive de « congé de parenté », de sorte que l’ensemble des parents soient reconnus comme tels.

Outre la terminologie, la proposition de loi s’attelle à repenser le fond du congé de paternité en l’allongeant de façon significative : à douze semaines en cas de naissance simple, à treize semaines en cas de naissances multiples. Une partie de ce congé serait obligatoire, pour une durée de huit semaines qui devraient nécessairement être prises dans les quatre mois suivant la naissance. Le caractère obligatoire nous paraît essentiel dès lors que plus de 30 % des pères ne recourent pas actuellement au congé de paternité auquel ils ont droit.

Le congé de paternité tel que nous le connaissons entraîne des disparités sur le marché du travail entre les femmes et les hommes ainsi qu’au sein de la sphère privée ; il apparaît fondamental de le réformer en instaurant une égalité réelle, tant sur le plan professionnel que sur le plan privé.

L’allongement du congé de parenté a pour finalité de créer une meilleure répartition au sein des couples de la charge mentale, physique et organisationnelle liée au mode de garde lors de l’arrivée d’un enfant, le plus souvent assumée exclusivement par la personne qui accouche. Aujourd’hui encore, une femme sur deux arrête de travailler ou passe à temps partiel dès l’arrivée du premier enfant ; selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, les femmes gagnent toujours, en moyenne, 20 % de moins que les hommes, à compétences et à poste égaux. Le dispositif proposé permettrait de supprimer les fractures professionnelles dont souffrent de nombreuses femmes, et qui peuvent avoir des conséquences sur leur pouvoir d’achat au moment de la retraite, l’objectif étant d’aider l’ensemble des salariés et des fonctionnaires à concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle.

Cette proposition de loi aiderait à la fois à mettre un terme aux discriminations à l’embauche que les femmes subissent du fait de la capacité que leur sexe leur confère de porter un enfant, mais également à aplanir l’ensemble des inégalités qui existent entre les femmes et les hommes. Ainsi, selon le baromètre de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques publié en janvier 2019, la majorité des parents d’enfants de moins de 3 ans trouvent que le congé de paternité est trop court ; ils sont 63 % à souhaiter le voir allongé. De nombreuses entreprises ont pris les devants pour leurs salariés. Les employés d’Ubisoft et de L’Oréal ont ainsi droit à un mois de congé de paternité, et le groupe Aviva a porté à dix semaines ce congé. De leur côté, les organisations syndicales de salariés se sont unanimement prononcées en faveur d’un allongement de la durée du congé de paternité, dans une déclaration à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes en 2018.

Hormis les aspects d’égalité entre femmes et hommes, il importe de souligner que plus le congé de paternité est long, plus la sensibilité du père ou de la conjointe à l’enfant est grande. Dans le rapport que lui a commandé l’exécutif, qui aborde l’épanouissement et le développement de l’enfant, Boris Cyrulnik indique ainsi qu’il serait opportun d’allonger le congé de paternité à neuf semaines.

De fait, les comparaisons internationales mettent en évidence la brièveté relative du congé de paternité français. On peut même affirmer que la France connaît un important retard par rapport à ses voisins européens, nombreux à faire le choix d’étendre ce congé : en Espagne, il est passé à sept semaines ; les pères ont droit à cinquante-quatre jours de congés payés en Finlande et à dix semaines minimum en Norvège. Ces congés sont intégralement indemnisés, ce que préconise aussi cette proposition de loi. Il est en effet essentiel que les modalités d’indemnisation du congé de parenté continuent d’être alignées sur celles du congé maternité, à savoir une prise en charge intégrale par la sécurité sociale.

Le coût des dispositions contenues dans la proposition de loi est estimé à 2,4 milliards d’euros, sachant qu’en 2019, la branche famille était excédentaire de 1,5 milliard d’euros. Selon moi, nous aurions tout intérêt à utiliser ces excédents pour allonger le congé de parenté ici proposé plutôt que pour alimenter la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui vient d’être alourdie par le transfert de la « dette covid ».

Je termine mon propos en saluant l’engagement d’une grande partie des groupes. J’ai remarqué, à la faveur des amendements qui ont été déposés, qu’une grande partie d’entre vous est favorable à l’allongement du congé de paternité. Je m’en réjouis grandement pour l’égalité entre les femmes et les hommes et pour l’intérêt des enfants.

Mme Michèle Peyron. Je me réjouis, au nom du groupe La République en Marche, de débattre aujourd’hui de la réforme du congé de paternité et de l’accueil des enfants. Cette question est primordiale, car elle touche aussi bien au développement de l’enfant dans ses tout premiers jours qu’à la définition de la place du père ou du second parent, à la répartition des tâches au sein du couple ou encore à l’évolution de carrière des parents.

La présente proposition de loi envisage une augmentation substantielle de l’actuel congé de paternité pour le faire passer de onze jours à douze semaines, dont huit semaines obligatoires, et de dix-huit jours à treize semaines en cas de naissances multiples. Si les députés de notre groupe accueillent favorablement le principe de l’allongement du congé de paternité, nous considérons cette proposition comme irréalisable à ce stade. Une telle durée ne recueille pas de consensus auprès de l’ensemble des parents ni des associations de familles. L’Union nationale des associations familiales (UNAF) a ainsi fait part, lors des auditions, de sa crainte que cette mesure, dont le coût est estimé à plus de 2 milliards d’euros, au moins, par an, ne pénalise d’autres actions de notre politique familiale. Notre groupe a donc déposé un amendement visant à récrire l’article unique et traduisant l’engagement du Président de la République du 23 septembre dernier d’allonger le congé de paternité de onze à vingt-cinq jours, dont sept jours obligatoires. Nous estimons, en effet, que la proposition présidentielle trouve un bon équilibre, en phase avec les attentes des scientifiques et de la société. C’est, en tout cas, une première étape importante : sans clore le débat, elle pose le premier jalon d’une réforme plus profonde des congés familiaux et du congé parental en particulier, comme le suggèrent les travaux de la commission sur les 1000 premiers jours, présidée par Boris Cyrulnik.

Si cette proposition de loi nous donne l’occasion d’un premier échange sur la réforme du congé de paternité, ce débat doit se poursuivre de manière plus approfondie dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), dans son volet dédié au financement des prestations familiales. Ce sera, pour nous, l’occasion de faire de nouvelles propositions.

M. Stéphane Viry. Le groupe Les Républicains est profondément attaché à toutes les questions familiales et à la cellule familiale en général. Particulièrement maltraitée sous le quinquennat de François Hollande, la famille demeure, sous le présent quinquennat, le parent pauvre de certaines politiques publiques, alors même qu’elle est essentielle au pays dans ces périodes compliquées et pour l’avenir.

