N° 3399

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021
(n° 3360),

 

TOME II

examen de la premiÈre partie
du projet de loi de finances

conditions gÉnÉrales de l’Équilibre financier

 

Par M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur général,

Député

——


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2021, prévision d’exécution 2020 et exécution 2019

PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.  Impôts et ressources autorisés

A.  Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts et produits existants

B.  Mesures fiscales

Article 2 Indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu et des seuils et limites qui lui sont associés

Après l’article 2

Article additionnel après l’article 2 Régime fiscal de la prestation compensatoire versée pour partie sous forme de rente et de la contribution aux charges du mariage

Après l’article 2

Article additionnel après l’article 2 Ajustement de la réforme de l’imposition des contribuables non-résidents

Après l’article 2

Article 3 Baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à hauteur de la part affectée aux régions et ajustement du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Prorogation des dispositifs de déductions en faveur des entreprises de presse

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Abaissement de 5 à 3 du coefficient multiplicateur dans le cadre des opérations à façon

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Extension de la déduction pour épargne de précaution à l’aquaculture

Article additionnel après l’article 3 Extension de la déduction pour épargne de précaution aux centres équestres

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Extension de l’imputation des pertes constatées en cas d’annulation de titres aux hypothèses de réduction totale du capital dans le cadre des procédures prévues par le code de commerce

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Relèvement de 60 % à 70 % de la part de la plus-value de fusion devant obligatoirement être distribuée par les sociétés immobilières d’investissement cotées (SIIC)

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Prorogation du délai de réalisation des logements dans le cadre du régime d’imposition à taux réduit applicable à la cession d’immeubles

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Relèvement de 7,63 à 10 millions d’euros du plafond de chiffre d’affaires rendant éligible au taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15 %

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Modification de la catégorisation des dépenses liées à la production d’images permettant le développement de la carrière d’un artiste au sein du crédit d’impôt pour la production d’œuvres phonographiques

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Extension du crédit d’impôt pour investissements en Corse aux travaux de construction et de rénovation d’établissements de santé privés

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Exonérations fiscales et sociales des aides versées aux indépendants par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants

Article 4 Modernisation des paramètres de la méthode d'évaluation de la valeur locative des établissements industriels et modification du coefficient de revalorisation de la valeur locative de ces établissements

Article 5 Neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs

Après l’article 5

Article 6 Étalement de la plus-value réalisée lors d'une opération de cession-bail d'immeuble par une entreprise

Article 7 Suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices  des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé

Après l’article 7

Article 8 Aménagements du crédit d'impôt recherche et du crédit dimpôt innovation

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Date d’envoi de la déclaration sur l’honneur en vue de la dispense de prélèvement lors de la sortie en capital d’un plan épargne retraite

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Prorogation de l’exonération des plus-values immobilières tirées de la cession d’un droit de surélévation pour les particuliers et certaines entreprises

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Exonération de la contribution de sécurité immobilière pour la publication des obligations réelles environnementales

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Exonération de droits de mutation pour les dons et legs à des associations simplement déclarées ayant un but exclusif d’assistance et de bienfaisance

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Exonération de droits pour les successions des combattants morts en opération

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Extension de l’abattement de plus-value de cession pour les biens immobiliers situés en zone tendue en vue de la construction de bâtiments d’habitation d’une taille minimale

Après l’article 8

Article 9 Clarification des règles de TVA applicables aux offres composites

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Allongement du délai dont disposent les bailleurs sociaux pour payer la TVA due au titre des constructions qu’ils réalisent

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Extension de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % à l’ensemble des livraisons d’immeubles réalisées en vue de la conclusion d’un bail réel solidaire

Article additionnel après l’article 9 Extension du taux de TVA réduit de 5,5 % aux opérations de livraisons et livraisons à soi-même de locaux directement destinés à ou mis à la disposition des structures qui hébergent des mineurs ou des majeurs de moins de vingt et un ans

Article additionnel après l’article 9 Extension du taux de TVA réduit de 5,5 % aux opérations de livraisons et livraisons à soi-même de locaux directement destinés à ou mis à la disposition des établissements de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie

Après l’article 9

Article 10 Report de l'entrée en vigueur des règles modifiant le régime de TVA du commerce électronique

Article 11 Mise en conformité avec le droit européen du régime de TVA des gains de course hippique

Article 12 Maintien d’un crédit d’impôt destiné à l’acquisition et à la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique

Après l’article 12

Article 13 Simplification de la taxation de l’électricité

Article 14 Refonte des taxes sur les véhicules à moteur

Après l’article 14

Article additionnel après l’article 14 Augmentation du plafond d’exonération du forfait mobilités durables

Après l’article 14

Article 15 Renforcement des incitations à lutilisation d'énergies renouvelables dans les transports

Après l’article 15

Article additionnel après l’article 15 Précisions relatives au périmètre d’application du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques portant sur les entreprises du secteur extractif des roches siliceuses

Après l’article 15

Article 16 Suppression de taxes à faible rendement

Après l’article 16

Article 17 Suppression de dépenses fiscales inefficientes

Article 18 Suppression du caractère obligatoire de l'enregistrement de certains actes de société

Article 19 Harmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques

Article 20 Prorogation du taux de l’intérêt de retard et de l’intérêt moratoire

Article 21 Modernisation des contributions à l’AMF

II.  Ressources affectées

A.  Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 22 Fixation pour 2021 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des variables d’ajustement

Article 23 Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

Après l’article 23

B.  Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 24 Mesures relatives à l'ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Après l’article 24

Article 25 Intégration au budget de l’État du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

C.  Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 26 Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

Article 27 Actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources de l’audiovisuel public (compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ») et stabilisation du tarif de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Article 28 Suppression du compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs (CAS SNTCV)

D.  Autres dispositions

Article 29 Suppression des dernières dispositions de l’ancien mécanisme de recouvrement de la contribution au service public de l’électricité afférentes aux consommations effectuées jusqu’au 31 décembre 2015

Article 30 Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Article 31 Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de lÉtat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne (PSR-UE)

Après l’article 31

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 32 et état A Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois


—  1  —

   EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques de l’année 2021,
prévision d’exécution 2020 et exécution 2019

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article mentionne sous forme d’un tableau les prévisions de soldes de l’ensemble des administrations publiques pour 2021 et 2020 ainsi que les données correspondantes d’exécution pour 2019.

Pour 2021, le déficit public est estimé à 6,7 % du produit intérieur brut (PIB), dont plus de la moitié (– 3,6 %) proviendrait de sa composante structurelle. Le solde conjoncturel resterait néanmoins élevé (– 2,8 %) tandis que l’impact des mesures temporaires ou exceptionnelles diminuerait fortement par rapport à 2020 avec l’extinction des mesures d’urgence.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Aux termes de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([1]), la loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comportent un article liminaire qui présente « un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

Le présent article traduit cette exigence pour le projet de loi de finances pour 2021. Il porte sur l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales (APUC), administrations publiques locales (APUL) et administrations de sécurité sociale (ASSO).

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2018 À 2021

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2018

Exécution 2019

Prévision 2020

Prévision 2021

Solde structurel (1)

– 2,3

– 2,2

– 1,2

– 3,6

Solde conjoncturel (2)

0,0

0,2

– 6,5

– 2,8

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,2

– 1,0

– 2,6

– 0,2

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,5

 3,0

 10,2*

 6,7*

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5=4-3)

 2,3

 2,0

 7,7

 6,4

Source : commission des finances et article liminaire du présent PLF.

* Ces soldes ne correspondent pas à la somme 1+2+3 en raison d’effets d’arrondis.

Le présent article traduit une amélioration de la prévision de déficit public pour 2020 (– 11,4 % en LFR n° 3) du fait d’une diminution des déficits conjoncturel et structurel qui n’est pas compensée par l’augmentation de l’impact des mesures exceptionnelles et temporaires par rapport à cette dernière prévision.

Le déficit public prévu en 2021 resterait élevé (– 6,7 %) et marqué par une forte dégradation du solde structurel (à – 3,6 %). L’amélioration constatée par rapport à 2020 s’explique par une forte réduction de la composante conjoncturelle du déficit (– 2,8 %) et la fin des mesures exceptionnelles et temporaires (– 0,2 %).

Les prévisions présentées dans le projet de loi de finances pour 2021 s’éloignent désormais complètement de la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Celle-ci devra être révisée dès que possible dans les prochains mois, une fois les incertitudes liées à la situation sanitaire levées.

I.   Le dÉficit public resterait fortement dégradÉ en 2021

L’année 2020 marque la fin d’un effort continu de réduction du déficit public, tant en part de PIB qu’en valeur absolue, depuis la crise financière de 2009.

Alors qu’il doit atteindre un niveau historiquement élevé cette année, le rebond de l’activité et la fin des mesures exceptionnelles permettraient une amélioration en 2021.

Néanmoins, une part de la mise en œuvre du plan de relance, les mesures catégorielles décidées dans le cadre du Ségur de la santé et l’augmentation de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) pèseront sur le solde structurel.

A.   La crise sanitaire met fin À l’effort de réduction du déficit

La crise sanitaire qui a touché la France en 2020 a mis fin à un effort continu de réduction du déficit public depuis 2009. Le déficit public s’établirait ainsi à 10,2 % du PIB en 2020, un niveau jamais atteint depuis la création des comptes nationaux en 1948.

DÉficit public depuis 2008

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020(p)

2021(p)

En % du PIB

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,6

3,0

2,3

3,0*

10,2

6,7

En milliards d’euros

138,9

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

79,1

63,6

59,5

73,0

227,7

160,7

* Le déficit public est aggravé, en 2019, par la mesure exceptionnelle de bascule du CICE en baisse de cotisations sociales, à hauteur de 0,8 point de PIB.

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), comptes nationaux jusqu’en 2019, présent PLF pour les années 2020 et 2021 (p=prévision).

évolution du déficit

(en % et en milliards d’euros)

Source : commission des finances.

En 2021, le solde public atteindrait – 6,7 %, en baisse de 3,5 points par rapport à 2020.

B.   Des prévisions qui évoluent sensiblement

Les dernières prévisions de solde public pour 2020 ont été présentées par le Gouvernement à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques (DOFP). Elles reprenaient les hypothèses de la troisième loi de finances rectificatives pour 2020 ([2]), qui avait elle-même dégradé fortement les prévisions des deux lois de finances rectificatives précédentes pour 2020.

Évolution des prévisions de solde pour 2020

Soldes

LFI 2020

LFR 1

LFR 2

LFR 3

PLF 2021

Solde structurel (1)

– 2,2

– 2,2

– 2,0

– 2,2

– 1,2

Solde conjoncturel (2)

0,1

– 1,3

– 5,3

– 7,0

– 6,5

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,4

– 1,7

– 2,4

– 2,6

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,2

 3,9

 9,1*

 11,5*

 10,2*

* en raison d’effets d’arrondis, le solde effectif peut ne pas correspondre à la somme 1+2+3

Source : LFR pour 2020 n° 1, 2 et 3 et PLF pour 2021.

Les documents présentés à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques (DOFP) soulignaient que, à politique inchangée, le déficit des administrations publiques reculerait à ­ 5,5 points de PIB en 2021 en raison de deux facteurs : le rebond de l’activité économique et le caractère exceptionnel et temporaire des mesures de soutien décidées pour l’année 2020 uniquement.

Les prévisions du PLF pour 2021 retiennent donc une hypothèse de déficit public en 2021 moins favorable (– 6,7 %) que celle présentée au Parlement au cours du DOFP (– 5,5 %). Cette dégradation de 1,2 point est liée à la prise en compte des mesures du plan de relance, du nouvel objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), des hausses de rémunération décidées dans le cadre du Ségur de la santé et de la sinistralité des prêts garantis par l’État et la Banque européenne d’investissement dans la prévision pour 2021.

En amont du DOFP, le programme de stabilité (PSTAB) transmis à la Commission européenne ne contenait pas, cette année, de prévisions de solde budgétaire ou de croissance du PIB pour 2021. Les perspectives macroéconomiques pour 2021 étaient présentées sans chiffrage prospectif et la trajectoire des finances publique pour 2021 et 2022 n’y était pas actualisée ([3]).

Cet allègement du contenu traditionnel du programme de stabilité s’inscrivait dans le contexte du début de la crise qui a conduit la Commission européenne à activer la clause dérogatoire du pacte de stabilité et de croissance (PSC), décision approuvée par le Conseil de l’Union européenne le 23 mars 2020 ([4]) – ce qui a conduit à suspendre temporairement l’application des règles européennes d’encadrement des budgets nationaux. Ce régime suspensif est toujours en vigueur.

II.   L’amélioration de la conjoncture compense la dégradation du solde structurel

Alors que les trois lois de finances rectificatives adoptées jusqu’à maintenant en 2020 conservaient des hypothèses de solde structurel proches, le présent projet de loi prévoit une amélioration de ce solde pour 2020 qui n’est pas significative, suivie d’une forte dégradation en 2021.

Plus encore qu’en 2020, la déconnexion entre l’évolution du déficit structurel et la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 ([5]) appelle une actualisation de cette programmation en 2021.

A.   La forte dégradation du solde structurel en 2021

Le solde structurel permet de rendre compte du déficit public corrigé de l’impact de la conjoncture économique et des mesures temporaires (1). Il s’établirait en 2021 à un niveau très dégradé (2).

1.   Le solde structurel, notion essentielle d’encadrement des comptes publics

La notion de solde structurel doit permettre de donner une vision plus sincère de l’équilibre des comptes publics.

a.   Une composante du solde public suivie au titre des engagements européens de la France

Le solde budgétaire public comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture, censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration du cycle économique, et l’autre, indépendante de la conjoncture, dite structurelle. Le solde structurel correspond au solde corrigé des effets du cycle économique : il s’agit du solde qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel.

L’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de solde structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est normalement mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([6]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque la dette de l’État membre dépasse 60 % de son PIB).

b.   Des modalités complexes de calcul

Le calcul des composantes conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel. Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une construction économétrique sujette à diverses mesures et interprétations, qui peut être définie « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([7]). Par suite, la croissance potentielle est définie comme le niveau de croissance au-delà duquel apparaissent des tensions inflationnistes.

Les hypothèses d’écart de production permettent d’estimer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon une méthodologie de calcul décrite dans l’annexe 2 du rapport annexé à la LPFP pour les années 2018 à 2022.

Une approche plus simple, mais généralement vérifiée − appelée « règle du pouce » −, consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est légèrement supérieur à la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes de dépenses sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, considérée comme étant de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Toute surestimation de l’écart de production, découlant par exemple de la surestimation du niveau de croissance potentielle, conduit à sous-estimer le niveau du déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

Pour le calcul du solde structurel, seules les dépenses de chômage sont considérées comme dépendantes de la conjoncture, le reste des dépenses étant supposées structurelles – soit parce qu’elles sont de nature discrétionnaire, soit parce que leur lien avec la conjoncture est difficile à mesurer. L’ensemble des prélèvements obligatoires sont considérés dépendre de la conjoncture, le reste des recettes étant supposé dépendre du cycle ([8]).

c.   Les hypothèses de calcul du déficit structurel

Les hypothèses initiales de calcul du déficit structurel ont été fixées dans la LPFP pour les années 2018 à 2022.

HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

 

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

 

1,7

1,7

1,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

 

1,25

1,30

1,35

PIB potentiel (en milliards d’euros de 2010)

2 154

2 181

2 209

2 236

 

2 264

2 294

2 325

Écart de production (en % du PIB)

– 1,5

– 1,1

– 0,7

– 0,2

 

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces hypothèses ont été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis portant sur le projet de LPFP pour les années 2018 à 2022 ([9]). Toutefois, s’agissant des prévisions propres au présent article, Le Gouvernement n’a pas modifié les hypothèses de croissance potentielle retenues par la LPFP dans le cadre du présent PLF, c’est-à-dire 1,30 % en 2021 et 1,35 % en 2022.

2.   Le déficit structurel s’établirait à 3,6 % du PIB en 2021

Le présent projet de loi de finances prévoit des évolutions sensibles du solde budgétaire structurel en 2020 et 2021.

Jusqu’à présent, les lois de finances rectificatives avaient toutes retenu, pour 2020, une hypothèse égale à celle de la loi de finances initiale (– 2,2 %) ([10]) ou très proche (– 2,0 % pour la LFR n° 2). Alors que le programme de stabilité retenait la même hypothèse que la deuxième loi de finances rectificatives, le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques reprenait l’hypothèse à – 2,2 %.

a.   L’amélioration du solde structurel en 2020 n’est pas significative

Le présent projet de loi de finances réévalue l’objectif de solde structurel en 2020, qui augmenterait de 1 point par rapport aux dernières estimations présentées pour atteindre – 1,2 % du PIB. Cela correspond à un déficit moins important que celui prévu par la loi de programmation des finances publiques (– 1,6 %).

Selon les informations présentées par le Gouvernement, cette évolution serait liée à une résilience des recettes publiques plus forte par rapport à la contraction de l’activité économique (voir la fiche n° 6 du présent rapport). Par ailleurs, le profil de l’effort en dépense serait heurté du fait des conventions retenues sur le déflateur du PIB ([11]), qui contribuent à son augmentation en 2020 (+ 0,6 point par rapport à 2019).

La notion de déflateur du PIB

Le déflateur du PIB, ou prix du PIB, est un indice de progression des prix utilisé, au même titre que l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), pour mesurer l’inflation. Il s’écarte néanmoins de l'indice des prix à la consommation en fonction, notamment, de l'évolution des prix des importations, des exportations et de la formation brute de capital fixe (FBCF). Le déflateur est ainsi une manière de passer du PIB en valeur au PIB en volume.

Étant donné que la croissance potentielle est estimée en volume, la croissance des dépenses publiques doit l’être également, ce qui justifie le recours à la notion de déflateur de PIB pour le calcul de l’effort en dépenses.

Ainsi, l’augmentation de ce déflateur entraîne mécaniquement une correction plus élevée et donc une moindre progression des dépenses entre 2019 et 2020, ce qui contribue à augmenter artificiellement l’effort en dépense, composante de l’effort structurel ([12]).

Le HCFP considère d’ailleurs que l’ajustement structurel en 2020 n’est pas significatif, l’évaluation étant affectée par les conventions retenues par le Gouvernement concernant la nature des dépenses engagées depuis le déclenchement de la crise sanitaire.

Ainsi, l’ensemble des mesures d’urgence adoptées au fil des lois de finances rectificatives pour 2020 ont été enregistrées comme mesures temporaires. À l’inverse, les mesures du plan de relance sont intégrées dans la composante structurelle du solde.

Par ailleurs, les mesures d’urgence, comptabilisées en mesures temporaires, ont permis de préserver les assiettes fiscales et donc les recettes des administrations publiques, ce qui contribue à améliorer le solde structurel.

Le choix de comptabiliser les mesures d’urgence comme dépenses exceptionnelles et temporaires et celles relatives au plan de relance contribue donc à brouiller l’évolution du solde structurel en 2020.

La comptabilisation des dépenses en mesures exceptionnelles et temporaires

La révision du Pacte de stabilité et de croissance de 2005 a inclus la notion de mesures ponctuelles, qui modifient de manière temporaire les soldes publics mais n’ont pas d’impact pérenne sur le déficit public. Ce concept vise à couvrir des événements de très grande ampleur qui brouillent la lecture de l'équilibre des finances publiques.

La Commission européenne a précisé cinq critères permettant d’identifier une dépense en mesure ponctuelle et temporaire : la mesure est intrinsèquement non récurrente ; le caractère ponctuel et temporaire ne peut pas être décrété par la loi ou par une décision du gouvernement ; les composantes volatiles des recettes ou des dépenses ne doivent pas être considérées comme des mesures ponctuelles et temporaires ; les mesures discrétionnaires conduisant à creuser le déficit public ne sont pas, sauf exception, des mesures ponctuelles et temporaires ; seules les mesures ayant un impact significatif sur le solde public, supérieur à 0,1 % du PIB, peuvent être traitées comme des mesures exceptionnelles et temporaires. La Commission est en particulier amenée à classer en mesures ponctuelles et temporaires les coûts temporaires associés à la réponse à des désastres naturels majeurs ou d’autres événements exceptionnels.

Source : Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, annexe n° 2.

Dès lors, le Haut Conseil considère que « les estimations de solde structurel présentées par le Gouvernement dans le PLF pour 2021 ne peuvent être interprétées que sur l’année 2021 en comparaison avec l’année 2019. En effet, contrairement à 2020, la décomposition du solde public en 2021 n’est affectée que marginalement par les choix réalisés par le Gouvernement sur le partage entre la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit » ([13]). Aussi, le Haut Conseil considère que, exceptionnellement, le solde structurel en 2020 ne fait pas l’objet d’une analyse dans son avis.

b.   L’année 2021 serait marquée par une dégradation importante du solde structurel

Le déficit public en 2021, en voie d’amélioration, connaîtrait néanmoins une dégradation de sa composante structurelle.

Le projet de loi de finances prévoit ainsi que le solde structurel se dégrade de 1,4 point entre 2019 et 2021 pour atteindre – 3,6 % du PIB potentiel. L’intégration des dépenses du plan de relance contribuerait à dégrader cette composante à hauteur de un point de PIB ([14]) .

Le caractère temporaire du plan de relance, dont les dépenses sont à l’origine de 60 % de la dégradation du solde structurel, conduit néanmoins à relativiser son impact sur l’évolution structurelle des dépenses de l’État.

L’impact de la composante structurelle serait significativement supérieur à la part conjoncturelle du déficit (– 2,8 %) qui, elle, s’améliore significativement par rapport à son niveau en 2020 (– 6,5 %). L’impact des mesures exceptionnelles et temporaires serait fortement réduit (– 0,2 %) par rapport à 2020 (– 2,6 %).

L’amélioration conjoncturelle, couplée avec la fin des mesures d’urgence, compenserait ainsi la dégradation du solde structurel, ce qui entraînerait la réduction du déficit public effectif.

B.   La loi de programmation des finances publiques est désormais caduque

Le Gouvernement avait proposé, dans la LPFP 2018-2022, une trajectoire des finances publiques conduisant à quasiment diviser par trois le solde structurel entre 2017 et 2022.

Le solde structurel devait donc s’améliorer de plus d’un point de PIB pendant le quinquennat, alors même qu’une réduction significative des prélèvements obligatoires aurait été consentie. Cela supposait donc un effort structurel conséquent en dépense. Toutefois, l’ajustement structurel prévu avait été, depuis 2018, beaucoup moins marqué que prévu dans la LPFP, sans toutefois se traduire par un « désajustement ».

La crise a percuté cette trajectoire et rend définitivement caduque la programmation présentée au sein de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Le Haut Conseil des finances publiques considère que la loi « constitue désormais une référence dépassée, qu’il s’agisse du scénario macroéconomique ou de finances publiques » ([15]).

En particulier, le calcul du solde structurel repose toujours sur l’estimation du PIB potentiel par cette loi de programmation, alors que le Gouvernement considère déjà que la croissance potentielle serait révisée à – 0,3 % en 2020 et à 0,6 % en 2021 – alors que la LPFP prévoyait une croissance de, respectivement, 1,25 % puis 1,30 % ([16]).

HypothÈses actualisées d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

2,2

1,7

1,5

– 10

– 8

3,5

Croissance potentielle (LPFP)

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Croissance potentielle (RESF 2021)

1,1

1,25

1,25

1,25

– 0,3

0,6

1,35

PIB (en milliard d’euros)

2 234

2 295

2 353

2 426

2 223

2 408

2 492

PIB potentiel (en milliard d’euros)

2 268

2 307

2 354

2 416

2 344

2 484

2 819

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 0,5

– 0,0

0,3

– 9,4

– 2,7

– 0,7

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général et calculs de la commission des finances.

Ainsi, « la révision à la baisse de la croissance potentielle conduirait, toutes choses égales par ailleurs, à diminuer la composante conjoncturelle de plus de 1 point par rapport à 2021 et à accroître d’autant le déficit structurel tel qu’estimé avec l’hypothèse de croissance potentielle de la LPFP » ([17]), soit – 4,8 points de PIB au lieu de – 3,6 points dans l’estimation présentée par le Gouvernement. De nouveau, le caractère temporaire des dépenses prévues par le plan de relance peut néanmoins conduire à relativiser l’ampleur de cette dégradation.

Impact de la révision de la croissance potentielle sur le solde structurel

(en % de PIB potentiel)

 

Hypothèse de croissance de la LPFP

Hypothèse révisée par le Gouvernement

Solde structurel

– 3,6

– 4,8

Solde conjoncturel

– 2,8

– 1,6

Mesures exceptionnelles et temporaires

– 0,2

– 0,2

Solde effectif

 6,7

 6,7

Source : HCFP.

Le HCFP constate que l’écart entre le solde structurel pour 2021 présenté par le présent projet de loi de finances et celui prévu en LPFP atteint 2,4 points. Cela constitue selon lui un écart important au sens de la loi organique de décembre 2012. Le Haut Conseil avait néanmoins constaté, à la demande du Gouvernement, que les conditions exceptionnelles mentionnées par le TSCG étaient réunies et qu’il n’y avait donc pas lieu à déclencher le mécanisme correctif ([18]). Il appelle néanmoins à l’adoption, dès le printemps 2021, d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques.

Ajustement structurel et effort structurel présentÉs
par le Gouvernement

(en points de PIB potentiel)

 

PLF pour 2021
(sept. 2020)

LPFP
(janvier 2018)

 

2019

2020

2021

Cumul

2019-21

2019

2020

2021

Cumul

2019-21

Solde structurel
(solde N=solde N-1+ajustement structurel)

-2,2

-1,2

-3,6

-

-1,9

-1,6

-1,2

-

Ajustement structurel (1=2+3)

0,0

1,1

-2,5

-1,4

0,3

0,3

0,4

1,0

Effort structurel (2)

-0,2

0,8

-2,7

-2,0

0,3

0,4

0,5

1,2

dont effort en dépense*
(hors crédits d'impôt)

-0,1

1,1

-2,3

-1,3

0,4

0,5

0,5

1,4

dont mesures nouvelles en recettes

-0,1

-0,6

-0,4

-1,1

-0,1

-0,5

0,0

-0,6

dont clé en crédits d’impôt

0,0

0,4

0,0

0,4

0,0

0,4

0,0

0,4

Composante non discrétionnaire (3)

0,2

0,2

0,3

0,7

0,0

-0,1

-0,1

-0,2

* Hors France Compétences

Note : les chiffres étant arrondis, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.

Source : Haut Conseil des finances publiques

Le mécanisme de correction de la loi organique

L’article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis rendu préalablement au dépôt du projet de loi de règlement.

Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter, à l’occasion du DOFP, des mesures de correction. Ces mesures doivent intervenir dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année. Un retour à la trajectoire de solde structurel doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à la suite de l’année pendant laquelle l’écart important a été constaté.

Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées par le TSCG, c’est-à-dire quand elles correspondent « à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique ».

Le rapporteur général souscrit à l’analyse du HCFP sur l’importance de l’adoption d’une nouvelle LPFP dès que possible pour fonder sa crédibilité. Cette loi doit fixer une trajectoire crédible de retour à l’équilibre des finances publiques ; or, un tel exercice de prévision est compliqué dans un contexte de forte incertitude concernant l’évolution de la situation sanitaire en France et dans le monde. La discussion de cette nouvelle loi de programmation devra ainsi intervenir une fois la situation sanitaire stabilisée ou rendue plus prévisible.

*

*     *

La commission examine en discussion commune les amendements ICF1426 de Mme Valérie Rabault, I-CF223 et I-CF222 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Christine Pires Beaune. Comme tous les ans, cet amendement I‑CF1426 revient sur les soldes structurel et conjoncturel : il s’agit de minorer le solde conjoncturel et, à l’inverse, de majorer le solde structurel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nos amendements I-CF223 et I-CF222 sont l’occasion d’appeler l’attention du Gouvernement et de la majorité sur le fait que ce PLF ne règle rien en ce qui concerne le déficit structurel. On comprend que le déficit conjoncturel soit affecté par la crise, mais la dégradation structurelle par rapport à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques me paraît dangereuse. Je crois que je n’ai pas besoin de revenir sur le niveau du déficit et ses conséquences pour l’avenir… Nous le disons depuis longtemps : rien n’a été fait, en réformes de fond, pour régler le problème du déficit structurel.

Le deuxième amendement vise à alerter le Gouvernement sur la trop forte dégradation du solde structurel annoncé pour 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous débattons des soldes conjoncturel et structurel au début de chaque texte financier. S’agissant de l’exercice 2021, les prévisions macroéconomiques sont forcément très incertaines compte tenu de la crise sanitaire – il faut avoir l’humilité de le reconnaître. Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques a néanmoins jugé sincères, crédibles, plausibles celles du Gouvernement.

Je partage totalement la vigilance de Mme Dalloz en ce qui concerne le solde structurel, mais il est normal qu’il se dégrade aussi en temps de crise – beaucoup moins, heureusement, que le solde conjoncturel. En pareil contexte, les économies de structure et la baisse de la dépense publique ne sont pas une priorité : je l’assume totalement. En revanche, nous aurons besoin, au premier semestre 2021, d’une trajectoire de redressement des finances publiques aussi claire que possible, dans le cadre d’une loi de programmation. Comme je l’ai dit lors de l’audition de M. Moscovici, nous ne pourrons le faire que lorsque la crise sanitaire sera derrière nous ; sinon, nous serons en permanence en train de revoir certaines prévisions conjoncturelles et structurelles.

Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1426, I-CF223 et ICF222.

Elle est saisie des amendements I-CF1302 et I-CF1307 du président Éric Woerth.

 

M. le président Éric Woerth. Ces deux amendements ont d’abord pour vocation de susciter un débat en séance publique, avec le Gouvernement, sur le niveau de l’endettement et le financement des dépenses liées à la crise. Les ratios d’endettement et de déficit marquent un réel décrochage, en pourcentage de recettes fiscales de l’État, et nous n’avons pas de véritables perspectives de financement dans les trois ou quatre ans à venir. Mais c’est davantage un débat de séance qu’un débat de commission…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet. Je vous propose de les retirer afin d’avoir ce débat en séance publique.

Les amendements I-CF1302 et I-CF1307 sont retirés.

M. le président Éric Woerth. Je peux maintenant répondre à la question de Mme Rouaux. Sur les 1 468 amendements déposés, outre les dix amendements de la commission du développement durable, 108 amendements ont été déposés par des députés du groupe AGIR ensemble, 63 par des députés du groupe Écologie Démocratie Solidarité, 61 par des députés du groupe Gauche démocrate et républicaine, 81 par des députés du groupe La France insoumise, 163 par des députés du groupe La République en Marche, 681 par des députés du groupe Les Républicains – ce qui témoigne d’une grande créativité –, 161 par des députés du groupe Libertés et Territoires, 82 par des députés du groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, 35 par des députés du groupe Socialistes et apparentés, et 23 par des députés du groupe UDI & Indépendants.

La commission adopte l’article liminaire sans modification.

 

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. ‑ Impôts et ressources autorisés

A. ‑ Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts et produits existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État.

Il prévoit également que, sous réserve de dispositions contraires, les dispositions fiscales du présent projet de loi de finances s’appliquent au 1er janvier 2021.

La commission des finances a adopté cet article sans modifications

I.   L’autorisation de percevoir les ressources publiques

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du projet de loi de finances de l’année renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par l’article 1er voit son champ précisé par le 1° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([19]), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF. Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public : revenus industriels et commerciaux, rémunérations de services rendus, fonds de concours, remboursements de prêts et d’avances, produits de cessions… Elle couvre les impositions de toutes natures affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Le présent article matérialise ainsi le monopole de la loi de finances sur l’autorisation de percevoir les impôts et les impositions de toutes natures. En particulier, c’est elle qui autorise le prélèvement des impositions de toutes natures affectées à la protection sociale et non la loi de financement de la sécurité sociale.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – , ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État, sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au PLF relative aux évaluations des voies et moyens.

La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([20]).

II.   Le dispositif proposÉ

Le dispositif de l’article 1er du projet de loi de finances comporte immuablement deux parties.

Le I du présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État pendant l’année 2021.

Le II précise les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances qui ne comportent pas de date d’application particulière. L’application par défaut de ces dispositions est fixée à compter du 1er janvier 2021.

Deux exceptions sont traditionnellement prévues :

– l’une pour l’impôt sur les sociétés prévoyant que celui-ci est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2020 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct ;

– et l’autre pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’appliquant à l’impôt dû au titre de 2020 et des années suivantes.

L’entrée en vigueur du prélèvement à la source pourrait conduire à l’extinction progressive de la deuxième exception. Toutefois, elle est encore nécessaire car l’article 2 du présent projet de loi prévoit de revaloriser les tranches d’imposition applicables pour l’imposition des revenus de l’année 2020 afin de neutraliser les effets de l’inflation.

*

*     *

La commission adopte l’article 1er sans modification.

 

 

 


—  1  —

B.  Mesures fiscales

Article 2
Indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu et des seuils et limites qui lui sont associés

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à l’indexation :

– du montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR) ainsi que de plusieurs seuils et plafonds intervenant dans le calcul de l’impôt, à hauteur de l’évolution des prix hors tabac de 2020 par rapport à 2019, soit + 0,2 %. Le coût de la mesure est évalué à 230 millions d’euros.

– des limites des tranches des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source, soit le taux transmis à l’employeur dans les cas où l’administration n’est pas en mesure de calculer le taux personnalisé ou lorsque le contribuable en fait la demande, à hauteur de l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

De plus, le présent article abroge la disposition prévoyant que les grilles de taux par défaut du prélèvement à la source sont revalorisées chaque année dans la même proportion que l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR, disposition qui devait entrer en vigueur au 1er janvier 2021.

Dernières modifications législatives intervenues

À l’exception d’une interruption pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012, les lois de finances initiales procèdent, chaque année, à l’indexation du barème de l’IR sur le taux d’inflation anticipé, afin de neutraliser les effets de l’inflation sur le niveau d’imposition à l’IR des ménages.

L’article 2 de loi de finances initiale pour 2020 a modifié le barème de l’impôt sur le revenu et certains dispositifs d’allègement de la structure du bas de barème pour permettre une baisse d’impôt de 5 milliards d’euros en 2020, concentrée sur les contribuables dont le taux marginal relève des deux premières tranches d’imposition :

– le taux de la première tranche imposable a été abaissé de 14 % à 11 % et les seuils d’entrée dans les deuxième et troisième tranches imposables ont été abaissés pour neutraliser l’effet de la baisse de l’impôt pour les ménages les plus aisés ;

– la réduction d’impôt au taux maximal de 20 % en faveur des foyers fiscaux aux revenus modestes a été supprimée ;

– les paramètres de la décote ont été modifiés.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   L’INDEXATION ANNUELLE DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU, UNE PRATIQUE COURANTE DES LOIS DE FINANCES INITIALES

Traditionnellement, la loi de finances de l’année revalorise les seuils des différentes tranches du barème de l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution des prix s’est appliquée de façon quasi continue depuis 1969, de manière différenciée selon les tranches du barème dans un premier temps, puis de manière indifférenciée depuis 1981.

Depuis cette date, le principe de l’indexation annuelle du barème de l’IR sur l’évolution de l’inflation constitue une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale reconduit, sauf exceptions limitées, chaque année en loi de finances initiale.

Dans un contexte économique et budgétaire contraint, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([21]) a procédé au gel des seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et des années suivantes, permettant ainsi des recettes supplémentaires de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 ([22]) n’est pas revenue sur le gel et ce n’est qu’avec la loi de finances pour 2014 ([23]) que la pratique de l’indexation est réapparue.

Après 2013, chaque loi de finances initiale a ainsi procédé à une revalorisation des tranches du barème de l’IR, respectivement, de 0,8 % ([24]), 0,5 % ([25]), 0,1 % ([26]), 0,1 % ([27]), 1 % ([28]), 1,6 % ([29]) et 1 % ([30]).

ÉVOLUTION DU TAUX D’INFLATION ET DE L’INDEXATION DU BARÈME
DE L’IMPÔT SUR LE REVENU DEPUIS 2011

Année N

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Indexation du barème réalisée en PLF de l’année N

1,5 %

0 %

(gel du barème)

0 %

(gel du barème)

0,8 %

0,5 %

0,1 %

0,1 %

1 %

1,6 %

1 %

Coût de la mesure en année N (pertes de recettes d’IR)

(en millions d’euros)

1 100

0

0

700

485

100

100

1 100

1 176

1 100

Source : commission des finances.

L’inflation constatée l’année N peut s’avérer légèrement différente du taux d’indexation du barème car il est établi sur la base des prévisions d’inflation arrêtées à l’été de l’année N, lors de l’élaboration du PLF pour l’année N + 1. Au cours des dernières années, l’écart entre l’inflation anticipée et l’inflation constatée n’a in fine jamais dépassé 0,1 point.

L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution du niveau des prix permet de maintenir constante la pression fiscale qui pèse sur les contribuables, c’est-à-dire le rapport entre l’impôt dû et le revenu. Dit autrement, elle « neutralise » les effets liés à l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.

A contrario, si le barème n’évoluait pas dans les mêmes proportions que le niveau des prix, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait. La progressivité du barème impliquerait qu’une part plus importante de leurs revenus soit soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter en cas de changement de tranche. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre. L’indexation est donc une mesure favorable aux contribuables.

B.   UNE RÉFORME D’AMPLEUR DE L’IMPÔT SUR LE REVENU EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2020

L’article 2 de la loi de finances initiale pour 2020 a prévu une importante réforme d’allègement de l’imposition à l’IR, pour un montant total de 5 milliards d’euros environ, concentrée sur les contribuables dont le taux marginal relève des deux premières tranches d’imposition. Cette réforme est applicable aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.

En premier lieu, le barème de l’IR a été modifié :

– le taux de la première tranche du barème a été abaissé de 14 % à 11 % ;

– les seuils d’entrée dans les deuxième et troisième tranches imposables ont été abaissés pour neutraliser l’effet de la baisse de l’impôt sur les ménages les plus aisés.

BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU APPLICABLE AUX REVENUS DE 2020 *

Jusqu’à 10 064 euros

0 %

10 064 euros – 25 659 euros

11 %

25 659 euros – 73 369 euros

30 %

73 369 euros – 157 806 euros

41 %

Fraction supérieure à 157 806 euros

45 %

*Hors revalorisation liée à l’inflation prévue par le présent article (voir infra).

Source : article 2 de la loi de finance initiale pour 2020.

En deuxième lieu, les paramètres de calcul de la décote ont été revus.

Codifié à l’article 197 du CGI (a du 4), le mécanisme de la décote consiste à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif de la différence entre un montant fixe et une fraction du montant de l’impôt précité, lesquels sont fixés à l’article 197 du CGI, afin de décaler et lisser l’entrée dans le barème de l’IR. Les montants associés à la décote sont fixés à l’article 197 et évoluent traditionnellement chaque année dans les mêmes proportions que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

L’article 2 de la loi de finances initiale pour 2020 a atténué la pente de la décote pour la porter de ¾ (0,75 %) à 45,25 % et les montants associés ont été modifiés.

ÉVOLUTION DE LA DÉCOTE DEPUIS 2015

Année

2016

(revenus de 2015)

2017

(revenus de 2016)

2018

(revenus de 2017)

2019

(revenus de 2018)

2020 (revenus 2019)

2021 (revenus 2020)

Montant de la décote pour une personne seule (en euros)

1 165

1 165

1 177

1 196

1 208

777*

Montant de la décote pour les contribuables soumis à une imposition commune (en euros)

1 920

1 920

1 939

1 970

1 990

1 286*

Fraction du montant d’impôt

3/4

3/4

3/4

3/4

3/4

45,25 %

*Hors revalorisation liée à l’inflation.

Source : commission des finances.

En troisième lieu, la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources a été abrogée puisque les modifications apportées à la décote et au barème de l’IR couvraient les effets de ce mécanisme, le rendant ainsi caduc.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   L’INDEXATION DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU SUR L’INFLATION, À HAUTEUR DE 0,2 %

1.   La revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu

Le 1° du B du I procède à l’indexation du barème de l’IR sur les revenus perçus ou réalisés en 2020 en revalorisant chacune des limites des tranches de 0,2 %. Ce taux correspond à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac en 2020 par rapport à 2019, qui figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent PLF.

BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU APPLICABLE AUX REVENUS DE 2020

Jusqu’à 10 084 euros

0 %

10 084 euros – 25 710 euros

11 %

25 710 euros – 73 516 euros

30 %

73 516 euros – 158 122 euros

41 %

Fraction supérieure à 158 122 euros

45 %

Source : commission des finances

● L’indexation du barème est également une référence pour l’évolution d’autres types de montants conditionnant, selon les cas, une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage fiscal. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

LISTE DES DISPOSITIFS DONT LES SEUILS, PLAFONDS OU ABATTEMENTS éVOLUENT EN FONCTION DE LA REVALORISATION DU BARèME DE L’IR

Dispositifs

Référence

Impôt sur le revenu

Seuils de chiffre d’affaires du régime microentreprise

Article 50-0 du CGI (1)

* évolution triennale

Seuils et plafonds applicables pour déterminer le régime d’imposition des exploitants agricoles

Article 69 du CGI

* évolution triennale

Seuils et plafonds applicables pour déterminer le régime d’imposition des groupements agricoles d’exploitation en commun

Article 71 du CGI

* évolution triennale

Abattement sur le bénéfice imposable des exploitants soumis à un régime réel d'imposition

Article 73 B du CGI

* évolution triennale

Seuil et plafond de la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut

3° de l’article 83 du CGI

Seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial

1 de l’article 102 ter du CGI

* évolution triennale

Régime du micro-entrepreneur

Article 151-0 du CGI

Modalités d’imputation des déficits agricoles

1° du I de l’article 156 du CGI

Déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable

2° ter du II de l’article 156 du CGI
 

Abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes modestes invalides ou âgées de plus de 65 ans

article 157 bis du CGI

Abattement applicable aux pensions et retraites

a du 5 de l’article 158 du CGI

Évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie

1 de l’article 168 du CGI

Retenue à la source spécifique sur les revenus salariaux et assimilés des contribuables non-résidents

article 182 A du CGI

Retenue à la source spécifique sur les sommes perçues par des contribuables non-résidents en contrepartie de prestations artistiques

Article 182 A bis du CGI

Application du taux minimum aux contribuables non-résidents

Article 197 A du CGI

Réduction d'impôt en faveur des foyers modestes

b du 4 du I de l’article 197 du CGI – abrogation prévue le 1er janvier 2021 (voir supra)

Réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers

ter de l’article 200 du CGI

Grilles de taux par défaut du prélèvement à la source (voir infra)

e du 1 du III de l’article 204 H

Seuil de RFR associé au bénéfice du taux nul en matière de prélèvement à la source

2 du II de l’article 204 H

Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d’imposition en bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

article 302 septies bis
du CGI

*évolution triennale

Fiscalité directe locale

Plafonds pour les exonérations et dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties (par conséquent, plafonds applicables pour certains dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public)

I, I bis, II de l’article 1417 du CGI

Plafonds pour l’exonération totale ou progressive de taxe d’habitation

II bis de l’article 1417 du CGI (abrogation prévue au 1er janvier 2023 dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation)

Dégrèvement de taxe d’habitation en faveur des personnes âgées ou veuves, de condition modeste, qui cohabitent avec leurs enfants majeurs demandeurs d’emploi également de condition modeste

IV de l’article 1414 du CGI (abrogation prévue au 1er janvier 2023 dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation)

Dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public faveur des personnes âgées ou veuves, de condition modeste, qui cohabitent avec leurs enfants majeurs demandeurs d’emploi également de condition modeste

f du 2° de l’article 1605 bis du CGI (à partir du 1er janvier 2021)

Autres domaines fiscaux

Barème de la taxe sur les salaires (TS)

2 bis de l’article 231 du CGI

Seuil de chiffre d’affaires pour la franchise en base

article 293 B du CGI

Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d’imposition en taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

article 302 septies A du CGI

Exigibilité de la TS pour les associations

article 1679 A du CGI

Source : commission des finances.

2.   La revalorisation des plafonds applicables au quotient familial

La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne de celle des différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt s’agissant de l’avantage retiré du quotient familial.

Visant à corriger la progressivité du barème de l’impôt en fonction de la situation de famille et des charges du foyer fiscal, le quotient familial a pour conséquence d’alléger, à revenu égal, la charge fiscale pesant sur les familles par rapport à celle des redevables taxés sur un nombre inférieur de parts, en permettant d’imposer les revenus ainsi fractionnés dans des tranches plus basses.

Depuis la loi de finances pour 1982, l’avantage fiscal qui résulte de l’application du quotient familial est plafonné, de sorte que, pour les contribuables soumis au plafonnement, cet avantage tend à diminuer, en valeur relative par rapport à l’impôt dû, à mesure que le revenu augmente. Ainsi, le plafonnement bénéficie plus fortement aux contribuables dont les revenus sont les moins élevés.

Le 2° du B du I du présent article procède à l’indexation des plafonds de l’avantage retiré de l’application des différentes parts et demi-parts qui composent le quotient familial.

INDEXATION DE PLAFONDS ASSOCIÉS AU CALCUL DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

(en euros)

Objet de la limite ou du seuil

Pour l’imposition des revenus de 2019

Pour l’imposition des revenus de 2020

Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial

1 567

1 570

Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du CGI

3 697

3 704

Plafond de l’avantage retiré de la demi-part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des ab et e du 1 de l’article 195 du CGI

936

938

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des cdd bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI

1 562

1 565

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194

1 745

1 748

Source : commission des finances.

Par ailleurs, le rattachement au foyer fiscal d’un enfant majeur marié, pacsé ou chargé de famille, de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’il poursuit ses études, ouvre droit à un abattement sur le revenu imposable, en application de l’article 196 B du CGI. Le A du I du présent article fixe le montant de l’abattement à 5 959 euros pour l’imposition des revenus de 2020.

3.   La revalorisation de la décote

En application de l’article 2 de la loi de finances initiale pour 2020, la décote consiste désormais à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif de la différence entre, pour les revenus de l’année 2020, 777 euros (hors indexation sur l’inflation) et 45,25 % de son montant pour les célibataires, divorcés ou veufs, ou de la différence entre 1 286 euros (hors indexation sur l’inflation) et 45,25 % de son montant pour les contribuables soumis à une imposition commune.

Le 3° du B du I du présent article procède à l’indexation de la décote, en portant son montant à 779 euros dans le premier cas et à 1 289 euros dans le second.

Par conséquent, pour les revenus réalisés ou perçus en 2020, la décote trouverait à s’appliquer tant que l’impôt issu du barème serait inférieur à 1 721 euros pour une personne célibataire, divorcée ou veuve et inférieur à 2 848 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune.

Par ailleurs, la décote viendrait annuler l’imposition, telle qu’elle résulte du barème progressif, lorsque celle-ci serait inférieure à 536 euros pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, et à 887 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

B.   LA SUPPRESSION, AVANT SON ENTRÉE EN VIGUEUR, DU CARACTÈRE AUTOMATIQUE DE LA REVALORISATION DES GRILLES DE TAUX PAR DÉFAUT DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

1.   La suppression du principe de la revalorisation annuelle des grilles de taux par défaut dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR

Le taux de la retenue à la source que doivent effectuer les collecteurs est calculé par l’administration fiscale selon les modalités définies à l’article 204 H du CGI. Toutefois, lorsque le débiteur ne dispose pas du taux individualisé ou lorsque l’administration n’est pas en mesure de transmettre un taux suffisamment « à jour » de la situation fiscale du contribuable, il est fait application des grilles de taux dit « par défaut », prévues aux a à c du III de l’article 204 H du CGI.

Trois grilles, respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du 1 du III), en Guyane et à Mayotte (c du 1 du III), précisent le taux applicable pour chaque tranche de base mensuelle de prélèvement. Les grilles spécifiques établies pour ces territoires ultramarins tiennent compte des effets de la réduction de 30 % ou 40 %, selon les cas, qui s’y applique.

Conformément à l’article 2 de la loi de finances pour 2019, les limites de chacune des tranches des grilles prévues aux a à c du 1 du III de l’article 204 H du CGI sont révisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR. Dans le cadre de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu prévue par la loi de finances pour 2020, cette revalorisation automatique censée s’appliquer aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 a été reportée à ceux perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2021.

Le II du présent article supprime ce principe de revalorisation annuelle automatique des grilles de taux par défaut, avant son entrée en vigueur. Ainsi, cette disposition n’aura jamais été appliquée.

D’après les informations données au Rapporteur général, cette suppression se justifie par l’impossibilité d’ajuster automatiquement les taux par défaut à l’euro près en se calquant sur le taux exact d’inflation retenu. La revalorisation annuelle par la loi, ligne par ligne dans la grille des taux par défaut, apparaît ainsi plus pertinente.

2.   La revalorisation des grilles de taux par défaut applicables pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2021

Le principe de revalorisation automatique étant supprimé, les 1° à 3° du C du I du présent article procèdent à une revalorisation des montants retenus pour les bases mensuelles de prélèvement, dans les limites inscrites dans les tableaux ci‑après.

GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN MÉTROPOLE

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 418 €

0 %

Inférieure à 1 420 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 418 € et inférieure à 1 472 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 420 € et inférieure à 1 475 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 472 € et inférieure à 1 567 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 475 € et inférieure à 1 570 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 567 € et inférieure à 1 673 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 570 € et inférieure à 1 676 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 673 € et inférieure à 1 787 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 1 676 € et inférieure à 1 791 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 1 787 € et inférieure à 1 883 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 791 € et inférieure à 1 887 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 883 € et inférieure à 2 008 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 1 887 € et inférieure à 2 012 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 008 € et inférieure à 2 376 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 012 € et inférieure à 2 381 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 376 € et inférieure à 2 720 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 381 € et inférieure à 2 725 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 720 € et inférieure à 3 098 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 2 725 € et inférieure à 3 104 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 3 098 € et inférieure à 3 487 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 3 104 € et inférieure à 3 494 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 3 487 € et inférieure à 4 069 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 3 494 € et inférieure à 4 077 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 4 069 € et inférieure à 4 878 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 4 077 € et inférieure à 4 888 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 4 878 € et inférieure à 6 104 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 4 888 € et inférieure à 6 116 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 6 104 € et inférieure à 7 625 €

20 %

Supérieure ou égale à 6 116 € et inférieure à 7 640 €

20 %

Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 10 583 €

24 %

Supérieure ou égale à 7 640 € et inférieure à 10 604 €

24 %

Supérieure ou égale à 10 583 € et inférieure à 14 333 €

28 %

Supérieure ou égale à 10 604 € et inférieure à 14 362 €

28 %

Supérieure ou égale à 14 333 € et inférieure à 22 500 €

33 %

Supérieure ou égale à 14 362 € et inférieure à 22 545 €

33 %

Supérieure ou égale à 22 500 € et inférieure à 48 196 €

38 %

Supérieure ou égale à 22 545 € et inférieure à 48 292 €

38 %

Supérieure ou égale à 48 196 €

43 %

Supérieure ou égale à 48 292 €

43 %

Source : commission des finances d’après le présent article.

GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN GUADELOUPE, À LA RÉUNION ET EN MARTINIQUE

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 626 €

0 %

Inférieure à 1 629 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 626 € et inférieure à 1 724 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 629 € et inférieure à 1 728 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 724 € et inférieure à 1 900 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 728 € et inférieure à 1 904 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 900 € et inférieure à 2 075 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 904 € et inférieure à 2 079 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 075 € et inférieure à 2 292 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 079 € et inférieure à 2 296 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 292 € et inférieure à 2 417 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 296 € et inférieure à 2 421 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 417 € et inférieure à 2 500 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 421 € et inférieure à 2 505 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 500 € et inférieure à 2 750 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 505 € et inférieure à 2 755 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 750 € et inférieure à 3 400 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 755 € et inférieure à 3 406 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 3 400 € et inférieure à 4 350 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 3 406 € et inférieure à 4 359 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 4 350 € et inférieure à 4 942 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 4 359 € et inférieure à 4 952 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 4 942 € et inférieure à 5 725 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 4 952 € et inférieure à 5 736 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 5 725 € et inférieure à 6 858 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 5 736 € et inférieure à 6 872 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 6 858 € et inférieure à 7 625 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 6 872 € et inférieure à 7 640 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 7 625 € et inférieure à 8 667 €

20 %

Supérieure ou égale à 7 640 € et inférieure à 8 684 €

20 %

Supérieure ou égale à 8 667 € et inférieure à 11 917 €

24 %

Supérieure ou égale à 8 684 € et inférieure à 11 940 €

24 %

Supérieure ou égale à 11 917 € et inférieure à 15 833 €

28 %

Supérieure ou égale à 11 940 € et inférieure à 15 865 €

28 %

Supérieure ou égale à 15 833 € et inférieure à 24 167 €

33 %

Supérieure ou égale à 15 865 € et inférieure à 24 215 €

33 %

Supérieure ou égale à 24 167 € et inférieure à 52 825 €

38 %

Supérieure ou égale à 24 215 € et inférieure à 52 930 €

38 %

Supérieure ou égale à 52 825 €

43 %

Supérieure ou égale à 52 930 €

43 %

Source : commission des finances d’après le présent article.

GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN GUYANE ET À MAYOTTE

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 741 €

0 %

Inférieure à 1 745 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 741 € et inférieure à 1 883 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 745 € et inférieure à 1 887 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 883 € et inférieure à 2 100 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 887 € et inférieure à 2 104 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 2 100 € et inférieure à 2 367 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 104 € et inférieure à 2 371 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 367 € et inférieure à 2 458 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 371 € et inférieure à 2 463 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 458 € et inférieure à 2 542 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 463 € et inférieure à 2 547 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 542 € et inférieure à 2 625 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 547 € et inférieure à 2 630 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 625 € et inférieure à 2 917 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 630 € et inférieure à 2 922 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 917 € et inférieure à 4 025 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 922 € et inférieure à 4 033 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 4 025 € et inférieure à 5 208 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 4 033 € et inférieure à 5 219 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 5 208 € et inférieure à 5 875 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 5 219 € et inférieure à 5 887 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 5 875 € et inférieure à 6 817 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 5 887 € et inférieure à 6 830 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 6 817 € et inférieure à 7 500 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 6 830 € et inférieure à 7 515 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 7 500 € et inférieure à 8 308 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 7 515 € et inférieure à 8 325 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 8 308 € et inférieure à 9 642 €

20 %

Supérieure ou égale à 8 325 € et inférieure à 9 661 €

20 %

Supérieure ou égale à 9 642 € et inférieure à 12 971 €

24 %

Supérieure ou égale à 9 661 € et inférieure à 12 997 €

24 %

Supérieure ou égale à 12 971 € et inférieure à 16 500 €

28 %

Supérieure ou égale à 12 997 € et inférieure à 16 533 €

28 %

Supérieure ou égale à 16 500 € et inférieure à 26 443 €

33 %

Supérieure ou égale à 16 533 € et inférieure à 26 496 €

33 %

Supérieure ou égale à 26 443 € et inférieure à 55 815 €

38 %

Supérieure ou égale à 26 496 € et inférieure à 55 926 €

38 %

Supérieure ou égale à 55 815 €

43 %

Supérieure ou égale à 55 926 €

43 %

Source : commission des finances d’après le présent article.

Le III du présent article prévoit que ces modifications des grilles de taux par défaut seront applicables aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2021.

III.   L’IMPACT DE LA MESURE

Le coût budgétaire de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu et des seuils et limites qui lui sont associés est chiffré à 230 millions d’euros pour l’année 2021, au titre des pertes de recettes d’impôt sur le revenu pour l’État.

En revanche, les pertes de recettes pour les collectivités territoriales au titre de l’indexation du barème sur l’inflation ne font l’objet d’aucun chiffrage par l’évaluation préalable du présent article. Or la revalorisation des plafonds de RFR mentionnés à l’article 1417 du CGI, qui déterminent les conditions d’exonération et d’abattement au titre de la taxe foncière, se traduit par des moindres recettes pour les collectivités territoriales dès lors que certains des régimes dérogatoires applicables ne font pas l’objet d’une compensation par l’État.

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La commission examine en discussion commune les amendements ICF1191, ICF1173 et I-CF1208 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. L’article 2 tend à revaloriser le barème de l’impôt sur le revenu (IR) pour tenir compte de l’inflation, comme nous le faisons chaque année. Pour 2021, le Gouvernement prévoit une évolution de 0,2 %. À la lumière d’une récente publication de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sur l’évolution du niveau de vie, l’amendement I-CF1191 propose plutôt une revalorisation de 0,8 %.

M. Jean-Louis Bricout. Ce budget est marqué par un déséquilibre entre les réductions d’impôt, notamment ceux de production, et les mesures concernant les ménages. L’article 2 vise à neutraliser les effets de l’inflation s’agissant de l’impôt sur le revenu. C’est plutôt une bonne mesure, mais les 1 % de Français les plus riches pourraient contribuer un peu plus aux efforts dans la situation assez exceptionnelle que nous connaissons. Tel est l’objet de l’amendement I-CF1173.

Mme Claudia Rouaux. Depuis la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le 29 septembre dernier, nous savons que les assurances complémentaires santé seront mises à contribution pour le remboursement des dettes résultant du plan de relance. Dans le même esprit – faire participer les mieux lotis à l’effort national de reconstruction –, l’amendement I-CF1208 tend à créer pour 2021 et 2022, c’est-à-dire le temps du plan de relance, une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu, supérieure de quatre points à la dernière tranche actuelle et applicable uniquement aux plus hauts revenus – les derniers 0,1 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut regarder précisément qui souffre de la crise. Il faut concentrer, comme nous le faisons depuis le début de la crise, les efforts de soutien sur les ménages les plus fragiles. Au demeurant, l’augmentation de 0,2 % prévue suit l’inflation hors tabac, comme de coutume. Je rappelle aussi que nous avons réduit de 5 milliards d’euros l’impôt sur le revenu des ménages en 2020, ce qui était inédit. Nous avons démontré notre capacité à réduire la fiscalité des ménages, il faut s’y tenir. Je vous propose de retirer ces amendements, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1191, ICF1173 et I-CF1208.

Elle examine en discussion commune les amendements I-CF224 de Mme Marie-Christine Dalloz et les amendements identiques I-CF186 de M. Marc Le Fur, I-CF345 de Mme Véronique Louwagie et I-CF389 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF224, comme l’amendement I‑CF186, propose de revenir sur une mesure profondément injuste adoptée par le Gouvernement précédent : le plafonnement du quotient familial, dispositif que le groupe Les Républicains considère comme essentiel à une politique d’encouragement de la natalité, et donc au remplacement des générations – question qu’on élude systématiquement, bien à tort. Cette réforme adoptée dans le cadre du PLF pour 2013 a durement touché les familles aux revenus moyens.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF345 est défendu.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF389 également.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Nous avons chaque année ce débat de fond sur la fiscalité familiale : je ne crois pas qu’il faille revenir sur ce qui a été fait au cours du quinquennat précédent. Nous avons démontré, je l’ai dit, notre volonté de réduire la fiscalité des familles et de l’ensemble des ménages. Nous voulons le faire prioritairement pour ceux qui souffrent davantage de la crise. Or j’ai fait un calcul sur Leximpact : il faudrait que les revenus d’un ménage ayant trois enfants soient supérieurs à 7 000 euros pour que le foyer fiscal bénéficie d’une baisse d’impôt grâce à votre amendement. Je ne pense pas que ce soit notre cible prioritaire, même si j’entends bien que c’est davantage un débat de fond, d’idées et de principes qu’un débat fiscal. J’ajoute que la majorité a contribué à la politique de natalité depuis le dernier PLF : M. Holroyd et Mme Peyrol ont agrandi leurs familles respectives (Sourires).

M. le président Éric Woerth. Et ce, sans amendement… (Sourires.)

M. Julien Aubert. Ce n’est pas seulement une question de fond, idéologique ou de principe, même si je pourrais vous taquiner sur ce point : La République en Marche ayant dérivé à droite, nous saurons le jour où vous voterez pour ce type d’amendement que vous êtes prêts à adhérer aux Républicains… Il s’agit aussi d’une question économique. On parle beaucoup de la faiblesse de la croissance potentielle. Or la démographie, selon le modèle néoclassique de Solow, est essentielle pour la croissance. La question n’est pas uniquement de savoir s’il faut aider les familles – vous aurez compris ce que j’en pense : il faut aussi avoir une réflexion économique sur la croissance potentielle. À cause du déficit démographique, on va chercher ailleurs les travailleurs, ce qui implique évidemment des coûts induits. Peut-être vaudrait-il mieux investir dans notre croissance naturelle que dans une croissance externe.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF224 et les amendements identiques I-CF186, I-CF345 et I-CF389.

La commission adopte l’article 2 sans modification.

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Après l’article 2

La commission examine les amendements identiques I-CF196 de M. Marc Le Fur et I-CF197 de M. Fabrice Brun.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF196 est défendu.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF197 tend à appliquer un abattement temporaire aux revenus fonciers tirés de la location d’un bien à un jeune agriculteur. Cette mesure concrète facilitera la libération du foncier au profit de l’installation d’agriculteurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements sont régulièrement redéposés chaque année, et reviendront sans doute en séance. Mon avis n’a pas changé : défavorable.

La commission rejette les amendements I-CF196 et I-CF197.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1042 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Cet amendement permettra de mettre fin à une insécurité juridique relative à la rémunération des fonctions techniques des associés, sans contrat de travail, de sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cela me paraît une bonne idée. Afin de bien sécuriser juridiquement l’amendement, je vous propose néanmoins de le retirer et de le retravailler de concert, si possible, d’ici à la séance ; je pourrai alors lui donner un avis favorable.

L’amendement I-CF1042 est retiré.

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Article additionnel après l’article 2
Régime fiscal de la prestation compensatoire versée pour partie sous forme de rente et de la contribution aux charges du mariage

La commission examine l’amendement I-CF1013 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. Le présent amendement a pour objet de tirer les conséquences de deux décisions prises en 2020 par le Conseil constitutionnel, en réponse à des questions prioritaires de constitutionnalité, au sujet du régime fiscal des prestations compensatoires versées en cas de divorce et de la déductibilité de la contribution aux charges du mariage.

Lorsque la prestation compensatoire est versée pour partie sous la forme d’un capital libéré dans les douze mois suivant le jugement ou la convention de divorce et pour partie sous la forme d’une rente, les versements en capital ouvriront droit à une réduction d’impôt.

Il permettra par ailleurs de déduire la contribution aux charges du mariage du revenu imposable de l’époux qui la verse, même lorsque le montant n’a pas été fixé ou homologué par le juge, les sommes admises en déduction étant corrélativement imposables entre les mains de l’époux bénéficiaire dans les conditions prévues à l’article 80 quater du code général des impôts.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est une proposition pertinente pour assurer le respect du principe constitutionnel d’égalité. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1013 (amendement 1118).

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Après l’article 2

Elle est saisie de l’amendement I-CF1230 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu pour les majorations de retraite ou de pension accordées au titre des enfants élevés ou à charge s’est traduite par un alourdissement de l’impôt pour un grand nombre de foyers fiscaux, parfois non imposables jusqu’alors. Nous proposons de revenir en arrière afin d’alléger la charge fiscale de personnes qui ont élevé des enfants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’avantage fiscal bénéficiait à hauteur de 40 % du total au dernier décile : je ne suis pas certain que revenir à la situation antérieure soit la priorité en temps de crise, d’autant que cela coûterait 1,4 milliard d’euros à l’État. J’émets un avis défavorable.

M. Julien Aubert. Ce sont traditionnellement les gens qui ont de gros revenus qui bénéficient de gros abattements d’impôt : c’est proportionnel… Les derniers déciles ont aussi le droit d’avoir des abattements fiscaux : cela aussi fait partie de la solidarité nationale, et contribue à un meilleur consentement à l’impôt.

La commission rejette l’amendement I-CF1230.

Elle examine l’amendement I-CF1221 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je propose d’exonérer d’impôt sur le revenu la rémunération d’un proche aidant versée grâce à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Ce sera une mesure de solidarité intergénérationnelle. Dans la situation de crise que nous vivons, nous avons plutôt intérêt à renforcer ce type d’aide. Si elle disparaît, cela finira inévitablement par peser sur les comptes sociaux car il faudra bien faire appel à des dispositifs d’aide de nature publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si je comprends bien, votre amendement concerne un emploi familial qui est rémunéré par l’APA. Personnellement, je ne connais pas beaucoup de situations de ce type, mais il doit s’en trouver, je n’en doute pas. Ce serait un peu fromage et dessert, si vous me permettez l’expression. Je suis d’accord sur le fait que la solidarité intergénérationnelle doit absolument être améliorée et je pense qu’il y a probablement des outils pour le faire, mais je ne crois pas qu’il faille accorder un avantage fiscal en plus de l’aide sociale reposant sur le financement par l’APA de l’emploi, parce qu’il serait intrafamilial : c’est ou l’un ou l’autre. J’émets un avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je vais retirer mon amendement pour le réécrire d’ici à la séance.

L’amendement I-CF1221 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF1330 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Christophe Jerretie. En vue de renforcer les fonds propres des entreprises, l’amendement I-CF1330 propose d’autoriser le transfert de jours épargnés dans le cadre du compte épargne-temps (CET) ou de jours de repos, en l’absence de CET, vers un plan d’épargne d’entreprise, à condition que les sommes concernées servent à l’acquisition de titres de l’entreprise ou de parts ou actions de fonds d’actionnariat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen des projets de loi de finances rectificative (PLFR). M. Barrot avait lui-même reconnu que la défiscalisation proposée visait essentiellement à rendre l’amendement recevable en loi de finances : la vraie volonté politique était de porter de dix à vingt le nombre de jours pouvant être transférés du CET vers un plan d’épargne d’entreprise. Je vous propose de retirer votre amendement, comme précédemment cette année, et d’en redébattre éventuellement en séance publique.

L’amendement I-CF1330 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF75 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Nous nous sommes demandé comment soutenir à la fois le pouvoir d’achat de nos concitoyens, en particulier les salariés, et le commerce de proximité. L’amendement I-CF75 tend à doubler le plafond dans la limite duquel les bons d’achat et les cadeaux attribués aux salariés peuvent bénéficier d’une exonération – ledit plafond passerait de 169 à 338 euros. Ce sera une prime au pouvoir d’achat, servant à des dépenses dans les commerces de proximité. Tout le monde y gagnera : les salariés, les employeurs et nos commerçants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le fait que cet amendement permette de sécuriser juridiquement ces exonérations me paraît intéressant. En revanche, je ne souhaite pas que soient modifiés le champ et les modalités d’application actuels de ces exonérations. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le retravailler ensemble d’ici à la séance, dans le seul objectif de sécuriser le dispositif.

M. Fabrice Brun. Vous avez raison d’insister sur la sécurisation juridique. Une jurisprudence pourrait mettre en danger ces exonérations. Je suis prêt à retirer mon amendement et à le retravailler en vue de la séance, dans l’espoir d’obtenir alors un avis favorable.

M. le président Éric Woerth. Les URSSAF sont-elles les seules à faire preuve de tolérance ? Le fisc fait-il de même ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui tout à fait, il existe aussi une exonération fiscale.

M. Charles de Courson. Ce qui est étonnant dans ce dispositif, c’est que ce soit une décision administrative qui définisse l’assiette de l’impôt.

M. le président Éric Woerth. C’était bien le sens de l’intervention du rapporteur général.

M. Charles de Courson. C’est une situation totalement anticonstitutionnelle. On ne peut pas accepter des exonérations sans base législative. Cet amendement est plein de bon sens ; reste à savoir comment le calibrer, et à quel niveau.

L’amendement I-CF75 est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements I-CF346 et I-CF347 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avons un réel problème d’attractivité vis-à-vis des professionnels de santé dans nos territoires ruraux. Des dispositifs fiscaux avantageux pour l’installation de médecins libéraux ont été adoptés sous les deux précédentes législatures mais il existe une disparité avec les professionnels hospitaliers. Ces deux amendements, le second étant de repli, visent à appliquer aux praticiens hospitaliers les incitations fiscales dont bénéficient les médecins libéraux. La crise de la covid-19 vient de montrer que nous avons besoin de professionnels de santé dans nos hôpitaux partout sur le territoire national.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un sujet important : on ne peut pas ignorer la question des personnels médicaux exerçant en milieu rural. Mais pourrait-on y répondre grâce à votre amendement ? Je ne le pense pas. L’exonération d’IR a du sens dans le cas des médecins libéraux : ils sont exposés à une prise de risque que ne connaissent pas, par définition, les personnels médicaux salariés – ou alors c’est d’une manière différente. Mais dans le cas de ces derniers, je ne crois pas que la réponse doive passer par une exonération de l’impôt sur le revenu.

Il faudrait, en revanche, mieux mettre en lumière certaines mesures récentes prises spécifiquement pour les zones sous-denses et regarder davantage leur efficacité, qu’il s’agisse de l’exonération de contribution foncière des entreprises (CFE), adoptée grâce à M. Dive, des exonérations de cotisations sociales pour les jeunes médecins introduites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, ou encore de celles sur les rémunérations au titre de la permanence des soins. Même si cela concerne davantage la sécurité sociale que le budget de l’État, il faudrait peut-être réaliser un contrôle et une évaluation assez fine du fonctionnement de ces dispositifs dans les zones sous-denses. Nous devrions faire un point d’étape rapidement pour voir si les choses ont commencé à bouger : je rappelle qu’une des priorités de la stratégie Ma Santé 2022 était de lutter contre la désertification médicale en zone rurale. En attendant, avis défavorable sur ces deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF346 et ICF347.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF3 de M. Marc Le Fur, ICF24 de M. Pierre Cordier et I-CF114 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Ces amendements visent à alléger les cotisations des entreprises sur les heures supplémentaires afin de leur permettre de se relancer dans le contexte actuel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons adopté une disposition temporaire de bon aloi dans une loi de finances rectificative cette année : nous avons intérêt à revenir, à partir de 2021, au droit commun, c’est-à-dire aux conditions prévues dans le cadre des mesures d’urgence de la fin de l’année 2018. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF3, I-CF24 et ICF114.

Elle examine en discussion commune les amendements identiques I-CF1 de M. Marc Le Fur et I-CF22 de M. Fabrice Brun, ainsi que les amendements identiques I-CF10 de M. Pierre Cordier, I-CF111 de M. Dino Cinieri et I-CF762 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabrice Brun. Alors que notre pays connaît une relance en accordéon dans de nombreux secteurs, nous gagnerions à faire preuve de davantage de flexibilité et à encourager davantage les acteurs économiques à récompenser les efforts. Dans cet esprit, l’amendement I-CF22 a pour objet d’étendre la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est une mesure de soutien du pouvoir d’achat simple, concrète et efficace. L’amendement I-CF10 a le même objet.

M. Dino Cinieri. La loi de finances rectificative du 25 avril 2020 a modifié l’article 81 quater du code général des impôts en prévoyant que les heures supplémentaires effectuées par les salariés du 16 mars 2020 à la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 juillet au soir, seraient exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales dans la limite de 7 500 euros par an, alors que le plafond était de 5 000 euros depuis le 1er janvier 2019. L’amendement I‑CF111, comme l’amendement I-CF1, vise à prolonger cette mesure jusqu’au 31 décembre prochain.

Mme Marie-Christine Dalloz. La reprise d’activité étant très variable selon les secteurs, il convient d’accompagner les entreprises qui ont un besoin ponctuel de main-d’œuvre supplémentaire et qui, n’étant pas enclines à recruter dans le contexte actuel, préfèrent s’appuyer sur le savoir-faire de leurs salariés en poste. Voilà pourquoi notre amendement I‑CF762 tend lui aussi à reconduire le dispositif temporaire précédemment adopté.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

La commission rejette les amendements identiques I-CF1 et I-CF22, puis elle rejette les amendements identiques I-CF10, I-CF111 et I-CF762.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF112 de M. Dino Cinieri et I-CF33 de M. Fabrice Brun.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF112 vise à mieux reconnaître le rôle de l’ensemble des soignants qui ont été en première ligne pendant la crise du covid-19 en relevant le plafond de l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires effectuées par les personnels soignants, médicaux, paramédicaux et ambulanciers visés par le décret du 11 juin 2020.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF33 vise à améliorer le pouvoir d’achat et cible les soignants, les ambulanciers et les professions paramédicales ayant effectué des heures supplémentaires lorsqu’ils étaient en première ligne face au covid. À cette fin, il relève le plafond de l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires pour les personnes concernées par le décret du 11 juin 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même avis défavorable que pour les précédents amendements, non parce que le sujet n’est pas intéressant, mais parce que je ne souhaite pas que nous modifiions les dispositions relatives aux heures supplémentaires pour 2021. Le Ségur de la santé fournit l’occasion d’aborder ces débats. Nous serons attentifs aux avancées en direction de ces publics lors de l’examen du PLFSS.

La commission rejette successivement les amendements I-CF112 et I-CF33.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I‑CF348 de Mme Véronique Louwagie.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques I-CF76 de M. Fabrice Brun et I‑CF255 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF76 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’objet de l’amendement I-CF255 est de fournir rapidement du travail aux entreprises du bâtiment et des travaux publics tout en s’attaquant au problème des passoires thermiques. En permettant aux bailleurs sociaux de déduire sans limite de leur revenu les déficits fonciers issus de travaux de rénovation thermique, on traiterait la question environnementale chère à la majorité tout en permettant aux entreprises locales de programmer leur activité pour les mois à venir.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En PLFR 3, nous nous étions demandé quels étaient les meilleurs outils fiscaux et d’aide publique pour inciter à la rénovation thermique des bâtiments. C’est l’une des priorités du plan de relance, notamment grâce à l’extension bienvenue de MaPrimeRénov’à de nouveaux foyers, mais aussi aux propriétaires bailleurs, comme le demandait très pertinemment le président de notre commission.

Exclure les dépenses de rénovation énergétique de la limite applicable aux déficits fonciers déductibles du revenu ferait doublon avec ce dispositif. Concentrons nos efforts sur la bonne application de MaPrimeRénov’, qui n’est pas une mince affaire – il faudra un gros choc de simplification auquel nous, parlementaires, devrons travailler. De plus, le mécanisme du déficit foncier est déjà très avantageux, puisqu’il échappe notamment au plafonnement global des niches fiscales.

Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, si vous n’êtes pas favorable à l’amendement, le seriez-vous à un relèvement du plafond de 10 700 euros pour l’imputabilité des déficits fonciers sur le revenu global, qui n’a pas été modifié depuis des années ? Si oui, je déposerai un amendement en ce sens.

M. le président Éric Woerth. Eh bien, déposez un amendement, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Plutôt que d’exclure certains types de travaux du plafond, pourquoi ne pas relever celui-ci, inchangé, de mémoire, depuis au moins quinze ans, et qui n’a jamais été indexé sur le coût de la construction, par exemple ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le montant du plafond est suffisamment généreux et la durée d’imputation sur les revenus fonciers est longue : le dispositif est clairement avantageux.

M. Charles de Courson. Pas pour financer de gros travaux, qui coûtent bien plus de 10 700 euros !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’imputation du surplus éventuel de déficit foncier sur les revenus fonciers est tout de même possible pendant dix ans ! Je ne suis pas certain que les pays voisins proposent un avantage fiscal équivalent.

M. le président Éric Woerth. Si vous souhaitez que nous ayons ce débat, mes chers collègues, déposez des amendements pour actualiser le plafond.

La commission rejette les amendements I-CF76 et I‑CF255.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement ICF190 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Puis elle aborde l’amendement I-CF1231 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise les catégories de contribuables les plus fragiles : les personnes âgées de plus de 65 ans et celles qui sont frappées d’invalidité, très dépendantes de la politique de revalorisation des pensions et allocations. Nous proposons de doubler le montant de l’abattement spécifique qui les concerne déjà, afin de compenser l’augmentation de la CSG et de l’indice des prix à la consommation et de mieux les armer face à la tempête qui s’annonce.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. D’une manière générale, je plaide pour la stabilité de la fiscalité des ménages. Plusieurs mesures s’appliquent déjà aux publics cités, dont l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite et la majoration de quotient familial destinée aux contribuables invalides. Nous avons allégé la fiscalité des ménages de 22 milliards d’euros depuis 2017.

On ne doit répondre à la crise ni par une hausse d’impôts pour les particuliers, ni non plus, raisonnablement, par une baisse. Il faut appréhender la trajectoire de nos finances publiques. Nous réduisons les impôts des entreprises et nous leur apportons des aides publiques au nom de la compétitivité et de l’emploi, mais, je le répète, je ne souhaite pas que nous touchions à la fiscalité des ménages. Tous les amendements en ce sens recevront le même avis défavorable.

M. Julien Aubert. J’imagine que vous avez la même position « raisonnable » concernant la dette, l’explosion des dépenses et les hypothèses de croissance qui sous-tendent le budget…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vois que vous avez lu mon rapport sur la dette publique : j’en suis ravi !

La commission rejette l’amendement I-CF1231.

Elle en vient à l’amendement I-CF349 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement permettrait d’anticiper le problème du financement de la dépendance grâce à un financement personnel par l’intermédiaire des rentes viagères.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Outre que le coût de l’amendement n’est pas chiffré, c’est un débat global et consolidé qu’il faudra, sans tarder, consacrer au financement de la dépendance. Nous avons créé la cinquième branche de la sécurité sociale et le cinquième risque : il faudra trouver les moyens de financement correspondants. Cela concerne notre voisine la commission des affaires sociales, mais nous devrons avoir une réponse à cette question dès cet automne.

M. le président Éric Woerth. Cela nous semble à tous nécessaire !

La commission rejette l’amendement I-CF349.

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Article additionnel après l’article 2
Ajustement de la réforme de l’imposition des contribuables non-résidents

La commission aborde alors l’amendement I-CF1044 de Mme Anne Genetet.

Mme Anne Genetet. Cet amendement un peu technique concerne les revenus de source française des contribuables qui ne résident pas en France. Ces derniers sont quelque 240 000, dont de nombreux retraités – tous ne sont pas français – et des transfrontaliers. Dans leur cas, le mécanisme de collecte de l’impôt est assez complexe.

Il y a deux ans, la direction du trésor nous avait proposé une réforme qui aurait notamment conduit à augmenter de 400 % l’impôt dû par les contribuables relevant d’une certaine tranche de revenus. Ce n’était pas envisageable. Grâce à un travail de construction conjointe très bien menée depuis un an, et à la suite d’un rapport gouvernemental qui nous a été remis mi-juillet, nous avons trouvé un moyen de stabiliser la réforme et d’éviter une explosion du montant de l’impôt dû par les contribuables non-résidents, qui pour certains d’entre eux aurait été proprement dramatique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement vient enfin résoudre une difficulté posée par la réforme de la fiscalité des non-résidents. Il traduit l’issue trouvée avec le Gouvernement en juillet et dont je me réjouis. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1044 (amendement 1119).

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Après l’article 2

La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF108 de M. Fabrice Brun et I‑CF303 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF108 fait partie des marronniers dont vous parliez, monsieur le rapporteur général – il conviendrait plutôt de parler de châtaigniers pour nous autres Ardéchois. Il tend à rétablir la demi-part fiscale pour l’ensemble des veufs et veuves ayant eu un enfant, au lieu de la limiter à ceux et celles qui en ont eu la charge pendant cinq ans.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement I-CF303 a le même objet. Certes, une amélioration a été apportée au dispositif l’année dernière, en loi de finances initiale, pour certains veufs et veuves, mais malgré cette avancée, pas moins de 2 millions de personnes à ma connaissance restent lourdement pénalisées du point de vue fiscal par la suppression de la demi-part. Monsieur le rapporteur général, quelle est votre estimation du nombre total de personnes concernées compte tenu des mesures prises l’an dernier ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je manque un peu de recul à ce sujet, mais je veux bien y travailler avec vous, madame Dalloz, car je comprends que vous souhaitiez en savoir plus.

Monsieur Brun, je l’ai dit, je ne souhaite pas que l’on touche à la fiscalité des ménages cette année, outre le coût élevé que représenterait la mesure pour nos finances publiques. Rappelons que la suppression de la demi-part fiscale, en sifflet, a été entamée sous le gouvernement Fillon.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais sa mise en œuvre a été très tardive.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est vrai. Son rétablissement est en effet un marronnier, et certains le défendent depuis le début de la législature. Le débat est important. Mais il faut prendre en considération la situation des veufs et des veuves d’aujourd’hui, notamment du point de vue professionnel. Auparavant, la demi-part fiscale bénéficiait, à la mort de leur époux, aux femmes n’ayant jamais travaillé. Il serait donc bon de procéder à une étude qualitative sur le pouvoir d’achat des veufs et veuves d’aujourd’hui.

Je rappelle que le dispositif existe toujours, mais sous certaines conditions, dont le fait d’avoir élevé un enfant seul pendant cinq ans.

M. le président Éric Woerth. C’étaient d’ailleurs quasiment les mêmes qui encadraient le dispositif lorsqu’il a été créé…

M. Charles de Courson. Rappelons qu’à l’origine de la réforme de la demi-part, il y a une décision du Conseil constitutionnel, qui a relevé l’inconstitutionnalité de ce dispositif tel qu’il existait alors. En effet, il ne peut y avoir d’avantage fiscal sans contrepartie d’intérêt général ; quelle était-elle dans ce cas ? Le dispositif créait de fait des situations d’inégalité devant l’impôt. Il ne bénéficie plus, à la suite d’un amendement de votre serviteur, qu’aux veufs et veuves ayant élevé un enfant seuls pendant au moins cinq ans – car il y a là une contrepartie. Il faut donc faire très attention à l’aspect constitutionnel.

M. le président Éric Woerth. Ne refaisons pas l’histoire : la suppression de la demi-part a été difficile à vivre, mais elle était, au fond, juste vis-à-vis de beaucoup de contribuables. Vous ne mesurez pas à quel point le dispositif était injuste pour ceux qui n’en bénéficiaient pas. En outre, sa suppression a pris beaucoup de temps. Mais le sujet a marqué durablement les esprits.

La commission rejette les amendements I-CF108 et I‑CF303.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF26 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cela a été évoqué tout à l’heure, nous avons fait adopter l’an dernier des amendements rétablissant la demi-part fiscale pour les veuves âgées de plus de 74 ans, à condition que le mari ait perçu une pension militaire ou ait été titulaire d’une carte d’ancien combattant. La disposition qui en est issue s’appliquera au 1er janvier 2021. Nous proposons de ramener cette condition d’âge à 70 ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je me suis toujours interrogé sur la constitutionnalité de la limite d’âge en la matière. Que celle-ci soit de 70 ou de 74 ans, la règle n’en est pas moins insensée ! Au passage, la mesure proposée ne coûterait pas grand-chose, selon les simulations que nous avons précédemment faites, car les personnes concernées sont très peu nombreuses. Mais, sans même discuter du fond, la limite d’âge vous paraît-elle constitutionnelle, monsieur le rapporteur général ? Comment justifier cela au regard du principe d’égalité ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les mesures d’âge existent en matière de fiscalité ; le droit constitutionnel ne les interdit pas, et le Conseil n’a en tout cas jamais censuré celle dont nous parlons.

M. Charles de Courson. Mais, en l’occurrence, il y a une rupture d’égalité manifeste : de deux veuves qui ont le même revenu, l’une aura droit à la demi-part et pas l’autre. Si j’avais poussé des associations d’anciens combattants à poser une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, je pense qu’elles auraient gagné. Ne devrions-nous pas supprimer la condition d’âge avant d’en arriver là ?

M. le président Éric Woerth. La condition d’âge est la même pour toutes les veuves d’anciens combattants.

M. Charles de Courson. Et le principe d’égalité ?

La commission rejette l’amendement I-CF26.

Puis elle examine l’amendement I-CF1220 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Nous proposons de créer un « quotient solidarité aîné » sous la forme d’une demi-part supplémentaire pour tout contribuable accueillant sous son toit un ascendant en perte d’autonomie et lui apportant une aide humaine ou matérielle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les pensions alimentaires versées aux ascendants sans ressources sont entièrement déductibles du revenu imposable.

M. Charles de Courson. Non, il y a un plafond !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Lorsque l’ascendant est hébergé chez le contribuable. Mais elles sont bien déductibles : une mesure fiscale existe en la matière.

Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je comprends votre argumentation, mais la solidarité intergénérationnelle est une vraie question. Ne nous voilons pas la face : nous avons vu ce qu’il est advenu dans les EHPAD pendant la crise sanitaire ; beaucoup de personnes préféreraient s’occuper de leurs ascendants eux-mêmes, mais ne peuvent pas le faire parce que les dispositifs fiscaux ne suffisent pas.

Une mesure comme celle que je propose permettrait également de simplifier la situation – il s’agit en quelque sorte d’un amendement d’appel. Dans le droit fiscal, la majoration de quotient familial ne s’applique que si l’ascendant est titulaire d’une carte d’invalidité. Et si vous rattachez à votre foyer votre père et votre mère, ils doivent tous deux en être titulaires et présenter chacun une invalidité d’au moins 80 %. Pourtant, la perte d’autonomie commence dès 60 % ; et vous n’allez pas séparer vos parents si votre père est invalide tandis que votre mère ne l’est pas.

Puisque l’on réfléchit au financement de la dépendance, ne pourrait-on envisager des moyens d’en alléger le coût tout en simplifiant les règles ? La déductibilité des pensions peut donner des résultats très hétérogènes selon les foyers et la structure familiale. Je suis à votre disposition pour retravailler la question d’ici à la séance publique.

La commission rejette l’amendement I-CF1220.

Elle aborde ensuite l’amendement I-CF881 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement est le premier d’une série visant à procurer davantage de recettes pour l’État à travers les impôts tout en améliorant la justice fiscale. Nous le redéposons à chaque projet de loi de finances, mais il est rendu d’autant plus nécessaire par la crise du covid, qui entraîne une baisse des recettes de l’État – vous n’y allez pas de main morte avec les impôts de production, nous y reviendrons – et fait exploser les inégalités.

Il s’agit de réintroduire quatorze tranches d’imposition sur le revenu. La fiscalité française est de moins en moins progressive : les impôts progressifs y deviennent toujours plus minoritaires, de sorte que l’impôt perd sa dimension redistributive.

En outre, cette perte de progressivité favorise les plus riches. Selon l’INSEE, pour les 1 % les plus riches qui cumulent revenus du travail, revenus du capital et revenus exceptionnels, seuls 51 % de ces revenus sont soumis à l’impôt sur le revenu, le reste étant soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) que vous avez institué. Et pour les 0,1 % les plus riches, la part descend à 43 %. Il faut corriger cette inégalité que vous avez non pas instituée, mais renforcée.

Outre qu’elle permet plus d’égalité, la mesure que nous vous proposons permettrait selon LexImpact de faire économiser 723 euros d’impôt par an à un célibataire avec un enfant gagnant 2 500 euros par mois, tandis qu’elle accroîtrait substantiellement le montant des impôts d’un célibataire gagnant 30 000 euros par mois. Elle serait bénéfique pour 91 % de la population ; seuls les 9 % les plus aisés paieraient davantage d’impôt sur le revenu. En outre, elle apporterait plus de recettes à l’État. Je suis donc sûr que vous aurez à cœur de voter notre amendement !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Votre amendement à quatorze tranches, que vous redéposez en effet régulièrement, crée pour la dernière tranche un taux marginal d’imposition de 90 %. Les contributions additionnelles le porteraient à plus de 100 %. Le Conseil constitutionnel censurerait la disposition bien avant qu’on n’en arrive là…

M. Éric Coquerel. Lors de crises très graves, dans d’autres pays, y compris les États-Unis d’Amérique, le taux d’imposition a été encore plus élevé : votre argument ne tient donc pas. Et il resterait suffisamment d’argent aux personnes en question pour vivre dans l’aisance.

La commission rejette l’amendement I-CF881.

Elle aborde ensuite l’amendement I-CF884 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Toujours dans le but d’améliorer la justice fiscale et les recettes de l’État, nous proposons, tout en préservant le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, d’éviter les effets d’aubaine qui peuvent en résulter pour les plus riches.

En 2015, la réduction moyenne d’impôt obtenue grâce à ce dispositif était de 625 euros. Nous suggérons donc d’abaisser au niveau de cette somme le montant maximal pouvant être touché au titre du crédit d’impôt. Le plafond actuel de 12 000 euros paraît effectivement très élevé : seuls quelques ménages privilégiés peuvent se permettre de telles dépenses de personnel. Ce plafond ne devrait être conservé que pour l’assistance aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap ou ayant besoin d’une aide personnelle.

Aujourd’hui, le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile permet une forme d’optimisation fiscale. Il fait partie de ceux qui coûtent le plus cher à l’État – 5,2 milliards d’euros selon les prévisions pour 2020. Notre réforme le rendrait plus juste tout en en préservant l’efficacité pour la plupart des Français.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement exclut massivement les contribuables des classes moyennes employant un salarié à domicile pour la garde des enfants ou pour faire le ménage et auxquels le crédit d’impôt permet de payer ces services à un prix acceptable. C’est aller beaucoup trop loin : l’abaissement proposé du plafond exclut trop de Français du dispositif alors que les emplois en question leur sont utiles au quotidien. Ce n’est pas une bonne solution de sortie de crise.

En revanche, je suis d’accord pour dire que nous devons plus généralement réfléchir à cette dépense fiscale, peut-être en nous interrogeant sur un plafond par nature de dépenses. Début 2020, j’avais organisé des tables rondes sur la dépense fiscale ; la crise du covid a malheureusement suspendu ces travaux. J’espère les reprendre dès le premier trimestre 2021. En tout cas, le crédit d’impôt pour services à la personne mérite sans doute d’être retravaillé, car il ouvre par endroits probablement la porte à certains abus.

Avis défavorable.

M. Éric Coquerel. J’ai entendu l’an dernier le même argument de la part de la majorité. Je veux bien qu’il faille un autre plafond que celui que nous proposons ; mais quand le plafond actuel sera-t-il révisé ? Vous évoquez la possibilité de travailler à un amendement ou à une réforme en ce sens l’an prochain, mais je crains que, d’année en année, nous n’arrivions à la fin de la législature sans que rien n’ait été fait.

La commission rejette l’amendement I-CF884.

 

Elle examine alors l’amendement I-CF115 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Depuis plusieurs années, les agriculteurs sont de plus en plus fréquemment victimes d’actes de malveillance de la part d’associations activistes. Afin de lutter contre l’agribashing, notre amendement vise à exclure du bénéfice de la réduction d’impôt prévue à l’article 200 du code général des impôts les dons aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion ou de violence vis-à-vis des professionnels.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons eu ce débat avec Marc Le Fur en séance lors de l’examen du PLFR 3.

Je partage totalement votre indignation ; nous sommes nombreux à la ressentir, et cela va mieux en le disant. Simplement, la réponse à apporter au phénomène n’est pas fiscale – mais je comprends bien que votre amendement est d’appel –, mais pénale ; elle doit être ferme, rapide et exemplaire. J’espère que les crédits que nous consacrons à la justice permettront de réagir plus vite à ces incivilités qui sont des agressions, particulièrement préoccupantes pour le monde agricole. La plus grande fermeté s’impose.

La commission rejette l’amendement I-CF115.

Elle en vient aux amendements identiques I-CF187 de M. Marc Le Fur et ICF188 de M. Fabrice Brun.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF187 est défendu.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF188 vise à porter à 1 000 euros le plafond des dons aux associations caritatives déductibles du revenu au titre du dispositif dit Coluche, afin d’encourager les petits donateurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez en fait de pérenniser une mesure que nous avons votée en PLFR 2. Je n’y suis pas favorable : réservons-la pour 2020, le cœur de la crise. Nous verrons si elle a fait augmenter le volume des dons ; mais, à voir la consommation des ménages et la prudence dont ils font montre, ce n’est pas certain. Profitons de la saison budgétaire pour rappeler, notamment au sein de nos circonscriptions, que le plafond a été relevé et que nos concitoyens peuvent consacrer leur épargne à l’aide aux associations caritatives qui soutiennent les plus fragiles d’entre nous. Les mesures temporaires prévues pour 2020 doivent le rester. Si, par malheur, la crise devait se poursuivre en 2021, voire empirer, nous en reparlerions.

M. Fabrice Brun. C’est justement parce que nous voyons l’état de la consommation et des tensions affectant le pouvoir d’achat que nous souhaitons pérenniser la mesure : elle délestera les Français d’une partie de leur épargne pour la transférer au tissu associatif qui, lui aussi, souffre énormément des pertes de recettes dues au covid puisqu’il lui est impossible d’organiser des manifestations.

La commission rejette les amendements identiques I-CF187 et I-CF188.

Puis elle examine l’amendement I-CF1198 de M. Marc Le Fur.

M. Dino Cinieri. Le deuxième alinéa du 2° de l’article 200 du code général des impôts prévoit que le bénévole œuvrant pour une association peut renoncer aux frais afférents à son bénévolat en échange d’un reçu fiscal ouvrant droit à une réduction d’impôt.

Beaucoup de bénévoles qui se mettent au service d’associations sont dans une situation financière précaire et, souvent, non imposables. En leur donnant droit à un crédit d’impôt plutôt qu’à une réduction d’impôt, nous proposons une mesure de justice sociale assurant l’égalité de traitement entre bénévoles imposables et non imposables : les crédits d’impôt s’appliquent dans les deux cas, alors que les réductions ne bénéficient qu’à ceux qui sont imposables.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous le savez, je ne suis qu’exceptionnellement favorable à l’ouverture de nouveaux crédits d’impôt : notre impôt sur le revenu est déjà suffisamment mité. Quand bien même la mesure serait pertinente, mieux vaut aider directement les associations que créer un crédit d’impôt sur le bénévolat. Ce dont les associations ont besoin, c’est de ressources pour pouvoir rembourser les frais avancés par les bénévoles : il est bien plus facile d’aider financièrement les associations à les prendre en charge sous forme de notes de frais que d’introduire un nouveau mécanisme fiscal au bénéfice des bénévoles. Les circuits de financement doivent rester simples.

Je profite de l’occasion pour rappeler les mesures du plan de relance destinées au tissu associatif : l’aide à l’emploi dans les associations sportives, ce que M. Dirx pourra confirmer, d’un montant de 10 millions d’euros en 2020 et 15 millions en 2021, qui se traduit par une aide de 10 000 euros par embauche versée à l’Agence nationale du sport pour soutenir les nouveaux emplois en 2020, 2021 et 2022 ; l’augmentation du nombre de parcours emploi compétences au sein des associations ; les 20 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation prioritaire ; enfin, la montée en puissance du service civique – sans compter les outils de droit commun comme le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), par exemple.

Voilà pour le volet associations du plan de relance. En outre, des dispositifs fiscaux existent. Il faut renforcer financièrement les associations : vous me trouverez à vos côtés pour le faire. Nous pourrions muscler davantage le FDVA en cette fin d’année afin de les récompenser pour leur action pendant la crise du covid ou de compenser les pertes de recettes qu’elles ont subies, par exemple à cause de la baisse du nombre de licences pour les associations sportives. Nous avons effectivement besoin de nous concentrer sur le tissu associatif, mais peut-être cela relève-t-il davantage d’un PLFR de fin d’année que du PLF pour 2021.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1198.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF887 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Il s’agit de mieux répartir les réductions d’impôt pour les dons versés aux candidats à des élections. Là encore, tout cela manque de justice fiscale ! L’idée est d’y remédier en rendant dégressives les réductions d’impôt au titre des dons des particuliers aux partis politiques.

L’injustice vient d’abord du fait que les seuls à pouvoir bénéficier de ces réductions d’impôt sont ceux qui en paient ; en d’autres termes, le coût global pour la collectivité ne bénéficie qu’à une partie de la population. Une fois de plus, le système actuel profite avant tout à ceux qui paient le plus d’impôts : ainsi, le taux de la réduction est de 66 % sur des dons plafonnés à 7 500 euros. Or seuls les ménages assujettis à l’impôt sur le revenu, à savoir les 43 % des ménages les plus fortunés, peuvent en bénéficier. On peut donc considérer que l’ensemble des Français assument le coût d’une réduction dont profitent seulement ceux qui peuvent donner jusqu’à 7 500 euros.

Nous proposons un mécanisme plus juste.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je pourrais vous faire la même réponse que celle que Julien Aubert m’a faite tout à l’heure : par définition, c’est celui qui peut donner le plus qui bénéficie du plus grand avantage fiscal. Qui plus est, il n’est pas certain qu’un barème dégressif suffirait à produire l’effet voulu, et il ne faudrait pas mettre en péril les ressources financières déjà fragiles des partis. Avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Les réductions d’impôt à ce titre représentent 56 millions d’euros par an, soit presque autant que le financement des partis ou le remboursement des dépenses de campagne. Or elles s’appuient sur un système inégal qui favorise de facto les plus gros donateurs : cela ne peut qu’avoir des répercussions sur l’aide à tel ou tel parti. Il convient donc de réformer ce système. J’entends vos arguments, mais pour cette réforme non plus, n’attendez pas que votre mandat soit terminé. Sinon, ce sera pour le coup d’après…

La commission rejette l’amendement I-CF887.

La commission examine l’amendement I‑CF42 de M. Marc Le Fur.

M. Dino Cinieri. L’article 204 J du code général des impôts permet au contribuable de demander une modulation de son taux de prélèvement, afin de tenir compte des évolutions de sa rémunération ou de certains changements de situation ayant une incidence sur le niveau de ses revenus. Nombre de contribuables vont avoir recours à cette possibilité dans le cadre de la crise du covid‑19. Ceux dont le revenu a diminué en raison de la crise sanitaire se verront en effet appliquer un taux d’imposition calculé sur la base des revenus de l’année 2019. Ce taux ne tiendra par conséquent pas compte des baisses de revenus des mois de mars à mai 2020, particulièrement pour les salariés concernés par le chômage partiel. Ces contribuables ont la possibilité, pour éviter d’avancer un impôt qui ne leur sera remboursé qu’à l’été 2021, après la déclaration de leurs revenus de 2020, de demander une modulation de leur taux. Toutefois, pour que ces demandes soient acceptées, l’écart entre le taux de prélèvement actuel et celui résultant du nouveau taux doit être, en vertu de l’article 204 J, de plus de 10 %. Il résulte de cette disposition que de nombreux contribuables ne pourront avoir recours à la modulation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Cinieri, nous sommes bien d’accord sur le fait que le pourcentage dont nous parlons correspond à l’écart entre le montant du prélèvement estimé par le contribuable au titre de sa situation et de ses revenus de l’année en cours et celui qu’il se voyait appliquer l’année précédente. Le passage de 10 % à 5 % risquerait de créer un effet d’aubaine en incitant certains contribuables à se faire de la trésorerie, en quelque sorte. Le taux de 10 % est un bon taux, qui laisse une marge d’appréciation tout en évitant les effets de bord. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF42.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I‑CF882 de Mme Sabine Rubin, ainsi que les amendements I‑CF771 et I‑CF772 de Mme Émilie Cariou.

M. Éric Coquerel. Cet amendement I‑CF882, que nous avons déjà présenté l’an dernier, est d’autant plus pertinent aujourd’hui, alors que chacun devrait contribuer à surmonter la crise en fonction de ses revenus. Il vise à multiplier par trois la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), qui ne concerne que les revenus annuels supérieurs à 250 000 euros, soit des personnes qui peuvent se permettre de financer un peu plus nos services publics, d’autant que ce sont elles qui ont été les grandes gagnantes de la baisse des impôts depuis une trentaine d’années. Notre proposition s’inspire des travaux de l’économiste Julia Cagé.

M. Matthieu Orphelin. Le groupe Écologie, Démocratie, Solidarité souhaite que les très hauts revenus, comme les très grandes entreprises multinationales, contribuent à la sortie de crise de manière exceptionnelle. L’amendement I‑CF771 vise à augmenter les taux de la CEHR, créée par Nicolas Sarkozy et présentée à l’époque comme un gage de sérieux budgétaire, de 0,3 point pour les revenus supérieurs à 250 000 euros et de 0,5 point pour les revenus supérieurs à 500 000 euros, et à supprimer la familialisation. Cela nous permettrait de récupérer environ 200 millions d’euros par an et d’envoyer un signal. C’est un outil très simple pour faire contribuer les plus hauts revenus au financement de la sortie de crise.

L’amendement de repli I‑CF772 vous propose les mêmes taux, sans toucher à la familialisation. Il permettrait à l’État de gagner 100 millions d’euros. Grâce à une telle justice fiscale, chacun contribuerait à la hauteur de ses moyens au financement de la sortie de crise. Cela nous paraît tout à fait faisable, très rapidement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Faisable, monsieur Orphelin, ça l’est assurément ; souhaitable, je ne sais pas. L’enjeu de ces amendements, en réalité, n’est pas tant de produire des recettes fiscales – avec quelques centaines de millions d’euros, nous sommes loin de nos besoins de financement pour faire face à la crise et à la relance – que d’en faire un symbole de justice sociale. Je ne suis pas défavorable à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ; du reste, la CEHR existe toujours. Je considère seulement, de façon un peu clinique, qu’en France les hauts revenus sont correctement taxés, et c’est un euphémisme : en additionnant l’impôt sur le revenu, la CEHR et toutes les autres contributions, on dépasse les 65 %. Notre impôt sur le revenu est le plus redistributif ; il est quasiment sans équivalent dans le monde. Vous me direz qu’il ne représente que 7 % des ressources de l’État, mais c’est un autre débat… Les 10 % les plus riches de notre pays paient 60 % de l’impôt sur le revenu.

On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de redistribution fiscale. Or vos amendements laissent penser que, face à la crise, les riches ne paient pas. Cela n’est pas vrai : le mécanisme fiscal de redistribution fonctionne. Cela étant, la fiscalité est un message envoyé aux contribuables, et c’est bien la raison pour laquelle je tiens à une stabilité fiscale pour la sortie de crise. Si ce principe évoluera peut-être dans quelques années en fonction de nouvelles trajectoires budgétaires, je vous livre ma conviction en tant que rapporteur général à l’automne 2020 : augmenter la fiscalité des ménages, quels qu’ils soient, serait un signal négatif pour la consommation et l’investissement individuels. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Nous voterons ces deux amendements. Lors du débat sur le PLFR 1, monsieur le rapporteur général, nous avions déjà eu cette discussion. J’avais présenté des amendements pour dire qu’à une situation exceptionnelle devait répondre une contribution exceptionnelle des hauts revenus. Vous aviez alors semblé sensible à mon argument. Or, dans ce PLF, quelle est la contribution exceptionnelle que vous demandez aux plus hauts revenus, sachant que l’INSEE vient de montrer que, plus on grimpe dans la hiérarchie des revenus, mieux on se porte, et que le niveau de vie des 5 % les plus aisés a augmenté de 1,2 % ? Or nous n’avons relevé les tranches que de 0,2 %…

M. Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur général, pourquoi quelqu’un d’aussi intelligent dit‑il des choses aussi fausses ? Vous ne pouvez pas dire que le système fiscal français fait en sorte que les plus riches paient plus d’impôts. Certes, vous pouvez le dire sur l’impôt sur le revenu, mais vous savez comme moi qu’il pèse de moins en moins dans la fiscalité française. Thomas Piketty a écrit beaucoup de pages sur ce sujet et a montré que, globalement, l’impôt était devenu régressif et anti‑redistributif. Les personnes les plus riches ont, en réalité, un poids fiscal moindre que les classes moyennes, et vous n’avez fait qu’aggraver le problème, en supprimant l’ISF et en instaurant la flat tax. Vous ne pouvez pas nous dire que cette augmentation de la CEHR représenterait un poids supplémentaire sur les plus riches. Toutes les études montrent que la France s’est malheureusement largement alignée ces dernières années sur l’ensemble des pays occidentaux pour ce qui est de l’inégalité fiscale, à laquelle votre majorité a largement contribué.

M. Matthieu Orphelin. Je ne partage pas la position du rapporteur général. Depuis 2018, il existe un mécanisme de plafonnement sur les revenus du capital, par le biais du prélèvement forfaitaire unique (PFU). La CEHR présente l’intérêt d’être un impôt marginal supplémentaire sur des revenus désormais protégés, pour ce qui est de l’IR, par le PFU. Après que certaines personnes ont exercé leur métier en première ligne de manière exceptionnelle – les caissières, les agents hospitaliers –, cela aurait été un bon signal de savoir que les très hauts revenus – nous parlons d’un revenu fiscal de référence (RFR) supérieur à 250 000 euros par an – participeront à leur tour un peu plus, d’autant que, contrairement à ce qu’a dit le rapporteur général, 200 millions d’euros, ce n’est pas négligeable. Alors que la solidarité fait tant défaut dans notre pays, les gens ont besoin d’être rassurés et d’avoir des signaux en ce sens.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle tout de même que la CEHR, qui a été créée dans le contexte d’une autre crise, existe toujours et est une imposition marginale en plus de ce qui est dû en application du barème d’imposition sur le revenu. Le taux marginal d’imposition est très élevé…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Coquerel, nous sommes au moins d’accord sur le fait que l’impôt sur le revenu est progressif et redistributif. Je ne dis pas qu’il n’y a aucun problème et qu’il faut être fermé à ce débat. Mais, tout d’abord, cessons de voir la fiscalité comme un principe statique, alors qu’elle enclenche des dynamiques d’investissement ou d’emploi. Par exemple, la fiscalité du capital que nous appliquons depuis trois ans et que vous contestez a largement contribué à ramener de l’investissement et à créer 500 000 emplois nets. Sans une telle fiscalité, le chômage n’aurait pas été de 7 % mais de 9 %, comme en 2017, à l’entrée dans la crise. Il faut prendre en considération la dynamique créée au lieu de rester à regarder seulement ce que l’on prend ou pas dans la poche de ceux qui ont de hauts revenus.

Enfin, cher Matthieu Orphelin, je maintiens qu’une augmentation des impôts aujourd’hui serait un signal particulièrement mauvais. Répondre à une crise par ce réflexe franco-français pavlovien d’augmentation de la fiscalité sur les ménages est mauvais. Les foyers ont besoin de consommer et d’investir, pour participer au redémarrage de notre pays. Sur ce point, notre vision et notre méthode diffèrent totalement, je le reconnais.

Mme Bénédicte Peyrol. Pour notre part, monsieur Orphelin, nous ne cherchons pas les symboles, ni à envoyer des signaux aux ménages précaires et à tous ceux qui ont agi pendant la crise. Ce que nous voulons, c’est que, dans leur quotidien, ils voient la différence et que nous les avons soutenus. Je ne suis pas convaincue qu’augmenter l’imposition des plus aisés soit la solution ni que cela changera le quotidien de nos concitoyens. Nous faisons le choix de la stabilité fiscale pour les ménages et pour les entreprises.

M. Matthieu Orphelin. Si 200 millions d’euros, obtenus grâce à un relèvement de 0,3 point de la CEHR, deviennent un symbole aux yeux de la majorité, nous n’avons effectivement pas la même définition de ce qu’est un symbole…

M. le président Éric Woerth. C’est vous qui les transformez en symbole…

La commission rejette les amendements I‑CF882, I‑CF771 et I‑CF772.

Elle passe à l’examen de l’amendement I‑CF717 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Vous connaissez le dispositif pour encourager les services à la personne : le crédit d’impôt et son acompte de 60 % calé sur le montant de l’année précédente. Nous sommes tous conscients que l’idéal serait de le contemporanéiser – une expérimentation est d’ailleurs en cours, dont les résultats ne seront pas connus avant un an. Mon amendement propose une mesure temporaire destinée à soutenir ces activités, en augmentant de 60 à 70 % le niveau de l’acompte. Il est donc neutre dans le temps, puisqu’une régularisation intervient par la suite.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La priorité est de parvenir à une réelle contemporanéisation de tous les crédits d’impôt, à laquelle nous travaillons. Augmenter l’acompte de 10 % ne changerait pas considérablement les choses. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, la contemporanéisation est bien la solution. Mais elle n’arrivera pas en 2021, ni probablement en 2022. C’est pourquoi je vous propose une mesure intermédiaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Assurément, la contemporanéisation, ce ne sera pas pour janvier 2021. Des expérimentations vont être lancées. Votre mesure exigerait de la part de l’administration fiscale énormément de travail pour peu d’effets.

La commission rejette l’amendement I‑CF717.

 

 


Article 3
Baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à hauteur de la part affectée aux régions et ajustement du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée

Résumé du dispositif proposé

Les impôts de production, qui touchent les entreprises indépendamment de leur résultat effectif – y compris déficitaire –, ont un niveau particulièrement élevé en France, surtout par rapport aux principaux États européens.

Tirant les conséquences de ce constat et mettant en œuvre une partie du plan de relance, le présent article procède, dès 2021, à une ambitieuse réforme de la contribution économique territoriale (CET), constituée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) :

– une réduction de moitié de la CVAE, par une division par deux du taux théorique – qui passerait de 1,5 % à 0,75 % – et du taux effectif, calculé à partir d’un barème en fonction du chiffre d’affaires et qui correspond à la CVAE réellement supportée par les entreprises ; est également prévue une réduction de moitié de la CVAE minimum et du seuil d’assujettissement aux acomptes ;

– un abaissement de 3 % à 2 % de la valeur ajoutée du plafonnement de CET – qui ouvre droit à un dégrèvement de CFE lorsque la CET excède ce plafond – afin d’éviter une neutralisation partielle de la baisse de CVAE ;

– un doublement du taux de la taxe additionnelle à la CVAE (TA‑CVAE) – qui passerait de 1,73 % à 3,46 % – afin de ne pas grever les ressources de CCI France et du réseau consulaire.

Cette réforme devrait alléger la charge fiscale de plus d’un demi-million d’entreprises, au total à hauteur de 7,2 milliards d’euros dès 2021. L’impact pour les collectivités territoriales, affectataires de la CET, devrait être neutre à travers :

– le doublement de la part de CVAE affectée aux départements et au bloc communal en compensation de la suppression de la part régionale ;

– pour l’échelon régional, l’affectation d’une fraction dynamique de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Pour l’État, le coût budgétaire supporté est estimé en rythme de croisière à 5,5 milliards d’euros.

L’État supporterait ainsi l’intégralité de l’impact budgétaire de la réforme proposée, opportune et économiquement pertinente

Dernières modifications intervenues

La répartition du produit de la CVAE entre catégories de collectivités a été réformée par la loi de finances pour 2016, 25 % du produit ayant été transféré, à cette occasion, des départements aux régions.

La loi de finances pour 2017 a remplacé la DGF des régions par une part de TVA.

La loi de finances pour 2018 a modifié les conditions de consolidation du chiffre d’affaires des entreprises membres d’un groupe aux fins de déterminer le taux effectif de CVAE.

Le taux de la TA‑CVAE a été modifié (et simplifié) par la loi de finances pour 2020.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) constitue, avec la cotisation foncière des entreprises (CFE), la contribution économique territoriale (CET) qui s’est substituée à la taxe professionnelle à compter de 2010 ([31]). Son produit est réparti entre les différents échelons de collectivités territoriales. La CVAE est due par les entreprises indépendamment du caractère bénéficiaire ou déficitaire de leur exercice, à l’image de nombreux autres impôts de production dont le poids global représente une charge significative pour les entreprises françaises.

A.   La CVAE due par les entreprises

Prévue aux articles 1586 ter et suivants du code général des impôts (CGI), la CVAE est due par les entreprises situées dans le champ de la CFE et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros.

1.   L’assiette de la CVAE

L’assiette de la CVAE, définie à l’article 1586 sexies du CGI, consiste en la valeur ajoutée produite par l’entreprise redevable, qui correspond de façon schématique à la différence entre, d’une part, le chiffre d’affaires majoré de certains postes et, d’autre part, les achats et certaines charges.

La valeur ajoutée au sens de la CVAE

● La valeur ajoutée, telle que définie à l’article 1586 sexies du CGI, est égale à la différence entre le chiffre d’affaires majoré de certains postes.

● Le chiffre d’affaires retenu comme base de calcul correspond à la somme des ventes de produits et prestations, des redevances perçues, des plus-values de cession d’immobilisations et des refacturations de frais inscrites au compte de transfert de charges.

Il est majoré :

– des autres produits de gestion courante et de la production immobilisée à hauteur des charges ayant concouru à sa formation et qui sont déductibles de la valeur ajoutée ;

– des subventions d’exploitation, de la variation positive des stocks, des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée autres que ceux précédemment mentionnés ;

– des rentrées sur créances amorties lorsqu’elles se rapportent au résultat d’exploitation ;

● Les postes soustraits de ce chiffre d’affaires majoré sont les achats, la variation négative des stocks, les services extérieurs (à l’exception des loyers afférents à une période de plus de six mois), les taxes déductibles de la valeur ajoutée, les autres charges de gestion courante, certains abandons de créances et dotations aux amortissements, ainsi que les moins-values de cession d’immobilisations.

● Cette définition de la valeur ajoutée s’écarte de celle prévue par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) – notamment en intégrant dans l’assiette les redevances sur brevets ou les loyers afférents à des biens loués plus de six mois, afin de refléter le plus possible la richesse produite par l’entreprise assujettie.

Des modalités particulières de détermination de l’assiette sont par ailleurs prévues aux II bis à VI de l’article 1586 sexies du CGI pour certaines entreprises (entreprises relevant du régime micro-fiscal applicable aux bénéfices industriels et commerciaux, établissements de crédit, mutuelles, etc.).

La valeur ajoutée retenue comme assiette de la CVAE fait l’objet d’un plafonnement au regard du chiffre d’affaires, en application du 7 du I du même article 1586 sexies et selon les modalités présentées dans le tableau suivant.

Plafonnement de la valeur ajoutée au regard du chiffre d’affaires

Chiffre d’affaires

Plafonnement de la VA
(en % du chiffre d’affaires)

Inférieur ou égal à 7,6 M €

80 %

Supérieur à 7,6 M €

85 %

Source : code général des impôts.

2.   Le taux de la CVAE

La CVAE repose sur un taux fixe, dit « théorique », mais les entreprises acquittent en réalité un montant de CVAE déterminé à partir d’un barème fonction de leur chiffre d’affaires.

a.   Le taux théorique et le taux effectif résultant du dégrèvement barémique

Le taux de la CVAE est fixé au 2 du II de l’article 1586 ter du CGI. Il est de 1,5 %.

Il s’agit cependant du « taux théorique », en raison du dégrèvement, dit « dégrèvement barémique », prévu à l’article 1586 quater du même code. Ce dégrèvement barémique est égal à la différence entre ce taux de 1,5 % et un taux, dit « taux effectif », déterminé à partir d’un barème progressif reposant sur le chiffre d’affaires de l’entreprise redevable et présenté dans le tableau suivant.

Barème du taux effectif de CVAE

Chiffre d’affaires (CA)
(en euros)

Taux effectif de CVAE
(en %)

CA < 500 000

0

500 000  CA  3 000 000

[0,5 × (CA – 500 000)] / 2 500 000

3 000 000 < CA  10 000 000

0,5 + [[0,9 × (CA – 3 000 000)] / 7 000 000]

10 000 000 < CA  50 000 000

1,4 + [[0,1 × (CA – 10 000 000)] / 40 000 000]

50 000 000 < CA

1,5

Source : code général des impôts.

Le produit de la CVAE, qui repose sur le taux théorique de 1,5 %, est donc supérieur au montant total acquitté par les entreprises, la différence (le dégrèvement barémique) étant prise en charge par l’État (cf. infra, B).

Concrètement, les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros sont juridiquement assujetties à la CVAE mais le montant dû est nul, tandis que celles dont le chiffre d’affaires excède 50 millions d’euros acquittent une CVAE à partir d’un taux effectif égal au taux théorique de 1,5 %.

Illustration de la mise en œuvre du taux effectif de CVAE

Trois entreprises A, B et C réalisent un chiffre d’affaires respectif de 2,5 millions d’euros, de 6 millions d’euros et de 30 millions d’euros.

Le taux effectif applicable à chacune d’entre elle est :

– pour A, de 0,5 × (2 500 000 – 500 000)] / 2 500 000, soit 0,4 % ;

– pour B, de 0,5 + [0,9 × (6 000 000 – 3 000 000)] / 7 000 000, soit 0,9 % ;

– pour C, de 1,4 + [0,1 × (30 000 000 – 10 000 000)] / 40 000 000, soit 1,45 %.

Aux termes du II de l’article 1586 quater, le montant du dégrèvement pour l’entreprise est majoré de 1 000 euros lorsque son chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros.

b.   La consolidation du chiffre d’affaires des groupes pour déterminer le taux effectif de CVAE

● Pour les entreprises appartenant à un groupe, un mécanisme de consolidation des chiffres d’affaires est prévu pour déterminer le taux effectif de CVAE. Ce mécanisme, consacré au I bis de l’article 1586 quater du CGI, consiste à retenir, non le chiffre d’affaires individuel de l’entreprise, mais la somme des chiffres d’affaires de toutes les entreprises membres du groupe satisfaisant aux conditions de détention prévues dans le cadre du régime de l’intégration fiscale au I de l’article 223 A du CGI, à savoir une détention à hauteur d’au moins 95 % du capital.

Cette consolidation n’est cependant pas mise en œuvre lorsque la somme des chiffres d’affaires est inférieure à 7,63 millions d’euros.

Illustration du mécanisme de consolidation du chiffre d’affaires
en matière de CVAE

Trois sociétés F1, F2 et F3 sont intégralement détenues par la société mère M. Leur chiffre d’affaires respectif est :

– pour M, de 20 millions d’euros ;

– pour F1, de 5 millions d’euros ;

– pour F2, de 10 millions d’euros ;

– pour F3, de 20 millions d’euros.

Si toutes ces sociétés ont un chiffre d’affaires inférieur au plafond du barème et se verraient appliquer individuellement, en l’absence d’appartenance à un groupe dans les conditions de détention de l’espèce, un taux effectif inférieur à 1,5 %, la consolidation aboutit à retenir comme chiffre d’affaires un montant de 55 millions d’euros. Le taux effectif applicable sera ainsi le taux maximum, soit 1,5 %.

La finalité de la consolidation est de faire obstacle à des schémas d’optimisation fiscale reposant sur la restructuration d’un groupe à travers la filialisation, structurant le groupe en petites entités dont les chiffres d’affaires individuels sont inférieurs aux limites des tranches du barème de taux effectif.

● Les modalités de consolidation actuelles résultent de la loi de finances pour 2018 ([32]), qui a tiré les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel déclarant contraires à la Constitution les précédentes modalités, qui n’étaient applicables qu’aux groupes fiscalement intégrés. Si le Conseil constitutionnel a estimé que le principe de la consolidation était justifié par un objectif d’intérêt général, le fait de retenir comme critère l’intégration fiscale, qui est un mécanisme spécifique à l’impôt sur les sociétés (IS) et donc distinct de la CVAE, entraînait une rupture du principe d’égalité ([33]).

La loi de finances pour 2018 précitée a ainsi étendu la consolidation précédemment applicable aux seuls groupes fiscalement intégrés à toutes les sociétés qui, au regard de la CVAE, se trouvent dans la même situation que ces derniers, c’est-à-dire aux entreprises satisfaisant à la condition de détention d’au moins 95 % du capital.

3.   Les modalités de paiement de la CVAE

● Aux termes des I et II de l’article 1586 octies du CGI, la CVAE est due par les entreprises exerçant leur activité au 1er janvier de l’année d’imposition, qui doivent faire leur déclaration de valeur ajoutée au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année suivant celle au titre de laquelle la CVAE est due (ou, en cas de cession ou cessation d’entreprise, de décès ou d’ouverture d’une procédure collective, dans les 60 jours qui suivent l’événement).

● Le paiement de la CVAE due au titre d’une année N, ainsi que le prévoit l’article 1679 septies du CGI, fait l’objet en année N de deux acomptes correspondant chacun à 50 % de la CVAE due au titre de l’année d’imposition (soit l’année N), à verser au plus tard les 15 juin et 15 septembre.

Les acomptes sont assis sur la dernière valeur ajoutée connue, soit schématiquement la valeur ajoutée déclarée au titre de l’année N – 1. Ainsi, à taux constant, chaque acompte est égal à la moitié de la CVAE payée l’année précédente.

La possibilité de moduler le montant des acomptes de CVAE est prévue au cinquième alinéa de l’article 1679 septies, sous la responsabilité des redevables, afin que ces acomptes n’excèdent pas le montant final de CVAE que le redevable estime dû ([34]).

Les entreprises dont la CVAE due au titre de l’année précédente n’excède pas 3 000 euros sont toutefois dispensées du paiement des acomptes.

La liquidation définitive – et donc le paiement éventuel du solde – intervient en même temps que la déclaration, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année N + 1 (aux termes du dernier alinéa de l’article 1679 septies).

● La CVAE due par les redevables dont le chiffre d’affaires excède 500 000 euros ne peut être inférieure à 250 euros, ainsi qu’en dispose l’article 1586 septies du CGI.

4.   La taxe additionnelle à la CVAE

L’article 1600 du CGI prévoit une taxe pour frais de chambres, dont le produit est affecté à CCI France et réparti entre les chambres de commerce et d’industrie (CCI) de région. Cette taxe est constituée de deux contributions distinctes :

– une taxe additionnelle à la CFE (TA‑CFE) ([35]) ;

– une taxe additionnelle à la CVAE (TACVAE).

La TACVAE, régie par le III de l’article 1600, est assise sur la CVAE due par le redevable après application de l’article 1586 quater du CGI, c’est-à-dire le montant acquitté par le redevable en application du taux effectif applicable.

Le taux de la TACVAE est de 1,73 % à compter de 2020 ; ce taux fixe remplace l’ancien taux variable.

La taxe pour frais de chambres (et donc la TA‑CFE et la TA‑CVAE) a fait l’objet d’une importante réforme dans la loi de finances pour 2020 ([36]). Il est renvoyé au commentaire de l’article 15 du projet de loi de finances pour 2020 pour toute information complémentaire sur les évolutions apportées ([37]).

5.   Le plafonnement de la CET

a.   Le principe du plafonnement

Ainsi qu’il a été vu, la CET est constituée de deux impositions, la CVAE, assise sur la valeur ajoutée déterminée selon les modalités précédemment décrites, et la CFE, assise sur la valeur locative des biens immobiliers passibles d’une taxe foncière utilisés pour l’activité professionnelle du redevable.

Compte tenu de la différence de nature de ces assiettes, une entreprise dégageant une faible valeur ajoutée mais disposant, pour les besoins de son activité professionnelle, de biens immobiliers à forte valeur locative pourrait, en raison d’une CFE conséquente, acquitter une CET considérée comme excessive.

b.   Les modalités de mise en œuvre du plafonnement

Pour éviter de telles situations, le législateur a mis en place un plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée. Ce plafonnement, prévu à l’article 1647 B sexies du CGI, est fixé à 3 % de la valeur ajoutée définie à l’article 1586 sexies du même code ([38]).

Le plafonnement de 3 % de la valeur ajoutée s’applique sur la CFE et la CVAE dues, en tenant compte des réductions et dégrèvements éventuels, et s’impute sur la CFE aux termes du III de l’article 1647 B sexies. Le IV du même article prévoit que la CET due après application du plafonnement ne peut toutefois être inférieure à la cotisation minimum de CFE.

Ce dégrèvement est égal à la différence entre, d’une part, la somme de CFE et de CVAE, d’autre part, 3 % de la valeur ajoutée.

La mise en œuvre du mécanisme de plafonnement consiste, pour le redevable de la CET, à demander à l’administration fiscale un dégrèvement, avant le 31 décembre de l’année suivant la mise en recouvrement de la CFE. Jusqu’en 2017, une fraction du dégrèvement résultant du plafonnement de la CET était supportée par l’échelon communal en application de l’article 1647‑0 B septies du CGI, abrogé par la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([39]).

Le mécanisme de plafonnement ne s’applique pas à la taxe pour frais de chambres, c’est-à-dire à la TA‑CFE et à la TA‑CVAE.

Illustration du plafonnement de la CET

Une entreprise imposée d’après son bénéfice réel déclare, au titre de la CVAE, une valeur ajoutée de 4 millions d’euros.

Son chiffre d’affaires étant de 7 millions d’euros, le taux effectif de CVAE applicable est de 1 %. La CVAE effectivement due est donc de 40 000 euros.

Au titre des biens immobiliers qu’elle utilise pour son activité professionnelle, l’entreprise doit une CFE de 100 000 euros.

La CET due est donc de 140 000 euros (40 000 + 100 000).

Le plafonnement de CET en fonction de la valeur ajoutée, aboutissant à un maximum de 120 000 euros (4 000 000 × 3 %), ouvre droit à l’entreprise à un dégrèvement de 20 000 euros.

En 2019, le coût du dégrèvement qui résulte du plafonnement s’est élevé à 1 111 millions d’euros pour l’État.

Évolution du dÉgRÈvement qui rÉsulte du plafonnement
en fonction de la valeur ajoutÉe

(en millions d’euros)

2015

2016

2017

2018

2019

1 041

1 171

1 024

1 194

1 111

Source : OFGL.

B.   La répartition du produit de CVAE aux collectivités territoriales

1.   La répartition de la CVAE entre collectivités

a.   Une part régionale prépondérante

La CET est l’un des quatre grands impôts directs locaux et constitue le principal impôt économique (payé par les entreprises) local. Au sein de la CET, le produit de la CFE revient exclusivement au bloc communal. En revanche, le produit de la CVAE est partagé entre toutes les catégories de collectivités.

En 2015, la loi dite « NOTRe »  ([40]) a supprimé la clause générale de compétences des régions mais leur a transféré, depuis les départements, la compétence pour les transports interurbains à compter du 1er janvier 2017, et celle des transports scolaires à compter du 1er septembre 2017.

La loi de finances pour 2016 ([41]) a tiré les conséquences financières de ces transferts de compétences en doublant, à partir du 1er janvier 2017, la part de CVAE revenant aux régions et en diminuant d’autant celle des départements.

La neutralité financière de ce transfert de compétences et de financement via la CVAE est garantie par le versement d’attributions de compensations (AC) entre départements et régions, lorsque le coût des compétences transférées est inférieur ou supérieur aux montants de CVAE transférés.

Aujourd’hui, le bloc communal perçoit 26,5 % de la CVAE, les départements 23,5 % et les régions 50 %.

clÉ de rÉpartition du produit national de CVAE

 

Bloc communal

Départements

Régions

Avant 2017

26,5 %

48,5 %

25 %

Depuis 2017

26,5 %

23,5 %

50 %

En 2019, le produit national de CVAE s’est élevé à près de 19 milliards d’euros, et la part régionale à près de 9,5 milliards d’euros.

Évolution de la RÉpartition du produit national de CVAE entre catÉgories de collectivitÉs locales

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Bloc communal

4 654

4 718

4 787

4 826

5 657

Dont communes

969

244

140

126

624

Dont intercommunalités ([42])

3 685

4 475

4 647

4 701

5 033

Départements

7 817

7 894

3 987

4 008

3 776

Régions (et CTU ([43]))

4 156

4 249

8 807

8 890

9 492

Total collectivités

16 627

16 861

17 581

17 725

18 925

Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL). Les finances des collectivités locales en 2020.

Au sein du bloc communal, le produit est affecté à l’EPCI si celui‑ci est à fiscalité professionnelle (unique). Il est réparti entre les communes et l’EPCI si celui‑ci est à fiscalité additionnelle (FA), selon une clé de répartition intercommunale ([44]).

Évolution de la RÉpartition du produit national de CVAE entre catÉgories de collectivitÉs locales

(en millions d’euros)

Source : Commission des finances à partir des données OFGL.

Ces montants correspondent aux sommes versées aux collectivités territoriales, y compris donc le montant du dégrèvement barémique financé par l’État (cf. supra). L’impôt effectivement acquitté par les entreprises est plus faible.

Évolution du dÉgRÈvement barÉmique

(en millions d’euros)

2015

2016

2017

2018

2019

3 904

4 033

4 192

4 352

4 881

Source : OFGL.

Du fait de la mécanique de l’impôt, le dégrèvement barémique correspondant à une valeur ajoutée est versé aux collectivités avec deux ans de décalage (voir plus bas).

b.   La répartition de la CVAE sur le territoire national

Une fois la répartition entre niveaux de collectivités acquise, la répartition territoriale (géographique) de la CVAE est fondée sur la situation de l’entreprise : entreprise mono‑établissement ou multi‑établissements.

La valeur ajoutée est « territorialisée » ([45]) : les entreprises mono‑établissements sont imposées dans leur commune d’implantation, c’est-à-dire celle où le redevable dispose de locaux ou emploie des salariés depuis plus de trois mois.

La valeur ajoutée produite par les entreprises multi‑établissements est imposée dans chacune des communes d’implantation, selon une clé de répartition spécifique : pour un tiers en fonction de la valeur locative foncière des immobilisations et pour deux tiers en fonction de l’effectif employé. Cette clé de répartition s’explique par l’absence d’appréciation comptable de la valeur ajoutée au niveau local pour une même entreprise.

Ces modalités de répartition prennent en compte le cas des entreprises multi‑établissements, mais ne prévoient pas de règle particulière pour les entreprises membres d’un même groupe. Or, des transferts de valeur ajoutée peuvent avoir lieu entre les filiales d’un même groupe.

Le lecteur pourra se reporter sur cette question au rapport sur l’application des mesures fiscales de l’année 2018 ([46]). On se bornera ici à une présentation synthétique des évolutions intervenues depuis 2016.

Afin que la répartition territoriale de la CVAE reflète mieux la répartition territoriale des facteurs de production de cette valeur (locaux et effectifs salariés), la loi de finances rectificative pour 2016, à la suite d’un amendement de M. Joël Giraud et de Mme Christine Pires Beaune, avait prévu que, à compter de 2018, la CVAE due par les entreprises membres d’un groupe fiscalement intégré serait consolidée au niveau du groupe puis répartie entre les collectivités territoriales selon la clé de répartition applicable aux entreprises multi‑établissements présentée supra.

Devant les objections soulevées par le Gouvernement, le Sénat a reporté la mesure d’un an.

Les objections à la consolidation de la valeur ajoutée par groupe pour la répartition territoriale du produit de CVAE

La consolidation par groupe de la valeur ajoutée aurait pu permettre, concrètement, aux collectivités sur le territoire desquelles la valeur est réellement produite, de capter le produit de CVAE correspondant. Cette logique s’appuyait sur l’idée selon laquelle les collectivités d’ÎledeFrance bénéficient excessivement de la forte concentration de sièges sociaux sur le territoire régional.

Néanmoins, le Gouvernement a avancé que si la CVAE perçue par la région Île‑de‑France est de loin la plus élevée en niveau, sa dynamique (+ 26,79 %) est inférieure à la moyenne nationale (+ 28,2 %). Et comme l’ont observé nos collègues sénateurs Charles Guené et Claude Raynal ([47]), en 2016, les collectivités franciliennes (communes, EPCI, départements et région) étaient contributrices nettes aux mécanismes de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ([48]).

Le Gouvernement a par ailleurs redouté une perte de lisibilité et de prévisibilité du produit de CVAE, dans la mesure où la variation du produit perçu par chaque collectivité aurait dépendu des évolutions de périmètre des groupes de société d’une année sur l’autre. Or, près de 20 % des groupes fiscalement intégrés changent de périmètre chaque année.

Était aussi anticipé l’accroissement de la charge administrative pour les 38 000 entreprises mono‑établissements intégrées à un groupe, dispensées à ce jour de déclarer leurs effectifs.

Enfin, l’ampleur de la redistribution budgétaire entre collectivités, notamment pour la part régionale et au niveau des départements, aurait été importante. Sur la base de la CVAE perçue en 2016, les transferts globaux auraient été de l’ordre de 600 millions d’euros, avec une perte de 175 millions d’euros pour la région Île‑de‑France ([49]).

Ces incertitudes n’ayant pas été dissipées dans l’intervalle, le dispositif a été supprimé par le Parlement, avant qu’il n’entre en vigueur, par la loi de finances pour 2018.

RÉpartition territoriale de la part rÉgionale de CVAE en 2019

(en millions d’euros)

Source : données issues du rapport annuel du Gouvernement au Parlement relatif à la CVAE des entreprises, 2019. Logiciel Observatoire des territoires.

 

Région

Produit de CVAE perçu en 2019

(en millions d’euros)

Guadeloupe

26,17

La Réunion

57,46

Île‑de‑France

3 064,45

Centre‑Val‑de‑Loire

314,89

Bourgogne‑Franche‑Comté

306,32

Normandie

398,05

Hauts de France

658,82

Grand Est

662,55

Pays‑de‑la‑Loire

487,15

Bretagne

366,61

Nouvelle Aquitaine

658,86

Occitanie

623,45

Auvergne‑Rhône‑Alpes

1 136,67

Provence‑Alpes‑Côte d’Azur

629,57

Total

9 391

N.B. : les montants de CVAE calculés pour les niveaux départemental et régional sont fusionnés au niveau départemental pour la collectivité de Mayotte, pour les collectivités de Guyane et de Martinique à compter de 2018 et pour la collectivité de Corse à compter de 2019. Ils ne figurent donc pas dans ce tableau. Ceci explique la différence du montant du total de la CVAE régionale avec le tableau page 68 (l’OFGL compte ces collectivités dans l’ensemble des régions et CTU).

Source : Rapport annuel du Gouvernement au Parlement relatif à la CVAE des entreprises, 2019.

c.   Le reversement de la CVAE par l’État aux collectivités

L’État collecte le produit des impôts locaux et le reverse aux collectivités sur le fondement des bases fiscales établies par ses services et des taux votés par les collectivités (règle de l’unité de caisse). Il avance ensuite chaque mois par douzième le produit des impôts directs locaux aux collectivités avant leur recouvrement effectif. Ces écritures budgétaires sont inscrites sur le compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales (CAV).

Or, comme vu supra, le paiement de la CVAE due au titre d’une année N, fait l’objet en année N de deux acomptes correspondant chacun à 50 % de la CVAE due au titre de l’année N – 1 (à verser au plus tard les 15 juin et 15 septembre). Le solde de l’impôt dû au titre de l’année N, est acquitté en mai de l’année N+1.

Pour cette raison, contrairement aux autres impôts locaux, la CVAE due au titre de l’année N est reversée par l’État aux collectivités en année N+1 ([50]). C’est la nature même de cet impôt qui implique ce décalage, la valeur ajoutée n’étant connue qu’une fois l’exercice comptable achevé.

Dates de mise en recouvrement des principaux impôts locaux

Impôts

Mise en recouvrement

Taxes foncières

31 août

Taxe d’habitation

1re émission : 30 septembre

2e émission : 31 octobre

CFE

Acompte : 30 avril

Solde : 31 octobre

CVAE

Impôt auto‑liquidé

Acomptes : 15 juin et 15 septembre N

Solde : deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année N + 1

Source : Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, 2020, DGFIP.

Ce décalage entraîne un effet de trésorerie positif pour l’État, et génère un excédent structurel du compte de concours financiers CAV, dans la mesure où, habituellement, avec la croissance de l’économie, les recettes de CVAE (acomptes collectés) sont en hausse d’une année sur l’autre, alors que les reversements aux collectivités correspondent aux encaissements de l’année précédente.

Le reversement est effectué selon un principe de caisse. L’État reverse aux collectivités en année N tout ce qu’il a encaissé en année N‑1, c’est-à-dire :

– les acomptes payés en N‑1, calculés sur la valeur ajoutée de l’année N‑2 ;

– le solde de la CVAE due au titre de l’année N‑1, calculé sur la valeur ajoutée de l’année N‑1 ;

– les impositions et paiements tardifs de CVAE acquittés en année N‑1 dus au titre des années précédentes.

Il verse également, en année N le montant du dégrèvement barémique lié à la CVAE due au titre de l’année N‑2. En effet, le montant du dégrèvement barémique est connu au moment du solde, il est donc reversé aux collectivités en même temps que ce dernier.

Cet ensemble est minoré des frais de gestion perçus initialement au profit de l’État et des restitutions d’excédents accordés en N‑1 (en cas de solde positif).

Les frais de gestion perçus par l’État

L’État perçoit des frais de gestion sur le montant des cotisations d’impôts établies et recouvrées au profit des collectivités territoriales, des EPCI et de divers organismes.

En contrepartie de ces frais de gestion, l’État prend à sa charge les dépenses pour établir et recouvrer ces impôts, ainsi que la gestion de l’ensemble des dégrèvements.

En effet, les dégrèvements courants et admissions en non valeurs des impôts locaux restent à la charge de l’État qui joue le rôle « d’assureur » des collectivités sur la fiscalité locale.

Certains frais de gestion sont toutefois rétrocédés aux collectivités pour couvrir diverses charges. Par exemple, les frais de gestion de la CVAE des régions sont rétrocédés à ces dernières depuis le pacte de confiance et de responsabilité signé le 16 juillet 2013 entre l’État et les collectivités territoriales.

La Cour des comptes a déjà pu relever que de telles rétrocessions affaiblissent la lisibilité et le sens des frais de gestion ([51]).

2.   Les ressources des régions sont fragilisées en 2021 par l’absence de garantie sur la CVAE

Les régions bénéficient aujourd’hui essentiellement de ressources fiscales. Les concours financiers sont devenus marginaux dans leurs recettes de fonctionnement. Avec cette recomposition, les ressources régionales sont donc devenues particulièrement dynamiques. Elles ont crû de 15,6 % entre 2015 et 2018, soit 4,5 % à périmètre constant selon la Cour des comptes ([52]).

En 2019, elles s’élèvent à 29 milliards d’euros et sont composées à 84 % d’impôts et taxes.

Recettes rÉelles de fonctionnement des rÉgions en 2019

Sources : Rapport sur l’impact de la crise du Covid‑19 sur les finances locales (mission menée par Jean‑René Cazeneuve), DGFIP, DGCL.

● En premier lieu, les régions, à compter de 2005, se sont vu attribuer trois parts de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), afin de financer des compétences transférées dans le cadre notamment des lois « LRL » ([53]), « NOTRe » et « MAPTAM » ([54]) (formation professionnelle, apprentissage, gestion des fonds européens, etc.).

En 2019, les régions ont ainsi perçu 5,4 milliards d’euros de TICPE (selon l’OFGL).

● En deuxième lieu, les régions perçoivent de la TVA. La loi NOTRe a confié aux régions un rôle de « chef de file » en matière de développement économique. En principe devenues seules compétentes pour attribuer des aides aux entreprises ([55]) (éventuellement en lien avec les intercommunalités), les régions devaient, pour assumer cette compétence, disposer d’une ressource financière pérenne et dynamique. La loi de finances pour 2017 a ainsi remplacé, à compter du 1er janvier 2018, la DGF des régions ([56]) par une fraction de TVA.

Chaque année, les régions bénéficient à ce titre de 2,5 % des recettes nationales de TVA. Contrairement à la DGF, largement minorée durant la précédente législature puis stable depuis 2017, la TVA est a priori dynamique et suit la croissance de l’économie nationale. Les régions ont perçu, en 2019, 4,2 milliards d’euros de TVA.

Évaluation de la fraction de tva affectÉe aux rÉgions

(en millions d’euros)

 

2017

2018

2019

LFI

Prévision révisée

TVA affectée aux régions

4 025

4 122

4 170

4 287

Dynamique

 

97

145

117

Source : Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, 2020.

● Enfin, comme présenté plus haut, les régions perçoivent 50 % du produit national de la CVAE depuis 2017, à hauteur de 9,5 milliards d’euros en 2019.

Ces ressources fiscales, sensibles à la conjoncture, peuvent se contracter en cas de récession économique. La mission menée par notre collègue Jean‑René Cazeneuve prévoit, avec la crise sanitaire et économique liée à la Covid‑19, les pertes suivantes en 2020 pour les régions :

(en millions d’euros

 

Montant 2019

Pertes en 2020
par rapport au montant 2019

CVAE

9 492

1 175

TVA

4 291

760

TICPE

5 411

812

Taxe sur les certificats d’immatriculation

2 299

253

Les fractions de TICPE et de TVA affectées aux régions sont toutefois assorties de mécanismes de garanties.

● Lorsque le produit de TICPE ne permet pas de couvrir le droit à la compensation garanti par l’article 72‑2 de la Constitution, l’État doit procéder à l’attribution d’une fraction supplémentaire de TICPE (le montant de chacune des fractions de TICPE transférés ne peut se situer en deçà du niveau de la compensation historique qui lui est propre). La baisse de TICPE devrait ainsi uniquement concerner la part dite « Grenelle » (faculté de majoration supplémentaire des tarifs de TICPE applicables dans chaque région pour le financement des infrastructures de transport durable).

● La part de TVA affectée aux régions bénéficie d’un mécanisme de garantie de non-baisse de cette fraction en valeur par rapport au niveau de l’ancienne DGF régionale de 2017 (soit 4 025 millions d’euros).

En conséquence de l’application de ces mécanismes, l’État doit prendre à sa charge, en 2020, un montant de 1,06 milliard d’euros de perte fiscale sur ces deux impôts, ce qui devrait réduire la perte régionale, pour ces deux impôts, à 520 millions d’euros.

Répartition entre l’État et les régions des pertes
de TICPE et TVA cumulées

(en millions d’euros)

Source : DGFIP – DGCL – DB – mission menée par Jean‑René Cazeneuve.

Comme on l’a vu, la CVAE étant versé aux collectivités avec un an de décalage, la contraction du PIB, et donc de la valeur ajoutée en 2020, aura un effet sur la CVAE collectée par l’État en 2020 (du fait de la modulation de leurs acomptes par les entreprises, voir plus haut) et reversée aux régions en 2021. Comme le note notre collègue Jean‑René Cazeneuve, les régions seront plus impactées en 2021 qu’en 2020. Dans les budgets régionaux, la CVAE augmentera en 2020 (+ 3 %) et chutera en 2021. Or, elle représente 28 % des recettes régionales réelles de fonctionnement. Le rebond interviendrait également avec un an de décalage, en 2022.

L’ampleur de la chute de CVAE est difficile à prévoir, cette recette étant volatile d’une année sur l’autre et son évolution parfois inexpliquée par la croissance économique, comme l’a déjà relevé la Cour des comptes ([57]) ainsi que nos collègues sénateurs Charles Guené et Claude Raynal ([58]).

En prenant en compte de nombreux facteurs susceptibles d’affecter les cotisations de CVAE acquittées en 2020, la mission conduite par Jean‑René Cazeneuve estime malgré tout que le produit de CVAE perçu par les collectivités territoriales diminuerait de – 12 % en 2021, c’est-à-dire de  1,175 milliard d’euros.

Or, contrairement aux fractions affectées aux régions de TICPE et de TVA, la CVAE, y compris sa part régionale, n’est pas assortie d’un mécanisme de garantie pour les collectivités territoriales.

● Par ailleurs, le fonds de péréquation des ressources des régions est en partie alimentée par la dynamique de la CVAE. Toutefois, comme le relève notre collègue Jean‑René Cazeneuve dans son rapport sur l’impact de la crise actuelle sur les finances locales, « cette évolution différenciée ne devrait peser sur les contributeurs qu’à la marge, dans la mesure où l’assiette du prélèvement est fondée sur la seule dynamique des recettes »

Le fonds de péréquation des ressources des régions

La loi de finances pour 2013 a créé un fonds de péréquation des ressources des régions et de la collectivité de Corse.

Le fonds vise à faire converger les taux de croissance des ressources régionales posttaxe professionnelle vers la moyenne. Les ressources prises en compte dans le calcul sont donc les produits de la CVAE (seulement la moitié du produit) et des IFER, les DCRTP perçues par les régions, ainsi que les prélèvements et reversements au FNGIR ([59]).

Les régions dont le taux de croissance des ressources est supérieur à la moyenne sont prélevées, les autres étant bénéficiaires. Les régions d’outre‑mer sont bénéficiaires de droit du fonds, une quote‑part leur étant réservée. Elles sont aussi dispensées de prélèvement.

En 2019, treize régions de métropole et d’outre‑mer étaient bénéficiaires. Le fonds est alimenté à hauteur de 185 millions en 2020 ([60]), contre 135 millions d’euros en 2019 et 56 millions en 2015.

Si elle ne représente à ce stade qu’environ 0,5 % des recettes réelles de fonctionnement des régions (29 milliards d’euros en 2019 selon l’OFGL), la péréquation régionale connaît donc malgré tout une forte progression sur les dernières années.

Versements et prélÈvements du fonds de péréquation
des ressources des régions en 2020

(en euros)

Source : réalisation commission des finances à partir des données DGCL.

Lecture : Les régions Pays de la Loire, Île‑de‑France et Auvergne‑Rhône‑Alpes sont contributrices. Les autres régions sont bénéficiaires.

● Le dispositif prévu par le présent article, en proposant de substituer dès 2021 une fraction de TVA à la part régionale de CVAE, résout ce problème budgétaire pour les régions en même temps qu’il allège pour les entreprises le poids des impôts de production.

C.   Le poids pénalisant des impôts de production en France

1.   Les impôts de production : une charge de près de 80 milliards d’euros pesant sur les entreprises françaises

La CET, et donc la CVAE et la CFE, relèvent de la catégorie des impôts de production, qui recouvre différentes impositions touchant les facteurs de production des entreprises. Ces impôts représentent pour ces dernières une charge fiscale globale de l’ordre de 77 milliards d’euros.

C’est en raison de ce poids élevé, qui place la France et ses entreprises dans une situation unique ou presque en Europe, qu’une réflexion sur la baisse des impôts de production a été engagée par le Gouvernement, nourrie des travaux d’organismes spécialisés tels que le Conseil d’analyse économique, et s’est au demeurant déjà traduite par des réformes bienvenues depuis le début du quinquennat ([61]).

Le Rapporteur général a d’ailleurs consacré une part importante de l’édition 2020 du rapport sur l’application des mesures fiscales à cette problématique, débouchant sur des propositions concrètes ([62]). Il est renvoyé aux annexes de ce rapport pour une présentation des principaux impôts de production, les développements suivants s’attachant à une étude générale d’ensemble.

a.   Les caractéristiques des impôts de production

● La fiscalité de production, pour l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), recouvre les impôts que les unités légales supportent du fait de leurs activités de production, indépendamment de la quantité ou de la valeur des biens et services produits ou vendus.

D’une manière générale, la fiscalité de production s’applique indépendamment du bénéfice éventuellement réalisé par l’entreprise redevable, permettant de considérer, de manière simplifiée, que les impôts de production correspondent à l’ensemble de la fiscalité directe des entreprises à l’exception des impôts sur les bénéfices (impôt sur le revenu – IR) – ou IS).

Trois catégories d’impôts de production peuvent être identifiées :

– les impôts sur les moyens de production (CFE, taxes foncières, etc.) ;

– les impôts sur la masse salariale (taxe sur les salaires, forfait social, versement mobilité – ancien versement transport –, etc.) ;

– les impôts sur la production produite (CVAE, taxes sur le chiffre d’affaires, contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S –, etc.).

La fiscalité de production peut également être distinguée de la fiscalité sur les produits (taxe sur la valeur ajoutée, droits sur les alcools et tabacs, etc.) qui, bien que pesant sur la formation des prix et pouvant avoir un impact sur les marges, est acquittée par le consommateur : elle ne frappe ainsi pas directement la production en tant que telle, mais plutôt la consommation.

Les impôts de production représentaient, en 2018, plus de 77 milliards d’euros de charges pour les entreprises. Les principaux, en termes de montants, sont la CVAE, la taxe foncière sur les propriétés bâties, le versement mobilité, la CFE, la taxe sur les salaires, le forfait social et la C3S (cf. infrab).

● La principale caractéristique des impôts de production, qui constitue l’une des critiques majeures qui leur sont adressées, est de grever substantiellement la productivité et la compétitivité des entreprises, voire de les fragiliser, en alourdissant significativement la charge fiscale des entreprises indépendamment de leur situation économique et financière réelle.

En effet, à la différence de l’imposition des bénéfices, que celle-ci relève de l’IS ou de l’IR, les impôts de productions touchent toutes les entreprises dans leur champ, qu’elles soient bénéficiaires ou déficitaires, en raison de leurs règles d’assiette.

D’un point de vue économique et comptable, ces impôts portent sur le haut du compte de résultat (chiffre d’affaires ou valeur ajoutée) et aboutissent à taxer des intrants tout au long de la chaîne de production, à rebours de la littérature économique en matière fiscale qui préconise une taxation des biens et des revenus finaux, ainsi qu’a pu le mettre en évidence le Conseil d’analyse économique (CAE) dans une récente note consacrée à ce sujet ([63]). Le graphique suivant, qui fait état des différents soldes intermédiaires de gestion en comptabilité, illustre ce constat en présentant ces différents soldes que sont le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée, l’excédent brut d’exploitation, le résultat d’exploitation, le résultat imposable et enfin le résultat net. Ainsi que ce graphique le démontre, les impôts portant sur des soldes « supérieurs », tels que le chiffre d’affaires ou la valeur ajoutée, ne tiennent pas compte d’un certain nombre de charges déductibles du résultat soumis à l’impôt sur les bénéfices.

Les soldes intermédiaires de gestion :
construction à partir du compte de résultat

Source : Conseil des prélèvements obligatoires.

b.   Les différents impôts de production et leurs affectataires

Les impôts de production présentent également une autre caractéristique en France, qui résulte d’un choix politique et n’est pas en soi liée à l’économie générale ou à l’assiette de ces impôts : ils sont affectés pour l’essentiel aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale.

Le tableau suivant dresse un panorama des impôts de production, indiquant le montant associé à chacun d’eux payé par les entreprises et l’affectation de ce montant – ce second aspect étant illustré par un graphique ci‑après.

Répartition des impôts de production payés par les entreprises (2018)

(en milliards d’euros)

Impôts

Adm. centrales et UE

Adm. locales

Adm. de sécurité sociale

Total

Taxe sur les salaires (1)

0,0

0,0

6,2

6,2

Forfait social

0,0

0,0

5,7

5,7

Versement transport

0,0

7,8

0,0

7,8

Contribution apprentissage

0,0

1,7

0,0

1,7

Autres (FNAL, CNSA, etc.)

3,6

0,0

2,2

5,8

Total impôts sur les salaires et la main-d’œuvre

3,6

9,5

14,1

27,2

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

0,0

12,9

0,0

12,9

CVAE

0,0

14,0

0,0

14,0

CFE

0,0

6,7

0,0

6,7

Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S)

0,0

0,0

3,8

3,8

Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER)

0,0

1,3

0,0

1,3

Taxe sur les surfaces commerciales (Tascom)

0,0

1,0

0,0

1,0

Contribution fonds de résolution bancaire

2,3

0,0

0,0

2,3

Autres

3,4

3,6

1,1

8,1

Total impôts divers sur la production

5,7

39,5

4,9

50,1

Total

9,3

49,0

19,0

77,3

(1) Taxe sur les salaires acquittée par les entreprises, hors secteur social et médico-social.

Source : Insee, direction générale du Trésor et calculs du CAE.

Répartition des impôts de production par affectataire (2018)

(en milliards d'euros)

L’affectation de l’essentiel du produit des impôts de production aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale suppose, pour chaque réforme consistant à diminuer ces impôts, de se poser la question de l’éventuelle compensation pour les affectataires et des modalités de celle-ci.

2.   Un poids des impôts de production plus élevé en France que dans les autres pays

● Si la France n’est pas le seul État dans lequel existe une fiscalité sur les facteurs de production, elle n’en demeure pas moins une championne en la matière, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

Comparaison du poids des impôts sur la production (2018)

Source : Eurostat et calculs du CAE.

Que l’analyse porte sur le poids des impôts de production par rapport au produit intérieur brut (PIB) ou à la valeur ajoutée (VA) des entreprises, seule la Grèce fait état d’une charge supérieure à celle constatée en France ­ qui excède celle du Royaume-Uni ou encore de l’Italie et, de façon substantielle, de l’Allemagne.

Par ailleurs, le montant total des impôts de production en France a crû davantage que le PIB sur la période 2007-2016, le premier connaissant une hausse de 19,9 % tandis que le second s’est accru de 14,2 %([64]).

Cet écart de fiscalité, surtout s’agissant d’impôts qui grèvent le haut du compte de résultat et affectent les entreprises indépendamment de leurs résultats, constitue un frein potentiel important à la compétitivité des entreprises françaises et de l’économie du pays par rapport à nos voisins.

● Le déficit de compétitivité et l’alourdissement des charges pesant sur les entreprises françaises est particulièrement saillant au regard des types d’impôts existant en France et dans les autres pays.

L’assiette foncière est relativement généralisée, ainsi que le relève dans sa note de juin 2019 le CAE, corroborée sur ce point par l’évaluation préalable du présent article. En revanche, l’imposition du chiffre d’affaires telle que le fait la C3S française n’a pas d’équivalent européen.

S’agissant de la valeur ajoutée, seule l’Italie, avec l’IRAP ([65]), a mis en place un impôt voisin de la CVAE ([66]) (la Gewerbesteuer allemande, parfois comparée à la CVAE, constitue en réalité un impôt assis pour l’essentiel sur les bénéfices – cet impôt local est d’ailleurs retenu par l’Organisation de coopération et de développement économiques dans la détermination du taux de l’impôt allemand sur les bénéfices, dans le cadre de ses comparaisons internationales).

3.   La CVAE : un impôt de production économiquement pénalisant

En ce qui concerne la CVAE en particulier, précisément, un impôt affectant la valeur ajoutée peut, théoriquement, se révéler relativement neutre au regard de l’allocation des facteurs de production et de la déduction des consommations intermédiaires qu’il induit.

Toutefois, la CVAE touche des entreprises indépendamment de leurs résultats réels, qui peuvent être peu bénéficiaires voire déficitaires, et surtout repose, à travers son taux, sur le niveau de chiffre d’affaires réalisé.

En effet, et ainsi qu’il a été vu, le taux effectif de la CVAE – tout comme son seuil d’assujettissement – repose sur le chiffre d’affaires de l’entreprise, ce qui peut conduire à ce qu’une entreprise dégageant une valeur ajoutée plus faible qu’une autre entreprise acquitte néanmoins plus au titre de la CVAE en raison d’un chiffre d’affaires supérieur. Selon la même logique, des entreprises ayant la même valeur ajoutée peuvent acquitter une CVAE très différente. De telles situations sont pour le moins paradoxales s’agissant d’un impôt dont le principe est d’être assis sur la valeur ajoutée et non le chiffre d’affaires ([67]).

En outre, si l’assiette de la CVAE se situe à un niveau inférieur des impôts de production portant sur le chiffre d’affaires, elle demeure en haut des soldes intermédiaires de gestion précédemment présentés et affecte donc les investissements  les amortissements ne sont pas déductibles de l’assiette de la CVAE, qui frappe ainsi l’excédent brut d’exploitation (équivalent de l’EBITDA ([68])). À cet égard, la CVAE se distingue de l’IRAP italien, qui porte sur la valeur ajoutée nette de la dépréciation de capital fixe, comme l’a souligné le CAE ([69]).

Un tel constat ne peut être satisfaisant et pénalise les entreprises qui souhaitent investir et renouveler leur tissu productif. Cela vaut tout particulièrement pour les entreprises industrielles, dont le secteur d’activité est le premier contributeur à la CVAE : en 2018, la CVAE due par les entreprises relevant du secteur de l’industrie manufacturière s’est élevée à plus de 3 milliards d’euros sur un total de 14,5 milliards d’euros, soit une part supérieure à 20 % du montant total acquitté par les entreprises.

*

*     *

À l’aune de l’ensemble des éléments qui précèdent, il apparaît que, pour renforcer la compétitivité des entreprises, leur capacité d’investissement et de modernisation et l’emploi, à travers des embauches résultant d’un accroissement d’activité, un allégement ambitieux portant sur les impôts de production est nécessaire.

Le Rapporteur général proposait, dans l’édition 2020 du rapport sur l’application des mesures fiscales, de concentrer l’effort sur la CVAE. C’est précisément ce que propose le présent article.

II.   Le dispositif proposé

Tirant les conséquences du constat du niveau élevé des impôts de production en France, le présent article prévoit une réduction de la CVAE à hauteur de la part régionale, soit une baisse de 50 %, à compter de 2021 ; il abaisse également le plafonnement de la CET.

Pour préserver les ressources des collectivités territoriales, la part des départements et du bloc communal sera doublée, tandis que les régions recevront en compensation de la suppression de leur part une fraction de TVA.

L’impact budgétaire sera supporté par l’État, et est estimé à 5,5 milliards d’euros par an.

A.   Une réduction de moitié de la CVAE due à travers une division du taux par deux

Le premier volet du dispositif proposé consiste en une réduction de moitié du taux de la CVAE et des ajustements qui en tirent les conséquences pour donner un plein effet à la mesure.

1.   La division par deux du taux de la CVAE

Le cœur du premier volet du dispositif proposé se trouve aux C et D du I du présent article, qui prévoit la division par deux du taux de la CVAE.

a.   La division par deux du taux théorique de CVAE

D’une part, le C de ce I modifie le 2 du II de l’article 1586 ter du CGI, qui consacre le taux théorique de la CVAE, en faisant passer celui-ci de 1,5 % à 0,75 %.

b.   La modification du dégrèvement barémique pour diviser par deux le taux effectif de CVAE

D’autre part, le D du même I modifie l’article 1586 quater du CGI, relatif au dégrèvement barémique, article dans lequel se trouve le barème permettant de calculer le taux effectif de CVAE correspondant à ce qu’acquittent réellement les entreprises au titre de cet impôt.

Les taux utilisés dans le barème du taux effectif de CVAE sont ainsi réduits de moitié, en application des a à d du 1° de ce D, qui modifient les b à e du I de l’article 1586 quater du CGI.

Le tableau suivant dresse la synthèse des modifications apportées au taux effectif de CVAE, en comparant les dispositions actuellement en vigueur à celles résultant du dispositif proposé.

COmparaison du barème du taux effectif de CVAE
(droit en vigueur et dispositif proposé)

Chiffre d’affaires (CA)
(en euros)

Taux effectif de CVAE  Droit en vigueur
(en %)

Taux effectif de CVAE  Dispositif proposé
(en %)

CA < 500 000

0

0

500 000  CA  3 000 000

[0,5 × (CA – 500 000)] / 2 500 000

[0,25 × (CA – 500 000)] / 2 500 000

3 000 000 < CA  10 000 000

0,5 + [[0,9 × (CA – 3 000 000)] / 7 000 000]

0,25 + [[0,45 × (CA – 3 000 000)] / 7 000 000]

10 000 000 < CA  50 000 000

1,4 + [[0,1 × (CA – 10 000 000)] / 40 000 000]

0,7 + [[0,05 × (CA – 10 000 000)] / 40 000 000]

50 000 000 < CA

1,5

0,75

Source : commission des finances.

Seule la première tranche du barème, définie au a du I de l’article 1586 quater du CGI, n’est pas modifiée par le présent article, dans la mesure où le taux effectif de CVAE correspondant est nul et n’a ainsi pas à être diminué.

Illustration de la division par deux du taux de la CVAE

Quatre entreprises W, X, Y et Z réalisent respectivement un chiffre d’affaires de 2 millions, de 7 millions, de 40 millions et de 75 millions d’euros.

La réduction de moitié de la CVAE prévue au présent article, par la division par deux du taux de cet impôt, a pour effet de faire passer les taux effectifs supportés par chacune de ses entreprises :

– pour W, de 0,3 % à 0,15 % ;

– pour X, de 1 % à 0,5 % ;

– pour Y, de 1,48 % à 0,74 % ;

– pour Z, de 1,5 % à 0,75 %.

Le graphique suivant compare la courbe des taux effectifs de la CVAE en fonction du chiffre d’affaires, entre le taux existant et celui résultant du dispositif proposé.

Source : commission des finances.

● La majoration du dégrèvement pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros, prévue au II de l’article 1586 quater du CGI, est elle aussi réduite de moitié en conséquence de la division par deux du taux théorique et du barème du taux effectif, ainsi qu’il ressort du  du D du I du présent article. Cette majoration passe ainsi de 1 000 à 500 euros.

● L’ensemble de ces modifications, ainsi qu’il résulte du  du A du VI du présent article, s’appliqueront à la CVAE due par les entreprises au titre de l’année 2021 et des années suivantes.

Ainsi, dès le paiement des acomptes de la CVAE due au titre de l’année 2021, les entreprises bénéficieront du gain résultant de la division par deux du taux. En effet, si les acomptes sont assis sur la valeur ajoutée de l’année précédente, ils sont chacun égaux à 50 %, non de la CVAE due au titre de l’année précédente, mais bien de la CVAE due au titre de l’année d’imposition, qui est celle de versement des acomptes. Or, la CVAE due à compter de l’année 2021 sera calculée avec le nouveau taux résultant du dispositif proposé, divisant par deux son montant dû.

2.   Les ajustements liés à la réduction de moitié de la CVAE

Pour donner son plein effet à la division par deux du taux de la CVAE et éviter que celle-ci ne pénalise les affectataires de la TA-CVAE, différents ajustements sont prévus au présent article.

Ce dernier procède également, au E de son I, à un nettoyage légistique en abrogeant des dispositions transitoires de l’article 1586 sexies du CGI sur la détermination de la valeur ajoutée dans certaines hypothèses, désormais caduques :

– le I bis et le c du 2 du VI de cet article 1586 sexies, relatifs à certaines mutuelles et institutions ([70]), qui prévoyaient des modalités transitoires en 2013 et 2014, l’alignement sur le droit commun étant prévu à compter de 2015 ;

– le II de ce même article, relatif à l’activité de location d’immeubles nus réputée exercée à titre professionnel, qui prévoyait des modalités transitoires entre 2010 et 2018, l’alignement sur le droit commun s’appliquant à compter de 2019.

a.   L’abaissement du plafonnement de la CET de 3 % à 2 % de la valeur ajoutée

Ainsi qu’il a été vu, le plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée permet d’éviter à certaines entreprises de supporter, au titre de cette contribution, une charge considérée comme excessive au regard de leur valeur ajoutée et donc de la CVAE due, qui résulterait d’une CFE élevée.

Si la division par deux du taux de la CVAE – et donc du montant dû au titre de cet impôt – dégage un gain fiscal pour l’entreprise, ce gain pourrait être neutralisé en tout ou partie en l’absence de modification du plafonnement de la CET, en raison d’une augmentation du montant de CFE dû jusqu’au plafond de 3 % de la valeur ajoutée.

● C’est précisément pour éviter une telle neutralisation, et donc pour donner à la réforme proposée sa pleine effectivité, que le présent article prévoit de réduire d’un point le plafonnement de la CET, qui passerait ainsi de 3 % à 2 % de la valeur ajoutée produite par l’entreprise.

Cette réduction du plafonnement résulte du J du I du présent article, qui modifie à cet effet le dernier alinéa du I de l’article 1647 B sexies du CGI.

● L’abaissement de 3 % à 2 % de la valeur ajoutée du plafonnement s’appliquera à la CET due au titre de l’année 2021 et des années suivantes, ainsi que le prévoit le D du VI du présent article.

b.   La préservation du niveau de la TA‑CVAE et des ressources des CCI

La réduction de moitié de la CVAE aurait pour effet, sans mécanisme correcteur, de diviser par deux le montant de la TA‑CVAE dont le produit est affecté à CCI France en application de l’article 1600 du CGI.

● Dans la mesure où le réseau des CCI accompagne les entreprises et leur fournit des services et prestations utiles, il n’apparaît pas judicieux de réduire de moitié le produit de la TA‑CVAE – ce qui, d’après l’évaluation préalable du présent article, se traduirait par une perte de recettes de 131,5 millions d’euros pour le réseau.

En conséquence, le présent article prévoit, au İ de son I, de modifier le 1 du III de l’article 1600 du CGI qui fixe le taux de la TA‑CVAE afin de le doubler, ce taux passant ainsi de 1,73 % à 3,46 % de la CVAE due.

● Aux termes du C du VI du présent article, ce doublement s’appliquera au titre des impositions établies au titre de l’année 2021 et des années suivantes.

c.   Les autres ajustements tirant les conséquences de la réduction de moitié de la CVAE

Enfin, en ce qui concerne le premier volet du dispositif proposé, c’est‑à‑dire celui consacré à la CVAE payée par les entreprises, le présent article procède à deux ajustements qui tirent les conséquences de la division par deux du taux de la CVAE.

● D’une part, il réduit de moitié le montant minimum de CVAE dû par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros.

Le F du I du présent article modifie à cet effet l’article 1586 septies du CGI, faisant passer le montant minium de CVAE de 250 euros à 125 euros, cette réduction s’appliquant à la CVAE due au titre de l’année 2021 et des années suivantes en application du  du A du VI du présent article.

● D’autre part, il modifie les modalités de paiement de la CVAE en divisant par deux le seuil d’assujettissement aux acomptes de CVAE prévu à l’article 1679 septies du CGI.

Cette modification, prévue au K du I du présent article, ramène ainsi ce seuil de 3 000 euros à 1 500 euros ; elle s’appliquera aux acomptes de CVAE dus par les entreprises au titre de l’année 2022 et des années suivantes, ainsi qu’il résulte du E du VI du présent article.

Cet abaissement du seuil permet, toutes choses égales par ailleurs, de maintenir pour les départements et le bloc communal un niveau équivalent d’acomptes reversés par l’État en N + 1 au titre d’une année N malgré la réduction de moitié de la CVAE. Sans cela, ces échelons locaux percevraient moins au titre des acomptes et plus au titre du solde, pouvant aboutir transitoirement, lors de la mise en œuvre de la réforme, à des moindres recettes locales.

Par ailleurs, l’application de cette mesure à compter de 2022, et non dès 2021, est cohérente avec l’économie générale de la CVAE, dans le cadre de laquelle l’assujettissement au paiement des acomptes en année N dépend du montant de la CVAE due au titre de l’année N – 1.

B.   Une suppression de la part régionale de CVAE compensée par l’affectation aux régions d’une part de TVA

La division par deux du taux de la CVAE a pour effet mécanique de réduire de moitié le montant perçu par les collectivités territoriales, affectataires du produit de cet impôt.

Pour éviter une telle diminution des ressources locales, le présent article prévoit deux séries de mesures :

– la suppression de la part de CVAE affectée aux régions et le doublement des parts affectées respectivement aux départements et au bloc communal, afin de préserver les ressources fiscales de ces collectivités ;

– la compensation des régions par l’affectation d’une fraction d’une recette dynamique, la TVA, et les ajustements résultant de ces modifications d’affectation fiscale.

1.   La suppression de la part régionale et le doublement en conséquence des parts communales et départementales

Ainsi qu’il a été vu, le produit de la CVAE est réparti entre les collectivités territoriales dans lesquelles se trouvent les entreprises redevables, les régions étant affectataires de la moitié du produit, l’autre moitié étant partagée entre départements et bloc communal à hauteur, respectivement, de 23,5 % et 26,5 % du total.

Le présent article prévoit une modification substantielle de cette clef de répartition, consistant :

– à supprimer la part affectée aux régions ;

– à doubler les parts perçues par les départements et le bloc communal.

● La suppression de la part du produit de CVAE affectée aux régions résulte :

– du H du I du présent article, qui abroge le 3° de l’article 1599 bis du CGI prévoyant que les régions perçoivent 50 % du produit de la CVAE ;

– du  A du II du présent article, qui supprime, au 1° du a de l’article L. 4331‑2 du CGCT, la mention de la CVAE parmi les produits des contributions et taxes constituant les recettes de fonctionnement des régions – la mention de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, qui figure également à ce 1°, est en revanche maintenue dans la mesure où elle n’a pas de lien avec la réforme ici proposée ;

– du  du B du I du présent article, qui abroge le II de l’article 1586 du CGI aux termes duquel la part de CVAE perçue par le Département de Mayotte est majorée de la part régionale de CVAE pour s’élever à 73,5 % ;

– du G du I du présent article, qui supprime la référence aux régions figurant au II de l’article 1586 nonies du CGI, relatif à la possibilité pour les départements et les régions d’exonérer de CVAE, à hauteur de la part qui leur revient, les entreprises dont les établissements peuvent être exonérés de CFE sur délibération du bloc communal ;

– du B du II du présent article, qui abroge le II de l’article L. 4331‑2‑1 du CGCT relatif aux modalités temporelles de perception par les régions du produit de la CVAE (versement mensuel égal à un douzième du montant affecté).

● Le doublement de la part de CVAE affectée au bloc communal et aux départements, quant à lui, résulte :

– du A du I du présent article, qui modifie la part affectée au bloc communal prévue par le 5° du I de l’article 1379 du CGI, la portant de 26,5 % à 53 % ;

– du 1°°du B du présent article, modifiant le 6° du I de l’article 1586 relatif à la part de CVAE affectée aux départements, qui passe de 23,5 % à 47 %.

● Le doublement de la part de CVAE affectée au bloc communal et aux départements s’appliquera à la CVAE due par les entreprises au titre de l’année 2021 et des années suivantes, et concernera le produit versé par l’État à compter de 2022, ainsi qu’il résulte du A du VI du présent article.

La suppression de l’affectation aux régions et au Département de Mayotte de la moitié du produit de la CVAE, aux termes du B du même VI, s’appliquera à la CVAE versée par l’État à compter du 1er janvier 2021.

● La modification de la clef de répartition du produit de CVAE prévu par le dispositif proposé assure aux départements et au bloc communal un maintien du niveau de leurs ressources. Si, de prime abord, elle aboutit à une réduction substantielle des ressources des régions, un mécanisme de compensation de ces dernières par une affectation d’une fraction de TVA est prévu, selon des modalités détaillées dans les développements suivants.

2.   Le nouveau schéma de financement des régions : l’affectation d’une part de TVA

a.   Une part de TVA dynamique en substitution de la part régionale de CVAE

Le A du IV du présent article attribue, à compter de 2021, une fraction du produit national de la TVA aux régions ainsi qu’aux collectivités territoriales uniques (CTU) ([71]), c’est-à-dire le Département de Mayotte, la collectivité de Corse, la Martinique et la Guyane.

Il s’agit d’une fraction du produit national de TVA de l’année, nette des remboursements et restitutions.

● Le III de l’article prévoit que cette fraction de TVA versée par l’État transitera par le compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales (CAV), évoqué plus haut. Ce compte enregistre le versement des impôts locaux et de diverses recettes fiscales transférées aux collectivités ([72]). Cette fraction de TVA sera versée chaque mois par douzième aux régions et CTU.

● Le B du IV prévoit que, en 2021, le montant de cette fraction de TVA sera égal au montant de la part régionale de CVAE perçue par ces collectivités en 2020.

● Le C du IV prévoit que, à partir de 2022, le montant de la fraction de TVA sera déterminé en appliquant au produit budgétaire national net de TVA un ratio entre :

– la part régionale de CVAE perçue en 2020 par les régions et CTU ;

– le produit net de la TVA encaissé en 2021.

Au titre des premiers mois de l’année, le ratio est appliqué à l’évaluation proposée des recettes nettes de TVA pour l’année inscrite dans l’annexe au projet de loi de finances de l’année.

Ce calcul permet concrètement de faire bénéficier les régions et CTU, à partir de 2022, de la dynamique de la TVA.

Par exemple, si le produit national de TVA croît de 2 % entre 2021 et 2022, la fraction de TVA versée aux régions et CTU en 2022 sera augmentée du même taux par rapport à celle versée en 2021.

Les régions et CTU percevront donc :

– en 2020, la part régionale de la CVAE collectée par l’État en 2019 ;

– en 2021, une fraction de TVA égale à la part régionale de CVAE qui leur aura été reversée en 2020 ;

– en 2022 et les années suivantes, une fraction dynamique de TVA.

Les CTU continueront par ailleurs chaque année à percevoir leur part départementale de CVAE.

● Dès lors que, en 2021, les régions reçoivent une fraction de TVA, la part régionale de CVAE due au titre de l’année 2020 ne leur sera pas versée, bien qu’elle soit collectée. Le V du présent article prévoit qu’elle est donc affectée, par dérogation, au budget général de l’État, le A de ce V traitant des régions et son B du Département de Mayotte.

Enfin, le C de ce même V précise que les réclamations afférentes à la CVAE acquittée durant cette période transitoire restent régies comme en matière d’impôts locaux, malgré l’affectation dérogatoire au budget général de l’État.

C.   L’impact budgétaire et économique

Le dispositif proposé devrait aboutir à un gain pour les entreprises de l’ordre de 7,2 milliards d’euros, améliorant leur situation et leur résistance dans le contexte de la crise, et renforçant leur capacité d’investissement et donc leur faculté à préparer l’avenir – de façon d’autant plus opportune que pourront être concernées des entreprises déficitaires. D’un point de vue budgétaire, l’impact devrait être neutre pour les collectivités, l’État supportant l’intégralité du coût de la mesure, estimé à 5,5 milliards d’euros par an

1.   Un coût budgétaire supporté par l’État et estimé à 5,5 milliards d’euros par an, et des ressources locales préservées

Les recettes des collectivités territoriales seront préservées, l’État attribuant une fraction de TVA aux régions en compensation de la réduction de moitié de la CVAE correspondant à la disparition de la part régionale.

a.   La préservation des ressources locales par l’affectation d’une fraction de TVA

● Avec le droit existant, les régions auraient subi en 2021 la chute de la valeur ajoutée des entreprises constatée en 2020. En effet, comme cela a été expliqué plus haut, elles en perçoivent le produit avec un an de décalage.

Le calendrier de collecte et de reversement de la CVAE est présenté sur les années 2020 à 2021 dans le rapport évoqué supra de notre collègue Jean‑René Cazeneuve, avec l’exemple d’une CVAE de 100 due au titre de l’année 2019 par les entreprises :

 

Source : Impact de la crise du Covid19 sur les finances locales (mission menée par JeanRené Cazeneuve).

● Avec le dispositif proposé, les régions ne subiront pas la perte de CVAE, la part régionale de CVAE étant remplacée par une fraction de TVA égale, en 2021, à la part régionale perçue en 2020.

● En revanche, comme on le constate sur le schéma ci‑dessus, durant l’exercice 2020, l’État collecte sur les entreprises la CVAE due au titre de 2020, dont le produit est affaibli par la crise et, parallèlement, verse par douzième mensuel aux collectivités la CVAE due au titre de 2019, dont le produit n’est pas affecté par la chute de la valeur ajoutée en 2020.

● La perte de CVAE liée à la crise pèsera donc in fine sur le budget de l’État en 2020. Elle est chiffrée à 1,175 milliard d’euros par notre collègue Jean‑René Cazeneuve.

● À partir de 2021, l’État devra assumer le montant de la fraction de TVA versée aux régions. Toutefois, le coût pour l’État de la réforme ne sera pas entièrement équivalent à la part régionale de CVAE, car l’État porte déjà le coût du dégrèvement barémique.

Dès lors que la part régionale de CVAE s’élève à 50 % du produit total, le dernier dégrèvement barémique versé aux régions est de 50 % de son montant total (4,8 milliards en 2019), c’est-à-dire de 2,4 milliards d’euros.

● Le Rapporteur général constate que le dispositif proposé transpose les engagements pris par l’État dans l’accord de méthode signé le 30 juillet par le Premier ministre et le président de Régions de France ([73]).

L’accord de méthode conclu entre l’État et l’association Régions de France

Dans cet accord, le Gouvernement s’est en effet engagé à :

‑ neutraliser intégralement la baisse attendue de CVAE en 2021 et à la compenser, dans le cadre de la baisse des impôts de production, par une fraction de TVA égale au montant de CVAE perçu en 2020 ;

‑ garantir l’évolution de cette fraction de TVA sur le rythme national d’évolution de cet impôt à partir de 2022.

En contrepartie, les régions se sont engagées à :

‑ investir massivement dans la relance, notamment au moyen des CPER 2021-2027, pour un montant d’au moins 20 milliards d’euros ;

‑ mettre en place un « serpent budgétaire » pour accompagner les régions en cas de nouvelle crise ;

‑ rénover le système de péréquation, dans l’objectif de redistribuer chaque année entre 1 et 2 % des recettes totales de fonctionnement des régions.

L’accord acte également le versement aux régions, en 2020, d’une enveloppe de 600 millions d’euros de « crédits d’investissement », qui correspond à la compensation de la moitié de la perte de recettes provoquée par la crise pour les régions, estimée à 1,2 milliard d’euros.

La TVA représente en outre une ressource à la fois aussi dynamique et moins volatile que la CVAE. Elle apparaît donc plus adaptée à un pilotage fin des budgets régionaux.

DynamiqueS annuelles comparées des produits nationaux
de la TVA et de la CVAE

(hausse par rapport au produit de l’année précédente, en %)

 

2015

2016

2017

2018

2019

TVA

1,72

1,63

5,00

4,33

2,22

CVAE

4,46

1,41

4,27

0,82

6,77

● Le Rapporteur général considère donc que ces dispositions s’inscrivent dans un large consensus. Elles garantissent aux régions des moyens financiers qui leur permettront de contribuer pleinement et durablement à la relance et à l’investissement public, au côté de l’État.

b.   Un coût pour l’État estimé à 5,5 milliards d’euros en raison de l’effet retour d’IS

● La combinaison de l’affectation aux régions d’une fraction de TVA correspondant à la CVAE perçue par cet échelon en 2020, et de l’économie du dégrèvement barémique associé, devrait aboutir pour l’État à supporter un coût budgétaire « brut » correspondant à la moitié de la CVAE effectivement acquittée par les entreprises, c’est-à-dire correspondant à la part régionale de CVAE hors dégrèvement barémique.

Ce coût « brut » est estimé à 7,2 milliards d’euros.

● Cependant, la CVAE étant déductible de l’assiette de l’IS – comme la CFE –, la réduction de moitié de cet impôt a pour effet de diminuer un poste de charge déductible de l’assiette de l’IS et donc d’accroître celle-ci, avec pour conséquence une augmentation de l’IS : c’est « l’effet retour d’IS ».

Sur la base d’un taux effectif autour de 20 %, l’effet retour d’IS serait de l’ordre de 1,4 milliard d’euros.

Par ailleurs, il ressort de l’évaluation préalable que la combinaison de la baisse du plafonnement de la CET, prévue par le dispositif proposé, et la modernisation des paramètres de la méthode comptable d’évaluation de la valeur locative des établissements industriels, prévue à l’article 4 du présent texte, conduit l’État à réaliser un gain de l’ordre de 0,4 milliard d’euros.

 Le coût budgétaire net pour l’État est donc moindre que le coût directement induit par la réforme de la CVAE et que le gain perçu par les entreprises au titre de la baisse des impôts de production.

Il est estimé à 5,5 milliards d’euros par an. Sa chronique budgétaire est présentée dans le tableau suivant.

Chronique du coût budgétaire pour l’État du dispositif proposé

(en milliards d’euros)

Année

2021

2022

2023

2024

2025

Coût

5,9

5,1

5,5

5,5

5,5

Source : évaluation préalable.

Les variations du coût en 2021 et 2022, avant sa stabilisation à compter de 2023, s’expliquent par le mécanisme du « cinquième acompte » d’IS. Pour mémoire, en vertu de ce dispositif prévu aux a et b du 1 de l’article 1668 du CGI, le dernier acompte d’IS dû par les entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250 millions d’euros ne repose pas sur les derniers résultats connus, mais sur une estimation de l’IS dû au titre de l’exercice en cours.

L’évaluation préalable estime les effets du « cinquième acompte » en 2021 à 70 % de l’effet retour d’IS, expliquant un coût supérieur pour l’État en raison d’un moindre impact de cet effet retour.

En 2022, à l’inverse, les 30 % de l’effet retour de l’IS au titre de 2021 non pris en compte cette année-là s’ajoutent à un effet retour intégral, expliquant le gain supérieur de l’État au titre de l’IS, et donc le moindre coût.

Enfin, à compter de 2023, les conséquences budgétaires du « cinquième acompte » sont neutralisées et le coût atteint son niveau de croisière.

2.   Une baisse massive et sans précédent des impôts de production grevant les entreprises françaises

La réforme de la CET prévue au présent article, essentiellement à travers la division par deux du taux de la CVAE et l’abaissement du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, devrait aboutir à une réduction des impôts de production pesant sur les entreprises françaises à hauteur de 7,2 milliards d’euros par an dès 2021.

Ajoutée au gain résultant de l’article 4 relatif aux immobilisations industrielles, estimé à 3,3 milliards d’euros au titre de la CFE et de la TFPB, et en tenant compte de l’impact positif pour l’État de la combinaison des deux articles, à hauteur de 400 millions d’euros, le gain global des entreprises en matière d’impôts de production est de 10 milliards d’euros par an.

a.   Une réforme opportune et cohérente pour soutenir les entreprises et les emplois, en particulier dans le secteur de l’industrie

● Cette baisse, sans précédent s’agissant des impôts de production, permettra aux entreprises de renforcer leur compétitivité. Elle contribuera également à ce que l’économie française souffre moins des distorsions dans l’allocation des facteurs de production qui résultent d’une imposition élevée de la valeur ajoutée et donc des capacités d’investissement.

Une telle réforme est donc bienvenue et revêt à l’évidence pour l’économie nationale un caractère opportun. Le poids des impôts de production français dans la valeur ajoutée et le PIB du pays le montre, il était temps d’agir et de réduire l’écart d’imposition constaté vis-à-vis de nos principaux partenaires européens.

Pour l’industrie en particulier, fortement exposée à la concurrence internationale et qui est le principal secteur contributeur de la CVAE, le dispositif proposé se révèle précieux, voire décisif ; il en va de même pour le commerce, qui serait le deuxième secteur bénéficiaire d’un allégement de la CVAE, comme le montre le tableau suivant, reposant sur une baisse du taux de 0,5 point – le dispositif ici proposé prévoyant une baisse plus importante.

Part du gain total pour les principaux secteurs bénéficiaires d’une réduction du taux de CVAE de 0,5 point

Secteur

Part du gain total

Industrie manufacturière

21,7 %

Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles

18,6 %

Activités financières et d’assurances

11,5 %

Information et communication

7,8 %

Activités spécialisées, scientifiques et techniques

7,8 %

Transports et entreposage

7,4 %

Activités de services administratifs et de soutien

6,5 %

Construction

5,4 %

Source : Yves Dubief et Jacques Le Pape, La fiscalité de production, juin 2018, page 39.

● Le Rapporteur général salue également la cohérence de la réforme prévue au présent article, que traduit l’abaissement du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée. Sans cette mesure, ainsi qu’il a été vu, l’effectivité et donc l’efficacité de la baisse de la CVAE aurait été, au moins en partie, neutralisée par une hausse de la CFE due – en particulier pour l’industrie, qui bénéficie de plus de la moitié du dégrèvement de CFE résultant du plafonnement ([74]).

La baisse d’un point du plafonnement de CET profitera essentiellement aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et aux petites et moyennes entreprises (PME), qui percevront en tout 68 % du gain global, ainsi qu’il ressort des travaux du groupe de travail sur la fiscalité de production présidé par MM. Dubief et Le Pape, illustrés dans le graphique ci-dessous ([75]).

Répartition du gain financier total résultant d’un abaissement
du plafonnement de CET de 3 % à 2 %

Source : Yves Dubief et Jacques Le Pape, La fiscalité de production, juin 2018, page 44.

Le dispositif proposé s’inscrit ainsi pleinement dans la volonté de soutenir les entreprises, et donc l’emploi, et de relocaliser sur le territoire national les productions stratégiques.

● Enfin, si la réforme aboutit, par l’effet retour d’IS, à ce qu’une fraction du gain retiré au titre des impôts de production soit compensée par une augmentation de l’IS dû, ce constat appelle trois remarques :

– il s’agit d’un effet automatique propre à l’assiette de l’IS, qui est indissociable de la mécanique de cet impôt ; un tel effet retour intervient à chaque réforme réduisant des charges déductibles de l’assiette de l’IS, telles la suppression du troisième taux majoré de taxe sur les salaires ou la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en allégements de charges sociales ;

– les entreprises concernées par l’effet retour d’IS sont par définition celles dégageant un bénéfice, là où la baisse des impôts de production concernera l’ensemble des entreprises, bénéficiaires comme déficitaires ;

– enfin, le taux de l’IS poursuit sa trajectoire de baisse, l’étape 2021 étant chiffrée à 3,7 milliards d’euros, soit un gain pour les entreprises presque trois fois supérieur à l’effet retour d’IS au titre du présent article.

Opportune, la réforme est également nécessaire dans le contexte actuel, marqué par une crise qui a très lourdement affecté le tissu économique français.

La réduction des impôts de production revêt ainsi une double pertinence, en allégeant les charges des entreprises et donc en donnant à celles‑ci une respiration, de meilleures chances de reprise et une plus grande capacité d’action, et en portant sur un impôt pouvant toucher des entreprises aux résultats dégradés, voire déficitaires, qui sont plus nombreuses en période de crise.

Le dispositif proposé ne constitue ainsi pas un « cadeau » aux entreprises, une libéralité que l’État consentirait à de grands groupes. Il s’agit en réalité d’une mesure qui :

– rééquilibre (partiellement au demeurant) la fiscalité française des entreprises par rapport à celle de nos voisins ;

– participe à l’accroissement des capacités d’investissement et de développement des entreprises ;

– soutient les entreprises dans le cadre d’une crise économique majeure, en réduisant substantiellement leurs charges dès 2021, afin d’éviter le plus possible de faillites, de cessations d’activités et donc de licenciements, qui seraient fortement préjudiciables à l’ensemble du pays.

Outre ces effets de court et moyen termes, l’évaluation préalable indique que l’impact de la baisse de CVAE devrait contribuer à un accroissement du PIB à hauteur de 0,7 point à long terme – soit environ le double du coût de la mesure rapporté au PIB –, tandis que plus de 100 000 emplois seraient créés – le tableau suivant illustre la chronique de cet impact économique escompté.

Impact de la baisse de CVAE proposée sur l’activité et l’emploi

Horizon temporel

1 an

2 ans

3 ans

4 ans

5 ans

10 ans

Long terme

PIB (en point)

0,0

0,1

0,2

0,2

0,3

0,4

0,7

Emplois (en milliers)

17

44

63

72

74

81

106

Source : évaluation préalable.

La réforme apportée à la CET s’inscrit donc à la fois pleinement dans le plan de relance, et dans une perspective à plus long terme mais hautement stratégique de modernisation et d’amélioration du tissu productif et économique de la France.

b.   Une réforme bien ciblée : la pertinence du choix de la CVAE plutôt que de la C3S

Outre son caractère opportun déjà évoqué, le dispositif proposé au présent article présente une pertinence en termes de ciblage, en retenant la CVAE plutôt qu’un autre impôt, en particulier la C3S.

La C3S, portant sur le chiffre d’affaires des entreprises redevables, a une assiette susceptible d’être jugée économiquement comme encore moins rationnelle que celle de la CVAE. Dans sa note de juin 2019 précitée, le CAE préconisait de supprimer en priorité la C3S, jugé comme étant « l’impôt le plus nocif » ([76]). La C3S, selon le CAE, s’assimile à une taxe sur les exportations et une subvention aux importations, ses effets néfastes se diffusant à l’ensemble des entreprises françaises, tout au long de la chaîne de production, par effet de cascade.

Le Rapporteur général a déjà eu l’occasion de préciser qu’il partage l’analyse du CAE sur la nocivité de la C3S ([77]). Plusieurs éléments militent pour que la priorité soit donnée à une réduction de la CVAE plutôt qu’à une suppression de la C3S.

● En premier lieu, et cela a déjà été mentionné, la CVAE présente par ellemême des inconvénients importants qui justifient à eux seuls de modifier cet impôt : assiette sur la valeur ajoutée pénalisant les capacités d’investissements, barème progressif adossé au chiffre d’affaires propice aux distorsions, etc.

● En second lieu, diminuer la CVAE en assortissant la mesure d’une baisse du plafonnement de la CET, ainsi que le propose le présent article, améliorera la situation de beaucoup plus d’entreprises et pour un gain global bien plus élevé qu’une suppression de la C3S.

Pour mémoire, dans le cadre du Pacte de responsabilité mis en œuvre sous la précédente législature, le seuil de chiffre d’affaires d’entrée dans la C3S, de 760 000 euros, a été remplacé par un abattement de 3,25 millions d’euros à compter de 2015, porté à compter de 2016 à 19 millions d’euros. Cela a eu pour effet de réduire substantiellement le produit de cet impôt, et encore plus le nombre de ses redevables, comme l’illustre le tableau suivant.

Évolution du produit et de la démographie des redevables de la C3S

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Produit (M €)

5 446

4 389

3 552

3 558

3 762

3 896

Redevables

310 172

94 419

19 648

19 914

20 771

21 807

Dont TPE

164 286

 

 

 

 

 

Dont PME

138 131

86 875

12 031

12 162

12 623

13 274

Dont ETI

7 538

7 329

7 405

7 540

7 924

8 296

Dont GE

217

215

212

212

224

237

Source : Laurent Saint‑Martin, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 3279, 29 juillet 2020, à partir des données fournies par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Si la C3S était censée définitivement disparaître dans le cadre du Pacte de responsabilité, une réorientation de ce dernier a finalement conduit à substituer à cette suppression une hausse d’un point du taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), au motif qu’une telle hausse profitait à plus d’entreprises, et notamment aux TPE et à toutes les PME.

Une conclusion similaire peut être tirée à l’appui d’une réforme de la CVAE plutôt que de la C3S.

Ainsi qu’il ressort du précédent tableau, moins de 22 000 entreprises acquittent la C3S : celles dont le chiffre d’affaires excède 19 millions d’euros, à savoir les plus grandes PME, les ETI et les grandes entreprises. En ce qui concerne la CVAE, en revanche, près de 1,2 million d’entreprises sont assujetties et plus de 530 000 entreprises acquittent effectivement cet impôt – soit très majoritairement des TPE et des PME.

Réduire de moitié la CVAE plutôt que supprimer la C3S permet ainsi de soutenir directement les TPE et la totalité des PME, et non uniquement les plus grandes entreprises françaises :

– le gain financier total résultant d’une suppression de la C3S profiterait majoritairement aux ETI (54 %) et aux grandes entreprises (38 %), et marginalement aux PME (8 %) ([78]) ;

– inversement, le gain résultant d’une baisse de la CVAE profiterait majoritairement aux PME et aux ETI ; le groupe de travail sur la fiscalité de production, pour une baisse du taux effectif de 0,5 point, estimait la part du gain total retiré par les TPE et PME à 39 %, celle par les ETI à 39 % et celle par les grandes entreprises à 21 % ([79]). Les TPE, PME et ETI retirent ainsi près de 80 % du gain total induit par la mesure, comme l’illustre le graphique suivant.

Estimation de la répartition du gain financier total d’une diminution du taux effectif d’imposition de la CVAE de 0,5 point

Source : Yves Dubief et Jacques Le Pape, La fiscalité de production, juin 2018, page 44.

Enfin, le gain global résultant du dispositif proposé est de près du double de celui qui aurait été retiré d’une suppression de la C3S : 7,2 milliards d’euros contre 3,9 milliards d’euros.

La mesure prévue au présent article présente donc une pertinence avérée dans le cadre du plan de relance : il s’agit d’une « mesure transversale avec des effets favorables sur l’activité à terme » qui conduit « à diminuer un prélèvement qui […] demeure décorrélé du bénéfice de l’entreprise » ([80]). Cela ne signifie pas qu’il faille en rester là en matière de C3S, mais une telle réforme – par exemple consistant en une suppression progressive de cet impôt par un relèvement de l’abattement – paraît plus relever d’un second temps, une fois la relance acquise.

La pertinence d’une réforme concernant également les grandes entreprises

Si la majorité du gain induit par la réforme prévue au présent article devrait bénéficier aux PME et aux ETI, les grandes entreprises en percevront une part importante.

Cela est au demeurant logique, dans la mesure où, si la catégorie des grandes entreprises est, en nombre d’unités, la plus petite, elle réunit un volume total de chiffre d’affaires et de valeur ajoutée considérable.

D’après les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) parues en 2019 et portant sur 2017 (1), si les grandes entreprises étaient 257 sur un total de près de 3,9 millions d’entreprises, elles représentaient :

– plus du quart des effectifs salariés (26 %) ;

– plus du tiers du chiffre d’affaires (34,3 %) ;

– près du tiers de la valeur ajoutée (31 %) ;

– plus de la moitié du chiffre d’affaires réalisé à l’export (51,3 %) ;

– le plus fort taux d’investissement (21,6 % contre 18,9 % en moyenne) ;

– le plus fort salaire moyen brut par salarié (47 000 euros par an, pour une moyenne générale de 43 000 euros).

Les grandes entreprises représentent ainsi une part très importante de l’économie nationale, en termes d’emplois, de valeur ajoutée, d’exportations et d’investissements. Ne pas les rendre éligibles à la baisse des impôts de production serait non seulement étonnant, mais aussi contre-productif s’agissant d’un objectif de soutien économique, de compétitivité, de renforcement de l’emploi et des investissements, et de la préparation de l’avenir.

Par ailleurs, les mesures touchant les grandes entreprises se transmettent, par capillarité et compte tenu de l’intégration des chaînes de production, à l’ensemble du tissu économique et donc aux ETI, aux PME et aux TPE.

(1) Insee, Les entreprises en France, édition 2019, page 107.

3.   Une réforme qui préserve les ressources des affectataires de la CVAE et de sa taxe additionnelle

Enfin, la cohérence et la pertinence de la réforme proposée au présent article résulte également des mesures spécifiques prévues pour les affectataires du produit de la CVAE et de sa taxe additionnelle.

a.   La préservation des ressources des collectivités territoriales

Le bloc communal et les départements vont continuer à percevoir la CVAE, dans des proportions identiques, la baisse des taux étant neutralisée par le doublement des parts départementale et propre au bloc communal.

Si la CVAE perçue en 2021 sera affectée par la crise, le bloc communal bénéficie de garanties sur les ressources perçues en 2020, tandis que les départements peuvent demander des avances de DMTO ([81]).

Les régions vont bénéficier d’une fraction de TVA à compter de 2021, dynamique à compter de 2022.

L’État a donc mis en place un ensemble de mécanismes destinés à préserver les ressources de toutes les catégories de collectivités territoriales dans la crise.

b.   La préservation des ressources des CCI

S’agissant de la TA-CVAE, le Rapporteur général salue la préservation du niveau de ressources de CCI France et du réseau consulaire résultant du doublement du taux. Ce doublement, qui neutralise la baisse de la CVAE en ce qui concerne cette taxe additionnelle, évite de voir les recettes affectées à CCI France réduite de moitié.

Le réseau consulaire pourra donc continuer de fournir aux entreprises, sur tous les territoires, ses services d’accompagnement, particulièrement utiles en cette période de crise.

4.   L’évaluation de l’impact d’ensemble de la réforme des impôts de production prévue par le projet de loi

Le Rapporteur général se réjouit de la proposition du Gouvernement, qui correspond à ses propres préconisations faites en juillet dernier, et qui permettront un allégement substantiel et opportun des impôts de production pesant sur les entreprises françaises sans pour autant affecter les régions grâce à la compensation reposant sur une affectation d’une ressource dynamique.

Il s’agit d’une mesure qui, ajoutée à la réforme prévue à l’article 4 du présent texte sur la fiscalité foncière des établissements industriels, aboutit à un allégement global de l’ordre de 10 milliards d’euros, et qui s’inscrit dans la continuité des mesures prises depuis le début de la crise dans le cadre de trois lois de finances rectificative et qui ont plus qu’utilement soutenu l’économie française, les emplois et le pouvoir d’achat des ménages.

a.   Une réforme qui va principalement bénéficier aux PME et aux ETI

Prises ensembles, ces deux mesures bénéficieront principalement aux TPE, PME et ETI, ainsi qu’il ressort des deux graphiques suivants, reposant sur les données transmises au Rapporteur général par le ministère de l’Économie, des finances et de la relance.

(1) ND : appartenance à une catégorie non définie.

Source : ministère de l’économie, des finances et de la relance, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

(1) ND : appartenance à une catégorie non définie.

Source : ministère de l’économie, des finances et de la relance, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

Il ressort de ces données que les TPE, PME et ETI représentent plus de 95 % du nombre total d’entreprises gagnantes dans le cadre de la réforme proposée par les articles 3 et 4 du présent projet de loi – ce total s’établissant à près de 580 000 entreprises.

S’agissant du gain, 72 % du total sera perçu par les TPE, PME et ETI.

b.   Une réforme dont le gain ira prioritairement aux secteurs de l’industrie et du commerce

En termes de secteurs d’activité, l’industrie et le commerce devraient bénéficier de plus de la moitié du gain d’ensemble des deux mesures prévues aux articles 3 et 4, avec respectivement 37 % et 15 % de ce gain, comme le montrent le tableau et le graphique suivant – l’industrie manufacturière captant à elle seule 29 % du gain total.

Impact de la réforme des impôts de production par secteurs d’activité

Secteur d’activité

Nombre d’entreprises gagnantes

Part dans le nombre total

Montant du gain
(en M€)

Part dans le gain total

A - AGRICULTURE, SYLVICULTURE ET PÊCHE

5 773

1,00 %

17

0,17 %

B - INDUSTRIES EXTRACTIVES

1 003

0,17 %

32

0,32 %

C - INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE

56 395

9,78 %

2 913

28,69 %

D - PRODUCTION ET DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ, DE GAZ, DE VAPEUR ET D'AIR CONDITIONNÉ

3 887

0,67 %

640

6,30 %

E - PRODUCTION ET DISTRIBUTION D'EAU ; ASSAINISSEMENT, GESTION DES DÉCHETS ET DÉPOLLUTION

2 969

0,51 %

128

1,26 %

F - CONSTRUCTION

73 544

12,75 %

398

3,92 %

G - COMMERCE ; RÉPARATION D'AUTOMOBILES ET DE MOTOCYCLES

166 476

28,86 %

1 519

14,96 %

H - TRANSPORTS ET ENTREPOSAGE

19 103

3,31 %

784

7,72 %

I - HÉBERGEMENT ET RESTAURATION

41 111

7,13 %

163

1,61 %

J - INFORMATION ET COMMUNICATION

15 887

2,75 %

603

5,94 %

K - ACTIVITÉS FINANCIÈRES ET D'ASSURANCE

23 131

4,01 %

942

9,28 %

L - ACTIVITÉS IMMOBILIÈRES

25 790

4,47 %

236

2,32 %

M - ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES, SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES

53 181

9,22 %

648

6,38 %

N - ACTIVITÉS DE SERVICES ADMINISTRATIFS ET DE SOUTIEN

25014

4,34 %

522

5,14 %

O - ADMINISTRATION PUBLIQUE

243

0,04 %

10

0,10 %

P - ENSEIGNEMENT

4 416

0,77 %

28

0,28 %

Q - SANTÉ HUMAINE ET ACTION SOCIALE

21528

3,73 %

173

1,70 %

R - ARTS, SPECTACLES ET ACTIVITÉS RÉCRÉATIVES

5 976

1,04 %

59

0,58 %

S - AUTRES ACTIVITÉS DE SERVICES

5 942

1,03 %

36

0,35 %

X - ACTIVITÉS DIVERSES

41

0,01 %

1

0,01 %

Z - NON DÉTERMINÉ

25 428

4,41 %

303

2,98 %

TOTAL

576 838

100,00 %

10 153

100,00 %

Source : ministère de l’économie, des finances et de la relance, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

 

*

*     *

Le présent article met donc en œuvre les souhaits émis par le Rapporteur général lors de la présentation à la commission des finances de son rapport précité, en juillet 2020 : « que nos entreprises sauvent un maximum d’emplois, reprennent une activité la plus dynamique possible, redeviennent rentables le plus rapidement possible pour investir et, demain, recréer de l’emploi, gagner des marchés à l’international, etc. » ([82]).

*

*     *

La commission examine les amendements identiques I‑CF828 de M. Éric Coquerel et I‑CF926 de Mme Pires Beaune.

M. Éric Coquerel. L’article 3 s’inscrit au cœur de votre dispositif d’aide aux entreprises et illustre votre invariable politique de l’offre et de la compétitivité, selon laquelle, pour éviter les délocalisations ou favoriser les relocalisations, il faut faire en sorte qu’elles soient compétitives. Mais vous ne vous interrogez pas sur les questions structurelles et le fait que les entreprises peuvent délocaliser sans problème, tout en bénéficiant du même marché européen. Vous proposez de faire baisser l’impôt de production, en l’occurrence la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et de le supprimer purement et simplement à terme. Cette politique a montré son inefficacité totale, contrairement à ce que vous dites. Une étude récente de France stratégie sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) vient de montrer que la préservation de 100 000 emplois en France pour cinq ans avait coûté 20 milliards d’euros par an, autrement dit un million par emploi au total… Aucune étude ne prouve que les exonérations d’impôt, sans contrainte ni fléchage, ont un effet positif sur l’emploi. Or vous persistez.

La baisse de l’impôt sur la productivité pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, elle est inégale. Une étude de Mediapart a révélé qu’un quart de cette baisse profiterait à 280 sociétés, les plus grosses, tandis que les 250 000 entreprises les plus petites ne gagneraient chacune que 125 euros. Les PME ne capteront que 30 % du gain. Par ailleurs, les secteurs les plus favorisés sont la production d’électricité et de gaz, les industries extractives et la finance : on fait mieux en matière de transition écologique ! Qui plus est, les collectivités locales pourraient souffrir de manière dramatique de la disparition de cette manne. Déjà, pour le RSA, l’État doit 4 milliards d’euros d’impayés aux départements, qu’il n’a jamais compensés. On peut donc s’inquiéter de la compensation de ces 20 milliards d’euros de baisse des impôts de production.

M. le président Éric Woerth. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Coquerel.

M. Éric Coquerel. C’est un sujet important, et je n’ai pas abusé de mon temps de parole sur les autres amendements.

Enfin, les recettes de la CVAE ont augmenté de 71,8 % entre 2010 et 2018 alors que celles de la TVA n’ont progressé que de 28,6 %. En réalité, les collectivités locales perdront encore plus de ressources que prévu. Nous demandons donc, par notre amendement I‑CF828, la suppression de cet article.

M. le président Éric Woerth. Je vous rappelle que le temps de parole n’est pas fongible d’un amendement à l’autre. De la même façon, ce n’est pas parce que l’on dépose peu d’amendements que l’on a davantage de temps pour les défendre.

M. Éric Coquerel. C’est dommage !

M. le président Éric Woerth. Certes, mais ce n’est pas la règle !

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I‑CF926 vise également à supprimer l’article 3, qui est le pilier du PLF. Le problème que posent les impôts de production me semble largement surévalué par ce Gouvernement et par le MEDEF, qui réclame leur suppression depuis des années. En réalité, la crise sanitaire n’est qu’un prétexte pour les réduire : du jour où il a été ministre, Bruno Le Maire a réclamé leur baisse. Le niveau de fiscalité, vous le savez, n’est pas le déterminant principal de la compétitivité ni du choix de la localisation. Les Pays‑Bas, le Danemark ou la Finlande ont des niveaux de taxation beaucoup plus élevés et sont compétitifs. À l’inverse, de nombreux pays ont des niveaux de taxation bien moindres que la France et sont pourtant beaucoup moins compétitifs. Qui plus est, une baisse généralisée des impôts de production entre en contradiction totale avec l’objectif écologique que le Gouvernement affiche : aucune condition environnementale. Quelle belle affaire pour certaines entreprises polluantes ! Enfin, vous aurez tous remarqué que l’on supprimait une recette destinée aux collectivités locales. Tous les rapports le disent : la répartition de la CVAE sur le territoire est totalement inique. En compensant, vous allez geler l’injustice pour des années.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Coquerel, vous avez été chef d’entreprise. Reconnaissez‑vous que taxer une entreprise avant même son premier solde intermédiaire de gestion, avant même la première définition du profit, est assez contre‑intuitif ? Nous sommes le seul pays à avoir ce niveau d’impôts de production, autour de 4 % de la valeur ajoutée. Les Pays‑Bas que vous avez cités, madame Pires Beaune, sont autour de 1,5 %. Nous réduisons ces impôts, à hauteur de 10 milliards d’euros par an, pour faire gagner nos entreprises en compétitivité, et nous le faisons là où les impôts sont les plus absurdes, comme je le mentionnais dans mon rapport sur l’application des lois fiscales de fin juillet dernier. S’il y a un impôt qui ne paraît pas justifié par rapport à la création de richesse, qui doit être le bon indicateur d’une fiscalité d’entreprise, c’est bien la CVAE.

Je ne peux pas être d’accord avec vous lorsque vous prétendez que ces baisses ne sont pas ciblées. Les PME et les ETI en seront les principales bénéficiaires, puisqu’elles bénéficieront de 68 % du gain retiré de la baisse du plafonnement de la CET et de près de 80 % du gain résultant de la baisse du taux de la CVAE. Ce n’est donc pas une mesure pour nos grandes entreprises, mais d’abord pour notre vaste tissu de PME et d’ETI, particulièrement pour les petites entreprises industrielles. Nous assumons notre volonté de relocaliser l’emploi industriel. Je ne peux pas vous dire exactement combien d’emplois seront créés : la dynamique d’investissement ne se décrète pas. Mais un environnement fiscal se vote. Je tiens particulièrement à l’adoption de l’article 3, qui est effectivement une mesure phare du plan de relance.

Enfin, les industries et les commerces bénéficieront d’environ 40 % du gain total de la mesure. Il faut assumer de faire baisser les impôts de production et de renforcer la compétitivité de nos entreprises. C’est bon pour la relance et pour l’emploi, particulièrement industriel. Avis défavorable sur ces amendements.

M. Éric Coquerel. Premièrement, vous nous dites que votre mesure bénéficiera surtout aux ETI et aux PME. Mais vous savez comme moi que ces catégories regroupent des entreprises très différentes : une ETI peut compter jusqu’à 5 000 salariés. Je maintiens que les 250 000 plus petites entreprises gagneront très peu par rapport aux plus grosses.

Deuxièmement, vous prétendez ne pas pouvoir donner de chiffres sur les emplois qui seront créés ou protégés. Mais France stratégie en a donné, par exemple sur les effets du CICE : on s’aperçoit que cela coûte très cher par emploi.

Troisièmement, le problème du chef d’une toute petite entreprise comme celle que je gérais, c’est d’abord le carnet de commandes et les contrats, surtout lorsque l’on est sous-traitant, d’une manière ou d’une autre, d’une grande institution financière. C’est quand les contrats baissent que l’impôt devient trop élevé. Le problème relève donc plus de la politique de la demande que de cotisations. Et il ne me choque pas que l’acteur social qu’est l’entreprise paie un impôt en tant qu’acteur social, puisqu’elle bénéficie de toutes les structures que l’impôt permet de financer.

Enfin, le fait est que cela va représenter 20 milliards d’euros de moins pour les collectivités. Il faudra m’expliquer comment elles vont faire. Toutes les études montrent que l’État ne compense pas intégralement les baisses de recettes qu’il leur impose.

M. Jean-Noël Barrot. J’ai compris qu’il était question de 10 milliards d’euros et non pas de 20…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet, 10 milliards par an.

M. Jean-Noël Barrot. Nous avons défendu à plusieurs reprises la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui nous paraissait l’impôt de production le plus toxique. Les impôts qui frappent le compte de résultat plus haut que le bénéfice sont très décourageants pour les entreprises, dans la mesure où elles les paient même les mauvaises années. Jouer sur l’impôt sur les sociétés est beaucoup plus neutre pour les entreprises, qui préfèrent être taxées sur leurs bénéfices, plutôt qu’au‑dessus. Quant à la demande, il y a évidemment celle des ménages et des consommateurs, mais aussi celle des entreprises vers les entreprises. Ainsi, dès lors que l’on encourage l’activité, la demande des entreprises tout comme le carnet de commandes de leurs fournisseurs sont stimulés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Coquerel, nous sommes d’accord sur un point : l’entreprise est un objet social qui doit payer des impôts. Soyez rassuré, nous ne faisons pas de la France un paradis fiscal : les prélèvements restent à un niveau confortable, pour parler poliment…

En revanche, vous ne pouvez pas rapprocher l’étude de France stratégie sur le CICE et la baisse des impôts de production. La différence d’approche est totale. Débattre pendant des heures au Parlement des crédits d’impôt, en se demandant à quel moment il faudra menacer les entreprises d’une demande de remboursement et sous quelles conditions elles en bénéficieront, crée un climat de défiance vis-à-vis de la fiscalité qui empêche la dynamique d’investissement et d’emploi – c’est exactement ce qui s’est passé sous le quinquennat précédent. Au contraire, la baisse directe d’imposition est un signal clair, ferme, direct, sans conditionnalité, et crée une dynamique d’investissement et d’emploi. Faire les choses à moitié, comme cela l’a été à l’époque du CICE, c’est effectivement la meilleure manière de grever la relance et l’investissement. Mieux vaut y aller franchement et mettre un bon coup de gouvernail plutôt qu’essayer de louvoyer.

Enfin, ne dites pas que nous privons les régions de 10 milliards d’euros ! Elles nous ont dit elles‑mêmes qu’elles étaient favorables au transfert d’une fraction du produit de la TVA en compensation de la perte de la CVAE. Pour bénéficier déjà d’une fraction de TVA, elles savent que c’est un impôt dynamique et que c’est favorable financièrement. La mesure prévue à l’article 3, c’est gagnant-gagnant, bon pour les entreprises comme pour les collectivités.

La commission rejette les amendements identiques I‑CF828 et I‑CF926.

Elle passe à l’examen de l’amendement I‑CF1350 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Nous pensons pour notre part que la suppression progressive des impôts de production est une nécessité absolue. Mais nous allons un peu plus loin dans la provocation, en vous proposant cet amendement d’appel visant à supprimer totalement, dès cette année, la CVAE. C’est une manière d’appeler au secours et à une réforme structurelle de la fiscalité locale. On ne peut pas procéder comme vous le faites, en supprimant la taxe d’habitation, puis une partie de la CVAE et des autres impôts de production, sans se poser la question d’une vraie réforme de la fiscalité locale. Certes, vous compensez cette perte auprès des collectivités, en leur affectant des ressources souvent prises sur le produit de la TVA, comme si l’État en avait en surplus… Vous ne pourrez pas continuer à faire baisser les impôts de la sorte, sans réformer. Comme l’ont fait d’autres pays, il faudrait désolidariser les ressources locales du contribuable local. C’est ce que vous avez fait avec la taxe d’habitation, et ce que vous commencez à faire avec les impôts de production – vous auriez d’ailleurs pu choisir la C3S. Vous avez volontairement posé la question, vous devez donc y répondre ; on pourrait imaginer une partition des impôts nationaux entre le bloc local et le bloc national garantie par la Constitution. Il faudrait également s’interroger sur la possibilité de s’endetter sur la section de fonctionnement. Dès lors que vous indexez le niveau de fiscalité sur l’activité économique, par définition variable et saisonnière, se pose la question du fonctionnement des collectivités locales. Autant de questions assez vertigineuses, mais que vous posez à travers ces réductions des impôts locaux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même si c’est un amendement d’appel, les solutions qu’il propose méritent d’être commentées. Je ne suis pas sûr que les présidents de région soient favorables à une compensation par une fraction du produit de l’impôt sur les sociétés, dont l’assiette est la plus volatile qui soit. Cela dit, je vous rejoins sur la nécessité de remettre un jour à plat la fiscalité locale. Pour l’heure, il s’agit de répondre en priorité à la crise, en allégeant la fiscalité des entreprises et en nous assurant que les collectivités ne seront pas perdantes. Cette réflexion sur la réforme de la fiscalité locale serait un beau travail de programme électoral, pour présenter des solutions à nos concitoyens. En attendant, la priorité est de se dire que, face à la crise, une solution fiscale est possible. Les collectivités territoriales nous accompagnent dans cette dynamique. Avis défavorable, mais nous en reparlerons en séance avec le Gouvernement.

M. Charles de Courson. L’amendement d’Éric Woerth a le mérite de secouer le cocotier : depuis des années, on ne fait que bricoler en matière de fiscalité locale. Le grand combat du ministère des finances, selon lequel il ne saurait plus y avoir de fiscalité locale, est en train d’être gagné : gouvernement après gouvernement, l’autonomie fiscale des collectivités et la territorialisation de l’impôt disparaissent totalement. Résultat : les citoyens électeurs ont été totalement coupés de leurs élus. Sur quelle base les jugeront-ils ? Sur la bonne gestion des dotations de l’État ? Mais alors, mettez des fonctionnaires !

C’est un premier problème central, et qui n’est pas imputable à la majorité actuelle : toutes les majorités ont contribué à l’absence de réforme dans le sens d’un système de responsabilisation et d’autonomie fiscale locale.

Le second problème est le suivant : ce qui est le plus choquant, c’est que vous avez choisi des impôts dont le montant est fixe, ne dépendant pas des résultats de l’entreprise, à savoir la taxe sur le foncier bâti et la CFE. La CVAE, quant à elle, varie en fonction de la valeur ajoutée créée par l’entreprise ; vous avez choisi de l’alléger de 10 milliards d’euros. Pourquoi n’avez-vous pas supprimé totalement la taxe sur le foncier bâti et la CFE sur les bâtiments industriels, et réduit à peu près de moitié l’effort consacré à la CVAE ?

Enfin, si la mesure proposée concernant la CFE et le foncier bâti est ciblée sur l’industrie, pour laquelle la question de la compétitivité se pose le plus, ce n’est pas du tout le cas s’agissant de la CVAE : on va surtout arroser la grande distribution, les banques, les assurances, dans la mesure où la part de l’industrie dans la valeur ajoutée nationale ne dépasse pas 13-14 %. Les quelques éléments figurant dans l’étude d’impact montrent qu’elle ne bénéficiera que de 21 % de la réduction de moitié de la CVAE. La commission des finances se devra d’avoir le courage de dire non, de concentrer la mesure sur les bâtiments industriels, en doublant le montant prévu et en réduisant à due concurrence la disposition portant sur la CVAE.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je rappelle à M. de Courson, qui le sait d’ailleurs très bien, que notre Constitution ne parle pas d’autonomie fiscale des collectivités, mais de leur autonomie financière – ce qui n’empêche pas de remettre à plat un certain nombre de choses.

M. le président Éric Woerth. Il s’agissait d’un amendement d’appel : je le retire. Nous aurons le débat en séance publique.

L’amendement I‑CF1350 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1169 et I‑CF1338 de M. Christophe Jerretie, l’amendement I-CF1188 de M. Fabrice Brun, l’amendement I-CF901 de M. Dominique Potier et les amendements I-CF1404 et I-CF1407 de Mme Émilie Cariou.

M. Christophe Jerretie. En réalité, quatre articles sont concernés par le dispositif : les articles 3, 4, 23 et 42. On souhaite toucher à la CVAE, à la CFE et à la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit trois impôts pour une même cible. Mes amendements I-CF1169 et I‑CF1338 proposent de supprimer purement et simplement la CFE, souvent décriée dans nos territoires car les entreprises paient déjà la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit de supprimer 50 % de la CVAE. Dans la mesure où il y a déjà 5 à 6 milliards d’euros de dégrèvements, cela ferait, au total, près de 15 milliards d’euros sur les 25 milliards d’euros de CVAE potentielle, autrement dit 60 % qui ne seraient pas versés par les entreprises : on entrerait exactement dans la même logique qu’avec la taxe d’habitation, qui a conduit à sa suppression. Or les conclusions du groupe de travail dont je faisais partie, ainsi que Charles de Courson et Christine Pires Beaune, ont montré que la CVAE était plutôt un impôt juste : elle a été élaborée il y a une dizaine d’années pour essayer de répondre au problème posé par l’absence d’un impôt fixe.

Le groupe MODEM propose de ne pas toucher, en revanche, à la taxe foncière sur les propriétés bâties. En effet, pourquoi modifier celle-ci pour un seul secteur, alors qu’elle pose problème pour tous ?

En outre, je propose de basculer la part régionale de CVAE sur le bloc communal. En même temps, parce que je suis un homme éduqué, je souhaite que soit respecté l’engagement pris par le Premier ministre à l’issue de la négociation avec les régions : la compensation par l’attribution d’une part de TVA serait maintenue.

Comme je suis également respectueux, j’ai fait en sorte d’atteindre la même somme, c’est-à-dire 10 milliards d’euros, et de supprimer un peu de CVAE, si tant est que ce soit nécessaire. Je propose donc un dispositif différent, mais qui poursuit les mêmes objectifs.

Je terminerai par une question : si un jour on arrive à taxer les GAFA, sur quelle base le fera-t-on : la CFE, c’est-à-dire l’immobilier, ou la CVAE, c’est-à-dire la valeur ajoutée ?

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF1188 vise à exclure les grandes entreprises du dispositif de baisse de la CVAE prévu dans le plan de relance. En creux, nous posons une question qui traverse tout ce PLF et le plan de relance : quelles entreprises vont bénéficier des mesures d’urgence – en l’occurrence, de la diminution des impôts de production ? Nous relayons ainsi les inquiétudes légitimes des TPE – artisans, commerçants, agriculteurs – et des travailleurs indépendants.

Hier, les services de la commission des finances nous ont transmis un tableau montrant les différentes strates pour les 17 776 communes qui bénéficieront d’une compensation des pertes de taxe foncière résultant de l’article 4, mais quelles sont les catégories d’entreprise qui vont profiter de votre mesure d’allégement de la CVAE – s’agira-t-il des petites, des moyennes ou des grosses entreprises ? C’est bien la vraie question, et vous devez y répondre devant la commission des finances, de façon à nous éclairer quant à l’impact réel de cette mesure sur l’économie française.

M. Jean-Louis Bricout. Vous faites le choix d’une baisse des impôts de production à travers la CVAE, mais ses effets ne seront pas visibles tout de suite. Vous ne répondez donc pas aux besoins immédiats. Nous avons même plutôt l’impression que c’est la situation liée au covid-19 qui vous donne une excuse pour mener une politique plus libérale, tournée vers l’offre. En plus, 26 % de la mesure est captée par les très grandes entreprises, sans contrepartie, notamment sur le plan écologique, sans parler du risque d’une augmentation de la distribution de dividendes.

L’amendement I-CF901 vise donc à exclure du bénéfice de cette mesure les 250 plus grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1,5 milliard d’euros. Elles n’ont sans doute pas de problèmes de compétitivité liés aux coûts ; s’il y avait quelque chose à faire, cela concernerait plutôt le domaine de l’innovation.

L’économie ainsi réalisée pourrait servir à mieux cibler les TPE-PME, notamment celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros, qui ne sont pas concernées par la baisse des impôts de production. M. le rapporteur semblait sensible aux nouvelles mesures qui pourraient leur être destinées.

M. Matthieu Orphelin. La baisse des impôts de production représentera 20 milliards d’euros sur deux ans. Dans le même temps, le rapport annexé compte sur la création de 240 000 emplois – M. Castaner parlait même, quant à lui, de 300 000 emplois –, ce qui fait un soutien public de 83 000 euros par emploi…

La baisse de la CVAE, d’autres l’ont dit, bénéficiera majoritairement aux grandes entreprises : plus de la moitié des entreprises qui y sont assujetties ne versent que la cotisation minimale, c’est-à-dire 250 euros par an – elles sont plus de 280 000 dans ce cas. Ce n’est donc pas une mesure qui va aider beaucoup les TPE et les PME : avec 125 euros par an, on est bien loin du soutien annoncé par le Gouvernement.

D’où les deux amendements que nous vous proposons. L’amendement I-CF1404 vise à exclure de la baisse de CVAE les grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires excédant 1,5 milliard d’euros. L’amendement I-CF1407 vise lui aussi à les exclure, sauf si elles justifient de contreparties environnementales et sociales. La baisse d’impôts serait liée à quatre conditions : publier dans les six mois un rapport intégrant le bilan des émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise, être doté d’un plan de vigilance, maintenir les emplois sur le territoire français et publier des indicateurs de performance sociale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements sont en discussion commune, mais les enjeux en sont très différents.

Les amendements de M. Jerretie visent à remplacer la diminution de la CVAE par la suppression de la CFE. Or l’équité de la cotisation foncière des entreprises a été largement améliorée ces dernières années, notamment du fait de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels. Est-ce le bon moment pour la supprimer intégralement ?

Par ailleurs, monsieur Jerretie, ce que vous proposez va dans le sens inverse de la remarque de M. de Courson : vous voulez supprimer un impôt dont le taux peut être fixé au niveau local, autrement dit vous allez encore plus dans le sens de ce qu’il critiquait, et que je peux comprendre, à savoir la tendance à rompre le lien avec le contribuable économique. Le taux de la CVAE est voté au Parlement ; celui de la CFE est libre. S’agissant du pouvoir fiscal des collectivités – car c’est bien cela qui est en jeu, plus qu’une supposée autonomie fiscale –, un niveau assez sensible a déjà été atteint, comme l’a très bien dit le président Woerth : on n’est pas obligé d’aggraver les choses en supprimant totalement la CFE.

En outre, je vous renvoie à mon rapport d’application de la loi fiscale (RALF) du mois de juillet, où j’expliquais pourquoi je considérais que la baisse de la CVAE était le meilleur outil. Beaucoup d’entreprises de l’industrie et du commerce peuvent en bénéficier.

Le Conseil d’analyse économique (CAE) a réalisé une étude présentant les réponses comportementales des entreprises à la CFE. Il relevait assez peu de distorsions économiques. La CFE est donc en fait plutôt un bon impôt, même si, jusque-là, ses modalités de calcul étaient peut-être trop défavorables à l’industrie. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 4 propose à la fois une réduction de 50 % de sa valeur et de nouvelles modalités d’évolution des bases de calcul. Cette démarche est plus intéressante qu’une suppression de l’impôt lui-même, lequel, je le répète, est plutôt un bon impôt depuis la rénovation des valeurs locatives des locaux professionnels. Pour la CVAE, c’est différent : l’impôt est plus contestable en lui-même.

Votre proposition reviendrait donc à supprimer entièrement le moins mauvais de ces impôts, tout en maintenant celui qui mériterait le plus de disparaître. J’y suis donc très défavorable. Celle du Gouvernement me semble beaucoup plus adaptée à la situation.

Les autres amendements posent la question de savoir qui va bénéficier de la baisse des impôts de production. J’y travaille, monsieur Brun, même s’il s’agit forcément d’un travail prospectif. À ce stade, je ferai quelques remarques.

D’abord, je trouve qu’on a trop tendance à dire que les grandes entreprises ne doivent pas bénéficier des réductions fiscales, en s’imaginant qu’elles dégagent des bénéfices incroyables. Or beaucoup de nos fleurons industriels ont besoin de cette baisse des impôts de production pour relocaliser. Non seulement les grandes entreprises totalisent un tiers de la valeur ajoutée nationale, mais n’oublions pas la sous-traitance : de nombreuses externalités économiques sont créées grâce à elles. Je trouve dommage que, dans notre pays, l’on stigmatise la grande entreprise, comme si c’était le mauvais élément économique et que la petite ou moyenne entreprise serait forcément la plus vertueuse. Certes, il faut aider notre tissu de PME – je ferai d’ailleurs une proposition dans ce sens un peu plus loin –, mais il faut aussi aider, en sortie de crise, les grandes entreprises, qui sont nos fleurons industriels. Il y a, dans notre pays, de grandes et formidables entreprises industrielles ; j’assume totalement de dire qu’il faut qu’elles bénéficient de la baisse des impôts de production. Il est hors de question de les mettre en difficulté en les excluant. Elles évoluent dans un environnement marqué par une concurrence internationale accrue, elles exportent et ont besoin du soutien d’une fiscalité plus attractive pour relocaliser des emplois industriels : ce sont elles qui vont être à la manœuvre, c’est d’elles que l’on attend le plus en termes de relocalisation d’emplois.

Je ne veux donc pas, monsieur Brun, monsieur Bricout, qu’on enlève les grandes entreprises du champ des bénéficiaires de cette diminution d’un impôt de production : il est très important de faire en sorte que cette dynamique concerne l’ensemble de nos entreprises. Les grandes entreprises ont souffert de la crise comme toutes les autres. Elles doivent elles aussi redémarrer, d’autant que s’ajoute pour elles une sorte d’« effet paquebot » : il est parfois plus long et difficile de redémarrer. Ce coup d’accélérateur fiscal me semble donc tout à fait bienvenu.

Monsieur Orphelin, je suis défavorable à l’introduction d’une conditionnalité pour les impôts de production. Le vrai préalable doit être de créer un environnement fiscal permettant l’investissement et la relocalisation d’emplois. Vous ne pouvez pas, alors que vous mettez en place une fiscalité à peu près standard par rapport à celles des autres pays européens, exiger des entreprises qu’elles répondent au préalable à un certain nombre de critères. Qu’on leur demande des contreparties en échange d’un certain nombre d’aides publiques à l’investissement ou de subventions, cela peut s’entendre, et nous aurons ce débat, mais en envisager en échange d’une baisse de la fiscalité, je trouve cela assez baroque : une baisse de la fiscalité, ce n’est pas fait pour demander des contreparties, mais pour créer une dynamique d’investissement et d’emploi. Sur ce point, nous n’avons donc pas la même vision. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Attaquer les grandes entreprises, c’est tellement simple ! Mais à force de le faire, il n’y aura plus que de petites entreprises, ce qui posera d’énormes problèmes.

M. Christophe Jerretie. Dans le cadre d’un groupe de travail sur la CVAE, nous avons également réfléchi sur la CFE. À cet égard, il ne faut pas oublier que la revalorisation des valeurs locatives a réservé de belles surprises, au point que nous avons été obligés d’y revenir en PLFR. Nous modifions la CFE tous les ans et, dans le présent texte, deux articles s’y rapportent. Quand on légifère et délégifère aussi souvent à propos du même impôt, c’est bien qu’il pose problème.

En ce qui concerne l’autonomie fiscale, ce que vous avez dit est un peu fort de café : j’ai toujours défendu celle du bloc communal, et je défends de la même façon la CVAE. Néanmoins, je considère qu’il faut engager la réforme fiscale qu’on n’a pas voulu faire pour la taxe d’habitation. Là est la vraie question. Réformer un impôt, c’est très bien ; encore faut-il avoir une cible définie. En l’occurrence, on touche à trois impôts : la CVAE, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la CFE, qui concernent tous les collectivités. Intellectuellement, cela me pose problème.

Quand un archer a besoin de trois flèches pour toucher sa cible, cela peut vouloir dire qu’il est maladroit ou qu’il s’est trompé, mais cela peut aussi signifier que la cible est trop éloignée ou qu’elle n’est pas bien définie. C’est précisément ce qui me pose problème ici, et non la baisse d’impôts en tant que telle : ce dispositif met à mal les collectivités et restreint la visibilité, et encore plus la capacité de choix des entreprises, puisqu’on n’est pas en mesure de dire lesquelles seront concernées – l’étude d’impact en témoigne.

Enfin, n’oubliez pas que le raisonnement doit à la fois être territorial et prendre en compte toutes les situations, tous les secteurs d’activité. Comme il s’agit d’une réforme structurelle – c’est même la réforme phare de ce PLF –, le dispositif va perdurer : il faudrait y travailler beaucoup plus en profondeur. D’ailleurs, il y a trois mois, ce n’étaient pas les mêmes éléments qui étaient annoncés pour cette réforme des impôts de production.

M. Jean-René Cazeneuve. D’abord, et une fois pour toutes, il est malhonnête de dire que nous ne compensons pas à l’euro près la baisse des impôts pour les collectivités territoriales. Nous faisons même mieux, puisque nous compensons sur la base de l’année 2020, qui correspond au niveau maximum de CVAE touché par les régions, alors que le rendement de cet impôt aurait dû diminuer de 1,2 milliard d’euros l’année prochaine. Par ailleurs, toutes les recettes seront dynamiques pour l’intégralité des collectivités territoriales.

Je peux comprendre votre proposition, monsieur Jerretie. Mais les collectivités territoriales souhaitent-elles une nouvelle réforme de la fiscalité. À l’évidence non. Du reste, nous sommes d’ores et déjà en pleine réforme de la fiscalité, puisque la suppression de la taxe d’habitation sera effective le 1er janvier prochain.

En outre, si rien ne changerait pour les régions avec votre dispositif, le bloc communal se verrait affecter de la CVAE au lieu de la CFE. Or, en procédant ainsi, comme l’a dit le rapporteur général, vous supprimeriez le pouvoir de taux sur une part significative des recettes. Ce n’est pas ce que veulent les collectivités territoriales. Qui plus est, vous remplaceriez un impôt par définition très territorialisé, mais aussi relativement stable, par un autre qui n’est ni stable ni territorialisé : la CVAE connaît des effets de fluctuation très importants, et la valeur ajoutée va plutôt vers les métropoles que vers les territoires ruraux.

Par ailleurs, la réforme que nous proposons est ciblée sur l’industrie, alors qu’avec votre dispositif, on arroserait trop large. Le secteur industriel bénéficie de 25 % de la suppression d’une partie de la CFE et de la taxe foncière ; la diminution de la CVAE le concerne elle aussi. Au total, la baisse d’impôts sera bien plus significative pour ce secteur que certains d’entre vous ne le disent. On a là un équilibre qui répond aux demandes des collectivités territoriales, sans pour autant créer un nouveau Monopoly fiscal.

M. le président Éric Woerth. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une réforme de la fiscalité : c’est une baisse d’impôts, financée comme d’habitude par des compensations…

M. Julien Aubert. L’enjeu n’est pas tant d’exclure les grandes entreprises que de parvenir à cibler les petites entreprises qui vont être les plus malmenées par la crise, et c’est précisément la philosophie des amendements qui ont été proposés notamment par certains de mes collègues des Républicains. S’agissant des grandes entreprises, j’ai beaucoup apprécié votre argumentaire, monsieur le rapporteur général, mais, si je puis me permettre, il était tout à fait possible de le décalquer tout à l’heure, alors que vous avez défendu le contraire à propos de l’imposition des ménages en m’expliquant que ce n’était pas le moment de faire bénéficier les derniers déciles d’avantages fiscaux. La problématique est rigoureusement la même pour eux que pour les grandes entreprises ; et les riches peuvent s’expatrier.

Reste que l’objectif est de faire en sorte que les chiffres que vous annoncez profitent aux PME. Or il peut y avoir des trous dans la raquette, et certains secteurs risquent de subir des effets de bord. Serait-il possible, d’ici à la séance, et sur la base de nos échanges, de s’assurer que les PME ne seront pas oubliées ? Il faut faire en sorte que l’impact de ces exonérations soit substantiel, car elles connaissent de graves difficultés. Le moyen proposé ici n’est pas forcément le meilleur, mais l’objectif doit bien être celui-là.

M. Matthieu Orphelin. Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous me confirmer clairement que la baisse de la CVAE ne se traduira, pour près de 290 000 TPE et PME, que par une diminution de 125 euros par an de leur contribution ? C’est le chiffre qui figure dans les documents budgétaires ; je voudrais être sûr que vous ne le contestez pas.

Ensuite, j’ai bien pris note, tout en la regrettant, de la fermeture totale de la majorité quant à l’idée d’assortir la baisse des impôts de production d’une quelconque éco-conditionnalité. Sur ce point, votre réponse avait au moins le mérite de la clarté. Vos collègues de la majorité ont adopté, en commission du développement durable, le principe d’une éco-conditionnalité – dont on peut discuter l’efficacité, mais enfin elle existe. Ce matin, votre position est claire, nette et tranchée : il n’y aura aucune éco-conditionnalité pour la baisse des impôts de production dans le PLF pour 2021. Il y a donc effectivement, entre nous, une forte différence d’analyse politique.

Nous proposions, à travers l’amendement I-CF1407 d’Émilie Cariou, d’introduire, pour les grandes entreprises, une éco-conditionnalité très simple à mettre en œuvre. Je retiens votre réponse : circulez, il n’y a rien à voir, il n’y aura aucune éco-conditionnalité pour cette baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production. Pour le groupe Écologie Démocratie Solidarité, c’est une véritable erreur.

M. Fabrice Brun. Mon amendement visait à faire un peu de provocation – Éric Woerth n’est pas le seul à en faire. Je le retire. L’idée était de susciter un débat de fond et, au vu de nos discussions, nous y reviendrons longuement en séance.

De la même façon que les services de la commission des finances ont commencé à nous éclairer sur les conséquences de la mesure pour les différentes strates de communes, vous devez nous éclairer, monsieur le rapporteur général, d’ici à la séance, sur les différentes strates d’entreprises bénéficiaires de l’allégement de CVAE. Vous avez dit que vous y travailliez : il faut accélérer, car nous avons vraiment besoin de connaître la réalité des entreprises bénéficiaires de cette disposition présentée comme une des mesures phares du plan de relance. Quel sera son impact en fonction de la taille de l’entreprise ? La question se pose pour nos petites entreprises, pour les agriculteurs, les commerçants, les indépendants, pour les différents acteurs de l’économie qui maillent l’emploi, même si, j’en suis d’accord, l’industrie doit être particulièrement ciblée, au vu des enjeux d’indépendance économique auxquels notre pays est confronté, particulièrement en cette période de crise sanitaire.

M. le président Éric Woerth. En fait, chacun en bénéficie, quelle que soit la strate.

Mme Stella Dupont. L’enjeu est d’importance : il est normal que des points de vue divers s’expriment ce matin. Une réduction d’impôt de 10 milliards d’euros, c’est extrêmement important ; c’est même exceptionnel. Notre exigence doit être à la hauteur de l’enjeu. Beaucoup d’entre nous l’ont dit, de différents groupes : nous n’avons pas suffisamment d’éléments sur l’impact de cette mesure selon les catégories d’entreprise. D’ici à la séance, nous devons absolument avoir une vision claire du détail des conséquences d’une telle mesure, et de la manière dont le monde économique va bénéficier de cette baisse hors normes.

En ce qui concerne l’autonomie fiscale, je partage votre avis, monsieur le rapporteur général : la proposition de Christophe Jerretie la réduirait encore, ce qui pose problème, même si elle n’est pas inscrite dans la Constitution. Nous avons plus que jamais besoin d’une réforme de la fiscalité locale. Avec la suppression de cet impôt inéquitable qu’était la taxe d’habitation, nous arrivons à la fin d’un chantier. Il n’en demeure pas moins que les marges de manœuvre des collectivités, en matière fiscale, sont extrêmement réduites – et même, de mon point de vue, insuffisantes. La suite logique des décisions prises au cours de cette législature, mais aussi des précédentes, car il y a une forme de continuité en matière d’autonomie fiscale, serait effectivement de mener – enfin – une réforme de fond de la fiscalité locale.

M. François Pupponi. Je n’ai pas déposé d’amendement sur le dispositif car, je vous le dis sincèrement, proposer une mesure de cette nature et d’un tel montant sans l’assortir de la moindre simulation, ce n’est pas du travail. Lors des précédentes réformes de la fiscalité, on avait au moins une idée de qui en bénéficiait, comment, pourquoi, où – bref, on avait un minimum d’informations. Le tableau qui nous a été remis n’est pas suffisant. Soyons sérieux ! On nous dit de ne pas nous inquiéter, que tout va bien, circulez, il n’y a rien à voir, faites-nous confiance… Vous faire confiance ? Oui et non…

Monsieur Cazeneuve, tous les gouvernements expliquent que la compensation se fait à l’euro près, bien entendu ; et puis, au fil des années, l’addition se révèle très lourde : ce sont des milliards d’euros qui ne sont plus compensés aux collectivités locales. (Exclamations.) On peut toujours dire non, ne pas lire les textes de loi, ne pas lire les rapports, ne pas voir les choses, mais la vérité est ce qu’elle est !

On peut essayer de faire une réforme, sur la base d’une proposition intéressante, avec des éléments concrets d’ici à la séance et en menant un débat constructif auquel nous sommes tous prêts à participer ; mais avancer à l’aveugle, comme on le fait ici, ne me paraît pas être une bonne manière de faire.

Mme Christine Pires Beaune. Je partage totalement les propos de M. Pupponi et de Mme Dupont : d’ici à la séance, nous devons disposer d’un tableau précis montrant à qui va profiter cette baisse exceptionnelle – qui n’a plus rien d’exceptionnel, d’ailleurs, car elle devient pérenne, ce qui est encore pire : vous mettez en place une baisse des impôts de production de 10 milliards d’euros qui va se répercuter tous les ans. Exceptionnelle, en revanche, elle l’est par son ampleur !

Quand vous aurez voté ce PLF, quelle sera la part de prélèvements obligatoires payés par les ménages, d’une part, et par les entreprises, d’autre part ? Cela aussi, j’aimerais le savoir d’ici à la séance.

En ce qui concerne la compensation aux collectivités locales, j’entends le président Cazeneuve nous dire qu’elle sera totale. Est-ce à dire que, dans ce PLF, vous déposerez des amendements pour supprimer les dispositions qu’il contient concernant les variables d’ajustement, de manière à éviter des ponctions sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Aubert, on peut effectivement établir un parallèle entre les grandes entreprises et les ménages les plus riches, à ceci près que les premières ont entre les mains des milliers d’emplois, ce qui n’est pas le cas des seconds, à moins qu’ils n’emploient beaucoup de personnes à domicile… Vous m’accorderez que l’impact sur l’emploi dans notre pays n’est pas tout à fait le même dans les deux cas, et que ma réponse non plus ne peut donc être identique.

Vous avez presque tous abordé la situation des petites entreprises : que fait-on pour elles et est-on sûr qu’elles ne passent pas complètement sous le radar ? Je rappelle que les entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros ne sont pas assujetties à la CVAE. Nous pouvons sans doute tomber d’accord sur le fait qu’il est normal de ne pas bénéficier de la suppression d’un impôt qu’on ne paie pas. Cela dit, je suis d’accord avec vous pour dire que le plan de relance aurait peut-être dû renforcer l’accompagnement de certaines PME. C’est la raison pour laquelle je propose, à travers quelques amendements, d’élargir le nombre de PME assujetties à un taux réduit d’IS : cela permet de compléter la baisse des impôts de production.

Monsieur Pupponi, madame Pires Beaune, vous demandez si l’on sait exactement quels seront les comportements économiques liés à la baisse fiscale. Je vous ferai observer que la précédente majorité avait voté une trajectoire de baisse de l’IS sans anticiper la manière dont allait se comporter le monde économique. Le principe d’une baisse de fiscalité, je le répète, est tout simplement de parvenir à un certain niveau fiscal ; à partir de là se créent des comportements – investissements, création d’emplois – liés aux marges ainsi dégagées. On peut considérer qu’il faut une économie administrée, et imposer, en face de chaque mesure publique, un comportement précis de l’entreprise concernée ; ce n’est pas ma vision. Notre pays souffre depuis des décennies de ne pas savoir où il se situe, s’agissant de la décision publique, entre économie administrée et économie de marché. Je considère que cette manière d’encourager les entreprises à créer de l’emploi tout en essayant de les tenir via des baisses de fiscalité ou des subventions publiques est exactement ce qui empêche d’engager une dynamique fondée sur la confiance économique. Il faut établir un climat de confiance, favorable à l’investissement : c’est ce que l’on appelle le climat des affaires. C’est ma conviction, je n’oblige personne à la partager, mais, pour avoir travaillé avec des entreprises dans ma vie d’avant – comme plusieurs d’entre vous –, je crois vraiment que c’est ce qui manque dans notre pays.

Pourquoi ne pas prendre une mesure de baisse de la fiscalité qui ne prétende pas être autre chose ? Quel problème cela pose-t-il ? Ce n’est pas pour cela qu’on fait de notre pays un paradis fiscal : il s’agit simplement d’avoir une fiscalité à peu près comparable à celle des autres pays de l’OCDE. C’est cela, l’attractivité – car nous sommes dans une économie ouverte, il existe une compétition mondiale, et attirer à nouveau des emplois industriels dans notre pays est un enjeu de compétition mondiale.

Nos ingénieurs et nos ouvriers sont réputés, reconnus. Il faut créer des conditions fiscales à peu près équivalentes à celles des autres pays de l’OCDE, ce qui n’est toujours pas le cas. C’est le seul objectif de la mesure dont nous discutons, et je pense qu’il faut lui conserver sa pureté, ce qui suppose de ne pas imposer la conditionnalité. Cela me permet de rebondir sur vos propos, monsieur Orphelin : libre à vous de résumer les choses comme vous l’avez fait, mais ma conditionnalité, je vous le dis très sincèrement et amicalement, c’est le maintien et la création d’emplois dans notre pays, ce qui passe par le développement d’un climat des affaires propice.

M. Éric Coquerel. Ce n’est pas vrai !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ne dites pas que cela ne marche pas : 500 000 emplois nets ont été créés en trois ans grâce à une fiscalité attractive.

M. Éric Coquerel. Quelle preuve avez-vous qu’il y en ait eu autant ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Une baisse de fiscalité, cela ne se conditionne pas ; en revanche, cela s’évalue, cela se contrôle, bien sûr : il faut que la représentation nationale puisse observer combien d’emplois ont été créés, dans quels secteurs, quelle est la taille des entreprises concernées. Mais je vous assure que le fait de conditionner la mesure ex ante est le meilleur moyen de ne pas créer un climat propice au redémarrage de notre économie.

M. Matthieu Orphelin. Je ne reprends la parole que pour avoir la réponse du rapporteur général : est-il d’accord avec l’analyse selon laquelle, pour 289 000 PME, la baisse de la contribution ne sera que de 125 euros ? Confirme-t-il qu’il n’y aura aucune éco-conditionnalité dans ce PLF pour la baisse des impôts de production ? S’il me répond, cela fera gagner du temps à la commission par la suite.

M. le président Éric Woerth. M. le rapporteur général a déjà répondu très clairement à ces questions.

M. Éric Coquerel. Votre argument est bien connu, monsieur le rapporteur général. Bruno Le Maire, quand nous lui avions demandé ce qui pouvait pousser le capitalisme à utiliser en faveur de l’intérêt général et de l’investissement les marges de manœuvre qui lui étaient offertes à coups d’exonérations, nous avait répondu : « le bon sens ». Or tout montre, depuis vingt ans, que cette politique ne fonctionne pas. À partir du moment où vous n’imposez aucune contrainte à un système dont le premier critère, en tout cas la forme dominante, est la rente des actionnaires, l’argent que vous leur donnez va d’abord à la rente. Au cours des dix dernières années, les dividendes ont explosé par rapport à l’investissement. Plus vous faites des cadeaux fiscaux sans contrainte, plus vous renforcez le phénomène. Allez-y, continuez : non seulement cela appauvrit l’État, mais cela nuit à la santé économique du pays.

M. Christophe Jerretie. Je retire mes deux amendements : nous terminerons ce débat avec le Gouvernement dans l’hémicycle.

Les amendements I-CF1169, I-CF1338 et I-CF1188 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements I-CF901, I-CF1404 et I‑CF1407.

La commission examine l’amendement I-CF1371 de M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Cet amendement vise à modifier les modalités d’établissement de l’assiette et de calcul des taux de la CVAE. La baisse des impôts de production ne permettra de restaurer la compétitivité des entreprises que pour autant que nous saurons corriger les effets de distorsion de ces impôts. Il s’agit notamment de supprimer la prise en compte du chiffre d’affaires qui, selon la nature des entreprises et des productions, peut ne pas être lié à la valeur ajoutée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur le fond, votre raisonnement me paraît plutôt juste. Je note, non sans malice, que l’évaluation des politiques publiques a du bon, puisque votre amendement porte sur un impôt créé lorsque vous étiez ministre du budget…

L’article 3 est le fruit d’une longue concertation et de négociations avec les entreprises et les collectivités territoriales. Il paraît difficile de bouger un des rouages de ce mécanisme fiscal et il est préférable de réduire cet impôt sur sa base actuelle. Cela dit, l’idée de supprimer la prise en compte du chiffre d’affaires dans le calcul de la CVAE est loin d’être inintéressante ; nous pourrions en débattre en séance avec le ministre.

La commission rejette l’amendement I-CF1371.

La commission est saisie des amendements identiques I-CF60 de M. Fabrice Brun, I‑CF334 de Mme Véronique Louwagie et I-CF724 de M. Charles de Courson.

M. Fabrice Brun. Pour garantir une meilleure répartition, l’amendement I‑CF60 vise à moduler les taux applicables aux différentes entreprises.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF334 vise également à s’assurer que la suppression de la moitié du produit de la CVAE, conjuguée à l’abaissement du taux de plafonnement de la CET, profitera à l’ensemble des entreprises.

M. Charles de Courson. Contrairement à ce que l’on peut croire, la CVAE s’applique aux entreprises selon un barème progressif, le taux de 1,5 % ne s’appliquant qu’aux entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions d’euros. Par l’amendement I-CF724, nous souhaiterions, à coût inchangé, voir redistribuer une plus grande partie des 7,25 milliards d’euros aux PME.

Pour cela, nous avons besoin de simulations, monsieur le rapporteur général. Or, s’agissant d’un problème aussi central, l’étude d’impact est vide. Qui bénéficiera de l’abaissement du taux de plafonnement à 2 % ? L’étude d’impact souligne que le plafonnement à 3 % de la CET profite, pour 57 %, à l’industrie ; l’abaissement de ce taux contribuera-t-il à augmenter ou à réduire cette part ? On ne sait pas.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le rapport contiendra des éléments tendant à montrer que l’abaissement du taux de plafonnement profitera fortement aux PME et aux ETI, majoritairement dans le secteur industriel. Mais il est toujours difficile de réfléchir ex ante ; c’est une évaluation a posteriori des conséquences de cette mesure qui sera nécessaire. Je m’en tiendrai ici aux objectifs que nous nous fixons : la relocalisation industrielle, et un redémarrage des entreprises rendu plus rapide par l’amélioration de leurs marges.

S’agissant de la modification des barèmes, je répéterai ce que j’ai dit au président Woerth : la CVAE n’est probablement pas une taxe parfaite, mais si nous la diminuons, ce doit être sur la base de l’existant. Lorsque l’on touche à la fiscalité, il faut le faire avec clarté, lisibilité et constance. Modifier le mode de calcul de la CVAE en cours de route serait le meilleur moyen pour que tout le monde soit perdu et ne se pose plus qu’une question : vais-je y gagner ou y perdre ? Non, les entreprises doivent être certaines d’une chose : la fiscalité baissera pour chacune d’entre elles.

La commission rejette les amendements identiques I-CF60, I‑CF334 et ICF724.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques ICF59 de M. Fabrice Brun, I-CF332 de Mme Véronique Louwagie, I-CF396 de Mme Lise Magnier et I‑CF723 de M. Charles de Courson, ainsi que de l’amendement I-CF333 de Mme Véronique Louwagie.

M. Fabrice Brun. Nous proposons par l’amendement I-CF59 d’inclure la TASCOM dans le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée (PVA). Je souligne, une fois de plus, que les entreprises du e-commerce ne s’acquittent pas de cet impôt, ce qui constitue une distorsion de concurrence, au détriment du commerce de proximité, durement touché par la crise sanitaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF332 a le même objet. Dans les territoires ruraux, les petits commerces ont beaucoup souffert de l’épisode des gilets jaunes, puis de la crise du coronavirus. Même si le produit de la TASCOM est moindre que celui des autres taxes au niveau macroéconomique, cet impôt pèse beaucoup dans la comptabilité de ces entreprises.

Mme Lise Magnier. La TASCOM étant assise sur le chiffre d’affaires, nous considérons qu’il s’agit aussi d’un impôt de production. Il convient donc de l’intégrer dans le PVA, comme le propose mon amendement I-CF396.

M. Charles de Courson. Mon amendement I-CF723, identique, vise à inclure la TASCOM dans le plafonnement applicable à la CET – qui regroupe la CVAE et la CFE.

Je présenterai dans un instant un amendement d’appel, I-CF703, monsieur le rapporteur général, pour connaître votre position sur l’intégration de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans le PVA. Il faut rappeler que la CFE et le foncier bâti ont la même assiette. Il est aberrant que les entreprises paient deux impôts sur la même assiette ! J’ai toujours préconisé, pour plus de clarté, la fusion de la TFPB et de la CFE.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF333 est défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En deuxième partie, nous aurons une discussion approfondie sur la TASCOM, sur la fiscalité des entrepôts et sur la fiscalité des entreprises du numérique. La question est complexe et je crains qu’il n’y ait pas de solution magique – des collègues comme Benoit Potterie, qui ont beaucoup travaillé sur le sujet, ne me contrediront pas.

Je serai honnête : inclure la TASCOM dans le PVA aurait un coût très élevé pour les finances de l’État, puisque le dégrèvement sur CFE augmenterait dans des proportions importantes. Même si je comprends la philosophie de ces amendements, je ne pourrai, en tant que rapporteur général, qu’émettre un avis défavorable.

Monsieur de Courson, il serait compliqué d’intégrer la TFPB dans le plafonnement puisque l’impôt sur le foncier bâti est aussi acquitté par les ménages. Il faudrait pouvoir distinguer la part de la TFPB pouvant être intégrée au plafond applicable à la CET – un impôt par définition économique. La question est fort intéressante, mais je crains que votre solution ne soit pas possible en termes de cohérence fiscale. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF59, I-CF332, I-CF396 et I‑CF723, ainsi que l’amendement I-CF333.

Elle en vient à l’examen de l’amendement I-CF703 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je viens de le défendre. Je ne vois pas, monsieur le rapporteur général, en quoi il serait problématique d’intégrer la TFPB dans le plafonnement à 2 % : il reviendrait simplement à l’entreprise de faire le calcul et de demander le dégrèvement correspondant.

Je me souviens avoir lu dans l’étude d’impact que le coût du dégrèvement pour l’État était de 3 milliards d’euros. Pourriez-vous me dire de combien il serait majoré si la TFPB était intégrée dans le PVA ?

Il serait logique de prendre une telle mesure. Ce qui est illogique, c’est de ne pas l’avoir envisagé lorsque nous avons mené la réforme de la taxe professionnelle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’objet de la TFPB n’est pas le même que celui de la CET et une telle mesure nous contraindrait à établir une distinction entre la TFPB applicable aux ménages et la TFPB applicable aux entreprises. Ce serait incohérent d’un point de vue fiscal.

En séance, je préciserai le coût actuel du dégrèvement pour l’État et le coût que représenterait l’intégration de la TFPB au PVA.

La commission rejette l’amendement I-CF703.

Puis elle examine l’amendement I-CF1033 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve. Il s’agit de reporter au mois de décembre le versement du second acompte de CVAE, normalement exigible en septembre. Cela permettrait de tenir compte de la valeur ajoutée réellement constatée sur les onze premiers mois de l’année et de calculer un versement plus proche du résultat effectif. Cette mesure serait d’autant plus importante que, compte tenu de la crise, les acomptes seront sans doute sous-estimés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas sûr de comprendre votre amendement : les acomptes de l’année N sont assis sur la valeur ajoutée de la dernière déclaration de résultats, donc sur la valeur ajoutée de N-1. Je vous suggère de retirer l’amendement.

M. Jean-René Cazeneuve. L’acompte est payé sur la valeur ajoutée prévisible de l’année en cours. Le solde est reversé aux collectivités territoriales l’année suivante, mais il s’agit bien des résultats de l’année en cours.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous propose d’en reparler en séance.

L’amendement I-CF1033 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF185 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En raison de la crise sanitaire, nous proposons, pour compenser les pertes de recettes de CVAE subies par les régions, de prendre l’année 2019 plutôt que l’année 2020 comme année de référence. Cela paraît plus équitable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut tenir compte du décalage d’un an dans le calcul, monsieur de Courson. Les régions sont favorables à ce que l’on prenne pour référence l’année 2020 – je parle sous le contrôle de M. Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve. Les recettes de CVAE sont supérieures de 3 % en 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le calcul que vous proposez ne serait pas favorable aux régions, monsieur de Courson. Je vous propose de retirer votre amendement.

L’amendement I-CF185 est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF927 de Mme Valérie Rabault, I-CF1020 de M. Robin Reda et I-CF1175 de M. Fabrice Brun.

Mme Claudia Rouaux. Les régions seront incapables d’inscrire au budget primitif de 2022 le montant de la fraction de TVA, puisque le ratio, qui dépend du produit net encaissé de la TVA sur 2021, ne sera connu qu’au milieu de l’année 2022. L’amendement I-CF927, proposé par l’Association Régions de France (ARF), prévoit donc un nouveau calcul du ratio.

M. Dino Cinieri. La rédaction proposée par l’amendement I-CF1020 est similaire à celle utilisée dans le cadre du remplacement de la DGF par l’affectation d’une fraction de TVA.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF1175 est défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’administration ne m’a pas fourni dans les temps les éléments me permettant d’évaluer l’intérêt de ce nouveau calcul, si bien que j’ai du mal à apprécier, sans mauvais jeu de mots, la valeur ajoutée de ces amendements… Je vous demande de bien vouloir me donner davantage d’explications ou, à défaut, de les retirer.

La commission rejette les amendements identiques I-CF927, I-CF1020 et ICF1175.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF903 de Mme Valérie Rabault, I‑CF1019 de M. Robin Reda et I-CF1171 de M. Fabrice Brun.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF903 vise à figer en 2021, en valeur absolue, le montant de la péréquation versée ou reçue par chaque région. Il convient de rappeler que la péréquation entre régions est la plus faible des péréquations horizontales, puisqu’elle représente 1 % des recettes de fonctionnement. Nous défendrons en séance d’autres amendements sur ce sujet. Celui-ci émane de l’ARF et s’inscrit dans l’esprit de l’accord de partenariat signé entre le Premier ministre et les régions.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF1019 a le même objet. Ce mécanisme conservatoire vaudra pour la seule année 2021 et permettra de préserver les ressources de chaque région, qu’elle soit contributrice ou bénéficiaire au fonds de péréquation.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF1171 est défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La suppression de la part régionale de la CVAE sera compensée, pour les régions, par l’affectation d’une fraction de TVA. Cela suppose d’inventer de nouvelles règles de calcul pour la péréquation. L’accord de partenariat État-régions précise que « pour l’année 2021, les règles actuelles du système de péréquation restent inchangées ». Est-ce à dire que les montants le seront également ? J’en doute, mais je propose que nous demandions au Gouvernement de préciser sa position en séance. Je vous demande, dans l’intervalle, de retirer ces amendements.

M. Jean-René Cazeneuve. On sait que les montants de la péréquation entre régions sont très inférieurs à ceux du fonds de péréquation des départements et des dotations de péréquation pour le bloc communal. L’objectif, et c’est l’esprit de l’accord signé avec le Gouvernement, est que la péréquation régionale progresse le plus rapidement possible, dès 2021. Ces amendements m’étonnent, car figer le montant de la péréquation en le maintenant au niveau de 2020 pourrait bien constituer un recul dans la mesure où il devrait déjà augmenter mécaniquement de 20 à 40 millions d’euros. Ce serait aggraver le problème.

Mme Christine Pires Beaune. Nous disons la même chose : la péréquation des régions est bien en deçà des autres péréquations. Ces amendements permettent précisément de respecter l’esprit de l’accord en prévoyant que les règles, mais aussi les sommes payées ou reçues par chaque région, resteront inchangées en 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Jean-René Cazeneuve a raison : figer les montants pourrait empêcher la progression en volume de la péréquation. Le ministre des comptes publics devra répondre à cette question très technique en séance.

Les amendements identiques I-CF903, I‑CF1019 et I-CF1171 sont retirés.

La commission en vient à l’amendement I-CF1461 de la commission du développement durable.

Mme Laurianne Rossi. Notre rapporteur pour avis M. Jean-Marc Zulesi étant absent, je défends cet amendement, adopté hier par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui vise à conditionner le bénéfice de la baisse de la CVAE pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros à la souscription d’engagements forts en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Un amendement semblable a été adopté lors de l’examen du PLFR 3. Nous proposons ainsi de concilier transition écologique et soutien aux entreprises et à l’emploi.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai déjà expliqué que j’étais défavorable à l’idée de soumettre à conditions la baisse des impôts de production. Nous avons collectivement intérêt à montrer aux entreprises que nous attendons de leur part des engagements clairs, que ce soit en matière de réduction des gaz à effet de serre, d’égalité entre les hommes et les femmes ou de partage de la valeur. Vous le savez, des députés de la majorité ont travaillé sur ces questions et feront des propositions d’ici à la séance. Mais tout n’est pas législatif. Nous devons trouver une formule plus partenariale pour progresser ensemble dans le cadre de ce plan de relance, plutôt que d’opposer comportements et baisse de fiscalité. Avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Les amendements portant sur la conditionnalité des dispositifs sont un fait nouveau et il n’y a pas d’antécédents clairs sur leur recevabilité. Je regrette que le président de la commission des finances ait décidé que seuls les amendements portant sur des dispositions modifiées par le texte seraient recevables. Cela nous conduit à ne proposer des amendements que sur les dispositifs auxquels nous sommes opposés, comme la baisse des impôts de production. Il aurait été beaucoup plus logique de proposer de mettre sous conditions l’accès à des dispositifs tels que le PGE, le chômage partiel ou le fonds de solidarité. Je regrette que l’opportunité législative soit aussi restreinte.

M. le président Éric Woerth. Comme je l’ai expliqué en début de séance, vous pourrez déposer des amendements de conditionnalité portant sur des dispositifs d’aide ou de garantie, sur le PGE par exemple, en deuxième partie du PLF. Seuls les amendements de conditionnalité liés à la fiscalité ont leur place en première partie.

M. Alexandre Holroyd. Ce budget et le plan de relance qu’il contient poursuivent le même objectif : accompagner les entreprises dans la transition écologique tout en modernisant leur outil de production. Nous examinerons des crédits qui ont cette vocation. Dans la première partie, c’est la question des instruments que nous pourrions créer pour accompagner ces entreprises qui se pose. Cela dit, je partage une des réserves du rapporteur général : que les entreprises prennent des engagements ne peut être la condition du soutien de l’État. Dans cette crise dramatique, elles doivent être soutenues d’urgence, et de façon efficace. Le groupe LAREM votera contre ces amendements, mais il proposera des avancées en matière de réduction des gaz à effet de serre, d’égalité entre les femmes et les hommes et de dialogue social. Il s’agit bien d’accompagner les entreprises, sans limiter la mise en œuvre du plan de relance.

M. le président Éric Woerth. La première condition, c’est que ce soutien doit se poursuivre tant que nous aurons, dans cette compétition mondiale, des impôts de production plus élevés qu’ailleurs ! On peut tout conditionner, trouver des contreparties aux aides de l’État – c’est souvent légitime –, mais pas dans la situation actuelle ! Les entreprises se battent pour survivre : leur demander des engagements, c’est un peu comme soumettre un malade à un accord avant de le soigner. Certes, les mesures proposées par le Gouvernement ne sont pas ponctuelles, mais structurelles : additionner des milliards d’euros annuels n’a d’ailleurs aucun sens. C’est en ce sens que les impôts de production baissent dans des proportions importantes. Même si leur niveau reste élevé par rapport aux autres pays européens, cette réduction rendra aux entreprises françaises un peu plus de compétitivité, et donc de capacité de survie.

La commission rejette l’amendement I-CF1461.

Puis elle examine l’amendement I-CF236 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec le temps, j’ai appris à être très prudente face à ce type de mesures et à évaluer leurs conséquences sur les différents secteurs. Ma crainte, c’est que ce dispositif profite bien davantage aux grandes entreprises qu’aux PME et TPE. Je propose donc que le Gouvernement remette un rapport en début d’année sur les modalités de mise en œuvre de cette réforme, par secteur et par taille d’entreprise. Cela permettrait de clarifier les choses.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je lis : « avant le 1er janvier 2021 ». Y a-t-il une coquille ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, c’est volontairement que j’ai choisi une date aussi rapprochée : ce rapport a vocation à remplacer l’étude d’impact, inexistante sur cette question.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous essaierons de préciser, pour la séance, quelles seront les entreprises qui bénéficieront le plus de la baisse de la CVAE, par taille et par secteur. Mais, je le répète, l’efficacité de ces mesures ne peut s’évaluer qu’a posteriori.

La seule condition à la reprise, c’est que nous redémarrions tous ensemble, ménages, grandes entreprises, ETI, PME, TPE. Le plan de relance, c’est 100 milliards d’euros d’argent public : les entreprises ont un rôle à jouer, au niveau économique et au niveau des emplois. En tant que rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Plan de relance, Éric Woerth et moi-même ferons une évaluation régulière de ces indicateurs. La relance, dans son ensemble, doit être mesurée régulièrement. Mais l’évaluation ex ante, cela s’appelle une étude d’impact. Je vous demande de retirer cet amendement.

M. Charles de Courson. Il me paraît de bon sens de demander que nous soient transmis, dès l’année prochaine, les premiers éléments sur l’impact de cette réforme, comme cela a été le cas pour la taxe professionnelle.

Je me permets de vous poser à nouveau la question, monsieur le rapporteur : quel est le coût pour l’État du PVA à 3 %, et quel sera le coût de son abaissement à 2 % ? J’ai lu attentivement l’étude d’impact, mais je n’ai pas trouvé la réponse.

M. Éric Coquerel. Nous devrions disposer de ces éléments ! Faute d’une étude d’impact suffisamment détaillée, il faut voter cet amendement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En 2019, le montant du dégrèvement était de 1,1 milliard d’euros. Nous tenterons d’évaluer les effets d’un abaissement du PVA à 2 % ainsi que le coût prévisible d’une éventuelle intégration de la TASCOM et de la TFPB.

La commission rejette l’amendement I-CF236.

Elle en vient à l’amendement I-CF976 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Il s’agit aussi d’une demande de rapport, dont la date de remise aurait dû être fixée plus tôt, comme dans l’amendement de Mme Dalloz. Il convient d’évaluer les mécanismes de compensation pour les régions. Entre 2010 et 2018, les recettes de la CVAE ont augmenté de 71,8 % alors que celles de la TVA ne progressaient que de 28,6 %. Le taux de croissance annuel moyen de la CVAE sur cette période est de 7 %, contre seulement 2,7 % pour la TVA. La compensation se traduira donc par une perte de recettes annuelle de 4,3 % pour les régions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre analyse est erronée. Les régions auront tout intérêt à recevoir une fraction de TVA, dont le produit sera d’autant plus dynamique que la consommation reprendra. Et l’effet de cette réforme sera doublement positif puisque l’année de référence sur laquelle sera calculé le dernier versement de CVAE ne sera pas celle de la crise. C’est donc avantageux pour les régions !

M. Jean-René Cazeneuve. Monsieur Coquerel, ne soyez pas plus régionaliste que les régions, qui se montrent satisfaites de cet accord. Je crains que vos chiffres ne soient faux, car la CVAE évolue exactement comme le PIB sur le long terme. Si le PIB avait augmenté de 78 % durant cette même période, nous serions tous très heureux !

M. Éric Coquerel. Si vous avez d’autres chiffres, donnez-les nous, cher collègue ! Monsieur le rapporteur, vous parlez du dynamisme de la TVA, mais son évolution a été trois fois moindre que celle de la CVAE cette dernière décennie.

M. Jean-René Cazeneuve. C’est faux !

M. Éric Coquerel. Sortez donc vos chiffres ! Je vous donne les chiffres réels de l’évolution de la TVA et de la CVAE entre 2010 et 2018. Vous devez avoir une sacrée confiance dans la relance économique post-covid pour croire que le regain de dynamisme de la TVA sera tel qu’il effacera l’évolution constatée depuis bientôt dix ans ! Que vous vous basiez sur des prévisions aussi hypothétiques est inquiétant pour les régions ; et le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne nous rassurez pas.

La commission rejette l’amendement I-CF976.

Enfin, elle adopte l’article 3 sans modification.

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Après l’article 3

La commission examine l’amendement I-CF1331 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Demain, 7 octobre, le sursis dont bénéficiaient les entreprises pour se déclarer en cessation de paiements prendra fin et les tribunaux de commerce devront sans doute faire face à un afflux important de procédures. Pour aplanir la courbe potentiellement ascendante des défaillances d’entreprise, nous proposons cet amendement, déjà défendu lors des PLFR pour 2020 successifs. Il s’agit de neutraliser les conséquences fiscales d’un abandon de créance : le fournisseur qui renonce à une créance pourra déduire de ses impôts la somme non perçue.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises et nous avons trouvé, dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, un bon équilibre. Je vous propose de retirer cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

M. Jean-Noël Barrot. Je le maintiens, mais j’entends vos arguments.

La commission rejette l’amendement I-CF1331.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF358 de Mme Véronique Louwagie et I-CF238 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. Les bénéfices des entreprises relevant de l’impôt sur le revenu (IR) sont imposés en totalité à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et soumises aux charges sociales, même s’ils ont été laissés à titre de réserve au sein de l’entreprise pour procéder, par exemple, à des investissements.

L’amendement I-CF358, que j’ai déjà présenté l’an dernier, prévoit que la part du résultat affectée aux réserves ne soit pas soumise aux taxes, dans la limite de 13 % du résultat fiscal et de 7 000 euros par exercice, en respectant un plafond de 35 000 euros. Les sommes capitalisées et leurs intérêts seraient réintégrés au résultat de l’exercice tous les cinq ans. Ce serait un outil utile, car il permettrait aux chefs d’entreprise sans trésorerie d’investir et de développer leur activité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je propose par mon amendement I-CF238 un dispositif semblable, mais en fixant une autre limite : la part laissée en compte d’attente et exonérée de taxe pourrait atteindre 40 % du résultat fiscal. Cela permettra de conforter la trésorerie et les fonds propres, et d’assurer la pérennité de l’entreprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mme Dalloz fait monter les enchères : elle passe de 13 à 40 %, puis elle enlève la réintégration, qui est tout de même un élément important du dispositif !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une incitation !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ça, c’est sûr ! Si les régimes de l’IS et de l’IR sont différents, c’est parce qu’ils présentent chacun des avantages. Comme dit Valérie Rabault, la fiscalité, ce n’est pas fromage et dessert… Un professionnel doit savoir quel régime est le plus avantageux ou le plus pertinent pour son activité. Ces amendements, qui nous sont régulièrement soumis, me paraissent d’autant moins justifiés que la possibilité de passer d’un régime à l’autre a été assouplie par la loi de finances pour 2019. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF358 et ICF238.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF319, I-CF318 et I-CF317 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je vais défendre en même temps ces trois amendements, que j’avais déjà déposés dans le cadre du PLFR 3. Lors des débats en commission des finances et en séance, j’avais cru comprendre que le Gouvernement examinerait avec bienveillance un dispositif allant dans ce sens.

Je rappellerai trois règles. Tout d’abord, pour être déductibles fiscalement, les amortissements des immobilisations doivent obligatoirement être comptabilisés. Ensuite, les modifications de durée ou de plan d’amortissement qui pourraient être décidées ne sont pas possibles fiscalement, même si cela est possible comptablement. Enfin, l’épidémie de la covid-19 a entraîné une non-utilisation de certains biens, qui ne se sont donc pas dépréciés.

Je vous propose de permettre aux entreprises de ne pas comptabiliser leur amortissement fiscal, sans pour autant subir de préjudice fiscal, c’est-à-dire en leur permettant de déduire ces amortissements ultérieurement, au moment où ceux-ci seraient comptabilisés. Cela permettrait d’aider les entreprises à reconstituer leurs fonds propres, lesquels sont très importants lorsque les entreprises cherchent à recourir à des moyens financiers. En effet, un des éléments les plus importants étudiés par les organismes financiers est justement la quote-part des capitaux propres dans le total du bilan. J’en veux pour preuve l’article 5 du projet de loi de finances sur la neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs, qui vise à permettre aux entreprises de reconstituer leurs capitaux propres.

Les trois amendements proposent des dates différentes : le premier vise à appliquer ce mécanisme du 17 mars 2020 jusqu’au 31 décembre 2022, le deuxième jusqu’au 31 décembre 2021 et le troisième jusqu’au 31 décembre 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Je suis d’accord avec vous : il nous fallait trouver une solution comptable plus que fiscale, l’une ayant des conséquences sur l’autre. Les articles 5 et 6 du projet de loi apportent de bonnes réponses sur la neutralisation fiscale de la réévaluation des actifs, qui a un effet direct sur le renforcement des fonds propres ; et sur l’étalement de la plus-value de cession-bail. C’est le type même de la mesure fiscale efficace, à même d’aider les entreprises.

Toutefois, je ne suis pas sûr que les amortissements différés soient la bonne solution à ce stade ; vous l’aviez d’ailleurs vous-même souligné lors de l’examen du troisième PLFR pour 2020. Il faudrait comparer votre proposition avec celle de l’article 5 : à mon avis, les entreprises préfèrent la neutralisation fiscale au maintien des suramortissements. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Si l’article 5 peut constituer un dispositif intéressant, celui-ci ne sera pas forcément utilisable facilement par les petites et les très petites entreprises. À l’inverse, le dispositif que je vous propose est d’une extrême simplicité : il suffit de modifier le plan d’amortissement, sans créer de mécanisme de réévaluation libre. Si ce dernier ne pose aucun problème technique aux entreprises d’une certaine taille, qui disposent des ressources en interne, il représente en revanche une vraie difficulté pour les très petites entreprises.

La commission rejette successivement les amendements I-CF319, I-CF318 et I-CF317.

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Article additionnel après l’article 3
Prorogation des dispositifs de déductions en faveur des entreprises de presse

La commission en vient à l’amendement I-CF1352 de Mme Aurore Bergé.

Mme Dominique David. Le présent amendement propose de proroger de trois ans deux dispositifs permettant de soutenir les capacités d’investissement des entreprises du secteur de la presse, très affectées par la crise, et de pallier la faiblesse de leurs fonds propres.

Ces dispositifs permettent, pour l’un, de constituer une provision déductible du résultat imposable pour financer des développements et des acquisitions et, pour l’autre, de procéder à une déduction directe des dépenses exposées en vue de l’acquisition de certains éléments d’actifs, par dérogation au droit commun. Instaurés en 1996, ces dispositifs ont systématiquement été prorogés depuis ; je vous propose de continuer à le faire jusqu’en décembre 2023.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette prorogation est la bienvenue et a le mérite de sécuriser le dispositif au regard de la réglementation européenne. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1352 (amendement 651).

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Après l’article 3

Elle examine l’amendement I-CF110 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Nous souhaitons réintroduire le suramortissement dans le code général des impôts. Ce dispositif, qui a fait ses preuves, est un très bon outil de soutien à l’investissement et, par conséquent, à la relance économique. Je citerai l’exemple de la filière touristique, notamment l’hôtellerie de plein air, dans laquelle la région Auvergne-Rhône-Alpes excelle – en particulier l’Ardèche. Chaque année, les campings investissent pour coller à l’évolution de la demande de la clientèle. Ces investissements importants permettent de soutenir toute la filière puisque les fabricants de mobile-homes et d’habitat léger de loisirs sont tous français. En adoptant cette mesure, nous favoriserions l’investissement et l’emploi dans la filière – des emplois situés en France. Voilà pourquoi nous apportons un soutien fort et déterminé à cette proposition émanant des acteurs économiques et touristiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai toujours dit, lors de l’examen des projets de loi de finances rectificative pour 2020, que le suramortissement était un outil efficace, et je le maintiens – même si Charles de Courson le qualifie de produit stupéfiant. (Sourires.)

M. le président Éric Woerth. Et pourtant, il n’avait pas été adopté…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet. Le suramortissement est une option et cela fonctionne bien, reconnaissons-le. Toutefois, le plan de relance propose des mesures encore plus efficaces, sous la forme de subventions directes à l’investissement. Reprenons-les dans l’ordre : 20 milliards d’euros de baisse des impôts de production sur deux ans ; le renforcement des fonds propres avec les outils prévus aux articles 5 et 6 ; les subventions directes. Le plan de relance comporte en effet de nombreuses mesures de subvention de l’investissement, notamment pour l’acquisition de machines, et cible des technologies plus vertes. Je trouve cela préférable au suramortissement proposé, car la subvention directe est davantage pilotable : ce sont des crédits budgétaires, qui seront contrôlés par les parlementaires. En outre, les aides accordées dans le cadre du quatrième plan d’investissement d’avenir (PIA 4) seront directement liées aux investissements des entreprises.

Ainsi, le plan de relance prévoit un soutien massif à l’investissement et fixe des trajectoires écologiques et industrielles – les deux ne sont pas incompatibles. Nous avons la bonne réponse ; à nous, parlementaires, de contribuer à la faire appliquer sur le terrain et de contrôler la bonne exécution des crédits. C’est un outil plus efficace à court terme pour favoriser la reprise de l’investissement que le suramortissement qui, lui, a forcément un effet décalé dans le temps. Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. Je persiste à penser que c’est une erreur de ne pas intégrer dans le plan de relance le dispositif de suramortissement. Ce dispositif est stupéfiant, en effet – stupéfiant d’efficacité et de simplicité pour les acteurs économiques, quelle que soit leur taille, contrairement au plan de relance, qui a parfois les apparences d’une usine à gaz.

La commission rejette l’amendement I-CF110.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF1194 de M. JeanNoël Barrot, les amendements identiques I-CF64 de M. Fabrice Brun, ICF337 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1387 de M. Benoit Potterie, ainsi que l’amendement I-CF338 de Mme Véronique Louwagie.

M. Jean-Noël Barrot. La proposition présentée dans mon amendement I‑CF1194 va dans le même sens, même si elle est un peu plus ciblée. Je ne suis pas un grand adepte du suramortissement, mais il me semble que l’on aurait pu imaginer de proroger d’un an le suramortissement créé en 2019 et de l’étendre aux commerces pour faciliter leur transition numérique. Cela aurait été un investissement utile pendant la crise et le confinement.

M. Fabrice Brun. La loi de finances pour 2019 avait créé un mécanisme de suramortissement visant à soutenir les investissements numériques des industriels. L’amendement I-CF64 propose d’étendre cette mesure de soutien aux investissements des commerçants afin de leur permettre de lutter dans le combat déséquilibré qu’ils mènent face à l’e-commerce.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF337, identique, a pour objet de prolonger la mesure au-delà de 2020 car, cette année ayant été très particulière, un certain nombre d’entreprises n’ont pas pu réaliser les investissements qu’elles souhaitaient faire et n’ont ainsi pu recourir au dispositif tel qu’il avait été prévu. Il est donc opportun de pouvoir l’activer pour 2021 puisque l’économie devrait reprendre un fonctionnement plus normal.

L’amendement I-CF338, qui procède du même esprit, est défendu.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF1387 de notre collègue Potterie va dans le même sens. Les commerçants ont eu la force de se réinventer pendant la crise en proposant des outils de vente en ligne et de livraison à domicile, et il est nécessaire de les accompagner dans cette démarche. Nous proposons donc de prolonger le suramortissement jusqu’en 2021 et de l’étendre à l’ensemble des commerçants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable à l’ensemble des amendements proposant le suramortissement. Nous préférons, pour la présente période, la subvention directe et le soutien à l’investissement des entreprises.

M. Fabrice Brun. Je trouve votre réponse un peu courte ! Venez avec moi à la prochaine réunion de la chambre de commerce et d’industrie de l’Ardèche pour répondre aux interrogations des acteurs locaux. Je vais me retrouver face à des industriels qui bénéficient du dispositif et des commerçants qui n’en bénéficient pas, alors qu’ils ont été fermés entre deux et trois mois, pendant la période du confinement. Ils font face à des enjeux majeurs : l’évolution des modes de consommation, le développement du e-commerce. Et ils prennent eux-mêmes des initiatives dans le numérique ; il est vraiment important de les accompagner avec ce dispositif pour soutenir l’économie et l’emploi au cœur des territoires.

M. Julien Aubert. Lorsque nous proposons des aménagements fiscaux, vous nous répondez qu’il faut y aller mollement parce que le terrain est déjà très miné ; et quand nous parlons des procédures de suramortissement, vous nous dites que ce n’est pas le bon dispositif. Nous avons besoin d’envoyer un signal fort aux petites entreprises et aux commerçants. Certains des outils proposés ne leur profiteront que de manière très minime ; or ils sont pourtant en première ligne dans cette crise.

Votre majorité a annoncé un plan de relance : c’est une bonne chose, mais encore faut-il d’abord sauvegarder l’existant. Pour les commerces, notamment ceux des centres-villes, qui ont le plus souffert, c’est bien le passage au numérique qui importe. Je comprends vos arguments techniques, mais n’entamons pas un dialogue de sourds : quelles dispositions du budget permettront à nos commerçants et petites entreprises de rééquilibrer la concurrence avec les grandes entreprises ? Voilà l’enjeu politique ! Le prêt garanti par l’État ne peut pas être la seule arme : les emprunts, ça se rembourse… Nous avons besoin de mesures concrètes ; c’est pourquoi j’apporte mon soutien à ces amendements.

M. Daniel Labaronne. Le plan de relance comportera des crédits budgétaires importants pour la numérisation des TPE-PME, notamment dans le secteur du commerce. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, a indiqué très clairement hier que son objectif était d’aider un million de petites entreprises à digitaliser leur activité. Notre majorité a fait le choix de soutenir ce secteur par le canal des crédits budgétaires plutôt que de multiplier les dispositifs fiscaux : c’est une bonne méthode. Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à ces amendements.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous partageons tous l’objectif d’aider les entreprises à opérer leur transition. En revanche, nous ne sommes pas d’accord sur l’outil. Que la transition soit numérique ou écologique, les chefs d’entreprise et les artisans n’ont pas le temps de se demander ce qu’ils doivent faire. Si cela doit prendre la forme d’un crédit d’impôt, ils seront seuls pour effectuer les démarches. Nous préférons leur proposer un accompagnement, par exemple avec les actions menées dans le cadre de l’initiative France Num. C’est la bonne façon de procéder et je la revendique aussi pour la transition écologique, parce que les artisans et les TPE ont besoin d’être accompagnés de manière très rapprochée.

M. Fabrice Brun. Concernant l’accompagnement des chefs d’entreprise face aux enjeux du numérique et de la transition écologique, dans certains territoires, 90 % des entrepreneurs sont des indépendants. J’espère que vous tiendrez le même discours lorsque nous en viendrons aux moyens dédiés aux chambres de commerce et d’industrie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je viendrai avec grand plaisir dans l’Ardèche, si M. Brun m’y invite, pour expliquer aux industriels et aux commerçants en quoi le plan de relance les concerne au quotidien. Nous devons tous le faire dans tous les territoires. Le suramortissement est un fantasme très exagéré – cela représente environ 20 millions d’euros en 2020 ! Le plan de relance consacre plus de 385 millions d’euros au seul renouvellement de l’outillage et des machines : on n’est pas du tout dans la même dimension. Et ce n’est pas l’un contre l’autre, monsieur Aubert : nous sommes tous obligés de nous placer dans une nouvelle perspective avec les nouvelles aides à l’investissement figurant dans le plan de relance. Elles représentent le coup d’accélérateur de toute reprise d’investissement d’une entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d’activité. Le plan de relance n’est pas parfait et l’on aurait évidemment pu aller plus loin, mais chacun doit faire connaître dans les entreprises de son territoire les mesures que le Parlement s’apprête à voter.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF1194, les amendements identiques I-CF64, I-CF337 et I-CF1387, ainsi que l’amendement ICF338.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF766 de M. Dino Cinieri, l’amendement I-CF443 de M. Julien Dive, ainsi que les amendements identiques I-CF1047 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1303 de M. Hervé Pellois.

M. Dino Cinieri. Afin de les aider à mieux concilier productivité et écologie, il est indispensable d’aider les agriculteurs à se doter des meilleures technologies. L’amendement I‑CF766 vise par conséquent à étendre le régime de déduction de l’article 39 decies B du code général des impôts aux nouveaux équipements agricoles jusqu’au 31 décembre 2023.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF443 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF1047 tend à élargir la possibilité de suramortissement du matériel robotique aux agriculteurs. L’agriculture a besoin de poursuivre sa transformation. Tout ce qui concerne la robotique et les systèmes numériques est d’une extrême importance pour les agriculteurs, que nous devons soutenir dans leur démarche.

M. Hervé Pellois. Compte tenu des explications apportées par le rapporteur général sur le plan de relance, je retire mon amendement I-CF1303.

L’amendement I-CF1303 est retiré.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les aides pour le renouvellement des agroéquipements s’élèvent à 250 millions d’euros dans le plan de relance. Je me ferai souvent, pendant cet automne budgétaire, le VRP du plan de relance : il faut vraiment rappeler toutes les mesures ainsi créées pour bien les déployer.

La commission rejette successivement les amendements I-CF766, I-CF443 et I-CF1047.

Elle en vient à l’amendement I-CF113 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’objectif de cet amendement est d’étendre le dispositif de suramortissement aux matériels et outillages industriels dans le secteur de l’économie circulaire. Cela est nécessaire pour accélérer le recyclage du plastique qui a connu, et c’est assez paradoxal, une augmentation de son utilisation durant la crise sanitaire.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF113.

Elle rejette ensuite, sur avis défavorable du rapporteur général, les amendements identiques I-CF952 de Mme Lise Magnier et I-CF960 de M. Vincent Rolland, puis, successivement, les amendements I-CF616 et I-CF1397 de M. Benoit Potterie.

Elle examine l’amendement I-CF764 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. J’ai eu l’occasion de me faire l’ambassadeur des mesures de soutien à l’investissement dans le secteur touristique ; cet amendement est donc défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF764.

Elle en vient à l’amendement I-CF846 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Le présent amendement propose une incitation fiscale pour les entreprises qui souhaitent déménager leurs sièges sociaux vers des territoires ruraux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement pose un problème de fond. Encourager le déménagement des sièges sociaux ne pose pas de difficulté ; en revanche, avant de créer une déduction fiscale encourageant les entreprises à quitter l’Île-de-France, il faudrait en parler aux élus franciliens ! Avis défavorable.

M. Christophe Naegelen. Le but est simple : il s’agit de souligner le fait que les territoires ruraux sont toujours laissés pour compte lorsqu’il est question d’implanter des sièges sociaux, contrairement à la région Île-de-France qui, avec Paris, en est la principale bénéficiaire. Il pourrait être intéressant d’inciter fiscalement, fût-ce pour une durée limitée, les entreprises à franchir le pas : cela permettrait de ramener de l’emploi dans les territoires ruraux.

La commission rejette l’amendement I-CF846.

Elle est saisie de l’amendement I-CF311 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. La crise de la covid-19 a révélé nos failles, notre dépendance économique, sanitaire, alimentaire et même agricole vis-à-vis d’autres continents. Nous partageons l’objectif de relocaliser certaines activités et productions industrielles. Le présent amendement vise donc à exonérer d’impôt sur les sociétés pendant cinq ans les entreprises qui relocaliseraient leurs activités en France et à permettre aux collectivités locales d’accorder des exonérations de taxes locales. Parallèlement, un dispositif de remboursement des aides fiscales serait d’emblée mis en place, au cas où une entreprise ayant bénéficié de ce régime d’exonérations fiscales déciderait de délocaliser à nouveau ses activités à l’étranger.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage la volonté d’encourager la relocalisation d’entreprises en France. Le PLF prévoit d’ailleurs une batterie de mesures allant dans ce sens, à commencer par la baisse des impôts de production à laquelle s’ajoute la diminution de l’impôt sur les sociétés. Même si les montants des subventions à l’investissement sont plus faibles que les montants consolidés de la baisse des impôts de production, les PME et ETI industrielles doivent absolument se saisir de ces aides : ce sont les meilleures solutions que nous pouvons leur apporter.

J’émets donc un avis défavorable parce que cette mesure ferait doublon avec le plan de relance ; il n’est pas nécessaire d’ajouter des exonérations fiscales à la baisse des impôts de production. Au-delà, cela poserait un risque de rupture de l’égalité devant l’impôt. Enfin, ce serait une prime à celui qui revient, alors qu’il faut rendre le territoire attractif pour tout le monde et encourager tous les créateurs d’emplois à venir s’installer dans notre pays.

La commission rejette l’amendement I-CF311.

Elle examine l’amendement I-CF611 de M. Philippe Huppé.

Mme Lise Magnier. Cet amendement a pour objet de créer un crédit d’impôt pour le « fabriqué en France », qui serait égal à 10 % des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la fabrication de produits intégralement sur le territoire français et constitués d’éléments dont l’extraction et la croissance ont lieu à au moins 50 % en France. En outre, le bénéfice de ce crédit d’impôt serait conditionné à la poursuite d’engagements en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale par l’entreprise. Il s’agit d’accompagner la volonté du Gouvernement de relocaliser la fabrication en France.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je m’efforce d’être cohérent dans mes avis. J’ai dit le mal que je pouvais penser du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Je ne veux pas donner un avis favorable à une proposition de crédit d’impôt sur la masse salariale – surtout à 10 % ! C’est typiquement de la mauvaise incitation fiscale. Ce ne sont pas des outils à privilégier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF611.

Elle en vient à l’amendement I-CF146 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement propose de limiter à deux ans, pour les entrepreneurs exerçant leur activité à titre principal, la possibilité d’être soumis au régime de la microentreprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, car cela remet en cause l’application d’une réforme récente et sur laquelle nous manquons de recul. Et surtout, j’aimerais que nous soyons tous comptables d’une certaine stabilité fiscale à partir de maintenant. Je sais que c’est un peu frustrant parce que l’initiative fiscale est un peu la seule à disposition des parlementaires en raison de l’article 40 de la Constitution, mais, pour le bien de notre pays et pour favoriser la reprise économique, nous devons prendre appui sur la situation fiscale actuelle. De plus, pourquoi votre dispositif ne concernerait-il que le régime micro-BIC, et pas les régimes micro-BNC et micro-BA ? Je l’ignore. En tout état de cause, je souhaite sur ce point au moins maintenir la fiscalité en l’état.

La commission rejette l’amendement I-CF146.

Elle est saisie de l’amendement I-CF257 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les activités annexes d’une exploitation agricole – repas à la ferme, camping à la ferme, chambres d’hôtes à la ferme – ont un lien direct avec celle-ci. Or elles n’entrent pas dans la définition des bénéfices agricoles (BA) pour leur imposition, étant imposées au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Je propose de clarifier ce flou fiscal et comptable qui nuit à tous, aux finances de l’État comme aux exploitants agricoles. C’est un amendement très simple…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mais il me paraît partiellement satisfait. Les activités annexes sont prises en compte dans le régime BA, dans le cadre de la pluriactivité, jusqu’à un certain montant. Au-delà, cela créerait une concurrence déloyale avec ceux qui pratiquent ces activités à titre industriel et commercial : elles doivent donc être imposées dans la catégorie des BIC. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF257.

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Article additionnel après l’article 3
Abaissement de 5 à 3 du coefficient multiplicateur
dans le cadre des opérations à façon

La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF39 de M. Marc Le Fur, I-CF359 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1361 de M. Hervé Pellois, qui font l’objet d’un sous-amendement I-CF1469 du rapporteur général.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF39 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF359 concerne le régime fiscal des contrats d’intégration en agriculture. Dans le but d’assurer une neutralité fiscale entre les différentes formes d’exploitation, un coefficient multiplicateur de 5 est appliqué au chiffre d’affaires des agriculteurs sous contrat d’intégration pour obtenir une estimation de leurs recettes agricoles. Cela permet de comparer les recettes des agriculteurs, qu’ils aient ou non recours au contrat d’intégration. Si le coefficient correspondait à la réalité lorsqu’il a été créé, des différences significatives sont apparues par la suite. Je vous propose donc de faire passer ce coefficient de 5 – c’est énorme – à 3, ce qui refléterait davantage la réalité.

M. Hervé Pellois. Ce régime fiscal instauré il y a plusieurs décennies constitue un frein à la transmission des exploitations. Pour des activités comme la production de veau de boucherie, c’est très pénalisant. Les éleveurs en intégration qui, souvent, ne gagnent pas beaucoup d’argent, sont particulièrement désavantagés lors de la transmission de leurs exploitations. J’espère que mon amendement I‑CF1361 va enfin être adopté.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’émets un avis favorable sur ces amendements identiques, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement I-CF1469 de précision légistique. Il est vrai que le coefficient, mis en place en 1981, date un peu ; d’aucuns diront que nous détricotons encore 1981 mais, en l’occurrence, c’est nécessaire et cela va dans le bon sens.

M. Charles de Courson. Quelqu’un pourrait-il nous expliquer à quoi correspond ce coefficient et s’il est identique quelles que soient les filières – porc, bœuf, mouton ?

Mme Véronique Louwagie. Ce coefficient avait probablement tout son sens lors de sa création. Un exploitant en contrat d’intégration perçoit moins de recettes puisqu’il n’est rémunéré que sur la marge, laquelle constitue son chiffre d’affaires. Cet exploitant pouvait bénéficier de dispositifs d’exonération de plus-values qui n’étaient pas permises à un exploitant réalisant la même activité sans être en contrat d’intégration. Pour rétablir une équité fiscale, il avait donc été décidé d’appliquer un coefficient pour déterminer les recettes potentielles de l’exploitant s’il n’était pas en contrat intégration. Mais ce coefficient apparaît désormais excessivement élevé : les mécanismes ont changé, les prix d’élevage ont diminué, les marges ont évolué. Le coefficient de 5 n’a plus de sens.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1469.

Puis elle adopte les amendements identiques I-CF39, I-CF359 et I-CF1361 ainsi modifiés (amendement 1120).

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Après l’article 3

La commission est saisie des amendements identiques I-CF38 de M. Marc Le Fur et I-CF360 de Mme Véronique Louwagie.

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne l’application du mécanisme de blocage de la valeur des stocks à rotation lente, qui est fondamental pour les secteurs conservant leurs stocks durant une longue durée, comme ceux de l’élevage, notamment bovin, et de la viticulture. Ce dispositif ne s’applique pas aux exploitants qui ont un résultat déterminé en fonction de la moyenne triennale. Or, près de 70 % des agriculteurs ont fait ce choix pour se prémunir contre des variations d’imposition trop fortes. L’amendement a pour objet de les faire bénéficier du mécanisme des stocks à rotation lente.

Mme Véronique Louwagie. Il est essentiel de soutenir les agriculteurs, qui doivent investir des capitaux élevés. Le champ d’application du mécanisme de blocage de la valeur des stocks à rotation lente est trop réduit, puisque les exploitants qui ont opté, pour la détermination de leur résultat imposable, en faveur de la moyenne triennale en sont exclus. Ces deux dispositifs indépendants doivent pouvoir être cumulés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Louwagie, la moyenne triennale avait été proposée en remplacement du blocage de la valeur des stocks. La réforme engagée il y a deux ans, avec le rétablissement du mécanisme de blocage des stocks par la loi de finances pour 2019, n’a jamais eu pour objet de cumuler les dispositifs. Je nourris un désaccord de fond avec vous sur ce point. Par ailleurs, vous entendez modifier un mécanisme sur lequel on n’a pas assez de recul. Enfin, compte tenu de leur rédaction, vos amendements aboutiraient à un résultat inverse à l’objectif que vous visez, ce qui était déjà le cas l’année dernière. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Je ne vois pas ce qui a été modifié il y a deux ans, puisque le mécanisme de blocage de la valeur des stocks à rotation lente, comme celui de la moyenne triennale, existent depuis bien longtemps. Ce qui a évolué, récemment, c’est le fait qu’un nombre croissant d’agriculteurs ait opté pour la moyenne triennale.

Mme Marie-Christine Dalloz. On constate que 70 % des viticulteurs ont fait le choix de la moyenne triennale. Ils ne peuvent abandonner cette option pour revenir à un autre mode de calcul. L’enjeu est de leur proposer un mécanisme de sortie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On pourra en reparler en séance, mais rien n’empêche les exploitants, qui ont choisi l’une des propositions qui leur étaient faites, d’y renoncer et d’opter pour l’autre dispositif s’ils le jugent meilleur pour eux.

La commission rejette les amendements I-CF38 et I-CF360.

La commission examine les amendements identiques I-CF105 de M. Fabrice Brun et I-CF1419 de M. Philippe Huppé.

M. Fabrice Brun. Il faut souligner que les agriculteurs, qui subissent eux-mêmes les effets de la crise sanitaire, ont été en première ligne pour nous nourrir au cours des derniers mois. Cet amendement a pour objet de les aider en neutralisant, pour la détermination du résultat fiscal et du revenu professionnel 2020, les conséquences de l’utilisation de l’épargne de précaution issue de la déduction pour aléas (DPA) et de la déduction pour épargne de précaution (DEP).

Mme Lise Magnier. Nous n’avons pas parlé des agriculteurs depuis le début de l’examen du PLF, alors que nous les avons défendus tout au long du confinement. Nous proposons un dispositif simple, au coût réduit, qui leur permettrait d’utiliser les sommes qui ont fait l’objet de la déduction pour aléas et de la déduction pour épargne de précaution, sans voir leur résultat imposable augmenter.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. S’agissant des mesures fiscales en faveur des exploitants agricoles, beaucoup a été fait depuis le début de la législature. La loi de finances pour 2019 a transformé la DPA en DEP. Nous avons été nombreux à nous réjouir de cette mesure, qui était demandée par beaucoup d’agriculteurs. Dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, nous avons décidé, à l’initiative de Jean-Baptiste Moreau, que les sommes déduites au titre de l’ancienne DPA pourraient être utilisées selon les modalités de la nouvelle DEP. Je ne reviens pas, par ailleurs, sur l’ensemble des mesures de soutien qui ont été très logiquement accordées au secteur agricole.

Vous proposez d’octroyer aux exploitants agricoles et viticoles une déduction fiscale d’un montant correspondant aux sommes qui ont été réintégrées au titre des déductions passées. Il s’agirait, en d’autres termes, d’appliquer une déduction sur la déduction, ce qui n’est pas fiscalement recevable. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) devait constituer une grande avancée. Chacun constate qu’elle s’est soldée par un échec total. On a bercé les gens d’illusions. Essayons de faire en sorte que nos agriculteurs soient au moins épargnés du point de vue des charges, pour leur permettre de faire face à la concurrence.

La commission rejette les amendements I-CF105 et I-CF1419.

La commission en vient à la discussion commune des amendements identiques I‑CF106 de M. Fabrice Brun et I-CF1421 de M. Philippe Huppé, ainsi que des amendements identiques I-CF281 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF293 de Mme Marie-Christine Dalloz, I‑CF305 de M. Fabrice Brun, I-CF473 de M. Jacques Cattin, I-CF686 de M. Dino Cinieri et I‑CF1239 de M. Julien Aubert.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF106 vise à instituer un dispositif ponctuel beaucoup plus large que la DEP, afin d’aider les producteurs de vins et spiritueux à faire face aux difficultés exceptionnelles de ces derniers mois.

Mme Marie-Christine Dalloz. Du fait de la fermeture des bars et des restaurants durant le confinement, les producteurs de vins et de spiritueux n’ont pu écouler leurs stocks. Nous proposons de leur offrir la possibilité de déduire une fraction des charges de production du sur-stock, à hauteur de 40 % de l’augmentation de la valeur des stocks constatée entre l’ouverture de l’exercice et sa clôture. Pour limiter son coût, cette déduction serait limitée à 40 000 euros par exploitation. Ce dispositif, d’application beaucoup plus large que la DEP, correspond à un besoin ponctuel, en cette sortie de confinement, où peu de perspectives s’offrent en matière d’écoulement des stocks. Ne pas accompagner les producteurs maintenant revient à les laisser mourir.

M. Fabrice Brun. Pour accompagner les agriculteurs et les viticulteurs, qui n’ont pu écouler leurs stocks, nous proposons de les faire bénéficier d’une mesure exceptionnelle d’amortissement du stock supplémentaire, qui aurait pour effet de réduire l’assiette de l’impôt et des cotisations sociales. Afin d’en cantonner le coût, cette déduction serait plafonnée à 40 000 euros.

M. Dino Cinieri. Cette mesure exceptionnelle d’amortissement du stock supplémentaire aurait pour effet de réduire l’assiette de l’impôt, ainsi que celle des cotisations sociales de l’exploitant, lorsque ces dernières sont calculées sur le résultat de l’entreprise. Ce dispositif de déduction d’une fraction des charges de production du sur-stock représenterait 40 % de l’augmentation de la valeur des stocks constatée entre l’ouverture de l’exercice et sa clôture.

M. Julien Aubert. C’est un amendement important pour les viticulteurs. Lors de l’examen des lois de finances rectificatives, ces derniers avaient beaucoup œuvré pour obtenir des mesures concrètes leur permettant de faire face aux conséquences de la désorganisation de leur marché. Ils n’ont pu, en effet, écouler leurs stocks. Nous proposons de les faire bénéficier d’une déduction pour augmentation des stocks viticoles, dans la limite de 40 % de la différence positive entre la valeur constatée à la clôture de l’exercice des moûts, vins et eaux-de-vie de vins qu’ils ont en stock et celle constatée à l’ouverture de l’exercice. Afin de maîtriser le coût de la déduction, nous proposons de la limiter à 40 000 euros. Nous devrions avoir un débat à ce sujet, car c’est une attente forte de la profession. La survie d’un certain nombre d’entreprises – surtout si la Covid-19 persiste l’an prochain – peut en dépendre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons eu longuement ce débat lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020. Des dispositifs fiscaux existent, qui satisfont en grande partie votre objectif. La loi de finances pour 2019, à l’initiative de Marie-Christine Verdier-Jouclas, a rendu intégrale l’équivalence en stocks de l’épargne monétaire dans la DEP. Le dispositif de blocage des stocks à rotation lente a été rétabli, quant à lui, sur la proposition d’Hervé Pellois ; il concerne non seulement la viticulture, mais aussi, par exemple, l’élevage et le secteur fromager. Par ailleurs, vos propositions pourraient enfreindre le principe d’égalité devant l’impôt, car les stocks à rotation lente concernent divers domaines d’activité. Il faudrait viser non seulement les vignerons, mais aussi, pour ne citer que ceux-ci, les producteurs de fromage et les éleveurs. Enfin, le dispositif proposé risque de permettre de l’optimisation fiscale. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Si la valeur du stock, évaluée au prix de revient, excède le prix du marché, on peut tout simplement provisionner. La disposition proposée n’est pas nécessaire. Vous évoquez, dans les exposés des motifs, l’existence de sur-stocks ; or ceux-ci ne diffèrent pas du reste du stock : ils portent sur les mêmes produits.

M. Julien Aubert. Le problème, c’est que tout le monde ne fait pas du Romanée-Conti. Quand vous stockez un vin de cette qualité, vous pouvez le garder : dix ans après, il aura toujours la même valeur. En revanche, vous n’êtes pas certain d’écouler certaines productions d’appellation d’origine contrôlée (AOC), compte tenu des quantités produites l’année suivante et de la concurrence internationale. Plusieurs marchés étrangers ont fermé ; dans d’autres pays, nous avons perdu des parts de marché. Les producteurs de vins de milieu de gamme, disposant de petits domaines, de petites caves sont en difficulté, surtout quand le stock représente une grande partie de la production annuelle. La provision est faite pour une entreprise qui se projette dans l’avenir, qui prévoit un dommage ou un risque futur. En l’occurrence, nous visons des caves et des domaines durement frappés par la covid-19, pour qui cette aide est vitale.

M. Fabrice Brun. Trois phénomènes se conjuguent sur le marché du vin. Premièrement, la crise de la Covid-19, le confinement ont entraîné – notamment – la fermeture des salons. Deuxièmement, le Brexit a réduit les transactions. Troisièmement, les États-Unis ont institué des taxes exceptionnelles de 25 %. Nos vignerons ont perdu des marchés et ont accumulé des stocks d’un niveau exceptionnel. Je ne crois pas du tout à un effet d’aubaine. Au contraire, tous les dispositifs devraient être mobilisés pour les aider à franchir ce cap très délicat.

M. le président Éric Woerth. Il serait souhaitable que le Gouvernement se penche sur le sujet. Il s’agit de savoir si les dispositifs actuels permettent de traiter le problème ou si une mesure supplémentaire est nécessaire, compte tenu de la persistance de stocks élevés et de la répercussion fiscale de ce phénomène.

La commission rejette successivement les amendements identiques I‑CF106 et I-CF1421, ainsi que les amendements identiques I-CF281, I-CF293, I‑CF305, ICF473, I-CF686 et I‑CF1239.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF1073 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1102 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF1073 vise à assouplir le mécanisme de l’épargne de précaution adossée aux créances détenues sur une coopérative par les agriculteurs coopérateurs. Des difficultés surviennent quand ces créances ne répondent plus aux conditions requises pour la qualification d’épargne de précaution, notamment en cas de départ à la retraite, de cessation d’activité ou d’arrêt de la production. La sortie des coopérateurs peut se révéler difficile. L’objet de l’amendement est de permettre à l’exploitant de transférer le montant de ses créances sur le compte d’épargne monétaire classique dédié à la DEP, à l’instar de ce que la loi prévoit pour l’épargne constituée sur des stocks, en cas de vente de ces derniers.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur le fond, je n’ai pas de raison de m’opposer à votre proposition. Ces amendements, qui introduiraient, en quelque sorte, un « équivalent cession » de parts de coopératives pourraient compléter les propositions qu’avait faites Mme Verdier-Jouclas sur l’« équivalent stocks ». Toutefois, ils suscitent deux objections. D’abord, la sortie de la coopérative est définitive, alors que des stocks peuvent être constitués puis vendus. Ce dispositif à usage unique permettrait-il d’atteindre les objectifs poursuivis à travers l’institution d’équivalents monétaires de la DEP ? Je n’en suis pas certain. Il faut garder le caractère liquide de la notion d’équivalent. Ensuite, je ne voudrais pas que cela s’apparente à une incitation à quitter les coopératives, qui sont fragiles. Je vous demande donc de retirer vos amendements, car la mesure me paraît un peu risquée. J’ai conscience qu’elle pourrait rendre service à certains, mais elle aurait des effets non souhaités, à l’échelle collective, sur la structure coopérative, qui est un modèle auquel les Français sont attachés.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, ne pourriez-vous pas accepter la réincorporation progressive de l’épargne ? En effet, quand vous cessez d’être coopérateur, vous récupérez, en général, la totalité de l’épargne constituée, ce qui engendre une plus-value et le passage à une tranche supérieure d’imposition, ainsi qu’une hausse des cotisations sociales agricoles – puisqu’on est encore, à ce moment, exploitant agricole. Ne pourrait-on, comme on l’a fait dans d’autres domaines, effectuer un lissage des sommes concernées ?

Mme Véronique Louwagie. Je retire l’amendement pour qu’on puisse en discuter en séance.

Mme Lise Magnier. Je retire également le mien.

Les amendements I-CF1073 et I-CF1102 sont retirés.

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Article additionnel après l’article 3
Extension de la déduction pour épargne de précaution à l’aquaculture

La commission examine l’amendement I-CF1001 de Mme Annaïg Le Meur.

Mme Annaïg Le Meur. En tant que Finistérienne, je suis très attachée aux activités liées à la pêche et à l’aquaculture, comme de nombreux collègues des littoraux. Ces professions ont beaucoup souffert de la pandémie, notamment en raison de la perte d’activité liée à l’impossibilité de vendre dans les restaurants et les cantines. L’amendement vise à élargir le champ d’application de la DEP aux aquaculteurs, qui exercent une activité agricole et sont imposables dans la catégorie des bénéfices agricoles, mais qui ne relèvent pas du règlement sur les aides de minimis dans le secteur agricole.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends votre volonté d’étendre la DEP au secteur aquacole, dans la mesure où il est soumis aux bénéfices agricoles. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Je m’étonne que ces professionnels soient actuellement exclus de la DEP, alors que les pisciculteurs en bénéficient. Quelle est la différence entre un aquaculteur et un pisciculteur ?

La commission adopte l’amendement I-CF1001 (amendement 1121).

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Article additionnel après l’article 3
Extension de la déduction pour épargne de précaution aux centres équestres

La commission examine l’amendement I-CF1260 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Les centres équestres ne peuvent pas bénéficier de la DEP pour des problèmes juridiques, alors qu’ils étaient éligibles à la DPA et à la déduction pour investissement (DPI). Cet amendement vise à résoudre ce problème.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Conformément à la logique exposée précédemment, les activités agricoles imposées selon le régime des bénéfices agricoles (BA) doivent bénéficier de la DEP. C’est le cas de certains centres équestres ; avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1260 (amendement 2895).

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Après l’article 3

La commission examine les amendements identiques I-CF437 de M. Paul Christophe, I-CF1008 de Mme Annaïg Le Meur et I-CF1348 de M. Jimmy Pahun.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF437 a été coconstruit avec les représentants du projet « Pechpropre ». Il prévoit d’ouvrir le dispositif de la DEP au profit des artisans pêcheurs, qui font face à des aléas tout comme nos agriculteurs.

Mme Annaïg Le Meur. La problématique pour les artisans pêcheurs est la même que celle des aquaculteurs évoqués précédemment. J’espère donc le même vote de notre commission.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mon avis ne peut pas être identique. Il était favorable s’agissant des exploitants qui déclarent des bénéfices agricoles (BA). Mais appliquer la DEP aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC) créerait une rupture d’égalité qui n’est pas souhaitable. Avis défavorable.

M. Jimmy Pahun. Je ne comprends pas ! Cette épargne de précaution a été instaurée pour les agriculteurs il y a deux ans, pourquoi les pêcheurs n’y auraient pas droit ? Ils vont faire face à de grandes difficultés : il y a moins de poissons, et ils vont subir les conséquences du Brexit.

M. Marc Le Fur. Et les éoliennes !

M. Jimmy Pahun. Non, les éoliennes seront une chance.

Nous pouvons faire ce geste à leur égard, d’autant que les pêcheurs ne font pas de bénéfices tous les ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ne vous méprenez pas, je partage votre souci d’aider la filière pêche, mais la fiscalité doit être cohérente. Les pêcheurs qui n’étaient pas soumis à l’imposition sur les bénéfices agricoles n’utilisaient pas l’ancienne DPA.

Les amendements que nous venons d’adopter étendent le régime de la DEP à des secteurs sous le régime des bénéfices agricoles. Ceux qui déclarent des bénéfices industriels et commerciaux font l’objet d’autres dispositifs d’accompagnement et de financement, mais ils ne peuvent bénéficier des dispositifs spécifiques à la fiscalité des bénéfices agricoles.

Mme Émilie Cariou. Les mécanismes de moyenne s’appliquent aux bénéfices agricoles, parce qu’ils sont soumis à l’impôt sur le revenu. Les bénéfices industriels et commerciaux sont assujettis à l’impôt sur les sociétés, dont le taux est bas comparé à celui de l’impôt sur le revenu des années exceptionnelles. Ce sont deux régimes complètement différents.

M. Jimmy Pahun. Les pêcheurs peuvent donc opter pour l’imposition selon les bénéfices agricoles ?

M. le président Éric Woerth. Oui, ils ont ce choix, chaque régime ayant ses avantages et ses inconvénients.

La commission rejette les amendements I-CF437, I-CF1008 et I-CF1348.

La commission examine les amendements identiques I-CF35 de M. Fabrice Brun, I‑CF691 de M. Dino Cinieri et I-CF1420 de M. Philippe Huppé.

M. Fabrice Brun. La DEP ne s’applique pas aux entreprises agricoles ayant fait le choix du régime d’imposition sur les sociétés. Je propose d’étendre le bénéfice de la DEP aux sociétés exerçant une activité agricole très prépondérante, soit celles dont le chiffre d’affaires agricole représente 90 % du chiffre d’affaires global.

M. Dino Cinieri. Depuis plusieurs années, le Gouvernement incite les entreprises agricoles à choisir le régime d’imposition sur les sociétés. Interdire d’utiliser la DEP aux entreprises qui font ce choix est contradictoire avec l’incitation des pouvoirs publics. Il faut étendre le bénéficie de la DEP aux sociétés exerçant une activité agricole très prépondérante.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La DEP s’applique à l’impôt sur le revenu. Ceux qui ont choisi de payer l’impôt sur les sociétés bénéficient d’avantages et d’inconvénients différents.

Il est possible de choisir son régime fiscal dans certains cas, il est normal que chacun ait ses spécificités.

La commission rejette les amendements I-CF35, I‑CF691 et I-CF1420.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF37 de M. Marc Le Fur et I-CF361 de Mme Véronique Louwagie.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF36 de M. Marc Le Fur et I-CF362 de Mme Véronique Louwagie.

Elle en vient à l’amendement I-CF773 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Dans le régime des sociétés mère-fille, je propose de plafonner les crédits d’impôts sur les dividendes qui proviennent des pays à basse fiscalité, pour ne pas accorder de déductions d’impôts d’un montant supérieur à l’impôt payé dans les pays d’établissement des filiales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous en avons déjà débattu lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Nous ne sommes pas d’accord sur le risque juridique encouru. Surtout, le risque économique est encore plus préoccupant. Pourquoi pénaliser des entreprises qui ont des filiales au Maghreb ou au Royaume-Uni en période de crise ? En cette période, il n’est vraiment pas opportun d’augmenter la fiscalité des entreprises. Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Les dividendes dont il est question ne viennent pas du Maghreb, mais plutôt de Hong Kong ou Singapour. La monnaie n’est pas la même…

Il s’agit du principal dispositif d’optimisation fiscale qui reste aux multinationales. Si nous ne nous mettons pas fin aux déductions fiscales supérieures aux impôts payés dans les pays d’établissement, nous devons accélérer au sujet de l’imposition minimale. Où en sont les travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur ce point ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous poserons ensemble cette question au ministre de l’économie, qui pourra nous en dire plus. Je sais que Pascal Saint-Amans – directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE – souhaite que ces travaux avancent, et je suis d’accord avec lui.

M. le président Éric Woerth. Je crains que l’OCDE ne soit bloquée sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement I-CF773.

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Article additionnel après l’article 3
Extension de l’imputation des pertes constatées en cas d’annulation de titres aux hypothèses de réduction totale du capital dans le cadre des procédures prévues par le code de commerce

La commission examine l’amendement I-CF1447 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement tire les conséquences d’une décision du Conseil d’État qui met notre droit en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme.

M. Charles de Courson. Le Conseil d’État a considéré que la distinction entre les annulations de titres volontaires et celles intervenues à la suite d’une liquidation constituait une rupture d’égalité. Quel était le fondement de cette distinction ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne connais pas le fondement de la distinction, mais le constat de cette discrimination a amené le Conseil d’État à prendre cette décision en 2019.

M. Charles de Courson. De mémoire, cette distinction tendait à éviter des manipulations. Une réduction de capital peut être décidée suite à des pertes, ce qui permet aux détenteurs d’actions de passer des provisions avant que leur valeur ne remonte.

M. Jean-Paul Mattei. Il fallait effectivement que l’entreprise soit en liquidation. Il faut bien réfléchir aux conséquences de cet amendement. Au regard du contexte, nous pouvons comprendre sa nécessité, mais d’autres amendements précédents auraient mérité un examen plus approfondi, notamment s’agissant des stocks de vin.

La commission adopte l’amendement I-CF1447 (amendement 1122).

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Après l’article 3

La commission examine l’amendement I-CF1210 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Les plus-values peuvent avoir des effets redoutables sur une activité agricole, surtout pour l’exploitant qui arrête son activité.

Depuis très longtemps, seules les exploitations dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 000 euros sont imposées sur les plus-values. Ce montant était cohérent alors que le chiffre d’affaires de nombreuses exploitations était alors inférieur. Mais l’immense majorité des exploitations professionnelles ont maintenant un chiffre d’affaires supérieur, et ce dispositif ne profite plus à un grand nombre de personnes. Je propose donc de remonter le seuil de 250 000 à 500 000 euros – ce montant peut être discuté.

Prenons l’exemple de deux exploitants, mari et femme, travaillant en intégration, dont le chiffre d’affaires calculé à partir du revenu supposé est évalué à 300 000 euros. Leurs revenus sont de l’ordre de 2 000 euros mensuels par personne. Eh bien, ils devront payer la plus-value, lorsqu’ils partiront à la retraite. Or les montants peuvent être importants car la plus-value est la différence entre la valeur de vente et la valeur comptable, et les bâtiments ont souvent une valeur comptable négligeable puisqu’ils ont été amortis. Les bâtiments peuvent toutefois être vendus s’ils intéressent un voisin, et donc entraîner une plus-value qui sera systématiquement imposée.

Il faut augmenter ce seuil, qui n’est plus cohérent aujourd’hui.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement créerait des écarts beaucoup trop importants entre le BIC-vente et les bénéfices agricoles, d’une part, et entre le BIC-prestations de services et les bénéfices non commerciaux (BNC), d’autre part.

Par ailleurs, je rappelle que plafond majoré pour les BIC-vente et les BA est de 350 000 euros. Votre dispositif s’appliquerait donc aux recettes supérieures à 500 000 euros et inférieures à 350 000 euros, ce qui est impossible.

M. Marc Le Fur. Il existe une spécificité dans le secteur agricole, des chiffres d’affaires importants peuvent n’être qu’apparents, parce que le revenu dégagé est faible. C’est moins le cas dans les autres régimes fiscaux que vous évoquez.

La commission rejette l’amendement I-CF1210.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF363 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que des amendements identiques I-CF1074 de Mme Véronique Louwagie, I-CF1106 de Mme Lise Magnier et I-CF1299 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Les exploitants agricoles peuvent rattacher les revenus des activités industrielles et commerciales à leur régime agricole sans tenir de comptabilité séparée. Mais pour bénéficier de dispositifs fiscaux tels que la DPI, la DPA, ou l’abattement jeunes agriculteurs, ils doivent produire des éléments qui requièrent la tenue d’une comptabilité spécifique pour les activités connexes ou accessoires.

Conscient de cette difficulté, le Gouvernement a entendu simplifier la détermination du résultat issu exclusivement d’activités agricoles en ne retranchant du résultat global que les produits et charges directement rattachables aux activités accessoires, mais il reste indispensable de tenir une comptabilité propre.

Pour éviter aux exploitants agricoles de tenir deux comptabilités, l’amendement I‑CF363 prévoit d’appliquer une règle de trois pour les activités accessoires et les activités agricoles. Ce serait une vraie simplification.

L’amendement I-CF1074 est d’une tout autre nature. Nous souhaitons appliquer les régimes de fusion d’entreprises prévus pour les entreprises industrielles et commerciales – dans le régime fiscal des BIC – aux exploitants agricoles. La neutralité fiscale s’appliquerait au régime des fusions, en prenant en compte tous les dispositifs particuliers de la fiscalité agricole : DEP, DPA, DPI et étalement des revenus exceptionnels.

Nous devons accompagner l’évolution du monde agricole, marquée par des regroupements de sociétés et des fusions, et faciliter le passage vers ce type de structures.

M. Charles de Courson. L’agriculture est une activité civile, ce qui pose de nombreux problèmes. La fiscalité agricole pénalise les regroupements, alors qu’en matière commerciale, nous n’avons cessé de favoriser les réorganisations en supprimant les freins fiscaux aux regroupements des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée.

Si, autrefois, les exploitations agricoles étaient toutes des entreprises individuelles, ce n’est plus du tout le cas. Dans mon département, en agriculture comme en viticulture, 80 % sont constituées en sociétés. Mais regrouper des exploitations, ou fusionner avec celle d’un agriculteur ou d’un viticulteur qui part à la retraite sans successeur, se heurte à de nombreux obstacles. Mon amendement I-CF1299 a pour objet de lever les freins fiscaux aux regroupements des sociétés agricoles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La fiscalité agricole a des avantages propres. Je comprends que l’on souhaite y adjoindre ceux des autres régimes, mais prenons garde à ne pas créer de doubles avantages ou des distinctions avec d’autres secteurs d’activité.

Ces amendements font référence à « la société bénéficiaire de la fusion », alors qu’une fusion aboutit à la création d’une société nouvelle. Je ne comprends pas cette notion : quel serait le statut de cette société, resterait-elle soumise à l’impôt sur le revenu ?

De plus, pourquoi n’appliquer cette solution qu’aux sociétés agricoles, et non à toutes les sociétés de personnes relevant de l’article 8 du code général des impôts, conformément au principe d’égalité devant l’impôt ? La solution proposée va créer de nouvelles distorsions et entretenir le caractère atypique de la fiscalité agricole.

En raison des spécificités de la fiscalité agricole, soit nous risquons de créer des distorsions, soit nous allons créer des doubles avantages au bénéfice des sociétés agricoles. Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Deux régimes d’imposition existent.

Sous le régime de l’impôt sur le revenu, une série de mécanismes permettent d’exonérer certaines plus-values ou de réaliser des transmissions en exonération d’impôt. Les plus-values sont alors en report, elles seront imposées plus tard.

Sous le régime de l’impôt sur les sociétés, les plus-values sont en sursis. Si l’entreprise est cédée, la valeur d’origine sera reprise dans la première société pour calculer la plus-value.

Il n’est pas possible de mélanger les deux régimes.

Il existe toutefois un vrai problème d’enchaînement des opérations de restructuration des entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, qui ne concerne pas uniquement les entreprises agricoles. Il faudrait réécrire toute une partie du code pour permettre de réaliser ces opérations en sursis d’imposition, et abandonner le mécanisme de report. Cela impose une vraie réforme des plus-values issues des entreprises soumises à l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Paul Mattei. Le report fige la plus-value, donc le montant de sa taxation. Si le bien perd ensuite de sa valeur, la plus-value ne peut plus être revue. La situation est différente en cas de sursis de plus-value.

Ce régime doit faire l’objet d’une révision complète. Le régime de sursis est satisfaisant, car la plus-value est calculée en fonction de la valeur du bien au moment de sa cession, mais le report pose des problèmes en cas d’évolution. Les amendements qui suivent visent d’ailleurs à éviter certains écueils pour la mise en société d’entreprises individuelles.

Mme Véronique Louwagie. Le rapporteur général s’interroge sur la signification de l’expression « la société bénéficiaire de la fusion », il s’agit en fait de la société absorbante, mais peut-être faut-il revoir la formulation.

Voulons-nous aider les exploitants agricoles à évoluer vers un type de structure différent ? Si nous voulons accompagner la transmission des exploitations agricoles, il faut prendre en compte leurs particularités fiscales, qui ne sont pas forcément des avantages, car le monde agricole connaît des aléas qui n’existent pas dans d’autres domaines d’activité. Aujourd’hui, nous n’avons pas les outils permettant d’aider les exploitants agricoles à fusionner et se rassembler dans des structures plus grandes, avec plus d’exploitants agricoles.

M. Charles de Courson. Toute l’évolution de la fiscalité agricole depuis quarante ou cinquante ans l’éloigne du système civil pour la rapprocher du système commercial. On s’est inspiré du régime des sociétés commerciales pour le transposer aux activités agricoles, car personne n’a voulu poser la question de fond : faut-il supprimer le caractère civil de l’agriculture ? Faute de trancher cette question, les mesures se succèdent pour rapprocher les activités agricoles des activités commerciales.

Notre amendement ne concerne pas les entreprises individuelles, mais les sociétés, qui prolifèrent dans l’agriculture dans un but d’optimisation sociale, fiscale, ou de transmission. Adopter ces amendements obligerait le Gouvernement à nous faire connaître sa position.

La commission rejette successivement l’amendements I-CF363, ainsi que les amendements identiques I-CF1074, I-CF1106 et I-CF1299.

Elle examine l’amendement I-CF1340 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement permet la transformation des entreprises individuelles en sociétés. On parle beaucoup du plan de relance, de prêts participatifs, de consolidation des fonds propres, mais il faut que les entrepreneurs individuels puissent ouvrir leur capital, et donc se constituer en société.

Je propose une exonération de plus-value lors d’un apport à une société, inspirée du mécanisme de l’article 238 quindecies du code général des impôts, qui prévoit une exonération de plus-value en fonction de la valeur de l’entreprise transmise.

Il faut faciliter le passage de l’entreprise individuelle à l’entreprise en société sans frottement fiscal, pour favoriser l’ouverture du capital et les évolutions.

Cet amendement s’applique aussi au statut des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, qui ne fonctionne pas en raison des frottements fiscaux avec le statut d’entreprise individuelle. Ce régime est un frein à l’évolution de ces structures, il est nécessaire de le dépoussiérer pour limiter le risque encouru par l’entrepreneur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. A-t-on idée du coût que cela pourrait représenter ? Une telle mesure n’est pas neutre.

M. Charles de Courson. Cela ne coûtera pas mais rapportera en raison de la rationalisation induite et de la facilitation de la création de richesse par regroupements.

De plus, le report d’imposition est effectif pour les petites plus-values jusqu’à 300 000 euros : lors d’une revente, l’entreprise paiera.

Mme Véronique Louwagie. Je pense également que cela ne coûtera rien. De toute façon, si un tel dispositif n’est pas institué, les entreprises ne se transformeront pas et aucune recette ne sera générée.

Une telle incitation permettrait en effet aux entreprises de se rationaliser, de mieux aborder l’avenir, de mieux se transformer et évoluer.

Mme Émilie Cariou. Le coût serait réel puisqu’il s’agirait d’une exonération et non d’un sursis. Sans doute un toilettage des textes est-il nécessaire afin d’instaurer des sursis pour les opérations de restructuration, y compris pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, mais je ne suis pas d’accord pour créer de nouvelles niches.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il ne faut pas laisser penser que ces apports ne sont pas amortissables puisqu’il y a un étalement dans le temps.

Je suis cependant d’accord avec vous : il convient non pas d’empêcher, mais bien plutôt de promouvoir ces transformations en sociétés. Ceux qui prennent une telle décision le font parce que leur entreprise est en croissance. L’étalement de l’imposition n’est dès lors pas confiscatoire. De plus, est-ce vraiment un frein à ces transformations ?

Non seulement l’avantage fiscal que vous proposez aurait un coût mais je ne suis pas certain qu’il contribuerait à accélérer ces transformations.

M. Jean-Paul Mattei. J’entends l’argument du sursis.

J’ai proposé une exonération pure et simple parce qu’elle vise les petites entreprises qui démarrent, qui existent depuis un an et qui décident de se transformer en société. Une telle mesure faciliterait considérablement leur développement et leur permettrait d’accroître leur capital tout en trouvant des partenaires, ce qui n’est pas possible dans une entreprise individuelle.

Je peux retravailler cet amendement pour la séance publique en proposant non une exonération mais un sursis, mais, j’insiste : le report d’imposition « colle » une valeur de l’entreprise et en cas de moins-value, celle-ci est pénalisée. C’est toute la difficulté posée par l’article 151 octies du code général des impôts.

L’amendement I-CF1340 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF107 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Après le vin, le fromage !

Cet amendement vise à venir en aide aux producteurs de spécialités laitières AOP-IGP confrontés à un arrêt brutal des circuits de commercialisation et de consommation de leurs fromages pendant le confinement. Tel est notamment le cas, en Ardèche et dans la Drôme, de l’AOP Picodon.

Nous proposons donc de créer un dispositif temporaire de défiscalisation des dons de fromages pour l’exercice du premier semestre 2020. Nous soutiendrons ainsi la générosité des producteurs de fromages de chèvre, de vache, de brebis qui, plutôt que de jeter leurs productions, ont préféré les donner, à hauteur de 1 000 tonnes. Une telle solidarité doit être soulignée, encouragée et valorisée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà évoqué cette question lors du PLFR 3. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF107.

Elle examine successivement les amendements I-CF1343 et I-CF1344 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Tout changement d'objet ou d'activité d’une entreprise entraîne cessation d'activité avant sa recréation. Ces amendements visent à créer une neutralité fiscale lorsqu’elle y est contrainte, qu’elle soit soumise à l’IR ou à l’IS.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez une dérogation à l’imposition immédiate, mais quand celle-ci interviendra-t-elle ?

M. Jean-Paul Mattei. Une entreprise soumise à l’IS sera de toute façon taxée, par exemple à travers la distribution de ses produits. Elle se réoriente faute de marché mais elle continue à utiliser sa trésorerie ou ses services administratifs. Elle doit pouvoir bénéficier, dans ce cas-là, d’une neutralité fiscale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous propose de travailler sur ces amendements et de les présenter à nouveau en séance publique.

Les amendements I-CF1343 et I-CF1344 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, l’amendements I-CF387 de M. Michel Castellani et les amendements I-CF 513 et I-CF514 de M. Paul-André Colombani.

M. François Pupponi. Il doit être possible d’investir dans l’hydro-électricité, voire, la petite hydro-électricité, dans les zones non interconnectées.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce dispositif, qui ne cible que la Corse et exclut les Outre-mer, présente des risques juridiques.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020, notamment, contient un certain nombre d’avancées fiscales pour la Corse, comme la prorogation du crédit d’impôt pour investissements en Corse (CIIC). Êtes-vous disposé à échanger avec le Gouvernement, comme nous l’avions fait lors des PLFR, pour que nous n’en discutions pas trop longtemps en commission, où je serai contraint de donner des avis défavorables à un certain nombre de prorogations ou d’extensions de crédits d’impôts concernant la Corse ?

Pour la Corse comme pour les Outre-mer ou toute autre zone économique spécifique, nous avons besoin d’une vue d’ensemble. Faisons un point avec le Gouvernement, en séance publique, sur les avancées du plan de relance et pour la suite.

M. François Pupponi. Je suis en effet d’accord pour que nous puissions aller plus vite.

Nous attendons la position du Gouvernement qui, depuis le mois de juin, annonce un plan spécifique pour la Corse. Il serait temps qu’il arrive un jour !

La commission rejette successivement les amendements I-CF387, I-CF513 et I-CF514.

Elle examine les amendements identiques I-CF588 de M. François Pupponi, I-CF830 de M. Stéphane Peu et I-CF1217 de M. Aurélien Taché.

M. François Pupponi. Il convient d’étendre le champ du régime des plus‑values de cessions de locaux professionnels transformés en logements.

De nombreuses mesures permettraient de favoriser la relance dans ce secteur, comme nous le proposons avec Sylvia Pinel, or, c’est selon nous une erreur économique de proposer un plan de relance qui n’en contient aucune en faveur du logement neuf. Le nombre de constructions va s’effondrer, le chômage va exploser et les Français auront du mal à se loger.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je pense, monsieur Pupponi, que la ministre déléguée chargée du logement portera une attention particulière au secteur de la construction.

La rénovation thermique des bâtiments ou la lutte contre les passoires thermiques sont très importantes mais, vous avez raison, il ne faut pas oublier le neuf et le plan de relance doit lui accorder la place qu’il mérite.

Votre amendement I-CF588 me paraît très largement satisfait. En effet, les organismes sans but lucratif sont hors du champ de l'IS et de la contribution foncière des entreprises (CFE) ; les organismes d’habitation à loyer modéré (OHLM) sont quant à eux exonérés d'IS pour leurs opérations d'intérêt général, et exonérés de CFE.

Demande de retrait.

La commission rejette les amendements identiques I-CF588, I-CF830 et ICF1217.

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Article additionnel après l’article 3
Relèvement de 60 % à 70 % de la part de la plus-value de fusion devant obligatoirement être distribuée par les sociétés immobilières d’investissement cotées (SIIC)

La commission examine l’amendement I-CF973 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Cet amendement propose une coordination avec une disposition que nous avons adoptée dans le PLF pour 2019 qui visait à relever de 60 % à 70 % le taux de distribution imposé aux sociétés d’investissement immobilier cotées, les SIIC, afin qu’elles bénéficient d’une exonération d’impôt sur les sociétés. Cela s’appliquait aux cessions d’immeubles et de participations dans des sociétés de personnes. Il s’agit ici d’étendre cette obligation de distribuer à la plus-value d’annulation de titres constatée en cas d’opérations de restructuration.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La loi de finances initiale pour 2019 avait en effet porté de 60 % à 70 % le taux de distribution obligatoire aux actionnaires des bénéfices tirés de plus-values de cession d'immeubles. Avis favorable à cette mise en cohérence pour les plus-values de fusions.

La commission adopte l’amendement I-CF973 (amendement 1123).

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Après l’article 3

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1012 de M. Éric Coquerel et I-CF1289 de M. Fabien Roussel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement, très largement inspiré de travaux réalisés par l’association Attac, vise à taxer les multinationales à hauteur de leur bénéfice réellement réalisé en France.

Une taxation unitaire permettrait en particulier de s’attaquer à la sous‑déclaration des entreprises multinationales en France par le transfert artificiel des bénéfices dans les paradis fiscaux.

Chacun conviendra que l’évasion fiscale, estimée entre 80 et 118 milliards d’euros par an, reste une plaie pour les recettes publiques, surtout à une période où l’État a besoin d’argent pour la solidarité nationale.

Une telle mesure serait efficace à l’encontre de ces multinationales voyous.

M. Jean-Paul Dufrègne. Ces grands groupes déplacent leurs bénéfices via leurs filiales dans des pays à très faible imposition sur les sociétés et déclarent de très faibles bénéfices dans les pays à imposition normale.

Cet amendement, issu d’une proposition de mon collègue Fabien Roussel travaillée avec l’économiste Gabriel Zucman, vise à déterminer la part du bénéfice taxable d’une entreprise en France par la part du chiffre d’affaires qu’elle réalise dans notre pays. De cette manière, les déplacements fictifs de bénéfices seront inefficaces.

Cette mesure de bon sens permettra de garantir que les grandes entreprises paient leur juste part d’impôt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous partageons tous cet objectif mais, malheureusement, ce que vous proposez ne peut pas fonctionner en raison de conventions fiscales bilatérales ou multilatérales.

Demande de retrait, sinon, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1012 et ICF1289.

Elle examine les amendements identiques I-CF28 de M. Fabrice Brun et ICF243 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF28 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement I-CF243 a le mérite d’essayer de trouver une solution concrète pour les entreprises qui connaîtront des imputations pour les déficits au titre des deux premiers exercices ouverts à compter du 30 septembre 2019, ce qui est le cas pour celles qui ont clôturé au 30 septembre 2020 ou qui le feront au 30 septembre 2021.

La règle de plafonnement du déficit reportable emportera forcément des conséquences pour elles dès qu’elles retrouveront un peu d’activités. Cet amendement propose donc de supprimer la limite d’imputation.

De plus, aucune optimisation n’est possible par une création plus récente.

Enfin, cet amendement très ciblé ne me paraît pas excessivement coûteux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je pense au contraire qu’il le serait.

Le carry forward, à la différence du carry back, peut-être étalé sine die dans le temps, ce qui fait d’ailleurs tout son intérêt. Je ne crois pas utile de percer ce plafond. Il est aussi possible de considérer que si une entreprise fait des bénéfices, c’est qu’elle se porte mieux. Votre proposition ne me paraît pas opportune en cette sortie de crise.

La commission rejette les amendements identiques I-CF28 et I-CF243.

Elle examine l’amendement I-CF1284 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement fait partie d’une série déposée par les parlementaires communistes visant à rétablir une progressivité de l’impôt, notamment pour les entreprises. Il propose de créer la notion d’établissement stable pour les entreprises ayant une présence numérique significative en France, de sorte qu’elles s’acquittent de l’impôt français sur les sociétés au même titre que les entreprises qui y sont physiquement implantées.

Il est injuste que les multinationales du numérique contribuent au bien public dans une proportion moindre que les autres en raison de la centralisation propre à leur nature de « plateformes » et de leurs stratagèmes d’évasion fiscale.

La Commission européenne estime pour l’heure que les GAFA paient moitié moins d’impôts que les entreprises traditionnelles, avec une perte estimée de 5,4 milliards d’euros de revenus fiscaux entre 2013 et 2015.

Renvoyée aux calendes grecques après l’échec des négociations internationales et d’hypothétiques négociations européennes, cette mesure doit être prise dès à présent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour le coup, je partage complètement votre propos et je suis favorable à la création de la notion d’établissement stable virtuel, mais je maintiens qu’elle ne présente aucun intérêt si la France est la seule à le faire en raison des conventions fiscales. Il est impératif que la création d’un tel dispositif s’inscrive, a minima, dans le cadre de discussions européennes, voire multilatérales.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1284.

Elle examine les amendements identiques I-CF538 de Mme Sylvia Pinel et I-CF664 de Mme Véronique Louwagie.

M. François Pupponi. Une entreprise qui cède certains locaux ou terrains est passible d’un IS à taux réduit de 19 %, or, les friches industrielles, commerciales et administratives en sont exclues. Nous proposons donc que les locaux industriels, de bureaux ou de commerce en bénéficient.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF664 est défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements pourraient s'appliquer à des cessions déjà réalisées en 2020 et créeraient un effet d’aubaine. Mais j’y serai de toute façon défavorable s’ils étaient présentés en deuxième partie car une telle extension du taux réduit d’imposition des plus-values de cessions des locaux professionnels me paraît excessive.

Tel qu’il est, le dispositif fonctionne plutôt bien et doit être poursuivi.

J’ajoute que le coût de cette extension, qui ne figure pas dans vos amendements, serait sans doute assez élevé.

Enfin, je rappellerai lors de la discussion de la deuxième partie du budget l’ensemble des mesures du plan de relance en faveur du logement.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF538 et I-CF664.

La commission examine les amendements identiques I-CF411 de Mme Lise Magnier, I-CF547 de M. François Pupponi et I-CF665 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Lise Magnier. Il convient d’ouvrir le bénéfice du taux réduit d’IS à la zone B1 alors qu’il ne s’applique aujourd’hui qu’aux zones les plus tendues, A bis et A, bien que certaines métropoles connaissent une véritable tension sur le marché du logement.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF547 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. De même que le I-CF665.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Tout l’intérêt de ces dispositifs repose sur leur ciblage sur les zones tendues. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF411, I-CF547 et ICF665.

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Article additionnel après l’article 3
Prorogation du délai de réalisation des logements dans le cadre du régime d’imposition à taux réduit applicable à la cession d’immeubles

Elle examine les amendements identiques I-CF412 de Mme Lise Magnier, I-CF548 de M. François Pupponi et I-CF666 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Lise Magnier. Le taux réduit d’IS à 19 % s’applique à condition que la réalisation des logements intervienne dans un délai de quatre ans suivant l’acquisition du bien, ce qui est parfois insuffisant. Nous proposons que les constructeurs puissent demander une prorogation de ce délai.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF548 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. J’ajoute qu’une telle demande est d’autant plus fondée que 2020 a été une année très difficile et que les constructeurs n’ont pas forcément anticipé ces difficultés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il me semble que c’est M. Pupponi qui, en 2017, avait fait passer le délai de trois à quatre ans.

Avis de sagesse, une telle mesure étant à mon sens moins problématique que l’extension des zones et des types de locaux concernés, même si le délai de quatre ans me semble suffisant.

Il est vrai, par ailleurs, que nous avons connu une année particulièrement difficile et qu’un décalage d’un an pourrait être de bon aloi dès lors que les autres critères ne changent pas, même si je ne suis pas persuadé qu’il s’impose.

M. Alexandre Holroyd. Compte tenu de l’année particulière que nous vivons, le groupe La République en Marche votera en faveur de ces amendements.

La commission adopte les amendements identiques I-CF412, I-CF548 et ICF666 (amendement 1124).

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Après l’article 3

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1291 de M. Fabien Roussel et I-CF1292 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement CF1291 propose de rétablir le taux normal de l’impôt sur les sociétés à 33,33 %, comme il l’était en 2017.

La réforme fiscale de l’impôt sur les sociétés engagée en 2017 a permis de réduire progressivement le taux normal d’IS, qui doit atteindre selon la trajectoire prévue 25 % en 2022.

Outre le fait que cette baisse affecte fortement les finances publiques – près de 11 milliards d’euros par an à terme – elle tend à réduire encore l’imposition des plus grandes entreprises au détriment des plus petites.

Par ailleurs, la progressivité doit irriguer l’ensemble de notre système fiscal. Il s’agit en effet d’un élément fondamental pour garantir le consentement à l’impôt dans notre pays : plus un impôt est progressif, plus il est juste, mieux il est consenti. C’est dans cet esprit que s’inscrit l’amendement CF1292.

Au même titre que pour l’imposition des ménages, la progressivité de l’impôt sur les sociétés s’est détériorée, les différentes réformes fiscales de ce Gouvernement y ayant largement contribué. Une étude de l’Institut des politiques publiques de 2019 montrait ainsi que le taux d’imposition des grandes entreprises était en moyenne de six points inférieur à celui des TPE et PME.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis opposé à toute révision de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, essentielle pour répondre à la crise que nous traversons. Nous maintiendrons la trajectoire de baisse du taux jusqu’à 25 % à compter de 2022. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1291 et ICF1292.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF1283 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF778 de Mme Émilie Cariou.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement vise à supprimer la niche Copé, un dispositif fiscal qui permet aux entreprises d’exonérer à hauteur de 88 % leurs plus-values provenant de la cession d’actifs de l’impôt sur les sociétés.

Alors que le taux normal d’impôt sur les sociétés ne cesse de baisser, il faut également prendre en compte l’assiette de cet impôt, aujourd’hui réduit par de nombreuses niches. La niche Copé diminue d’environ 5 milliards d’euros les recettes de l’impôt sur les sociétés en réduisant l’assiette. D’un point de vue économique, il n’y a aucune raison pour que des cessions de titres, qui ont pu rapporter plusieurs millions d’euros de plus-value à certaines entreprises, sortent de l’impôt sur les sociétés.

Mme Émilie Cariou. Contrairement à l’amendement de notre collègue Jean-Paul Dufrègne, le très raisonnable amendement I-CF778 propose, non pas de supprimer, mais de raboter la niche Copé, c’est-à-dire l’exonération de plus-values tirées de cessions de titres de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS).

Aujourd’hui, seule une quote-part de 12 % de la plus-value est réintégrée dans le résultat fiscal imposable au taux de l’IS : je propose de la porter à 20 % pour la fraction supérieure à un million d’euros. Il s’agit alors de cas d’enrichissement dans lesquels l’imposition reste très minime – 20 % multipliés par un taux d’IS en baisse – dans une période où l’on recherche une plus grande solidarité et une plus grande justice fiscale.

Nous avions d’ailleurs raboté un peu la niche Copé au moment du financement des mesures dites gilets jaunes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous en avons déjà débattu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 et des projets de loi de finances rectificatives pour 2020.

Je veux insister sur un point de désaccord. L’exposé sommaire de l’amendement de M. Dufrègne souligne que la proposition doit être mise en perspective avec la baisse de l’IS, ce qui me semble particulièrement baroque : pourquoi cette baisse devrait-elle s’accompagner de la hausse d’une autre imposition ? Vous ne poussez pas quelqu’un dans le dos pour qu’il avance plus vite en lui faisant des tacles en même temps ! Améliorerait-on la compétitivité de nos PME et de nos grosses ETI, qui seraient aussi concernées par vos amendements ? Non, on les priverait précisément d’un gain de compétitivité.

Rappelons enfin, la compétitivité étant toujours relative, que notre quote-part d’imposition du montant brut des plus-values de cession s’élève à 12 % quand elle se situe entre 0 % et 5 % dans d’autres pays européens. Il ne s’agit donc pas d’une bonne mesure en général, ni d’une bonne réponse à la crise.

M. Jean-Paul Mattei. Je suis plus partagé : en effet, une baisse de l’IS entraîne mathématiquement une baisse de la taxation de la cession de participations. En outre, dans ces cas, les personnes concernées se retirent souvent des affaires en cédant des filiales dans des conditions fiscales sur lesquelles l’on peut s’interroger.

Le système fait qu’en cas de réinvestissement dans l’entreprise, il n’y a pas de souci. Monsieur le rapporteur général, vous avez écarté des amendements portant sur une fiscalité de faveur, à hauteur de 19 %, sur la cession d’éléments d’actif qui, si elle intervient en direct, est imposée à des taux élevés, alors que le mécanisme de la quote-part permet d’appliquer le taux de l’IS à une assiette réduite. Une véritable réflexion doit donc être menée en la matière.

Mme Émilie Cariou. Je comprends votre position, monsieur le rapporteur général, mais nous évoquons une fiscalité extrêmement basse : une quote-part de 12 % taxable à 28 %. La baisse de l’IS va donc accentuer les effets de la niche Copé puisque les plus-values en question ne seront plus taxées à hauteur de 4 % mais de 3,36 %.

Or je ne pense pas que lorsque l’on a souhaité baisser l’IS sur les résultats de droit commun on ait poursuivi un tel objectif. En tout cas, pour ma part, je ne l’avais pas du tout entendu de cette manière.

Nous en débattrons avec le ministre, qui partage de toute façon votre position. Je considère que c’est un problème de justice fiscale : si l’on ne soumet pas les plus-values à l’IS, on taxera en effet la consommation. Or ce n’est pas la bonne option.

M. le président M. Éric Woerth. Je ne suis pas sûr que les amendements provoquent une augmentation des recettes fiscales.

M. Charles de Courson. Un peu de pragmatisme, mes chers collègues, sur ce sujet dont nous débattons depuis des années. Que se passera-t-il si nous retaxons les plus-values ? Elles seront réalisées aux Pays-Bas ou en Belgique. Battez-vous plutôt pour une taxation au niveau communautaire.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1283 et ICF778.

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Article additionnel après l’article 3
Relèvement de 7,63 à 10 millions d’euros du plafond de chiffre d’affaires rendant éligible au taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15 %

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF1448 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Voici une mesure qui améliorera encore la compétitivité de nos entreprises. Nous nous sommes demandé ce matin si les petites entreprises françaises entraient bien dans le champ des mesures de relance. La réponse est oui, grâce à la baisse de la fiscalité et des impôts de production. Mon amendement va plus loin en augmentant le nombre de celles éligibles au taux réduit d’IS de 15 %, en portant le plafond du chiffre d’affaires de 7,63 millions d’euros à 10 millions d’euros. Nous leur donnerons ainsi un coup de pouce fiscal.

Mme Émilie Cariou. Les TPE ne payent pas d’impôts de production, et les PME très peu. En outre, dans la moitié des cas, leur chèque de réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne s’élèvera qu’à 125 euros, ce qui correspond à la moitié de la cotisation minimale.

Le plan de relance aide-t-il les PME, et, surtout, les TPE ? Non ! Les grandes entreprises vont bénéficier de baisses de charges et les petites d’un taux réduit d’IS, mais, du fait de la crise, elles ne vont pas dégager de résultats. Les deux mesures n’ont rien à voir ! Je le répète : il n’y a pas suffisamment de mesures en faveur des PME dans le plan de relance. Ce n’est pas de votre fait, monsieur le rapporteur, c’est de celui du Gouvernement. Il manque un échelon PME et surtout TPE dans ce plan.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, il s’agit d’un bon petit amendement à trente-cinq millions d’euros ! Depuis quand, d’ailleurs, ce plafond n’avait-il pas été relevé ? C’est une sorte d’actualisation.

Le vrai problème réside dans le taux : lorsqu’on a abaissé – j’y étais favorable – le taux de l’IS, il aurait fallu abaisser aussi le taux réduit autour de 10 %. Peut-être vais-je déposer un amendement en ce sens pour la séance. Combien coûterait une telle mesure que nous pourrions mettre en œuvre de façon progressive ?

M. Daniel Labaronne. Je ne peux pas laisser dire que le plan de relance ne s’adresse pas aux PME ni aux TPE ! Celui-ci prévoit en effet à leur bénéfice des prêts participatifs de long terme, un plan de soutien à l’exportation, un mécanisme de compensation des pertes d’exploitation, à hauteur de 100 millions d’euros, une aide à la rénovation énergétique des bâtiments, à hauteur de 200 millions d’euros, un fonds de soutien en matière de projets de tourisme durable, une aide à la transition écologique, des autodiagnostics et des prêts écologiques ainsi, enfin, qu’un dispositif de soutien financier pour le recrutement d’apprentis.

Dire qu’il ne s’adresse pas à cette catégorie d’entreprises signifie donc soit qu’on n’a pas bien lu ce plan, soit que l’on veut délibérément ignorer tous ces dispositifs.

M. le président M. Éric Woerth. C’est presque trop : elles vont s’y perdre.

M. Jean-Paul Mattei. L’avantage que représente l’amendement sera très modeste. Il aurait été plus intéressant de relever le seuil d’application du taux réduit en le portant, par exemple jusqu’à 50 000 ou 100 000 euros de bénéfice, car il concerne plutôt des entreprises de petite taille.

Mme Lise Magnier. Le groupe Agir ensemble salue l’amendement de notre rapporteur général. Mais il reste peut-être effectivement une marche supplémentaire à gravir.

En revanche, je ne suis pas du tout d’accord avec Émilie Cariou. Certes, nos entreprises vont avoir du mal à dégager des bénéfices en 2021 et vraisemblablement en 2022, mais le dispositif proposé est pérenne. Cet amendement est un bon message à destination de nos TPE et PME. Le rapport nous apportera des éclaircissements sur les conséquences de l’article 3.

Mme Émilie Cariou. Je ne suis pas spécialement défavorable à l’amendement du rapporteur général ; je peux même le voter car il ne mange pas de pain. Mais il n’apporte pas la réponse appropriée aujourd’hui pour les TPE.

Monsieur Labaronne, d’un côté vous faites des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, et de l’autre vous proposez aux PME d’engager des dépenses. Or ces dernières ne peuvent en faire faute de trésorerie. Elles devront en outre rembourser les prêts garantis qu’elles auront contractés.

Mme Christine Pires Beaune. Nous aurions pu faire l’économie de ces débats si nous avions disposé d’un tableau récapitulatif des différentes aides directes et indirectes accordées aux différentes catégories d’entreprises. Il est indispensable pour l’examen du texte en séance publique.

Par ailleurs, nous aurons beaucoup de mal à ne pas voter cet amendement que nous avions déposé sous une autre forme dans le cadre du deuxième ou du troisième projet de loi de finances rectificative. Mais, il est vrai, ce PLF est bien loin d’apporter aux TPE et aux PME l’aide qui leur est nécessaire, leur principal problème étant effectivement le manque de trésorerie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Mattei, je me suis bien gardé de tout triomphalisme : c’est une mesure complémentaire pour nos PME et nos TPE. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga du plan de relance. Il m’a cependant semblé de bon aloi de leur donner un coup de pouce fiscal, qui représente tout de même plusieurs dizaines de millions d’euros par an…

Cette mesure ne réglera évidemment pas tous leurs problèmes de trésorerie du quotidien. Nous connaissons tous les nombreuses solutions d’urgence qui ont été prises à cet égard et qui font partie du fond d’écran permanent de nos discussions. L’amendement que je vous propose d’adopter collectivement s’inscrit dans le champ des mesures d’aide à l’investissement et d’amélioration de la compétitivité.

La commission adopte l’amendement I-CF1448 (amendement 1125).

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Après l’article 3

La commission examine ensuite l’amendement I-CF1336 de Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement prévoit que certaines sociétés soient assujetties à un taux plancher en matière d’imposition des bénéfices. Il avait déjà été déposé l’année dernière.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’y suis défavorable. Il ne faut pas oublier que du point de vue des finances publiques il est beaucoup plus coûteux de baisser le taux réduit d’IS que d’élargir le nombre d’entreprises bénéficiaires : il ne s’agit pas du tout des mêmes ordres de grandeur.