La présente proposition de loi me semble un peu baroque en ce qu’elle tente de provoquer un débat sociologique avec un article unique, en le réduisant, qui plus est, à une question sémantique à travers la substitution du congé de parenté à celui de paternité.

Le congé de paternité a trouvé sa place dans la société. Une nouvelle formule devrait reposer sur le choix laissé aux familles, aux couples parentaux de décider librement lequel des deux parents va s’occuper davantage de leur enfant. Nous serions favorables à un dispositif beaucoup plus souple. Je crois d’ailleurs avoir observé que le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge préconise effectivement de ne pas imposer, de ne pas être dans un champ obligatoire. Avec votre dispositif, vous enfermez, vous encadrez.

J’ai noté que le Président de la République avait annoncé récemment le doublement du congé de paternité, cette proposition faisant suite au rapport sur les 1000 premiers jours. Nous sommes favorables à l’évolution du dispositif législatif, et nous arrêterons la position de vote de notre groupe en fonction des débats, que nous ne souhaitons pas limités à la sémantique. De ce point de vue, d’ailleurs, la dénomination « congé de paternité » nous semble plus lisible.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés est d’accord avec l’impérieuse nécessité d’étendre le congé de paternité, pourvu que cette extension se fasse dans un cadre bien défini, par le véhicule législatif adapté et de manière raisonnée et concertée. Or l’étendue du dispositif ici proposé apparaît peu réaliste du point de vue de sa soutenabilité pour les finances publiques, et pour les entreprises qui devraient s’adapter.

Notre groupe partage l’idée de droits ouverts à toutes les familles sans discrimination, mais il souhaite conserver la notion de paternité afin de maintenir la lisibilité des dispositifs familiaux. Il s’agit d’avancer par étapes. Une évolution de la terminologie nous paraîtrait indispensable si celle-ci contrevenait à l’égalité des droits. Dans la mesure où elle est proposée pour mieux prendre en compte la diversité des modèles familiaux, elle mériterait une plus ample réflexion, une étude d’impact détaillée et une concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

Le groupe MoDem et Démocrates apparentés ne votera donc pas ce texte dans sa rédaction actuelle mais proposera, avec l’ensemble des groupes de la majorité, un amendement retranscrivant les annonces du Gouvernement : extension du congé de paternité à vingt-huit jours, à raison de trois jours de congé de naissance financés par l’employeur et vingt-cinq jours pris en charge par la sécurité sociale, et instauration d’une fraction obligatoire de sept jours afin d’en assurer l’effectivité.

Même si le vecteur législatif que constitue une proposition de loi n’est, de toute évidence, pas adapté, il s’agit d’affirmer le soutien de la majorité à l’action menée par le Gouvernement, qui sera effective dans le prochain PLFSS.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous sommes favorables à cette proposition de loi visant à prolonger le congé de parenté et à le rendre égalitaire et effectif. Cependant, nous avons quelques interrogations sur l’étude d’impact qui a pu être faite et dont nous n’avons pas connaissance.

Allonger la période de congé est une bonne chose, mais le plus important nous paraît être la période obligatoire, sachant que, sans cette obligation, ce congé n’est pas pris dans nombre d’entreprises. La dernière proposition de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est de six semaines obligatoires. Nous sommes pour le renforcement de la période obligatoire.

M. Paul Christophe. Le rapport de la commission d’experts, dirigée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, sur les 1000 premiers jours de l’enfant souligne l’importance de la présence parentale dans les premiers temps de l’enfance, expliquant que l’enfant est en développement constant sous la pression de son milieu. Pour mieux protéger les enfants, il est donc primordial de mieux accompagner les parents en leur accordant du temps. Du temps pour être disponible pour leur famille, pour créer une relation harmonieuse avec leur enfant ; du temps pour tenter de lutter contre les inégalités de destin.

Outre qu’elle offrirait du temps, la proposition de loi contribuerait à diminuer les inégalités femmes-hommes. L’allongement du congé de paternité permettrait d’agir sur la discrimination indirecte qui affecte les mères qui travaillent. L’implication du second parent et sa responsabilité pourraient ainsi être plus conséquentes, contribuant à l’équilibre des rôles au sein de la famille. Cela va dans le bon sens, et je salue l’engagement du Gouvernement, en la personne d’Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, de traduire cette volonté dans le prochain PLFSS ainsi que dans les prochains textes en faveur de l’aide sociale à l’enfance.

Notre groupe Agir ensemble a décidé de soutenir et cosigner l’amendement de la majorité récrivant l’article unique de la proposition de loi afin d’y inscrire l’engagement présidentiel d’allonger le congé de paternité de onze à vingt-cinq jours en s’appuyant sur les conclusions de la commission Cyrulnik. Nous pensons, nous aussi, que l’allongement du congé est une évolution majeure pour notre société, mais nous émettons des réserves sur votre traitement sémantique de la notion de parentalité. À l’unisson de notre collègue Stéphane Viry, nous restons interrogatifs sur l’introduction de ce débat par le biais d’une proposition de loi.

Mme Valérie Six. La proposition de loi du groupe Écologie Démocratie Solidarité vise à allonger le congé de paternité, qui serait renommé « congé de parenté ». Certes, le groupe UDI et Indépendants partage l’affirmation de Boris Cyrulnik dans son rapport sur les 1000 premiers jours de l’enfant qu’il faut « du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour quils construisent avec leur bébé [une] relation harmonieuse ». Pour autant, il ne peut soutenir l’extension à douze semaines du congé de paternité, car le coût pour les finances publiques en serait colossal : au moins 2,4 milliards d’euros, si l’on se réfère à un rapport de l’IGAS datant de juin 2018, estimant le coût d’un congé de paternité de six semaines à 1,2 milliard d’euros.

L’annonce faite mercredi dernier par le Président de la République que la durée du congé de paternité serait portée à vingt-huit jours, dont sept obligatoires, nous paraît une réforme bien plus raisonnable, sur laquelle nous aurons à nous prononcer dans le cadre du PLFSS. Plus qu’une obligation formelle, elle s’accompagnerait d’incitations renforcées.

Seuls 67 % des pères ont recours au congé de paternité tel qu’il existe aujourd’hui. Ce chiffre n’a que très peu évolué depuis que le dispositif a été créé, et il dissimule de fortes inégalités sociales : 88 % des salariés en contrat à durée indéterminée prennent ce congé, contre moins de 48 % de ceux en contrat à durée déterminée. Assortir le congé de paternité d’une période obligatoire paraît indispensable, tant les chiffres démontrent que la jouissance du congé dépend de la stabilité du contrat de travail.