La commission rejette l’amendement I-CF1336.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF1329 de Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement permettrait aux entreprises qui réalisaient des profits avant la crise mais qui ont été frappées par celle-ci d’imputer plus rapidement les pertes réalisées de son fait sur le bénéfice réalisé au titre de l’exercice précédent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis toujours défavorable à l’augmentation du plafond de carry back.

La commission rejette l’amendement I-CF1329.

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Article additionnel après l’article 3
Modification de la catégorisation des dépenses liées à la production d’images permettant le développement de la carrière d’un artiste au sein du crédit d’impôt pour la production d’œuvres phonographiques

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF492 et I-CF493 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Lise Magnier. Ces amendements concernent la production phonographique qui évolue dans un contexte difficile du fait de la crise et de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 8 septembre 2020 qui a pour conséquence d’assécher la moitié des montants de l’aide à la création.

L’amendement I-CF492 vise à renforcer les paramètres du crédit d’impôt phonographique (CIP), outil incitatif à la production des jeunes talents francophones, qui représente les investissements les plus risqués, en relevant de dix points les taux différenciés, en déplafonnant les seuils et en élargissant les dépenses éligibles.

L’amendement technique I-CF493 tend à corriger un hiatus dans la rédaction de l’article du code général des impôts définissant ce même crédit d’impôt, en déplaçant la mention des dépenses pour production d’images de la catégorie des dépenses de développement vers celle des dépenses de production.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable à l’augmentation du taux du CIP et m’en remets à la sagesse de la commission s’agissant de la modification de catégorie des dépenses concernées.

La commission rejette l’amendement I-CF492.

Puis elle adopte l’amendement I-CF493 (amendement 1126).

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Après l’article 3

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF433 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés est rarement utilisé alors que chaque année des milliers de petites entreprises ne sont pas transmises faute d’avoir pu trouver un repreneur.

La loi de finances pour 2019 a remédié à cette situation en assouplissant les conditions d’éligibilité du crédit d’impôt en supprimant le seuil minimal de salariés impliqués dans une opération de rachat.

Afin d’éviter tout abus, la suppression de ce seuil est assortie d’une condition d’ancienneté minimale de dix-huit mois. Néanmoins tant les difficultés économiques que rencontrent aujourd’hui des milliers d’entrepreneurs que l’urgence économique nous conduisent à proposer de l’abaisser à douze mois. Le dispositif s’en trouverait assoupli tout en garantissant la satisfaction des objectifs poursuivis par le Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement nous renvoie aux discussions que nous avons eues lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019. Nous avions abaissé la condition d’ancienneté initialement prévue par le projet de loi de vingt-quatre à dix-huit mois. Cette durée nous paraissait satisfaisante et permettait d’éviter les effets d’aubaine. Douze mois, cela me semble trop court, surtout dans un contexte de crise. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

L’amendement I-CF433 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF29 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il vise à porter de 25 % à 50 % la limite fiscale de déduction, qui est complémentaire de l’indemnité kilométrique vélo. L’aide fiscale envisagée par l’article 220 undecies A du CGI est un puissant levier pour accroître l’usage du vélo pour les déplacements domicile-travail. Chacun comprendra l’intérêt de cet amendement en termes économiques, de mobilités douces et de santé pour les Français.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement m’amène à évoquer le plan vélo, qui passe de 50 millions d’euros à 200 millions d’euros dans le plan de relance. Faisons-en la promotion au lieu de proposer des réductions ou des crédits d’impôts. L’activité relative à la réparation des vélos fonctionne d’ailleurs très bien.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF29.

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF63 de Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’amendement tend à créer une taxe exceptionnelle sur les géants du e-commerce. Je sais que le sujet a déjà été abordé lors de l’examen des PLF et PLFR pour 2020, mais les faits sont têtus – comme nous – et 2020 n’a malheureusement fait que renforcer la concurrence avec le commerce de proximité et qu’élargir le fossé qui les sépare désormais. Or il faut avoir toujours à l’esprit l’objectif de justice fiscale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui, la fiscalité des acteurs du numérique nous a d’ailleurs amenés à voter ici une taxe sur les services numériques (TSN). Il nous faut désormais aller plus loin de façon multilatérale.

Votre proposition présente cependant des risques en matière d’emploi à court terme et, ne nous leurrons pas, il y a une transmission prix sur le consommateur, ce qui entraîne une perte de pouvoir d’achat. Avis défavorable, donc. Laissons sa chance à la négociation multilatérale.

La commission rejette l’amendement I-CF63.

Puis elle examine l’amendement I-CF774 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Il vise à augmenter de 0,1 point la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances de dommages : j’avais proposé le même dispositif de solidarité lors du PLFR3.

Nous attendons surtout le rapport portant sur la sinistralité que nous avions demandé.

M. le président M. Éric Woerth. Nous ne disposons pas encore de ce rapport. En revanche, j’ai reçu des éléments de la part de la Fédération française de l’assurance (FFA), que je vais vous transmettre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce rapport éclairera utilement nos débats sur les compagnies d’assurances dont nous avons beaucoup parlé depuis le début de la crise. Ont-elles été au rendez-vous ?

À la fin du mois de juin, les institutions de prévoyance, notamment les mutuelles, ont consacré 1,3 milliard d’euros – dont 75 % ont été engagés – aux abandons de cotisations, au maintien gratuit de garanties et au report de cotisations. Les mutuelles ont en outre mené à la même date des actions de solidarité, à hauteur de 158 millions d’euros. Les adhérents de la FFA, quant à eux, ont au total débloqué 3,8 milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’euros investis dans les PME et les ETI. Les assureurs étant souscripteurs de fonds d’investissement, on attend d’eux, au delà de l’indemnisation, qu’ils intensifient, au moment où l’on relance notre économie, cet aspect de leur activité.

Si je pars du principe qu’ils n’ont pas à être pénalisés dans leur action face à la crise, ils doivent cependant rapidement proposer un nouveau risque permettant de faire face à une telle sinistralité : tel est l’objet du rapport attendu.

Je suis par conséquent défavorable à la taxation du secteur, d’autant que les dernières données communiquées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) appellent à la vigilance, notamment s’agissant de l’emploi.

M. Fabrice Brun. Vous avez évoqué l’impact sur l’emploi de la taxe sur le numérique : Booking.com pèse d’abord sur nos hôteliers et nos restaurateurs !

S’agissant des assurances, les acteurs du tourisme, notamment ceux du secteur de l’hôtellerie de plein air, qui ont saisi plusieurs députés, ont de plus en plus de difficultés à s’assurer en particulier sur les risques de pertes d’exploitation, les risques naturels, mais également en matière de responsabilité civile. Notre commission devrait faire remonter ce problème majeur à la FFA.

La commission rejette l’amendement I-CF774.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF905 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo. Les associations sportives font face à une double problématique en cette période d’épidémie : d’une part, l’arrêt de leurs activités et les contraintes sanitaires font planer le risque de voir le nombre de licenciés baisser de 25 % environ, soit 4 millions de licenciés, et, d’autre part, les difficultés de leurs partenaires habituels, collectivités et entreprises, mettent à mal leurs finances. Cela se produit dans un contexte de progression de la sédentarité – enfants en surpoids ou atteints de diabète de plus en plus nombreux – et de perte des capacités physiques. Cette bombe à retardement coûte 17 milliards d’euros à la sécurité sociale.

L’amendement vise à aider les petits clubs qui font vivre le sport dans les territoires à surmonter ces difficultés, en portant de 60 % à 80 % le montant de la déduction fiscale accordée au mécénat ainsi que celui du versement à hauteur de dix pour mille du chiffre d’affaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut aider les associations sportives avec des outils de court terme, notamment au travers des crédits prévus par le plan de relance et de ceux déployés grâce au PLFR 4 dans le tissu associatif, notamment au moyen du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), plutôt qu’avec des outils fiscaux.

Nous reviendrons d’ailleurs sur le sport au travers du relèvement du plafond de la taxe Buffet, des crédits de l’Agence nationale du sport (ANS) et de ceux qui descendent dans les fédérations et donc également dans les associations sportives.

Je demande donc le retrait de l’amendement au profit des mesures bénéficiant aux petits clubs, qui doivent effectivement être bien accompagnés pendant cette période.

M. Fabien Di Filippo. Mises bout à bout, les aides que vous évoquez – notamment le fonds de soutien de l’ANS, doté de 15 millions d’euros, et le relèvement du plafond de la taxe Buffet, à hauteur de 23 millions d’euros environ – ne représentent même pas 2 euros par licencié !

Nos clubs se mobilisent beaucoup pour solliciter le tissu économique dans les territoires, il faut les aider. En outre, la perte fiscale induite pour l’État n’est pas si importante puisque seul de l’argent privé serait mis à contribution : je maintiens donc l’amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF905.

La commission examine l’amendement I-CF194 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Mon amendement I-CF194 porte sur le mécénat d’entreprise, notamment dans le secteur du patrimoine, dont on a mesuré l’importance et la paupérisation, ainsi que les exigences auxquelles il est soumis, avec les drames récents, tels celui de Notre-Dame de Paris.

Les dons en mécénat ouvrent droit à une réduction d’impôt de 60 %, dans la limite d’un plafond de cinq pour mille du chiffre d’affaires. L’idée est d’augmenter ce plafond à dix pour mille. Ainsi, une PME dont le chiffre d’affaires s’élève à un million d’euros serait incitée à donner davantage que 5 000 euros. On ne peut pas mettre en avant une exigence dans le cadre d’une mission patrimoine sans se donner les moyens d’agir.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement vise à augmenter le plafond de la réduction d’impôt pour mécénat de cinq pour mille à dix pour mille du chiffre d’affaires. Or, les entreprises peuvent d’ores et déjà opter pour un plafond alternatif de 20 000 euros s’il est plus élevé que le plafond lié au chiffre d’affaires.

M. Marc Le Fur. Une entreprise dont le chiffre d’affaires s’élève à un million d’euros ne bénéficie pas de l’avantage fiscal au-delà de 5 000 euros. Pour en donner 10 000 en en bénéficiant, il faut un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. L’idée est de permettre à la première d’en donner 10 000.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La loi de finances pour 2020 a fait passer le plafond alternatif forfaitaire de 10 000 à 20 000 euros, quel que soit le chiffre d’affaires de l’entreprise. Défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF194.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement I-CF195 de M. Marc Le Fur.

La commission examine l’amendement I-CF407 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. J’ai défendu cet amendement l’an dernier dans le même cadre. Mon amendement I-CF407 porte sur la cession de fonds en location-gérance au sein d’une même famille dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Un problème de renchérissement du coût se pose.

L’année dernière, M. Giraud, alors rapporteur général, a proposé de réunir un groupe de travail, resté lettre morte en raison du confinement et de sa nomination au Gouvernement. Je soulève à nouveau le problème, afin que nous puissions y apporter une réponse, dès aujourd’hui en commission ou plus tard en séance publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il y a en effet un problème, dû au cumul des caractères commercial et familial de cette activité. La crise n’est pas terminée, mais le groupe de travail envisagé pourrait se réunir.

M. Fabrice Brun. Comme l’an dernier, je retire l’amendement, en espérant qu’un groupe de travail voie le jour.

L’amendement I-CF407 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF297 de M. François Pupponi, I-CF571 de M. Jean-Félix Acquaviva, I-CF296 de M. Michel Castellani I‑CF572, I-CF570 et I-CF785 de M. Jean-Félix Acquaviva et I-CF386 de M. François Pupponi.

M. Jean-Félix Acquaviva. Ces amendements portent sur le crédit d’impôt pour l’investissement en Corse – CIIC –, qui est un dispositif utile méritant d’être renforcé. Un dialogue est en cours avec le Gouvernement à ce sujet. Nous examinerons tout à l’heure un amendement, auquel M. le rapporteur général s’est dit favorable, relatif à son extension à la construction et à la rénovation des bâtiments des établissements de santé privés.

Les amendements portent notamment sur le taux et la durée du crédit d’impôt, ainsi que sur son cumul avec les avantages fiscaux résultant du classement de la Corse en zone de développement prioritaire. Les règles du débat parlementaire nous obligent à en déposer plusieurs, mais ils ont vocation à faire l’objet d’une discussion commune. Dans le contexte de la crise sanitaire, ce dispositif fiscal est essentiel pour le territoire hyperspécialisé dans le tourisme qu’est la Corse.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. À présentation globale, réponse globale ! Lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, j’avais indiqué être favorable à la prorogation du CIIC, qu’a d’ailleurs consacré la loi finalement votée. Toutefois, il faut avoir conscience qu’un crédit d’impôt n’est pas nécessairement une mesure d’urgence ; il est utile pour relancer l’investissement à long terme. Cela n’enlève rien à la nécessité de prendre des mesures d’urgence dans certains territoires comme la Corse.

La commission rejette successivement les amendements I-CF297, I-CF571, I-CF296, I‑CF572, I-CF570, I-CF785 et I-CF386.

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Article additionnel après l’article 3
Extension du crédit d’impôt pour investissements en Corse aux travaux de construction et de rénovation d’établissements de santé privés

La commission examine ensuite l’amendement I-CF399 de M. Paul-André Colombani.

M. Jean-Félix Acquaviva. Il vise à élargir le champ du CIIC à la construction et à la rénovation des bâtiments des établissements de santé privés. Nous prenons note de l’avis favorable du rapporteur, en attendant d’obtenir d’autres élargissements du CIIC d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF399 (amendement 1127).

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Après l’article 3

La commission examine ensuite l’amendement I-CF1023 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Il s’agit de permettre le cumul du CIIC avec les avantages fiscaux induits par la zone de développement prioritaire. Ce sujet fait partie d’un dialogue global avec le Gouvernement, afin de parvenir, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à un dispositif de relance efficace dans le contexte que nous connaissons.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1023.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF169 de Mme Patricia Lemoine, I-CF170 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF232 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF471 de M. Charles de Courson, ainsi que les amendements I-CF955 de M. Vincent Rolland et I-CF1038 de Mme Lise Magnier.

Mme Patricia Lemoine. Le crédit d’impôt famille – CIFAM – ne bénéficie qu’aux salariés des entreprises. L’amendement I-CF169 vise à étendre son assiette aux membres des professions libérales – gérants non salariés, entrepreneurs individuels, artisans, auto-entrepreneurs –, afin de soutenir les familles et les entreprises, ainsi que les associations de crèches, durement affectées par la crise.

Mme Émilie Bonnivard. Mon amendement I-CF170 vise à soutenir les associations de crèche, qui ont été fragilisées par la crise. Il s’agit également d’une véritable mesure de pouvoir d’achat pour les travailleurs indépendants, qui ont été fortement touchés par la crise. Il s’agit de favoriser le secteur de la petite enfance ainsi que la relance de la consommation. Malheureusement, les travailleurs indépendants et les membres des professions libérales sont souvent les oubliés des dispositifs d’accompagnement fiscal et de la politique familiale. L’amendement vise à remédier à cette situation.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF232, identique aux deux qui précèdent, est défendu.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’une mesure logique. Au nom de quoi exclut-on du bénéfice du CIFAM les enfants des membres des professions libérales ?

M. Vincent Rolland. Mon amendement I-CF955 vise à mettre fin à une discrimination en matière de CIFAM, en rendant éligibles à son bénéfice les salariés de toute entreprise, quelle que soit sa forme.

Mme Lise Magnier. Mon amendement I-CF1038 est défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce débat est récurrent. Le CIFAM n’est pas destiné aux familles, mais aux entreprises, qui en font bénéficier leurs salariés ayant des enfants. Les enfants des membres des professions libérales ne sont pas exclus des crèches, qu’elles soient publiques, parapubliques, associatives ou privées. Aucun enfant n’est privé d’accès à une crèche. Le CIFAM est destiné aux entreprises, en tant qu’employeurs, et doit le rester.

Nous avons eu ce débat l’année dernière, à l’occasion de l’examen d’un amendement prévoyant le bornage de l’aide fiscale dont bénéficient les employeurs qui réservent des places de crèches. Il n’a pas été adopté, au bénéfice de la remise d’un rapport demandé par notre collègue Valérie Petit. Nous pouvons demander au Gouvernement où en est sa rédaction.

En tout état de cause, j’estime que le CIFAM doit rester ce qu’il est : un avantage fiscal destiné aux entreprises. Les travailleurs indépendants et les membres des professions libérales peuvent inscrire leurs enfants à la crèche en bénéficiant des aides, notamment de la Caisse d’allocations familiales (CAF).

Mme Christine Pires Beaune. Je souscris aux propos du rapporteur général. Les travailleurs indépendants et les membres des professions libérales ayant des enfants ont droit aux mêmes aides de la CAF que les autres parents, ainsi qu’au crédit d’impôt pour frais de garde d’enfant. Le CIFAM est un crédit d’impôt destiné aux entreprises, au bénéfice de leurs salariés, comme par exemple l’aide au transport.

M. Charles de Courson. Que l’on soit travailleur indépendant ou salarié d’une entreprise classique, il s’agit toujours d’une entreprise. Pourquoi certains enfants subiraient-ils une discrimination au motif que leurs parents ne sont pas éligibles à ce crédit d’impôt ? Il s’agit d’une rupture d’égalité manifeste, contre laquelle les associations familiales pourraient déposer une question prioritaire de constitutionnalité. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas votre position. Ces associations demandent au nom de quoi les enfants de leurs membres sont exclus du bénéfice de ce crédit d’impôt. Que leur répondons-nous ?

Mme Émilie Bonnivard. En la matière, les salariés des entreprises bénéficient d’un avantage sur les travailleurs indépendants et les membres des professions libérales, qui sont simultanément souscripteurs de l’impôt et potentiellement bénéficiaires de cet avantage au titre de leur entreprise. Il y a donc rupture d’égalité. Monsieur le rapporteur, je suis bien entendu heureuse que les enfants des travailleurs indépendants aient le droit d’aller à la crèche et que leurs parents puissent bénéficier des aides de la CAF. Nous proposons une mesure de pouvoir d’achat, d’égalité devant l’impôt et de politique familiale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je rappelle que le CIFAM est distinct du crédit d’impôt pour frais de garde d’enfant, qui est destiné aux particuliers et dont peuvent tout à fait bénéficier les travailleurs indépendants.

Prenons le cas des micro-crèches privées ; leur coût comporte une part parents et une part employeur. Un travailleur indépendant peut tout à fait imputer la part employeur à ses charges et bénéficier, en tant que parent, du crédit d’impôt pour frais de garde d’enfant. Ainsi, la personne morale qu’est son entreprise assume la part employeur. Le CIFAM, quant à lui, est destiné aux entreprises, où il constitue un avantage social pour les salariés. Qu’il existe une distinction entre les deux ne me choque pas du tout.

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF169, I-CF170, I-CF232 et I-CF471, ainsi que les amendements I-CF955 et ICF1038.

Puis elle examine l’amendement I-CF612 de M. Philippe Huppé.

Mme Lise Magnier. L’amendement vise à atténuer le coût administratif de la certification haute valeur environnementale – HVE –, en octroyant aux exploitants agricoles un crédit d’impôt d’un montant égal à celui du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique. Il nous semble important de ne pas opposer entre elles les diverses démarches agricoles.

Ce crédit d’impôt bénéficierait à la certification HVE de niveau trois, afin d’inciter le plus grand nombre possible d’exploitants à s’engager dans cette démarche. Sa durée de validité est bornée au 31 décembre 2022, afin de lui donner un caractère véritablement incitatif tout en limitant le risque budgétaire pour la première année d’engagement dans cette démarche.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement aura davantage sa place dans la seconde partie du projet de loi de finances, même s’il a des conséquences sur l’article d’équilibre. S’il est présenté lors de l’examen de la seconde partie, j’émettrai un avis favorable, sous réserve de plusieurs modifications, notamment la diminution du montant proposé et la création d’un outil un peu plus incitatif, par exemple avec un avantage fiscal supérieur au titre de la certification HVE la première année d’application. Au demeurant, d’autres amendements devraient être présentés en ce sens. Je suggère donc le retrait de l’amendement.

L’amendement I-CF612 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF831 de M. Stéphane Peu.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF831 de M. Peu vise à étendre le champ d’application du crédit d’impôt en faveur de l'acquisition ou de la construction de logements sociaux outre-mer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce crédit d’impôt a déjà fait l’objet d’une extension il y a moins d’un an. Je propose d’en faire l’évaluation avant d’envisager une nouvelle extension. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF831.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF953 de M. Vincent Rolland et I‑CF964 de Mme Lise Magnier.

M. Vincent Rolland. Mon amendement I-CF953 vise à la création d’un crédit d’impôt sur les sociétés à hauteur de 30 % pour l’investissement dans des audits de cybersécurité ainsi que pour l’acquisition de solutions de protection des données ou du système informatique des entreprises, dans la limite de 100 000 euros par an. Une telle mesure est d’autant plus nécessaire que le nombre de cyberattaques menées contre des entreprises a augmenté avec le développement du télétravail constaté depuis le printemps dernier.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF964 est défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Qu’il s’agisse de la cybersécurité ou d’autres filières d’avenir, je préfère les soutenir par le biais des aides à l’investissement prévues dans le plan de relance. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF953 et I‑CF964.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF1347 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement vise à compléter les mesures facilitant les abandons de créances, en créant un crédit d’impôt au bénéfice des contribuables accordant un abandon de créance aux petites et moyennes entreprises exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Cet amendement est très encadré et très précis ; il s’inscrit dans le cadre des mesures relatives au régime des abandons de créances que nous avons proposées jusqu’à présent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Notre collègue Jean-Noël Barrot a proposé au printemps la déductibilité de tous les abandons de créance, à laquelle j’ai donné un avis défavorable. Tel est le cas, à plus forte raison, s’agissant d’un crédit d’impôt, qui ne me semble pas souhaitable pour nos finances publiques.

La commission rejette l’amendement I-CF1347.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement I‑CF74 de M. Fabrice Brun.

La commission examine les amendements identiques I-CF98 de M. Marc Le Fur et I‑CF158 de M. Fabrice Brun.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF98 est défendu.

M. Fabrice Brun. Mon amendement I-CF158 prévoit – au risque de jeter un pavé dans la mare – la suppression du privilège des créanciers publics en cas de faillite d’une entreprise, afin d’éviter les faillites en cascade, dont le risque est particulièrement fort compte tenu de la crise économique et sanitaire que nous vivons. Certes, une telle disposition induira des pertes pour l’État, mais elles seront bien minimes en comparaison du coût des éventuelles faillites en série de nos entreprises et des suppressions d’emplois qui en résulteraient.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En pratique, lors d’une faillite d’entreprise, l’État – et tout détenteur d’une créance publique – ne laisse pas couler les entreprises, surtout en période de crise. Les mesures d’urgence prises depuis six mois en témoignent.

J’ai suivi de près plusieurs recouvrements de créances, notamment de BpiFrance ; la priorité est d’accompagner l’entreprise concernée et de faire en sorte qu’elle rembourse d’abord ses fournisseurs. Sincèrement, il ne me semble pas nécessaire de supprimer ce privilège. L’État, détenteur de créances publiques, accompagne les entreprises en difficulté.

M. Fabrice Brun. J’en suis conscient, monsieur le rapporteur. Il n’en reste pas moins que l’URSSAF, par exemple, a la priorité sur les fournisseurs. Malheureusement, les acteurs privés, en cas de faillites en cascade, sont désavantagés par rapport à certains organismes publics. Telle est la réalité.

La commission rejette les amendements identiques I-CF98 et I‑CF158.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF99 de M. Marc Le Fur et I-CF161 de M. Fabrice Brun.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF99 est défendu.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF161 est un amendement de repli complétant celui que je viens de défendre.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF99 de M. Marc Le Fur et I-CF161.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite les amendements identiques I-CF413 de Mme Lise Magnier et I-CF667 de Mme Véronique Louwagie, puis elle rejette l’amendement I-CF32 de M. Fabrice Brun.

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Article additionnel après l’article 3
Exonérations fiscales et sociales des aides versées aux indépendants par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants

Puis la commission examine l’amendement I-CF1211 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Mon amendement porte sur les travailleurs indépendants, qui ont été particulièrement fragilisés par les répercussions économiques de la crise sanitaire. Il vise, sur le modèle des exonérations applicables aux aides versées par le fonds de solidarité, à exonérer l’aide financière exceptionnelle destinée aux cotisants de ce régime de l’impôt sur les bénéfices et des cotisations sociales associées. Il neutralise les effets du versement de cette aide pour l’application du régime d’imposition auquel est soumis le bénéficiaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette transposition du modèle des exonérations applicables aux aides versées par le fonds de solidarité, adopté dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, me semble très pertinente. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1211 (amendement 1128).

 

 


Article 4
Modernisation des paramètres de la méthode d'évaluation de la valeur locative des établissements industriels et modification du coefficient de revalorisation de la valeur locative de ces établissements

Résumé du dispositif proposé

En premier lieu, le présent article modernise la méthode de détermination des valeurs locatives (VLC) des établissements industriels évalués selon la méthode comptable, afin de réduire de moitié ces valeurs locatives pour leur imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE) et à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Ce dispositif conduit à un allègement dimpôt de 50 % pour les entreprises concernées, c’est-à-dire une charge fiscale moindre de près de 3,3 milliards deuros.

Il sinscrit dans la baisse globale des impôts de production proposée par le Gouvernement, en lien avec la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), prévue par l’article 3 du présent projet de loi de finances.

En deuxième lieu, le présent article inclut la compensation intégrale de cet allégement dimpôt local en faveur des collectivités territoriales concernées, par voie de prélèvement sur recettes de l’État. Cette compensation suivra la dynamique des bases, auxquelles seront appliqués les taux locaux en vigueur en 2020.

En troisième lieu, le présent article modernise également les modalités de revalorisation annuelle des valeurs locatives des établissements industriels, afin de corriger le dynamisme excessif de leur revalorisation au regard des autres locaux des entreprises. Elle sera désormais fixée en référence à la revalorisation annuelle des locaux professionnels, elle‑même modernisée par la révision des valeurs locatives des locaux professionnelles (RVLLP) mise en œuvre depuis 2017, qui intègre un dispositif de mise à jour permanente.

Enfin, le présent article neutralise les effets induits de la réduction de moitié des VLC des établissements industriels sur :

– la répartition entre contribuables des taxes locales additionnelles liées à la TFPB et à la CFE, afin d’éviter tout ressaut d’imposition non anticipé ;

– le fonctionnement du coefficient correcteur de la réforme de la taxe dhabitation (TH), prévu en loi de finances pour 2020 pour ajuster la compensation, pour chaque commune à l’euro près, du remplacement de la TH sur les résidences principales par l’affectation de la part départementale de TFPB ;

– et sur les modalités de répartition entre collectivités du produit de la CVAE, qui valorisent spécifiquement le poids des valeurs locatives des établissements industriels. Les éventuelles politiques locales d’incitation à l’accueil d’établissements industriels dans les territoires sont donc préservées.

Dernières modifications intervenues

La loi de finances pour 2016 a prévu, à compter de 2018, la revalorisation annuelle des locaux industriels par un coefficient fondé sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH).

La loi de finances pour 2018 a prévu, pour la répartition territoriale entre collectivités affectataires du produit de la CVAE prélevé sur les entreprises multiétablissements, que les VLC des établissements industriels seront artificiellement majorées, de manière à inciter les collectivités à accueillir de tels établissements.

La loi de finances pour 2019 a codifié la définition jurisprudentielle de létablissement industriel utilisée pour établir les bases de CFE et de TFPB. Cette définition « matérielle » est fondée sur l’importance ou la prépondérance des installations techniques présentes dans le local considéré, plutôt que sur la nature de l’activité professionnelle qui y est exercée.

Elle a en outre apporté divers ajustements à la qualification d’un local en établissement industriel (développés dans un encadré infra).

Sagissant de la TFPB, la loi de finances pour 2020 a programmé la suppression de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales, et son remplacement dans les recettes communales par la part départementale de TFPB (ce nouveau schéma de financement est présenté dans un encadré infra).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   les valeurs locatives des Établissements industriels pour l’Établissement des impÔts directs locaux des entreprises industrielles

Parmi les impôts directs locaux, on distingue traditionnellement les taxes « ménages » des impôts « économiques » payés par les entreprises.

La cotisation foncière des entreprises (CFE) relève de la seconde catégorie. La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ressortit à la première catégorie, étant payée sur les locaux d’habitation. Toutefois, elle est également due sur les locaux professionnels et industriels.

Ces deux impôts pèsent donc sur les entreprises. Ils portent sur une base d’imposition commune, la valeur locative cadastrale des locaux considérés. Cette valeur locative est calculée selon des modalités particulières pour les immeubles industriels.

1.   La taxe foncière sur les propriétés bâties

La TFPB est la recette la plus importante des impôts locaux. Elle est perçue par les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ([83]) et les départements ([84]).

Toutefois, la loi de finances pour 2020 a prévu, dans le cadre de la suppression progressive de la taxe d’habitation d’ici à 2023, un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales (communes et départements), fondé notamment sur le transfert de la part départementale de la TFPB aux communes, en remplacement de la TH.

À compter de 2021, la TFPB sera donc entièrement affectée au bloc communal.

Le nouveau schéma de financement des communes : le remplacement de la TH communale par la TFPB départementale

L’article 16 de la loi de finances pour 2020 prévoit la suppression de la taxe dhabitation afférente à lhabitation principale. Les foyers qui ne bénéficient pas du dégrèvement instauré par la loi de finances pour 2018 vont être progressivement exonérés de TH à partir de 2021 (il s’agit de la fraction de 20 % des foyers percevant les revenus les plus élevés), plus aucune cotisation nétant payée à compter de 2023. À partir de 2021, la TH est affectée au budget de l’État, qui la perçoit jusqu’à son extinction en 2023.

Parallèlement, les communes bénéficieront, à partir de 2021, dun transfert de la part départementale de TFPB en remplacement de la TH (les départements étant quant à eux compensés par une part de TVA, de même que les EPCI).

La loi de finances pour 2020 a prévu la compensation à leuro près des communes par lapplication, au produit de TFPB perçu par chaque commune en remplacement de la TH, dun « coefficient correcteur », qui permet d’équilibrer la TH perçue jusqu’en 2020 et la TFPB perçue à compter de 2021.

La situation communale prise en compte pour l’application du coefficient correcteur est celle des bases existantes en 2020, mais des taux appliqués en 2017 (les hausses de taux décidées entre 2018 et 2020, c’est-à-dire postérieurement à l’annonce de la suppression de la TH, n’étant pas compensées).

L’État complète le remplacement de la TH par la TFPB départementale par une dotation spécifique constituée d’une fraction des frais de gestion qu’il prélève à l’occasion du reversement aux collectivités du produit des impositions locales

La TFPB est assise annuellement sur les propriétés bâties et biens assimilés en France.

Les propriétés bâties sont imposables, pour l’année entière, dans la commune où elles sont situées et au nom de leur propriétaire connu au 1er janvier de l’année d’imposition ([85]).

La TFPB porte sur les constructions destinées à l’habitation, à l’exercice d’une activité économique ou de stockage ainsi que sur les bâtiments et installations assimilées et les terrains industriels ou commerciaux.

Certaines exonérations permanentes sont prévues par la loi (bâtiments ruraux, par exemple). D’autres sont temporaires ou liées à la personne plutôt qu’à la base fiscale.

La base dimposition correspond à 50 % de la valeur locative cadastrale afin de tenir compte des frais de gestion, d’assurance, d’amortissement, d’entretien et de réparation du bien ([86]).

Les taux sont votés annuellement par les collectivités territoriales concernées (communes, EPCI et départements) ([87]), sous réserve des règles de liens entre les taux des taxes directes locales ([88]).

La TFPB est recouvrée par voie de rôle, à l’échéance prévue par l’avis d’imposition, ou par le versement de dix prélèvements mensuels, de janvier à octobre, et égaux chacun au dixième de l’impôt établi l’année précédente ([89]).

2.   La cotisation foncière des entreprises

La cotisation foncière des entreprises (CFE) est l’une des composantes de la contribution économique territoriale (CET) avec la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Elle est perçue par les communes et les EPCI.

Elle est assise sur la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière, et est due dans chaque commune où l’entreprise redevable qui exerce une activité professionnelle imposable ([90]) dispose de locaux et de terrains.

La loi exonère certaines activités de manière permanente, mais donne également la faculté aux collectivités d’accorder ou de s’opposer à tout ou partie d’une exonération de la CFE.

Les cotisations de CFE sont calculées en appliquant les taux votés par les communes ou les EPCI bénéficiaires à la base dimposition du contribuable, égale à la valeur locative foncière des biens imposables.

Les taux sont votés librement par les assemblées délibérantes des communes ou des EPCI, également sous réserve des règles de lien entre les taux évoquées supra.

Une cotisation minimale a été instaurée afin que chaque redevable de la CFE contribue pour un certain montant à la couverture des charges des collectivités locales ([91]).

La CFE est également recouvrée par voie de rôle. L’avis d’imposition précise la date limite de règlement des cotisations. Comme pour la TFPB, le contribuable peut choisir des prélèvements mensuels versés de janvier à octobre et égaux au dixième du montant mis en recouvrement au titre de l’année précédente ([92]).

Si la cotisation annuelle de CFE de l’année précédente (N–1) est supérieure ou égale à 3 000 euros, et si l’assujetti n’a pas choisi le prélèvement mensuel, ce dernier doit payer un acompte égal à 50 % de la cotisation mise en recouvrement au titre de l’année N‑1 ([93]).

Le redevable peut choisir, sous sa responsabilité, de diminuer le montant de l’acompte s’il estime que sa base d’imposition de l’année sera réduite d’au moins 25 % par rapport à celle de l’année N‑1 ou s’il prévoit la cessation de son activité en cours d’année. Il verse alors un solde en fin d’année.

3.   Les valeurs locatives des établissements industriels

a.   La notion de valeur locative

La valeur locative dun local est la notion fondamentale de la fiscalité directe locale. Elle représente le rendement théorique d’une propriété.

Elle constitue lassiette de plusieurs impositions directes locales, en particulier la CFE et la TFPB, ainsi que de leurs éventuelles taxes annexes (taxes spéciales d’équipement – TSE – et taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations – GEMAPI).

Les taxes additionnelles aux taxes directes locales (CFE, TFPB, TFNB et TH)

Les taxes spéciales déquipement (TSE) sont perçues au profit d’établissements publics fonciers, en addition aux deux taxes foncières, à la TH et à la CFE, dans le ressort géographique de l’établissement public affectataire.

La taxe sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) peut être instituée sur délibération des communes ou EPCI à fiscalité propre dotés de la compétence correspondante.

La taxe additionnelle spéciale annuelle de la région ÎledeFrance (TASARIF) est due par toutes les personnes physiques ou morales assujetties à la TFPB ainsi que par toutes les personnes physiques ou morales assujetties à la CFE dans les communes comprises dans le ressort géographique de la région Île‑de‑France.

Enfin, les EPCI sans fiscalité propre (syndicats) peuvent décider de percevoir les quatre taxes directes locales sous forme de « contributions fiscalisées » en remplacement de la contribution budgétaire des communes associées.

Le produit de ces taxes, en principe déterminé par l’affectataire, est réparti entre les personnes assujetties aux taxes directes locales selon diverses modalités, qui ont en commun d’être fondées sur la répartition du produit des taxes directes locales à l’assiette desquelles elles sont liées.

La division de ces produits par les bases de CFE, de TFPB, de TH ou de TFNB permet à l’administration de calculer, pour chaque taxe additionnelle, des taux additionnels à chacune des taxes directes locales.

Par exemple, la répartition du produit de TASARIF entre redevables de CFE et de TFPB, et donc le taux additionnel de TASARIF, sont proportionnels aux recettes de CFE et TFPB en Île‑de‑France.

En conséquence, la suppression de la TH sur les résidences principales en 2021 et le transfert associé de la part départementale de TFPB aux communes ont conduit le législateur à opérer deux ajustements pour éviter une modification incidente de la répartition des taxes additionnelles en 2021 et un ressaut dimposition non anticipé par les contribuables en 2022. Ces ressauts d’imposition auraient notamment pu pénaliser les personnes assujetties à la TFNB, qui sont peu nombreuses comparativement à ceux des autres taxes directes locales.

Les deux ajustements sont :

– la prise en charge par lÉtat de la part des taxes additionnelles correspondant à la TH sur les résidences principales, à compter des impositions établies au titre de 2021, afin d’éviter une modification de la répartition entre redevables des taxes additionnelles ;

– la minoration, à compter de 2022, des recettes de TFPB servant à la répartition de la TSE des recettes que cette taxe a procuré aux départements en 2020, afin d’éviter un ressaut d’imposition au titre des taxes additionnelles au détriment des redevables de la TFPB.

Le présent article, qui propose la réduction de moitié des VLC des établissements industriels pour la CFE et la TFPB, opère des neutralisations similaires afin de conserver la répartition existante du poids des taxes locales additionnelles.

La valeur locative est également utilisée, dans une moindre mesure, pour calculer la répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) pour une entreprise multi‑établissements.

Le coefficient de pondération des valeurs locatives des établissements industriels dans la répartition de la CVAE

La valeur ajoutée, qui constitue lassiette de la CVAE, est territorialisée : elle est imposée dans la commune où le contribuable qui la produit dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois. Ainsi, lorsque le redevable est une entreprise mono-établissement, l’ensemble de la valeur ajoutée revient au territoire d’implantation de l’entreprise. Dans le cas où le redevable est une entreprise multi-établissements, la valeur ajoutée est imposée dans chacune des communes d’implantation sur la base d’une clé de répartition spécifique : pour un tiers en fonction de la valeur locative foncière des immobilisations ; pour deux tiers en fonction de leffectif employé.

Pour les établissements où les valeurs locatives des immobilisations industrielles évaluées selon la méthode comptable représentent plus de 20 % de la valeur locative des immobilisations imposables à la CFE, l’article 1586 octies du CGI, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2018, dispose que leffectif employé est pondéré par un coefficient de 5 et les valeurs locatives des immobilisations industrielles sont pondérées dun coefficient de 21.

Ce dispositif vise à maintenir une incitation pour les collectivités territoriales à soutenir lactivité industrielle en augmentant artificiellement la valeur locative et les effectifs utilisés pour la répartition de la CVAE.

 

Ainsi, près des deux tiers des recettes de fiscalité locale utilisent les valeurs locatives comme assiette dimposition ou critère de répartition territoriale. De ce fait, les règles d’évaluation de la valeur locative constituent un enjeu essentiel de la fiscalité locale.

Or, les valeurs locatives sont évaluées selon des règles qui varient en fonction de la nature du local. Les locaux sont répartis en trois catégories :

– les locaux d’habitation (46 millions de locaux) ;

– les locaux professionnels (3,5 millions de locaux) ;

– et les locaux industriels (86 000 établissements au titre de la CFE et 110 000 au titre de la TFPB).

La qualification fiscale d’un local entraîne l’application de règles d’évaluation de la valeur locative propres à chaque catégorie. Ces règles d’évaluation font régulièrement l’objet de modifications en loi de finances.

b.   La qualification d’établissement industriel

Les locaux industriels faisaient à l’origine seulement l’objet d’une définition issue d’une décision du Conseil d’État du 27 juillet 2015. Ce dernier a jugé que « revêtent un caractère industriel […] les établissements dont lactivité nécessite dimportants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins dune autre activité, est prépondérant ». Il ressort de cette définition prétorienne que les locaux industriels s’entendent des locaux dont lactivité nécessite dimportants moyens techniques, lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers. Pour les locaux où d’autres activités sont réalisées, notamment des opérations de manipulation ou des prestations de services, le critère de la prépondérance du rôle des installations techniques s’ajoute à celui de leur importance.

L’appréciation de l’importance des moyens techniques mis en œuvre et de leur contribution aux opérations effectuées résulte de données de fait propres à chaque situation. Elle est opérée par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt.

Lapproche est donc matérielle, fondée sur les moyens techniques utilisés pour l’activité professionnelle, davantage que sur la nature de l’activité elle‑même. Cette jurisprudence a été codifiée à larticle 1500 du code général des impôts (CGI) par l’article 156 de la loi de finances pour 2019.

Les autres apports de la loi de finances pour 2019 en matière de valeurs locatives des établissements industriels

La loi de finances pour 2019 a introduit un « seuil doutillage » : à compter de 2020, les bâtiments et terrains qui disposent d’installations techniques, matériels et outillages destinés à l’activité et d’une valeur inférieure à 500 000 euros, appréciée sur trois années, sont exclus de la qualification détablissement industriel. Cette disposition permet de sécuriser la qualification pour les entreprises en deçà d’un seuil de moyens techniques. Le local est alors qualifié de local professionnel et la valeur locative est évaluée en fonction de la méthode tarifaire ou par voie d’appréciation directe. En effet, comme le précise le commentaire du présent article, l’état actuel du droit conduit, en cas de requalification en établissement industriel à la suite d’un contrôle fiscal, à un alourdissement des impositions locales. Cet alourdissement résulte de la mise en œuvre de la méthode d’évaluation propre aux locaux industriels, qui conduit à un niveau d’imposition de ces établissements en général supérieur à celui des locaux professionnels.

Elle a également exclu les biens dont disposent les entreprises artisanales de la méthode comptable.

La loi de finances pour 2019 a par ailleurs prévu un mécanisme de lissage sur six ans des hausses et des baisses de plus de 30 % de la valeur locative dun local industriel ou professionnel consécutivement à un changement d’affectation ou à un changement de méthode de détermination de la valeur locative. Le lissage est égal à 85 % du montant de la variation de valeur locative la première année, à 70 % la deuxième année, à 55 % la troisième année, à 40 % la quatrième année, à 25 % la cinquième année et à 10 % la sixième année.

La loi de finances pour 2019 avait aussi prévu lévaluation des impacts dun changement plus ambitieux des modalités dévaluation de la valeur locative des établissements industriels. À cette fin, elle prévoit les modalités déclaratives permettant la collecte, au cours du premier semestre 2019, des informations nécessaires pour effectuer des simulations concernant une modification plus ambitieuse de la méthode applicable aux locaux professionnels et d’en apprécier les conséquences financières pour les collectivités territoriales.

Les informations demandées devaient permettre d’identifier l’activité à laquelle les bâtiments et terrains industriels sont affectés, la surface et la valeur vénale du bien, le montant du loyer annuel éventuel, la valeur des installations techniques, matériels et outillages, ainsi que la catégorie dont ils relèveraient s’ils étaient considérés comme des locaux professionnels.

Une fois ces informations collectées et les simulations réalisées, il a été prévu la remise dun rapport par le Gouvernement au Parlement, au plus tard le 1er avril 2020, afin de présenter les impacts d’un changement d’évaluation de la valeur locative des bâtiments et terrains (variations de valeur locative et d’impositions locales, conséquences financières pour les propriétaires et les collectivités territoriales, transferts de fiscalité entre les contribuables, conséquences sur les potentiels financier et fiscal des collectivités territoriales ainsi que sur la répartition des dotations). Ce rapport n’a toutefois pas, à ce jour, été remis au Parlement.

Néanmoins, l’évaluation préalable du présent article, s’agissant des données rassemblées dans le cadre de cette collecte dinformations prévue par la loi de finances pour 2019 conclut qu’elles sont d’une « insuffisante qualité » et dune « mauvaise représentativité ». Les simulations effectuées sur cette base, concernant un changement de méthode d’évaluation des locaux industriels, notamment en ce qui concerne les pertes potentielles pour les collectivités territoriales, sont « très fragiles ».

La particularité de la valeur locative des locaux industriels résulte principalement du recours à une méthode dévaluation spécifique : alors que les locaux d’habitation et les locaux professionnels sont évalués par référence au marché locatif, les établissements industriels sont évalués par la méthode dite « comptable » ([94]).

c.   Les raisons d’une méthode d’évaluation spécifique pour les établissements industriels

Les établissements industriels peuvent difficilement être évalués par comparaison ou par référence aux loyers. Il n’y a donc pas de données pertinentes de référence. Très spécialisés, leurs caractéristiques et l’équipement qu’ils abritent ne permettent pas de dégager des critères pour justifier un tarif. Avant l’introduction de la méthode comptable, ils étaient donc évalués par la méthode de l’évaluation directe.

La méthode de lévaluation directe repose sur la valeur vénale des locaux, à laquelle étaient appliqués des taux d’intérêt différents selon l’activité exercée. L’évaluation préalable relève qu’elle a été dénoncée « pour son instabilité et son caractère jugé arbitraire ».

d.   La méthode comptable

La méthode comptable a donc été introduite en 1970. Elle est conçue comme permettant une évaluation adaptée à ces établissements très spécifiques, mais assise sur des règles objectives et incontestables, ce que ne permettaient ni la méthode tarifaire ni l’évaluation directe.

La valeur locative de l’établissement est calculée à partir de la valeur comptable des biens passibles de la TFPB, à savoir le prix de revient des éléments des immobilisations industrielles inscrites au bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant.

Les prix de revient des éléments des immobilisations industrielles se voient appliquer des taux dits « dintérêt ». Ces taux d’intérêt sont fixés par décret en Conseil d’État ([95]) :

– 8 % pour les sols et les terrains ;

– 12 % pour les constructions et les installations.

S’agissant des constructions et des installations, il ne s’agit néanmoins que d’une valeur locative brute, auquel est appliqué un abattement forfaitaire ([96]) qui permet de tenir compte de la date de l’entrée de ces constructions et installations dans l’actif de l’entreprise.

Selon l’évaluation préalable, cet abattement a pour objet, d’une part, de tenir compte de la vétusté accélérée des installations sur la valeur foncière des établissements industriels et, d’autre part, de corriger la sous‑évaluation des constructions anciennes par rapport aux constructions récentes.

L’abattement s’élève ainsi à 25 % pour les biens acquis ou créés avant le 1er janvier 1976, et à 33,33 % pour les biens acquis ou créés à partir de cette date.

L’application de l’abattement permet d’obtenir un taux dintérêt effectif sur les valeurs locatives des constructions et installations :

– 8 % du prix de revient pour les constructions et installations postérieurs à 1976 ;

– 9 % pour celles qui sont antérieures à cette date.

 

Élément de létablissement industriel

Taux dintérêt théorique

Taux dintérêt effectif appliqué au prix de revient

Sols et terrains

8 %

8 %

Constructions et installations antérieures à 1976

12 %

9 %

Constructions et installations postérieures à 1976

12 %

8 %

Une fois la valeur locative résultant de la méthode comptable obtenue, certaines réductions spécifiques peuvent s’appliquer à cette VLC, par exemple :

– réduction de 33 % de la VLR pour les aéroports ;

– sur délibération des collectivités, 50 % de réduction pour les installations de recherche industrielle.

Lorsque la mise en œuvre de la méthode comptable n’est pas possible, c’est-à-dire lorsque les propriétaires ou les exploitants d’un établissement industriel ne sont pas soumis aux obligations comptables de l’imposition d’après le bénéfice réel ([97]), la valeur locative est alors malgré tout définie selon les règles applicables aux locaux professionnels (méthode tarifaire ou méthode de l’appréciation directe).

e.   Les mécanismes de réduction de l’impôt applicables à la VLC des établissements industriels

Une fois la VLC obtenue par la méthode comptable, d’autres ajustements peuvent intervenir au bénéfice du redevable.

Pour le calcul de la TFPB, comme évoqué supra, seule la moitié de la VLC est prise en compte pour le calcul de l’impôt (cette déduction est générale et s’applique à toutes les VLC, au-delà du cas particulier des établissements industriels).

Pour le calcul de la CFE, la VLC des établissements industriels évalués selon la méthode comptable fait l’objet d’un abattement de 30 % ([98]). L’évaluation préalable précise que cet abattement a été instauré lors de la suppression de la taxe professionnelle, afin de corriger un « désavantage comparatif » des établissements industriels. Leur valeur locative avait mécaniquement suivi le prix du marché, compte tenu de l’augmentation des prix du foncier et des coûts de construction (à travers la prise en compte du prix de revient des éléments des immobilisations), ce qui avait renchéri l’imposition. En revanche, la VLC des locaux professionnels avait été moins dynamique, en l’absence de révision depuis 1970.

B.   les valeurs locatives des Établissements industriels entraînent une imposition excessive des entreprises industrielles

1.   Les modalités de calcul des taux d’intérêt appliqués à la valeur locative des établissements industriels sont obsolètes

Comme le précise l’évaluation préalable, les taux d’intérêt présentés supra, qui sont appliqués aux prix de revient des éléments des immobilisations industrielles pour la détermination de leur valeur locative, résultent de l’addition :

– du taux moyen des placements du marché financier au 1er janvier 1970 (le taux des emprunts d’État étant alors de 8 %), censé correspondre au coût de financement des acquisitions immobilières des entreprises ;

– et du taux damortissement de ces immobilisations, fixé d’après la durée réelle d’utilisation du bien par l’entreprise. Les terrains étaient considérés par nature comme ne pouvant faire l’objet d’un amortissement, leur valeur n’étant pas dépréciée par le temps (taux d’amortissement de 0 %). Les constructions étaient considérées comme amortissables sur 25 ans (taux de 4 %).

 

Sols et terrains

Constructions et installations

Taux moyen de placement du marché financier

8 %

8 %

Taux d’amortissement

0 %

4 %

Taux dintérêt (théorique)

8 %

12 %

L’évaluation préalable souligne que ces taux d’intérêt n’ont pas été révisés depuis les années 1970 et ne sont plus adaptés aux réalités économiques.

La fraction du taux égale à 8 %, qui résulte de la référence au taux moyen de placement sur les marchés financiers, ne reflète plus le coût réel de financement des acquisitions immobilières des entreprises.

En tout état de cause, selon l’évaluation préalable, la référence au taux damortissement des biens pourrait suffire pour refléter le coût annuel de leur utilisation et donc leur valeur réelle dusage, à laquelle doit correspondre la VLC, « sans quil soit nécessaire de prendre en compte les modalités de financement de leur acquisition ou de leur construction ».

Dans ce cadre, selon les estimations du Gouvernement, une division des taux par deux, fondée sur la seule prise en compte des conditions actuelles d’amortissement des éléments des établissements industriels (et donc, sans prendre en compte leur coût de financement), serait la plus adaptée.

Lestimation des taux dintérêt idoines pour les éléments des immobilisations industrielles sur le fondement de leur durée damortissement

Sagissant des constructions, l’évaluation préalable précise que le taux communément admis aujourd’hui est de 5 %. En revanche, doivent aussi être pris en compte les agencements de ces constructions, dont le taux d’amortissement se situe en moyenne à 7,5 %. L’examen des liasses fiscales révèle que les constructions représentent 60 % de l’ensemble « constructions + agencements ». La pondération du taux d’amortissement des constructions par le poids (60 %) des constructions dans cet ensemble « constructions et agencements » conduit ainsi à retenir un taux de 6 %.

Sagissant des terrains, s’ils ne sont pas amortissables, leurs agencements le sont, notamment pour les terrains industriels, et représentent une cause de dépréciation de ces terrains. Dans ces conditions, l’évaluation préalable suggère donc qu’un taux de 4 % pour les terrains refléterait de manière satisfaisante l’usage des sols et terrains par les entreprises industrielles.

Le taux d’intérêt de la catégorie des sols et terrains devrait donc selon ces conclusions être abaissé de 8 à 4 %, et celui des constructions et installations (taux théorique, voir supra) de 12 à 6 %.

2.   Les modalités de revalorisation des valeurs locatives pénalisent les entreprises industrielles

Trois niveaux de mise à jour sont prévus pour les locaux professionnels :

– la révision générale sexennale, qui n’a été mise en œuvre qu’en 1970 ;

– l’actualisation triennale, qui n’a été réalisée qu’en 1980 ;

– et la revalorisation annuelle.

Entre 2003 et 2017, l’ensemble des bases ont été quasi‑systématiquement revalorisées en fonction de l’inflation prévisionnelle par une mesure expresse en loi de finances.

En 2017, dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP), il est prévu que les VLC des locaux professionnels évalués par la méthode tarifaire ou par celle de l’évaluation directe soient mis à jour chaque année, à compter des impositions établies au titre de 2019, en fonction de l’évolution des loyers constatés par catégorie et par secteur.

Ce dispositif de mise à jour permanente vise à éviter une nouvelle déconnexion entre les VLC et la réalité du marché locatif.

Sagissant des autres locaux, donc des établissements industriels (ainsi que des propriétés non bâties), la revalorisation, depuis 2018, a été opérée sur la base de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH([99]).

Or, la revalorisation sur le fondement de l’IPCH a entraîné ces deux dernières années une hausse des VLC des locaux industriels évalués selon la méthode comptable bien plus marquée que celle des autres locaux professionnels :

 

 

Établissements industriels

Autres locaux professionnels

2018-2019

2,16 %

0,3 %

2019-2020

1,22 %

0,4 %

Source : évaluation préalable.

La règle de revalorisation applicable aux établissements industriels, fondée sur l’IPCH, paraît donc trop dynamique, et déconnectée des modalités prévues pour les autres locaux professionnels.

Selon l’évaluation préalable, la combinaison de ces paramètres d’évaluation (liés aux taux d’intérêt appliqués) et de la règle de revalorisation (en fonction de l’IPCH) « concourent à expliquer le niveau parfois élevé des cotisations de CFE et de TFPB des établissements industriels ».

Ce constat s’insère également dans celui, plus large, d’un niveau élevé des impôts de production en France, qui pénalise notamment l’industrie nationale.

3.   L’intérêt toujours actuel d’une méthode spécifique d’évaluation des locaux industriels rend opportune une modernisation de la méthode comptable

Malgré le caractère obsolète des taux d’intérêt, et le dynamisme excessif de la revalorisation annuelle, les raisons qui ont présidé à lélaboration dune méthode spécifique pour lévaluation des locaux industriels restent actuelles.

Labsence de marché locatif conduit à écarter l’extension de la méthode tarifaire aux locaux industriels. Selon l’évaluation préalable, un nombre substantiel d’établissements ne pourraient pas être évalués dans des conditions satisfaisantes « en raison de linsuffisance des actes de location normaux ». Cette extension aurait également des effets de bord sur l’évaluation des autres locaux des entreprises, avec la nécessité probable de modifier les catégories de locaux actuelles.

L’inconvénient, soulevé dans le passé, du recours systématique à la méthode de l’évaluation directe est également toujours valable : un défaut potentiel et probable duniformité et dobjectivité dans lévaluation.

L’approche « semi‑globale » de la méthode comptable (qui regroupe les éléments en deux catégories, terrains et sols d’une part, constructions et installations d’autre part), et l’utilisation de données comptables de l’entreprise, qui confère à l’évaluation un caractère objectif, devraient donc être conservées.

Plutôt quun abandon de la méthode comptable, cest donc plutôt une modernisation de ses paramètres, ainsi qu’une élévation au plan législatif de ses éléments essentiels, que propose le présent article.

II.   Le dispositif proposé

A.   Une baisse de CFE et de TFPB compensÉe aux collectivitÉs locales

1.   La division par deux de la valeur locative des établissements industriels

Le présent article conserve donc le principe de la méthode actuelle. Il en modernise toutefois les paramètres.

Le I élève au niveau législatif le niveau des taux d’intérêt, actuellement prévus à l’article 310 L de l’annexe 2 du CGI, de valeur réglementaire.

Le 1° du A de ce I supprime ainsi le renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer le montant des taux d’intérêt.

Le 2° du A fixe ainsi les taux d’intérêt, à l’article 1499 du CGI, à :

– 4 % pour les sols et terrains ;

– 6 % pour les constructions et installations.

Il sagit donc dune division par deux des taux dintérêt « théoriques ». En effet, la VLC des établissements industriels se calcule ainsi :

VLC = prix de revient des éléments d’immobilisation du local inscrits au bilan * taux d’intérêt

La cotisation de CFE ou de TFPB se calcule ainsi :

Cotisation = VLC * taux d’imposition

Si le taux d’intérêt est divisé par deux, la valeur locative correspondante est divisée par deux. Dès lors, le taux d’imposition s’applique à une VLC divisée par deux, ce qui aboutit à une cotisation d’impôt elle‑même réduite de 50 %.

Les abattements exposés supra, en vigueur pour les constructions et installations et actuellement prévus au niveau réglementaire ([100]) sont maintenus et inscrits dans la loi (au même article 1499) :

– 25 % pour les biens acquis ou créés avant le 1er janvier 1976 ;

– 33,33 % pour ceux acquis ou créés postérieurement à cette date.

Comme précédemment, ces abattements sappliquent seulement aux constructions et installations, ce qui porte le taux d’intérêt « effectif » de cette catégorie d’immobilisations industrielles à 4,5 %, s’ils sont antérieurs à 1976, 4 % s’ils sont postérieurs.

 

Élément de létablissement industriel

Taux dintérêt « théorique »

Taux dintérêt « effectif » appliqué au prix de revient

Sols et terrains

4 %

4 %

Constructions et installations antérieures à 1976

6 %

4,5 %

Constructions et installations postérieures à 1976

6 %

4 % %

Source : commission des finances.

Le B du I prévoit un nouveau mécanisme de revalorisation annuelle. Les VLC des bâtiments et terrains industriels évalués selon la méthode comptable seront, à compter de 2021, majorées chaque année par application d’un coefficient égal à la moyenne nationale des coefficients départementaux de mise à jour des loyers des locaux professionnels ([101]).

La revalorisation annuelle des locaux industriels sera donc rapprochée de celle des autres locaux des entreprises, tout en conservant un coefficient national unique, cohérent avec la conception historique de la méthode comptable (une méthode qui permet l’uniformité des évaluations sur le territoire national).

Le C du I opère une coordination intégrant cette nouvelle règle de revalorisation dans l’application du mécanisme de « lissage » de la variation de valeur locative qui résulterait d’un changement de méthode d’évaluation (mécanisme évoqué dans un encadré supra).

Le A du IV opère une coordination similaire en intégrant les nouveaux taux d’intérêt prévus par le présent article pour l’application du mécanisme de la valeur locative « plancher », qui permet de limiter les répercussions dans les recettes fiscales des collectivités des restructurations d’entreprises qui affectent les valeurs locatives de certaines immobilisations (apports, scissions, fusion ou cession de sociétés).

Dès lors que les acomptes de CFE et les prélèvements mensuels de CFE ou de TFPB sont calculés en fonction de l’impôt acquitté en année N‑1, le présent article tire les conséquences de la réduction par deux des VLC des établissements industriels sur le paiement de l’impôt en 2021 :

– en permettant au redevable concerné de réduire de moitié l’acompte de CFE qu’il doit verser en 2021 (B du IV) ;

– en lui permettant de demander la réduction de moitié des prélèvements mensuels de CFE (C du IV) ou de TFPB (D du IV), s’il a opté pour ce mode de règlement de l’impôt en 2021.

Ces dispositions liées au recouvrement sont également applicables à la taxe additionnelle à la CFE (TA-CFE) affectée à CCI France (taxe pour frais de chambre) ([102]).

2.   La compensation dynamique de l’allègement fiscal aux collectivités par un prélèvement sur les recettes de l’État

Le 1° du A du III institue, à compter de 2021, un prélèvement sur les recettes de lÉtat (PSR) destiné à compenser aux collectivités territoriales et aux EPCI à fiscalité propre la perte de recettes de TPFB et de CFE résultant de la réduction de 50 % des valeurs locatives des établissements industriels évalués selon la méthode comptable.

Les 2° et 3° du A précisent le calcul de ce PSR. Il sera égal, chaque année et pour chaque collectivité ou EPCI bénéficiaire, au produit de :

– la perte de bases résultant chaque année de la réduction de 50 % des VLC ;

– par le taux de TFPB ou de CFE appliqué en 2020 dans la collectivité ou l’EPCI.

La dynamique des bases est donc pleinement prise en compte dans le PSR de compensation. L’installation après 2020 de nouveaux établissements industriels imposables à la CFE et à la TFPB sur le territoire de la commune sera intégrée dans la compensation par l’État de la baisse des VLC.

S’agissant de la TFPB, il est précisé que le taux à prendre en compte est majoré du taux appliqué en 2020 par le département, en lien avec le transfert aux communes de la part départementale de TFPB à compter de 2021 (voir supra).

Le cas des EPCI sans fiscalité propre (des syndicats) qui sont financés par la TFPB ou la CFE sous forme de contributions fiscalisées, plutôt que par des contributions budgétaires de leurs communes membres, est également pris en compte. Le taux de l’année 2020 pris en compte pour le calcul de la compensation intègre le taux additionnel appliqué au profit de l’EPCI.

Enfin, dans le cas de la création d’une commune nouvelle ou lorsqu’un un EPCI applique le régime de fiscalité professionnelle unique à compter du 1er janvier 2020, le taux d’imposition à prendre en compte pour le calcul du PSR de compensation correspond au taux moyen pondéré des communes membres ou préexistantes constaté en 2020.

3.   La neutralisation des effets induits sur les autres impôts locaux

a.   La neutralisation des effets induits sur la suppression de la TH et la réforme du schéma de financement des communes

Le nouveau schéma de financement des communes à compter de 2021, avec le processus de suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, est fondé sur l’application d’un coefficient correcteur au produit de TFPB perçu en remplacement de la TH (voir encadré supra).

Ce coefficient garantira la compensation à l’euro près de chacune des communes, comprise comme étant le produit qui résulte de l’application aux bases de TH existantes en 2020 des taux de TH de 2017.

La réduction des VLC portée par le présent article pourrait affecter le fonctionnement du coefficient correcteur, dès lors que les produits de TFPB et de CFE vont être abaissés et compensées dans les recettes locales par un prélèvement sur les recettes de l’État.

Le II du présent article prévoit en conséquence une neutralisation de la réduction des VLC des établissements industriels sur lapplication du coefficient correcteur et l’équilibre du schéma de financement tel que prévu par la loi de finances pour 2020.

b.   La neutralisation des effets induits sur la répartition du produit de la CVAE entre collectivités

La pondération des locaux industriels par un coefficient de 21 pour l’application de la clé de répartition du produit de CVAE prélevée sur les entreprises multi‑établissements permet d’augmenter artificiellement la valeur locative de ces établissements pour la répartition entre collectivité du produit de CVAE (voir encadré supra). Elle a pour objet :

– d’inciter ces dernières à accueillir des entreprises industrielles ;

– et de compenser les externalités négatives qu’elles subissent du fait de la présence de ces établissements sur leur territoire.

La réduction de moitié des VLC de ces établissements par le présent article perturberait nécessairement ces modalités de répartition du produit de CVAE et pourrait affaiblir considérablement la portée du coefficient pondérateur.

Dès lors, le E du I neutralise la réduction de 50 % des VLC des établissements industriels sur la clé de répartition de la CVAE entre collectivités territoriales.

Pour opérer cette neutralisation, lorsque les VLC de l’établissement sont à plus de 20 % évaluées selon la méthode comptable, le coefficient de pondération des VLC des immobilisations industrielles évaluées selon la méthode comptable est doublé de 21 à 42. La répartition du produit de CVAE entre collectivités, et donc, les recettes des collectivités qui accueillent des immobilisations industrielles et en subissent les externalités négatives, ne seront pas modifiées par la réforme.

c.   La neutralisation des effets induits sur les taxes additionnelles

La modification des assiettes des taxes directes locales entraîne des effets induits sur les taxes additionnelles concernées, dès lors que la répartition entre catégories de redevables du poids des taxes additionnelles est déterminée en fonction du produit des taxes directes locales sous‑jacentes (voir encadré supra).

Lors de la suppression de la TH sur les résidences principales et du transfert aux communes de la part départementale de TFPB, le Gouvernement et le législateur ont ainsi décidé de neutraliser les conséquences de cette réforme sur la répartition du poids des taxes locales additionnelles.

La réduction de moitié des VLC des établissements industriels évalués selon la méthode comptable imposables à la TFPB et à la CFE, en réduisant le produit de ces deux impôts, affecte ainsi également la répartition du poids des taxes locales additionnelles à ces impôts.

Il en résulterait un ressaut d’imposition sur les contribuables des autres taxes directes locales, notamment ceux redevables de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB). Ce surcroît de taxes additionnelles sur les redevables de la TFNB pourrait être élevé au regard du faible nombre de contribuables concernés.

Le présent article propose de prévenir ce ressaut dimposition et de conserver inchangé en 2021 l’équilibre de la répartition des taxes additionnelles.

En premier lieu, il est ainsi prévu, à compter des impositions établies au titre de 2021, la prise en charge par l’État, pour les établissements industriels, de la moitié du produit de chaque taxe additionnelle réparti en 2020 entre les assujettis à la TFPB et la CFE. Cette prise en charge s’applique :

– à la taxe GEMAPI (D du I) ;

– à la TASARIF (F du I) ;

– et aux taxes spéciales d’équipement (G, H, I, J et K du I).

Le B du III prévoit ainsi que l’État versera une dotation, à compter de 2021, aux affectataires de ces taxes additionnelles :

– les offices publics fonciers (1° du B) ;

– les EPCI dotés de la compétence « GEMAPI » (2° du B) ;

– les syndicats (3° du B) ;

– à la région Île‑de‑France (4° du B)

Ces dotations sont pérennes (versées chaque année à compter de 2021), mais calculées par rapport aux parts de taxes additionnelles de l’année 2020. Des évolutions de répartition entre les redevables du poids des taxes additionnelles pourront donc intervenir, avec les hausses ou baisses éventuelles de produit des taxes additionnelles, à compter de 2022.

B.   l’impact budgÉtaire et Économique

1.   Un allègement de 3,3 milliards d’euros sur les impôts de production des entreprises industrielles

La division des taux d’intérêt applicables aux éléments des immobilisations industrielles des entreprises entraîne un gain homogène, équivalent à une réduction de 50 % sur la valeur locative des locaux évalués selon la méthode comptable, c’est-à-dire la majorité des établissements industriels selon l’évaluation préalable, et donc une réduction de 50 % de l’impôt dû à ce titre.

L’allègement d’impôt pour les entreprises serait effectif dès 2021.

La nouvelle règle de revalorisation, fondée sur la moyenne nationale des coefficients départementaux de mise à jour annuelle des locaux professionnels, permettra en outre de limiter pour lavenir lécart entre le taux de revalorisation des VLC des locaux évalués selon la méthode comptable et celui des autres locaux des entreprises.

Allègement de CFE et de TFPB pour les entreprises

 

CFE

TFPB

Total

Nombre d’établissements concernés par la méthode comptable

86 000

(1,66 % des établissements redevables)

110 000

 

Impôt payé sur ces établissements

(milliards deuros)

3,07

(36 % du produit total de CFE)

3,5

(27 % du produit total de TFPB)

Baisse d’impôt par la baisse des VLC

(milliards deuros)

1,54

1,75

3,29

Source : évaluation préalable.

Le coût budgétaire net de la mesure pour l’État est ainsi prévu :

 

 

2021

2022

2023

2024

Coût pérenne

Coût pour l’État

– 2,9

– 2,5

– 2,7

– 2,7

– 2,7

Source : évaluation préalable.

Ce coût est inférieur au montant du PSR de compensation (voir infra) : il est lié à « l’effet retour » de l’impôt sur les sociétés (IS). En effet, les cotisations de TFPB et de CFE se déduisent de l’assiette de l’IS. En conséquence, la réduction des cotisations de TFPB et de CFE élargit mécaniquement celle de l’IS, ce qui entraîne un gain budgétaire pour l’État.

Les variations du coût en 2021 et 2022, avant sa stabilisation à compter de 2023, s’expliquent par le mécanisme du « cinquième acompte » d’IS. Pour mémoire, en vertu de ce dispositif prévu aux a et b du 1 de l’article 1668 du CGI, le dernier acompte d’IS dû par les entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250 millions d’euros ne repose pas sur les derniers résultats connus, mais sur une estimation de l’IS dû au titre de l’exercice en cours.

L’évaluation préalable estime les effets du « cinquième acompte » en 2021 à 70 % de l’effet retour d’IS, expliquant un coût supérieur pour l’État en raison d’un moindre impact de cet effet retour.

En 2022, à l’inverse, les 30 % de l’effet retour de l’IS au titre de 2021 non pris en compte cette année-là s’ajoutent à un effet retour intégral, expliquant le gain supérieur de l’État au titre de l’IS, et donc le moindre coût.

Enfin, à compter de 2023, les conséquences budgétaires du « cinquième acompte » sont neutralisées et le coût atteint son niveau de croisière ([103]).

La budgétisation des parts de TSE, de TASATIF, de taxe GEMAPI et des contributions fiscalisées perçues par les syndicats qui correspondent à la moitié des parts de ces taxes additionnelles pesant sur les locaux imposés à la TFPB et de la CFE évalués par la méthode comptable aurait un coût de 73 millions deuros pour le budget de lÉtat, selon l’évaluation préalable.

Cette charge, qui n’est pas négligeable, ne s’élève néanmoins qu’à 2,7 % du coût global pour l’État de la mesure et permettra d’éviter des ressauts d’imposition préjudiciables aux contribuables.

2.   La préservation de l’autonomie financière locale

a.   La dynamique des bases constitue l’essentiel de la dynamique du produit fiscal

La baisse de la TFPB et de la CFE sera donc intégralement compensée par un prélèvement sur recettes au bénéfice des communes et EPCI à fiscalité propres affectataires de ces taxes.

Le montant du PSR de compensation versé aux collectivités en 2021 est estimé à 3 290 millions deuros, dans larticle 23 du présent projet de loi de finances.

Le PSR sera dynamique : son montant suivra l’évolution des bases des établissements industriels évalués selon la méthode comptable et bénéficiaires de la baisse de leurs VLC.

La mesure portée par le présent article sapparente à une compensation dexonération (bien qu’il ne s’agisse pas d’une exonération au sens strict, mais d’une évolution des modalités de calcul de l’assiette).

En effet, il s’agit d’un allègement d’impôt local qui serait, avec l’adoption définitive par le Parlement du présent projet de loi de finances, décidé par le législateur dans le cadre d’une politique nationale, qui vise en l’occurrence à renforcer la compétitivité de l’industrie française et l’attractivité du territoire national.

Lorsqu’il est décidé de compenser une exonération, le mécanisme de compensation est défini par la loi selon des modalités propres à chaque dispositif. La plupart des compensations d’exonérations sont calculées en prenant en compte l’évolution des bases de fiscalité multipliées par un taux historique constaté au moment de la mise en place de lexonération.

Avec le présent article, le Gouvernement s’inscrit donc dans la continuité des modalités traditionnelles de compensation des allègements d’impôts locaux.

Par ailleurs, s’agissant de la TFPB et de la CFE, la dynamique de ces impôts s’explique essentiellement par celle des bases.

Leffet base correspond à l’évolution que les produits auraient connue à taux d’imposition constants, c’est-à-dire si les bases avaient été les seules à évoluer.

L’effet taux explique la part restante de l’évolution globale.

En 2019, le produit d’ensemble de la TFPB s’est élevé à 34 526 milliards d’euros (+ 2,7 % par rapport à 2018).

Évolution du produit total de TFPB depuis 2015

(en millions d’euros)

Note : la différence entre la somme des produits par affectataire présentés sur le graphique et le total perçu en 2019 s’explique par de faibles montants perçus par les syndicats et non indiqués pour toutes les années (96 millions d’euros en 2019)

Source : données OFGL.

Or, l’effet taux a été négatif (– 0,1 %) et la hausse résulte entièrement de l’effet base (+ 2,8 %).

S’agissant des seules communes, l’effet taux est à + 1,9 % et l’effet base est à + 2,7 %, pour une hausse de + 4,7 %.

En 2015, le taux moyen de TFPB de l’ensemble des collectivités s’établissait à 35,66 %. En 2019, il s’établissait à 37,23 %. L’augmentation des taux sur la période est donc modeste.

Effet base et effet taux dans la dynamique de TFPB

(en %)

 

2017

2018

2019

Effet base

+ 1,7

+ 2,2

+ 2,8

Effet taux

+ 0,7

+ 0,9

– 0,1

Hausse du produit (toutes collectivités bénéficiaires)

+ 2,5

+ 3,1

+ 2,7

Source : données OFGL.

Le constat est le même avec la CFE, qui est une imposition relativement dynamique depuis 2015.

Évolution du produit total de CFE depuis 2015

(en millions d’euros)

Source : données OFGL.

C’est encore leffet bases qui explique l’essentiel de la dynamique du produit fiscal.

Effet base et effet taux dans la dynamique de CFE

(en %)

 

2017

2018

2019

Effet base

+ 2,6

+ 3,3

+ 0,5

Effet taux

+ 0,5

+ 0,5

+ 0,1

Hausse du produit (toutes collectivités bénéficiaires)

+ 3,2

+ 3,8

+ 0,7

Source : données OFGL.

En 2015, le taux moyen de CFE du secteur communal était de 25,95 %. En 2019°, il est de 26,45 %. La hausse de taux est également modérée sur la période.

b.   L’autonomie financière des collectivités est préservée

Aux termes de l’article 72‑2 de la Constitution, les recettes fiscales et autres « ressources propres » des collectivités doivent représenter une « part déterminante » de l’ensemble de leurs ressources.

Le législateur organique a précisé cette exigence constitutionnelle. Il a prévu que son respect s’appréciait au regard de ratios d’autonomie financière calculés pour chaque catégorie de collectivité, sur le fondement de la définition des ressources propres fixée par le Conseil constitutionnel.

Or, comme le précise l’évaluation préalable, la perte fiscale qui résulte du présent article n’est pas de nature à porter atteinte au principe d’autonomie financière locale.

 

 

Communes et EPCI

Départements

Régions

Ratio plancher de ressources propres

60,8 %

58,6 %

41,7 %

Ratios constatés en 2018

71,4 %

74,4 %

77,3 %

Source : Observatoire des finances et de la gestion publiques locales (OFGL). Les finances des collectivités locales en 2020.

Le bloc communal, affectataire de la TFPB et de la CFE, dispose en effet d’une « marge » importante par rapport au ratio plancher.

Par ailleurs, le pouvoir de taux nest pas aboli par le présent article, y compris sur les bases des établissements industriels, qui continuent d’être imposables.

Au-delà de la compensation prévue par l’État, s’agissant des établissements industriels, le pouvoir de taux local s’exercera simplement sur une assiette réduite de moitié.

*

*     *

La commission examine les amendements de suppression I‑CF843 de Mme Sabine Rubin et I‑CF1337 de M. Christophe Jerretie.

Mme Danièle Obono. La réduction de moitié de la valeur locative des établissements industriels se traduirait pour les communes par une perte de 1,75 milliard d’euros de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de 1,54 milliard d’euros de cotisation foncière des entreprises (CFE). Ce serait une aberration, d’abord parce qu’il n’existe aucune étude empirique établissant un lien entre la baisse de ces impôts de production et la compétitivité des entreprises ; ensuite, parce que si ces impôts de production sont effectivement élevés en France, ils sont largement neutralisés par les subventions à la production, tout aussi importantes.

Une note du Conseil d’analyse économique de juillet 2020 montre que cette mesure n’est absolument pas adaptée, puisque les trois secteurs les plus favorisés par la baisse des impôts de production sont, dans l’ordre, la production d’électricité et de gaz, les industries extractives et la finance. Les PME, elles, ne capteront que 30 % du gain. De notre point de vue, c’est l’inverse qu’il faudrait faire, pour des raisons à la fois environnementales et de justice sociale. D’où cet amendement de suppression de l’article 4.

M. Christophe Jerretie. Je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu ce matin au sujet des impôts de production et de la nécessaire réforme de la fiscalité des collectivités locales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est vrai que nous avons largement débattu de ces questions ce matin, notamment de la CFE, et j’ai dit combien il me semblait important de maintenir un lien entre le contribuable et le bloc communal. Avis défavorable.

L’amendement I‑CF1337 est retiré.

La commission rejette l’amendement I‑CF843.

La commission est saisie de l’amendement I‑CF1100 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. Afin de ne pas pénaliser les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), nous proposons de maintenir le mécanisme d’évolution des valeurs locatives des locaux industriels en vigueur, basé sur l’inflation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous remettez en question tout ce que nous cherchons à faire. L’un des intérêts du dispositif, c’est qu’il permet une évolution des bases plus lente, ce qui favorise l’attractivité industrielle. En maintenant le mécanisme actuel, la base serait réduite – et ce serait déjà une belle avancée –, mais la dynamique resterait rapide. Cela pourrait être mieux pour les collectivités territoriales mais pas pour la compétitivité des entreprises, notamment industrielles, qui, je le répète, est l’objectif premier poursuivi par l’article. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF1100.

La commission est saisie de l’amendement I‑CF326 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. S’appuyant sur le flou de la notion d’immobilisation industrielle, l’administration fiscale a multiplié ces dernières années les requalifications en immobilisations industrielles de bâtiments divers. Il y a quelques années, le législateur a pensé apporter une clarification en fixant un seuil en dessous duquel aucun local ne pourrait plus être qualifié de local industriel. Or, fixé à 500 000 euros, ce seuil apparaît inapproprié, de nombreux établissements industriels le dépassant rapidement. Afin de sécuriser les entreprises, je propose de fixer ce seuil à un million d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement de Mme Patricia Lemoine risquait de pénaliser les entreprises ; le vôtre risque de pénaliser les collectivités territoriales. Tout l’enjeu est de rendre nos entreprises plus compétitives tout en préservant les ressources de nos collectivités. L’article 4 me semble équilibré de ce point de vue. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF326.

La commission examine, en discussion commune, les amendements I‑CF1359 du président Éric Woerth et I‑CF1098 de Mme Patricia Lemoine.

M. le président Éric Woerth. Vous envisagez de compenser les pertes de recettes subies par les collectivités territoriales, du fait de la réduction de moitié de l’assiette fiscale de la CFE et de la TFPB propre aux établissements industriels, par un mécanisme basé sur un prélèvement sur les recettes de l’État (PSR). Les collectivités conservant un pouvoir de taux, si elles augmentent ce taux, cela n’aura d’effet que sur la moitié de la base actuelle.

Les collectivités sont le fruit d’une histoire fiscale, souvent longue. Certaines ont des taux bas historiquement ou ponctuellement, en fonction d’une situation donnée ; parfois, elles les augmentent en prévision d’investissements à financer. Les élus, du moins je l’espère, ne gèrent pas leurs taux à la petite semaine ! La compensation que vous prévoyez est très injuste, puisque les collectivités qui avaient souhaité maîtriser leur fiscalité en maintenant un taux bas ne pourront pas bénéficier pleinement d’une éventuelle hausse de leurs taux. Vous ne prenez pas en compte l’histoire fiscale des collectivités.

Mme Patricia Lemoine. Pour une compensation intégrale et dynamique des pertes de ressources, le calcul devrait prendre en compte les taux de CFE et de TFPB votés par la commune ou l’EPCI à fiscalité propre au titre de l’année d’imposition, et non les taux figés de 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Lorsqu’une loi prévoit un allègement d’impôt local pour le contribuable – en l’occurrence, ici, les entreprises, notamment industrielles –, la compensation est systématiquement prévue sur la base du taux d’une année de référence, le plus souvent celui constaté au moment de l’introduction de l’exonération.

La dynamique de la CFE et de la TFPB s’explique davantage par celle des bases que par celle des taux. Ainsi, en 2019, le produit de la TFPB s’est élevé à 34,5 milliards, ce qui correspond à une hausse de 2,7 % par rapport à 2018. Or l’effet taux a été négatif (moins 0,1 %) ; la hausse résulte entièrement de l’effet base (plus 2,8 %). Pour la CFE, en 2019, l’effet base a été de plus 0,5 % et l’effet taux de plus 0,1 % seulement. Le gel du taux n’aura pas d’effet sur la dynamique de la ressource fiscale puisque les bases, elles, devraient continuer de progresser. Or la compensation prendra en compte l’intégralité de la dynamique des bases.

L’autonomie financière des collectivités est préservée. Il y a une vraie différence avec ce qui a été imaginé pour compenser la suppression de la taxe d’habitation ou le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements au bloc communal – les départements recevant, en compensation, une fraction de TVA. S’agissant de la CFE et de la TFPB, les collectivités ont toujours la possibilité de moduler les taux sur la moitié des bases.

Enfin, la référence aux taux de 2020 pour le calcul du PSR doit être comprise dans les deux sens. Si une collectivité baisse ses taux de CFE et de TFPB, elle sera quand même compensée sur la base des taux de 2020. C’est une incitation financière de l’État, qui doit pousser les collectivités à soutenir l’industrie française en baissant les impôts locaux. Avec les amendements proposés, qui remplacent la référence aux taux de 2020 par ceux de l’année en cours, une collectivité qui baisserait ses taux serait moins compensée.

J’insiste sur le fait que les collectivités, s’agissant de la CFE et de la TFPB, ne perdent aucunement leur pouvoir fiscal, puisque l’impôt existe encore, tout comme la liberté de taux. Il me paraît essentiel de garder comme taux de référence le taux de 2020, ce qui n’empêche pas la prise en compte de bases dynamiques. Du point de vue du pilotage des finances publiques de l’État, nous pensons qu’il est essentiel de partir d’un taux de référence.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président Éric Woerth. Les maires, les communes et les communautés de communes vont garder une liberté de taux et vont donc peut-être augmenter leur taux sur la moitié des bases. Mais sur l’autre moitié, ils ne seront pas compensés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si !

M. le président Éric Woerth. Ils seront compensés sur le taux historique, mais pas sur le nouveau. Envisagez-vous de fixer un seuil ? Certaines communes pourraient être tentées d’aller assez loin dans l’augmentation des taux. Cela réduirait leur attractivité, me direz-vous, mais avez-vous prévu quelque chose pour éviter que des taux élevés soient appliqués sur une base minorée ?

M. Jean-René Cazeneuve. Lorsqu’on parle de compensation aux collectivités territoriales, il y a trois étapes à considérer. Premièrement, au moment de la bascule, la compensation se fait-elle à l’euro près ? Deuxièmement, la compensation se fait-elle sur une ressource dynamique ? Troisièmement, la dynamique de la compensation est-elle aussi forte que la dynamique historique de l’impôt initial ?

Dans le cas de la compensation de la disparition de la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des régions par le versement d’une fraction de TVA, la réponse est oui aux trois questions – l’évolution de la TVA sera aussi dynamique que l’actuelle CVAE.

Qu’en sera-t-il de la CFE et de la TFPB ? Premièrement, on compensera bien à l’euro près. Deuxièmement, on compensera bien par une ressource dynamique, puisqu’elle va évoluer en même temps que les bases. Sur le troisième point, en revanche, il est vrai que les collectivités vont perdre le droit de taux sur une partie de la base. On peut considérer que c’est important, mais cela ne concerne que 3 milliards d’euros sur une assiette de 43 milliards d’euros, c’est‑à‑dire 6 % ou 7 % au maximum.

Avec ces amendements, le PSR augmenterait au gré de la fixation du taux par les collectivités locales : ce serait un précédent un peu dangereux pour le pilotage du budget de l’État. Il est vrai que l’autonomie fiscale des collectivités territoriales va connaître un léger recul, mais la compensation à l’euro près augmentera au moins autant que l’inflation.

M. Éric Woerth. Ceux qui ont un peu d’expérience savent ce que vaut la compensation à l’euro près.

M. Jean-René Cazeneuve. J’ai moi-même une certaine expérience.

M. Charles de Courson. Avec Gilles Carrez, nous nous sommes battus pendant vingt-huit ans pour que toutes les compensations soient à taux stabilisé, simplement parce que sans taux stabilisé, l’État doit augmenter sa compensation à chaque fois que les collectivités locales augmentent leur taux. Ce n’est ni logique ni responsable.

Il y a tout de même un vrai problème de démocratie. À force de supprimer les impôts sur les ménages, que restera-t-il du lien entre le citoyen contribuable et les élus ? C’est cela, le grand problème ! Le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation nous dit que la CVAE sera parfaitement compensée parce que l’expérience a montré que la croissance de la TVA nette n’est pas très différente de celle de la CVAE. C’est vrai pour le passé, mais soyons prudents pour l’avenir ! En tout cas, il n’y a plus aucun lien avec la territorialisation.

Avec la CFE et la TFPB, ce lien existe encore, mais la CFE revient massivement aux intercommunalités, ce qui n’est pas le cas de tout le foncier bâti. Cela pose la question des liaisons inter-taux, qui a déjà été évoquée.

M. Cazeneuve dit que cela ne concernera que 7 % de l’assiette, mais c’est une moyenne. Il y a des communes industrielles où la proportion est beaucoup plus importante.

M. Christophe Jerretie. Monsieur le rapporteur général, pourriez-vous demander au Gouvernement de nous expliquer la logique qui l’a conduit à réformer ces deux taxes foncières ? Je n’ai eu que des réponses partielles à ce sujet, alors que c’est important au regard de l’évolution de la valeur locative. Si vous pouviez en dire un mot dans votre rapport, ce serait une bonne chose.

Mme Véronique Louwagie. Les collectivités vont perdre une grande partie de leur liberté. Elles pourront certes continuer à faire évoluer leurs taux, mais l’effet de leurs décisions sera réduit de moitié.

Y a-t-il un mécanisme de plafonnement des taux pour éviter des hausses trop importantes ? Existe-t-il toujours un lien entre l’évolution des différents taux ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Que les choses soient claires : aucun des articles du projet de loi ne modifie les règles de liaison des taux.

Je partage le point de vue de Jean-René Cazeneuve, et je ne suis pas opposé à ce que l’on approfondisse certaines questions d’ici à l’examen du texte en séance, mais je crois avoir exposé le fond de ma pensée.

Il est vrai, monsieur le président, que les collectivités n’auront plus une liberté de taux que sur une base réduite de moitié, mais cette baisse des impôts de production est un effort collectif, qui reposera à la fois sur l’État et sur les collectivités locales : il est important de le rappeler. Du reste, l’effort financier sera presque exclusivement pris en charge par l’État. Mais je reconnais qu’il y a, pour le bloc communal – plus que pour les régions –, un début de perte d’autonomie financière sur ce sujet.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour les départements aussi !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non, les départements n’ont rien à voir avec la baisse des impôts de production. Il est vrai qu’au niveau du bloc communal, on note une modification de la relation avec le contribuable économique, mais cette relation perdure. La liberté de taux est maintenue.

Monsieur Jerretie, puisque vous êtes, cette année encore, rapporteur spécial des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, tout ce qui relève du PSR entre dans votre champ de contrôle et la loi organique relative aux lois de finances vous autorise à faire tous les contrôles nécessaires auprès de l’administration.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous oubliez, monsieur le rapporteur général, que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) impose que la moitié de la CVAE perçue par les départements soit transférée aux régions pour la compétence transport. Et personne n’en parle !

La commission rejette successivement les amendements I‑CF1359 et I‑CF1098.

Elle adopte l’article 4 sans modification.

 


Article 5
Neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs

Résumé du dispositif proposé

Prévue à l’article L. 123‑18 du code de commerce, la réévaluation libre des immobilisations corporelles et financières permet à une entreprise de fournir une image de sa situation plus fidèle à la réalité et de renforcer ses capitaux propres.

Néanmoins, lorsque cette réévaluation se traduit par une augmentation de la valeur des éléments d’actifs, l’écart de réévaluation ainsi constaté augmente l’actif net et constitue un produit immédiatement imposable. L’opération entraîne donc un ressaut d’imposition – à la différence des anciens régimes légaux de réévaluation prévus aux articles 238 bis I et 238 bis J du code général des impôts (CGI), prévoyant une neutralité fiscale de la réévaluation mais aujourd’hui plus applicables aux nouvelles réévaluations.

Dans le contexte actuel de crise, afin d’inciter les entreprises à réévaluer leurs actifs et donc à renforcer leurs capitaux propres sans risquer un ressaut d’imposition, le présent article met en place un dispositif temporaire et optionnel de neutralisation fiscale de la réévaluation libre, dont le cœur est consacré dans un nouvel article 238 bis JB du CGI.

En application de ce nouveau dispositif, l’écart de réévaluation, résultant de la première réévaluation réalisée au titre d’un exercice dont la clôture intervient entre le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2022, ne sera pas pris en compte pour la détermination du résultat de l’exercice considéré – évitant ainsi tout ressaut d’imposition. Parallèlement, des mécanismes correcteurs sont prévus :

– pour les immobilisations amortissables, à travers une réintégration progressive au résultat de l’écart de réévaluation, par fractions égales sur une période de quinze ou cinq ans en fonction de la nature du bien – il s’agit donc d’un étalement de l’imposition de la plus-value de réévaluation ;

– pour les immobilisations non amortissables, au moyen d’un sursis d’imposition de la plus-value de réévaluation.

Le dispositif présente pour l’État un coût en trésorerie (non chiffré), et n’a donc pas d’impact pérenne sur les finances publiques : la perte de recettes initiale résultant de l’absence de prise en compte de l’écart de réévaluation est par la suite compensée par les mécanismes correcteurs qui assurent à l’opération sa pleine neutralité fiscale.

Dernières modifications intervenues

Les régimes légaux de réévaluation prévus aux articles 238 bis I et 238 bis J du CGI ont été créés, respectivement, par les lois de finances pour 1977 et 1978. Ils se sont appliqués aux réévaluations intervenues au titre d’exercices clos entre le 31 décembre 1976 et le 31 décembre 1979.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

 

I.   L’état du droit

Afin de présenter une image plus fidèle de leur patrimoine et de leur situation financière, mais aussi de renforcer leurs capitaux propres, les entreprises peuvent procéder à une réévaluation de leurs éléments d’actifs. Cependant, en dehors de deux régimes légaux relativement anciens et aux effets désormais résiduels, une telle réévaluation n’est pas neutre fiscalement et est susceptible de conduire à un accroissement immédiat de l’impôt dû par l’entreprise, ce qui peut présenter certaines difficultés dans le contexte économique actuel.

A.   Le régime fiscal de la réévaluation des éléments d’actif

La réévaluation d’un élément d’actif consiste à mettre un terme au décalage susceptible d’exister entre la valeur comptable d’un bien et sa valeur réelle, notamment en raison d’une appréciation résultant de l’inflation ou d’une hausse du marché – par exemple immobilier.

Cette réévaluation conduit à un écart de réévaluation, correspondant à la différence entre la valeur de marché du bien (valeur actuelle) et sa valeur nette comptable, qui correspond à la valeur historique – au moment de l’acquisition du bien – diminuée des éventuels amortissements.

Avant d’étudier le régime de réévaluation libre prévue par le code de commerce, il paraît utile de se pencher sur les principales caractéristiques des anciens régimes légaux, prévoyant une neutralité fiscale de l’opération pour l’entreprise.

1.   La « réévaluation légale 1976 » : les régimes légaux temporaires de réévaluation

Les lois de finances pour 1977 et 1978 ([104]) ont mis en place deux régimes légaux de réévaluation des éléments d’actifs, fiscalement neutres :

– un dispositif de réévaluation des éléments non amortissables, codifié à l’article 238 bis I du code général des impôts (CGI) ;

– un dispositif de réévaluation des immobilisations amortissables, codifié à l’article 238 bis J du CGI et correspondant à l’extension, avec certains aménagements, du précédent dispositif.

a.   Le champ d’application des régimes légaux de réévaluation

Ces deux régimes sont ouverts aux entreprises (personnes morales ou physiques) exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, et portent sur la réévaluation des éléments d’actifs figurant au bilan du premier exercice clos à compter du 31 décembre 1976.

Cette réévaluation légale pouvait être effectuée dans les écritures comptables de cet exercice ou dans celles des trois exercices suivants, couvrant donc les réévaluations réalisées au titre d’un exercice clos entre le 31 décembre 1976 et le 31 décembre 1979.

Ces régimes étaient facultatifs pour la plupart des entreprises, mais revêtaient un caractère obligatoire pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou dans lesquelles une telle société détient une participation entrant dans le champ de l’établissement des comptes consolidés.

b.   La neutralité fiscale de l’opération de réévaluation

La plus-value dégagée par l’opération de réévaluation faisait l’objet d’une neutralisation fiscale.

● D’une part, la plus-value de réévaluation était inscrite, en franchise d’impôt :

– s’agissant des immobilisations non amortissables, à une réserve de réévaluation (réserve réglementée, compte 1053 du plan de comptes général) figurant au passif du bilan de l’entreprise, aux termes du II de l’article 238 bis I du CGI ;

– s’agissant des immobilisations amortissables, à un compte de provision spéciale figurant au passif du bilan, en application du II de l’article 238 bis J du CGI (compte 146 du plan de comptes général).

● D’autre part, cette plus-value était ultérieurement rapportée au résultat de l’entreprise.

S’agissant des immobilisations non amortissables, en cas de sortie du bien de l’actif – par exemple dans le cas d’une cession –, le III de l’article 238 bis I du CGI prévoit que la plus-value de cession est calculée fiscalement à partir de la valeur non réévaluée du bien – et non en retenant la valeur réévaluée.

Il s’agit donc d’un sursis d’imposition, à l’image de ce qui existe en matière de plus-value d’échange de titres à l’article 150‑0 B du CGI ou dans le cadre d’une opération de fusion ou opération assimilée relevant du régime spécial des fusions consacré à l’article 210 A du CGI.

Le sursis d’imposition

● Le sursis d’imposition conduit à un différé de l’imposition d’une plusvalue, qui n’est ainsi pas due au titre de l’exercice de réalisation de l’opération dégageant cette plus-value – telle qu’une réévaluation d’éléments d’actif, un échange de titres de sociétés ou encore une opération relevant du régime spécial des fusions.

L’opération qui relève du sursis d’imposition est considérée fiscalement comme purement intercalaire, la plus-value n’étant ni imposée, ni déclarée : elle ne le sera qu’au moment de la cession ultérieure du bien.

● À titre d’exemple, en cas d’échange de titres, une personne achète, pour une valeur de 100, des titres d’une société X qui font ensuite l’objet d’un échange avec des titres d’une société Y d’une valeur de 250. Ces titres de Y sont ultérieurement cédés pour une valeur de 300.

Si l’opération d’échange est placée sous le régime du sursis, l’imposition n’interviendra pas lors de l’échange, mais seulement à l’occasion de la cession, et la plus-value sera calculée à partir de la valeur d’acquisition des titres et non de celle des titres reçus en échange. La plus-value sera donc de 200 (300 – 100).

● Le sursis d’imposition ne doit pas être confondu avec le report d’imposition qui, bien que conduisant lui aussi à un différé d’imposition, distingue la plus-value mise en report (150 dans l’exemple précédent), calculée et déclarée dès l’opération (ici l’échange) mais imposée lors de la cession future, de la plus-value de cession (50 dans l’exemple précédent), imposées dans les conditions de droit commun.

S’agissant des immobilisations amortissables, la plus-value est rapportée au même rythme que l’amortissement pratiqué sur la valeur réévaluée.

En effet, aux termes du deuxième alinéa du II de l’article 238 bis J du CGI, les annuités d’amortissement des exercices ouverts à compter de 1977 sont calculées à partir de la valeur réévaluée, tandis que les troisième à cinquième alinéas du même II prévoient que la provision spéciale de réévaluation est rapportée aux résultats de ces exercices, par fractions, au fur et à mesure de l’amortissement du bien. Il s’agit d’un mécanisme correcteur qui évite que la majoration des charges d’exploitation résultant de la hausse de la base d’amortissement ne se traduise par une réduction de l’assiette imposable.

En cas de cession du bien, le montant résiduel de la provision est rapporté au résultat de l’exercice de cession, ainsi qu’en dispose le dernier alinéa dudit II.

2.   La réévaluation libre des actifs prévue par le code de commerce

Si les régimes légaux prévus aux articles 238 bis I et 238 bis J du CGI ne sont pas applicables aux réévaluations actuelles, les entreprises disposent néanmoins de la possibilité de réévaluer leurs actifs dans le cadre du régime de réévaluation libre.

Cette possibilité de réévaluation libre est expressément prévue à l’article L. 12318 du code de commerce.

a.   Le champ d’application de la réévaluation libre

Le dispositif de réévaluation libre prévu à l’article L. 123‑18 du code de commerce s’applique aux entreprises soumises à la tenue d’une comptabilité commerciale.

Dès lors, peuvent se prévaloir du dispositif de réévaluation libre prévu par le code de commerce les sociétés assujetties à l’IS, les entreprises assujetties à l’IR imposées dans la catégorie des BIC et celles imposées dans la catégorie des bénéfices agricoles, l’article 72 du CGI indiquant pour ces dernières qu’elles sont soumises, pour la détermination de leur bénéfice, aux mêmes règles que celles prévues en matière de BIC.

● À l’inverse, les sociétés civiles n’ayant pas opté pour l’assujettissement à l’IS ne peuvent se prévaloir des conséquences fiscales d’une réévaluation libre, notamment l’accroissement des amortissements dû à la réévaluation ([105]).

Dans le même ordre, le traitement fiscal des réévaluations des immobilisations en matière de bénéfices non commerciaux (BNC) diffère significativement de celui prévu en matière commerciale – BIC ou IS.

En effet, ces réévaluations ne constituent ni une cession, ni la réalisation d’un élément d’actif au sens de l’article 93 du CGI et de nature à dégager une plus-value imposable. Dès lors, si l’actif concerné est inscrit dans les comptes pour son montant réévalué, cette valeur comptable accrue n’est pas prise en compte d’un point de vue fiscal ([106]). L’opération est inopposable à l’administration sur le plan fiscal, la plus-value consécutive à la réévaluation libre échappant à l’impôt – ce qui a pour effet, notamment, l’impossibilité pour le redevable de se prévaloir de certaines dispositions en matière d’imposition des plus-values latentes, telles que l’absence d’imposition immédiate prévue au I de l’article 202 ter du CGI ([107]).

b.   Les modalités de la réévaluation libre

L’écart de réévaluation entre la valeur actuelle de l’actif et sa valeur nette comptable est inscrit de façon distincte au passif du bilan et ne peut servir à compenser des pertes. Concrètement, l’écart de réévaluation est inscrit aux capitaux propres sur le compte 1052 « Écart de réévaluation libre » en contrepartie de l’augmentation de la valeur d’actif résultant de l’opération.

Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 232‑11 du code de commerce, cet écart n’est pas distribuable et peut être incorporé en tout ou partie au capital de l’entreprise.

En raison de la rédaction retenue au dernier alinéa de l’article L. 123‑18 du code de commerce, qui mentionne « une réévaluation de l’ensemble des immobilisations corporelles et financières », la réévaluation libre :

– ne concerne pas les immobilisations incorporelles ;

– ne peut consister en une réévaluation partielle des immobilisations corporelles et financières.

c.   Les conséquences fiscales de la réévaluation libre

● Si, d’un point de vue comptable et ainsi qu’il a été vu, l’augmentation de l’actif résultant de la réévaluation a pour contrepartie l’inscription au passif et dans un compte de capitaux propres de l’écart de réévaluation, d’un point de vue fiscal, l’opération aboutit à dégager un produit imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou à l’impôt sur les sociétés (IS).

En effet, aux termes du 2 de l’article 38 du CGI, qui définit le bénéfice net imposable dans la catégorie des BIC et qui s’applique en matière d’IS, ce bénéfice est constitué par la différence entre les valeurs d’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice d’imposition – l’actif net correspondant à la différence positive entre les valeurs d’actif sur une partie du passif, à savoir le total formé par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées.

Dès lors, pour déterminer son résultat imposable, l’entreprise doit réintégrer extra-comptablement l’écart de réévaluation à son bénéfice, conduisant à une imposition immédiate de la plus-value résultant de la réévaluation, dès l’exercice de réalisation de cette dernière.

Illustration de l’écart de réévaluation

Une entreprise fait l’acquisition le 1er janvier de l’exercice N d’un bien pour une valeur de 100 000 euros. Ce bien est amortissable sur dix ans selon le mode linéaire, conduisant à des annuités d’amortissement de 10 000 euros chacune.

Au cours de l’exercice N + 4, l’entreprise procède à une réévaluation libre : le bien est ainsi réévalué à 175 000 euros.

Sa valeur nette comptable au terme de cet exercice est de 50 000 euros (100 000 – 5 × 10 000).

L’écart de réévaluation est donc de : 175 000 – 50 000 = 125 000 euros.

Ce montant constitue une plus-value imposable au titre de l’exercice.

● Si l’intégration extracomptable de l’écart de réévaluation aboutit à une imposition immédiate de la plus-value, il convient toutefois de noter que :

– l’entreprise peut, le cas échéant, imputer ses éventuels déficits sur le résultat ainsi accru ;

– l’imposition immédiate peut, par la suite, être compensée par une augmentation des charges d’exploitation venant en réduction du résultat imposable des exercices ultérieurs : pour les immobilisations amortissables, la réévaluation entraîne en effet un accroissement de la base d’amortissement.

● La base des provisions pour dépréciation est également rehaussée – bien que cela puisse, de prime abord, paraître contre-intuitif si la réévaluation a conduit à une augmentation de la valeur du bien. En effet, pour une valeur dépréciée donnée, le fait d’avoir procédé à une réévaluation accroît la valeur retenue pour déterminer l’ampleur de la dépréciation.

À titre d’exemple, une société détient un bien d’une valeur de 1 000. Elle procède à sa réévaluation, qui aboutit à constater une valeur de 1 200. Ensuite, elle constate une dépréciation, la valeur s’établissant à 900. Sans réévaluation, la dépréciation aurait été de 100 ; avec, elle est de 300 du fait du rehaussement de la base.

Le régime légal de réévaluation en franchise d’impôt
en cas de première option pour le régime réel d’imposition

Parallèlement à la réévaluation libre consacrée à l’article L. 123‑18, dont les conséquences fiscales viennent d’être présentées, existe toujours un régime de réévaluation légal fiscalement neutre et ciblé, prévu à l’article 39 octodecies du CGI.

Ce régime concerne les entreprises qui optent pour la première fois pour un régime réel d’imposition ; il leur offre la possibilité de constater en franchise d’impôt les plus-values acquises par leurs immobilisations non-amortissables.

Les plus-values qui seraient ultérieurement réalisées sont alors calculées à partir de la valeur ainsi réévaluée. En revanche, dans l’hypothèse d’une cession ou d’une cessation d’activité intervenant moins de cinq ans après la création ou l’acquisition de l’entreprise, les plus-values doivent être calculées à partir du prix d’origine des immobilisations.

B.   Une réévaluation libre utile mais à l’impact fiscal potentiellement pénalisant ou dissuasif

● Ainsi qu’il a été vu, la réévaluation des actifs permet de renforcer les capitaux propres des entreprises à travers l’inscription de l’écart de réévaluation dans ces derniers.

Ce renforcement participe à l’amélioration de la robustesse de l’entreprise et de la présentation de sa situation financière, assouplissant et facilitant ainsi ses conditions de financement.

● Néanmoins, en l’état du droit et à l’exception du dispositif ciblé applicable en cas de première option pour un régime d’imposition d’après le bénéfice réel, une telle réévaluation des actifs emporte des conséquences fiscales potentiellement lourdes pour les entreprises en raison du ressaut d’imposition qu’elle entraîne.

Dans le contexte actuel de crise, où de nombreuses entreprises ont été fragilisées et ont vu leurs fonds propres se dégrader, le spectre d’une surcharge fiscale à travers l’imposition immédiate de la plus-value peut constituer un obstacle important à la réévaluation, situation à l’évidence inopportune.

● Il semble donc utile, voire nécessaire, de rétablir un dispositif de neutralité fiscale de la réévaluation d’actifs, afin d’inciter le plus grand nombre possible d’entreprises à y recourir.

Tel est l’objet du présent article.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article met en place un dispositif temporaire de neutralisation fiscale de la réévaluation libre d’actifs, globalement neutre d’un point de vue budgétaire, afin d’y encourager les entreprises sans conséquences potentiellement dommageables pour elles.

A.   La neutralisation fiscale temporaire des réévaluations libres des éléments d’actif des entreprises

Le dispositif proposé consacre à titre temporaire la possibilité, pour les entreprises qui le souhaitent, de procéder à la réévaluation libre de leurs actifs dans le cadre d’une neutralité fiscale : l’imposition de la plus-value de réévaluation n’est pas immédiate, mais fait l’objet d’un étalement ou d’un sursis, en fonction de la nature amortissable ou non de l’actif considéré.

1.   Un nouveau dispositif de neutralisation, optionnel et adossé à la réévaluation libre

● Le cœur de la proposition de neutralisation fiscale de la réévaluation libre d’actifs consiste en l’introduction dans le code général des impôts d’un nouvel article 238 bis JB, à laquelle procède le B du I du présent article – ce nouvel article 238 bis JB composant une nouvelle structure 0I quater A au sein de la section II du chapitre IV du titre premier de la première partie du livre premier du CGI, intitulée « Réévaluation des immobilisations corporelles et financières ».

Une telle approche est apparue préférable à un simple rétablissement des régimes « réévaluation légale 1976 » prévus aux articles 238 bis I et 238 bis J du CGI précédemment présentés, compte tenu des importantes évolutions comptables intervenues depuis – notamment, en matière d’amortissement, avec la création en 2005 de la méthode par composants prévue à l’article 15 bis de l’annexe II du CGI, consistant à comptabiliser et à amortir distinctement chaque composant, c’est-à-dire chacun des éléments principaux d’une immobilisation corporelle.

● Le dispositif proposé par le présent article s’adosse à la réévaluation libre prévue à l’article L. 12318 du code de commerce dans la mesure où le premier alinéa du nouvel article 238 bis JB du CGI mentionne la « réévaluation d’ensemble des immobilisations corporelles et financières dans les conditions prévues » à cet article L. 123‑18.

Ce dispositif aura donc le même champ d’application matériel que la réévaluation libre, à savoir les entreprises imposées à l’IR dans la catégorie des BIC et celles assujetties à l’IS.

● Ce même premier alinéa du nouvel article 238 bis JB du CGI prévoit la possibilité, pour une entreprise procédant à une réévaluation libre de l’ensemble de ses immobilisations corporelles et financières, de ne pas prendre en compte, dans le résultat de l’exercice au titre duquel la réévaluation est réalisée, l’écart de réévaluation constaté.

Il s’agit là de la consécration de la première étape de la neutralisation fiscale proposée de l’opération de réévaluation, l’entreprise ne dégageant pas, fiscalement, de plus‑value immédiatement imposable en raison d’une hausse de son actif net.

Ainsi qu’il vient d’être vu, la neutralisation prévue est une possibilité et n’a donc rien d’obligatoire : le dispositif est optionnel, ouvert à la discrétion de chaque entreprise.

2.   Un dispositif de neutralisation assorti de mécanismes correcteurs

Si le premier alinéa du nouvel article 238 bis JB du CGI offre la possibilité à une entreprise de ne pas retenir dans son résultat l’écart de réévaluation, les alinéas suivant prévoient un encadrement opportun qui rend pleinement effective la neutralité fiscale d’ensemble de l’opération, à travers deux mécanismes correcteurs auxquels l’entreprise doit s’engager.

Les a et b du nouvel article 238 bis JB précisent en effet le traitement fiscal de la plus-value de réévaluation, en distinguant selon que les immobilisations sont amortissables ou non.

a.   Le mécanisme correcteur prévu pour les immobilisations non amortissables : le sursis d’imposition

S’agissant des immobilisations non amortissables, le a du nouvel article 238 bis JB du CGI prévoit un dispositif de sursis d’imposition de la plus-value, à l’image de ce qui existe dans le cadre du régime légal de réévaluation prévu à l’article 238 bis I du CGI ou dans le régime spécial des fusions.

Concrètement, l’entreprise qui a opté pour le dispositif de neutralisation devra, lorsqu’elle procédera ultérieurement à la cession des actifs concernés, calculer la plus-value ou la moins-value dégagée à l’occasion de cette cession, non sur la base de la valeur réévaluée, mais sur la base de la valeur non réévaluée. La réévaluation est traitée comme une opération intercalaire.

Illustration de la neutralisation fiscale proposée
de la réévaluation d’immobilisations non amortissables

Une entreprise acquiert une immobilisation non amortissable pour une valeur de 10 000.

● Elle procède à une réévaluation de l’actif, qui constate une valeur réévaluée de 15 000 – l’écart de réévaluation est donc de 5 000. L’entreprise opte pour le dispositif proposé au présent article et ne retient pas cet écart pour la détermination du résultat de l’exercice au titre duquel est intervenue la réévaluation.

L’entreprise n’acquitte donc pas d’IR ou d’IS au titre de cet écart de réévaluation.

● L’immobilisation est ultérieurement cédée pour une valeur de 20 000.

Sans le mécanisme correcteur du sursis d’imposition proposé, la plus‑value de cession aurait été calculée à partir de la valeur réévaluée, s’établissant ainsi à 5 000 (20 000 – 15 000). Une assiette de 5 000, correspondant à l’écart de réévaluation, aurait ainsi échappé à l’imposition.

Avec le mécanisme correcteur du sursis d’imposition, la plus-value est calculée sur la base de la valeur non réévaluée, soit 10 000 : elle s’élève donc à 20 000 – 10 000 = 10 000.

● Le sursis d’imposition garantit également l’imposition d’une plus-value si la valeur de cession est inférieure à la valeur réévaluée, mais supérieure à la valeur d’origine – sans cela, l’entreprise aurait pu, en se fondant sur la valeur réévaluée, se prévaloir d’une moins-value.

 

Compte tenu du mécanisme de sursis d’imposition, le dispositif proposé applicable aux immobilisations non amortissables prévoit de retenir, pour la base de calcul des provisions pour dépréciation que l’entreprise pourrait éventuellement constituer, la valeur non réévaluée du bien considéré.

Le A du I du présent article modifie à cet effet le vingt-sixième alinéa du 5° du 1 de l’article 39 du CGI, qui porte sur les provisions pour dépréciation d’éléments d’actifs non amortissables reçus lors d’une opération placée sous le régime du sursis d’imposition – par référence aux régimes prévus aux articles mentionnés au II de l’article 54 septies du CGI, concernant notamment les opérations de fusion et assimilées placées sous le régime spécial des fusions.

● En l’état du droit, ce vingt-sixième alinéa prévoit que la provision pour dépréciation est déterminée par référence à la valeur fiscale des actifs auxquels les éléments reçus lors de l’opération se sont substitués. Dans la mesure où les opérations considérées sont fiscalement intercalaires, les actifs reçus ont en principe une valeur d’origine égale à la valeur fiscale des actifs auxquels ils se sont substitués ; la valeur fiscale des actifs reçus correspond donc à la valeur d’origine des biens auxquels ils se sont substitués. La provision pour dépréciation est donc déterminée à partir de la valeur comptable d’origine des actifs ([108]).

● Le dispositif proposé modifie sur deux points le vingt-sixième alinéa du 5° du 1 de l’article 39 :

– d’une part, il étend le champ d’application de cet alinéa à la dépréciation d’immobilisations non amortissables réévaluées au titre du régime de neutralisation prévu au nouvel article 238 bis JB du CGI ( du A du I du présent article) ;

– d’autre part, en complétant ce vingt-sixième alinéa, il précise que la provision éventuelle est déterminée par référence à la valeur fiscale des actifs réévalués ( du même A). La référence à la valeur fiscale, et non à la valeur comptable, qui intègre les conséquences de la réévaluation et est donc supérieure à la valeur fiscale, assure que la provision sera déterminée à partir de la valeur non réévaluée des actifs.

b.   Le mécanisme correcteur prévu pour les immobilisations amortissables : la réintégration fractionnée de l’écart de réévaluation

● S’agissant des immobilisations amortissables, le b du nouvel article 238 bis JB du CGI prévoit un mécanisme d’étalement de l’imposition de l’écart de réévaluation, de manière analogue au régime légal de réévaluation prévu à l’article 238 bis J du même code.

Ainsi, l’entreprise devra réintégrer à son résultat, par fractions égales, l’écart de réévaluation pendant une durée variable en fonction de la période d’amortissement du bien :

– pour les constructions et les plantations, agencements et aménagements de terrains amortissables sur une période au moins égale à quinze ans, la réintégration devra se faire sur quinze ans ;

– pour les autres immobilisations, la réintégration au résultat devra se faire sur une durée de cinq ans.

Illustration du mécanisme correcteur proposé
pour les immobilisations amortissables

Une entreprise réévalue une immobilisation amortissable sur dix ans et constate à cette occasion un écart de réévaluation de 10 000. Elle opte pour le bénéfice du régime proposé au présent article et ne retient pas cet écart dans le résultat de l’exercice considéré.

En application du b du nouvel article 238 bis JB du CGI, l’entreprise devra, au titre de chacun des cinq exercices suivants, réintégrer à son résultat l’écart de réévaluation par fractions égales, chacune d’un montant de 2 000.

● Si l’immobilisation amortissable fait ultérieurement l’objet d’une cession, le cinquième alinéa du nouvel article 238 bis JB du CGI prévoit une imposition immédiate du solde de l’écart de réévaluation, c’est-à-dire de la fraction de cet écart qui, au moment de la cession, n’aurait pas encore été réintégrée au résultat selon les modalités précédemment décrites.

Ces dispositions s’appliqueront aux situations dans lesquelles la cession intervient avant le terme de la durée prévue au b de l’article 238 bis JB, à savoir quinze ou cinq ans selon la nature de l’immobilisation.

● Le sixième alinéa du nouvel article 238 bis JB prévoit également, s’agissant des immobilisations amortissables, que l’entreprise ayant opté pour le dispositif proposé au présent article retient comme base de calcul des amortissements, provisions et plus-values de cession ultérieurs la valeur réévaluée, ce qui est cohérent :

– s’agissant de la plus-value dégagée lors d’une cession ultérieure, il est logique de calculer la plus-value sur la base de la valeur réévaluée dans la mesure où la réintégration – et, le cas échéant, l’imposition du solde de l’écart de réévaluation – a déjà assuré la neutralité fiscale de l’opération de réévaluation ;

– s’agissant des amortissements et provisions, il est normal de retenir la valeur réévaluée, qui conduit à un surcroît de la base sur lequel s’impute la réintégration fractionnée de l’écart de réévaluation.

Illustration simplifiée du mécanisme correcteur prévu
pour les immobilisations amortissables

Une entreprise procède à la réévaluation libre d’un bien amortissable sur cinq ans dont la valeur nette comptable est de 1 000.

La valeur réévaluée est de 2 000 ; l’écart de réévaluation est donc de 1 000 et doit faire l’objet d’une réintégration à hauteur de 200 chaque année.

Après trois ans, l’entreprise cède le bien pour une valeur de 3 000. La plus‑value de cession ainsi dégagée est calculée à partir de la valeur réévaluée, soit 2 000 ; cette plus-value est donc de 1 000 (3 000 – 2 000).

Parallèlement, l’entreprise aura réintégré 600 à son résultat (200 × 3), et le solde de l’écart de réévaluation non encore réintégré lors de la cession, soit 400, fait l’objet d’une imposition immédiate.

Ainsi, l’opération est bien fiscalement neutre :

– la totalité de l’écart de réévaluation est imposée, à travers sa réintégration à hauteur de 600 et son imposition immédiate lors de la cession à hauteur de 400 ;

– la plus-value de cession est calculée à partir de la valeur réévaluée, l’écart de réévaluation étant déjà pris en compte à travers la réintégration et l’imposition immédiate du solde.

 

3.   Une obligation documentaire complémentaire opportune

Le dernier alinéa du nouvel article 238 bis JB du CGI qu’introduit le présent article impose à l’entreprise optant pour le dispositif proposé de neutralisation fiscale de la réévaluation libre une obligation documentaire complémentaire, destinée à assurer le bon suivi, par l’administration fiscale, de l’opération et de ses conséquences.

Ainsi, l’entreprise devra joindre à chacune des déclarations de résultat de l’exercice au titre duquel la réévaluation est réalisée et des exercices suivants, un état mentionnant tous les renseignements requis pour calculer les amortissements, les provisions et les plus-values ou moins-values relatifs aux immobilisations réévaluées.

Il s’agit d’une mesure normale d’information de l’administration fiscale dans le cadre d’un régime d’imposition différée, afin d’éviter tout abus ou erreur. Les entreprises sont au demeurant familières d’une telle obligation dans la mesure où elle existe déjà pour les opérations faisant l’objet d’un sursis d’imposition en application des régimes mentionnés à l’article 54 septies du CGI – la rédaction ici proposée reprenant d’ailleurs celle prévue au I de cet article 54 septies.

4.   Un dispositif temporaire applicable jusqu’en 2022

● Le dispositif proposé de neutralisation fiscale de la réévaluation libre d’actifs, consacré au nouvel article 238 bis JB du CGI, sera temporaire.

En effet, le II du présent article prévoit son application à la première opération de réévaluation libre réalisée par une entreprise au titre d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022.

Cela permet une application aux exercices actuellement en cours et dont la clôture interviendra à compter du 31 décembre 2020, tels que les exercices coïncidant avec l’année civile et ouverts le 1er janvier 2020, dans la mesure où la déclaration de résultat de ces exercices interviendra en 2021, soit après la promulgation de la loi résultant de l’adoption du présent projet de loi.

● Le caractère temporaire du dispositif et son application à la première réévaluation est cohérent avec l’objectif de la mesure, qui est d’inciter les entreprises à réévaluer leurs actifs, et en ligne avec les régimes légaux prévus aux articles 238 bis I et 238 bis J, qui prévoyaient eux aussi un encadrement temporel des réévaluations.

● D’un point de vue légistique, le II du présent article ne porte formellement que sur le B du I de l’article, et non sur le A, dans la mesure où le nouveau régime est prévu au B – qui introduit le nouvel article 238 bis JB du CGI – et que le A, qui tire les conséquences du dispositif proposé s’agissant des provisions pour dépréciation d’immobilisations non amortissables réévaluées, voit son application nécessairement subordonnée à celle du B à travers la référence au nouvel article 238 bis JB.

B.   L’impact budgétaire et économique

Budgétairement neutre dans la mesure où il n’entraîne pour l’État qu’un coût en trésorerie, le dispositif prévu au présent article est une mesure opportune qui incitera fortement les entreprises à procéder à la réévaluation de leurs actifs afin de renforcer leurs capitaux propres, opération particulièrement bienvenue dans le cadre de la crise économique que connaît notre pays.

1.   Un impact budgétaire globalement neutre pour l’État

Si le dispositif proposé de neutralisation fiscale des réévaluations libres conduira à une perte de recettes fiscales pour l’État pour la durée de son application, son impact budgétaire est globalement neutre compte tenu des mécanismes correcteurs prévus.

● Dans un premier temps, entre 2021 et 2023, l’impact du dispositif sera négatif pour les finances publiques par rapport au droit actuellement en vigueur, en raison de la non-imposition immédiate de l’augmentation de l’actif net résultant des réévaluations.

Le Gouvernement n’est pas en mesure de chiffrer cet impact dans la mesure où, d’après l’évaluation préalable du présent article, l’ampleur de la perte de recettes résultant du dispositif proposé dépendra de celle du recours à ce dernier.

Si le Rapporteur général reconnaît que l’impact budgétaire est nécessairement lié au comportement des entreprises, il ne peut néanmoins que regretter cette absence de chiffrage. Une estimation, même large, aurait été souhaitable, et le constat du lien entre le coût d’une mesure et l’intensité du recours à celle-ci par les contribuables concernés ne peut servir de prétexte dirimant à un défaut d’évaluation, un tel lien existant pour toutes les mesures fiscales – en particulier les dépenses fiscales.

Cependant, il convient d’admettre qu’en l’espèce, l’anticipation comportementale des entreprises n’est pas aisée et est sans doute plus délicate que dans le cadre d’autres dispositifs.

● Dans un second temps, la perte de recettes initialement constatée sera compensée par la perception des recettes qui, sans le dispositif proposé, auraient été immédiatement encaissées, perception résultant des mécanismes correcteurs prévus (imposition de la plus‑value en sursis et réintégration de l’écart de réévaluation).

Globalement, il s’agit donc d’un simple décalage de la perception des recettes, le présent article se traduisant dès lors uniquement par un coût en trésorerie pour l’État et non par une perte définitive de recettes fiscales.

2.   Une neutralisation fiscale de la réévaluation libre bienvenue, nécessaire et bien calibrée

D’un point de vue économique et pour les entreprises, le dispositif proposé est particulièrement bienvenu.

● Ainsi qu’il a été vu, le fait, pour une entreprise, de procéder à la réévaluation libre de ses actifs, lui permet d’améliorer sa situation financière et de faciliter son financement à travers une augmentation de ses capitaux propres, qui a notamment pour effet de réduire le ratio d’endettement de l’entreprise. La réévaluation libre est donc, d’une manière générale, une mesure utile aux entreprises.

Néanmoins, son impact fiscal en l’état du droit en vigueur est de nature à dissuader des entreprises à y procéder ou, pour celles qui y auraient recours, à aboutir à un ressaut d’imposition lors de sa réalisation.

La neutralisation proposée est donc opportune, en ce qu’elle permet de lever les obstacles au recours à la réévaluation des éléments d’actif. Le présent article constitue dès lors une mesure fortement incitative.

● Le dispositif aura notamment un impact très concret s’agissant de la procédure prévue aux articles L. 223‑42 et L. 225‑248 du code de commerce, applicable lorsque les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social de l’entreprise – situation susceptible d’être rencontrée en cas de pertes importantes.

Dans le cadre de cette procédure, les associés ou les actionnaires, selon la nature de la société, doivent, dans un délai de quatre mois suivant l’approbation des comptes, se prononcer sur l’avenir de l’entreprise : dissolution ou poursuite de l’activité. Si la seconde hypothèse est retenue, des obligations d’information sont prévues et l’entreprise doit régulariser sa situation au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant, soit par la réalisation de bénéfices importants apurant les pertes et rétablissant le niveau des capitaux propres, soit par une modification du capital.

Le renforcement des capitaux propres induit par le présent article peut éloigner, pour les entreprises, le risque de faire face à cette procédure.

● L’opportunité de la mesure proposée est d’autant plus grande dans le contexte actuel de crise économique, en garantissant aux entreprises qui souhaiteraient améliorer leur présentation financière l’absence de conséquences fiscales potentiellement dommageables, qui pourraient se révéler particulièrement préjudiciables pour les plus fragiles d’entre elles ou qui les dissuaderaient alors qu’une réévaluation serait dans leur plus grand intérêt.

À cet égard, il est particulièrement opportun que le dispositif s’applique dès les exercices clos à compter du 31 décembre 2020, permettant aux entreprises de bénéficier de la mesure au titre d’exercices en cours.

La nature temporaire du dispositif, liée à la crise, lui assure par ailleurs une dimension incitative maximale.

● Enfin, le caractère optionnel du dispositif proposé de neutralisation est lui aussi bienvenu. Il laisse le choix aux entreprises, qui sont les mieux placées pour apprécier ce qui est dans leur intérêt, et évite ainsi d’imposer une neutralisation fiscale qui pourrait ne pas être nécessairement souhaitable.

Tel est notamment le cas pour les entreprises disposant de déficits sur lesquels la plus-value de réévaluation serait imputable. Ne pas recourir à la neutralisation proposée et privilégier le régime actuel, se traduisant par une intégration immédiate de l’écart de réévaluation au résultat imposable, peut se révéler en effet intéressant pour ces entreprises : l’intégration de l’écart réduit les déficits et améliore immédiatement la situation financière de l’entreprise, sans se traduire pour autant par un ressaut d’imposition dès l’exercice de réévaluation – compte tenu du caractère déficitaire de l’exercice – et sans conduire à une imposition différée.

*

*     *

Pour l’ensemble de ces raisons, le Rapporteur général ne peut que se réjouir de la décision du Gouvernement d’inscrire cette mesure dans le présent projet de loi de finances, décision qui fait d’ailleurs écho à des initiatives voisines portées par des députés de la majorité dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Ces initiatives poursuivaient le même objectif et partageaient la philosophie du présent article, mais présentaient certaines imperfections.

La mesure ici proposée traduit de façon pleinement effective ces initiatives, témoignant de la richesse du travail de la majorité et de l’utilité de la coconstruction législative entre le Gouvernement et les parlementaires.

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*     *

La commission est saisie de l’amendement de suppression I‑CF844 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. L’article 5 neutralise temporairement l’imposition des plus-values issues de la réévaluation d’actifs par les entreprises. Certes, la crise sanitaire a plongé soudainement des centaines de milliers d’entreprises, notamment parmi les plus petites, dans de graves difficultés, et il est légitime de les aider à maintenir leur trésorerie pour pérenniser l’emploi et les compétences. Toutefois, la mesure envisagée ne fait aucune distinction entre les entreprises, ni par secteur d’activité, ni par taille, ni au regard de la santé financière. Elle risque donc de profiter à celles qui n’en ont pas besoin et de priver l’État de rentrées financières le temps de l’étalement. En outre, nous souhaiterions avoir la preuve que cette mesure est plus efficace que des aides plus directes et plus ciblées. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En supprimant cet article, vous empêcheriez les entreprises, notamment les plus petites, de renforcer leurs fonds propres en revalorisant leurs actifs, ce qu’elles demandent depuis le début de la crise. Puisqu’il va permettre à nos PME de renforcer leurs fonds propres et de se consolider, je pense qu’objectivement, nous pourrions tous nous retrouver sur cet article. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF844.

La commission examine l’amendement I‑CF1339 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. On peut se féliciter de la neutralisation fiscale introduite à cet article. La réévaluation libre de leurs actifs par les entreprises est, en effet, un moyen de donner une image plus fidèle de leur solidité financière.

Toutefois, la durée d’amortissement des constructions, plantations et aménagements de terrains étant supérieure aux quinze ans prévus, je propose de porter la durée de réintégration à vingt-cinq ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement pose un problème de cohérence, car les modalités retenues ici sont les mêmes que celles prévues dans le cadre du régime spécial des fusions de l’article 210 A, qui prévoit également des délais de cinq et quinze ans. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Il me semble que seul l’allongement de la durée de certains amortissements garantirait la neutralité fiscale de cette mesure.

M. Charles de Courson. Ce genre de réévaluation est très sympathique – et ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’on en fait une –, mais à quoi sert-elle exactement ? Vous nous dites, monsieur le rapporteur général, que cela va permettre de renforcer les fonds propres des entreprises, mais pas un analyste financier sérieux ne serait victime d’une telle illusion. La majoration des amortissements ne fait que révéler que les bénéfices des entreprises sont beaucoup plus faibles que leur apparence comptable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les fonds propres, c’est comptable, de toute façon. En réévaluant ses actifs, une entreprise renforce ses fonds propres, même si cela ne change rien à sa trésorerie – cela ne crée certes pas d’argent magique. La neutralité fiscale permet à l’entreprise de réactualiser sa valeur, ce qui peut renforcer le haut de bilan et donc créer une meilleure structure bilancielle, comme on dit en comptabilité d’entreprise, sans que cela ne conduise à un ressaut d’imposition. Donc oui, c’est mieux pour les entreprises : même si cela ne change rien à leur trésorerie réelle, la neutralité fiscale est une incitation à remettre à niveau leurs actifs, et donc à renforcer leurs fonds propres. Cette mesure est bienvenue à un moment où l’on se plaint d’un niveau de fonds propres trop faible par rapport à l’endettement des PME.

La commission rejette l’amendement I‑CF1339.

La commission est saisie de l’amendement I‑CF1242 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Valérie Rabault. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement une évaluation du dispositif au bout d’un an.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il me semble que cela relève des pouvoirs de contrôle des rapporteurs spéciaux. Je préfère ne pas multiplier les demandes de rapports, qui engorgent nos administrations. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement I‑CF1242.

Elle adopte l’article 5 sans modification.

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*     *

Après l’article 5

La commission est saisie de l’amendement I‑CF855 de Mme Josiane Corneloup.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à revaloriser les actifs corporels et incorporels des entreprises en franchise de tout impôt afin de leur permettre d’améliorer leur bilan. Cela contribuerait à préparer la reprise des secteurs les plus touchés par la crise sur le long terme.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est ce que prévoit l’article 5 du projet de loi, votre amendement est donc satisfait. Je vous invite à le retirer.

La commission rejette l’amendement I‑CF855.

 


Article 6
Étalement de la plus-value réalisée lors d'une opération
de cession-bail d'immeuble par une entreprise

Résumé du dispositif proposé

La plus-value dégagée par une entreprise à l’occasion d’une cession d’un élément d’actif est en principe prise en compte dans le résultat de l’exercice et immédiatement imposée – il existe certains mécanismes atténuant ou effaçant cette imposition, mais ceux-ci ne s’appliquent pas à toutes les entreprises ni à toutes les situations.

Entre 2009 et 2012, les entreprises qui, dans le cadre d’une opération de cession‑bail, cédaient à une société de crédit-bail un immeuble dont elles récupéraient la jouissance, pouvaient bénéficier d’un mécanisme d’étalement de la plus-value de cession ainsi dégagée, sur une période allant jusqu’à quinze ans, en application de l’article 39 novodecies du code général des impôts (CGI).

Le présent article rétablit de façon temporaire ce mécanisme d’étalement, pour les cessions dont la promesse de vente intervient entre la date de présentation du présent projet de loi en Conseil des ministres et le 31 décembre 2022. Il prévoit en outre d’utiles précisions et encadrements afin d’assurer à l’outil une efficience maximale.

L’étalement de la plus-value ainsi permis améliorera la situation financière des entreprises en évitant tout ressaut d’imposition, et constitue ainsi une mesure tout à fait opportune en cette période de crise. Pour l’État, le dispositif sera globalement neutre, se traduisant par un coût de trésorerie, non chiffré, ultérieurement compensé.

Dernières modifications intervenues

Le mécanisme d’étalement prévu à l’article 39 novodecies du CGI a été introduit par la première loi de finances rectificative pour 2009, et prorogé jusqu’au 31 décembre 2012 par la loi de finances pour 2011.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

La cession par une entreprise d’un élément de son actif conduit à dégager une plus-value ou une moins-value dont les règles d’imposition varient en fonction de la nature de celle-ci, de celle du bien cédé et du régime fiscal de l’entreprise.

A.   les modalitÉs d’imposition des plus-values professionnelles rÉALISÉes par les entreprises

Aux termes des 1 et 2 de l’article 38 du code général des impôts (CGI), le bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) correspond au bénéfice net, constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice, et est déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature réalisées par l’entreprise, parmi lesquelles la cession d’éléments de l’actif.

Dès lors, la cession d’un tel élément peut dégager une plus-value constitutive d’un produit pris en compte pour déterminer le bénéfice imposable.

1.   Les modalités d’imposition des plus-values à court terme et à long terme

a.   La détermination de la plus-value

Le mode de calcul de la plus-value de cession d’une immobilisation dépend de la nature de celle-ci, amortissable ou non.

● Si la plus-value de cession concerne une immobilisation non amortissable, elle est égale à la différence entre le prix de cession et la valeur d’origine du bien.

Si elle est afférente à une immobilisation amortissable, la plus-value est égale à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable du bien, c’est-à-dire la valeur historique du bien diminuée des amortissements réalisés ([109]).

● La distinction entre plus-value à court terme et plus-value à long terme repose sur la durée de détention de l’élément de l’actif cédé, ainsi qu’il résulte de l’article 39 duodecies du CGI.

Si la plus-value réalisée résulte de la cession d’éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans à la date de la cession, elle relève du régime de court terme (2 de l’article 39 duodecies).

Si elle résulte de la cession d’éléments acquis ou créés depuis deux ans ou plus, la plus-value relève du régime de long terme (3 du même article) ([110]).

S’agissant des immobilisations amortissables, des modalités particulières de détermination de la plus-value sont prévues :

– la plus-value relève du régime de court terme pour sa partie correspondant à des amortissements déduits du résultat imposable – la plus-value étant majorée des amortissements fiscalement non déductibles (tels que les amortissements afférents à des biens somptuaires) et des amortissements irrégulièrement différés en vertu de l’article 39 B du CGI ;

– elle relève du régime de long terme pour le surplus ; en l’absence de surplus, la plus-value est donc totalement considérée comme relevant du régime de court terme.

Illustration de la détermination de la plus-value
de cession d’une immobilisation amortissable

Une entreprise détient une immobilisation amortissable dont le prix de revient est de 20 000 euros. Un total de 10 000 euros a été déduit de l’assiette imposable au titre des amortissements.

L’entreprise cède cette immobilisation pour une valeur de 25 000 euros.

● Si cette cession intervient moins de deux ans après l’acquisition de l’immobilisation, la plus-value relève du régime de court terme ; elle s’élève à 25 000 – (20 000 – 10 000) = 15 000 euros.

● Si la cession intervient au moins deux ans après l’acquisition, la plus‑value est considérée comme à court terme pour la partie correspondant aux amortissements déduits, et à long terme pour le surplus :

– plus-value de court terme à concurrence du montant des amortissements déduits, soit 10 000 euros ;

– plus-value de long terme à concurrence du surplus, soit 5 000 euros (15 000 – 10 000).

● Si la plus-value de cession n’avait pas été de 15 000 euros mais de 8 000 euros, c’est-à-dire inférieure aux amortissements déduits, elle aurait été considérée dans son ensemble comme une plus-value de court terme, même si le bien était détenu depuis deux ans ou plus.

 

b.   L’imposition de la plus-value

Les plus-values et les moins-values de même nature constatées au cours du même exercice se compensent, pouvant dégager une plus-value nette de court terme ou de long terme, selon la situation.

Seront présentées dans les développements suivants les modalités d’imposition des entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu (IR), puis les spécificités applicables en matière d’impôt sur les sociétés (IS).

● Si la compensation aboutit à une plus-value nette de court terme, cette dernière constitue un élément du résultat imposable dans les conditions de droit commun.

Toutefois, un dispositif d’étalement est prévu à l’article 39 quaterdecies du CGI, permettant aux entreprises assujetties à l’IR d’étaler le montant net des plus-values à court terme sur l’exercice de réalisation des plus-values et sur plusieurs années ultérieures, par parts égales :

– le principe général de cet étalement porte sur une période triennale, à savoir l’exercice de réalisation et les deux exercices suivants (1 de l’article 39 quaterdecies) ;

– des périodes plus longues sont prévues dans certaines situations, par exemple un étalement sur dix ans pour les plus-values nettes à court terme réalisées lors d’opérations de reconversion agréées – dans le cadre desquelles les entreprises procèdent à la reconversion de leur activité (1 bis de l’article 39 quaterdecies).

● Si la compensation porte sur des plus-values et moins-values de long terme et qu’elle fait apparaître une plus-value nette de long terme, cette dernière obéit à des modalités d’imposition prévues à l’article 39 quindecies du CGI.

Aux termes du premier alinéa de cet article, le montant net des plusvalues à long terme fait l’objet d’une imposition séparée au taux de 12,8 %. Ce taux, qui résulte de la loi de finances pour 2018, s’est substitué au précédent taux de 16 % à compter de l’imposition des revenus de l’année 2017 et des années suivantes ([111]).

Cependant, ce montant net peut, ainsi qu’en dispose le troisième alinéa du 1 de l’article 39 quindecies, être utilisé pour compenser le déficit d’exploitation de l’exercice – il n’est alors pas imposable et, parallèlement, le déficit ainsi annulé n’est plus reportable. Par ailleurs, le montant net des plus‑values à long terme peut également être imputé sur le montant des moins-values constaté au cours des dix exercices antérieurs et qui n’ont pas encore été imputées.

Si l’entreprise a recours à ces modalités d’imputation, l’imposition au taux de 12,8 % porte sur le solde éventuel.

● Les modalités d’imposition précédemment décrites des plus-values de cession d’une immobilisation s’appliquent non seulement aux entreprises imposées dans la catégorie des BIC, mais également :

– aux entreprises imposées dans la catégorie des bénéfices agricoles (BA), le I de l’article 72 du CGI renvoyant la détermination du bénéfice agricole aux règles prévues pour les entreprises industrielles et commerciales ;

– aux entreprises imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), le I de l’article 93 quater du CGI prévoyant expressément l’application des articles 39 duodecies et suivants du CGI.

● Pour les entreprises assujetties à l’IS, les plusvalues à court terme sont prises en compte dans le résultat imposable dans les conditions de droit commun et taxées au taux normal de l’IS – à l’image de l’imposition dans les conditions normales de l’IR pour les plus-values relevant de cet impôt.

En revanche, le champ des plus-values de long terme est plus restreint à l’IS qu’à l’IR. Ainsi, à l’exception de certains régimes spécifiques, tels que la quasi-exonération des plus-values de cession de titres de participation détenus depuis au moins deux ans et relevant du a quater du I de l’article 219 ou l’imposition au taux réduit de 19 % des plus-values de cession de titres de société à prépondérance immobilière cotée, le principe est l’exclusion du régime de long terme des plus-values résultant de la cession des éléments d’actif, ainsi qu’en dispose le a quater de l’article 219.

Ces plus-values relèvent donc du régime de court terme et constituent ainsi un résultat ordinaire imposé au taux normal – la possibilité d’étalement prévue à l’article 39 quaterdecies précédemment présentée ne s’appliquant pas, dans la mesure où elle est réservée aux entreprises relevant de l’IR.

2.   Les dispositifs d’exonérations des plus-values professionnelles

Parallèlement aux règles précédemment présentées en matière d’imposition des plus-values, les articles 151 septies et suivants du CGI prévoient des exonérations particulières s’agissant des plus-values professionnelles tirées d’activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, sous réserve que certaines conditions soient remplies. Existent notamment :

– une exonération totale ou partielle des plus-values professionnelles pour les très petites entreprises (TPE), prévue à l’article 151 septies du CGI ;

– une exonération en cas de cession d’une petite ou moyenne entreprise (PME) en cas de départ à la retraite du dirigeant, prévue à l’article 151 septies A du CGI ;

– un mécanisme d’abattement pour durée de détention, prévu à l’article 151 septies B du CGI.

Il existe également différents mécanismes de reports d’imposition des plus-values réalisées à l’occasion d’apports en sociétés ou de restructuration de sociétés, prévus aux articles 151 octies à 151 nonies du CGI.

a.   L’exonération totale ou partielle prévue pour les TPE

L’article 151 septies du CGI prévoit une exonération des plus-values professionnelles si l’activité a été exercée pendant au moins cinq ans, en fonction du niveau des recettes annuelles – entendu comme correspondant à la moyenne des recettes réalisées au titre des exercices clos au cours des deux années civiles précédent la clôture de l’exercice de réalisation des plus‑values.

Aux termes du 1° du II de cet article 151 septies, l’exonération est totale si les recettes n’excèdent pas :

– 250 000 euros si l’activité principale relève des BIC et consiste en une activité de vente ou de fourniture de logement (hors locations meublées) ou si l’activité principale est agricole et relève des BA (a du 1°) ;

– 90 000 euros pour les autres activités, telles que les prestations de services en matière de BIC ou les activités relevant des BNC (b du 1°) ;

Aux termes du 2° du II du même article, l’exonération est partielle si les recettes, supérieures aux plafonds de 250 000 euros ou 90 000 euros, sont inférieures, respectivement, à 350 000 euros et à 126 000 euros.

Dans cette hypothèse, l’exonération porte sur un montant déterminé par application d’un taux correspondant au rapport entre, d’une part, la différence entre le second plafond et le montant des recettes et, d’autre part, un montant respectif de 100 000 euros ou 36 000 euros.

Illustration des modalités d’application de l’exonération
prévue à l’article 151 septies du CGI

Une entreprise imposée dans la catégorie des BIC au titre d’une activité de vente exercée depuis six ans, réalise une plus-value éligible au dispositif prévu à cet article d’un montant de 25 000 euros.

● Son niveau des recettes, au sens de l’article 151 septies du CGI, est de 200 000 euros.

Compte tenu du niveau de recettes et de la nature de l’activité, et en application du a du 1° du II de l’article 151 septies du CGI, l’exonération de la plus-value est totale.

● Si la même entreprise présente un niveau de recettes de 300 000 euros, l’exonération sera partielle en application du 2° du même II.

Le taux d’exonération est de (350 000 – 300 000) / 100 000, soit 50 %.

La plus-value sera donc exonérée pour la moitié de son montant.

b.   L’exonération en cas de départ à la retraite du dirigeant d’une PME

Un autre dispositif d’exonération, portant sur la cession de PME en cas de départ à la retraite du dirigeant, est prévu à l’article 151 septies A du CGI.

Il porte sur les plus-values – hors plus-values immobilières – qui résultent de la cession d’une entreprise individuelle ou de la totalité des parts d’une entreprise, sous réserve que le cédant :

– cesse toute fonction dans l’entreprise cédée ;

– fasse valoir ses droits à la retraite dans les deux années précédant ou suivant la cession ;

– ne détienne pas plus de la moitié des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire.

c.   L’abattement pour durée de détention

L’article 151 septies B du CGI prévoit un mécanisme d’abattement pour durée de détention pour le calcul des plus-values à long terme afférentes à la cession d’immeubles d’exploitation, soit des :

– immeubles affectés par l’entreprise à sa propre exploitation ;

– droits ou parts de société dont l’actif est principalement constitué d’immeubles affectés à l’exploitation ou des droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué de tels immeubles, droits ou parts.

Ce mécanisme consiste en l’application d’un abattement de 10 % pour chaque année de détention du bien cédé échue au titre de l’exercice de réalisation de la plus-value au-delà de la cinquième année.

Concrètement, cela correspond à un abattement de 10 % au titre de chaque année de détention au-delà de la cinquième année, et donc à une exonération totale, du fait d’un abattement de 100 %, sur les biens détenus depuis plus de quinze ans.

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*     *

Ces trois dispositifs d’exonérations et d’abattement sont cumulables entre eux, une entreprise pouvant ainsi :

– déterminer ses plus-values en appliquant l’abattement pour durée de détention prévu à l’article 151 septies B du CGI ;

– bénéficier ensuite de l’exonération prévue à l’article 151 septies A du CGI en cas de cession d’entreprise en raison d’un départ à la retraite ;

– et enfin, bénéficier pour la plus-value nette demeurant imposable, d’une exonération totale ou partielle en vertu de l’article 151 septies du CGI.

B.   le rÉgime fiscal des opÉrations de cession-bail : l’ancien mÉcanisme d’Étalement de la plus-value

Une opération de cession-bail, ou « lease back », consiste pour une entreprise (crédit-preneur) à céder à une société de crédit-bail (crédit‑bailleur) un bien dont elle retrouve immédiatement la jouissance en vertu d’un contrat de crédit-bail, qui stipule également la possibilité pour l’entreprise d’acquérir le bien au plus tard au terme du contrat.

L’entreprise cédante perçoit à cette occasion le produit de la cession, améliorant ainsi sa situation financière, tout en conservant la jouissance du bien pour son exploitation en contrepartie du versement à la société de crédit-bail d’un loyer.

Les opérations de crédit-bail prévues par le code monétaire et financier

Les opérations de crédit-bail sont définies à l’article L. 313‑7 du code monétaire et financier (CMF) et consistent, pour une entreprise, à louer des biens dont elle demeure propriétaire à d’autres entreprises, qui disposent de la possibilité d’acquérir les biens loués.

Ces opérations peuvent porter sur :

– des biens d’équipement ou du matériel d’outillage ;

– des immeubles à usage professionnel ;

– des fonds de commerce, d’établissement artisanal ou d’un de leurs éléments incorporels ;

– des parts sociales ou actions.

Aux termes de l’article L. 515‑2 du CMF, les sociétés de crédit-bail doivent, pour conduire les opérations précédemment mentionnées, être agréées en qualité de société de financement.

La plus-value dégagée dans le cadre d’une opération de cession-bail est imposable dans les conditions précédemment mentionnées. Elle constitue donc en principe un produit intégré au résultat de l’exercice de cession et fait l’objet d’une imposition intégrale immédiate.

Cette circonstance est susceptible de conduire à un ressaut d’imposition au titre de cet exercice – sauf application des mécanismes d’étalement, d’exonération ou d’abattement prévus, mais qui ne concernent pas, ainsi qu’il a été vu, toutes les entreprises (à titre d’exemple et pour mémoire, l’exonération prévue à l’article 151 septies du CGI ne concerne que les très petites entreprises).

1.   Le dispositif d’étalement de la plus-value applicable aux cessions réalisées jusqu’en 2012

a.   La mise en place entre 2009 et 2012 d’un mécanisme d’étalement de la plus-value

Afin de renforcer l’attractivité de la cession-bail d’immeubles, la première loi de finances rectificative pour 2009 ([112]) a prévu un mécanisme optionnel d’étalement de la plus-value de cession réalisée par l’entreprise crédit-preneur, consacré à l’article 39 novodecies du CGI. Initialement applicable aux cessions réalisées entre le 23 avril 2009 et le 31 décembre 2010, ce mécanisme a été étendu aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2012 par la loi de finances pour 2011 ([113]).

Le dispositif prévu à l’article 39 novodecies du CGI concernait les entreprises imposées dans la catégorie des BIC, des BNC ou des BA, ou assujetties à l’IS – ainsi que le confirme la doctrine fiscale ([114]).

b.   Les conditions d’application du mécanisme d’étalement

Ce régime d’étalement était subordonné à la satisfaction des conditions suivantes :

– la cession devait porter sur des immeubles ;

– elle devait être réalisée pendant la période d’application du dispositif, soit entre le 23 avril 2009 et le 31 décembre 2012 ;

– elle devait être réalisée au profit d’une société de crédit-bail, c’est-à-dire une entreprise commerciale agréée en qualité de société de financement en application de l’article L. 515‑2 du CMF ;

– l’entreprise cédante devait retrouver immédiatement la jouissance de l’immeuble cédé – la circonstance qu’elle le sous-loue ne méconnaissant pas en soi cette condition ([115]).

c.   Les modalités de mise en œuvre de l’étalement

● Le dispositif prévu à l’article 39 novodecies du CGI permettait à l’entreprise cédante d’étaler dans le temps la plus-value de cession, en la répartissant par part égale :

– sur la durée d’exécution du contrat de crédit-bail ;

– ou sur une durée maximale de quinze ans, si la durée d’exécution du contrat était supérieure.

Chaque part était ainsi égale au montant de la plus-value de cession divisée par le nombre d’exercices clos jusqu’au terme du contrat, sans excéder quinze ans.

Illustration de la mise en œuvre du mécanisme d’étalement
prévu à l’article 39 novodecies du CGI

Une entreprise dont l’exercice coïncide avec l’année civile cède le 30 juin 2009 un immeuble à une société de crédit-bail, avec laquelle elle conclut contrat de crédit-bail le 1er juillet 2009 pour une durée de dix ans. La plus-value de cession est de 200 000 euros.

L’entreprise opte pour le mécanisme d’étalement prévu à l’article 39 novodecies du CGI : elle répartit ainsi la plus-value par parts égales, chacune d’un montant de 200 000 / 10 = 20 000 euros, à réintégrer au cours des dix exercices clos durant la période d’exécution du contrat.

La dernière réintégration portera ainsi sur le résultat de l’exercice clos le 31 décembre 2018.

● Le mécanisme d’étalement prévu à l’article 39 novodecies du CGI n’était pas cumulable avec celui prévu à l’article 39 quaterdecies du même code qui, ainsi qu’il a été vu, permet l’étalement sur trois ans de la plus-value nette à court terme.

En revanche, le mécanisme pouvait se cumuler avec l’exonération partielle prévue à l’article 151 septies du CGI – l’étalement n’ayant plus d’objet en cas d’exonération totale – et avec l’abattement pour durée de détention prévu à l’article 151 septies B du même code, sous réserve naturellement de remplir leurs conditions d’éligibilité.

Par ailleurs, l’étalement prévu à l’article 39 novodecies ne concernait que la part de la plus-value nette afférente à la cession de l’immeuble en crédit-bail, lorsque la plus-value nette constatée provenait également de la cession d’autres éléments de l’actif.

Illustration du cumul du mécanisme d’étalement et de l’exonération partielle des plus-values de cession professionnelle

Une entreprise réalise au titre d’un exercice clos en 2011 une plus-value nette à court terme de 2 400 euros résultant :

– d’une plus-value de 2 000 euros tirée de la cession d’un immeuble faisant l’objet d’un contrat de crédit-bail ;

– d’une plus-value de 1 000 euros tirée de la cession d’autres éléments de son actif ;

– d’une moins-value de 600 euros tirée de la cession d’autres éléments d’actif.

L’étalement prévu à l’article 39 novodecies du CGI porte sur la plus‑value nette à hauteur de 2 000 euros

Compte tenu de son niveau de recettes, l’entreprise est éligible à l’exonération partielle prévue au 2° de l’article 151 septies du CGI, pour 50 %.

La plus-value imposable est donc de 1 200 euros, et peut faire l’objet d’un étalement à hauteur de 1 000 euros.

● Le mécanisme d’étalement prend fin de manière anticipée dans deux hypothèses prévues à la seconde phrase de l’article 39 novodecies du CGI :

– l’acquisition de l’immeuble par l’entreprise initialement cédante, c’est-à-dire par le crédit-preneur ;

– la résiliation du contrat de crédit-bail.

Si l’un de ces deux événements survient, le solde de la plus-value non encore réintégré fait l’objet d’une imposition immédiate.

2.   Un mécanisme séduisant face à la crise actuelle

Le mécanisme prévu à l’article 39 novodecies du CGI, éteint à partir des cessions réalisées à compter de 2013, était un outil intéressant favorisant le refinancement et la trésorerie des entreprises tout en leur permettant de poursuivre leur activité grâce à la jouissance du bien cédé.

La discussion du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 a récemment souligné l’intérêt des parlementaires, députés comme sénateurs, pour ce dispositif dans la mesure où plusieurs amendements tendant au rétablissement de cet outil ont alors été déposés et débattus.

Ces amendements n’ont pas été retenus dans la loi définitivement adoptée et promulguée en raison des difficultés juridiques ou opérationnelles qu’ils pouvaient présenter – certains prévoyant notamment le rétablissement de l’ancien dispositif non seulement pour l’avenir, mais aussi rétroactivement à compter de 2013.

Néanmoins, l’opportunité du principe de l’étalement n’avait pas été remise en cause en tant que tel, surtout dans le contexte actuel de crise, et l’introduction d’un nouveau dispositif aménageant l’imposition des plus-values de cession dans le cadre d’une cession-bail se révélerait bienvenue.

Tel est précisément l’objet du présent article.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article introduit un nouveau mécanisme d’étalement de la plus-value de cession réalisée dans le cadre d’une opération de cession-bail, mesure de soutien à l’activité et aux entreprises, globalement neutre d’un point de vue budgétaire.

A.   Le nouveau mÉcanisme temporaire et encadré de l’Étalement de la plus-value de cession-bail

Le nouveau mécanisme d’étalement de la plus-value de cession réalisée par une entreprise crédit-preneur est prévu au 2° du présent article, qui complète à cet effet d’un nouveau II l’article 39 novodecies du CGI, article relatif à l’ancien mécanisme d’étalement applicable aux cessions réalisées entre 2009 et 2012 – par coordination, le 1° du présent article insère au début de l’actuel unique alinéa de l’article 39 novodecies la mention « I ».

1.   Un mécanisme globalement comparable à l’ancien étalement

L’étalement proposé au nouveau II de l’article 39 novodecies du CGI correspond, dans sa logique d’ensemble, à l’ancien dispositif introduit en 2009, dont le principe est repris – ainsi qu’en témoigne le fait que ce nouveau II précise les modalités d’application du I de cet article, qui constitue l’ancien dispositif.

● Ainsi, l’étalement s’appliquera à la plus-value réalisée dans le cadre d’une cession :

– faite au profit d’une société de crédit-bail ;

– portant sur des immeubles dont le crédit-preneur retrouve la jouissance.

● Le renvoi au I de l’article 39 novodecies du CGI – soit à l’ancien dispositif dans son ensemble – emporte application des modalités actuellement prévues à cet article, à savoir :

– un étalement de la plus-value par parts égales sur la durée d’exécution du contrat, chacune des parts étant réintégrée au résultat de chaque exercice clos pendant cette durée d’exécution ;

– un étalement qui ne peut excéder quinze ans, si la durée d’exécution du contrat est supérieure ;

– une imposition immédiate du solde de plus-value, soit la fraction de la plus-value non encore rapportée, en cas d’acquisition de l’immeuble par le crédit-preneur ou de résiliation du contrat de crédit-bail.

● Enfin, le dispositif est, tout comme l’ancien, temporaire – mais ce caractère temporaire est ici directement inscrit dans le CGI et non dans la partie non codifiée de l’article du projet de loi, à la différence de l’ancien mécanisme d’étalement.

Aux termes du premier alinéa du nouveau II de l’article 39 novodecies du CGI, l’étalement proposé s’appliquera aux cessions intervenues entre :

– le 28 septembre 2020, qui correspond à la date de présentation du présent projet de loi de finances en Conseil des ministres ;

– et le 31 décembre 2022 inclus.

Ce caractère temporaire est cohérent :

– il ne s’écarte pas sur ce point de l’ancien mécanisme, lui aussi temporaire ;

– il assure l’inscription du dispositif proposé dans le contexte de la crise actuelle – comme le relevait le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, qui a prorogé l’ancien mécanisme d’étalement, ce dernier constituait « un élément du plan de relance de l’économie » et n’avait ainsi « pas vocation à être pérennisé » ([116]) ;

– d’une manière générale, la création de dispositifs fiscaux dérogatoires a vocation à être bornée dans le temps.

2.   Un mécanisme mieux encadré et précisé

Si le dispositif proposé s’adosse à l’ancien mécanisme d’étalement, il prévoit des précisions et un encadrement opportuns.

a.   Un cadre temporel précisément défini

En premier lieu, le nouveau dispositif est plus précis s’agissant des modalités d’appréciation de la date de cession, déterminante pour l’éligibilité à l’étalement qu’il prévoit.

Pour mémoire, l’ancien mécanisme se bornait à faire référence aux « cessions d’immeubles réalisées à compter de l’entrée en vigueur » de la première loi de finances rectificative pour 2009.

● Ici, la date à retenir pour apprécier la satisfaction de la condition temporelle de la cession est celle à laquelle la promesse de vente, unilatérale ou synallagmatique, a acquis date certaine, c’est-à-dire :

– la date de signature de la promesse, si elle est passée en la forme authentique – devant et avec la signature d’un officier public, tel qu’un notaire ;

– ou, pour une promesse sous seing privé, la date de l’un des événements prévus à l’article 1328 du code civil :

● Retenir la date de la promesse de vente, plutôt que celle de la cession, répond à un double objectif :

– s’agissant du terme de la période d’application du dispositif, cela constitue une souplesse et évite de pénaliser certaines entreprises qui, bien qu’ayant matérialisé une opération avec une promesse de vente, n’auraient pas formellement cédé le bien au 31 décembre 2022 ;

– s’agissant du début de la période, retenir la date de la promesse de vente plutôt que celle de cession prémunit autant que possible le dispositif d’éventuels effets d’aubaine, en assurant une application de l’étalement à des projets suffisamment avancés mais non encore définitivement conclus à la date de présentation du texte en Conseil des ministres, tout en excluant des projets déjà réalisés – et qui ont donc été intégralement conduits sans besoin de recourir à l’étalement proposé et sans que ce dernier ait alors été envisagé.

b.   Un encadrement pertinent de la condition de jouissance de l’immeuble par le crédit-preneur

En second lieu, le dispositif proposé définit de façon claire et sans ambiguïté les modalités de jouissance de l’immeuble par le crédit-preneur qui ouvrent droit au bénéfice du mécanisme d’étalement – l’ancien mécanisme ne retenait que le fait, pour le crédit-preneur, de retrouver « immédiatement la jouissance » du bien.

● D’une part, l’immeuble cédé à la société de crédit-bail doit être affecté par le crédit-preneur à son activité (activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole). Il s’agit à l’évidence d’une définition plus précise que l’ancienne.

● D’autre part, une hypothèse d’exclusion du bénéfice de l’étalement de la plus-value est prévue au second alinéa du nouveau II de l’article 39 novodecies du CGI.

Cette exclusion, aux termes de la première phrase de ce second alinéa, porte sur l’affectation de l’immeuble par le crédit-preneur à une activité de gestion de son propre patrimoine. Les immeubles de placement sont donc exclus.

Il s’agit d’une mesure cohérente avec l’économie générale du dispositif, à savoir l’affectation de l’immeuble à l’activité économique de l’entreprise et non à une finalité patrimoniale.

La consécration de cette exclusion dans la loi est nécessaire pour la rendre effective dans la mesure où, ainsi qu’il a été vu, la sous-location de l’immeuble par le crédit-preneur ne faisait pas obstacle, sous l’empire de l’ancien mécanisme d’étalement, à la satisfaction de la condition de jouissance du bien.

● Une exception à l’exclusion des immeubles loués du champ d’application du mécanisme d’étalement est toutefois prévue à la seconde phrase du second alinéa du nouveau II de l’article 39 novodecies du CGI, dans un souci de pragmatisme économique et d’équilibre de l’encadrement du dispositif proposé.

L’étalement de la plus-value demeurera applicable en cas de location de l’immeuble par le crédit-preneur à une autre entreprise, à la double condition :

– que cette autre entreprise affecte l’immeuble à une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

– que cette entreprise et le crédit-preneur entretiennent des liens de dépendance au sens du 12 de l’article 39 du CGI, c’est-à-dire qu’elles aient une relation de société mère et de filiale ou de sociétés sœurs.

La notion d’entreprises liées au sens du 12 de l’article 39 du CGI

Les « liens de dépendance » entre deux entreprises au sens du 12 de l’article 39 du CGI correspondent à deux types de situation :

– la première entreprise détient directement ou indirectement la majorité du capital de la seconde ou, à défaut d’une telle détention majoritaire, exerce dans les faits le pouvoir de décision au sein de cette seconde entreprise ;

– les deux entreprises sont placées sous le contrôle d’une même troisième entreprise, selon les modalités précédemment décrites (détention majoritaire ou exercice en fait du pouvoir de décision).

La première situation correspond à une relation mère-fille, la seconde à une relation de sociétés sœurs.

Cette exception à l’exclusion des activités de gestion patrimoniale est bienvenue, dans la mesure où :

– elle répond aux modalités d’organisation que peuvent retenir certains groupes, tels que ceux dans lesquels la gestion du patrimoine immobilier d’ensemble est assurée par une même société (une foncière), qui loue ensuite les immeubles aux autres sociétés membres du groupe ;

– elle est bien encadrée, la condition d’affectation à une activité économique demeurant exigée au niveau de l’entreprise qui loue l’immeuble au crédit-preneur.

B.   L’impact budgÉtaire et Économique

Le mécanisme d’étalement prévu au présent article, de nature à significativement soutenir les entreprises, n’a pas d’impact pérenne sur les finances publiques dans la mesure où il ne présente qu’un coût en trésorerie pour l’État.

1.   Un impact budgétaire globalement neutre s’agissant d’une mesure de trésorerie

Le dispositif proposé consiste en un étalement d’un produit imposable, en l’occurrence une plus-value de cession.

● Ainsi, s’il induit initialement une perte de recettes fiscales à l’IR et à l’IS, la réintégration subséquente de la plus-value au résultat imposable compense la perte initiale et aboutit in fine à un impact budgétaire neutre.

L’article n’entraînera donc qu’un coût en trésorerie pour l’État en raison de la non-perception de la totalité de l’imposition de la plus-value de cession durant l’application du dispositif, soit entre 2021 et 2023 – le décalage entre la période d’application du dispositif et ses effets budgétaires résultant de l’imposition en N + 1 du solde d’IR et d’IS dû au titre de N.

À compter de 2024 et jusqu’en 2037, l’impact budgétaire sera positif, l’État percevant chaque année l’imposition afférente à la part de plus-value réintégrée.

L’impact n’est donc pas négatif au titre de l’ensemble de la durée d’application de l’étalement, mais uniquement au titre de la période durant laquelle le mécanisme sera ouvert.

Il convient de noter qu’en réalité, l’impact du dispositif proposé pourrait démarrer dès 2020 en raison du « cinquième acompte » d’IS, dans le cadre duquel le dernier acompte des plus grandes entreprises n’est pas assis sur le dernier résultat connu, mais sur une estimation de l’IS dû au titre de l’exercice en cours.

Le dernier acompte en 2020 étant dû le 15 décembre et le dispositif s’appliquant aux cessions ayant fait l’objet d’une promesse dès le 28 septembre, il est donc possible que cet acompte intègre les effets de la mesure.

● Le coût du dispositif, global et par année, n’est pas mentionné dans l’évaluation préalable du présent article, qui indique la difficulté d’évaluer l’impact d’un mécanisme dont l’ampleur dépendra du taux de recours des entreprises.

Cette absence de chiffrage n’est pas propre à cet article, mais concerne d’autres mesures pourtant très opportunes concernant les entreprises et ayant un impact uniquement en termes de trésorerie, telles que la neutralisation fiscale de la réévaluation d’actifs – cf. supra, article 5. Il est regrettable, aux yeux du Rapporteur général, que ce type de dispositifs ne puisse faire l’objet d’une évaluation, même large ou sous la forme d’une fourchette – le cas échéant en se fondant, par analogie, sur le recours au dispositif applicable entre 2009 et 2012 –, pour assurer au Parlement sa pleine information – ce d’autant plus que, d’une manière générale, tous les dispositifs fiscaux incitatifs ont un impact lié à l’intensité de leur utilisation par leurs bénéficiaires.

● L’absence de chiffrage demeure toutefois moins problématique s’agissant d’une mesure dépourvue d’impact pérenne. Le tableau suivant dresse la chronique de l’impact budgétaire, dans un sens négatif ou positif, à défaut de disposer des valeurs estimées – il repose sur un étalement réalisé sur quinze ans, soit la durée maximale prévue par le dispositif.

Chronique de l’impact budgÉtaire du mÉcanisme d’Étalement proposé
(2020-2037)

Année

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

Impact

0

+

+

+

+

+

Année

2029

2030

2031

2032

2033

2034

2035

2036

2037

Impact

+

+

+

+

+

+

+

+

+

NB : impact hors « cinquième acompte ».

Source : commission des finances.

Avec une prise en compte du « cinquième acompte » de l’IS, l’impact est théoriquement négatif dès 2020.

Le tableau suivant synthétise, pour chaque génération de plus-value, l’impact budgétaire – là aussi en retenant la durée maximale prévue.

Impact budgÉtaire de chaque gÉNÉration de plus-value
concernÉe par le mÉcanisme d’Étalement proposé
(hors « cinquiÈme acompte »)

Génération de la plusvalue et conclusion du contrat

Terme de l’impact budgétaire

Impact négatif pour l’État

Impact positif pour l’État

2020

2035

2021

2022-2035

2021

2036

2022

2023-2036

2022

2037

2023

2024-2037

Source : commission des finances.

Il va de soi que si, en affichage, la période d’impact positif pour les finances publiques est substantiellement plus longue que celle de l’impact négatif, une approche en terme de montants par année conduit à inverser l’équilibre, l’impact négatif pour chaque génération étant concentré sur la première année d’effets budgétaires, la suite de la chronique voyant une hausse des recettes correspondant aux fractions de la plus-value réintégrées.

En prenant en compte le « cinquième acompte » d’IS, l’impact négatif pour l’État porte, pour chaque génération, sur deux ans. À titre d’exemple, pour la génération 2020, l’impact négatif porte sur 2020 et 2021.

2.   Un opportun soutien à la trésorerie des entreprises

● En proposant le rétablissement temporaire du mécanisme d’étalement des plus‑values de cession d’immeubles réalisées dans le cadre d’opérations de cession-bail, sous une forme précisée et améliorée, le Gouvernement fournit aux entreprises un outil doublement pertinent.

D’une part, ainsi qu’il a été vu, ce dispositif devrait améliorer la situation financière et la trésorerie des entreprises, en ce qu’il leur permet d’encaisser immédiatement le produit de la cession sans que cela n’entraîne de ressaut d’imposition – cette dernière étant étalée sur une période pouvant aller jusqu’à quinze ans, au rythme de la réintégration des parts égales de la plus‑value.

Le succès apparent du précédent dispositif témoigne de l’intérêt pour les entreprises d’y avoir recours : lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat soulignait le grand succès de l’étalement prévu à l’article 39 novodecies ainsi que le triplement en nombre et en volume des opérations de cession-bail ([117]).

D’autre part, il s’agit d’un outil avec lequel les entreprises sont familières en ce qu’il existait, sous une forme certes moins précise, entre 2009 et 2012. Cette connaissance du dispositif, ou à tout le moins de son principe et de ses modalités de fonctionnement, est un facteur de nature à assurer à la mesure une efficacité maximale.

● Le présent article peut être mis en lien avec l’article 5 du présent texte, déjà mentionné, et relatif à la neutralisation fiscale de la réévaluation d’actifs, dans la mesure où :

– les deux dispositifs constituent des soutiens plus que bienvenus à la trésorerie des entreprises, améliorant leur situation financière sans ressaut d’imposition pénalisant ou dissuasif ;

– les deux dispositifs fournissent ces soutiens sans coût prohibitif pour l’État, l’impact pour les finances publiques n’étant pas pérenne et étant in fine compensé ;

– les deux dispositifs manifestent, s’il en était encore besoin, l’intérêt des discussions parlementaires que certains peuvent parfois juger trop longues, voire stériles, dans la mesure où le principe d’un étalement des plus-values réalisées lors d’opérations de cession-bail dans le cadre de la crise actuelle avait, ainsi qu’il a été vu, déjà été proposé – sous une forme certes non optimale – lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Le Rapporteur général ne peut à cet égard que se réjouir de l’attention portée par le Gouvernement à cet examen et aux débats qu’il a permis, traduite par la présence de cet article utile et pertinent.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement de suppression I‑CF845 de Mme Sabine Rubin.

Mme Danièle Obono. L’article 6 neutralise temporairement l’imposition des plus-values issues d’opérations de cession-bail. Si nous considérons comme nécessaire de soutenir les entreprises les plus petites, la mesure proposée ne les cible pas suffisamment et risque donc de profiter aux plus grandes. Cela priverait l’État de ressources importantes, aussi demandons-nous la suppression de l’article.

Le groupe de La France insoumise est favorable à des aides plus directes, que nous développerons, comme nous le faisons chaque année, dans notre contre-budget que nous présenterons lors du débat en séance publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sans surprise, avis défavorable. Je ne souhaite pas supprimer cet article, qui est la deuxième jambe de notre politique d’aide aux PME.

On peut toujours débattre de l’efficacité de l’outil proposé : il a existé entre 2009 et 2012 et j’estime qu’il a fait ses preuves. Jean-Paul Mattei, qui le connaît bien, pourra sans doute confirmer que cet étalement de plus-value est particulièrement opportun. Il avait d’ailleurs présenté dans le cadre du troisième PLFR pour 2020 une proposition en ce sens, et il me semble que c’est effectivement une bonne mesure de relance.

La commission rejette l’amendement I‑CF845.

Elle est saisie de l’amendement I‑CF854 de Mme Josiane Corneloup.

M. Dino Cinieri. Les opérations d’étalement de l’impôt sur les plus-values immobilières dans le cadre de cessions-bails ont démontré toute leur efficacité. Le présent amendement vise à réactiver cette mesure permettant aux entreprises de vendre leurs locaux à un crédit-bailleur et d’étaler le paiement de l’impôt sur les plus-values dans le temps jusqu’à quinze ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement est satisfait par l’article 6.

L’amendement I‑CF854 est retiré.

La commission examine l’amendement I‑CF256 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 6 autorise les opérations d’étalement de l’impôt sur les plus-values immobilières dans le cadre de cessions-bail jusqu’au 31 décembre 2022. Compte tenu du délai d’entrée en vigueur de ces dispositions et de la situation sanitaire – un nouveau confinement en 2021 pourrait bloquer quelques signatures –, il serait préférable de repousser l’échéance d’un an, au 31 décembre 2023.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La date butoir du 31 décembre 2022 concerne l’opération, et non l’étalement. Cette échéance me paraît la bonne, puisqu’elle laisse deux années pleines et correspond au calendrier du plan de relance. L’important, c’est vraiment la durée d’étalement. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Le problème, c’est plutôt le plafonnement à quinze ans de l’étalement de la plus-value, car certains contrats de crédit-bail immobilier sont plus longs. Seriez-vous disposé, monsieur le rapporteur général, à abandonner ce plafond et à adapter la durée de l’étalement à celle des contrats, lorsqu’ils vont au-delà de quinze ans ?

La commission rejette l’amendement I‑CF256.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I‑CF1258 de Mme Christine Pires Beaune.

Elle adopte l’article 6 sans modification.

 

 

 


Article 7
Suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices
des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé

Résumé du dispositif proposé

Pour la détermination du résultat des entreprises imposées d’après leur bénéfice réel à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non-commerciaux (BNC) et des bénéfices agricoles (BA), le bénéfice fait l’objet d’une majoration de 25 % en cas de non‑adhésion à un organisme de gestion agréé (OGA) ou de non‑recours à un professionnel de l’expertise comptable.

Cette majoration, prévue au 1° du 7 de l’article 158 du code général des impôts (CGI), vise à inciter les entreprises concernées à une telle adhésion ou un tel recours, ces structures offrant une assistance en matière de gestion économique, fiscale et comptable.

Le présent article propose de supprimer cette majoration de 25 %, de façon progressive, dans la mesure où celle-ci n’apparaît plus nécessairement justifiée aujourd’hui. Par ailleurs, dans le contexte actuel de crise économique, la suppression de la majoration est un facteur opportun de simplification et d’allégement des charges pesant sur les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles et les travailleurs indépendants.

L’impact de la mesure pour les finances publiques et pour les OGA ne sera pas brutal en raison de la progressivité de la suppression proposée, qui deviendra pleinement effective à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023 :

– budgétairement, la mesure entraînera pour l’État une perte de recettes estimée à 100 millions d’euros par an en rythme de croisière, offrant aux entreprises concernées un gain global équivalent ;

– ce délai offre aux OGA la possibilité de s’adapter et de se réorganiser.

Dernières modifications intervenues

La majoration de 25 % a été introduite par la loi de finances pour 2006 à la suite de l’intégration dans le barème de l’IR de l’ancien abattement de 20 % sur les revenus professionnels, auquel n’étaient pas éligibles les entreprises non-adhérentes à un OGA ou ne recourant pas à un professionnel du chiffre.

La loi de finances pour 2019 a généralisé le déplafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint participant à l’exploitation d’une entreprise prévue à l’article 154 du CGI, qui ne concernait jusque-là que les adhérents à un OGA.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L'État du droit

Les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu (IR) et imposées d’après leur bénéfice réel voient leur résultat majoré de 25 % par l’application d’un coefficient de 1,25, sauf si elles sont adhérentes d’un organisme de gestion agréé (OGA) ou font appel aux services d’un professionnel du chiffre. La justification de cette majoration, ancienne, semble aujourd’hui faire défaut, en particulier dans le contexte économique actuel.

A.   La majoration de 25 % du bÉNÉfice des entreprises ne recourant pas aux services de professionnels du chiffre

Certains revenus font l’objet d’une majoration de 25 % pour déterminer l’assiette passible de l’IR, dont ceux des entreprises imposées d’après leur bénéfice réel. Dans cette dernière hypothèse, des cas d’exclusion de la majoration sont toutefois prévus.

1.   La majoration de 25 %, substituée à l’ancien abattement sur les revenus professionnels

En application du 7 de l’article 158 du code général des impôts, certains revenus et charges sont, pour la détermination de l’impôt, multipliés par un coefficient de 1,25 – ils font donc l’objet d’une majoration de 25 %.

● Cette majoration, issue de l’article 76 de la loi de finances pour 2006 ([118]), a tiré les conséquences de l’intégration dans le barème de l’IR, par l’article 75 de cette même loi, de l’abattement de 20 % sur les revenus professionnels qui était prévu au 4 bis de l’article 158 du CGI, afin de neutraliser l’impact de cette intégration s’agissant de revenus exclus du bénéfice de l’abattement de 20 %.

L’intégration au barème de l’abattement de 20 % sur les revenus professionnels était motivée par un souci de simplicité et de lisibilité accrues et par un objectif de transparence favorable à l’attractivité fiscale française – en faisant apparaître le taux marginal d’imposition de façon claire, là où ce taux était artificiellement plus élevé avant prise en compte de l’abattement que le taux effectivement supporté.

● La majoration de 25 % prévue au 7 de l’article 158 du CGI porte sur trois types de revenus.

D’une part, sont concernées les pensions alimentaires mentionnées au 3° du II de l’article 156 du CGI, lorsqu’elles sont versées en vertu d’une décision de justice devenue définitive avant 2006 (3° du 7 de l’article 158).

D’autre part, et en application du 2° du 7 de l’article 158, le dispositif s’applique à certains revenus de capitaux mobiliers :

– les revenus imposés en application de l’article 123 bis du CGI, portant sur les bénéfices d’une entité établie dans un pays à régime fiscal privilégié et dont au moins 10 % des actions, parts ou droits sont détenus par une personne physique domiciliée en France ;

– les revenus réputés distribués à la suite d’une rectification du résultat de la société distributrice ;

– les revenus considérés comme distribués mentionnés aux c à e de l’article 111 du CGI, correspondant :

Enfin, aux termes du 1° du 7 de l’article 158 du CGI, le coefficient de 1,25 s’applique aux revenus :

– relevant des catégories des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) et des bénéfices agricoles (BA)

– réalisés par des entreprises soumises à un régime réel d’imposition qui ne sont pas adhérentes d’un organisme de gestion agréé (OGA) ou qui ne font pas appel aux services d’un professionnel du chiffre.

2.   Les exclusions de l’application de la majoration de 25 %

Ainsi qu’il a été vu, la majoration de 25 % du bénéfice ne s’applique pas à toutes les entreprises : certaines en sont exclues en raison de leur régime fiscal, tandis que d’autres y échappent en recourant à une assistance fournie par certaines structures.

a.   Une majoration inapplicable aux entreprises assujetties à l’IS ou relevant d’un régime micro-fiscal

Les dispositions du 7 de l’article 158 du CGI – tout comme celles de l’ancien 4 bis relatives à l’abattement de 25 % ­ ne concernent que :

– les entreprises assujetties à l’IR et dont les revenus sont imposés dans les catégories des BIC, BNC ou BA ;

– et qui sont soumises à un régime réel d’imposition.

Cette double condition, qui repose sur le régime fiscal des redevables, a pour effet d’exclure automatiquement du champ de la majoration de 25 % :

– les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS) ;

– les entreprises relevant, dans le cadre de l’IR, d’un régime micro‑fiscal.

L’exclusion des entreprises assujetties à l’IS concerne non seulement celles dont l’assujettissement est de plein droit en application des 1 et 2 de l’article 206 du CGI (soit essentiellement les sociétés de capitaux et assimilées), mais aussi les sociétés de personnes et assimilées ayant opté pour l’IS en application du 3 de l’article 206 et de l’article 239 du CGI.

Pour une présentation détaillée des régimes d’imposition des entreprises et des modalités d’option pour l’IR ou l’IS, il est renvoyé au commentaire de l’article 17 du projet de loi de finances pour 2019 ([120]) – cet article, devenu l’article 50 de la loi de finances pour 2019, a consacré une révocabilité encadrée de l’option pour l’IS ([121]).

Les régimes micro-fiscaux

Les contribuables assujetties à l’IR et dont les revenus n’excèdent pas un certain plafond relèvent, sauf option pour un régime réel, d’un régime micro-fiscal dans le cadre duquel le bénéfice imposable est déterminé de façon forfaitaire, par application aux revenus d’un abattement variable selon la catégorie du bénéfice.

Il existe quatre régimes micro-fiscaux.

● Dans le cadre du « micro-BIC », prévu à l’article 50‑0 du CGI, le plafond de revenus et l’intensité de l’abattement dépendent de la nature de l’activité principale réalisée :

– pour les activités de commerce et d’hébergement, le plafond est de 176 200 euros ; l’abattement applicable est de 71 % ;

– pour les prestations de services et les locations meublées, le plafond est de 72 600 euros ; l’abattement est de 50 %.

● Le « micro-BNC », figurant à l’article 102 ter, est ouvert aux entreprises dont les recettes non commerciales n’excèdent pas 72 600 euros.

L’abattement applicable est de 34 %.

● Le « micro-BA » figure à l’article 64 bis du CGI et est ouvert aux entreprises dont la moyenne triennale des recettes agricoles n’excède pas le seuil du régime réel fixé à l’article 69 du même code, soit 85 800 euros.

L’abattement applicable est de 87 % ; il s’applique sur la moyenne triennale des recettes (exercice considéré et deux exercices précédents).

● Enfin, le « micro foncier », prévu à l’article 32 du CGI, est applicable aux contribuables dont les revenus fonciers n’excèdent pas 15 000 euros, l’assiette imposable reposant sur l’application d’un abattement de 30 %.

● Les plafonds de revenus des régimes micro-BIC et micro-BNC ont fait l’objet d’une augmentation substantielle par la loi de finances pour 2018, qui les a plus que doublés (1).

(1) Loi n° 20171837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 22.

 

b.   Une majoration inapplicable aux entreprises adhérentes d’un OGA ou faisant appel à un professionnel de l’expertise comptable

Le second type d’exclusion de la majoration ne repose pas sur le régime fiscal de l’entreprise, mais sur le recours par cette dernière à une structure d’assistance comptable spécialisée.

Trois hypothèses d’exclusion sont prévues, résultant d’une lecture a contrario des ab et c du 7 de l’article 158.

Le a du 1° du 7 de l’article 158 du CGI exclut de la majoration de 25 % les redevables qui sont adhérents d’un OGA, structure créée par la loi de finances rectificative pour 1974 ([122]) et dont la mission est de fournir à ses adhérents une assistance économique, comptable et administrative dans la gestion de leurs activités et dans l’accomplissement de leurs obligations fiscales.

Ce a vise trois types d’OGA mentionnés aux articles 1649 quater C à 1649 quater K ter du CGI :

– les centres de gestion agréés (CGA), qui concernent les entreprises industrielles, commerciales, artisanales et agricoles et dont le régime est prévu aux articles 1649 quater C à 1649 quater E bis du CGI ;

– les associations de gestion agréées (AGA), concernant les professions libérales et les titulaires de charges et offices et dont le régime est prévu aux articles 1649 quater F à 1649 quater H du CGI ;

– les organismes mixtes de gestion agréés (OMGA), regroupant des adhérents des deux précédentes catégories et dont l’existence est consacrée à l’article 1649 quater K ter du CGI.

Les missions et l’organisation des OGA

● Les CGA, aux termes de l’article 1649 quater C du CGI, apportent une assistance en matière de gestion et fournissent une analyse des informations économiques, comptables et financières afin de prévenir les difficultés économiques et financières.

Ils sont habilités à élaborer les déclarations fiscales, pouvant pour ce faire recevoir l’assistance technique d’un agent de l’administration fiscale, ainsi que le prévoit l’article 1649 quater E du CGI. Le CGA procède également à un contrôle formel des documents reçus, à un examen de cohérence, de concordance et de vraisemblance (ECCV) et, le cas échéant, à un examen périodique de sincérité (EPS) des pièces justificatives transmises par l’adhérent.

Les CGA sont créés à l’initiative d’experts-comptables ou de sociétés membres de l’ordre des experts-comptables, d’organismes consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat ou chambres d’agriculture) ou d’organisations professionnelles légalement constituées d’industriels, de commerçants, d’artisans ou d’exploitants agricoles.

● Les missions des AGA, définies aux articles 1649 quater F et 1649 quater H du CGI, sont semblables à celles des CGA. Les AGA sont créées soit par des ordres ou des organisations professionnelles légalement constituées des membres des professions libérales ou titulaires de charges et offices, soit – comme les CGA – par des experts-comptables ou des sociétés inscrites à cet ordre.

● Les OMGA, aux termes de l’article 1649 quater K ter du CGI, peuvent avoir pour adhérents des redevables relevant des CGA ou des AGA. Ils exercent auprès de leurs adhérents les mêmes missions que les CGA et les AGA.

● Les différents OGA sont soumis à un contrôle de l’administration fiscale. Leur agrément est donné dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, et qui figurent aux articles 371 A et suivants de l’annexe II du CGI, qui portent également sur les conditions de création et de fonctionnement des OGA.

Un OGA doit réunir au moins cinq cents adhérents relevant d’un régime réel d’imposition lors de la demande initiale d’agrément, nombre qui doit passer à mille dans un délai de trois ans pour permettre le renouvellement de l’agrément. Ces seuils, qui ne concernent pas les organismes en Corse et dans les départements et régions d’outre-mer, sont prévus à l’article 371 B de l’annexe II pour les CGA, à l’article 371 N pour les AGA et à l’article 371 Z ter pour les OMGA – ils ont été substantiellement relevés par le décret du 11 octobre 2016 relatif aux OGA (1).

L’adhésion à un OGA suppose le paiement d’une cotisation dont le montant est identique pour tous les adhérents – ceux relevant d’un régime micro-fiscal et les primo-adhérents pouvant toutefois acquitter une cotisation réduite en application des articles 371 EA et 371 QA de l’annexe II du CGI.

(1) Décret n° 20161356 du 11 octobre 2016 relatif aux centres de gestion, associations et organismes mixtes de gestion agréés, aux professionnels de l’expertise comptable et aux certificateurs à l’étranger.

 

L’exclusion de la majoration s’applique également, toujours en application du a du 1° du 7 de l’article 158, aux membres d’un groupement ou d’une société de personnes et assimilées – telle qu’une société en nom collectif – et aux conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d’un même groupement ou d’une même société, dès lors que l’entité est adhérente d’un OGA.

● En revanche, la majoration de 25 % est applicable aux revenus d’une entreprise qui, bien qu’adhérente d’un OGA, en a été exclue au cours de l’année d’imposition pour l’un des motifs suivants :

– défaut de réponse suffisante aux demandes de justification de l’OGA au titre de leurs missions d’assistance en matière de déclarations fiscales ;

– absence de suite donnée à la demande de l’OGA de rectifier une déclaration fiscale ;

– exclusion sur le fondement de l’article L. 166 du livre des procédures fiscales (LPF), en cas de non-respect par l’entreprise adhérente des obligations lui incombant sur le fondement des statuts ou du règlement intérieur de l’OGA.

● Le bénéfice de l’exclusion de la majoration de 25 % suppose que l’adhésion à l’OGA ait porté sur toute la durée de l’exercice d’imposition concerné, ainsi qu’il résulte des articles 371 L (pour les CGA), 371 W (pour les AGA) et 371 Z quaterdecies (pour les OMGA) de l’annexe II du CGI – certaines exceptions étant prévues à ces mêmes articles, notamment en cas d’agrément de l’organisme postérieur à l’adhésion ou de retrait ou non‑renouvellement de l’agrément.

La deuxième hypothèse d’exclusion de l’application de la majoration de 25 %, prévue au b du 1° du 7 de l’article 158 du CGI et introduite par la loi de finances pour 2009 ([123]), vise les entreprises qui font appel aux services d’un professionnel de l’expertise comptable, c’est-à-dire :

– un expert-comptable, une société membre de l’ordre des experts‑comptables ou une succursale d’expertise comptable ;

– ou une association de gestion et de comptabilité (AGC, régie par l’article 7 ter de l’ordonnance du 19 septembre 1945 relative à l’exercice de la profession d’expert-comptable ([124])).

● L’expert-comptable ou l’entité (société, succursale ou AGC) doit, pour l’exclusion de la majoration, avoir été autorisé à ce titre par l’administration fiscale et avoir conclu avec cette dernière une convention, dans les conditions prévues aux articles 1649 quater L et 1649 quater M du CGI :

– l’autorisation est délivrée par le commissaire du Gouvernement auprès du conseil régional de l’ordre des experts-comptables ;

– la convention, portant sur une période de trois ans, prévoit l’engagement du professionnel de l’expertise-comptable :

Ces modalités d’encadrement, notamment eu égard à la délivrance d’une autorisation administrative et au contenu de la convention conclue, rapprochent cette deuxième hypothèse d’exclusion de majoration de la première reposant sur l’adhésion à un OGA.

● Ce rapprochement se retrouve également dans les cas de figure dans lesquels la majoration de 25 % sera applicable, à savoir la résiliation de la lettre de mission par le professionnel de l’expertise comptable pour défaut de réponse du client, l’absence de suite donnée à une demande de rectification d’une déclaration ou l’ouverture d’une procédure sur le fondement de l’article L. 166 C du LPF en fonction des contrôles et des rectifications dont les clients ont fait l’objet.

L’exclusion de la majoration qui résulte du b du 1° du 7 de l’article 158 du CGI suppose de la part de l’entreprise la signature d’une lettre de mission avec le professionnel de l’expertise comptable dans les cinq mois qui suivent l’ouverture de l’exercice considéré.

Tout changement intervenant en cours d’exercice – changement de professionnel, résiliation de la lettre de mission aux fins d’adhésion à un OGA ou démission d’un OGA pour faire appel à un professionnel de l’expertise comptable – doit, pour assurer le maintien de l’exclusion de la majoration, se traduire par l’accomplissement des formalités requises dans un délai de trente jours (conclusion d’une nouvelle lettre de mission ou adhésion à un OGA, selon le cas de figure), ainsi que le prévoit l’article 371 bis L de l’annexe II du CGI.

Enfin, la troisième hypothèse d’exclusion de la majoration de 25 % figure au c du 1° du 7 de l’article 158 du CGI et vise les cas dans lesquels une entreprise fait appel à un certificateur étranger pour les revenus de source étrangère qu’elle perçoit et qui proviennent d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) lié à la France par une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

● Le certificateur doit satisfaire aux conditions suivantes :

– avoir été autorisé par l’administration, à l’image de ce qui est prévu s’agissant des professionnels de l’expertise comptable ;

– avoir conclu avec l’administration fiscale une convention en application de l’article 1649 quater N du CGI, en vertu de laquelle le certificateur s’engage à procéder chaque année aux contrôles réalisés par les CGA, s’agissant des revenus encaissés à l’étranger et des déclarations de résultats déposées à l’étranger.

● Cette troisième hypothèse d’exclusion a été introduite par la loi de finances rectificative pour 2015 dans un souci de mise en conformité du dispositif avec le droit de l’Union européenne – cette même loi ayant également étendu la compétence des OGA aux revenus de source étrangère ([125]).

Les autres avantages fiscaux résultant de l’adhésion à un OGA

Outre l’exclusion de la majoration de 25 %, l’adhésion à un OGA ouvre droit à d’autres avantages fiscaux.

● D’une part, l’entreprise adhérente imposée dans la catégorie des BIC, des BNC ou des BA peut, aux termes de l’article 199 quater B du CGI, bénéficier d’une réduction d’impôt au titre de l’adhésion à un OGA. Le montant de cette réduction d’impôt est égal aux deux tiers des dépenses exposées pour la tenue de la comptabilité et pour l’adhésion à un OGA, et ne peut excéder 915 euros.

Ce dispositif est ouvert aux entreprises éligibles aux régimes micro‑fiscaux – c’est-à-dire celles dont les recettes n’excèdent pas les plafonds prévus pour ces régimes – mais qui ont opté pour un régime réel d’imposition.

D’après les annexes budgétaires du projet de loi de finances pour 2021, le coût estimé en 2021 de cette dépense fiscale (n° 110211) est de 101 millions d’euros, son coût constaté en 2019 étant de 91 millions d’euros.

● D’autre part, jusqu’à la loi de finances pour 2019, le fait pour une entreprise imposée dans la catégorie des BIC ou des BNC d’être adhérente d’un OGA permettait une déduction intégrale du salaire du conjoint participant effectivement à l’exercice de la profession, là où cette déduction était plafonnée à 17 500 euros en cas de non adhésion.

Cet avantage, prévu à l’article 154 du CGI, a disparu avec l’extension à toutes les entreprises, adhérentes d’un OGA ou non, de la possibilité d’une déduction intégrale du salaire (1).

● Enfin, avant 2015, le délai de reprise de l’administration fiscale était de deux ans à l’égard d’adhérents à un OGA, contre trois ans dans le cadre du droit commun. Cette mesure, qui figurait au deuxième alinéa des articles L. 169 et L. 176 du LPF, a été supprimée par la loi de finances pour 2015 (2), après notamment que la Cour des comptes, en 2014, a jugé qu’elle avait un impact négatif sur l’efficacité du contrôle fiscal.

(1) Loi n° 20181317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 60. La généralisation de la déductibilité intégrale du salaire est entrée en vigueur à compter du 31 décembre 2018.

(2) Loi n° 20141654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 80.

 

B.   Une majoration du bÉNÉfice imposable qui n’apparaÎt plus nÉcessairement justifiÉe

Plusieurs séries de raisons peuvent militer pour la suppression de la majoration de 25 %, en particulier dans le contexte économique actuel.

1.   L’évaluation par la Cour des comptes du rôle des OGA : un « bilan mitigé »

L’existence des OGA trouve sa source dans le souci de pacifier les relations entre les travailleurs indépendants et agricoles et les institutions, en particulier l’administration fiscale, dans un contexte agité de contestation dans les années 1970 ([126]). En contrepartie du bénéfice de l’abattement sur le revenu dont bénéficiaient alors les salariés (de 10 %, puis de 20 % ainsi qu’il a été vu), les indépendants ont pris l’engagement d’une sincérité fiscale et comptable, concrétisé par l’adhésion à un OGA.

En 2014, la Cour des comptes s’est penchée sur le rôle et la valeur ajoutée des OGA – à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

La Cour a d’abord relevé que si, entre 2008 et 2012, le nombre d’entreprises susceptibles d’adhérer à un OGA avait diminué – en raison d’une augmentation de la part du nombre des petites entreprises assujetties à l’IS ou relevant d’un régime micro-fiscal –, le nombre des adhérents effectifs, quant à lui, connaissait une certaine stabilité, autour de 1,1 million ([127]).

D’une manière générale, après avoir analysé les missions des OGA et l’organisation de ces structures – 432 organismes agréés décomptés –, la Cour des comptes a considéré que « quarante ans après leur création, la contribution des organismes à l’amélioration de la connaissance des revenus non salariaux est difficile à établir », relevant que « la proportion de redressements à l’issue d’un contrôle fiscal est identique chez les adhérents et non-adhérents » et que des « anomalies significatives sont décelées » dans les déclarations des adhérents, malgré les prestations fournies par les OGA ([128]).

Selon les éléments fournis au Rapporteur général à sa demande, le constat dressé par la Cour des comptes en 2014 s’agissant de la mission de prévention fiscale des OGA est corroboré : en 2017, les rectifications en base effectuées par les OGA ont abouti à fiabiliser la base fiscale à hauteur de 0,2 % (85,5 millions d’euros sur une base totale fiabilisée de 47 milliards d’euros), soit de façon très marginale.

Sans remettre en cause l’existence même des OGA – la Cour leur reconnaissant une fonction utile d’intermédiation fiscale –, les conclusions du rapport de 2014 peuvent être synthétisées par le constat d’un « bilan mitigé » ([129]).

2.   Une majoration ancienne et source d’alourdissement des charges pesant sur les petites entreprises

S’agissant plus spécifiquement de la majoration de 25 % prévue au 1° du 7 de l’article 158 du CGI sur les BIC, BNC et BA des entreprises, la Cour des comptes n’appelait pas son abandon, jugeant pertinente une différenciation fiscale selon que les entreprises acceptent ou non de se plier à une procédure impliquant une meilleure transparence fiscale.

● Néanmoins, il y a lieu de souligner – en s’appuyant d’ailleurs sur le constat de la Cour des comptes – que la diminution de la part des entreprises ayant un intérêt direct à adhérer à un OGA, c’est-à-dire les entreprises assujetties à l’IR et imposées d’après leur bénéfice réel, est un facteur de nature à atténuer la justification du principe même de la majoration de 25 %.

Or, les informations recueillies par le Rapporteur général, portant sur des données plus récentes que celles dont disposait la Cour des comptes en 2014, confirment avec netteté la montée en puissance, parmi les indépendants, des régimes micro-fiscaux et de la forme sociétale assujettie à l’IS :

– le nombre d’indépendants relevant du régime micro-BIC a quasiment triplé entre 2008 et 2017, passant d’un peu plus de 190 000 à plus de 570 000 ;

– sur la même période, le nombre d’indépendants au micro-BNC s’est accru dans des proportions similaires, passant d’un peu moins de 144 000 à plus de 400 000.

Il convient au demeurant de souligner que cette progression est antérieure au doublement des plafonds des régimes microfiscaux, de nature à renforcer le constat tiré.

S’agissant des entreprises relevant du régime micro-BA, leur nombre a connu une relative stabilité. Il semble cependant utile de préciser que ce régime, tel qu’il existe en l’état, est récent dans la mesure où il a été créé par la loi de finances rectificative pour 2015 en remplacement de l’ancien forfait agricole ([130]).

Enfin, le nombre d’indépendants assujettis à l’IS a presque doublé entre 2012 et 2016, passant de près de 230 000 à plus de 430 000.

● Par ailleurs, la différence de traitement fiscal induite par l’existence de la majoration de 25 % constitue un potentiel biais dans la liberté d’organisation des entreprises :

– plutôt que de les inciter à adhérer à un OGA, elle peut être vue comme les encourageant à privilégier un régime micro-fiscal – si elles y sont éligibles – ou à opter pour l’IS ;

– ce dispositif conduit à une forme de discrimination reposant sur le régime fiscal de l’entreprise, alors que les enjeux de transparence et de meilleure gestion ne sont pas propres à ce régime en particulier.

● En outre, une autre forme de discrimination existe dans le cadre du régime actuel, à l’égard des revenus de source étrangère qui n’ont pas été encaissés dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Accord sur l’EEE et lié à la France par une convention d’assistance administrative en matière fiscale.

Ainsi qu’il a été vu, les entreprises percevant de tels revenus ne peuvent, à ce titre, adhérer à un OGA ou faire appel à un certificateur à l’étranger. Loin d’être une situation théorique, ce cas de figure peut se rencontrer notamment à l’égard d’entreprises frontalières de la Suisse et y percevant des revenus : ainsi que l’a rappelé une réponse ministérielle à une question écrite récemment posée par le président Olivier Becht, de tels revenus n’ouvrent pas droit au bénéfice de la non-majoration ([131]).

Une solution possible à cette difficulté serait d’ouvrir les hypothèses d’exclusion de la majoration à de tels revenus étrangers à travers l’extension de la compétence des OGA, mais cela n’apparaît pas idéal. L’actuelle restriction, reposant sur une source de revenus au sein de l’Union européenne ou, s’agissant de l’EEE, sur la conclusion d’une convention d’assistance, permet de limiter les risques d’évitement fiscal et réduit les difficultés intrinsèques pour les OGA à accompagner des contribuables domiciliés en France et percevant des revenus étrangers.

Toujours est-il que, en l’état du droit, ces revenus de source étrangère font automatiquement l’objet d’une majoration de 25 % en raison de l’impossibilité juridique d’adhérer à ce titre à un OGA pour qu’il exerce ses missions à leur égard.

● Enfin, la crise économique actuelle et son impact sur les entreprises appellent des mesures de simplification et d’allégement fiscal, non par évergétisme, mais pour réduire autant que faire se peut les contraintes et charges pesant sur les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles.

C’est précisément ce à quoi s’emploie le présent article.

II.   Le dispositif proposé

Dans un souci de simplification administrative, de libre organisation fiscale et d’allégement des charges pesant sur les entreprises dans un contexte de crise aiguë, le présent article prévoit de supprimer, de façon progressive et lissée, la majoration de 25 % du bénéfice des entreprises imposées à l’IR.

A.   La suppression progressive de la majoration de 25 % applicable en cas de non recours à un oga ou un professionnel du chiffre

1.   Une diminution progressive de la majoration jusqu’en 2022 suivie de sa suppression à partir de 2023

Le présent article supprime, de façon progressive entre 2020 et 2023, la majoration de 25 % du résultat imposable des entreprises assujetties à l’IR et imposées d’après leur bénéfice réel dans la catégorie des BIC, BNC et BA, prévue au 1° du 7 de l’article 158 du CGI et qui résulte de l’application au bénéfice d’un coefficient de 1,25.

Cette suppression résulte du  du I et du II du présent article.

a.   La réduction séquencée de la majoration entre 2020 et 2022

Dans un premier temps, pour l’imposition des revenus des années 2020 à 2022, le  du I du présent article prévoit une réduction progressive du coefficient multiplicateur dont résulte la majoration du résultat, à travers l’introduction au 1° du 7 de l’article 158 d’un nouvel alinéa dérogeant au premier alinéa du même 7, qui fixe le coefficient à 1,25 – le  du I du présent article apportant une précision rédactionnelle bienvenue en insérant le terme de « coefficient » à ce premier alinéa du 7.

En vertu du dispositif proposé :

– pour l’imposition des revenus de l’année 2020, le coefficient sera abaissé de 1,25 à 1,2, la majoration s’établissant alors à 20 % ;

– pour l’imposition des revenus de l’année 2021, le coefficient sera abaissé à 1,15, soit une majoration de 15 % ;

– pour l’imposition des revenus de l’année 2022, le coefficient sera fixé à 1,1, soit une majoration de 10 %.

L’application du dispositif dès les revenus de l’année 2020 ne supposera pas de rectification du résultat imposable en raison du prélèvement à la source de l’IR, dans la mesure où la liquidation de l’IR dû au titre des revenus de l’année 2020 interviendra en 2021 – au demeurant, il est rappelé que les acomptes prévus pour les BIC, BNC et BA et dus au titre d’une année N reposent, hors modulation expresse, sur les revenus des années N – 2 et N – 1.

b.   La suppression de la majoration à compter de 2023

À compter de l’imposition des revenus de l’année 2023, et en application du II du présent article, la majoration du bénéfice en cas de non adhésion à un OGA ou de non recours à un professionnel de l’expertise comptable sera supprimée.

En effet, ce II abroge, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023, le 1° du 7 de l’article 158 qui, ainsi qu’il a été vu, prévoit les hypothèses d’application de la majoration en cas :

c.   Synthèse de la suppression proposée

Le tableau ci-après, illustré par le graphique suivant, présente de façon synthétique la chronique devant aboutir, à compter de 2023, à la suppression de la majoration de 25 % actuellement prévue au 1° du 7 de l’article 158 du CGI.

Chronique de la suppression proposÉe de la majoration de 25 %

 

2019

2020

2021

2022

2023

Coefficient multiplicateur

1,25

1,20

1,15

1,10

1

Écart N/N-1

0

0,05

0,05

0,05

0,10

Écart N/2019

0

0,05

0,10

0,15

0,25

Majoration du bénéfice

25 %

20 %

15 %

10 %

0 %

 

2.   Le maintien des autres hypothèses de majoration de 25 %, pour certains revenus de capitaux mobiliers et pensions alimentaires

La suppression prévue au présent article ne concerne que la majoration applicable aux BIC, BNC et BA des entreprises imposées d’après un régime réel qui n’adhèrent pas à un OGA ou ne font pas appel à un professionnel du chiffre.

Elle ne porte donc pas sur les deux autres hypothèses d’application de la majoration de 25 % prévues au 2° et 3° du 7 de l’article 158 du CGI, présentées en début de commentaire et qui, pour mémoire, concernent :

– certains revenus de capitaux mobiliers, tels que :

– les pensions alimentaires résultant d’une décision de justice devenue définitive avant 2006.

L’objectif du présent article est en effet d’alléger les charges fiscales et administratives pesant sur les petites entreprises dans un contexte de crise économique ; cet objectif ne justifie pas d’étendre la suppression de la majoration aux autres hypothèses – ce qui paraît évident notamment s’agissant des rémunérations et avantages occultes.

B.   L’impact budgÉtaire et Économique

La suppression progressive de la majoration de 25 % aura un impact négatif pour les finances publiques, estimé à 100 millions d’euros par an en rythme de croisière. Elle permettra aux plus petites entreprises de bénéficier d’un allégement fiscal opportun et de mettre un terme aux discriminations fiscales précédemment mentionnées, sans pour autant remettre fondamentalement en cause les OGA, qui auront l’occasion de se réorganiser et pourront renforcer la qualité des services qu’ils fournissent.

1.   Un coût progressif estimé à 100 millions d’euros par an en rythme de croisière

La suppression de la majoration de 25 % en cas de non-adhésion à un OGA ou à un professionnel du chiffre va entraîner pour l’État une perte de recettes au titre de l’IR. Cette perte de recettes est estimée à 100 millions d’euros une fois la suppression pleinement effective en rythme de croisière. D’ici là, elle sera progressive en raison de l’étalement dans le temps de la suppression proposée.

L’impact budgétaire sera ainsi lissé dans le temps, ainsi que l’illustrent le tableau et le graphique suivants.

Chronique de l’impact budgÉtaire
de la suppression progressive de la majoration de 25 %

(en millions d’euros)

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

0

– 29

– 65

– 82

– 125

– 125

– 100

– 100

Source : évaluation préalable.

 

La montée en puissance du coût pour l’État résulte du caractère progressif de la suppression de la majoration.

L’irrégularité de la chronique budgétaire, qui connaît un ressaut en 2024 et 2025 avant une stabilisation à compter de 2027, est la conséquence des modalités particulières du prélèvement à la source pour les titulaires de BIC, BNC et BA. Ces revenus, qui ne sont pas dans le champ de la retenue à la source, font l’objet d’acomptes assis sur les derniers revenus connus, soit pour les acomptes payés en N les revenus N – 2 entre janvier et août et les revenus N – 1 entre septembre et décembre.

Le coût budgétaire associé à chaque année des revenus, figurant dans l’évaluation préalable, est indiqué dans le tableau suivant.

coût de la suppression progressive de la majoration de 25 %
associé à chaque année de revenus

Année des revenus

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Baisse de la majoration (en points)

– 5

– 5

– 5

– 10

0

0

Coût associé
(en M€)

– 22

– 43

– 63

– 100

– 100

– 100

Source : évaluation préalable.

Le caractère erratique de l’impact budgétaire résulte, lors de la première année de cet impact (soit 2021) du cumul entre le coût associé au solde de l’IR dû au titre de 2020, soit 22 millions d’euros, et une fraction de ce coût au titre des acomptes versés entre septembre et décembre 2021, aboutissant à un coût budgétaire de 29 millions d’euros.

Pour les années suivantes, le coût budgétaire est lié au cumul des coûts associés aux acomptes (8/12 du coût 2020 et 4/12 du coût 2021) et du coût du solde de l’IR dû au titre de l’année précédente, expliquant le bon budgétaire avant une stabilisation en rythme de croisière correspondant au montant associé à la suppression intégrale de la majoration.

Il est précisé que ces estimations ne tiennent pas compte des éventuelles modulations auxquelles les redevables pourraient avoir recours afin d’ajuster le plus possible le montant des acomptes à l’impôt dû au titre de l’année considérée.

2.   Un allégement opportun pour les petites entreprises qui préserve les OGA

Si la suppression de la majoration de 25 % constitue une mesure à destination des entreprises, singulièrement des plus petites et fragiles, ses modalités permettront de préserver les OGA.

a.   Une suppression justifiée par plusieurs considérations

Ainsi qu’il a été vu (cf. supra, I, B), supprimer la majoration de 25 % applicable aux BIC, BNC et BA en cas de non recours à un professionnel du chiffre, repose sur plusieurs considérations complémentaires.

La majoration de 25 % peut conduire à un biais dans le choix par les entreprises de leur organisation et de leur régime fiscal, en ce qu’elle ne concerne qu’un régime.

La justification d’un tel dispositif est d’autant moins établie dans la mesure où les entreprises se trouvant hors de son champ d’application sont de plus en plus nombreuses en raison du succès des microentreprises ayant recours à un régime micro-fiscal et de l’option pour l’IS – choix d’autant plus séduisant que, depuis la loi de finances pour 2019 précitée, cette option est devenue révocable, circonstance de nature à inciter à son exercice sans crainte pour l’entreprise d’être définitivement enfermée dans un régime qui, in fine, pourrait ne pas se révéler indiqué pour elle.

La suppression de la majoration mettra également un terme au traitement différencié des revenus de source étrangère ne provenant pas d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Accord sur l’EEE et lié à la France par une convention d’assistance en matière fiscale, par exemple la Suisse, ainsi que cela a été précédemment évoqué.

Si l’exclusion d’une adhésion à un OGA ou du recours à un professionnel de l’expertise comptable pour de tels revenus répond à des motivations compréhensibles, en raison des difficultés que les revenus de source étrangère peuvent induire pour les OGA dans l’accomplissement de leurs missions, la conséquence de cette exclusion peut paraître excessive ou à tout le moins sévère.

En effet, elle aboutit à appliquer automatiquement la majoration de 25 %, même si le contribuable est de totale bonne foi, et ne répond pas nécessairement à l’objectif assigné aux OGA dans la mesure où il n’existe pas, dans une telle situation, d’alternative consistant à pouvoir faire appel à une structure professionnelle du chiffre, ainsi que la réponse ministérielle précédemment mentionnée le rappelle. Dès lors, dans ce cas de figure, la majoration s’applique uniquement en raison de la source des revenus, à rebours de l’objectif qui lui était initialement assigné.

La suppression proposée constitue ainsi à cet égard une mesure opportune – et qui n’a au demeurant aucune incidence en matière de transparence fiscale.

Enfin, et surtout, la suppression de la majoration de 25 % conduira à un allégement des charges pesant sur les entreprises concernées, soit essentiellement les travailleurs indépendants et les petites entreprises, d’un montant non négligeable : 100 millions d’euros par an une fois la suppression pleinement effective.

Face à la crise actuelle et compte tenu de l’impact de celle-ci sur le tissu économique français, une telle mesure d’allégement – et de simplification – est bienvenue, offrant à des contribuables potentiellement fragiles une souplesse et une respiration opportunes.

b.   Une suppression progressive préservant les OGA et leur permettant une transition en douceur

Dans la mesure où l’existence de la majoration de 25 % est une incitation à l’adhésion à un OGA, sa suppression pourrait être de nature à réduire l’intérêt des entreprises à une telle adhésion et, par conséquent, à diminuer les adhésions et donc les ressources de ces organismes.

Cependant, un tel constat appelle plusieurs séries d’observations.

● D’une part, la suppression de la majoration de 25 % proposée par le Gouvernement sera progressive, étalée sur plusieurs années et ne devenant pleinement effective qu’à compter de l’imposition des revenus de 2023. Le dispositif prémunit ainsi les OGA et, d’une manière générale, les professionnels du chiffre, de tout impact brutal et de tout bouleversement dans leur organisation.

Cette progressivité va en effet permettre à ces structures de s’adapter, de prendre les mesures utiles dans le cadre d’une période de transition étendue et d’éviter toute déstabilisation qu’une suppression immédiate aurait risqué d’entraîner.

● D’autre part, les services des OGA revêtent une utilité reconnue par la Cour des comptes en 2014 – malgré son appréciation relativement sévère la conduisant à constater un bilan mitigé de leur rôle – en matière d’intermédiation fiscale : les entreprises ont donc intérêt à recourir aux OGA et aux professionnels de l’expertise comptable, indépendamment de l’incitation fiscale que constitue la majoration en cas de non recours.

S’agissant du rôle et de la plus-value des OGA et en lien avec la souplesse qu’offre la progressivité de la suppression de la majoration de 25 %, il appartiendra aux OGA de mettre à profit la période de transition pour renforcer l’utilité et la qualité des services rendus aux adhérents.

Les OGA sont à cet égard dans une situation pouvant être rapprochée de celle des commissaires aux comptes, à la suite de l’harmonisation et du relèvement des seuils de désignation obligatoire d’un commissaire aux comptes, pour les aligner sur ceux prévus par le droit européen, auxquels a procédé la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») ([132]).

Le Rapporteur général estime ainsi qu’il faut voir dans la proposition de suppression progressive de la majoration de 25 % une réelle opportunité pour les OGA, afin que ceux-ci se transforment dans le sens d’un renforcement de la qualité et de l’utilité des services déjà précieux qu’ils rendent à leurs adhérents.

● Enfin, toute incitation fiscale ne disparaît pas avec le présent article. Outre la progressivité de la suppression proposée, qui aboutit à maintenir une incitation forte à adhérer à un OGA jusqu’en 2023, il reste la réduction d’impôt prévue à l’article 199 quater B du CGI en cas d’adhésion à un OGA, qui n’est pas bornée dans le temps.

Il est au demeurant possible de considérer que le principe de cette réduction est plus vertueux que la majoration de 25 %, qui relève plutôt d’une logique punitive.

*

*     *

Il existe plusieurs pistes d’accompagnement des OGA dans leur réorganisation, afin de pleinement tirer les conséquences de la suppression progressive de la majoration de 25 %. Peuvent ainsi être mentionnés en conclusion du présent commentaire, à titre prospectif et pour éclairer la réflexion à venir en la matière :

– le relèvement des seuils d’adhérents – pour poursuivre le mouvement de concentration de ces structures aux fins d’une plus grande efficience ;

– la modification des règles tarifaires, pour substituer à l’encadrement réglementaire actuel une réelle liberté dans la fixation des frais d’adhésion ;

– une éventuelle évolution des missions des OGA – ce point faisant d’ailleurs l’objet de concertations entre les OGA et la direction générale des finances publiques (DGFiP) afin d’accompagner le mieux possible ces structures dans leur transition.

En tout état de cause, les OGA ont, à travers le caractère progressif de la suppression de la majoration de 25 %, l’opportunité de renforcer la qualité de leurs prestations, afin que l’adhésion des entreprises résulte d’une démarche volontaire motivée par la pertinence des services fournis plutôt que d’une forme de contrainte fiscale.

*

*     *

La commission examine l’amendement de suppression I‑CF258 de Mme MarieChristine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 7 prévoit la suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé (OGA).

Sur ces organismes, on a tout vu ! Il y a deux ou trois ans, on a pris des mesures anti-OGA et, aujourd’hui, on maintient le dispositif, mais en lui retirant tout intérêt. Les OGA contribuent pourtant à la sécurité fiscale de nos TPE et de nos PME et elles les aident dans leurs tâches quotidiennes de gestion. Vous allez affaiblir le dispositif et le conseil que les OGA peuvent apporter à nos entreprises. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je comprends l’intérêt des OGA, que vous défendez ici, à voir leurs prestations de services maintenues. Toutefois, gouverner, c’est choisir : nous faisons le choix d’en finir avec une discrimination qui ne se justifie plus. La disposition existante introduit un biais dans le choix d’organisation. Or il importe d’introduire un peu de souplesse dans notre pays. On a fait des progrès avec la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), qui se serait, d’ailleurs, bien prêtée à l’introduction de cette mesure.

Madame Dalloz, je pensais que vous seriez favorable à cet article, puisqu’en 2019, vous aviez déposé un amendement allant dans ce sens. Vous indiquiez alors que la législation contraignait les exploitants individuels à adhérer à des organismes de gestion agréés sous peine de voir leurs bénéfices imposés sur une base majorée de 25 %… Je vous taquine, car cela nous arrive à tous. En tout cas, cela montre qu’il a pu vous sembler pertinent, à un moment donné, de supprimer cette majoration.

M. le président Éric Woerth. Vous tuez les OGA, d’une certaine manière. C’est un choix ! Vous avez, d’ailleurs, fait à peu près la même chose pour les commissaires aux comptes dans la loi PACTE, en prétextant qu’ils coûtaient trop cher aux petites entreprises.

M. Charles de Courson. J’ai toujours combattu cette majoration, qui est complètement absurde. J’espérais, d’ailleurs, que le Conseil constitutionnel l’annulerait. Pour un bénéfice de 100, vous êtes taxé à 125 si vous n’adhérez pas à une OGA, ce qui revient à supposer que vous êtes un fraudeur à hauteur de 25 %. C’est aberrant !

Je suis donc favorable à l’article 7, mais il me semble qu’il y manque une mesure d’accompagnement, tel un crédit d’impôt plafonné, afin d’inciter les indépendants à adhérer à des OGA, qui, en contrepartie, certifieraient à l’administration fiscale la sincérité des comptes.

Mme Lise Magnier. La question mérite en effet d’être posée. En séance, le ministre aura aussi à s’exprimer sur le devenir des salariés des OGA, qui sont évidemment inquiets, dans la mesure où l’on annonce leur extinction dans les trois ans. Le ministre devra les rassurer et faire en sorte qu’ils soient correctement accompagnés.

Mme Cendra Motin. Historiquement, la majoration provient d’un changement en 2006 de la base d’impôt sur le revenu. C’était une compensation, qui n’a plus vraiment lieu d’être. Monsieur de Courson, vous allez être heureux d’apprendre qu’il existe une réduction d’impôt, plafonnée à 915 euros, permettant aux entreprises de faire face aux frais de comptabilité.

Depuis le début du mandat, je demande la suppression de cette majoration. Je suis contente que nous y arrivions dans une période où cela se justifie, tout en permettant aux OGA de rebondir. À ce sujet, j’ai une proposition qui permettrait d’ouvrir ces organismes aux micro‑entreprises, qui ne sont pas suffisamment suivies et pour lesquelles ils pourraient être de très bons partenaires.

Mme Émilie Cariou. J’espère que le ministre va nous éclairer sur la manière dont il s’assurera que les obligations réglementaires et comptables seront respectées par les entreprises. Derrière les OGA, il y avait aussi un but de moralisation, de certification en amont ou encore de compliance. Or le contrôle fiscal, qui n’a d’ailleurs pas suffisamment de moyens, n’ira pas vérifier les comptes de ces entreprises qui adhèrent aux OGA ; elles sont trop petites. Il faut que le ministre nous dise comment s’assurer de la conformité des comptes des petites entreprises.

M. le président Éric Woerth. Il faut des tiers de confiance. Nous avons besoin de comptes de plus en plus fiables. Or il y a de plus en plus d’entreprises et de moins en moins de personnes pour les contrôler. La DGFiP paie un lourd tribut à la stabilisation des effectifs de l’État.

Mme Marie-Christine Dalloz. Par quoi remplace‑t‑on ce modèle ?

M. le président Éric Woerth. Ce serait un modèle assez moderne que celui du tiers de confiance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis à 100 % d’accord avec vous, monsieur le président, sauf qu’un tiers de confiance doit être choisi. Et non, je ne suis pas d’accord, on ne tue pas les OGA !

Mme Véronique Louwagie. Si !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On enlève une incitation à aller vers ce type de dispositif, une charge pour les entreprises. Tout dépend de ce qu’il y a en face ! Si les OGA proposent un accompagnement, une sécurisation, les petites entreprises se tourneront vers eux.

Quant au contrôle fiscal et au bilan des OGA, plusieurs rapports nuancent un peu votre propos, madame Cariou.

Mme Véronique Louwagie. Assurément, la majoration de 25 % n’est plus comprise. Comment expliquer à une entreprise qu’elle doive payer son impôt sur une base majorée de 25 % ? Sa suppression va dans le bon sens.

Il nous faut des tiers de confiance, et un certain nombre d’acteurs interviennent en matière d’établissement des comptes annuels, notamment les experts-comptables. Il n’en demeure pas moins, monsieur le rapporteur général, que vous tuez les OGA à terme, puisque les entreprises n’auront plus intérêt à y adhérer. C’est pourquoi il faut leur donner les moyens de se transformer pour accompagner celles-ci. Sans quoi, les OGA sont voués à disparaître.

M. le président Éric Woerth. D’une certaine manière, les 25 %, c’est le prix du contrôle fiscal.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je ne sais pas où vous êtes allés chercher cette remise en cause des OGA, alors que c’est un système qui fonctionne. Pour avoir été salarié d’un centre de gestion agricole, je pense que le service rendu est important et qu’il permet aux entreprises de bénéficier d’un accompagnement sécurisant vis-à-vis de la législation. À terme, c’est une remise en cause pure et simple de ces organismes, et une erreur.

La commission rejette l’amendement I‑CF258.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I‑CF259 de Mme Marie‑Christine Dalloz et I‑CF550 de Mme Cendra Motin.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF259 est de repli.

Mme Cendra Motin. L’amendement I-CF550 s’inscrivait dans la temporalité annoncée par la ministre Agnès Pannier‑Runacher, mais étant donné qu’il a été négocié une période plus longue de mise en œuvre du présent dispositif avec les OGA, je le retire.

Cela étant, nous avons amélioré le contrôle des entreprises, y compris des toutes petites, grâce à un meilleur contrôle des logiciels de caisse. La facturation électronique B2B arrivera dès 2023. La certification des comptes demeure obligatoire.

L’amendement I‑CF550 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I‑CF259.

Elle adopte l’article 7 sans modification.

*

*     *

Après l’article 7

La commission est saisie de l’amendement I‑CF586 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. C’est un amendement d’appel, que je présenterai dans l’hémicycle, pour essayer de faire entrer plus de micro‑entreprises dans le régime des OGA. Pour l’instant, je le retire.

L’amendement I‑CF586 est retiré.

 


Article 8
Aménagements du crédit d'impôt recherche et du crédit dimpôt innovation

Résumé du dispositif proposé

Les crédits d’impôt recherche (CIR) et innovation (CII) reposent sur l’application aux dépenses y ouvrant droit d’un taux :

–  pour le CIR, de 30 % – ramené à 5 % pour la fraction de dépenses excédant 100 millions d’euros ; un taux majoré de 50 % est prévu en outre-mer et en Corse ;

– pour le CII, de 20 %, majoré à 40 % pour les outre-mer et la Corse.

L’entrée en vigueur des taux majorés prévus en Corse était subordonnée à l’accord de la Commission européenne sur la conformité de la mesure au droit européen en matière d’aides d’État ; la Commission n’a pas donné son accord.

L’assiette du CIR peut inclure les dépenses exposées par une entreprise au titre d’opérations de recherche confiées à des sous-traitants, qui peuvent être des organismes de recherche publics ou assimilés (sous-traitance publique) ou des organismes de recherche privés agréés (sous-traitance privée). Dans le cadre de la sous-traitance publique, et sauf lien de dépendance entre donneur d’ordre et sous‑traitant, les dépenses exposées sont prises en compte pour le double de leur montant : il s’agit du mécanisme de doublement d’assiette, critiqué par la Cour des comptes dès 2013 en raison de la complexité qu’il induit, et qui a fait l’objet d’une plainte auprès de la Commission européenne.

Le présent article tire les conséquences de la confrontation de ces dispositifs au droit européen en matière d’aides d’État :

– en harmonisant les modalités de sous-traitance, conduisant à supprimer le doublement d’assiette de la sous-traitance publique à compter de 2022 ;

– en revenant sur les taux majorés prévus en Corse – jamais entrés en vigueur – et en portant, dans cette collectivité, le taux du CII à 35 %, dès 2020.

Ces aménagements devraient entraîner pour l’État un coût estimé à 100 000 euros par an entre 2021 et 2023 au titre de la baisse de la majoration du taux du CII en Corse, et un gain de l’ordre de 150 millions d’euros par an à compter de 2023 en raison de l’harmonisation de la sous-traitance. Ils sécurisent juridiquement le CIR et le CII, tout en simplifiant ces outils de façon opportune (notamment s’agissant de la sous-traitance). Cette simplification se traduit en outre par une rationalisation de la procédure de rescrit en matière de CIR.

Dernières modifications intervenues

La loi de finances pour 2019 a prévu des taux majorés de CIR et CII en Corse, sous réserve d’une validation de la Commission européenne.

La loi de finances pour 2020 a modifié l’assiette de ces outils, en rationalisant le forfait des dépenses de fonctionnement et en améliorant l’encadrement de la sous-traitance afin d’éviter certains abus. Elle a également borné dans le temps le CII.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de M. Jean‑Félix Acquaviva (Libertés et Territoires) portant le taux de CII en Corse à 40 % pour les petites entreprises.

I.   L'État du droit

Le crédit d’impôt recherche (CIR) et le crédit d’impôt innovation (CII) sont deux outils fiscaux de soutien à la recherche et à l’innovation participant à la garantie et au renforcement de la compétitivité des entreprises et de la recherche françaises – et qui doivent, à ce titre, présenter une robustesse juridique maximale afin d’assurer leur pérennité.

Dans la mesure où le présent article ne porte que sur certains aspects spécifiques de ces deux dispositifs, le présent commentaire sera concentré sur ces aspects, et présentera le reste des outils de façon plus générale. Le lecteur intéressé par une analyse exhaustive de ces dispositifs peut se référer à l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales ([133]) ainsi qu’au commentaire en première lecture de l’article 49 du projet de loi de finances pour 2020 ([134]).

A.   le CIR et le CII : des avantages fiscaux assis sur les dÉpenses de recherche et d’innovation

Prévus à l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI), le CIR et le CII consistent en des crédits d’impôt égaux à une partie des dépenses de recherche et développement et d’innovation y ouvrant droit.

Ils sont ouverts aux entreprises industrielles, commerciales, agricoles assujetties à l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel ou relevant de l’impôt sur les sociétés (IS) – le CII étant réservé aux entreprises répondant à la définition européenne des petites et moyennes entreprises (PME) figurant dans le règlement européen général d’exemption par catégorie (RGEC) du 17 juin 2014 ([135]).

1.   L’assiette du CIR et du CII : les dépenses éligibles

● Les dépenses éligibles au CIR et au CII, prévues au II de l’article 244 quater B du CGI, sont distinctes et relèvent de deux logiques différentes :

– le CIR porte sur les dépenses de recherche et développement (R&D) et recouvre, ainsi qu’en dispose l’article 49 septies F de l’annexe III du CGI, la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental ; la définition de la R&D s’appuie sur le « Manuel de Frascati » élaboré dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ;

– le CII porte sur les dépenses d’innovation, recouvrant les opérations qui améliorent les performances de produits sur le plan technique, des fonctionnalités, de l’ergonomie ou de l’écoconception ; la définition de l’innovation s’appuie sur le « Manuel d’Oslo », lui aussi élaboré dans le cadre de l’OCDE.

 Pour ouvrir droit au CIR ou au CII, et aux termes du dernier alinéa du II de l’article 244 quater B du CGI, les dépenses exposées doivent :

– être retenues pour la détermination du résultat imposable en France à l’IR ou à l’IS ;

– se rattacher, pour la plupart d’entre elles ([136]), à des opérations localisées en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen (EEE) lié à la France par une convention d’assistance en matière fiscale.

Ainsi, les opérations de recherche qu’une entreprise française réalise directement dans un État membre de l’Union européenne ouvrent droit au CIR, sauf si elles se rattachent à l’exploitation d’un établissement stable ­ puisque, dans une telle hypothèse, les dépenses ne sont pas retenues pour la détermination du résultant imposable en France.

Les dépenses qui ouvrent droit au CIR et au CII sont énumérées dans les développements suivants – une attention particulière étant apportée aux dépenses externalisées. Elles font l’objet d’une présentation complète dans le commentaire précité de l’article 49 du projet de loi de finances pour 2020 ([137]).

a.   Les dépenses ouvrant droit au CIR directement engagées par l’entreprise

● Les dépenses qu’expose directement l’entreprise et qui ouvrent droit au CIR sont, aux termes du II de l’article 244 quater B du CGI :

– les dotations aux amortissements d’immobilisations directement affectées à la réalisation d’opérations de R&D et, en cas de sinistre touchant ces immobilisations, les dotations correspondant à la différence entre l’indemnisation d’assurance et le coût de reconstruction et de remplacement (a et a bis du II) ;

– les dépenses de personnel relatives aux chercheurs et techniciens de recherche qui sont directement et exclusivement affectés aux opérations de R&D ; lorsque ces dépenses se rapportent à des titulaires d’un doctorat ou diplôme équivalent recrutés en contrat à durée déterminée, elles sont retenues dans l’assiette du CIR pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois d’embauche (mécanisme de doublement d’assiette « jeunes docteurs ») (b du II) ;

– les rémunérations versées aux salariés inventeurs au titre d’opérations de R&D (b bis du II) :

– les dépenses de propriété intellectuelle (frais de prise, de maintenance et de défense et dotations aux amortissements) (ee bis et f du II) ;

– les dépenses de normalisation, retenues pour la moitié de leur montant (g du II) ;

– les dépenses de veille technologique, retenues dans la limite de 60 000 euros par an (j du II).

● S’ajoutent à ces dépenses les « autres dépenses de fonctionnement », prévues au c du II de l’article 244 quater B du CGI, qui correspondent aux dépenses afférentes aux personnels de soutien, aux dépenses administratives ou encore à l’achat d’intrants. À la différence des autres postes éligibles au CIR, les dépenses de fonctionnement ne sont pas calculées à partir de leur montant, mais sur la base d’un forfait dont le taux est fonction de la nature des dépenses auxquelles elles se rattachent.

Ainsi, les dépenses de fonctionnement ouvrant droit au CIR correspondent :

– à 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations affectées aux opérations de R&D ;

– à 43 % des dépenses de personnel autres que celles afférentes aux « jeunes docteurs » – ce taux, qui s’est substitué à l’ancien taux de 50 %, résulte de la loi de finances pour 2020 ([138]) ;

– à 200 % des dépenses de personnel afférentes aux « jeunes docteurs ».

● Il existe également au sein du CIR un sous-ensemble, prévu au h du II de l’article 244 quater B du CGI et portant sur les dépenses exposées par les entreprises du secteur « textile-habillement-cuir » (THC) au titre de l’élaboration de nouvelles collections.

Sont concernées par ce CIR-THC les dépenses se rapportant à la conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus :

– dépenses de personnel afférentes à ces opérations ;

– dotations aux amortissements des immobilisations directement affectées à ces opérations ;

– autres dépenses de fonctionnement, déterminées forfaitairement par l’application aux dépenses de personnel ouvrant droit au CIR-THC d’un taux de 75 % ;

– frais de dépôt et de défense des dessins et modèles.

Le CIR-THC a fait l’objet d’un bornage temporel à l’occasion de la loi de finances pour 2020 précitée, son article 29 prévoyant que les dépenses éligibles doivent, pour ouvrir droit à l’outil, être engagées jusqu’au 31 décembre 2022.

b.   Les dépenses d’innovation ouvrant droit au CII

● Les dépenses ouvrant droit au CII sont prévues au k du II de l’article 244 quater B du CGI ; elles sont retenues dans la limite de 400 000 euros par an. Ces dépenses sont :

– les dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la conception de prototypes ou d’installations pilotes de nouveaux produits autres que ceux ouvrant droit au CIR ;

– les dépenses de personnel afférentes aux personnels affectés à la conception des prototypes ou installations pilotes précédemment mentionnés ;

– les dépenses de fonctionnement, ici aussi forfaitairement calculées et égales à 75 % des dotations aux amortissements et 43 % des dépenses de personnel ;

– certaines dépenses relevant de la propriété intellectuelle ;

– les dépenses engagées par la PME au titre d’opérations confiées à des entreprises ou des bureaux d’études et d’ingénierie agréés.

● Pour ouvrir droit au CII, ces dépenses doivent être engagées par des PME jusqu’au 31 décembre 2022, en vertu du bornage temporel introduit, comme pour le CIR-THC, par la loi de finances pour 2020 précitée.

c.   Les dépenses de recherche externalisées

● Ainsi qu’il vient d’être vu, dans le cadre du CII, les dépenses engagées par une entreprise au titre d’une opération externalisée auprès d’un tiers peuvent ouvrir droit au bénéfice de l’outil.

Il en va de même pour le CIR-THC, le i du II de l’article 244 quater B du CGI incluant dans l’assiette du crédit d’impôt les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections qui sont confiées à des stylistes ou bureaux de style agréés – sous réserve qu’elles soient engagées jusqu’au 31 décembre 2022.

● Néanmoins, le principal volet concernant l’externalisation de dépenses ouvrant droit au CIR figure aux d, d bis et d ter du II de l’article 244 quater B, qui recouvrent les hypothèses de sous-traitance d’opérations de R&D par une entreprise donneuse d’ordre :

– la « sous-traitance publique », prévue au d ;

– la « sous-traitance privée », prévue au d bis.

Ainsi qu’il a été vu s’agissant du critère de territorialité des dépenses, et en application du dernier alinéa du II de l’article 244 quater B du CGI, ces organismes doivent, pour ouvrir droit au CIR pour leurs donneurs d’ordres, être établis dans un État membre de l’Union européenne ou un État partie à l’accord sur l’EEE et lié à la France par une convention d’assistance en matière fiscale.

La récente précision jurisprudentielle apportée
sur la nature des opérations externalisées ouvrant droit au CIR

Dans une récente décision rendue le 22 juillet 2020 (1), le Conseil d’État a apporté une précision sur la nature des opérations externalisées qui ouvrent droit, pour l’entreprise donneuse d’ordre, au CIR.

Le Conseil d’État a indiqué que la circonstance que les prestations sous‑traitées ne constitueraient pas, si elles étaient prises chacune isolément, des opérations de R&D au sens de l’article 244 quater B du CGI, ne faisaient pas nécessairement obstacle à leur prise en compte pour la détermination du CIR du donneur d’ordre.

Une telle prise en compte est possible si les prestations ainsi externalisées s’inscrivent « dans le cadre scientifique des projets de recherche entrepris » par le donneur d’ordre et si elles sont « nécessaires à la réalisation des opérations de recherche menées » par celui-ci.

Ainsi, des prestations externalisées qui, en tant que telles, ne sont pas des véritables opérations de R&D individualisées, peuvent être prises en compte par le donneur d’ordre pour la détermination de son CIR si elles se révèlent indispensables à l’aboutissement des recherches qu’il conduit.

(1) Conseil dÉtat, 9e et 10e chambres réunies, 22 juillet 2020, Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS), n° 428127, aux Tables.

● Les organismes à qui des opérations de R&D peuvent être confiées par une entreprise donneuse d’ordre dans le cadre de la « sous-traitance publique » sont mentionnés au d du II de l’article 244 quater B du CGI. Il s’agit :

– d’organismes de recherche publics :

– des établissements d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant un grade de master, tels que les universités, ainsi que des communautés d’universités et établissements ;

– des fondations de coopération scientifique et des fondations reconnues d’utilité publique du secteur de la recherche, sous réserve de leur agrément ;

– des établissements publics de coopération scientifique ;

– sous réserve de leur agrément, certaines associations régies par la loi du 1er juillet 1901 fondées directement ou indirectement par un organisme de recherche public ou un établissement d’enseignement supérieur ;

– des instituts techniques ;

– des stations ou fermes expérimentales ayant pour membre une chambre d’agriculture.

● L’ouverture du bénéfice du CIR au titre de dépenses exposées auprès d’organismes privés pour la réalisation d’opérations de R&D est consacrée au d bis du II de l’article 244 quater B du CGI.

Entrent dans le champ de ce dispositif de sous-traitance privé :

– les organismes de recherche privés qui sont agréés par le ministre chargé de la recherche ;

– les experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions ;

– les organismes de recherche établis dans un État de l’Union européenne ou un État partie à l’EEE lié à la France par une convention d’assistance administrative en matière fiscale, sous réserve qu’ils soient agréés – par le ministre français chargé de la recherche ou, lorsqu’il existe un dispositif similaire dans le pays d’implantation, par l’autorité étrangère compétente pour délivrer un agrément équivalent.

Les dépenses exposées par une entreprise donneuse d’ordre dans le cadre d’une opération sous-traitée ne sont pas prises en compte de la même manière selon que l’organisme sous-traitant relève de la sous-traitance publique ou privée, et elles font l’objet d’un encadrement particulier.

● Si l’opération relève de la sous-traitance publique, le dernier alinéa du d prévoit que les dépenses engagées par l’entreprise donneuse d’ordre sont retenues pour le double de leur montant, soit à hauteur de 200 % des sommes versées par l’entreprise donneuse d’ordre à l’organisme sous-traitant.

Ce mécanisme de doublement d’assiette, introduit par la loi de finances pour 2004 ([139]), ne s’applique toutefois pas s’il existe entre l’entreprise donneuse d’ordre et l’organisme sous-traitant un lien de dépendance au sens du 12 de l’article 39 du CGI – situation dans laquelle l’une des deux entités détient la majorité du capital de l’autre ou y exerce le contrôle en fait, ou dans laquelle les deux entités sont contrôlées par une même entreprise tierce.

Illustration du mécanisme de doublement d’assiette
dans le cadre de la sous-traitance publique

Une entreprise confie à un organisme de recherche public avec lequel elle n’entretient aucun lien de dépendance la réalisation d’opérations de R&D, et verse à ce titre à l’organisme une somme de 20 000 euros.

En application du d du II de l’article 244 quater B du CGI, l’entreprise donneuse d’ordre inclut la somme versée à l’organisme dans l’assiette de son CIR, la retenant pour le double de son montant.

Cette somme est donc incluse dans l’assiette du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre à hauteur de 40 000 euros.

● Les dépenses exposées dans le cadre du dispositif de soustraitance privée sont, quant à elles, retenues dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses de R&D ouvrant droit au CIR, aux termes du dernier alinéa du d bis du II.

Ce mécanisme permet d’éviter que le CIR ne profite à des entreprises « coquilles vides » qui ne réaliseraient elles-mêmes aucune opération de R&D mais au contraire les externaliseraient toutes. En effet, une entreprise qui n’expose en interne aucune dépense de R&D ne peut prétendre au CIR au titre des opérations confiées à des organismes privés agréés.

Illustration du plafonnement des dépenses
dans le cadre de la sous-traitance privée

Une entreprise confie à un organisme privé agréé la réalisation d’une opération de R&D et lui verse, à ce titre, une somme de 450 000 euros.

Parallèlement, cette entreprise expose en interne, au titre de dépenses ouvrant droit au CIR, un total de 100 000 euros (frais de personnel, dotations aux amortissements, etc.).

En application du dernier alinéa du d bis du II de l’article 244 quater B du CGI, les dépenses exposées dans le cadre de la sous-traitance privée ne sont retenues dans l’assiette du CIR qu’à hauteur de 300 000 euros (100 000 × 3).

Le solde de 150 000 euros n’est pas inclus dans l’assiette du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre.

● Les modalités précédemment présentées concernent la détermination de l’assiette du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre. S’agissant du soustraitant, le III de l’article 244 quater B du CGI impose à celui-ci de déduire de la base de calcul de son propre CIR les sommes reçues au titre des opérations de R&D confiées par le donneur d’ordre  c’est-à-dire les montants que le sous-traitant a facturés au donneur d’ordre, puisqu’ils sont déjà inclus dans l’assiette du CIR de ce dernier ([140]).

Ce mécanisme vise à éviter que la même dépense soit prise en compte plusieurs fois.

En raison de cette finalité, la déduction d’assiette prévue au III ne s’applique pas si le donneur d’ordre ne peut prétendre au CIR au titre de l’opération sous-traitée, c’est-à-dire dans l’une des deux situations suivantes :

– le sous-traitant est un organisme privé non agréé – l’externalisation n’ouvre donc pas droit au CIR ;

– le donneur d’ordre n’a pas droit au CIR faute de satisfaire aux conditions d’éligibilité – il s’agit par exemple d’un organisme public non lucratif ou d’une entreprise étrangère ([141]).

Dans ces deux situations, le sous-traitant peut inclure dans l’assiette de son CIR les dépenses qu’il a engagées dans le cadre de l’opération.

En revanche, si le donneur d’ordre renonce volontairement au bénéfice du CIR mais y est bien éligible, le sous-traitant devra procéder à la déduction prévue. Il s’agit d’une précision apportée par la doctrine fiscale ([142]), qui peut sembler quelque peu étrange dans la mesure où, en cas de renonciation volontaire au CIR du donneur d’ordre, le risque de cumul et de double prise en compte paraît exclu – or, c’est ce risque qui justifie la déduction par le sous‑traitant.

La remise en cause par le Conseil d’État
des modalités de déduction des sommes reçues par le sous-traitant

Ainsi qu’il a été vu, la déduction que le sous-traitant doit réaliser de l’assiette de son propre CIR porte sur le montant des sommes facturées par le sous‑traitant à l’entreprise donneuse d’ordre, comme le précise le BOFiP.

Une récente décision du Conseil d’État a partiellement remis en cause ces modalités de déduction chez le sous-traitant (1).

● Le Conseil d’État a considéré que la lettre du III de l’article 244 quater B du CGI se borne à interdire aux sous-traitants l’inclusion, dans l’assiette de leur propre CIR, des dépenses qu’ils ont exposées pour réaliser les opérations de R&D confiées.

Dès lors, le dispositif législatif n’impose pas, selon le Conseil d’État, que la déduction porte sur l’ensemble des sommes facturées au donneur d’ordre – qui correspondent à la somme des dépenses effectivement exposées et à la fraction des sommes facturées excédant ces dépenses, c’est-à-dire la marge du sous-traitant.

● Le Conseil d’État a par conséquent jugé que, en ce qu’il impose au sous‑traitant, après avoir inclus dans l’assiette de son CIR les dépenses de R&D exposées, de déduire le montant total des sommes facturées au donneur d’ordre – intégrant la marge –, le BOFiP ajoute à la loi et est entaché à ce titre d’incompétence. Ont donc été annulés une partie du paragraphe 220 du BOFiP référencé BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 et l’exemple associé.

La conséquence de cette décision est que, désormais, la déduction imposée au sous‑traitant ne porte plus que sur les dépenses qu’il a effectivement engagées au titre de l’opération de R&D qui lui a été confiée, et non sur les sommes totales facturées qui incluent la marge.

Une fraction de la somme facturée, correspondant à la marge du sous-traitant, sera donc incluse plus d’une fois, dans l’assiette du CIR du donneur d’ordre et dans celle du CIR du sous-traitant.

(1) Conseil dÉtat, 8e et 3e chambres réunies, 9 septembre 2020, Société Takima, n° 440523, aux Tables.

● En complément de ces différentes modalités de prise en compte des dépenses, le d ter du II de l’article 244 quater B du CGI prévoit un double dispositif d’encadrement.

En premier lieu, les dépenses de R&D externalisées, qu’elles relèvent de la sous-traitance publique ou privée, font l’objet d’un plafonnement global fixé à 2 millions d’euros ou, en l’absence de lien de dépendance entre l’entreprise donneuse d’ordre et l’organisme sous-traitant, à 10 millions d’euros. Si le plafond de 10 millions est celui applicable, il est majoré de 2 millions d’euros à raison des opérations de sous-traitance publique.

En second lieu, l’article 132 de la loi de finances pour 2020 a introduit, à l’initiative du précédent Rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée et pour les dépenses exposées à compter de 2020, un important aménagement dans les modalités de prise en compte des dépenses dans l’assiette du CIR en cas de sous-traitance, afin d’éviter qu’une même dépense ne soit prise en compte plusieurs fois.

Jusque-là, en effet, une même dépense pouvait être prise en compte jusqu’à trois fois :

– une fois au niveau du donneur d’ordre, voire deux fois si le sous‑traitant est un organisme entrant dans le champ de la sous-traitance publique en vertu du mécanisme de doublement d’assiette ;

– une fois au niveau du sous-traitant de second rang si ce dernier était un organisme privé non agréé, non tenu de déduire de son assiette les sommes reçues.

Pour remédier à ce dysfonctionnement, deux mesures ont été prises.

D’une part, un nouvel alinéa a été inséré au d ter du II, exigeant que les opérations de R&D soient directement réalisées par les organismes soustraitants, c’est-à-dire par des organismes mentionnés aux d et d bis du même II auxquels l’entreprise donneuse d’ordre a confié la réalisation des opérations. La soustraitance de second rang n’ouvre donc pas droit au CIR, à une exception près : un organisme sous-traitant peut recourir à un sous-traitant de second rang si ce dernier est lui-même un organisme éligible à la sous‑traitance, mentionné aux d et d bis du II.

D’autre part, le mécanisme de doublement d’assiette prévu dans le cadre de la sous-traitance publique est désormais cantonné à la part des dépenses exposées par l’entreprise donneuse d’ordre qui est afférente aux opérations effectivement réalisées par l’organisme sous-traitant mentionné au d du II.

Illustration des conséquences de l’encadrement de la sous-traitance
introduit par la loi de finances pour 2020

● Un donneur d’ordre DO confie la réalisation d’une opération de R&D à un organisme public sous-traitant SO1 (organisme mentionné au d du II de l’article 244 quater B du CGI).

Au titre de cette opération, SO1 facture à DO 1 million d’euros, qui se décomposent comme suit :

– 500 000 euros directement exposées par SO1 ;

– 100 000 euros correspondant à des prestations confiées par SO1 à un sous‑traitant de second rang SO2 A, organisme public relevant du d du II ;

– 200 000 euros correspondant à des prestations confiées par SO1 à un sous‑traitant de second rang SO2 B, organisme privé agréé relevant du d bis du II ;

– 200 000 euros correspondant à des prestations confiées par SO1 à un sous-traitant de second rang SO2 C, qui est un organisme privé non agréé.

● Avant l’évolution issue de la loi de finances pour 2020, le CIR du donneur d’ordre DO aurait été assis sur la totalité des sommes facturées par SO1, et l’ensemble aurait été éligible au doublement d’assiette (soit 2 millions d’euros d’assiette).

Parallèlement, dans la mesure où il est non agréé, SO2 C aurait pu déclarer 200 000 euros au titre de son propre CIR.

Au total, l’assiette aurait été de 2,2 millions d’euros.

● En vertu du dispositif résultant de l’article 132 de la loi de finances pour 2020, l’assiette du CIR de DO est modifiée :

– le doublement d’assiette ne concerne plus que les sommes effectivement engagées par les organismes publics mentionnés au d du II, à savoir SO1 et SO2 A ; il porte donc sur 600 000 euros, aboutissant à un montant retenu pour déterminer le CIR de DO de 1,2 million d’euros ;

– les 200 000 euros correspondant aux opérations réalisées par SO2 B, organisme privé agréé, sont retenus dans l’assiette du CIR de DO, mais pour leur montant normal et non le double ;

– les 200 000 euros correspondant aux opérations réalisées par SO2 C, qui n’est pas agréé, n’ouvrent pas droit au CIR pour DO – ils ouvrent en revanche droit au CIR pour SO2 C.

Au total, l’assiette ouvrant droit au CIR est de 1,6 million d’euros, dont 1,4 million d’euros pour DO et 200 000 euros pour SO2 C.

d.   Le « rescrit CIR »

Dans la mesure où la détermination de l’éligibilité au CIR d’un projet peut se révéler délicate, la loi prévoit la possibilité pour une entreprise d’interroger l’administration sur cette éligibilité dans le cadre d’une procédure de rescrit.

Le « rescrit CIR », prévu au 3° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales (LPF), permet à l’entreprise de demander, au moins six mois avant la date limite de dépôt de sa déclaration, si son projet de recherche ouvre droit au CIR ou au CII.

Si la demande, faite par une entreprise de bonne foi et contenant tous les éléments permettant à l’administration d’apprécier l’éligibilité, ne fait pas l’objet d’une réponse motivée dans les trois mois, l’entreprise peut se prévaloir d’un accord tacite de l’administration, opposable à cette dernière.

Pour l’instruction de ces demandes, l’administration fiscale sollicite les services du ministère chargé de la recherche – délégations régionales à la recherche et à la technologie – ou ceux d’organismes de soutien à l’innovation – à savoir l’Agence nationale de la recherche (ANR), aux termes du 2° du c des articles R. 80 B‑5 et R. 80 B‑6‑1 du LPF.

L’absence de réponse de ces services spécialisés dans la recherche dans un délai de trois mois vaut également accord tacite, aux termes du 3° bis de l’article L. 80 du LPF.

Le tarissement des demandes de rescrit adressées à l’ANR

Si l’ANR peut se voir adresser des demandes de rescrit dans le cadre du CIR, les données fournies par le Gouvernement dans l’évaluation préalable du présent article montrent que la sollicitation de cette agence est faible, et en déclin.

Ainsi, le nombre de demandes adressées à l’ANR est passé de 13 sur 225 en 2016, soit près de 6 % du total, à une seule demande les deux dernières années sur un total de 228 en 2018 et 215 en 2019, représentant moins de 0,5 % de l’ensemble des demandes de rescrit, évolution illustrée par le graphique ci-dessous.

Source : évaluation préalable.

2.   Les différents taux du CIR et du CII

Le CIR et le CII sont des avantages fiscaux dont le montant est déterminé par l’application à l’assiette précédemment présentée d’un taux, qui varie en fonction de l’outil, du volume de dépenses et du lieu de réalisation des opérations. Les différents taux figurent au premier alinéa du I de l’article 244 quater B du CGI.

a.   Les taux du CIR

● Le CIR repose sur un taux de droit commun de 30 %, l’avantage fiscal correspondant donc à 30 % de l’assiette du CIR.

La réforme du taux du CIR par la loi de finances pour 2008

Si le CIR a été créé en 1983, l’une des plus importantes réformes de l’outil a été apportée par la loi de finances pour 2008 (1).

Jusque-là, le CIR tenait compte de l’évolution de l’effort de R&D de l’entreprise, et donc de celle du montant des dépenses exposées. Le montant du CIR reposait ainsi sur deux parts :

– une « part en volume », correspondant à 10 % des dépenses éligibles exposées au cours de l’année ;

– une « part en accroissement », correspondant à 40 % de la différence entre le montant des dépenses éligibles exposées au cours de l’année et la moyenne du montant des dépenses éligibles exposées au cours des deux années précédentes.

La loi de finances pour 2008 a substitué à ces deux parts un taux plus élevé applicable à l’ensemble des dépenses éligibles (30 %, ramené à 5 % pour la fraction des dépenses excédant 100 millions d’euros), sans considération liée à l’accroissement de l’effort de R&D. Le montant de l’avantage pour les entreprises s’en est trouvé substantiellement accru.

(1) Loi n° 20071822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, article 69.

● le taux de 30 % est majoré à 50 % s’agissant des dépenses de recherche qui sont exposées :

– en outre-mer, dans une collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution – c’est-à-dire en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique et à Mayotte, au titre des dépenses exposées à compter du 1er janvier 2015 ;

– ou sur le territoire de la Collectivité de Corse.

L’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit expressément de tenir compte des spécificités des « régions ultrapériphériques » de l’Union européenne au sens des articles 349 et 355 du TFUE. L’article 349 dispose ainsi :

« Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de la Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions, y compris les politiques communes. […]

« Les mesures visées au premier alinéa portent notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l’agriculture et de la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’État, et les conditions d’accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l’Union. […] »

Mayotte ne figure pas dans la liste dans la mesure où, à l’époque du TFUE, il ne s’agissait pas encore d’une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution. Néanmoins, il est bien prévu que l’article 349 s’applique également à Mayotte, ainsi qu’il résulte de la déclaration figurant au point 43 des déclarations relatives à des dispositions des traités annexées à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 et de la décision du Conseil européen n° 2012/419/UE du 11 juillet 2012 modifiant le statut à l’égard de l’Union européenne de Mayotte.

L’extension du taux majoré de 50 % à la Corse, introduite par l’article 150 de la loi de finances pour 2019 ([143]), concerne les dépenses engagées au titre d’exercices clos à compter du 31 décembre 2019. Son entrée en vigueur, aux termes du III de cet article 150, est subordonnée à une décision de la Commission européenne regardant cette extension comme conforme au droit européen en matière d’aides d’État.

● Le taux du CIR est ramené à 5 % pour la fraction des dépenses éligibles qui excède 100 millions d’euros.

b.   Les taux du CII

Le taux du CII, aux termes de la quatrième phrase du premier alinéa du I de l’article 244 quater B du CGI, est de 20 %.

Il est majoré à 40 % s’agissant des dépenses exposées dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution ou en Corse – l’extension à la Corse résulte de l’article 150 de la loi de finances pour 2019 précitée, et son entrée en vigueur obéit aux conditions précédemment présentées pour le CIR.

c.   Synthèse des taux du CIR et du CII

Le tableau suivant dresse la synthèse des différents taux du CIR et du CII.

Taux du CIR et du CII

 

CIR

CII

Taux de droit commun (dépenses n’excédant pas 100 M €)

30 %

20 %

Taux majoré (outre-mer)

50 %

40 %

Taux majoré (Corse) (1)

50 %

40 %

Taux applicable à la fraction de dépenses excédant 100 M €

5 %

(1) Entrée en vigueur subordonnée à la réponse de la Commission à la notification de la France, permettant de regarder la majoration prévue en Corse comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.

Source : commission des finances.

3.   L’utilisation du CIR et du CII

Les modalités d’utilisation du CIR et du CII sont précisées à l’article 199 ter B du CGI pour les entreprises assujetties à l’IR, et à l’article 220 B du même code, qui renvoie au précédent, pour celles assujetties à l’IS – les modalités applicables aux groupes fiscalement intégrés figurant au b du 1 de l’article 223 O du CGI.

● Ces outils, à la différence de la plupart des crédits d’impôts, ne s’imputent en principe pas intégralement lors de la liquidation de l’impôt dû au titre de l’exercice au cours duquel les dépenses éligibles ont été engagées (soit en N + 1 pour les dépenses engagées en N).

L’imputation est en effet réalisée sur l’IR ou l’IS dû au titre de l’année d’engagement des dépenses ([144]), mais cette imputation est plafonnée au montant d’impôt dû. L’excédent éventuel de crédit d’impôt constitue alors une créance, qui sera imputée sur l’impôt dû au titre des trois années suivantes. Si, au terme de cette période, une fraction de crédit d’impôt n’a pas été utilisée, elle est remboursée.

● Cependant, dès l’année d’engagement des dépenses, les entreprises peuvent procéder au préfinancement de leur créance, à hauteur de 80 %.

● Par ailleurs, une imputation intégrale immédiate (soit en N + 1) est prévue au II de l’article 199 ter B du CGI pour certaines entreprises :

– les PME, au sens du droit européen ;

– les « Jeunes entreprises innovantes » au sens de l’article 44 sexies‑0 A du CGI ;

– les entreprises en difficulté (ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire) ;

– les entreprises nouvelles dont la moitié du capital est entièrement libérée et détenue par des personnes physiques, par des sociétés qui répondent à cette condition de détention ou par certains organismes tels que des sociétés financières d’innovation.

B.   Des avantages fiscaux prÉcieux mais dont certains volets prÉsentent des faiblesses juridiques ou des sources de complexitÉ

Si le CIR et le CII sont parfois contestés, notamment en raison de leurs coûts pour les finances publiques, ils constituent des outils reconnus d’attractivité et de compétitivité pour la France. Leur préservation revêt donc un enjeu déterminant pour le pays.

1.   Des dispositifs encadrés et facteurs d’attractivité et de compétitivité

L’utilité du CIR et du CII n’est plus à démontrer, même si ces mesures font régulièrement l’objet de critiques, notamment en raison de leur coût respectif, dont l’évolution depuis 2014 est retracée dans le tableau suivant.

coÛts budgÉtaires du CIR et du CII (2014-2021)

(en millions d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020 (p.)

2021 (p.)

CIR

5 108

5 094

5 555

6 100

6 200

6 400

6 600

6 400

CII

68

108

173

157

190

195

200

184

Total

5 176

5 202

5 728

6 257

6 390

6 595

6 800

6 584

Source : Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances 2016 à 2021, tome II : Dépenses fiscales.

Deux éléments doivent en effet être gardés à l’esprit s’agissant de ces dispositifs.

a.   Un encadrement important et récemment renforcé

En premier lieu, les deux outils ne font pas spécialement l’objet d’un défaut de contrôle ou d’encadrement, ou de dispositions par elles-mêmes propices à des abus.

● D’une part, le critère de territorialité prévu au dernier alinéa du II de l’article 244 quater B du CGI constitue à lui seul un encadrement important, commandant que les dépenses exposées doivent correspondre à des opérations réalisées en France ou en Europe et être retenues dans la détermination du résultat imposable en France de l’entreprise.

● D’autre part, d’importantes mesures de rationalisation et d’encadrement, déjà présentées, ont été prises dans le cadre de loi de finances pour 2020 précitée :

– le bornage temporel du CII et du CIR-THC (article 29 de cette loi de finances) ;

– la réduction du forfait des dépenses fonctionnement afférentes aux dépenses de personnel, de 50 % à 43 %, traduite par un gain annuel pour les finances publiques alors estimé à 230 millions d’euros (article 130 de cette loi de finances) ;

– l’encadrement de la sous-traitance, pour éviter les potentiels abus de la sous-traitance en cascade (article 132 de cette loi de finances).

● Enfin, des travaux complémentaires sont prévus, là encore sur le fondement de la loi de finances pour 2020 précitée, et permettront de renforcer l’évaluation et le contrôle de ces outils et d’identifier d’éventuelles pistes d’amélioration :

– le III de l’article 130 de cette loi prévoit la remise avant la fin de septembre 2020 d’un rapport dédié à l’étude d’une éventuelle appréciation du seuil de 100 millions d’euros au niveau des groupes, des abus constatés dans la prise en compte des dépenses de personnel dans l’assiette du CIR et du CII, et d’éléments sur la sous-traitance ;

– l’article 133 de cette même loi prévoit la remise d’un rapport, avant la fin de septembre 2021, sur certains forfaits de fonctionnement et sur les dépenses qui, bien qu’ouvrant droit au CIR et au CII, ne relèvent pas stricto sensu de la R&D ou de l’innovation – tels que les dépenses de veille technologique ou les frais de prise, de maintenance et de défense des brevets.

b.   Un facteur reconnu d’attractivité et de compétitivité

En second lieu, et surtout, il convient d’apprécier les coûts du CIR et du CII non de manière isolée, mais au contraire en lien avec l’efficacité des outils. Des marges de manœuvre existent certainement, et les différentes mesures qui viennent d’être présentées s’agissant de l’encadrement ou des perspectives éventuelles d’évolution permettront de nourrir la réflexion.

Toujours est-il que ces deux dispositifs s’inscrivent pleinement dans la politique nationale en faveur de la R&D et de l’innovation, et destinée à renforcer la compétitivité des entreprises françaises et l’attractivité du territoire national.

● En mars 2019, France Stratégie avait ainsi pu mettre en avant les effets positifs du CIR, soulignant en particulier que la réforme apportée à cet outil par la loi de finances pour 2008 précitée et déjà présentée avait substantiellement contribué à la résistance et à la résilience des entreprises françaises en matière de R&D et au redressement de leur effort de recherche après la crise financière mondiale de 2008-2009 ([145]).

Plus généralement, France Stratégie relevait l’impact bienvenu du CIR sur l’évolution des dépenses de R&D, sur l’emploi des jeunes docteurs (vivement encouragé à travers le doublement d’assiette des dépenses de personnel afférentes) ou encore sur les gains de productivité.

● L’environnement économique, juridique et fiscal français en matière de R&D a aussi été salué par le cabinet EY qui soulignait qu’en 2018, la France était la première destination en Europe de projets d’investissements étrangers pour la R&D, et la deuxième destination en général ([146]).

Le CIR et le CII s’inscrivent pleinement dans cet environnement. Leur affaiblissement, a fortiori leur remise en cause, risquerait de le dégrader avec des conséquences préjudiciables pour les entreprises et le pays.

2.   Les interrogations opérationnelles et juridiques relatives au doublement d’assiette de la sous-traitance publique

Les dépenses externalisées, confiées à des sous-traitants, représentaient en 2015 et 2016 environ 12 % de l’ensemble des dépenses ouvrant droit au CIR, la sous-traitance publique étant majoritaire, ainsi que le montre le tableau suivant.

Part des dÉpenses externalisÉes dans le total des dÉpenses du CIR

 

2015

2016

Sous-traitance publique

7,6 %

8,0 %

Sous-traitance privée

4,6 %

3,8 %

Total sous-traitance

12,2 %

11,8 %

Source : France Stratégie, Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, L’impact du crédit d’impôt recherche, mars 2019, et évaluation préalable de l’article 49 du projet de loi de finances pour 2020.

 

a.   Une suppression du doublement d’assiette proposée par la Cour des comptes dès 2013

Le dispositif de doublement d’assiette prévue dans le cadre de la sous‑traitance publique avait comme objectif de renforcer les coopérations entre acteurs publics et privés de la recherche, comme le rappelait la Cour des comptes dans son rapport de 2013 sur le CIR ([147]).

● Cependant, la Cour soulevait plusieurs critiques à l’encontre de ce mécanisme :

– le doublement d’assiette est un facteur de complexité certain de l’outil, là où « la prise en compte [des dépenses externalisées] pour leur montant réel […] simplifierait le régime du CIR » ([148]) ;

– le doublement aboutit, hors plafonnement, à un taux de soutien de 60 % (pour un taux de CIR de 30 %), qui « nest pas de nature à inciter les acteurs concernés à négocier au plus juste les tarifs des prestations effectuées » ([149]).

● Par ailleurs, la Cour des comptes relevait d’importantes évolutions intervenues depuis la création du mécanisme de doublement d’assiette par la loi de finances pour 2004, en particulier :

– l’accroissement très substantiel de l’avantage fiscal retiré du CIR avec la hausse importante des taux depuis 2004 ;

– la mise en place de nombreux dispositifs destinés à renforcer les coopérations publiques et privées en matière de recherche, tels que la création de l’ANR ou encore les programmes d’investissements d’avenir (PIA).

● La conclusion de l’analyse de la Cour sur le doublement d’assiette était ainsi relativement sévère : « le crédit d’impôt est un instrument dont la force réside dans la simplicité d’usage, ce qui n’est pas compatible avec la multiplication des dispositions dérogatoires en son sein » ([150]).

b.   Un mécanisme susceptible d’être contraire au droit de l’Union européenne

● Le CIR est applicable à l’ensemble des entreprises, au titre des dépenses de R&D qu’elles engagent, et n’exclut pas les opérations réalisées au sein de l’Union européenne. Il s’agit donc d’une mesure générale, ainsi que la Commission a déjà eu l’occasion de l’indiquer ([151]).

Certains volets de l’outil, en revanche, présentent un caractère sélectif en ce qu’ils ne s’appliquent qu’à certaines entreprises ou à certains territoires ; il s’agit du CIR-THC, du CII et des taux majorés en outre-mer. Pour assurer la conformité de ces outils au droit européen, leur bénéfice est expressément subordonné au respect de la réglementation européenne en vigueur par le II bis de l’article 244 quater B du CGI (respect du RGEC pour le CII et les taux majorés en outre-mer, respect du règlement du 18 décembre 2013 relatif aux aides de minimis pour le CIR-THC ([152])).

● En ce qui concerne le mécanisme de doublement d’assiette en matière de sous-traitance publique, aucun encadrement européen n’est prévu par la loi.

Ainsi qu’il a été vu, ce mécanisme a pour effet de doubler l’intensité de l’aide au titre des dépenses externalisées auprès d’organismes de recherche publics et assimilés limitativement énumérés au d du II de l’article 244 quater B du CGI.

Dès lors, le doublement d’assiette est susceptible, d’une part, d’excéder l’intensité maximale admise par le RGEC au titre des aides en matière de R&D, d’autre part, de créer une distorsion entre les organismes éligibles à la sous-traitance publique et les autres, notamment privés. Les opérateurs du secteur concurrentiel sont ainsi exclus du bénéfice d’un avantage dont bénéficient les organismes publics de recherche et assimilés – à travers l’incitation de confier des travaux de recherche aux seconds plutôt qu’aux premiers. Or, tous les organismes inclus dans le champ de la sous-traitance publique et donc du doublement d’assiette ne peuvent être assimilés à des organismes exerçant des activités non économiques hors du champ concurrentiel.

Le risque juridique posé par le doublement d’assiette au regard du droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État n’est pas théorique dans la mesure où une plainte formelle a été présentée à la Commission européenne le 1er octobre 2019, ainsi que l’évaluation préalable du présent article en fait état.

3.   La réponse négative de la Commission européenne sur la conformité avec le droit européen des taux majorés prévus en Corse

Ainsi qu’il a été vu, l’entrée en vigueur des taux majorés de CIR et de CII au titre des opérations réalisées en Corse était subordonnée à la confirmation par la Commission européenne de la conformité de cette majoration à la législation européenne en matière d’aides d’État – ainsi qu’il résulte du III de l’article 150 de la loi de finances pour 2019 précitée.

Le Gouvernement, en réponse à une question écrite du député Jean‑Félix Acquaviva, a indiqué qu’ont été adressées à la Commission, les 4 juillet et 13 août 2019, une note des autorités françaises et une pré‑notification. Une nouvelle note a été transmise le 30 octobre 2019 en réponse aux demandes d’éclaircissements de la Commission, tandis que les travaux sur ce sujet se sont poursuivis en 2020 ([153]).

Or, et comme le précise le Gouvernement dans l’évaluation préalable du présent article, la Commission européenne n’a pas donné son accord sur la conformité des taux majorés en Corse. L’intensité de la majoration prévue par la loi de finances pour 2019 précitée excède en effet ce qui est admis par le RGEC – à la différence des taux majorés en outre-mer, qui sont couverts par les dérogations possibles dans les régions ultrapériphériques de l’Union.

*

*     *

L’efficacité et l’utilité du CIR et du CII appellent leur sécurisation et leur simplification. C’est précisément l’objet du présent article, qui vise à améliorer ces deux outils et à en garantir la robustesse juridique.

II.   Le dispositif proposé

Tirant les conséquences de l’ensemble des considérations qui viennent d’être présentées, qu’elles relèvent de l’efficience et de la simplification ou d’impératifs de sécurité juridique destinés à éviter toute remise en cause préjudiciable des outils, le présent article apporte au CIR et au CII plusieurs aménagements, qui devraient aboutir pour l’État à un gain global estimé à 150 millions d’euros par an à compter de 2023.

A.   Les amÉnagementS aux fins de sÉcurisation juridique et de cohÉrence apportés au CIR et au CII

Les aménagements du CIR et du CII prévus par le présent article, reposant sur des justifications opérationnelles, mais aussi surtout juridiques au regard du droit de l’Union européenne, consistent en :

– une harmonisation des modalités de la sous-traitance ;

– une modification des taux majorés, notamment s’agissant de la Corse ;

– une rationalisation du « rescrit CIR ».

1.   L’harmonisation des modalités de sous-traitance

En premier lieu, le dispositif proposé procède à l’harmonisation des modalités de prise en compte, dans l’assiette du CIR, des dépenses correspondant à des opérations externalisées, notamment en supprimant le mécanisme de doublement d’assiette applicable dans le cadre de la sous‑traitance publique.

Ces modifications sont prévues au B du I du présent article.

a.   La suppression des modalités particulières de sous-traitance publique ouvrant droit au doublement d’assiette

La suppression du doublement d’assiette dans le cadre de la sous‑traitance publique résulte du  de ce B, qui abroge le d du II de larticle 244 quater B du CGI.

Pour mémoire, ce d, actuellement :

– dresse la liste des organismes de recherche publics et assimilés auxquels un donneur d’ordre peut confier des travaux de recherche et inclure les dépenses ainsi exposées par lui dans son assiette de CIR (1° à 9° du d) ;

– pose le principe de la prise en compte des dépenses de sous-traitance publique pour le double de leur montant (dernier alinéa du d).

Labrogation du d suppose un certain nombre de coordinations au d ter du II de l’article 244 quater B du CGI encadrant la sous-traitance et au III du même article précisant certaines modalités de détermination de l’assiette. Ces coordinations sont réalisées au présent article par le  du B et le D de son I.

b.   L’alignement des modalités de sous-traitance publique sur celles de la sous-traitance privée

Cette abrogation ne signifie pas que le présent article mette un terme à la possibilité d’externaliser, auprès des organismes de recherche publics ou assimilés, des opérations de recherche et d’avoir droit, à ce titre, au CIR. En réalité, l’article aligne les modalités de sous-traitance publique sur celles prévues en matière de sous-traitance privée.

● En effet, le  du B de son I tire les conséquences de l’abrogation du d du II de l’article 244 quater B du CGI en modifiant le d bis du même II pour en élargir le champ d’application.

Cet élargissement résulte de la suppression de la référence au fait que les organismes concernés par le d bis sont des organismes de recherche privés :

– le a de ce 2° substitue aux « organismes de recherche privés agréés » la référence aux « organismes agréés » ;

– le b du même 2° modifie le dispositif s’agissant des organismes établis hors de France (Union européenne ou EEE), en substituant aux « organismes de recherche » la simple référence aux « organismes ».

Ces modifications ont ainsi pour effet d’inclure dans le champ de l’actuelle sous-traitance privée les organismes relevant actuellement de la soustraitance publique – qui ne sont pas tous des organismes de recherche en tant que tels (ainsi en va-t-il notamment des instituts techniques agricoles ou des associations régies par la loi du 1er juillet 1901.

● Il convient de souligner que l’alignement des modalités de soustraitance publique sur celles prévues pour la sous-traitance privée, outre la suppression du doublement d’assiette, emporte deux conséquences principales.

D’une part, cet alignement aura pour effet de rendre applicable aux opérations de sous-traitance confiées à des organismes de recherche publics ou assimilés le plafonnement prévu pour la sous-traitance privée, à savoir :

– l’inclusion des dépenses externalisées dans l’assiette du CIR du donneur d’ordre dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses ouvrant droit au CIR ;

– la disparition de la majoration de 2 millions d’euros applicable au plafond général de prise en compte des dépenses externalisées, qui est de 10 millions d’euros (en l’absence de lien de dépendance) – majoration qui est d’ailleurs supprimée par coordination par le D du I du présent article.

D’autre part, l’alignement conduira à ce que certains organismes publics ou assimilés fassent l’objet d’un agrément pour ouvrir droit au CIR, alors qu’ils en sont actuellement dispensés.

Tel est notamment le cas des organismes de recherche publics mentionnés au 1° du d du II de l’article 244 quater B du CGI, des établissements d’enseignement supérieur mentionnés au 2° de ce d et des instituts techniques et des stations ou fermes expérimentales mentionnés aux 7° et 9° du même d.

Dans le cadre du dispositif proposé, tous les organismes sous-traitants devront être agréés par le ministre chargé de la recherche.

Les modalités de cet agrément seront définies par décret, ainsi que le prévoit le a du 2° du B du I du présent article – précision bienvenue dans la mesure où, en l’état, les modalités d’agrément des organismes sous-traitant ne sont pas définies par décret en dehors des externalisations prévues dans le cadre du CIR-THC et du CII.

Une harmonisation des modalités de sous-traitance
permettant de mettre en échec certains montages abusifs

Outre les considérations liées à la simplification du CIR et à sa mise en conformité avec les exigences du droit européen, l’harmonisation des modalités de sous-traitance prévue au présent article, avec la suppression du mécanisme de doublement d’assiette, est également un facteur de lutte contre certains montages abusifs.

Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, en effet, les services de contrôle de l’administration ont pu identifier un schéma abusif consistant à détourner de son objet la sous-traitance publique dans le cadre du CIR.

Ce schéma consiste, pour une entreprise étrangère, à créer en France une filiale dépourvue de substance économique, une « coquille vide » qui réalise par elle-même peu ou pas d’activité et se contente de confier des travaux de R&D à des organismes relevant de la sous-traitance publique.

Les externalités positives pour la France résultant d’un tel schéma sont limitées, voire nulles si l’organisme sous-traitant est établi à l’étranger (UE ou EEE).

L’harmonisation des modalités de sous-traitance, avec l’application du plafonnement actuellement spécifique à la sous-traitance privée qui lie les dépenses éligibles sous-traitées au volume de dépenses directement engagées par le donneur d’ordre, permettra de mettre fin à ces schémas abusifs.

c.   Une harmonisation applicable à compter de 2022

La suppression du mécanisme de doublement d’assiette et l’application généralisée à l’actuelle sous-traitance publique des modalités prévues en matière de sous-traitance privée ne sera pas immédiate, mais différée dans le temps.

En effet, le B du IV du présent article prévoit expressément que l’harmonisation des modalités de sous-traitance, prévue aux B et D de son II, sapplique aux dépenses qui seront exposées à compter du 1er janvier 2022.

2.   Les modifications apportées aux taux majorés du CIR et du CII, en particulier en Corse

Ainsi qu’il a été vu, les majorations de taux prévues pour les opérations de recherche réalisées en Corse présentent une contrariété avec le droit de l’Union européenne, la Commission européenne ayant répondu négativement à la notification française destinée à s’assurer de la conformité du dispositif aux règles en matière d’aides d’État.

Le A du I et le III du présent article tirent donc les conséquences de cette non‑conformité aux normes européennes, tandis que le C du I de l’article apportent une modification relative aux outre-mer.

a.   L’abrogation des dispositions relatives aux taux majorés en Corse

En premier lieu, le III du présent article abroge larticle 150 de la loi de finances pour 2019 précitée, qui, sous réserve d’une confirmation par la Commission européenne, prévoyait de remplacer en Corse les taux de droit commun du CIR et du CII, fixés respectivement à 30 % et à 20 %, par les taux majorés déjà applicables en outre-mer, à savoir 50 % et 40 %.

Les modalités d’application de cet article ne sont pas précisées, ce qui a pour effet d’entraîner, en vertu de l’article 1er du présent projet de loi, une application par défaut aux exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Au demeurant, l’abrogation n’a pas à préciser ses modalités d’application en ce qu’elle supprime un dispositif qui n’est jamais entré en vigueur : celle-ci était subordonnée à une réponse positive de la Commission, qui n’est pas intervenue.

b.   La consécration d’un nouveau taux majoré du CII en Corse

Si le présent article abroge les taux majorés qu’avaient prévus pour la Corse la loi de finances pour 2019 précitée, qui ne se sont jamais appliqués, il met néanmoins en œuvre une mesure préférentielle pour la Corse.

● En effet, le b du 2° du A du I du présent article prévoit que le CII ouvert au titre des dépenses éligibles exposées en Corse est déterminé par application d’un taux majoré, fixé à 35 %.

Ce nouveau taux majoré pour la Corse est donc supérieur de quinze points au taux de droit commun du CII, établi à 20 %. Il s’agit de l’intensité maximale permise pour les PME par le RGEC, dont l’article 25 prévoit une majoration possible pour ces entreprises.

● Ce taux majoré spécifique sappliquera aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2020, ainsi qu’en dispose le A du IV du présent article. Cela signifie concrètement que les entreprises ayant exposé en Corse des dépenses ouvrant droit au CII dès cette année bénéficieront dune aide majorée.

c.   Les ajustements des taux majorés en outre-mer

Deux ajustements sont prévus s’agissant des taux majorés de CIR et de CII applicables au titre de dépenses exposées dans des exploitations situées dans les outre-mer.

● En premier lieu, le  et le a du 2° du A du I du présent article supprime des mentions devenues caduques qui précisaient que les taux majorés de CIR et de CII pour les outre‑mer s’appliquaient aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2015.

Ces mentions ne sont désormais plus justifiées ; leur suppression est donc cohérente – la suppression de la mention relative au taux majoré du CII permet en outre d’éviter toute ambiguïté sur les modalités d’application temporelle du nouveau taux majoré du CII en Corse.

● En second lieu, le C du I du présent article modifie le II bis de l’article 244 quater B du CGI, qui précise le champ d’application des taux majorés en outre-mer pour le CIR et le CII à l’aune du RGEC.

Aux termes de ce II bis, le fait pour une entreprise de bénéficier des taux majorés applicables en outre-mer est subordonné au respect de l’article 15 du RGEC du 17 juin 2014 précité, et la subvention équivalant à un tel bénéfice doit servir à compenser les surcoûts de fonctionnement et les coûts de transport dans les régions ultrapériphériques que sont les collectivités ultramarines concernées. Ce II bis rend les taux majorés applicables à tous les secteurs économiques de ces collectivités, incluant notamment :

– les secteurs mentionnés au 3 de l’article 1er du RGEC (dont la pêche, l’aquaculture et la production agricole primaire) ;

– les secteurs mentionnés au a de l’article 13 du RGEC (sidérurgie, charbon, construction navale et fibres synthétiques).

Ces secteurs sont en effet en principe exclus du champ du RGEC, sauf dans certaines hypothèses comme les aides en faveur de la R&D et l’innovation dans les régions ultrapériphériques.

Le C du I du présent article supprime la référence à ces secteurs, leur éligibilité dans les régions ultrapériphériques résultant déjà du RGEC.

● Ces deux ajustements, qui s’appliqueront aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2020 aux termes du A du IV du présent article, reprennent ceux qui étaient déjà prévus à l’article 150 de la loi de finances pour 2019 précitée, qu’abroge le présent article.

3.   La simplification de cohérence des modalités applicables au « rescrit CIR »

Tirant les conséquences du tarissement précédemment évoqué des demandes adressées à l’ANR dans le cadre du « rescrit CIR », le présent article supprime la possibilité d’adresser à cette agence des demandes de rescrit. Dès lors, ces dernières relèveront exclusivement, en plus de l’administration fiscale, des services du ministre chargé de la recherche.

● À cet effet, le II du présent article :

– supprime, au 3° de l’article L. 80 B du LPF, la possibilité pour l’administration fiscale de solliciter l’ANR ;

– et supprime, au 3° bis du même article L. 80 B, la possibilité pour l’ANR de répondre à une demande d’une entreprise dans le cadre du « rescrit CIR ».

● Ces modifications, aux termes du C du IV du présent article, sappliqueront aux demandes de rescrit déposées à compter du 1er janvier 2021 – l’ANR pourra donc toujours intervenir au titre de demandes présentées jusqu’à la fin de l’année 2020.

B.   L’impact budgÉtaire et Économique

Si les modifications prévues au présent article sont de nature à diminuer l’ampleur de l’avantage fiscal retiré du CIR et du CII, l’impact pour les finances publiques étant estimé à un gain annuel de 150 millions d’euros à compter de 2023, elles n’en demeurent pas moins opportunes pour les entreprises en ce qu’elles garantissent aux deux outils une robustesse juridique nécessaire et qu’elles sont un facteur de simplification bienvenu.

1.   Un gain annuel global pour l’État estimé à 150 millions d’euros à compter de 2023

● L’impact global pour le budget de l’État des mesures prévues au présent article est estimé à 150 millions d’euros de gain par an à compter de 2023.

Dans le détail, les différentes modifications apportées au CIR et au CII n’ont pas les mêmes effets et obéissent à une temporalité distincte.

● D’une part, la majoration de 20 % à 35 % du taux du CII en Corse est de nature à entraîner une perte de recettes fiscales pour l’État, le taux majoré prévu par la loi de finances pour 2019 précitée n’ayant jamais été effectivement mis en œuvre. Pour cette même raison, la suppression du taux majoré de CIR en Corse est sans impact sur les finances publiques.

Cette perte de recettes est estimée à 100 000 euros, soit un chiffrage « epsilon » correspondant à un impact négatif inférieur à 500 000 euros dans les standards budgétaires. Elle portera, en l’état du droit, sur les années 2021 à 2023, en raison du bornage temporel du CII jusqu’en 2022 prévu par la loi de finances pour 2020 précitée.

● D’autre part, l’harmonisation des modalités de sous-traitance à travers la suppression du doublement d’assiette de la sous-traitance publique et l’alignement de cette dernière sur la sous-traitance privée, devrait permettre à l’État de dégager un gain annuel estimé à 150 millions d’euros.

Ce gain serait perçu à compter de 2023, l’harmonisation de la sous‑traitance s’appliquant, ainsi qu’il a été vu, aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2022.

● Le tableau suivant dresse la synthèse de l’impact budgétaire du présent article.

Chronique de l’impact budgÉtaire
des amÉnagements proposés du CIR et du CII

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Taux du CII en Corse

0

– ε

– ε

– ε

0

0

Sous-traitance du CIR

0

0

0

+ 150

+ 150

+ 150

Total

0

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Source : évaluation préalable.

Si l’application du CII était prorogée après 2022, l’État enregistrerait à compter de 2023 une perte de recettes fiscales chiffrée à « epsilon » ; cela ne serait pas de nature à remettre en cause l’ordre de grandeur du gain annuel de 150 millions d’euros à partir de cette année-là.

● Il convient de relever que les hypothèses sur lesquelles repose l’estimation de l’impact budgétaire de la suppression du doublement d’assiette retiennent une imputation intégrale immédiate de la créance fiscale de CIR au titre d’une année, ainsi qu’il ressort de l’évaluation préalable du présent article.

Or, et comme cela a été vu, la créance de CIR peut s’imputer sur plusieurs années en fonction du montant de l’impôt sur lequel elle s’impute.

2.   Une sécurisation et une simplification opportunes, assurant l’efficience et la pérennité du CIR et du CII

● Si les principaux aménagements prévus au présent article aboutissent à une diminution de l’ampleur des avantages fiscaux offerts par le CIR et le CII, ils n’en demeurent pas moins nécessaires :

– la contrariété des taux majorés en Corse avec le droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État, qui, ainsi que l’indique l’évaluation préalable, résulte de l’absence de validation par la Commission européenne de ce dispositif, ne laisse pas de choix en raison de la hiérarchie des normes ;

– le risque juridique, pour le même motif, présenté par le mécanisme de doublement d’assiette en matière de sous-traitance publique, justifie une approche prudente afin d’éviter de se retrouver dans une situation où la contrariété juridique serait définitivement acquise.

Il n’est en effet pas inutile de rappeler que maintenir dans notre droit des dispositifs contraires à des normes supérieures, en plus de traduire une forme d’irresponsabilité en tant que législateur dans le cadre d’un État de droit, expose à des conséquences financières et économiques potentiellement très lourdes.

À cet égard, l’impact sur les finances publiques du contentieux européen portant sur la contribution de 3 % sur les montants distribués, chiffré à 10 milliards d’euros environ, a – logiquement – marqué les esprits et invite à la mesure et à la prudence. S’agissant de dépenses fiscales, une contrariété avec le droit européen aurait certes un impact positif sur les finances publiques en raison de la récupération des sommes perçues par les entreprises, mais cela aurait pour ces dernières des conséquences préjudiciables importantes.

● Dès lors, si le Rapporteur général n’ignore pas les effets que peut avoir toute réduction d’intensité d’un avantage fiscal, il considère qu’en l’espèce, les aménagements proposés sont non seulement opportuns, mais nécessaires s’agissant de mesures qui assurent à des outils cruciaux leur pleine robustesse juridique.

Rien ne serait pire pour les bénéficiaires du CIR et du CII, mais aussi pour la recherche et la compétitivité nationales, que de voir ces dispositifs fragilisés et remis en cause. La stabilité fiscale est une vertu, et la solidité juridique des mesures en constitue l’un des principaux vecteurs.

a.   Un soutien public à la recherche demeurant très important

Au demeurant, le dispositif proposé ne remet pas en cause, et c’est heureux, le cœur des outils que sont le CIR et le CII, dont l’essentiel est maintenu. Le CIR et le CII demeureront donc des dispositifs fiscaux efficaces offrant à leurs bénéficiaires des avantages fiscaux conséquents.

● En retenant les estimations chiffrées fournies par le Gouvernement dans l’évaluation préalable du présent article, l’ampleur globale de ces deux dispositifs, une fois les mesures ici proposées mises en œuvre, sera de l’ordre de 6,434 milliards d’euros, en déduisant les 150 millions d’euros résultant de l’article de l’estimation la plus récente des montants de CIR et de CII, soit un total de 6,584 milliards d’euros (6,4 milliards d’euros pour le CIR et 184 millions d’euros pour le CII estimés pour 2021, d’après le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées au présent projet de loi de finances).

Un tel niveau est supérieur au montant cumulé des coûts du CIR et du CII constaté en 2018 (6,39 milliards d’euros). Or, l’intensité de ces deux outils n’était alors pas jugée insuffisante.

● En ce qui concerne en particulier les dispositions prévues pour la Corse, le principe d’un taux majoré est bien maintenu dans la mesure où le taux du CII y sera majoré de quinze points pour atteindre 35 %.

Cette majoration substantielle s’ajoute en outre à d’autres dispositifs fiscaux applicables en Corse, certains lui étant d’ailleurs propres, tels que :

– les exonérations fiscales prévues à l’article 44 septdecies du CGI dans les zones de développement prioritaire, qui recouvrent l’ensemble de la Collectivité de Corse – sous réserve, s’agissant des créations d’entreprises à compter de 2021, de la prorogation du dispositif ;

– le crédit d’impôt pour investissements en Corse, prévu à l’article 244 quater E du CGI et dont la prorogation jusqu’au 31 décembre 2023 a été effectuée par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ([154]).

Les spécificités de la Corse et de son tissu économique ne sont donc pas ignorées par le Gouvernement et le législateur, mais font au contraire l’objet d’une attention particulière – et légitime.

● S’agissant de la sous-traitance, les effets de la mesure proposée ne seront pas immédiats, l’application du dispositif sur ce point n’intervenant qu’à compter de 2022. Cela laissera aux entreprises et à leurs sous-traitants, si besoin est, le temps de se réorganiser.

Enfin, toujours concernant la sous-traitance, il ne paraît pas inutile de rappeler que l’effort budgétaire en faveur de la recherche publique et universitaire est particulièrement prononcé. Ainsi qu’il ressort des documents de présentation des missions budgétaires, dès 2021, les crédits alloués à la recherche vont augmenter de 400 millions d’euros, et ils seront accrus à l’horizon 2030 à hauteur de 5,1 milliards d’euros.

b.   Des aménagements sources d’une opportune simplification

Parallèlement aux considérations d’ordre juridique et au maintien d’une ampleur conséquente des avantages fiscaux, le dispositif proposé permet une simplification du CIR et du CII, non seulement par rapport au droit existant, mais aussi au regard des pistes alternatives qui auraient pu être retenues (cf. infra, c).

L’opportunité d’une telle simplification ne doit pas être sous-estimée, dans la mesure où la simplicité, en particulier s’agissant d’une dépense fiscale, est un facteur décisif d’efficacité. Telle était d’ailleurs la position de la Cour des comptes dès 2013, lorsque cette institution préconisait de mettre un terme au mécanisme de doublement d’assiette de la sous-traitance publique.

Telle est, aussi, la raison qui conduit à rationaliser la procédure de « rescrit CIR » pour en extraire la sollicitation de l’ANR. Ainsi qu’il a été vu, le nombre de demandes qui lui sont adressées a atteint un niveau quasiment nul. D’après les données fournies par le Gouvernement, cela a eu pour conséquence une adaptation de l’ANR, qui ne serait désormais plus en mesure de traiter les demandes de rescrit.

c.   Des solutions alternatives apparaissant sous-optimales

Le constat de la vertu de la simplicité fiscale, notamment, aboutit à voir comme étant sous‑optimales les solutions qui auraient pu être retenues en lieu et place du dispositif proposé par le présent article.

● S’agissant de la sous-traitance, le droit européen aurait a priori rendu possible un cantonnement du doublement d’assiette aux seules opérations de recherche fondamentale confiées par le donneur d’ordre à des organismes de recherche publics ou privés – pour mémoire, la notion de recherche fondamentale est définie en matière de CIR au a de l’article 49 septies F de l’annexe III du CGI.

Le RGEC du 17 juin 2014 précité autorise en effet, aux termes de son article 25, des aides d’une intensité majorée pour les organismes de recherche se livrant à des activités de recherche fondamentale - sans distinguer selon le statut légal des organismes, qu’ils soient de droit public ou de droit privé, ainsi qu’il ressort du point 83 de l’article 2 du règlement.

● Néanmoins, retenir dans le CIR cette possibilité ne paraît pas opportun eu égard aux considérations de simplicité de l’outil précédemment évoquées. La distinction entre ce qui relève de la recherche fondamentale et ce qui ressort d’autres activités de R&D, en particulier de la recherche appliquée, n’est en effet pas nécessairement évidente.

La doctrine fiscale illustre d’ailleurs ce constat, en fournissant un très grand nombre d’exemples indicatifs destinés à éclairer autant que possible sur ce qui relève d’une catégorie et ce qui relève d’une autre, et dans lesquels il est énoncé qu’un « même travail » peut relever de la recherche fondamentale ou de la recherche appliquée, selon sa finalité ([155]).

La distinction entre R&D, innovation et activités hors champ est en soi assez délicate ([156]) pour ne pas ajouter à cet état de fait une nouvelle source de difficultés pour les entreprises et l’administration fiscale. Prévoir des modalités de détermination de l’assiette du CIR différentes selon la nature précise de l’activité de R&D risque de se révéler une source importante de complexité propice aux divergences d’interprétation et, le cas échéant, aux contentieux.

● L’harmonisation générale proposée par le présent article en matière de sous-traitance est donc pertinente, et doit être conservée.

Une conclusion similaire peut être tirée en ce qui concerne les taux majorés en Corse.

● Le dispositif proposé retient un taux de droit commun pour le CIR, de 30 %, et un taux majoré à 35 % pour le CII. Des pistes alternatives auraient pu être retenues, consistant :

– pour le CIR, à prévoir un taux majoré de 35 %, réservé aux seules PME ;

– pour le CII, à prévoir un taux majoré de 40 % pour les seules petites entreprises, et un taux de 35 % pour les autres PME (moyennes entreprises) ([157]).

La section 4 du chapitre III du RGEC, consacrée aux aides à la R&D et à l’innovation, prévoit, notamment à l’article 25 du règlement, la possibilité d’une intensité plus forte des mesures destinées aux PME en général, et en particulier pour les petites entreprises.

● Toutefois, de telles propositions, bien que plus généreuses que celles figurant au présent article, s’accompagnent d’une complexité accrue du CIR et du CII, voire s’écartent de la logique et de la cohérence de ces outils.

S’agissant du CIR, aucune distinction n’est prévue en matière de chiffre d’affaires ou de taille d’entreprises : le taux est le même pour toutes les catégories, les deux seules distinctions reposant :

– sur la localisation dans des régions ultrapériphériques de l’Union européenne, pour le taux majoré applicable en outre-mer ;

– sur le volume de dépenses, pour le seuil de 100 millions d’euros à partir duquel les dépenses ouvrent droit au CIR au taux de 5 %.

Le CIR est donc une mesure générale applicable dans les mêmes conditions à toutes les entreprises, hors régions ultrapériphériques.

● Par ailleurs, et s’agissant des deux outils que sont le CIR et le CII, l’existence de taux différenciés selon la taille des entreprises tels qu’ils seraient envisageables, outre la complexité accrue entraînée, peut être vue comme ne présentant pas un intérêt décisif.

Les pistes alternatives reposent en effet sur une majoration de cinq points par rapport au dispositif proposé au présent article, et pour une seule catégorie d’entreprise à chaque fois :

– 35 % pour le CIR et uniquement pour les PME, contre 30 % ;

– 40 % pour le CII et uniquement pour les petites entreprises, contre 35 % pour toutes les PME dans l’article.

Un gain de cinq points demeure évidemment un gain, mais sa pertinence peut ne pas sembler déterminante au regard des inconvénients qu’il pourrait induire, non seulement en termes de complexité, de remise en cause de la cohérence des outils, mais également de potentiels effets pervers.

Il n’est en effet pas possible d’écarter a priori le risque que des entreprises fassent en sorte de rester dans la catégorie éligible au taux « super-majoré » uniquement à cet effet. Un tel type de comportement a d’ailleurs été mis en évidence s’agissant d’autres dispositifs, tels que le taux réduit de 15 % applicable sur une fraction du bénéfice des PME en matière d’IS, qui « incite à des stratégies dévitement de limpôt », aboutissant au constat d’un « effet de seuil très visible dans la distribution des entreprises selon le montant de leur bénéfice, au niveau du taux réduit dimposition pour les PME. Ceci suggère de façon manifeste lexistence de pratiques de “pilotage” » ([158]).

● Néanmoins, le Rapporteur général relève que les entreprises corses connaissent déjà un dispositif fiscal dans lequel les taux varient selon la catégorie des entreprises bénéficiaires : il s’agit du CIIC précédemment mentionné.

Dans le cadre du CIIC, en effet, le taux de droit commun pour l’ensemble des PME est fixé à 20 %, mais les TPE bénéficient d’un taux majoré fixé à 30 %. Ce taux, introduit par la loi de finances pour 2017 ([159]), a pour objectif de maximiser le soutien aux TPE corses, qui constituent l’essentiel du tissu productif local.

Dans ces conditions, il ne serait pas incohérent de prévoir un taux différencié de CII au titre des opérations réalisées en Corse, consistant en une « surmajoration » pour les petites entreprises, dans la mesure où les arguments contre une telle distinction peuvent être écartés à l’aune de ce qui existe pour le CIIC.

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La commission est saisie de l’amendement de suppression I‑CF262 de Mme Marie‑Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le mécanisme du doublement d’assiette du crédit d’impôt recherche (CIR) pour les dépenses relatives aux opérations sous‑traitées à des organismes de recherche publics ou assimilés incitait au développement de liens entre la recherche publique et la recherche privée. En supprimant ce dispositif, l’article 8 risquerait de fragiliser le secteur de la santé, alors que nous avons plus que jamais besoin de programmes à la fois publics et privés dans ce domaine. C’est une erreur !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne sais pas si c’est, dans l’absolu, une erreur de ramener au même taux de prise en compte les dépenses des laboratoires publics et privés. Ce que je sais, c’est que si nous n’adoptons pas cet article, nous contribuons à maintenir une discrimination entre sous‑traitants. Une plainte a été déposée auprès de la Commission européenne, qui met en difficulté le CIR et le crédit d’impôt innovation (CII), deux crédits d’impôt auxquels nous sommes attachés. C’est pourquoi l’article sécurise leurs dispositifs, en harmonisant la prise en compte des dépenses, ce qui n’empêchera évidemment pas les laboratoires publics de rester sous‑traitants des entreprises.

La commission rejette l’amendement I‑CF262.

Elle examine l’amendement I‑CF999 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. L’amendement vise à supprimer le crédit d’impôt recherche. Après la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations, le CIR est devenu en 2020 la première dépense fiscale du budget de l’État, avec un coût qui dépasse 6 milliards d’euros. Pour quel résultat ? Plafonné au niveau d’une filiale mais pas au niveau du groupe, il est souvent utilisé dans des montages d’évasion fiscale. Les groupes l’utilisent, puis cèdent leurs brevets à l’une de leurs filiales établie dans un paradis fiscal et déduisent des redevances de leur bénéfice imposable en France.

En outre, le dispositif souffre d’une trop inégale répartition : en 2015, sur 14 000 entreprises ayant bénéficié du crédit impôt recherche, quarante‑deux grandes entreprises, soit 0,3 % des bénéficiaires, se sont accaparées à elles seules 31 % des créances du CIR. Or un rapport sénatorial montrait que 80 % des créations d’emploi en recherche et développement se faisaient dans des entreprises de moins de 500 salariés.

Le cas de Nokia illustre parfaitement les dysfonctionnements du dispositif. Le groupe veut supprimer 1 233 postes en France, à 83 % dans la recherche et développement, alors qu’il a touché 273 millions d’euros de CIR entre 2016 et 2019. Le fait de maintenir cinq filiales différentes en France lui a notamment permis de bénéficier de 30 millions d’euros de CIR supplémentaires en 2019. Le produit des recherches ne profite même pas à la France ! Tous les brevets de sa filiale, Nokia Bell Labs France, un laboratoire de pointe, abondent désormais la filiale internationale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je suis très attaché au CIR et au CII, qui peuvent toujours faire l’objet de débats et d’améliorations. Ils représentent, en effet, une dépense fiscale importante. J’ai d’ailleurs lancé des travaux sur l’ensemble des dépenses publiques liées à la recherche, au développement et à l’innovation. Je ne souhaite en aucun cas supprimer ces outils, d’autant moins en période de relance.

M. Francis Chouat. L’article 8, qui vise à mettre notre droit en conformité avec le droit européen, donne lieu, comme lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche, à plusieurs amendements de suppression du CIR. Or il faut assurément plus de visibilité et de contrôle. C’est précisément ce qui avait été prévu dans la loi de finances pour 2020 : un rapport du ministère de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation est attendu pour les semaines qui viennent. Le Gouvernement s’était engagé à renforcer le contrôle et la transparence.

Il faut bien mesurer ce que représente, dans le contexte actuel, le CIR, qui est d’abord un outil important pour soutenir l’effort de recherche et d’innovation, et les emplois scientifiques dans les entreprises. On sait très bien que les secteurs les plus touchés par la crise commencent souvent par réduire leur effort de recherche et développement. J’ai auditionné hier l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles. D’ores et déjà, pour leur exercice 2020, ils ont 20 % de recettes propres en moins, soit autant de recherche en moins. Il nous faut donc impérativement soutenir l’effort de recherche des entreprises les plus touchées par la crise, qui sont aussi celles qui ont le plus besoin du CIR. Ses bénéficiaires sont à 90 % des TPE, des PME et des ETI.

Si la France est le deuxième destinataire européen des investissements étrangers et qu’elle occupe la première place dans la création de centres de recherche – deux fois plus que l’Allemagne –, c’est aussi parce que nous avons su développer un outil vieux de trente‑trois ans. Il est donc tout sauf une niche d’opportunité ou d’évasion fiscale. Renforcer la transparence est une nécessité, mais supprimer le CIR, surtout en ce moment, serait une faute très grave.

La commission rejette l’amendement I‑CF999.

Elle est saisie de l’amendement I‑CF151 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Dans le contexte actuel, où l’innovation est le moteur principal de la croissance et de la compétitivité, il semble primordial de ne pas retarder l’adoption de mesures favorables au développement des petites et moyennes entreprises, notamment dans le secteur du numérique, mais au contraire de les encourager.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I‑CF151.

Elle examine l’amendement I‑CF996 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. Il s’agit de réaménager les conditions de bénéfice du CIR, en réévaluant le plafond de 100 millions d’euros de dépenses au-delà duquel le taux du CIR passe de 30 % à 5 %. Il faut l’apprécier au niveau du groupe et non plus des entités, dans la mesure où cela encourage la création de montages pour cumuler les créances. Ainsi, Joël Giraud, dans son rapport sur l’application des mesures fiscales (RALF) publié en juillet 2019, estimait que : « Les effets potentiels d’une telle mesure […] constitueraient une réduction significative des créances et, par conséquent, du coût du CIR. »

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Après avoir lu votre exposé des motifs, je suis allé vérifier ce qu’avait écrit Joël Giraud dans son RALF, parce qu’il me semblait assez curieux qu’il aille dans ce sens. De fait, ce n’est pas ce qu’il a écrit. Sa conclusion ne revenait absolument pas à consacrer l’appréciation du seuil au niveau du groupe. Il avait, au contraire, insisté sur les effets dommageables que cela entraînerait pour les entreprises, notamment pour l’emploi dans la recherche et développement. En revanche, il est vrai qu’il avait abordé ce sujet, afin d’engager une réflexion et de disposer de données dans le cadre de la lutte contre les trous noirs fiscaux. Avis défavorable.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le rapporteur général, au titre des pouvoirs qui vous sont conférés par la LOLF, êtes‑vous allé récupérer la liste de toutes les entreprises percevant du CIR, par entité, par filiale et par groupe consolidé ? En 2013, la Cour des comptes avait publié un rapport où elle avançait qu’en appliquant le plafond non pas au niveau des filiales mais du groupe, le coût du CIR serait de 5 milliards d’euros au lieu de 6 milliards. Évidemment, 100 millions d’euros pour une PME ou pour un grand groupe, cela n’a pas du tout le même sens. Il serait sans doute appréciable de rehausser le plafond au niveau du groupe, mais d’éviter l’effet d’aubaine qui permet de multiplier les filiales pour multiplier d’autant les possibilités de bénéficier du plafond de dépenses éligibles. On voit bien sur la liste que certaines entreprises multiplient les filiales à dessein.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il y a 22 000 entreprises qui bénéficient du CIR, ce qui ferait tout de même beaucoup de liasses fiscales à examiner… Comme je le disais tout à l’heure, j’ai lancé des travaux sur les dépenses publiques liées à la recherche au printemps dernier, qui ont été interrompus par l’actualité. Je les reprendrai au premier trimestre 2021. Je ne suis pas certain que les groupes en fassent l’usage que vous dites, afin d’optimiser le CIR. D’ailleurs, il ressortait d’une discussion avec Joël Giraud, au début de ses propres travaux, que les situations complexes étaient plutôt liées aux opérations historiques d’un groupe. Le CIR groupe n’apparaît pas comme un problème. Mais nous y reviendrons.

Mme Valérie Rabault. J’avais fait cet exercice de contrôle. Il y a peut‑être eu des évolutions en cinq ans. En tout cas, sur quelques consommations de CIR, on pouvait raisonnablement se poser la question.

M. Charles de Courson. On connaît la réponse, madame Rabault. Globalement, c’est un milliard d’euros. Quand on examine le détail secteur par secteur, on voit que c’est massivement l’automobile et l’aéronautique qui y perdraient. Est‑ce vraiment l’intérêt de la France ? Si calculer le CIR au niveau du groupe est plus satisfaisant intellectuellement, le faire c’est pénaliser deux des fleurons de l’industrie française.

La commission rejette l’amendement I‑CF996.

Elle est saisie de l’amendement I‑CF1025 de M. Jean‑Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Le taux de droit commun du CII est de 20 %, et de 40 % pour les exploitations situées dans les départements d’outre‑mer. Lorsque Bruno Le Maire était venu en Corse il y a deux ans, un accord avait été établi avec la collectivité et les acteurs du numérique pour aligner le CII à 40 % et le CIR à 50 %, eu égard aux faibles dépenses d’innovation et de recherche de ces entreprises et au devenir de ce secteur sur l’île. Par la suite, la Commission européenne avait émis un avis négatif, particulièrement dogmatique. La Corse n’étant pas une région ultrapériphérique, il n’y a pas de clause d’insularité dans les traités, ce que l’on ne peut que regretter. Cependant, il faudra trouver des solutions, y compris, d’ailleurs, pour le transport maritime ou la PAC.

Nous prenons acte que l’article 8 du projet de loi de finances propose d’instaurer un taux majoré de 35 % pour essayer d’adoucir cette déception. L’amendement vise à aller à 40 %, au moins pour les petites entreprises, ce qui pourrait être admis par la Commission européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avant toute chose, il ne faut pas confondre le CII, crédit d’impôt innovation pour la Corse, et le CIIC, crédit d’impôt pour l’investissement en Corse. Dans le CIIC, les TPE sont distinguées des PME. Une distinction du même ordre peut donc logiquement s’appliquer pour le CII, et le taux proposé respecte les plafonds européens. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I‑CF1025 (amendement 1129).

Elle examine l’amendement I‑CF1285 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement tend à plafonner le montant du CIR. Depuis sa création en 1983, le coût du CIR a explosé, passant d’environ 400 millions d’euros à plus de 6 milliards d’euros ces dernières années. Une telle explosion s’explique notamment par le fait que le coût du CIR est tributaire du comportement des entreprises bénéficiaires. Un plafonnement par entreprise permettrait ainsi de limiter son montant global, ainsi que sa concentration sur les grandes entreprises. Comme l’a montré un rapport d’Oxfam en 2017, deux tiers des créances du CIR étaient attribués aux grandes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire. Pour limiter les effets d’aubaine des grands groupes, nous proposons de réintroduire un plafond au crédit d’impôt recherche à 16 millions d’euros, soit son niveau en 2008 avant sa suppression. Vous remarquerez que nous ne demandons plus la suppression du CIR, mais que nous cherchons à le rendre plus vertueux et à éviter que beaucoup de grandes entreprises n’en tirent de grands profits.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je reconnais que c’est une dépense fiscale encore plus importante depuis 2008. Néanmoins, ma position a évolué après avoir lu les derniers rapports de France stratégie, qui montrent toutes les externalités positives nées de l’ouverture du CIR à l’ensemble des entreprises. Cela coûte assurément plus cher, mais la dynamique créée est importante. Au milieu d’une crise économique et sociale, nous devons donner à nos entreprises les meilleurs moyens pour innover et un environnement fiscal propice à la recherche et au développement. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Le groupe Socialistes n’a jamais demandé la suppression du CIR et considère que l’extension à toutes les entreprises est une bonne chose. Cela n’empêche pas le contrôle. J’avais commencé, au titre de la mission budgétaire Remboursements et dégrèvements, un travail sur ce crédit d’impôt, que l’épidémie est venue interrompre. Un plafonnement au niveau du groupe a aussi du sens quand on voit l’envolée des dépenses budgétaires, qui sont payées par tout le monde, ne l’oublions pas. Ne soyons pas dogmatiques sur ce crédit d’impôt, qui est un bon outil, à mon sens. Mais, à 6 milliards d’euros, il serait bon de s’interroger sur les effets d’aubaine qu’il pourrait y avoir – j’emploie le conditionnel à dessein.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Pires Beaune, j’espère que vous n’avez pas entendu chez moi un quelconque dogmatisme sur le CIR. Au contraire, j’ai dit que des modifications régulières n’étaient pas à exclure pour le rendre le plus efficace possible, parce que c’est une grosse dépense publique. Vous connaissez ma volonté de rendre les niches fiscales les plus efficientes possible. Ce travail de contrôle, nous pouvons le faire ensemble avec grand intérêt.

M. le président Éric Woerth. Il ne faut pas non plus changer les règles tous les ans… Cette instabilité est insupportable.

La commission rejette l’amendement I‑CF1285.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I‑CF1326 de M. Mohamed Laqhila.

La commission examine l’amendement I‑CF1366 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement des députés Les Républicains revient sur le bornage dans le temps de deux composantes du CIR : le CII, qui rembourse aux très petites, petites et moyennes entreprises 20 % des dépenses de conception de prototypes ou de pilotes de produits nouveaux ; la prise en compte au titre du CIR des dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections par les entreprises industrielles du secteur du textile-habillement-cuir. Ce sont des entreprises qui ont été très touchées par la Covid-19. Je ne suis pas sûr que le bornage au 31 décembre 2022 voté l’année dernière soit nécessaire en ces temps difficiles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le bornage a une vertu, en ce qu’il force à évaluer. C’est une méthode efficace. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Je crois que nous ne parlons pas du tout de la même chose. Vous allez expliquer aux entreprises du secteur textile que vous avez besoin d’évaluer leur système de CIR dès 2022, alors même qu’il y a un plan de relance historique pour aider les PME. On marche sur la tête ! Je suis le premier à considérer que l’évaluation des politiques publiques est majeure, mais votre contradiction est particulièrement dommageable pour ces entreprises.

Personne ne souhaite intervenir sur cette question ? Vous estimez donc tous que l’industrie textile française va tellement bien qu’il ne faut rien changer ? C’est quand même un très mauvais signal. Si vous souhaitez vraiment évaluer, évaluez le CIR dans son ensemble, en ce cas, et si l’évaluation n’est pas concluante, supprimez‑le – puisque c’est bien le but de l’évaluation.

Mme Cendra Motin. Il existe des centaines de crédits d’impôt divers et variés dont on ne sait même plus combien ils nous coûtent ni à qui on les verse. Notre objectif est de faire en sorte qu’ils soient bien évalués, afin de savoir comment est utilisé l’argent public.

M. le président Éric Woerth. Mais vous allez dépenser 100 milliards d’euros !

Mme Cendra Motin. Les évaluations sont nécessaires pour avoir des dispositifs bien calibrés. Cela ne veut pas dire qu’on va le supprimer, mais qu’on va regarder comment il fonctionne et, si des choses ne fonctionnent pas, qu’on pourra les faire évoluer. Nous avons vraiment besoin du CIR et du CII pour faire évoluer nos entreprises, mais nous devons aussi pouvoir les aider si ces dispositifs n’étaient pas bien calibrés.

M. le président Éric Woerth. Soit. C’est vraiment une micro‑île de vertu dans un océan de dépenses !

Mme Christine Pires Beaune. Je n’aurais aucun problème, après l’évaluation, à dire que c’est un bon crédit d’impôt. L’évaluation n’est pas négative a priori ! Les niches fiscales devraient toutes être passées en revue. S’agissant du CIR, en sept ans, la dépense fiscale a doublé, tandis que le nombre d’entreprises bénéficiaires a diminué. Nous sommes en droit de nous interroger.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur le président, nous partageons le souci d’être plus efficaces dans l’évaluation des politiques publiques. Ne vous défiez donc pas des bornages ! Nous nous étions collectivement mis d’accord pour ne pas laisser penser qu’ils menaçaient les crédits d’impôt. Il n’est pas justifié de croire que le bornage d’une dépense fiscale la mette potentiellement en péril. Alors que ce crédit d’impôt concerne un secteur spécifique, l’échéance de 2022 avait été calquée sur le prolongement de la validité des règles européennes en matière d’aides d’État. En aucun cas, il n’était question de dire que l’industrie du textile n’avait pas le droit de bénéficier d’aides fiscales sur la recherche et le développement. Ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de dépenses publiques en ce moment que leur efficience ne doit pas être vérifiée. Au contraire !

M. le président Éric Woerth. Nous ne nous comprenons pas. C’est d’une telle incohérence ! Mais vous avez le droit de l’assumer, bien sûr…

La commission rejette l’amendement ‑CF1366.

Elle est saisie de l’amendement I‑CF1304 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement vise à favoriser l’engagement de l’administration auprès des petites entreprises. Nous en avons déjà vu péricliter, à la suite d’une demande de remboursement du CIR quatre ou cinq années après leurs dépenses de recherche. Ces petites entreprises s’étaient très souvent engagées de bonne foi et n’auraient sûrement pas fait de telles dépenses sans le CIR. Une procédure de sécurisation existe – le contrôle sur demande –, mais seulement 4 % des petites entreprises y ont recours.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne pense pas qu’il faille donner la possibilité à une PME de demander un contrôle valant vérification de comptabilité. Il faut mettre en valeur ce qui existe : le rescrit fiscal, qui valide la nature des dépenses du CIR. Dans la loi pour un État au service d’une société de confiance (loi ESSOC), nous avons largement élargi le champ des dispositifs éligibles au rescrit, qui est prévu à l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Il faut absolument que toutes les entreprises déclarant du CIR y aient recours, d’autant que c’est ensuite opposable à l’administration.

La commission rejette l’amendement I‑CF1304.

Elle est saisie de l’amendement I‑CF50 de M. Marc Le Fur.

M. Dino Cinieri. Afin de favoriser l’accès des PME au CIR, l’amendement vise à créer un droit de rencontre entre le contribuable et l’expert mandaté par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI).

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement est très largement satisfait, puisqu’il existe déjà, dans le livre des procédures fiscales, la possibilité qu’un agent du MESRI envoie une demande de justificatif et ait un échange contradictoire avec l’entreprise. Par ailleurs, votre demande me semble d’ordre réglementaire et non législatif. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF50.

Elle examine l’amendement I-CF990 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Borner autant de niches, comme nous l’avons fait l’année dernière, était une bêtise : compte tenu de l’état dans lequel se trouveront les finances publiques en 2022, il sera très compliqué de gager tout ce que l’on débornera. Mieux vaut évaluer et remettre en cause les crédits d’impôt sans borner a priori.

Sans être défavorables au CIR, nous considérons que l’on ne peut plus distribuer autant d’argent public à des entreprises qui produisent à l’étranger, notamment hors de l’Union européenne. D’où cet amendement, qui vise à encourager la relocalisation de l’activité par l’instauration d’un système d’agrément, comme il en existe dans d’autres dispositifs fiscaux, au-delà d’un certain montant. Il demande à être travaillé, mais l’idée est que l’entreprise, lorsqu’elle sollicite un crédit d’impôt, présente ses engagements de relocalisation d’unités de production industrielles ou d’unités commerciales.

Au mois de juillet, monsieur le rapporteur général, vous considériez également que la situation était scandaleuse. La liste des bénéficiaires du CIR, je l’ai vue pendant de nombreuses années : l’industrie pharmaceutique y figure dans le top ten. La crise de la Covid-19 a révélé ce que donnait finalement de subventionner des entreprises qui ont leurs laboratoires de recherche en France mais qui font toute leur production à l’extérieur de l’Union européenne. Cela n’est plus possible aujourd’hui !

Beaucoup se réfèrent au gaullisme : jamais le général de Gaulle n’aurait distribué de l’argent public par dizaines de milliards à des gens qui délocalisent l’emploi, produisent à l’étranger et ne rapportent finalement pas tant que cela à la France. Je vous demande donc un peu de considération pour cet amendement, qui me paraît tout à fait de circonstance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Créer un climat de confiance dans la reprise, c’est aussi créer de la simplification. Ne rajoutons pas de la complexité à des systèmes fiscaux et réglementaires déjà très complexes. Subordonner le bénéfice du CIR à un agrément sous condition d’engagements validés par un groupe d’experts ajoute beaucoup de lourdeur et n’est pas de nature à améliorer la confiance entre les entreprises et l’administration, qu’elle soit nationale ou européenne.

Mieux évaluer le CIR, mieux contrôler et avoir accès à l’information, voter des éléments anti-abus et dénoncer les abus, sur tout cela, je suis d’accord avec vous. Mais n’ajoutons pas de la complexité à des outils fiscaux qui sont déjà peu simples pour les entreprises. Ils sont d’ailleurs tellement peu simples qu’une industrie de conseil en crédit d’impôt recherche s’est créée. Tant mieux pour les gens qui gagnent leur vie de la sorte, mais je ne trouve pas normal d’avoir besoin d’intermédiaires pour demander à bénéficier de dispositifs que l’administration a élaborés pour réduire l’imposition des entreprises et améliorer leur compétitivité. Avec cet amendement, vous créeriez une nouvelle branche d’expertise pour accéder à l’agrément. Ce n’est pas la vision que j’ai d’une simplification administrative. Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Il suffit d’adapter la déclaration de rescrit, qui existe déjà. Les entreprises qui engagent de fortes dépenses en matière de crédit d’impôt recherche établissent des rescrits a priori ; elles ne se lancent pas dans des programmes de recherche s’ils ne sont pas validés. Le ministère de la recherche intervient dans l’analyse du programme de recherche proposé. L’amendement ne crée donc pas de complexité.

Vous n’êtes pas contre la complexité ; vous êtes pour l’absence totale de régulation. Or sans mécanisme un peu contraignant, ces entreprises n’auront aucun intérêt à relocaliser leur activité industrielle en France. J’ai entendu la ministre de l’industrie se dire favorable à la localisation de la production industrielle dans les pays à bas coûts fiscaux et sociaux parce que c’était meilleur pour les consommateurs européens. C’est une vision qui date de vingt ans, d’une ère post-libérale complètement ringarde ! Je vous le dis, la production ne reviendra pas en Europe si nous ne créons pas de mécanismes de relocalisation.

La commission rejette l’amendement I‑CF990.

Elle examine l’amendement I-CF1010 de Mme Sabine Rubin.

Mme Danièle Obono. Il s’agit d’instaurer une pénalité financière égale au double du montant du crédit d’impôt recherche touché sur l’année, si l’entreprise supprime des postes dans la recherche. Le subventionnement de la recherche privée par le biais du CIR est devenu une dépense fiscale active, qui représente 6,2 milliards d’euros en 2019. Cela réclame de s’interroger sur l’efficacité de cette dépense, sur son utilisation et sur le contrôle de cette utilisation.

Nous sommes favorables au financement et au développement de la recherche, mais nous pensons qu’ils ne vont pas dans le sens de l’intérêt général sous la forme du CIR. Les entreprises, notamment les laboratoires voire les banques, qui en bénéficient aussi pour le développement de modèles mathématiques appliqués, n’ont pas toujours l’intérêt commun en tête. Le géant pharmaceutique français Sanofi, par exemple, a reçu 2 milliards d’euros de CIR entre 2008 et 2012 tout en supprimant 2 400 emplois dans ses laboratoires. En 2018, il a détruit un bâtiment neuf à Montpellier parce qu’il ne correspondait plus à sa stratégie de groupe. Le bâtiment, qui venait d’être achevé, n’avait jamais servi ; il avait coûté 107 millions d’euros, bien moins que ce que touche Sanofi chaque année au titre du CIR.

Voilà pourquoi il faut absolument instaurer des sanctions, lorsqu’il existe des contradictions flagrantes avec ce à quoi est censé servir le CIR.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement est très brutal : vous proposez une sanction de 100 % du CIR quelle que soit la baisse des dépenses de personnel de recherche, et sans préciser le dispositif pour un salarié qui part à la retraite ou qui démissionne – seul votre exposé sommaire sous-entend que seuls les licenciements sont concernés.

Nous avons une vision très différente de la façon d’accompagner la fiscalité des entreprises. Pour moi, la vôtre – montrer le bâton avant même de proposer une direction à notre économie pour nos emplois – est exactement ce qu’il faut éviter. La recherche et développement est forte et reconnue dans notre pays. Les entreprises s’y installent aussi pour cette raison. N’allons pas donner un caractère coercitif au CIR ! Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. À l’origine, le CIR était établi uniquement sur l’augmentation des dépenses de recherche d’une année sur l’autre. La proposition n’est donc pas aberrante : on a fonctionné ainsi pendant des années. Ce n’est qu’en 2007 ou 2008, lorsque nous avons ouvert la base, que le crédit d’impôt recherche a explosé. Si nous voulons réguler, nous pourrions réfléchir aussi à ce type de mécanisme.

La commission rejette l’amendement I-CF1010.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1018 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. Celui-ci va dans le même sens que le précédent mais sera peut-être considéré comme moins brutal par le rapporteur : la pénalité financière ne correspondrait qu’au montant de CIR perçu, majoré de 10 % en cas de licenciements.

Pour poursuivre la liste des exemples qui illustrent l’antithèse que constitue le CIR tel que certains grands groupes l’utilisent, citons Nokia, que le ministre de l’économie Emmanuel Macron avait autorisé à acquérir Alcatel Lucent. Le groupe a annoncé la suppression de 831 postes à Nozay et de 402 dans la cybersécurité, alors qu’il a perçu 273 millions d’euros entre 2016 et 2019. Dans le même ordre d’idées, Auchan, qui a perçu 500 millions d’euros de CICE en 2019, a annoncé la suppression de 1 500 postes.

Des entreprises font donc le contraire de ce qu’elles prétendent faire, avec un coût énorme pour les finances publiques et une inefficacité patente puisque l’on subventionne les licenciements. Nous proposons donc de punir ces comportements en exigeant le remboursement du CIR perçu, majoré de 10 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1018.

Elle examine l’amendement I-CF1024 de Mme Sabine Rubin.

Mme Danièle Obono. Toujours pour sanctionner des comportements qui nous semblent inadmissibles, nous souhaitons que le non-respect des obligations conduise à une sanction financière des entreprises.

Rappelons que le groupe Sanofi avait décidé de servir en priorité les États-Unis s’il trouvait un vaccin contre la Covid-19. Il utilisait cet argument – inacceptable, de notre point de vue – dans le rapport de force qui l’opposait à la France et à l’Union européenne.

M. le président Éric Woerth. Il est revenu dessus…

Mme Danièle Obono. Une entreprise dont la production est utile dans le cadre d’une crise sanitaire, qui plus est soutenue financièrement par la puissance publique, ne peut se comporter ainsi. Nous proposons donc de mettre en place les sanctions nécessaires pour que cette tentative de coup de force ne se reproduise plus.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1024.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1266 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Depuis le 1er juillet 2016, le contribuable engagé dans une procédure contradictoire avec l’administration peut saisir le comité consultatif du CIR dans un délai de trente jours. Il serait intéressant, quatre ans après sa création, de disposer d’une première approche sur l’activité du comité consultatif, rendant compte notamment du nombre d’avis transmis à l’administration et du nombre de cas dans lesquels le comité a produit une évaluation du CIR différente de celle de l’administration.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous en avons parlé longuement, les données peuvent être obtenues sans rapport, par le truchement de Mme Pires Beaune ou par le mien. Demande de retrait.

L’amendement I-CF1266 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF1286 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Si le CIR finance des recherches indispensables, notamment dans le domaine médical ou dans le secteur de la transition écologique des systèmes de production des entreprises, il peut aussi financer des recherches dont l’utilité sociale et économique est loin d’être évidente, voire des recherches néfastes. Par exemple, dans les secteurs bancaire et financier, le développement des algorithmes et de l’intelligence artificielle pour réduire les délais des ordres d’achat ou de vente de titres ne semble pas particulièrement utile à la société – du moins la société n’a-t-elle pas particulièrement besoin de financer ce type de recherche. Pire, il pourrait renforcer l’instabilité financière et la volatilité sur les marchés.

Nous demandons donc que les parlementaires puissent disposer d’un panorama des recherches que finance ce crédit d’impôt, pour en apprécier l’utilité sociale ou économique. Le rapport ainsi demandé participerait à une meilleure connaissance et une meilleure lisibilité de l’utilisation des ressources publiques, et de mieux concentrer celles-ci sur des dispositifs indispensables.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1286.

M. Jean-Paul Dufrègne. J’avais demandé la parole, monsieur le président ! Ce n’est pas la première fois que vous me la refusez. On voit bien l’orientation de la politique qui nous est proposée aujourd’hui !

M. le président Éric Woerth. Nous avons examiné quarante amendements en une heure et demie. J’ai donc le sentiment que de nombreux orateurs se sont exprimés. Ne faites pas de mauvais procès, monsieur Dufrègne, vous les perdriez !

La commission adopte l’article 8, modifié.

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*     *

Après l’article 8

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF890 de M. Éric Coquerel et I-CF1295 de M. Jean-Paul Dufrègne ainsi que les amendements I-CF1294 de M. Fabien Roussel et I-CF991 de Mme Émilie Cariou.

Mme Danièle Obono. Alors que des millions de concitoyens et concitoyennes vont basculer ou ont déjà basculé dans la précarité et la pauvreté, les rapports – celui d’Oxfam, récemment – se succèdent pour montrer combien les grandes entreprises profitent de la crise. Les plus fortunés se sont encore enrichis sous ce quinquennat : le patrimoine des 5 % les plus riches s’élève à 4 472 milliards d’euros, soit un tiers du patrimoine total des Français.

Une forme de séparatisme grandit dans la société du fait de ces inégalités. Les mesures prises par le Gouvernement depuis 2017 y ont clairement participé, notamment le prélèvement forfaitaire unique (PFU). De nombreux économistes et observateurs et observatrices, qui ne sont pas membres de La France insoumise, ont relevé que ces mesures bénéficiaient non pas à la majorité de la population, mais à celles et ceux qui sont déjà extrêmement privilégiés.

C’est pourquoi l’amendement I-CF890 vise à supprimer ce dispositif.

M. Fabien Roussel. Dans le nouveau monde que nous devons bâtir, cet allègement des impôts sur les dividendes est anachronique et ne devrait plus exister. Nous allons avoir besoin de la solidarité de tous, d’autant qu’aucune étude n’a prouvé que cet allègement favoriserait les investissements. Nous aurons besoin que les richesses créées par les salariés soient entièrement consacrées à l’investissement dans les entreprises et à la relocalisation de l’activité. C’est la raison pour laquelle l’amendement I-CF1295 vise à supprimer la flat tax.

Parce que nous aurons aussi besoin de ressources, l’amendement I-CF1294 a pour objet de créer une taxe additionnelle sur les dividendes, de 4 %. Nous reprenons là une des propositions de la convention citoyenne pour le climat, que, bizarrement, le Président de la République a fait le choix d’écarter immédiatement. Nous vous proposons d’en débattre dans le cadre de ce PLF et, en faisant contribuer les bénéficiaires de dividendes, de faire en sorte de disposer de ressources complémentaires pour le budget.

Mme Émilie Cariou. Dans la période que nous traversons, compte tenu de la crise qui frappe notamment notre population, avec une explosion de la pauvreté et l’augmentation de 10 % des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), nous pourrions faire un peu plus contribuer les revenus du capital, c’est-à-dire les intérêts, les dividendes, les plus-values, qui sont aujourd’hui taxés au PFU. L’amendement I-CF991 vise ainsi à augmenter le PFU de 3 points.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis totalement défavorable à la suppression du PFU, qui est l’une des meilleures mesures fiscales de cette législature.

M. Fabien Roussel demandait des résultats. Regardez le retour de l’investissement dans ce pays ou la création nette d’emplois, notamment dans l’industrie, depuis trois ans : ils sont directement liés à une fiscalité des revenus du capital qui, sans créer un paradis fiscal, est cohérente avec nos pays partenaires. Le PFU, mis en place à la fin de l’année 2017, est l’une des mesures fiscales qui a eu le plus d’effet, le plus rapidement, dans le retour de l’investissement et de l’emploi dans notre pays. L’augmenter ou le supprimer enverrait un signal négatif et contre-intuitif.

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. Daniel Labaronne. Un comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital se réunit régulièrement. Je vous propose d’attendre l’avis qu’il publiera très prochainement, qui confirmera ce qu’a dit le rapporteur général, à savoir que les réformes de la fiscalité du capital ont eu une incidence forte, notamment sur la croissance économique.

M. Jean-Paul Dufrègne. Pour l’instant, on n’a rien !

M. Daniel Labaronne. C’est parce que je ne veux pas dévoiler les résultats de l’avis. J’attends qu’il soit rendu public.

M. Jean-Paul Dufrègne. C’est un grand secret !

M. Daniel Labaronne. Ces réformes ont eu des résultats intéressants, du point de vue de l’attractivité de notre territoire, sur les investissements directs étrangers ainsi que sur la création d’emplois : nous avons créé 500 000 emplois, en partie d’ailleurs dans le secteur industriel, qui a bénéficié des dispositions relatives à la fiscalité du capital.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il serait bon que nous ayons cette étude maintenant !

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF890 et ICF1295, ainsi que les amendements I-CF1294 et I-CF991.

Elle examine l’amendement I-CF1325 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Il s’agit d’étendre le prélèvement forfaitaire unique aux revenus issus du foncier, bien maltraités : ils supportent les cotisations sociales à hauteur de 17,2 % et sont soumis à l’impôt sur le revenu. Alors que l’on souhaite relancer la transition énergétique et la rénovation des bâtiments, ce serait un signe envoyé aux investisseurs immobiliers, quitte à n’en faire qu’un régime optionnel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Nous n’avons pas la même vision du PFU, dont la philosophie était bien de favoriser la fiscalité sur les revenus du capital, notamment mobilier. Nous n’étions pas d’accord il y a trois ans ; nous ne le sommes toujours pas aujourd’hui.

M. Charles de Courson. Notre collègue Mattei a raison. Il faut que vous soyez cohérent, monsieur le rapporteur général. Vous considérez l’investissement dans l’immobilier comme un investissement de rentier, alors que si on investit dans des valeurs mobilières, notamment des obligations d’État, on n’est pas un rentier, on prend des risques. C’est complètement aberrant ! L’obligation d’État, c’est la définition de la rente !

Le système actuel est incohérent. Il faut choisir : soit vous supprimez la totalité de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), impôt sur la fortune immobilière (IFI) compris – en mettant tout le monde au PFU, à la suite de M. Mattei –, soit vous revenez à une fiscalité traditionnelle. Là, on est dans un entre-deux qui n’a aucune cohérence.

L’amendement a le mérite de soulever cette incohérence. Allez expliquer à un investisseur qui a de l’épargne qu’investir dans l’immobilier est une rente… Vraiment, ceux qui ont imaginé cela n’ont jamais géré des investissements immobiliers !

M. le président Éric Woerth. M. Mattei a raison.

M. Jean-Paul Mattei. Je suis sidéré par la vision, essentiellement financière, que vous avez de l’économie. L’investissement immobilier est un investissement d’aménagement du territoire, créant des emplois qui ne sont pas délocalisables. Il faudra changer d’état d’esprit, à la lumière de ce que nous sommes en train de vivre. L’investissement immobilier n’est pas le seul fait de grands rentiers ; il y a aussi de petits investisseurs, qui auraient le droit d’être traités fiscalement comme d’autres investisseurs dans les PME.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il m’est très agréable de retrouver les débats de la fin de 2017 : je rajeunis !

Je n’ai jamais parlé de rente sur l’immobilier ; j’ai parlé de choix de dispositifs fiscaux sur l’investissement.

Il est vrai que, lorsque l’on investit dans les obligations d’État, on bénéficie du PFU pour une prise de risque minime. Mais on ne va pas aller distinguer portefeuille d’assurance-vie par portefeuille d’assurance-vie ce qui relève des unités de compte de ce qui relève d’une obligation d’État. Il faut aussi un peu de simplicité !

Le prélèvement forfaitaire unique porte sur les investissements dont certains sont productifs – l’objectif est bien d’augmenter la part d’investisseurs individuels dans ce type de rendement et d’investissements productifs. Ce n’est pas une vision financière de l’économie ; il n’y a aucun mépris pour l’investissement immobilier – qui a d’ailleurs des avantages fiscaux par d’autres biais.

L’objet du PFU est simplement d’être un avantage fiscal, créé exclusivement pour l’investissement le plus productif possible pour l’économie réelle. Ce n’est absolument pas une opposition avec l’investissement immobilier, comme si c’était le diable et qu’il ne fallait pas investir dans l’immobilier. Encore une fois, je n’ai jamais parlé de rente.

La commission rejette l’amendement I-CF1325.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF1083 de Mme Sabine Rubin et I-CF1078 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. Les deux amendements ont le même objet : taxer les dividendes.

Alors que le Gouvernement est habilité à prendre une ordonnance pour modifier les règles de distribution des bénéfices et de versement des dividendes, le ministre de l’économie s’est contenté d’inviter pudiquement les entreprises à faire preuve de modération. À son grand désarroi, il n’a pas été entendu : Vivendi a très fortement recouru au chômage partiel, ce qui ne l’a pas empêché de verser 687 millions d’euros de dividendes. D’autres grandes entreprises du CAC 40 se sont illustrées de la sorte. Les rapports que j’évoquais, notamment ceux d’Oxfam, confirment cette tendance en période de pandémie, alors que la puissance publique a donné beaucoup d’aides aux très grandes entreprises, sans les soumettre à condition.

L’amendement I-CF1083 vise ainsi à instituer jusqu’en 2022, une taxe exceptionnelle de 50 % sur les dividendes, qui permettra, d’une part, d’orienter les bénéfices des entreprises vers le maintien de l’investissement et de l’emploi et, d’autre part, de récolter des recettes permettant de traverser au mieux la période de crise économique et sanitaire que nous connaissons.

L’amendement de repli I-CF1078 reprend une proposition de la convention citoyenne pour le climat, qui évaluait à 4 % la taxation additionnelle sur la taxe spéciale sur les dividendes – qui serait bienvenue, non seulement afin d’augmenter les moyens pour une protection sociale plus forte par l’État, mais aussi dans la perspective, la nécessité, l’exigence d’une bifurcation écologique. Il est plus qu’urgent de trouver cette marge de manœuvre financière aujourd’hui.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1083 et I-CF1078.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF914 de M. Daniel Labaronne et ICF1360 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Daniel Labaronne. Il s’agit d’insérer dans le code général des impôts une disposition tendant à appliquer l’exonération du prélèvement forfaitaire non libératoire aux dividendes des titres inscrits dans un plan d’épargne retraite (PER) individuel, ou compte titres, comme cela existe dans le plan d’épargne en actions (PEA). Une telle exonération semble nécessaire pour préserver le rendement de l’épargne retraite placée sur le PER.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas du même avis. Contrairement à ce que vous avez dit, ces amendements exonèrent d’imposition tout dividende, sans condition de réemploi dans le PER ni d’indisponibilité. Je ne suis pas favorable à une exonération inconditionnelle sans motif. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF914 et I-CF1360.

Elle est saisie de l’amendement I-CF230 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il vise à permettre aux travailleurs non salariés de débloquer le montant d’épargne retraite correspondant à leurs besoins. Dans la troisième loi de finances rectificative, une disposition leur permettait de débloquer leur épargne retraite dans la limite de 2 000 euros par personne. Il s’agit ici de supprimer cette limite.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons eu ce débat en PLFR 3. La mesure coûterait plus de 4 milliards d’euros. Cela me semble déraisonnable. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF230.

Elle est saisie de l’amendement I-CF916 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Il s’agit d’exonérer les plus-values immobilières réalisées lorsque l’investisseur, celui qui possède un PER, cède des parts de sociétés immobilières, de type sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ou organisme de placement collectif en immobilier (OPCI). L’objectif est de préserver le rendement de l’épargne retraite placée sur le PER et de ne pas dissuader l’épargnant de placer son épargne sur ces valeurs immobilières.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cela renvoie au débat que nous avons eu avec M. Mattei. Par cohérence, l’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF916.

Elle est saisie de l’amendement I-CF922 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Il vise à relever le plafond des sommes déductibles pouvant être placées sur un plan d’épargne retraite ainsi que le plafond de l’épargne prévoyance, pour favoriser l’épargne des travailleurs indépendants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Au-delà du coût de la mesure, qui est élevé, il faut se demander si nous faisons de l’épargne de long terme des indépendants une priorité. Certains en ont besoin, je ne dis pas le contraire, et il existe déjà des dispositifs, mais je ne suis pas certain qu’il faille donner une telle incitation.

Dans le cadre de la relance, nous devons aider les indépendants à gérer leur trésorerie, les financer mais pas les inciter à épargner sur le long terme. Au contraire, nous avons un enjeu de désépargne.

La commission rejette l’amendement I-CF922.

Elle est saisie de l’amendement I-CF643 de M. Thomas Rudigoz.

M. Thomas Rudigoz. Cet amendement vise à permettre le déblocage anticipé des plans d’épargne entreprise (PEE) dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons. Il se fonde sur des remontées de terrain, que nous avons tous connues, pendant le confinement : de nombreux commerçants ou dirigeants de TPE ou PME nous ont demandé de les autoriser à utiliser l’épargne bloquée sur leur compte pour renflouer leur trésorerie.

Il s’agit donc d’étendre le dispositif que nous avons adopté dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, à savoir la possibilité pour les travailleurs non salariés de débloquer de manière anticipée leur épargne retraite ou les contrats dits Madelin, à titre exceptionnel, pour faire face aux conséquences économiques de la Covid-19. Les sommes ainsi débloquées seront exonérées d’impôt sur le revenu, afin que l’ayant droit bénéficie encore davantage de son épargne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Lors des débats du PLFR 3, pour les épargnes longues, comme les PER, nous avions relevé le plafond et défiscalisé jusqu’à 2 000 euros – la limite de défiscalisation à 8 000 euros n’avait pas été retenue. Vous proposez d’étendre la défiscalisation aux PEE, dans une limite de 8 000 euros par épargnant. Le coût serait colossal pour les finances publiques. Même si je souscris à l’enjeu de désépargne, que j’évoquais précédemment, j’estime qu’il y a déjà un nombre important de déblocages anticipés, notamment dans les phases d’acquisition – résidence principale, naissance d’un enfant ou autre événement de la vie…

Si vous aviez fait cette proposition lors de la crise précédente, alors que les possibilités de déblocage anticipé étaient beaucoup moins nombreuses, nous aurions pu en discuter. Actuellement, ces possibilités sont nombreuses – ceux qui ont débloqué des montants de leur PEE le savent – et correspondent à des moments de dépenses et d’investissement élevés.

Au demeurant, n’oubliez pas que derrière tous ces plans d’épargne, il y a des industries, des gestionnaires d’actifs. Il faut aussi faire attention à leurs liquidités et à leurs capacités d’investissement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF643.

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Article additionnel après l’article 8
Date d’envoi de la déclaration sur l’honneur en vue de la dispense de prélèvement lors de la sortie en capital d’un plan épargne retraite

Elle examine les amendements identiques I-CF917 de M. Daniel Labaronne et ICF1368 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Daniel Labaronne. L’amendement I-CF917 vise à permettre aux personnes physiques de demander l’application de la dispense du prélèvement forfaitaire non libératoire au plus tard à la date d’encaissement des produits afférents au versement réalisé sur un PER.

M. Jean-Noël Barrot. Il s’agit d’une mesure de simplification à destination des détenteurs d’un plan d’épargne retraite, qui sont plutôt des ménages modestes. Ils peuvent bénéficier d’une exonération du prélèvement forfaitaire non libératoire au moment de la sortie du plan d’épargne retraite, à condition de le demander avant le 30 novembre de l’année précédant celle du paiement des revenus.

L’amendement I-CF1368 tend à décaler cette date à celle de la sortie effective du PER, pour éviter que les contribuables, ayant oublié de solliciter l’exonération, ne puissent en bénéficier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette simplification va dans le bon sens. Avis favorable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Est-ce bien la date du 30 novembre qui figure dans la loi ?

M. Jean-Noël Barrot. Oui.

Mme Véronique Louwagie. Peut-on opter pour un prélèvement libératoire ou non libératoire lors de l’établissement de la déclaration de revenus ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous ne parlons pas de la même chose. Les amendements traitent de la dispense.

La commission adopte les amendements identiques I-CF917 et I-CF1368 (amendement 2814).

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Après l’article 8

La commission examine les amendements identiques I-CF587 de M. François Pupponi, I-CF829 de M. Stéphane Peu et I-CF1212 de M. Aurélien Taché.

M. François Pupponi. Il s’agit de rectifier un oubli. Aujourd’hui, lorsque des particuliers vendent un bien immobilier à un organisme chargé de construire des logements sociaux, ils sont exonérés de plus-value. Or les organismes de foncier solidaire ont été oubliés : tous les bailleurs sociaux sont éligibles, sauf ces organismes, alors qu’ils construisent du logement très social. Cela n’incite pas les particuliers à leur vendre des terrains.

M. Jean-Paul Dufrègne. Pour une fois, nous sommes pour une exonération d’impôt sur les plus-values, car il s’agit de favoriser le logement social.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, car les organismes de foncier solidaire ont déjà des dispositifs fiscaux favorables. Ainsi, les collectivités territoriales ont la possibilité d’accorder un abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties quand les logements font l’objet d’un bail réel solidaire. Dans la loi de finances pour 2020, nous avons, en outre, adopté une nouvelle réduction d’impôts pour les souscriptions dans ces organismes, lorsqu’ils sont agréés entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS).

En revanche, je serai favorable, après l’article 9, à l’amendement I-CF1109, qui étend l’application du taux réduit de TVA aux livraisons d’immeubles réalisés en vue de la conclusion d’un bail réel solidaire.

M. François Pupponi. Ce n’est pas la même chose !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet, c’est pourquoi je le dis en complément.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, parfois, je vous entends mais je ne vous comprends pas. Le détenteur d’un terrain, lorsqu’il le vend à un organisme d’habitations à loyer modéré (HLM) pour faire du logement social, est exonéré de plus-value – cela incite donc les gens à libérer du foncier ; s’il vend à un organisme solidaire, super social, il n’est pas exonéré car, dites-vous, il bénéficie d’autres avantages. Mais ceux que vous évoquez, les organismes logeurs en disposent aussi. Cela n’est pas cohérent ! C’est un problème de justice, quand ces organismes solidaires ont déjà suffisamment de mal à faire du logement très social.

Franchement, je ne comprends pas votre avis, et j’en appelle au bon sens de nos collègues commissaires aux finances pour adopter ces amendements.

M. Jean-Paul Mattei. Je soutiendrai les amendements, car ils ne concernent pas les mêmes personnes. Ce sont les vendeurs qui sont exonérés de plus-value, comme une incitation à libérer du foncier pour ces organismes. Je ne comprends pas la différence de traitement qui est faite entre les deux types de structures. Elle n’est pas légitime.

Quant à l’amendement I-CF1109, sur la TVA, il n’a pas le même objet : le dispositif bénéficiera aux sociétés, non aux cédants.

La commission rejette les amendements identiques I-CF587, I-CF829 et ICF1212.

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Article additionnel après l’article 8
Prorogation de l’exonération des plus-values immobilières tirées de la cession d’un droit de surélévation pour les particuliers et certaines entreprises

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF921 de M. Jean-Paul Mattei et I-CF1324 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement I-CF921 vise à repousser au 31 décembre 2023 la date d’extinction du dispositif d’exonération des plus-values de cession d’un droit de surélévation, afin d’accompagner les entreprises et l’effort de production de logements par la densification, en cohérence avec le projet du Gouvernement, qui avait déjà conduit à étendre cette possibilité jusqu’en 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement I‑CF1324, mieux rédigé, étend le dispositif jusqu’au 31 décembre 2022. C’est pourquoi je lui donne un avis favorable alors que j’émets un avis défavorable à l’amendement I-CF921.

L’amendement I-CF921 est retiré.

La commission adopte l’amendement I-CF1324 (amendement 2815).

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Après l’article 8

La commission est saisie des amendements identiques I-CF768 de M. Fabrice Brun et I-CF950 de Mme Lise Magnier.

M. Fabrice Brun. Le code général des impôts prévoit que les moins-values de cession de valeurs mobilières ne sont imputables que sur les plus-values de même nature. Cet amendement vise à imputer les moins-values de cession de valeurs mobilières sur le revenu global afin de limiter la prise de risque d’investissement par les ménages français, dans un contexte pour le moins mouvant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si nous adoptions ces amendements, je crains que M. Mattei ne nous reproche de privilégier l’économie financière. Le prélèvement forfaitaire unique est un avantage fiscal utile mais généreux. Nous pouvons nous en tenir à cet équilibre. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF768 et I-CF950.

Elle est saisie de l’amendement I-CF372 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans la continuité de la loi PACTE, afin de favoriser la transmission des entreprises, cet amendement tend à instaurer un seuil unique de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires ou de total de bilan au lieu des précédents seuils de moins de 10 salariés et de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il s’inspire de la proposition de loi de MM. Claude Nougein et Michel Vaspart, que les sénateurs ont adoptée le 7 juin 2018, visant à simplifier, moderniser et sécuriser la transmission d’entreprise dans nos territoires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Tel qu’il est rédigé, l’amendement est satisfait sur deux points : le seuil de chiffre d’affaires et de bilan ainsi que l’extension à la vente de droits sociaux. Sans doute a-t-il été écrit sans tenir compte du dispositif adopté en loi de finances pour 2019. Je vous invite à le retirer pour le réécrire d’ici à la séance.

L’amendement I-CF372 est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF5 de M. Marc Le Fur, ICF117 de M. Dino Cinieri et I-CF173 de M. Fabrice Brun.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de retrouver la situation antérieure à 2012 en revenant à la cadence et aux taux d’abattement pour durée de détention ouvrant droit à une exonération totale des plus-values immobilières à l’impôt sur le revenu au terme de quinze ans de détention, afin de redynamiser le marché immobilier et développer les ventes.

M. Fabrice Brun. La durée de détention ouvrant droit à une exonération totale des plus-values immobilières à l’impôt sur le revenu est passée de quinze à trente ans avant d’être ramenée à vingt-deux ans. Nous vous proposons de revenir à la durée initiale de quinze ans, car cette mesure a fait ses preuves en dynamisant le marché immobilier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est vrai, ce mécanisme a démontré son efficacité. D’ailleurs, il serait intéressant de comparer les avantages fiscaux liés à la plus-value de cession immobilière que proposent les différents pays. Sans vouloir trop m’avancer, je pense que la France est en bonne position. Le travail que j’ai mené avec Marc Le Fur a ainsi montré que les Américains faisaient payer cher la plus-value sur la cession immobilière, contrairement à la France qui propose un régime d’imposition favorable. Nous pouvons en rester à vingt-deux ans.

Puisque vous m’en donnez l’occasion, je rappellerai que la fiscalité reposant sur les ménages a diminué de 22 milliards d’euros ces trois dernières années – je ne suis pas certain, si nous les comparions, que d’aussi bons résultats pourraient être trouvés sous d’autres quinquennats. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF5, I-CF117 et ICF173.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1011 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Je tiens beaucoup à cet amendement. La crise sanitaire montre la nécessité pour les responsables des monuments historiques privés, qui participent au développement économique local, de disposer d’une trésorerie pouvant être utilisée pour financer les charges courantes ou les travaux urgents. Il est ainsi proposé de créer une épargne de précaution ou de travaux, alimentée par le propriétaire en fonction de ses capacités financières de l’année, et qui pourrait être utilisée au moment le plus opportun au regard du programme de travaux envisagé.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement vous tient à cœur, je le sais, mais il n’est pas possible de transposer le mécanisme de déduction pour aléas qui existe en fiscalité agricole à l’exploitation d’un monument historique car les logiques ne sont pas les mêmes. Nous en avons discuté lors de l’examen du PLFR 3 et mon avis reste défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1011.

Elle est saisie de l’amendement I-CF883 de Mme Sabine Rubin.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à supprimer l’abattement de 40 % sur les dividendes. Au deuxième semestre 2019, la France est le pays d’Europe où les entreprises cotées en bourse reversent la plus grande part de leurs bénéfices en dividendes. La manne versée aux actionnaires a atteint un montant record de plus de 60 milliards d’euros en 2019 et augmenté de 36 % depuis le début du quinquennat Macron malgré une augmentation des profits quasiment nulle. Selon l’organisation caritative Oxfam, 37 milliards d’euros ont été distribués pendant la crise. Cet accaparement par le capital de la richesse créée par le travail contribue à accroître d’une manière insupportable les inégalités dans le monde et en France, que la politique menée par le Gouvernement creuse chaque jour davantage.

Rien ne saurait justifier l’accroissement supplémentaire des inégalités de richesse, causé par un abattement de 40 % sur les dividendes. Nous proposons, par conséquent, de supprimer ce dispositif.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’abattement de 40 % sur les dividendes n’est pas un cadeau fiscal ; il permet de compenser leur double imposition car les bénéfices distribués ont déjà été taxés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF883.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF966 de Mme Lise Magnier.

Elle examine l’amendement I-CF71 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’exit tax consiste à taxer un contribuable domicilié fiscalement en France et détenant des actions lorsqu’il transfère son domicile fiscal hors de France. Il est imposé sur la plus-value latente qui résulterait de la vente de ses actions et qui représente la différence entre le coût d’acquisition d’un bien et sa valeur réelle. Vous l’avez supprimée pour quelques centaines de contribuables. Nous proposons de revenir au régime initial de l’exit tax, ce qui permettrait de dégager entre 200 et 400 millions d’euros de recettes supplémentaires. J’espère que vous serez sensible à cet argument.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis sensible à toute mesure susceptible d’apporter de nouvelles recettes, sauf si elle contrarie la politique de relance que nous menons et rend moins attractive notre fiscalité.

M. Fabrice Brun. Ce sont les contribuables les plus aisés !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La fiscalité n’est pas seulement affaire d’assiette et de taux, mais aussi de sens du message envoyé à nos contribuables ! Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. Je ne pense pas qu’en continuant de favoriser, en pleine crise sanitaire et économique, les 200 à 300 contribuables les plus aisés de notre pays, nous envoyions le meilleur message qui soit.

La commission rejette l’amendement I-CF71.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF369 et ICF370 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous vous proposons de reporter le dispositif de l’ISF-PME vers l’IR-PME pour renforcer le financement des entreprises par les particuliers, en prévoyant un taux de réduction d’impôt de 30 % au lieu de 18 %, et d’augmenter les plafonds applicables.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dans le contexte de la suppression de l’ISF, afin de compenser la suppression des réductions d’impôt sur la fortune pour l’investissement dans les PME, le taux de la réduction d’impôt IR-PME a été provisoirement porté à 25 % jusqu’au 31 décembre 2018, l’objectif étant de transférer ces sommes dans des investissements productifs. L’entrée en vigueur de ce taux était conditionné à une autorisation de la Commission européenne : nous avons mis près de trois ans à avoir cette autorisation et à passer de 18 % à 25 %. C’était devenu le marronnier de chaque projet de loi de finances !

Le taux majoré, enfin entré en vigueur le 9 août dernier, est applicable jusqu’au 31 décembre 2020. En accord avec le Gouvernement, je présenterai un amendement, en deuxième partie, pour proroger ce dispositif d’une année supplémentaire. Le ministre de l’économie l’a d’ailleurs annoncé ce matin à la radio.

Par conséquent, je vous invite à nous en tenir à la prorogation du dispositif IR-PME telle que la Commission européenne l’a accepté et à ne pas en modifier les paramètres pour ne pas prendre le risque de le rendre inapplicable. En attendant de voter l’amendement que je vous présenterai en deuxième partie, je vous invite à retirer ces amendements qui visent à renforcer l’avantage fiscal ou à modifier les montants des plafonds ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF369 et ICF370.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1207 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Pour inciter les contribuables à investir et réinvestir dans les fonds propres et quasi-fonds propres des PME, l’amendement tend à ce que les plus-values de transfert de valeurs mobilières qui seraient réinvesties dans des PME éligibles au dispositif IR-PME bénéficient, sur option du contribuable, du sursis d’imposition.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1207.

Elle examine l’amendement I-CF715 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce petit amendement concerne les entreprises solidaires qui développent des projets pour favoriser la transition énergétique en levant l’épargne d’initiative citoyenne. Ces entreprises ne sont pas éligibles à l’IR-PME, car leurs activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif de rachat de la production d’électricité renouvelable ou d’un contrat de complément de rémunération – comme celles du secteur de l’éolien ou du solaire – elles sont exclues de ce dispositif. Cet amendement tend à rendre ces entreprises solidaires éligibles au dispositif de l’IR-PME et à bénéficier du taux de 25 %, suite à l’accord de la Commission européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Après réflexion, il y aurait peut-être un sens à étendre le champ des entreprises solidaires d’utilité sociale éligibles au dispositif IR-PME aux entreprises que vous mentionnez. Accepteriez-vous de retirer votre amendement pour le déposer à nouveau en séance publique, afin de me laisser le temps d’en chiffrer le coût et de l’analyser plus précisément ?

M. Charles de Courson. Le secteur de la transition énergétique représente environ 30 millions d’euros de capital levés en dix ans. En espérant qu’il se développe, nous pouvons tabler sur 4 ou 5 millions par an, ce qui représente un coût de un million en retenant le taux de 25 %. Voulez-vous que je le retire ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. S’il vous plaît. Ainsi, je pourrai vous donner une réponse plus précise en séance publique.

M. Charles de Courson. Je suis fort aise que cet amendement ne vous choque pas.

L’amendement I-CF715 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF371 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le code général des impôts prévoit que la réduction d’impôt sur le revenu égale à 25 % du montant des intérêts des emprunts contractés pour acquérir, dans le cadre d’une opération de reprise, une fraction du capital d’une PME, s’applique aux emprunts contractés jusqu’au 31 décembre 2011.

La crise économique actuelle rendant plus difficiles encore les transmissions d’entreprises, je vous propose de réactiver ces dispositions jusqu’au 31 décembre 2022.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez de ressusciter un crédit d’impôt arrivé à échéance fin 2011 mais que nous avons supprimé dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie en 2008. Je n’y suis pas opposé par principe mais, entre-temps, d’autres dispositifs en faveur de la transmission ont été mis en place : le crédit d’impôt IS en faveur des sociétés constituées pour racheter une entreprise en 2007, le dispositif du crédit-vendeur, instauré ensuite, et le Dutreil.

Dans ces conditions, il ne me semble pas nécessaire de recréer la niche fiscale à l’IR. La fiscalité de la transmission est satisfaisante. Si nous décidions de réactiver ce crédit d’impôt, il faudrait désactiver les autres crédits d’impôts. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Les dispositifs que vous décrivez ne s’appliquent pas forcément aux mêmes situations : le premier concerne les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, le second les vendeurs. Or nous proposions, quant à nous, de soutenir les repreneurs, les personnes qui s’engagent. Ces dispositifs sont complémentaires et ne s’appliquent pas aux mêmes situations.

La commission rejette l’amendement I-CF371.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF132 de M. Dino Cinieri et I-CF14 de M. Marc Le Fur.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF132 vise à repousser le bornage dans le temps de l’application de l’article 199 tervicies du code général des impôts relatif aux quartiers anciens dégradés et aux quartiers fortement dégradés.