Si nous sommes défavorables à la proposition de loi, trop coûteuse, nous soutiendrons, en revanche, l’amendement du groupe La République en Marche tendant à allonger le congé de paternité d’une manière bien plus raisonnable, et nous attendons les débats, imminents, du PLFSS 2021.

Mme Caroline Fiat. Je me réjouis qu’une telle proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour, car l’allongement du congé d’accueil de l’enfant est une bonne chose pour les enfants, pour les familles et pour la société.

Les nourrissons ont besoin des soins de leurs deux parents au cours de leurs premiers jours. C’est indispensable pour leur développement et pour leur bien-être, comme pour le développement de liens affectifs précoces avec les deux parents. C’est un bienfait pour l’équilibre des familles, car ainsi les deux parents peuvent apprendre ensemble les gestes liés aux soins de l’enfant, sans que l’essentiel repose sur la mère. Le partage des tâches et de la charge mentale est bien plus équilibré quand les deux parents ont l’opportunité de s’occuper de l’enfant. Enfin, c’est un bienfait pour la société, car cela contribuera à réduire l’inégalité entre les hommes et les femmes vis-à-vis de la naissance d’un enfant.

Je salue également le changement de nom du congé, qui vise à s’adapter à la réalité des familles d’aujourd’hui.

Un amendement vient d’être déposé pour changer complètement – comme d’habitude – un texte présenté dans le cadre d’une « niche » d’un groupe d’opposition. S’agissant du nom du congé, « parentalité » veut dire quelque chose, et « paternité » autre chose. Le groupe La France insoumise défendra des amendements visant à revenir au texte initial du groupe EDS.

Mme Martine Wonner. Le choix des mots et leur sens sont très importants. Rien que la modification de la terminologie utilisée est un aspect fondamental : la diversité des familles va enfin être prise en compte, sans que cela entraîne le moindre flou, bien au contraire. Parler de congé de « parenté » est totalement légitime. Le groupe Libertés et Territoires a souligné à plusieurs reprises, notamment dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, que le législateur devait mieux prendre en compte la totalité des familles.

Par ailleurs, un congé de parenté plus long sera bénéfique pour les enfants et pour les parents. Le rapport sur les 1000 premiers jours de l’enfant recommande un allongement du congé de paternité pour construire une relation très harmonieuse avec les bébés. Dans les faits, l’actuel congé de paternité n’est utilisé que dans 67 % des cas – on y a donc recours d’une manière inégale.

Mon groupe est tout à fait favorable à cette proposition de loi, plus ambitieuse que ce que le Gouvernement envisage. Le texte qui nous est soumis permettra notamment de réduire les inégalités, ce qui est vraiment un objectif à atteindre.

M. Pierre Dharréville. Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, cette proposition de loi va dans le bon sens. Nous avons demandé à plusieurs reprises que le congé de paternité soit allongé. La proposition de loi que nous avons déposée en juin 2020 tendait à porter sa durée à quatre semaines. Il nous paraît nécessaire de donner plus de temps au papa lors de la naissance d’un enfant, et plus généralement à l’ensemble des parties prenantes d’un couple. Nous partageons donc l’esprit de ce que vous avez proposé, monsieur Chiche. Un récent rapport, remis par Boris Cyrulnik, a montré la nécessité d’avancer en la matière.

Vous proposez d’allonger le congé de paternité à douze semaines, et je crois qu’il est effectivement nécessaire d’établir une forme d’obligation, sans quoi le dispositif n’aura pas la même efficacité. Il s’agit de lutter pour une transformation des mentalités, une meilleure égalité entre les femmes et les hommes. On sait que les premiers moments de l’accueil d’un enfant sont décisifs pour les habitudes, les pratiques, les liens qui s’instaurent ensuite au sein du couple. Il faudrait peut-être que l’on réfléchisse aussi à un allongement du congé de maternité, mais c’est un autre débat.

Mme Delphine Bagarry. Par cette proposition de loi, le rapporteur met au cœur de nos débats la question du bien-être de l’enfant et de ses parents. Il s’agit de corriger les nombreuses inégalités introduites par le congé de paternité tel qu’il a été créé en 2002 : en donnant du temps, nécessaire pour établir un lien entre un parent et son enfant, ce qui favorise le développement social, cognitif et affectif de ce dernier ; en proposant une nouvelle dénomination à ce congé pour prendre en compte la diversité des familles.

L’allongement du congé de parenté a aussi pour objectif d’instaurer une égalité réelle, aussi bien sur le plan professionnel que dans la sphère familiale. Il existe, en effet, de fortes inégalités socioprofessionnelles : le congé de paternité reste trop souvent un congé « CSP+ ». Sur le plan privé, la situation actuelle n’incite pas le second parent, lors de l’arrivée d’un enfant, à s’investir de la même façon dans la vie familiale, l’essentiel des charges domestiques de la vie commune reposant sur la femme qui a accouché.

L’intérêt supérieur de l’enfant est au centre de cette proposition de loi. S’appuyant sur les travaux dirigés par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, celle-ci constitue une invitation à légiférer sur la manière dont nous façonnons nos enfants. Ils ont une appétence sociale dès la naissance, et leur comportement s’organise en fonction de leur environnement, dont dépendent fortement les capacités d’apprentissage. Enfin, la création d’un lien, d’un attachement fort se fait dès les premiers jours.

Le groupe Écologie Démocratie Solidarité se réjouit de cette proposition de loi qui s’inscrit dans son engagement pour une société moderne, progressiste et égalitaire. Nous serons favorables aux amendements allant dans le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant, considérant que « sage est le père qui connaît son enfant ».

M. Bernard Perrut. Nous sommes tous attachés à la famille et aux valeurs familiales. Tout ce qui peut permettre aux parents d’avoir du temps pour s’occuper de leurs enfants ne peut être que bénéfique. Il a été prouvé que l’engagement du père a des effets positifs sur le développement du bébé et que sa présence est importante pour soutenir la mère, dans une période où elle a besoin d’être entourée, notamment dans les tâches quotidiennes, et pour diminuer le risque d’épuisement psychique, de dépression, qui peut exister. Je tiens également à souligner le rôle de l’éducation parentale, dans laquelle le père et la mère ont tous deux une place essentielle.

Je m’interroge, comme beaucoup de collègues, sur la modification du nom du congé. La parenté, selon le dictionnaire, est la relation entre deux personnes appartenant à la même famille. Ce n’est pas tout à fait la même chose que la parentalité. Souhaitez-vous aller vers un nouveau modèle, tel celui de la Norvège ou de la Suède où la conception de l’égalité hommes-femmes est autre, ou bien avez-vous d’autres idées ? Dites-le nous très franchement.

Je m’interroge aussi sur le financement. Ce que vous proposez aurait un coût énorme pour la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) : il est question de plus de 2 milliards d’euros pour huit semaines de congé obligatoires et quatre semaines facultatives. Comment pourrions-nous faire face à cette charge ? Avez-vous une étude d’impact qui nous permettrait de connaître le coût de votre proposition et ses conséquences pour les entreprises ? Même si certaines d’entre elles ont montré l’exemple en adoptant des mesures particulières pour les familles, il y aurait un coût et des difficultés. Nous avons donc besoin, monsieur le rapporteur, de précisions supplémentaires. Nous ne doutons pas de votre bonne volonté, mais le sujet n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser.

Mme Fiona Lazaar. Merci, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi. Je me réjouis que l’on augmente, enfin, la durée du congé de paternité. Je tiens aussi à rappeler que nous avons permis, au cours de ce mandat, aux indépendantes et aux agricultrices d’avoir un congé de maternité. Ce sont d’excellentes mesures pour aller vers davantage d’égalité entre les femmes et les hommes et pour assurer un meilleur développement des enfants et des familles.

Cela étant, je reste convaincue que nous devrions prendre le temps d’une réforme un peu plus structurelle des congés liés à la parentalité, en gardant en tête les mêmes objectifs : le développement de l’enfant et l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous devions conduire une mission sur ce sujet avec Caroline Fiat, mais nous en avons été empêchées par les circonstances sanitaires. Je crois que nous devrions remettre la question sur la table d’ici à la fin de la législature.

M. Thibault Bazin. Je me demande si, dans le cadre de votre « niche » parlementaire, c’est de votre proposition de loi que nous allons discuter ou du projet du Gouvernement. Dans la mesure où l’amendement de la majorité la réécrit totalement, ce ne sera plus votre texte... La majorité veut utiliser votre véhicule législatif et, inspirée par son maître à penser, « ubériser » votre proposition de loi.

L’alinéa 1er tend à supprimer le terme « paternité », ce qui est révélateur de votre volonté de nier la place du père, comme le fait le projet de loi relatif à la bioéthique – vous êtes ainsi cohérent avec vous-même. Sous prétexte d’égalité, vous voulez supprimer cette belle expression qu’est le congé de paternité.

L’alinéa 4 obligerait les salariés à prendre au moins huit semaines de congé de parenté. Nous ne pouvons qu’être favorables à un allongement du congé, mais il nous paraît difficilement concevable d’imposer de le prendre. Dans certaines situations, un congé de huit semaines peut être difficilement compatible avec l’engagement professionnel du parent – songeons, par exemple, aux auto-entrepreneurs, aux petits commerçants et aux responsables de très petites entreprises (TPE). Le congé doit être proposé et non imposé. Il convient de laisser nos concitoyens choisir ce qui est le mieux pour eux, pour leur famille et pour leur enfant.

L’alinéa 6 fait référence au genre de la personne concernée et au mode de conception de l’enfant. Je ne sais pas de quoi vous voulez parler : j’espère qu’il ne s’agit pas de la gestation pour autrui (GPA). Les précisions que voulez apporter me paraissent inutiles ou malvenues.

La majorité veut tout à coup allonger le congé de paternité. Je suis étonné de ce revirement : après avoir raboté la prestation d’accueil du jeune enfant, confirmé le rabotage du quotient familial et sous-revalorisé les allocations familiales par rapport à l’inflation, vous proposez un allongement du congé de paternité. Quelle est la cohérence de votre politique familiale ? Vous voulez, par ailleurs, élargir l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules. Mais en quoi allez-vous les aider, les premiers jours, s’il n’y a pas de deuxième parent ? Une fois encore, où est la cohérence ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Puisqu’il a beaucoup été question des travaux de la commission sur les 1000 premiers jours, j’informe notre commission que M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, sera auditionné le 21 octobre. Nous aurons tout le loisir d’échanger avec lui sur ce sujet.

M. le rapporteur. Je me réjouis de l’unanimité – sauf erreur de ma part – que recueille l’allongement du congé de paternité comme moyen d’assurer un bon équilibre au sein des familles, grâce à un lissage de la charge liée à l’arrivée d’un enfant, et d’agir dans l’intérêt de ce dernier.

Cette proposition de loi s’appuie sur le rapport du Dr. Cyrulnik et sur celui de l’IGAS, mais aussi sur différentes missions d’information parlementaires et sur des travaux de l’UNAF. J’ai voulu, par ce texte, proposer des moyens permettant d’atteindre directement les objectifs que nous visons.

Je comprends que la situation est compliquée et que nous ne pouvons pas tout bousculer, mais cette législature avance à grands pas – il nous reste peu de mois pour légiférer. Je crois qu’il faut aller de l’avant.

Je partage l’idée que la cellule familiale est importante. Je ne cherche pas à provoquer un débat sémantique mais à faire en sorte que l’ensemble des familles, quelle que soit leur composition, puissent se reconnaître dans notre politique familiale, y compris dans les termes utilisés. Certains d’entre vous ont demandé, en appelant à une forme de liberté, qu’on ne fasse pas du recours au congé de paternité une obligation. Je crains, pour ma part, que certains pères ne subissent une forme de pression dans leur environnement professionnel ou une autocensure, et qu’ils se privent d’être présents auprès de leur enfant et de leur conjointe. Il faut s’aligner sur l’obligation faite aux femmes de prendre un congé de maternité de dix semaines après l’arrivée de l’enfant.