Compte tenu de la durée moyenne des travaux et afin de ne pas remettre en cause la sécurité juridique et fiscale des investisseurs privés désireux de bénéficier de la réduction d’impôt Malraux, il convient de rehausser les taux de 22 % à 30 %, de 30 % à 42 % et les plafonds de 400 000 à 520 000 euros, et de prolonger le bornage jusqu’au 31 décembre 2026.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le dispositif Malraux a déjà été prorogé, l’année dernière, jusqu’en 2022.

La commission rejette successivement les amendements I-CF132 et I-CF14.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF150 de M. Dino Cinieri et I-CF45 de M. Marc Le Fur.

M. Dino Cinieri. Afin de favoriser l’innovation des PME, l’amendement I‑CF150 tend à augmenter le taux du CII de 20 % à 35 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le débat sur le CIR et le CII a déjà eu lieu : nous devons maintenir les taux actuels. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF150 et I-CF45.

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Article additionnel après l’article 8
Exonération de la contribution de sécurité immobilière pour la publication des obligations réelles environnementales

La commission est saisie de l’amendement I-CF1111 de M. François Jolivet.

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement tend à favoriser le dispositif des obligations réelles environnementales, en faisant bénéficier les propriétaires de biens immobiliers qui en contractent d’une exonération de contribution de sécurité immobilière.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement I-CF1111 (amendement 2813).

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Après l’article 8

La commission examine les amendements identiques I-CF714 de M. Charles de Courson et I-CF1154 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Charles de Courson. Le taux d’enregistrement applicable aux titres des foncières solidaires s’élève à 5 %, ce qui est injuste par rapport aux titres des organismes HLM, des sociétés d’économie mixte et des établissements de crédit mutualistes ou coopératifs qui sont soumis, en raison de leur utilité sociale, aux droits d’enregistrement au taux réduit de 0,1 %.

Nous proposons, par conséquent, de réduire, pour les entreprises solidaires à prépondérance immobilière, le taux des droits d’enregistrement de 5 % à 0,1 %. Le coût d’une telle mesure serait epsilonesque, de l’ordre de 120 000 euros si l’on part de la somme de 5 millions par an.

M. Jean-Noël Barrot. La période me semble propice pour réparer l’injustice faite aux foncières solidaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les entreprises solidaires à prépondérance immobilière ne sont pas dans la même situation que les établissements de crédit mutualistes ou coopératifs. Il est donc cohérent de leur appliquer le taux de droit commun de 5 % pour l’immobilier en matière de droits d’enregistrement.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas logique. Alors que vous avez montré un esprit d’ouverture pour un amendement précédent, vous considérez que ces entreprises solidaires ne doivent pas être traitées comme les sociétés HLM, dont les droits d’enregistrement sont soumis au taux réduit de 0,1 %.

Franchement, l’amendement Barrot-de Courson ne vous coûterait que des clopinettes, pas plus de 120 000 euros ou 130 000 euros. Et en plus, il a le mérite de la cohérence !

La commission rejette les amendements identiques I-CF714 et I-CF1154.

Elle est saisie de l’amendement I-CF324 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’année dernière, nous avons décidé de réduire le droit de partage en en ramenant le taux de 2,5 % à 1,8 % à compter de 2021, et à 1,1 % à compter de 2022. Or ce droit de partage renchérit considérablement le coût des divorces et peut, dans certaines situations, retarder les opérations de liquidation. Aussi proposons-nous de le supprimer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons voté dans la loi de finances pour 2020, à l’initiative de Joël Giraud notamment, la réduction du taux de ce droit dans les cas où le partage intervient à la suite d’un divorce ou de la rupture d’un PACS. C’est une bonne étape, à laquelle je vous propose de nous en tenir pour en préserver l’équilibre financier. Votre proposition est logique et nous y viendrons, pour paraphraser un habitué de cette commission ; c’est une question de temps.

La commission rejette l’amendement I-CF324.

Elle examine l’amendement I-CF559 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement est le premier d’une série dont l’objet est de faciliter la transmission des biens, par succession ou donation. Il vise à réintégrer les donations antérieures dans une donation-partage.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même réponse qu’à Mme Louwagie.

M. Jean-Paul Mattei. La réintégration d’une donation, considérée comme une opération de partage, est soumise à un droit de partage de 2,5 % sur les biens incorporés pour leur valeur à la date de l’acte de donation-partage.

L’amendement de M. Brun est intéressant en ce qu’il permettrait d’éviter un surcoût et de ne pas dissuader les disposants de recourir à un tel dispositif, qui sécurise le règlement des successions et assure la paix dans les familles.

La commission rejette l’amendement I-CF559.

Elle examine l’amendement I-CF928 de M. Éric Coquerel.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à refonder complètement le barème de notre impôt sur l’héritage en le rendant plus progressif et en ajoutant des tranches, pour parvenir peu à peu à un taux de 100 % pour la part des héritages dépassant 33 millions d’euros.

Au-delà du contexte actuel, les inégalités sociales, celles liées à la naissance, ne cessent de s’accentuer. L’héritage en est le reflet.

Notre proposition n’est pas confiscatoire puisque la tranche maximale ne toucherait qu’une part infinitésimale de la population : en 2015, seuls les 0,01 % des plus riches détenaient un patrimoine de plus de 33 millions d’euros quand, parallèlement, les 10 % de ménages les moins dotés détenaient chacun moins de 4 300 euros. Tout ne serait pas confisqué.

Ce nouveau barème permettrait, dans une tradition républicaine, de contenir les inégalités de naissance et d’avancer vers une société plus égalitaire, que beaucoup d’entre vous prônent mais en faveur de laquelle peu agissent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Un taux marginal de 100 % serait inconstitutionnel. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. D’un côté, les députés de droite font de la surenchère en proposant des mesures qui nous donneraient le vertige s’il fallait les chiffrer – ce qui ne les empêche pas de nous donner des leçons de morale à propos de la dette. De l’autre, des députés nous proposent des solutions extrêmes pour confisquer l’héritage. Les socialistes, qui en disent le moins, sont sans doute les plus responsables et les plus raisonnables.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous aurez remarqué que j’ai rendu 90 % d’avis défavorables aux propositions de dépenses supplémentaires. Je fais partie du camp des raisonnables.

La commission rejette l’amendement I-CF928.

Elle examine les amendements identiques I-CF6 de M. Marc Le Fur, I-CF25 de M. Fabrice Brun et I-CF119 de M. Dino Cinieri.

M. Fabrice Brun. Il s’agit de faciliter le régime des donations et des successions pour améliorer la circulation du patrimoine et de l’argent, relancer la consommation, l’activité et l’emploi. Nous proposons ainsi de revenir aux dispositions en vigueur entre 2007 et 2012, en portant l’abattement fiscal pour les donations et successions en ligne directe, entre parents et enfants, de 100 000 euros à 160 000 euros et en ramenant à dix ans au lieu de quinze le délai entre deux abattements.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de relancer le pouvoir d’achat des Français.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous ne serons peut-être pas d’accord sur les mesures à adopter mais nous devrons un jour organiser un beau débat autour de la fiscalité des transmissions au sens large – les donations et les successions.

En attendant, compte tenu de la période de relance, je préfère que nous nous en tenions à la fiscalité actuelle, sachant que nous avons pris des mesures importantes et temporaires dans le PLFR 3. Derrière cette fiscalité se cache un vrai débat de société dont les enjeux dépassent les seuls sujets de finances publiques. Je vous invite, par conséquent, à retirer ces amendements, sinon j’y serai défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. En effet, il serait souhaitable d’organiser ce beau débat qui nous permettrait d’avoir enfin des données chiffrées ! J’attends toujours celles que j’ai demandées aux services fiscaux, notamment pour ce qui concerne la répartition des patrimoines et les transmissions. Je ne comprends pas qu’il soit si difficile de les obtenir puisque tout est informatisé aujourd’hui, que ce soit pour une succession ou une donation.

Une proposition de loi sera déposée très bientôt : j’espère que nous pourrons la discuter. En attendant, j’aimerais obtenir, avant son arrivée en séance publique, les chiffres concernant cette fameuse donation de 100 000 euros pour l’acquisition d’une résidence principale ou d’une entreprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je les ai demandés aujourd’hui même, madame.

M. Christophe Jerretie. Le groupe MODEM et Démocrates apparentés est sur la même longueur d’ondes : nous devons vraiment avoir un débat sur ce sujet.

La commission rejette les amendements identiques I-CF6, I-CF25 et ICF119.

Elle examine l’amendement I-CF1374 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Du fait de l’importance du taux d’épargne, nous proposons de porter de 100 000 euros à 150 000 euros le montant de l’abattement personnel en ligne directe pour les donations effectuées du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022.

Toutes les études attestent que l’argent est davantage dépensé par les générations plus jeunes. Cette mesure s’inscrit dans la période de relance, pour faire sortir l’argent des comptes d’épargne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons pris des mesures importantes et temporaires en PLFR 3 pour dynamiser la fiscalité des transmissions. Étudions les chiffres avant de décider d’aller plus loin. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Il me semble que la mesure prise en LFR 3 n’était pas exactement de même nature.

Mme Christine Pires Beaune. La donation de 100 000 euros jusqu’au 30 juin 2021 introduite en LFR 3 est réservée à l’achat d’une résidence principale ou la création d’une entreprise.

Mme Véronique Louwagie. La mesure votée en PLFR 3 est différente, monsieur le rapporteur général, en ce qu’elle permet de faire un don, jusqu’au 30 juin 2021, de 100 000 euros en franchise de droits, au profit d’un descendant en ligne directe pour la construction – et non l’acquisition – de la résidence principale ou l’investissement dans une entreprise qui date de moins de cinq ans, à condition que le bénéficiaire du don y exerce son activité pendant les trois années qui suivent.

Le dispositif ici proposé est beaucoup plus général et compléterait les mesures actuelles en faisant basculer l’épargne, qui a considérablement augmenté – 60 milliards d’euros supplémentaires au premier semestre –, dans le circuit de la consommation pour relancer l’économie et la croissance.

M. le président Éric Woerth. Cet argent circulera et produira, à n’en pas douter, de la fiscalité. Je comprends que vous ne soyez pas d’accord pour pérenniser la mesure, qui s’est appliquée à une époque et à laquelle vous avez mis fin, mais reconnaissez qu’elle s’inscrit parfaitement dans une politique de relance.

Mme Émilie Cariou. Nous ne sommes pas du tout favorables à votre amendement, monsieur le président, ni aux précédents. Vous avez déjà profité du PLFR 3 pour exonérer encore plus largement les donations. Alors que la crise va précipiter des millions de Français dans la pauvreté, vous supprimez gaiement les droits de donation. C’est scandaleux ! Nous proposerons, d’ailleurs, un amendement pour raccourcir cette période durant laquelle vous avez décidé d’exonérer les donations, en vous affranchissant de quasiment tout débat, alors que le Sénat avait fait une autre proposition. Il n’est pas raisonnable de créer une nouvelle niche pour les donations.

M. le président Éric Woerth. Serait-il scandaleux de donner de l’argent à ses enfants ?

Mme Émilie Cariou. Il est scandaleux de ne pas payer d’impôt, car l’impôt est redistributif.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas un scandale, vous ne pouvez pas dire cela. C’est l’inversion de toutes les valeurs !

La commission rejette l’amendement I-CF1374.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF562 de M. Fabrice Brun et I-CF1415 de M. Arnaud Viala.

M. Fabrice Brun. Dans le même esprit, il s’agit d’accélérer la transmission du patrimoine, dont nous pensons, contrairement à d’autres, qu’elle peut relancer la consommation et l’emploi. Dans un contexte où l’épargne atteint des niveaux inégalés, où le patrimoine n’est plus transmis à la génération qui suit mais à celle d’après, où les jeunes sont les plus touchés par la crise sanitaire, en particulier ceux qui se lancent dans la vie, il est urgent d’organiser un débat qui dépasse les seules considérations fiscales pour prendre en considération le parcours de vie dans son ensemble.

M. Dino Cinieri. La jeunesse se trouve dans une situation difficile. Elle doit affronter de nombreuses difficultés qui l’empêchent de se projeter sereinement dans l’avenir. Lorsque nous sommes dans le besoin, c’est souvent la famille qui est au premier rang pour nous soutenir moralement et financièrement. C’est pourquoi il serait judicieux de faciliter la transmission entre les parents de leur vivant et leurs enfants.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF562 et I-CF1415.

Elle est saisie de l’amendement I-CF704 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Par cet amendement d’appel, nous voulons favoriser la transmission des PME et des ETI françaises, qui reste très faible, en comparaison de nos voisins européens. Il s’agit de reprendre une vieille idée du pacte Dutreil en introduisant un nouvel article au code général des impôts pour offrir la possibilité aux donataires et héritiers ayant revendiqué l’application d’un pacte d’engagement de conservation de titres de prendre simultanément un engagement individuel complémentaire de conservation des titres pour une durée de quatre ans. En contrepartie de cet engagement, des droits de mutation réduits leur seraient appliqués.

De nombreuses entreprises, petites ou moyennes, disparaissent, faute d’avoir pu être transmises, ce qui est d’autant plus difficile que l’entreprise a été valorisée. L’intérêt est de préserver un capitalisme familial.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF704.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF556 de M. Bertrand Pancher et ICF738 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Afin de favoriser la transmission du patrimoine à des générations plus jeunes, il est proposé une exonération des droits de mutation à titre gratuit sur la donation des droits sociaux en faveur de jeunes actifs, dans la limite d’âge de 25 ans, à la condition que le donateur consente dans le même temps une donation temporaire d’usufruit desdites parts pendant au moins dix ans à un organisme reconnu d’intérêt public.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF556 et I-CF738.

Elle est saisie de l’amendement I-CF564 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à étendre aux legs consentis aux petits‑enfants l’abattement de 31 865 euros prévu pour les seules donations.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF564.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF1377 du président Éric Woerth et I-CF777 de Mme Émilie Cariou.

M. le président Éric Woerth. L’amendement I-CF1377 vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2021 le dispositif d’exonération de droits de mutation à titre gratuit pour les dons de sommes d’argent investis dans des PME. Il tend également à supprimer la condition trop stricte selon laquelle le donataire devait exercer dans l’entreprise son activité professionnelle principale pendant trois ans à compter de la souscription. Ne nous trompons pas d’objectif : il s’agit de sauver les entreprises. Vous aviez commis la même erreur en plaçant au centre du dispositif MaPrimRénov’ la qualité du bénéficiaire alors que seule importe celle du logement dans lequel des travaux de réhabilitation seraient engagés.

Mme Émilie Cariou. La troisième loi de finances rectificative a créé une exception disproportionnée à notre mécanisme fiscal imposant les donations entre vifs. Par son imprécision, il ouvre la voie à de nombreux abus, en exonérant jusqu’à 100 000 euros les dons consentis aux enfants et aux petits-enfants jusqu’à fin 2021, ce qui s’ajoute aux mécanismes d’abattement de droit commun déjà en vigueur.

Par l’amendement I-CF777, nous proposons par conséquent de ramener l’échéance au 30 octobre 2020 pour mettre fin à ce dispositif le plus tôt possible.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces deux amendements vont dans des directions opposées. Je rendrai un avis défavorable aux deux. Je ne sais pas si, ce faisant, j’agis en centriste mais je considère que cette mesure, issue de la commission mixte paritaire, est généreuse et doit s’appliquer jusqu’à son terme, fixé au 30 juin 2021.

Cela étant, cette mesure a un coût pour les finances publiques et il ne serait pas raisonnable de la proroger plus que de raison. Tenons-nous en à la date ainsi qu’aux critères fixés dans la LFR 3.

M. le président Éric Woerth. Soit ce dispositif est efficace et on peut très bien le proroger de six mois. Soit il ne l’est pas et il faut le supprimer immédiatement. C’est l’un ou l’autre ! Quant à l’argument tiré de son coût, permettez-moi d’en sourire au regard des propositions de ce budget.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1377 et ICF777.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques I‑CF414 de Mme Lise Magnier, I-CF549 de M. François Pupponi et ICF668 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que des amendements identiques ICF524 de M. Vincent Descoeur et I-CF575 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Lise Magnier. Nous souhaitons préciser le champ de l’exonération de droits de mutation instaurée par le PLFR 3.

Cette exonération de droits de mutation en cas de donation à un proche n’est accordée que si la donation est affectée à la construction de la résidence principale. Nous souhaitons préciser qu’elle est également valable en cas de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA).

Mme Véronique Louwagie. Le bénéfice de l’exonération est limité à la construction de la résidence principale. Les projets en VEFA doivent pouvoir en bénéficier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne souhaite pas modifier la fiscalité des transmissions. Avis défavorable.

M. François Pupponi. Il s’agit uniquement d’une précision. Cette exonération est prévue pour la construction de la résidence principale, l’achat en VEFA est une des modalités d’acquisition. Nous ne proposons pas d’élargir le champ de cette exonération.

Mme Véronique Louwagie. Effectivement, il ne s’agit pas d’une extension du dispositif. Nous avons bien compris que la donation doit être affectée à la construction de la résidence principale, et pas à son acquisition. Mais les projets en VEFA représentent une grande partie des constructions, dans tous les territoires, et il semble qu’ils aient été oubliés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit bien d’un élargissement du champ de l’exonération. J’assume la volonté de figer l’ensemble des dispositifs fiscaux sur ces sujets.

La commission rejette successivement les amendements identiques I‑CF414, I-CF549 et I-CF668, ainsi que les amendements identiques I-CF524 et ICF575.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1406 de M. Arnaud Viala.

M. Dino Cinieri. L’agriculture est l’un des secteurs d’activité où le travail en famille est le plus répandu, et où les jeunes générations reprennent le flambeau de l’exploitation. Il paraît important de faciliter cette transmission en allégeant la fiscalité sur les donations et les successions lorsque les héritiers prennent l’engagement de ne pas vendre les biens reçus et de les affecter à l’exploitation familiale pendant dix-huit ans.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1406.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1229 de M. Julien Aubert.

La commission examine les amendements identiques I-CF283 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF425 de Mme Lise Magnier, I-CF689 de M. Dino Cinieri et ICF1408 de M. Benoit Simian.

M. Dino Cinieri. La stabilité du foncier attaché aux exploitations viticoles est indispensable à la pérennité de celles-ci. Pour favoriser cette stabilité, cet amendement vise à alléger la fiscalité applicable aux bénéficiaires d’une transmission à titre gratuit de biens ruraux loués par bail à long terme, lorsque ces bénéficiaires s’engagent à les conserver plus longtemps.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF283, I-CF425, I-CF689 et I-CF1408.

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Article additionnel après l’article 8
Exonération de droits de mutation pour les dons et legs à des associations simplement déclarées ayant un but exclusif d’assistance et de bienfaisance

La commission examine les amendements identiques I-CF558 de M. Bertrand Pancher et I-CF739 de M. Dino Cinieri.

M. François Pupponi. Il est proposé d’insérer dans le code général des impôts le contenu d’une réponse ministérielle permettant à certaines associations de bénéficier d’un dispositif fiscal.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de renforcer la sécurité fiscale de certaines associations à but exclusif d’assistance et de bienfaisance en insérant dans le code général des impôts la mesure de tempérament de l’administration fiscale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est en effet un engagement ministériel. Je ne vois aucune raison d’y être défavorable, mais nous nous assurerons auprès du Gouvernement que son inscription dans la loi est nécessaire. Avis de sagesse.

La commission adopte les amendements identiques I-CF558 et I-CF739 (amendement 2810).

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Après l’article 8

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF15 de M. Marc Le Fur.

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Article additionnel après l’article 8
Exonération de droits pour les successions des combattants
morts en opération

La commission examine l’amendement I-CF1451 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination sur l’exonération des droits de succession pour les militaires morts en opération.

La commission adopte l’amendement I-CF1451 (amendement 2811).

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Après l’article 8

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements ICF935 de Mme Sabine Rubin et I-CF1305 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Sabine Rubin. Nous demandons à rétablir l’impôt sur la fortune (ISF) afin de renforcer les finances publiques, sachant que sa suppression n’a eu aucun effet bénéfique sur l’emploi ou l’investissement. Cette mesure prend tout son sens au vu de l’actualité.

Mme Claudia Rouaux. La crise sanitaire que nous traversons est sociale, économique et territoriale. Certes, l’État a fait beaucoup pour aider tous les salariés. Mais toutes les propositions pour que les plus riches soient solidaires en cette période de crise ont été repoussées. Nous demandons donc le rétablissement de l’ISF.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable au rétablissement de l’ISF.

La commission rejette successivement les amendements I-CF935 et ICF1305.

Elle examine l’amendement I-CF352 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Sur le même sujet, notre proposition est de nature très différente, puisque nous souhaitons supprimer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), créé par le Gouvernement lors de la transformation de l’ISF.

Ce dispositif fait exception en Europe. Vous avez rejeté hier un amendement de notre collègue Mattei qui proposait de diminuer la taxation des revenus du patrimoine, et vous venez de refuser d’exonérer de droits de mutation les donations destinées aux acquisitions en VEFA. Le niveau d’imposition est très élevé, or il est important de soutenir les propriétaires et notre patrimoine immobilier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, je souhaite le maintien de la réforme de l’ISF telle qu’elle a été adoptée dans le projet de loi de finances pour 2018. La stabilité fiscale permet également à l’État de maintenir ses recettes.

La commission rejette l’amendement I-CF352.

Elle en vient à l’amendement I-CF1444 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Au sein du groupe MoDem et Démocrates apparentés, un grand nombre de députés sont favorables à un impôt sur la fortune sur le patrimoine non productif. Nous proposons de sortir de l’assiette de l’IFI les biens loués pour une durée supérieure à un an. Ils font partie du cycle économique, et la fin du traitement fiscal désavantageux favorisera l’investissement dans l’immobilier. Prévoir une durée de location supérieure à un an permet d’écarter les locations sur les sites tels qu’Airbnb.

Un rapport doit être remis sur l’efficacité de la transformation de l’ISF en IFI, j’aimerais savoir quand il sera disponible.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable à la création d’une niche fiscale au sein de l’IFI. Je comprends l’argumentation, certains investissements immobiliers peuvent être productifs. L’efficacité de l’IFI doit être évaluée mais, pour l’instant, je ne souhaite pas miter cet impôt récemment créé.

M. Daniel Labaronne. Le comité d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital a entendu des économistes et la direction du Trésor. Nadia Hai y représentait l’Assemblée nationale, et je l’ai remplacée à sa nomination au sein du Gouvernement.

L’avis qui fera la synthèse de ce rapport a été discuté hier, le rapport lui-même devrait être publié dans les prochains jours.

Mme Véronique Louwagie. Les députés du groupe Les Républicains soutiendront cet amendement. Il a d’autant plus de sens cette année qu’un grand nombre de propriétaires immobiliers qui louaient leurs immeubles ont accepté d’abandonner un certain nombre de mois de loyer. Cet élément devrait être pris en compte.

M. Charles de Courson. Je soutiens également l’amendement. L’usage professionnel des biens immobiliers bénéficie d’une exonération, il est simplement prévu de l’étendre à l’habitation. Dans la crise du logement que nous connaissons, il n’est pas raisonnable de maintenir l’IFI sur les biens loués.

Le parc de logements est composé à 58 % de propriétaires de leur résidence principale, à 13 % de HLM – dont on parle énormément – et le reste regroupe des propriétaires privés qui louent leurs biens. Ils représentent deux à trois fois le volume du parc HLM. Quand on sait les sommes allouées au parc HLM, il est de bon sens d’exonérer d’IFI un logement laissé en location. Les logements vacants, eux, seront taxés.

La commission rejette l’amendement I-CF1444.

Elle examine l’amendement I-CF1141 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Je vous propose de revenir à l’essence du macronisme… (Exclamations.).

Au départ, la voie suivie appliquait le « en même temps ». Nous estimions que l’ISF incitait les investisseurs à partir à l’étranger, et c’était en partie vrai car les chefs d’entreprise soumis à l’ISF avaient tendance à s’expatrier dans des pays à la fiscalité plus avantageuse, comme l’Île Maurice. Nous avions donc décidé de sortir les biens productifs de l’assiette de l’ISF.

Mais la réforme est allée beaucoup plus loin que la promesse de campagne, suscitant dès le départ des débats au sein de la majorité. Non seulement les biens productifs ont été exonérés – titres et actions – mais aussi toutes les liquidités et l’argent qui dort sur des comptes bancaires et les assurances vie non investies en unités de compte. Nous avions d’ailleurs décidé de taxer certains biens de luxe, tels que les yachts, sans aucune efficacité.

Je suggère de revenir à la proposition d’origine limitant l’exonération d’ISF aux biens productifs, en intégrant à l’assiette de l’IFI les comptes bancaires et les assurances vie non investies en unités de compte.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’essence du macronisme, c’est d’essayer de rester cohérent avec la fiscalité des ménages que nous avons collectivement votée en 2018.

La fiscalité des ménages requiert des moments de stabilité, les évolutions se font par paliers. Nous l’avons réformée lors des trois derniers PLF, jusqu’à la baisse de l’impôt sur le revenu l’an dernier. Elle est loin d’être parfaite, et M. Mattei a raison de soulever la question des investissements productifs dans l’immobilier. Mais en temps de crise, un peu de stabilité ne fait pas de mal aux finances publiques, ni à l’intelligibilité de l’impôt.

C’est pourquoi, sur tous les amendements revenant sur la réforme de l’ISF, qu’ils émanent de Mme Cariou ou de Mme Louwagie, mon avis est défavorable.

Mme Émilie Cariou. Nous ne sommes pas du tout d’accord. Nous avions d’ailleurs travaillé avec M. Mattei et le MoDem pour recalibrer la mesure. Ce débat a agité la majorité dès le départ, ne laissez pas penser qu’il s’agit d’une question sans importance.

Vous parlez de fiscalité des ménages, mais ces mesures ne touchent que 0,5 % d’entre eux ! À mes yeux, les mesures à destination des ménages sont celles qui affectent des millions de Français.

Nous n’avons pas la même notion de la fiscalité des ménages, ni de la justice fiscale, en témoigne votre décision assez étrange, en commission mixte paritaire sur le PLFR 3, d’élargir le champ des donations hors frais de succession.

Nous sommes donc en profond désaccord sur la justice fiscale, et sur la fiscalité des revenus exceptionnels et des très hauts revenus.

M. Charles de Courson. L’amendement de Mme Cariou a le mérite de revenir sur une distinction qui ne tient pas la route, entre les rentiers et les autres.

Il faudrait y ajouter tous ceux qui détiennent, directement ou indirectement, des obligations d’État, car c’est la définition des rentiers. Ils sont actuellement exonérés d’IFI. Notre collègue propose d’inclure dans l’IFI les assurances vie qui ne sont pas en unités de compte, c’est tout à fait logique.

Il n’y a qu’un malheur : c’est le mode de financement de près de 40 % du déficit public. Or avec la mesure que vous proposez, les gens vont se détourner des assurances vie, hors unités de compte, dont la rentabilité est tombée en dessous de 1,5 % – elle sera peut-être de 1,2 ou 1,3 % cette année – et deviendrait donc négative. Nous ne trouverons plus personne pour contribuer au financement du déficit public.

Les amendements de Mme Cariou et de M. Mattei démontrent la totale incohérence de la réforme qui a été votée.

M. Daniel Labaronne. Depuis l’arrivée de cette majorité, les prélèvements obligatoires ont diminué de 45 milliards d’euros, pour moitié au profit des ménages, et pour moitié au profit des entreprises. Cela a eu un effet dynamique sur la croissance économique et les créations d’emplois – plus de 500 000 – avant la crise.

La question est maintenant celle de la relance. Or l’élément fondamental de cette relance, c’est la confiance. Si nous commençons à dire que nous allons augmenter les impôts pour les plus riches, tout le monde – riche ou pas – pensera qu’il sera touché par les augmentations d’impôts. (Exclamations.) Sans stabilité fiscale, nous entamerons la confiance et nous n’arriverons pas à créer les conditions d’une relance de l’activité économique.

M. le président Éric Woerth. Merci d’avoir pacifié le débat… En tout cas, nous discutons des propositions de réforme de l’IFI – qu’il s’agisse d’en élargir le champ ou de le réduire – tous les ans.

La commission rejette l’amendement I-CF1141.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF7 de M. Marc Le Fur et I-CF120, I-CF121, I-CF123, I-CF124, I-CF126 et I-CF127 de M. Dino Cinieri.

M. Marc Le Fur. Je propose de porter de 30 à 100 % l’abattement sur la résidence principale au titre de l’IFI.

M. Dino Cinieri. Mes amendements prévoient des abattements au titre de la résidence principale, allant jusqu’à 90 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF7, I-CF120, I-CF121, I-CF123, I-CF124, ICF126 et ICF127.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements en discussion commune I-CF17 et I-CF18 de M. Marc Le Fur.

Elle examine l’amendement I-CF129 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à rééquilibrer la fiscalité immobilière en excluant le foncier non-bâti, les espaces naturels et les propriétés rurales de l’IFI.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Toute proposition d’exonération d’IFI recevra un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF129.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF272 de M. Fabrice Brun et I-CF323 de Mme Véronique Louwagie.

M. Fabrice Brun. Il est proposé d’étendre le régime d’exonération prévu pour les bois et forêts aux terrains situés en zone non constructible dans lesquels se trouvent des habitats naturels, ou qui font l’objet d’arrêtés de protection de biotope. Ces milieux non productifs à fort enjeu environnemental méritent d’être soutenus.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette ces amendements identiques I-CF272 et I-CF323.

La commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement ICF770 de M. Dino Cinieri, des amendements identiques I-CF353 de Mme Véronique Louwagie et I‑CF446 de M. Julien Dive, ainsi que des amendements I-CF130 et I-CF769 de M. Dino Cinieri.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF353 concerne les propriétaires des biens loués à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial. Il est proposé de porter de 101 897 euros à 300 000 euros le seuil actuel d’exonération. Ainsi, nous soutiendrons les propriétaires fonciers et la transmission des exploitations agricoles.

M. Dino Cinieri. Mon amendement I-CF130 vise à augmenter le montant au-delà duquel des biens loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial sortent de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière à hauteur de 75 % de leur valeur.

L’amendement I-CF769 vise à augmenter de 100 000 euros le seuil d’exonération en matière d’impôt sur la fortune immobilière pour les biens ruraux en exploitation effective.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement l’amendement I-CF770, les amendements identiques I-CF353 et I‑CF446, ainsi que les amendements I-CF130 et I-CF769.

Elle examine les amendements identiques I-CF225 de Mme MarieChristine Dalloz, I‑CF308 de M. Fabrice Brun, I-CF694 de M. Dino Cinieri, ICF709 de M. Charles de Courson et I-CF1435 de M. Benoit Simian.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit toujours de l’IFI, nous souhaitons en exonérer les propriétaires de biens ruraux qui louent leur patrimoine à long terme – l’amendement s’applique aux locations d’une durée supérieure à dix-huit ans – pour qu’il soit exploité par d’autres. La valeur des biens ruraux ainsi loués doit être exclue de l’assiette de l’IFI.

M. Patrick Hetzel. Il est problématique d’inclure dans l’assiette de l’IFI des propriétés rurales que les propriétaires n’exploitent pas eux-mêmes.

M. Charles de Courson. Le revenu tiré de la location des biens fonciers est d’environ 1 % du capital. Ces revenus sont grevés par la CSG et la CRDS au taux de 17,2 %, et le taux marginal de l’impôt sur le revenu. Si l’on y ajoute l’IFI, même pour les « petits riches », dont la fortune s’élève à un ou deux millions d’euros, les revenus sont négatifs. Les propriétaires se lassent et revendent, et les exploitants sont contraints d’acheter, de s’endetter, au risque de connaître des difficultés. Des abattements – plafonnés – sont prévus, mais ils ne résolvent pas le problème.

La sagesse serait d’exonérer d’IFI les propriétaires louant leurs terres à long terme, au moins dix-huit ans. Ceux qui refusent cette proposition devront nous expliquer comment faire lorsque les propriétaires vendent, lassés par la rentabilité négative de leurs biens.

M. Benoit Simian. Je souscris totalement à cette analyse. Cette mesure est très attendue dans le Jura, en Champagne, et plus encore dans le Médoc et en Nouvelle-Aquitaine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Monsieur de Courson, la situation était la même à l’époque de l’ISF, l’IFI n’a pas aggravé les choses.

M. Fabrice Brun. Au lieu de favoriser la spéculation financière, il faudrait parfois aider l’immobilier !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Investir dans des assurances vie qui sont placées en obligations d’État ou souscrivent à des fonds permettant de capitaliser nos PME, ce n’est pas de la spéculation financière. Il faut du capital pour nourrir les fonds propres de nos entreprises. Investir n’est pas de la spéculation financière !

Pour en revenir à ma réponse, la transformation de l’ISF en IFI n’a créé aucun problème nouveau, les conditions sont identiques.

Mme Véronique Louwagie. Soutenir les propriétaires de biens ruraux, c’est soutenir le domaine des entreprises et soutenir l’économie. Combien d’exploitants ne sont pas en mesure d’acquérir leurs terres ? Heureusement que des propriétaires fonciers permettent à nos exploitations agricoles de continuer. Préférez-vous que des Chinois viennent acheter nos terres ? C’est ce qu’il se passe dans certains territoires. Si nous voulons soutenir les biens ruraux, nous devons soutenir toute la fiscalité afférente.

M. Jean-Paul Mattei. Je vais bien évidemment soutenir ces amendements, car les terres agricoles ne sont pas des biens ordinaires. Il ne s’agit pas de tableaux entreposés dans un coffre, auxquels on ne touche pas pour spéculer sur la valeur des œuvres d’art.

En outre, les dispositions prévues sont encadrées : elles ne s’appliquent que dans le cadre d’un bail rural de long terme, qui pose des difficultés pour reprendre rapidement les terres, et portent sur un bien qui n’a pas la même nature que les autres.

Il faut vraiment que le comité d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital indique si la réforme de l’ISF a orienté l’épargne vers les entreprises. Nous discutons de la distinction entre biens productifs et non productifs, mais les terres agricoles ont des conséquences sur l’aménagement du territoire. Comme le disait Véronique Louwagie, nous favorisons la vente de ces terrains à des investisseurs étrangers. Face aux problèmes de maîtrise du foncier, il faut favoriser le maintien de ce patrimoine dans les mains de personnes situées sur le territoire français.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dans le cadre de l’IFI, les biens donnés par bail à long terme familial sont exonérés à 100 %, ce qui n’existait pas dans l’ISF. Ces amendements proposent de généraliser cette exonération à toutes les terres agricoles, familiales ou pas. C’est sur ce dernier point que nous sommes en désaccord. Ne minimisons pas les mesures que nous avons déjà adoptées.

M. Jean-Paul Mattei. Les terres doivent être louées à un exploitant pour bénéficier de l’exonération. Si ce n’est pas le cas, elles entrent dans l’assiette de l’IFI. Nous retrouvons la notion d’outil professionnel qui existait déjà, il n’y a pas d’innovation. Un propriétaire qui louerait ses terres à quelqu’un qui n’est pas exploitant serait imposable au titre de l’IFI.

M. le président Éric Woerth. À la création de l’IFI, nous aurions pu reclasser un certain nombre de biens qui ne correspondaient pas à votre notion de rente. Nous ne l’avons pas fait, et nous avons ce type de débats.

M. Jean-Paul Dufrègne. Charles de Courson insiste beaucoup sur la faible rentabilité de ces terres après impôts, mais ce qui fait l’attractivité des terres agricoles en France c’est non pas la rentabilité annuelle mais le potentiel de plus-value. La valeur des terres est la moitié de celle en Allemagne ou en Italie. Les investisseurs espèrent que les terres qu’ils achètent à 5 000 euros l’hectare aujourd’hui se vendront à 10 000 ou 12 000 euros dans quelques années.

La commission rejette les amendements identiques I-CF225, I‑CF308, ICF694, ICF709 et I-CF1435.

Elle examine l’amendement I-CF128 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Il s’agit d’une autre mesure visant à exclure le foncier non-bâti, les espaces naturels et les propriétés rurales de l’assiette de l’IFI.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF128.

La commission en vient à l’amendement I-CF229 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous proposons de relever le plafond de déduction des dons au titre de l’IFI de 50 000 à 75 000 euros. Nous sommes abreuvés de communication sur le patrimoine : la loterie du patrimoine, des émissions télévisées, même la femme du Président de la République s’engage pour le patrimoine culturel et architectural français ! Cette mesure concrète n’a pas besoin de grands renforts de communication.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La déduction des dons de l’IFI se cumule avec la réduction d’impôt sur le revenu. Les assujettis à l’IFI bénéficient d’une double déduction. Cet avantage me semble suffisant, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF229.

Elle examine l’amendement I-CF713 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Avant la réforme, il était possible de régler l’ISF en investissant dans les PME. Cette possibilité a été supprimée, et partiellement remplacée par la réduction d’impôt appelée IR-PME, mais le problème des entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) demeure.

Je propose une réduction d’impôts pour ceux qui investissent dans les ESUS, afin d’encourager l’économie solidaire. Cette réduction d’impôt serait limitée à 50 % des versements, et plafonnée. Elle permettrait de maintenir une réduction d’IFI au bénéfice de l’investissement solidaire dont le régime serait identique à l’ancien système ISF-PME, au seul profit des ESUS.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Plutôt que de créer une réduction d’impôt à l’IFI pour les ESUS, profitons du prolongement de celle à l’IR‑PME, les ESUS y seront éligibles. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Auparavant, il était possible de choisir entre ISF‑PME ESUS et IR-PME, mais je note que vous êtes favorable au second.

La commission rejette l’amendement I-CF713.

Elle examine l’amendement I-CF1281 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Dans un excellent entretien accordé au Trombinoscope, Bruno Le Maire assure à propos des 3 % de déficit public et du pacte de stabilité et de croissance qu’il faut savoir sortir des dogmes.

Je vous propose quant à moi de sortir du dogme interdisant de toucher aux hauts revenus ou, en l’occurrence, aux gros patrimoines, en réinstaurant une imposition, l’imposition étant actuellement limitée au seul patrimoine immobilier. Il s’agira d’un impôt écologique et solidaire sur la fortune, la réforme de la fiscalité du capital, notamment, la suppression de l’ISF, en 2017, ayant été particulièrement néfaste. Les investissements, dit-on, en seraient facilités mais, en l’état, aucune étude ne le corrobore.

J’ai l’impression qu’il n’y en a jamais assez, qu’il faut toujours redonner des marges, diminuer la fiscalité sur les hauts revenus et le patrimoine, or bien des recettes font défaut pour alimenter le plan de relance et lutter contre la pauvreté qui s’accroît.

Pour nous, la taxation du capital est une mesure d’équité élémentaire qui, comme l’affirme le prix Nobel Esther Duflo, constitue « un impôt raisonnable qui n’a rien d’extrême ou de radical ».

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je suis opposé à toute augmentation de la fiscalité pendant la crise que nous traversons et à un retour sur la réforme de l’ISF, quand bien même ce nouvel impôt serait dit écologique et solidaire.

La commission rejette l’amendement I-CF1281.

Elle examine l’amendement I-CF1335 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Il concerne les avantages fiscaux en matière d’assurance vie.

Au-dessus d’un certain montant, les droits de succession s’élèvent à 45 % en ligne directe et les droits de succession d’un tiers à 60 %. Pour l’assurance vie, au-dessus de 700 000 euros, le taux de taxation est de 31,25 %. Un problème d’équité se pose donc. Cet amendement vise à appliquer aux deux le même barème. L’assurance vie ne doit pas être plus avantageuse qu’une succession en ligne directe.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : je m’oppose à toute hausse de taxation et de fiscalité pour les ménages.

Mme Valérie Rabault. Vous allez un peu vite, monsieur le rapporteur général, avec cet excellent amendement.

Je regrette à ce propos que notre commission n’ait jamais réalisé un bilan total des coûts de ces dispositifs. L’assurance vie « coûte » 800 millions d’euros annuels au budget de l’État, sans même prendre en compte son avantage fiscal lors des successions, qui n’a quant à lui jamais été évalué. Le total doit avoisiner 1,2 ou 1,3 milliard d’euros.

Cet amendement présente deux avantages.

D’une part, il soulève la question de l’équité fiscale. Notre commission s’honorerait à le voter afin que l’on puisse au moins débattre avec le ministre dans l’hémicycle et qu’il puisse nous donner des éléments financiers.

D’autre part, il conviendra de réaliser le bilan de ce que coûte l’assurance vie. Je ne m’oppose pas à la perte annuelle de recettes à hauteur de 800 millions d’euros mais je suis un peu ennuyée dès lors que cet argent subventionne le seul fait d’investir dans des obligations d’État, sans aucun fléchage vers les PME et l’investissement productif. Aujourd’hui, l’achat de 100 euros d’obligations d’État ou de parts de PME confère le même avantage fiscal, ce qui n’est pas à mon avis tout à fait juste.

M. le président Éric Woerth. Compte tenu du volume d’endettement de l’État, nous avons besoin d’acheteurs…

Mme Émilie Cariou. Je trouve en effet que cet amendement est intéressant.

Karine Berger et Dominique Lefebvre avaient suggéré dans un rapport un certain nombre de pistes permettant de flécher l’argent vers les entreprises, notamment les PME. Or cette « niche » qu’est l’assurance vie constitue l’un des principaux freins à ce type d’investissements vers l’économie réelle en raison de sa grande attractivité.

Que l’on ne nous oppose pas les ménages, au sens très large, car l’amendement Mattei, qu’il faut étudier, vise des niveaux de revenus assez élevés.

Mme Véronique Louwagie. L’équité fiscale peut supposer un alignement par le bas ou par le haut. Il me semblerait plus opportun d’aligner le taux des droits de succession sur celui de l’assurance vie, plutôt que l’inverse.

M. Charles de Courson. Combien rapporte, hors unités de compte, l’assurance vie ? Cette année, 1,2 %, 1,3 %, en baisse de 0,2 à 0,3 point, et la décollecte s’amorce. L’avantage fiscal accordé au titre des successions constitue une compensation à cette très faible rentabilité.

Connaissez-vous la part de l’assurance vie qui finance le déficit du budget de l’État ? Un bon tiers des 1 800 milliards d’euros qu’elle représente. Le vote de l’amendement Mattei entraînerait une déstabilisation, alors que tous les ministres des finances ont demandé qu’on ne touche à rien. Là encore, faisons preuve de pragmatisme.

M. Fabien Roussel. Nous sommes inquiets de voir l’État se priver de toutes les recettes fiscales suite aux mesures prises par cette majorité.

Cet amendement du groupe MoDem et Démocrates apparentés, que nous soutenons, va dans le bon sens en visant à réorienter une partie des plus-values vers les TPE et les PME. Nous avons besoin d’un tel fléchage.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas d’accord avec Valérie Rabault lorsqu’elle affirme que je vais un peu vite en besogne : je maintiens qu’il faut faire attention à la fiscalité des ménages.

Il convient à mon sens de retravailler la fiscalité des successions, des transmissions, donc de l’assurance vie, mais j’ai dit hier que cela relève d’une campagne électorale car ces questions concernent de manière éminente les citoyens et les contribuables et elles relèvent bien plus de projets de société que des deniers publics.

Nous sommes au cœur de la crise sanitaire, nous sommes très loin de la fin de la crise économique et sociale. Je maintiens donc que vouloir faire les gros titres des journaux en assurant que, pour répondre à ces crises, nous augmentons la fiscalité des assurances vie – quand bien même l’amendement de M. Mattei vise simplement à aligner leur régime fiscal sur celui des successions – ce n’est pas favoriser ce climat de confiance auquel je tiens tant car il conditionne la reprise de l’économie et de la consommation, ce qui suppose une stabilité fiscale pour les ménages.

Je suis assez d’accord avec Mme Louwagie. Il est en effet possible d’aligner la fiscalité par le haut ou par le bas. Vous aurez remarqué que je suis plutôt favorable à la seconde perspective, et ce sera le cas tant que la consommation et les investissements n’auront pas durablement repris.

Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Outre que les mesures modifiant les avantages fiscaux des assurances vie ne datent pas d’hier – la tranche à 31,25 % a été créée il y a quelques années –, il n’y a pas d’effet rétroactif. Je suis convaincu que ce placement n’en resterait pas moins attractif.

Contrairement à Mme Louwagie, je pense qu’il faut avoir le courage de l’équité en promouvant une forme de redistribution, que j’assume complètement.

La commission rejette l’amendement I-CF1335.

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Article additionnel après l’article 8
Extension de l’abattement de plus-value de cession pour les biens immobiliers situés en zone tendue en vue de la construction de bâtiments d’habitation d’une taille minimale

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF408 de Mme Lise Magnier, I-CF540 de Mme Sylvia Pinel, I-CF662 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que l’amendement I-CF435 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF408 vise à mettre en cohérence le régime d’imposition des plus-values immobilières en faveur des opérations de logement avec la logique de densification des projets en l’appliquant aux communes situées en zone B1.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le manque de logements étant moindre en zone B1, il me semble opportun d’en rester au ciblage des zones A et A1.

Toutefois, une actualisation des déficits de logements par zonage me semblerait utile afin de préciser nos réponses. Si la situation n’a pas évolué dans la zone B1, de tels amendements ne se justifient pas. En l’état, avis défavorable.

M. François Pupponi. Vous comprenez bien, monsieur le rapporteur général, que ce sont là en quelque sorte des amendements d’appel pour que notre commission se positionne sur un plan de relance du logement, dont la production s’écroule. L’économie en subira les conséquences avec des plans de licenciements massifs dans le BTP. Quand et comment notre commission incitera-t-elle le Gouvernement à prendre position ? Adoptons quelques-uns de ces amendements afin que nous puissions débattre avec lui en séance publique !

La commission adopte les amendements identiques I-CF408, I-CF540 et ICF662 (amendement 2812).

En conséquence, l’amendement I-CF435 tombe.

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Après l’article 8

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF409 de Mme Lise Magnier, I-CF434 de Mme Frédérique Lardet, ICF541 de Mme Sylvia Pinel, I-CF663 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que l’amendement I-CF644 de Mme Geneviève Levy.

Mme Lise Magnier. Il convient de proroger jusqu’en 2022 le dispositif exceptionnel d’abattement de taxe sur les plus-values immobilières lors de la cession d’un terrain à bâtir en vue de sa construction.

M. François Pupponi. Il s’agit en effet de pouvoir continuer en ce sens, en particulier en période de crise.

Mme Véronique Louwagie. J’ajoute que 2020 a été une année particulière, certains projets ayant pris du retard. Cette prorogation est donc tout à fait opportune.

M. Patrick Hetzel. L’amendement I-CF644 va dans le sens des précédents, à ceci près qu’il limite l’extension de ce dispositif au 31 décembre 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Nous venons d’adopter des amendements sur cette question.

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF409, I-CF434, I-CF541 et I-CF663, ainsi que l’amendement I-CF644.

 

La commission examine l’amendement I-CF937 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons la création d’une nouvelle taxe sur les ventes immobilières de luxe, secteur qui se porte très bien alors que, par ailleurs, 600 000 logements sont insalubres. Les ressources qui leur sont affectées devraient augmenter, ce qui permettrait d’accroître notamment celles de l’Agence nationale de l’habitat et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF937.

 

 


Article 9
Clarification des règles de TVA applicables aux offres composites

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de reprendre, au niveau législatif, les principes dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en matière d’imposition des offres composites à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Les offres composites sont des offres commerciales constituées de plusieurs éléments relevant de régimes de TVA différents.

Selon la jurisprudence européenne, une offre commerciale ne doit pas être artificiellement décomposée lorsqu’elle constitue une opération unique. Il n’est à ce titre pas permis de ventiler le prix de vente d’une même opération au prorata des différents éléments qui la composent.

Or, la pratique française historique permet justement aux opérateurs économiques de ventiler de manière cohérente les éléments d’une même offre, sous leur responsabilité et sous le contrôle de l’administration.

Cette situation présente des risques de non-conformité à l’égard du droit européen en même temps qu’elle prête le flanc à l’optimisation fiscale, et donc à des risques budgétaires.

Le présent article vise à mettre en œuvre la méthode dégagée par la jurisprudence européenne, en réservant les possibilités de ventilation de régimes de TVA à des situations particulières.

Il est donc proposé la reprise au niveau législatif des deux principes cadres de la jurisprudence européenne :

– chaque opération est appréciée de manière indépendante, mais sans pouvoir être artificiellement décomposée ;

– une offre unique comprenant des éléments relevant de taux de TVA différents, doit se voir appliquer dans son intégralité le taux de TVA le plus élevé lorsque les éléments accessoires relèvent de la même opération que celle dont relève l’élément principal

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 36 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a introduit le régime d’assiette de TVA des offres composites en matière de services de livres numériques et d’accès aux salles de cinéma.

L’article 8 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a introduit le régime d’assiette de TVA des offres composites en matière de services de presse.

L’article 35 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a introduit le régime d’assiette de TVA des offres composites en matière de services de télévision.

L’article 259 A-8° du CGI relatif à la territorialité des prestations des agences de voyages a été modifié par l’article 102 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

L’article 267 du CGI relatif à la base d’imposition de la TVA a été modifié par l’article 20 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992.

L’article 268 du CGI relatif au principe de ventilation du chiffre d’affaires par catégorie d’opérations distinctes a été introduit par la loi n° 78-1239 du 29 décembre 1978 de finances pour 1979.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Les offres composites ne font pas l’objet d’une appréhension uniforme par le droit

1.   L’état du droit européen

a.   La notion d’offre composite

Le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est déterminé par la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ([160]).

Il découle de l’article 2 de cette directive, dite « TVA », que chaque opération, prestation de services ou livraison de biens suit son régime propre. À une opération économique correspond un régime fiscal unique constitué d’une règle de territorialité, d’une base d’imposition et d’un taux.

Or, certaines opérations sont composées d’un ensemble composite d’éléments dont les natures juridiques et les taux applicables sont divers.

Confrontée au silence de la directive TVA quant au traitement de cette problématique, la jurisprudence européenne a développé une construction évolutive concernant ces offres composites.

Ainsi, si chaque opération doit en principe être considérée comme distincte et indépendante, « plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, distributivement, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes » ([161]).

En d’autres termes, une prestation constituée d’un seul service au plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de TVA fondé sur la neutralité fiscale.

La Cour de justice de l’Union européenne procède par un raisonnement en deux temps : il convient d’abord de déterminer « l’étendue » pertinente de l’opération économique de l’espèce, avant de déterminer le régime fiscal unique de cette opération.

b.   La détermination d’une offre composite par la jurisprudence

i.   L’étendue de l’opération

Pour procéder à cette analyse, il convient de prendre en considération l’ensemble des circonstances dans lesquelles se déroule une opération, aux fins de déterminer si l’on se trouve en présence de deux ou plusieurs opérations distinctes ou d’une opération unique.

Il est en effet de jurisprudence constante de considérer qu’il « n’existe pas de règle absolue quant à la détermination de l’étendue d’une prestation du point de vue de la TVA (…) il convient dès lors, pour déterminer l’étendue d’une prestation, de prendre en considération l’ensemble des circonstances » ([162]).

Relèvent ainsi d’une même opération les éléments ou actes fournis par l’assujetti au client qui sont « si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel » ([163]).

Il en est de même dans la situation où « un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, un ou des éléments doivent être considérés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale » ([164]).

Pour tenir compte des circonstances de l’espèce il convient, selon la jurisprudence européenne, de se placer du point de vue du « consommateur envisagé comme un consommateur moyen » ([165]).

En pratique, les juges recourent à un faisceau d’indices. Ainsi, le fait que le consommateur accède aux différents éléments de l’offre selon un prix forfaitaire indépendant de sa consommation effective « constitue un indice important de l’existence d’une prestation complexe unique » ([166]).

ii.   Le régime fiscal de l’opération

Après avoir considéré que l’opération de l’espèce constitue une opération complexe unique, se pose la question suivante : quel composant, qualifié de principal, imposera son propre « traitement TVA » à l’ensemble ?

Là aussi, la détermination de l’élément principal et du ou des éléments accessoires est affaire d’interprétation casuistique, réalisée par le juge.

Ainsi, le juge procède à une analyse in concreto, du point de vue du consommateur : il s’agit de savoir si l’opération en cause constitue pour la clientèle une fin en soi, ou simplement le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de l’offre principale ([167]).

Une fois que l’élément principal est déterminé, le régime fiscal est déterminé uniquement à partir de celui-ci. Ainsi, s’agissant du taux, l’application d’un taux réduit est exclue si l’élément principal de l’opération relève du taux normal ([168]).

c.   L’existence d’offres composites spécifiques au traitement dérogatoire

i.   Les agences de voyages

L’article 306 de la directive TVA ([169]) dispose que :

« Les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis. »

Dès lors, constitue une prestation de services unique suivant son régime propre les différents éléments fournis par une agence de voyages pour la réalisation d’un voyage. En d’autres termes, l’opération commerciale réalisée par une agence de voyages en tant qu’intermédiaire est soumise au régime spécifique de TVA des agences de voyages, à savoir une TVA sur la marge bénéficiaire pour un voyage au sein de l’Union européenne au taux de 20 % en France, qui ne peut être ventilé entre les prestations par ailleurs soumises au taux réduit, comme un billet de train – normalement soumis à un taux de TVA de 10 %.

Ainsi, la grille d’analyse jurisprudentielle ne peut ici intervenir : une prestation d’agence de voyages pour un voyage au sein de l’Union européenne est toujours appréciée comme une prestation de services unique en vertu de la directive TVA, sans procéder à une analyse entre élément principal et accessoire.

ii.   L’élément principal qui relève d’un taux sous clause de gel

Une même opération est susceptible de relever de deux taux différents lorsque l’élément principal relève d’un taux sous « clause de gel », c’est-à-dire d’un taux réduit qu’un État membre appliquait historiquement, avant le 1er janvier 1991, et qu’il peut continuer d’appliquer bien qu’il ne soit plus conforme aux dispositions générales de la directive TVA en matière de taux ([170]).

Il en est ainsi, en France, des médicaments remboursés par la sécurité sociale ou des ventes de journaux, affectés d’un taux « super-réduit » de 2,1 %.

Il est alors nécessaire, par exception, de ventiler le prix de l’opération entre ces deux taux selon l’importance relative de l’élément principal et des éléments accessoires.

2.   L’état du droit national

a.   Une absence de régime général relatif à la détermination de l’assiette des offres composites

L’assiette applicable à la TVA est définie en droit national par l’article 266 du CGI, qui dispose que « la base d’imposition est constituée, pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l’acheteur ».

L’article 267 du même code précise que « ne sont pas à comprendre dans la base d’imposition les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients ». La base imposable de la TVA est ainsi constituée du prix hors taxes, net de toutes réductions.

La TVA est ensuite calculée en appliquant à la base imposable ainsi déterminée un taux proportionnel de TVA, qui dépend du type d’opération réalisée.

L’article 268 bis du CGI dispose que « lorsqu’une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs des catégories prévues aux articles du présent chapitre, son chiffre d’affaires est déterminé en appliquant à chacun des groupes d’opérations les règles fixées par ces articles ». En d’autres termes, la TVA est appliquée opération par opération, ces dernières pouvant être regroupées par catégorie homogène et non à l’échelle de l’ensemble du chiffre d’affaires du redevable. Aussi, lorsqu’une offre commerciale est composée de plusieurs prestations distinctes susceptibles d’être soumises à des taux de TVA différents, le redevable doit ventiler les recettes correspondant à chaque taux.

Les principes dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne ne sont donc pas repris de manière générale dans la loi française.

La doctrine fiscale précise que cette ventilation doit s’effectuer de manière simple et économiquement réaliste, sous la propre responsabilité du redevable et sous réserve du droit de contrôle de l’administration fiscale et, en cas de contestation, du juge administratif ([171]). Ce n’est qu’à défaut d’une telle ventilation que le prix doit être soumis dans sa totalité au taux le plus élevé.

b.   Des régimes particuliers relatifs à la détermination des offres composites

Les principes dégagés par la justice européenne ont pu être repris par la loi, la jurisprudence et la doctrine fiscale, mais leur application uniforme ne se réalise que dans des domaines sectoriels. Il en est ainsi des services de télévision, dont le cas a été le premier traité par la loi ([172]), et dont la doctrine fiscale s’est depuis saisie ([173]). Sont ensuite intervenues des dispositions concernant les services de fourniture de presse numérique ([174]) et, enfin, le livre numérique et le droit d’accès aux salles de cinéma ([175]).

i.   Les services de télévision

En 2004, le groupe de télécommunication Free lançait la première offre dite « triple play », incluant dans une même offre, à prix forfaitaire de 29,99 euros, l’accès à internet, la téléphonie fixe et des services de télévision. Rapidement rejoints par les autres fournisseurs d’accès à internet, ces derniers ont, conformément à l’article 268 bis du CGI, réparti la base imposable à la TVA selon les activités soumises à cette date à un taux réduit (services de télévision) et celles soumises au taux normal (internet et téléphonie). Ils se sont par la suite adressés à l’administration fiscale, afin d’obtenir de celle-ci un rescrit qui a validé la répartition du taux réduit sur près de la moitié des recettes.

La Commission européenne, rapidement saisie de plaintes de la part d’opérateurs étrangers préoccupés des risques de distorsion sur le marché européen des télécommunications, a estimé qu’en appliquant le taux réduit sur la moitié environ de la facture des offres « triple play », les opérateurs français disposaient d’un avantage considérable sur leurs concurrents étrangers. Elle a donc adressé une mise en demeure à la France le 18 mars 2010, lui reprochant de contourner l’interdiction d’appliquer son taux réduit de TVA aux services fournis par voie électronique et estimant que la proportion bénéficiant du taux réduit au sein des offres « triple play » n’était pas réaliste par rapport à la valeur économique respective des différentes prestations. Elle notait, par ailleurs, qu’un nombre très significatif d’abonnés avaient souscrit une offre composite incluant les services de télévision alors même que ces derniers n’avaient pas demandé à leurs fournisseurs d’accès le décodeur nécessaire.

Pour répondre aux exigences de l’Union européenne, le législateur national a imposé une règle de répartition spécifique pour les offres composites comprenant des services de télévision. La loi de finances pour 2011 ([176]) a modifié l’article 279 du CGI qui dispose désormais que les abonnements à des services de télévision souscrits par les usagers bénéficient d’un taux de TVA de 10 %. Toutefois, le taux de 20 % est applicable à l’ensemble de la base imposable lorsque la distribution de services de télévision est comprise dans une offre unique qui comporte pour un prix forfaitaire l’accès à un réseau de communications électroniques, à l’instar des offres dites « triple play » groupant accès à internet, téléphonie et services de télévision.

Dans une autre affaire opposant la société Numericable à l’État, la cour administrative d’appel (CAA) de Versailles, le 20 juillet 2017, a condamné le fournisseur d’accès au sujet de l’application entre 2007 et 2009 du taux réduit de TVA aux services de télévision souscrits par les usagers dans le cadre d’une offre composite d’accès à un réseau de télécommunication. La cour rappelle que, « dans le cas où un opérateur offre pour un prix forfaitaire des prestations de services distinctes et indépendantes relevant de taux de TVA différents, l’application du régime d’imposition (…) implique que ce forfait soit décomposé de manière à ce que soit déterminée la part respective pouvant raisonnablement être réputée correspondre aux différentes prestations composant le prix global ; qu’à cette fin, l’opérateur doit être en mesure de justifier d’éléments permettant d’effectuer la ventilation requise avec une précision suffisante en recourant à toute méthode telle que la valeur de marché ou le coût effectif des différentes prestations fournies » ([177]).

La société Numericable avait en effet décidé d’offrir à ses abonnés un service internet et téléphonie en plus de son activité traditionnelle de fournisseur de services de télévision. Or, au lieu de précéder à une répartition économique réaliste entre les différentes prestations, elle appliquait le taux de TVA réduit réservé aux services de télévision sur la quasi-intégralité de l’offre forfaitaire proposé à ses clients, sans tenir compte de la valeur de marché ou du coût effectif des prestations de téléphonie ou d’accès à internet. Par conséquent, la cour estime que la société Numericable « n’apporte aucun élément permettant de définir avec une exactitude suffisante le coût effectif de chacune des prestations fournies », et que « à défaut de toute autre méthode permettant de ventiler avec une précision suffisante la part respective des prestations après remise composant le prix global de l’offre de la société NC NUMERICABLE, c’est à bon droit que l’administration (…) a procédé à la ventilation de cette remise au prorata du montant de chaque prestation facturée » ([178]).

La loi de finances pour 2011 a en tout état de cause permis d’apporter davantage de sécurité juridique aux acteurs économiques, en leur proposant une règle claire et simple : le taux de 20 % est applicable à l’ensemble de la base imposable lorsque la distribution de services de télévision est comprise dans une offre « triple play ».

Services de télévision et offres composites

Est un service de télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l’ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d’une suite ordonnée d’émissions comportant des images et des sons.

Le b octies de l’article 279 du CGI prévoit que le taux réduit de TVA de 10 % s’applique à ces services.

Pour autant, les services de télévision éligibles au taux réduit peuvent être commercialisés dans le cadre d’offres associant d’autres services, notamment de communications électroniques – téléphonie, internet – mais également de télévision à la demande ou des services numériques, comme des livres.

Lorsque l’abonnement aux services de télévision est commercialisé au sein d’une offre avec un autre service, ou produit, ne pouvant être considéré comme accessoire, il s’agit d’une prestation unique seulement si les liens entre ces éléments sont suffisamment étroits pour caractériser une même opération formant un tout indissociable concourant à la réalisation d’une même opération au plan économique.

L’existence d’une mutualisation entre les différents éléments non accessoires, qui se limite à améliorer les conditions d’exécution de l’ensemble des services concernés (contrat unique avec un interlocuteur unique et un espace de gestion commun, service client identique pour l’ensemble des services, fourniture des services via un seul et même réseau de communications électroniques au moyen des mêmes équipements, etc.), si elle constitue un indice fort de l'existence de liens étroits, n’est pas suffisante à elle seule pour caractériser de tels liens. Il en est de même de la faculté que le vendeur se ménage de pouvoir résilier à son initiative l’ensemble du contrat en cas de non-paiement du seul service de télévision.

En revanche, dès lors que les abonnements se présentent sous la forme de contrats d’abonnement à durée indéterminée ou à durée déterminée avec une reconduction tacite, l'impossibilité pour le client de renoncer, en cours de contrat, au seul service de télévision, est un élément déterminant pour caractériser l’étroitesse des liens économiques entre les éléments de l’offre. Aussi, dans l’hypothèse d’une offre proposée à un prix indépendant de la consommation effective de chacun des services, comprenant des éléments de mutualisation tels que ceux susmentionnés, et où une renonciation au service de télévision impliquerait la résiliation de l’ensemble du contrat, l’offre constitue une opération économique unique du point de vue du consommateur.

Exemple : Un opérateur propose une offre comprenant un service de télévision et un service de vidéo à la demande, le visionnage de vidéos ne donnant lieu à aucun supplément de prix et ne pouvant être considéré comme accessoire. Le client ne peut renoncer à une partie des services moyennant une réduction de prix. Les deux services présentant ainsi un caractère indissociable, le taux normal s’applique à l’intégralité du prix.

 

 

ii.   Les services de presse

Dans le cadre de l’enrichissement de leurs offres d’accès à internet et de téléphonie, qui relèvent du taux normal de la TVA, certains opérateurs de communication électronique ont proposé, à partir de juin 2016, à l’ensemble de leurs clients, un abonnement donnant accès à des services de presse en ligne qui, lorsqu’ils sont vendus isolément, relèvent du taux réduit de TVA de 2,1 %.

En incluant un service de presse en ligne dans leur forfait téléphonique ou dans leurs offres « triple play », certains opérateurs de télécommunication ont appliqué, conformément à l’article 268 bis du CGI, ce taux super-réduit de TVA sur une partie de la facture de chaque abonné. La souscription à ces nouveaux services de presse se faisait de manière automatique pour la plupart des clients, le coût pour ces derniers étant neutre, puisque le prix facturé pour le service était compensé par plusieurs remises successives à la fois sur le service presse lui-même mais également sur les forfaits de téléphonie ou d’accès à internet. Les opérateurs concernés procédaient ainsi à une ventilation de la base imposable entre le service presse (2,1 %) et le service internet ou téléphonie (20 %).

Si la méthode utilisée semble conforme à l’article 268 bis du CGI dans la mesure où les différents services font l’objet d’une ventilation en fonction des taux éligibles, l’application du taux de TVA réduit sur une partie significative des offres composites a conduit à s’interroger sur l’opportunité d’un tel dispositif fiscal initialement supposé soutenir uniquement le secteur de la presse.

La solution qui était retenue par les opérateurs consistait en effet à appliquer le taux réduit sur l’ensemble de l’abonnement forfaitaire facturé par le fournisseur d’accès au client pour le service de presse, minoré des remises éventuelles : elle conduisait à un gain fiscal d’environ 1,60 euro par abonné.

Ainsi, le taux réduit de TVA bénéficiait-il davantage aux opérateurs de télécommunication car il était réparti sans lien avec le niveau de consommation réel des services de presse.

La loi de finances pour 2018 a sécurisé juridiquement l’assiette de ces offres composites.

Services de presse et offres composites

Une règle de ventilation de TVA spécifique existe depuis lors pour les abonnements à un service de presse en ligne inclus dans un forfait mobile ou une offre « triple play ».

Elle consiste à fixer l’assiette du taux super-réduit de TVA applicable à raison du coût réel d’acquisition des services de presse en ligne ou d’une version numérisée d’une publication de presse auprès des éditeurs de presse.

Lorsque les prestations de presse en ligne sont comprises dans une offre qui comporte, pour un prix forfaitaire, l’accès à un réseau de communications électroniques, le taux réduit de TVA de 2,1 % n’est applicable qu’à la seule part de l’abonnement égale aux sommes payées par le fournisseur de service, par usager, pour l’acquisition des prestations. Il s’agit de ne prendre en compte dans l’assiette de la TVA pour ce taux réduit uniquement la part de l’abonnement correspondant aux sommes facturées au fournisseur d’accès par les éditeurs de presse lorsqu’un abonné décide, par le biais d’une l’application mobile ou du site internet, d’accéder à une publication numérique de presse en ligne.

iii.   Les livres numériques et l’accès aux salles de cinéma

Constatant que des pratiques d’optimisation demeuraient en adossant, désormais, des services de livres en ligne ou d’abonnement cinéma – tous deux affecté d’un taux de TVA de 5,5 % – à des offres de communications électroniques ou de services de télévision, le législateur a décidé de procéder à une extension des règles applicables en matière de service de presse en ligne dans la loi de finances pour 2020.

Ainsi, lorsque l’abonnement au service de livres en ligne ou d’abonnement cinéma est commercialisé seul, c’est-à-dire qu’il est possible d’en bénéficier sans être tenu de souscrire un autre service ou d’acheter un autre produit, il est logiquement considéré comme une prestation unique éligible au taux de 5,5 %.

En revanche, lorsque ce même abonnement est commercialisé au sein d’une offre avec un autre service ou produit ne pouvant être considéré comme accessoire, il s’agit d’une prestation unique si les liens entre ces éléments sont suffisamment étroits pour caractériser une même opération formant un tout indissociable concourant à la réalisation d’une même opération sur le plan économique.

Alors, le taux de TVA applicable à l’offre de services électroniques – de 20 % – ou de services de télévision – de 10 % – s’appliquera à l’ensemble.

B.   Une nécessaire mise en œuvre du droit européen en matière d’offres composites

1.   Un enchevêtrement complexe et incomplet de règles sectorielles qui nuit à la lisibilité de la norme fiscale

Participent de la garantie des droits, reconnue par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la clarté et l’intelligibilité de la loi fiscale. Si la complexité technique de la loi fiscale n’est pas un obstacle à son intelligibilité – puisqu’elle peut être nécessaire à sa précision – une loi confuse et ambiguë créé de l’insécurité juridique ([179]).

En outre, découle du principe de primauté du droit européen le devoir d’interprétation conforme, qui recouvre tant les actes de droit primaire et dérivé que la jurisprudence.

Or, il ressort des termes même de l’exposé des motifs du présent article que « l’analyse de l’étroitesse des liens économiques entre les différentes composantes d’une même offre commerciale n’est pas toujours systématiquement réalisée, pouvant ainsi conduire à une ventilation des taux de TVA applicables à une offre commerciale non conforme au droit européen ».

L’insécurité quant à la méthode de qualification d’une offre composite peut en effet entraîner des erreurs dans l’application du régime de TVA applicable à l’opération considérée.

Partant, une application erronée d’un taux réduit – résultant d’une volonté d’optimisation agressive, ou non – constitue tout à la fois une violation du droit européen en même temps qu’elle peut engendrer des pertes de recettes fiscales.

2.   Une clarification souhaitable au niveau législatif

Les positions de l’administration fiscale, qui figurent au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), apportent en l’espèce une position officielle de l’administration fiscale qui n’est que sectorielle.

Il est en de même de l’intervention du législateur (v. supra), ou de la jurisprudence.

Le Conseil d’État a en effet eu l’occasion de faire œuvre prétorienne en matière de taux dans un arrêt important en matière d’offres complexes. Il a ainsi été considéré que l’accès à un complexe aquatique par les clients qui séjournaient dans un village de vacances devait être regardé, au regard des circonstances de l’affaire – impossibilité pour les clients de refuser l’accès à ce complexe, mais également absence de facturation distincte et faible contribution de ces installations à la formation du prix – comme constituant pour la clientèle non une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de la prestation principale d’hébergement, qui devait donc bénéficier d’un taux réduit de TVA ([180]). Cette jurisprudence a été récemment rappelée ([181]).

Pour autant, cette mise en œuvre du droit européen en matière d’offres composites est incomplète, en l’absence de grille d’analyse systématique contenue dans la loi.

II.   Une clarification des règles de tva applicable aux offres composites

A.   Les modifications apportées

1.   Une érection au niveau législatif des principes jurisprudentiels régissant l’application de la TVA aux offres composites

Le du présent article insère un nouvel article 257 ter au sein du CGI. Cet article explicite le principe d’une application de la TVA opération par opération, en remplacement de l’actuel article 268 bis – dont la rédaction est modifiée – et reprend les règles de détermination de l’étendue d’une opération dégagées par la CJUE (v. supra). Ce nouvel article consolide également le régime relatif aux offres composites des agences de voyages.

Ainsi, par dérogation, constituent une prestation de services unique suivant son régime propre les différents éléments fournis pour la réalisation d’un voyage par une agence de voyage ou un organisateur de circuit touristique qui agit en son nom à l’égard du voyageur et recourt à des livraisons de biens ou des prestations de services d’autres assujettis. Cette exception aboutit à plusieurs coordinations dans le CGI, que réalisent les 2°, 4°, 6°, 7°du présent article.

Par ailleurs, le du présent article insère un nouvel article 278-0 au sein du CGI pour fixer la règle générale en matière de taux selon laquelle, lorsque les éléments autres qu’accessoires d’une offre unique relèvent de taux différents, le taux applicable est le taux le plus élevé.

Enfin, ce même 9° créé un nouvel article 278-0 A du CGI afin de prévoir la dérogation au principe du régime fiscal unique d’une opération, selon laquelle ce principe ne peut conduire à étendre le taux particulier de 2,1 % « sous clause de gel » à des éléments accessoires relevant d’un autre taux. Seul l’élément principal sous clause de gel pourra effectivement bénéficier du taux « super-réduit » qui lui est attaché.

2.   Une généralisation à l’ensemble des services numérique de la règle de ventilation d’assiette visant à prévenir l’optimisation

Le 8° du présent article modifie l’article 268 bis du CGI afin d’étendre la règle d’assiette du « supplément de prix » introduite par le législateur pour traiter certaines offres composites – communications électroniques et services de télévision, presse numérique, livre numérique et cinéma – à l’ensemble des offres d’abonnement qui comprennent au moins l’un des services suivants : communications électroniques, télévisions, services numériques.

Il est ici précisé que cette règle de ventilation, qui consiste à appliquer le taux réduit au supplément de prix payé par le client déterminé par rapport au prix d’une offre identique, ne s’applique que lorsqu’il est possible de considérer que l’offre est composée de plusieurs opérations indépendantes, ce qui implique donc l’absence de lien économique étroit entre les services relevant de ces opérations.

Si tel n’est pas le cas, le taux le plus élevé s’appliquera, conformément aux dispositions du nouvel article 278-0 du CGI.

3.   Une simplification de la rédaction des règles de taux applicables aux opérations analogues aux livraisons de biens

Le droit européen prévoit que le taux applicable à la livraison d’un bien s’applique également aux diverses opérations portant sur le même bien : acquisition intracommunautaire, importation et prestation d’intermédiation opaque.

Ce principe est mis en œuvre dans le code général des impôts en recourant, au début de chacune des dispositions relatives aux taux réduits, à l’expression « opérations d’achat, d’importation, d’acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon ».

Selon l’exposé des motifs du présent article, cette expression « est imprécise et source de confusion ».

Afin de simplifier et de clarifier la rédaction du CGI à droit constant, cette expression est supprimée au profit de l’expression « livraison », déjà définie à l’article 256 du CGI et de l’introduction d’un nouvel article 278-0 B portant une règle générale qui rappelle le principe ci-dessus énoncé.

B.   L’impact économique et budgétaire

L’évolution des règles européennes se traduit par une modification des pratiques au niveau national et méritait d’être fixée au niveau législatif, afin d’assurer une application uniforme de la loi fiscale sur le territoire national. Aussi, cet article constitue une avancée majeure, pour les opérateurs, en matière de sécurité juridique.

L’impact budgétaire de cet article n’est pas chiffré, du fait, en réalité, de l’impact économique minime qu’il devrait avoir sur les opérateurs.

En effet, la jurisprudence étant déjà largement fixée et appliquée, l’impact du nouvel article 278-0 du CGI, qui postule que, lorsque les éléments autres qu’accessoires d’une offre unique relèvent de taux différents, le taux applicable est le taux le plus élevé, est à relativiser. S’il permettra de mettre fin à des jurisprudences divergentes de certaines juridictions du fond, son impact devrait n’être que marginal sur les prix.

En ce sens, le présent article constitue plus une clarification qu’une évolution.

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La commission examine l’amendement I-CF852 de M. Christophe Naegelen.

M. Michel Zumkeller. Il convient de supprimer cet article, typique de la fausse bonne idée, qui créera des contraintes pour les entreprises et, surtout, augmentera les coûts pour les ménages et les consommateurs alors que ce n’est pas du tout le moment.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne partage pas votre avis et je considère au contraire que cet article est bienvenu afin de sécuriser juridiquement les entreprises. Nous ne sommes jamais assez prodigues de simplification et d’harmonisation.

Nous reparlerons en séance publique de ses conséquences pour les consommateurs, comme je l’ai déjà fait avec leurs représentants associatifs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF852.

Elle examine l’amendement I-CF1090 de M. François Ruffin.

Mme Sabine Rubin. Plus de 70 % des auxiliaires de vie sociale travaillent à temps partiel. D’après les chiffres du Gouvernement, leur salaire est faible puisqu’il avoisine 1 520 euros brut.

Cet amendement propose d’appliquer le taux de TVA réduit de 5,5 % aux seules structures employeuses offrant à leurs salariées des conditions de travail dignes afin d’encourager un nivellement par le haut des conditions de rémunération de ces professionnels.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne crois pas que la dignité des conditions de vie et de travail s’obtienne par la fiscalité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1090.

Elle adopte l’article 9 sans modification.

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Après l’article 9

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF116 de M. Fabrice Brun, les amendements identiques I-CF93 de M. Marc Le Fur et ICF159 de M. Dino Cinieri, et l’amendement I-CF757 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF116 concerne la suppression de la taxe sur la taxe et vise à exclure de la base d’imposition de la TVA tous les impôts et taxes divers appliqués aux biens de première nécessité que sont l’électricité, l’eau et le gaz.

M. Marc Le Fur. Nos concitoyens ne comprennent pas, en effet, que le calcul de la TVA s’effectue non seulement à partir du prix de base mais à partir de ce prix imputé des impôts. Il faut en finir avec ce qui est contraire à toute logique.

M. Dino Cinieri. Je propose de compléter le code général des impôts en y introduisant un article 267 ter qui exclut de la base d’imposition de la TVA les taxes pour la fourniture d’électricité, d’eau et de gaz.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il nous semble particulièrement injuste de payer une taxe – la TVA ­– sur les taxes, en particulier sur des biens de première nécessité mais aussi en matière de chauffage ou de mobilité – un plein de carburant compte en moyenne 6 euros de TVA sur les taxes. Il convient de supprimer une telle aberration.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nombre des amendements dont nous allons discuter se heurteront au droit européen, comme chaque fois qu’il est question de TVA. Il est de mon devoir de ne pas donner un avis favorable à des dispositions qui y seraient contraires.

Qui ne partagerait pas les points de vue exprimés sur ce problème qu’est le paiement d’un impôt sur l’impôt ? Le droit européen écarte cependant toute possibilité de déroger aux impôts, taxes et droits qui frappent la fourniture d’eau, de gaz et d’électricité. Par sécurité juridique, avis défavorable.

M. Julien Aubert. La réponse de M. le rapporteur général est juridiquement pleine de bon sens mais le prélèvement d’une taxe sur la taxe suppose que cela crée de la valeur, ce qui reste à prouver.

Puisque nous partageons le même constat, n’est-il pas possible d’avancer en demandant la remise d’un rapport ou en faisant en sorte que le Gouvernement reparte à l’assaut pour négocier une modification du droit européen ?

Dans le cas contraire, nous resterons pris dans ce cercle vicieux, or, la crise des gilets jaunes est née pour partie de l’évolution des prix du carburant : de mémoire, la TVA y est calculé deux fois, ce qui échappe à toute rationalité budgétaire, fiscale ou politique !

M. le président Éric Woerth. Il est vrai que ces taxes sur des taxes soulèvent des problèmes infinis…

Mme Sabine Rubin. La politique allemande de relance repose sur une baisse de la TVA. Peut-être ne respecte-t-elle pas le droit européen mais, quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de nous opposer l’Europe chaque fois qu’il est question de TVA : l’Europe autorise certaines baisses de TVA, notamment à 5,5 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui, dans le cadre du droit européen.

Mme Sabine Rubin. C’est ce que fait l’Allemagne !

La commission rejette successivement l’amendement I-CF116, les amendements identiques I-CF93 et I-CF159, ainsi que l’amendement I-CF757.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF525 de M. Vincent Descoeur et I-CF599 de Mme Sylvia Pinel.

La commission examine l’amendement I-CF265 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai lancé ce débat lors de la discussion du PLFR 3 : plusieurs chefs d’entreprise me disent que la TVA est décomptée dès la facturation, or, dans le contexte que nous connaissons, nombre de factures ne sont pas payées, ce qui accroît les problèmes de trésorerie.

Je propose, fût-ce temporairement, un mécanisme de prélèvement de la TVA sur les recettes effectivement encaissées, et pas sur les factures émises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est déjà une possibilité pour certaines opérations. Je comprends que vous souhaitiez la généraliser pendant la période de crise mais, en l’état, cela serait contraire au droit européen.

Je vous propose d’interpeler le Gouvernement, au banc, sur un sujet dont les enjeux sont importants. Pourquoi, en effet, ne pas demander un rapport ? Toutefois, nous n’allons pas nous raconter des histoires : ce travail se fera alors que la crise durera encore. Qui plus est, les négociations ouvertes depuis trois ans sur la directive TVA avancent lentement.

L’amendement I-CF265 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF210 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Afin de protéger de la faillite les microentreprises employant moins de dix salariés, cet amendement prévoit une annulation de l’éligibilité de la TVA collectée par certaines entreprises que ces dernières doivent reverser au Trésor public, du 1er mars au 31 décembre 2020. En leur permettant de conserver la TVA perçue, nous redonnerons du souffle à leur trésorerie mise à mal par la crise actuelle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous sommes en octobre et votre amendement ne traite pas les échéances de TVA entre mars et aujourd’hui. De surcroît, il introduit une rupture d’égalité devant l’impôt. Enfin, comment procéder : par secteur, par tailles d’entreprise ? Cela me semble très compliqué.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF210.

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Article additionnel après l’article 9
Allongement du délai dont disposent les bailleurs sociaux pour payer la TVA due au titre des constructions qu’ils réalisent

Elle examine les amendements identiques I-CF836 de M. Stéphane Peu et I-CF1256 de M. Aurélien Taché.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le délai dont disposent les bailleurs sociaux pour payer la TVA due au titre des constructions de logements locatifs sociaux qu’ils réalisent – livraison à soi-même – a été ramené à trois mois. Or, cette nouvelle règle pénalise les organismes parce qu’ils n’ont pas reçu l’ensemble des factures concernant ces opérations et ils sont obligés de procéder à ces livraisons en plusieurs fois. Cet amendement pratique et de bon sens propose donc de porter ce délai de trois à six mois.

Mme Émilie Cariou. Il permettrait en effet aux bailleurs sociaux d’avoir une gestion plus rationnelle de leur déclaration de TVA.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons débattu de cette question l’année dernière en séance publique, où le ministre nous avait expliqué que la réduction du délai de deux ans à trois mois n’avait pas soulevé de problème. Serait-il possible d’avoir des informations du terrain pour savoir si cela s’est vérifié ? Si tel n’est pas le cas, je vous soutiendrai et nous proposerons un rallongement. Je vous propose de travailler en ce sens avec vous puis de poser à nouveau la question au ministre en séance.

Mme Valérie Rabault. Si nous discutons quasiment chaque année de cette question, c’est qu’un problème se pose.

Le passage de deux ans à trois mois a sans doute été trop brutal. Nous avons intérêt à voter ces amendements, monsieur le rapporteur général, car d’expérience, j’ai constaté que le Gouvernement répond plus volontiers à ceux qui l’ont été en commission qu’aux autres. La commission des finances, de surcroît, a un peu de poids !

La commission adopte les amendements identiques I-CF836 et I-CF1256 (amendement 2816).

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Après l’article 9

Elle examine les amendements identiques I-CF863 de Mme Josiane Corneloup, I‑CF868 de M. Patrick Hetzel, I-CF962 de Mme Lise Magnier et ICF1055 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’élargir l’application du régime de TVA réduite à 5,5 % aux opérations d’achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage, de façon, de réparation ou de reconditionnement de biens éligibles.

Mme Lise Magnier. Cet amendement concerne en effet l’application du taux de TVA réduit pour la réparation et le reconditionnement, notamment des biens électroniques et électroménagers.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement a été excellemment défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur le fond, politiquement, je ne suis pas très convaincu de l’efficacité de la baisse des taux de TVA, ni sur les marges des entreprises, ni sur les prix pour les consommateurs. L’histoire récente a montré que l’impact, lorsqu’il a lieu, est très faible.

Nous avons baissé le taux de TVA pendant la crise dans le cas très particulier des masques et du gel hydro-alcoolique – exceptionnellement, et c’était je crois bienvenu – mais je reste très sceptique quant à l’efficacité de cet outil-là, qui reste coûteux.

Au demeurant, le droit européen est assez strict pour tout ce qui concerne la réparation et le recyclage – des amendements à venir en tiennent d’ailleurs compte : chaussures, articles en cuir, textiles, etc.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Cela mérite d’autant plus discussion que le reconditionnement des biens est jugé de plus en plus pertinent, le recyclage coûtant évidemment beaucoup plus cher, y compris aux deniers publics. En tenant compte des externalités, la relative non-rentabilité pour les comptes publics doit être examinée de près.

Votre réaction, monsieur le rapporteur général, me semble problématique : on a l’impression que si la majorité parle d’écologie et d’environnement, elle n’est pas au rendez‑vous des actes, ce qui est assez paradoxal.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Gouvernement et la majorité sont au rendez-vous des enjeux posés par le recyclage, le reconditionnement et l’économie circulaire dans le plan de relance. Je vous invite à examiner l’ensemble des mesures et des crédits affectés à ces thématiques.

M. Patrick Hetzel. C’est très ponctuel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est surtout efficace. Vous savez très bien que le subventionnement des investissements au service d’un meilleur reconditionnement, d’un meilleur recyclage et d’une meilleure économie circulaire sera toujours plus efficace que des taux de TVA à 5,5 %. Je comprends le signal envoyé par ces amendements mais je crois que le plan de relance apporte une réponse beaucoup plus efficace à ce problème.

La commission rejette les amendements identiques I-CF863, I‑CF868, ICF962 et ICF1055.

Elle examine les amendements identiques I-CF125 de M. Fabrice Brun et I-CF246 de M. Guillaume Chiche.

M. Fabrice Brun. La crise sanitaire, la façon dont les Français ont vécu le confinement modifiera durablement notre manière de vivre, notre rapport avec l’alimentation. Nous proposons donc un taux de TVA à 5,5 % pour les plants de légumes, produits de première nécessité consacrés par une forme de retour au jardinage ou à l’autoproduction. C’est également un moyen concret pour soutenir la filière horticole, qui a souffert et souffre encore.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF125 et I-CF246.

La commission examine l’amendement I-CF1439 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Je reviens une nouvelle fois sur la disposition visant à abaisser la TVA de 20 % à 5,5 % sur les protections palliatives absorbantes, plus communément appelées couches. D’aucuns pourraient me reprocher d’en remettre une couche mais l’importance d’un tel amendement justifie que je revienne à la charge.

Christian Eckert, lors de la loi de finances pour 2016, avait instauré ce taux réduit sur les produits de protection hygiénique féminine. Le vieillissement de la population française explique l’augmentation du nombre de personnes souffrant d’incontinence : ils sont aujourd’hui entre 3 et 7 millions, dont deux tiers ont plus de soixante ans. Un tel taux permettrait de réduire la charge financière qui, pour certains, représente jusqu’à 14 % de leurs dépenses mensuelles.

Vous parliez d’exception, monsieur le rapporteur général : créons-la ! Chaque année, on m’oppose que l’Union européenne ne le permet pas, or, la Belgique applique un taux de 6 % et les Pays-Bas de 9 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. M. Eckert, précisément, avait travaillé à la réforme de la directive européenne TVA qui a permis l’éligibilité des produits d’hygiène féminine à un taux réduit. C’est dans le même ordre qu’il faut travailler et je suis d’accord pour le faire avec vous. Ce sont des produits similaires, dont l’enjeu sanitaire et social est important.

M. le président Éric Woerth. Ce sera difficile de le faire sans l’étendre aux couches pour les enfants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce n’est pas tout à fait pareil.

Mme Christine Pires-Beaune. Je ne soutiendrai pas cet amendement.

Il y a quelques années, nous avons baissé la TVA sur les protections hygiéniques féminines. J’avais pris en photos peu de temps auparavant les rayonnages des grandes surfaces : bien après le vote de cet amendement, les prix n’avaient pas bougé d’un centime.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est le principe de la transmission aux prix.

M. le président Éric Woerth. Et le problème de la baisse de TVA qui ne se répercute pas sur les prix.

La commission rejette l’amendement I-CF1439.

Elle examine l’amendement I-CF620 de Mme Aina Kuric.

Mme Patricia Lemoine. Il convient d’inclure les produits électriques et électroniques reconditionnés dans la liste de ceux bénéficiant du taux réduit de TVA. Là encore, il s’agit de donner un signal fort pour encourager les filières qui permettent de produire moins de déchets.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF620.

Elle examine l’amendement I-CF1228 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Par l’ironie du classement des amendements, mon amendement de repli passe avant mon amendement de combat !

Les jeux de société et les livres-jeux ne sont pas traités à la même enseigne : les premiers sont taxés à 20 % et les seconds à 5,5 %. Des éditeurs un peu malins fabriquent alors ceux-ci plutôt que ceux-là. Mon amendement I-CF1227, qui sera appelé plus tard, propose donc d’abaisser la TVA dans les deux cas et cet amendement de repli, dans l’hypothèse où le suivant serait rejeté, de porter la TVA à 20 % pour les livres-jeux.

Plus d’égalité et moins de distorsion fiscale : tel est l’enjeu de ces amendements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pourquoi voulez-vous pénaliser les éditeurs de livres-jeux ? Le taux est à 5,5 % parce que c’est celui de tous les livres. Je comprends votre volonté d’harmonisation mais, comme disait Mme Louwagie, il est possible de le faire par le haut ou par le bas. Ceux qui bénéficient d’un tel taux doivent pouvoir continuer à en profiter.

M. Julien Aubert. Je déduis de votre opposition à l’amendement I-CF1228 votre approbation de l’amendement I-CF1227. Je retiens précieusement votre offre pour la réutiliser dans quelques amendements !

Sur le fond, un livre-jeux n’est pas tout à fait un livre mais un jeu de société sous forme de livre. Vous ne pouvez pas exciper de la nature du contenant pour considérer que le contenu devrait être traité différemment.

Les éditeurs de jeux de société sont pénalisés en raison de la grande différence de prix. Ce sujet n’est pas aussi anodin que cela.

La commission rejette l’amendement I-CF1228.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques I‑CF154 de M. Dino Cinieri et I-CF356 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que les amendements identiques I-CF88 de M. Marc Le Fur et I-CF144 de M. Fabrice Brun.

M. Dino Cinieri. L’amendement vise à appliquer le taux de TVA réduit de 5,5 % au bois énergie de qualité, labellisé, présentant un taux d’humidité inférieur à 23 %, afin d’améliorer la qualité de l’air, de structurer cette filière nouvelle, de créer des emplois et de procurer des revenus additionnels à l’État.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement s’apparente à un marronnier. (Sourires.)

M. Fabrice Brun. Nous proposons d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % au bois énergie de qualité, labellisé, répondant à des critères précis, notamment un taux d’humidité inférieur à 23 %. Je rappelle que 7 millions de ménages français se chauffent au bois. C’est un mode de chauffage qu’il ne faut pas stigmatiser mais qu’il convient au contraire d’accompagner, notamment par l’équipement en foyers fermés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le bois de chauffage bénéficie déjà d’un taux de TVA réduit, qui s’élève à 10 %. Défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques I‑CF154 et ICF356, ainsi que les amendements identiques I-CF88 et I-CF144.

Elle en vient à la discussion commune des amendements identiques I-CF89 de M. Marc Le Fur, I-CF137 de M. Fabrice Brun et I-CF156 de M. Dino Cinieri, ainsi que de l’amendement I-CF118 de M. Fabrice Brun.

M. Dino Cinieri. L’amendement a pour objet d’appliquer un taux de TVA réduit aux activités de réparation de cycles, chaussures et articles en cuir, ainsi qu’aux retouches textiles, afin de contribuer à l’implantation ou à la réimplantation de ces activités dans les centres-villes, en cohérence avec le programme Action cœur de ville porté par le Gouvernement.

M. Fabrice Brun. Par l’amendement I-CF118, nous proposons d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux activités de réparation de cycles et de cycles à pédalage assisté afin d’encourager le développement de ces activités économiques de proximité, ainsi que le recours aux mobilités douces.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Défavorable, pour les raisons que j’ai exposées concernant le recyclage et le reconditionnement.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF89, I-CF137 et I-CF156, ainsi que l’amendement I-CF118.

Elle est saisie, en présentation commune, des amendements I-CF142 et ICF147 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF142 vise à appliquer un taux réduit de TVA aux produits vendus en vrac, autres que les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine et animale, qui y sont déjà soumises. C’est un moyen de soutenir le « zéro déchet ». Les amendements I-CF147 et I-CF148 sont inspirés par la même philosophie.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF142 et I-CF147.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF148 de M. Fabrice Brun et I-CF1321 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement vise à baisser la TVA sur la réparation et le réemploi, afin de faire croître la demande pour ces activités et les produits qui en sont issus. La perte de recettes liée à cette réduction serait notamment compensée par la diminution des coûts de traitement des déchets évités. L’adoption d’une TVA à taux réduit est l’une des mesures proposées dans le pacte vert européen, adopté par la Commission européenne l’an dernier. Sept pays de l’Union européenne, parmi lesquels la Belgique, la Suède, le Luxembourg et les Pays‑Bas, ont réduit la TVA sur ces activités, en appliquant des taux compris entre 5 et 8 %. La France ne doit pas prendre de retard. L’amendement est issu d’une proposition de l’organisation Halte à l’obsolescence programmée, dont je salue le travail sur ces sujets.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF148 et I-CF1321.

Elle en vient à l’amendement I-CF606 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Dans le même esprit, cet amendement a pour objet d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % à l’ensemble des services de mobilité partagée éligibles au forfait mobilité durable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même avis que précédemment. Le droit européen permet d’appliquer un taux réduit aux transports dès lors qu’ils sont réalisés sous le contrôle d’un prestataire de transport, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence. Par ailleurs, on pourrait s’interroger sur l’avantage écologique comparé des trottinettes électriques et scooters partagés, d’une part, et des transports en commun, d’autre part. Si les services de mobilité partagée sont écologiques en termes d’émissions de CO2, ils le sont moins au regard des modes de production. On devra trancher collectivement le débat au cours des semaines et des mois à venir. Je m’interroge, par exemple, sur le caractère écologique des batteries électriques.

M. Fabrice Brun. Vous avez raison de souligner que le tout électrique peut rapidement devenir une impasse au vu de la production de métaux lourds et rares, ainsi que du recyclage des batteries, qui n’est pas encore au point. Je me réjouis d’entendre un point de vue plus nuancé que ce qui est dit habituellement.

M. Julien Aubert. Il manque, dans notre réflexion, la prise en compte du coût de la tonne de CO2 évité. Pour évaluer une proposition, en la matière, il faudrait rapporter l’économie de CO2 liée à l’usage de la trottinette électrique ou du scooter partagé au coût du dispositif pour le contribuable. Tant qu’on ne saura pas comparer les sources d’énergie – tels l’hydrogène, aujourd’hui à la mode, ou l’électrique, dont on parlait beaucoup il y a cinq ans, pour les véhicules –, on ne pourra pas hiérarchiser les dispositifs fiscaux au regard de leur efficacité.

La commission rejette l’amendement I-CF606.

La commission est saisie de l’amendement I-CF1322 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à réduire le taux de TVA sur les biens achetés d’occasion, afin de promouvoir une consommation plus responsable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce serait contraire au droit européen. Par ailleurs, je doute fort de l’effet d’une telle mesure sur les prix.

La commission rejette l’amendement I-CF1322.

La commission examine l’amendement I-CF1227 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. C’est un amendement de combat, qui vise à rétablir l’égalité entre les livres jeux et les jeux de société. Je ne doute pas, monsieur le rapporteur général, que vous trouviez anormale cette inégalité de traitement, et que vous souhaitiez harmoniser la taxation par le bas, en la ramenant à 5,5 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Quand on pratique un jeu de combat, tel Risk, les fantassins que l’on avance peuvent se trouver piégés. En l’occurrence, le piège est constitué par le droit européen, qui vous empêche d’appliquer cette mesure. Cela étant, vous avez raison, dans l’absolu, je préfère niveler la fiscalité par le bas. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Peut-être, un jour, modifierons-nous le droit européen. C’est le Parlement qui vote l’impôt, et il est très regrettable que nous soyons dans l’incapacité de faire aboutir de nombreuses propositions qui répondraient aux attentes de nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement I-CF1227.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF357 de Mme Véronique Louwagie.

Elle est saisie de l’amendement I-CF758 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Fabien Roussel. La France est riche et, pourtant, la pauvreté augmente. Je paraphrase le pape, qui appelait, il y a quelques mois, « le monde riche à mettre fin à la pauvreté ». Nous devons tout mettre en œuvre pour éradiquer la pauvreté dans notre pays, en augmentant les salaires et les pensions, en essayant de réduire la perte de pouvoir d’achat que subissent bon nombre de nos concitoyens. Nous défendrons plusieurs amendements qui visent à réduire la facture, essentiellement sur des produits de première nécessité. Nous proposons, en l’occurrence, de baisser la TVA sur la consommation d’électricité. Comme vous le savez, le prix de l’électricité a fortement augmenté au cours des dernières années pour tous nos concitoyens, l’Europe ultralibérale ayant dérégulé le marché de l’énergie. Nous pouvons agir sur ce levier en ramenant la TVA à 5,5 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le taux réduit de TVA n’est possible, vous le savez, que sur les abonnements, et non sur la consommation électrique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF758.

Elle en vient à la discussion commune des amendements I-CF809 de M. Pascal Brindeau et I-CF958 de M. Vincent Rolland.

M. Michel Zumkeller. L’amendement I-CF809 vise à ramener le taux de TVA à 5,5 % pour nos hôteliers-restaurateurs. Chacun connaît les grandes difficultés que connaît ce secteur, dues en partie aux fermetures administratives – que l’on comprend par ailleurs. On ne peut leur demander de fermer sans que, parallèlement, on n’accomplisse un geste en leur faveur. Certes, d’autres aides leur ont été accordées, et cette mesure ne résoudrait pas tout, mais ce serait un geste supplémentaire. Cela ne se traduirait pas par une baisse des prix, mais leur permettrait d’améliorer leur trésorerie. Pour que cette disposition soit conforme au droit européen, elle ne s’appliquerait que pendant dix-huit mois. Nos hôteliers, cafetiers et restaurateurs méritent qu’on montre cette détermination.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF958 a pour objet d’appliquer un taux unique de TVA de 5,5 % à l’ensemble des activités commerciales du secteur de la restauration et des cafés et bars, jusqu’à la fin de l’année 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le secteur de l’hôtellerie‑restauration souffre : nous en sommes tous conscients. Des mesures ont été prises depuis le début de la crise. Certaines d’entre elles ont été prolongées, et parfois amplifiées. Ainsi, le plafond des dotations pouvant être versées aux professionnels des secteurs les plus touchés, dans le cadre du second volet du fonds de solidarité, a été porté à 10 000 euros. Par ailleurs, on n’abaisserait pas le point mort des entreprises concernées en réduisant le taux de TVA. Je n’y crois absolument pas. Les montants en jeu ne sont pas appropriés. La mesure serait inefficace, contrairement à l’annulation de charges, au transfert de salaires – principe de l’activité partielle – et aux aides directes – principe du fonds de solidarité. Je sais que vous aviez déposé plusieurs propositions de loi, avec M. Fasquelle, à ce sujet. Pour ma part, je suis convaincu que ce n’est pas la bonne solution, compte tenu des outils que nous avons déjà employés.

M. Fabrice Brun. Ce dispositif serait à mes yeux complémentaire des mesures déjà mises en œuvre. Quel bilan peut-on dresser de l’application qui avait été faite d’un taux très réduit de TVA sur la restauration ? S’il n’a peut-être pas eu l’effet escompté en termes d’emploi, le dispositif a quand même permis aux hôteliers-restaurateurs – les chiffres l’ont démontré – de reconstituer leurs marges, de revaloriser les grilles salariales – ce qui a redonné de l’attractivité à ces métiers –, de se mettre aux normes et d’investir. Il me semble que vous balayez un peu rapidement cette proposition, qui est soutenue sur de nombreux bancs.

M. Michel Zumkeller. Avant d’abaisser le taux de TVA sur l’hôtellerie et la restauration à 5,5 %, on avait tenu le même raisonnement. Or, cette mesure a contribué à améliorer les choses. Ce dispositif aiderait les professionnels à faire face à la situation particulièrement difficile qu’ils doivent affronter. Il nous faut montrer qu’une fois encore, nous sommes derrière nos restaurateurs et nos hôteliers, qui constituent un secteur vital pour l’économie.

La commission rejette successivement les amendements I-CF809 et ICF958.

Elle examine les amendements identiques I-CF92 de M. Marc Le Fur, ICF131 de M. Fabrice Brun et I-CF536 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement concerne les établissements, dits de type P, qui reçoivent du public et dont l’activité principale est l’exploitation d’une piste de danse. Ayant subi de plein fouet les conséquences du virus, ils demandent une réduction du taux de TVA sur les billets d’entrée pour permettre la relance de l’activité lorsque les pistes rouvriront.

M. Fabrice Brun. Les établissements qui exploitent des pistes de danse, qu’il s’agisse de discothèques ou de bars de nuit, sont parmi les plus affectés par la crise. En leur appliquant un taux réduit de TVA sur les billets d’entrée, on leur permettrait de reconstituer leurs marges et d’assurer leur survie.

Mme Émilie Bonnivard. La question de la rémunération des gérants de discothèques n’est pas réglée. Ces personnes n’ont plus aucun revenu depuis sept mois. Il faut avancer avec le Gouvernement sur le sujet. J’ai auditionné, en ma qualité de rapporteure spéciale sur les crédits du tourisme, le représentant de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)-nuit, qui m’a fait part de la grande détresse du secteur. Par ailleurs, les mesures ne sont pas à la hauteur pour certains établissements qui supportent des charges bien supérieures au plafond fixé par l’État – je pense à des structures situées en Corse, qui ont passé un été dramatique. N’oublions pas que ce sont des outils touristiques pour l’avenir. Un pas a été fait, qui demeure insuffisant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est probablement l’un des secteurs qui sortira le plus affaibli de la crise. Les outils employés doivent être à la hauteur de leurs difficultés. Concernant le monde de la nuit et, plus généralement, les domaines d’activité les plus touchés – mais peu ont subi une fermeture aussi prolongée que ces établissements –, l’ensemble des charges – le loyer, l’eau, le gaz, l’électricité – doivent être intégralement assumées par des aides publiques. Le fonds de solidarité est l’instrument le plus adapté, car il permet un décaissement rapide. Comme cela a été annoncé, l’aide peut atteindre 15 000 euros. Cela correspond aux demandes faites par le monde de la nuit. Des députés, parmi lesquels Christophe Blanchet, sont très actifs sur ce sujet. Les établissements peuvent cumuler ces aides avec le prêt garanti par l’État (PGE) et, le cas échéant, le dispositif de chômage partiel. Cela étant, j’insiste à nouveau sur le fait qu’il n’est pas utile de baisser la TVA applicable à un secteur qui n’a pas d’activité. Il n’y a pas d’autres solutions que de subventionner le secteur par des aides publiques directes.

La commission rejette les amendements identiques I-CF92, I-CF131 et ICF536.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1041 de M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. La France est attractive pour les spectacles et les événements sportifs, car elle leur applique un taux de TVA de 5,5 %. Voulons-nous que les spectacles e-sportifs, les compétitions de jeux vidéo bénéficient de la même attractivité ? La proposition consistant à ramener la TVA à 5,5 % est issue du rapport de 2016 de Rudy Salles et Jérôme Durain sur la pratique compétitive des jeux vidéo, des travaux que j’ai menés en 2019 et de la stratégie nationale pour faire de la France un leader de l’e-sport en 2025, présentée par Mme Maracineanu, M. O et Mme Cluzel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je remercie Denis Masséglia de défendre avec constance l’e-sport depuis le début de la législature. À l’heure actuelle, le droit européen ne précise pas s’il faut considérer les compétitions d’e-sport comme des manifestations sportives ou des spectacles. Si nous pouvions considérer ces événements comme des spectacles, je ne verrais aucune difficulté à ce qu’on fasse droit à votre demande. Je vous suggère que nous interrogions le ministre en séance. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour que nous accroissions l’attractivité de la France en ce domaine. Cela étant, je nourris toujours les mêmes réserves quant à l’efficacité de la baisse de la TVA, qu’il faut relativiser.

M. Denis Masséglia. Vous établissez une comparaison entre le sport et l’e‑sport, qui sont complètement différents. Si le code général des impôts (CGI) définit précisément la TVA sur les événements culturels et sportifs, il n’indique rien au sujet des compétitions d’e-sport. À mon sens, il serait utile, pour la filière, que cela soit précisé.

La commission rejette l’amendement I-CF1041.

Elle en vient à la discussion commune des amendements I-CF85 de M. Marc Le Fur, I-CF1108 de Mme Sabine Rubin et I-CF1462 de la commission du développement durable.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF1108 rejoint l’amendement I‑CF1321 de Matthieu Orphelin. Il vise à instituer un taux de TVA réduit pour toutes les activités de réparation de produits, qui ont pour but d’allonger leur durée de vie, dans le cadre de la lutte contre l’obsolescence programmée.

On voit fleurir des amendements visant à agir en faveur de l’environnement par la baisse de la TVA. J’en suis ravie car, il y a quelques années, nous étions les seuls à en proposer, et personne n’y prêtait attention. L’idée commence à faire son chemin. Depuis 2019, le pacte vert européen a conduit à l’adoption de mesures similaires dans plusieurs pays. Je voudrais donc revenir sur l’absence de réponses du rapporteur général. Pourquoi toujours refuser, évacuer les propositions ? J’ai dû mal à comprendre vos arguments fondés sur le droit européen. Pouvez-vous les préciser ?

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Après le succès du « coup de pouce vélo », la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire propose de baisser la TVA sur les activités de réparation qui permettent de prolonger l’utilisation des vélos, des articles d’habillement et du linge de maison.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Rubin, je ne crois pas à l’efficacité de la réduction des taux de TVA, de manière générale, et encore moins pour faire face à la crise actuelle. La baisse de la TVA exerce peu d’effet sur les prix à la consommation. À titre d’exemple, comme l’a expliqué Mme Pires Beaune, le prix des articles d’hygiène féminine est demeuré constant, malgré la baisse de la TVA. Plutôt que de privilégier l’accroissement des marges des entreprises, nous avons opté pour d’autres mesures, telles que le transfert de charges et de salaires, ainsi que les aides à la trésorerie des entreprises par le prêt garanti par l’État. Croire que l’application d’un taux de TVA de 5,5 % à un certain nombre de produits créerait un choc de consommation et d’investissement relève à mon sens, d’un calcul erroné. C’est pourquoi je donne des avis défavorables, compte tenu du coût que cela aurait pour la collectivité.

La commission rejette successivement les amendements I-CF85, I-CF1108 et ICF1462.

La commission examine l’amendement I-CF1277 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. L’amendement vise à soutenir et à amplifier la vente et la location de véhicules neufs se caractérisant par de faibles émissions de CO2. En complément des primes à la conversion et des bonus écologiques institués par le Gouvernement, nous proposons d’appliquer un taux de TVA réduit aux véhicules neufs les moins polluants, notamment à ceux dont le taux de CO2 est inférieur à 60 grammes par kilomètre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous sommes d’accord sur le fait que la fiscalité doit favoriser la conversion vers les véhicules propres – nous y reviendrons au sujet des bonus-malus. En revanche, d’un point de vue juridique, la fixation du taux de TVA ne peut dépendre du niveau des émissions de CO2. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1277.

Elle en vient à la discussion commune des amendements I-CF1279 de M. Jean-Paul Dufrègne, I-CF1417 de Mme Émilie Cariou, I-CF1318 de M. Matthieu Orphelin, I-CF228 de M. Michel Castellani et I-CF1460 de la commission du développement durable, des amendements identiques I-CF90 de M. Marc Le Fur et I-CF122 de M. Fabrice Brun, ainsi que des amendements ICF1107 de M. Éric Coquerel et I-CF1278 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le nombre d’amendements déposés sur ce sujet témoigne de son importance. L’amendement I-CF1279 vise à appliquer au transport de voyageurs, à l’exclusion du transport aérien, le taux de TVA auquel sont assujettis les produits de première nécessité, compte tenu de son rôle social et de sa contribution à la réalisation des objectifs de transition écologique. Le secteur des transports est, dans notre pays, le premier contributeur au réchauffement climatique, alors que les besoins de mobilité continuent de croître. Il doit constituer une priorité de la politique publique de transformation écologique et sociale. Il faut accélérer le transfert des usages du véhicule individuel vers des modes doux – marche, cycle – et les transports en commun. Cette proposition s’inscrit dans une série d’amendements qui visent à mettre en adéquation la fiscalité et les objectifs environnementaux de la France, tels qu’ils ont été fixés par l’accord de Paris. Elle fait écho à la recommandation de la convention citoyenne pour le climat de ramener la TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 %.

M. Matthieu Orphelin. Il est temps d’adopter cette mesure, dont nous avions débattu lors de l’examen du précédent projet de loi de finances, et qui est proposée par la convention citoyenne pour le climat. Les amendements traduisent notre volonté de ramener le taux de TVA sur le transport en commun de voyageurs – notamment le train – de 10 % à 5,5 %.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Ce sujet est défendu de longue date par Mme Rossi, qui renouvelle la proposition chaque année.

M. Dino Cinieri. Le relèvement du taux de TVA opéré lors de la précédente législature a contribué à réduire la part des investissements des collectivités dans le domaine des transports urbains et freine le développement des systèmes de transport collectif. Le présent amendement vise à appliquer aux transports publics de voyageurs du quotidien, c’est-à-dire aux transports publics urbains, départementaux et régionaux, y compris aux transports scolaires et aux transports spécialisés pour les personnes en situation de handicap, le taux de TVA auquel sont assujettis les produits de première nécessité.

M. Fabrice Brun. La réduction du taux de TVA à 5,5 % exercerait un effet direct sur le prix des billets et des abonnements. Ce serait la plus belle façon de soutenir les transports en commun, qui doivent être reconnus comme des services de première nécessité – nous nous déplaçons souvent par obligation.

La crise sanitaire et économique exerce des effets notables sur les autorités organisatrices de la mobilité. Pour compenser la chute des recettes, des mesures exceptionnelles de soutien ont été accordées par l’État à Île-de-France Mobilités, à hauteur de 1,4 milliard d’euros. J’insiste pour qu’on applique les mêmes aides à l’ensemble des collectivités qui organisent la mobilité dans nos territoires et pour qu’on les accompagne de la même façon, car elles ont rencontré exactement les mêmes difficultés. Je ne voudrais pas que le dispositif exceptionnel appliqué en Île‑de-France aggrave encore les inégalités territoriales.

Mme Sabine Rubin. Cette recommandation est issue non seulement de la convention citoyenne pour le climat mais également d’un rapport sénatorial de 2019 sur la gratuité totale des transports collectifs. Elle recueille de l’intérêt sur de nombreux bancs. Cela devrait sensibiliser la majorité et le rapporteur général. Monsieur Saint-Martin, vous estimez que la baisse de la TVA n’a pas d’effet sur le prix payé par le consommateur final. Cela démontre que les acteurs économiques ne jouent pas le jeu. Quand on leur fait un cadeau, par exemple quand on leur accorde une exonération, ou une aide sans conditionnalité, il faut aussi, parallèlement, leur mettre la pression.

M. Jean-Paul Dufrègne. Dans l’hypothèse où les amendements précédents seraient rejetés, l’amendement I-CF1278 offrirait une solution de repli, à savoir l’application aux seuls transports publics urbains du taux de TVA frappant les produits de première nécessité, en considération de leur rôle social essentiel et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition écologique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mes chers collègues, notre responsabilité de commissaires aux finances est de considérer la baisse de la TVA sous l’angle exclusif de l’efficacité. La convention citoyenne pour le climat a proposé cette baisse du taux de TVA, que plusieurs députés, à l’instar de Mme Rossi, défendent depuis plusieurs années. Si nous sommes d’accord sur l’objectif visé, je maintiens que la baisse de la TVA n’est pas le bon outil pour l’atteindre, car elle est inefficace. Je vous demande de voter en fonction de cette considération. Madame Cariou, vous n’ignorez pas que cette mesure coûterait près d’un milliard d’euros sans avoir aucun effet sur le prix.

Entend-on voter cette disposition pour se faire plaisir, pour dire qu’on incite à l’utilisation de ce type de transports, en sachant que ce ne sera pas le cas, puisque la baisse de TVA ne sera pas répercutée sur le prix des billets ? Ou essaie-t-on d’emprunter une autre voie, en favorisant l’investissement, en renforçant des filières dédiées à ce type de transport ? Le Gouvernement a annoncé de nombreuses mesures, dans le cadre du plan de relance, en faveur du secteur ferroviaire. Il faut se concentrer sur les mesures les plus efficaces. Dans un domaine très éloigné, la baisse de la TVA appliquée à la restauration n’avait pas produit d’effet. (Exclamations.) La finalité était différente, mais ç’avait été une mauvaise décision. Je mets de côté les considérations idéologiques pour me focaliser sur l’efficacité des mesures fiscales que nous votons. Il est de notre responsabilité collective de ne pas gaspiller l’argent public. Je vous invite à voter contre ces amendements.

Un grand nombre d’entre eux se heurtent par ailleurs au principe du droit européen de la neutralité de la TVA, puisque vous proposez de traiter de manière préférentielle des segments d’un secteur concurrentiel, ce qui est une pratique rigoureusement interdite.

Monsieur Brun, je partage votre constat : les mesures appliquées en faveur du réseau francilien doivent également être prises au bénéfice de l’ensemble du territoire. C’est l’application du principe d’égalité territoriale. Le Gouvernement a annoncé des mesures destinées à compenser les pertes de recettes tarifaires. Il faut aussi les appliquer aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sur l’ensemble du territoire. Je soutiendrai les mesures allant dans ce sens, qui entrent d’ailleurs plutôt dans le champ du PLFR de fin d’année.

Madame Rubin, quelles conséquences tire-t-on du fait que les acteurs économiques ne jouent pas le jeu, pour reprendre vos propos ? Proposez-vous d’encadrer les prix ?

Mme Sabine Rubin. Oui !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je crains que nous ne partagions pas la même vision de l’économie.

M. Jean-René Cazeneuve. Monsieur Brun, un effort a été engagé en faveur d’Île‑de‑France Mobilités mais, comme s’y est engagé le Gouvernement – je crois que tous les groupes partagent ce point de vue –, il faudra soutenir l’ensemble des AOM de province dans le cadre du quatrième PLFR. La mesure que vous défendez doit être distinguée des aides qui ont été accordées à Île-de-France Mobilités et qui devront être généralisées.

M. Matthieu Orphelin. Nous soutenons d’autant plus cette proposition qu’elle a été retenue par la convention citoyenne. Il faut faire attention aux mots que vous employez, monsieur le rapporteur général : vous dites que cette proposition n’est pas sérieuse, pas efficace, et qu’elle est idéologique. Ne prenez pas nos idées de trop haut. On peut nourrir des divergences de fond, mais prenez garde aux mots que vous utilisez. Le fait que de nombreux groupes fassent cette proposition devrait vous alerter, même si je crois comprendre que vous allez sortir un nouveau joker, cette fois-ci sur les propositions de la convention citoyenne. On pourrait le comprendre si vous faisiez des propositions équivalentes. Les investissements prévus par le plan de relance n’assureront pas, à eux seuls, le développement du train. Je respecte votre position, mais j’en suis navré.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Orphelin, je n’ai jamais dit que ce n’était pas sérieux. Jamais je ne me permettrais de tel propos, et je ne les pense absolument pas. Tout est sérieux dans ce que nous faisons ici. C’est justement pour cela que la question de l’efficacité de la dépense publique est essentielle – son importance est même accrue en période de crise. Ce n’est pas parce qu’on engage une dépense publique considérable pour faire face à la crise qu’il ne faut pas se poser les bonnes questions sur les outils à employer. Vous dites que nous devons faire des propositions, mais le plan de relance contient des mesures inédites en faveur de ces modes de transport – les rapporteurs spéciaux peuvent en témoigner. Regardez ce qui est fait pour le ferroviaire : on ne peut pas dire que ce soient des investissements timides. Je comprends qu’on défende une mesure complémentaire au plan de relance, comme vous le faites, mais, pour ma part, j’estime qu’elle ne parviendrait pas à créer l’incitation que vous appelez de vos vœux.

M. Alexandre Holroyd. Je partage le constat du rapporteur général. Le plan de relance finance des investissements qui offrent des garanties en termes d’efficacité. La baisse de la TVA, quant à elle, est indiscriminée : elle touche l’ensemble des secteurs, quelle que soit leur valeur ajoutée sociale ou environnementale. Le plan de relance oriente les investissements vers les secteurs qui ont le plus besoin de soutien pour remplir les objectifs sociaux et environnementaux. La mesure que vous proposez est parfaitement inadaptée, car elle ne permettrait pas d’atteindre l’objectif que vous visez.

Mme Émilie Cariou. Certaines mesures de baisse de TVA sont tout à fait pertinentes, notamment celles visant l’alimentation, le livre ou la presse, qui bénéficie d’un taux extrêmement réduit. La grande distribution, elle, ne répercute pas les baisses parce qu’elle en profite pour augmenter ses marges.

En l’occurrence, le transport public de voyageurs étant souvent régi par des délégations de service public, la tarification entre alors dans le cadre de la négociation du contrat.

En outre, vous n’avez pas toujours été hostile, monsieur le rapporteur général, aux taux de TVA réduit. Ainsi, au cours de l’examen des précédentes lois de finances, vous en avez fait passer sur la fourniture de chaleur, sur l’accès des personnes en situation de handicap physique ou sur les masques. Votre vision n’est donc pas complètement monolithique sur les taux de TVA réduits.

Mme Véronique Louwagie. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Toutes les solutions doivent donc être examinées.

Il est complètement faux d’affirmer comme vous l’avez fait que dans la restauration, la baisse de la TVA n’avait pas eu d’effet : elle lui a permis de résister dans le contexte d’un certain nombre de transformations, de procéder aux investissements nécessaires pour assurer l’accès aux personnes à mobilité réduite et d’apporter des améliorations au plan sanitaire.

Vous avez en outre voté la réduction du taux de TVA sur les zoos afin de les soutenir.

M. François Pupponi. Au-delà de la problématique du plan de relance, les amendements ont non seulement un aspect environnemental indéniable mais également un aspect social.

Les populations les plus fragiles, fortement impactées par la crise et souvent dans l’incapacité de recourir au télétravail, doivent en effet emprunter les transports en commun pour aller travailler : il importe donc socialement d’en baisser le prix.

Autre débat, sanitaire celui-là : certaines personnes ont peur d’emprunter les transports en commun. Mais si tout le monde prend sa voiture, les embouteillages vont se multiplier et la pollution va augmenter. Pour éviter de telles nuisances, il faut faire des transports en commun un produit d’appel, et donc baisser les prix.

Mme Sabine Rubin. Émilie Cariou a très bien exprimé ce que je voulais dire à propos de l’encadrement des prix dans tous les réseaux qui relèvent parfois de la délégation de service public.

M. Jean-Louis Bricout. Nous soutiendrons ces amendements. La DSP rend possible un contrôle, en effet. En outre, une telle mesure aurait un effet immédiat contrairement à celles du plan de relance, qu’il s’agisse des impôts de production ou des projets d’investissement.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1279, ICF1417, ICF1318, I-CF228 et I-CF1460, les amendements identiques I-CF90 et I-CF122, ainsi que les amendements I-CF1107 et I-CF1278.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF133 de M. Fabrice Brun et I‑CF553 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Fabrice Brun. Très partiels, les reports de charges sont loin de couvrir celles assumées par les restaurateurs. Nous pourrions au moins appliquer au secteur de l’hôtellerie et de la restauration un taux réduit de TVA en 2021. La baisse décidée en 2009 a en effet permis de mettre les établissements aux normes imposées par l’État notamment en matière d’accessibilité, de revisiter les grilles salariales, d’améliorer l’attractivité des métiers et, surtout, de reconstituer les marges.

Sans cet amendement, beaucoup de restaurateurs risquent de rester sur le carreau.

Mme Émilie Bonnivard. Depuis le début de l’année, les pertes de la filière hôtellerie‑restauration liées à la chute de la fréquentation touristique pourraient dépasser 60 milliards d’euros. Dans certains territoires comme l’Île-de-France, très dépendante de la clientèle étrangère, l’impact pourrait être particulièrement important.

En Provence-Alpes-Côte d'Azur, au cours des treize premiers jours de septembre, qui ont correspondu à son classement en zone rouge, la fréquentation a chuté de 40 % par rapport à la même période en 2019.

En outre le secteur a beaucoup perdu – moins 36 % de chiffre d’affaires en PACA au mois de juillet par exemple – en raison de l’absence de clientèles étrangères au cours d’un été par ailleurs plutôt positif.

La mesure proposée est évidemment complémentaire de ce que vous avez mis en place. Elle est très importante alors que nous entrons dans une période de restriction de la fréquentation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne dis pas que la baisse de la TVA n’a aucun effet : elle augmente par définition les marges. Celle qui a été mise en place en 2009 pour la restauration n’a pas eu d’effet sur les prix, ou de façon extrêmement marginale. Elle n’a pas servi à rien lorsqu’elle a permis de mettre aux normes certains établissements.

La priorité est aujourd’hui de sauver les restaurateurs et de reconstituer les marges : or la baisse de TVA leur sera beaucoup moins utile que les mesures de chômage partiel mises en place pendant la crise.

M. Fabrice Brun. L’un n’empêche pas l’autre : c’est une crise majeure !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mon rôle consiste entre autres à contribuer à choisir les meilleurs outils pour aider ces secteurs d’activité, et les restaurateurs sont à mon avis satisfaits de ceux que nous avons mis en œuvre.

M. Fabrice Brun. Ce n’est pas suffisant ! Beaucoup restent sur le carreau.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Compte tenu de l’effet cliquet qui jouera après la crise, baisser la TVA ne présente pas beaucoup d’intérêt : je suis donc défavorable aux amendements.

Mme Émilie Bonnivard. Cet hiver, les centres de vacances accueilleront, comme les colonies de vacances cet été, deux à trois fois moins de jeunes alors qu’ils réalisent en cette période plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires. Comment les accompagnerez-vous en l’absence d’outils adaptés pour compenser une telle perte ? Tout ce qui permet de renforcer les recettes de ces structures, et notamment la baisse de la TVA, ne doit pas être balayé d’un revers de main car la subvention ne suffira pas.

La commission rejette les amendements identiques I-CF133 et I‑CF553.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF464 de M. Julien Dive et I-CF780 de M. Dino Cinieri.

M. Patrick Hetzel. Un secteur ne bénéficie pas aujourd’hui d’un taux réduit de TVA : celui des produits bios, alors qu’il permettrait de les rendre plus accessibles.

M. Dino Cinieri. Mon amendement vise à rendre les produits bio plus accessibles en leur appliquant un taux de TVA réduit à 5 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF464 et I-CF780.

Elle examine l’amendement I-CF1327 de Mme Pascale Fontenel-Personne.

M. Christophe Jerretie. L’amendement vise à réduire la TVA sur les travaux de changement de destination des friches commerciales et industrielles en locaux d’habitation. Il poursuit un quadruple objectif : améliorer l’offre de logement, reconvertir les locaux vides, limiter l’artificialisation des sols et donner du travail au bâtiment, c’est-à-dire bâtir la ville sur la ville.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1327.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF1009 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement de repli vise à baisser la TVA à 7 % sur le secteur des cafés, hôtels et restaurants.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1009.

Elle examine les amendements identiques I-CF91 de M. Marc Le Fur et ICF157 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. L’amendement vise à clarifier le champ d’application du taux réduit de la TVA à 10 % pour les opérations portant sur les aliments pour animaux producteurs de denrées alimentaires.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF91 et I-CF157.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement I‑CF221 de M. Michel Castellani

La commission est ensuite saisie de l’amendement I-CF109 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il s’agit d’un amendement de clarification et de simplification du statut fiscal des opérations de construction dans le domaine médico-social, qu’il s’agisse d’accompagnement des mineurs, d’aide sociale à l’enfance ou d’hébergement de personnes âgées.

Lorsque la maîtrise d’ouvrage est par exemple assurée sur le terrain par un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) communal, la construction est soumise à une TVA à 20 % car elle est assimilée à de l’hôtellerie. L’application d’un taux réduit de TVA à 5,5 % serait en l’occurrence plus adaptée.

Pouvez-vous préciser les conditions d’application du 8° du I de l’article 278 sexies du code général des impôts ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage votre volonté de clarifier ce point et m’en remets à la sagesse de la commission avant que le ministre nous fournisse les informations nécessaires.

La commission rejette l’amendement I-CF109.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques I-CF596 de M. François Pupponi, I-CF837 de M. Stéphane Peu et I-CF1264 de M. Aurélien Taché.

M. François Pupponi. Le taux de TVA à 5,5 % s’applique à la construction de logements sociaux neufs. L’amendement vise à préciser qu’il s’applique également à la création de logements sociaux réalisés à partir de la transformation d’immeubles anciens, ce qui éviterait l’étalement urbain et favoriserait la rénovation de cœurs de villes anciens et historiques.

M. Jean-Paul Dufrègne. La rénovation de bâtis existants étant de plus en plus fréquente, il convient d’aligner le taux de TVA qui lui est applicable sur celui des constructions neuves.

Mme Émilie Cariou. L’amendement est défendu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas prêt à prendre un tel risque sans chiffrage. Je demande donc le retrait des amendements, dont je comprends la finalité, dans l’attente de l’éclairage du ministre en séance sur les conséquences de cette baisse de taux de TVA concernant la création de logements locatifs sociaux (LLS).

Mme Émilie Cariou. Si nous n’adoptons pas ces amendements, le ministre nous demandera d’attendre l’année prochaine car il ne disposera pas des chiffres en question.

La commission rejette les amendements identiques I-CF596, I-CF837 et ICF1264.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement I-CF1280 de M. Fabien Roussel, les amendements identiques I-CF590 de M. François Pupponi, I-CF832 de M. Stéphane Peu et I-CF1240 de M. Aurélien Taché, les amendements identiques I-CF592 de M. François Pupponi, I-CF834 de M. Stéphane Peu et ICF1247 de M. Aurélien Taché, ainsi que les amendements identiques I-CF591 de M. François Pupponi, I-CF833 de M. Stéphane Peu et I-CF1243 M. Aurélien Taché.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nos propositions en matière de logement poursuivent une double ambition : l’accessibilité au parc social et la rénovation énergétique de l’habitat.

D’une part, un nombre croissant de nos concitoyens peine à se loger faute de loyers accessibles et l’on compte aujourd’hui deux millions de demandes de logements sociaux. La déconnexion entre l’offre de tels logements et la demande impose donc de relancer une politique sociale du logement.

D’autre part, 7 millions de logements sont de véritables passoires thermiques. Baisser la facture énergétique implique donc une politique volontariste en matière de rénovation de l’habitat.

L’amendement I-CF1280 – à la fois de bon sens et d’actualité – vise à rétablir le taux de TVA de 5,5 % pour l’ensemble des opérations de construction et de rénovation de LLS, ce qui permettrait de réduire le coût des travaux de rénovation et de réallouer ce gain à la construction de nouveaux logements sociaux.

M. François Pupponi. Il ne faut pas calculer combien coûterait une telle mesure mais combien elle rapporterait : l’absence de TVA attractive empêche les opérations de se faire, alors que si elles se faisaient, elles rapporteraient de l’argent à l’État.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF832 vise à rétablir le taux de TVA à 5,5 % pour l’ensemble des opérations de construction de LLS. Regardons combien cela va rapporter à terme.

Mme Émilie Cariou. Il s’agit effectivement d’une mesure incitative qui produira son propre chiffrage.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je maintiens mon avis défavorable. Certes, une baisse de fiscalité peut créer une opportunité en termes de croissance, et donc de rentrées fiscales, mais il faut aussi en chiffrer le coût complémentaire.

En l’occurrence, l’élargissement à l’ensemble des LLS me paraît trop important et trop coûteux pour les finances publiques.

M. Jean-Louis Bricout. Nous soutiendrons ces amendements. M. le rapporteur général nous avait expliqué à propos de la flat tax qu’une baisse des pourcentages augmenterait les volumes et qu’à terme, cela rapportait beaucoup. Ne s’agit-il pas ici de la même logique ?

M. Jean-Paul Mattei. Si l’on n’adopte pas ces amendements faute de chiffrage, est‑on certain d’en disposer lors de la séance ? Notre vision doit être éclairée par le Gouvernement.

M. Jean-Paul Dufrègne. Jusqu’où pouvez-vous aller sans considérer que l’on élargit trop le dispositif, monsieur le rapporteur ? Nous avons besoin d’éléments pour affiner notre réflexion, sans quoi vous répéterez chaque année la même chose. Compte tenu du contexte particulier, essayons d’adapter nos décisions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas favorable aux modifications des taux de TVA – hormis les coordinations qui s’imposent par cohérence – précisément parce que la situation critique exige, de façon totalement inédite, des financements publics concrets et immédiats – et non hypothétiques car résultant d’une baisse de la fiscalité – et des outils d’investissement dont le logement fait partie.

Je m’engage d’ici à la séance à vous communiquer une note récapitulant toutes les mesures favorisant tous les types de logement dans le plan de relance, et à demander au ministre un tel chiffrage.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF1280, les amendements identiques I-CF590, I-CF832 et I-CF1240, les amendements identiques I-CF592, I-CF834 et ICF1247, ainsi que les amendements identiques ICF591, I-CF833 et I-CF1243.

Elle en vient à l’examen de l’amendement I-CF382 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit d’un amendement de repli qui ne concerne que la Corse, compte tenu de sa spécificité : le coût du logement y a en effet augmenté en moyenne de 68 %, contre 36 % sur le continent, et le coût du foncier quatre fois plus vite, soit 138 % contre 64 %. L’idée serait d’y appliquer le taux de TVA de 5,5 % à tous les logements sociaux, y compris ceux aidés par la Collectivité de Corse.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF382.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF542 et I-CF545 de Mme Sylvia Pinel.

M. François Pupponi. Il s’agit également d’amendements de repli réservant le taux de TVA de 5,5 % aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF542 et I-CF545.

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Article additionnel après l’article 9
Extension de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % à l’ensemble des livraisons d’immeubles réalisées en vue de la conclusion d’un bail réel solidaire

La commission est ensuite saisie, en discussion commune, de l’amendement I-CF1109 de M. François Jolivet, des amendements identiques I-CF597 de M. François Pupponi, ICF838 de M. Stéphane Peu et I-CF1301 de M. Aurélien Taché, ainsi que des amendements identiques I-CF598 de M. François Pupponi, ICF839 de M. Stéphane Peu et I-CF1306 de M. Aurélien Taché.

M. François Jolivet. L’amendement a pour objet d’étendre l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % à l’ensemble des livraisons d’immeubles réalisées en vue de la conclusion d’un bail réel solidaire créé par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.

Les opérateurs concernés sont amenés sur un même chantier à gérer plusieurs taux de TVA. Une telle évolution faciliterait donc leur travail et sécuriserait les accédants à la propriété du bâti mais pas à l’assiette foncière.

M. François Pupponi. Au-delà de l’élargissement du champ, il s’agit de remédier à quelques frottements fiscaux : ainsi lorsque les organismes concernés font construire des logements en vue de conclure des baux réels solidaires, ils se voient appliquer une TVA à 5,5 %, mais quand ils les construisent directement, ce taux passe à 10 %.

L’amendement vise à préciser le dispositif en appliquant aux logements destinés à ces baux un taux de 5,5 % quel qu’en soit le constructeur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis, pour les mêmes raisons que précédemment, favorable à l’amendement de coordination I-CF1109 de M. François Jolivet et défavorable à tous les autres.

La commission adopte l’amendement I-CF1109 (amendement 2817).

En conséquence, les amendements I-CF597, I-CF838, I-CF1301, I-CF598, I-CF839 et I-CF1306 tombent.

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Article additionnel après l’article 9
Extension du taux de TVA réduit de 5,5 % aux opérations de livraisons et livraisons à soi-même de locaux directement destinés à ou mis à la disposition des structures qui hébergent des mineurs ou des majeurs
de moins de vingt et un ans

Article additionnel après l’article 9
Extension du taux de TVA réduit de 5,5 % aux opérations de livraisons et livraisons à soi-même de locaux directement destinés à ou mis à la disposition des établissements de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie

La commission est ensuite saisie, en présentation commune, des amendements ICF1165 et I-CF1167 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Ces amendements visent à apporter une clarification fiscale concernant l’application du taux réduit de TVA d’une part, s’agissant de l’amendement I‑CF1165, aux établissements hébergeant des mineurs et des majeurs âgés de moins de 21 ans, et d’autre part, s’agissant de l’amendement I-CF1167, aux établissements de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie ainsi qu’aux centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je m’en remets, comme tout à l’heure avec l’amendement de M. Brun, à la sagesse de la commission.

La commission adopte successivement les amendements I-CF1165 (amendement 2818) et I-CF1167 (amendement 2819).

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Après l’article 9

La commission en vient ensuite à l’amendement I-CF1168 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Le dispositif vise à appliquer un taux réduit de TVA aux établissements du secteur social ou médico-social qui mettraient à disposition de certains professionnels de santé leurs locaux vacants en vue de leur installation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit moins de coordination que dans le cas des deux amendements précédents : je suis donc défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF1168.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements I-CF463 et I-CF465 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le récent discours du Président de la République ne fait que confirmer ce que nous disons : la ghettoïsation fait le lit du séparatisme.

Il faut donc favoriser, au travers d’un taux de TVA à 5,5 %, la construction de logements intermédiaires dans les QPV qui comptent beaucoup de logements sociaux, pour ouvrir la voie à la mixité sociale, et celle de logements sociaux là où l’on n’en compte pas suffisamment. Une telle logique est imparable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même avis défavorable que tout à l’heure. Vous conviendrez avec moi, monsieur Pupponi, que l’on ne viendra pas à bout du séparatisme au moyen du seul taux de TVA.

La commission rejette successivement les amendements I-CF463 et ICF465.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques I-CF594 de M. François Pupponi, I-CF835 de M. Stéphane Peu et I-CF1253 de M. Aurélien Taché.

M. François Pupponi. L’amendement vise à accompagner le plan de rénovation énergétique en baissant le taux de TVA à 5,5 % lorsque de tels travaux sont entrepris dans les logements sociaux.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF835 est défendu.

Mme Émilie Cariou. Il s’agit de favoriser le logement social, et en l’occurrence la rénovation énergétique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les amendements sont satisfaits dans la mesure où de tels travaux entrent, non pas dans le cadre de l’article 278 sexies A du code général des impôts, mais dans celui de l’article 278-0 bis A qui donne droit à l’application d’un taux de TVA de 5,5 % notamment dans le logement social. J’en demande donc le retrait.

Mme Émilie Cariou. Je retire l’amendement à ce stade mais je vais vérifier qu’il s’agit bien du même champ.

L’amendement I-CF1253 est retiré.

La commission rejette les amendements I-CF594 et I-CF835.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF563 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Il vise comme tout à l’heure à abaisser à 7 % le taux de TVA applicable aux prestations d’hôtellerie.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF563.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF86 de M. Marc Le Fur et I‑CF152 de M. Dino Cinieri.

M. Patrick Hetzel. L’amendement I-CF86 est défendu.

M. Dino Cinieri. Depuis le 1er janvier 2014, le taux de TVA applicable aux prestations d’enseignement, de dressage et de prise de pension en centre équestre a été porté à 20 %, mesure qui a renchéri le coût de ces prestations et a restreint la marge déjà faible, notamment des petits centres en milieu rural.

En conséquence, l’amendement I-CF152 vise à rétablir le taux applicable à ces activités à 10 %.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF86 et I‑CF152.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF135 de M. Fabrice Brun, I‑CF263 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF284 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF690 de M. Dino Cinieri, I-CF707 de M. Charles de Courson et ICF1238 de M. Julien Aubert.

M. Fabrice Brun. L’amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA de 10 % aux boissons alcooliques, notamment le vin, distribuées dans le secteur de la restauration.

Si cette mesure économique s’inscrit dans une logique de reconstitution des marges pour les restaurateurs, elle permet également de donner un coup de pouce appréciable à la filière viticole qui a souffert de la fermeture pendant trois mois des restaurants, c’est-à-dire de ses principaux clients, comme de l’absence de salons professionnels, de la mise en berne des marchés à l’exportation, de la taxe Trump…

Il ne faut pas non plus, en ces temps moroses, oublier la dimension conviviale du vin, qui reste le meilleur des lubrifiants sociaux : nous avons tous besoin de partager un verre entre amis autour d’une bonne table.

Mme Marie-Christine Dalloz. Si après onze semaines de fermeture, les restaurateurs ont pu travailler cet été, il reste qu’en dépit des dispositifs mis en œuvre, leur situation est très délicate. Or la vente de vin assure 20 % de leur chiffre d’affaires en moyenne. Un taux de TVA de 10 % sur les boissons alcooliques enverrait donc un bon signal au secteur.

On ne peut s’en tenir aux mesures de compensation : il faut une mesure d’appel pour l’avenir.

Mme Émilie Bonnivard. Certains pays européens comme l’Italie et l’Espagne appliquent déjà un taux réduit de TVA au vin.

M. Dino Cinieri. Pour répondre aux difficultés économiques liées à l’épidémie de Covid-19 ayant entraîné la fermeture des restaurants, marchés et salons, ainsi que la chute des ventes tant à l’export que dans les lieux de distribution restés ouverts, l’amendement I-CF690 vise à appliquer le taux de réduit de TVA de 10 % au vin et aux autres boissons alcooliques à consommer sur place.

M. Julien Aubert. L’amendement I-CF1238 permet de faire coup double, avec une mesure favorable à la fois aux producteurs de vin, en amont, dont la restauration constitue l’un des débouchés majeurs, et à ce secteur de la restauration, durablement déstabilisé par la complexité et l’opacité des décisions prises.

L’augmentation de la consommation d’alcool, non, mais l’augmentation des marges de la restauration, oui !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je préfère que l’on aide la filière viticole directement plutôt que d’appliquer une mesure de TVA sur l’ensemble des boissons alcooliques servies dans la restauration, ce qui pose des questions de santé publique. Je suis conscient de l’importance à accorder à la filière viticole mais trouver les bons dispositifs n’est pas simple. Par prudence, et parce qu’on ne peut pas viser que le vin, je suis défavorable à cette série d’amendements.

La commission rejette les amendements identiques I-CF135, I‑CF263, ICF284, ICF690, I-CF707 et I-CF1238.

Puis elle en vient à l’examen des amendements identiques I-CF633 de Mme Patricia Lemoine, I-CF-677 de Mme Véronique Louwagie et I-CF732 de M. Charles de Courson.

Mme Patricia Lemoine. Afin d’accompagner les priorités gouvernementales dans le domaine des mobilités du quotidien et de la transition énergétique et d’inciter les usagers à se tourner vers des moyens de transport plus vertueux, mon amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA de 10 % à l’ensemble des services de mobilité partagée éligibles au forfait mobilité durable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF633, I-CF-677 et I-CF732.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements identiques I-CF87 de M. Marc Le Fur, I-CF139 de M.  Fabrice Brun, I-CF153 de M. Dino Cinieri et I-CF880 de M. Fabien Di Filippo, de l’amendement I-CF213 de M. Dino Cinieri, ainsi que des amendements identiques I-CF264 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF860 de Mme Josiane Corneloup.

M. Patrick Hetzel. La disposition proposée, qui a été appliquée dans le secteur du bâtiment entre 1999 et 2011, a permis de créer 53 000 emplois. L’abaissement du taux de TVA applicable aux travaux de rénovation des bâtiments a donc beaucoup de sens.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF139 est défendu.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF153 vise à appliquer un taux réduit de TVA à 5,5 % à tous les travaux de rénovation des bâtiments jusqu’au 31 décembre 2022.

M. Fabien Di Filippo. Le secteur du bâtiment, qui a été plus dans notre pays que dans d’autres à l’arrêt pendant plusieurs semaines, a besoin d’une relance immédiate et d’un coup de boost.

M. Dino Cinieri. Le secteur du bâtiment a été fortement impacté par la crise sanitaire : la période de mise en place des indispensables mesures destinées à la protection des salariés, les difficultés d’approvisionnement en matériaux, tout autant que la réticence des clients à recevoir les entreprises, ont abouti à une reprise d’activité compliquée.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF264 est défendu.

M. Dino Cinieri. L’amendement I-CF860 l’est également.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je souhaite que le taux de TVA de 5,5 % reste réservé aux seuls travaux de rénovation énergétique : je suis donc défavorable à cette série d’amendements. Le secteur du bâtiment et des travaux publics a redémarré et doit être accompagné par des investissements et des outils qui vont dans le bon sens – à commencer par MaPrimeRénov’.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF87, I-CF139, I-CF153 et I-CF880, l’amendement I-CF213, ainsi que les amendements identiques I-CF264 et I-CF860.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF149 de M. Fabrice Brun.

La commission est ensuite saisie de l’amendement I-CF992 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Il n’est pas d’impôt juste qui ne soit progressif. L’amendement vise ainsi à relever à 33 % le taux de TVA applicable à un certain nombre de biens ou de services de luxe. Un prochain amendement tendra, au contraire, à abaisser voire à supprimer la TVA sur les produits de première nécessité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable à toute hausse de TVA. Par ailleurs, je suis surpris de trouver en première position dans la liste figurant dans le dispositif de l’amendement « les produits des arts de la table ». Ne représentent-ils pas le patrimoine national ?

La commission rejette l’amendement I-CF992.

La commission est saisie des amendements identiques I-CF1035 de Mme Lise Magnier, I-CF1080 de M. Patrick Hetzel et I-CF1097 de M. Stéphane Peu.

Mme Lise Magnier. Ces amendements tendent à appliquer un taux nul de TVA aux prestations pour lesquelles les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont indemnisés, totalement ou partiellement, par l’État dans le cadre de l’aide juridictionnelle. En effet, l’assujettissement à la TVA revient pour l’avocat à reverser à l’État 20 % du montant que celui-ci lui verse au titre de cette prestation.

M. Patrick Hetzel. Dans nombre de cas, l’aide juridictionnelle est en outre liée au fait que l’avocat a été commis d’office ; l’indemnité est souvent dérisoire en regard des moyens qu’il engage. Or il faudra que, dans un second temps, il reverse à l’État 20 % de cette aide au titre de la TVA : c’est totalement incohérent ! Je rappelle que les avocats n’agissent à cette occasion que pour faire fonctionner le service public de la justice. Il serait bon de remédier à ce problème – peut-être y reviendrons-nous à l’occasion de l’examen des crédits de la mission Justice.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je précise que cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une proposition de directive européenne de janvier 2018 visant à accorder aux États membres des marges de manœuvre pour appliquer des taux réduits de TVA à certains produits et services, sous réserve que cette modification soit avantageuse pour le consommateur final et serve l’intérêt général. Ces amendements respectent ces deux critères, puisque, d’une part, le justiciable, personne physique non assujettie à la TVA, est le consommateur final de la prestation et tirera avantage de la réduction du taux, d’autre part, le service public de la justice est un service d’intérêt général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. M. Hetzel a raison : c’est un débat qu’il faudra avoir au moment de l’examen des crédits de la mission Justice – dont il est d’ailleurs le rapporteur spécial. Je suis d’accord pour dire qu’il faut augmenter les moyens de l’aide juridictionnelle. Il existe trois voies pour ce faire : les crédits budgétaires, le droit de timbre, les outils fiscaux du type taux de TVA. Je ne surprendrai personne en disant que dans cette période, je suis défavorable au recours aux outils fiscaux et pencherais plutôt pour une augmentation des crédits accordés à l’aide juridictionnelle ; j’en ai d’ailleurs discuté avec le garde des Sceaux. Si votre rapport va dans ce sens, monsieur Hetzel, je soutiendrai votre demande, car j’estime que c’est nécessaire. Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Je suis moi aussi favorable à ce qu’on règle ce problème soit par une baisse de la TVA, soit par l’octroi de crédits supplémentaires. Il va falloir examiner avec attention le budget de la justice cette année, car certains des crédits que nous avions adoptés l’année dernière n’ont pas été utilisés. Si le budget de la justice augmente vraiment de 8 %, il faudra regarder comment les crédits vont être fléchés, car il faut des moyens supplémentaires non seulement pour l’immobilier et le matériel, mais aussi pour la rémunération des hommes et des femmes qui œuvrent à la justice, dans les services du ministère, les parquets, les tribunaux, et aussi dans le cadre de l’aide juridictionnelle. Le revenu médian des avocats n’est aujourd’hui pas très élevé, surtout hors de l’Île-de-France. Il serait important de revaloriser ces métiers-là aussi.

M. Charles de Courson. Tels qu’ils sont rédigés, les amendements ne concernent que les prestations indemnisées totalement ou partiellement par l’État. Or il me semble qu’il existe chez les avocats un fonds de péréquation. Il faudrait que ces revenus soient eux aussi visés par cette mesure, mes chers collègues !

La commission rejette les amendements identiques I-CF1035, I-CF1080 et I-CF1097.

Puis elle examine l’amendement I-CF175 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il s’agit de réduire le taux de TVA appliqué sur les produits alimentaires issus des circuits courts, qui sont plébiscités par les Français. J’en profite pour appeler l’attention de la commission sur le coup de poignard que vient de donner la direction générale de l’alimentation à la remise directe et aux points de vente collectifs des produits fermiers, qui existent depuis quarante ans dans notre pays. Je vous invite à vous manifester auprès du ministre de l’agriculture, qui s’est saisi dès hier du dossier.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF175.

Elle en vient à l’amendement I-CF827 de M. Christophe Naegelen.

M. Michel Zumkeller. Cela fait plusieurs années que le groupe UDI et Indépendants milite en faveur d’un transfert des cotisations sociales vers la TVA. Notre pays est surchargé de cotisations sociales, ce qui pénalise tant les entreprises que les salariés et n’incite pas au travail. Cela fait en outre de la personne qui travaille une variable d’ajustement en cas de difficultés – et Dieu sait qu’il y en a en ce moment. C’est pourquoi nous défendons la création d’une TVA « rebond industriel et agricole » afin de soulager les entreprises, diminuer le montant des cotisations et, surtout, rémunérer les salariés à la hauteur de leur travail. Je ne puis vous citer tous les pays qui ont depuis longtemps mis en œuvre une telle mesure et ont réussi à redresser leur économie manifestement beaucoup mieux que nous ; je pense en particulier à l’Allemagne, à l’époque de Gerhard Schröder, et aux pays nordiques, notamment le Danemark. Il s’agit donc d’un amendement important, qui répond à la conviction qu’il convient de taxer les flux plutôt que les personnes qui travaillent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : comme vous le savez – cet amendement étant déposé chaque année –, une telle mesure ne serait pas compatible avec la directive européenne relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, la directive TVA. On peut fixer un taux normal, un taux intermédiaire, un taux réduit, éventuellement un taux super-réduit, dit taux particulier, comme c’est le cas pour les médicaments, mais on ne peut pas rendre le taux de TVA évolutif.

D’autre part, il faut prendre garde, en taxant les importations, à ne pas se retrouver en situation de contentieux.

Tout cela peut vous paraître affreusement juridique et européen, mais c’est ainsi que fonctionne la TVA dans notre pays et il nous incombe, en tant que législateur, d’être vigilants sur ce point.

M. Michel Zumkeller. J’entends bien, monsieur le rapporteur général, mais nous allons finir par nous demander à quoi nous servons : si nous ne pouvons parler de rien et qu’il est impossible de changer quoi que ce soit, il est inutile que nous siégions ! Je signale quand même qu’en Allemagne, notamment, quatre points de la TVA avaient permis de financer une baisse des cotisations sociales. Ce que nos voisins ont fait, nous ne pourrions pas le faire ? Qu’au moins, on examine la question ! Si l’on se contente de nous rétorquer : « Ce n’est pas compatible avec nos engagements européens », j’ai beau être foncièrement européen, il y a un moment où ça ne va plus le faire.

M. Jean-Paul Dufrègne. Excellent !

La commission rejette l’amendement I-CF827.

La commission examine l’amendement I-CF1096 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Monsieur le rapporteur général, si ce qui justifie le rejet d’une fixation à 33 % du taux de la TVA sur les produits de luxe, c’est simplement le fait qu’on inclue dedans les arts de la table, nous pouvons tout à fait modifier notre amendement précédent en ce sens ! Je pense plutôt que c’est une manière de refuser le débat sur le fond – à savoir, la TVA étant un impôt intrinsèquement injuste, la possibilité d’appliquer des taux différents selon le type de produit.

En l’occurrence, l’amendement I-CF1096 tend à exonérer de TVA l’usage domestique des premiers quatorze mètres cubes d’eau, ce qui correspond à la quantité d’eau nécessaire à une personne par an, soit quarante litres par jour. Je pense que vous conviendrez tous qu’il s’agit là d’un produit de première nécessité.

L’eau est un défi pour l’humanité ; c’est une ressource qui se fait rare. Il n’est pas bon de la laisser entre les griffes du privé ; d’ailleurs, de plus en plus de collectivités territoriales en reprennent la gestion directe. En attendant que cela se généralise, il convient que tout le monde puisse avoir facilement accès, sans que l’État n’ajoute cette barrière qu’est la TVA, à ce produit de première nécessité – ce produit vital, devrais-je dire.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1096.

 

 


Article 10
Report de l'entrée en vigueur des règles modifiant
le régime de TVA du commerce électronique

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, par lequel il a été procédé à la transposition des directives (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 et 2019/1995 du 21 novembre 2019 relatives au commerce électronique et modifiant la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, dite « directive TVA ».

Ces directives avaient fixé la date d’entrée en vigueur de l’essentiel de la réforme des règles de TVA liées au commerce électronique au 1er janvier 2021. Or, les répercussions liées à crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19 ont conduit le Conseil de l’Union européenne, sur proposition de la Commission, à décider le 20 juillet 2020 du report de six mois de cette date d’entrée en vigueur, la portant au 1er juillet 2021.

Par ailleurs, le présent article précise et complète, sur trois points, certaines des dispositions déjà adoptées.

En premier lieu, pour se conformer à l’article 35 de la directive TVA, est précisé que les livraisons de biens d’occasion, d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité, ainsi que de moyens de transport d’occasion, effectuées par des assujettis revendeurs qui les soumettent à un régime de taxation sur la marge bénéficiaire seront exclues des régimes de territorialité applicables aux ventes à distance intracommunautaires de biens ainsi qu’aux ventes à distance de biens importés.

En deuxième lieu, le dispositif adopté en loi de finances pour 2020 a introduit un seuil commun de 10 000 euros de chiffre d’affaires en deçà duquel les ventes à distance intracommunautaires et les prestations de services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision ainsi que les services fournis par la voie électronique à des personnes non assujetties à la TVA seront considérées comme des opérations domestiques devant être imposées dans le pays de départ du bien ou dans le pays d’établissement du prestataire de services. Il est ici précisé que le bénéfice de ce dispositif est réservé aux assujettis qui sont établis dans un seul État membre de l’UE conformément à l’article 59 quater de la directive TVA.

En dernier lieu, conformément à la faculté offerte par l’article 369 septivicies bis de la directive TVA, il est proposé, dans un but de simplification et de fluidité des opérations de dédouanement, d’appliquer le taux de droit commun (20 % en France) de la TVA à l’ensemble des importations soumises au régime particulier institué par l’article 298 sexdecies I du CGI. Ce régime facultatif permet la déclaration et le paiement de la TVA à l’importation par les personnes qui présentent les marchandises en douane pour le compte de leur destinataire pour des biens contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 € dans des situations résiduelles où n’est pas utilisée la faculté de recourir au guichet électronique de déclaration et de paiement de la TVA (Import One Stop Shop ou IOSS).

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a transposé en droit français les directives (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 et (UE) 2019/1995 du 21 novembre 2019 relatives aux règles de TVA applicables aux opérations du commerce électronique. Il était prévu que ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2021.

L’article 258 du CGI, qui détermine notamment les livraisons de biens meubles corporels situées en France, a été modifié par l’article 181 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 afin de préciser qu’est réputée située en France la livraison d’un bien qui est importé, lorsque le vendeur recourt à l’option prévue à l’article 293 A quater relative à la TVA à l’importation, et toute livraison subséquente.

L’article 258 A du CGI détermine notamment le lieu d’imposition des livraisons de biens meubles corporels expédiés depuis la France à destination d’un autre État membre. Il a été modifié par l’article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 afin de préciser les règles de territorialité applicables aux ventes à distance intracommunautaires de biens.

L’article 259 D du CGI détermine le lieu d’imposition des prestations de télécommunications, des services de radiodiffusion et de télévision ainsi que des services fournis par voie électronique au profit de personnes non assujetties. Il a été modifié par l’article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 afin de prévoir un nouveau seuil au-delà duquel ces opérations sont taxables au lieu d’établissement du preneur.

L’article 298 sexdecies I du CGI a été créé par l’article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 afin de mettre en place un régime particulier pour la déclaration et le paiement de la TVA à l’importation au profit des personnes qui présentent les marchandises en douane pour les biens contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 €.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur général, visant à corriger une erreur de coordination.

I.   L'État du droit

A.   la territorialitÉ de la tva est au cœur des enjeux fiscaux européens

1.   Une construction européenne de la TVA fondée sur le principe de la taxation dans le pays de destination

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est définie comme « un impôt général sur la consommation, exactement proportionnel au prix des biens et services, perçu à chaque stade du processus de production et de distribution, mais uniquement sur la valeur ajoutée des biens et des services à chacun des stades, grâce au mécanisme de la déduction de la taxe acquittée en amont par lopérateur, et qui est répercutée sur le consommateur final » ([182]).

La TVA, dont l’origine est française, a logiquement été bouleversée par l’évolution de la construction européenne.

La première étape de l’européanisation de la TVA a été franchie lors de l’adoption, par le Conseil européen, des deux directives du 11 avril 1967 : la première ([183]) est essentielle, en ce qu’elle a imposé aux États membres de supprimer leur système de taxation du chiffre d’affaires pour le remplacer par un système commun de TVA ; la seconde ([184]), plus technique, visait à en préciser les notions fondamentales. La sixième directive, du 17 mai 1977, a ensuite réalisé une harmonisation poussée de la taxe dans de nombreux domaines ([185]).

La suppression des frontières physiques entérinée par l’Acte unique de 1987, qui s’est faite sans harmonisation préalable de l’assiette et des taux de TVA, a eu pour conséquence de créer un terreau fertile à la fraude.

En effet, la mise en place effective de l’Acte unique, en 1993, s’est traduite, en matière de fiscalité indirecte, par l’adoption d’un régime transitoire de TVA, toujours en vigueur.

Ce régime « transitoire » prévoit que les échanges entre assujettis ([186]) sont taxables selon le principe de destination : ainsi, un opérateur livrant un bien à destination d’un autre État membre de l’Union européenne effectue une livraison intracommunautaire exonérée de TVA.

Cette exonération présente la particularité de permettre à l’opérateur de déduire la TVA qu’il a supportée sur l’acquisition de la marchandise. Ainsi, les entreprises qui réalisent essentiellement des livraisons intracommunautaires se trouvent en situation de crédit de TVA permanent, pouvant faire l’objet d’un remboursement.

A contrario, l’acquéreur de la marchandise effectue une acquisition intracommunautaire, qui doit faire l’objet d’une autoliquidation. Ce procédé, qui permet de déclarer le montant de la TVA et de le déduire immédiatement, produit une rupture dans la chaîne des paiements de la TVA, qui permet aux fraudeurs d’abuser de ce régime pour développer des montages transfrontaliers frauduleux, notamment les « carrousels » de TVA ([187]).

2.   Les problématiques particulières engendrées par le commerce électronique ont justifié des règles particulières

a.   Des ajustements progressifs visant à concilier la fluidité des échanges et la lutte contre la fraude, tout en préservant l’objectif de neutralité de la taxe

En 1997, la Commission européenne déclarait, dans sa première communication dédiée au commerce électronique, que « la vitesse, labsence de traces et lanonymat potentiels qui caractérisent les communications électroniques offrent de nouvelles possibilités dévasion et de fraude fiscales » ([188]).

À cette date, la réglementation applicable relevait de la sixième directive du 17 mai 1977. Or, selon ce texte, les livraisons de biens meubles corporels étaient imposables au lieu de livraison tandis que les prestations de services étaient taxables au lieu d’établissement du prestataire. Cette dissonance était accrue en matière de services immatériels : la taxation s’effectuait alors au lieu d’établissement du preneur pour les assujettis, et au lieu d’utilisation des services pour les non-assujettis.

Le 8 juin 1999, la Commission européenne a publié un document de travail qui visait à modifier la législation applicable aux services : l’objectif était d’adapter la réglementation de la TVA pour la rendre compatible avec le commerce électronique ; il s’agissait de la première proposition de modification de la législation européenne tendant à prendre en compte les particularités d’un secteur ([189]). Les propositions de la Commission visant à renforcer le respect des obligations fiscales des opérateurs s’articulaient autour de deux propositions : l’instauration d’une obligation d’identification de l’assujetti dans l’État membre de destination dans les relations B2C ([190]) et l’obligation de recourir à l’autoliquidation dans les relations B2B ([191]).

La directive du 7 mai 2002 est une étape importante de l’évolution normative des règles de TVA visant le commerce électronique, singulièrement s’agissant du lieu d’imposition ([192]).

Selon cette directive, les services électroniques fournis par un opérateur établi dans un État tiers à l’Union européenne à destination d’un État membre de l’Union doivent être taxés dans l’État de destination, selon les taux applicables dans cet État ; symétriquement, les opérations réalisées depuis un État membre de l’Union à destination d’un État tiers sont taxables au lieu d’établissement du client. À l’inverse, lorsqu’un opérateur situé dans un État membre de l’Union fournit un service électronique à un particulier situé dans un autre État membre, la taxation s’effectue au lieu d’établissement du prestataire.

Il s’agissait alors du seul cas de maintien du principe de taxation selon le pays d’origine.

C’est avec la directive du 12 février 2008 ([193]) qu’est intervenue une remise en cause définitive de cette notion. Modifiant en cela la directive TVA du 28 novembre 2006 ([194]), le texte garantit la consécration du principe de destination en permettant de taxer les transactions dans lÉtat détablissement du preneur.

Le principe de taxation dans le pays de destination

Le principe de neutralité, élément essentiel du système de TVA, dépend principalement du lieu d’imposition des échanges internationaux. Ainsi, l’OCDE fait de la taxation dans le pays de destination une norme de référence.

Dans les relations B2C, l’objectif est de déterminer le lieu où le client consomme le bien ou le service ; dans les relations B2B, l’objectif est d’assurer une neutralité des transactions afin de faciliter la répercussion de la charge fiscale sur le consommateur final.

Le fournisseur est normalement responsable du paiement de la taxe. Pour autant, cette situation peut s’avérer délicate lorsqu’il se situe dans un État différent du lieu de consommation de l’opération. La réglementation peut alors prévoir que le fournisseur établi dans un pays tiers a l’obligation de s’enregistrer dans l’État d’imposition afin d’y payer la taxe ; cette obligation génère des coûts administratifs.

Ainsi, les pouvoirs publics doivent trouver le juste équilibre entre la simplification de l’identification des fournisseurs et la nécessité d’éviter la fraude.

Prévue, à l’origine, pour 2010, l’entrée en vigueur de ce texte a été reportée au 1er janvier 2015 ([195]), avec une période de transition courant jusqu’au
1er janvier 2019.

Le mini-guichet unique TVA (MOSS – mini-one stop shop)

Pour simplifier le traitement de l’impôt dans le cadre d’une imposition dans le pays de destination, un mini-guichet unique a été installé dans chaque État membre. Il permet à l’opérateur de réaliser la déclaration et le paiement de l’ensemble des prestations réalisées dans l’Union européenne auprès d’un seul correspondant. En pratique, l’inscription s’effectue dans l’État membre où l’opérateur a le siège de son activité économique. Lorsque le prestataire n’a pas le siège de son activité au sein de l’Union européenne, il a la possibilité de s’identifier dans l’État dans lequel il dispose d’un établissement stable.

À la suite de cette inscription, l’opérateur déclare la TVA trimestriellement sur le portail prévu à cet effet. La déclaration concerne l’ensemble des prestations réalisées dans l’Union européenne : l’État d’identification doit ensuite répartir les déclarations et reverser les sommes à chaque État concerné.

b.   Les règles qui pèsent sur les opérations de commerce électronique

i.   Le commerce électronique « indirect » : les ventes à distance

Les opérations de commerce électronique indirect se traduisent par des achats en ligne conduisant à un envoi physique de la marchandise. Dans ce cas, le recours à l’informatique constitue seulement un moyen de capter la clientèle et d’effectuer la commande ; le bien est ensuite livré de manière classique, par envoi postal. Cette catégorie de vente est opérée par les entreprises de vente à distance, mais également par les particuliers qui vendent des biens en ligne.

Les ventes à distance effectuées à destination des particuliers, non assujettis, situés dans un autre État membre d’Union européenne, obéissent à un régime d’imposition particulier.

L’expression vente à distance, dont le régime est prévu par les articles 258 A et 258 B du CGI, désigne des échanges intracommunautaires présentant simultanément trois caractéristiques :

– la livraison porte sur des biens expédiés ou transportés par le vendeur, ou pour son compte, à destination de l’acquéreur ;

– la livraison est faite de France vers un autre État membre, ou inversement d’un autre État membre vers la France ;

– l’acquéreur est un particulier – c’est-à-dire une personne physique non assujettie – ou une personne bénéficiant d’un régime dérogatoire (PBRD) ([196]).

Par principe (cf. l’article 258 A du CGI), ces opérations sont taxables selon le taux applicable dans le pays où est établi le vendeur.

Ce principe possède un inconvénient majeur en ce qu’il encourage les entreprises à délocaliser leur activité dans les pays bénéficiant des taux de TVA les plus faibles afin de pratiquer des prix plus bas. Pour éviter ce cas de figure, le régime de taxation selon le pays dorigine a été aménagé (cf. l’article 258 B du CGI) : il ne vient s’appliquer que lorsque le total des ventes hors taxe de lentreprise à destination dun pays est inférieur à un seuil, fixé par cet État.

Le franchissement du seuil renverse alors le lieu de taxation : le bien devient taxable dans le pays de destination de la marchandise, de manière analogue aux livraisons intracommunautaires traditionnelles ([197]).

Les sociétés ont la possibilité d’opter, dès le premier euro de ventes à distance, pour le principe de destination.

L’article 34 de la directive TVA ([198]) contraint les États à prévoir un seuil compris entre 35 000 et 100 000 euros.

La France a fait le choix de mettre en place un seuil de 35 000 euros depuis 2016 ([199]), codifié à l’article 258 B du CGI.

Ainsi, deux situations se rencontrent lorsqu’une entreprise située dans un autre État membre effectue une vente en France :

– soit le total des ventes effectuées en France est inférieur à 35 000 euros, et la taxation de toutes les opérations correspondantes a lieu dans le pays de départ des biens ;

– soit le total des ventes effectuées en France est supérieur à 35 000 euros, et l’imposition de ces opérations s’effectue en France.

Exemple 1 : Si un vendeur français a réalisé, l’année N – 1, des ventes à distance à destination des Pays-Bas – pays qui a fixé le seuil à 100 000 euros – pour un montant supérieur à ce seuil, le lieu des ventes à distance qu’il effectue l’année N est situé aux Pays-Bas.

Si, l’année N – 1, le montant des ventes du vendeur français est inférieur ou égal au seuil néerlandais, le lieu de ses ventes à distance vers les Pays-Bas réalisées dans le courant de l’année N est situé en France tant que le seuil n’est pas atteint.

La vente à distance effectuée l’année N qui a pour effet le dépassement du seuil, ainsi que les ventes à distance ultérieures, seront situées aux Pays-bas.

Exemple 2 : Si un vendeur allemand a réalisé, l’année N – 1, des ventes à distance à destination de la France – pays qui a fixé le seuil à 35 000 euros – pour un montant supérieur à ce seuil, le lieu des ventes à distance qu’il effectue l’année N est situé en France.

Si, l’année N – 1, le montant des ventes du vendeur allemand est inférieur ou égal au seuil français, le lieu fiscal de ses ventes à distance vers la France réalisées dans le courant de l’année N est situé en Allemagne tant que le seuil n’est pas atteint.

La vente à distance effectuée l’année N qui a pour effet le dépassement du seuil, ainsi que les ventes à distance ultérieures, seront situées en France.

Dans tous les cas d’imposition en France, le vendeur qui n’y est pas établi doit personnellement s’identifier à la TVA – ou par l’intermédiaire d’un mandataire fiscal – auprès de l’administration, lorsqu’il est établi dans l’Union européenne ou dans un pays tiers ayant conclu une convention d’assistance au recouvrement des créances fiscales avec la France. Le cas échant, l’opérateur d’un pays tiers doit désigner un représentant fiscal en France. Ce représentant, assujetti établi en France, s’engage à remplir les formalités incombant à l’opérateur étranger et, en cas d’opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place ([200]).

Le montant total, hors TVA, des ventes à distance réalisées à partir de la France et taxables dans l’État d’arrivée des biens doit être identifié dans la déclaration de chiffre d’affaires prévu par le 5° de l’article 287 du CGI.

Les ventes à distance réalisées à partir de la France et taxables dans l’État d’arrivée des biens doivent donner lieu à l’établissement de factures, que le client soit assujetti ou non.

ii.   Le commerce électronique « direct »

Ces opérations concernent les échanges qui sont entièrement dématérialisés. Dans ce cas, la commande, le paiement et la livraison se réalisent entièrement en ligne. Ces opérations figurent à larticle 1er de la directive du 5 décembre 2017 relative au régime de TVA du commerce électronique ([201]), dont la transposition devait être effective au 1er janvier 2019.

Avant le 1er janvier 2019, ces prestations étaient réputées ne pas se situer en France lorsqu’elles étaient fournies à une personne non assujettie n’étant pas établie en France. L’article 72 de la loi de finances pour 2019 ([202]), transposant pour partie la directive du 5 décembre 2017 relative au régime de TVA du commerce électronique, a modifié cette règle.

Désormais, l’article 259 D du CGI localise en France le lieu des prestations de services intracommunautaires lorsqu’elles sont effectuées, d’une part, en faveur d’une personne non assujettie établie en France et, d’autre part, par un prestataire établi en France en faveur d’un preneur non assujetti établi dans un autre État membre de l’Union européenne, lorsque la valeur totale de ces prestations n’a pas excédé, pendant l’année civile précédente, le seuil de 10 000 euros hors taxe.

Un prestataire pourra opter pour que le lieu de ces prestations effectuées en faveur de personnes non assujetties se situe dans l’État membre de consommation ; cette option couvre une période de deux ans.

tableau récapitulatif du lieu d’imposition depuis le 1er janvier 2019
des services fournis par voie Électronique À des personnes non-assujetties Établies ou domiciliÉes en France

 

Lieu d’établissement du prestataire

Lieu d’établissement du preneur non assujetti

Lieu de taxation

Application combinée des articles 259, 259 B et 259 D nouveau du CGI

France

France

France

Autre État membre

France (si la valeur totale des prestations servies par le prestataire n’a pas excédé 10 000 euros HT au cours de l’année écoulée ou en cours)

Pays tiers

Non imposable en France

Autre État membre

France

Autre État membre (si la valeur totale des prestations servies par le prestataire n’a pas excédé 10 000 euros HT au cours de l’année écoulée ou en cours)

Pays tiers

France

France

Source : commission des finances

Corrélativement, les règles de facturation des articles 289-0 et 298 sexdecies F du CGI ont été modifiées, dans le même esprit de simplification.

Ainsi, un opérateur qui se prévaut d’un régime particulier des articles 298 sexdecies F ou G du CGI, identifié à cette fin auprès du portail de l’administration fiscale française, est soumis aux seules règles de facturation françaises, même si le lieu dimposition de ces prestations nest pas situé en France.

B.   le développement considérable du commerce en ligne a rendu obsolète les règles portant sur la tva y afférent

1.   Les règles pesant sur les ventes à distance ont été refondues dans la loi de finances pour 2020

L’article 147 de la loi de finances pour 2020 ([203]) a complété la transposition de la directive du Conseil du 5 décembre 2017 précitée ([204]).

a.   Un régime antérieur propice à la fraude

i.   Les limites du régime des ventes à distance intracommunautaire

La technique habituelle consiste, pour une société établie dans un État disposant d’un faible taux de TVA, à ne pas appliquer la TVA du pays de destination même lorsque le seuil prévu par celui-ci est dépassé. Ce détournement est simple à mettre en pratique dans la mesure où l’application et le paiement de la TVA du pays de destination nécessitent une démarche volontaire de la part de l’entreprise.

Ainsi, en 2015, un rapport sénatorial remarquait que le seuil des ventes à distance, alors de 100 000 euros HT, « nest pratiquement pas contrôlé par les administrations fiscales des États membres », ce qui conduit à « des fraudes énormes » ([205]). Ce rapport constatait notamment que seulement 979 entreprises étaient alors immatriculées à la direction des résidents à l’étranger et des services généraux – la DRESG, qui a depuis été remplacée par la direction des impôts des non-résidents, la DINR – alors que le nombre d’entreprises de commerce électronique était, à la même date, de 715 000 en Europe. Le franchissement de ce seuil appelle une démarche volontaire de la part de l’entreprise, qui n’a pas toujours connaissance de cette obligation, sinon la volonté de s’y conformer.

Au demeurant les interfaces – c’est-à-dire une « place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire » ([206]) – ne sont pas assujetties à de quelconques obligations en matière de perception de la TVA sur les ventes en ligne qu’elles ont facilité.

ii.   La problématique des envois à valeur négligeable

L’essor de l’économie numérique a significativement augmenté le nombre des livraisons de colis, limitant par là même les possibilités de contrôle des douanes ([207]).

Il s’agit ici de préciser que le régime des importations diffère de celui des opérations intracommunautaires. Ainsi, lorsqu’un opérateur situé en dehors de l’Union européenne effectue une vente à distance à destination d’un État membre de l’Union, lopération est soumise aux droits de douane de lÉtat de destination ainsi quà sa TVA.

En pratique, la direction générale des douanes et des droits indirects est chargée d’assurer le recouvrement des droits, dus par le destinataire, au moment du dédouanement de la marchandise ; le vendeur n’est pas tenu de s’immatriculer. L’assiette des taxes est la valeur des droits déclarés en douane.

Nonobstant cette architecture de droit commun, un régime de simplification, mis en place en 1983 ([208]), exonère de taxes les envois de faible valeur, afin de simplifier les échanges portant sur un faible montant. Le seuil de la franchise de TVA est fixé à 22 euros quand celui de la franchise des droits de douane est fixé à 150 euros.

Si le dispositif a été introduit à une époque où le commerce électronique n’existait pas, l’essor de ce secteur pose désormais de graves difficultés dans la mesure où un bien importé ayant une faible valeur est exonéré de TVA alors qu’il est soumis à cet impôt s’il provient d’un autre État membre de l’Union.

La Commission européenne a récemment publié un rapport concernant « lévaluation de lapplication et de limpact de lexonération de TVA pour les importations de petits envois » ([209]). À cette occasion, la Commission a pu constater que les importations d’envois à valeur négligeable ont connu une augmentation moyenne de 286 % entre 1999 et 2013.

Or, face au développement des échanges, les moyens des États ne permettent pas d’assurer un contrôle effectif de l’ensemble des colis. Comme le calcul et le paiement de la TVA reposent sur la valeur déclarée lors du dédouanement, les vendeurs en ligne peuvent sous-évaluer leurs envois, ce qui permet de pratiquer des prix hors taxe plus attractifs.

L’évolution du régime particulier concernant le commerce électronique, entré en vigueur au 1er janvier 2015, a permis de recenser plusieurs domaines pouvant faire l’objet d’améliorations : ce recensement a justifié l’élaboration de la directive du 5 décembre 2017 relative au régime de TVA du commerce électronique.

b.   Un profond remaniement du régime des ventes à distance, dont l’entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2021

i.   La nouvelle définition de la vente à distance intracommunautaire de biens est transposée en droit national

Selon le nouveau II bis de l’article 258 du CGI, une vente à distance intracommunautaire de biens s’entend « dune livraison de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans le transport ou lexpédition des biens, à partir dun État membre autre que celui darrivée de dexpédition ou du transport à destination de lacquéreur », lorsque la livraison de biens est effectuée au profit d’un non assujetti ou d’une personne bénéficiant du régime dérogatoire (PBRD) de l’article 256 bis, I-2° du CGI.

ii.   Une généralisation de la taxation selon le principe de destination, sauf pour les assujettis qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 10 000 euros dans l’État membre considéré

Les dispositions qui visent la territorialité de l’impôt, à l’article 258 A du CGI, ont été réécrites.

Ainsi, le seuil de chiffre d’affaires de 10 000 euros, déjà applicable aux prestations de service intracommunautaires de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision – article 259 D du CGI, v. supra – est étendu aux livraisons à distance intracommunautaire de biens.

Lorsque ce seuil de chiffre d’affaires est dépassé par le fournisseur, la taxation de la vente à distance s’effectue dans le pays du consommateur final.

Contrairement au régime antérieurement en vigueur en matière de calcul du seuil de vente à distance intracommunautaire – compris entre 35 000 et 100 000 euros –, ce seuil n’est plus calculé par rapport aux seules ventes effectuées dans l’État considéré, mais au niveau de l’Union européenne.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2021, toute entreprise française devait, selon ces dispositions, appliquer la TVA de lÉtat membre de destination de la vente à distance intracommunautaire de biens dès lors que le produit de telles ventes dépasse en cours dannée ou a dépassé pendant lannée civile précédente la somme de 10 000 euros appréciée dans toute l’Union européenne.

À l’inverse, pour les ventes à distance d’une société établie dans un autre État membre à destination de la France, c’est la TVA française qui s’appliquera dès lors que les ventes à distance intracommunautaires de la société considérée dépassent au cours de l’année ou ont dépassé pendant l’année civile précédente, la somme de 10 000 euros, appréciés à l’échelle de l’Union européenne.

Par dérogation à ces dispositions le fournisseur pourra opter pour une taxation selon le principe de destination, même si le seuil de 10 000 euros n’est pas dépassé.

iii.   La création d’un nouveau régime particulier : la vente à distance de biens importés

Le nouvel article 298 sexies H du CGI créé un régime particulier, sous la forme d’un guichet unique, applicable aux ventes à distance de biens importés de territoires ou de pays tiers, dont pourront se prévaloir les assujettis.