Je comprends l’interrogation sur le bon véhicule législatif. Dans l’intérêt des familles et des enfants, néanmoins, je crois que nous devons faire feu de tout bois. Nous ne voulons laisser passer aucune occasion d’améliorer les conditions de nos concitoyens et concitoyennes – notre journée de « niches » parlementaires en fait partie.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la question du coût, estimant que 2,4 milliards d’euros représenteraient une dépense considérable. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, la branche famille est excédentaire de 1,5 milliard d’euros. Nous avons bien vu, lors de l’examen des derniers PLFSS, que les politiques familiales font l’objet d’une gestion que l’on pourrait qualifier de très précautionneuse. Par ailleurs, on ne peut nier l’existence de coûts induits. Le fait que des conjoints ou des conjointes ne soient pas présents auprès de l’enfant qui vient de naître, qu’ils ne puissent pas assumer de façon égalitaire la charge mentale, psychologique, organisationnelle conduit parfois à des drames – entre 10 % et 15 % des femmes font une dépression post-partum – et à une évolution malheureuse des enfants qui aurait pu être évitée par la présence du conjoint ou de la conjointe. Tous ces drames et toutes ces situations de détresse ont un coût pour la sécurité sociale, car ils entraînent souvent le recours à d’autres politiques publiques, familiales ou non, et à des actions en matière de santé dont le coût est loin d’être négligeable. La création d’un congé de parenté substantiel permettra d’optimiser la gestion budgétaire, ce que nous sommes nombreux à souhaiter.

La question des études d’impact est récurrente. Nous n’avons pas la capacité de lancer de telles études en tant que parlementaires, contrairement à l’exécutif. Néanmoins, les travaux que j’ai cités ont permis de nous éclairer. Ce sont les rapports du Dr. Cyrulnik, de l’IGAS et de l’UNAF ainsi que les deux missions d’information sur la politique familiale, la première – menée par moi-même et par Gilles Lurton, désormais maire de Saint-Malo – n’ayant pas abouti, et la seconde – dont la rapporteure était Nathalie Elimas, désormais membre du Gouvernement, et le président Stéphane Viry – ayant souligné la nécessité de renforcer l’accompagnement des jeunes enfants, notamment grâce au congé parental.

Je partage ce qu’a dit Paul Christophe à propos de l’intérêt de l’enfant et de la limitation des inégalités femmes-hommes. Je remercie Martine Wonner pour ses propos, que je fais totalement miens, et je partage, bien sûr, sans la moindre réserve ceux de Delphine Bagarry.

L’examen des amendements nous permettra de débattre de la proposition alternative du groupe la France insoumise en ce qui concerne la qualification du congé. Je n’ai pas de préférence, à partir du moment où le terme choisi permet d’inclure toutes les personnes et toutes les familles d’une manière indifférenciée.

Le groupe GDR a rappelé qu’il avait préparé une proposition de loi en la matière. D’autres aussi l’ont fait, ce qui montre que l’allongement du congé de paternité est un objectif partagé.

Il est important de rappeler que la présence du père limite les risques psychiques pour la mère. C’est particulièrement important pour elle et pour l’enfant.

L’élargissement, qui a été rappelé, du droit de recours au congé de maternité a également tout son intérêt. Quant à une réforme plus structurelle, la présente proposition de loi n’a pas la prétention de couvrir l’ensemble des défis concernant les congés pour l’accueil des jeunes enfants.

Merci, monsieur Bazin, d’avoir souligné que je fais preuve de cohérence dans mes engagements ! Il n’est pas question de supprimer l’existence du père mais de lui donner des droits supplémentaires, d’affirmer qu’il est un parent à part entière et de lui permettre d’être aux côtés de sa conjointe et de son enfant, bref d’occuper sa place dans la sphère familiale, pour le bien de tous. Par ailleurs, la gestation pour autrui est interdite sur le territoire national, et il n’est pas question de la légaliser dans le cadre de cette proposition de loi.

La commission en vient à lexamen de larticle unique.

Article unique : Transformation du congé de paternité et daccueil de lenfant en un congé de parenté de douze semaines, pour partie obligatoire

La commission examine lamendement AS12 de Mme Michèle Peyron, qui fait lobjet des sous-amendements AS14 du rapporteur, AS15, AS16 et AS17 de M. Thibault Bazin, AS23 de Mme Caroline Fiat, AS21 de M. Thibault Bazin, AS22 de Mme Caroline Fiat ainsi quAS18, AS19 et AS20 de M. Thibault Bazin.

Mme Michèle Peyron. L’amendement AS12 vise à récrire l’article unique de la proposition de loi, où nous souhaitons inscrire l’engagement formulé le 23 septembre par le Président de la République de porter le congé de paternité de onze à vingt-cinq jours. Cette décision s’appuie sur les conclusions de la commission Cyrulnik installée en septembre 2019 et consacrée aux 1 000 premiers jours du nouveau-né.

Le coût de la mesure – 500 millions d’euros en année pleine – serait supporté par la sécurité sociale à travers la CNAF. Les trois jours du congé de naissance seraient maintenus à la charge de l’employeur, et quatorze jours seraient ajoutés aux onze jours actuellement indemnisés par la sécurité sociale.

Ce congé de paternité comprendrait, en outre, une part obligatoire de sept jours afin d’assurer l’effectivité et l’équité de cette mesure, notamment pour les salariés dont le contrat est plus précaire et dont le taux de recours est plus faible.

Il s’agit là une réforme sociétale historique, qui correspond aux aspirations profondes de nos concitoyens, notamment des plus jeunes générations. Elle marque l’aboutissement d’un engagement fort du Président de la République afin de lutter à la racine contre les inégalités de destin. De fait, c’est le partage d’un temps suffisamment long avec leurs parents qui apportera aux enfants de meilleures bases pour leur développement.

Cette mesure favorisera également l’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat, car elle témoigne d’une évolution culturelle importante en revalorisant la place du père ou du second parent auprès de l’enfant, et contribue au renforcement de la responsabilité de chacun des deux parents.

M. le rapporteur. Cet amendement récrit en effet complètement ma proposition de loi. Si les deux textes ont en partage l’objectif d’un allongement du congé de paternité, le mien permettrait à mon sens d’y répondre beaucoup plus rapidement.

Néanmoins, j’ai bien conscience que l’adoption de cet amendement conditionne celle de la proposition de loi. Le progrès étant effectif, je souhaite, au cas où cet amendement serait adopté, améliorer encore le texte sur le plan sémantique afin de promouvoir une démarche inclusive visant toutes les familles. C’est le sens du sous-amendement AS14, qui tend à substituer au « congé de paternité » le « congé de parenté ».

M. Thibault Bazin. Selon les termes de l’amendement proposé par la majorité, ce n’est pas la sécurité sociale qui financera ces 500 millions, ce sera une hausse des taxes sur le tabac. Le Gouvernement n’étant pas représenté ici pour lever ce gage, une telle hausse me paraît inacceptable pour les Français dans le contexte que nous connaissons, alors que votre majorité a déjà mis à mal leur pouvoir d’achat avec la hausse des taxes sur le tabac, sur les assurances, sur l’essence, mais aussi celle de la CSG, et j’en passe.

Le sous-amendement AS15 vise à supprimer, au premier alinéa de l’article, les deux occurrences du mot « consécutifs ». Je suis certes favorable à toutes les mesures susceptibles d’améliorer le sort des familles, à tout ce qui favorise l’investissement des parents auprès de leurs enfants, mais les parents doivent bénéficier d’une certaine latitude. Autant un congé de onze jours consécutifs est admissible, autant un congé de vingt-cinq jours devrait pouvoir être fractionné, y compris dans l’intérêt des femmes et des enfants. Chaque couple étant différent, il convient de laisser aux parents la possibilité d’apprécier ce qui leur convient le mieux.

Le sous-amendement AS16, quant à lui, dispose que le père peut céder tout ou partie de ces quatorze jours supplémentaires au bénéfice de sa femme. Ils peuvent être précieux pour la mère qui allaite et qui, aux termes de son congé de maternité, doit sevrer son enfant. En outre, selon sa profession, le père peut juger préférable d’accorder un tel bénéfice à sa femme pour l’équilibre de tous.

Le sous-amendement AS17, enfin, vise à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’amendement, qui me semblent très directifs en interdisant d’employer les salariés dans les sept jours qui suivent la naissance de l’enfant. De plus, comment s’articulent ces sept jours avec les trois jours du congé de naissance ? Une rédaction trop stricte me semble préjudiciable aux familles.

Mme Caroline Fiat. Le sous-amendement AS23 vise à rendre obligatoire le congé de parentalité pendant sept jours, faute que nous soyons parvenus à proposer un amendement le rendant obligatoire pendant toute la période.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement AS21 vise à substituer à l’alinéa 5 l’alinéa suivant : « Le congé de paternité est pris à des dates proches de l’événement, fixées en accord avec l’employeur ». Ce dispositif serait plus facilement applicable dans les TPE tout en évitant un certain dirigisme préjudiciable aux familles et aux entreprises.

Mme Caroline Fiat. Le sous-amendement AS22 vise à remplacer le mot « paternité » par celui de « parentalité ». Si nous sommes favorables à la philosophie de la proposition de loi, nous considérons qu’il importe de rompre avec une vision purement biologique de l’accueil d’un enfant.

De plus, pendant ce temps de congé, il ne s’agit pas seulement d’accueillir sa descendance mais d’apprendre à devenir parent.

M. Thibault Bazin. Les sous-amendements AS18, AS19 et AS20 visent à supprimer respectivement aux neuvième, dixième et onzième alinéas les occurrences du mot « consécutifs ». Un congé de onze jours consécutifs est admissible mais un congé de vingt‑cinq jours devrait pouvoir être fractionné. Le Gouvernement a d’ailleurs évoqué cette possibilité et l’a confirmée à la presse. Je ne comprends pas que la majorité l’ait supprimée alors qu’il convient de s’adapter au projet des familles.

M. le rapporteur. Plusieurs groupes parlementaires ont proposé d’autoriser le fractionnement évoqué par M. Bazin, à l’instar de l’ensemble des organisations et associations que nous avons auditionnées. J’y suis, quant à moi, pleinement favorable pour diverses raisons, dont l’organisation des familles et la présence alternée des parents auprès des enfants. Avis favorable, donc, aux sous-amendements AS15, AS18, AS19 et AS20.

Avis défavorable, en revanche, au sous-amendement AS16, l’un des objectifs de cette proposition de loi étant de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes à travers le partage des tâches.

Avis également défavorable au sous-amendement AS17 : jouir d’une liberté, ce peut être aussi être obligé de recourir à un droit.

Avis favorable au sous-amendement AS23.

Avis défavorable au sous-amendement AS21. Dans l’état actuel de notre droit, la logique de conciliation entre l’employeur et les salariés est effective. L’obligation d’un recours au congé de parentalité dans les quatre mois après la naissance me semble très raisonnable.

Avis de sagesse s’agissant du sous-amendement AS22.

M. Stéphane Viry. La proposition n° 19 du rapport de Nathalie Elimas au nom de la mission d’information sur l’adaptation de la politique familiale française
aux défis de la société du XXIe siècle, remis en juillet dernier, invite les pouvoirs publics à envisager l’allongement du congé de paternité pour permettre un meilleur partage des tâches familiales entre les parents et favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous sommes donc dans l’air du temps, mais reste à savoir la traduction législative que l’on peut en donner.

Nous pouvons certes prendre aujourd’hui un certain nombre de décisions mais, compte tenu du coût que représentent ces mesures, le véritable débat aura lieu lors de la discussion du PLFSS. J’ai cru comprendre que les milieux patronaux se montrent plutôt favorables à un tel allongement, même si la période envisagée semble un peu « incongrue » avec la crise économique que nous traversons, l’importance prise par le télétravail et l’activité partielle. Peut-être une question de calendrier se pose-t-elle donc.

Quoi qu’il en soit, tout cela va plutôt dans la bonne direction.

Mme Michèle Peyron. Nous sommes ouverts sur la question sémantique posée par votre sous-amendement, monsieur le rapporteur, mais compte tenu des sous-amendements qui ont été déposés aussi bien par la droite que par la gauche, nous constatons que nous n’avons pas atteint un consensus sur la nouvelle dénomination. Personnellement, je ne suis pas d’accord avec la proposition de M. Bazin visant à supprimer la mention de l’accueil de l’enfant alors qu’elle permet d’ouvrir ce dispositif au partenaire de la mère. Je ne suis pas non plus d’accord avec celle de Mme Fiat, le congé de « parentalité » me paraissant trop proche du congé parental, ce qui pourrait créer des confusions. Le groupe La République en Marche continue de penser que le PLFSS est le meilleur véhicule pour défendre cette réforme. S’engager aujourd’hui sur une dénomination qui ne fait pas l’unanimité et qui ne serait peut‑être pas effective dans la réforme définitive pourrait également engendrer des confusions. Avis défavorable, donc au sous-amendement du rapporteur.

Les sous-amendements AS15, AS18, AS19 et AS20 de M. Bazin concernent la question du fractionnement, qui fait l’objet de négociations en ce moment. Cette demande d’une partie de la population est un vrai enjeu mais la question n’est pas encore mûre. Il me semble donc plus opportun d’en débattre dans le cadre du PLFSS, lorsque les négociations seront achevées. Notre groupe votera contre ces sous-amendements.

Nous voterons également contre le sous-amendement AS16, qui porte atteinte à l’objectif de cette réforme : la présence des deux parents auprès de l’enfant et une égalité accrue entre femmes et hommes dans la vie professionnelle comme dans leur ménage.