Faire le choix de ce nouveau guichet unique nécessite la réunion de plusieurs conditions, liées à la notion de vente à distance de biens importés ainsi qu’au lieu de livraison de celui-ci.

Constitue une telle vente à distance de biens importés la livraison de biens expédiés ou transportés par le fournisseur – ou pour son compte – y compris lorsque le fournisseur intervient directement dans le transport ou l’expédition des biens, à partir d’un territoire tiers à l’Union européenne, à destination d’un État membre de cette même Union, lorsque la livraison de biens est effectuée au profit d’une personne non assujettie ou d’une PBRD.

Le lieu de livraison des biens importés en provenance de territoires tiers ou de pays tiers dans le cadre de ventes à distance est désormais réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France :

– au moment de l’arrivée de lexpédition, ou, si le bien a été importé au préalable dans un autre État membre, du transport des biens à destination de l’acquéreur ;

– au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport des biens à destination de l’acquéreur si le bien a été importé en France, lorsque la TVA est déclarée dans le cadre du régime particulier de déclaration et de paiement de la TVA applicable aux ventes à distance de biens importés, c’est-à-dire le nouveau guichet unique mis en place en la matière (v. infra). Cette hypothèse ne vise que les envois dont la valeur ne dépasse pas 150 euros ;

– au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport de biens à destination de l’acquéreur, lorsque le bien a été importé en France par une plateforme ou un portail électronique. Cette hypothèse ne concerne, également, que les envois dont la valeur ne dépasse pas 150 euros.

Ce nouveau régime permettra de collecter la TVA auprès du vendeur au moment de la réalisation de la vente.

Un nouveau régime visant la déclaration et le paiement de la TVA à limportation a également été créé

Les articles 147 et 181 de la loi de finances initiale pour 2020 ont réformé le régime de la TVA à l’importation.

Ce régime, déterminé par l’article 293 A du CGI, est destiné à s’appliquer en l’absence de choix du guichet de l’article 298 sexies H du CGI, précédemment évoqué.

Ainsi, lorsque, pour l’importation de biens faisant l’objet d’une vente à distance de biens importés et contenus dans des envois dont la valeur ne dépasse pas 150 euros, le régime particulier de l’article 298 sexies H du CGI n’est pas utilisé, la personne qui présente les marchandises en douane pour le compte de la personne destinataire des biens sera autorisée à déclarer et acquitter la TVA à l’importation pesant sur les biens expédiés à destination de la France, au nom et pour le compte du destinataire final.

C’est à elle qu’il appartiendra de prendre les mesures appropriées pour percevoir la TVA auprès du destinataire des biens, préalablement à son acquittement auprès du service des douanes.

Pour les envois supérieurs à 150 euros, l’article 147 de la loi de finances pour 2020 n’a pas modifié la situation actuelle : seule la TVA à l’importation sera due ([210]).

iv.   Les interfaces seront soumises à de nouvelles obligations

● Les interfaces qui facilitent les ventes à distance vont devenir redevables du paiement de la TVA.

Le 2° du V de l’article 256 nouveau introduit une présomption à légard des plateformes : les intermédiaires opaques seront désormais réputés avoir acquis et livré les biens. Aussi, ces intermédiaires deviennent redevables de la TVA sur les ventes si :

– l’assujetti facilite, par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, les ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d’une valeur ne dépassant pas 150 euros ;

– l’assujetti facilite, par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, la livraison d’un bien dans l’Union européenne par un assujetti non établi sur le territoire de l’Union, à une personne non assujettie. Il peut s’agir d’une livraison domestique ou d’une vente à distance intracommunautaire. Dans cette hypothèse, la livraison du bien à destination de la plateforme est exonérée, quand bien même celle-ci est redevable de la taxe.

Par dérogation au principe selon lequel la TVA due à l’importation doit être acquittée par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation, la plateforme devient redevable de la TVA due sur les opérations de ventes à distance de biens importés, même si le destinataire réel des biens demeure solidairement tenu au paiement de la taxe.

Cette disposition s’applique quelle que soit la valeur de la vente à distance, c’est-à-dire y compris même lorsque la valeur du bien importé excède 150 euros (sauf s’il s’agit d’une vente à distance de biens importés dont le lieu d’imposition est situé dans un autre État membre de l’Union européenne).

Pour les livraisons de biens réalisés par ces plateformes, ainsi que pour celles à destination de ces plateformes, le fait générateur et l’exigibilité de la TVA interviendront au moment de l’acceptation du paiement.

● Les interfaces qui facilitent les livraisons de biens ou les prestations de services à des personnes non assujetties seront tenues de consigner ces opérations dans un registre

À des fins de contrôle, les plateformes qui facilitent des ventes à distance de biens ou des prestations de service seront astreintes à la tenue d’un registre, qui devra être conservé 10 ans à compter du 31 décembre de l’année au cours de laquelle l’opération a été effectuée, afin de permettre aux États membres où ces livraisons et prestations sont imposables de vérifier que la TVA a été correctement appliquée.

Ce registre sera mis à la disposition de l’administration, à sa demande, par voie électronique.

v.   Le champ des guichets uniques est étendu, et un nouveau guichet concernant les ventes à distance de biens importés est créé

● Une extension du guichet à l’ensemble des services et aux ventes à distance intracommunautaires

Selon l’article 298 sexdecies G du CGI, tel que rédigé par l’article 147 de la loi de finances pour 2020, la possibilité d’opter pour le régime du mini-guichet unique TVA– « MOSS »  ([211]) – concernera, en 2021, l’ensemble des prestataires fournissant des services à des personnes non-assujetties, mais également les opérateurs réalisant des ventes à distance intracommunautaires de biens, ainsi que les plateformes pour certaines livraisons.

Le fonctionnement de ce guichet unique reposera sur l’identification des assujettis en France – lorsque la France est « État membre d’identification » – ce qui leur permettra de déclarer à ce guichet l’ensemble des opérations de ventes à distance et de prestations de service intracommunautaires. Ce guichet sera ouvert aux plateformes qui réalisent de telles ventes.

Les assujettis devront souscrire une déclaration trimestrielle indiquant, pour chaque État membre de destination, les opérations réalisées en valeur et en montant de TVA, ventilées par taux d’imposition. Cette déclaration devra être souscrite avant la fin du mois qui suit le trimestre considéré, et la taxe acquittée au même instant.

Les entreprises qui se prévalent du régime particulier de déclaration et de paiement de la TVA sur les ventes à distance intracommunautaires de biens seront dispensées de l’obligation d’émettre une facture pour ce type d’opération.

La taxe supportée par l’assujetti au titre des opérations couvertes par ce régime spécifique ne pourra ouvrir droit à déduction : seule la procédure de remboursement leur sera ouverte.

● Une extension à l’ensemble des services pour le régime « hors Union européenne »

Le champ du régime de guichet unique, prévu à l’article 298 sexdecies F du CGI, doit être étendu, au 1er janvier 2021, à tous les services fournis par les assujettis non établis au sein de l’Union européenne à des non-assujettis établis dans l’Union.

● La création d’un guichet unique pour les ventes à distance de biens importés

L’article 147 de la loi de finances pour 2020 a également créé, au nouvel article 298 sexies I du CGI, un nouveau régime particulier de déclaration et de paiement de la TVA à l’importation.

Ce nouveau régime couvrira les biens importés en provenance de pays ou de territoires tiers, faisant l’objet d’une vente à distance, lorsque la valeur de l’envoi n’excède pas 150 euros.

Pour de tels envois, il est prévu que limportation pourra être exonérée de TVA si l’assujetti a présenté son numéro individuel d’identification – attribué aux fins de l’application de ce régime – au plus tard au moment du dépôt en douane de la déclaration d’importation.

Pourront se prévaloir d’un tel régime :

– les assujettis établis sur le territoire de l’Union européenne qui réalisent des ventes à distance de biens importés de pays tiers ;

– les assujettis non établis dans l’Union européenne qui effectuent des ventes à distance de biens importés, à condition d’être représentés par un intermédiaire établi sur le territoire de l’Union ;

– les assujettis établis sur le territoire d’un pays tiers avec lequel l’Union européenne a conclu un accord d’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts et droits.

L’assujetti qui se prévaudra de ce régime particulier devra souscrire une déclaration mensuelle et tenir un registre reprenant ses opérations taxables, qui devra être conservé pendant 10 ans à compter du 31 décembre de l’année de l’opération.

Comme pour les autres régimes particuliers de guichet unique, la TVA supportée par l’assujetti dans le cadre de son activité ne pourra pas faire l’objet d’une déduction, mais d’un remboursement. 

La suppression de la notion européenne d’envoi de valeur négligeable

La création du régime particulier de déclaration et de paiement de la TVA à l’importation s’accompagne de la suppression de la possibilité offerte aux États membres d’admettre en exonération les importations dont la valeur globale est inférieure à 23 euros.

Cette possibilité était offerte par le titre IV de la directive 2009/132/CE du Conseil du 19 octobre 2009.

L’article 3 de la directive 2017/2455 du 5 décembre 2017 supprime les dispositions correspondantes, avec effet au 1er janvier 2021.

En France, cette exonération est prévue au II-2° de l’article 291 du CGI, qui renvoie à une liste figurant à l’annexe IV du même code.

Il reviendrait donc au pouvoir réglementaire de supprimer, avant le 1er janvier 2021, le 5° de l’article 50 octies de l’annexe IV du CGI.

2.   Des dispositions qui méritent d’être complétées et précisées

a.   La crise sanitaire rend impossible l’application de ces dispositions, qui nécessitent une coordination totale entre les États membres, au 1er janvier 2021

Le 14 février 2020, la Commission européenne a fait le point sur l’état de préparation des États membres et « la plupart d’entre eux » ([212]) ont confirmé qu’ils seraient en mesure d’appliquer les règles à la date prévue. Deux États membres – l’Allemagne et les Pays-Bas – ont fait part de leurs préoccupations et ont demandé de reporter d’un an ou plus l’entrée en application.

En raison de la crise imprévue liée à la pandémie de COVID-19 et de ses répercussions sur l’ensemble des échelons de la vie politique et administrative, les États membres ont dû redéfinir des priorités et réaffecter des ressources initialement prévues pour la mise en œuvre du paquet TVA sur le commerce électronique à la lutte contre cette pandémie. Par conséquent, d’autres États membres ont fait part de leur inquiétude de ne pouvoir finaliser les travaux préparatoires afin de garantir l’application des nouvelles règles d’ici le 1er janvier 2021.

Plus précisément, la mise en place du système informatique requis au niveau national pour mettre en œuvre les règles prévues par les directives relatives à la TVA sur le commerce électronique risque fortement d’être retardée, ce qui empêcherait plusieurs États membres d’être prêts à appliquer les nouvelles règles à compter du 1er janvier 2021.

Des préoccupations similaires ont été exprimées par les opérateurs de services postaux et de courrier rapide, qui ont « instamment » ([213]) demandé à la Commission de reporter de six mois la date d’application du paquet TVA sur le commerce électronique en raison de la crise sanitaire.

b.   Des précisions et compléments destinés à une mise en conformité avec le droit européen

La directive (UE) 2019/1995 du Conseil du 21 novembre 2019 ([214]) a modifié certaines règles relatives à la TVA sur les ventes à distance, sur quatre points.

Premièrement, rappelons qu’est réputé avoir reçu et livré les biens lui-même un assujetti qui facilite, par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un autre dispositif similaire :

– les ventes à distance de biens importés d’un territoire tiers ou d’un pays tiers contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 euros ; ou,

– la livraison de biens au sein de l’Union européenne à une personne non assujettie – comme un consommateur – par un assujetti – un professionnel – qui n’est pas établi dans l’Union.

La même directive précise à laquelle de ces livraisons il convient d’imputer l’expédition ou le transport des biens pour pouvoir déterminer correctement leur lieu de taxation.

Deuxièmement, rappelons qu’un assujetti qui facilite, par l’utilisation d’une interface électronique, la livraison de biens à une personne non assujettie dans l’Union européenne, peut déduire la TVA payée à un fournisseur qui n’y est pas établi.

Pour éviter le risque que l’assujetti ne paie pas la TVA aux autorités fiscales, la directive (UE) 2019/1995 prévoit que la livraison effectuée par le fournisseur qui vend des biens par le biais d’une interface électronique est exonérée de TVA. Ce fournisseur a, en même temps, le droit de déduire la TVA préalablement payée pour l’achat ou l’importation des biens livrés ; à cette fin, il doit toujours être enregistré dans l’État membre dans lequel il a acquis ou importé ces biens.

Troisièmement, il sera rappelé que les fournisseurs qui ne sont pas établis dans l’Union européenne et qui utilisent une interface électronique pour vendre des biens peuvent détenir un stock dans plusieurs États membres et peuvent, en plus des ventes à distance intracommunautaires de biens, livrer des biens provenant de ce stock à des acquéreurs établis dans le même État membre. Actuellement, de telles livraisons ne sont pas couvertes par le régime particulier applicable aux ventes à distance intracommunautaires de biens et de services fournis par des assujettis établis sur le territoire de l’Union, mais non dans l’État membre de consommation.

Afin de réduire les charges administratives, la directive (UE) 2019/1995 autorise désormais les assujettis qui facilitent, par l’utilisation d’une interface électronique, la livraison de biens à des personnes non assujetties au sein de l’Union européenne et qui sont réputés avoir reçu et livré ces biens eux-mêmes, à également recourir à ce régime particulier.

Enfin, la directive (UE) 2019/1995 aligne le délai fixé pour payer la TVA à l’importation aux autorités douanières en cas de recours au régime particulier pour la déclaration et le paiement de la TVA à l’importation, sur le délai fixé pour payer les droits à l’importation, soit 30 jours ([215]).

Selon l’article 2 de la directive précitée, ces dispositions sont applicables à partir du 1er janvier 2021.

II.   Le dispositif proposé

A.   Les modifications apportées

1.   Une entrée en vigueur décalée de 6 mois par le Conseil, sur proposition de la Commission, qu’il convient de répercuter en droit interne

La Commission a donc proposé au Conseil de modifier les directives (UE) 2017/2455 et (UE) 2019/1995 mais seulement en ce qui concerne leurs dates de transposition et d’application, décalées de six mois, au 1er juillet 2021.

Cette proposition de décision a été adoptée par le Conseil de lUnion européenne le 20 juillet 2020 ([216]).

Le présent article tire les conséquences de cette décision.

D’une part, son II remplace, aux A et B de l’article 147 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, le mot « janvier », par le mot « juillet ».

D’autre part, son III dispose que le profond remaniement prévu par le I de l’article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (v. supra) s’appliquera aux opérations pour lesquelles le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée intervient à compter du 1er juillet 2021.

2.   À cette occasion, des dispositions sont complétées et précisées

La décision du Conseil en date du 20 juillet 2020 ne modifie pas le contenu des règles définies par les directives (UE) 2017/2455 et (UE) 2019/1995, mais se borne à reporter de six mois leur date d’application.

En revanche, le Gouvernement a souhaité, dans le présent article, préciser et compléter certaines des dispositions déjà adoptées, touchant à la territorialité de la TVA dans les ventes à distance.

a.   Les biens soumis à la taxation sur la marge bénéficiaire seront exclus des régimes de territorialité applicables aux ventes à distance intracommunautaire

Des règles particulières d’imposition à la TVA sont prévues pour les opérations portant sur les biens d’occasion, les œuvres d’art, les objets de collection ou d’antiquité.

Ainsi, selon l’article 297 A du CGI, « la base dimposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens doccasion, dœuvres dart, dobjets de collection ou dantiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui nest pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix dachat. »

Ce régime, dit de la « marge forfaitaire » – ou encore de la « TVA sur marge » – bénéficie aux revendeurs professionnels qui ne peuvent déterminer avec précision le prix d’acquisition des œuvres d’art, objets de collection ou d’antiquités qu’ils négocient.

Ainsi, les intermédiaires revendeurs de biens d’occasion ([217]), d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité ([218]) qui se fournissent auprès de particuliers ou de personnes qui ne sont pas autorisées à facturer la TVA sont taxables sur la marge réalisée, c’est-à-dire sur une base constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat.

La taxation sur la marge constitue une dérogation aux principes généraux d’assujettissement à la TVA, qui soumettent à taxation la totalité de la rémunération perçue en contrepartie de l’opération assujettie et non, simplement, la marge réalisée à cette occasion.

La justification de ce mécanisme singulier réside dans le fait que l’assujetti revendeur n’a supporté aucune TVA sur l’achat, si bien qu’il ne peut se prévaloir d’aucun droit à déduction sur l’opération. Dès lors, il serait taxé sur la totalité de la cession, sans aucune déduction possible.

Les A et B du I du présent article excluent ces biens spécifiques des régimes de territorialité applicables aux ventes à distance intracommunautaire de biens, ainsi quaux ventes à distance de biens importés.

À cette fin, les articles 258 et 258 A du CGI sont complétés.

b.   Le seuil de 10 000 euros de chiffres d’affaires en deçà duquel certaines ventes transfrontalières sont considérées comme des opérations domestiques ne sera opérant qu’à l’égard des assujettis établis au sein d’un seul État membre de l’Union européenne

Le dispositif adopté en loi de finances initiale pour 2020 a introduit un seuil commun de 10 000 euros de chiffre d’affaires en deçà duquel les ventes à distance intracommunautaires et les prestations de services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision ainsi que les services fournis par voie électronique à des personnes non assujetties à la TVA seront considérées comme des opérations domestiques devant être imposées dans le pays de départ du bien, ou dans le pays d’établissement du prestataire de services.

Le C du I du présent article modifie l’article 259 D du CGI afin de réserver le bénéfice de ce dispositif aux assujettis qui sont établis dans un seul État membre de lUnion européenne.

c.   Le taux de droit commun de la TVA s’appliquera à l’ensemble des importations soumises au régime particulier de la TVA à l’importation

Classiquement, le taux de TVA applicable à l’importation de biens est celui appliqué sur le territoire de l’État membre pour la livraison d’un même bien ([219]).

Par dérogation, les États membres peuvent prévoir que le taux normal de TVA applicable dans l’État membre d’importation est applicable en cas de recours au régime particulier de la TVA à l’importation ([220]).

Conformément à cette possibilité de dérogation ouverte par le droit européen depuis la directive du 21 novembre 2019 ([221]) (v. supra), le D du I du présent article modifie le II de l’article 298 sexdecies I du CGI afin d’appliquer le taux de droit commun de TVA – de 20 % – à l’ensemble des importations soumises au régime particulier institué par l’article 298 sexdecies I du CGI, c’est-à-dire la TVA dite « à l’importation ».

Ainsi, devront s’acquitter d’une TVA au taux de 20 % les personnes qui présentent des marchandises en douane pour le compte du destinataire des biens, contenues dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 euros et lorsque le régime particulier du nouveau guichet électronique de déclaration et de paiement n’est pas utilisé.

TVA à limportation

Les échanges intracommunautaires s’effectuent au sein de l’Union européenne quand les échanges extracommunautaires résultent d’opérations avec les pays tiers : c’est seulement pour ces échanges avec un pays tiers que l’on retrouve, en droit fiscal, les notions « d’importation » et « d’exportation ».

L’introduction en France de biens en provenance de pays tiers à l’Union européenne donne lieu à perception de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par le service des douanes, lors de l’importation.

Aux termes du I-2 de l’article 291 du code général des impôts (CGI), l’importation est constituée par :

– lentrée du bien sur le territoire de lUnion, lorsque ce bien est mis à la consommation en France – ou, éventuellement, placé sous un entrepôt fiscal : dans cette hypothèse, l’importation est effectuée en suspension de taxes ;

– la mise à la consommation du bien en France précédemment placé sous l’un des régimes douaniers suspensif suivants : conduite en douane, installations de stockage temporaire, zone franche, entrepôt d’importation, admission temporaire en exonération totale de droits, transit.

Dès lors que le bien est considéré comme importé – et ne fait pas l’objet d’une exonération selon des dispositions particulières – la TVA s’applique, qu’il y ait ou non transfert de propriété et que l’opération soit faite, ou non, à titre onéreux.

Contrairement à la TVA intracommunautaire, la TVA à limportation est due par le destinataire réel de la marchandise, mentionné sur la déclaration d’importation. Toutefois, cette taxe est solidairement due par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirect du destinataire réel.

Les opérateurs qui sont établis dans un pays tiers n’ayant pas conclu de convention d’assistance au recouvrement des créances fiscales avec la France sont tenus, en application de l’article 289 A du CGI, de désigner et de faire accréditer auprès de l’administration un représentant fiscal chargé d’accomplir à leur place les formalités déclaratives et de paiement de la TVA à l’importation.

Les entreprises importatrices peuvent déduire la TVA, dans les conditions de droit commun, sous réserve que les documents justificatifs de la perception de la TVA les désignent comme destinataires réels des biens au titre desquels ils revendiquent la déduction. Cette déduction – soit par imputation, soit par remboursement – est ainsi opérée au vu du document d’importation, d’un extrait de déclaration, voire d’une facture datée et signée du commissionnaire en douane.

Le régime de la TVA à l’importation a été modifié par l’article 181 de la loi
n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, avec une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2022. Cet article a simplifié le recouvrement de la TVA à l’importation en achevant le guichet unique de TVA pour les entreprises auprès de la DGFiP – en supprimant la perception de la TVA par les services de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), au moment du dédouanement. En outre, de nouvelles règles pour désigner le redevable de la TVA à l’importation ont été établies : le redevable de la taxe sera à titre principal la personne qui réalise la livraison, mais pourra également être, alternativement, la plateforme qui réalise la livraison ou le destinataire des biens indiqué sur la déclaration d’importation.

B.   L’impact budgétaire et économique

1.   Un impact budgétaire négatif mais difficile à évaluer du report de l’entrée en vigueur de la réforme

La Commission européenne, à l’occasion de sa réunion du 24 avril 2020, a souligné que les dispositions relatives au fonctionnement du paquet TVA sur le commerce électronique reposent sur le principe selon lequel tous les États membres doivent être en mesure de les appliquer correctement.

Un report de six mois a ainsi été proposé, prenant en compte le fait qu’il « convient de limiter autant que possible le retard afin de réduire au minimum les pertes budgétaires supplémentaires pour les États membres » ([222]).

En effet, d’après les estimations de la Commission, les États membres subiront des pertes budgétaires comprises entre 2,5 et 3,5 milliards d’euros pour un retard d’application de six mois. Ce chiffre est à diviser entre les 27 États membres de l’Union européenne, à proportion de leur exposition au commerce en ligne.

Conscients de cet impact budgétaire, la France, l’Autriche, la Bulgarie et Malte ont réalisé une déclaration commune annexée à la décision du Conseil du 20 juillet 2020, soulignant qu’il importe que « les nouvelles règles en matière de TVA relevant du paquet sur le commerce électronique entrent en vigueur sans plus tarder, afin de relever les défis liés à la croissance exponentielle du commerce électronique au cours des dernières années, en tenant compte du principe de la taxation au lieu de destination, de la nécessité de protéger les recettes fiscales des États membres, de créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises concernées et de réduire au maximum les charges qui pèsent sur elles » ([223]) . Dès lors, « un nouveau report de lentrée en vigueur du paquet sur le commerce ne serait pas acceptable » ([224]).

2.   Des précisions et compléments qui viennent rendre le dispositif pleinement opérationnel, mais également alléger la charge administrative et la fluidité des opérations de livraison

Afin de rendre opérationnelles les nouvelles règles relatives à la TVA applicable aux ventes à distance de biens et prestations de service opérées dans le cadre du commerce en ligne, des précisions quant aux biens qui seront soumis aux nouvelles règles de territorialités étaient nécessaires.

Ainsi, pour se conformer à l’article 35 de la directive TVA ([225]), il importe de préciser que ces nouvelles règles ne doivent pas être applicables aux livraisons de biens d’occasion, d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité et moyens de transport d’occasion, effectuées par des assujettis revendeurs qui appliquent un régime particulier de taxation sur la marge.

De même, pour se conformer à l’article 59 de la directive TVA ([226]), il convient de réserver le bénéfice du dispositif de lieu de taxation dans le pays de départ en deçà du seuil de 10 000 euros aux seuls assujettis qui sont établis dans un unique État membre.

À l’aune de considérations pratiques, des aménagements étaient également nécessaires s’agissant du régime particulier de l’article 298 sexdecies I du CGI, qui met en place un régime particulier pour la déclaration et le paiement de la TVA à l’importation au profit des personnes qui présentent des marchandises en douane pour le compte de leur destinataire et pour des biens contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 euros, lorsque le fournisseur n’a pas opté pour le régime spécial prévu à l’article 298 sexdecies H du CGI.

Le recours à ce régime particulier permet à la personne qui présente les biens en douane de bénéficier de facilités en matière de déclaration et de reversement de la TVA collectée au lieu et pour le compte du destinataire des biens.

Or, la transposition de cette disposition conditionne la possibilité offerte aux opérateurs de contrôle de faire usage, lors des opérations de dédouanement, d’une déclaration à jeu de données réduit. Cette déclaration contient moins d’éléments que le jeu de données d’une déclaration en douane normale, et ne permet notamment pas d’indiquer l’éventuelle application d’un taux réduit de TVA.

Ainsi, la non application d’un taux normal par défaut aux opérations déclarées dans le régime particulier de l’article 298 sexdecies I du CGI entraînerait le recours, par les opérateurs, à une déclaration en douane normale et, ce faisant, une disproportion du nombre de données à contrôler compte tenu de la valeur – 150 euros – et du nombre des colis.

Cette hypothèse aboutirait donc à alourdir considérablement les processus de dédouanement, ce qui représenterait une charge administrative et des coûts supplémentaires décorrélés de la valeur des biens, tout en ralentissant les procédures d’importation et, partant, les délais de livraisons.

Aussi, si la mesure portée par le présent article a pour conséquence directe de faire supporter aux consommateurs finaux une hausse de TVA sur les biens importés éligibles à un taux de TVA réduit, elle aboutit à une fluidification des flux d’importation.

En outre, il convient de rappeler que le régime particulier de tarification des envois d’une valeur inférieure à 150 euros et porté par l’article 298 sexdecies I du CGI est d’une part facultatif, et d’autre part soumis à la condition que la vente n’ait pas été réalisée par l’intermédiaire d’une plateforme électronique mais directement par le vendeur des biens, qui ne doit en outre pas opter pour le régime spécial du guichet de l’article 298 sexdecie H du CGI.

Dès lors, cet effet ne devrait concerner qu’une part marginale des achats en ligne effectués par les consommateurs en provenance de pays tiers à l’Union européenne.

*

*     *

La commission adopte l’amendement rédactionnel I-CF1449 du rapporteur général (amendement 2820).

Puis elle adopte l’article 10 ainsi modifié.

 

 


Article 11
Mise en conformité avec le droit européen du régime de TVA
des gains de course hippique

Résumé du dispositif et effets principaux

Constituent des gains de course l’ensemble des prix décernés – prix de course, primes aux propriétaires, primes aux éleveurs, etc. – aux propriétaires ou éleveurs de chevaux à l’occasion d’épreuves hippiques.

Selon les dispositions de l’article 257 du code général des impôts (CGI), ces gains, perçus par les entraîneurs pour les chevaux dont ils sont propriétaires, sont soumis à la TVA. Le taux applicable est de 20 %.

La Cour de justice de l’Union européenne a considéré, dans un arrêt Pavlina Bastova rendu le 10 novembre 2016, que ne saurait constituer une prestation de services effectuée à titre onéreux la mise à disposition d’un cheval par son propriétaire assujetti à la TVA à l’organisateur d’une course hippique, dans la mesure où seuls les propriétaires des chevaux s’étant classés en ordre utile à l’arrivée reçoivent un prix.

Or, actuellement, le droit français ne prend pas en considération la notion d’aléa s’agissant de l’imposition des gains de course.

Le présent article adapte donc les dispositions du code général des impôts afin de les rendre conforme à la jurisprudence européenne.

De fait, il est proposé de ne plus imposer à la TVA les gains de course hippique soumis à un aléa.

Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions du 4° du III de l’article 257 du CGI, qui assujetissent les gains de course à la TVA, sont issues de l’article 13 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987.

Les dispositions du III de l’article 289 du CGI, qui traitent de la facturation de ces gains, sont également issues de l’article 13 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L'État du droit

A.   TVA et chevaux de course

1.   La situation des différents intervenants au regard de la TVA

Les activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation – à l’exclusion des activités de spectacle – constituent des activités de nature agricole. Il en est ainsi des activités d’entraînement, de préparation et de prise en pension des chevaux de course.

a.   Les éleveurs et les propriétaires éleveurs

L’élevage de tous les animaux, y compris donc les équidés, constitue par nature une activité de caractère agricole ; ce caractère n’est pas remis en cause par le fait que l’éleveur engage ses chevaux dans des épreuves hippiques.

Par principe, les exploitants agricoles et les marchands de bestiaux sont placés dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en vertu des articles 256 et 256 A du code général des impôts (CGI) : les exploitants agricoles assujettis à la TVA sont placés, pour leurs opérations agricoles, sous le régime simplifié de l’agriculture (RSA) également appelé « TVA agricole » ([227]), soit obligatoirement – lorsque leurs recettes annuelles dépassent un seuil de 46 000 euros – soit sur option.

Les exploitants agricoles qui ne sont pas redevables de la TVA – c’est-à-dire ceux qui réalisent moins de 46 000 euros de chiffre d’affaires et qui n’ont pas souhaité se soumettre à l’option – peuvent bénéficier du remboursement forfaitaire qui leur permet de compenser forfaitairement la charge de la TVA ayant grevé leurs approvisionnements et leurs investissements de ces exploitants ainsi que les services qui leur sont rendus ([228]).

b.   Les propriétaires non éleveurs

Les propriétaires non éleveurs et non entraîneurs, qui exercent leur activité à titre professionnel, sont imposés à la TVA selon les règles du régime général, et non du régime agricole.

Ils doivent soumettre au taux normal de TVA le montant des gains et primes reçus à l’occasion des compétitions hippiques.

Les particuliers, propriétaires de chevaux de course, qui confient leurs chevaux à un entraîneur en vue de la compétition, réalisent des opérations qui sont situées hors du champ d’application de la TVA.

Ces particuliers n’ont donc pas à soumettre à la TVA les gains et primes reçus à l’occasion des compétitions. Par conséquent, ils ne peuvent non plus récupérer la TVA qui grève les dépenses d’achat ou d’entretien du cheval et, n’ayant pas la qualité d’agriculteur, ne peuvent bénéficier du régime de remboursement forfaitaire.

c.   Les entraîneurs

Les activités d’entraînement, de préparation et de prise en pension d’équidés destinés à être engagés dans des courses, réalisées par des entraîneurs publics ([229]), sont soumis au régime de la TVA agricole au taux normal.

d.   Les jockeys et drivers

Les jockeys et drivers des chevaux de course ([230]) perçoivent de la part du propriétaire du cheval une somme forfaitaire appelée « monte-jockey », ainsi que, le cas échéant, une quote-part des sommes versées au propriétaire par les sociétés de course.

2.   Le droit interne soumet à la TVA les gains de course réalisés par les entraîneurs pour les chevaux dont ils sont propriétaires

Constituent des gains de course l’ensemble des prix décernés – prix de course, primes aux propriétaires, primes aux éleveurs, etc. – aux propriétaires ou éleveurs de chevaux à l’occasion d’épreuves hippiques ([231]).

a.   Les gains perçus par les propriétaires éleveurs, les entraîneurs et les propriétaires entraîneurs sont soumis à la TVA agricole

Aux termes du 4° du III de l’article 257 du code général des impôts (CGI), les sommes attribuées par les sociétés de course au titre des gains de course réalisés par les entraîneurs pour les chevaux dont ils sont propriétaires sont soumises à la TVA agricole. Le taux applicable est de 20 %.

Bien que l’article 257 du CGI ne vise que les entraîneurs qui perçoivent des gains de course réalisés par l’entremise de chevaux dont ils sont propriétaires, l’administration fiscale considère, « dans un souci d’équité » ([232]) que ces dispositions concernent tous les propriétaires et éleveurs de chevaux de course redevables de la TVA – de plein droit ou sur option – au titre des gains réalisés par l’entremise de chevaux dont ils sont propriétaires ou dont ils ont loué la carrière de course ([233]).

En contrepartie de cet assujettissement – et classiquement – les éleveurs et propriétaires de chevaux de course peuvent déduire la taxe relative aux dépenses exposées dans le cadre de cette activité, et notamment celles qui portent sur les frais d’entretien et de prise en pension.

b.   Les gains perçus par les propriétaires non éleveurs et non entraîneurs sont soumis à la TVA selon les modalités du régime général

Les propriétaires de chevaux de course qui ne sont ni éleveurs ni entraîneurs et donc l’activité est néanmoins considérée comme exercée à titre professionnel sont soumis à la TVA selon les modalités du régime général, pour les gains de course qu’ils perçoivent.

En revanche, ces gains perçus demeurent hors du champ d’application de la TVA lorsque leur activité ne peut être considérée comme exercée à titre professionnel ([234]).

B.   Une imposition des gains de course contraire à la jurisprudence européenne

1.   Pour le droit européen, l’existence d’un aléa attaché au gain exclut la qualification de prestations de service s’appuyant sur la mise à disposition d’un cheval en faveur de l’organisateur d’une course hippique – donc exclut l’application de la TVA sur ces gains

Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de Luxembourg ([235]), la possibilité de qualifier une prestation de services d’opération à titre onéreux suppose l’existence d’un lien direct entre cette prestation et une contrepartie réellement reçue par l’assujetti.

Ainsi, le caractère incertain de l’existence même d’une rétribution est de nature à rompre le lien direct entre le service fourni au bénéficiaire et la rétribution le cas échéant reçue.

L’avocat général, dans l’affaire jugée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 14 juin 2016 ([236]), a justement relevé que la participation à des compétitions sportives est susceptible d’impliquer « la prestation de plusieurs services distincts, mais étroitement imbriqués » ([237]).

Dans cette affaire, il revenait à la Cour de s’interroger sur le point de savoir si la mise à disposition d’un cheval par son propriétaire assujetti à la TVA en faveur de l’organisateur d’une course hippique constituait une prestation de services à titre onéreux dont la contrepartie pourrait être constituée par le prix le cas échéant remporté du fait du classement du cheval à l’arrivée de la course ou par le service fourni par l’organisateur de la course et consistant à permettre la participation du cheval.

Contrairement à l’avocat général, la quatrième chambre de la CJUE n’a pas considéré que la mise à disposition du cheval donnait lieu à une contrepartie effective.

En effet, c’est non la mise à disposition du cheval par son propriétaire en faveur de l’organisateur de la course hippique qui, en tant que telle, donne lieu au versement d’un prix, mais l’obtention d’un certain résultat à l’issue de la course, à savoir le classement du cheval.

Quand bien même l’organisateur se serait engagé à accorder un tel prix – dont le montant serait fixé et connu à l’avance – l’obtention dudit prix est subordonnée à la réalisation d’une performance particulière, affectée d’un aléa.

Compte tenu de ce qui précède, et à l’aune du premier paragraphe de l’article 2 de la directive TVA ([238]), ne peut constituer une prestation de services effectuée à titre onéreux la mise à disposition d’un cheval par son propriétaire assujetti à la TVA, en faveur de l’organisateur d’une course hippique, dans la mesure où seuls les propriétaires des chevaux s’étant classés en ordre utile à l’arrivée reçoivent un prix.

Constituerait, en revanche, une telle prestation de services une mise à disposition qui donnerait lieu au versement, par l’organisateur, d’une rémunération indépendante du classement du cheval à l’arrivée de la course.

2.   L’aléa lié à un gain de course hippique n’est pas appréhendé par le droit français

Aux termes du 4° du III de l’article 257 du code général des impôts (CGI), les sommes attribuées par les sociétés de course au titre des gains de course réalisés par les entraîneurs pour les chevaux dont ils sont propriétaires sont soumises à la TVA agricole (v. supra).

Cette disposition est donc en contrariété directe avec la jurisprudence européenne, en ce qu’elle ignore l’aléa attaché au gain.

Or, un lien direct doit nécessairement être établi entre une prestation et sa contrepartie pour faire entrer cette opération dans le champ de la TVA et soumettre ladite contrepartie à la taxe.

Il convient dès lors d’adapter la législation nationale pour ne pas mettre la France en risque d’infraction.

II.   une mise en conformité de l’imposition des gains de course hippique au regard du droit européen

A.   Les modifications apportées

Le 1° du I du présent article abroge le 4° du III de l’article 257 du CGI.

Le 2° du I du même article abroge le III de l’article 289, par coordination.

Ces dispositions s’appliqueront aux gains perçus à compter du 1er janvier 2021.

B.   L’impact budgétaire et économique

1.   Une perte de recettes pour les finances publiques et un gain pour les propriétaires de chevaux de course

Selon l’exposé des motifs du présent article, « le coût pour l’État de cette mesure n’est pas chiffrable avec précision, mais devrait s’élever à plusieurs millions d’euros du fait de la perte de recettes de TVA ».

Il est possible d’obtenir un ordre de grandeur en compilant chaque « prize money » des courses de trot et de galop du groupe I ([239]). Les 23 courses de trot et les 36 courses de galop du groupe I représentent 27,5 millions d’euros de gains de courses. Ces gains, qui bénéficient à hauteur de 77 % aux propriétaires et 10 % aux entraîneurs ([240]), ne seront donc pas frappés par la TVA au taux normal, soit une perte d’environ 4,8 millions d’euros, pour le seul groupe I, le plus significatif.

Il convient néanmoins de noter que cette perte de recettes de TVA sera partiellement compensée par la perte du droit correspondant à déduction.

2.   Une diminution de la charge administrative des sociétés de course

Les gains de courses perçus en tant que propriétaires font l’objet d’une gestion centralisée par deux sociétés, représentant chacune des spécialités : la société France Galop pour les courses au trot et la société d’encouragement à l’élevage du cheval français (SECF) pour les courses au trot attelé ou monté.

Ces sociétés tiennent des comptes courants au nom de chaque propriétaire. Ces comptes sont crédités du montant des gains de course et débités des sommes dues par ces mêmes propriétaires aux sociétés de course organisatrices des épreuves.

Marginalement, la mesure envisagée devrait se traduire par une diminution de la charge administrative de ces sociétés de course en ce qu’elles n’auront plus à vérifier le statut d’assujetti, ou non, des propriétaires – dont dépend actuellement l’inclusion dans le champ de la TVA – avant d’opérer le versement des gains.

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*     *

La commission adopte l’article 11 sans modification.

 

 


Article 12
Maintien d’un crédit d’impôt destiné à l’acquisition et à la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède, dans le contexte de l’extinction du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) au 31 décembre 2020, à deux types de modifications strictement techniques relatives à son régime :

– il rétablit à titre transitoire l’éligibilité au CITE des dépenses d’acquisition et de pose de foyers fermés et inserts à bûches ou granulés engagées en 2020, pour un montant forfaitaire de 600 euros, procédant ainsi à la rectification d’une erreur matérielle advenue au cours de la navette parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2020 ;

– il prévoit des dispositions transitoires relatives d’une part, aux dépenses engagées en 2018 et payées en 2020 et, d’autre part, à celles engagées en 2019 ou 2020 mais payées en 2021.

Le présent article procède en outre à la création d’un nouveau crédit d’impôt pour l’acquisition et la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique dans le logement affecté à l’habitation principale, ouvert à tous les ménages sans condition de ressources, entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023. Le coût de ce nouveau dispositif est estimé à 1 million d’euros par an sur la période 2022-2024.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 15 de la loi de finances pour 2020 a initié la transformation du CITE en prime, perceptible dès 2020 par les ménages modestes et très modestes. Le CITE a été prorogé pendant un an pour les ménages non éligibles à cette prime qui remplissaient certaines conditions de ressources. Ainsi, les 20 % des ménages les plus aisés ont été exclus du bénéfice du CITE, à l’exception des dépenses qu’ils supportent au titre de l’isolation thermique des parois opaques et des dépenses liées à l’acquisition et à la pose de systèmes de charge pour voitures électriques. Le barème du CITE a été forfaitisé à cette occasion.

L’article 41 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de 7 millions de points de charges publics et privé pour véhicules électriques et hybrides rechargeables installés en France d’ici 2030.

La loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a prévu un objectif de décarbonation complète des transports terrestres à horizon 2050 et la fin, en 2040, de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement contre l’avis du Rapporteur général qui élargit, pour l’année 2020, le bénéfice du CITE aux 20 % des ménages les plus aisés pour l’ensemble des dépenses éligibles effectivement supportées, selon un barème forfaitaire de remboursement différencié en fonction des revenus du ménage.

I.   État du droit

A.   Le CITE, un dispositif en exTinction au profit d’une prime

1.   Un dispositif bien implanté dans le paysage fiscal

Héritier du crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) introduit par la loi de finances pour 2000 ([241]), le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) est entré en vigueur à compter du 1er septembre 2014 ([242]). Il a été étendu à cette occasion aux dépenses d’acquisition d’un système de charge pour véhicule électrique.

Le principe du CITE est d’offrir aux contribuables domiciliés en France un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale et pour la rénovation énergétique de leur logement, que ceux-ci soient propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale. Le logement accueillant les équipements doit être achevé depuis plus de deux ans à la date du début des travaux.

Le taux du crédit d’impôt a été fixé à 30 % pour toutes les dépenses éligibles dès la première dépense réalisée.

Initialement bornée au 31 décembre 2015, la période d’application du CITE a été prorogée dans chaque loi de finances depuis celle de 2016. Le CITE a également fait l’objet de modifications successives de ses modalités et conditions d’application. Le champ du CITE a été profondément revu, notamment par la loi de finances pour 2018 ([243]) et par la loi de finances pour 2019 ([244]).

La liste des équipements éligibles à l’avantage fiscal figure à l’article 200 quater du CGI et les caractéristiques techniques et critères de performances minimales sont fixés par l’article 18 bis de l’annexe IV du CGI.

2.   Un dispositif critiqué

Si le coût moyen des travaux réalisés dans le cadre de la rénovation énergétique de leurs logements par les ménages est élevé (de l’ordre de près de 12 000 euros ([245])), Les défauts du CITE ont été mis en lumière par la Cour des comptes notamment dans un rapport de mars 2019 ([246]) puis présentés et commentés dans les rapports sur l’application des mesures fiscales de 2018 ([247]) et 2019 ([248]) :

– le bénéfice du CITE est concentré sur les contribuables dont les revenus sont les plus élevés : les bénéficiaires du CITE appartenant aux 9e et 10e déciles représentent en effet près de 45 % des bénéficiaires totaux et près de 50 % du montant total de la réduction d’impôt ;

– l’efficacité des différents types d’équipements ou de gestes de rénovation susceptibles de bénéficier du crédit d’impôt n’est pas prise en compte ;

– le coût du CITE est élevé : entre 2012 et 2019, le CITE a représenté un coût de 7,5 milliards d’euros ([249]).

3.   La transformation du CITE en prime forfaitaire, sous conditions de ressources

Afin de répondre à ces critiques et conformément aux engagements pris par le Président de la République en 2017, l’article 15 de la loi de finances pour 2020 ([250]) a initié la transformation du CITE en un système de prime forfaitaire, immédiatement perceptible lors de l’engagement des dépenses, concourant aux objectifs de rénovation énergétique des bâtiments et d’économies d’énergie, et conditionnée à certains critères de ressources.

Ainsi, cet article a prévu :

– l’instauration d’une prime (MaPrimeRénov’) pour les dépenses supportées à compter du 1er janvier 2020 au titre de la rénovation de leur logement, versée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), pour les ménages modestes et très modestes. Cette aide a été fusionnée avec les aides versées par l’ANAH dans le cadre du programme « Habiter mieux agilité » ;

– la prorogation du CITE, pour les ménages non éligibles à cette prime, jusqu’au 31 décembre 2020 ;

– l’exclusion des ménages les 20 % les plus aisés du bénéfice du CITE ainsi transitoirement prorogé, à l’exception des dépenses qu’ils supportent au titre de l’isolation thermique des parois opaques, ainsi que des locataires et occupants à titre gratuit ;

– l’instauration d’un montant forfaitaire de crédit d’impôt spécifique à chaque équipement ou prestation éligible, tenant compte de l’efficacité et de la contribution des équipements aux objectifs environnementaux d’économies d’énergie et de rénovation des bâtiments. Corrélativement, le montant de plafond pluriannuel de crédit d’impôt a été diminué, les anciens plafonds de dépenses supprimés et un taux d’écrêtement fixé à 75 % de la dépense éligible effectivement supportée a été fixé ;

– une modification du périmètre des dépenses applicables avec notamment la suppression des dépenses d’acquisition de chaudières gaz à très haute performance énergétique et l’extension du CITE aux bouquets de travaux dans les maisons individuelles.

Premier bilan de la mise en œuvre de MaPrimeRénov’

Les premiers chiffres fournis au Rapporteur général par le Gouvernement traduisent l’impact de la crise sanitaire liée au Covid-19 sur le déploiement de MaPrimeRénov’.

Au 1er septembre 2020, 89 124 dossiers avaient été déposés, un nombre en deçà des estimations du Gouvernement qui prévoyait la distribution de 210 000 primes sur l’ensemble de l’année 2020. Si le confinement a nécessairement retardé les décisions d’investissement dans la rénovation énergétique des logements des particuliers au premier semestre 2020, une accélération du nombre de dossiers déposés a été observée depuis le mois de juin (doublement du nombre de dossiers déposés entre juin et septembre).

L’instruction des demandes a aussi été ralentie (centres fermés après la détection de cas de Covid-19, instauration de mesures barrières, limitation du nombre d’instructeurs présents). Au 1er septembre 2020, 83 613 dossiers avaient été instruits et 61 582 aides accordées.

Réforme de MaPrimeRénov’ dans le cadre du plan de relance

Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a élargi les conditions d’accès à MaPrimeRénov. Ainsi, à partir du 1er octobre 2020 et jusqu’à la fin de l’année 2022 :

– la prime est élargie aux propriétaires bailleurs et aux copropriétaires ;

– tous les ménages sont éligibles à la prime, sans condition de ressources, selon un barème évolutif en fonction des revenus et du type de travaux ;

– et les montants de la prime sont bonifiés dans le cadre d’opérations de rénovation globale.

Comme annoncé par le Gouvernement en 2019, l’enveloppe dédiée à MaPrimeRénov’ au sein du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » sera porté de 300 millions d’euros en 2020 à 740 millions d’euros en 2021 pour financer la bascule des ménages intermédiaires anciennement bénéficiaires du CITE dans le système de prime. Une enveloppe exceptionnelle de 2 milliards d’euros sur deux ans est prévue sur le programme « Écologie » de la mission Plan de relance.

4.   Le maintien d’un dispositif spécifique pour les dépenses d’acquisition et de pose d’un système de charge pour véhicule électrique

Les dépenses liées aux systèmes de charge pour véhicule électrique, introduites dans le champ du CITE lors de sa création en 2014, ne participent pas à proprement parler à la rénovation énergétique d’un logement mais poursuivent un objectif plus large de réduction des émissions carbone en France, réaffirmé par le Gouvernement depuis le début du quinquennat (voir infra).

Pour cette raison, et parce que ce geste ne fait pas partie de ceux habituellement gérés par l’ANAH, un dispositif spécifique a été mis en place par l’article 15 de la loi de finances pour 2020 pour les systèmes de charge pour véhicule électrique.

Ainsi, le bénéfice du CITE pour les dépenses afférentes a été maintenu pour l’ensemble des propriétaires occupants, sans condition de ressources. Cela signifie que les ménages modestes et très modestes pouvaient bénéficier, en 2020, de MaPrimeRénov’ pour les travaux de rénovation énergétique de leur logement, et du CITE pour les systèmes de charge pour véhicule électrique.

De plus, le champ des dépenses éligibles a été élargi : outre les dépenses d’acquisition du système de charge, les ménages concernés peuvent également bénéficier du CITE pour les dépenses de pose.

À l’instar de ce qui a été fait pour l’ensemble des dépenses éligibles, le barème de remboursement a été forfaitisé : le montant applicable est de 300 euros par système de charge, dans la limite de 75 % de la dépense effectivement supportée par le contribuable.

B.   Un système d’aides plurielles pour favoriser le développement des bornes de charge pour véhicule électrique

1.   Des objectifs de développement de la mobilité électrique, inscrits dans une trajectoire bas-carbone ambitieuse

La France s’est récemment fixé des objectifs ambitieux de réduction de ses émissions carbone. La deuxième édition de sa Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), présentée en avril 2020 ([251]), consacre ainsi l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, conformément aux engagements du Gouvernement en 2017 ([252]), en visant l’atteinte de la neutralité carbone dès 2050 pour le territoire français ([253]). L’atteinte de ce cap implique une division par six au moins des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990.

Pour rappel, les émissions de GES sur le territoire français ont diminué de 18,5 % entre 1990 et 2018, l’année 2018 étant marquée par une baisse particulièrement importante (– 4,2% par rapport à 2017). Elles s’établissaient en 2018 à 445 millions de tonnes en équivalent de CO2 ([254]).

La SNBC assigne des objectifs au secteur des transports, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France (30 % des émissions nationales en 2015) : elle vise la réduction de 28 % des émissions en 2030 par rapport à 2015 et une décarbonation complète des transports terrestres à horizon 2050, ce dernier objectif ayant été inscrit à l’article 73 de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités dite loi « LOM » ([255]).

Dans cette perspective, le développement de la mobilité électrique apparaît comme un enjeu majeur, réaffirmé par le Gouvernement. Ainsi :

– la loi LOM prévoit la fin, en 2040, de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles ;

– le contrat stratégique de la filière automobile 2018-2022 inclut notamment des objectifs de multiplication par cinq des ventes de véhicules électriques d’ici 2022 par rapport à 2017 et l’atteinte d’un million de véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation à horizon 2022.

Les derniers chiffres disponibles font état du dynamisme des ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables en France : près de 43 000 voitures électriques particulières et 18 500 véhicules hybrides rechargeables ont été immatriculés en France en 2019, en hausse de près de 40 % par rapport à 2018. La progression se poursuit en 2020 (+ 140 % au premier trimestre 2020 par rapport au premier trimestre 2019 pour les deux segments). Au 1er avril 2020, 312 767 véhicules électriques et hybrides rechargeables étaient en circulation (dont 245 964 véhicules électriques).

2.   Un système d’aides financières à l’installation d’infrastructures de recharges

L’une des conditions essentielles à l’essor de la mobilité électrique est la disponibilité et la facilité d’utilisation par tous d’infrastructures de recharge. Ces points d’alimentation des véhicules peuvent être disponibles dans l’espace public (près de 30 000 points de recharge publics début 2020 ([256])) ou au domicile du particulier utilisant ce type de véhicules. D’après les chiffres disponibles sur data.gouv, les estimations d’Enedis font état d’environ 270 000 points de charge privés en France à la fin de l’année 2019, dont 116 000 « particulier » localisés dans le résidentiel collectif ou individuel et 154 000 « société » localisés sur les sites des sociétés et réservés à l’activité de la société ou à la recharge des véhicules électriques des employés ([257]).

Le Gouvernement s’est fixé un objectif de 100 000 bornes de recharge électrique accessibles au public en France d’ici 2022 et de 7 millions de points de charges publics et privés d’ici 2030 ([258]).

Dans cette perspective, plusieurs aides financières ont été mises en place afin de promouvoir le déploiement du réseau d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques :

– 61 millions d’euros ont été alloués à des projets d’installation de plus de 20 000 points de recharge, via les programmes d’investissement d’avenir (PIA). Les collectivités territoriales ont cofinancé en grande partie ces projets ;

– le programme ADVENIR ([259]), financé par les certificats d’économies d’énergie, prévoit une aide financière permettant de couvrir à hauteur de 40 % ou 50 % les coûts de fourniture et d’installation de points de charge sur les parkings, en voirie et dans les habitats collectifs. Le programme a été renforcé avec une surprime de 300 euros par point de charge installé dans le cadre d’une initiative de bornes à la demande. En outre, un nouveau dispositif permet de financer à hauteur de 50 % le pré-équipement des parkings des copropriétés ;

– les particuliers peuvent bénéficier du CITE à hauteur de 300 euros pour l’acquisition et la pose d’un point de recharge à domicile ;

– l’article 64 de la loi LOM a prévu une augmentation du taux maximal (de 45 % à 75 %) de prise en charge des coûts de raccordement au réseau électrique pour les bornes ouvertes au public jusqu’à fin 2021 et pour les ateliers de charge des véhicules affectés à des services de transport public routier de personnes jusqu’à fin 2022.

II.   droit proposé

Le présent article procède à trois types de modifications :

– en premier lieu, il rétablit l’éligibilité au CITE des dépenses engagées en 2020 pour l’acquisition et la pose de foyers fermés et inserts à bûches ou granulés, pour un montant forfaitaire de 600 euros, procédant ainsi à la rectification d’une erreur matérielle advenue au cours de la navette parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2020 (A du I du présent article) ;

– en second lieu, il crée, dans le contexte de la disparition du CITE au 31 décembre 2020, un nouveau crédit d’impôt pour l’acquisition et la pose de système de charge pour véhicule électrique (B du I) ;

– enfin, il prévoit des dispositions transitoires pour bénéficier du CITE, relatives d’une part, aux dépenses engagées en 2018 et payés en 2020 (II) et, d’autre part, aux dépenses engagées en 2019 ou en 2020 mais payées en 2021 (B du III).

A.   La confirmation de l’éligibilité au CITE de certaines dépenses

Le présent article confirme l’éligibilité au CITE des dépenses d’acquisition et de pose des foyers fermés et d’inserts de cheminées intérieures engagées en 2020, pour un montant forfaitaire de 600 euros, conformément à la volonté du législateur (A du I du présent article).

Les modalités de l’éligibilité de ces dépenses et le barème applicable, prévus dans le projet de loi de finances pour 2020 présenté en Conseil des ministres, ont été modifiés par le Sénat au cours de la navette parlementaire. Lors de l’examen en nouvelle lecture du texte par l’Assemblée nationale, l’éligibilité au CITE de ces dépenses et le barème associé ont été omis.

Dans l’attente d’une régularisation législative, l’arrêté du 13 février 2020 modifiant l’article 18 bis de l’annexe IV au CGI, relatif à l’actualisation des critères techniques des équipements, matériaux, appareils et prestations éligibles au crédit d’impôt, a maintenu la mention des caractéristiques techniques applicables aux foyers fermés et aux inserts de cheminées intérieures, en y ajoutant le montant forfaitaire de 600 euros.

Le présent article procède à la régularisation législative nécessaire et précise que cette mesure s’applique de façon rétroactive, à compter du 1er janvier 2020 (A du III du présent article).

B.   la création d’un crédit d’impôt destiné à l’acquisition et à la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique

Le présent article crée un nouveau crédit d’impôt pour les dépenses d’acquisition et de pose de systèmes de charge pour véhicule électrique (B du I du présent article), codifié au nouvel article 200 quater C du CGI, dont les modalités de fonctionnement et d’attribution sont similaires à l’avantage fiscal ouvert pour ces mêmes dépenses dans le cadre du CITE jusqu’au 31 décembre 2020.

Ainsi, ce nouvel article du CGI prévoit un crédit d’impôt sur le revenu, pour les contribuables domiciliés en France, au titre des dépenses effectivement supportées pour l’acquisition et la pose d’un système de charge pour véhicule électrique dans leur habitation principale. L’avantage fiscal ouvert est le même que pour les dépenses effectivement supportées en 2020 dans le cadre du CITE : le crédit d’impôt est égal à 75 % du montant supporté, dans la limite de 300 euros par système de charge.

Ce nouveau crédit d’impôt fait cependant l’objet de quelques aménagements par rapport au CITE et ses modalités d’encadrement sont précisées :

–  le champ des bénéficiaires du crédit d’impôt est élargi : outre les propriétaires occupants des logements, les locataires et occupants à titre gratuit seront également concernés, comme c’était le cas au titre du CITE pour les dépenses supportées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2019 ;

– la période d’application de ce nouveau crédit d’impôt est limitée dans le temps : l’avantage fiscal est ouvert pour les dépenses effectivement supportées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023 ;

– le bénéfice du crédit d’impôt est limité, pour un même logement, à un seul système de charge pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et à deux systèmes pour un couple soumis à imposition commune ;

– le bénéfice du crédit d’impôt est exclusif du bénéfice de la déduction de charges pour la détermination des revenus catégoriels et de celui du CITE pour les dépenses qui auraient été engagées en 2020 mais payées en 2021 ;

– les dépenses doivent fait l’objet d’une facture par l’entreprise qui procède à la fourniture et à l’installation des systèmes de charge ou qui recourt à une autre entreprise, dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, pour les réaliser.

Enfin, le dispositif prévoit qu’un arrêté conjoint des ministères chargés de l’énergie et du budget précisant les caractéristiques techniques des systèmes de charge pour véhicule électrique est nécessaire pour l’application du crédit d’impôt.

C.   dispositions transitoires

Le présent article prévoit deux types de dispositions transitoires.

D’une part, il élargit la période pendant laquelle les contribuables peuvent, sur demande, bénéficier du CITE dans sa version antérieure à la réforme inscrite à l’article 15 de la loi de finances pour 2020. Les dépenses engagées, c’est-à-dire celles pour lesquelles le contribuable justifie de l’acceptation d’un devis et du versement d’un acompte en 2018 et en 2019 ­ mais payées en 2020 ­ sont désormais concernées ([260]) (II du présent article).

D’autre part, le présent article prévoit des dispositions transitoires pour l’année 2021. Ainsi, les dépenses engagées en 2019 ou en 2020 et payées en 2021 peuvent, sur demande du contribuable, ouvrir droit au CITE dans sa rédaction applicable aux dépenses payées en 2020. En revanche, de manière logique, le contribuable ne pourra pas, pour ces mêmes dépenses, bénéficier également de MaPrimeRénov’ ou du crédit d’impôt pour l’acquisition et la pose d’un système de charge de véhicule électrique créé par le présent article (B du III du présent article).

III.   L’impact des mesures

● La réintroduction des dépenses liées à l’acquisition et à la pose de foyers fermés et inserts à bûches ou granulés participe au renforcement de la sécurité juridique du dispositif pour les contribuables. Elle n’a cependant pas d’impact budgétaire puisque l’éligibilité de ces dépenses a, dans les faits, été assurée pendant l’année 2020.

● Le maintien d’un crédit d’impôt pour les dépenses d’acquisition et de pose de systèmes de charge pour véhicule électrique, autonome du CITE qui s’éteindra au 31 décembre 2020, aura un impact positif sur le développement des points de charge dans les habitats privés. En effet, le caractère incitatif de ce crédit d’impôt est significatif : ouvert à tous les ménages sans condition de ressources, il représente un soutien fiscal de près de 30 % pour les contribuables qui souhaitent acquérir et installer un système de charge (le coût moyen d’un système de charge étant estimé à 1 090 euros) ([261]).

D’après l’évaluation préalable de l’article, le coût du dispositif, perceptible à partir de 2022, est estimé à environ 1 million d’euros par an sur la période 2022‑2024. Ce résultat a été obtenu en multipliant le montant maximal du crédit d’impôt (300 euros) avec le nombre de primes versées estimée en 2019 (environ 2 600), puis rehaussé pour tenir compte de la montée en puissance du développement de la mobilité électrique en France. Un coût annuel d’un million d’euros implique en effet qu’environ 3 300 primes soient allouées chaque année.

● Enfin, l’évaluation préalable de l’article indique que les deux dispositions transitoires présentées supra portant sur le CITE présentent un coût non chiffrable et sans doute marginal pour l’État en 2021 et 2022.

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Mme Zivka Park. Ce que le Gouvernement prévoit dans l’article 12 va dans le bon sens au regard de la trajectoire et des objectifs que nous nous sommes fixés pour le développement de la mobilité électrique. Dans la loi d’orientation des mobilités, dont j’ai été rapporteure, nous avons inscrit un objectif de neutralité carbone pour 2050 et, surtout, la fin des véhicules utilisant des énergies fossiles carbonées d’ici à 2040. Nous visons le déploiement d’un million de voitures électriques à l’horizon 2022. S’agissant de l’offre de recharge disponible, les mesures votées dans la loi d’orientation des mobilités doivent permettre son développement significatif dans les copropriétés et dans les bâtiments accueillant du public, aussi bien dans les entreprises qu’au sein des collectivités territoriales. Le plan de soutien à l’automobile y contribuera lui aussi à travers l’accélération des travaux d’infrastructures de transport, comme l’a indiqué le rapporteur général, et le déploiement de bornes de recharge sur les routes nationales et les autoroutes. Nous devons continuer à accélérer ce déploiement, notamment pour ce qui concerne le réseau de bornes de recharge à usage privé. C’est ce que fait le Gouvernement, en maintenant le soutien fiscal aux contribuables pour l’installation de systèmes de charges sur les places de stationnement résidentiel. Après les primes de soutien à l’acquisition de véhicules électriques, c’est un autre excellent signal qui est envoyé aux Français, pour les inciter à acheter de telles voitures. Tout cela est cohérent. Nous affichons ainsi notre engagement en faveur de mobilités plus propres.

La commission est saisie de l’amendement I-CF209 de Mme Sylvia Pinel.

M. François Pupponi. Nous serons sûrement amenés à en reparler en séance publique et dans le cadre d’éventuels projets de loi de finances rectificatives : il s’agit de la question des dépenses de rénovation énergétique. Ce que nous proposons en l’espèce, c’est que les propriétaires bailleurs et les locataires puissent eux aussi bénéficier du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). En effet, parmi les logements qui sont occupés par des locataires, on compte de nombreuses passoires thermiques, et les propriétaires ne vont pas forcément engager des travaux de rénovation. Il ne faudrait pas que le locataire fasse les travaux à la place du propriétaire, mais si l’on veut lutter contre les passoires thermiques, il faut aussi que, lorsque le propriétaire est défaillant, le locataire puisse engager la dépense et être éligible au CITE.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avant de me prononcer sur cet amendement en particulier, je tiens à indiquer que j’émettrai un avis défavorable sur tous les amendements visant à modifier le champ ou à proroger le dispositif du CITE ; je crois qu’il faut que nous prenions acte de la réforme en cours et de la disparition de ce dernier au profit de MaPrimeRénov’.

Nous avions d’ailleurs eu un débat similaire au moment où cette transformation a été engagée. Après les annonces de la ministre chargée du logement sur l’extension du champ de MaPrimeRénov’ et sur la volonté de la rendre plus simple et plus accessible, il nous faut maintenant, si vous me passez l’expression, mettre le paquet sur son application. Avis défavorable sur cet amendement qui tend à élargir le champ du CITE.

M. Charles de Courson. Dans ce cas, seriez-vous d’accord pour ouvrir MaPrimeRénov’ aux locataires, sous réserve d’un accord du propriétaire et quitte à prévoir un mécanisme de récupération sur le versement du loyer ? Certains propriétaires très âgés n’ont pas les moyens ou la volonté de faire des travaux. Si nous ne faisons rien, on n’avancera pas !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce que vous proposez est du domaine réglementaire. Je ne voudrais pas encourager ce type de démarche, mais ce que vous pourriez éventuellement faire, c’est déposer en séance publique une demande de rapport, qui servirait d’amendement d’appel.

M. le président Éric Woerth. Les modalités d’application de MaPrimeRénov’ ne relèvent pas en effet du domaine législatif.

La commission rejette l’amendement I-CF209.

Elle passe à l’amendement I-CF1446 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Sans vouloir pour autant rouvrir le débat, les membres du groupe Agir ensemble souhaitent étendre le CITE aux neuvième et dixième déciles de revenus afin de s’assurer qu’ils seront bien inclus dans MaPrimeRénov’ comme s’y est engagée la ministre. Quand on s’aperçoit que, concrètement, le nouveau dispositif prendra en charge 39 euros pour le remplacement d’une fenêtre, on peut se poser la question de son utilité et de la réalité des engagements pris par la ministre !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Nous pourrons avoir le débat en séance, par exemple lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, lorsque la ministre chargée du logement sera au banc. Ce sera l’occasion de faire le point sur la réforme et sur les modalités de mise en œuvre de MaPrimeRénov’.

M. Fabien Di Filippo. Au-delà des interrogations que peut susciter le remplacement du CITE par MaPrimeRénov’, artisans et particuliers rencontrent de grandes difficultés car les versements ont de longs mois de retard. Veillez donc, dans la perspective de ce débat, à ce que la ministre ait des réponses à apporter non seulement à la question qui vient d’être posée, mais aussi concernant la réalité et le timing des versements, car c’est proprement inacceptable.

La commission adopte l’amendement I-CF1446 (amendement 2821).

Elle examine l’amendement CF267 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Gouvernement affiche régulièrement sa volonté de verdir le parc automobile français – il serait bon, d’ailleurs, de prendre en considération les conséquences de ce verdissement sur l’ensemble de notre filière automobile et sur les entreprises qui travaillent pour elle. L’article 12 traduit cette volonté d’affichage – sauf que, pour que le mécanisme marche, il faut un minimum de visibilité. C’est pourquoi je propose d’allonger la durée du bénéfice du crédit d’impôt pour l’acquisition et la pose de systèmes de charges pour véhicules électriques en en repoussant l’échéance à 2024.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Chers collègues, concernant l’amendement précédent que nous avons adopté, j’insiste sur le fait que nous avons fait une erreur en l’adoptant. Je l’ai dit à M. Pupponi tout à l’heure : nous allons par là même empêcher la bonne mise en œuvre du dispositif MaPrimeRénov’. Voter pour un amendement du type du I‑CF1446 n’est pas responsable.

La commission rejette l’amendement CF267.

Elle en vient à une série d’amendements en discussion commune : les amendements identiques I-CF604 de M. Fabrice Brun, I-CF631 de Mme Patricia Lemoine, I-CF675 de Mme Véronique Louwagie, I-CF730 de M. Charles de Courson et I-CF782 de Mme MarieChristine Dalloz, ainsi que l’amendement ICF379 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’article 12 crée un nouveau crédit d’impôt pour l’installation de bornes de recharge électrique, pour un montant égal à 75 % du montant des dépenses effectuées, dans la limite de 300 euros par système de charge. Nous proposons de fixer ce plafond à 1 000 euros afin d’accroître l’efficacité du dispositif. On parle là des bornes de recharge électrique, mais peut-être pourrait-on s’interroger par anticipation sur un éventuel élargissement du dispositif au réseau de distribution de l’hydrogène.

Mme Patricia Lemoine. Mon amendement est identique – j’en profite pour vous poser une question, monsieur le rapporteur général : dans le cas d’une copropriété, qui bénéficie du crédit d’impôt, le propriétaire ou le locataire ?

Mme Véronique Louwagie. Si le taux retenu est assurément intéressant – 75 % –, en revanche, le plafond de 300 euros est beaucoup trop bas ! Les dépenses engagées sont bien supérieures.

M. Charles de Courson. Moi, j’aime bien lire les études d’impact… Or qu’apprend‑on en lisant celle-ci ? Que le coût moyen de l’acquisition et de la pose d’un système de charge pour véhicule électrique est de 1 090 euros ! Pourquoi, dans ce cas, fixer le plafond à 300 euros ?

Voilà pourquoi nous avons déposé ces amendements visant à le porter à 1 000 euros – quitte, car j’ai toujours évité de passer pour un démagogue, à réduire le taux de 75 % à 50 %. C’est beaucoup, 75 %, et c’est inhabituel : on risque de se mettre dans une situation difficile. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur général ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a deux options : soit on fixe un taux faible et une base large, soit on fait l’inverse. Pour des raisons d’affichage, le Gouvernement a décidé de fixer le taux de ce crédit d’impôt destiné à encourager le verdissement du parc automobile à 75 % – un record ! Sauf qu’en parallèle, il réduit la base en établissant le plafond à 300 euros, ce qui est très peu. Cela n’a rien d’une politique ambitieuse. L’affichage, il faudra bien en sortir un jour !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne souhaite pas que l’on modifie le taux et le plafond de ce crédit d’impôt. Charles de Courson a bien raison de lire les études d’impact, et celle-ci en particulier : si l’on fixe une limite à 1 000 euros pour une dépense totale à peine supérieure, cela revient à subventionner presque intégralement l’achat et la pose du système de charge !

Il s’agit là d’un outil d’incitation, assez classique, comme nous en avons déjà utilisé pour favoriser l’acquisition de certains biens, et il faut trouver le bon équilibre entre le coût pour les finances publiques et le bon niveau d’incitation à la consommation et à l’investissement. C’est pourquoi je voudrais qu’on en reste à ces niveaux-là. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

Madame Lemoine, les copropriétés ne peuvent pas bénéficier du crédit d’impôt à proprement parler, puisque celui-ci s’applique sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques ; en revanche, le programme Advenir permet, grâce au mécanisme des certificats d’économie d’énergie, d’obtenir une aide financière permettant de couvrir à hauteur de 40 % à 50 % les dépenses de cette nature quand elles sont votées par une copropriété. C’est la personne qui supporte la charge du système de borne - propriétaire ou locataire - qui bénéficie du crédit d’impôt.

M. Charles de Courson. Imaginons que je sois installateur de bornes de recharge. Je vais faire ma pub en disant : « Faites appel à moi, vous bénéficierez d’un crédit d’impôt de 75 % ! » Que croyez-vous qu’il va se passer quand les gens découvriront que tout cela est plafonné à 300 euros, monsieur le rapporteur général ? Ils vont s’apercevoir que 75 % de 300 euros, eh bien, ça fait 225 euros, alors que leur facture est de 1 000 euros, c’est-à-dire que le taux d’aide est en réalité d’un peu plus de 20 %, et ils crieront à la publicité mensongère. Ils diront : « Encore une fois, on nous trompe ! » Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Mieux vaut fixer le plafond à 1 000 euros et le taux à 40 % ou 50 % – ce qui n’est déjà pas si mal. De surcroît, si l’on fixe le taux à 75 %, vous pouvez être sûr qu’un tel taux sera évoqué à l’occasion de débats sur d’autres crédits d’impôt. C’est l’amendement Coluche, votre affaire !

Mme Véronique Louwagie. Au-delà des problèmes d’affichage que cela pose et des effets délétères que cela peut avoir sur la confiance des Français, il ne faut pas perdre de vue qu’il restera presque 800 euros à la charge des personnes qui feront un investissement de cette nature. Un tel reste à charge, est-ce vraiment incitatif ?

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF604, I-CF631, I-CF675, I-CF730 et I-CF782, ainsi que l’amendement ICF379.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

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Après l’article 12

La commission est saisie de l’amendement I-CF573 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. La zone de développement prioritaire (ZDP) est un dispositif créé par la loi de finances pour 2019 afin de répondre aux contraintes liées à l’insularité dans l’île montagne. Ce dispositif n’a néanmoins pas suscité l’enthousiasme des entrepreneurs insulaires, dans la mesure où il n’était pas forcément adapté à la réalité. Nous souhaitons, d’ici à l’examen du texte en séance publique, avoir un débat sur un statut fiscal et social qui intègre véritablement les contraintes objectives liées à l’insularité, engager un dialogue fructueux avec le Gouvernement et faire évoluer le dispositif en tenant compte du phénomène peu commun de double contrainte auquel notre île est soumise, en étendant le bénéfice de la ZDP aux entreprises existantes situées en milieu rural et de montagne. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je pense qu’il convient en effet de proroger ces dispositifs de zonage qui ont montré leur utilité pendant la crise et sont particulièrement utiles en temps de relance. En revanche, votre amendement, comme d’autres qui portent sur le même sujet et ont été déposés sur la première partie du PLF, me pose un problème, car il risque de créer un effet d’aubaine pour l’année 2020 dans la mesure où il ne fait pas que proroger les ZDP. Je préférerais que nous votions la prorogation de ces dispositifs dans la deuxième partie du projet de loi, afin qu’elles soient effectives à partir de 2021. C’est pourquoi je vous demande de retirer ces amendements au profit d’amendements sur la deuxième partie allant dans le même sens, auxquels je pourrai donner un avis favorable.

M. le président Éric Woerth. Ne faut-il pas évaluer le dispositif avant de le proroger ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Précisément : l’évaluation des dispositifs de zonage ayant, comme beaucoup d’autres choses, pris du retard en raison de la crise sanitaire, cela nécessite de les proroger.

M. François Pupponi. Je ne comprends pas votre argumentation, monsieur le rapporteur général : le dispositif existant déjà et s’appliquant jusqu’en 2020, il ne peut y avoir d’effet d’aubaine ! Il s’agit juste de donner aux entreprises de la visibilité en le prolongeant jusqu’en 2025.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le problème que posent ces amendements, c’est que les entreprises qui se sont installées dans les zones concernées avant la mise en œuvre du dispositif bénéficieraient de ses effets alors que ce n’est pas la finalité des ZDP. C’est une simple question de procédure budgétaire.

L’amendement I-CF573 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF438 de M. Michel Castellani.

M. François Pupponi. Il s’agit de rendre les entreprises des secteurs du tourisme et du commerce de proximité éligibles au dispositif des ZDP – mais nous pouvons déposer un amendement en ce sens sur la deuxième partie, s’il a une chance de recueillir un avis favorable.

L’amendement I-CF438 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF19 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Je souhaiterais, dans le même ordre d’idées, évoquer les bassins d’emploi à redynamiser (BER). Le département que j’ai l’honneur de représenter bénéficie depuis un certain nombre d’années de ce dispositif, qui avait été mis en place pour des territoires connaissant des difficultés principalement en matière d’emploi. La situation économique et sociale du département des Ardennes ne s’améliorant pas, je vous serais reconnaissant, monsieur le rapporteur général, d’émettre un avis favorable sur la prorogation pour trois ans de ce dispositif. Les caractéristiques qui avaient valu, il y a quelques années, au département des Ardennes d’en bénéficier n’ont pas changé, et l’on craint même une aggravation de la situation économique dans les prochaines semaines ou les prochains mois.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même réponse qu’à M. Acquaviva : vu que l’évaluation du dispositif des BER a pris du retard, il me semble normal que celui-ci soit prorogé, mais il vaut mieux le faire dans la deuxième partie du PLF. Je vous suggère donc de retirer votre amendement et d’en déposer un allant dans le même sens sur la deuxième partie ; nous pourrons alors l’adopter.

M. Pierre Cordier. Si ce n’est qu’une question de forme, monsieur le rapporteur général, je suis prêt à suivre vos recommandations, mais vous vous doutez bien que les élus de ces territoires seront particulièrement attentifs au traitement que le Gouvernement réservera à ces amendements. Il ne faudrait pas que cela donne lieu à un petit tour de passe-passe, comme ce fut le cas en 2017. Nous ne sommes pas complètement naïfs !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Cordier, n’étant que le rapporteur général du projet de loi de finances, je peux difficilement m’engager sur l’avis du Gouvernement. Ce que je dis, en revanche, c’est que j’émettrai lors de l’examen de la deuxième partie du texte un avis favorable sur les amendements visant à proroger les dispositifs de zonage, BER inclus.

L’amendement I-CF19 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF939 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous demandons la suppression de la niche Pinel, à la fois coûteuse pour l’État et inefficace en matière de production de logements locatifs accessibles – je suppose que M. le rapporteur général ne me contredira pas sur ce point, lui qui déplore le manque d’informations sur l’efficacité du dispositif. Son prédécesseur dénonçait déjà « les dérives d’une dépense fiscale coûteuse […] dont les contreparties associées à l’avantage fiscal ne font l’objet d’aucun contrôle. » La Cour des comptes est tout aussi sévère.

Le dispositif est coûteux : cette niche représente une dépense de presque 7 milliards d’euros pour l’État. Un logement de 190 000 euros qui bénéficie du dispositif coûte à l’année trois fois plus cher aux finances publiques que la production d’un logement social !

Le dispositif est aussi inefficace : alors que l’on a impérativement besoin d’accroître le nombre de logements locatifs accessibles, l’offre Pinel ne représente que 10 % de la production de logements.

J’ajoute, mais c’est un argument auquel vous serez peut-être moins sensible, que ce dispositif est de surcroît injuste et inégalitaire, puisque ce sont les propriétaires qui font un investissement qui voient, une fois de plus, leur impôt sur le revenu diminuer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Quel dommage, madame Rubin, que vous tombiez une fois de plus dans l’excès à la fin de votre exposé, alors que nous aurions pu nous retrouver sur l’objectif visé ! Oui, trois fois oui, il faut évaluer le dispositif Pinel et, je le dis clairement, je pense moi aussi qu’il serait bon de repenser cette niche fiscale. En revanche, cela suppose une véritable évaluation, et donc, pour l’heure, de maintenir ce dispositif.

Je l’ai déjà dit publiquement : qu’il s’agisse du prêt à taux zéro ou du Pinel, je ne veux pas déstabiliser ces dispositifs en 2021, mais il faut impérativement qu’ils soient évalués et que le ministère chargé du logement présente une feuille de route en vue de les faire évoluer. Si je suis donc d’accord avec vous sur l’efficacité douteuse de cette dépense fiscale et la nécessité d’être vigilants quant à son évolution, je ne souhaite pas sa suppression en 2021. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF939.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF866 de M. Fabien Di Filippo et les amendements identiques I-CF27 de M. Fabrice Brun, I-CF212 de M. Dino Cinieri et I-CF299 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabien Di Filippo. Mon amendement vise à rendre éligibles au crédit d’impôt pour la transition énergétique les résidences secondaires dans les zones de revitalisation rurale, dans le double objectif de redonner rapidement de l’activité aux entreprises du bâtiment et de renforcer la qualité des logements dans ces zones. Ces résidences secondaires seront peut-être un jour des résidences principales pour de nouvelles familles qui viendront s’y installer et il faudra qu’elles répondent alors à certaines normes écologiques.

M. Fabrice Brun. Nous faisons là une proposition concrète afin de soutenir non seulement les artisans du BTP et, à travers eux, l’activité économique dans notre pays, mais aussi les projets de nombreux Français, qui – et c’est certainement l’un des effets du confinement – sont de plus en plus nombreux à investir dans une résidence secondaire, parfois en vue d’en faire à terme leur résidence principale. Il s’agit donc aussi d’un enjeu d’aménagement du territoire. Voilà pourquoi nous proposons de rendre éligibles au dispositif MaPrimeRénov’ les travaux réalisés dans les résidences secondaires en zone rurale ; nous nous sommes appuyés sur le dispositif des ZRR dans la mesure où ce type de projets concerne souvent des habitations anciennes, qui sont de véritables passoires thermiques.

M. Dino Cinieri. Nos amendements visent à étendre le CITE aux résidences secondaires situées en zone de revitalisation rurale, sans condition de revenu. En en limitant le bénéfice aux zones rurales, un tel dispositif apporterait un soutien opportun aux TPE et PME situées dans des territoires où, même avant la crise sanitaire, l’activité était atone.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je précise que les effets budgétaires de cette mesure seraient reportés sur 2022, puisqu’il s’agit d’un crédit d’impôt portant sur des travaux réalisés en 2021. Comme le secteur du bâtiment dispose aujourd’hui de peu de visibilité sur une éventuelle reprise ou, au contraire, une rechute, intégrer dans le dispositif les résidences secondaires permettrait de lui envoyer un signal fort tout en participant à la lutte contre le réchauffement climatique

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je réitère mon avis défavorable sur toute extension du CITE, pour les raisons précédemment évoquées. Si nous adoptions ces amendements, nous contrarierions la bonne mise en application de MaPrimeRénov’. J’invite donc mes collègues à fermement voter contre.

M. Fabrice Brun. Et pourquoi contrarierions-nous la bonne mise en application de MaPrimeRénov’, monsieur le rapporteur général ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Parce qu’il a été décidé de remplacer le CITE par MaPrimeRénov’ ! Cette dernière a été repensée à l’aune de la crise, en élargissant le champ des bénéficiaires, puisqu’on a inclus les neuvième et dixième déciles de revenus, ainsi que le champ des dépenses couvertes. Bref, on a fait de MaPrimeRénov’ l’outil central de la rénovation énergétique des bâtiments. Je crois qu’il importe d’être cohérents et lisibles, donc de se concentrer sur la bonne application de ce dispositif. Je souhaite pour ma part l’extinction du CITE, et c’est pourquoi je suis opposé à son élargissement à d’autres catégories de bénéficiaires.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF866 et les amendements identiques I-CF27, I-CF212 et I-CF299.

Elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements ICF301 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF141 de M. Dino Cinieri, I-CF300 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF885 de M. Fabien Di Filippo.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF301 vise à réintégrer les neuvième et dixième déciles de revenus parmi les bénéficiaires du CITE pour les travaux qui concernent leur résidence principale. Cette mesure, destinée aux ménages les plus aisés, serait limitée dans le temps, puisqu’elle serait applicable seulement jusqu’au 31 décembre 2021.

M. Dino Cinieri. Cette crise sanitaire d’une ampleur et d’une brutalité inédites pour notre économie impose que le Gouvernement prenne des mesures fortes, efficaces et immédiatement applicables pour relancer le secteur du bâtiment et redonner confiance aux ménages. Le Président de la République lui-même a clairement affirmé dans son adresse aux Français du 14 juin que la rénovation énergétique des logements devait être érigée en priorité dans le prochain plan de relance.

L’amendement I-CF141 s’inscrit pleinement dans cette perspective : il vise à ce que le CITE s’applique à l’acquisition de chaudières à très haute performance énergétique (THPE), en en plafonnant cependant le montant à 700 euros pour une maison individuelle ou les parties privatives d’un logement, et à 300 euros par logement pour les équipements collectifs, et ce jusqu’au 31 décembre 2022.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF300 s’inscrit lui aussi dans le cadre de la relance souhaitée par le Gouvernement. Je propose toutefois de plafonner le montant du CITE pour l’acquisition de chaudières à très haute performance énergétique à 600 euros pour une maison individuelle ou les parties privatives d’un logement et à 200 euros par logement pour les équipements collectifs.

M. Fabien Di Filippo. L’amendement I-CF885 tend lui aussi à rendre de nouveau éligibles au CITE les contribuables des neuvième et dixième déciles. Je le répète : les sommes dues au titre de MaPrimeRénov’ n’ont toujours pas été versées ; cela va finir par poser un problème. L’objectif affiché par le Gouvernement était de 200 000 primes accordées : on en est très loin. Il faudrait que l’on puisse nous en expliquer les raisons et qu’on nous dise ce qu’on compte faire pour tirer les leçons de cet échec.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF301, I-CF141, I-CF300 et I-CF885.

 

 


Article 13
Simplification de la taxation de l’électricité

Résumé du dispositif proposé

Le présent article propose de simplifier l’accise nationale sur l’électricité, composée :

– d’une taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), affectée au budget de l’État et gérée par l’administration des douanes ;

– d’une taxe communale sur la consommation finale d’électricité, gérée par l’administration fiscale ;

– d’une taxe départementale sur la consommation finale d’électricité, gérée par l’administration fiscale.

Il est proposé de regrouper les trois taxes existantes au sein de la TICFE et, par voie de conséquence, de transformer les deux taxes locales en parts locales de la taxe nationale.

Le présent article prévoit de calculer les montants qui reviennent aux collectivités au titre de ces deux parts locales sur le fondement d’une harmonisation générale vers le tarif maximal actuellement susceptible d’être adopté par les collectivités concernées. Dans les faits, ce tarif est déjà adopté par 80 % des communes et 87 % des départements.

Enfin, le dispositif prévoit l’unification de la gestion de ces taxes en confiant cette dernière à l’administration fiscale.

Il est proposé de conduire cette réforme sur trois ans pour la sécuriser au niveau opérationnel, plusieurs systèmes d'information et d'établissement de tarifs étant utilisés aujourd'hui.

Dernières modifications intervenues

L’article 23 de la loi n° 2010‑1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi « NOME ») a créé les trois taxes sur la consommation finale d’électricité. Cette loi visait à transposer en droit français les obligations de la directive européenne n° 2003/96/CE du 27 octobre 2003 sur les conditions de taxation des produits énergétiques et de l’électricité. Cette directive prévoit la mise en place d’accises, c’est-à-dire de taxes dont l’assiette est la quantité d’énergie consommée

L’article 37 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 a apporté des modifications relatives à la détermination des coefficients multiplicateurs de taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) et de taxe départementale sur la consommation finale d’électricité (TDCFE).

L’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2015 a opéré une importante refonte de la TICFE. Elle voit son assiette d’imposition s’étendre et son champ d’application changer, en absorbant la contribution au service public de l’électricité (CSPE).

Depuis 2016, la fiscalité nationale de l’électricité se base sur l’addition de deux dispositifs qui n’en font qu’un en droit européen : d’une part, les taxes locales, communale et départementale, sur l’électricité (les TLCFE), d’autre part, la TICFE.

L’article 184 de la loi de finances pour 2020 a prévu le principe du transfert de l’administration des douanes et des droits indirects vers l’administration fiscale de la gestion (déclaration, recouvrement et contrôle) de la TICFE à compter de 2022 et habilité le Gouvernement à mettre en œuvre ce transfert par ordonnance.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Une taxation composite de la consommation finale d’ÉlectricitÉ

L’accise nationale sur l’électricité comprend trois taxes sur la consommation finale d’électricité : une taxe nationale, et deux taxes locales.

1.   La taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité

La taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) est définie à l’article 266 quinquies C du code des douanes. Depuis le 1er janvier 2016, elle a intégré la contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui finançait jusque-là les charges du service public de l’électricité à travers le CAS transition énergétique.

La TICFE est gérée (déclaration, recouvrement, contrôle) par l’administration des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Sont redevables de la TICFE :

– les fournisseurs délectricité, qui sont les personnes physiques ou morales qui produisent ou achètent de l’électricité en vue de la revendre à un utilisateur final ;

– et les personnes produisant de l’électricité dans le cadre de leur activité économique et qui l’utilisent pour les besoins de celle‑ci (autoproducteur).

La taxe est due quelle que soit la puissance souscrite.

Cette taxe est assise sur la quantité d’électricité fournie ou consommée. Le tarif plein de la TICFE est de 22,5 euros par mégawattheure, inchangé depuis 2015. Le montant de la taxe est généralement répercuté par les fournisseurs d’électricité sur la facture d’électricité de leur client.

Les entreprises dites « électro-intensives » bénéficient toutefois de taux réduits, afin de préserver la compétitivité de ces entreprises dont la facture énergétique représente une charge financière importante. Ces tarifs réduits constituent des dépenses fiscales. L’effort budgétaire consenti par l’État à ce titre s’élève à 1,3 milliard d’euros en 2019 ([262]).

Les exemptions, exonérations et franchises de taxes sur l’électricité

Le code des douanes prévoit de nombreux cas d’exonérations, d’exemptions et de taux réduits de TICFE en fonction de certaines utilisations de l’électricité.

Les mêmes exonérations sont prévues dans le code général des collectivités territoriales (articles L. 2333-3 et L. 3333-2) pour les deux taxes locales sur la consommation finale délectricité (voir infra).

Lélectricité nest pas soumise à ces taxes dans les cas suivants :

– si elle est principalement et directement utilisée dans des procédés métallurgiques, de réduction chimique ou d’électrolyse ;

– lorsque sa valeur représente plus de la moitié du coût d’un produit ;

– lorsqu’elle est utilisée dans certains procédés de fabrication de produits minéraux non métalliques ;

– lorsqu’elle est consommée dans des établissements de production de produits énergétiques et pour cette production.

Elle est exonérée de ces taxes lorsquelle est :

– utilisée pour la production de l’électricité et pour le maintien de la capacité de sa production ;

– produite à bord des bateaux ;

– produite par de petits producteurs d’électricité (production annuelle n’excède pas 240 millions de kilowattheures par site) qui la consomment pour les besoins de leur activité.

Sont en outre admis en franchise de la taxe les achats d’électricité effectués par les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d’électricité pour les besoins de la compensation des pertes inhérentes aux opérations de transport et de distribution de l’électricité.

Enfin, lélectricité utilisée pour le transport de personnes et de marchandises par train, métro, tramway et trolleybus est exonérée des seules taxes locales sur la consommation finale d’électricité (donc, pas la TICFE).

En 2019, les recettes de TICFE sont estimées à 7,8 milliards d’euros (7,9 milliards en 2020), intégralement destinées au budget de l’État.

Le prix final de l’électricité inclut aussi des taxes locales, au profit des communes et des départements.

2.   Les taxes locales sur la consommation finale d’électricité

La taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) et la taxe départementale sur la consommation finale d’électricité (TDCFE) constituent ensemble les taxes locales sur la consommation finale d’électricité (TLCFE).

Le produit de la TCCFE est affecté au budget des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui leur sont substitués au titre de la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité.

Dans les cas où la compétence dautorité organisatrice de la distribution publique délectricité (AODE) est exercée par un syndicat intercommunal ([263]), le produit de la TCCFE est perçu par le syndicat en lieu et place de toutes les communes dont la population recensée est inférieure ou égale à 2 000 habitants. Pour les communes de plus de 2 000 habitants, le produit de la TCCFE peut être perçu par le syndicat en lieu et place des communes s’il en est décidé ainsi par délibérations concordantes du syndicat et de l’ensemble des communes concernées.

Enfin, les départements peuvent également percevoir la TCCFE en lieu et place des communes lorsque les départements sont substitués aux communes pour exercer la compétence d’AODE. Le produit de la TCCFE est perçu par le département en lieu et place de toutes les communes dont la population est inférieure ou égale à 2 000 habitants. Pour les communes de plus de 2 000 habitants, le produit de la taxe communale peut être perçu par le département en lieu et place des communes s’il en est décidé ainsi par délibérations concordantes du département s’il exerce cette compétence, et de l’ensemble des communes concernées.

La compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité

La mise en place du marché intérieur de l’électricité dans le cadre européen a conduit à la mise en concurrence des activités de production et de fourniture d’électricité. Les collectivités territoriales ont néanmoins conservé la propriété des réseaux de distribution qu’elles exploitent notamment dans le cadre d’un contrat de concession conclu avec le gestionnaire de réseau.

À ce titre, les autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE) négocient et concluent les contrats de concession avec les gestionnaires, dans leur zone de desserte exclusive.

L’AODE peut être une commune, un EPCI auquel elle a transféré cette compétence, ou un département. Les communautés urbaines exercent de plein droit cette compétence. De plus en plus souvent, pour des raisons d’efficacité, cette compétence est exercée dans le cadre d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte d’envergure départementale, notamment sous l’impulsion de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie, bien que le regroupement ne puisse être imposé aux collectivités, et que la rationalisation doive prendre en compte les particularités de chaque territoire, comme leur caractère urbain ou rural.

Aujourd’hui, les AODE sont financées par la TCCFE et le CAS Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale – qui correspond à l’ancien fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE), budgétisé par la loi de finances rectificative pour 2011.

Les départements, ainsi que la métropole de Lyon, perçoivent également, en tout état de cause, la TDCFE ([264]).

Ces deux taxes sont collectées par les fournisseurs d’électricité pour le compte des collectivités territoriales. Elles font lobjet dune gestion partagée entre les départements, les services préfectoraux et ladministration fiscale, c’est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Comme pour la TICFE, les TLCFE sont assises sur la quantité d’électricité fournie ou consommée, exprimée en mégawattheures ou fraction de mégawattheure. Les redevables sont également les fournisseurs d’électricité et les auto‑producteurs.

En revanche, il ny a pas de tarif unique. Le tarif des TLCFE est déterminé selon deux critères :

– l’utilisation professionnelle ou non de l’électricité et la puissance maximale souscrite ;

– la modulation par les collectivités bénéficiaires des tarifs de base fixés par le législateur ([265]).

Les tarifs de base sont réactualisés chaque année dans la même proportion que le rapport entre l’indice moyen des prix à la consommation, hors tabac, établi pour l’avant-dernière année et le même indice établi pour l’année 2013 ([266]), selon cette formule :

Tarif de base en année N = Tarif de base 2013 x (IPC N– 2 / IPC 2013)

Tarifs de base fixés par le législateur pour les TLCFE

 

Qualité de lélectricité fournie

Tarif en euro par mégawattheure

Tarif actualisé en 2020

Consommations professionnelles

Puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères

0,75

0,77

Puissance supérieure à 36 kilovoltampères et inférieure ou égale à 250 kilovoltampères

0,25

0,26

Autres consommations (particuliers)

0,75

0,77

Source : article L. 3333-3 du CGCT.

Les collectivités locales modulent les tarifs de base en optant pour un coefficient multiplicateur, parmi ceux prévus par la loi ([267]),

Les coefficients multiplicateurs sont différents pour la taxe communale et pour la taxe départementale. Les tarifs effectifs de la TCCFE sont donc également distincts de ceux de la TDCFE.

Pour la TCCFE, le conseil municipal ou, selon le cas, le conseil communautaire ou le conseil départemental, peut choisir un coefficient parmi les valeurs suivantes : 0 ; 2 ; 4 ; 6 ; 8 ; 8,50.

Les communes peuvent donc choisir de ne pas soumettre à la taxe communale les quantités d’électricité consommées ou livrées sur leurs territoires en adoptant un coefficient multiplicateur égal à 0.

Pour la TDCFE, le conseil départemental peut choisir un coefficient parmi les valeurs suivantes : 2 ; 4 ; 4,25.

L’application des coefficients multiplicateurs au tarif actualisé de référence pour les particuliers (0,77 euro par mégawattheure en 2020) permet d’obtenir une grille de tarifs locaux pour ces usagers.

Grille de tarifs des taxes locales sur l’électricité en 2020
(usagers particuliers)

Coefficients départementaux

Tarifs départementaux-(TDCFE)

(euro par MWh)

Coefficients communaux

Tarifs communaux
(TCCFE)

(euro par MWh)

4,25

3,2725

8,5

6,545

4

3,08

8

6,16

2

1,54

6

4,62

 

 

4

3,08

 

 

2

1,54

 

 

0

0

Source : commission des finances.

Le cas particulier des syndicats situés hors du territoire métropolitain

Ils peuvent fixer le coefficient multiplicateur selon la même gamme de choix que les communes, mais également à hauteur de 10 ou de 12.

L’exercice de cette faculté aboutit à fixer un tarif égal à 7,7, voire 9,24 euros par MWh (selon le taux de base actualisé en 2020), ce qui revient à fixer un tarif égal, respectivement, à 117 % et 141 % du tarif maximal pour les communes.

Lorsque le syndicat intercommunal applique un coefficient supérieur à 8,50, il affecte la part du produit de la taxe résultant de l’application de la fraction de ce coefficient qui excède 8,50 à des opérations de maîtrise de la demande d’énergie concernant les consommateurs domestiques.

S’agissant de la TDCFE, la grande majorité des départements (88) ont adopté pour 2020 le coefficient de 4,5, ce qui revient à appliquer pour la TDCFE le tarif maximal, de 3,27 euros par mégawattheure (aux usagers particuliers et aux professionnels qui consomment une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères).

En 2020, 13 départements sont au tarif immédiatement inférieur au tarif maximal pour la TDCFE.

Il s’agit des Alpes‑de‑Haute‑Provence, des Alpes‑Maritimes, de l’Aude, de l’Aveyron, de la Charente, de la Dordogne, du Gard, des Landes, de la Meurthe‑et‑Moselle, du Morbihan, des Pyrénées‑Orientales, de la Guyane et de la Martinique.

Aucun département n’applique le troisième coefficient possible, qui est aussi le plus faible.

S’agissant de la TCCFE, l’évaluation préalable précise que le tarif maximal (coefficient de 8,5) et le tarif égal à 94 % du tarif maximal (coefficient de 8) sont très largement appliqués. Les tableaux et la carte suivants croisent des informations géographiques et par nombre de communes appliquant chacun des taux prévus par la loi.

D’après les informations transmises au Rapporteur général, 1 754 communes appliquent un taux 0, ou n’ont pas pris de délibération pour instituer la taxe – ce qui revient concrètement au même.

RÉpartition des tarifs de TCCFE applicables par communes en 2020

Coefficient

Tarif communal de TCCFE

(euros par mégawattheure)

Part des communes concernées

8,5

6,545 (tarif maximal)

78,3 %

8

6,16 (94 % du tarif maximal)

9,78 %

6

4,62 (71 % du tarif maximal)

5,04 %

4

3,08 (47 % du tarif maximal)

1,57 %

2

1,54 (23 % du tarif maximal)

0,2 %

0

0

5 %

Source : évaluation préalable.

Coefficients de TCCFE par commune en 2020

G:\RESTREINT-RAPPORTEUR-GE\FINB-2020\Admin\BA\Data\Carte 6 classes.png

Source : données DGCL. Réalisation commission des finances.

La carte révèle une certaine homogénéité des coefficients, et donc des tarifs, au niveau départemental : la création de syndicats d’électrification départementaux a été encouragée par la loi ces dernières années. Elle n’a toutefois pas été imposée systématiquement, ce qui conduit à des coefficients différenciés dans plusieurs territoires (voir encadré supra).

part de la population par coefficient de TCCFE en 2020

Coefficient appliqué

(le coefficient de 8,5 correspond au tarif maximal en métropole)

Part de la population municipale nationale

(en %)

12

0,3

8,5

77,6

8

13,1

6

3

4

1,8

2

0,4

0

3,7

Lecture : après retraitements, il reste 0,55 % d’erreurs (191 communes).

Source : calculs commission des finances à partir des données DGCL (coefficients 2020 par commune) et des données Insee (population municipale recensée par commune en 2017, mise à jour en décembre 2019).

Les trois taxes apparaissent distinctement sur les factures afin d’indiquer le tarif de taxation retenue.

C’est la TICFE qui pèse le plus lourd dans la taxation de la consommation finale d’électricité. En 2019, elle représente 77 % de l’ensemble de l’accise.

Produit fiscal des taxes sur l’ÉlectricitÉ

(en millions d’euros)

Note : s’agissant du produit 2019 de TICFE, le montant indiqué est prévisionnel.

Source : Rapports de l’OFGL, tomes I des évaluations des voies et moyens annexés au PLF pour 2020 et pour 2021.

B.   Une taxation inefficiente dans sa gestion

Le système actuel de taxation de la consommation finale d’électricité apparaît complexe. Les régimes juridiques présentent peu de similarités : le principal point commun est le fait générateur de l’imposition.

Mais les affectataires, les administrations gestionnaires, les redevables, les tarifs sont différents.

État des lieux des taxes sur lélectricité en 2020

 

TICFE

TDCFE

TCCFE

Affectataire

Budget général de l’État

Départements

Bloc communal (éventuellement départements)

Gestionnaire

DGDDI

Départements, préfectures et DGFiP

Départements, préfectures et DGFiP

Assiette

Électricité fournie quelle que soit la puissance souscrite

Électricité fournie sous une puissance inférieure ou égale à 250 kilovoltampères

Électricité fournie sous une puissance inférieure ou égale à 250 kilovoltampères

Tarifs

22,50 euros par MWh, non indexé

Tarifs réduits pour les industries électro‑intensives

3,2725 euros par MWh, indexé sur l’inflation

Tarif de 94 % du tarif ci‑dessus appliqué par 13 départements

Tarif maximal de 6,545 euros par MWh, indexé sur l’inflation

Cinq tarifs inférieurs à ce maximum possibles

Produit fiscal en 2019

7 840

683

1 618

Source : commission des finances à partir de l’évaluation préalable et des données de l’OFGL.

D’après l’évaluation préalable, la dispersion des affectataires et des administrations responsables de la gestion des taxes sur l’électricité conduit « à un système coûteux en gestion, complexe et source de nombreuses erreurs »

Ce système de taxation s’appuie sur un site centralisé édité par l’administration fiscale afin de permettre aux fournisseurs redevables de disposer des tarifs applicables et de procéder à la correcte liquidation de celles‑ci ([268]).

Édition des tarifs par l’administration fiscale

L’article 216 de la loi de finances pour 2020 a avancé les dates de vote des tarifs par les organes délibérants et les opérations d’édition de ces tarifs des deux TLCFE par l’administration fiscale.

Elle a dès lors prévu :

– que les coefficients multiplicateurs, et donc les tarifs locaux, soient désormais adoptés avant le 1er juillet de l’année qui précède leur entrée en vigueur (plutôt que le 1er octobre) ;

– que le ministre chargé du budget édite les tarifs des TLCFE fixés par les collectivités territoriales, les EPCI et les syndicats après application du coefficient multiplicateur avant le 1er octobre de l’année qui précède leur entrée en vigueur sur un site internet de son département ministériel (plutôt que le 1er décembre).

Une nouvelle édition des tarifs, après application du coefficient multiplicateur délibéré par les bénéficiaires et prenant en compte les éventuelles anomalies constatées, est effectuée avant le 1er décembre de l’année qui précède leur entrée en vigueur (plutôt que le 1er mars de l’année d’entrée en vigueur). Les tarifs ainsi publiés sont opposables à l’administration.

Finalement, l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, a modifié à nouveau ces échéances afin de tenir compte des circonstances sanitaires. Elle a retardé d’un an l’entrée en vigueur de ces dispositions (c’est-à-dire qu’elles s’appliqueront aux opérations de vote et de publication en 2021 pour l’impôt dû au titre de 2022, plutôt qu’aux opérations en 2020 pour l’impôt dû au titre de 2021).

Ce site est alimenté par chacune des collectivités, par l’intermédiaire des préfectures et des services locaux de la DGFiP. Ce processus donne ainsi lieu, chaque trimestre à l’émission de 8 800 déclarations auprès de 3 100 comptables assignataires différents. « Il est à lorigine derreurs récurrentes générant lémission de nombreuses factures rectificatives ainsi que des contentieux. Ce système implique également que lÉtat, les départements et les communes contrôlent chacun séparément la même assiette, en contradiction avec lexigence de bonne gestion des ressources publiques. »

II.   Le dispositif proposÉ

A.   L’unification des trois taxes sur la consommation finale d’ÉlectricitÉ au sein de la TICFE

1.   Une réforme progressivement mise en œuvre sur trois ans

La réforme a pour objet :

– d’intégrer chacune des trois composantes de l’accise sur l’électricité au sein d’un dispositif commun de gestion ;

– de simplifier et de rendre plus équitable la grille tarifaire au moyen d’un tarif unique de taxation au niveau national.

Pour cela, le présent article propose une unification progressive sur trois ans de ces trois taxes.

En 2021, il est prévu :

– d’aligner les régimes juridiques des trois taxes,

– d’uniformiser les tarifs de TDCFE ;

– d’engager une première étape d’uniformisation des tarifs de TCCFE en supprimant les deux plus bas tarifs (le tarif nul et le tarif égal à 24 % du tarif maximal).

En 2022, il est prévu :

– d’unifier la gestion de la TICFE et des TDCFE ;

– et de poursuivre l’uniformisation des tarifs de TCCFE en supprimant le tarif égal à 47 % du tarif maximal.

En 2023, il est prévu :

– d’unifier la gestion de l’ensemble de l’accise ;

– d’achever l’uniformisation des tarifs de TCCFE en supprimant les tarifs égaux à 71 % et 94 % du tarif maximal.

À l’issue de ce processus, en 2023, la gestion des trois taxes sera donc intégrée à la DGFiP. L’accise sera composée d’une taxe unique, la TICFE, assortie d’une part communale et d’une part départementale. Ces deux parts seront calculées sur le fondement des tarifs maximaux aujourd’hui en vigueur, respectivement, pour la TCCFE et pour la TDCFE.

Processus d’uniformisation de l’accise sur l’ÉlectricitÉ

 

2020

2021

2022

2023

2024

Gestion
(par rapport à celle de la TICFE)

Distincte

Distincte

Gestion de la TDCFE unifiée à celle de la TICFE

Gestion de l’ensemble de l’accise unifiée à la DGFiP

Gestion de l’ensemble de l’accise unifiée à la DGFiP

Régime juridique (par rapport à celui de la TICFE)

Distinct

Alignement : les deux taxes locales deviennent deux majorations de la TICFE

Intégré à la TICFE : la TDCFE devient une part départementale de la TICFE

Les deux taxes locales sont unifiées comme composantes de la TICFE

Les deux taxes locales sont unifiées comme composantes de la TICFE

Coefficient TCCFE/Calcul de la quote-part

0 ; 2 ; 4 ; 6 ; 8 ; 8,5

4 ; 6 ; 8 ; 8,5

6 ; 8 ; 8,5

Produit égal au produit 2021 augmenté de 1,5 %

Majoration globale de la TICFE sur tarif maximal

Calcul des parts individuelles par collectivité en fonction de l’évolution de la quantité d’électricité fournie sur le territoire les années passées

Coefficient TDCFE/ Calcul de la quote-part

2 ; 4 ; 4,25

4,25

Produit égal au produit 2020 augmenté de 1,5 %

Majoration globale de la TICFE sur tarif maximal

Calcul des parts individuelles en fonction de l’évolution de la quantité d’électricité fournie sur le territoire les années passées

Majoration globale de la TICFE sur tarif maximal

Calcul des parts individuelles en fonction de l’évolution de la quantité d’électricité fournie sur le territoire les années passées

 

Source : commission des finances.

Cette entrée en vigueur progressive de la réforme proposée permettra, selon l’évaluation préalable, « de la sécuriser sur le plan opérationnel », car elle « donne davantage de temps aux administrations et aux fournisseurs pour procéder aux évolutions techniques, notamment informatiques, nécessaires à lunification de la gestion des TCCFE qui, compte tenu du nombre dacteurs impliqués, est plus complexe que pour la TICFE et les TFCFE. »

2.   La première phase de l’unification de la taxation sur l’électricité : l’année 2021

a.   La TCCFE devient une majoration communale de TICFE, assortie d’un éventail plus restreint de tarifs

Le A du I du présent article engage l’unification du régime juridique des trois taxes sur l’électricité.

Le 1° du A transforme ainsi la TCCFE en majoration de la TICFE. Le tarif de cette majoration est voté par le conseil municipal. Concrètement, le pouvoir de décision demeure donc au niveau communal à ce stade.

Le a du 2° du A réduit néanmoins la marge de décision du conseil municipal en matière de fixation des tarifs pour 2021. En effet, il ne peut plus choisir une taxation nulle ou un tarif égal à 24 % du tarif maximal. Il peut toujours fixer des coefficients de manière à adopter un tarif égal à 47 %, 71 % ou 94 % du tarif maximal, ou le tarif maximal. Le tarif doit être fixé avant le 1er juillet 2020. Il est précisé qu’en l’absence de délibération pour fixer un coefficient multiplicateur, ou de fixation d’un coefficient multiplicateur inférieur aux valeurs ainsi prévues, le coefficient multiplicateur appliqué sur le territoire est de 4, ce qui revient à fixer le tarif minimal autorisé pour 2021, à savoir 47 % du tarif maximal. Si les coefficients de modulation qui ont été adoptés par la collectivité sont inférieurs au coefficient plancher de 4, ce dernier coefficient s'impose donc. La même règle s’applique si la TCCFE est perçue par un syndicat intercommunal, qui dispose donc de la compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité (c du 5° du A), y compris les syndicats situés hors du territoire métropolitain (voir supra). Dès lors, en application de ces dispositions, les collectivités et EPCI qui, pour 2021, ont déjà fixé un tarif inférieur à 47 % du tarif maximal, se verront appliquer un tarif rehaussé à ce niveau (47 % du tarif maximal) en 2021.

Le 6° du A du I opère deux coordinations en cas de substitution d’EPCI ([269]) à des communes dont la population est égale ou inférieure à 2 000 habitants pour la perception de la TCCFE. Il prévoit que la détermination du nombre d’habitants de la commune se fasse au 1er janvier de l’année précédant celle au titre de laquelle la taxe est perçue, au lieu du 1er janvier de l’année. L’article 216 de la loi de finances pour 2020 avait déjà prévu cette modification pour les syndicats intercommunaux.

b.   La TDCFE devient une majoration départementale de TICFE dotée d’un tarif unique

Le 3° du A du I transforme la TDCFE en majoration de la TICFE instituée au profit des départements et de la Métropole de Lyon. Il est précisé que cette majoration affectée aux départements ne s’appliquera pas aux activités de transport : concrètement, lélectricité utilisée pour le transport reste exonérée pour la majoration départementale (voir encadré supra sur les exonérations).

S’agissant de la TDCFE, luniformisation des taux intervient dès 2021, avec un coefficient multiplicateur unique de 4,25, qui correspond au tarif maximal actuellement en vigueur (4° du A). En conséquence, les règles relatives à l’édition des tarifs selon le choix réalisé par le département ou la métropole de Lyon, prévues par la loi de finances pour 2020, sont abrogées (b et c du 1° du B). Pour mémoire, en 2020, seulement 13 départements, n’ont pas fixé leur tarif au niveau maximal, mais au niveau juste inférieur (voir supra).

3.   La deuxième phase de l’unification de la taxation sur l’électricité : l’année 2022

a.   La poursuite de l’uniformisation des tarifs de la majoration communale

Pour lannée 2022, luniformisation des tarifs de l’ancienne TCCFE se poursuit par une restriction supplémentaire dans le choix du coefficient : les communes ne pourront fixer un tarif qu’à 71 % ou 94 % du tarif maximal, ou le tarif maximal (a du 2° du A du I). Il est précisé que si le conseil municipal, ou le syndicat intercommunal (c du 5° du A), n’a pas adopté un coefficient égal ou supérieur à 6, le coefficient de 6 s’applique.

Le B opère une coordination avec la loi de finances pour 2020 et l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, pour maintenir, mais à compter de 2021, l’application de l’avancement des dates dédition des tarifs par l’administration fiscale (avant le 1er octobre et avant le 1er décembre de l’année qui précède leur entrée en vigueur, voir encadré supra). L’édition des tarifs pour 2022 devra donc intervenir avant le 1er octobre 2021.

L’électricité utilisée pour les activités de transport reste exonérée de la majoration communale (1° du A du II).

b.   L’unification de la gestion de la TICFE et des TDCFE

L’article 184 de la loi de finances pour 2020 avait prévu le principe du transfert de la gestion de la TICFE à la DGFiP, et habilite le Gouvernement à le mettre en œuvre par ordonnance, mais le présent article opère directement ce transfert à partir de 2022.

Ainsi, le B prévoit, sagissant de la gestion de la TICFE, la substitution de ladministration fiscale à celle des douanes pour :

– les relations entre les fournisseurs d’électricité et l’administration ;

– la déclaration et l’acquittement de l’impôt ;

– le remboursement d’un paiement intervenu sur une fourniture d’électricité normalement non soumise à la TICFE (selon des modalités précisées par décret).

Le 4° du B prévoit ainsi que la TICFE sera recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations seront également présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces taxes.

Le A du II transforme par ailleurs définitivement la majoration départementale en une part départementale de la TICFE. Il n’existe plus de coefficient : au titre de l’année 2022, le montant de cette part départementale est égal au produit de la TDCFE perçue en 2020, augmentée de 1,5 %.

En conséquence, le a du 1° du B intègre cette part départementale dans le tarif de la TICFE à compter de 2022, sous forme d’une majoration de 3,1875 euros par mégawattheure, lorsque la puissance de raccordement est inférieure ou égale à 250 kilovoltampères. En effet, la TDCFE (comme la TCCFE) ne s’applique aujourd’hui qu’à la fourniture d’électricité sous une puissance inférieure ou égale à 250 kilovoltampères. Cette majoration sera actualisée chaque année en fonction de l’inflation hors tabac, comme l’est aujourd’hui la TCCFE. Enfin, il est précisé que ce montant est divisé par trois pour les consommations professionnelles ([270]) lorsque la puissance de raccordement excède 36 kilovoltampères. En effet, le tarif de base des deux TLCFE pour les consommations professionnelles sous une puissance supérieure à 36, et jusqu’à 250 kilovoltampères, est égal au tiers de celui prévu les particuliers ou les consommations professionnelles inférieures ou égales à 36 kilovoltampères. Cette disposition opère donc une transposition « homothétique » du tarif actuel de la TCCFE dans la TICFE.

En outre, dès lors que la TDCFE intègre la TICFE, la gestion de l’ancienne TDCFE et la TICFE sont juridiquement unifiées au sein de la DGFiP à compter de 2022.

4.   La troisième phase de l’unification de la taxation sur l’électricité : l’année 2023

a.   L’aboutissement de l’unification des tarifs de TDCFE et de TCCFE au sein de la TICFE

À compter de 2023, la majoration communale, toujours susceptible de faire l’objet de plusieurs tarifs en 2022, devient une part communale de la TICFE, au montant calculé en fonction de paramètres exogènes et prévus par la loi, plutôt que par le vote dun tarif.

En 2023, le montant de la part communale perçue par les communes, les EPCI ou les départements (selon l’attribution de la compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité) sera égale au montant perçu sur la TCCFE en 2021, augmenté de 1,5 %.

Parallèlement, à compter de 2023, la part départementale de TICFE sera ainsi calculée :

Le A du III prévoit qu’elle sera égale au montant perçu l’année précédente, multiplié par le rapport entre :

– la quantité d’électricité fournie sur le territoire du département la pénultième année ;

– la quantité d’électricité fournie sur le territoire du département l’antépénultième année.

En conséquence, en année N, le montant de la part départementale sera égal au montant de l’année précédente majoré (ou minoré) de la dynamique (de la contraction) de la quantité d’électricité fournie sur le territoire du département entre l’année N‑2 et l’année N‑3.

Les modalités précises de ce calcul, notamment les conditions dans lesquelles sont appréciées les quantités d’électricité fournies, seront précisées par décret.

Les tarifs de la part communale ayant été entièrement unifiés avec une année de décalage par rapport à la part départementale, ce même mode de calcul fondé sur l’évolution de la quantité d’électricité fournie sur le territoire de la collectivité sur les années antérieures à l’imposition est appliqué à la part communale à partir de 2024. Le rendement des parts locales est donc lié à la consommation d’électricité sur le territoire concerné.

En cas de création de communes nouvelles et de fusions d’EPCI, la part communale attribuée à l’EPCI fusionné ou à la commune nouvelle est égale, selon le cas, à la somme des parts communales qui auraient été attribuées aux communes préexistantes ou aux EPCI préexistants. Si un membre (commune ou EPCI) se retire d’un EPCI, la quantité d’électricité fournie ou consommée sur son territoire est déduite de celle fournie ou consommée sur le territoire de l’EPCI.

Le B du III en tire les conséquences dans le tarif de la TICFE, en élevant le montant de la majoration de tarif liée à l’intégration du tarif des deux taxes locales au sein du tarif de la TICFE.

b.   L’unification de la gestion de l’ensemble de l’accise à la DGFiP

En 2022, la TDCFE sera devenue une part départementale de la TICFE. La gestion de la TICFE dans son ensemble aura été transférée à la DGFiP. Dès lors que, en 2023, la TCCFE deviendra définitivement une part communale de la TICFE, sa gestion sera unifiée à celle des autres composantes de la TICFE.

La gestion de l’ensemble de l’accise nationale sur l’électricité aura donc été transférée à la DGFiP.

B.   L’impact budgétaire et économique

1.   Une simplification juridique et administrative de la fiscalité de l’électricité

a.   Une simplification juridique

Si la structure composite actuelle de l’accise sur l’électricité est compatible avec le droit de l’Union européenne, cette réforme s’inscrit tout de même dans l’objectif général d’harmonisation et de bon fonctionnement du marché intérieur. Elle participe donc à une meilleure intégration de la fiscalité française dans l’environnement juridique et économique européen.

La TICFE a un rendement fiscal largement supérieur et un champ d’application plus large (toute consommation finale d’électricité quelle que soit la puissance souscrite, hors dépenses fiscales) que les deux taxes locales.

Il semble donc opportun, dans l’objectif de simplifier la taxation, d’intégrer les taxes locales dans la taxe nationale.

b.   Une simplification administrative

Le présent article induit une simplification administrative, au bénéfice tant du secteur public que du consommateur d’électricité.

S’agissant du secteur public, elle met fin à la dispersion des administrations chargées de la gestion et du recouvrement. Elle évitera la réalisation de doublons entre administrations.

Ce rapprochement s’inscrit dans le transfert de la gestion de la TICFE vers la DGFiP, déjà prévu par l’article 184 de la loi de finances pour 2020, à compter de 2022. Il s’inscrit également dans les recommandations du Comité Action publique 2022 ([271]) et de la Cour des comptes ([272]), qui préconisent de regrouper au sein de la DGFiP la fonction de recouvrement de l’ensemble des impôts et taxes recouvrés par la DGDDI ([273]).

En ce qui concerne le consommateur, l’évaluation préalable précise que cette réforme permettra de rendre sa facture d’électricité plus lisible, et de limiter le volume de factures rectificatives que doivent aujourd’hui éditer les fournisseurs pour corriger les erreurs de saisie portant sur les niveaux de tarification communaux.

2.   Une augmentation modique de la charge fiscale des consommateurs d’électricité

L’intégration des TCCFE et TDCFE dans la TICFE sera neutre pour les particuliers et les petites et moyennes entreprises. Selon l’évaluation préalable, ces contribuables ne bénéficient actuellement pas de tarifs réduits de TICFE dans la grande majorité des collectivités.

Elle induirait « une hausse très faible du tarif de lélectricité dans treize départements et des hausses ciblées de tarifs, étalées entre 2021 et 2023 dans 21,6 % des communes », qui se décomposeraient ainsi :

– pour 9,8 % des communes, la hausse de la facture annuelle serait comprise entre 0,8 % et 3,2 % ;

– pour 6,6 % des communes, elle serait comprise entre 4 et 30 euros ;

– pour 5,2 % des communes, elle serait comprise entre 10 et 55 euros.

D’après les calculs présentés supra, sur la base des données tarifaires de la DGCL et de celles du recensement de la population municipale par l’Insee ([274]) , c’est donc environ 22 % de la population qui, n’habitant pas une commune dont le coefficient est au maximum en 2020, sera concernée par une hausse de la facture d’électricité dans les trois prochaines années. Une part de 3,7 % de la population environ habite dans une commune dans laquelle la taxe est nulle, et sera donc la plus affectée par l’harmonisation à la hausse des tarifs.

Géographiquement, elle se situe dans les zones claires sur la carte présentée supra.

3.   Un faible coût pour l’État et un impact favorable sur les ressources fiscales des collectivités territoriales

a.   Un faible coût pour l’État

Le budget de l’État est affecté par trois canaux par la réforme.

En premier lieu, via la TICFE, avec l’intégration des entreprises actuellement soumises aux tarifs des TCCFE ou TDCFE, mais éligibles aux tarifs réduits de TICFE. Ceci entraîne une perte de recettes annuelle de TICFE pour l’État estimée par l’évaluation préalable à 5 millions d’euros, à compter de 2022.

En deuxième lieu, les taxes locales sur l’électricité sont incluses dans la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ([275]), les hausses de recettes de ces taxes suscitées par le présent article entraîneront un gain pour l’État au titre de la TVA qui va suivre l’alignement progressif des tarifs.

En troisième lieu, la hausse globale des tarifs des taxes locales sur l’électricité va engendrer, pour les entreprises, une hausse de leurs charges déductibles et donc une perte, pour l’État, au titre de l’impôt sur le revenu (IR) et de l’impôt sur les sociétés (IS) qui va également suivre l’alignement progressif des tarifs.

Impact de la réforme sur les recettes fiscales de l’État et des collectivités territoriales

(en millions d’euros)

 

2021

2022

2023

2024

Perte de TICFE

 

– 5

– 5

– 5

Gain en TVA

2

5

10

10

Pertes en IR/IS

 

– 4

– 8

– 17

Coût total pour l’État

2

 4  ([276])

 3

 12

Source : évaluation préalable.

b.   Une réforme bénéfique pour le produit fiscal des collectivités

Les collectivités territoriales bénéficieraient financièrement de la réforme par deux canaux.

En premier lieu, elles vont percevoir un produit fiscal supplémentaire. Toutefois, dès lors que l’alignement progressif sur les tarifs maximaux ne concerne pas la majeure partie des collectivités, le gain budgétaire sera aussi modique que l’accroissement de la charge fiscale pour les contribuables. L’augmentation pérenne de ressources, une fois la réforme achevée, s’élèverait à 141 millions d’euros par an pour les collectivités.

Impact de la réforme sur les recettes fiscales de l’État et des collectivités territoriales

(en millions d’euros)

Source : données présentées dans l’évaluation préalable.

En outre, cette simplification permet de supprimer les frais de gestion prélevés aujourd’hui sur les recettes des collectivités par les fournisseurs d’électricité. Selon l’évaluation préalable, il en résulte une économie annuelle de 11 millions d’euros pour les départements, à compter de 2022, et de 21 millions d’euros pour le bloc communal, à compter de 2023. L’État collectera gratuitement cette taxe pour les collectivités.

Elle permettra également aux collectivités de dégager des ressources matérielles et humaines, chargées aujourd’hui de la gestion des taxes en doublon de l’État.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques I-CF207 de M. Charles de Courson et I-CF744 de M. Sébastien Jumel.

M. Charles de Courson. Si l’article 13 est passé sous le radar, c’est qu’il est présenté comme une simplification de la taxation de l’électricité. Or il ne s’agit pas du tout de cela.

L’article comporte deux volets. Le premier consiste à confier aux services du Trésor la perception des trois taxes sur l’électricité : la taxe départementale, la taxe communale et intercommunale et la taxe d’État. Le deuxième vise à unifier, à la hausse, tous les taux, en appliquant désormais un taux national.

C’est cela qui pose problème parce que cela signifie que l’on va accroître de 170 millions d’euros la pression fiscale, et cela essentiellement sur les ménages. D’après l’étude d’impact, l’augmentation de la facture d’électricité pourrait atteindre 55 euros.

Autre problème, on remet en cause l’autonomie fiscale des collectivités territoriales : certes, on maintiendra une assiette territorialisée, mais il n’y aura plus aucune marge de manœuvre concernant la fixation du taux. On nous dit que pour les départements, cela ne posera aucun problème puisqu’ils sont tous au taux plafond, sauf treize d’entre eux qui se trouvent dans la deuxième tranche et pour lesquels cela représentera une petite augmentation. Mais ce n’est pas du tout vrai pour les communes et intercommunalités ! Je connais même des communes qui n’ont jamais instauré la taxe.

L’Association des maires de France (AMF) a publié un communiqué dénonçant cette mesure et la nationalisation des taux. De surcroît, aucune concertation n’a été menée : il s’agit, une fois encore, d’une pure décision technocratique. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à supprimer cet article.

M. Fabien Roussel. Une fois n’est pas coutume, nous partageons l’opinion de notre camarade Charles de Courson. Il existe aujourd’hui trois taxes sur l’électricité, la première affectée au budget de l’État, la deuxième au département, la troisième au bloc communal. Vous décidez aujourd’hui de fusionner ces trois taxes et d’en centraliser la collecte par souci de simplification, voire d’économie. Cela pourrait être louable, mais ce faisant, vous privez les collectivités territoriales, communes et départements, d’un levier fiscal – un de plus. Et les communes qui voudraient augmenter ou abaisser le niveau de cette taxe ne pourront plus le faire, puisque vous prenez la main dessus. Vous retirez donc au bloc communal un pouvoir, certes modeste, mais qui porte tout de même sur une recette fiscale de 1,4 milliard d’euros. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 13.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est utile de prendre quelques minutes pour discuter du fond de l’article 13 avant de nous prononcer sur les amendements.

Je suis opposé à la suppression de cet article, pour plusieurs raisons.

Ce que M. Roussel qualifie d’intention louable est à mes yeux une stratégie fondamentale pour améliorer l’efficacité du travail de nos administrations, qu’il s’agisse de la collecte ou du recouvrement de l’impôt. C’est un bel exemple de transfert de la gestion du recouvrement fiscal de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) vers la direction générale des finances publiques (DGFiP).

C’est une demande que je réitère depuis mon premier rapport sur les crédits de la DGFiP et de la DGDDI. Toute une partie de mon rapport du Printemps de l’évaluation de l’année 2018 était consacrée à l’harmonisation des recouvrements, et j’avais justement abordé le sujet de la taxe sur l’électricité.

Charles de Courson l’a bien expliqué, trois taxes différentes coexistent : la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), nationale, à laquelle s’ajoutent une taxe communale et une taxe départementale. La collecte s’élève à 7,8 milliards d’euros de TICFE en 2019, 1,6 milliard d’euros de taxe communale et 683 millions d’euros de taxe départementale.

Cet article va harmoniser et améliorer l’efficacité de la gestion et du recouvrement de nos administrations fiscales, DGFiP et DGDDI. L’intégralité de la gestion et du recouvrement de ces taxes sur l’électricité sera donc confiée à la DGFiP : je soutiens totalement ce projet de transformation publique.

Ce sont les conséquences de cette réforme sur les collectivités territoriales qui soulèvent des questions. Il faut toutefois en relativiser l’impact sur le pouvoir de taux et la transmission du prix au consommateur, en considérant la situation actuelle et les effets futurs sur le pouvoir d’achat de certains consommateurs.

Les communes qui appliquent un taux de taxe communale nul, évoquées par Charles de Courson, représentent 5 % de l’ensemble des communes. Seules 1 700 communes sont donc dans cette situation.

Le tarif communal a été fixé à 1,54 euro – 23 % du tarif maximal – dans 0,2 % des communes. Il est de 3,08 euros – 47 % du tarif maximal – dans 1,57 % des communes ; de 4,62 euros – 71 % du tarif maximal – dans 5,04 % des communes ; et de 6,16 euros – 94 % du tarif maximal – dans 9,78 % des communes. Les communes appliquant un tarif inférieur à 94 % du tarif maximal ne représentent qu’un peu plus de 10 % de l’ensemble des communes. Il convient donc de relativiser les ordres de grandeur : la quasi-totalité des communes applique un tarif supérieur ou égal à 94 % du tarif maximal.

Quel serait l’impact de cette réforme sur les consommateurs dans les quelques communes affectées ?

Au sein des 21 % de communes qui n’appliquent pas le tarif maximal, les conséquences seraient les suivantes : dans 9,8 % d’entre elles, la hausse de la facture annuelle serait comprise entre 0,8 et 3,20 euros ; dans 6,6 % des communes, la hausse serait comprise entre quatre et trente euros ; et pour les 5 % de communes qui étaient au taux zéro, la facture annuelle augmenterait de dix à cinquante-cinq euros.

Il s’agit de hausses relativement faibles, mais je dis cela avec humilité car pour certains ménages, aucune hausse n’est vraiment faible. Il faut toutefois rapprocher ces valeurs des augmentations de pouvoir d’achat mises en œuvre depuis trois ans, notamment au profit de ces mêmes ménages.

La notion de pouvoir de taux est donc contestable au vu du nombre de communes appliquant déjà le taux maximal – d’autant qu’elles ne l’auraient pas réduit dans les prochaines années vu les besoins de financement des collectivités territoriales.

Il faut aussi relativiser la hausse du prix à la consommation pour les ménages : elle est limitée à quelques communes, et pour des montants relativement faibles. Dans quelques communes seulement, la hausse pourrait atteindre, au maximum, cinquante-cinq euros par an.

Nous devons adopter l’article 13, et donc repousser les amendements de suppression, car il favorise l’efficacité de la gestion et du recouvrement de l’impôt et améliore la visibilité et la clarté fiscale de la taxation de l’électricité.

Avis défavorable.

Mme Bénédicte Peyrol. Cette réforme n’est pas anodine, elle est même majeure. Transmettre la perception de ces taxes à la DGFiP est une bonne chose pour la lisibilité de la fiscalité énergétique et environnementale.

J’ai quelques interrogations auxquelles j’espère que nos débats permettront de répondre. Si l’évaluation préalable affirme qu’il n’y aura pas de conséquences pour les collectivités, et que leur niveau de perception ne sera pas affecté, je n’en ai pas trouvé confirmation dans le texte.

À quelle fréquence les collectivités vont-elles percevoir cette forme de dotation de l’État, sachant que les taxes sont perçues tous les mois ? Je connais bien le syndicat d’électricité de l’Allier, très actif et performant, et il peut avoir à effectuer des décaissements considérables certains trimestres. Cette question est très importante pour la bonne vie des syndicats d’électricité dans nos départements.

Au vu de ces interrogations, je souhaite que le texte sécurise la situation des collectivités.

M. Charles de Courson. Je suis favorable au recouvrement par les services fiscaux, mais pourquoi en profiter pour unifier les taux et les fixer par la loi ? Il est parfaitement possible de maintenir la responsabilité de la fixation des taux au niveau local et de confier la perception des taxes à la DGFiP.

Les évaluations préalables estiment que les économies pour l’État réalisées sur le coût de recouvrement s’élèveront à 5 millions d’euros en 2022, 3 millions d’euros en 2023 et 12 millions d’euros à partir de 2024. Ce n’est pas déterminant.

Vous ne parlez pas de l’incidence de cette mesure sur les factures d’électricité. Pour les 1 700 communes qui appliquent un taux nul, vous nous donnez les chiffres fournis dans l’évaluation préalable, qui estime la hausse entre dix et cinquante-cinq euros annuels. Mais il s’agit de moyennes, la réalité pour chacun dépendra de sa consommation électrique. Pour une famille nombreuse en zone rurale chauffée à l’électricité, le surcoût pourra être bien supérieur. Quelles seront les personnes concernées ? L’étude d’impact ne comporte aucun élément sur l’incidence sociale de cette mesure. Qui se chauffe dans ces conditions, qui a des consommations d’électricité élevées ? Ce sont souvent les habitants des passoires thermiques. Certaines familles vont voir leur facture augmenter de cent, voire cent cinquante euros, et il s’agira plutôt de gens modestes.

M. Fabien Roussel. C’est un geste de plus qui sera mal pris par nos communes et nos collectivités, notamment celles dont le taux est à zéro, même si elles ne représentent que 5 % du total. Elles vont s’interroger sur cette nouvelle marque de la volonté du Gouvernement de simplifier, de clarifier, d’unifier, de centraliser…

Monsieur le rapporteur général, vous évoquez tout ce qui a été fait pour augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens. S’il est question de la suppression de la taxe d’habitation, pensez à tous ceux qui ne la payaient pas, c’est le cas de 50 % des ménages dans ma commune de Saint-Amand-les-Eaux. Pour eux, la suppression de la taxe d’habitation n’a pas d’impact. Donc, de quelles hausses de pouvoir d’achat parlez-vous ? Les quelques dizaines d’euros de l’allocation aux adultes handicapés ou du minimum vieillesse ? La hausse dont vous parlez, elle, sera comprise entre dix et cinquante-cinq euros en moyenne, du fait de cette centralisation. Or ces quelques dizaines d’euros représentent beaucoup dans certains foyers. Cette mesure va tomber comme un couperet, une fois de plus !

Mme Christine Pires Beaune. Je partage l’objectif de simplification. Il est difficile, en effet, de s’y retrouver dans ces trois taxes soumises à des règles différentes. Mais cet objectif de simplification n’impose pas la fixation d’un taux unique. La taxe d’habitation est gérée par les services de Bercy, et les taux en étaient déterminés par les communes. Il est donc possible de garder le pouvoir de taux en simplifiant la gestion.

Quel sera l’impact sur les usagers ? Le nombre de 1 700 communes peut sembler faible, mais j’aimerais connaître leur répartition sur la carte de France. Je crains qu’il ne s’agisse de territoires ruraux, dans lesquels les températures descendent très bas et où le coût ne sera pas de cinquante-cinq euros pour une famille, mais beaucoup plus. Nous avons constaté l’explosion provoquée par l’étincelle de la taxe carbone ; même si le nombre de communes concernées est faible, j’aimerais en avoir le détail.

Enfin, que Bercy arrête d’utiliser l’argument des ressources humaines pour justifier ses réformes ! Pour un département, la charge représente 0,5 % d’un équivalent temps plein. Avançons les vrais arguments !

Mme Véronique Louwagie. La simplification est un sujet qui nous intéresse tous, mais le titre de l’article 13, Simplification de la taxation de l’électricité, est insidieux. Derrière la simplification apparente, vous privez d’autonomie les collectivités, qui n’auront plus la latitude de gérer leur taux comme elles le voulaient.

Cette diminution du pouvoir d’achat va mettre 170 millions d’euros à la charge de ménages concentrés dans 1 700 communes. C’est donc une très grosse somme rapportée au faible nombre d’habitants concernés.

Il serait intéressant, comme le demande Mme Pires Beaune, d’avoir la liste des communes concernées pour bien mesurer l’impact de cette mesure. Je regrette une fois de plus que les évaluations préalables aient été fournies après la limite de dépôt des amendements, car nous n’étions pas à même de bien apprécier l’ensemble des éléments.

M. Christophe Jerretie. Cette question est assez compliquée, de même que l’article, mais je connais bien ces sujets.

Le rapporteur général a peut-être oublié de dire qu’un problème de sécurité juridique se pose aussi quant à la taxe et à la modulation. Il est plus aigu que celui de la simplification – terme que je trouve inadéquat – et le texte permet de le résoudre.

Bénédicte Peyrol a évoqué celui de la redistribution et de la réattribution. Techniquement, le texte ne comporte aucun élément permettant de dire que la première s’effectuera comme il le faudrait. Mes deux amendements visent à en discuter.

La perte d’autonomie fiscale est une autre question mais, surtout, je ne voudrais pas que la recentralisation auprès de la DGFiP crée un plafond de redistribution, comme c’est toujours le cas. Attention, dès lors, car les conséquences sur la rénovation de l’éclairage public et de tous les réseaux pourraient être importantes !

M. Jean-René Cazeneuve. On peut tout de même se demander pourquoi le prix de l’électricité diffère selon les communes. Autant on peut considérer que la taxe d’habitation et la taxe foncière correspondent à un service précis, à une prestation de la commune, autant, comme pourraient le dire nos amis communistes, il n’est pas normal que l’électricité ne coûte pas la même chose partout en France.

M. le président Éric Woerth. C’est aussi valable pour l’eau.

M. Jean-René Cazeneuve. La qualité de l’eau peut être différente.

Si les départements pratiquaient tous le taux maximal, l’augmentation de tarif représenterait 20 centimes, ce qui n’emporterait aucune conséquence pour leur autonomie fiscale et financière.

Pour les collectivités territoriales, l’enjeu de simplification est évident : selon l’étude d’impact, l’économie de frais de gestion s’élèvera à 30 millions d’euros et le gain de recettes à une centaine de millions d’euros, ce qui n’est pas si mal.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je pourrais reprendre à mon compte les propos de notre collègue Jerretie.

La semaine dernière, à l’occasion d’une visite dans l’Allier de la ministre de la transformation et de la fonction publiques Amélie de Montchalin, le président du Syndicat départemental d’énergie a appelé mon attention sur le flou qui entoure la question de la redistribution. La taxe perçue par le département donne lieu à une convention entre ce dernier et le Syndicat départemental d’énergie pour remplir un certain nombre de missions et nous ne savons pas vraiment si les recettes affectées au syndicat pour ses missions de service public seront demain équivalentes à celles d’aujourd’hui.

La simplification et l’autonomie ne sont pas tout : il faut aussi considérer les conséquences pour les territoires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis toujours défavorable à ces amendements de suppression.

Bénédicte Peyrol a posé de bonnes questions sur la redistribution. Je rappelle que les directions départementales des finances publiques (DDFiP) gèrent déjà le recouvrement et la redistribution des taxes communales et départementales, la TICFE relevant quant à elle de l’administration douanière. La redistribution n’en sera guère modifiée et s’effectuera dans la continuité.

Monsieur de Courson, l’État ne prendra aucun centime. Ce sont les attributions des collectivités locales qui seront élevées au plafond, certaines se voyant ainsi attribuer une ressource complémentaire.

Vous ne m’entendrez jamais dire, madame Pires-Beaune, que l’enjeu concerne les ressources humaines, qu’il s’agit de réduire le nombre d’emplois ou d’économiser. Certes, des synergies s’opèrent toujours mais l’enjeu de la baisse de la dépense publique ne passe pas par ce type d’opération. L’enjeu, c’est celui de l’efficacité des services de l’État, à laquelle les contribuables sont attachés.

C’est vous, monsieur Roussel, qui avez introduit dans le débat la question de la hausse des minimas sociaux par rapport à celle, potentielle, des tarifs de l’électricité. Franchement, il faut regarder la réalité des chiffres pour comparer ce qui est comparable. Vous avez pris l’exemple de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). En deux ans, grâce à cette majorité, elle a augmenté de 90 euros par mois par allocataire. Cet article entraînera une augmentation du prix de la consommation d’électricité de 55 euros par an au maximum dans quelques communes.

La commission rejette les amendements identiques I-CF207 et I-CF744.

La commission examine, en discussion commune, les amendements I‑CF1192 et I‑CF1195 de M. Christophe Jerretie.

M. Christophe Jerretie. Nous n’allons pas refaire le débat que nous avons eu ce matin. Mes amendements tendent seulement à montrer qu’il est possible de baisser cette taxe facilement, en utilisant un outil existant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Les amendements I‑CF1192 et I‑CF1195 sont retirés.

La commission adopte l’article 13 sans modification.

 

 


Article 14
Refonte des taxes sur les véhicules à moteur

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article poursuit un triple objectif.

D’abord, il finalise le cadre fixant les modalités de mise en œuvre des nouvelles méthodes de détermination des émissions de CO2 des véhicules à moteur mis en place par l’article 69 de la loi de finances pour 2020. Cette ventilation entre méthodes est applicable pour les taxes dont le fait générateur intervient à compter du 1er mars 2020.

Ensuite, il rationalise les procédures et méthodes de taxation des impôts sur l’utilisation des véhicules à moteur, qui comprennent la taxe spéciale sur les véhicules routiers (TSVR) et la taxe sur les véhicules de société (TVS). À cette occasion, le recouvrement et le contrôle de la TSVR est transféré à la Direction générale des finances publiques (DGFiP) en lieu et place de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Les modalités de détermination de ces taxes, anciennes, sont rapprochées afin de les rendre et rendues plus cohérentes avec les enjeux environnementaux contemporains. Ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2022.

Enfin, il fixe les barèmes 2021 et 2022 du malus CO2 à l’immatriculation. Ce malus fait l’objet d’un net renforcement, en lien avec les travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Il est ainsi proposé d’abaisser le seuil d’entrée dans le malus, et de doubler son montant au niveau marginal, à 40 000 euros, en 2021.

Dernières modifications législatives intervenues

Le malus automobile a été modifié en dernier lieu par l’article 69 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

La taxe sur les véhicules de société a été modifiée en dernier lieu par l’article 69 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

La taxe spéciale sur les véhicules routiers a été modifiée en dernier lieu par les articles 59 et 63 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances pour 2018.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En premier lieu, la commission a adopté un amendement de la commission du développement durable visant à exonérer, dès 2021, les véhicules fonctionnant à l’hydrogène de la composante CO2 de la taxe sur les véhicules de société.

Un second amendement de la commission du développement durable, qui vise à exonérer, dès 2021, les véhicules fonctionnant à l’hydrogène de la composante pollution atmosphérique de la taxe sur les véhicules de société, a été adopté.

En dernier lieu, la commission a adopté 4 amendements identiques de Mmes Véronique Louwagie et Lise Magnier ainsi que de MM. Dino Cinieri et Charles de Courson, visant à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, avant le 1er octobre 2021, portant sur l’évaluation de la fiscalité automobile en France.

 

I.   L'État du droit

A.   La taxation des véhicules à moteur obéit à des faits générateurs différents

1.   Le malus automobile est une taxe à l’immatriculation

Lors de sa première immatriculation en France, un véhicule de tourisme peut être soumis à un malus prévu à l’article 1011 bis du code général des impôts (CGI).

Lorsque, au moment de sa première immatriculation en France, un véhicule n’est pas un véhicule de tourisme ou est un véhicule de tourisme exonéré, le malus s’applique lors de l’immatriculation consécutive à la première modification de ses caractéristiques techniques le faisant répondre à la définition d’un véhicule de tourisme ou lui faisant perdre le bénéfice de cette exonération.

La taxe est assise, pour les véhicules relevant du « nouveau dispositif d’immatriculation au sens de l’article 1007 du CGI », sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2([277]).

Le nouveau système d’immatriculation

Au 1er mars 2020, le nouveau système d’immatriculation des véhicules (SIV) intégrant la nouvelle homologation WLTP (v. infra) et l’individualisation des rejets de CO2 via le nouveau certificat de conformité électronique (e-Coc) a été mis en place.

L’objectif est d’identifier les véhicules pour lesquels les émissions inscrites sur le certificat d’immatriculation sont des mesures WLTP.

Les véhicules relevant du nouveau dispositif d’immatriculation s’entendent des véhicules des catégories M1 ([278]), M2 ([279]), N1 ([280]) et N2 ([281]) pour lesquels la première immatriculation en France est délivrée à compter du 1er mars 2020.

Ne relèvent pas de ce nouveau dispositif les véhicules pour lesquels les émissions de dioxyde de carbone n’ont pas été déterminées conformément à l’annexe XXI du règlement (UE) 2017/1151 de la Commission du 1er juin 2017 complétant le règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, modifiant la directive 2007/46/ CE du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) n° 692/2008 de la Commission et le règlement (UE) n° 1230/2012 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) n° 692/2008. En d’autres termes, il s’agit des véhicules dont il n’a pas été possible de mesurer les émissions à l’aune de la méthode de calcul WLTP. Entrent dans cette catégorie les véhicules d’occasion importés depuis un État membre de l’Union européenne ou encore les véhicules neufs qui n’ont pas fait l’objet de réception communautaire, à l’instar de certains véhicules provenant du marché américain ou asiatique.

Pour les véhicules qui ne relèvent pas du nouveau dispositif d’immatriculation, la taxe est assise sur la puissance administrative qu’ils développent.

La puissance administrative d’un véhicule à moteur, exprimée en chevaux fiscaux (CV), est déterminée à partir des caractéristiques techniques constatées lors de la réception du véhicule.

Les méthodes de calcul de la puissance administrative

Pour les véhicules de la catégorie M1, la puissance administrative (PA) est déterminée à partir de la puissance nette maximale du moteur (PM), exprimée en kilowatts, au moyen de la formule suivante :

PA = 1,80 (PM/100)2 + 3,87 x (PM/100) + 1,34.

Par dérogation, pour les voitures particulières immatriculées pour la première fois en France entre le 1er juillet 1998 et le 1er janvier 2021 et relevant d’un type réceptionné avant le 1er novembre 2019 pour lequel aucune modification n’a été soumise depuis cette date, la puissance administrative (PA) est déterminée à partir de la puissance nette maximale du moteur (PM), exprimée en kilowatts, et des émissions de dioxyde de carbone (CO2) selon la formule suivante :

PA = CO2/45 + (P/40)1,6.

Pour les véhicules des autres catégories administratives (M2, N1, N2) ainsi que pour les voitures particulières immatriculées avant le 1er juillet 1998, la puissance administrative est déterminée conformément aux règles définies par les circulaires annexées à la loi du 22 juin 1993 de finances rectificative pour 1993.

Le tarif de la taxe, pour les véhicules qui relèvent du nouveau système d’immatriculation, est fixé par le barème prévu au a du III de l’article 1011 bis du CGI.

Ce barème comprend 74 tranches progressives d’un gramme de CO2 chacune, allant de l’exonération pour les véhicules émettant 138 grammes de CO2 ou moins à 20 000 euros pour les véhicules émettant 212 grammes de CO2 ou plus ([282]).

Les mesures des valeurs d’émission : du NEDC au WLTP

La mise sur le marché des véhicules à moteur est encadrée par le droit européen : elle dépend d’une autorisation administrative préalable de mise sur le marché, la « réception ».

Le processus de réception implique, notamment, le passage d’essais permettant de déterminer les émissions de CO2 du véhicule, afin de contrôler le respect, par les constructeurs, des obligations qui pèsent sur eux en la matière.

De 1973 à 2018, la méthode de détermination des émissions de CO2 a reposé sur le « nouveau cycle européen de conduite » – new european driving cycle, NEDC.

Définitivement discrédité par le scandale dit du « Dieselgate », au titre duquel le constructeur allemand Volkswagen est accusé d’avoir utilisé différentes techniques visant à frauduleusement réduire les émissions polluantes de certains de ces moteurs diesel et essence lors des tests d’homologation, le NEDC a été remplacé, depuis le 1er septembre 2018, par une nouvelle procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers, la norme « WLTP » (« Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure »).

Le nouveau protocole WLTP ([283]) est basé sur des cycles de roulage plus réalistes : il se déroule non plus en laboratoire mais sur un circuit de 23,25 kilomètres, sur lequel la voiture testée roule durant 30 minutes avec des vitesses moyenne et maximale plus élevées que dans le cadre du protocole NEDC. Ce cycle aboutit à une réévaluation des mesures d’émission calculées.

Par ailleurs, le cycle WLTP prend en compte le poids des options du véhicule pour déterminer ses émissions.

La mise en œuvre de ce nouveau protocole a impliqué une période transitoire entre le 1er septembre 2018 et le 29 février 2020 au cours de laquelle la méthode « NEDC corrélé » a été utilisée.

Désormais, pour les véhicules neufs immatriculés depuis cette dernière date, le barème du malus basé sur les émissions de CO2 est uniquement fondé sur des valeurs calculées selon la méthode WLTP.

Le tarif de la taxe, pour les véhicules qui ne relèvent pas du nouveau système d’immatriculation, est fixé par le barème prévu au b du III de l’article 1011 bis du CGI.

barème du malus assis sur la puissance administrative pour les véhicules dont les émissions ne peuvent être déterminées

Puissance administrative (en CV)

Tarif 2020 (en euros)

Inférieur ou égal à 5

0

Supérieur ou égal à 6 et inférieur ou égal à 7

3 125

Supérieur ou égal à 8 et inférieur ou égal à 9

6 250

Supérieur ou égal à 10 et inférieur ou égal à 11

9 375

Supérieur ou égal à 12 et inférieur ou égal à 13

12 500

Supérieur ou égal à 14 et inférieur ou égal à 15

15 625

Supérieur ou égal à 16 et inférieur ou égal à 17

18 750

Supérieur ou égal à 18

20 000

Source : article 1011 bis du CGI.

2.   La TVS et la TSVR sont des taxes à l’utilisation

a.   La TVS

Conformément à l’article 1010 du CGI, les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu’elles utilisent en France, quel que soit l’État dans lequel ils sont immatriculés, ou qu’elles possèdent et qui sont immatriculés en France.

Sont concernés par le paiement de cette taxe sur les véhicules de société (TVS), les voitures particulières et certains véhicules de la catégorie « N1 ». La TVS n’est pas perçue lors de l’immatriculation du véhicule mais sur une base annuelle. Elle bénéfice à la branche famille du régime général de Sécurité sociale.

Le montant de la taxe est égal à la somme de deux composantes :

– d’une part, une composante relative aux émissions de polluants atmosphériques, variable selon l’année de première mise en circulation du véhicule et le carburant utilisé ;

composante de tvs relative aux Émissions de polluants atmosphÉriques

(en euros)

Année de première mise en circulation du véhicule

Motorisation essence et assimilée

Motorisation diesel et assimilée

Jusqu’au 31 décembre 2000

70

600

De 2001 à 2005

45

400

De 2006 à 2010

45

300

De 2011 à 2014

45

100

À compter de 2015

20

40

Source : article 1010 du CGI.

– d’autre part, une composante CO2, variable selon la date depuis laquelle la société possède ou utilise le véhicule :

-         les véhicules relevant du nouveau dispositif d’immatriculation se voient appliquer un tarif variable en fonction croissante du taux d’émission de dioxyde de carbone (de 0 euro pour une émission inférieure à 20 grammes par kilomètre à 29 euros le gramme pour une émission supérieure à 270 grammes) ([284]) ;

-         les véhicules dont la première mise en circulation intervient à compter du 1er juin 2004, qui ne relèvent pas du nouveau dispositif d’immatriculation et qui n’étaient pas possédés ou utilisés avant le 1er janvier 2006 se voient également appliquer un tarif variable en fonction croissante du taux d’émission de dioxyde de carbone, mais dont les tarifs sont différents (de 0 euro pour une émission inférieure à 20 grammes par kilomètre à 29 euros le gramme pour une émission supérieure à 250 grammes) ;

-         les autres véhicules, plus anciens, se voient appliquer un tarif croissant en fonction de leur puissance, exprimée en chevaux-vapeur fiscaux (de 750 euros pour les véhicules dont la puissance fiscale n’excède pas 3 chevaux à 4 500 euros pour ceux de plus de 15 chevaux).

Le montant de la taxe est la somme de ces deux composantes.

Sont exonérés de la composante CO2 pendant 12 trimestres, décomptés à partir du premier jour du premier trimestre en cours à la date de la première mise en circulation du véhicule, les véhicules ceux dont les émissions en dioxyde de carbone sont inférieures ou égales à 120 grammes de CO2 pour les véhicules qui relèvent du nouveau SIV, et inférieures ou égales à 100 grammes de CO2 pour les véhicules qui n’en relèvent pas. Cette exonération s’applique aux véhicules qui combinent :

– soit l’énergie électrique et une motorisation à l’essence, au gaz de pétrole liquéfié, au gaz naturel ou au superéthanol E85 ;

– soit l’essence et du gaz naturel carburant ou du gaz du pétrole liquéfié.

b.   La TSVR

Pour financer l’entretien de la voirie, la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), dite « taxe à l’essieu », s’applique aux véhicules de fort tonnage. Les articles 284 bis à 284 sexies bis du code des douanes fixent son régime.

Sont soumis à la taxe les véhicules immatriculés en France ou hors de l’Union européenne :

– ayant au moins deux essieux et dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur ou égal à 12 tonnes ;

– composés d’un tracteur et d’une semi-remorque, dont le poids total roulant autorisé (PTRA) est supérieur ou égal à 12 tonnes ;

– les remorques d’un PTAC égal ou supérieur à 16 tonnes.

La taxe n’est pas applicable aux véhicules qui sont spécialement conçus pour le transport de personnes, ni à ceux qui sont mentionnés à l’article 284 bis B du code des douanes ([285]).

De même, les véhicules de collection ne sont pas redevables de la TSVR.

Le tarif de la taxe est fonction du poids du véhicule et du nombre de ses essieux. Il est calculé par semestre.

tarifs de la tsvr

(en euros)

Catégorie de véhicules

Poids total autorité en charge (PTAC) ou poids total roulant autorisé (PTRA)

Tarifs par semestre

Égal ou supérieur à

Et inférieur à

Suspension pneumatique

Autres systèmes de suspension

Véhicules automobiles porteurs 

2 essieux

12

– 

68

138

3 essieux

12

– 

112

174

4 essieux et plus

12

27

74

114

27

– 

182

270

Véhicules articulés composés d’un tracteur et d’un semi-remorque

Semi-remorque à 1 essieu

12

20

8

16

20

– 

88

154

Semi-remorque à 2 essieux

12

27

58

86

27

33

168

234

33

39

234

354

39

– 

314

466

Semi-remorque à 3 essieux ou plus

12

38

186

258

38

– 

258

350

Remorques, quel que soit le nombre d’essieux

16

– 

60

60

Source : article 284 ter du code des douanes.

Si un véhicule assujetti circule pendant seulement une partie du semestre, le redevable peut solliciter une régularisation sur la base du tarif semestriel à proportion du temps de circulation, calculé en mois ([286]). Chaque fraction de mois est comptée pour un mois entier.

B.   une évolution de la fiscalité pesant sur les véhicules particuliers perÇue comme nÉcessaire

1.   Des objectifs européens qui contraignant à une baisse continue des émissions des véhicules neufs

Le transport est le « mauvais élève » du protocole de Kyoto. Depuis 1990, l’ensemble des secteurs économiques ont diminué leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’Union européenne ; seul le transport, qui représente plus d’un quart des rejets de la zone, a vu son bilan s’aggraver : + 23 % en 2018 par rapport à 1990 ([287]).

Dès les années 1990, la Commission européenne a mis en place une stratégie de réduction des rejets de CO2 du secteur automobile reposant sur trois piliers : une baisse des émissions des voitures neuves, une fiscalité incitative et un étiquetage pour informer le consommateur.

La Commission européenne a d’abord misé sur un accord volontaire : les constructeurs automobiles européens se sont engagés en 1998 à réduire les émissions de CO2 de leurs voitures neuves de 25 % par rapport à 1995 pour atteindre 140 g/km en 2008. Il est apparu à la Commission, en 2005, que l’objectif ne serait pas atteint. Une logique d’obligation a alors remplacé une logique de responsabilité : une première limite de 130 g/km a été imposée aux constructeurs automobiles en 2009 pour l’année 2015 et atteinte par la plupart d’entre eux avec deux ans d’avance.

Actuellement, en application du règlement du 23 avril 2009 révisé ([288]), les constructeurs distribuant leurs véhicules en Europe sont soumis à une obligation de respect d’un objectif moyen d’émission de 95 grammes de CO2 par kilomètre pour le parc de véhicules neufs vendu à fin 2020. Cette obligation est sanctionnée par l’institution d’une prime sur les émissions excédentaires par rapport à l’objectif d’équilibre, de 95 euros par voiture neuve pour chaque voiture dépassant l’objectif de 95 grammes ; la somme abondera, le cas échéant, le budget général de l’Union européenne.

Or, les dernières données disponibles font état d’un niveau d’émission moyen, s’agissant des véhicules particuliers, de 122,4 grammes de CO2 par kilomètre, bien au-delà de la cible de 95 grammes de CO2 par kilomètre ([289]), notamment du fait des ventes de SUV (sport utility vehicle).

La France se classe parmi les meilleurs élèves européens, puisque la moyenne d’émission des véhicules neufs est passée de 112 grammes de CO2 par kilomètre en 2019, à 99 grammes de CO2 par kilomètre au premier semestre 2020 ([290]). Cela est dû aux bonnes performances de la production des constructeurs français, dont les ventes sont majoritaires en France, et qui font baisser le niveau d’émission moyen des véhicules neufs immatriculés sur le territoire national. Le groupe PSA possède ainsi un niveau d’émission, au premier semestre 2020, de 90 grammes de CO2 par kilomètre ; il est de 97,3 grammes de CO2 par kilomètre pour Renault.

Pour autant, les règles européennes sont encore amenées à se durcir progressivement.

L’accord de Paris adopté au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, signé le 22 avril 2016, fixe un objectif visant à maintenir l’élévation de la température moyenne de la planète « nettement » en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

Les dernières conclusions scientifiques présentées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) confirment sans équivoque les effets néfastes du changement climatique. Ce rapport spécial conclut qu’il est indispensable de réduire les émissions dans tous les secteurs pour contenir le réchauffement planétaire.

L’accord de Paris a été ratifié par l’ensemble des pays de l’Union européenne, ainsi que par l’Union européenne elle-même le 5 octobre 2016.

Dans sa communication du 28 novembre 2018 ([291]), la Commission européenne a exposé sa vision des transformations économiques et sociétales requises pour parvenir à un niveau d’émissions de gaz à effet de serre nul au sein de l’Union européenne à l’horizon 2050.

Cette communication énonce clairement qu’il convient de réduire davantage les émissions provenant des véhicules à moteurs à combustion conventionnels après 2020. Les véhicules à émission nul ou faible devront, eux, être déployés avec plus d’intensité d’ici 2030.

Le règlement 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 ([292]) décline cette ambition.

Ainsi, le droit européen porte désormais l’objectif contraignant d’une réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, pour l’ensemble de l’économie, d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990.

En outre, est prévu un objectif d’une baisse supplémentaire de 37,5 % des émissions moyennes de CO2 des voitures neuves à horizon 2030 par rapport à 2021.

2.   Les niveaux d’émissions élevés du secteur des transports ont conduit à une prise de conscience nationale, récemment exprimée par la Convention citoyenne sur le climat

Par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 17 août 2015 ([293]), la France s’était donné pour objectif de réduire de 40 % ses émissions en 2030 par rapport à 1990 confirmant l’engagement à diviser par 4 ses émissions de GES entre 1990 et 2050.

À cette fin, cette même loi a créé deux exercices stratégiques : la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE).

Puis, la loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019 ([294]) a prévu l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à 6 entre 1990 et 2050.

Enfin, la loi relative à l’orientation des mobilités ([295]) a prévu, pour la première fois, un objectif de décarbonation complète du transport terrestre en 2050.

C’est pour atteindre l’ensemble de ces objectifs que la Convention citoyenne pour le climat a été installée en octobre 2019 par le Premier ministre Édouard Philippe.

Cette Convention citoyenne regroupe 150 citoyens tirés au sort afin de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 » ([296]).

Le rapport de la Convention citoyenne, remis au Premier ministre le 29 juin 2020, comprend 150 propositions.

Après avoir constaté que le secteur des transports constituait, en France, le premier secteur émetteur de GES – 30,8 % du total national, en 2019 – et le seul dont les émissions se sont accrues durant la période 1990-2019 – de 9 points – la Convention citoyenne a formulé plusieurs propositions directement reliées au secteur routier.

Les émissions du transport proviennent en effet essentiellement du secteur routier, qui représentaient 94 % des émissions du secteur, en 2019. Plus précisément, 51 % des émissions du secteur sont dues aux véhicules particuliers au diesel et à essence, 22 % aux poids-lourds et 19 % aux véhicules utilitaires légers. Le reliquat est lié au secteur aérien.

Ainsi, a été proposé de « renforcer très fortement le malus sur les véhicules polluants 

II.   un dispositif qui durcit le barème du malus automobile et parachÈve la réforme de la fiscalité des véhicules routiers

A.   les évolutions proposées

1.   Une finalisation du cadre fixant les modalités de mise en œuvre des nouvelles méthodes de détermination des émissions de CO2

Les 1°, 2°, 3° et 4° du I présent article opèrent une coordination et un nettoyage légistiques qui permettent la prise en compte définitive des nouvelles mesures de calcul WLTP.

Compte tenu des contraintes opérationnelles, l’échéancier initialement prévu par la loi de finances pour 2020 de prise en compte des émissions WLTP sur le certificat d’immatriculation n’a pu être intégralement tenu pour certaines catégories de véhicules.

Si, pour l’ensemble des voitures particulières et des camionnettes neuves ces émissions ont pu être prises en compte pour les premières immatriculations en France à compter du 1er mars 2020, tel n’a pas été le cas pour les autres catégories de véhicules.

Le présent article prévoit donc l’échéancier suivant afin de clarifier la ventilation des méthodes de calcul :

échéancier de passage des émissions en wltp sur le certificat d’immatriculation

Caractéristiques du véhicule

Date de la première immatriculation en France

Véhicules des catégories M1 et N1

À partir du 1er mars 2020.

Véhicules des catégories M1 et N1 à usage spécial

À partir du 1er juillet 2020.

Véhicules M1 et N1 ayant préalablement fait l’objet d’une immatriculation hors de France

À partir du 1er janvier 2021.

Véhicules M2 et N2

À partir de dates fixées par décret, et au plus tard le 1er janvier 2024.

Source : commission des finances.

Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 1007 bis du CGI, pour les véhicules homologués avec les cycles WLTP et dont la première immatriculation en France intervient à compter de ces dates, les émissions WLTP seront inscrites sur le certificat d’immatriculation et utilisées pour les besoins des dispositifs fiscaux, budgétaires et réglementaires.

Pour les autres véhicules, qu’il s’agisse de véhicules homologués avec les cycles NEDC ou de véhicules homologués avec les cycles WLTP mais immatriculés pour la première fois en France avant ces dates, il sera recouru aux émissions NEDC.

2.   Une fixation du malus CO2 à l’immatriculation qui prend en compte les orientations proposées par la Convention citoyenne pour le climat

a.   Le barème du malus CO2 pour 2021

Le 1° du IV du présent article modifie le K du I de l’article 69 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, afin de fixer le barème en émissions de dioxyde de carbone du malus à compter du 1er janvier 2021.

Le nouveau barème comprend 95 tranches progressives d’un gramme chacune, allant de l’exonération pour les véhicules émettant 131 grammes de CO2 par kilomètre ou moins à 40 000 euros pour les véhicules émettant 226 grammes de CO2 par kilomètre ou plus.

Ainsi, le nouveau barème comporte 20 tranches de plus que celui dont était affecté le malus CO2 en 2020. Le seuil d’entrée est abaissé de 7 grammes. Le seuil marginal passe, quant à lui, de 212 à 226 grammes par kilomètre.

Le tarif relatif au seuil marginal d’émission double, de 20 000 à 40 000 euros.

comparaison de données entre le malus 2020 et le malus 2021

(en euros)

Émissions de dioxyde de carbone en g/km

Exemple de véhicule

Tarif par véhicule 2020

Tarif par véhicule 2021

131

Peugeot 208 Puretech 100

50

137

Citroën C3 III

0

190

138

Citroën C4 Cactus Puretech 130

50

210

140

Peugeot 3008 II Blue Hdi 150

100

240

150

Peugeot 5008 PureTech 130

310

740

160

Renault Grand Scénic

983

1 761

170

Peugeot 5008 PureTech 180

2 205

3 552

180

Jeep Renegade

4 279

6 375

190

Mercedes E 300

7 462

10 488

200

Audi Q3 45 TFSI 230

12 012

16 149

213

Maserati Ghibli hybride

20 000

26 247

Supérieures à 226

Aston Martin DBS Superleggera

20 000

40 000

Source : commission des finances.

Le barème en puissance administrative est également modifié.

barème du malus assis sur la puissance administrative pour les véhicules dont les émissions ne peuvent être déterminées, pour 2021

Puissance administrative (en CV)

Tarif 2021 (en euros)

Puissance administrative (en CV)

Tarif 2021 (en euros)

Jusqu’à 4

0

15

16 000

5

500

16

18 750

6

2 250

17

20 500

7

3 500

18

23 000

8

4 750

19

25 500

9

6 500

20

28 000

10

8 000

21

30 500

11

9 500

22

33 000

12

11 500

23

35 500

13

12 750

24

38 000

14

14 500

À partir de 25

40 000

Source : présent article.

b.   Le barème du malus CO2 pour 2022

Le 8° du I du présent article modifie le III de l’article 1012 ter du CGI, afin de fixer le barème en émissions de dioxyde de carbone du malus à compter du 1er janvier 2021.

Le barème 2022 comprend 103 tranches progressives d’un gramme chacune, allant de l’exonération pour les véhicules émettant 123 grammes de CO2 par kilomètre ou moins à 50 000 euros pour les véhicules émettant plus de 226 grammes de CO2 par kilomètre.

comparaison de données entre le malus 2021 et le malus 2022

(en euros)

Émissions de dioxyde de carbone en g/km

Tarif par véhicule 2021

Tarif par véhicule 2022

123

Exemple de véhicule : Renault Clio V 1.0 TCE

0

50

130

Exemple de véhicule : C4 Cactus

0

210

131

50

230

140

240

540

150

740

1 504

160

1 761

3 119

170

3 552

5 715

180

6 375

9 550

190

10 488

14 881

200

16 149

21 966

213

26 247

34 224

226

40 000

50 000

Source : commission des finances.

Logiquement, le barème en puissance administrative est également modifié.

barème du malus assis sur la puissance administrative pour les véhicules dont les émissions ne peuvent être déterminées, pour 2022

Puissance administrative (en CV)

Tarif 2022 (en euros)

Puissance administrative (en CV)

Tarif 2022 (en euros)

Jusqu’à 3

0

16

20 500

4

500

17

23 000

5

2 250

18

25 500

6

3 500

19

28 000

7

4 750

20

30 500

8

6 500

21

33 000

9

8 000

22

35 500

10

9 500

23

38 000

11

11 500

24

40 000

12

12 750

25

42 500

13

14 500

26

45 000

14

16 000

27

47 500

15

18 750

28 et au-delà

50 000

Source : présent article.

Pour les véhicules dont la première immatriculation est intervenue à compter du 1er janvier 2022, le tarif du malus CO2 est plafonné à 50 % du prix d’acquisition du véhicule, conformément aux dispositions du a du 8° du présent article. Cette limitation n’est pas prévue pour les véhicules dont la première immatriculation sera effectuée entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021.

3.   Une rationalisation des procédures et méthodes de taxation des impôts sur l’utilisation des véhicules

Le du présent article réécrit le II de la section III du chapitre III du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts, qui concerne actuellement la taxe sur les véhicules de sociétés.

Le II de cette section III est renommé « taxes à l’utilisation ».

Son nouvel article 1010 dispose que les véhicules utilisés en France pour les besoins de la réalisation d’activités économiques font l’objet :

– pour les véhicules de tourisme, d’une taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone ainsi que d’une taxe annuelle relative aux émissions de polluants atmosphériques ;

– pour les véhicules lourds de transport de marchandises, d’une taxe annuelle à l’essieu.

Il est ainsi proposé que la TVS et la TSVR fassent désormais l’objet de règles communes.

L’article 1010 bis du CGI dans sa rédaction proposée par le présent dispositif expose le fait générateur des taxes, à savoir l’utilisation d’un véhicule pour les besoins de la réalisation d’une activité économique et lorsque l’une des conditions suivantes est remplie :

– ils sont immatriculés en France, ou temporairement autorisés à la circulation en France, et ils sont détenus par une entreprise ou font l’objet d’une formule locative de longue durée au bénéfice d’une entreprise ;

– ils circulent sur les voies ouvertes à la circulation publique du territoire national et une entreprise prend à sa charge, totalement ou partiellement, les frais engagés par une personne physique pour son acquisition ou son utilisation, quelle que soit la forme de cette prise en charge ;

– dans les cas autres, ils circulent sur les voies ouvertes à la circulation publique du territoire national pour les besoins de la réalisation d’une activité économique.

Selon le nouvel article 1010 ter du CGI, le redevable des taxes à l’utilisation est l’utilisateur du véhicule, qui s’entend, selon les cas, du propriétaire, du preneur qui bénéficie d’une formule locative de longue durée, de la personne qui dispose du véhicule, ou de l’entreprise.

L’article 1010 quinquies du CGI nouveau est relatif au montant de ces taxes à l’utilisation.

Ce montant est égal, pour chaque véhicule, au produit entre la proportion annuelle d’utilisation et un tarif fixé, pour chaque véhicule, en fonction de ses caractéristiques techniques à la date d’utilisation, dans les conditions prévues aux articles 1010 septies à 1010 nonies nouveaux du CGI (v. infra).

Contrairement aux tarifs, qui sont adaptés à chaque véhicule, le calcul de la proportion annuelle d’utilisation du véhicule est commun à l’ensemble des taxes à l’utilisation.

Cette proportion annuelle d’utilisation visée à l’article 1010 quinquies nouveau du CGI est égale au quotient entre, d’une part, le nombre de jours où le redevable est utilisateur du véhicule et, d’autre part, le nombre de jours de l’année.

Par dérogation, le redevable pourra opter pour un calcul forfaitaire de la proportion annuelle d’utilisation sur une base trimestrielle. En cas de recours à cette option, la proportion annuelle d’utilisation d’un véhicule est égale au produit entre d’une part 25 % et d’autre part le nombre de trimestres civils au cours desquels le redevable utilise le véhicule.

Selon les dispositions de l’article 1010 sexies nouveau du CGI, les taxes à l’utilisation sont liquidées :

– pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée soumis au régime normal d’imposition mentionné au 2° de l’article 287 du CGI, sur l’annexe à la déclaration mentionnée au 1 du même article 287 déposée au titre du mois de décembre ou du quatrième trimestre de l’année au cours de laquelle la taxe est devenue exigible ;

– pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée soumis au régime réel simplifié d’imposition prévu à l’article 302 septies A du CGI, sur la déclaration annuelle mentionnée au 3 de l’article 287 du CGI déposée au titre de l’exercice au cours duquel la taxe est devenue exigible ;

– dans tous les autres cas, sur l’annexe à la déclaration prévue au 1 de l’article 287 du CGI, déposée auprès du service de recouvrement dont relève le siège ou le principal établissement du redevable, au plus tard le 25 janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible.

Le II de l’article 1010 sexies du CGI tel qu’issu du présent article postule que l’ensemble des taxes à l’immatriculation seront désormais recouvrées et contrôlées selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires.

Aussi, la gestion, le recouvrement et le contrôle de la taxe à l’essieu sera désormais de la compétence de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), et non plus de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

a.   Le tarif de la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde des véhicules de tourisme utilisés pour les besoins d’une activité professionnelle

La taxe annuelle sur les émissions de dioxyde des véhicules de tourisme utilisés pour les besoins d’une activité professionnelle n’est pas due lorsque lesdites émissions sont inférieures à 21 grammes de CO2 par kilomètre. Elle est ensuite progressive, allant d’un montant de 17 euros pour un véhicule émettant 21 grammes de CO2 par kilomètre à 7 747 euros pour un véhicule émettant 269 grammes de CO2 par kilomètre.

Lorsque les émissions de dioxyde de carbone sont supérieures à 269 grammes de CO2 par kilomètre, le tarif de cette taxe est égal au produit entre les émissions et 29 euros par gramme par kilomètre.

Pour les véhicules ne relevant pas du nouveau dispositif d’immatriculation, ayant fait l’objet d’une réception européenne, immatriculés pour la première fois à compter du 1er juin 2004 et qui n’étaient pas utilisés par le redevable avant le 1er janvier 2006, le tarif de la taxe est égal au produit entre les émissions de dioxyde de carbone, exprimées en grammes par kilomètre, et un tarif unitaire, exprimé en euro par gramme par kilomètre, déterminé en fonction de ces mêmes émissions à partir du barème suivant :

tarifs de taxe annuelle sur les émissions de dioxyde des véhicules de tourisme utilisés pour les besoins d’une activité professionnelle qui ne relèvent pas du nouveau dispositif d’immatriculation

Émissions de dioxyde de carbone (en g/km)

Tarif unitaire (en euros par gramme par kilomètre)

Inférieures ou égales à 20

0

De 21 à 60

1

De 61 à 100

2

De 101 à 120

4,5

De 121 à 140

6,5

De 141 à 160

13

De 161 à 200

19,5

De 201 à 250

23,5

Supérieures ou égales à 251

29

Source : article 1010 septies du CGI tel qu’issu du présent article.

Pour les autres véhicules qui n’entrent pas dans les deux cas de figure exposés supra, le montant de la taxe est déterminé en fonction de la puissance administrative.

Sont exonérés de la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone :

– les véhicules accessibles en fauteuil roulant ;

– les véhicules exclusivement affectés par le redevable à la location ;

– les véhicules pris en location par le redevable sur une période d’au plus un mois civil, ou trente jours consécutifs ;

– les véhicules exclusivement affectés par le redevable à la mise à disposition gratuite et temporaire de ses clients en remplacement de leur véhicule immobilisé ;

– les véhicules utilisés pour le transport public de personnes ;

– les véhicules utilisés pour les besoins des activités agricoles ou forestières ;

– les véhicules utilisés pour l’enseignement de la conduite ;

– les véhicules utilisés pour l’enseignement du pilotage ou les compétitions sportives ;

– les véhicules utilisés pour les besoins des opérations mentionnées au 9° du 4 et au 7 de l’article 261, à savoir, d’une part, les prestations de service et livraisons de biens fournies à leurs membres par des organismes agissant sans but lucratif et qui poursuivent des objectifs de nature philosophique, religieuse, politique, patriotique, civique ou syndicale et, d’autre part, les services et opérations réalisés par les organismes d’intérêt général ;

– les véhicules utilisés par les entrepreneurs individuels ;

– les véhicules dont la source d’énergie est exclusivement l’électricité, l’hydrogène ou une combinaison des deux ;

– les véhicules dont la source d’énergie combine :

b.   Le tarif de taxe annuelle relative aux émissions de polluants atmosphériques des véhicules de tourisme utilisés pour les besoins d’une activité professionnelle

Selon l’article 1010 octies nouveau du CGI, le tarif de la taxe annuelle relative aux émissions de polluants atmosphériques est déterminé en fonction de l’année de la première immatriculation du véhicule et de sa source d’énergie.

tarif de la taxe annuelle relative aux émissions de polluants atmosphÉriques des véhicules de tourisme utilisés pour les besoins d’une activité professionnelle

(en euros)

Année de première immatriculation du véhicule

Tarif lorsque la source d’énergie est exclusivement le gazole

Tarif pour les autres sources d’énergie

À partir de 2015

40

20

De 2011 à 2014

100

45

De 2006 à 2010

300

45

De 2001 à 2005

400

45

Jusqu’à 2000

600

70

Source : article 1010 octies du CGI tel qu’issu du présent dispositif.

Sont exonérés de cette taxe les véhicules qui correspondent à ceux qui sont exonérés de la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone de l’article 1010 septies nouveau du CGI (v. supra).

c.   La taxe annuelle à l’essieu

La taxe spéciale sur les véhicules routiers est refondue et renommée « taxe annuelle à l’essieu ».

Cette taxe s’applique aux véhicules suivants dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur à 12 tonnes :

– véhicules des catégories N2 et N3 dont la conception permet le transport de marchandises sans remorque ou semi-remorque ;

– remorques de la catégorie O4 d’un poids total autorisé en charge au moins égal à seize tonnes, lorsqu’elles sont tractées par un véhicule relevant de l’alinéa précédent ou un ensemble de véhicules relevant de l’alinéa suivant ;

– ensembles constitués d’un véhicule de catégorie N2 ou N3 couplé à une semi-remorque de la catégorie O ;

– tout autre véhicule, ou ensemble de véhicules, utilisé pour réaliser des opérations de transport de marchandises analogues à celles pour la réalisation desquelles les véhicules mentionnés aux alinéas précédents sont conçus.