Nous voterons aussi contre le sous-amendement AS17. L’obligation de prise du congé de paternité constitue un véritable levier pour permettre au second parent d’être présent lors des tout premiers jours de la vie de l’enfant. Elle garantira que les salariés les plus précaires, qui actuellement prennent le moins leur congé de paternité, puissent y recourir sans craindre la pression de leurs employeurs. Cette obligation est d’autant plus importante qu’elle se situe immédiatement après la naissance, qu’elle contribue ainsi à protéger la santé de la mère et de l’enfant, et qu’elle ne prive pas totalement le droit du salarié à exercer son emploi.

Enfin, s’agissant du sous-amendement AS21, nous souhaiterions, là encore, que les négociations avec les partenaires sociaux soient achevées avant d’accepter toute modification. De la même manière, un engagement sur une telle mesure sans pouvoir garantir qu’elle sera adoptée dans la réforme finale pourrait entraîner des confusions.

M. Fabien Di Filippo. Il est difficile d’entendre que nous souhaiterions supprimer la notion d’accueil alors que nous y avons toujours tenu, tout comme nous tenons à tout ce qui concerne la politique familiale.

Monsieur le rapporteur, vous prétendez créer un droit, mais pourquoi autant de contraintes ? Nous souhaitons, quant à nous, donner plus de souplesse aux familles. Un père de famille ne pourra jamais allaiter ! Chaque famille doit pouvoir s’organiser comme elle le souhaite, comme elle le peut.

Enfin, le coût de ce dispositif, évalué à 2,4 milliards, est exorbitant, surtout dans la situation que connaît le pays et alors que le Gouvernement nous prépare de mauvais coups pour les mois à venir. Comment comptez-vous donc le financer, qui plus est alors que les dépenses sociales sont responsables des principaux dérapages budgétaires ?

M. Thibault Bazin. Certains ricanent à notre endroit mais il me semble qu’il faut respecter les avis divergents qui s’expriment sur les moyens à utiliser. Nous aussi, nous représentons des familles ou des TPE, qui sont inquiètes !

Je n’ai jamais voulu supprimer la notion d’accueil de l’enfant. J’ai débattu de questions sémantiques avec M. Chiche : lui souhaite remplacer le mot « paternité » par le mot « parenté », moi pas ; voilà tout.

Nous sommes en désaccord sur la notion de droit, monsieur le rapporteur. À nos yeux, on doit être libre de l’exercer ou non quand vous souhaitez son exercice obligatoire. Nous faisons confiance aux familles. Le congé de trois jours est un droit, pris en accord avec l’employeur, et cela se passe plutôt bien à ma connaissance.

La majorité considère que la question du fractionnement n’est pas mûre et qu’elle devra être examinée dans le cadre du PLFSS. Or l’attente, en la matière, est forte. Si la plupart ne souhaitent pas un fractionnement, dont acte, mais laissez à d’autres la liberté d’en user, qui plus est, souvent, dans l’intérêt de la femme ! De deux choses l’une donc : soit tout est renvoyé au PLFSS – présentez, alors, un projet global sérieux ! –, soit nous allons au bout de la discussion de votre réécriture de l’article unique ! Ce texte est mûr ou il ne l’est pas.

Mme Caroline Fiat. Les Français ne sont pas bêtes, madame Peyron, et ne confondrons pas congé parental et congé de parentalité ! Nous venons de voter la loi sur la bioéthique : le maintien du terme « paternité » reviendrait à laisser de côté nombre de familles. Faisons donc preuve de cohérence et avançons à la fois sur la procréation médicalement assistée, sur les congés et sur les termes !

S’agissant des employeurs, monsieur Bazin, nous sommes toujours confrontés au même problème. Donnons donc la possibilité à tous les parents de prendre ce congé ! Un entrepreneur doit pouvoir s’arrêter et être épaulé ! Donnons-lui les moyens de pouvoir s’occuper de son enfant en profitant du congé de parentalité !

Mme Delphine Bagarry. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité regrette que l’amendement de Mme Peyron soit beaucoup moins audacieux que l’article unique originel, mais nous considérons également qu’il s’agit d’un premier pas. Nous nous réjouirions d’une inscription de cette mesure dans le PLFSS 2021 et nous voterons donc en faveur de la réécriture proposée.

Le caractère obligatoire est évidemment la clef si nous voulons une égalité réelle, un droit pour tous.

Des économies seront, par ailleurs, réalisées grâce à la meilleure santé des enfants. Selon le rapport de l’IGAS, la présence du conjoint longtemps après la naissance a des répercussions à l’adolescence, sur les apprentissages et à l’âge adulte. Cette mesure coûtera cher, oui, mais certains coûts seront évités, si difficile cela soit-il de les chiffrer.

S’agissant du fractionnement, le couple doit avoir le choix et nous voterons en faveur des sous-amendements qui l’autorisent, même si nous comprenons les difficultés techniques que peuvent rencontrer les employeurs.

Personnellement, je suis attachée au terme de « parentalité », la « parenté » renvoyant, me semble-t-il, plutôt à la filiation.

L’important, c’est de continuer à avancer ensemble pour le droit des hommes, des femmes, des couples et, surtout, le bien-être et la santé des enfants.

M. Brahim Hammouche. La question de la parentalité relève non seulement de la sémantique, mais aussi de la physiologie, de la psychologie, de la psycho-physiologie et même du domaine de la santé mentale, avec la guidance parentale. Ce sont environ 20 % des femmes qui souffrent de dépression post-partum et certaines d’entre elles en pâtissent bien au‑delà de la période périnatale. Les conséquences peuvent être importantes pour elles, pour les couples mais, aussi, pour les enfants. Il me semble donc conforme au souci de prévention de parler plutôt de congé de parentalité.

Mme Michèle Peyron. Madame Fiat, je ne prends pas nos concitoyens pour ce qu’ils ne sont pas. J’ai seulement évoqué une possible confusion. Je vous donne rendez-vous dans l’hémicycle, lors de la discussion du PLFSS, pour la dénomination du congé.

Monsieur Bazin, vous ne m’avez pas bien comprise : des négociations sont en cours et le débat devra de toute façon avoir lieu dans l’hémicycle, où je vous donne également rendez-vous. Le groupe La République en Marche, encore une fois, n’est pas opposé – bien au contraire – au fractionnement.

M. le rapporteur. Notre approche diffère un peu, monsieur Bazin, monsieur Di Filippo, s’agissant de l’exécution d’un droit. Ne pas rendre obligatoire une partie du congé nous conduirait mécaniquement au non-recours. Dans les entreprises comme dans toutes les collectivités, les pressions, les jugements de valeur existent. L’effectivité de ce droit suppose de le rendre obligatoire.