La taxe annuelle à l’essieu n’est pas applicable :

– aux véhicules immatriculés dans un autre État membre de l’Union européenne ;

– aux ensembles de véhicules dont l’un des éléments est immatriculé dans un autre État membre de l’Union européenne, lorsque cet ensemble y a déjà été soumis à une taxation analogue ;

– aux véhicules immatriculés dans un État tiers avec lequel la France a conclu un accord d’exonération réciproque, ou aux ensembles de véhicules dont l’un des éléments est immatriculé dans un tel État ;

– aux véhicules situés dans les territoires des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution.

Le tarif de la taxe annuelle à l’essieu est déterminé en fonction du nombre d’essieux, du poids total autorisé en charge, exprimé en tonnes, et de la présence ou non d’un système de suspension pneumatique.

tarifs de la taxe annuelle à l’essieu

(en euros)

Type de véhicule

Nombre d’essieux

PTAC ou PTRA du véhicule

Tarif en présence d’un système de suspension pneumatique

Tarif en l’absence d’un système de suspension pneumatique

Véhicule à moteur isolé

2

Supérieur ou égal à 12

124

276

3

Supérieur ou égal à 12

224

348

4 et plus

Supérieur ou égal à 12 et inférieur à 27

148

228

 

Supérieur ou égal à 27

364

540

Remorque de la catégorie O4

– 

Supérieur ou égal à 16

120

120

Ensemble articulé constitué d’un tracteur et d’un ou plusieurs semi-remorques

1

Supérieur ou égal à 12 et inférieur à 20

16

32

Supérieur ou égal à 20

176

308

2

Supérieur ou égal à 12 et inférieur à 27

116

172

Supérieur ou égal à 27 et inférieur à 33

336

468

Supérieur ou égal à 33 et inférieur à 39

468

708

Supérieur ou égal à 39

628

932

3 et plus

Supérieur ou égal à 12 et inférieur à 38

372

516

Supérieur ou égal à 38

516

700

Source : article 1010 nonies du CGI tel qu’issu du présent article.

Sont exonérés de la taxe annuelle à l’essieu :

– les véhicules utilisés pour les besoins de la défense nationale, de la protection civile, des services de lutte contre les incendies, des services publics de secours et des forces responsables du maintien de l'ordre ;

– les véhicules utilisés pour l’entretien des voies de circulation ;

– les véhicules affectés aux transports intérieurs aux enceintes des chantiers ou des entreprises, même si ces transports impliquent de traverser les voies ouvertes à la circulation publique ;

– les véhicules constitués d’un châssis routier sur lesquels sont installés à demeure, dans le cadre de travaux publics et industriels en France, les équipements suivants et qui sont exclusivement utilisés pour le transport de ces équipements :

– les véhicules de collection ;

– les véhicules utilisés pour le transport des marchandises des cirques, ainsi que pour la restauration et le logement des personnels des cirques ;

– les véhicules utilisés pour le transport des jeux, manèges forains et autres marchandises utilisées au sein des fêtes foraines ;

– les véhicules utilisés par les centres équestres ;

– les véhicules utilisés par les exploitants agricoles pour le transport de leurs récoltes.

B.   L’impact environnemental, économique et budgétaire

1.   Un dispositif à l’évidence favorable à l’environnement

Selon les termes de l’exposé des motifs du présent article, le renforcement du malus CO2 favorise la décarbonation du parc national des véhicules de tourisme.

De manière évidente, le malus vient accroître le prix du véhicule établi par le constructeur et peut ré-orienter le consommateur en direction de modèles dont le prix total est inférieur, car moins polluants.

De même, les constructeurs sont incités à proposer des modèles émettant toujours moins de CO2 afin que l’effet prix du malus ne décourage pas les consommateurs.

De fait, par l’effet désincitatif qui lui est consubstantiel, le malus oriente le marché vers des véhicules plus environnementalement vertueux.

Mais, pour que la décarbonation soit à terme complète, l’électrification du parc automobile est indispensable. Or, si la France vise 35 % de voitures électriques en 2030, le taux de pénétration de cette motorisation est longtemps demeuré faible.

En 2019, 42 764 voitures électriques ont été immatriculées (en hausse de 37,69 % par rapport à 2018) sur 2 172 967 véhicules particuliers vendus sur la période, soit une proportion de 1,97 %.

Au premier semestre 2020, le renforcement des aides à l’achat a permis un net surcroît d’immatriculations de véhicules électriques, avec 45 000 ventes (soit 6,3 %) des volumes, ainsi que des hybrides rechargeables, qui ont représenté 20 180 ventes, soit 2,8 % du total.

Ainsi, au premier semestre 2020, les véhicules électrifiés ont représenté 9,1 % du volume total des ventes.

Dans le cadre du plan de soutien à l’automobile présenté le 26 mai par le président de la République, la prime à la conversion a vu ses conditions s’assouplir, et le montant du bonus a été accru, de 6 000 à 7 000 euros (v. infra).

Sur les mois de juillet et août 2020, 23 692 véhicules électriques ont été immatriculés, soit le triple du volume enregistré pour la même période en 2019.

Les aides à l’acquisition des véhicules

Les deux dispositifs d’aide à l’acquisition des véhicules sont le bonus écologique et la prime à la conversion.

Le bonus écologique est une aide financière pour acheter ou louer un véhicule neuf économe en énergie : voiture, camionnette, scooter ou moto.

Pour son bénéfice, le véhicule particulier doit avoir un taux d’émission de CO2 de 50 grammes par kilomètre au maximum. Son montant, plafonné à 27 % du prix d’acquisition du véhicule, est de 7 000 euros pour un véhicule électrique dont le prix d’achat est inférieur à 45 000 euros et 3 000 pour un véhicule dont le prix d’achat est compris entre 45 000 et 60 000 euros ; il est nul au-delà.

Les véhicules à la motorisation hybride rechargeable dont le prix d’achat est inférieur à 50 000 peuvent bénéficier d’un bonus de 2 000 euros.

Complémentaire du bonus écologique et cumulable avec lui, la prime à la conversion, mise en place en 2015, permet sous conditions de revenus de bénéficier jusqu’à 12 000 euros d’aide publique (en cumulant bonus électrique et prime à la conversion) pour l’achat d’un véhicule électrique neuf avec mise au rebut d’un véhicule particulier (soit un véhicule diesel dont la première immatriculation est antérieure à 2006, soit un véhicule essence dont la première immatriculation est antérieure à 2011)

Son montant peut aller jusqu’à 3 000 euros pour l’achat d’un véhicule thermique neuf ou d’occasion et 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable neuf ou d’occasion, lorsque le foyer acquéreur dispose d’un revenu fiscal de référence inférieur à 13 489 euros.

Du 1er juin au 2 août 2020, les conditions d’octroi de la prime à la conversion ont été assouplies pour l’octroi de 200 000 primes : ont pu en bénéficier les ménages possédant un revenu fiscal de référence inférieur à 18 000 euros.

L’octroi des 200 000 primes a été achevé dès la fin du mois de juillet 2020.

2.   L’impact économique et budgétaire

a.   Des dispositions relatives au malus CO2

Selon l’évaluation préalable du présent article, « pour les particuliers comme pour les entreprises, le coût à l’achat des véhicules augmentera. Toutefois, cet effet est susceptible d’être compensé par la hausse des aides à l’acquisition des véhicules prévue par ailleurs ».

L’incidence budgétaire de ce dispositif, lié à la modification du malus CO2, « entraînerait pour l’État un gain supplémentaire de l’ordre de 140 millions d’euros en 2021 et de 740 millions d’euros en 2022, en faisant abstraction des effets comportementaux de la modification du barème, qui ne peuvent être actuellement modélisés ».

Ces données aboutissent – par rapport à la valeur de départ, c’est-à-dire le rendement du malus en 2020 qui figure dans la loi de finances initiale pour 2020, de 550 millions d’euros – à un rendement total de 690 millions d’euros en 2021 et 1 290 millions d’euros en 2022.

Malgré la disparition au 1er janvier 2019 du CAS Aide à l’acquisition de véhicules propres qui permettait de rapprocher budgétairement le malus d’une part, et la prime à la conversion et le bonus d’autre part, il demeure aisé d’assurer un suivi précis des crédits qu’il retraçait auparavant, qui se retrouvent au sein du programme 174 de la Mission Écologie, développement et mobilités durables.

montants des dispositifs liés à l’acquisition des véhicules

(en euros)

Dispositifs

Exécution 2018

Exécution 2019

Prévision 2020

Prévision 2021

Bonus automobile

185 818 093

328 278 868

395 000 000 (LFI)

Nc.

Prime à la conversion

365 000 000

823 500 000

405 000 000 (LFI)

Nc.

Total aides

550 828 093

1 151 778 868

800 000 000 (LFI)

1 280 000 000

1 400 000 000 (révisé)

Malus automobile

596 939 284

493 104 984

550 000 000 (LFI)

933 000 000

780 000 000 (révisé)

Total taxation

596 939 284

493 104 984

780 000 000

933 000 000

Solde pour le budget de l’État

+ 46 111 191

 658 673 884

 620 000 000

 347 000 000

Source : documents budgétaires.

Les deux dernières années témoignent ainsi d’un net succès des dispositions d’aides à l’acquisition de véhicules propres, notamment la prime à la conversion.

À cet égard, l’exécution budgétaire 2020 des aides à l’acquisition – qui sont des dispositifs de guichet – devrait être, en dépit de la crise sanitaire, sensiblement supérieure à la prévision établie en loi de finances initiale, et donc accroître le « solde négatif » pour l'État issu du rapprochement des recettes du malus et des dépenses liées aux aides à l’acquisition.

Les recettes du malus sont à apprécier au regard des aides à l’acquisition – bonus, prime à la conversion – qu’elles contribuent à financer à travers le budget de l’État : la taxation des émissions de CO2 ne peut être appréciée comme une mesure de rendement.

C’est également à cette aune qu’il faut analyser le plan de relance présenté par le Gouvernement le 3 septembre 2020 qui, dans la continuité du plan de soutien à la filière automobile dévoilé le 26 mai 2020 (v. supra), prévoit 1,9 milliard d’euros pour financer le bonus écologique et la prime à la conversion entre 2020 et 2022.

b.   Des dispositions relatives aux taxes à l’utilisation

Selon l’évaluation préalable du présent article, les entreprises devraient bénéficier des nouvelles règles de fonctionnement de la TVS et de la TSVR, « plus souples et plus rationnelles ».

En effet, la suppression des effets distorsifs du barème par tranche de la composante CO2 de la TVS rendra plus cohérentes les incitations pour les entreprises qui renouvellent leurs flottes.

En outre, le transfert de la TSVR à la DGFiP devrait entraîner une baisse de la charge administrative pour la DGDDI et une hausse de charge corrélative moindre pour la DGFiP, compte tenu de la rationalisation de l’impôt – passage d’un paiement semestriel à échoir à un paiement annuel à terme échu ([297]).

Le rapprochement des règles entre ces deux taxes à l’utilisation, qui feront l’objet d’une déclaration annuelle commune, devrait encore réduire le poids de cette charge, tant pour l’administration fiscale que pour les assujettis.

*

*     *

La commission examine l’amendement I‑CF688 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement a pour objectif d’ouvrir le débat sur la fiscalité écologique, dont l’article 14 illustre à merveille le caractère punitif, tout autant que les incohérences.

Certes, la hausse du malus CO2 n’est guère une surprise, mais en cette période de crise sanitaire qui tourne à la crise économique, il aurait été bienvenu de laisser un peu souffler les conducteurs. À cela s’ajoute un paradoxe : le bonus, lui, est orienté à la baisse !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’article 14 est important, et il n’est pas simple. Certains collègues, comme M. Dino Cinieri, considèrent qu’il est trop pénalisant pour la filière automobile, alors que d’autres veulent aller encore plus loin dans la transition vers les véhicules propres et le système des bonus-malus.

Si vous voulez le fond de ma pensée, cet article va déjà loin et il ne serait pas raisonnable d’aller plus loin en aggravant le malus. En même temps, nous devons être cohérents avec nos ambitions en matière de transition écologique, notamment vis-à-vis de la filière automobile, avec laquelle le Gouvernement a mené une longue concertation. Nous essayons de respecter au mieux les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, en tenant compte des réalités économiques et sociales. L’article 14 me paraît équilibré, même si je concède qu’il demande à la filière automobile un effort de transition important.

Nous veillerons à accompagner cette filière – je ne reviens pas sur le plan automobile et sur les aides d’État, notamment celles contenues dans le plan de relance. Les mesures prévues dans cet article ont déjà fait la preuve de leur efficacité : elles sont de nature à orienter les Français vers des véhicules moins polluants.

Je préfère les outils que sont le bonus et le malus, que je trouve plutôt bien pensés et qui correspondent au principe pollueur-payeur, aux autres types de taxation sur les véhicules, notamment la taxation au poids, que je trouve moins pertinente et qui possède certains effets pervers qui doivent être finement appréciés. Nous avons un dispositif qui fonctionne : il s’agit à présent de donner un coup d’accélérateur. L’article 14 est ambitieux, parce qu’il est nécessaire de décarboner notre économie et nos automobiles. Mais il importe aussi de veiller à la bonne santé de la filière automobile, qui est fragile et qui a encore été fragilisée par la crise. Nous devons la soutenir et c’est ce que nous faisons, avec toutes les autres mesures publiques prises en parallèle.

Mme Claudia Rouaux. Je souscris totalement aux propos du rapporteur. Les parcs de véhicules sont pleins et il faut accompagner le secteur automobile dans cette transition de plus grande ampleur. Il ne faut pas le pénaliser, alors qu’il subit une crise qui peut être très préjudiciable pour l’avenir.

M. Daniel Labaronne. Le rapporteur a raison quand il dit que cet article va déjà loin. Nous sommes typiquement, ici, dans une logique de sur-transposition des règles européennes : il faut en avoir conscience. On nous demande, en deux ans, de diminuer de 15 grammes les gaz à effet de serre et les émissions de carbone, alors que l’Union européenne avait fixé un objectif de 5 grammes sur trois ans. Nous faisons donc un effort plus important, avec l’ambition légitime de montrer la voie. N’allons pas trop loin et n’ajoutons pas du malus à du malus – je pense notamment au malus lié au poids des véhicules.

Mme Bénédicte Peyrol. Ces articles ont le mérite de faire un peu de nettoyage et d’harmoniser les taxes existantes – taxe sur les véhicules de société, bonus-malus, etc. Cette harmonisation est nécessaire : notre fiscalité écologique et environnementale est tellement éparpillée, elle utilise des outils tellement différents qu’il est très difficile pour le consommateur de comprendre ce qu’est un bon comportement.

Cet article entend aussi rééquilibrer la taxation à l’immatriculation, au moment de l’achat, car la fiscalité actuelle a tendance à faire de nous les prisonniers énergétiques de notre véhicule.

M. Charles de Courson. Je ferai deux remarques. Premièrement, on a besoin de stabilité : une fois que tout cela aura été voté, il ne faudra plus rien changer pendant plusieurs années. Deuxièmement, je regrette le défaut d’articulation avec les dispositifs existant dans les autres pays de l’Union européenne. Il existe une directive, mais elle est très souple : il n’y a donc pas de problème d’eurocompatibilité. Mais la difficulté, c’est que l’industrie automobile est largement intégrée à l’échelle européenne et que les différents pays n’ont pas leur production automobile nationale. De mon point de vue, il aurait fallu, dans l’étude d’impact, mesurer les éventuels effets de ces mesures à l’échelle européenne. Peut-être le rapporteur général pourra-t-il nous dire comment ces dispositions s’articulent avec celles de nos voisins ?

La commission rejette l’amendement I‑CF688.

La commission examine l’amendement I‑CF787 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement a pour objectif d’aligner le régime applicable au calcul de la taxe sur les véhicules de société (TVS) sur le principe défini par le décret n° 2019-737 du 16 juillet 2019 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location des véhicules peu polluants, concernant les véhicules flex-fuel d’origine fonctionnant au superéthanol E85.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La question que vous posez est légitime mais nous avons déjà eu ce débat avec Julien Dive lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Je rappelle que si le superhéthanol E85 n’est pas inclus dans le dispositif, c’est parce que les véhicules qui fonctionnent au E85 bénéficient déjà de nombreux avantages : le prix du carburant est très inférieur et la TVA est récupérable à 80 % pour les professionnels.

Votre dispositif reviendrait à exonérer totalement de TVS un grand nombre de véhicules alors que le bilan environnemental du E85 est moins bon que celui du biogaz ou de l’électricité. Je rappelle que le E85 est partiellement composé de carburants fossiles. Votre amendement ne correspond pas à la philosophie de l’article 14. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF787.

La commission examine les amendements I‑CF1466 et I‑CF1465 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’amendement I‑CF1466 vise à encourager le développement de véhicules fonctionnant à l’hydrogène en avançant à 2021, au lieu de 2022, l’exonération des véhicules hybrides à hydrogène de la composante CO2 de la taxe sur les véhicules des sociétés.

L’amendement I‑CF1465 a le même objet et concerne les véhicules à hydrogène – l’amendement précédent concernait les véhicules hybride à hydrogène.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte successivement les amendements I‑CF1466 (amendement 1131) et I‑CF1465 (amendement 1132).

La commission examine l’amendement I‑CF1310 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires Beaune. Cet article propose un lissage du barème de la TVS. Cette taxe repose sur deux composantes : les émissions de CO2, d’une part, avec un barème de neuf tranches, et le type de carburant ainsi que l’année de première immatriculation, d’autre part. La TVS rapporte 830 millions d’euros par an, qui sont affectés à la branche famille de la sécurité sociale.

Nous proposons, comme le recommande la Convention citoyenne pour le climat, d’ajouter une troisième composante, le poids du véhicule, car les véhicules plus légers émettent moins de CO2. Une telle disposition serait un levier de décarbonation du parc automobile. Nous proposons d’aligner le barème de cette composante sur celui du malus, pour ne pas complexifier les choses.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je peux comprendre la tentation de la taxation au poids, car elle paraît simple et est facile à comprendre – on a tout de suite en tête des SUV et des 4x4 thermiques. Mais il se trouve que la réalité est plus complexe. Pour ne prendre qu’un exemple, la 3008 hybride est plus lourde que la 3008 classique… Le poids des batteries est donc à prendre en compte. Je crois que la taxation au poids n’est pas une mesure efficace.

Je suis très favorable au bonus-malus sur les émissions, qui est au cœur de cet article, et je ne m’oppose pas à ce que l’on aille encore plus loin sur certains aspects, comme nous venons de le faire en adoptant les amendements défendus par M. Jean-Marc Zulesi. Mais le malus au poids est vraiment une fausse bonne idée : nous allons manquer notre cible et embêter la filière automobile, qui n’a pas besoin de cela. Cet outil me semble inefficace, car trop imprécis. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Comme le rapporteur général, je pense que l’introduction d’un malus au poids serait une grosse erreur. D’abord, cela se cumulerait avec l’autre malus : certains véhicules seraient donc doublement taxés, à la fois pour leurs émissions en CO2 et pour leur poids – alors que les deux sont liés. Par ailleurs, cela pourrait limiter la commercialisation de certains véhicules neufs, alors que nous devons tout faire pour l’encourager, car les véhicules neufs, d’une manière générale, rejettent moins de CO2 que les ceux du parc ancien. J’ajoute qu’on pourrait aboutir à cette situation contradictoire, où un véhicule ferait à la fois l’objet d’une prime à la conversion et d’un malus au poids…

M. Charles de Courson. Il faut revenir à notre objectif, qui est de réduire les émissions de gaz à effet de serre : il faut donc taxer les véhicules qui émettent le plus. Il est vrai que ce sont parfois les véhicules les plus lourds, mais ce n’est pas toujours le cas. Un moteur à hydrogène, par exemple, est beaucoup plus lourd qu’un moteur à essence ou à gazole. Or il faut favoriser le moteur à hydrogène. Cette taxation au poids est donc, pour moi, une fausse bonne idée.

M. Bruno Duvergé. Je suis d’accord avec le rapporteur général. Je crois qu’on commet une erreur à chaque fois que l’on essaie d’influer sur les aspects techniques et technologiques. Rappelez-vous : on avait décidé de supprimer tous les moteurs thermiques d’ici 2040 et c’était une fausse bonne idée, puisqu’on a aujourd’hui des moteurs thermiques qui tournent à l’hydrogène ou au biogaz… À chaque fois que l’on fixe une règle relative à la technologie, on se trompe : tenons-nous en à notre objectif.

Mme Christine Pires Beaune. Je vais retirer cet amendement, mais je veux dire à M. Woerth que nous ne voulions pas introduire une taxe supplémentaire : nous voulions seulement ajouter une composante à la taxation existante. Nous aurions eu trois composantes, au lieu de deux.

L’amendement I‑CF1310 est retiré.

La commission examine les amendements identiques I‑CF485 de Mme Lise Magnier, I‑CF1048 de Mme Véronique Louwagie et I‑CF1189 de M. Charles de Courson.

Mme Lise Magnier. Le présent amendement vise à corriger l’emplacement des mots « superéthanol E85 » dans l’alinéa 115 en le plaçant parmi les énergies alternatives que sont le gaz naturel et le gaz de pétrole liquéfié, et non avec l’essence.

Surtout, il vise à aligner le régime applicable au calcul de la TVS sur celui applicable au système de primes à la conversion et au calcul du malus concernant les véhicules flex-fuel d’origine fonctionnant au superéthanol E85.

C’est une mesure de cohérence. Aujourd’hui, pour une même voiture flex-fuel E85 d’origine émettant 150 grammes de CO2 par kilomètre au pot d’échappement, différents niveaux de CO2 sont pris en compte pour le calcul des taxes basées sur le CO2. Pour le calcul du malus, cette voiture ressort à 90 grammes de CO2 par kilomètre après abattement de 40 %. Pour le système de prime à la conversion, elle ressort également, depuis juillet 2019, à 90 grammes de CO2 par kilomètre après abattement de 40 %. En revanche, pour le calcul de la TVS, elle ressort à 150 grammes de CO2 par kilomètre. Ne pas appliquer cet abattement de 40 % pour la TVS, c’est nier aux sociétés les importantes réductions d’émissions de gaz à effet de serre permises par ce carburant sur l’ensemble de son cycle de vie. Nous proposons donc d’appliquer également cet abattement à la TVS.

Mme Véronique Louwagie. Il importe de maintenir une certaine cohérence entre les différents dispositifs : tel est l’objet de cet amendement, qui vise à aligner le régime applicable au calcul de la TVS sur celui qui s’applique au calcul de la prime à la conversion. Nous proposons de limiter l’exonération de TVS aux trois premières années du véhicule. Il faut absolument soutenir la filière automobile, et ce n’est pas ce que fait l’article 14.

M. Charles de Courson. Il me semble qu’il y a une erreur dans la rédaction de l’alinéa 115, puisque le superéthanol E85, qui est composé à près de 90 % d’énergies renouvelables, est classé avec l’essence, et non parmi les énergies alternatives que sont le gaz naturel et le gaz de pétrole liquéfié. Il y a là un problème de cohérence.

Monsieur le rapporteur général, l’adoption des amendements I‑CF1466 et I‑CF1465 ne résout-elle pas en partie le problème soulevé par nos amendements ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’émettrai le même avis que sur l’amendement I‑CF787 de M. Dino Cinieri. Le superéthanol E85 est moins vertueux pour l’environnement que le biogaz, notamment en matière de particules fines. L’idée d’aligner le calcul de la TVS sur celui de la prime à la conversion ne tient pas, car ce n’est pas du tout le même sujet.

Je répète par ailleurs que le superéthanol E85 a une fiscalité qui lui est propre et qui est très favorable.

M. Bruno Duvergé. Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous considérez que le superéthanol E85 est moins vertueux que le gaz naturel ?

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, je crois qu’il y a une confusion entre le bilan « du puits à la roue » et le raisonnement sur le seul moteur. Vous avez raison si vous raisonnez seulement sur le moteur, mais il faut raisonner sur l’ensemble du cycle. Le E85 est composé à plus de 85 % d’énergies renouvelables, ce qui n’est pas le cas du gaz naturel.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, vous appelez sans cesse à la simplification et à l’harmonisation : c’est précisément l’objectif de notre amendement.

Mme Lise Magnier. Nous proposons seulement d’appliquer une fiscalité cohérente sur le superéthanol E85. Comment justifier que le même véhicule bénéficie d’un abattement de 40 % s’il appartient à un particulier et qu’il n’en bénéficie pas s’il est utilisé par une société ? Notre amendement vise à rétablir une cohérence fiscale entre le particulier et l’entreprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Duvergé, vous conviendrez que le superéthanol E85 contient des énergies fossiles. Ce qui est exclu dans le dispositif, c’est le flex-fuel. Il n’est pas prévu que le E85 seul soit exclu du dispositif. Il y a quand même une différence entre le biogaz naturel et le E85, vous en conviendrez.

M. Bruno Duvergé. Le gaz naturel est un gaz fossile. Le E85 a certes 15 % de pétrole fossile, mais aussi 85 % de biocarburant à cycle carbone neutre. Je pense que ce que vous voulez dire, c’est qu’un véhicule qui roule à l’E85 peut aussi fonctionner à l’essence ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non.

M. Bruno Duvergé. Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi on pénalise davantage le E85 que le gaz naturel.

M. Charles de Courson. L’article dit : « soit, d’une part, le gaz naturel ou le gaz de pétrole liquéfié et, d’autre part, l’essence ou le superéthanol E85 ». Cela veut dire qu’un véhicule qui fonctionnerait à la fois au superéthanol E85 et à l’essence ne serait pas éligible. Si vous mettez le superéthanol E85 du côté du gaz naturel et du gaz de pétrole liquéfié, une voiture hybride fonctionnant au superéthanol E85 et à l’essence serait éligible au dispositif. Voilà pourquoi nous voudrions faire basculer le superéthanol E85 dans la première partie de l’alinéa. Sinon, vous ne prenez pas en compte les voitures qui fonctionnent au superéthanol E85 et à l’essence – or il y en a.

La commission rejette les amendements identiques I‑CF485, I‑CF1048 et I‑CF1189.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement I‑CF1468 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et les amendements identiques I‑CF1149 de M. Éric Coquerel et I‑CF1416 de Mme Émilie Cariou.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Pour répondre à M. Duvergé, dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, ce ne sont pas les moteurs thermiques que nous avons interdits à l’horizon 2040, mais les énergies fossiles : nous n’avons pas légiféré sur la technologie elle-même.

Je sais que le débat sur le malus poids a déjà eu lieu, mais cet amendement d’appel propose de ne l’appliquer qu’aux véhicules de plus de 1 700 kg, ce qui exclurait la 3008 hybride. Nous proposons une exonération pour les véhicules électriques et hybrides, ainsi que pour les familles nombreuses. Cette disposition entrerait en vigueur en 2022.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons également de créer une taxe additionnelle, qui serait assise sur le poids des véhicules, juridiquement distinct du malus automobile, défini par l’article 1011 bis du code général des impôts. Un abattement s’appliquerait pour les familles nombreuses.

Vous ne pensez pas, monsieur le rapporteur général, que la prise en compte du poids des véhicules est une mesure efficace. La 3008 hybride est certes plus lourde que la 3008 classique, mais il y a tout de même, en général, une corrélation entre le poids d’un véhicule et ses émissions de CO2, quelle que soit l’énergie utilisée.

Notre amendement suit les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, sur la base d’une rédaction suggérée par le Réseau Action Climat (RAC). J’ajoute que le bonus-malus a en priorité un impact sur ceux qui ne peuvent pas changer de voiture : revoir la fiscalité est donc aussi une question d’équité.

Mme Émilie Cariou. Nous déplorons nous aussi que, contrairement à l’engagement pris par le Président de la République, le projet de loi de finances pour 2021 ne propose pas de composante fiscale assise sur le poids des véhicules. Cet amendement propose de le faire, avec une modulation pour les usages familiaux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Rubin, il est vrai que la 3008 hybride est plus lourde que la 3008 classique – c’est d’ailleurs l’exemple que j’avais pris – mais vous avez dit qu’elle émettait davantage, ce qui n’est justement pas le cas. Et c’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements. Il n’y a pas toujours de corrélation entre le poids d’un véhicule et le volume de ses émissions. Il est vrai que c’est souvent le cas, mais pas tout le temps. Or, en matière de fiscalité écologique, il faut être précis.

M. le président Éric Woerth. L’instauration d’un malus sur le poids aurait des conséquences immédiates sur l’industrie automobile française. Si on applique à la fois le malus CO2 et le malus lié au poids, ce sont 88 % des véhicules produits en France qui seront touchés par des malus. On ne change pas si facilement le poids d’un véhicule : sur cette question, nous sommes pieds et poings liés. Qu’il faille produire des véhicules moins carbonés, cela va de soi. Mais ne fixons pas des objectifs impossibles à atteindre pour l’industrie française. Il faut raison garder.

M. Christophe Jerretie. Je suis d’accord avec le rapporteur général et le président. L’industrie automobile étant fragilisée, il convient effectivement d’être tempéré en matière de fiscalité. Deuxièmement, la fiscalité doit être simple, claire et lisible. Or, plus nous ajouterons de dispositions, moins elle le sera. La fiscalité touchant les voitures est déjà très peu lisible pour nos concitoyens, alors que c’est une question sensible pour eux. Je rappelle, enfin, que la Convention citoyenne devait faire des propositions nouvelles, et non ressortir celles qui ont provoqué la colère des gilets jaunes.

Les amendements proposés ne vont pas dans le bon sens et le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés y est totalement opposé.

Mme Sabine Rubin. Je voulais dire, monsieur le rapporteur, que la 3008 hybride est une exception et qu’une exception ne peut pas servir de base pour établir une règle fiscale. Par ailleurs, ces amendements seraient une manière d’orienter le secteur automobile vers la production de voitures moins lourdes, et donc moins émettrices de CO2.

M. le président Éric Woerth. Le secteur de l’automobile, madame Rubin, n’a pas besoin d’être orienté par des amendements de cette nature. Il a à peu près compris qu’il fallait qu’il transforme sa façon de produire des voitures et qu’il produise des voitures propres. Et je crois, honnêtement, qu’il se transforme beaucoup plus vite que d’autres secteurs. Il est normal qu’il faille un peu de temps pour équilibrer les données économiques et d’emploi, d’une part, et les données écologiques, d’autre part.

M. Frédéric Barbier. Monsieur le président, je siège à la commission des affaires étrangères, mais je m’invite dans votre commission, car j’ai dans ma circonscription le site de Sochaux, qui produit 2 200 voitures chaque jour. J’aurais plaisir à accueillir les députés qui pensent que l’instauration d’une taxe sur le poids des véhicules peut orienter la production vers des véhicules émettant moins de CO2. Certains modèles, notamment hybrides, sont plus lourds et émettent moins de CO2, cela a été dit. La création d’une taxe sur le poids des véhicules serait un très mauvais message pour les constructeurs et elle tuerait l’emploi.

La commission rejette successivement l’amendement I‑CF1468 et les amendements identiques I‑CF1149 et I‑CF1416.

La commission examine, en discussion commune, les amendements I‑CF1370 de M. Éric Woerth, I‑CF790, I‑CF792 et I‑CF793 de M. Dino Cinieri, I‑CF681 de Mme Véronique Louwagie, I‑CF600 de M. Fabrice Brun, les amendements identiques I‑CF794 de M. Dino Cinieri, I‑CF602 de M. Fabrice Brun, I‑CF628 de Mme Patricia Lemoine, I‑CF672 de Mme Véronique Louwagie et I‑CF727 de M. Charles de Courson, l’amendement I‑CF791 de M. Dino Cinieri, ainsi que les amendements identiques I‑CF627 de Mme Patricia Lemoine, I‑CF671 de Mme Véronique Louwagie et I‑CF726 de M. Charles de Courson et l’amendement I‑CF601 de M. Fabrice Brun.

M. le président Éric Woerth. Il faut se méfier des trajectoires, en voiture comme en loi de finances. La trajectoire prévue pour le malus est extrêmement lourde, puisqu’elle prévoit 15 grammes de plus en deux ans. L’amendement I‑CF1370, que je défends au nom du groupe Les Républicains, propose d’en rester au niveau d’émission de 2020 pour les années 2021 et 2022.

Le nombre de véhicules concernés par l’augmentation du niveau d’émissions est considérable : tous les véhicules de gamme moyenne seront désormais touchés. L’achat d’une Clio IV essence ou d’une Peugeot 308 gazole, qui n’occasionnait aucun malus en 2020, donnerait lieu à un malus de 150 euros en 2021 et de 310 euros en 2022. Cette mesure est un vrai frein au changement de véhicule et à l’achat de véhicules neufs ; elle entre par ailleurs en contradiction avec le versement de primes à la conversion. Enfin, les recettes du malus sont beaucoup plus importantes que les dépenses occasionnées par le bonus : le malus représentera un milliard d’euros de recettes si les ventes reprennent, ce qui est considérable, alors que le bonus représente seulement 300 à 500 millions d’euros. Le malus devient ainsi un simple outil budgétaire, alors que ce n’est pas sa vocation.

M. Dino Cinieri. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps mes amendements I‑CF790, I‑CF792 et I‑CF793.

Sans remettre en question un système fondé sur la taxation des véhicules plus polluants, il nous appartient de nous assurer de son acceptabilité par les Français, condition essentielle de son efficacité. C’est l’objectif de ces amendements, qui limitent le malus à un pourcentage du prix d’acquisition du véhicule.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF681 est un amendement de repli, par rapport à l’amendement I‑CF1370. Il ne paraît pas opportun d’augmenter les impôts, et nos collègues de la majorité le répètent depuis le début de l’examen de ce projet de loi de finances. Or c’est bien ce que fait l’article 14, puisqu’il va taxer les personnes qui acquièrent un véhicule.

Cet amendement propose de limiter à 30 % du prix TTC du véhicule le montant maximum de malus. En ajoutant la TVA, qui est de 20 %, l’ensemble des taxes atteindra 50 %, ce qui est déjà énorme. Si l’article 14 s’applique dans sa rédaction actuelle, le montant global de la fiscalité pourra atteindre 70 %.

M. Fabrice Brun. Monsieur le président, je salue votre clairvoyance. Une fois de plus, l’État joue effectivement au pompier pyromane : d’un côté, on institue un malus sur des petits véhicules, ce qui freine le changement, de l’autre, on donne une prime à la conversion. Il faut revenir à plus de simplicité et de lisibilité et voter la trajectoire proposée par Éric Woerth.

Si vous le voulez bien, monsieur le président je défendrai en même temps les amendements I‑CF600 et I‑CF602. Ils ne remettent pas en cause la taxation des véhicules les plus polluants, ni la nécessité de décarboner et de partager davantage la voiture. Mais je ne fais pas partie de ceux qui veulent la peau de la voiture, car dans mon territoire, comme pour 80 % des Français, elle reste un outil majeur de la mobilité. Je ne veux pas non plus la peau de cette filière d’excellence industrielle qu’est la filière automobile française : elle a fait des efforts considérables en matière technologique et de transition écologique et elle continue d’en faire. Elle est aujourd’hui en grande difficulté et elle fait partie des filières qui ont été les plus fortement touchées par la crise que nous traversons. C’est l’emploi qui est aussi en jeu, et tous nos amendements iront dans le sens d’un plafonnement du malus.

M. Dino Cinieri. Il faut rappeler qu’en 2020, le malus a connu le plus fort durcissement de son histoire, avec des montants qui ont augmenté dans toutes les tranches et pour toutes les gammes de véhicules, y compris les plus populaires.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF672 va dans le même sens que celui que je viens de présenter : il tend à limiter les tarifs de malus à 30 % du prix d’acquisition du véhicule.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, avez-vous réfléchi à la manière dont nos compatriotes vont s’adapter à ce nouveau barème, qui est excessif ? Ils vont tout simplement contourner votre dispositif, en louant, ou en achetant, des voitures à l’étranger. Du reste, ceux qui vivent non loin du Luxembourg et de la Belgique le font déjà, parce que la TVA est beaucoup plus faible au Luxembourg, mais aussi parce que tous les constructeurs vendent leurs voitures à l’étranger 10 % moins cher hors taxe que sur le marché national. Vous allez assister à une explosion de la location internationale, qui se développe déjà. La directive communautaire est extrêmement souple, puisqu’elle laisse à chaque État la liberté de fixer le montant des malus. Il importe donc de plafonner le malus à 30 % du prix du véhicule : tel est l’objet de mon amendement I‑CF727.

M. le président Éric Woerth. Un taux de 50 %, c’est confiscatoire.

M. Dino Cinieri. Sans remettre en question un système fondé sur la taxation des véhicules les plus polluants, il nous appartient de nous assurer de son acceptabilité par les Français.

Mme Patricia Lemoine. L’amendement de repli I-CF627 vise à limiter le malus à 40 % du prix d’acquisition du véhicule, au lieu de 30 %.

Mme Véronique Louwagie. C’est également l’objectif de l’amendement I-CF671. Avec la TVA, cela aboutit à une fiscalité de 60 % lors de l’acquisition, ce qui est énorme.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF726 limite aussi le malus à 40 % du prix du véhicule acheté, mais, franchement, 30 % est un taux raisonnable. Pour la Ford Mustang V8, qui vaut à peu près 48 000 euros, la taxation représente 24 000 euros supplémentaires. C'est énorme ! Si le malus est limité à 30 %, il s’élève déjà à près de 15 000 euros, ce qui est considérable.

Faisons attention : à force d’être excessif, les gens s’adaptent. Comment les Français contourneront-ils ce dispositif ?

M. Fabrice Brun. En 2020, le malus a connu le plus fort durcissement de son histoire. L’amendement I-CF601 vise à atténuer cette trajectoire ou, du moins, à plafonner son évolution.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Rappelons en préambule que, dans la fiscalité écologique, l’État paie davantage qu’il ne reçoit. Avec les bonus et les primes à la conversion, 1,1 milliard d’euros de dépenses ont été exécutés en 2019 ; les malus représentent un peu moins de 500 millions d’euros de recettes, soit un delta d’environ 650 millions d’euros, qui est un coût pour la collectivité. Ne laissons donc pas penser que l’État perçoit des recettes. C'est bien un effort financier de la collectivité, pour la transition vers des véhicules propres : un choix politique est fait.

Deuxième élément : avec l’article 14 et l’ensemble du plan de relance, le Gouvernement et cette majorité veulent faire converger deux objectifs difficiles à mener de front : la décarbonation de l’industrie automobile, donc de l’usage des véhicules automobiles ; et la préservation des filières automobiles, une industrie que nous voulons non seulement conserver, préserver mais faire croître, par les marchés de demain que sont les véhicules propres. Ce chemin de crête n’est pas facile, il est vrai. Je comprends que l’on puisse en contester certains aspects.

J’ai moi-même dit, de façon pudique, que cela allait loin. Vous l’aurez compris, l’exigence demandée à l’industrie automobile n’est pas facile. Nous l’assumons pourtant, et voulons la faire appliquer en l’état.

Dans le détail, il faut regarder la réalité des émissions, et quels sont les véhicules et constructeurs concernés. J’entends, surtout sur les bancs de la droite, qu’il nous faut faire attention à la filière automobile. C’est bien légitime.

Parmi les dix premiers véhicules les plus vendus en France en 2019 figurent la Peugeot 208, la Citroën C3, la Renault Clio IV, la Peugeot 3008 II, la Dacia Sandero, le Renault Captur, la Peugeot 2008, la Peugeot 308, la Renault Clio et la Renault Twingo. Chacun les visualise bien : on les voit partout. À partir de 2021, aucun malus ne sera supérieur à 200 euros sur ces dix modèles ; à partir de 2022, aucun ne sera supérieur à 360 euros. Je ne dis pas que c’est rien, mais, si l’on revient au pourcentage du prix d’achat – j’anticipe vos amendements sur la diminution du pourcentage –, on est très loin des dizaines de pour cent que vous mentionnez.

La Peugeot 208, par exemple, premier modèle vendu, n’est frappée d’aucun malus. Même chose pour la Citroën C3 III. Dans la liste que j’ai citée, les acquéreurs de la Peugeot 3008 II devraient payer le malus le plus élevé, soit 190 euros en 2021. C'est un pourcentage très faible du prix d’acquisition.

Ces exemples permettent de relativiser l’importance du malus sur les véhicules dits populaires, qui sont beaucoup achetés par nos concitoyens. Les pourcentages de malus sont modérés, et c’est heureux.

Revenons aux véhicules qui ont un rapport élevé de malus par rapport à leur prix d’acquisition. Une petite frange de véhicules – petites Porsche, certains Range Rover – émettent beaucoup de CO2, alors que leur prix d’acquisition, toutes choses égales par ailleurs, n’est pas si élevé. Le taux peut alors atteindre 40 ou 50 % – car le dénominateur, le prix, est peu élevé – et peut être appréhendé comme confiscatoire. Aucun constructeur français n’est concerné par cette catégorie de véhicules très puissants, très polluants, mais moins chers que d’autres à l’achat. Ils sont toutefois très minoritaires et, surtout, ne concernent pas la vie quotidienne de la quasi-totalité de nos concitoyens, qui roulent avec des véhicules plus ordinaires. Ceux-ci sont touchés par de petits montants de malus, quand ils doivent en acquitter. Je rappelle également que de nombreux véhicules ne sont pas malussés, car ils sont en deçà du plancher.

Enfin, Charles de Courson a posé une question intéressante sur la location. Le malus ne se paie pas à l’achat mais à la première immatriculation en France. Pour ce qui concerne le leasing ou la location longue ou courte durée, les entreprises répercuteront naturellement les malus sur leurs prix de location. Je ne crois donc guère au contournement du malus par la location.

Pour résumer, quand les véhicules sont polluants, les propriétaires doivent acquitter un malus, qui est proportionnellement faible pour la très grande majorité des véhicules. Les malus ne sont élevés que parce que les véhicules sont fortement polluants : c'est le principe du pollueur payeur, que l’article assume. La location ne peut être un moyen de contournement parce que le malus sera répercuté dans les prix à la consommation, donc à la location.

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. le président Éric Woerth. En 2022, les recettes provenant du malus seront supérieures à la somme des dépenses de la prime de conversion et du bonus. Le sujet c'est l’équilibre entre bonus, prime à la conversion, et malus, pour lesquels il y avait d’ailleurs un compte d’affectation spéciale.

J’ai bien compris que le plafond du malus à 40 ou 50 % du prix d’acquisition – totalement confiscatoire – revient à interdire certains véhicules. Qui plus est, ne s’agit-il pas d’un plafond qui s’appliquera sur le prix toutes taxes comprises (TTC), le rendant encore plus élevé ?

Par ailleurs, 200 ou 300 euros peuvent sembler une somme faible lors de l’acquisition d’un véhicule, mais c'est tout de même une augmentation d’impôt, de prélèvement obligatoire, à un moment important, celui de l’achat d’une voiture – quelle que soit la façon dont vous l’achetez, avec ou sans crédit, l’achat d’une voiture est toujours un moment important.

Enfin, les véhicules qui ne sont pas concernés par le malus sont essentiellement les petites voitures et très peu les grosses voitures familiales. Ces modèles, de niveau moyen – je ne parle pas de la grosse voiture familiale luxueuse – seront fortement malussés. Or ce sont en général des modèles produits en France – nous avons évoqué Sochaux.

Augmenter le malus de cette manière est une erreur. Cela dessine une trajectoire qui n’est pas compatible avec les impératifs économiques que vous vous donnez.

Mme Véronique Louwagie. Deux catégories de véhicules sont touchées. La première inclut les modèles qui ne sont pas très malussés – M. le rapporteur général les a rappelés. Il n’en demeure pas moins que le malus représente une augmentation de leur prix : 300 euros supplémentaires, ce n’est pas rien pour l’achat d’un véhicule.

À l’article 13, on augmentait les factures d’électricité pour certains de nos concitoyens. Certes, ce n’est pas pareil, mais les mêmes personnes peuvent être concernées. Certains n’ont pas d’autres moyens de se déplacer que d’avoir un véhicule : c'est une dépense obligatoire.

La seconde catégorie de véhicules regroupe les grosses cylindrées, avec des malus élevés. J’irai plus loin que M. le président : si ces véhicules sont polluants au point d’être néfastes, il faut les interdire. Nous devons le dire directement aux Français et avoir le courage de nos actes, jusqu’au bout.

Mme Émilie Bonnivard. M. le rapporteur général semble dire que les acquéreurs peuvent choisir une autre voiture. Dans les territoires de montagne, où il y a encore de la neige en hiver et où les conditions sont difficiles, le moyen de déplacement le plus sûr est le 4x4. Celui de Dacia, le Duster, est soumis à un malus élevé.

Vous pénalisez ainsi toute une partie de la population, notamment les habitants des zones de montagne. Je ne dis pas que nous avons tous des 4x4, mais c'est le cas de nombreux Savoyards, qui n’ont pas de gros pick-up, mais des Dacia Duster, dont le prix reste raisonnable. En montagne, nous avons besoin de ces véhicules. Leur appliquer des malus très élevés est aussi une façon de stigmatiser certains territoires.

M. Charles de Courson. Connaissez-vous la proportion de location longue durée, de leasing, de location-vente ? On est à 20 ou 30 % du marché. Rien n’empêche ces entreprises de faire de la location à partir de l’étranger, où elles ne paieront pas de malus.

Je me tue à vous le dire : comme toujours, on raisonne franco-français, sans ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de nous. Or vous m'avez confirmé que ni bonus ni malus ne s’appliqueront à ces véhicules.

M. Fabrice Brun. La voiture et tout ce qui roule dans ce pays paient plus de 17 milliards d’euros de TICPE sur les carburants, qui alimentent allégrement le budget général de l’État. Ce chiffre peut être mis en parallèle avec le différentiel de 650 millions d’euros entre les sommes récoltées par le malus et dépensées pour le bonus. L’État fait ses choux gras de nos véhicules et de tout ce qui roule dans ce pays.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. M. le président le sait mieux que quiconque, la fiscalité a trois objectifs : la redistribution, le financement des services publics et l’incitation à la consommation ou au comportement. Par définition, l’évolution du comportement de consommation des acquéreurs déterminera si les recettes de l’État excéderont ses dépenses. Le principe d’une fiscalité incitative est que l’État n’a pas plus de recettes, puisqu’un changement de comportement d’achat doit s’opérer avec cette fiscalité ; sinon, cette fiscalité n’a aucun intérêt. Ce n'est absolument pas un enjeu budgétaire du point de vue de l’État.

Madame Bonnivard, j’entends votre propos sur les réalités de territoire. La filière évolue pourtant : un Dacia Duster hybride va sortir prochainement. C'est un cas d’école d’un véhicule de montagne non malussé. D’autres Dacia, je vous l’accorde, sont faiblement malussés.

Mme Émilie Bonnivard. Ils ne sont pas au même prix !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sans aller jusqu’à parler d’une fonction linéaire, les véhicules qui sortent des usines, et doivent correspondre à tous types d’usage, sont de moins en moins malussés, voire non malussés.

S’agissant des familles nombreuses, pénalisées par les émissions, cette problématique importante avait bien été anticipée lors de l’introduction du malus automobile. Nous avions prévu de retirer 20 grammes par enfant au barème, dès le troisième enfant. Ce principe, toujours en vigueur, diminue le malus pour les familles nombreuses.

L’outil est plutôt juste, cohérent. Sa finalité est non pas de pénaliser la filière automobile, mais de pousser la consommation vers des véhicules plus propres que la filière déploie, développe et a déjà anticipés dans ses laboratoires de recherche et développement. L’exemple du véhicule cité par Mme Bonnivard en est une preuve.

M. François Jolivet. Je suis d’accord avec 95 % de votre explication, monsieur le rapporteur général. Le Dacia Duster est le seul véhicule familial qui a un prix très modeste. Avec le malus, certains ménages ne pourront plus jamais acheter de voitures neuves de ce type et de ce gabarit. Il faut en être conscient en prenant cette décision. Le Duster hybride neuf coûte 8 000 euros de plus que l’ancien modèle, qui valait 12 000 euros. À ce niveau de prix, sur le marché, vous ne trouverez pas un véhicule familial, qui corresponde à une utilisation à la campagne.

Je comprends donc l’orientation du Gouvernement, et la partage à 95 %, mais il faut savoir qu’en prenant cette décision, certains de ceux qui habitent dans nos territoires ne pourront plus acheter un véhicule neuf qui corresponde à leurs attentes.

M. le président Éric Woerth. S’agissant des familles, une réduction de 20 grammes par enfant s’applique au malus, à partir du troisième enfant, mais si le ménage compte deux enfants, cela fait zéro réduction. L’effet de seuil est gigantesque. On pourrait prévoir un dispositif dès le deuxième enfant, car une famille peut aussi transporter des valises…

La commission rejette successivement les amendements I‑CF1370, I‑CF790, I‑CF792, I‑CF793, I‑CF681, I‑CF600, les amendements identiques I‑CF794, I‑CF602, I‑CF628, I‑CF672 et I‑CF727, l’amendement I‑CF791, ainsi que les amendements identiques I‑CF627, I‑CF671 et I‑CF726 et l’amendement I‑CF601.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF635 de Mme Patricia Lemoine, I-CF670 de Mme Véronique Louwagie, I-CF725 de M. Charles de Courson, I-CF748 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1204 de M. Damien Pichereau, ainsi que les amendements I-CF680 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1309 de Mme Valérie Rabault.

Mme Patricia Lemoine. Puisque les amendements précédents ont été rejetés, l’amendement I-CF635 vise à lisser sur trois ans l’abaissement du seuil de déclenchement du malus, de 138 grammes en 2020 à 123 grammes en 2023.

Mme Véronique Louwagie. Identique, l’amendement I-CF670 vise à laisser du temps à la filière pour s’adapter et à éviter un choc aux acquéreurs de véhicules.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, soyez bien conscients avant de voter. Pour un véhicule émettant 138 grammes de CO2 par kilomètre, le montant du malus passera de 50 euros aujourd’hui à 201 euros en 2021 et 400 euros en 2022, soit une multiplication par quatre en un an et par huit en deux ans.

Pour un véhicule émettant 187 grammes de CO2 par kilomètre, le malus passera de 6 375 euros à 9 103 euros en 2021 et 13 109 euros en 2022. Ce doublement en deux ans n’est pas raisonnable : il faut lisser l’augmentation.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF748 procède du même esprit. On n’arrête pas de nous dire que ce Gouvernement a amélioré le pouvoir d’achat. J’ai du mal à le percevoir.

Vous ne vouliez pas d’écologie punitive. Or, non seulement vous faites ce procès aux Français qui voudront acheter un véhicule neuf, mais aussi vous touchez fortement notre filière automobile française et ses emplois, avec une casse programmée.

Je rencontre souvent des représentants d’entreprises qui fabriquent des pièces pour l’automobile et sont dans une situation de détresse totale. L’année prochaine, ces emplois seront tous supprimés. Vous pouvez sourire, monsieur le rapporteur général, mais venez voir la réalité dans des territoires comme les miens, où la filière automobile représentait énormément d’emplois. On va tuer la filière et on aura du chômage à financer durablement.

M. Frédéric Barbier. Je partage les propos tenus à l’instant. Je le dis souvent, la politique, c’est l’art de savoir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Quand on veut faire société, il faut se rappeler le proverbe africain : « Si l’on veut aller vite, on marche seul ; si l’on veut aller loin, on marche ensemble. » S’agissant de l’achat des véhicules, il faut faire une politique acceptable pour les Français. C’est pourquoi l’amendement identique I-CF1204 vise à échelonner l’abaissement des émissions de CO2 de 5 grammes par an, sur trois ans, au lieu de deux.

M. Jean-Louis Bricout. Pour réduire les émissions de CO2, on peut soit contraindre les acquéreurs à choisir un véhicule moins polluant par le principe du malus, soit soutenir les constructeurs pour qu’ils fabriquent des véhicules neufs moins émetteurs. Or, entre 2016 et 2019, les émissions moyennes homologuées des véhicules neufs n’ont pas diminué, malgré la politique de malus, qui est très punitive. Quelle est la bonne solution ? Ne vaut-il pas mieux soutenir le secteur automobile afin qu’il émette moins de CO2, pour tous ses véhicules ?

La transition vers les véhicules électriques présente également des enjeux importants. Pour les équipementiers, c’est une catastrophe : un véhicule thermique est complètement différent d’un véhicule électrique – regardez-les démontés. Je ne sais pas comment nous pourrons remédier à l’impact de la transition sur les équipementiers automobiles de nos territoires. Ne pensez-vous pas qu’il faille mettre un peu plus d’argent pour accompagner le secteur, plutôt que de continuer les politiques très punitives de malus ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Dalloz, je souriais non parce que je méprisais votre amendement et votre propos mais parce que, dans le même temps où vous me faisiez passer pour un tenant de l’écologie punitive, Mme Peyrol et moi-même recevions des tombereaux de tweets de Greenpeace et d’Oxfam, qui nous accusaient de ne respecter aucun engagement écologique. Comme quoi, la vérité n’est pas simple à trouver. Il faut essayer d’aller chercher des équilibres pragmatiques, qui ne mettent pas en difficulté la filière automobile et font progresser nos engagements de transition écologique. Contrairement à ce que disent certains – plutôt sur les réseaux sociaux que sur le terrain –, ces engagements ne sont pas simples à appliquer, car il faut tenir compte des réalités économiques et des réalités sociales.

Je suis d’accord avec ce que vous dites, madame Dalloz : la priorité, ce doit être l’emploi dans l’industrie automobile. Il faut donc s’assurer que ce qui se passe dans les usines va de pair avec cette exigence et cette incitation fiscale à acheter de nouveaux véhicules plus propres. C'est pourquoi cela se fait dans le cadre d’une concertation, pour s’assurer que ce qui sort des usines correspond bien à cette exigence.

L’exemple que j’ai donné à Mme Bonnivard est parlant – il y en a d’autres. Le malus que nous instaurons va plus loin, pour inciter les consommateurs à acheter des véhicules plus propres, car de tels modèles sortent des usines, et permettent à l’industrie automobile de dégager des marges.

Croyez-moi, je suis au moins aussi vigilant sur le maintien de l’emploi dans l’industrie automobile que sur le respect des engagements environnementaux. Cette dualité, ce « en même temps », est extrêmement complexe à tenir. C'est aussi cela le courage politique.

En revanche, je n’accepte pas la comparaison avec une hausse des prélèvements obligatoires : ça, c’est fallacieux ! Non, vous n’êtes pas obligés d’être malussés. Parmi les dix premiers modèles vendus en France que j’ai cités, quatre n’ont pas de malus. Vous avez donc le choix d’acquérir des véhicules sans malus.

Alors que, je vous l’accorde, l’augmentation de la taxe sur l’électricité est effectivement une obligation subie, le malus sur l’acquisition des voitures ne l’est pas : c'est une incitation fiscale. Cela est très important pour la lisibilité fiscale et le consentement à l’impôt.

M. le président Éric Woerth. D’accord, vous n’êtes pas obligés d’acheter une voiture malussée, mais, heureusement, vous êtes encore un peu libres.

Je suis persuadé que vous et votre majorité êtes honnêtes avec vous-mêmes : vous ne voulez pas tuer l’industrie automobile française, sauf que vous êtes un peu en train de le faire tout de même. Vous pouviez rester au niveau de malus de 2020, et évoluer tranquillement.

Le volume du malus dans les recettes budgétaires augmentera de manière tout à fait considérable : nous sommes bien face à une augmentation d’impôts.

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF635, I-CF670, I-CF725, I-CF748 et I-CF1204, ainsi que les amendements ICF680 et I-CF1309.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF603 de M Fabrice Brun, ICF629 de Mme Patricia Lemoine, I-CF673 de Mme Véronique Louwagie, I-CF728 de M. Charles de Courson et I-CF754 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabrice Brun. L’amendement vise à prendre en compte les besoins des familles qui, par définition, ont besoin de davantage d’espace pour leur voiture. Ce sont souvent des utilisateurs privilégiés de monospaces. Il faut veiller à ce que le malus automobile ne constitue pas une hausse de fiscalité ou de taxe – appelez-la comme vous voulez. Enfin, l’amendement ne pesant que 5 grammes, son adoption ne demandera pas un gros effort. (Sourires.)

Mme Patricia Lemoine. L’idée est de faire coïncider la réfaction au bénéfice des familles d’au moins trois enfants, prévue par le code général des impôts, avec la nouvelle grille de malus, en augmentant la réfaction de 5 grammes par enfant, soit 15 grammes pour trois enfants.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement vise en effet à augmenter la réfaction par enfant pour compenser l’abaissement du seuil du malus, de sorte que la fiscalité n’augmente pas pour les familles, qu’il est très important de soutenir.

M. Charles de Courson. Il semble qu’il n’y ait plus que les vieux célibataires sans enfant, comme moi, pour défendre les familles. (Sourires.) Si vous avez la chance d’avoir trois, quatre ou cinq enfants, pensez-vous pouvoir acheter de petits modèles de véhicules ? La réponse est non.

Si l’on n’y prend pas garde, le malus va devenir un impôt sur les enfants, un impôt chinois : en Chine, au-delà du premier enfant, le ménage était taxé et on lui supprimait même les allocations familiales.

L’amendement I-CF728 vise à compenser l’abaissement du seuil d’entrée, à due concurrence.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF754 est plein de bon sens. La réflexion sur le malus doit conduire à le minorer au profit des familles.

Une famille dont les enfants pratiquent un sport le week-end fait souvent du covoiturage : c’est une mesure environnementale. Encore faut-il une grande voiture.

Si un amendement doit être adopté au profit des familles, c'est bien l’amendement I-CF754.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La mesure proposée pour 2020 est déjà satisfaisante. Une réduction de 20 grammes par enfant, à partir du troisième enfant, décale largement le seuil d’entrée.

Il serait en revanche intéressant de voir comment évoluent les véhicules de 7 places qu’achètent les familles nombreuses, afin de déterminer si les constructeurs vont dans le même sens, celui de la diminution des émissions. Si l’écart subsiste, si les nouveaux véhicules de cette catégorie sont trop polluants et plus fortement malussés, et si les familles nombreuses sont proportionnellement davantage malussées, nous pourrons revenir vers l’un de ces amendements. Pour l’instant, le barème est plutôt adéquat compte tenu de l’évolution de la filière automobile vers des véhicules de plus en plus propres.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF603, I-CF629, ICF673, ICF728 et I-CF754.

La commission examine l'amendement I-CF365 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement concerne les véhicules de collection, auxquels s’applique la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR) dite taxe à l’essieu. Il n’est pas normal que les collectionneurs, propriétaires de véhicules poids lourds, qui font un usage occasionnel et non commercial de leurs véhicules, doivent payer cette taxe de plusieurs centaines d’euros. Elle est due tous les six mois, dès lors que l’utilisateur se sert de son véhicule au moins une fois dans le semestre. Il est proposé d’intégrer les véhicules de collectionneurs à la liste des véhicules exonérés de cette taxe spéciale. C'est une mesure pleine de bon sens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le droit actuel prévoit une exonération de TSVR pour les véhicules de plus de trente ans. La définition d’un véhicule de collection semble cohérente avec ce critère d’une trentaine d’années d’ancienneté : on ne peut pas dire qu’un camion ayant dix ou quinze ans est un véhicule de collection, à moins de ne pas faire de lien entre l’âge du véhicule et son caractère de collection.

L’amendement me semble donc satisfait. C'est pourquoi, madame Louwagie, je vous demande de le retirer. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Je vérifierai ce point et, le cas échéant, le déposerai à nouveau en séance.

L'amendement I-CF365 est retiré.

La commission examine l'amendement I-CF273 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le même esprit, cet amendement vise à instaurer un seuil de tolérance de cinq jours de roulement dans le calcul mensuel de la TSVR. Il s’agit de prendre en compte la période de confinement où, pendant trois mois, ces véhicules n’ont pas pu circuler. Le coût de la mesure est estimé à 70 millions d’euros sur la période. Cela peut être un signe adressé aux entreprises, du fait de leur impossibilité de circuler durant cette période.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement avait été débattu lors de l’examen du PLFR 3. Depuis, j’ai posé la question à un transporteur de ma circonscription – sa réponse n’est peut-être pas révélatrice de tous les transporteurs. Selon lui, soit un véhicule a roulé pendant la période du confinement, soit il n’a pas roulé. Il n’y a pas eu de seuil de quelques jours : cela dépendait plutôt de l’activité et des clients, selon qu’ils étaient ouverts ou non.

L’amendement ne me semble donc pas pertinent, d’autant qu’administrativement, il est très complexe de contrôler un tel seuil. Ainsi, le transporteur ne paie pas la TSVR s’il n’a pas circulé au cours du mois. Dans le cas contraire, il la paie à due concurrence de ce qu’il doit.

La commission rejette l'amendement I-CF273.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l'amendement I-CF456 de M. Julien Dive.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF755 de Mme MarieChristine Dalloz, I-CF796 de M. Dino Cinieri ainsi que les amendements identiques I-CF674 de Mme ronique Louwagie, I-CF735 de M. Charles de Courson, ICF788 de M. Dino Cinieri et I-CF974 de Mme Lise Magnier.

M. Dino Cinieri. La fiscalité automobile est de plus en plus mal perçue par nos concitoyens. En conséquence, par l'amendement I-CF796 je demande au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur l’évaluation de la fiscalité automobile avant le 1er juillet 2021.

Mme Véronique Louwagie. Nous demandons au Gouvernement un rapport sur l’évaluation de la fiscalité automobile en France. Chaque année, les mécanismes changent – tantôt c'est la taxe sur les véhicules des sociétés qui est modifiée, tantôt la taxe à l’essieu, le malus, le bonus, la prime à la conversion.

Il importe d’établir un état des lieux, avec un diagnostic, par exemple des mécanismes de location auxquels certains automobilistes pourraient recourir pour échapper à cette fiscalité – notre collègue Charles de Courson l’a évoqué.

M. Charles de Courson. Quels que soient les votes finaux, il nous faut un rapport pour faire le point sur ces affaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je donne un avis favorable à la seconde série d’amendements identiques. Au vu de la discussion que nous avons eue, cette demande de rapport paraît bienvenue : elle fournira une information consolidée, qui éclairera les prochains textes.

Les amendements I-CF755 et I-CF796 sont retirés.

La commission adopte les amendements identiques I-CF674, I-CF735, ICF788 et ICF974 (amendement 1133).

Puis, elle examine l’amendement I-CF1006 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le problème de détournement que j’ai soulevé, existe, mais on ne connaît pas son ampleur. Ne pensez-vous pas, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement pourrait investiguer ce contournement du dispositif par différents mécanismes, dont la location, la location-vente ou la location de longue durée ?

Il s’agirait de déterminer les effets du contournement, comme on l’a fait pour les dispositifs relatifs au tabac, notamment en menant des enquêtes. Il semble qu’en France, un tiers du marché du tabac soit détourné au profit d’une production venant de l’étranger.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si un rapport complémentaire n’est pas nécessaire, il serait en revanche possible d’examiner ces sujets dans le cadre du rapport précédent. Les deux demandes pourraient converger.

M. Charles de Courson. J’y suis favorable, mais le sujet est complexe. Or le rapport voté précédemment doit être remis avant le 1er octobre 2021, ce qui ne laisse que douze mois. Il faudrait donner davantage de temps au Gouvernement.

M. le président Éric Woerth. Nous pourrons en discuter en séance et inscrire que ce sujet sera une composante du rapport.

M. Charles de Courson. Je déposerai donc un sous-amendement à l’amendement de M. le rapporteur général.

L’amendement I-CF1006 est retiré.

La commission adopte l’article 14 modifié.

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Après l’article 14

La commission examine l’amendement I-CF1311 de Mme Valérie Rabault.

Mme Claudia Rouaux. Par cohérence avec le retrait de l’amendement I‑CF1310, portant sur le même sujet, nous retirons cet amendement.

L’amendement I-CF1311 est retiré.

La commission en vient à la discussion commune des amendements ICF376 de M. Fabrice Brun et I-CF402 de Mme Lise Magnier.

M. Fabrice Brun. Il s’agit de proposer un dispositif de soutien aux entreprises pour l’acquisition de véhicules à très faibles émissions, par le biais du barème d’amortissement. C’est un dispositif simple, efficace, facilement mobilisable, sans paperasse, et non une usine à gaz. Ça change !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai examiné vos amendements d’un œil bienveillant – c’est « l’autre côté du miroir » de la fiscalité verte, exigeante, prévue à l’article 14. Je souhaiterais que le ministre nous fasse part de son avis en séance. Il faudrait également chiffrer votre proposition. En conséquence, je vous propose de retirer vos amendements.

M. Fabrice Brun. Le rapporteur semblant ouvert, je vais retirer mon amendement, même s’il eut été préférable qu’il s’en remette à la sagesse de la commission et que l’amendement soit adopté. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, mettons à profit les quelques jours d’ici à la séance pour travailler, et nous le redéposerons.

Mme Lise Magnier. Je vais également retirer mon amendement. Vous le savez, monsieur le rapporteur, nous n’avons aucun moyen de calculer les coûts et les impacts de nos propositions… Nous vous remercions de l’aide que vous nous proposez pour évaluer la disposition.

Les amendements I-CF376 et I-CF402 sont retirés.

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Article additionnel après l’article 14
Augmentation du plafond d’exonération du forfait mobilités durables

La commission passe à la discussion commune des amendements identiques I-CF607 de M. Fabrice Brun, I-CF634 de Mme Patricia Lemoine, I-CF678 de Mme Véronique Louwagie et I-CF733 de M. Charles de Courson, ainsi que des amendements I-CF1314 de M. Matthieu Orphelin et I-CF1464 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Fabrice Brun. L’amendement vise à doubler le plafond d’exonération du forfait mobilités durables, en le portant à 800 euros par an et par salarié. Le budget général de l’État, qui bénéficie de 17 milliards d’euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), pourrait être légèrement mis à contribution pour prendre en charge 50 % du coût du dispositif.

Mme Véronique Louwagie. En l’état du droit, l’enveloppe de 400 euros du forfait mobilités durables est cumulable avec le remboursement de l’abonnement aux transports en commun, mais la somme des deux montants est plafonnée à 400 euros. Par conséquent, en Île-de-France, où le montant de la moitié de l’abonnement Navigo dépasse les 400 euros, le dispositif est inopérant. C’est pourquoi nous proposons de doubler le plafond, à 800 euros par an et par salarié.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit de généraliser le forfait mobilités durables et d’augmenter le plafond d’exonération fiscale à 500 euros, afin de suivre une des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Nous avons soutenu ce dossier avec beaucoup de fierté dans le cadre des débats relatifs au projet de loi d’orientation des mobilités, dit LOM. L’amendement adopté par la commission du développement durable propose de relever le plafond d’exonérations à 500 euros, conformément aux annonces du Premier ministre la semaine dernière, sans rendre ce dispositif obligatoire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Par respect pour le travail des commissions, je vous propose d’adopter l’amendement de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui est conforme aux engagements du Premier ministre, et je sollicite le retrait des autres amendements.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement vise certes à relever le plafond, comme celui de la commission du développement durable, mais également à généraliser le forfait mobilités durables. Y seriez-vous favorable ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’y suis défavorable. En cette période de reprise, je plaide pour la flexibilité.

La commission rejette les amendements identiques I-CF607, I-CF634, ICF678 et ICF733, ainsi que l’amendement I-CF1314. Elle adopte l’amendement I-CF1464 (amendement 2822).

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Après l’article 14

La commission en vient à la discussion commune des amendements ICF1358 de Mme Valérie Rabault et I-CF1463 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Le Président de la République souhaitant que cette dernière soit entendue, je ne doute pas que l’amendement sera adopté ! Il vise à moduler le remboursement des frais de déplacement déductibles de l’impôt sur le revenu en fonction des émissions de CO2 du véhicule.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Il s’agit de réformer le système des indemnités kilométriques avec un barème de remboursement unique, non plus fonction croissante de la puissance des véhicules, mais seulement de la distance parcourue.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Bien que la proposition soit issue de la Convention citoyenne pour le climat, vos amendements me posent problème car une telle modification aurait des conséquences inacceptables sur le pouvoir d’achat de certains de nos concitoyens – et pas les plus aisés – qui utilisent leur véhicule, soit pour se rendre au travail, soit comme outil de travail.

Il me semblerait préférable de mettre cette proposition sur pause et de nous interroger, d’ici à la séance publique : a-t-on réellement analysé qui devrait payer plus ? Je vous présente ici deux cas d’école découlant de vos amendements ([298]).

Premier exemple, un contribuable célibataire dont le revenu net imposable est de 30 000 euros, qui utilise sa voiture d’une puissance administrative de 5 CV pour se rendre de son domicile à son lieu de travail distant de vingt kilomètres, verra ses impôts augmenter de 190 euros.

Deuxième exemple, un contribuable dont le revenu net est identique, qui possède la même voiture, et qui utilise sa voiture personnelle pour un usage professionnel quarante kilomètres par jour verrait son pouvoir d’achat diminuer de 635 euros après réforme !

En conséquence, je vous demande de bien réfléchir d’ici à la séance publique à l’impact d’une telle mesure en termes de pouvoir d’achat en ces temps de crise. L’idée n’est pas idiote dans son principe, mais inapplicable au vu de la situation sociale. Mon avis sera défavorable.

M. Charles de Courson. Je partage l’analyse du rapporteur. Je suis hors de moi ! Cette Convention citoyenne était composée de personnes sans aucune compétence, tirées au sort. Ses propositions ont été soufflées par des experts, mais jamais étudiées ! Et qui a choisi ces experts ? Quelles bêtises ! Il n’y avait probablement pas un seul représentant de commerce au sein de la Convention. Il aurait expliqué qu’il fait 90 000 kilomètres par an. Vous allez ruiner, voire tuer, cette profession avec une telle proposition !

C’est une insulte à la démocratie, une insulte aux représentants du peuple que nous sommes ! Qu’on ne nous parle plus de Convention citoyenne ! (Applaudissements)

La commission rejette successivement les amendements I-CF1358 et ICF1463.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1356 de Mme Valérie Rabault et I-CF1467 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Valérie Rabault. Il s’agit de moduler la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) en fonction des émissions de CO2 et du poids des véhicules.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à réduire le taux de la taxe sur les contrats d’assurance de 33 à 20 % pour les véhicules électriques et ceux fonctionnant à l’hydrogène.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne sais pas si vous êtes parvenu à évaluer votre amendement, mais le ministère des finances n’a pas encore pu me transmettre le chiffrage d’une telle mesure. En l’état, cela me gêne de donner un avis. Je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements pour les présenter à nouveau en séance avec un chiffrage.

M. Charles de Courson. Les primes d’assurance ne sont-elles pas calculées pour couvrir des risques ? Quel est le lien entre émission de CO2 et risques ? Vos amendements n’ont aucun fondement. Pire, ils risquent d’aboutir à une hausse des primes sur les véhicules les plus économes. Il ne faut surtout pas les voter ! Est-ce encore une proposition d’une certaine Convention ?

M. Julien Aubert. On a toujours tendance à vouloir utiliser tous les outils fiscaux sans réfléchir aux objectifs recherchés. En l’espèce, on mélange l’objectif environnemental, l’assurance contre les risques et le poids des véhicules, on met le tout dans une bassine, on touille et on croit pouvoir aboutir à un résultat ! Ce n’est pas la bonne méthode !

Je partage le constat de M. de Courson sur la Convention citoyenne. Les citoyens qui la composent ne sont pas en cause, mais qui les encadrait ? Des personnes particulièrement politisées et très orientées, qui ont toutes commencé leur carrière politique dans le même parti ! Voilà pourquoi les solutions proposées sont dans la droite ligne de ce que nous, Républicains, combattons depuis des années… Même avec un coup de peinture « responsable » ou « citoyen », ces propositions ne sont pas forcément concrètes, ou applicables demain.

Mme Bénédicte Peyrol. C’est la démultiplication des outils et leur éparpillement qui rendent la fiscalité écologique inacceptable. Il faut des dispositifs précis – d’où notre volonté d’avancer sur le bonus-malus et de ne pas démultiplier les outils au service du même objectif.

Je serai beaucoup plus modérée que Charles de Courson sur la Convention citoyenne pour le climat. C’était un exercice démocratique nouveau qui a été demandé, et doit être confronté à la démocratie représentative. La crise de la représentativité nécessite que nous réinventions notre façon de fonctionner. Le Parlement reste bien sûr là pour débattre de ces propositions puisque nous sommes la représentation nationale et ne saurions reprendre mot à mot tout ce qui a été proposé.

Mme Zivka Park. L’intention de cet amendement est louable : utiliser un véhicule plus propre permettrait de payer une prime d’assurance moins élevée. Mais, d’autres l’ont dit, le but premier d’une assurance est d’assurer des risques. Or une voiture électrique coûte plus cher à l’achat et à l’entretien. Dans un tel contexte, même si nous votions l’amendement, quelle assurance voudra porter un tel risque ?

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. J’ai entendu les propos du rapporteur général. J’ai moi aussi sollicité le ministère des finances. Je vous propose de retirer l’amendement de la commission du développement durable pour que nous y réfléchissions d’ici la séance publique.

Les amendements I-CF1356 et I-CF1467 sont retirés.


CAS-TYPES DE L’IMPACT D’UNE ÉVENTUELLE RÉFORME DU BARÈME DE L’INDEMNITÉ KILOMÉTRIQUE

 

AVANTAGE FISCAL ANNUEL AVANT RÉFORME

AVANTAGE FISCAL ANNUEL APRÈS RÉFORME

CAS 1
UTILISATION DU VÉHICULE POUR TRAJETS DOMICILE-TRAVAIL

     10 000 km par an
(environ 40 km par jour)

     Moteur de 5 CV (par ex, Renault Clio, Peugeot 208)

     Option pour les frais réels

     30 000 euros de revenu net imposable

 

Le contribuable peut déduire 4 280 euros de son impôt sur le revenu en application du barème kilométrique retenu pour les revenus de 2019.

 

(10 000*0,308) +1 200 = 4 280 euros

Il paye un impôt de 1 734 euros.

 

Le contribuable peut déduire 3 645 euros de son impôt sur le revenu en application du barème minimal actuel correspondant à la tranche 3 CV.

(10 000*0,273) +915= 3 645 euros

Il paye un impôt de 1 924 euros soit une hausse de 190 euros (+ 11 %)

CAS 2
UTILISATION DU VÉHICULE PERSONNEL À DES FINS PROFESSIONNELLES LUI OUVRANT DROIT À DES INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUES VERSÉES PAR SON EMPLOYEUR

     10 000 km par an
(environ 40 km par jour)

     Moteur de 5 CV (par ex, Renault Clio, Peugeot 208)

     Option pour la déduction forfaitaire

     30 000 euros de revenu net imposable

 

Le contribuable perçoit 4 280 euros d’indemnités kilométriques de son employeur qui verse une indemnité conforme au montant calculé sur la base du barème kilométrique. Ces indemnités sont entièrement exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, dans les limites fixées par le barème kilométrique.

 

(10 000*0,308) +1 200 = 4 280 euros

 

 

L’employeur aligne le montant des indemnités versées sur le barème minimal actuel correspondant à la tranche 3 CV : le contribuable perçoit 3 645 euros d’indemnités kilométriques, exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, soit une baisse de pouvoir d’achat de 635 euros par an.

(10 000*0,273) +915= 3 645 euros

 


Article 15
Renforcement des incitations à lutilisation d'énergies renouvelables
dans les transports

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de renforcer les incitations fiscales relatives à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports, afin de tendre vers l’objectif fixé par le droit de l’Union européenne de 14 % d’utilisation d’énergie produite à partir de sources renouvelables d’ici 2030.

À cette fin, il augmente les taux cibles de la taxe incitative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB), de + 0,1 % pour les gazoles et + 0,6 % pour les essences, au bénéfice des matières premières avancées.

Afin de lutter contre le phénomène de déforestation importée, l’incorporation de colza dans les gazoles est limitée à 0,35 %.

En outre, sont intégrées dans le dispositif de la TIRIB de nouvelles formes d’énergies et de transport :

– le champ est étendu aux carburéacteurs, qui formeront une troisième filière – à côté des essences et des gazoles – affectée d’un taux cible de 1 % ;

– l’électricité d’origine renouvelable fournie par les bornes de recharge ouvertes au public sera désormais éligible à l’avantage fiscal, au sein des essences ou des gazoles, avec une comptabilisation au quadruple de sa valeur réelle ;

– l’hydrogène d’origine renouvelable utilisé pour les besoins du raffinage en France sera également éligible à l’avantage fiscal, au sein des essences ou des gazoles, avec une comptabilisation double, comme pour les matières premières avancées. À la différence des autres dispositions, cette dernière entre en vigueur le 1er janvier 2023 afin de tenir compte des évolutions techniques nécessaires.

Le présent article procède également à l’alignement sur deux ans des tarifs de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) entre le SP95-E5 et le SP95-E10.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 192 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a instauré la taxe relative à l’incorporation des biocarburants (TIRIB), issue de l’évolution de la composante « biocarburants » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

L’article 16 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a modifié en dernier lieu les montants de taxation de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TICPE).

L’article 17 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a institué une distinction de tarif entre le SP95-E5 et le SP95-E10.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En premier lieu, la commission a adopté un amendement du Rapporteur général visant à affiner la prise en compte des amidons résiduels et égouts pauvres dans l’assiette de la taxe relative à l’incorporation des biocarburants.

En second lieu, la commission a adopté deux amendements identiques de Mmes Véronique Louwagie (LR) et Lise Magnier (Agir et indépendants) visant à plafonner, dès 2021, l’incorporation de soja permettant l’atteinte des objectifs nationaux d’incorporation de biocarburants pour les metteurs sur le marché de carburants, à hauteur de 0 % dans les essences et 0,35 % dans les gazoles.

I.   L’État du droit

A.   la fiscalité qui pèse sur les biocarburants agit à la fois sur les metteurs sur le marché de carburant, via la tirib, et sur les consommateurs, via la ticpe

1.   Qu’est-ce qu’un biocarburant ?

Les biocarburants et biocombustibles couvrent l’ensemble des carburants et combustibles liquides, solides ou gazeux produits à partir de la biomasse et destinés à une valorisation énergétique dans les transports et le chauffage. Ils produisent moins de gaz à effet de serre, et en particulier moins de dioxyde de carbone (CO2), que les carburants fossiles, parce que la quantité de CO2 dégagée lors de leur combustion est équivalente à celle capturée pendant la croissance de la matière première dont ils dérivent.

Les biocarburants sont utilisés sous la forme d’additifs ou de compléments aux carburants fossiles. On distingue trois générations de biocarburants selon l’origine de la biomasse utilisée et les procédés de transformation associés.

La première génération de biocarburants correspond à la fabrication directe à partir des productions agricoles : elle est dite « en concurrence alimentaire ».

La deuxième génération de biocarburants – dite « avancée » – est issue de source ligno-cellulosique – bois, feuilles, paille – à partir de processus techniques plus avancés. Elle permet de répondre aux critiques adressées à la première génération en ce qu’elle dissocie les cultures alimentaires et énergétiques, puisqu’elle est fondée sur la production de végétaux non comestibles. Elle possède un meilleur bilan environnemental que la première génération en matière de consommation en eau et en engrais ; elle s’appuie sur des techniques d’extraction plus efficaces.

La troisième génération de biocarburants est liée à la production d’hydrogène par des micro-organismes, ce qui permet de s’affranchir de la contrainte du sol.

Seule la première génération de biocarburants a atteint le stade industriel ; la deuxième repose sur des technologies matures mais n’a pas encore atteint un niveau de développement suffisant, quand la troisième n’est encore qu’au stade de la recherche.

Les biocarburants se partagent en deux filières, correspondant à deux types de moteurs à explosion : la filière de l’alcool pour les moteurs à allumage commandé, qui fonctionnent à l’essence, et la filière de l’huile pour les moteurs diesel à allumage par compression, fonctionnant au gazole.

Le biodiesel représente près de 85 % de la consommation de biocarburants, contre 15 % pour le bioéthanol.

La filière de l’alcool comprend le bioéthanol, la bioessence de synthèse et l’ETBE (éthyl tert-butyl ether). Le bioéthanol est obtenu par la fermentation du sucre extrait des plantes, soit directement, à partir de la betterave sucrière ou de la canne à sucre, soit indirectement, par transformation de l’amidon contenu dans les graines des céréales. L’alcool issu de la fermentation est ensuite distillé et déshydraté pour obtenir du bioéthanol. L’ETBE est quant à lui le produit d’une réaction chimique entre l’éthanol et l’isobutène, lui-même dérivé du raffinage pétrolier.

Contrairement au bioéthanol qui est d’origine 100 % renouvelable, l’ETBE est un composé d’origine partiellement renouvelable. Dans la comptabilisation des quantités de biocarburants incorporés, seule la part énergétique d’origine renouvelable, soit 37 % pour l’ETBE, est prise en compte.

L’incorporation de bioéthanol ou d’ETBE dans l’essence présente l’avantage d’augmenter l’indice d’octane du carburant, ce qui limite le risque d’usure du moteur lié à l’autoallumage.

Répartition des matières premières utilisées pour produire l'éthanol mis à la consommation en France en 2017

Source : commissariat général du développement durable.

La filière de l’huile comprend différents produits fabriqués à partir d’huiles issues de plantes oléagineuses (colza, tournesol, palme, soja) ou de graisses animales. Les huiles, à la suite d’une transestérification – c’est-à-dire la réaction qui consiste à faire réagir un corps gras, en l’espèce les triglycérides contenus dans les huiles ou les graisses, avec un alcool, soit de l’éthanol ou du méthanol – sont transformées en ester éthylique ou méthylique d’acide gras (EMAG). Lors de la production des EMAG, on obtient également de la glycérine, coproduit notamment valorisé dans les domaines pharmaceutique et cosmétique. Les EMAG regroupent les esters méthylique d’huile végétale (EMHV), les esters méthylique d’huile animale (EMHA) et les esters méthylique d’huile usagée (EMHU).

Répartition des matières premières utilisées pour produire les esters méthyliques d'huiles végétales (EMVH) mis à la consommation en France
en 2017

Source : commissariat général du développement durable.

2.   Quel est le traitement des biocarburants en droit fiscal français ?

a.   La taxe relative à l’incorporation des biocarburants (TIRIB), héritière d’une composante de la taxe générale sur les activités polluantes, incite les metteurs sur le marché à intégrer des biocarburants dans les carburants à la pompe

Destinée, à l’origine, à compenser pour les agriculteurs les effets du gel des terres issu de la réforme de la politique agricole commune de 1992, la politique de soutien aux biocarburants lancée en 2005 a cherché, au fil du temps, à satisfaire deux autres objectifs : diminuer la facture énergétique grâce au développement d’une énergie renouvelable d’une part, contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’autre part.

La politique française d’incorporation était alors insérée dans un cadre européen composé de deux directives, l’une concernant la cible à atteindre, à l’échéance de 2020, de 10 % d’énergie renouvelable dans la consommation totale d’énergie dans les transports ([299]), l’autre définissant la qualité des carburants ([300]).

Du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2018, l’article 266 quindecies du code des douanes soumettait au supplément de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP-b) les opérateurs mettant à la consommation des carburants contenant une proportion de biocarburants inférieure à un objectif d’incorporation.

Cette taxe a été remaniée par la loi de finances pour 2019 ([301]) ; son intitulé a été à cette occasion rendu plus explicite, puisque l’on parle désormais de taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants (TIRIB).

Également codifiée à l’article 266 quindecies du code des douanes, cette taxe assujettit les opérateurs qui mettent à la consommation des carburants contenant une proportion de biocarburants inférieure à un objectif évolutif d’incorporation.

La TIRIB est assise sur le volume total, respectivement, des essences et des gazoles pour lesquels elle est devenue exigible au cours de l’année civile.

Les obligations d’incorporation des biocarburants sont définies en pourcentage de pouvoir calorifique inférieur (PCI) qui est l’énergie thermique libérée par la combustion d’un litre de carburant. Le PCI des biocarburants est inférieur à celui des hydrocarbures fossiles dans lesquels ils sont incorporés, dans des proportions de 34 % pour l’éthanol par rapport à l’essence et de 8 % pour le biodiesel par rapport au gazole. Ainsi, 100 litres d’éthanol ont le même pouvoir calorifique que 65,7 litres d’essence. En conséquence, à plein de carburant identique, l’autonomie d’un véhicule diminue quand le pourcentage d’incorporation de biocarburants augmente.

Le montant de la taxe est calculé séparément pour les essences et pour les gazoles. Ce montant est égal au produit de l’assiette multiplié par le tarif mentionné dans le tableau ci-dessous, auquel est appliqué un coefficient ; ce coefficient correspond à la différence entre le pourcentage national cible d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports – déterminé par le même tableau – et la proportion d’énergie renouvelable contenue dans les produits inclus dans l’assiette.

tarifs de la taxe et pourcentages cibles d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports en 2019

Année

2019

À compter de 2020

Tarifs (€/hL)

98

101

Pourcentage cible des gazoles*

7,9 %

8 %

Pourcentage cible des essences*

7,9 %

8,2 %

* Exprimé en pouvoir calorifique inférieur.

Source : article 266 quindecies du code des douanes dans sa version en vigueur entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019.

Si la proportion d’énergie renouvelable incorporée est supérieure ou égale au pourcentage national cible d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports, la taxe est nulle ; économiquement, cette taxe environnementale est incitative, l’objectif étant que son produit soit nul.

L’énergie contenue dans les biocarburants est renouvelable lorsqu’ils remplissent certains critères de durabilité ([302]).

Pour appliquer cette notion de durabilité, la part d’énergie excédant un seuil pourra ne pas être prise en compte, à partir de 2023, à l’égard de certaines matières premières considérées comme non durables.

Ces matières premières – correspondant aux céréales, plantes riches en amidon, sucrières ou oléagineuses et autres produits issus des cultures principales des terres agricoles – répondent à deux conditions cumulatives :

– la culture de ces matières premières et leur utilisation pour la production de biocarburants présentent un risque élevé d’induire indirectement une hausse des émissions de gaz à effet de serre neutralisant la réduction des émissions qui résulte de la substitution de ces biocarburants aux carburants fossiles ;

– l’expansion des cultures s’effectue sur des terres présentant un important stock de carbone ([303]).

Ce seuil est égal au produit entre la part d’énergie incorporée mais considérée comme non renouvelable et les pourcentages suivants :

 

Année

2020 à 2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

À compter de 2030

Pourcentage

100 %

87,5 %

75 %

62,5 %

50 %

37,5 %

25 %

12,5 %

0 %

Source : article 266 quindecies du code des douanes.

Exemple : en 2025, il ne pourra être pris en compte dans l’assiette de l’objectif national d’incorporation que 75 % de l’énergie, exprimée en PCI, d’une céréale dont la culture présente un risque élevé d’induire une hausse des émissions de GES et qui est située, en outre, sur des terres qui présentent un important stock de carbone.

Sans préjudice des dispositions précitées, pour certaines catégories de matières, la part d’énergie excédant un certain seuil n’est pas prise en compte :

– les céréales et autres plantes riches en amidon, sucrières ou oléagineuses et autres produits issus des cultures principales des terres agricoles principalement utilisées à des fins de production d’énergie, sucres non extractibles et amidon résiduel, autres que les matières mentionnées à l’annexe IX de la directive 2009/28/CE, ne sont pris en compte que dans la limite de 7 % de l’objectif national d’incorporation ;

– les égouts pauvres issus des plantes sucrières et obtenus après deux extractions sucrières, à hauteur de 45 % de leur contenu énergétique, et amidons résiduels issus des plantes riches en amidon, en fin de processus de transformation de l’amidon, ne sont pris en compte qu’à hauteur de 0,4 % en 2020 et 0,8 % en 2021 ;

– le tallol ([304]) ne peut être pris en compte que dans la limite de 0,1 % ;

– les matières mentionnées à la partie B de l’annexe IX de la directive 2009/28/CE – c’est-à-dire les huiles de cuisson et les graisses animales – ne peuvent être prises en compte que dans la limite de 0,9 %.

Pour les huiles de cuisson usagées, seule est prise en compte l’énergie contenue dans les produits dont la traçabilité a été assurée depuis leur production, selon des modalités définies par décret.

Enfin, des règles de double comptage pour les biocarburants avancés non plafonnés – qui figurent à la partie A de l’annexe IX de la directive précitée – sont prévues. Ces derniers ne peuvent être comptés double que dans la limite de l’écart entre le pourcentage cible et 7 % : au-delà de ces valeurs limites, la part d’énergie issue de ces matières premières ne peut être que comptabilisée de manière simple.

Conformément à sa nature évolutive – afin de respecter les objectifs d’incorporation à horizon 2030 déterminés au niveau européen – la TIRIB a été modifiée par la dernière loi de finances annuelle ([305]).

Ont ainsi été relevés les objectifs nationaux d’incorporation des biocarburants dans la filière essence à compter de 2021, de 0,4 %.

tarifs de la taxe et pourcentages cibles d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports

Année

2020

À compter de 2021

Tarifs (€/hL)

101

104

Pourcentage cible des gazoles

8 %

8 %

Pourcentage cible des essences

8,2 %

8,6 %

Source : article 266 quindecies du code des douanes dans sa version actuellement en vigueur.

A été revu à la hausse le seuil au-delà duquel n’est pas prise en compte la part d’énergie renouvelable maximale de biocarburants produits à base d’égouts pauvres issus des plantes sucrières et obtenus après deux extractions sucrières – ainsi que celle produite à partir des amidons résiduels issus des plantes riches en amidon en fin de processus de transformation de l’amidon, en le relevant de 0,4 % à 0,8 %.

Le seuil maximal de contribution du brai de tallol, qui n’a pas d’utilisation concurrente à la valorisation énergétique, a été supprimé ([306]).

Enfin, a été rehaussé le seuil au-delà duquel la part d’énergie issue des huiles de cuissons et de graisses animales n’est plus comptée double pour les essences : ainsi, à compter de 2021, pour les biocarburants issus d’huiles de cuissons usagées et de graisses animales, ceux-ci pourront être comptés double dans la limite de 0,2 % pour les essences (au lieu de 0,1 % en 2020).

Exemple : calcul d’une TIRIB pour la filière gazole

En 2020, un opérateur a mis à la consommation 400 000 litres de gazole et 30 000 litres de gazole non routier (GNR), dont :

– 296 000 litres de gazole contenant 20 000 litres d’EMHV,

– 30 000 litres de GNR contenant 2 000 litres d’EMHV ;

– 4 000 litres de gazole livrés depuis un autre État membre de l’Union européenne, contenant 224 litres d’EMHV ;

– 100 000 litres de gazole importés contenant 6 500 litres d’EMHV.

L’opérateur peut se prévaloir :

– d’avoir incorporé 20 000 + 2 000 + 224 + 6500 = 28 724 litres d’EMHV dans le gazole et le GNR mis à la consommation ;

– d’avoir mis à la consommation un total de 430 000 litres de gazole, dont 401 276 litres de gazole fossile et 28 724 litres d’EMHV incorporés.

Étant considéré que le pouvoir calorifique inférieur (PCI) est fixé à 36 megajoules par litre (MJ/L) et celui de l’EMHV est fixé à 33 MJ/L.

En appliquant la formule d’incorporation :

Part d’EnR = 100 (PCI EMHV x volume EMHV) / [(PCI gazole x volume gazole) + (PCI EMHV x volume EMHV)]

Est obtenue une part d’EnR incorporés égale à :

100 x (33 x 28 724) / [(36 x 401 276) + (33 x 28 724)] = 6,15 %

N’atteignant pas le pourcentage cible de 8 %, ce metteur sur le marché serait redevable de la TIRIB.

Son montant serait égal à :

4 300 hL x 101 €/hL x (8 – 6,15) = 760 025 euros.

b.   Le signal prix porté par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques doit inciter les consommateurs à se tourner vers des carburants verts

Les taxes intérieures de consommation (TIC) sont des droits d’accises sur les produits énergétiques qui consistent à appliquer un tarif aux quantités de produits énergétiques mises à la consommation. La première d’entre elles par son montant, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), constitue aussi l’imposition principale des carburants, tels que le gazole ou les essences.

La TICPE s’applique aux quantités de produits pétroliers ou assimilés lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme carburants pour moteur ou combustibles de chauffage. Le recouvrement de la taxe est confié à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ([307]), qui l’effectue auprès des compagnies pétrolières et des distributeurs. Elle est exigible dès la mise à la consommation des produits, conformément à la directive relative au régime général d’accise ([308]), et couvre tant les importations que la fabrication de produits pétroliers. Pour les produits déjà mis à la consommation dans un autre État membre de l’Union européenne, la taxe est exigible lors de leur réception en France.

Le barème de la taxe est fixé aux tableaux B et C du 1 de l’article 265 du code des douanes, qui détaillent le niveau du tarif appliqué pour chaque produit pétrolier concerné.

Les tarifs de la TICPE, de la TICGN et de la TICC incluent une composante fixe et, depuis la loi de finances pour 2014 ([309]), une composante carbone dite « contribution climat-énergie » (CCE) ou « taxe carbone ».

La composante carbone, qui ne prend la forme ni d’une taxe séparée, ni d’une composante identifiée de manière distincte pour le tarif de TIC applicable à chaque produit, est destinée à favoriser la lutte contre le réchauffement climatique en limitant les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Elle est calculée, pour chaque produit, en fonction du contenu carbone standardisé émis lors de l’utilisation d’un produit énergétique et de la valeur de la tonne de carbone.

Le montant de cette composante est, depuis 2018, de 44,60 euros la tonne de CO2, pris en compte dans les tarifs de TICPE fixés par l’article 265 du code des douanes.

TARIFS DE TICPE DES PRINCIPAUX CARBURANTS

(en euros par hectolitre)

Désignation du produit

Indice

d’identification

2017

2018

2019

2020

Supercarburant sans plomb (SP 95-E5 et SP 98)

11

65,07

68,29

68,29

68,29

Supercarburant sans plomb (SP 95-E10)

11 ter

63,07

66,29

66,29

66,29

Gazole routier

22

53,07

59,40

59,40

59,40

Super-éthanol E 85

55

9,41

11,83

11,83

11,83

Carburant ED 95

56

4,40

6,43

6,43

6,43

Source : article 265 du code des douanes.

Le SP95-E10 est, comme le SP95, un carburant sans plomb servant à alimenter les moteurs à essence ; seule leur teneur en bioéthanol les distingue. Distribué en France depuis 2009, le SP95-E10 est un carburant pouvant incorporer du bioéthanol à hauteur de 10 % en volume. Le SP95-E5 possède quant à lui un taux de bioéthanol incorporé pouvant atteindre 5 %.

La quasi-totalité des véhicules essence aujourd’hui en circulation sont compatibles avec le SP95-E10, ce qui n’était le cas que de 65 % d’entre eux en 2009. En effet, sur les moteurs plus anciens, le SP95-E10 peut entraîner des colmatages des filtres à carburant, voire la corrosion et l’oxydation de certaines pièces métalliques du système de carburation.

Aussi, la différence de deux centimes de TICPE par litre entre le SP95-E5 et le SP95-E10 a été mise en œuvre afin d’inciter fiscalement les consommateurs à se tourner vers un carburant composé d’une proportion plus importante de biocarburants, en dépit d’une légère hausse de consommation ([310]) – de 1 à 2 % – et d’un risque d’auto-allumage pour les véhicules les plus anciens tant supérieur à celui du SP98 qu’à celui du SP95-E5 ([311]).

B.   les objectifs environnementaux de la France conduisent à renforcer les incitations à l’incorporation de biocarburants dans les combustibles utilisés pour les transports

1.   L’encadrement européen de l’incorporation de biocarburants, décliné au niveau législatif, implique une fiscalité évolutive afin d’atteindre les objectifs fixés à horizon 2030

En prévoyant leur incorporation dans les carburants d’origine fossile et en permettant l’application d’une fiscalité allégée sur les accises, la directive du 23 avril 2009, dite « EnR I » ([312]), à la première déterminé le cadre juridique européen applicable aux biocarburants.

Elle assignait aux États membres l’objectif de porter à 10 % la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale d’énergie du secteur des transports en 2020.

En outre, elle prévoyait des critères de durabilité pour les biocarburants et les bioliquides, utiles notamment pour mesurer la conformité aux objectifs fixés et l’admissibilité à une aide financière.

Afin de mieux prendre en compte la problématique du changement indirect d’affectation des sols, la directive du 9 septembre 2015, dite « CASI » ([313]), a introduit deux précisions.

Tout d’abord, la part des biocarburants produits à partir « de céréales et d’autres plantes riches en amidon, sucrières et oléagineuses et à partir de cultures cultivées en tant que cultures principales essentiellement à des fins de production d’énergie sur des terres agricoles » ne peut être supérieure à 7 % de la consommation finale d’énergie du secteur des transports en 2020.

Plus encore, une valeur de référence minimale de 0,5 % ([314]) en 2020 est prévue pour ce qui concerne les biocarburants avancés (v. supra).

La dernière modification de cet encadrement européen afférent aux biocarburants provient de la directive du 11 décembre 2018, dite « EnR II » ([315]).

La directive EnR II

Cette directive applique aux États membres un objectif d’au moins 32 % d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie de l’Union européenne en 2030, cette part étant d’au moins 14 % dans le secteur des transports.

S’agissant plus spécifiquement des biocarburants, la contribution des biocarburants avancés et du biogaz à l’intégration de l’énergie renouvelable dans le secteur des transports doit être d’au moins 0,2 % en 2022, 1 % en 2025 et 3,5 % en 2030. Il n’est pas possible, pour les États membres, de prévoir un taux inférieur à ces valeurs.

La part des biocarburants, bioliquides et combustibles consommés « lorsqu’ils sont produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale » ne peut dépasser 7 % de la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports. Les États membres peuvent en outre fixer une limite inférieure, et opérer des distinctions en tenant compte des « meilleures données disponibles relatives à l’impact des changements indirects dans l’affectation des sols ».

Par ailleurs, la part des biocarburants, bioliquides et combustibles « produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale, présentant un risque élevé d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols et dont la zone de production gagne nettement sur les terres présentant un important stock de carbone » ne peut excéder son niveau de 2019 – sauf s’ils sont certifiés comme présentant un faible risque d’induire les changements précités –, cette limite devant s’établir à 0 % au 31 décembre 2030.

Enfin, la directive détermine des critères de durabilité s’agissant notamment des biocarburants, qui sont destinés à apprécier l’atteinte des objectifs fixés et l’éligibilité aux aides financières.

Ces objectifs ont été déclinés, parfois de façon anticipée, par la loi dite de « Transition énergétique » du 17 août 2015 ([316]), à l’article L. 641-6 du code de l’énergie, qui dispose que « l’État crée les conditions pour que la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables utilisées dans tous les modes de transport en 2020 soit égale à 10 % au moins de la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports et à 15 % en 2030 ».

En 2018, le taux de pénétration d’énergie renouvelable dans le secteur des transports était en France de 9 % ([317]).

Aussi, la TIRIB, qui constitue le levier fiscal destiné à atteindre ces objectifs d’incorporation via les pourcentages nationaux cibles, doit-elle évoluer durant la période au terme de laquelle les objectifs seront devenus plus élevés.

2.   L’écart de tarif de TICPE entre le E5 et le E10 constitue une subvention, quoiqu’indirecte, au bénéfice de l’énergie fossile

La TIRIB se distingue de la TICPE en ce qu’elle tient compte du contenu réel en énergies renouvelables et de la qualité environnementale des produits.

À ce titre, la différence de taxation à la TICPE – de 2 centimes par litre – entre le SP95-E5 et le SP95-E10 est de nature différente.

En effet, conformément au mode de fonctionnement de la TICPE, la réfaction de tarif pour l’E10 est accordée uniquement sur la base de spécifications techniques de ce carburant, indépendamment de son contenu réel en énergie renouvelable ou des conditions de production de cette énergie.

Aussi, l’E10 bénéficie d’un tarif réduit même s’il contient des biocarburants non durables et, plus encore, même s’il ne contient pas d’éthanol.

Or, cette réduction de taxation se cumule, en règle générale, avec l’absence de taxation résultant de l’atteinte de l’objectif d’incorporation de la filière essence, ce qui peut conduire à excéder les surcoûts de production d’un carburant par rapport à un autre.

Selon l’exposé des motifs du présent article, ce tarif réduit « induit une subvention croisée au bénéfice de l’énergie fossile ».

Il conviendrait donc de la corriger.

II.   des renforcements substantiels à l’utilisation de biocarburants dans les transports

A.   une action portant à la fois sur la tirib et la ticpe

1.   S’agissant de la TIRIB

Premièrement, les taux cibles de la TIRIB sont augmentés. Le d du 6° du présent article modifie l’article 266 quindecies du code des douanes en augmentant les taux cibles de la TIRIB. La hausse prévue est de + 0,1 % pour les gazoles – le taux est porté à 8,1 % – et de + 0,6 % pour les essences, avec un taux porté à 9,2 %. Par ailleurs, les tarifs concernant les essences et les gazoles sont portés à 104 euros par hectolitre.

taux cibles de tirib en 2021

Produits

Tarif (€/hL)

Pourcentage cible

Essences

104

9,2 %

Gazoles

104

8,1 %

Carburéacteurs

125

1 %

Source : présent article.

Deuxièmement, les plafonnements relatifs aux matières premières avancées sont modifiés. Le f du 6° du présent dispositif modifie, quant à lui, le tableau du C du V de l’article 266 quindecies du code des douanes relatif aux plafonnements de matières premières et vient, pour la première fois, limiter l’incorporation de soja dans les essences. Ainsi, l’incitation fiscale est limitée à 0,35 % : la part d’énergie issue du soja excédant ce seuil ne sera pas prise en compte.

Ce même f du 6° accroît, au contraire, le seuil de plafonnement des égouts pauvres obtenus après deux extractions sucrières et des amidons résiduels issus des plantes riches en amidon, en fin de processus de transformation de l’amidon, à hauteur de 45 % de leur contenu énergétique. Ces coproduits de l’extraction du sucre pourront être pris en compte à hauteur de 1 % ([318]), contre 0,4 % actuellement. De fait, même si la prise en compte du contenu énergétique est plafonnée à 45 % – et qu’il faut donc un peu plus du double d’amidons résiduels pour atteindre un PCI égal à 1 en volume – cette mesure constitue un accroissement important des débouchés pour les coproduits issus des cultures sucrières françaises.

Troisièmement, une fraction de l’avantage fiscal est réservée aux matières premières avancées. Ainsi, le D du f du 6° du présent article dispose que ne sont pas prises en compte les quantités d’énergies autres que celles des matières premières avancées contenues dans les produits inclus dans l’assiette et conduisant à excéder la différence entre le pourcentage cible – 8,1 % pour les gazoles, 9,2 % pour les essences – et un montant de 1 % pour les essences et 0,2 % pour les gazoles.

Quatrièmement, le champ de la TIRIB est étendu aux carburéacteurs ([319]) par les a, c et d du 6° du présent article. Les carburéacteurs formeront ainsi une troisième filière – au côté des essences et des gazoles – et pour lesquels il est fixé un taux cible de 1 %. Le tarif associé est de 125 euros par hectolitre.

Cinquièmement, l’électricité d’origine renouvelable fournie par les bornes de recharge ouvertes au public sera désormais éligible à l’avantage fiscal, avec une comptabilisation au quadruple de sa valeur réelle, selon les termes du f du 6° du présent article. Ce même dispositif rend éligible à l’avantage fiscal avec une comptabilisation au double de sa valeur réelle l’hydrogène d’origine renouvelable utilisé pour les besoins du raffinage en France.

Est prévue pour cette dernière disposition relative à l’hydrogène une entrée en vigueur au 1er janvier 2023.

2.   S’agissant de la TICPE

Les 1° à 5° du présent article opère un alignement des tarifs de TICPE pour les essences, à savoir les SP95-E5, SP95-E10, SP98 et, résiduellement, l’essence contenant un additif antirécession de soupape.

Cet alignement doit s’effectuer sur deux ans : au 1er janvier 2021, le tarif de TICPE portant sur le SP95-E5 va augmenter de 50 centimes par hectolitre – soit 0,005 centimes par litre – quand le tarif de TICPE portant sur le SP95-E10 va diminuer de 50 centimes par hectolitre.

La fusion à un tarif intermédiaire de 67,29 euros par hectolitre sera effectuée au 1er janvier 2022.

Il n’y aura ainsi plus, à compter de 2022, de différence tarifaire, à la TICPE, entre le SP95-E5 et le SP95-E10.

tarifs de TICPE pour les essences

(Centimes d’euros par litre)

Essences

Tarifs 2020

Tarifs 2021

Tarifs 2022

Supercarburant E5

68,29

67,79

67,29

Supercarburant E10

66,29

66,79

67,29

Source : présent article.

 

B.   L’impact environnemental et économique

1.   L’impact environnemental

Les biocarburants présentent des intérêts sur le plan environnemental, puisqu’ils permettent :

– de contribuer à la lutte contre les changements climatiques en raison de leurs plus faibles émissions de GES par rapport aux carburants d’origine fossile ;

– de concourir à la lutte contre la pollution atmosphérique, leurs émissions de certains polluants étant globalement inférieures à celles des carburants d’origine fossile.

Ainsi, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ([320]), le différentiel d’émissions de GES des biocarburants de première génération avec les carburants d’origine fossile s’établit entre 18 % et 85 % ([321]) pour les essences et entre 65 % et 82 % pour les biogazoles ([322]).

Si les biocarburants de deuxième génération n’ont pas fait l’objet d’évaluations aussi exhaustives, le ministère de la transition écologique et solidaire a évalué la réduction des GES permise par les biocarburants issus de déchets ou de résidus entre 80 et 85 % ([323]).

De même, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) estime que les biocarburants aéronautiques peuvent représenter jusqu’à 90 % de gains en émissions sur l’ensemble du cycle de vie, en particulier ceux « mobilisant des déchets ou des résidus » ([324]).

Le relèvement de l’incitation à l’utilisation de biocarburants possède donc un effet potentiellement intéressant pour l’atteinte des objectifs environnementaux de la France.

Deux points méritent néanmoins une attitude vigilante.

Le premier consiste à surveiller la proportion de surfaces cultivées nationales destinées à la production de biocarburants. Cette surface agricole nette était de 2,39 % en 2017 ([325]). Ventiler les incitations fiscales entre types de générations de biocarburants et matières premières permet de poursuivre les objectifs de réduction des émissions tout en portant attention aux capacités alimentaires nationales.

Ainsi, outre les critères de durabilité « quantitatifs » liés aux émissions de GES, doit être pris en compte la durabilité « qualitative » liée aux terres.

Ces biocarburants ne doivent pas être produits à partir de terres riches en biodiversité et de terres présentant un important stock de carbone ou de tourbières. Au surplus, pour les productions européennes, les conditions d’attribution des aides de la politique agricole commune et les bonnes conditions agro-environnementales doivent être respectées pour la production des matières agricoles.

Ces critères s’appliquent également aux biocarburants produits à partir de matières premières en provenance de pays tiers, pour toute la chaîne de production et de distribution des biocarburants, dont les étapes vont du champ jusqu’à la distribution des carburants destinés à la consommation.

Le second point est lié au premier : le bilan environnemental doit se calculer à l’aune de la surface terrestre : les biocarburants ne doivent pas contribuer au phénomène de déforestation importée ([326]).

Pour rappel, en 2017, 67,19 % des matières premières des biocarburants mis à la consommation en 2017 étaient originaires d’Europe, dont 47,40 % pour la France. Plus spécifiquement, la part des matières premières de provenance européenne était de 90,65 % pour la filière du biogazole, et de 57,55 % pour celle du bioéthanol ([327]) .

Le législateur a déjà fait état du souci qu’il avait de cette problématique en déniant tout avantage fiscal lié à la TIRIB pour l’huile de palme ([328]).

Le présent article poursuit cet objectif en reprenant les nouveaux critères de durabilité européens ([329]).

Surtout, il limite les importations de soja dont les conditions de production possèdent un impact particulièrement négatif sur l’affectation des sols.

2.   L’impact économique et budgétaire

S’ils contribuent à diversifier le mix énergétique et à renforcer l’indépendance énergétique, les biocarburants présentent d’autres bénéfices pour le marché de l’énergie puisqu’ils permettent classiquement de soutenir la production domestique d’énergie, en créant des entreprises et des emplois dans les secteurs agricoles et industriels souvent peu délocalisables.

a.   Un dispositif favorable à l’agriculture française

Si le développement de la production a été, au départ, une question de politique agricole, notamment pour utiliser les jachères rendues obligatoires dans le cadre de la première réforme de la PAC en 1992, la production de biocarburants est aujourd’hui solidement établie en France et joue un rôle fondamental dans l’équilibre de nombreuses filières agricoles, notamment au regard des avantages incontestables qu’elles procurent aux agriculteurs, qui se répercutent dans les 30 000 emplois générés par les filières biodiesel et bioéthanol.

La Cour des comptes rappelait, dans son rapport public 2016, que les biocarburants « constituent un débouché supplémentaire pour les agriculteurs, ce qui ne peut avoir qu’une influence favorable sur les prix de vente et, partant, sur le revenu, d’autant que l’approvisionnement des unités de production, fondé sur une contractualisation, permet de stabiliser les relations commerciales des agriculteurs avec leur aval. » ([330])

En outre, la diversification des cultures en faveur, notamment, des oléagineux, joue un rôle clé dans les assolements ([331]) des grandes cultures.

Ils permettent de réduire l’usage des engrais et produits phytosanitaires et de valoriser efficacement l’azote minéral issu des effluents organiques. Comme le précise le centre d’analyse prospective du ministère chargé de l’agriculture, « en empêchant les flores adventices de se spécialiser, une diversité d’assolement permet de casser les cycles des adventices et de réduire l’usage des herbicides ; l’alternance de plantes hôtes et non hôtes pour les ravageurs des cultures diminue le risque de problèmes phytosanitaires, ce qui permet de réduire l’usage des insecticides et fongicides ; l’introduction de légumineuses dans les successions de cultures permet de fixer l’azote de l’air et de valoriser l’effet positif de la légumineuse sur la culture suivante, afin de réduire les apports en engrais azotés de synthèse » ([332]).

De plus, certaines plantes oléagineuses ont des externalités positives. C’est le cas du colza qui est une plante mellifère, visitée par de nombreux insectes pollinisateurs.

Enfin, la culture des biocarburants permet la production de coproduits permettant de diversifier l’alimentation des troupeaux, et de limiter la dépendance protéique de la France.

Ainsi, les betteraves, le blé ou le maïs fournissent divers produits : une betterave à sucre fournit à la fois du sucre pour l’alimentation humaine, de l’alcool pour les boissons, les produits biosourcés et les carburants et de la pulpe pour l’alimentation animale. Outre l’amidon pour l’alimentation humaine et d’autres usages ainsi que de l’alcool, le blé peut fournir des drêches pour l’alimentation animale ; le maïs est générateur de protéines pour l’alimentation animale, d’alcool et de CO2 biosourcé pour les boissons gazeuses.

b.   Un effet prix pour le consommateur

Les biocarburants permettent de réduire le coût de l’énergie, du fait d’une fiscalité incitative.

Ainsi, le prix moyen national toutes taxes comprises du SP98 était, en août 2020, de 1,399 euro le litre quand celui du SP95-E5 était de 1,332 euro le litre. Le SP95-E10 était quant à lui affecté d’un prix moyen de 1,321 euro le litre ([333]).

À fiscalité équivalente, la production de biocarburants est plus coûteuse.

Le présent dispositif porte donc en germe un coût pour le consommateur à trois égards.

D’une part, il rapproche la fiscalité du E95-E5 et du E95-E10, ce qui constitue, en pratique, une hausse de TICPE de 1 centime pour les consommateurs de SP95-E10 – qui a représenté 48 % des ventes de supercarburants en 2019, soit 5 points de plus qu’en 2018 et 12 points de plus qu’en 2016 ([334]). Le Gouvernement considère toutefois que « cet alignement est réalisé à niveau moyen de taxation inchangé pour les ménages et n’induit aucune recette budgétaire ».

D’autre part, accroître les objectifs d’incorporation associés à la TIRIB présente un coût pour les opérateurs qui doivent remplacer des carburants fossiles par des carburants « verts », plus coûteux à produire. Ce coût devrait ainsi être répercuté au prix payé « à la pompe ». Pour autant et comme le souligne l’étude d’impact du présent article, « ces coûts sont difficiles à évaluer compte tenu de la variabilité du coût des matières premières ».

Enfin, l’extension de la TIRIB aux carburéacteurs devrait emporter des conséquences sur le coût d’approvisionnement des compagnies aériennes en carburants, en France. Les compagnies possédant un point d’interconnexion sur le territoire national sont concernées au premier chef. Le coût estimé par l’étude d’impact du présent article – qui exprime par ailleurs d’importantes réserves méthodologiques liées à la volatilité des cours de l’énergie – est d’environ 1,2 centime par litre, soit environ 100 millions d’euros. Économiquement, la transmission aux prix de ce surcoût paraît acquise.

*

*     *

La commission passe à la discussion commune des amendements identiques I-CF605 de M. Fabrice Brun, I-CF622 de Mme Lise Magnier, I-CF1049 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1346 de M. Bruno Duvergé, ainsi que des amendements identiques I-CF95 de M. Marc Le Fur, I-CF134 de M. Dino Cinieri, I-CF140 de Mme Lise Magnier, I-CF199 de M. Paul Molac, I-CF343 de Mme Véronique Louwagie, et I-CF1122 de M. Hervé Pellois.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF605 vise à favoriser et à soutenir le bioéthanol, énergie renouvelable produite en France à partir de 100 % de biomasse issue de l’agriculture française.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF622 concerne la fiscalité applicable au carburant sans plomb 95-E10 (SP95-E10), carburant préféré des Français. Le projet de loi de finances pour 2021 augmente la fiscalité de ce carburant. Je pensais que nous avions tous retenu la leçon concernant la fiscalité des carburants et que nous n’allions pas remettre le sujet sur le tapis…

L’augmentation de la TICPE sur le SP95-E10 représente 30 millions d’euros de taxes supplémentaires pour les conducteurs en 2021, et 65 millions d’euros en 2022. Il est urgent de ne pas l’augmenter !

M. Bruno Duvergé. Le carburant SP95-E10 contient du bioéthanol, qui dégage moins de gaz à effet de serre. Si nous augmentons la TICPE sur ce carburant, nous creusons l’écart avec le diesel, pourtant plus polluant. Le groupe MoDem est particulièrement attaché à l’adoption de l’amendement I-CF1346. S’il n’était pas adopté, nous ne voterions pas l’article 15.

M. Marc Le Fur. L’avantage de TICPE pour les biocarburants est, en l’état de notre fiscalité, orienté vers les produits végétaux. L’amendement I-CF95 vise à inclure les résidus de graisse, afin d’encourager leur utilisation, certaines entreprises se lançant dans leur valorisation.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF343 vise à soutenir le développement des biocarburants avancés en introduisant un allégement de TICPE pour les biocarburants composés notamment d’acides gras, afin qu’ils bénéficient de la taxation avantageuse des biocarburants de type B100. La problématique est évoquée chaque année et le soutien à cette filière est important, et attendu.

M. Hervé Pellois. Cet amendement est proposé par la Cooperl, qui a élaboré un système de production de carburant à partir des graisses de flottation de ses abattoirs et des unités de production des industries agroalimentaires. C’est une idée pleine de bon sens car ces matières sont très difficiles à éliminer d’une autre façon.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Magnier politise le débat à dessein, et elle a raison. Pour autant, l’article ne vise pas à augmenter la fiscalité, mais à faire converger celle du SP95-E5 et du SP95-E10 pour corriger l’actuel écart, d’environ 2 centimes par litre, qui ne prend pas en considération la proportion réelle d’énergies renouvelables dans les carburants. Cela va dans le même sens que les autres dispositions fiscales du projet de loi de finances. Je serai donc défavorable à cette première série d’amendements.

Les amendements suivants visent à prévoir un tarif spécifique pour le carburant B30, qui comprend 30 % de biocarburants. Mais cela signifie qu’il comporte 70 % de carburants fossiles… Au regard de l’enjeu environnemental, mon avis est défavorable.

M. Marc Le Fur. Pourtant, certains aspirent à développer ces carburants et ces déchets graisseux font partie des matières qui génèrent le plus d’énergie. Il s’agit simplement d’appliquer à l’élevage les dispositions applicables au végétal. Les règles et les proportions sont les mêmes. Pourquoi faire une différence et ne pas encourager la production de ce type de biocarburant ?

M. François Jolivet. Je vous rappelle le vote d’hier en séance publique : une large majorité s’est exprimée pour autoriser l’usage provisoire de néonicotinoïdes au sein de la filière betteravière. Le deuxième poste de ressources de cette filière est la fabrication d’éthanol. Demain, un manufacturier hésitera peut-être à mélanger du carburant d’origine pétrolière avec de l’éthanol… Tout cela est-il utile pour gagner un centime ?

Les amendements identiques I-CF605, I-CF622, I-CF1049 et I-CF1346, ainsi que les amendements identiques I-CF95, I-CF134, I-CF140, I-CF199, ICF343 et I-CF1122 sont rejetés.

La commission examine ensuite l’amendement I-CF1450 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit d’affiner la prise en compte des amidons résiduels et égouts pauvres dans l’assiette de la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB).

La commission adopte l’amendement I-CF1450 (amendement 2823).

Elle en vient à la discussion des amendements identiques I-CF484 de Mme Lise Magnier, I-CF1050 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1187 de M. Charles de Courson.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF484 vise à augmenter le pourcentage cible d’incorporation d’énergie renouvelable dans les essences prévu par la TIRIB à compter de 2022, afin de tenir compte du rythme de croissance de la demande de superéthanol-E85, grâce notamment au succès des boîtiers de conversion.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement fait un effort puisque le pourcentage cible d’incorporation d’énergie renouvelable dans les essences passe de 9 % à 9,2 %. Nous proposons d’aller un peu plus vite, en passant à 9,4 %.

Monsieur le rapporteur général, ne serait-il pas préférable de prévoir une évolution de ces taux à moyen terme, avec une augmentation lente et continue, afin que les industriels puissent mieux piloter leurs affaires, et leurs investissements ?

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF484, I-CF1050 et I-CF1187.

Elle passe à la discussion commune des amendements identiques I-CF682 de Mme Véronique Louwagie et I-CF943 de Mme Lise Magnier, des amendements identiques ICF381 de M. Fabrice Brun, I-CF731 de M. Charles de Courson, ICF783 de Mme MarieChristine Dalloz et I-CF1166 de M. Éric Coquerel, ainsi que de l’amendement ICF219 de M. Michel Castellani.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF943 vise à appliquer le plafonnement des quantités d’énergies renouvelables issues du soja éligibles au mécanisme de la TIRIB dès le 1er janvier 2021, et non en 2022 comme le prévoit le projet de loi de finances.

M. Fabrice Brun. Les enjeux liés à l’incorporation de soja dans les énergies renouvelables sont importants en termes d’indépendance sanitaire, alimentaire, énergétique, mais également en termes de transition écologique. Cela mérite que nous nous arrêtions quelques minutes sur ces amendements.

Il ne faut plus soutenir fiscalement l’utilisation de l’huile de soja dans les carburants : avant de rouler dans des voitures françaises, elle a parcouru des milliers de kilomètres à travers les mers et a contribué à la déforestation en Amérique du Sud. Notre commission serait bien inspirée de mettre fin à son utilisation dans les carburants, aussi qu’à celle de l’huile de palme. C’est une hérésie fiscale, environnementale et énergétique.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à supprimer l’augmentation de la TICPE sur le carburant SP95-E10, dans un contexte social et économique peu propice à une hausse de la fiscalité sur les produits de grande consommation, et pour respecter l’engagement de l’État de ne plus augmenter la fiscalité des carburants. Le SP95-E10 est l’essence la plus vendue en France avec près de la moitié des parts de marché des essences sans plomb. La mesure prévue par le projet de loi de finances pour 2021 réduit le pouvoir d’achat des automobilistes, entraînant pour eux un surcoût de l’ordre de 30 millions d’euros en 2020, puis de 65 millions d’euros en 2022.

De plus, le SP95-E10 de l’indice 11 ter contient près de 10 % de bioéthanol, soit plus que le SP95 et le SP98, qui en contiennent moins de 7,5 %. Le bioéthanol produit en Europe réduit en moyenne de 72 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’essence classique. C’est la raison pour laquelle le SP95-E10, plus écologique, bénéficie historiquement d’une taxation réduite.

L’alignement de la fiscalité conduit à une certaine iniquité sociale, en diminuant la taxation sur le SP98, essence premium, tout en augmentant celle de l’essence sans plomb la plus accessible à tous, le SP95-E10.

En ralentissant mécaniquement la consommation du SP95-E10, cette disposition risque d’empêcher la France d’atteindre l’objectif européen de 14 % d’énergie renouvelable dans les transports en 2030, objectif qui devrait passer à 24 % dans le cadre du Green deal. En outre, cette mesure pénalise le bioéthanol, énergie renouvelable produite en France à partir de 100 % de biomasse venant de l’agriculture française, au profit de l’essence fossile.

Enfin, la fiscalité spécifique appliquée au carburant SP95-E10 de l’indice 11 ter est conforme à la directive du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF1166 vise à exclure l’huile de soja des incitations fiscales concernant les biocarburants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vos amendements proposent de limiter ou d’exclure totalement le soja de l’assiette de la TIRIB. Puisque personne ne l’a mentionné, je rappelle que l’huile de soja n’est plus prise en compte qu’à hauteur de 0,35 % dans le gasoil. C’est une modification substantielle. mon avis sera défavorable.

M. Julien Aubert. J’ai du mal à comprendre vos arguments, monsieur le rapporteur général. Le Gouvernement propose 0,35 %. Vous estimez que nous allons dans la bonne direction. mais nous souhaitons passer à 0 %. Si l’on est capable de passer à 0,35 %, pourquoi ne pas prévoir immédiatement 0 % ?

L’huile de soja n’est d’aucun soutien pour notre balance commerciale ; elle n’aide pas l’industrie française ; elle est anti-écologique ; elle dégage du CO2. Pourquoi ne pas faire le dernier mètre et sortir l’huile de soja ? Vous auriez au moins pu vous en remettre à la sagesse de la commission.

M. Marc Le Fur. L’augmentation du coût du carburant SP95-E10 va entraîner une baisse du pouvoir d’achat de nos compatriotes de 7 %. C’est considérable, d’autant que les déplacements automobiles s’accroissent par crainte du Covid. Ce matin, vous nous avez pourtant indiqué – et nous avons approuvé à 1 000 % ! – qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôts.

M. Fabrice Brun. La politique est aussi faite de symboles. Exclure l’huile de soja et l’huile de palme a politiquement du sens alors que notre pays s’engage dans une trajectoire de transition écologique. C’est pourquoi nous insistons, monsieur le rapporteur général !

M. Jean-Louis Bricout. Vous ne nous dites peut-être pas tout : le Gouvernement n’aurait-il pas fait le choix de sauver la raffinerie Total de La Mède et d’importer de l’huile de palme, au détriment du bioéthanol fabriqué à base de mélasse, produit de deuxième génération ? C’est le plus mauvais moment, alors que le régime de quotas agricoles pour gérer la production de sucre a disparu et que la filière betteravière est en danger – le débat sur les néonicotinoïdes nous l’a rappelé. C’est un contresens écologique et économique !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Aubert, vous avez partiellement raison, mais le soja, c’est aussi une filière. Remettons le débat en perspective de la proportion de soja dans les biocarburants – 3 %. On peut aussi le voir comme une sortie en sifflet ; je maintiens que nous devons rester sur ce pourcentage.

Monsieur Bricout, vous êtes hors sujet car vous évoquez les distillats d’huile de palme. Nous pouvons en parler, mais ce n’était pas le sujet des amendements !

La commission adopte les amendements identiques I-CF682 et I-CF943 (amendement 2824).

En conséquence, les amendements identiques I-CF381, I-CF731, I-CF783 et ICF1166, ainsi que l’amendement I-CF219, tombent.

Elle examine ensuite successivement les amendements I-CF1224 et ICF1225 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Lorsque l’on souhaite soutenir l’électricité décarbonée, il n’y a pas lieu de distinguer celle issue de sources renouvelables intermittentes et l’électricité nucléaire. L’amendement I-CF1224 vise donc à étendre le bénéfice de la TIRIB à l’électricité d’origine nucléaire pour le rechargement de véhicules.

L’amendement I-CF1225 propose d’étendre le bénéfice de ce même dispositif à l’hydrogène issu d’une électrolyse par de l’électricité d’origine nucléaire. Il ne faut pas viser uniquement l’électricité d’origine renouvelable, mais plutôt des usages décarbonés. Les projets sont beaucoup plus nombreux en la matière – notamment par le biais de petites centrales à haute température – que ceux permettant de produire de l’électricité intermittente. En se focalisant sur cette dernière, on participe à la hausse des coûts de production de l’électricité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On ne peut pas inclure le nucléaire dans l’assiette de la TIRIB pour le rechargement des véhicules car ce n’est pas une énergie renouvelable. Certes, elle est décarbonée, mais le procédé de fission nucléaire utilise de l’uranium, qui est un combustible.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1224 et ICF1225.

Elle passe à la discussion commune des amendements identiques I-CF486 de Mme Lise Magnier et I-CF1051 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que des amendements identiques I-CF683 de Mme Véronique Louwagie, I-CF945 de Mme Lise Magnier et I-CF1193 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF1051 vise à relever de 45 % à 50 % la part du contenu énergétique du bioéthanol issu des égouts pauvres issus des plantes sucrières et obtenus après deux extractions sucrières (EP2).

L’amendement I-CF683 propose de comptabiliser les biocarburants issus de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale dans le taux cible de 1 % prévu pour les carburéacteurs.

M. Charles de Courson. Pourquoi tous nos amendements proposent-ils de passer de 45 à 50 % ? Le taux de 45 % avait été calculé à partir d’une référence européenne désormais supprimée. La définition réglementaire en vigueur conduit à recalculer ce taux à 50 %.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements identiques I-CF486 et I-CF1051, ainsi que les amendements identiques I-CF683, I-CF945 et I-CF1193.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF1320 de M. Matthieu Orphelin et I-CF220 de M. Michel Castellani.

Mme Émilie Cariou. L’amendement I-CF1320 vise à exclure l’huile de soja des incitations fiscales concernant les carburants et à clarifier le statut des distillats d’acide gras de palme, l’un des principaux produits à base d’huile de palme.

Cela dit, je ne sais pas comment cet amendement s’articule avec ce que l’on vient d’adopter.

M. le président Éric Woerth. Ces amendements sont satisfaits.

Les amendements I-CF1320 et I-CF220 sont retirés.

L’amendement I-CF1246 de M. Marc Le Fur est retiré.

La commission étudie l’amendement I-CF924 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement vise à modifier la date d’application de la taxation des carburéacteurs, de façon à ne pas obérer les potentialités de recherche et développement actuellement à l’œuvre sur notre territoire pour introduire des biocarburants dans l’aviation, sans nuire aux nécessités de rebond qu’il faut lui ménager après le choc économique de la crise sanitaire.

Autrement dit, il faut se donner un peu plus de temps pour ne pas perdre la possibilité d’avoir de nouveaux carburants dans le secteur aéronautique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas d’accord avec ce décalage d’un an que vous proposez. Je considère au contraire que la date de 2023 permet de concilier une recherche stimulée et la relance économique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF924.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

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Après l’article 15

La commission examine les amendements identiques I-CF269 de Mme MarieChristine Dalloz et I-CF377 de M. Fabrice Brun.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement s’inscrit dans l’ambition de la loi d’orientation des mobilités (LOM) et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de permettre un développement actif du véhicule utilitaire léger (VUL) propre en entreprise. Il vise à renforcer de 20 % à 40 %, à destination des personnes morales, le suramortissement exceptionnel pour les véhicules utilitaires légers propres, dont le poids autorisé en charge est supérieur ou égal à 2,6 tonnes et inférieur à 3,5 tonnes. Il est en effet essentiel d’accompagner les entreprises pour leur permettre de respecter les obligations de transition de leurs flottes qui leur ont été fixées par la LOM, sans nuire à leur équilibre économique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre intention est plutôt bonne, mais comme elle concerne plusieurs centaines de milliers de véhicules, elle serait extrêmement coûteuse. Or je sais que vous êtes attachée à la maîtrise des comptes publics.

Cette mesure n’est pas très raisonnable, d’autant qu’elle ne bénéficierait qu’aux entreprises qui réalisent un bénéfice. À la rigueur, on pourrait considérer qu’il s’agira d’un bon dispositif demain, lorsqu’on sera sortis de la crise et qu’on aura retrouvé un peu de poil de la bête. Mais pour le moment, je le trouve un peu imprudent. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF269 et I-CF377.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques ICF1459 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et I-CF423 de Mme Sophie Panonacle ainsi que de l’amendement et ICF424 de Mme Sophie Panonacle.

Mme Sophie Panonacle. Il existe une énergie qui est totalement gratuite et décarbonée : le vent. Des entreprises françaises d’excellence travaillent, innovent et ont mis au point des navires ultramodernes à propulsion vélique. Oui, on peut parler de l’excellence de l’innovation française. Pour illustrer mon propos, je citerai Zéphyr&Borée qui vient de développer un cargo de 121 mètres dédié au transport du futur lanceur Ariane 6.

Pour que ces bateaux à propulsion vélique naviguent et portent haut le pavillon français, ils ont besoin d’un signal et d’un soutien public. C’est pour cela que je vous propose d’adopter mes deux amendements qui améliorent le dispositif de suramortissement prévu par l’article 39 decies C du code général des impôts. L’amendement I-CF423 prévoit un suramortissement de 150 % pour la propulsion vélique principale et l’amendement I-CF424 un suramortissement de 125 % pour une propulsion vélique auxiliaire, pour une durée de cinq ans. Ces taux de suramortissement se justifient par des technologies totalement décarbonnées. Je pense que c’est vers cette voie que nous souhaitons aller.

Ce soutien concernerait cinq navires environ, ce qui représente un budget extrêmement réduit pour faire de la France le leader de la propulsion par le vent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il me semble que vous avez déjà présenté cet amendement l’an dernier et que le rapporteur général d’alors vous avait répondu qu’il était satisfait puisque l’article 39 decies C du code général des impôts indique que le suramortissement est applicable à « tout navire qui utilise toute autre propulsion décarbonée comme énergie propulsive principale ». Or, quoi de plus décarboné que la propulsion vélique.

Votre amendement élargit le suramortissement à la fois dans le temps et en l’étendant aux frais de conception. Or on doit en rester à ce que prévoit la loi.

Avis défavorable.

Mme Sophie Panonacle. Cet article 39 decies C du code général des impôts ne donne pas de précisions quant à la propulsion principale ou la propulsion auxiliaire. C’est pour cela que j’ai rédigé deux amendements. L’article parle de scrubbers et de gaz naturel liquéfié (GNL), mais l’énergie vélique passe totalement inaperçue. C’est pourquoi il me semble important d’inscrire dans le texte le mot vélique.

Après discussion avec la direction des affaires maritimes, je vais réécrire l’amendement I-CF423 que je présenterai en séance publique. Ainsi, je proposerai un suramortissement de 125 %, à la fois pour la propulsion auxiliaire et la propulsion vélique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il serait bon que vous modifiiez également la durée du suramortissement, qui est trop longue.

Je vous propose donc de revoir cet amendement avant l’examen du texte en séance publique afin qu’une rédaction adéquate soit envisagée.

Mme Sophie Panonacle. Je retire ces amendements.

Les amendements I-CF1459, I-CF423 et I-CF424 sont retirés.

L’amendement I-CF378 de M. Fabrice Brun est retiré.

La commission étudie l’amendement I-CF1385 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. J’avais déjà proposé l’année dernière cet amendement.

En 2020, vous avez décidé d’alourdir les tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Cette taxe n’a rien à voir avec la consommation de carburant, elle ne contribue pas à améliorer l’empreinte carbone du secteur puisqu’elle n’est pas fonction du type d’avion ou de la distance, mais applicable à chaque passager. Je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment pour augmenter les contraintes pesant sur l’industrie aéronautique qui est totalement sinistrée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’avoue que j’avais accueilli, avec une certaine tiédeur, la hausse de cette taxe, l’année dernière lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020. Cela dit, elle alimente l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui a grandement besoin de ressources. Malheureusement, cette taxe a un petit effet cliquet et elle est récente. Aussi, je ne suis pas favorable à l’abaisser ou à la supprimer, et encore moins à l’augmenter.

M. le président Éric Woerth. En séance publique, je dirai au ministre, qui ne cesse de répéter que la relance et l’urgence représentent une capacité d’adaptation formidable pour l’État, qu’il peut revenir sur la forte augmentation de cette taxe qui a été décidée l’année dernière, comme il l’a fait sur de nombreux sujets. Je ne vois pas pourquoi il ne le ferait pas sur cette question dans le cadre du soutien à l’industrie aéronautique.

M. Charles de Courson. Je voudrais appuyer votre amendement, monsieur le président, sachant que j’ai été rapporteur spécial sur le transport aérien pendant dix ans.

On a tellement augmenté ces taxes que nos aéroports sont devenus non compétitifs, notamment en matière de transit. Lorsque vous faites, par exemple, un trajet de l’Amérique du Nord vers le Golfe, que vous fassiez escale à Francfort, Paris ou Londres, cela importe peu. Avec cette taxe, le problème c’est qu’on délocalise. De même, si vous voulez aller à New York mais que vous ne voulez pas payer la taxe, il vous suffit de prendre l’avion à Bruxelles. Là encore, on fait de la fiscalité franco-française dans un secteur où la compétition entre les entreprises est très forte.

La proposition extrêmement modérée de M. Woerth consiste à revenir à la situation de 2019. Cette mesure, qui a une incidence de 40 à 50 millions d’euros, représente une petite aide pour le transport aéronautique français et la filière aéronautique.

M. Marc Le Fur. Je soutiens, moi aussi, cet amendement.

Le directeur d’Aéroports de Paris nous a indiqué qu’au mieux nous retrouverons notre trafic aérien de passagers en 2024.

J’entends aussi certaines villes, comme Lorient ou Quimper, qui ne sont pas nécessairement des métropoles, s’interroger sur le devenir de leur aéroport. Des menaces pèsent sur un certain nombre de nos outils indispensables en matière d’aménagement du territoire. Aussi faut-il en tenir compte.

J’ai reçu les représentants des agences de voyages de ma région qui me parlent d’une catastrophe absolue. Non seulement ils n’ont plus de chiffre d’affaires puisqu’ils ne vendent plus, mais ils ont été confrontés à des dépenses très importantes lors de la crise puisqu’il a fallu rapatrier nos compatriotes. Comme leurs salariés étaient affectés à cette tâche de rapatriement, ils n’ont pas pu être au chômage partiel.

La commission rejette l’amendement I-CF1385.

Elle passe à l’amendement I-CF1316 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit de soutenir Air France en instaurant un prix minimum sur les billets d’avion.

L’objectif principal de cette mesure est de lutter contre le dumping social des compagnies low cost qui sont le vrai problème des difficultés structurelles d’Air France.

Les compagnies low cost tirent les prix vers le bas en raison de pratiques sociales et fiscales agressives, ainsi que par la vente à perte de billets dont le prix peut parfois être inférieur au coût combiné des charges et taxes d’aéroport. Dans la situation actuelle, Air France ne peut pas lutter. D’où cet amendement qui prévoit d’instaurer un prix minimum sur les billets d’avion. Il a été discuté avec les syndicats de pilotes des différentes compagnies.

On pourrait penser que l’instauration d’un prix minimum du billet à 50 euros est une mesure antisociale…

M. Marc Le Fur. En effet, c’est une mesure antisociale.

M. Matthieu Orphelin. Mais je pense que les salariés d’Air France et cette compagnie – qui paye ses impôts en France, qui respecte le droit du travail français – ne seront pas de cet avis. Je le répète, seuls 2 % des voyageurs du transport aérien sont des ouvriers. Ce sont donc principalement, aujourd’hui encore, les gens qui ont les moyens qui prennent l’avion. C’est donc bien une mesure sociale et de soutien à Air France. J’ai entendu, lors de l’examen des amendements précédents, que beaucoup avaient envie de soutenir Air France. Vous feriez une belle action en adoptant cet amendement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne partage pas du tout votre analyse. Vous parlez des salariés d’Air France, mais que faites-vous de ceux de Transavia, d’EasyJet, etc. ? Je considère qu’un salarié d’une compagnie low cost ne vaut pas moins qu’un salarié d’Air France. Un emploi, c’est un emploi. Tous les secteurs ont besoin d’être aidés dans la période que nous vivons. Avis très défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Je voulais surtout ouvrir le débat. Je persiste à penser que ne pas respecter le droit du travail qu’on impose à d’autres compagnies est un vrai sujet. Mais je vois que ça ne l’est pas aujourd’hui pour tout le monde. Il ne faut surtout pas fermer les yeux sur la concurrence déloyale que subit notre pavillon français.

Je retire mon amendement.

L’amendement I-CF1316 est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF1131 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement, que mon groupe a déposé à de nombreuses reprises, vise à taxer les publicités qui font la promotion de secteurs polluants, qu’il s’agisse des voitures comme des vols aériens.

Cette proposition se situe au carrefour de deux propositions de la Convention dont on ne peut plus maintenant prononcer le nom et qui a deux objectifs : d’une part limiter les effets néfastes du transport aérien, notamment pour les vols intérieurs quand ils peuvent être remplacés par le train, d’autre part réguler la publicité, sujet sur lequel nous reviendrons.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pourquoi en voulez-vous tant au trafic aérien ?

Soyez cohérente : soit vous voulez arrêter l’avion, dites-le clairement. À ce moment-là, nos amis ultramarins devront rester chez eux et on ne prendra plus l’avion. Soit vous acceptez qu’on ait parfois besoin de prendre l’avion, auquel cas vous devez comprendre qu’on fasse de la publicité pour promouvoir les vols des compagnies commerciales. Je ne comprends pas cet entre-deux, cette écologie-là. Il s’agit d’une filière économique. Les personnes voyagent souvent pour le travail, souvent pour la famille. Rien ne justifie qu’on taxe cette publicité.

Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Merci pour votre réponse. J’ai bien précisé que mon amendement concerne notamment les vols intérieurs quand ils peuvent être remplacés par le train.

Par ailleurs, toutes ces taxes pourraient être orientées vers la recherche, notamment vers l’avion à l’hydrogène. Elles peuvent se cumuler pour être au service d’une autre manière de voyager de façon plus écologique.

La commission rejette l’amendement I-CF1131.

Elle est saisie, en discussion commune, de l’amendement I-CF1186 de Mme Sabine Rubin et des amendements identiques I-CF1144 de Mme Sabine Rubin et I-CF1381 de M. Jean-Charles Colas-Roy.

Mme Sabine Rubin. L’utilisation des engrais de synthèse, outre les impacts écologiques qui sont dévastateurs, entraîne un recours aux énergies fossiles pour leur production, des émissions de protoxyde d’azote – gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant 265 fois supérieur au dioxyde de carbone – lors du processus de fabrication, puis une pollution de l’air via les particules fines et de l’eau lors de l’épandage.

Au regard de cette réalité et pour encourager la sortie d’un modèle agricole industriel qui est mortifère et qui empoisonne, l’amendement I-CF1186 propose d’instaurer une taxe différenciée qui serait applicable au 1er janvier 2021, à hauteur de 0,27 centime par kilo d’engrais acquis.

La fiscalité sur l’utilisation des engrais azotés est quasi inexistante. Je rappelle qu’ils sont composés en partie de nitrate d’ammonium, ce produit qui est responsable des accidents de Lubrizol et à Beyrouth, et qui dispose d’une fiscalité totalement laxiste.

L’amendement I-CF1144 propose que la redevance pour pollutions diffuses soit applicable aux engrais azotés.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Mon amendement vise à créer une redevance sur les engrais azotés en modifiant le périmètre de la taxe générale sur les activités polluantes. C’est un sujet qui revient chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances. Comme le rappelle la Convention citoyenne pour le climat dans la partie « se nourrir » de son rapport, la réduction de l’utilisation des intrants de synthèse, en particulier les engrais azotés qui sont très émetteurs de dioxyde de carbone, est essentielle pour réussir la transition agroécologique.

L’amendement que je vous propose fixe à 0,27 centime d’euro par kilo le montant de cette redevance. Au delà de l’impact néfaste sur les sols et sur les eaux, l’utilisation des engrais azotés est également très énergivore. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) estime que la fertilisation par engrais azotés représente 45 % de l’énergie consommée par une exploitation agricole en grande culture.

Il s’agit d’un amendement d’appel car il me semble important de travailler avec le rapporteur général sur le meilleur dispositif pour construire une trajectoire soutenable de taxation des engrais azotés, affecter au mieux les sommes à la recherche d’alternatives à ces engrais azotés extrêmement néfastes, et soutenir nos agriculteurs qui s’engagent dans des démarches vertueuses pour s’en passer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je reconnais volontiers le coût environnemental de ces engrais azotés. Vous avez raison, il faudrait une transition vers la sortie.

À titre personnel, je trouve que cette taxation soudaine est brutale et qu’elle n’est pas souhaitable. Il est certain qu’il faut s’acheminer vers de nouvelles pratiques, mais il ne s’agit pas ici de faire un grand débat pour savoir comment remplacer les engrais. Je suis convaincu qu’il faut pour le moment laisser les agriculteurs gérer cette sortie de crise et éviter d’ajouter une taxe. Mais cela ne signifie pas, bien sûr, qu’il ne faut pas encourager la recherche et le développement de solutions alternatives et prévoir ultérieurement une sortie progressive.

Vous proposez de fixer à 0,27 centime d’euro par kilo le montant de la redevance, ce qui est prohibitif, et qui représente une recette annuelle de 700 millions d’euros. C’est une poussée brutale vers la sortie qui n’est pas souhaitable à ce stade.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF1186 et les amendements identiques ICF1144 et I-CF1381.

L’amendement I-CF569 de M. Fabrice Brun est retiré.

La commission étudie les amendements identiques I-CF94 de M. Marc Le Fur, ICF685 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF957 de M. Vincent Rolland.

M. Marc Le Fur. J’attache la plus grande importance à cet amendement qui est hélas de circonstance.

On salue et on applaudit les actions des Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et de nos pompiers : c’est très bien et on le fait à bon escient. Mais vient un moment où il faut traduire ces actes en matière de priorité fiscale. Or, quand les pompiers partent en mission, ils sont traités, au titre de la TICPE, comme des gens qui se promènent, c’est-à-dire qu’ils payent le même taux de TICPE. Ceci n’est pas tolérable. On ne peut pas continuer à se lever dans l’hémicycle, comme on le fait très régulièrement, pour saluer leur action, sans le concrétiser. C’est à cela que sert aussi une loi de finances. Aussi, je propose que les SDIS soient dispensés de TICPE.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’adoption de cette disposition enverrait un signal fort aux SDIS. Effectivement, il est bon de les remercier et de les féliciter, mais c’est encore mieux de leur donner des moyens supplémentaires. L’argent qui ne servirait pas à payer la TICPE pourrait être utilisé à l’achat de matériel, ce qui constitue une priorité pour nos sapeurs-pompiers.

M. Vincent Rolland. Mieux vaudrait que les SDIS puissent bénéficier de matériels modernes et de casernes plutôt que de payer une taxe. N’oublions pas que cela repose sur les frêles épaules des collectivités territoriales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà évoqué la question de l’exonération de TICPE pour les carburants utilisés par les SDIS dans le cadre de l’examen du PLFR 3. Je comprends bien le problème que vous posez, mais il ne peut pas se régler par une exonération de TICPE, qui serait contraire au droit européen. La police, la gendarmerie et l’armée ne sont pas non plus exonérées, mais, le produit de cette taxe revenant dans les caisses de l’État, on est en quelque sorte dans une économie circulaire. Mais je comprends bien qu’en la matière la TICPE est payée par le département.

Le seul moyen de résoudre ce problème serait de pouvoir chiffrer le montant que représente la TICPE pour les SDIS et de compenser cette somme par une ligne budgétaire. Je veux bien travailler avec vous sur ce point. Je pense que ce serait contraire au droit européen d’exonérer les SDIS du montant de la TICPE.

M. Marc Le Fur. Ce serait tellement plus simple de les en exonérer ! Certes, le calcul est possible, mais pourquoi faire compliqué quand on pourrait faire simple !

M. le président Éric Woerth. Monsieur Le Fur, ce serait déjà une avancée ! Je pense qu’il faut en discuter avec le ministre.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis très favorable à l’approche du rapporteur général. Chaque département étant couvert par un service départemental, il suffit de demander aux pompiers quelle est leur consommation par intervention. L’État pourrait prendre à sa charge le montant de la TICPE lié aux interventions. Bref, c’est une excellente proposition.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable à ces amendements parce que je ne peux pas valider l’exonération. Je vous propose de poursuivre cette discussion dans l’hémicycle avec le ministre.

M. le président Éric Woerth. Je vous propose de retirer vos amendements puis de les redéposer en séance publique. Ainsi, vous pourrez avoir cette discussion.

Les amendements identiques I-CF94, I-CF685 et I-CF957 sont retirés.

La commission en vient à l’amendement I-CF1181 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. Alors qu’une niche fiscale exonère de TICPE les navires de pêche et les croisiéristes, les ONG qui luttent contre le braconnage en mer ou œuvrent pour la dépollution marine ne sont pas exonérées. C’est pourquoi je vous propose de rétablir une certaine justice fiscale en attendant de supprimer cette niche qui n’est pas très écologique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous sommes dans un cas un peu différent que précédemment, parce que le droit européen permet l’avitaillement en franchise des navires affectés à une activité commerciale ou une mission de service public.

S’agissant de la mission de service public, il s’agit des navires de l’État et, à titre très dérogatoire, des associations qui justifient de circonstances particulières les conduisant à se substituer de manière permanente aux organismes de sauvetage maritime ou à certains services de l’État. C’est le cas de la Société nationale de sauvetage en mer, mais pas des ONG. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1181.

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Article additionnel après l’article 15
Précisions relatives au périmètre d’application du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques portant sur les entreprises du secteur extractif des roches siliceuses

La commission examine l’amendement I-CF1115 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. L’amendement a pour objet de préciser le périmètre d’application du tarif réduit de TICPE pour les entreprises du secteur extractif, qui entre en vigueur le 1er juillet 2021. Le périmètre prévu présente un risque de confusion entre plusieurs types de matériaux dont certains sont exposés à la concurrence internationale – je pense notamment à la région frontalière avec la Belgique – alors que d’autres ne le sont pas. Afin de lever cette ambiguïté, il est proposé d’expliciter le critère de destination, à savoir les minéraux destinés à la production de minéraux industriels, et d’augmenter le pourcentage de pureté de la dolomie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si j’ai bien compris, cet amendement permet de mettre fin à une sorte de confusion qui existe dans la coexistence de différents types de matériaux, donc d’être plus précis sur ceux devant bénéficier de tarifs réduits. Avis favorable.

L’amendement I-CF1115 est adopté (amendement 2887).

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Après l’article 15

La commission est saisie des amendements identiques I-CF1271 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF1382 de M. Dominique Potier.

Mme Christine Pires Beaune. Avant de vous présenter l’amendement, je tiens à me féliciter que le Parlement européen vienne d’adopter, dans le cadre de l’examen de la loi sur le climat, un amendement portant de 55 % à 60 % l’objectif de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2030.

D’ici à 2025, la totalité des subventions aux énergies fossiles devront être supprimées, conformément à l’engagement pris par la France dans le cadre de la stratégie bas carbone. Le ministre Bruno Le Maire a indiqué vouloir engager la réduction de ces dépenses fiscales dès le projet de loi de finances pour 2021. Avec cet amendement, il s’agit de réduire certaines dépenses fiscales, notamment sur les énergies conventionnelles qui viennent concurrencer de fait la rentabilité des énergies renouvelables.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. La pandémie de Covid-19 a montré ce que devenait une économie à l’arrêt. Nous n’avons même pas réussi à atteindre le niveau fixé par l’Accord de Paris. Aujourd’hui, ce sont des centaines de milliers d’emplois qui sont menacés.

Il faudra bien qu’on examine un jour ces politiques écologiques avec beaucoup plus de rationalité, et surtout qu’on prenne en compte le climat économique. Nous en sommes toujours aux objectifs qui ont été fixés avant la crise, en faisant mine de considérer que rien n’a changé, comme on a voulu maintenir la trajectoire carbone d’avant la crise des gilets jaunes. Or, un jour on se prend le mur, et on s’aperçoit que ça ne va pas.

Mme Christine Pires Beaune. M. Aubert vient tout simplement de dire qu’on devrait revoir notre stratégie bas carbone. Peut-être va-t-il déposer une proposition de loi en ce sens…

On trouvera toujours de bonnes raisons pour ne pas atteindre les objectifs fixés. Au contraire, il faut mettre à profit cette crise pour voir comment on peut remplir les objectifs bas carbone et aider nos entreprises, car je vous rappelle que le plan de relance a inscrit plus d’un milliard d’euros précisément pour décarboner nos industries.

La commission rejette les amendements identiques I-CF1271 et I-CF1382.

Puis elle examine l’amendement I-CF568 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il s’agit d’exonérer de TICFE la part d’électricité autoproduite par les projets d’autoconsommation collective, au même titre que pour l’autoconsommation individuelle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises. L’avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) était assez clair : elle préconisait de ne pas étendre l’exonération de la part d’électricité aux projets d’autoconsommation collective. Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. N’est-ce pas notre rôle, en tant que parlementaires, d’inciter la CRE à appréhender cet objectif, afin de soutenir tous les projets qui permettent de réduire les émissions de CO2 ? Lorsqu’on m’interroge sur ce sujet, j’ai du mal à expliquer pourquoi les projets d’autoconsommation individuelle bénéficient d’une exonération mais pas les projets d’autoconsommation collective qui sont en fait de petits projets individuels cumulés.

La commission rejette l’amendement I-CF568.

Puis elle étudie les amendements identiques I-CF1241 de M. Marc Le Fur et I-CF1363 de M. Fabrice Brun.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement de M. Le Fur prévoit une taxation différenciée des énergies renouvelables et des énergies fossiles pour maintenir une exonération ciblée de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) pour les consommateurs volontaires de gaz renouvelable injecté dans les réseaux, dont la traçabilité est assurée par les garanties d’origine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne souhaite pas revenir sur les forfaitisations du biogaz qui avaient fait l’objet de concertations avec les énergéticiens. Aussi, je propose d’en rester à la fiscalité actuelle.

La commission rejette les amendements identiques I-CF1241 et I-CF1363.

Puis elle passe à l’amendement I-CF1226 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Mon amendement coûte cher, mais il réintroduit de la logique.

Auparavant, les énergies renouvelables étaient financées par la contribution au service public de l’énergie (CSPE), autrement dit par une contribution qui reposait sur le prix de l’électricité. Moralité, le prix de l’électricité a augmenté très fortement ces dix dernières années. Comme on s’est aperçu que c’était illogique, on a décidé de les financer sur la fiscalité des carburants. Pour une raison que j’ignore, on a augmenté fortement la fiscalité sur les carburants, mais on a oublié de baisser la taxation sur l’électricité décarbonée. Aussi, je propose de supprimer la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) – ancienne CSPE – sur l’électricité de manière à encourager les Français à utiliser l’électricité, à développer le pouvoir d’achat des classes populaires et à créer une vraie différenciation, En créant un véritable différentiel entre les usages carbonés et les usages décarbonés, je réponds à la question de ma collègue qui se demande comment on peut lutter contre le réchauffement climatique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous souhaitez supprimer la TICFE dont le rendement est tout de même de 7,6 milliards d’euros, somme qui est affectée au budget général.

Vous relevez d’abord que la TICFE a perdu son objet de financement des charges de service public de l’électricité, et dans la même phrase vous relevez que la TICFE a remplacé la CSPE. Effectivement, la TICFE ce n’est pas la CSPE. Il ne vous a pas échappé que les deux intitulés de la taxe étant différents, il est logique que leurs sphères le soient aussi.

La TICFE contribue également au financement public de la transition énergétique. Il me semble que vous pouvez croire en l’universalité budgétaire, en tant que magistrat de la Cour des comptes.

Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Oui, je crois en l’universalité budgétaire, mais je ne suis pas sûr qu’elle existe. En tout cas, elle existe de moins en moins quand on voit la manière dont le budget est bâti.

Certes, cette taxe a un rendement de 7,6 milliards d’euros, mais vous avez pris des mesures à 20 milliards d’euros.

Vous cherchez désespérément à aider les classes les plus modestes et à supprimer les passoires thermiques avec la rénovation énergétique. Pour le coup, mon amendement a un impact direct sur la facture d’électricité, autrement dit il a à la fois un impact social et un impact écologique.

Je suis d’accord avec vous, la mesure que je propose coûte très cher. Mais que représentent 7,6 milliards d’euros par rapport à un plan de relance de 100 milliards d’euros, c’est-à-dire par rapport à la générosité dont vous avez fait preuve ces derniers mois ?

M. le président Éric Woerth. 7 %, ce n’est pas grand-chose !

La commission rejette l’amendement I-CF1226.

Elle étudie l’amendement I-CF179 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à étendre le tarif réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité pour les entreprises de transport interurbain.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement est satisfait parce que le code des douanes n’opère pas de distinction entre autobus et autocars – un autobus est un transport intraurbain et un autocar est un transport interurbain – contrairement à ce que votre amendement laisse penser. Le tarif réduit s’applique donc déjà aux deux. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

L’amendement I-CF179 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF637 de Mme Isabelle Valentin.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1219 de M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. Les producteurs d’engrais sont soumis à la taxe générale sur les activités polluantes du fait des émissions engendrées par ce secteur. Mais leur contribution reste cependant infime car les seuils d’émission de polluants à partir desquels les entreprises sont taxées sont beaucoup trop élevés et certains polluants majeurs comme l’ammoniac sont exclus de cette taxe. C’est pourquoi cet amendement propose d’inclure dans la TGAP les émissions d’ammoniac.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous avez raison en ce qui concerne le constat, mais c’est un sujet sensible qui mérite un débat politique avec le Gouvernement. Aussi, je vous propose de poursuivre cette discussion avec le ministre en séance publique, pour essayer de comprendre quelles pourraient être les conséquences de cet amendement.

L’amendement I-CF1219 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF804 de M. Vincent Descoeur.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF211, ICF163, I-CF162 de M. Dino Cinieri ainsi que des amendements identiques ICF96 de M. Marc Le Fur, I-CF270 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1233 de M. Julien Aubert.

Mme Marie-Christine Dalloz. En raison de la crise qui frappe la filière du transport, cet amendement tend à reporter la diminution de deux euros par hectolitre du remboursement partiel de la TICPE sur le gazole acheté en France, accordé aux conducteurs de véhicules de 7,5 tonnes et plus qui exercent l’activité de transport routier de marchandises, au 1er janvier 2022.

M. Julien Aubert. Cette mesure a été votée dans la loi de finances pour 2020 mais, entre-temps, le secteur du transport a été fortement touché par la crise sanitaire, aussi serait-il sage de la remettre à plus tard.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous souhaitez revenir sur la hausse de fiscalité de deux centimes par litre de gazole mais cette disposition est déjà entrée en vigueur. Il ne s’agit donc pas seulement de la repousser. Nous en avons déjà débattu. La diminution des cours du pétrole ne justifie pas une telle mesure. Le cœur des problèmes rencontrés par la filière du transport routier n’est pas là, même s’il est bien compréhensible qu’une filière demande toujours à subir moins de taxes. Ce ne serait pas une bonne décision à prendre, aujourd’hui. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF211, I-CF163, I-CF162, ainsi que les amendements identiques I-CF96, I-CF270 et I-CF1233.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette les amendements identiques I-CF1077 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1248 de M. Hervé Pellois.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF1075 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1255 de M. Hervé Pellois.

Mme Véronique Louwagie. La loi de finances pour 2020 a créé un registre de suivi afin de s’assurer que le carburant employé pour les travaux non agricoles ou forestiers bénéficie de la fiscalité adéquate. Or son formalisme excessif en rend l’usage difficile, aussi vous est-il proposé de le simplifier.

M. Hervé Pellois. Nous avons du mal à appliquer les mesures votées en décembre dernier ; aussi ne serait-il pas plus mal de revenir à la situation antérieure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mme Bénédicte Peyrol pourrait vous répondre mieux que moi. Le principe du budget vert nous a permis de mesurer les effets de la réforme du gazole non routier, qui a porté ses fruits même si elle a pris du temps et a nécessité de nombreuses concertations. Je sais bien que le dispositif n’est pas facile à appliquer mais, pour autant, je ne souhaite pas que nous revenions sur la trajectoire adoptée.

La commission rejette les amendements identiques I-CF1075 et I-CF1255.

Elle examine les amendements identiques I-CF750 de M. Fabrice Brun et I-CF781 de M. Vincent Descoeur.

M. Fabrice Brun. L’amendement vise à affecter une fraction de TICPE aux collectivités territoriales qui ont élaboré un plan climat-air-énergie territorial à l’échelle d’une intercommunalité ou un schéma régional d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires à l’échelle d’une région. Le montant de la fraction serait fixé à dix euros par habitant pour le premier et à cinq euros pour le second.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez de transférer un milliard aux collectivités territoriales – je parle sous le contrôle du président Jean-René Cazeneuve. Ce serait ponctionner une somme considérable sur le budget de l’État alors que nous avons pris des mesures de relance sans précédent en leur faveur dans ce budget d’urgence. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF750 et I-CF781.

 


Article 16
Suppression de taxes à faible rendement

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article s’inscrit dans le processus de rationalisation des taxes dites « à faible rendement » engagé sous cette législature. Il fait notamment suite aux recommandations de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances, ainsi qu’à la résolution « pour une révision générale des taxes à faible rendement », adoptée le 20 juin 2018 par l’Assemblée nationale dans le cadre du printemps de l’évaluation.

L’article supprime ainsi sept taxes, dont le rendement global est estimé, selon les dernières données disponibles, à 25,6 millions d’euros :

– la taxe sur les activités polluantes (TGAP) sur les lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes dite composante « huiles » ;

– le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français ;

– le prélèvement complémentaire sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français ;

– la taxe sur les hydrofluorocarbones (HFC) ;

– le prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l’exploitation d’œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence ;

– la taxe spéciale sur les films pornographiques ou d’incitation à la violence ;

– et le droit sur les déclarations et notifications de produits du tabac.

La composante « huiles » de la TGAP concentre l’essentiel de l’allègement de la fiscalité induite par ces suppressions (24,5 millions d’euros). Les taxes dont la suppression est envisagée financent donc principalement le budget général de l’État.

La suppression de ces taxes doit intervenir en 2021, sauf pour la composante « huiles » de la TGAP qui est supprimée rétroactivement à partir du 1er janvier 2020.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 21 de la loi de finances pour 2020 a supprimé 16 taxes ou catégories de taxes, pour un coût net d’environ 99 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté 7 amendements à l’initiative du Rapporteur général qui complètent la démarche du Gouvernement et prévoient la suppression des taxes suivantes :

– la taxe sur les services d’information ou interactifs à caractère pornographique qui font l’objet d’une publicité ;

– la contribution sur les ventes de produits alimentaires due par les établissements d’hébergement ou de restauration ;

– la taxe sur la transformation des contrats d’assurance vie en contrats euro-croissance ;

– la taxe à l’essieu sur les véhicules immatriculés dans un Etat étranger taxant les véhicules immatriculés en France ;

– la taxe pour l’utilisation de la plateforme Expadon 2 ;

– la taxe sur la livraison en France de postes émetteurs-récepteurs fonctionnant sur les canaux banalisés et les droits d’examen pour l’obtention des certificats de radiotélégraphiste et radiotéléphoniste ;

– les droits d’enregistrement de 125 euros pour les cessions à titre onéreux d’un fonds agricole et les cessions de gré à gré d’un navire de pêche artisanale et du matériel servant à son exploitation.

 

I.   état du droit : LES TAXES À FAIBLE RENDEMENT

La notion de taxes à faible rendement peut faire l’objet de plusieurs définitions. Ainsi, la Commission européenne qualifie de « taxes mineures » les impositions dont le rendement est inférieur à 0,1 point de produit intérieur brut (PIB), soit environ 2,3 milliards d’euros dans le cas de la France. L’Inspection générale des finances (IGF) retient quant à elle un seuil de 150 millions d’euros dans son rapport de mars 2014 ([335]) et en dénombrait 192.

Il est généralement fait grief aux taxes à faible rendement de contribuer à la complexité du système fiscal, de présenter des coûts de collecte trop important en proportion de leurs recettes et de permettre des débudgétisations qui heurtent le principe d’universalité de l’impôt. Au demeurant, l’information relative aux nombreuses taxes à faible rendement est parfois difficile d’accès, ce qui nuit au principe de consentement à l’impôt.

Les taxes à faible rendement ont ainsi été mises en cause par divers rapports et par les parlementaires. C’est la raison pour laquelle, la loi de finances pour 2019 a engagé un premier effort de rationalisation, poursuivi par la loi de finances pour 2020.

A.   LA MISE EN CAUSE DES TAXES À FAIBLE RENDEMENT

1.   Le rapport du CPO de juillet 2013

Dans son rapport de 2013 consacré à la question de la fiscalité affectée ([336]), le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a recensé un nombre important de « micro taxes » : 81 taxes ayant un rendement budgétaire inférieur à 5,5 millions d’euros dont 29 taxes avec un rendement inférieur à 500 000 euros. Le rapport a surtout critiqué les débudgétisations facilitées par ce type de taxe. Il recommandait par conséquent, pour 33 d’entre elles, leur remplacement par une dotation budgétaire.

2.   Le rapport de l’IGF de mars 2014

L’inspection générale des finances (IGF) a procédé, dans un rapport de février 2014 ([337]), à une évaluation approfondie des taxes dites « à faible rendement ». Elle s’est concentrée sur 192 taxes dont le rendement était inférieur, pour chacune, à 150 millions d’euros et dont le rendement cumulé se limitait à 5,3 milliards d’euros.

Parmi ses principaux constats, l’IGF a relevé que « le nombre de taxes à faible rendement en France est de deux à quatre fois supérieur au nombre qui peut être observé chez nos principaux partenaires européens » et que la tendance à la création de telles taxes s’était « accélérée au cours des dernières années ».

Les causes de ce phénomène ont été identifiées :

– la mise en œuvre des obligations européennes, essentiellement en matière sanitaire, que la France a choisi d’appliquer sous forme d’imposition et non de redevance ;

– la volonté de recourir à la fiscalité pour modifier certains comportements, dans le domaine sanitaire ou environnemental ;

– ou encore la création de taxes optionnelles au profit des collectivités territoriales, pour leur permettre de bénéficier de nouvelles ressources.

L’IGF a proposé plusieurs scénarii conduisant à la suppression de 67 à 159 taxes, le cas échéant par transformation en redevances.

3.   La résolution de l’assemblée nationale du 20 juin 2018

Dans le cadre du premier « printemps de l’évaluation » mis en place sous cette législature, l’Assemblée nationale a adopté une résolution portant spécifiquement sur le sujet de la rationalisation des taxes à faible rendement ([338]).

Partant du constat que l’accumulation des taxes à faible rendement « porte préjudice à l’efficacité de notre économie, affaiblit la lisibilité de notre système fiscal, s’oppose à sa stabilité, et freine la modernisation du recouvrement », la résolution adoptée le 20 juin 2018 « encourage le Gouvernement à conduire une révision générale des taxes à faible rendement, et à fixer un objectif ambitieux de réduction du nombre de ces taxes ».

4.   Le référé de la Cour des comptes du 3 décembre 2018

La Cour des comptes a souligné, dans son référé du 3 décembre 2018 ([339]), qu’« aucun inventaire exhaustif des impôts et taxes à faible rendement n’est établi ni mis à jour par l’administration française. Cela démontre une défaillance de son système d’information et témoigne d’un manque de lisibilité et de transparence ».

Elle ajoute que « la France est le seul État membre à ne pas fournir à la Commission européenne un inventaire de ses taxes mineures ».

La Cour des comptes a dès lors mené son propre travail d’identification des taxes à faible rendement et a recensé « 125 impôts et taxes collectés par la DGFiP ou la douane, pour un produit annuel de l’ordre de 3,5 Md€ ».

Elle a recommandé d’« abroger les impôts ou taxes inadaptés au contexte du marché intérieur européen » et de « remplacer les taxes dont les objectifs pourraient être atteints par d’autres moyens ».

B.   LE PROCESSUS DE RATIONALISATION ENTAMÉ SOUS L’ACTUELLE LÉGISLATURE

Le bilan du toilettage des dispositifs fiscaux qui entrent dans la catégorie des taxes à faible rendement est resté modeste jusqu’à une période récente : entre 2011 et 2017, seuls 11 dispositifs fiscaux de cette nature ont été supprimés.

À rebours de l’inertie qui prévalait en la matière jusqu’alors, l’objectif de rationalisation des taxes à faible rendement a été fixé par le Gouvernement dès la première année de cette législature. Par une circulaire du Premier ministre du 29 mars 2018, reprise par une circulaire commune de la directrice du budget et du directeur de la législation fiscale, le Gouvernement a fixé un objectif de réduction du nombre de taxes à faible rendement, dont l’inventaire a été réalisé dans le cadre du programme Action publique 2022.

Le programme pluriannuel de suppression et de simplification de taxes à faible rendement a débuté en 2019. 

L’article 26 de la loi de finances pour 2019 a ainsi supprimé 23 petites taxes ou ensemble de petites taxes, représentant un coût pour les finances publiques d’environ 311 millions d’euros.


TAXES SUPPRIMÉES PAR L’ARTICLE 26 DE LA LFI POUR 2019

(en millions d’euros)

Intitulé de la taxe

Disposition législative

Coût de la suppression

Dispositions supprimées par le projet de loi initial

Contribution aux poinçonnages et essai de métaux précieux

Article 527 du CGI

– 1,57

Taxe sur les contrats d’échange sur défaut d’un État de l’Union européenne

Article 235 ter ZD ter du CGI

– 0,58

Taxe sur l’ajout de sucre à la vendange

Article 422 du CGI

– 1,13

Droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne

Article 1012 du CGI

0

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques – Fraction État

Article 1609 decies du CGI

– 3,55

Taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres

Article 1013 du CGI

0

Taxe sur les farines

Article 1618 septies du CGI

– 64

Prélèvement sur les numéros surtaxés pour les jeux et concours radiodiffusés et télévisés

Article L. 137-19 du code de la sécurité sociale

– 3

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques

Article 1609 decies du CGI

– 4,85

Taxe sur l’édition des ouvrages de librairie

Article 1609 undecies du CGI

– 4

Taxe sur les appareils de reproduction

Article 1609 undecies du CGI

– 25

Redevance pour la certification des bois et plants de vigne

Article 1606 du CGI

– 0,6

Taxe sur les céréales

Article 1619 du CGI

– 17,5

Taxe sur les produits de la pêche maritime

Article 75 de la loi de finances rectificative pour 2013

– 4

Droit d’immatriculation des opérateurs et agences de voyages

Article L. 141-23 du code de tourisme

– 0,2

Taxe affectée à la chambre nationale de la batellerie artisanale

Article L. 4432-3 du code des transports

– 1,2

Dispositions supprimées à la suite de la discussion parlementaire

Taxe sur les huiles végétales

Article 1609 vicies du CGI

– 130

Certains droits fixes d’enregistrement dus par les sociétés

Articles 810 bis, 810 ter, 811, 812, 814 C et 816 du CGI

NC

Taxe sur la recherche de gîtes géothermiques

Article 1591 du CGI

– 0,04

Suppression du montant de la taxe due par la filière animale à l’ITERG

Article 4° du II du G de l’article 71 de la loi de finances rectificatives pour 2003 du 30 décembre 2003

– 0,01

Exclusion des véhicules utilisés par les cirques et les centres équestres de l’assiette de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers

Article 284 bis du code des douanes

NC

Taxe sur plus-values de cessions réalisées par les HLM

Article 130 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

NC

Suppression des taxes sur les messages publicitaires (en 2020)

Articles 302 bis KA, 302 bis KD et 302 bis KG du CGI

– 50

Taxe applicable aux radioamateurs

Article 45 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987

– 0,6

TOTAL

 

 311,57

Source : commission des finances.

L’article 21 de la loi de finances pour 2020 a supprimé seize taxes ou catégories de taxes pour un coût net total d’environ 99 millions d’euros.

TAXES SUPPRIMÉES PAR L’ARTICLE 21 DE LA LFI POUR 2020

(en millions d’euros)

Intitulé de la taxe

Disposition législative

Coût de la suppression

Dispositions supprimées par le projet de loi initial

Cotisation de solidarité sur les céréales

Article 564 quinquies

0

Droits d’enregistrement de certains actes et opérations

Articles 635, 636, 638 A, 662, 733, 847, 848, 867 du CGI

– 1

5 taxes sur les véhicules à moteur

 

Articles 1010 bis, 1010 ter, 1011 ter, et 1585 I du CGI

0 (conséquence d’une refonte générale de ces taxes)

Redevances sur la production d’électricité au moyen de la géothermie

Articles 1519 J et 1599 quinquies C du CGI

0

Taxe sur les permis de conduire

Article 1599 terdecies du CGI

– 2

Taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière

Articles L. 2333-88 à L. 2333-91 du code général des collectivités territoriales

NC

Contribution due en raison de l’absence d’information à caractère sanitaire dans les messages publicitaires

Article L. 2133-1 du code de la santé publique

0

Taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage

Article L. 3513-12 du code de la santé publique

– 7,4

Taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux

Article L. 245-5-5-1 du code de la sécurité sociale

– 45

Droit de sécurité dû par les entreprises ferroviaires

 

Article L. 1261-20 du code des transports

– 18,4

Droit dû par les entreprises ferroviaires pour l’autorité de régulation des activités ferroviaires

 

Article L. 2221-6 du code des transports

– 9,6

Taxe sur les voyageurs de commerce

 

Article 284 du code des douanes

0

Dispositions supprimées à la suite de la discussion parlementaire

Taxe sur les loyers élevés des logements de petites surfaces (taxe Apparu)

Article 234 du CGI

NC

Taxe sur les actes des huissiers de justice

Article 302 bis Y du CGI

– 11

Droit fixe de 125 euros sur les contrats de mariage

Article 847 du CGI

– 4,5

Redevance sur les gisements d’hydrocarbures en mer

Article L. 132-16-1 du code minier

0

TOTAL

 

 98,9

Source : commission des finances.

II.   LA SUPPRESSION DE 7 TAXES, OU CATÉGORIES DE TAXES, À FAIBLE RENDEMENT

Le présent article prévoit 7 nouvelles suppressions de taxes, ou catégories de taxes, à faible rendement, ce qui porterait le total de ce type de taxes supprimées depuis le début de la législature à 46.

A.   PANORAMA GÉNÉRAL DES TAXES DONT LA SUPPRESSION EST PROPOSÉE

1.   Des taxes qui relèvent de plusieurs codes et lois

Les taxes dont la suppression est proposée par le présent article relèvent de six codes différents :

– le code général des impôts (I du présent article) ;

– le code des douanes (II du présent article) ;

– le code du cinéma et de l’image animée (III du présent article) ;

– le code général des collectivités territoriales (IV du présent article) ;

– et le code de la santé publique (V du présent article). 

Certaines d’entre elles sont également référencées dans des lois, ce qui nécessite des mesures de coordination. D’autres ne sont pas codifiées. Ainsi, les lois suivantes sont modifiées par le présent article :

– la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 (VI du présent article) ;

– la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 (VIII du présent article) ;

– et la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (IX du présent article).


récapitulatif des caractéristiques des TAXES À FAIBLE RENDEMENT
DONT LA SUPPRESSION EST PROPOSÉE

(en millions d’euros)

Taxe supprimée

Codes ou lois

Articles abrogés ou modifiés

Affectataire

Dernier rendement connu (année)

Taxe sur les activités polluantes (TGAP) – lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes dite composante « huiles »

Code des douanes

266 sexies, 266 septies, 266 octies, 266 nonies, 266 nonies A

État

24,5 (2019)

Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

85

Prélèvement complémentaire sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français

Code général des collectivités territoriales

L. 2333-57

État

0 (2019)

Taxe sur les hydrofluorocarbones (HFC)

Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019

197

État

0 (pas encore entrée en vigueur)

 

 

 

Sous total coût État

24,5

Prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l’exploitation d’œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence

Code général des impôts

1605 sexies, 1605 septies, 1605 octies, 235 ter M, 235 ter MB

CNC

0,1 (2018)

 

Code du cinéma et de l’image animée

L. 116-3 et L. 116-4

Taxe spéciale sur les films pornographiques ou d’incitation à la violence

Code général des impôts

238 B

Code du cinéma et de l’image animée

L.116-2, L. 336-2

Loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 pour 1976

11

Prélèvement progressif sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français

Code général des collectivités territoriales

L. 2333-57

Organismes de secours et de sauvetage en mer (10 % du produit), État

0 (2019)

Code général des impôts

261 E

Droit sur les déclarations et notifications de produits du tabac

Code de la santé publique

L. 3512-19

Anses

1,0 (2019)

 

 

 

Sous total coût autres administration publiques

1,1

 

 

 

Total coût

25,6

Source : présent article.