Je vous renvoie à ce propos au non-recours au congé parental qui, depuis sa réforme, lors du quinquennat précédent, ne fait l’objet que d’un très faible taux de recours. Il en est de même pour l’ensemble des prestations familiales. Les conclusions et orientations du rapport d’information parlementaire de Mme Elimas montrent que le taux de non-recours à des droits est très important. Comment détecter ces personnes afin de les en faire bénéficier automatiquement ? C’est la question qui se pose et c’est dans cette dynamique que je m’inscris.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Elle adopte ensuite lamendement AS12, et larticle unique est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS1 de M. Thibault Bazin, AS10 de M. Bastien Lachaud, AS3, AS2 et AS4 de M. Thibault Bazin, AS8 de M. Jean-Louis Touraine, AS7 de M. Thibault Bazin et AS6 de M. Pierre Dharréville tombent.

Après larticle unique

La commission examine lamendement AS9 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Chacun connaît la diversité des formes de familles. Cet amendement permet que le congé parental s’applique dans le respect des coparentalités.

M. le rapporteur. Je partage avec vous l’objectif de reconnaissance de l’ensemble des familles et d’absence de hiérarchisation entre elles. Avis favorable.

Mme Michèle Peyron. Cet amendement soulève un vrai problème et nous interroge sur le public visé par le congé de paternité et d’accueil d’enfant, notamment, sur la situation du conjoint ou de la conjointe du père de l’enfant. Avant de me prononcer, je souhaiterais avoir des éclaircissements de la part du ministre en séance publique, la semaine prochaine. Le groupe La République en Marche vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Thibault Bazin. M. Touraine, comme M. Chiche, fait preuve d’une grande cohérence et sait très bien où il veut nous emmener. L’exposé des motifs mentionne « la personne qui est liée au père de l’enfant » : pourrait-ce être un autre homme, avec lequel une GPA aurait été réalisée à l’étranger ? Est-ce une porte ouverte, un cheval de Troie ?

Mme Monique Limon. La GPA est interdite en France et le restera, cela a été dit lors de la discussion du projet de loi sur la bioéthique. En revanche, il est bien question, dans un projet de loi à venir sur l’adoption, de pouvoir donner un statut aux enfants nés de GPA à l’étranger. Le congé d’adoption sera, quant à lui, prolongé, comme le congé parental.

M. Thibault Bazin. Et voilà !

M. Jean-Louis Touraine. Je retire mon amendement et je le présenterai à nouveau en séance publique afin de bénéficier de l’éclairage de tous, y compris du ministre.

Lamendement AS9 est retiré.

La commission adopte la proposition de loi modifiée.

*

*     *

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à lAssemblée nationale dadopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3385_texte-adopte-commission#).

 

 


–  1  –

   ANNEXE :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

     Association Parents et FéministesMme Amandine Hancewicz, présidente, et Mme Bianca Brienza, cofondatrice et dirigeante administrative de l’association, juriste et ancienne avocate en droit public

     Collectif pour une PArentalité Féministe (PAF)Mme Alix Bayle, Mme Gabrielle Dorey et Mme Emmanuelle Josse

     Haut Conseil de la famille, de lenfance et de lâge (HCFEA)M. Michel Villac, vice-président, président du Conseil de la famille, Mme Sylviane Giampino, vice-présidente, présidente du Conseil de l’enfance et de l’adolescence, et Mme Laurence Rioux, secrétaire générale

     Inspection générale des affaires sociales (IGAS)Mme Carole Lépine, inspectrice des affaires sociales et co-auteure du rapport de juin 2018 sur l’évaluation du congé de paternité

     Union nationale des associations familiales (UNAF)Mme MarieAndrée Blanc, présidente, Mme Guillemette Leneveu, directrice générale, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

 

 

 


([1])Données issues du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) : Évaluation du congé de paternité, rapport établi par Hervé Gosselin et Carole Lépine, juin 2018.

([2])  Loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002.

([3])  Données issues du rapport précité de l’IGAS de juin 2018 sur le congé de paternité.

([4]) Loi n° 46-1085 du 18 mai 1946 tendant à accorder au chef de famille fonctionnaire, salarié ou agent des services publics, un congé supplémentaire à l’occasion de chaque naissance à son foyer.

([5]) Article L. 215-2 du code de l’action sociale et des familles et instruction ministérielle n° 7 du 23 mars 1950.

([6]) Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

([7]) Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

([8]) Rapport précité de l’IGAS sur le congé de paternité (juin 2018).

([9]) Environ 67 %.

([10]) Dix-huit jours dans le cadre de naissances multiples.

([11]) Loi nᵒ 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([12]) Données issues du rapport de la mission d’évaluation du congé parental d’éducation et de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) réalisé par l’Inspection générale des affaires sociales, avril 2019.

([13]) Loi n° 77-766 du 12 juillet 1977 instituant un congé parental d’éducation.

(2) Le congé peut être pris jusqu’aux six ans des enfants en cas d’une naissance ou d’une adoption de plus de trois enfants.

([15]) Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.

([16]) Chiffres issus du rapport précité de l’IGAS sur l’évaluation du congé de paternité (juin 2018).

([17]) Idem.

([18]) Tebeka S., Dubertret C., Developmental trajectories of pregnant and postpartum depression in an epidemiologic survey. J Affect Discord. Oct 2016.

([19]) Les auteurs du rapport recommandent de porter le congé de paternité à neuf semaines.

([20]) Les pères dans l’histoire : un rôle en évolution, Josée St-Denis et Nérée St-Amand, Reflets, volume 16, Numéro 1, printemps, 2010, p32-61

([21]) Analyse des données de l’Étude longitudinale française depuis l’enfance, réalisée par l’Institut national des études démographiques réalisée par l’Institut national des études démographiques à la demande de la mission de l’IGAS sur le congé de paternité, 2018.

([22])  Mission de l’IGAS sur l’Évaluation du congé de paternité (rapport de juin 2018) précitée.

([23]) Chiffres issus du rapport précité de l’IGAS sur le congé de paternité (juin 2018).

([24]) Henrik Kleven, Camille Landais, Jakob Egholt Sogaard, « Children and Gender Inequality: Evidence from Denmark » (janvier 2018), American Economic Journal: Applied Economics 2019, 11(4): 181–209.

([25]) Les Français et les congés de maternité et paternité : opinion et recours, études et résultats, DREES, 2019.

([26]) À la date du 25 septembre 2020.