2.   Un allègement de la fiscalité d’environ 26 millions d’euros

Les suppressions proposées par le présent article conduiront à un allègement de fiscalité de 25,6 millions d’euros. La suppression de la composante lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes dite « huiles » de la taxe sur les activités polluantes (TGAP) représente la quasi exclusivité de cet allègement (24,5 millions d’euros).

Deux taxes ont un rendement nul : le prélèvement progressif et le prélèvement complémentaire sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français qui composent la taxe sur les casinos embarqués. Cette taxe n’a en effet jamais eu de redevables.

Une autre taxe, la taxe sur les hydrofluorocarbones, a un rendement nul : son entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2021.

Les trois taxes restantes ont un rendement très faible :

– égal à 100 000 euros par an pour le prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l’exploitation d’œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence et la taxe spéciale sur les films pornographiques ou d’incitation à la violence ;

– égal à 1 million d’euros pour le droit sur les déclarations et notifications de produits du tabac.

3.   Des taxes qui financent en grande partie le budget général de l’État

Trois taxes sur les sept financent le budget général de l’État. C’est l’État qui subit la quasi-totalité des pertes de recettes induites par ces suppressions (25,4 millions d’euros).

Les quatre autres taxes sont affectées à divers opérateurs de l’État : le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), les organismes de secours et de sauvetage en mer et l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Le CNC (0,1 million d’euros) et l’Anses (1 million d’euros) subiront des pertes de recettes effectives, tandis que la taxe affectée aux organismes de secours et de sauvetage en mer a un rendement nul.

L’évaluation préalable de l’article indique que l’Anses recevra une compensation, sans que la forme de celle-ci soit précisée.

Tirant les conséquences des suppressions de taxes affectées, le présent article modifie le tableau inscrit au second alinéa du I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ([340]) qui prévoit le plafonnement de certaines taxes affectées (VII du présent article). Ainsi, sont supprimées :

– la seizième ligne du tableau qui prévoit le plafonnement à 2 millions d’euros de l’affectation du droit sur les déclarations et notifications de produits du tabac à l’Anses ;

– et la soixante-dix-septième ligne du tableau qui limite à 1 million d’euros le rendement du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français affecté aux organismes de secours et de sauvetage en mer.

4.   Des suppressions effectives en 2021 pour la plupart d’entre elles

En l’absence de précisions dans le présent article, il est considéré que les suppressions de taxes à faible rendement sont effectives dès 2021.

Par exception, le A du X du présent article prévoit que la suppression de la composante « huiles » de la TGAP intervient de façon rétroactive, dès le 1er janvier 2020. Dans le cadre du transfert du recouvrement de cette taxe de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) à la direction générale des finances publiques (DGFiP) prévue par l’article 193 de la loi de finances initiale pour 2019 ([341]), le mécanisme d’acomptes pour la composante « huiles » de la TGAP a été supprimé, ce qui permet d’assurer la neutralité du caractère rétroactif de cette suppression pour les finances publiques.

B.   EXAMEN INDIVIDUEL DES TAXES DONT LA SUPPRESSION EST PROPOSÉE

La suppression prévue dans le présent article de quatorze taxes poursuit deux objectifs principaux : l’allégement de la fiscalité et/ou le toilettage de la législation. Pour chacune de ces taxes, le Rapporteur général rappelle dans les développements qui suivent l’état du droit, leur rendement budgétaire et les éventuelles règles d’affectation des recettes. Il est également fait mention des raisons spécifiques à l’imposition concernée qui motivent la proposition de suppression, étant précisé que pour chacune de ces taxes, l’objectif de simplification et d’allégement de la fiscalité peut justifier à lui seul leur suppression.

1.   La composante « huiles » de la taxe générale sur les activités polluantes

Le a du 1° du II du présent article supprime l’assujettissement des lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes à la TGAP. Le b du 1° du II et les 2° à 5° du II du présent article procèdent à diverses coordinations relatives à cette suppression.

Le A du X du présent article prévoit que ces dispositions s’appliquent de façon rétroactive, aux opérations dont le fait générateur est intervenu à compter du 1er janvier 2020.

Par conséquent, le IX du présent article prévoit l’abrogation de l’article 85 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ([342]) qui prévoyait la suppression de cette taxe à compter du 1er janvier 2022.

a.   État du droit

Créée par l’article 45 de la loi de finances pour 1999 ([343]), la TGAP est prévue par l’article 266 sexies du code des douanes. Ses modalités de fonctionnement et de recouvrement sont précisées dans les articles 266 septies à 266 decies.

Cette taxe est due par les entreprises dont l’activité ou les produits sont considérés comme polluants. Le 4 du I de l’article 266 sexies prévoit notamment que sont assujetties à cette taxe les personnes morales ou physiques exploitant une installation soumise à autorisation qui :

– utilise pour son activité économique ou qui livre pour la première fois en France, des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées ;

– utilise pour son activité économique des huiles et des préparations lubrifiantes produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit ;

– utilise pour son activité économique des huiles et des préparations lubrifiantes à usage perdu (huiles pour moteur deux-temps, graisses utilisées en systèmes ouverts etc.).

Cette taxe est assise sur le poids net des produits lubrifiants susmentionnés. Le taux applicable en 2020 sur ces produits est de 49,94 euros par tonne.

Jusqu’en 2020, la TGAP était recouvrée en trois acomptes (31 mai, 31 juillet et 31 octobre) sur la base des déclarations effectuées chaque année avant le 31 mai par le contribuable concerné, sur les activités réalisées l’année précédente.

L’article 193 de la loi de finances pour 2019 ([344]) a prévu le transfert, à compter du 1er janvier 2020, de la gestion et du recouvrement de la TGAP de la DGDDI à la DGFiP. En conséquence, le mécanisme d’acomptes pour le paiement de la TGAP hors composante « déchets » a été modifié : un seul acompte, équivalent aux trois acomptes qui auraient été acquittés en l’absence de modification législative et réglementaire, est versé par les contribuables assujettis en octobre 2020 ([345]). Ce mécanisme d’acomptes a récemment été supprimé par décret pour la composante « huiles » de la taxe, en prévision de sa suppression au 1er janvier 2022.

En contrepartie de l’extension, par l’article 62 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ([346]), du mécanisme de responsabilité élargie des producteurs ([347]) à la filière de production d’huiles minérales ou synthétiques, lubrifiantes ou industrielles à compter du 1er janvier 2022, l’article 85 de ladite loi a prévu la suppression, à compter de la même date, de l’assujettissement des lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes à la TGAP. Cette suppression, effectuée à l’initiative de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, avait pour objectif d’éviter une double contribution des producteurs d’huiles.

Selon l’évaluation préalable de l’article, le rendement de la composante « huiles » de la TGAP est évalué à 24,5 millions d’euros en 2019.

b.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement a choisi d’avancer de deux ans la suppression de la composante « huiles » de la TGAP prévue par l’article 85 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

Il justifie cette décision par la complexité engendrée par le transfert, à partir de 2020, de la gestion et du recouvrement de la taxe à la DGFiP, notamment pour les entreprises étrangères assujetties. Il lui est apparu peu opportun d’effectuer ces changements pour une application de la taxe limitée à deux années seulement.

Ainsi, le présent article prévoit la suppression rétroactive de cette taxe, à compter du 1er janvier 2020. Le système d’acomptes ayant été supprimé cette année pour la composante « huiles » de la TGAP ([348]), le caractère rétroactif de cette suppression n’impliquera aucun remboursement puisqu’aucun paiement n’a été réalisé pour la taxe due au titre de l’année 2020.

Le Gouvernement espère que les ressources dégagées grâce à cette suppression anticipée inciteront les redevables à mettre en place une filière soumise à la responsabilité élargie des producteurs plus rapidement que ne les y oblige la loi ([349]), soit avant le 1er janvier 2022.

2.   La taxe sur les casinos embarqués

Le IV du présent article supprime le prélèvement progressif et le prélèvement complémentaire assis sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français, prévu par l’article L. 2333-57 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Par coordination, le 4 du I du présent article supprime la mention de ces taxes à l’article 261 E du CGI qui prévoit des exonérations de taxe sur la valeur ajoutée pour l’organisation de jeux de hasard ou d’argent soumis à certains prélèvements progressifs.

a.   État du droit

La fiscalité sur les casinos embarqués a fait l’objet de profondes modifications en termes de périmètre et d’assiette dans la loi du 19 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. La taxe se décompose en deux prélèvements.

– un prélèvement progressif pour les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français, sauf lorsqu’ils sont immatriculés à Wallis-et-Futuna, a été instauré par le I de l’article L. 2333-57 du CGCT ;

– le II du même article prévoit l’instauration d’un prélèvement complémentaire pour ces mêmes casinos.

Les deux prélèvements sont assis sur le produit brut des jeux ([350]), diminué d’un abattement de 25 %. Le prélèvement progressif est ensuite réparti par part au prorata de la somme des éléments constitutifs du produit des jeux.

Le taux du prélèvement progressif est fixé par décret dans les limites minimale et maximale de 6 % et 83,5 % sur chacune des parts déterminées. 10 % du produit de ce prélèvement est affecté aux organismes de secours et de sauvetage en mer, dans la limite fixée à 1 million d’euros par la soixante-dix-septième ligne du tableau inscrit au second alinéa du I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ([351]).

Le taux du prélèvement complémentaire est fixé par décret dans les limites minimale et maximale de 3 % à 14 % en tenant compte du montant du produit net des jeux réalisés.

Si le taux du prélèvement complémentaire ajouté à celui du prélèvement progressif dépasse 83,5 %, le taux du prélèvement progressif est réduit de telle façon que le total des deux prélèvements soit de 83,5 %.

b.   Raisons de la suppression

Depuis son entrée en vigueur, le rendement de cette taxe a toujours été nul, aucune demande d’autorisation de casinos flottants n’ayant été faite auprès du ministère de l’Intérieur. D’après les informations données au Rapporteur général par le Gouvernement, cette situation s’expliquerait en partie par l’exonération prévue pour les navires immatriculés à Wallis-et-Futuna.

Par conséquent, le Gouvernement ne prévoit pas de compensation pour les organismes de secours et de sauvetages en mer agréés.

3.   Taxe sur les hydrofluorocarbones (HFC)

Le VIII du présent article abroge l’article 197 de la loi de finances pour 2019 ([352]) qui prévoit l’instauration d’une taxe sur les hydrofluorocarbures (HFC) à compter du 1er janvier 2021. Cette taxe n’entrerait donc jamais en vigueur.

a.   État du droit

Les hydrofluorocarbones (HFC) sont des fluides frigorigènes principalement utilisés pour le froid domestique (réfrigérateurs et congélateurs), le froid commercial (dans les supermarchés), les aérosols, la climatisation ou bien encore les produits d’isolation. Ils peuvent également être utilisés pour produire de la chaleur par des pompes à chaleur et des chauffe-eau thermodynamiques.

Ces fluides sont de puissants gaz à effet de serre, dont le pouvoir de réchauffement est considéré comme de 700 à 15 000 fois plus important que celui du dioxyde de carbone (CO2). Leurs émissions représentent actuellement un peu plus de 5 % des émissions totales de gaz à effet de serre de la France.

Le règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, dit règlement « F-Gaz II », fixe de nouvelles règles pour atteindre un objectif de diminution de 80 % des quantités émises de gaz HFC d’ici 2030, en limitant notamment quantitativement la mise sur le marché des hydrofluorocarbones. Lors de l’accord international de Kigali, signé le 15 octobre 2016 par les représentants de 197 États, les pays industrialisés se sont engagés à réduire de 45 % l’usage des HFC d'ici 2024 et de 85 % d'ici 2036, par rapport à la période 2011-2013.

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2019, deux amendements identiques ([353]) visant à instaurer à compter de 2021 une taxe sur les gaz HFC ont été adoptés, à l’initiative du Rapporteur général Joël Giraud et de plusieurs députés du groupe La République en Marche, avec un avis favorable du Gouvernement.

Cette taxe est due par la personne qui réalise la première livraison en France de gaz HFC, à titre gratuit ou onéreux, à raison de cette première livraison. Cette taxe est assise sur le produit entre le poids net, en tonnes, des quantités livrées et le potentiel de réchauffement planétaire mentionné à la section 1 de l’annexe I du règlement (UE) n° 517/2017 « F-Gaz II ».

L’article 197 de la loi de finances pour 2019, tel qu’adopté définitivement à l’issue des débats parlementaires, prévoit une augmentation progressive du tarif de la taxe pour une tonne équivalent CO2 : 15 euros en 2021, 18 euros en 2022, 22 euros en 2023, 26 euros en 2024 et 30 euros à compter de 2025. Selon les auteurs des amendements dont est issu cet article, le rendement de cette taxe en 2022 serait de 390 millions d’euros, sur la base des livraisons de HFC actuelles.

Afin de permettre aux professionnels d’entreprendre des efforts de réduction de leur utilisation des HFC, un délai d’adaptation a été prévu : la taxe n’entre en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2021.

En outre, l’article 197 de la loi de finances pour 2019 prévoit une liste de huit exonérations à cette taxe ([354]) afin « de ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises nationales, de tenir compte de l’absence de disponibilité ou du coût des solutions de substitution et préserver le pouvoir d’achat des utilisateurs des inhalateurs doseurs et l’équilibre financier de la sécurité sociale ([355]) » et précise les modalités de recouvrement de la taxe.

b.   Raisons de la suppression

L’exposé sommaire des deux amendements mentionnés supra indiquaient que l’entrée en vigueur différée permettrait « d’évaluer si les engagements pris par les professionnels de réduire leur consommation de ces gaz sont atteints » et « d’apprécier si ces gaz constituent toujours une assiette taxable pertinente pour générer un rendement suffisant au regard de la démarche engagée par le Gouvernement visant à faire peser la fiscalité davantage sur les opérations polluantes que sur le travail ou l’activité économique ([356])  », ouvrant ainsi la possibilité d’une remise en cause de la taxe avant son entrée en vigueur.

Dans son évaluation préalable de l’article, le Gouvernement indique que les professionnels concernés par l’application de cette taxe ont atteint leurs objectifs de réduction de gaz HFC. Les informations transmises par le Gouvernement au Rapporteur général montrent en effet que les filières utilisatrices ont respecté les engagements pris auprès du ministère de la transition écologique et du ministère de l’économie en 2018 et ont largement atteint les objectifs qu’elles s’étaient fixés : en 2019, 12,5 millions de tonnes équivalents CO2 ont été mises sur le marché contre 14,6 millions de tonnes équivalent CO2 prévues dans les objectifs initiaux. Cela équivaut à une baisse des émissions effectives entre 2018 et 2019 de 25 %. La filière s’est d’ailleurs engagée sur une cible d’émission à 10,2 millions de tonnes en équivalent CO2 pour 2021.

Suite aux débats suscités en commission sur la suppression de cette taxe, le Gouvernement s’est engagé à proposer une solution intermédiaire en séance, afin d’observer pendant encore deux ans la réalité des engagements de la filière en vue de déterminer la mise en œuvre ou non de la taxe.

4.   Taxes sur la pornographie

Deux taxes sur la pornographie sont supprimées par le présent article :

– le prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l’exploitation d’œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence (1, 2, 5, 6, 7 du I et III du présent article) ;

– la taxe spéciale sur les films pornographiques ou d’incitation à la violence (3 du I, III et VI du présent article).

a.   État du droit

• Un prélèvement spécial est appliqué sur la fraction des bénéfices industriels et commerciaux, imposables à l’IR ou à l’IS, résultant de :

– la production, la distribution ou la représentation de films pornographiques ou d’incitation à la violence (article 1605 septies du CGI),

– des représentations théâtrales à caractère pornographique (article 235 ter M du CGI),

– la production, la distribution ou la représentation publique d’œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence diffusées sur support vidéographique (article 1605 septies du CGI),

– la vente et la location de publications ayant fait l’objet de certaines interdictions et des œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence diffusées sur support vidéographique (article 1605 octies du CGI).

Ce prélèvement spécial s’applique aussi aux établissements dont l’accès est interdit aux mineurs en raison de leur caractère licencieux ou pornographique (article 235 ter MB du CGI).

Ce prélèvement spécial n’est pas déductible de l’IR ou de l’IS dû par le redevable. Il est contrôlé et recouvré selon les mêmes procédures que la taxe sur le chiffre d’affaires.

Son produit est affecté au CNC.

• Une taxe spéciale forfaitaire s’applique lors de la première projection des films pornographiques ou d’incitation à la violence qui ne sont pas soumis aux procédures d’agrément prévues en matière de soutien financer de l’État à l’industrie du cinéma ou qui sont produits par des entreprises non établies en France.

Le montant de la taxe est fixé à 300 000 francs, soit environ 45 734 euros, pour les films de long métrage et à 150 000 francs, soit environ 22 867 euros pour les films de court métrage.

Cette taxe n’est pas déductible de l’IR ou de l’IS dû par le redevable.

Le produit de cette taxe est affecté au CNC.

D’après les estimations du Gouvernement, la taxe spéciale et le prélèvement spécial mentionné supra ont un rendement annuel d’environ 100 000 euros.

b.   Raisons de la suppression

• La suppression du prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l’exploitation d’œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence et de la taxe spéciale sur les films pornographiques ou d’incitation à la violence répond à une logique de simplification de la législation fiscale puisque le rendement de ces taxes est proche de zéro. Le prélèvement spécial est en effet assis sur des canaux de diffusion qui ne sont utilisés que de façon limitée (représentations théâtrales ou cinématographiques à caractère pornographique, vente et location de DVD) et la taxe spéciale ne concerne qu’un nombre restreint de contribuables.

Un autre mécanisme de taxation plus efficace a été instauré dès 2003 ([357]) : une taxe, codifiée à l’article 1609 sexdecies B du CGI, sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public, qui s’applique aux opérations de vente et de location de vidéogrammes mais aussi aux opérations de « vidéos à la demande », dont le taux est majoré pour les opérations portant sur les œuvres cinématographiques et audiovisuels à caractère pornographique ou d’incitation à la violence. Ce taux majoré a été rehaussé par l’article 193 de la loi de finances pour 2020 de 10 % à 15 % afin d’accroître l’effet dissuasif de la taxe.

L’évaluation préalable du présent article ne précise pas si la suppression des deux taxes susmentionnées fera l’objet ou non d’une compensation en faveur du CNC. Compte tenu du caractère très faible du rendement de ces taxes, une telle compensation peut ne pas apparaître justifiée.

5.   Droit sur les déclarations et notifications de produits du tabac

Le V du présent article supprime le droit perçu par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), sur les déclarations et notifications de produits de tabac.

a.   État du droit

En application de l’article 5 de la directive 2014/40/UE ([358]) qui permet de mettre en place des redevances pour financer un dispositif d’analyse et de contrôle des produits du tabac, l’article 1er de l’ordonnance du 16 mai 2016 ([359]) transposant cette directive a instauré un droit sur les déclarations de produits de tabac en France. Ce droit a été élargi aux notifications de produits de tabac par l’ordonnance du 22 décembre 2016 relative à la lutte contre le tabagisme et à son adaptation et son extension à certaines collectivités d’outre-mer ([360]).

Ainsi, toute déclaration ou notification de produits du tabac, ou toute modification de cette déclaration donne lieu au paiement d’un droit, dont le montant est fixé par décret dans la limite de 7 600 euros. L’article D. 3512-16-1 du code de la santé publique prévoit des montants de droits allant de 120 euros à 550 euros selon les produits concernés.

D’après les dernières estimations du Gouvernement, le rendement de ce droit s’établit à 1 million d’euros en 2019.

Le produit de ce droit est affecté à l’Anses, dans la limite fixée par la seizième ligne du tableau inscrit au second alinéa du I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ([361]) à 2 millions d’euros.

b.   Raisons de la suppression

Le Gouvernement justifie cette suppression par deux raisons : d’une part, cette suppression met fin aux difficultés de recouvrement d’un droit dont de nombreux redevables sont localisés à l’étranger et, d’autre part, elle complète la démarche engagée par le Gouvernement avec la suppression de la taxe sur les déclarations et notifications des produits du vapotage, prévue par l’article 21 de la loi de finances pour 2020.

Le Gouvernement indique dans l’évaluation préalable du présent article que cette perte de recettes pour l’Anses fera l’objet d’une compensation dont il ne précise pas la forme.

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*     *

La commission est saisie, en présentation commune, des amendements ICF799 et ICF800 de Mme Aude Bono-Vandorme.

Mme Aude Bono-Vandorme. Dans le prolongement de l’action gouvernementale de suppression des taxes à faible rendement et conformément aux préconisations du rapport de l’inspection générale des finances relatif aux taxes à faible rendement, l’amendement I-CF799 vise à supprimer la contribution sur les revenus locatifs, dont les recettes étaient estimées en 2012 à 200 000 euros, tandis que l’amendement I-CF800 tend à supprimer la taxe sur les opérations à haute fréquence, dont le rendement est inférieur à 100 000 euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous remercie, Madame, de prendre part à l’effort collectif pour supprimer les petites taxes. J’y tiens, vous le savez. Cela étant, j’invite la commission à ne pas adopter ces amendements. C’est un délicat travail de dentelle. Expliquons-nous. La contribution sur les revenus locatifs ne s’applique qu’aux sociétés soumises à l’IS ou aux entités qui ne relèvent pas du régime de sociétés de personnes. Autrement dit, les personnes physiques et les SCI ne la paient pas. Les redevables, de fait, sont peu nombreux, mais cette taxe doit s’apprécier comme la conséquence du choix de l’imposition à l’IS.

Quant à la taxe sur les transactions financières, nous avons déjà supprimé la taxation des opérations intraday en 2017 pour des raisons techniques liées à l’attractivité de la place de Paris – Paris Europlace se tient d’ailleurs en ce moment. Par ailleurs, ne perdons pas de vue ce qu’il se passe au niveau européen. L’Union européenne a pu évoquer la possibilité de créer une taxe sur les transactions financières pour dégager des ressources propres et rembourser l’emprunt de 750 milliards d’euros. Ce serait une mauvaise idée de la supprimer chez nous puis de tenter de peser ensuite politiquement dans la décision d’en créer une à l’échelle européenne d’ici à quelques semaines. En l’espèce, j’y suis défavorable pour des raisons, non pas liées à son rendement, mais au mauvais signal politique que nous enverrions.

Mme Émilie Cariou. Ce type d’amendement montre clairement les limites de l’exercice. Vous voulez, par principe, supprimer toutes les taxes dont le rendement est faible, sans vous soucier de leur finalité, qu’il s’agisse de favoriser un certain comportement ou de financer une action publique. Il n’y a aucun sens, ni fiscal ni économique, à faire ainsi la chasse à toutes les taxes, pour la seule raison qu’elles sont petites.

La proposition de Mme Bono-Vandorme va à contresens de l’histoire mais s’inscrit parfaitement dans votre logique.

M. Charles de Courson. Je me demande à quoi peut bien servir la contribution sur les revenus locatifs. Ceux qui y sont soumis doivent remplir une déclaration d’impôts particulière dont le coût administratif est très certainement largement supérieur à son rendement – 200 000 euros. C’est inouï ! On nous a expliqué, à une certaine époque, que cette contribution serait affectée à l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat. Faisons donc sauter ces petites taxes qui n’ont aucune utilité.

M. le président Éric Woerth. Il faut le faire au cas par cas.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le rapporteur général, pourquoi une taxe destinée à lutter contre le réchauffement climatique, que nous avons créée très récemment, dans le projet de loi de finances pour 2019, figure-t-elle parmi les sept micro-taxes que vous voulez supprimer ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mme Bénédicte Peyrol vous en parlera plus longuement mais le groupe a décidé, en effet, de proposer en séance publique le report de cette suppression pour prendre le temps d’en mesurer les effets.

L’amendement I-CF800 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF799.

Elle en vient à l’amendement I-CF1454 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mme Cariou n’a pas tort : ce n’est pas parce qu’une taxe a un faible rendement qu’il faut la supprimer. Nous devons faire dans la dentelle et soumettre ce travail de nettoyage à trois critères : la faiblesse du rendement, la caducité de l’usage, le sens politique ou symbolique de la taxe.

En l’espèce, je vous propose de supprimer la taxe sur les services d’information ou interactifs à caractère pornographique qui font l’objet d’une publicité – autrement dit, le minitel et l’audiotel roses, dont l’usage a fortement faibli ces dernières années.

La commission adopte l’amendement I-CF1454 (amendement 2828).

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF452 de Mme Frédérique Dumas.

Elle passe à l’amendement I-CF1453 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dans l’objectif de toiletter le bulletin officiel des finances publiques, cet amendement tend à supprimer la contribution sur les ventes de produits alimentaires par les établissements d’hébergement ou de restauration, qui ne s’applique plus depuis le 30 juin 2012.

Soyons clairs : ce n’est pas de la trésorerie pour nos amis restaurateurs mais un simple nettoyage fiscal.

La commission adopte l’amendement I-CF1453 (amendement 2834).

Elle examine l’amendement I-CF576 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Dans le prolongement de l’action gouvernementale visant à supprimer les taxes à faible rendement et conformément aux préconisations du rapport de l’inspection générale des finances, cet amendement vise à supprimer les droits d’enregistrement sur les mutations de jouissance, créés en 1798, qui n’auraient rapporté que 1,1 million d’euros en 2012 et dont la pertinence pose question.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez de supprimer un droit fixe de 25 euros pour certains actes volontairement soumis à la formalité de l’enregistrement, ce qui les soumettrait au droit fixe par défaut de 125 euros. Telle n’était pas votre intention, mais vous augmenteriez la taxation de ces actes lors de leur enregistrement. Je vous invite à retirer votre amendement pour le retravailler d’ici à la séance.

L’amendement I-CF576 est retiré.

La commission étudie l’amendement I-CF1456 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement tend à supprimer la taxe sur la transformation des contrats d’assurance vie en contrats euro-croissance, dans le respect des principes que j’ai précédemment énoncés : une petite taxe, dont le rendement est faible, et dont la suppression aurait un sens politique fort – à mon sens, du moins.

Cette mesure est autant un symbole qu’un acte de salubrité fiscale. Nous avons pris des dispositions, dans la loi PACTE, pour remettre en valeur les contrats euro-croissance qui étaient mal vendus. Cela reste le cas, d’ailleurs, et nous devrons nous en faire les VRP dans les territoires pour délivrer le message que, désormais, le passage au contrat euro-croissance n’est plus taxé. C’est important, si l’on veut que nos concitoyens souscrivent ce contrat qui maintient davantage l’équilibre entre les unités de compte et les obligations. Tout en simplifiant la fiscalité, nous envoyons un message politique.

La commission adopte l’amendement I-CF1456 (amendement 2830).

Elle est saisie de l’amendement I-CF579 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Toujours dans le même objectif, cet amendement vise à supprimer des taxes affectées dont le rendement est proche de zéro.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons voté en loi de finances pour 2018 la fameuse taxe sur les yachts, à l’initiative du rapporteur général de l’époque, Joël Giraud. En raison des difficultés de recouvrement, il a été décidé d’en transférer la compétence, d’ici à 2022, de la direction générale des douanes et droits indirects vers la direction générale des finances publiques.

Donnons sa chance à cette taxe, nous referons le point à ce moment-là. C’est vrai, cette taxe ne produit pas les résultats espérés et nous sommes loin des 10 millions d’euros de recettes. Reste à savoir si le problème vient d’une mauvaise définition de l’assiette ou de méthodes de recouvrement insatisfaisantes. L’administration fiscale nous répondra. En attendant, je vous invite à retirer l’amendement.

M. Patrick Hetzel. Je le retire mais je le déposerai à nouveau en séance publique pour que nous puissions en débattre directement avec le Gouvernement et le sensibiliser à la nécessité d’inscrire une clause de revoyure lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.

L’amendement I-CF579 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF578 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à supprimer la taxe prévue à l’article 223 bis du code des douanes car, selon le rapport de l’inspection générale des finances, les recettes sont loin des montants estimés et son coût de gestion est disproportionné.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF578.

Elle étudie l’amendement I-CF1452 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit de supprimer la taxe à l’essieu sur les véhicules immatriculés dans un État étranger.

Mme Émilie Cariou. Quel est le rendement de cette taxe ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est nul.

Mme Émilie Cariou. Parce que la taxe n’est pas recouvrée, je suppose. Cela pose un réel problème !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En effet, un vrai problème de recouvrement se pose.

M. Charles de Courson. Le problème est le même que pour les malus. Puisque vous voulez imposer les camions achetés à l’étranger, ils les loueront pour contourner le dispositif. Dans un monde ouvert, il faut supprimer ce genre de taxes, d’autant plus qu’on ne parvient même pas à les recouvrer. Sans oublier tous les problèmes que cette taxe a posés en Corse. Ne vous souvenez-vous pas de l’amendement que j’avais déposé à ce sujet ?

La commission adopte l’amendement I-CF1452 (amendement 2831).

Elle en vient à l’amendement I-CF1457 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer la taxe pour l’utilisation de la plateforme Expadon 2, prévue pour assurer la maintenance de la plateforme dématérialisée qui permet de gérer l’ensemble des procédures sanitaires et phytosanitaires nécessaires à l’exportation des produits agricoles français. Il était prévu que l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer, recouvre la taxe mais le recouvrement n’a jamais eu lieu.

La commission adopte l’amendement I-CF1457 (amendement 2832).

Elle en vient à l’amendement I-CF1455 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer la taxe sur la livraison en France de postes émetteurs-récepteurs fonctionnant sur les canaux banalisés et les droits d’examen pour l’obtention des certificats de radiotélégraphiste et radiotéléphoniste.

La commission adopte l’amendement I-CF1455 (amendement 2833).

Mme Émilie Cariou. Lorsque vous supprimez des taxes qui servent à financer le fonctionnement de certains services, prévoyez-vous une dotation budgétaire pour combler la perte de recettes ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est une très bonne question : tous mes amendements qui visent à supprimer une taxe affectée à un bénéficiaire prévoient en parallèle une compensation financière – lorsque la taxe était recouvrée, du moins.

M. Charles de Courson. Il faut l’accord du Gouvernement !

Elle est saisie de l’amendement I-CF580 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à supprimer l’affectation d’une partie du produit de cession de la bande des 700 MHz dont le rendement est quasiment nul. Le rapporteur général devrait y être sensible puisqu’il a fait la même proposition lors du vote du précédent budget.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il semblerait que votre amendement pose un problème technique. Je vous invite à le retirer pour le redéposer en séance publique afin que le ministre vous réponde en détail.

L’amendement I-CF580 est retiré.

La commission passe à l’amendement I-CF1458 de M. Laurent SaintMartin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer les droits d’enregistrement de 125 euros pour les cessions à titre onéreux d’un fonds agricole et les cessions de gré à gré d’un navire de pêche artisanale et du matériel servant à son exploitation. Ces suppressions sont également recommandées par l’IGF dans son fameux rapport de 2014 sur les taxes à faible rendement.

La commission adopte l’amendement I-CF1458 (amendement 2829).

Elle examine les amendements identiques I-CF1172 de Mme Sabine Rubin, I-CF1319 de M. Matthieu Orphelin et I-CF1432 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Sabine Rubin. Il est prévu de supprimer la taxe sur les hydrofluocarbures, gaz réfrigérants qui comptent parmi les plus puissants gaz à effet de serre. En 2018, ils furent à l’origine d’un peu plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Certes, cette taxe ne rapportait pas grand-chose, mais je ne comprends pas pourquoi vous voulez aujourd’hui la supprimer, après avoir eu l’intention de la mettre en place, puis en avoir repoussé l’entrée en vigueur.

Taxer une activité polluante n’a pas qu’un effet symbolique. Cela permet aussi de dégager des recettes qui, même si elles sont faibles, peuvent toujours financer d’autres dispositifs.

L’amendement I-CF1172 vise à supprimer cet alinéa.

Mme Émilie Cariou. Cette taxe, adoptée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, n’a même pas eu le temps d’entrer en vigueur. Elle répondait à un engagement que le Gouvernement avait pris dans le plan climat et le protocole de Kigali. Elle était accompagnée d’un bonus pour soutenir les investissements dans des machines frigorifiques utilisant des fluides alternatifs. Il nous semble prématuré de supprimer cette taxe qui existe d’ailleurs dans de nombreux pays.

Mme Laurianne Rossi. L’entrée en vigueur de cette taxe au 1er janvier 2021 était conditionnée à l’évaluation et à l’atteinte des engagements pris par les professionnels pour réduire leur consommation de ces gaz. Les modalités d’application de cette taxe avaient été décidées en concertation avec le Gouvernement et nous avions décidé d’en exclure les usages médicaux et certains usages industriels. Or, le respect des engagements pris par les professionnels pour réduire leur consommation n’a fait l’objet d’aucune documentation ou information des parlementaires de la part du Gouvernement. Pourtant, ces gaz, qui comptent parmi les plus dangereux et les plus nocifs, sont responsables de 5 % des émissions de gaz à effet de serre.

Il nous semble prématuré de supprimer cette taxe avant même son entrée en vigueur et nous proposons donc de la maintenir en attendant que le Gouvernement communique au Parlement des informations concernant la réduction de la consommation de ces gaz.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous invite à retirer ces amendements pour les redéposer en séance publique et que nous puissions, si vous le désirez, voter le report de cette mesure de suppression, à la lumière des engagements pris.

Mme Émilie Cariou. Je ne me permettrai pas de retirer l’amendement du président Matthieu Orphelin…

Mme Bénédicte Peyrol. Nous avions travaillé à l’instauration de cette taxe, à l’époque, avec Matthieu Orphelin et Laurianne Rossi. Nous avions obtenu des professionnels concernés qu’ils s’engagent à diminuer leur consommation. Si ces engagements n’étaient pas tenus, la taxe devait entrer en vigueur.

Or non seulement nous n’avons pas été associés aux travaux conduisant à proposer sa suppression mais nous avons découvert, avec une pointe d’agacement, dans la liste des taxes supprimées pour faible rendement, celle sur les hydrofluocarbures.

Cependant, les professionnels ont, semble-t-il, présenté en juin dernier, l’état d’avancement de leurs engagements. Le ministre nous propose par ailleurs de décaler l’entrée en vigueur de cette taxe à 2023. Il serait souhaitable que nous puissions en débattre en séance publique la semaine prochaine, pour que le ministre présente un état des lieux aux parlementaires qui, je le répète, n’ont malheureusement pas été associés aux travaux conduisant à proposer sa suppression.

Mme Laurianne Rossi. Je maintiens l’amendement par respect pour le Parlement qui n’a pas été tenu informé. La filière nous a d’ailleurs dit elle-même qu’aucun comité de suivi n’avait été installé. Cela étant, le Gouvernement compte nous informer en séance publique. Je déposerai alors un autre amendement pour repousser à 2023 l’entrée en vigueur de cette taxe et tenir compte, ainsi, des efforts consentis par les acteurs économiques.

La commission rejette les amendements identiques I-CF1172, I-CF1319 et I-CF1432.

Elle en vient à l’amendement I-CF801 de Mme Aude Bono-Vandorme.

Mme Aude Bono-Vandorme. M. le rapporteur général avait précisé dans sa proposition de résolution pour une révision générale des taxes à faible rendement de juin 2018, qu'il était nécessaire d’en mener une analyse approfondie, de mesurer leurs coûts de gestion, d’en évaluer la pertinence et, lorsque le maintien ne se justifiait plus, d’en proposer et d’en accepter la suppression. Je suis d’accord et cet amendement tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’ensemble des taxes existantes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mme Rossi a raison : il faut respecter le Parlement. Commençons par nous respecter nous-mêmes en nous conformant à ce que le constituant de 2008 attend de nous : contrôlons et évaluons les politiques publiques. Nous pouvons faire ce travail nous-mêmes, quitte à nous forcer un peu. Je souhaite poursuivre mon analyse de la pertinence des petites taxes lors de la rédaction de mon prochain rapport sur l’application des lois fiscales. Je me ferai aider de tous les corps d'inspection et j’userai de tous les pouvoirs de contrôle qui me sont accordés par la loi organique. Je tiens à ce que les parlementaires fassent l’effort de réaliser eux-mêmes ce travail d’évaluation. Je m’y engage et je vous invite à retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF801.

Elle adopte l’article 16 modifié.

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Après l’article 16

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements ICF989 de Mme Sabine Rubin, I-CF1276 de M. Fabien Roussel, I-CF652 de M. Christophe Naegelen, ICF182 de M. Fabrice Brun, I-CF444 de M. Bertrand Pancher, des amendements identiques I-CF439 de M. Bertrand Pancher et I-CF448 de M. Fabrice Brun et enfin des amendements identiques I-CF449 de M. Fabrice Brun et I-CF1275 de M. Jean-Paul Dufrègne.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à augmenter la taxe sur les transactions financières (TTF). En taxant les transactions sur les actions et les produits structurés à 0,1 % et certains produits dérivés à 0,01 %, on pourrait dégager 36 milliards d’euros par an à l’échelle européenne, dont 10 milliards environ pour la France. En comparaison, les recettes issues de la pseudo-taxe sur les transactions financières française sont négligeables. Rappelons, au passage, que le Président de la République s’est opposé au projet de TTF française qui aurait été pourtant beaucoup plus efficace.

M. Fabien Roussel. L’amendement I-CF1276 vise à augmenter la taxe sur les transactions financières et à élargir son assiette. Nous le portons avec d’autres groupes mais surtout avec le milieu associatif, en particulier le Réseau Action Climat ou Coordination Sud. Nous proposons de porter le taux de 0,3 % à 0,6 %, sachant qu’une hausse de 0,1 point permet d’augmenter les recettes de la taxe d’environ 500 000 euros. Nous souhaitons également élargir l’assiette aux transactions intrajournalières, ce qui permettrait de porter les recettes supplémentaires de 2 à 4 milliards d’euros.

La TTF présente cet autre mérite de pouvoir désarmer la spéculation financière. Les transactions à haute fréquence explosent depuis des années, sans répondre aux besoins humains ni à ceux de la transition écologique. Seules 2 % des transactions financières correspondent à l’économie réelle, les 98 % autres n’étant que pure spéculation. Le temps n’est-il pas venu d’y mettre fin ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Il est même trop tard pour agir.

M. Michel Zumkeller. Cet amendement tend à améliorer le rendement de la taxe sur les transactions financières par quatre moyens : élargir la taxe aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 500 millions d’euros, contre un milliard aujourd’hui, élargir l’assiette de la taxe aux transactions portant sur les actions enregistrées en France de sociétés étrangères, rétablir l’extension de l’assiette de la taxe aux transactions intra-journalières abrogée en 2018 mais qui avait été décidée en loi de finances pour 2017, porter le taux de la taxe à 0,5 % au lieu de 0,3 %.

Il est important que le secteur financier nous aide à traverser la crise actuelle.

M. Fabrice Brun. Pour la quatrième année consécutive, je porte le débat autour de la taxe sur les transactions financières. Instituée par Nicolas Sarkozy à une époque où beaucoup doutaient de son intérêt, elle permet d’engranger plus d’un milliard d’euros de recettes pour le budget de l’État.

Depuis, nous avons connu une crise sans précédent qui a fait voler en éclats nos certitudes et nos doctrines. Les dépenses engagées par l’État pour soutenir nos concitoyens nous obligent, par ailleurs, à trouver de nouvelles recettes.

L’amendement I-CF182 tend, par conséquent, à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières, à augmenter son taux et à réintégrer les transactions intrajournalières dans son assiette.

Ce sujet peut nous rassembler, au-delà des clivages partisans. Nous devons avancer pour favoriser l’économie réelle au service de ceux que l’on appelait les premières et deuxièmes lignes, les invisibles, pourtant indispensables, qui vivent durement de leur travail et ne se retrouvent pas dans ce système ultra-financiarisé.

M. François Pupponi. Le présent amendement prévoit d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions intervenant avant le transfert de propriété à l’acquéreur. Cette disposition, adoptée dans la loi de finances pour 2016, a été censurée par le Conseil constitutionnel pour un grief de procédure. L’amendement I-CF444 tend à réintroduire la proposition de manière conforme à la Constitution.

L’amendement I-CF439 vise à porter le taux de la taxe sur les transactions financières à 0,5 %.

M. Jean-Paul Dufrègne. J’ai bien peur que le rapporteur ne donne un avis défavorable à ces amendements malgré leur grand nombre.

L’amendement de repli I-CF1275 vise à porter le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 à 0,4 %. Cette proposition, plus modeste que la précédente qui portait le taux à 0,6 %, permettrait tout de même de faire passer le rendement de la taxe à 2,096 milliards d’euros contre 1,572 milliard aujourd’hui.

Sans modification de l’assiette et avec une hausse relativement faible, cette disposition ne sera sans doute pas assez incitative pour contrer la multiplication des transactions financières.

Pour autant, elle représente une position de consensus qui rassemble de nombreuses ONG. Elle permettra, de surcroît, de renforcer l’aide publique au développement grâce au financement du fonds de solidarité au développement, que nous souhaitons déplafonner par ailleurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous apporterai des réponses similaires à celles de l’an dernier – même si je n’étais pas encore rapporteur général à cette époque.

Madame Rubin, je serais curieux de savoir quelle assiette vous retenez pour trouver 36 milliards d’euros.

Mme Sabine Rubin. C’est à l’échelle européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne comprends pas davantage. Vous partez du principe que cette assiette ne bouge pas.

M. Jean-Paul Dufrègne. Les capitaux circulent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est justement pour cette raison qu’il ne faut pas prendre de décision sans en mesurer les conséquences.

Monsieur Brun, n’opposez pas l’économie réelle aux transactions financières. Ces deux mondes ne sont pas totalement décorrélés. Il est bien évident que des liens existent et qu’il peut y avoir des répercussions de l’un à l’autre. Si vous affaiblissez la place financière européenne et parisienne, vous affaiblirez d’autant nos entreprises, les PME de nos territoires. Ces deux mondes ne coexistent pas sans jamais communiquer !

Pour ce qui est de la TTF, j’en comprends le principe – elle existe d’ailleurs en France – mais s’il faut l’augmenter, commençons par le faire à l’échelle européenne. D’ailleurs, je l’ai dit tout à l’heure, ce serait un très bon travail pour préparer de nouvelles ressources propres à l’Union européenne, en complément de la taxe carbone aux frontières et de la taxe sur les services numériques à l’échelle européenne. J’approuve cette fiscalité européenne et la TTF serait un bon outil, à condition de ne pas en faire un sujet franco-français qui affaiblirait la place parisienne et renforcerait Francfort, Amsterdam, Madrid, Milan. Bien sûr, l’on peut toujours considérer que la place financière parisienne n’est pas notre priorité et qu’il est préférable de récolter quelques millions d’euros, mais je pense qu’en termes d’investissements, nous aurions davantage à gagner avec une place financière forte à Paris. Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. Je suis un petit entrepreneur : je crois savoir un peu comment fonctionne l’économie – l’économie réelle, plus que l’économie très financiarisée, il est vrai. Si votre réponse signifie que, selon vous, les transactions intra-journalières ne relèvent pas de la spéculation pure et simple, c’est à n’y rien comprendre. Peut-être n’est-il pas possible de reprendre en l’état toutes nos propositions au motif que l’État français se trouverait un peu seul, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut les balayer d’un revers de main : les Français, eux aussi, savent comment tout cela fonctionne, et ils ne s’y retrouvent absolument plus. Pourquoi ne pas adopter une position de principe, qui permettrait à notre pays de défendre ces propositions beaucoup plus fortement au niveau européen – car j’ai tout à fait conscience, bien évidemment, que c’est au moins à cette échelle que le dispositif sera efficace ?

M. Jean-Paul Mattei. Je soutiens l’amendement I-CF182 de M. Brun car je trouve qu’il est frappé au coin du bon sens. Je comprends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais à un moment il faudra quand même se poser les bonnes questions. Peut-on vraiment dire que les opérations infra-journalières relèvent de l’économie réelle ? C’est une économie qui s’assimile au jeu et profite d’effets d’aubaine. Nous ne sommes pas dans un débat théorique, déconnecté de la réalité de l’économie. Certes, la bourse est nécessaire, bien évidemment, mais il y a un moment où il faut se poser pour réfléchir et étudier les choses calmement. En réalité, il y a un problème d’équité : on crée une rupture entre la grande finance et la véritable économie, ce qui n’est pas bon non plus pour la finance, d’ailleurs. Il serait intéressant de mener une véritable réflexion sur ce sujet qui me semble particulièrement pertinent.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous allons nous aussi soutenir l’amendement de M. Brun, et nous nous félicitons de la position de M. Mattei. Il n’en reste pas moins que l’amendement qui, en définitive, change le moins de choses, c’est notre amendement de repli I-CF1275 : on passerait simplement de 0,3 % à 0,4 %, sans toucher à l’assiette. S’il y a un signal à envoyer, c’est bien celui-là. Ne nous laissons pas endormir par les arguments du rapporteur général, qui tournent en boucle depuis ce matin, selon lesquels il serait impossible de toucher à quoi que ce soit. Prenons nos responsabilités, et touchons un tout petit peu à la TTF.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Dufrègne, il est vrai que la journée est longue, mais je n’essaie d’endormir personne : j’essaie de convaincre avec mes arguments, comme c’est mon rôle de rapporteur. Quand vous serez dans la majorité et que vous exercerez les fonctions de rapporteur général, vous défendrez les vôtres.

Monsieur Brun, je comprends très bien votre position, mais que se passerait-il si on vous suivait ? Les transactions intra-journalières, que je ne trouve pas du tout formidables pour le monde économique, passeraient dans les infrastructures de marché voisines. C’est aussi bête que cela. Ceux qui les pratiquent se fichent pas mal de ce qui se passe ici, et d’opérer à Paris, à Francfort ou à Madrid : ils iront là où l’environnement fiscal est à peu près cohérent. Dès lors que c’est toujours la zone euro, le reste, pour eux, c’est du pareil au même. Les transactions se dérouleront chez nos voisins, et les PME de votre territoire ne s’en porteront pas mieux – au contraire, elles pourraient en être affectées par effet de ricochet, du fait de l’affaiblissement de notre place financière.

Une économie, cela se regarde de façon intégrée. Je n’approuve pas forcément ces pratiques – c’est vrai pour les transactions intra-journalières comme pour le trading à haute fréquence. Je dis seulement que l’environnement réglementaire européen, voire mondial, est tel que ce qui n’a pas lieu chez nous a de toute façon lieu ailleurs, et que ce sont autant d’occasions perdues sur le plan économique. Veut-on envisager l’économie en France différemment des autres pays ? Je sais, monsieur Dufrègne, que c’est là un discours libéral ; je l’assume totalement, parce que c’est ce que je pense : si nous laissons faire à côté, nous appauvrissons notre pays, ce qui est une erreur.

M. Daniel Labaronne. Nous ne jouons pas tout seuls sur le marché financier : il faut, a minima, définir des règles au niveau européen. Nous avons réussi à instaurer une union bancaire qui ne fonctionne pas trop mal, mais nous n’avons pas encore institué un véritable marché des capitaux en Europe. C’est à cela qu’il faut travailler : nous devons faire des propositions d’harmonisation en ce sens. Si nous fiscalisons les transactions à notre niveau, nous n’arriverons à rien. Peut-être le marché des capitaux fonctionne-t-il d’une manière insatisfaisante, avec des pratiques qui nous déplaisent ; il n’en demeure pas moins que, dans une Europe intégrée, nous ne pouvons pas agir seuls. En revanche, si nous avons une approche politique au niveau européen, nous serons efficaces. Je ne voterai donc pas ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF989, ICF1276, I-CF652, I-CF182, I-CF444, les amendements identiques I-CF439 et ICF448, ainsi que les amendements identiques I-CF449 et I-CF1275.

Elle en arrive aux amendements identiques I-CF237 de M. Vincent Descoeur et ICF276 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces amendements ont pour objectif d’ouvrir le débat sur le taux de la taxe due par tout opérateur de communications électroniques (TOCE), appliquée peu de temps avant le déploiement de la 4G. Le taux, initialement fixé à 0,9 %, a été porté à 1,3 %. La différence devait être affectée à France Télévisions. Même si ce n’est plus le cas, on a conservé le taux de 1,3 %. L’objectif est donc, par souci de cohérence et d’affichage, de revenir au taux initial de 0,9 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La question de la TOCE, aussi appelée taxe Copé, revient chaque année. La disposition que vous proposez coûte 80 millions d’euros. Je ne suis donc pas favorable à ces amendements. Les opérateurs ont-ils vraiment besoin de cette baisse de fiscalité ? Compte tenu de la situation économique de notre pays, je n’en suis pas certain. Il faut les accompagner dans certains investissements, j’en suis d’accord, notamment s’agissant des infrastructures, mais le plan de relance est aussi là pour cela. Enfin, je rappelle que la taxe Copé avait été créée pour compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions après vingt heures. Il me semble nécessaire de préserver cette ressource.

Mme Émilie Cariou. Effectivement, cette taxe avait été instituée pour compenser la suppression de la publicité. Pourquoi son produit n’a-t-il donc pas été affecté réellement à France Télévisions ? Il l’a été pour partie à partir de 2015, parce qu’on avait du mal à boucler le budget de France Télévisions, puis la disposition a été supprimée. Dans un excellent rapport sur le Centre national de la musique, il avait été proposé de l’affecter pour partie à cet établissement. Cette taxe pourrait effectivement financer certains secteurs qui ont souffert de la transition numérique, notamment dans le domaine culturel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur général, vous dites que la taxe est affectée, mais à quoi ? La partie entre 0,9 % et 1,3 % ne l’est plus. Revenons donc au taux initial.

La commission rejette les amendements identiques I-CF237 et I-CF276.

Elle examine l’amendement I-CF1113 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons la création d’une taxe nationale sur l’exploitation des écrans publicitaires, pour limiter, d’une part, la prolifération des panneaux numériques, qui sont énergivores, d’autre part, l’omniprésence de la publicité, qui elle est « abrutivore ». (Sourires.) Ces écrans, outre qu’ils constituent une pollution lumineuse, sont énergivores et source de gaspillage énergétique, ce que la loi relative à l’énergie et au climat n’a pas du tout pris en compte. Un écran de 2 mètres carrés consomme ainsi 7 000 kilowattheures par an, ce qui équivaut à la consommation d’un couple avec enfants. Quant à leur côté abrutivore… (Murmures.) Eh oui, chers collègues. La publicité produit des troubles de l’attention, voire des troubles psychiques.

Cet amendement doit donc permettre de désinciter à l’utilisation massive et inutile de ces écrans, dont l’effet se fait sentir à la fois sur l’environnement et sur la santé psychique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Rubin, « abrutivore », c’est ce qui mange les abrutis… (Rires.)

Mme Catherine Osson. En ce moment, les « abrutivores » sont obèses !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1113.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1132 de Mme Sabine Rubin.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF1136 de Mme Sabine Rubin et l’amendement I-CF1389 Mme Christine Pires Beaune.

Mme Sabine Rubin. Nous vous proposons de relever la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, ce qui permettrait une relance réelle et ambitieuse du secteur ferroviaire. Ces sociétés engrangent des bénéfices records : 40 milliards d’euros de dividendes d’ici à 2036.

Mme Christine Pires Beaune. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes, comme toutes les autres entreprises, vont bénéficier de la baisse de l’IS, ce qui leur permettra d’économiser entre 152 et 168 millions d’euros – j’ai fait le calcul en me fondant sur les rapports d’activité –, et ce alors que certains rapports, dont celui de la Cour des comptes, vont jusqu’à parler à leur propos de rente. Si, pour ma part, je n’utiliserai pas ce terme, il me semble quand même logique, en compensation de la baisse de l’IS, d’augmenter le niveau de la taxe à laquelle elles sont soumises. D’où ma proposition de la faire passer de 7,32 euros pour 1 000 kilomètres à 8,50 euros. Je vous invite à lire l’excellent rapport du sénateur Vincent Delahaye, qui vient de paraître : il devrait vous persuader de voter cette hausse de la taxe.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un débat très politique, que nous devrons avoir en séance avec le Gouvernement. Tout en donnant un avis défavorable dans le cadre de ce PLF, je rappelle que nous avons majoré la taxe en question au 1er janvier 2020 : celle-ci évolue donc.

Par ailleurs, l’amendement de Mme Rubin visait à laisser au Gouvernement le soin de déterminer le plafond, alors que c’est au Parlement qu’il revient de le faire. Le Parlement est déjà suffisamment affaibli : ne lui enlevons pas encore du pouvoir.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, pourriez-vous me confirmer que, selon les contrats de concession, les augmentations de fiscalité sont répercutées sur le prix du péage ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je crois que oui.

M. Charles de Courson. C’est donc le consommateur qui paie, madame Rubin, et non ces sales capitalistes qui s’enrichissent avec les concessions. Je rappelle, d’ailleurs, que j’avais combattu la décision de M. de Villepin.

Mme Christine Pires Beaune. Il me semble que les sociétés ne sont pas tenues de répercuter la hausse de fiscalité. En revanche, il y a des mesures compensatoires. Dans le cas présent, ce serait inutile, car elles vont déjà bénéficier de la baisse de l’IS – c’est l’argument principal qui doit conduire à voter la hausse de la taxe.

M. le président Éric Woerth. Probablement, mais ces contrats sont très bien faits pour les sociétés d’autoroutes.

Mme Christine Pires Beaune. C’est pour cette raison que j’avais déposé un autre amendement, monsieur le président, mais vous l’avez déclaré irrecevable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1136 et ICF1389.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1272 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Cet amendement des députés communistes a pour objet d’essayer de limiter, autant que faire se peut, le nombre de camions sur nos routes. En effet, ils sont de plus en plus nombreux, notamment du fait des délocalisations, qui continuent et se traduisent par l’importation de marchandises transportées par la route. Le producteur de verre Verallia ferme un four à Cognac : il y aura plus de camions pour apporter les bouteilles. Si Bridgestone ferme son usine de Béthune, les pneus qui y étaient fabriqués arriveront eux aussi par camion.

Notre amendement est modeste, mais il peut contribuer à rendre plus cher le transport des marchandises par camion. Il vise à augmenter, pour les poids lourds de plus de 7,5 tonnes, la taxe perçue par les concessionnaires autoroutiers. Celle-ci serait trois fois plus importante que pour les autres véhicules. Ce serait une contribution pour le climat, pour notre pays et pour notre industrie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez en fait de revenir à l’écotaxe d’une manière détournée. D’autres avant vous ont essayé de le faire. Nous pourrons avoir ce débat dans l’hémicycle.

M. Fabien Roussel. Nous allons avoir de nombreux débats dans l’hémicycle !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est normal : c’est le lieu du débat. La commission est plus technique, l’hémicycle est plus politique, nous le savons tous. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF1272.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1138 de M. Éric Coquerel.

Elle en arrive à l’amendement I-CF68 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. La fiscalité doit tendre à rétablir l’égalité devant les charges publiques entre les commerces sédentaires – nos commerces de proximité – et l’e-commerce. Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à instaurer une taxe d’écoresponsabilisation pour l’e-commerce, dont l’impact sur l’environnement ne doit pas être sous-estimé.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est le débat sur la fiscalité d’Amazon, pour dire les choses simplement. Nous sommes tous d’accord pour dire que la fiscalité actuelle n’est pas satisfaisante, mais que se passerait-il si on appliquait la taxe que vous proposez ? Excusez-moi de vous le dire, mais je n’y verrais que des inconvénients.

M. Fabrice Brun. Tout le monde s’en va !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mais non, ne soyez pas caricatural. Votre proposition pose problème pour l’emploi, mais surtout, c’est le consommateur qui va être directement taxé. Cela ne marche pas.

M. Fabrice Brun. Donc on ne peut rien faire ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si, on peut taxer plus justement ces entreprises du numérique. Cela prend du temps. Notre majorité l’a fait, alors que d’autres pays ne le voulaient pas. Marc Le Fur n’est pas là, mais il aurait pu en témoigner : nous étions ensemble à Washington lors de la phase cruciale des négociations. Il fallait du courage pour le faire, et cela a bien fonctionné. Il est donc possible de taxer les géants du numérique, mais cela ne se fait pas comme vous le proposez, c’est-à-dire en liant la fiscalité à la livraison des biens commandés par voie électronique. Personne n’est gagnant, sauf les comptes publics.

M. Fabrice Brun. Monsieur le rapporteur, j’entends votre analyse. Je suis le premier député de cette législature à avoir déposé une proposition de loi relative à la taxation des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) : c’est dire si je partage ce combat – comme beaucoup de monde ici, d’ailleurs. Si la taxe d’écoresponsabilisation que je propose ne vous paraît pas adaptée, quelles autres propositions peut-on faire pour réduire le différentiel de concurrence entre nos commerces de proximité, dans les centres-bourgs ou les centres-villes, et les géants mondiaux de l’e-commerce ?

M. le président Éric Woerth. Vous poserez la question au Gouvernement : c’est lui qui négocie.

La commission rejette l’amendement I-CF68.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF534 de Mme Lise Magnier, l’amendement I-CF719 de M. Charles de Courson, l’amendement I-CF533 de Mme Lise Magnier, l’amendement I-CF718 de M. Charles de Courson, l’amendement ICF535 de Mme Lise Magnier et l’amendement I-CF720 de M. Charles de Courson.

Mme Lise Magnier. Ces amendements visent à ouvrir le débat sur la fiscalité du tabac. C’est une fiscalité de santé publique : l’objectif est de porter le prix du paquet de cigarettes à 10 euros pour inciter les Français à arrêter de fumer.

Le marché du tabac évolue. On a connu l’introduction de la « vape », qui n’est plus assujettie qu’à la TVA, puisque, dans le PLF de l’année dernière, la seule autre taxe qui portait sur elle a été supprimée. Un nouveau produit est arrivé sur le marché : le tabac à chauffer. Les études sont très claires : la nocivité de la cigarette tient en grande partie à la combustion. L’avantage du tabac chauffé tient au fait qu’il ne se consume pas, ce qui réduit de 90 % la nocivité.

Or il n’existe pas de catégorie fiscale pour le tabac à chauffer. C’est tout l’objet de ces amendements, qui visent également à prendre en compte sa plus faible nocivité pour les consommateurs.

À travers l’amendement I-CF534, je propose un niveau de fiscalité représentant 10 % de celle qui est appliquée à la cigarette, compte tenu du fait que les risques sont 90 % moins élevés. L’amendement I-CF533 vise à aligner la fiscalité sur le niveau moyen observé dans les dix-sept pays européens ayant créé cette nouvelle catégorie fiscale. L’amendement I-CF535 alignerait quant à lui la fiscalité sur celle du tabac à rouler.

M. Charles de Courson. Mes trois amendements sont à peu près les mêmes que ceux de Mme Magnier. Tous ont le même objectif : essayer de faire basculer une partie des fumeurs de tabac vers le tabac à chauffer.

Il n’y a pas de problème pour la e-cigarette : elle ne supporte aucune taxe spécifique. Il y en a un, en revanche, pour le tabac à chauffer, car c’est une catégorie qui n’existe pas. Il est classé parmi les « autres tabacs à fumer ». De ce fait, on lui applique un taux de taxation qui est le plus élevé, et de très loin, de toute l’Europe. Le résultat en est que le pourcentage des fumeurs qui y ont recours est aux alentours de 6 % chez nous, contre 20 % à 30 % dans d’autres pays. Or, comme l’a rappelé Lise Magnier, il présente 90 % de risques en moins pour la santé que le tabac à fumer.

Il convient donc de créer une ligne spécifique pour le tabac à chauffer. S’agissant du niveau de fiscalité, il y a trois solutions : on peut se caler soit sur la moyenne européenne, c’est-à-dire 120 euros pour 1 000 grammes – c’est l’objet de l’amendement I-CF718 –, soit sur le tabac à rouler, à savoir 288 euros – c’est l’amendement I-CF720 –, ou encore, ce qui à mon avis serait le plus astucieux, le fixer à 10 % de la valeur applicable au tabac à fumer, ce qui correspond à la différence de nocivité. La plupart de mes collègues semblent préférer soit un niveau identique à celui du tabac à rouler soit un taux proche de la moyenne européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les chiffres que vous donnez concernant la moindre nocivité supposée du tabac à chauffer : d’autres études, émanant de l’Organisation mondiale de la santé, ne disent pas cela. Elles considèrent même que le tabac à chauffer est aussi nocif que les autres formes de consommation du tabac. Ne jouons pas les faux experts : l’OMS, ce n’est pas n’importe quel institut.

L’abattement à 90 % n’est donc pas très responsable en termes de santé publique. Faut-il taxer le tabac à chauffer au niveau de la moyenne européenne ? Ce qui est sûr, c’est que la question doit être posée : il y a effectivement un flou. Il ne doit pas rester dans la catégorie « autres tabacs à fumer ». Nous poserons la question au ministre dans l’hémicycle pour connaître la position du Gouvernement et de l’administration. Pour le reste, dans la mesure où il n’est pas démontré que le tabac à chauffer est moins nocif, contrairement à la e-cigarette, j’émets un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je ne suis ni médecin ni spécialiste de ces questions, mais j’ai lu un certain nombre d’études. Le problème du tabac à fumer, c’est qu’il se consume : contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas le tabac en tant que tel qui est nocif, c’est sa combustion. L’intérêt du tabac à chauffer, c’est qu’il n’y a pas de combustion. Je ne dis pas que c’est formidable, mais, s’agissant de la taxation, il ne faut surtout pas en rester à la situation actuelle. En termes d’efficacité de la politique de santé publique, je pense que la solution raisonnable est d’opter pour une fiscalité de 120 euros pour 1 000 grammes. Si tous les pays d’Europe l’ont fait, monsieur le rapporteur général, ce n’est peut-être pas tout à fait dénué de sens. Je rappelle que nous avons l’un des taux de consommation de tabac les plus élevés d’Europe, avec les Grecs et les Portugais.

La commission rejette successivement les amendements I-CF534, I-CF719, I-CF533, I-CF718, I-CF535 et I-CF720.

Elle en arrive à l’amendement I-CF798 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. L’an dernier, nous nous sommes penchés sur la question des taxes sur les titres de séjour. Nous avons apporté un certain nombre de modifications, mais il y a un cas qui est passé entre les mailles du filet : le conjoint étranger d’un Français ne peut accéder qu’à un titre de séjour d’un an, et doit donc payer les taxes afférentes chaque année, alors que le conjoint étranger d’un ressortissant communautaire vivant dans notre pays bénéficie d’un titre de cinq ans. Il y a là une incohérence qu’il faut corriger.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de ce que nous avons fait l’an dernier : la taxe sur les titres de séjour est passée de 250 à 200 euros. Il serait utile d’avoir une évaluation de cette mesure, même si nous avons peu de recul : avez-vous interrogé le Gouvernement ? Cela permettrait de savoir si l’on peut aller jusqu’à l’exonération.

Sur le fond, je saisis tout à fait la pertinence de votre amendement. J’avais d’ailleurs approuvé vos propositions l’an dernier sans difficulté. Toutefois, j’aimerais que nous ayons un premier bilan des mesures prises l’an dernier. Pourriez-vous le redéposer en séance ?

Mme Stella Dupont. À ma connaissance, cette évaluation n’a pas été faite. Quoi qu’il en soit, j’aborde un point spécifique et indépendant de la diminution de la taxe.

M. le président Éric Woerth. Effectivement : il faudrait connaître la raison de cette situation étrange.

Mme Stella Dupont. Je retire mon amendement à ce stade. Je le redéposerai en séance pour obtenir plus d’éléments.

L’amendement I-CF798 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF1393 de M. Philippe Chassaing.

M. Philippe Chassaing. Il s’agit d’un petit amendement, qui ne coûte pas très cher : peut-être aurai-je votre accord, monsieur le rapporteur général… Il s’agit d’exonérer certains publics fragiles du paiement de la redevance pour protection du milieu aquatique, qui est une des composantes du permis de pêche, ce qui ferait donc mécaniquement baisser le prix de celui-ci.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette redevance est de 10 euros par an environ : le risque d’une censure pour rupture d’égalité devant l’impôt vaut-il la peine d’adopter cet amendement ? Je n’en suis pas certain. Avis défavorable.

 

La commission rejette l’amendement I-CF1393.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF823 de M. Christophe Naegelen, I-CF1274 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF775 de Mme Émilie Cariou.

M. Michel Zumkeller. L’amendement I-CF823 vise à faire contribuer les acteurs de l’assurance, au vu de la crise que traverse l’économie française. D’ailleurs, ils bénéficient, même malgré eux, de la chute significative du nombre de sinistres couverts. Nous proposons simplement de rétablir la taxe exceptionnelle de 10 % assise sur le montant de la réserve de capitalisation des acteurs de l’assurance, qui avait été instaurée en 2011.

M. Fabien Roussel. L’amendement I-CF1274 vise lui aussi à instaurer une taxe de 10 % sur les réserves de capitalisation. Nous avions défendu la même proposition en PLFR ; le rapporteur général avait alors loué cette idée et proposé de déposer de nouveau un amendement en projet de loi de finances. L’absence de prise en charge des pertes d’exploitation par les assurances a suscité beaucoup d’émoi, notamment chez les restaurateurs et cafetiers, qui paient leur assurance mais n’ont pas été indemnisés. Les assureurs auraient pu participer un peu plus. Notre proposition reprend tout simplement un dispositif mis en œuvre par le président Sarkozy à l’issue de la crise de 2008. Je m’étonne d’ailleurs que la proximité qui existe entre lui et le président Macron n’ait pas conduit à mettre de nouveau l’idée sur la table. Ce sont donc les députés communistes qui en font la proposition.

M. le président Éric Woerth. Je vous ai envoyé hier soir, pour information, les statistiques de la Fédération française de l’assurance sur la participation des assureurs aux efforts en réponse à la crise.

Mme Émilie Cariou. La réserve de capitalisation est assise sur les plus-values de cession d’obligations. Théoriquement, cette réserve défiscalisée sert à amortir les moins-values, mais les assureurs cèdent rarement les obligations dans ce cas de figure. Au fil des années, le niveau de la réserve a donc augmenté. Elle a été partiellement taxée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à 10 %, mais elle avait économisé beaucoup plus d’impôt sur les sociétés. Sous le quinquennat de François Hollande, elle a de nouveau été taxée à 7 %. À travers l’amendement I-CF775, nous proposons un taux plus raisonnable : 5 %.

Je souscris bien évidemment à ce qui vient d’être dit par mes collègues : cette période impose un effort de solidarité. L’économie réelle a beaucoup souffert de la crise du Covid-19 ; la finance un peu moins, pour toute une série de raisons.

En ce qui concerne la sinistralité, nous allons l’analyser, mais ce n’est pas d’elle qu’il s’agit, monsieur Woerth.

M. le président Éric Woerth. Certes, mais je répondais à M. Roussel, qui disait que les assureurs n’avaient pas joué leur rôle. Je ne prends pas partie : je disais que je vous avais envoyé les documents.

Mme Émilie Cariou. La réserve de capitalisation est un enrichissement qui n’a jamais été taxé. Nous vous proposons de soumettre les assureurs à un effort de solidarité dans ce moment de crise sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous n’allons pas refaire les débats sur le rôle des assureurs. J’essaie, depuis le début de la crise, d’être le plus objectif possible, et je pense avoir été suffisamment critique. Les 400 millions d’euros de promesses de dons – passez-moi l’expression – au fonds de solidarité ont été décaissés en quasi-intégralité. Je ne reviens pas sur l’ensemble des autres mesures, notamment les gestes commerciaux qui ont été consentis. Je ne dis pas du tout que tout est parfait, mais, objectivement, on ne peut pas prétendre que le secteur de l’assurance a été totalement absent. La notion de risque lié à une menace sanitaire n’existait pas : il doit absolument être intégré dans les contrats, en faisant l’objet d’une nouvelle contribution, pour permettre la prise en charge des pertes d’exploitation. Par ailleurs, comme l’a dit le président Woerth, des informations nous ont été envoyées.

La raison principale de mon avis défavorable est que vous allez toucher à des obligations prudentielles, ce qui n’est pas forcément le meilleur outil. Les fonds propres des entreprises sont déjà affaiblis du fait de la crise économique : il ne faudrait pas déstabiliser aussi le secteur de l’assurance, car ce sont les souscripteurs d’assurance vie qui en pâtiraient.

M. Charles de Courson. Je suis moi aussi hostile à cette idée car, à l’époque de M. Sarkozy, la taxe était exceptionnelle. Dans vos amendements, elle est permanente.

De plus, ces réserves de capitalisation sont une garantie pour les assurés, pas pour les sociétés d’assurance. Avec un taux de 6 %, en seize ans il n’y a plus de réserves – si le taux est de 5 %, au bout de vingt ans.

M. Jean-Paul Dufrègne. Vous caricaturez !

M. Charles de Courson. C’est mécanique, mes chers collègues.

Avec une telle mesure, vous allez déstabiliser complètement le système. Je vous le dis franchement : ce n’est pas raisonnable.

M. Fabien Roussel. Mais non, nous n’allons pas déstabiliser les assurances !

M. Michel Zumkeller. Ce que nous proposons a déjà été fait en 2011. À ce moment‑là, Charles de Courson l’avait voté, en tout cas je le suppose, car nous faisions partie de la majorité. Qui a été fragilisé ? Quelle société d’assurance a disparu ? Aucune.

M. Charles de Courson. Certes, mais la taxation était exceptionnelle !

M. Michel Zumkeller. Celle-ci aussi peut l’être : nous pourrions la limiter à un an et demi ou deux ans. Là n’est pas la question. Comment pourrions-nous tuer des sociétés d’assurance dès lors que, tout au contraire, du fait de la crise, elles ont mis encore plus d’argent de côté ? Le raisonnement ne tient pas.

La commission rejette successivement les amendements I-CF823, I-CF1274 et ICF775.

Elle examine l’amendement I-CF241 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec cet amendement, je propose d’anticiper compte tenu du contexte. Autant, il y a quelques semaines, nous pouvions avoir une forme d’optimisme, et le troisième PLFR envisageait la fin au 31 décembre 2020 des mesures d’accompagnement pour certains des secteurs les plus touchés par le coronavirus, autant il me paraît désormais plus prudent de les reconduire jusqu’en 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agissait de mesures d’urgence. Je ne pense pas qu’il faille proroger le dégrèvement de CFE comme vous le proposez. Du reste, la question de la CFE est traitée dans l’article 4, qui prévoit une compensation directe de la réduction de l’assiette et de la modification du taux à la place des dégrèvements.

En revanche, il serait intéressant que le Gouvernement nous dise si l’objectif a été atteint, combien de délibérations ont eu lieu – quand nous avons voté la disposition au mois de juillet, il y avait des incertitudes à propos de la date. Toutes les mesures prises en faveur des entreprises doivent être appliquées.

M. Arnaud Viala. Notre collègue Marie-Christine Dalloz soulève une question importante : la situation des secteurs n’ayant aucune perspective de reprise. Je pense en particulier aux agences de voyages. Si on ne leur dit pas dès à présent de quelles aides elles vont disposer dans les semaines et les mois qui viennent, elles disparaîtront corps et biens, tout simplement parce qu’elles sont déjà en sursis. Plus aucun client ne pousse la porte de leurs établissements.

La commission rejette l’amendement I-CF241.

Elle est saisie de l’amendement I-CF167 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il vise à réécrire un alinéa de la dernière loi de finances rectificative pour 2020 pour apporter des précisions juridiques concernant les autorités organisatrices de la mobilité. Je ne rouvrirai pas le débat que nous avons eu avec M. le rapporteur général et M. Cazeneuve à propos de la compensation pour les AOM hors Île-de-France. Nous suivrons la question de très près, en séance mais aussi par la suite : les promesses doivent trouver une traduction financière.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette question, comme celle de la compensation pour Île-de-France Mobilités, devrait être abordée dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

La commission rejette l’amendement I-CF167.

La commission examine les amendements identiques I-CF330 de Mme Véronique Louwagie et I-CF722 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF330 vise à rétablir un peu d’équité entre le commerce physique et le commerce en ligne, en supprimant une disposition adoptée récemment majorant la taxe sur les surfaces commerciales – TaSCom – au-delà de 1 500 m2.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. La TaSCom doit être débattue globalement. En outre, l’amendement a un coût de 200 millions d’euros, pour un effet assez faible.

La commission rejette les amendements I-CF330 et I-CF722.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF298 de M. Michel Castellani.

M. François Pupponi. L’amendement vise à affecter la majoration de la TaSCom au budget de la Collectivité de Corse, avec des seuils d’application de la majoration adaptés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF298.

 

 

 


Article 17
Suppression de dépenses fiscales inefficientes

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose la suppression de deux dépenses fiscales jugées inefficientes :

– l’exonération d’impôt sur le revenu ainsi que de toutes cotisations ou contributions sociales des sommes perçues dans le cadre du prix « French Tech Ticket » ;

– l’exonération de taxe intérieure de consommation pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant agricole ou pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle.

L’impact de ces suppressions est nul puisque ces deux dépenses fiscales ne sont plus appliquées.

Dernières modifications législatives intervenues

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et le Parlement se sont engagés dans un travail de rationalisation des dépenses fiscales afin de mieux encadrer ces dispositifs dérogatoires et de supprimer ceux apparaissant inefficients.

L’article 94 de la loi de finances pour 2018 a supprimé trois dépenses fiscales inefficientes. L’article 30 de la loi de finances pour 2019 a prévu l’abrogation de sept autres dépenses fiscales.

Les articles 29 et 136 de loi de finances pour 2020 ont supprimé sept dépenses fiscales, prévu un bornage dans le temps de l’application de dix dépenses fiscales et prévu la production de rapports d’évaluation pour neuf autres dépenses fiscales.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   état du droit 

Les dépenses fiscales sont des dispositions dérogeant à la norme fiscale de référence et dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale.

Dans la mesure où elles constituent des exceptions aux principes généraux du droit fiscal français et qu’elles ont un impact budgétaire effectif, les dépenses fiscales doivent se justifier par des objectifs rationnels et atteindre ceux‑ci de manière efficiente, ce qui suppose de les évaluer régulièrement.

A.   LES MODALITÉS D’ENCADREMENT ET D’ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES PRÉVUES PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Les lois de programmation des finances publiques (LPFP) ont été instituées par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elles ont pour objet de fixer les « orientations pluriannuelles des finances publiques » (article 34 de la Constitution).

Chacune des cinq LPFP ([362]) adoptée depuis 2008 a prévu des instruments de pilotage des dépenses fiscales qui n’ont pas permis d’enrayer la progression du coût de ces dépenses fiscales, même si la période récente conduit à un constat plus nuancé.

COÛT DES DÉPENSES FISCALES DEPUIS 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021 (prévision)

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

78,3

85,1

87,6

93,4

99,0

99,9

89,1

85,9

Source : annexes aux PLF.

Le constat est le même hors CICE. Elles sont sur ce périmètre en hausse de plus de 7 milliards d’euros en dix ans. Une stabilisation du coût des dépenses fiscales est cependant observée entre 2019 et 2020. La crise sanitaire explique en partie ce ralentissement de la progression des dépenses fiscales : le Gouvernement estime à environ 2 milliards d’euros la baisse du coût des dépenses fiscales liée à l’interruption ou la baisse d’activité de certains secteurs économiques. En 2021, le coût des dépenses fiscales hors CICE diminuerait de façon significative pour la première fois depuis 2013.

COÛT DES DÉPENSES FISCALES HORS CICE DEPUIS 2009 ([363])

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021 (prévision)

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

71,9

72,7

74,7

77,1

79,6

80,7

80,6

77,9

Source : d’après les annexes aux PLF.

La LPFP 2018-2022, adoptée en début de législature, a fixé un objectif pluriannuel d’évolution des dépenses fiscales. À la différence des précédentes LPFP, le plafond est fixé en pourcentage d’un agrégat et non plus en valeur. L’agrégat est composé des recettes fiscales nettes du budget général et des dépenses fiscales. L’avantage est que le plafond peut ainsi évoluer proportionnellement à l’évolution des recettes ce qui permet de tenir compte de l’inflation et de la croissance économique.

La LPFP prévoit une trajectoire de baisse du plafond des dépenses fiscales sur la durée de la programmation : 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022.

Méthode de calcul du ratio de dépenses fiscales

Le ratio de dépenses fiscales se calcule de la manière suivante.

Au numérateur figure le coût des dépenses fiscales présenté en détail dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens du projet de loi de finances.

Au dénominateur figurent les recettes fiscales nettes du budget général telles qu’elles figurent à l’article d’équilibre du projet de loi de finances ainsi que les dépenses fiscales.

Selon la Cour des comptes, cet instrument de plafonnement est inefficient. En effet, « ce nouveau plafond a été fixé à un niveau qui dépasse largement le coût estimé des dépenses fiscales en 2019 (de 9,1 Md€) et en 2017 (de 16 Md€). Il est donc inopérant » ([364]).

RATIO DE DÉPENSES FISCALES AU SENS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2018 À 2022

(en milliards d’euros)

Année

2017

2018

2019

2020 (prévision)

2020 (prévision actualisée)

2021

Coût des dépenses fiscales

(numérateur)

93,4

99,0

99,9

90,0

89,1

85,9

Recettes fiscales nettes + coût des dépenses fiscales (dénominateur)

93,4 + 295,6

= 389,0

99 + 295,4

= 394,4

99,9 + 281,3 = 381,2

90 + 291,8

= 381,8

89,1 + 246,8 = 335,9

85,9 + 271 =356,9

Ratio numérateur/dénominateur

24 %

25,1 %

26,2 %

23,6 %

26,5 %

24,1 %

Ratio maximum LPFP

28 %

28 %

27 %

27 %

26 %

Source : commission des finances.

La trajectoire définie par la LPFP 2018-2022 est une trajectoire de baisse du coût des dépenses fiscales. Elle marque la volonté exprimée sous cette législature de procéder à une profonde rationalisation des dépenses fiscales dont le présent article constitue une nouvelle étape.

B.   un effort de rationalisation des dépenses fiscales inefficientes engagé depuis 2018

Un travail de rationalisation des dépenses fiscales a été engagé par le Gouvernement dès le début de la législature. Il a ensuite été accentué sous l’impulsion du Parlement et plus particulièrement de l’Assemblée nationale.

● Ainsi, l’article 94 de la loi de finances pour 2018 a abrogé trois dépenses fiscales qui représentaient un coût total pour les finances publiques de 22,8 millions d’euros.

dépenses fiscales supprimées par la LFI 2018

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2017)

Exonération des suppléments de rétrocession d’honoraires versés aux personnes domiciliées en France qui exercent une activité libérale comme collaborateurs de professionnels libéraux au titre de leur séjour dans un autre État

– 0,5

Crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale

– 22,0

Crédit d’impôt pour adhésion à un groupement de prévention agréé

– 0,3

Total

– 22,8

Source : commission des finances.

● L’article 30 de la loi de finances pour 2019 a supprimé sept autres dépenses fiscales inefficientes, dont deux dans un objectif de rationalisation des dépenses fiscales en faveur de l’investissement en outre-mer (impact limité du fait du report de la dépense sur un autre dispositif fiscal). Ainsi, le coût total des dispositifs supprimés représentait 7 millions d’euros.

dépenses fiscales supprimées par la LFI 2019

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2018)

Amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui souscrivent au capital de sociétés financières d’innovation

NC

Provision pour aides à l’installation consenties par les entreprises à leurs salariés sous forme de prêts ou de souscription au capital de l'entreprise créée

0

Exonération des plus-values de cession :

- d’actions ou de parts de sociétés agréées pour la recherche scientifique ou technique ;

- de titres de sociétés financières d’innovation (SFI) conventionnées

NC

Exonération d’impôt sur le revenu de l’avantage correspondant à la remise gratuite par l’employeur aux salariés de matériels informatiques (et logiciels liés) entièrement amortis, dans la limite d’un prix de revient global annuel de 2 000 €

– 5,0

Déduction forfaitaire minimale pour frais professionnels prévue pour les demandeurs d’emploi depuis plus d’un an (seuil minimal)

NC

Rationalisation des dépenses fiscales en faveur de l’investissement social

-          Réduction d’impôt au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social dans les départements et collectivités d’outre-mer (extinction au profit d’un autre dispositif)

-          Déduction des investissements productifs réalisés dans les départements et collectivités d’outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements (extinction au profit d’un autre dispositif)

NC

 

 

– 3,0

Total

– 8,0

Source : commission des finances.

L’examen du projet de loi de finances pour 2019 a été l’occasion d’attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de l’évaluation des dépenses fiscales.

Parallèlement à la suppression de certains dispositifs à l’initiative du Gouvernement ou de députés, un amendement d’appel de Mme Amélie de Montchalin et du Rapporteur général Joël Giraud ([365]), faisant suite à plusieurs saisines des ministres sur le sujet, proposait la suppression d’une quinzaine de dépenses fiscales aux données lacunaires.

Ces débats ont été l’occasion pour le Gouvernement d’accueillir l’appel des députés et de s’engager à la réalisation d’une analyse précise de l’utilité des dépenses fiscales. L’IGF a ainsi été missionnée en ce sens le 11 avril 2019, afin d’élaborer une méthode d’évaluation et d’identifier parmi les dépenses fiscales en vigueur celles devant faire l’objet d’un examen prioritaire ([366]). Un rapport a été rendu en juin 2019, préconisant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel d’évaluation portant sur les mesures dont le coût est d’au moins 100 millions d’euros ([367]).

D’autre part, cette exigence de meilleure information parlementaire a été récemment consacrée par l’Assemblée nationale à travers l’adoption unanime, le 19 juin 2019, d’une proposition de résolution présentée par M. François Jolivet ([368]). Cette résolution manifeste le souhait parlementaire d’une documentation de chaque dépense fiscale destinée à en établir l’utilité, notamment s’agissant de celles qui présentent des lacunes de chiffrage, et la volonté de mieux établir l’atteinte par ces dispositifs de leur objectif de politique publique.

Enfin, l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales a permis au Rapporteur général Joël Giraud de dresser un panorama complet de l’ensemble des dispositifs dérogatoires ([369]). Ces travaux ont mis en évidence les lacunes des informations contenues dans le tome II des Évaluations des voies et moyens et ont démontré que près d’une dépense fiscale sur dix référencée cumule une triple lacune en matière de données : absence de chiffrage, nombre de bénéficiaires inconnu et aucun bornage temporel.

● La loi de finances pour 2020 a été l’occasion de poursuivre ces travaux : ainsi, les articles 29 et 136 ont prévu l’abrogation de sept dépenses fiscales, la limitation dans le temps de dix dépenses fiscales, ainsi que la production de rapports d’évaluation pour neuf autres. Les dépenses fiscales supprimées ont un rendement non chiffrable.

dépenses fiscales supprimées par la LFI 2020

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2019)

Réduction de l’impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national

NC

Exonération d’impôt sur le revenu (IR) pour les revenus tirés de certaines cultures agréées réalisées sur des terrains auparavant non cultivés situés dans les départements d’outre-mer

NC

Étalement de l’imposition à l’IR de certains revenus liés aux départs en retraite

NC

Étalement de l’indemnité compensatrice de délai-congé (préavis)

NC

Exonération d’IS de certaines opérations d’aménagement d’établissements publics, de sociétés d’économie mixte ou d’organismes d’habitation à loyer modéré

NC

Exonérations de TVA relatives à la mise en valeur agricole de terres dans les DOM

NC

Enregistrement gratis des constitutions et dissolutions :

- de sociétés de bains-douches et organismes de jardins familiaux ;

- de sociétés coopératives artisanales ;

- de sociétés mutualistes

0

Total

NC

Source : commission des finances.

dépenses fiscales bornées par la LFI 2020

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2019)

Date du bornage

Déduction sur cinq ans du prix d’acquisition des œuvres originales d’artistes vivants

– 5

31 décembre 2022

Crédit d’impôt recherche (CIR) –volet « textile, habillement, cuir »

NC

31 décembre 2022

Crédit d’impôt en faveur de l’innovation (CII)

– 190

31 décembre 2022

Crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour la formation du chef d'entreprise

– 52

31 décembre 2022

Exonération de droit d’enregistrement pour les acquisitions de droits sociaux effectués par une société créée en vue de racheter une autre société

– 0,5

31 décembre 2022

Exonération d’IR des produits de la location d’une partie de l’habitation principale

NC

31 décembre 2023

Exonération d’IS des revenus patrimoniaux de certains établissements publics

NC

31 décembre 2023

Exonération d’IS de la valeur nette de l’avantage en nature consenti par les personnes morales ayant pour objet de transférer gratuitement à leurs membres la jouissance d’un bien

NC

31 décembre 2023

Taux de 10 % de TVA applicable aux travaux sylvicoles et d'exploitation forestière réalisés au profit d'exploitants agricoles

NC

31 décembre 2023

Exonération de droits de mutation à titre gratuit des dons et legs faits au profit de certains organismes publics ou d’utilité publique

NC

31 décembre 2023

Source : commission des finances.

dépenses fiscales pour lesquelles un rapport d’évaluation
est prévu par la LFI 2020

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût

Date de remise du rapport

Crédit d’impôt pour dépenses dans la production d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles

270 (2018)

Chaque année, avant le 30 septembre, à compter de l’année 2020

Crédit d’impôt pour dépenses dans la création de jeux vidéo

19 (2018)

Chaque année, avant le 30 septembre, à compter de l’année 2020

Crédit d’impôt pour dépenses de production exécutive en France d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles étrangères

53 (2018)

Chaque année, avant le 30 septembre, à compter de l’année 2020

Exonération du supplément de rémunération lié à l’impatriation

177 (2019)

30 septembre 2022

Exonération temporaire à hauteur de 50 % des revenus de capitaux mobiliers perçus à l’étranger par des personnes physiques impatriées

3 (2019)

30 septembre 2022

Crédit d’impôt famille

115 (2019)

30 septembre 2022

Exonération produits de droits d'auteurs perçus à l’étranger par les impatriés

NC

30 septembre 2022

Exonération temporaire à hauteur de 50 % des gains nets de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux détenus à l’étranger par des personnes physiques impatriées

3 (2019

 

30 septembre 2022

Exonération de 30 % de taxe sur les salaires pour les impatriés

NC

30 septembre 2022

Source : commission des finances.

II.   Dispositif proposé : la suppression de deux dépenses fiscales inefficientes

Le présent article propose la suppression de deux dépenses fiscales inefficiente :

– l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant agricole ou pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle (I du présent article) ;

– l’exonération d’impôt sur le revenu ainsi que de toutes cotisations et contributions sociales des sommes perçues dans le cadre de l’attribution du prix « French Tech Ticket » (II du présent article).

Ces deux dépenses fiscales ne sont, de fait, plus appliquées aujourd’hui. L’impact de leur suppression est donc nul.

Ainsi, ces deux suppressions contribuent au toilettage de la législation et à la simplification du droit fiscal.

A.   La suppression de l’exonération de TICPE pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant ou pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle

Dans un contexte de hausse du prix des produits pétroliers, l’article 49 de la loi du 5 janvier 2006 d’orientation agricole ([370]) a autorisé l’utilisation des huiles végétales pures comme carburant agricole par les exploitants ayant produit les plantes dont l’huile est issue. L’huile végétale pure est définie comme l’huile, brute ou raffinée, produite à partir de plantes oléagineuses sans modification chimique par pression, extraction ou procédés comparables ([371]).

L’article 37 de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 ([372]) a autorisé l’utilisation des huiles végétales pures comme carburant pour les véhicules des flottes captives ([373]) des collectivités territoriales et de leurs groupements ou pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle.

Le 2 de l’article 265 ter du code des douanes prévoit une exonération de TICPE pour l’utilisation de ces huiles comme carburant agricole ou pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle, l’utilisation en tant que carburant pour les flottes captives étant exclue de cette exonération.

Le tome II des Évaluations des voies et moyens indique que le rendement de cette dépense fiscale est inférieur à 500 000 euros depuis plusieurs années, sans qu’il soit possible d’affiner davantage cette estimation. Le nombre de bénéficiaires n’est pas déterminé. D’après l’évaluation préalable de l’article, la dernière utilisation déclarée d’huiles végétales pures comme carburants agricoles ou par des pêcheurs professionnels remonte à 2010 : l’exonération fiscale associée à cette utilisation apparaît donc aujourd’hui sans objet.

B.   La suppression de l’exonération d’IR des sommes perÇues dans le cadre du prix « French Tech Ticket »

Lancé en mai 2015, le dispositif « French Tech Ticket » est un programme d’incubation à destination des entrepreneurs étrangers dont l’objectif est de renforcer l’attractivité de l’écosystème de start-ups français. Il prend la forme d’un concours : les lauréats reçoivent un prix en numéraire et bénéficient de prestations en nature (hébergement, accompagnement au sein de l’incubateur et pour les démarches administratives).

L’article 23 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 ([374]) a prévu l’exonération d’impôt sur le revenu et de toutes les cotisations et contributions sociales, quelle qu’en soit la nature, des sommes perçues par les lauréats de ces prix.

Seulement deux éditions de ce programme « French Tech Ticket » ont été organisées en 2016 et en 2017. Ainsi, le nombre de bénéficiaires de la dépense fiscale depuis 2017 est nul, de même que son coût.

Ce programme a ensuite été en partie englobé par le dispositif « French Tech Visa », qui consiste en une procédure simplifiée et accélérée pour l’obtention d’un titre de séjour pour les travailleurs étrangers embauchés par des entreprises françaises innovantes, ainsi que pour leurs familles.

Un autre concours, « French Tech Tremplin », à destination des entrepreneurs issus des quartiers prioritaires de la ville, bénéficiaires de minimas sociaux, réfugiés ou étudiants boursiers, a été ouvert en 2020. À l’image de ce qui était prévu pour le concours « French Tech Ticket », la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 ([375]) a exonéré d’IR et de toutes les cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle les sommes perçues par les lauréats de ce concours.

*

*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF373 de Mme Véronique Louwagie.

Puis elle examine l’amendement I-CF516 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le premier alinéa de l’article 17 vise à supprimer l’exonération de taxe intérieure de consommation dont bénéficient les huiles végétales pures, qui sont notamment utilisées pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle et de ceux d’autres professions.

Les pêcheurs ont été largement affectés par la crise du Covid-19. Or la suppression de cette exonération est de nature à alourdir les charges pesant sur la profession. Par ailleurs, elle entrave le développement nécessaire et essentiel des biocarburants, également susceptibles d’être utilisés pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle.

Le présent amendement vise à maintenir l’exonération. Au demeurant, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement la supprime.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette exonération est sans objet : les pêcheurs professionnels n’utilisent plus d’huiles végétales pour l’avitaillement de leurs navires depuis 2010.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ce que l’on m’a dit. Et si tel est le cas, le coût du maintien de l’exonération est nul.

La commission rejette l’amendement I-CF516.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1120 de M. Éric Coquerel.

Puis elle examine l’amendement I-CF1121 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’amendement précédent portait sur la taxation du kérosène utilisé dans le secteur aérien, qui a été fragilisé par la crise.

L’amendement I-CF1121 vise à supprimer la niche fiscale dont bénéficie le carburant maritime utilisé pour le transport de marchandises et le transfert de personnes. Un cargo produit autant de soufre qu’un million de voitures. Chaque année, en Europe, les émissions du transport maritime provoquent 60 000 décès et coûtent 58 milliards d’euros aux services de santé. Les bateaux de croisière ne sont pas en reste.

L’objectif est précisément de freiner le grand déménagement du monde auquel cette dépense fiscale participe, au profit de la relocalisation des activités.

M. Jean-Paul Dufrègne. Très bien !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Cette façon de procéder est bien trop brutale. Si la suppression de niches fiscales produisait un effet sur les filières, cela se saurait. Il faut accompagner les filières, en recourant à la concertation, niche fiscale par niche fiscale, sur plusieurs années. Une suppression brutale, au cœur de la crise, me semble totalement coupable.

Mme Catherine Osson. Très bien !

La commission rejette l’amendement I-CF1121.

Elle examine l’amendement I-CF1119 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il vise à supprimer la niche fiscale bénéficiant au transport routier de marchandises, dont le coût – un milliard d’euros – n’est pas négligeable. Au lieu de favoriser les entreprises du transport routier, le Gouvernement pourrait utiliser cette somme pour financer un plan de relance. Comment peut-on parler d’avancées écologiques quand on soutient à ce point le transport routier ?

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Comment peut-on dire des choses pareilles ?

Mme Sabine Rubin. Nous nous sommes penchés tout à l’heure sur les niches fiscales qui ne sont pas rentables. Cette niche fiscale le serait si ses recettes étaient utilisées pour financer une véritable transition écologique.

M. Jean-René Cazeneuve. Plus de bateaux, plus de camions, plus de voitures !

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF1119.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement I-CF1125 de Mme Sabine Rubin.

Elle en vient à l’amendement I-CF1128 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il vise à supprimer l’exonération de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité dont bénéficient les installations industrielles électro-intensives qui fournissent les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile.

Contrairement à une croyance largement répandue, remplacer un véhicule ancien par un véhicule propre n’est pas nécessairement un progrès écologique. La production de véhicules, y compris ceux qualifiés de propres, présente un coût écologique pharaonique. Inciter à leur surproduction et à leur surconsommation nous semble complètement irresponsable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF1128.

Puis elle adopte l’article 17 sans modification.

 

 

 


Article 18
Suppression du caractère obligatoire de l'enregistrement
de certains actes de société

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article supprime, pour les sociétés, l’obligation de procéder à l’enregistrement de certains de leurs actes, et – pour les actes dont l’enregistrement est obligatoire – le caractère obligatoirement préalable de la formalité de l’enregistrement au dépôt au registre du commerce et des sociétés.

Il s’agit de simplifier la vie des entreprises et de procéder à la suppression de droits dont le rendement est faible.

L’impact budgétaire est, en conséquence, très faible.

Dernières modifications législatives intervenues

La liste des actes de sociétés donnant lieu à un enregistrement obligatoire, figurant à l’article 635 du CGI, a été modifiée par l’article 21 de la loi de finances pour 2019.

Les dispositions relatives au dépôt de certains actes de sociétés auprès des greffiers des tribunaux de commerce en vue de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ont été modifiées par l’article 11 de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   l’obligation d’enregistrement des actes de sociÉtÉs

1.   Le principe de l’enregistrement

a.   Définition et enjeux

L’enregistrement est une formalité réalisée auprès des services des impôts permettant de prouver la réalité d’un acte en cas de litige et de lui conférer date certaine, entre les parties et vis-à-vis des tiers. Il permet de ce fait d’assurer une surveillance du contenu des actes, en constituant une mesure préventive contre les faux en écritures publiques ou privées. Il peut être rendu obligatoire par la loi mais peut aussi être accompli de manière volontaire afin de sécuriser un acte.

Certains actes de la vie des entreprises et des sociétés doivent ainsi obligatoirement faire l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration fiscale. C’est le cas notamment des augmentations et des réductions de capital, de la cession des droits sociaux ou des fonds de commerce.

D’une façon générale, l’enregistrement n'est pas une condition de validité des actes. Cependant, par exception, certains textes subordonnent la validité ou l’opposabilité de certains actes à leur enregistrement. C’est le cas, par exemple, des publications de mutations de fonds de commerce qui doivent, à peine de nullité, être précédées de l’enregistrement des mutations et rapporter les termes de la mention d’enregistrement ainsi que le prix et les charges ou l’évaluation du fonds ([376]).

b.   Une formalité distincte de la publicité foncière et de la formalité fusionnée

La formalité de l’enregistrement doit être distinguée de la formalité de la publicité foncière. Celle-ci a pour objet d’assurer la publicité des droits portant sur les immeubles afin d’informer les tiers de la transmission d’un droit de propriété ou de la constitution de droits réels ou de charges grevant une propriété.

Elle est également distincte de la formalité dite fusionnée, qui s’applique aux actes soumis à la double obligation de l’enregistrement et de la publicité foncière, mais aussi à ceux qui sont admis à publicité foncière à titre facultatif. Lorsque la formalité fusionnée s’applique, elle tient lieu d’enregistrement.

Contrairement à ces formalités, l’enregistrement n’a pas pour effet de donner la publicité aux opérations enregistrées. Les documents enregistrés par l’administration fiscale sont couverts par le secret professionnel, et ne sont donc librement communicables aux tiers autres que les parties ou ayants cause qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans.

2.   Les actes donnant lieu à enregistrement obligatoire

Les actes ([377]) et mutations verbales soumis à la formalité de l’enregistrement sont précisés aux articles 635 à 645 du CGI.

On peut mentionner, à titre d’exemples, que doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date, et sous certaines réserves et exceptions ([378]) :

– Les actes des notaires et des huissiers de justice ;

– Les actes portant transmission de propriété d’immeubles ou de fonds de commerce ;

– Les actes portant mutation de jouissance à vie ou à durée illimitée de biens immeubles, de fonds de commerce ou de clientèles ;

– Les actes constatant la formation, la modification ou l’extinction d’un contrat de fiducie ;

– La transaction prévoyant, en contrepartie du versement d’une somme d’argent, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire ;

– Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire lorsqu’elles donnent ouverture à un droit proportionnel ou progressif.

Concernant les actes de sociétés, le 5° du 1 de l’article 635 du CGI prévoit que doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date les actes constatant la transformation d’une société et ceux constatant l’augmentation, l’amortissement ou la réduction de son capital.

Le 6° du même 1 soumet à la même formalité les actes constatant la formation de groupement d’intérêt économique.

Doivent également être enregistrés les dons manuels ([379]) et les testaments-partages déposés chez les notaires ou reçus par eux ([380]).

Des décrets peuvent instituer pour certaines catégories d’actes une dispense de la formalité d’enregistrement ([381]).

À défaut d’acte, une déclaration auprès du service des impôts compétent est requise pour certaines opérations résultant de conventions verbales. C’est le cas notamment des mutations de propriété de biens immeubles ou de fonds de commerce ([382]).

Concernant les actes de sociétés, l’article 638 A du CGI dispose qu’à défaut d’acte les constatant, doivent donner lieu au dépôt d’une déclaration au service des impôts compétent dans le mois qui suit leur réalisation :

 la formation ou la transformation d’une société ou d’un groupement d’intérêt économique ;

 l’augmentation, l’amortissement ou la réduction de leur capital.

3.   Les modalités de l’enregistrement

a.   Droits d’enregistrement

La formalité de l’enregistrement peut donner lieu à la perception d’un droit par l’administration fiscale. Son tarif, qui peut être fixe, proportionnel ou progressif, est fixé aux articles 677 à 848 bis du CGI.

L’article 680 dispose que tous les actes qui ne se trouvent ni exonérés, ni tarifés par aucun autre article du présent code – couramment appelés « actes innommés » – et qui ne peuvent donner lieu à une imposition proportionnelle ou progressive sont soumis à une imposition fixe de 125 €.

L’article 638 A précise que les opérations de déclaration, à défaut d’acte les constatant, de la formation ou de la transformation d’une société ou d’un GIE ou de l’augmentation, de l’amortissement ou de la réduction de leur capital sont passibles des mêmes droits que les actes correspondants.

La perception du droit d’enregistrement est impérative. L’article 1702 du CGI dispose qu’aucune autorité publique, ni l’administration fiscale, ni ses préposés, ne peuvent suspendre ou faire suspendre le recouvrement des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière sans en devenir personnellement responsables. L’article L. 247 du livre des procédures fiscales précise quant à lui qu’aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle d’un droit d’enregistrement ou de la taxe de publicité foncière.

Le non-respect des délais prévus pour accomplir la formalité de l’enregistrement rend applicables les sanctions de droit commun prévues par la loi en cas de retard.

Les notaires, les huissiers et autres agents ayant pouvoir de faire des actes et procès-verbaux, les greffiers et les autorités administratives qui ont négligé de soumettre à l’enregistrement, dans les délais fixés, les actes qu’ils sont tenus de présenter à cette formalité sont personnellement passibles des sanctions prévues en cas de retard. Ils sont en outre tenus du paiement des droits et taxes concernés mais disposent d’un recours contre les parties pour le paiement de ces droits ou taxes.

La récente suppression des droits d’enregistrement pour de nombreux actes de société

De nombreux actes de sociétés, dont l’enregistrement donnait auparavant lieu à la perception d’un droit fixe de 375 euros, porté à 500 euros pour les sociétés ayant un capital d’au moins 225 000 euros, ont vu leur enregistrement devenir gratuit à compter du 1er janvier 2019 ([383]). C’est le cas :

– des apports réalisés après la constitution de la société ([384]) ;

– des actes constatant des prorogations pures et simples de sociétés et des actes de dissolution de sociétés qui ne portent aucune transmission de biens meubles ou immeubles entre les associés ou autres personnes ([385]) ;

– des actes portant augmentation du capital des sociétés au moyen de l’incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions de toute nature ([386]) ;

– des actes portant réduction de capital lorsque cette réduction a lieu contre annulation ou réduction du nominal ou du nombre de titres, lorsqu’elle est consécutive au rachat par la société de ses propres titres, avec attribution de biens sociaux aux associés, lorsqu’un seul acte est établi pour constater les deux opérations, ou lorsqu’elle est consécutive au rachat par la société de ses propres titres lorsque deux actes distincts sont dressés pour constater les deux opérations ([387]) ;

– des actes constatant des opérations de fusion entre personnes morales ([388]) ;

– et des actes constatant l’augmentation nette du capital d’une société à capital variable, constatée à la clôture d’un exercice ([389]).

b.   Lieu de l’enregistrement

Les articles 650 à 656 du CGI désignent les services des impôts où les actes et les mutations verbales doivent être enregistrés :

– Lorsque l’acte est notarié, la formalité incombe au notaire, au service des impôts dans le ressort duquel il réside ([390]) ;

– Pour les actes sous seings privés qui doivent être présentés à cette formalité dans un délai fixé par la loi, l’enregistrement a lieu, pour ceux d’entre eux portant transmission de propriété, d’usufruit ou de jouissance de biens immeubles ou de fonds de commerce notamment, au service des impôts de la situation des biens, et, pour tous les autres, à celui du domicile de l’une des parties contractantes ([391]). Concernant les actes de sociétés, l’administration admet que les actes peuvent être enregistrés indifféremment soit au service des impôts du domicile de l’un des associés, soit au service des impôts du siège social ;

– Les actes sous signature privée autres que ces derniers et les actes passés en pays étrangers peuvent être enregistrés dans tous les services des impôts indistinctement ([392]).

c.   Modalités de l’enregistrement

La formalité de l’enregistrement est donnée sur les minutes, brevets ou originaux des actes qui y sont soumis ([393]).

La formalité des actes notariés peut toutefois être donnée sur une expédition intégrale, c’est-à-dire une copie authentique, des actes à enregistrer.

De plus, les parties qui rédigent un acte sous seing privé soumis à l’enregistrement dans un délai déterminé doivent en établir un double revêtu des mêmes signatures que l’acte lui-même, et qui reste déposé au service des impôts lorsque la formalité est requise ([394]).

4.   Des obligations récemment allégées en vue de simplifier la vie des entreprises

a.   Au cours des années récentes

Les actes concernant la formation, la prorogation ou la dissolution des sociétés, qui étaient également soumis à la formalité obligatoire de l’enregistrement en application de l’article 635 du CGI, ne le sont plus :

–  depuis le 1er juillet 2015 ([395]) pour les actes concernant la formation ;

–  depuis le 1er janvier 2020 ([396]) s’agissant des actes relatifs à la prorogation ou à la dissolution.

Toutefois, certains actes constatant la formation des sociétés demeurent soumis à la formalité de l’enregistrement, soit en raison de la qualité de leur rédacteur – c’est le cas lorsqu’ils sont rédigés par un notaire ou un huissier –, soit en raison de leurs dispositions – par exemple s’ils réalisent la mutation d’un immeuble ou d’un fonds de commerce. Il en va de même des actes de prorogation ou de dissolution d’une société.

b.   Durant la crise sanitaire

En raison des difficultés entraînées par l’épidémie de Covid-19, l’administration fiscale a admis que des actes de sociétés soient enregistrés par l’envoi d’un simple courriel entre le 11 mai et le 10 juillet 2020 ([397]). Cette mesure a concerné les actes constatant l’augmentation, l’amortissement ou la réduction de capital d’une société, ceux constatant la transformation d’une société et ceux qui sont présentés volontairement à l’enregistrement, à l’exclusion des actes soumis à la formalité fusionnée.

B.   le caractÈre prÉalable de l’enregistrement de certains actes de sociÉtÉs À leur inscription au registre du commerce et des sociÉtÉs

L’article 862 du code général des impôts dispose, à son premier alinéa, que les greffiers ne peuvent faire ou rédiger un acte en vertu ou en conséquence d’un acte soumis obligatoirement à l’enregistrement ou à la formalité fusionnée, l’annexer à leurs minutes, le recevoir en dépôt ni le délivrer en brevet, extrait, copie ou expédition, avant que l’une ou l’autre formalité ait été exécutée, alors même que le délai pour y procéder ne serait pas encore expiré.

Toutefois, son dernier alinéa prévoit une exception à cette règle pour les greffiers des tribunaux de commerces ou des tribunaux judiciaires ([398]) statuant commercialement au titre des actes constatant la formation de sociétés commerciales qu’ils reçoivent en dépôt en vue de l’immatriculation de ces sociétés au registre du commerce et des sociétés (RCS).

Concernant les sociétés, cela signifie notamment qu’elles ne peuvent procéder, auprès des greffiers des tribunaux de commerce ou des tribunaux judiciaires, à l’inscription au RCS des actes qui doivent être soumis à cette formalité avant que ceux-ci soient enregistrés, si cet enregistrement est obligatoire. Cette obligation vise à préserver les intérêts de l’État à travers une perception précoce des droits d’enregistrement dus.

Or l’article R. 123-66 du code de commerce fait obligation à toute personne morale immatriculée au RCS de demander une inscription modificative dans le mois de tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations faisant l’objet d’une déclaration obligatoire lors de l’immatriculation. La liste de ces informations est fixée aux articles R. 123-53 et R. 123-54 du même code. Elle comprend des éléments essentiels de l’identité de la société, notamment sa raison sociale, sa forme juridique, son siège social, sa durée, ses activités principales, le montant de son capital social et l’identité des mandataires sociaux. La modification de ce type d’informations n’est ainsi pas, pour une société, une démarche rare.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article supprime, pour les sociétés, l’obligation de procéder à l’enregistrement de certains de leurs actes, et celle de procéder à la formalité de l’enregistrement avant celle du dépôt au registre du commerce et des sociétés pour les actes dont l’enregistrement est obligatoire.

A.   La suppression du caractÈre obligatoire de l’enregistrement de certains actes de sociÉtÉs

Le du I du présent article allège la liste, figurant à l’article 635 du CGI, des actes devant faire l’objet d’un enregistrement dans le délai d’un mois à compter de leur date. Il supprime au 1 de cet article :

– L’enregistrement obligatoire des actes constatant des augmentations de capital en numéraire et par incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions, et ceux constatant des augmentations nettes de capital de société à capital variable constatées à la clôture d’un exercice ;

– L’enregistrement obligatoire des actes constatant l’amortissement ou la réduction du capital ;

– L’enregistrement obligatoire des actes constatant la formation de groupement d’intérêt économique.

Le II précise que cette modification est applicable aux actes établis à compter du 1er janvier 2021.

Le 2° du I modifie de manière symétrique l’article 638 A du même code, en supprimant de la liste des opérations devant donner lieu, à défaut d’acte les constatant, au dépôt d’une déclaration au service des impôts compétent dans le mois qui suit leur réalisation :

– Les augmentations de capital en numéraire et par incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions ;

– Les augmentations nettes de capital de société à capital variable constatées à la clôture d’un exercice ;

– L’amortissement et la réduction du capital d’une société ou d’un GIE.

Parmi ces actes et déclarations, seuls ceux constatant l’amortissement, certains de ceux constatant la réduction de capital et ceux constatant la formation d’un GIE donnent aujourd’hui lieu à la perception d’un droit d’enregistrement. Ce droit est le droit fixe de 125 euros applicable à l’enregistrement des actes innommés, comme prévu à l’article 680 du CGI. Les autres actes concernés ne donnent plus lieu à la perception d’un droit d’enregistrement depuis le 1er janvier 2019.

Le II précise que ces dispositions sont applicables aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2021.

L’augmentation de capital

S’il doit être défini au moment de la constitution de la société et répond, pour certaines formes sociales, à des exigences légales, le montant du capital social n’est pas figé dans le temps. À certaines étapes de la vie d’une société, les associés peuvent souhaiter, ou être obligés, d’augmenter le volume du capital ([399]), afin de financer la croissance de l’entreprise, de renforcer sa crédibilité ou de consolider son modèle financier sans recourir à l’endettement.

Plusieurs modalités d’augmentation de capital existent, que celle-ci résulte d’une augmentation des engagements des associés ou de l’entrée au capital d’associés nouveaux :

– L’apport en numéraire, c’est-à-dire d’une somme d’argent ;

– L’apport en nature, c’est-à-dire par l’apport de nouveaux biens, mobiliers ou immobiliers, autres qu’une somme d’argent, au capital de la société ;

– L’incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions, c’est-à-dire que les bénéfices, réserves ou provisions produits ou constitués par la société elle-même sont transférés au capital social ; on dit qu’ils sont « capitalisés ». Tous les types de réserves (légales, facultatives et extraordinaires) peuvent donner lieu à capitalisation.

S’il existe, outre l’apport en numéraire et l’apport en nature, un troisième type d’apport au capital d’une société, à savoir l’apport en industrie, celui-ci ne concourt pas à la formation du capital social. En effet, l’apport en industrie, qui consiste en la mise à disposition de la société, par l’un des associés, de ses connaissances professionnelles, de son travail, d’une expertise, ou encore d’une clientèle, est par définition immatériel et ne peut être saisi ; de plus, il est fréquemment difficile à évaluer. Il n’est d’ailleurs pas autorisé dans toutes les formes sociales – il est par exemple prohibé de réaliser un apport en industrie à une société anonyme. Il donne lieu à l’attribution de parts ou d’actions et à un droit au bénéfice.

Cette opération nécessite l’accomplissement d’un certain nombre de formalités, dont fait partie l’enregistrement.

 

La réduction de capital

Opération-miroir de l’augmentation de capital, la réduction du capital social consiste pour une société à diminuer la valeur nominale des droits sociaux ou le nombre de ces droits.

Cette opération peut être :

– Non motivée par des pertes, lorsque cette opération ne résulte pas de difficultés financières. Dans ce cas, la société rachète elle-même les droits sociaux d’un associé et les annule ;

– Motivée par des pertes, lorsque la réduction résulte d’une baisse d’activité. Il s’agit pour les associés d’apurer les pertes et de réduire la « voilure » de la société afin de repartir sur des bases saines, au lieu de procéder à une liquidation de la société.

Depuis le 1er janvier 2019, la plupart des situations de réduction de capital ne donnent plus lieu à la perception d’un droit d’enregistrement.

Dans certains cas toutefois, le droit fixe perçu lors de l’enregistrement des actes innommés, et prévu à l’article 680 du CGI, s’applique. C’est le cas notamment de la réduction de capital consécutive à la renonciation de la société à appeler la partie du capital non encore versée, de celle dont l’acte ne désigne pas les parties prenantes (en stipulant simplement, par exemple, qu’il sera remboursé un titre sur quatre), ou encore lorsqu’un immeuble présentant le caractère d’acquêt social est attribué à la masse des associés, à charge pour celle-ci de procéder à sa vente et d’en répartir le prix.

En outre, lorsque la réduction de capital est précédée d’un rachat par la société de ses propres titres, et que ces deux opérations sont constatées dans des actes distincts, l’acte constatant le rachat est assujetti au droit proportionnel de cession des titres prévu à l’article 726 du CGI. Dans le cas où le rachat et la réduction de capital sont constatés dans un acte unique, si l’attribution faite aux associés ne consiste pas en biens sociaux – mais, par exemple, en rentes viagères ou en obligations –, l’acte est soumis au même droit proportionnel de cession des titres de l’article 726 du CGI.

 

L’amortissement de capital

Une opération d’amortissement du capital d’une société consiste à rembourser aux actionnaires tout ou partie du montant nominal de leurs droits sociaux à titre d’avance sur le produit de la liquidation future de la société. Elle s’opère par imputation des sommes versées aux associés sur les bénéfices ou sur les réserves disponibles, à l’exclusion de la réserve légale et, s’il en existe, des réserves statutaires.

Une opération d’amortissement du capital n’a d’effet qu’entre la société et ses associés. Contrairement à la réduction de capital, elle n’entraîne aucune diminution du capital à l’égard des tiers. Le montant du capital, gage des créanciers, demeure inchangé au passif du bilan.

C’est une opération très rare en pratique. Elle donne lieu au versement du droit fixe des actes dits « innommés » prévu à l’article 680 du CGI.

 

La société à capital variable

Si le capital d’une société est en général fixe, il est possible de créer une société à capital variable, c’est-à-dire dont le montant est susceptible de varier constamment, soit à la hausse par de nouveaux apports, soit à la baisse par des reprises d’apports.

Les dispositions relatives à la société à capital variable figurent aux articles L. 231-1 à L. 231-8 du code de commerce.

La clause de variabilité doit figurer dans les statuts, et le statut de société à capital variable doit être mentionné dans tous les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers. La clause de variabilité peut être présente dès la constitution de la société, ou y être insérée en cours de vie sociale.

L’existence d’un capital variable est autorisée dans toutes les sociétés à l’exception des sociétés anonymes.

Les actes constatant les augmentations ou les diminutions du capital social ou les retraits d’associés dans une société à capital variable ne sont pas assujettis aux formalités de dépôt et de publication. Cette disposition vise à éviter la réalisation de formalités incessantes et en elles-mêmes peu utiles pour les sociétés et les services administratifs concernés.

En revanche, la société doit procéder à un enregistrement lorsqu’une augmentation ou une diminution de capital est constatée à la clôture d’un exercice par rapport à la clôture de l’exercice précédent.

 

Le groupement d’intérêt économique

Le groupement d’intérêt économique (GIE) est un groupement jouissant de la personnalité morale, à mi-chemin entre l’association régie par la loi du 1er juillet 1901 et la société. Il s’agit de permettre aux entreprises d’unir leurs efforts là où elles ont des intérêts communs, tout en conservant leur entière indépendance.

Il peut être constitué par deux ou plusieurs personnes physiques ou morales et toujours pour une durée déterminée. Son but est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité ; il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même.

Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci.

Les principales caractéristiques du GIE sont les suivantes :

–  Il ne peut avoir pour objet que le prolongement de l’activité économique de ses membres. Sous cette réserve, il peut agir dans tous les secteurs de la vie économique.

–  Il jouit de la pleine capacité juridique ;

–  Il peut être constitué avec ou sans capital ;

–  En principe, il ne donne pas lieu, pour lui-même, à recherche et partage de bénéfices comme la société, mais il ne lui est pas interdit d’en réaliser et, dans ce cas, de les partager entre ses membres. De même, lors de la liquidation du groupement, ces derniers pourront s’approprier le boni s’il en existe un.

–  Les membres du GIE sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes du groupement.

Son régime, fixé aux articles L. 251-1 à L. 253-1 et R. 251-1 à R. 252-1 du code de commerce, est d’une grande souplesse : sauf quelques points limitativement prévus par la loi, les fondateurs de tels groupements disposent d’une grande liberté pour en régler les conditions de fonctionnement. Bien que l’engouement qui a présidé à sa création en 1967 soit moins de mise aujourd’hui, en raison notamment de la création de la société par actions simplifiée (SAS) en 1994, le GIE demeure, pour les nombreuses entreprises qui ne peuvent ou ne veulent pas procéder à la constitution d’une société commerciale, une formule juridique susceptible de favoriser bien des initiatives qu’il leur serait impossible d’entreprendre isolément.

Le GIE peut être utilisé, par exemple :

– pour une action commerciale commune (promotion des ventes, groupements d’achats, campagnes publicitaires, représentation à l’étranger, études de marché, etc.) ;

– pour des travaux d’études (recherche scientifique, bureaux d’études, mise au point d'un prototype, ingénierie, etc.) ;

– pour la création de services communs (rationalisation des transports, organisation de services commerciaux, techniques ou financiers, centres d’essais, assistance technique) ;

– pour la création de magasins collectifs de commerçants indépendants.

Il doit obligatoirement être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS), même si son objet est purement civil, et n’acquiert la personnalité morale qu’à compter de cette immatriculation. Toutefois, cette immatriculation n’emporte pas présomption de commercialité du groupement : le GIE n’est commercial que si son activité est elle-même commerciale.

Le contrat constitutif du GIE doit être établi par un acte écrit sous signature privée ou notarié. En l’absence d’écrit, il peut être constaté l'existence d’un GIE créé de fait à condition que soit apportée la preuve de la commune intention des membres de constituer un tel groupement en vue de développer ou de faciliter leur activité économique.

B.   la suppression du caractÈre prÉalable de l’enregistrement À l’inscription au Registre du commerce et des sociÉtÉs

Le 3° du I modifie le dernier alinéa de l’article 862 du CGI afin d’étendre à l’ensemble des actes qu’ils reçoivent l’exception à la règle voulant que les greffiers des tribunaux de commerce ou des tribunaux judiciaires ne peuvent recevoir des actes soumis obligatoirement à l’enregistrement avant que cette formalité ait été exécutée. Cela inclurait, pour les sociétés, les actes remis à ces greffiers au vue d’une inscription ou d’un dépôt au RCS.

Seule une liste limitative de ces actes resterait soumise à cette règle, à savoir :

– Les actes portant transmission de propriété ou d’usufruit de fonds de commerce, de clientèles ou d’offices, ou cession de droit à un bail ou du bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un immeuble (5° du 2 de l’article 635 du CGI) ;

– Les actes portant cession d’actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires ou cession de parts sociales dans les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions (7° du 2 du même article) ;

– Les actes portant cession de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière ([400]), y compris lorsque ces cessions sont réalisées à l’étranger et quelle que soit la nationalité des parties (7° bis du 2 du même article).

Pour les actes reçus au tribunal de commerce, le principe de l’enregistrement préalable obligatoire deviendrait ainsi l’exception. Concernant la plupart des actes devant être inscrits au RCS, les sociétés deviendraient donc par principe libres de procéder, à leur convenance, aux formalités d’enregistrement ou d’inscription au RCS dans l’ordre qu’elles souhaitent.

Le II précise que ces dispositions sont applicables aux actes établis à compter du 1er janvier 2021.

III.   L’impact budgÉtaire et Économique

1.   La suppression de l’obligation d’enregistrement de certains actes de sociétés

L’évaluation préalable transmise par le Gouvernement chiffre à 4,3 millions d’euros le rendement, en 2019, de l’enregistrement des actes concernés. Ce montant se décompose ainsi :

– 2 millions d’euros au titre d’augmentations de capital en numéraire ;

– 1 366 000 euros au titre de réductions de capital ([401]) ;

– 837 000 euros au titre d’augmentations de capital par incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions ;

– 30 000 euros au titre d’augmentations nettes du capital de sociétés à capital variable constatées à la clôture de l’exercice ;

– 30 000 euros au titre de la constitution de GIE ;

– 375 euros au titre d’opérations d’amortissement de capital.

Toutefois, le montant probable de la perte de recettes pour les finances publiques du fait de l’entrée en vigueur du présent article est inférieur au chiffre de 4,3 millions d’euros, pour les raisons suivantes :

– Tout d’abord, l’enregistrement de certaines de ces opérations est gratuit depuis le 1er janvier 2019 – c’est le cas des augmentations de capital par apports en numéraire et par incorporation de bénéfices, réserves ou provisions, et des augmentations nettes du capital d’une société à capital variable. Par rapport au droit en vigueur, le manque à gagner pour ces opérations est donc nul. Les droits d’enregistrement perçus en 2019 pour ces opérations sont en fait résiduels : ils correspondent à des opérations enregistrées tardivement ou intervenues au cours du dernier mois de l’année 2018 ;

 Ensuite, concernant les opérations de réduction de capital, le montant inclut non seulement le rendement du droit fixe des actes innommés de 125 euros, auquel sont soumises la plupart de ces opérations, mais aussi celui des droits de mutation à titre onéreux perçus lors de certaines d’entre elles. Ces droits de mutation ne sont pas affectés par le présent article et demeureraient donc perçus.

2.   La suppression du caractère préalable de l’enregistrement à l’inscription au RCS

Cette mesure n’aurait pas de conséquence budgétaire autre qu’une éventuelle perception plus tardive des droits d’enregistrement concernés. Le rendement de ceux-ci a du reste été réduit de manière significative au cours des cinq dernières années en raison de la suppression du caractère obligatoire de l’enregistrement d’un certain nombre d’actes de sociétés et de la suppression des droits d’enregistrement pour certains autres.

Néanmoins, afin de préserver les intérêts budgétaires de l’État, les actes qui contribuent à l’essentiel des droits d’enregistrement perçus sont soustraits à l’application de la nouvelle règle prévue au présent article. L’évaluation préalable indique que ces actes concentraient, en 2019, 96 % du montant des droits d’enregistrement perçus pour les actes soumis à enregistrement obligatoire. Cela inclut :

– les actes de cession de fonds de commerce et assimilés, dont l’enregistrement a rapporté 338 millions d’euros en 2019 ;

– et les actes de cession de droit sociaux, dont l’enregistrement a rapporté 535 millions d’euros la même année.

Pour les sociétés concernées, cette mesure contribuerait à la simplification de leurs démarches administratives.

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*     *

La commission examine l’amendement I-CF848 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons de supprimer l’article 18, qui abroge le caractère obligatoire de l’enregistrement de certains actes de société. Si nous soutenons l’allégement de certains processus administratifs entravant le fonctionnement de nombreuses PME, nous craignons que la libéralisation incontrôlée des actes d’entreprise, entamée il y a plusieurs années, ne donne trop de latitude aux entreprises désireuses de tricher de diverses façons.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF848.

Puis elle adopte l’article 18 sans modification.

 

 


Article 19
Harmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article poursuit l’harmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques opérée dans la seconde loi de finances rectificative pour 2017 :

– Il étend l’outil de la mise en demeure de payer au recouvrement des créances douanières et aux amendes ;

– Il harmonise les délais de prescription de l’action en recouvrement des créances publiques en fixant un délai unique de quatre ans ;

– Il unifie les modalités d’imputation d’un paiement partiel d’une créance publique, au bénéfice du contribuable ;

– Il étend les compétences des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes de la direction nationale d’interventions domaniales afin de réduire les coûts et de faciliter les opérations de recouvrement et de vente des objets saisis.

De plus, il réduit les délais ouverts au redevable pour régulariser sa dette à partir du premier document constatant la créance.

L’impact budgétaire global n’a pas été chiffré. Néanmoins, la mesure concernant la mise en demeure de payer devrait entraîner un manque à gagner d’environ 20 millions d’euros pour l’État par rapport à la situation actuelle, tandis que l’extension des compétences des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes devrait permettre une économie d’environ 2 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances rectificative pour 2015 a introduit la saisie de créance simplifiée, destinée à faciliter le recouvrement des créances des établissements publics et des groupements d’intérêt public de l’État, ainsi que des autorités publiques indépendantes.

La loi de finances rectificative pour 2016 a créé l’avis de saisie en matière de contributions indirectes, destiné aux comptables des douanes.

Enfin, la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a opéré une harmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques. Elle a en particulier remplacé les nombreuses procédures différentes applicables selon la nature de la créance par un dispositif unique, la saisie administrative à tiers détenteur.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   les modalitÉs de recouvrement des créances fiscales

Le recouvrement désigne l’opération d’encaissement, par un comptable public, d’une créance fiscale.

Il est opéré selon deux modalités :

– Par voie de rôle. Dans ce cas, le contribuable est informé du montant de sa dette par un avis d’imposition qui mentionne le total par nature d’impôt des sommes à acquitter, les conditions d’exigibilité, la date de mise en recouvrement du rôle et la date limite de paiement ([402]).

Sont recouvrés par voie de rôle, notamment, l’impôt sur le revenu, les impôts directs locaux autres que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la contribution sociale généralisée (CSG) et les autres prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, ainsi que l’impôt sur la fortune immobilière.

– Ou par voie d’avis de mise en recouvrement, à défaut de paiement spontané à la date d’exigibilité ([403]). Cela concerne notamment l’impôt sur les sociétés, les taxes sur le chiffre d’affaires, les droits d’enregistrement et de timbre, la taxe sur les salaires et la CVAE.

Le rôle et l’avis de mise en recouvrement sont tous deux des titres exécutoires émis par l’administration pour le recouvrement de l’impôt.

1.   La lettre de relance et la mise en demeure de payer

Lorsque l’échéance prévue pour le paiement d’un impôt ou d’une taxe n’est pas respectée par un redevable, les services chargés du recouvrement engagent des procédures de relance, ce qui correspond à la phase amiable du recouvrement. Cette relance peut être directe ou progressive :

● Elle est directe lorsque le comptable public compétent adresse au contribuable une mise en demeure de payer, lui laissant un délai de 30 jours pour payer sa dette avant l’engagement de poursuites ([404]). Lorsque cette mise en demeure n’est pas suivie de paiement ou d’une demande de sursis de paiement, le comptable public peut engager tous types de poursuites pour procéder au recouvrement de la créance.

Ce schéma de relance directe s’applique notamment dans les cas suivants ([405]) :

– Pour les impositions résultant de l’application d’une procédure de rectification ou d’une procédure d’imposition d’office ;

– Pour les impositions recouvrées par voie d’avis de mise en recouvrement ([406]) ;

– Pour les créances d’un montant supérieur à 15 000 euros ;

– Pour les créances nées après le jugement d’ouverture d’une procédure collective ;

– Pour les créances des entreprises tenues de souscrire leurs déclarations de résultats auprès du service chargé des grandes entreprises.

Elle est progressive lorsque la mise en demeure de payer est précédée d’une lettre de relance. La notification d’une lettre de relance ouvre un délai de 30 jours à l’issue duquel, en l’absence de paiement et d’une réclamation assortie d’une demande de sursis de paiement, le comptable public peut adresser une mise en demeure de payer.

Cette procédure s’applique lorsqu’aucune autre défaillance de paiement n’a été constatée pour un même contribuable au titre d’une même catégorie d’impositions au cours des trois années précédant la date limite de paiement ou la date de mise en recouvrement de l’imposition concernée.

Elle est exclue dans les cas d’application du schéma de relance directe énumérés à l’article L. 257-0 B du livre des procédures fiscales (LPF).

En présence d’une procédure de relance progressive, le délai pour engager des poursuites est abrégé : le comptable public peut y procéder à l’expiration d’un délai de huit jours suivant la notification de la mise en demeure de payer ([407]).

Quelle que soit la procédure de relance applicable, lorsqu’il conteste le montant mis à sa charge, le contribuable a la faculté de demander le bénéfice du sursis légal de paiement ([408]). L’exigibilité de la créance est alors suspendue et le bénéfice du sursis lui est accordé en contrepartie de garanties qui doivent être constituées dans certains cas. Par ailleurs, le comptable de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) chargé du recouvrement peut recourir à des mesures conservatoires.

La mise en demeure de payer est un acte de poursuite qui n’est pas générateur de frais au sens de l’article 1912 du CGI ([409]). Elle est un préalable obligatoire aux poursuites devant donner lieu à des frais. Elle interrompt la prescription de l’action en recouvrement et vaut commandement de payer en matière de saisie-vente. Elle peut être contestée par la voie de l’opposition aux poursuites prévue à l’article L. 281 du livre des procédures fiscales.

Elle est utilisée pour le recouvrement des produits fiscaux, des produits locaux, des recettes non fiscales de l’État et des créances des organismes publics nationaux. L’évaluation préalable précise qu’ont été émises en 2019 :

– 7 205 184 mises en demeure de payer pour le recouvrement des produits fiscaux ;

– 4 512 284 pour le recouvrement des produits locaux ;

– 503 326 pour le recouvrement des recettes non fiscales de l’État.

La mise en demeure de payer est sans frais pour le redevable.

Le recouvrement des amendes par un comptable de la DGFiP donne quant à lui lieu à l’émission d’un acte différent mais aux effets similaires – le commandement de payer. Selon l’évaluation préalable, 3 361 925 commandements de payer ont été émis en 2019. Cet acte donne lieu, pour le redevable, à des frais d’un montant de 3 % de la créance, avec un minimum de 7,50 euros et un maximum de 500 euros.

Enfin, le recouvrement des créances douanières donne lieu à l’émission d’une sommation de payer. Cette dernière vise uniquement à indiquer à la personne condamnée les coordonnées du comptable chargé du recouvrement. Elle n’interrompt pas la prescription et n’a pas les effets d’une mise en demeure ou d’un commandement de payer. Si des actifs saisissables sont découverts, un commandement de payer peut néanmoins être signifié.

2.   Les poursuites

Lorsqu’un contribuable n’a pas acquitté spontanément à l’échéance prévue par les textes le montant de l’impôt dû, des poursuites peuvent être exercées à son encontre aux conditions légales, par le comptable public. Ces mesures de poursuites tendent à l’apurement de la créance fiscale avec le produit de la saisie de biens appartenant au contribuable, biens qui peuvent être de toute nature.

Ces procédures peuvent relever du droit commun ou de dispositifs particuliers prévus par les textes pour les comptables publics.

L’article L. 258 A du livre des procédures fiscales prévoit ainsi que les poursuites prévues à ses articles L. 257-0 A et L. 257-0 B sont effectuées dans les formes prévues par le code de procédure civile pour le recouvrement des créances, et qu’elles sont opérées par huissier de justice ou par tout agent de l’administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable.

a.   Les procédures de recouvrement de droit commun

Les procédures de droit commun, applicables à tous les créanciers, sont principalement régies par le code des procédures civiles d’exécution (CPCE). Il s’agit, pour l’essentiel, de mesures visant à appréhender des biens meubles corporels ou incorporels, telles que la saisie-vente ([410]) ou la saisie-attribution ([411]), mais aussi la saisie immobilière ([412]).

Les procédures civiles d’exécution

Les procédures civiles d’exécution, naguère appelées « voies d’exécution », permettent d’obtenir le recouvrement de sommes d’argent ou l’exécution d’obligations de faire ou de ne pas faire. Elles tendent donc à satisfaire les créanciers lorsque les débiteurs ne s’exécutent pas spontanément. Elles se distinguent des mesures conservatoires, qui sont quant à elles destinées à protéger les intérêts des créanciers dans l’attente de l’exécution forcée.

Pour recourir aux procédures civiles d’exécution, le créancier doit en principe, et à peine de nullité des poursuites, être muni d’un titre exécutoire (1), c’est-à-dire d’un acte ou d’un jugement constatant sa créance et revêtu de la formule exécutoire (2), étant entendu que l’administration dispose de la prérogative exorbitante du droit commun consistant à pouvoir se délivrer à elle-même des titres exécutoires (c’est le « privilège d’exécution d’office »). La créance constatée par ce titre doit, de plus, être liquide et exigible (3).

En outre, la mise en œuvre des procédures civiles d’exécution est, hormis quelques exceptions, le monopole d’un officier ministériel – l’huissier de justice (4), appelé à devenir prochainement commissaire de justice (5).

Les procédures civiles d’exécution sont l’objet d’un code spécifique, entré en vigueur le 1er juin 2012 (6). Celui-ci fixe les règles encadrant les mesures d’exécution forcée. Celles-ci diffèrent selon que l’objet de la saisie est de nature mobilière (sommes d’argent, droits incorporels tels que des droits d’associé ou des valeurs mobilières, meubles corporels) ou immobilière.

Parmi les diverses procédures de saisie, on distingue notamment :

– la saisie-attribution, qui est la voie d’exécution par laquelle le créancier se fait attribuer en paiement de ce qui lui est dû, tout ou partie des sommes dont son débiteur est lui-même créancier vis-à-vis d’autrui ;

– la saisie-vente, qui permet au créancier muni d’un titre exécutoire de placer sous la main de justice un ou plusieurs meubles corporels appartenant à son débiteur et de les faire vendre pour se payer sur le prix. Préalablement à celle-ci, un commandement est impérativement signifié au débiteur, qui porte injonction de payer volontairement dans les huit jours, faute de quoi il sera procédé à l’exécution forcée (7). Cette formalité vise à protéger le débiteur contre des poursuites intempestives ; elle peut aussi constituer un moyen de pression sur celui-ci.

Le droit à l’exécution forcé que détient le créancier est, dans tous les cas, tempéré de deux manières :

– d’une part, par la subsidiarité qui affecte certaines mesures d’exécution forcée, notamment afin de protéger le cadre de vie du débiteur – c’est ainsi que la saisie-vente dans un local servant à l’habitation du débiteur, lorsqu’elle tend au recouvrement d’une créance autre qu’alimentaire, inférieure à 535 euros en principal, ne peut être pratiquée, sauf autorisation spéciale du juge de l’exécution, que si ce recouvrement n’est pas possible par voie de saisie d’un compte d’espèces ou des rémunérations du travail (8) ; et que l’article L. 142-3 du CPCE subordonne la pénétration de l’huissier de justice dans un local d’habitation à la justification d’un titre exécutoire et à la signification préalable d’un commandement de payer resté sans effet pendant huit jours ;

– d’autre part, par un principe de proportionnalité, énoncé à l’article L. 111-7 du CPCE : « l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation ». Du reste, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie (9).

(1)    Article 502 du code de procédure civile.

(2)    L’article L. 111-3 du CPCE dresse la liste des titres exécutoires. Il s’agit en particulier des décisions de justice ayant force exécutoire ; des actes et jugements étrangers rendus exécutoires ; des actes notariés revêtus de la formule exécutoire ; du titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou au terme d’une procédure de recouvrement des petites créances ; et des titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

(3)    Article L. 111-2 du code des procédures civiles d’exécution (CPCE).

(4)    Article L. 122-1 du CPCE.

(5)    En vertu de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016, prise sur habilitation de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a créé la profession de commissaire de justice, laquelle regroupe les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Cette profession doit voir le jour le 1er juillet 2022.

(6)    Ce code est issu de l’ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d’exécution.

(7)    Article L. 221-2 du CPCE.

(8)    Articles L. 221-2 et R. 221-2 du CPCE.

(9)    Article L. 121-2 du CPCE.

b.   La saisie administrative à tiers détenteur

Prérogative réservée à l’usage exclusif des comptables publics, la saisie administrative à tiers détenteur est la mesure d’exécution la plus utilisée.

Définie à l’article L. 262 du livre des procédures fiscales, la saisie administrative à tiers détenteur (SATD) permet d’appréhender des créances, dont les rémunérations et pensions, et obéit à un formalisme simplifié qui dispense les comptables publics de recourir à la procédure de droit commun.

Un comptable public peut ainsi, sur simple demande, obliger un tiers (établissement bancaire, employeur…) à lui verser les fonds dont il est dépositaire, détenteur ou débiteur à l’égard d’un redevable. La notification de la saisie au tiers détenteur emporte effet d’attribution immédiate des sommes détenues et l’obligation de les reverser à l’agent comptable la notifiant dans un délai de 30 jours à compter de la réception de l’acte de poursuite, sous peine de se voir réclamer les sommes saisies majorées au taux d’intérêt légal. Les frais engagés pour le recouvrement forcé des créances sont généralement répercutés au débiteur.

La SATD peut être utilisée pour le recouvrement de toutes les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement. Elle est applicable en matière de contributions indirectes ([413]). Elle a été créée par la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

Dans le cas où la SATD porte sur plusieurs créances, de même nature ou de nature différente, une seule saisie peut être notifiée.

Lorsque la SATD porte sur un contrat d’assurance rachetable, elle entraîne le rachat forcé de celui-ci et a pour effet d’affecter au créancier la valeur de rachat du contrat au jour de la notification de la saisie, dans la limite du montant de cette dernière.

La SATD peut s’exercer sur les créances conditionnelles ou à terme du débiteur. Dans ce cas, le tiers saisi ne paie qu’au moment de la réalisation de la condition ou à la survenance du terme. Les créances conditionnelles non encore exigibles sont, dès la notification, sorties du patrimoine du redevable et soustraites aux autres créanciers. Il appartient au tiers saisi de verser immédiatement les fonds lorsque ces créances deviennent exigibles. En revanche, la SATD ne peut s’exercer sur les créances futures, éventuelles ou hypothétiques.

La notification au débiteur peut être effectuée par lettre simple ou par lettre recommandée avec avis de réception en fonction des enjeux et du contexte. Cette notification interrompt le délai de prescription de l’action en recouvrement et n’est pas une condition de l’attribution immédiate des sommes au créancier public.

Aucun seuil d’engagement n’est défini par la loi. Il appartient à l’agent comptable de déterminer, au cas par cas, si la SATD peut être mise en œuvre, au regard de ses enjeux et de ses effets sur la situation du redevable.

Elle n’est pas considérée comme un acte de poursuite devant donner lieu à des frais. En conséquence, une mise en demeure préalable à la notification de la saisie n’est pas obligatoire.

c.   La procédure de l’article L. 260 du LPF

Larticle L. 260 du livre des procédures fiscales prévoit également que le comptable public peut, dans certaines situations, faire signifier une mise en demeure de payer au contribuable dès l’exigibilité de l’impôt.

Cette faculté est ouverte dans les cas suivants ([414]) :

– En cas de déménagement du contribuable hors du ressort du service chargé du recouvrement, à moins qu’il n’ait fait connaître son nouveau domicile ;

– En cas de vente volontaire ou forcée ;

– En cas d’application d’une majoration pour non-déclaration ou déclaration tardive ou insuffisante des revenus et bénéfices imposables.

Elle s’applique pour le recouvrement :

– de l’impôt sur le revenu ;

– des contributions sociales recouvrées comme en matière d’impôt sur le revenu ;

– de la taxe d’habilitation ;

– des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties ;

– et des impositions recouvrées comme les impositions précitées.

Dans ce cas, la saisie peut être pratiquée un jour franc après la signification de la mise en demeure de payer.

3.   Des modalités récemment réformées

Les procédures de mise en recouvrement des créances publiques ont connu plusieurs réformes au cours des années récentes :

– Tout d’abord, la loi de finances rectificative pour 2015 a introduit la saisie de créance simplifiée, destinée à faciliter le recouvrement des créances des établissements publics et des groupements d’intérêt public de l’État, ainsi que des autorités publiques indépendantes ([415]). Celle-ci a été remplacée, en même temps que d’autres procédures de recouvrement forcé diligentées par les comptables publics (soit le 1er janvier 2019), par la saisie administrative à tiers détenteur ;

– Ensuite, la loi de finances rectificative pour 2016 a créé l’avis de saisie en matière de contributions indirectes, destiné aux comptables des douanes ([416]). Cet avis a également été fusionné au sein de la saisie administrative à tiers détenteur ;

– Enfin, la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([417]) a opéré une première harmonisation des procédures de recouvrement forcé des créances publiques.

Elle a en particulier remplacé les nombreuses procédures différentes applicables selon la nature de la créance (avis à tiers détenteur, opposition à tiers détenteur, opposition administrative, saisie à tiers détenteur, saisie de créance simplifiée) par le dispositif unique présenté supra, la saisie administrative à tiers détenteur ([418]).

Elle a également harmonisé les règles applicables au contentieux du recouvrement, quelle que soit la nature de la créance publique concernée, et opéré la dématérialisation de la notification des saisies adressées par les comptables publics aux établissements bancaires.

B.   la prescription de l’action en recouvrement

Dès l’authentification d’une créance publique, le comptable public est soumis à un délai légal pour effectuer les actions de mise en recouvrement auprès du redevable. À l’expiration de ce délai, l’action en recouvrement est atteinte par la prescription si aucun acte interruptif ou suspensif n’est intervenu. Cela signifie que le comptable public est déchu de tous droits ou de toute action contre le redevable.

1.   Les délais de prescription de l’action en recouvrement

La prescription de l’action en recouvrement des créances publiques est soumise à des délais de prescription différents selon la créance concernée. Elle est ainsi de :

– Deux ans pour les indus de rémunération versés aux agents publics ([419]) ;

– Trois ans pour le forfait post-stationnement majoré ([420]) ;

– Quatre ans pour les produits fiscaux ([421]), les produits douaniers ([422]), les produits locaux ([423]) et les redevances domaniales ([424]) ;

– Cinq ans pour les créances des opérateurs de l’État ([425]), la redevance d’archéologie préventive ([426]), la taxe pour la création de bureaux en Île-de-France ([427]), la taxe d’aménagement ([428]), l’amende administrative en matière de détachement de salariés ([429]), l’aide juridictionnelle ([430]) et l’ensemble des autres recettes non fiscales de l’État dont le recouvrement n’est régi par aucune disposition spécifique ([431]) ;

– Dix ans, délai de droit commun, pour l’exécution des décisions de justice en matière civile ([432]).

S’agissant des produits fiscaux, l’article L. 274 du livre des procédures fiscales dispose que le délai de quatre ans dont disposent les comptables publics pour obtenir paiement de la créance du Trésor s’entend à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi de l’avis de mise en recouvrement. Ce délai est porté à six ans pour les redevables établis dans un État non membre de l’Union européenne avec lequel la France n’a pas d’accord d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ([433]).

2.   Les modalités de prolongation de ces délais

Les délais encadrant l’action en recouvrement peuvent être prolongés par le jeu de l’interruption et de la suspension de la prescription.

a.   L’interruption de la prescription

L’interruption a pour effet de substituer à la prescription en cours une nouvelle prescription de même durée ([434]).

Sont interruptifs de la prescription :

– la mise en demeure de payer ;

– le commandement de payer aux fins de saisie-vente ;

– les mesures conservatoires prises en application du code des procédures civiles d’exécution et les actes d’exécution forcée (saisie administrative à tiers détenteur, saisie-vente, saisie-attribution notamment) ([435]) ;

– la demande en justice ([436]) ;

– la décision du juge pénal déclarant une personne solidairement tenue, avec le redevable légal de l’impôt, au paiement des droits fraudés ([437]) ;

– la décision du juge judiciaire déclarant un dirigeant de société solidairement responsable du paiement des impositions dues par la société ([438]) ;

– la reconnaissance de dette ([439]) ;

– la compensation fiscale de recouvrement ;

– la déclaration, par le comptable chargé du recouvrement, de ses créances à la procédure collective ([440]).

Enfin, l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance de sa dette par le débiteur interrompt le délai de prescription contre tous les autres ([441]).

b.   La suspension de la prescription

La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru, lequel recommence à courir lorsque la cause de suspension disparaît ([442]).

La prescription est suspendue lorsque le contribuable demande le bénéfice du sursis de paiement, qu’il soit tenu ou non de présenter des garanties.

C.   la règle d’imputation d’un paiement partiel

● Une créance peut se subdiviser en plusieurs composantes :

– Les droits dus en principal ;

– Les intérêts ;

– Les autres accessoires de la dette, constitués des sanctions et des frais de poursuites.

Lorsqu’un paiement partiel de la créance intervient, se pose la question de savoir à laquelle de ces composantes il doit être imputé.

L’imputation désigne l’application d’un paiement à l’apurement de dettes contractées envers un même créancier, ou aux différentes composantes d’une même dette, lorsque la somme versée ne suffit pas à acquitter toutes ces dettes ou toutes ces composantes.

● La règle de droit commun, fixée par l’article 1343-1 du code civil, veut qu’un paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts.

Issue dans sa rédaction actuelle de l’ordonnance du 10 octobre 2016 ([443]), cette règle existait auparavant à l’article 1254 du même code, et avait été considérée par les juges comme supplétive de la volonté des parties ([444]). Sous le régime antérieur à l’entrée en vigueur de cette ordonnance, les juges avaient, en outre, considéré que seul le consentement du créancier pouvait permettre l’imputation de paiements partiels sur le capital par préférence aux intérêts ([445]). La Cour de cassation avait également eu l’occasion de se prononcer sur la place des frais de recouvrement d’une créance dans l’ordre d’imputation du paiement : selon elle, puisque ces frais constituent, au même titre que les intérêts, des accessoires de la dette, les dispositions de l’article 1254 leur étaient applicables ([446]). Il y a tout lieu de penser que ces solutions, dégagées sous l’empire des dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée de 2016, sont toujours valables.

Cette règle de droit commun s’applique, concernant les créances publiques, au recouvrement forcé des créances dues par les particuliers, aux amendes, aux recettes non fiscales de l’État et aux créances locales et hospitalières.

● Une règle d’imputation particulière, prévue par la doctrine fiscale, s’applique pour le recouvrement des impositions dues par les professionnels et le recouvrement amiable des créances dues par les particuliers. Dans ces cas, le paiement partiel s’effectue en priorité sur les droits dus en principal. Concernant les professionnels, cette règle se justifie par le fait que les intérêts de retard complémentaires, qui sont spécifiques aux sommes dues par les professionnels, lorsque celles-ci ne sont pas acquittées dans les délais prescrits, sont liquidés après le paiement des droits dus en principal et authentifiés sur un titre exécutoire distinct.

Cet ordre d’imputation des paiements est favorable au contribuable puisqu’il diminue en priorité la base sur laquelle sont calculés les intérêts restant à courir.

D.   la compétence des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes

1.   Les agents des finances publiques chargés des fonctions d'huissier

L’article L. 122-1 du CPCE prévoit que peuvent seuls procéder à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice chargés de l’exécution. L’article L. 122-3 du même code précise toutefois que la loi détermine les autres personnes habilitées à procéder, dans les domaines qu’elle fixe, à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires au même titre que les huissiers de justice.

L’article L. 258 A du livre des procédures fiscales prévoit ainsi que les poursuites prévues à ses articles L. 257-0 A et L. 257-0 B sont effectuées dans les formes prévues par le code de procédure civile pour le recouvrement des créances, et qu’elles sont opérées par huissier de justice ou par tout agent de l’administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable.

L’article R. 122-2 du CPCE prévoit quant à lui qu’outre les huissiers de justice, les personnes chargées des mesures d’exécution forcée et des mesures conservatoires nécessaires au recouvrement des créances de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics dotés d’un comptable public sont les agents de la direction générale des finances publiques chargés de procéder aux poursuites nécessaires au recouvrement des créances publiques dans les conditions prévues par l’article L. 258 A du livre des procédures fiscales.

L’évaluation préalable rappelle que la direction générale des finances publiques (DGFiP) comptait, en 2018, 425 huissiers des finances publiques. Au cours de l’année 2018, ceux-ci avaient réalisé, à la demande des comptables de la DGFiP, 731 000 actes pour le recouvrement forcé des finances publiques, dont 360 000 concernant des produits fiscaux, 198 000 concernant des produits locaux et 135 000 concernant des amendes.

Les huissiers des finances publiques sont les seuls agents habilités à procéder à l’exécution forcée au même titre que les huissiers de justice au titre de l’article L. 122-3 du CPCE.

2.   Les commissaires aux ventes

Au sein de la DGFip, la direction nationale d’interventions domaniales (DNID) est chargée de la vente des biens mobiliers de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Ces biens incluent :

– Les biens mobiliers dont les services n’ont plus l’usage ;

– Les biens mobiliers saisis ou confisqués dans le cadre de procédures judiciaires ;

– Les objets trouvés ;

– Les véhicules réputés abandonnés dans les fourrières ;

– Les biens relevant des successions vacantes ;

– Les objets abandonnés dans les hôpitaux et les maisons de retraite.

Ces biens sont vendus par des commissaires aux ventes à la suite de mesures de publicité et de mise en concurrence, soit lors de ventes aux enchères publiques, soit par des appels d’offres. Un réseau de vente constitué de treize commissariats aux ventes répartis sur l’ensemble du territoire national assure l’organisation de ces opérations. L’ensemble des ventes est publié sur le site internet encheres-domaine.gouv.fr

En 2018, environ 50 000 biens ont été vendus à 6 000 clients au cours de 120 ventes aux enchères et de 100 ventes par appel d’offres, pour un chiffre d’affaires de 48 millions d’euros.

Outre les véhicules, dont les ventes concentrent 60 % de ce chiffre d’affaires, les principaux biens vendus par ce biais sont du matériel professionnel, des bijoux, de la maroquinerie et des tableaux.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article opère plusieurs modifications visant à harmoniser les procédures de recouvrement forcé des créances publiques :

– Il étend l’outil de la mise en demeure de payer au recouvrement des créances douanières et aux amendes ;

– Il harmonise les délais de prescription de l’action en recouvrement des créances publiques au sein d’un délai unique de quatre ans ;

– Il unifie les modalités d’imputation d’un paiement partiel d’une créance publique, au bénéfice du contribuable ;

– Il étend les compétences des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes de la direction nationale d’interventions domaniales afin de réduire les coûts et de faciliter les opérations de recouvrement et de vente des objets saisis.

De plus, il réduit les délais ouverts au redevable pour régulariser sa dette à partir du premier document constatant la créance.

Sauf exceptions, l’entrée en vigueur de l’ensemble de cet article est fixée au 1er janvier 2022 (alinéa 67).

A.   l’extension de la mise en demeure de payer À toutes les crÉances publiques et la rÉduction des délais de régularisation des dettes fiscales

Le présent article remplace le commandement de payer et la sommation de payer par la mise en demeure de payer, afin d’harmoniser les outils du recouvrement forcé.

Le 1° du I (alinéas 2 à 7) énonce les règles générales entourant la mise en demeure de payer, au sein de l’article L. 257 du livre des procédures fiscales, qu’il rétablit. Il prévoit ainsi que les comptables publics peuvent notifier au redevable une mise en demeure de payer pour le recouvrement des créances dont ils ont la charge (alinéa 3). La mise en demeure de payer deviendrait ainsi l’instrument de droit commun pour le recouvrement de ces créances.

Les alinéas 4 et 5 reprennent des dispositions relatives à la mise en demeure de payer qui figurent aujourd’hui à l’article L. 257-0 A du même livre. Ils prévoient ainsi que la notification de la mise en demeure de payer interrompt la prescription de l’action en recouvrement, et que cette mise en demeure peut être contestée dans les conditions prévues à l’article L. 281 du même livre, c’est-à-dire par la procédure d’opposition aux poursuites.

L’alinéa 6 reproduit une disposition figurant aujourd’hui au paragraphe 2 de l’article L. 258 A du même livre, et qui prévoit que, lorsqu’une saisie-vente est diligentée, la notification de la mise en demeure de payer tient lieu du commandement prescrit par le CPCE. Il précise toutefois les articles concernés au sein du CPCE : il s’agit de l’article L. 142-3, qui subordonne la pénétration de l’huissier de justice dans un local d’habitation à la justification d’un titre exécutoire et à la signification préalable d’un commandement de payer resté sans effet pendant huit jours ; et de l’article L. 221-1, qui dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur.

L’alinéa 7 renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’application de ce nouvel article.

Le 2° du I (alinéas 8 à 10) modifie l’article L. 257-0 A du même livre sur deux points :

– Il prévoit rend possible l’envoi, par le comptable public, d’une mise en demeure de payer à défaut de paiement même en présence d’une réclamation assortie d’une demande de sursis de paiement formulée dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 277 ;

– Il supprime le délai de trente jours après la mise en demeure de payer avant l’expiration duquel le comptable public ne peut engager de poursuites en l’absence de paiement ou d’une demande de sursis de paiement.

Ce délai de trente jours avant toute poursuite ne s’appliquerait plus que lorsque la mise en demeure de payer porte à la connaissance du redevable des sanctions fiscales, comme le prévoit d’ores et déjà l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

Le 3° du I (alinéas 11 à 16) modifie l’article L. 257-0 B du même livre :

– Les modifications apportées au paragraphe 1 de cet article (alinéas 12 à 14) sont rédactionnelles ;

– Au paragraphe 2 de cet article (alinéas 15 et 16), le projet de loi :

Les modifications apportées par le 2° et le 3° du I ont pour conséquence un raccourcissement des délais ouverts au redevable pour régulariser sa dette à partir du premier document constatant la créance. L’évaluation préalable indique ainsi que ces délais seraient portés à :

– 105 jours pour les particuliers après l’émission du rôle, selon le schéma de relance progressive, au lieu de 113 jours actuellement, le délai de relance directe demeurant inchangé à 105 jours ;

– 45 jours pour les professionnels après la lettre de motivation des pénalités, contre 75 jours actuellement.

Selon l’évaluation préalable, cette mesure tire les conséquences du développement des moyens de régularisation offerts aux redevables, à travers le paiement dématérialisé, les relances amiables, notamment par téléphone, et les mesures de soutien ouvertes en cas de difficultés économiques.

Le 5° du I (alinéas 19 à 21) procède à des modifications rédactionnelles et de cohérence à l’article L. 258 A du livre des procédures fiscales.

Le 6° du I (alinéas 22 à 24) simplifie les modalités de notification de la mise en demeure de payer au contribuable dans le cadre de la procédure de l’article L. 260 du livre des procédures fiscales. Il prévoit que cette mise en demeure de payer pourra être l’objet d’une notification simple au contribuable, en lieu et place de la signification aujourd’hui exigée.

Le 2° du II (alinéas 34 à 36) insère un nouvel article 345 ter au sein du code des douanes afin de prévoir que les comptables publics peuvent notifier au redevable une mise en demeure de payer pour le recouvrement des créances dont ils ont la charge dans les conditions prévues à l’article L. 257 du livre des procédures fiscales. Cependant, par dérogation à cet article, les conditions des contestations pour les créances régies par le code des douanes demeureraient fixées à l’article 349 nonies de celui-ci.

Le 3° du II (alinéa 37) insère un renvoi à ce nouvel article 345 ter à l’article 349 bis du même code, afin de prévoir que le comptable des douanes peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité ayant au moins le grade de contrôleur pour l’exercice de ses pouvoirs en matière de notification de mises en demeure de payer.

Le 1° du III (alinéa 41) opère un renvoi, dans l’article L. 2323-2 du code général de la propriété des personnes publiques, au nouvel article L. 257 du livre des procédures fiscales concernant la mise en demeure de payer notifiée au redevable dans le cadre du recouvrement des produits et redevances domaniaux.

Les 2° et 3° du même III (alinéas 42 et 43) procèdent à des modifications rédactionnelles et de coordination aux articles L. 2323-3, L. 2323-4 et L. 2323-4-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Le IV (alinéas 48 à 57) modifie l’article L. 1617‑5 du code général des collectivités territoriales, afin de renvoyer à l’article L. 257 du livre des procédures fiscales la détermination des conditions de la mise en demeure de payer émise pour le recouvrement des produits locaux. Il réduit également de trente à huit jours le délai au terme duquel le comptable public peut engager des poursuites devant donner lieu à des frais mis à la charge du redevable lorsque cette mise en demeure de payer n’a pas été suivie de paiement. Il procède, enfin, à des modifications rédactionnelles et de cohérence.

B.   la simplification des dÉlais de prescription de l’action en recouvrement forcÉ

Le projet de loi substitue à la multitude de délais de prescription applicables à l’action en recouvrement forcé de créances publiques un délai unique de quatre ans.

Ce délai est d’ores et déjà celui applicable aux créances fiscales, douanières et locales ainsi qu’aux redevances domaniales.

Le 7° du I du présent article (alinéas 25 et 26) modifie ainsi le premier alinéa de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, afin de prévoir que l’action en recouvrement des créances de toute nature dont la perception incombe aux comptables publics se prescrit par quatre ans à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi du titre exécutoire tel que défini à l’article L. 252 A du même livre ([447]). Cette règle s’entend sauf dispositions contraires et sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription.

Le 4° du II du présent article (alinéas 38 et 39) modifie le 3 de l’article 355 du code des douanes afin d’y introduire un renvoi à l’article L. 274 du livre des procédures fiscales. Le 3 de l’article 355 prévoirait ainsi que l’action en recouvrement des créances authentifiées par voie d’avis de mise en recouvrement se prescrit conformément aux dispositions de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales.

Le et le 5° du III du présent article (alinéas 44 à 47) modifient le code de la propriété des personnes publiques afin de renvoyer aux règles fixées par l’article L. 274 du livre des procédures fiscales pour la prescription :

– de l’action en recouvrement du titre exécutoire relatif au forfait de post-stationnement impayé et de sa majoration, prévu à l’article L. 2333-87 du code de la propriété des personnes publiques. Le troisième alinéa de l’article L. 2323-7-1 de ce code, dans la rédaction proposée par le présent projet de loi, prévoirait également, par exception à l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, que la prescription court à compter de la signature du titre exécutoire par l’ordonnateur ;

– de l’action en recouvrement des produits et redevances du domaine de l’État et, en général, de toute somme dont la perception incombe aux comptables publics chargés des recettes domaniales de l’État, à l’article L. 2323-8 du code de la propriété des personnes publiques.

Le V (alinéa 58) modifie le cinquième alinéa du III de l’article L. 524-8 du code du patrimoine, afin de prévoir que l’action en recouvrement de la redevance d’archéologie préventive se prescrit conformément aux dispositions de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales.

Le VII (alinéa 60) modifie l’article L. 1264-4 du code du travail afin de prévoir que l’action en recouvrement de l’amende infligée à un prestataire de services établi en France à l’occasion d’un détachement de salariés se prescrit conformément aux dispositions de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales.

Le VIII (alinéa 61) procède à la même modification aux articles L. 331-29 et L. 520-18 du code de l’urbanisme, concernant l’action en recouvrement de la taxe d’aménagement et de la taxe pour la création de bureaux en Île-de-France.

Le IX (alinéas 62 à 64) procède à la même modification à l’article 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique concernant l’action en recouvrement de l’aide juridictionnelle. L’alinéa 63 précise également cette procédure en prévoyant qu’un titre de perception est émis dans les cinq ans à compter de la décision de justice ou de l’acte mettant fin à la mission d’aide juridictionnelle.

Le X (alinéas 65 et 66) complète l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations afin de prévoir que l’action en recouvrement des créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents se prescrit conformément aux dispositions de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales ([448]).

L’ensemble de ces modifications s’appliqueraient à l’action en recouvrement dont le délai de prescription commence à courir ou dont une cause interruptive de prescription intervient à compter du 1er janvier 2022 (alinéa 68).

C.   l’unification des règles d’imputation d’un paiement partiel sur une créance publique unique

Le 4° du I du présent article (alinéas 17 et 18) crée un nouvel article L. 257 C dans le livre des procédures fiscales. Celui-ci édicte une règle générale d’imputation des paiements partiels sur l’ensemble des créances recouvrées par les comptables publics, mettant fin à la coexistence de deux ordres d’imputation qui prévaut aujourd’hui dans ce type de situations.

L’ordre choisi est le plus favorable au contribuable : le paiement partiel serait imputé en priorité sur le principal de la créance, puis sur les sanctions et autres accessoires de la dette hors intérêts, et enfin sur les intérêts.

Cette disposition entrerait en vigueur à une date fixée par décret en considération de contraintes techniques à sa mise en œuvre ([449]) et au plus tard le 1er janvier 2024 (alinéa 70).

Le 1° du II (alinéas 32 et 33) opère un renvoi à cette règle dans le code des douanes, en insérant dans celui-ci un nouvel article 321 bis, prévoyant que le comptable public impute le paiement partiel d’une créance régie par ce code selon les dispositions prévues à l’article L. 257 C du livre des procédures fiscales. Cette disposition entrerait en vigueur à une date fixée par décret en considération de contraintes techniques liées à sa mise en œuvre et au plus tard le 1er janvier 2024 (alinéa 70).

D.   l’extension À toutes les créances publiques de la compétence des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes

Le 8° du I (alinéas 27 à 30) insère au sein du livre des procédures fiscales les nouveaux articles L. 286 C et L. 286 D, afin d’élargir la compétence des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes. Ces dispositions entreraient en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2022 (alinéa 69).

Le nouvel article L. 286 C (alinéas 28 et 29) élargit la compétence des huissiers des finances publiques.

Il dispose, à son paragraphe 1 (alinéa 28), que les titres exécutoires, les actes de poursuite et les actes judiciaires ou extrajudiciaires peuvent être signifiés pour le recouvrement des créances dues à un comptable public par un huissier de justice ou par tout agent de l’administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable, dans les formes prévues par le code de procédure civile. L’ensemble des actes nécessaires au recouvrement forcé de créances publiques pourront donc être signifiés par des huissiers des finances publiques.

Le paragraphe 2 (alinéa 29) prévoit la possibilité que tout agent de l’administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable puisse procéder à la signification des actes suivants :

– la proposition de rectification adressée par l’administration au contribuable ([450]) dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire prescrite lorsque l’administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impositions ;

– et la notification au contribuable des bases ou éléments servant au calcul des impositions d’office et leurs modalités de détermination, laquelle doit intervenir 30 jours au moins avant la mise en recouvrement de ces impositions ([451]).

Cette signification n’est, dans tous les cas, que facultative, la loi prévoyant que ces actes sont normalement l’objet d’une notification au contribuable.

Ces deux dispositions constituent des dérogations à la deuxième phrase de l’article 651 du code de procédure civile, qui fait de la signification des actes le monopole des huissiers de justice.

Notification et signification

La notification est la formalité par laquelle on porte officiellement à la connaissance d’une personne le contenu d’un jugement ou d’un acte, judiciaire ou extrajudiciaire.

Elle peut être effectuée, selon le cas, par la voie postale ou par remise contre émargement ou récépissé – procédé toujours possible alors même que la loi n’aurait prévu que la voie postale –, ou par un huissier de justice. Lorsqu’elle est effectuée par un huissier de justice, on parle de signification (1).

La voie postale est utilisée uniquement quand elle est autorisée par un texte. Dans ce cas, les parties restent toujours libres de lui préférer une notification.

La signification peut être faite sur support papier ou par voie électronique. Elle doit être faite à personne. Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu’à condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.

Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il doit être fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage mentionnant que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

Le régime des notifications est fixé aux articles 651 à 694 du code de procédure civile.

(1)    Article 651 du code de procédure civile.

Le nouvel article L. 286 D (alinéa 30) élargit quant à lui la compétence des commissaires aux ventes. Il prévoit que les biens meubles saisis par tout agent de l’administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable peuvent être vendus aux enchères publiques par tout officier ministériel habilité à procéder aux ventes aux enchères publiques, ou par tout agent de l’administration habilité à vendre au nom du comptable public. L’objectif de cette disposition est d’autoriser la vente des biens meubles ayant fait l’objet d’une saisie par la DGFiP par les commissaires aux ventes.

III.   L’impact budgÉtaire

Selon l’évaluation préalable, la disparition du commandement de payer en matière douanière et d’amendes au profit de la mise en demeure de payer, qui n’entraîne pas de frais pour le redevable, devrait entraîner un manque à gagner de 20 millions d’euros pour les finances publiques.

En revanche, l’extension de compétences des huissiers des finances publiques et des commissaires aux ventes pourrait permettre une économie d’environ 2 millions d’euros.

L’impact financier des autres mesures n’a pas été chiffré.

*

*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF851 de Mme Sabine Rubin.

Puis elle adopte l’article 19 sans modification.

 

 

 

 


Article 20
Prorogation du taux de l’intérêt de retard et de l’intérêt moratoire

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge sans limitation de durée le taux applicable depuis le 1er janvier 2018 aux intérêts dus dans le cadre fiscal :

– taux de l’intérêt de retard dû par le contribuable au titre des impositions recouvrées par la direction générale des finances publiques, prévu à l’article 1727 du CGI ;

– taux de l’intérêt de retard dû par le contribuable au titre des contributions indirectes prévues par le code des douanes, fixé à l’article 440 bis de ce code ;

– taux de l’intérêt moratoire dû par l’État en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) ;

– taux de l’intérêt moratoire dû par le contribuable en application de l’article L. 209 du LPF.

Ce taux est aujourd’hui de 0,20 % par mois, soit 2,40 % par an.

L’impact budgétaire n’a pas été chiffré.

Dernières modifications législatives intervenues

Le taux actuel des intérêts de retard et moratoires résulte de l’article 55 de la loi n° 2017‑1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 et n’a pas été modifié depuis son entrée en vigueur.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   l’intérêt de retard dû par le contribuable

En application du I de l’article 1727 du CGI, toute créance fiscale qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard, auquel peuvent s’ajouter des majorations.

1.   L’intérêt de retard n’est pas une sanction

L’intérêt de retard s’applique à tous les impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des finances publiques (DGFiP), dès lors que la somme due n’est pas acquittée en totalité dans le délai légal. Il couvre donc, en plus du simple retard, le défaut de paiement et l’insuffisance de paiement.

Cependant, et contrairement à ce qui pourrait sembler de prime abord, l’intérêt de retard n’est pas, juridiquement, une sanction.

En 1987, dans son rapport sur le projet de loi modifiant les procédures fiscales et douanières qui a introduit l’intérêt de retard, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale de l’époque, Robert‑André Vivien, indiquait que l’objet de l’intérêt de retard était la compensation du « préjudice financier causé au Trésor » et que sa justification résidait dans « l’idée du prix du temps » ([452]).

La doctrine fiscale, dans ses commentaires sur la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières ([453]), distinguait ainsi entre les pénalités sanctionnant les infractions selon leur gravité et celles compensant le préjudice financier subi par le Trésor en raison d’un retard ou d’une insuffisance de paiement ([454]).

Enfin, au cours des quinze dernières années, les juridictions nationales ont confirmé que l’intérêt de retard n’était pas une sanction.

Dans un avis contentieux rendu le 12 avril 2002, le Conseil d’État a ainsi précisé que « l’intérêt de retard a pour objet de compenser forfaitairement le préjudice financier subi par le Trésor du fait de l’encaissement tardif de sa créance. Il présente donc le caractère d’une réparation pécuniaire et non d’une sanction » ([455]).

Suivant la même logique, la Cour de cassation a ainsi pu juger, en 2004, que « les intérêts de retard ne constituent pas des pénalités » ([456]) et, de façon plus précise, que « les intérêts de retard prévus par l’article 1727 du code général des impôts sont appliqués en réparation du préjudice financier subi par le Trésor public du fait de l’encaissement tardif de sa créance et ne constituent pas des sanctions » ([457]).

Le Conseil constitutionnel, lui non plus, n’assimile pas les intérêts de retard à des sanctions fiscales répressives, car ils revêtent le caractère d’une réparation pécuniaire ([458]).

2.   Le taux de l’intérêt de retard est resté identique de 2006 à 2018

Lors de son instauration par la loi du 8 juillet 1987 précitée, le taux de l’intérêt de retard s’établissait à 0,75 % par mois, soit 9 % par an. Avant cette loi, le retard de paiement conduisait à l’application d’une indemnité correspondant à 3 % du montant des sommes non versées pour le premier mois et, pour chacun des mois suivants, à 1 % de ce montant.

Il a fallu attendre la loi de finances pour 2006 ([459]) pour que le taux de l’intérêt de retard fasse l’objet d’une modification, eu égard à son niveau devenu excessif et difficilement justifiable. Cette loi a ramené le taux à 0,40 % par mois, soit 4,8 % par an.

En application du premier alinéa du 1 du IV de l’article 1727 du CGI, le point de départ de l’intérêt de retard est le premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’impôt doit être acquitté, et son terme le dernier jour du mois du paiement effectif.

Des modalités particulières de décompte, tant pour le point de départ que le terme de l’intérêt de retard, sont prévues, notamment en matière d’impôt sur le revenu, de sommes devant être acquittées auprès des administrations fiscales ou encore de taxes sur le chiffre d’affaires.

Illustration du calcul de l’intérêt de retard

Un contribuable doit, au titre de droits de mutation à titre onéreux, une somme de 10 000 euros devant être acquittée le 15 avril.

Il ne verse cette somme que le 11 août suivant.

Le point de départ de l’intérêt de retard sera le 1er mai ; son terme le 31 août. L’intérêt court donc sur quatre mois.

Le montant dû au titre de cet intérêt sera de :

10 000 × (0,20 % × 4) = 40 euros.

3.   Un champ élargi en 2016 aux taxes prévues par le code des douanes

L’article 21 de la loi de finances rectificative pour 2016 ([460]) a introduit, dans le code des douanes, un article 440 bis, prévoyant que le contribuable qui n’a pas réglé, dans les délais impartis, des contributions indirectes prévues par le code des douanes, est redevable d’un intérêt de retard. En 2016, ce taux a été fixé 0,40 % par mois, soit 4,8 % par an, soit le même taux que celui prévu à l’article 1727 du CGI.

Ses modalités de calcul sont d’ailleurs les mêmes que celles de l’intérêt de retard prévu par CGI : le point de départ est le premier jour du mois suivant celui de la date légale du paiement, le terme est le dernier jour du mois du paiement effectif.

4.   Le taux de l’intérêt de retard a été réduit de moitié en 2018

L’article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a réduit de moitié le taux de l’intérêt de retard, le portant de 0,40 % à 0,20 %.

Cette modification a affecté tant le taux prévu en matière fiscale à l’article 1727 du CGI que celui applicable en matière douanière à l’article 440 bis du code des douanes.

En effet, le taux de 0,40 %, auquel sont adossés ceux des intérêts moratoires dus par l’État et les contribuables, est apparu excessif au regard de la situation économique et des taux du marché. Son niveau conduisait en outre à faire supporter à l’État une charge très lourde, sans rapport avec le « prix du temps », compte tenu de la multiplication des contentieux de série, tel celui lié à la contribution de 3 % sur les montants distribués, désormais éteint, ou ceux des affaires « Accord / Précompte », « Messer / CSPE » et « OPCVM ».

En outre, ce taux constituait un choix d’équilibre à plusieurs égards :

– une baisse plus prononcée aurait pu sembler excessive et, bien que de nature à réduire encore plus le coût des intérêts moratoires dus par l’État, elle aurait également eu pour effet, sur le long terme, de diminuer les recettes supplémentaires perçues dans le cadre des redressements ;

– un taux assis sur les taux du marché (par exemple sur celui des OAT à dix ans), bien que tentant eu égard à la faiblesse actuelle de ceux-ci, aurait présenté une instabilité peu souhaitable et aurait nuit à la lisibilité, à la simplicité et la prévisibilité du droit ([461]).

Un taux de 2,40 % par an correspondait au demeurant à la moyenne des deux taux en vigueur de l’intérêt légal, fixés à 3,94 % pour les créanciers particuliers et à 0,90 % pour les autres hypothèses (créanciers professionnels et personnes morales de droit public notamment) au second semestre 2017, soit une moyenne de 2,42 %.

Il s’est appliqué aux intérêts courant à compter du 1er janvier 2018, sans affecter les intérêts courus jusqu’au 31 décembre 2017. Les intérêts dont le point de départ était antérieur au 1er janvier 2018 mais qui, faute de paiement du principal à cette date, continuaient de courir à cette date, ont été l’objet d’un traitement dual :

– pour la période antérieure au 1er janvier 2018, le taux auparavant en vigueur de 0,40 % par mois s’est appliqué ;

– à partir du 1er janvier 2018 et jusqu’au paiement du principal (remboursement du contribuable ou paiement de la somme due à l’État, selon les hypothèses), le nouveau taux de 0,20 % par mois s’est appliqué.

5.   L’application de taux d’intérêt de retard réduits a été récemment élargie dans le cadre du « droit à l’erreur »

Afin d’instaurer des relations de confiance entre les contribuables d’une part, et l’administration fiscale et l’administration des douanes d’autre part, la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance a cherché à rendre plus effectif un « droit à l’erreur » en matière fiscale. Pour ce faire, elle a notamment introduit de nouvelles dispositions, et modifié certaines dispositions déjà en vigueur, relatives à l’intérêt de retard :

– Son article 5 a prévu, au V de l’article 1727 du CGI, une réduction de moitié du montant dû au titre de l’intérêt de retard en cas de dépôt spontané par le contribuable, avant l’expiration du délai d’exercice par l’administration de son droit de reprise, d’une déclaration rectificative, sous réserve de bonne foi et que la déclaration soit accompagnée du paiement dû ;

– Son article 14 a introduit, à l’article 440 bis du code des douanes, une disposition similaire en matière douanière ;

– Son article 9 a élargi le champ d’application de l’article L. 62 du livre des procédures fiscales, qui applique un intérêt de retard à taux réduit à la régularisation par le contribuable, dans le cadre d’une vérification de comptabilité ou d’un examen de situation fiscale personnelle, avant toute proposition de rectification, d’erreurs, d’inexactitudes, d’omissions ou d’insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais.

Depuis la loi du 10 août 2018, cette procédure s’applique également en cas de demande de régularisation de la part du contribuable dans un délai de trente jours à compter de la réception d’une demande de renseignement de l’administration fiscale relative à une déclaration ou d’un acte utilisé pour l’établissement d’un impôt.

– Son article 15 a prévu, à l’article L. 62 C du livre des procédures fiscales, une réduction de 30 % du montant dû au titre de l’intérêt de retard en matière de contributions indirectes lorsque le redevable demande à régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, alors qu’un contrôle de l’administration est en cours. Ce taux réduit s’applique sous réserve de bonne foi et du paiement concomitant du paiement dû.

L’intérêt de retard à taux réduit applicable est égal à 70 % de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727, soit 0,14 % par mois et 1,68 % par an.

B.   Le taux des intérêts moratoires dus par l’État et le contribuable

Les intérêts moratoires peuvent être dus par l’État et par les contribuables, selon le sort réservé aux réclamations et aux recours juridictionnels.

1.   Les intérêts moratoires dus par l’État

a.   Les hypothèses de versement des intérêts moratoires par l’État

Les intérêts moratoires dus par l’État sont prévus à l’article L. 208 du LPF. Ils concernent les situations dans lesquelles le dégrèvement d’impôt résulte :

– d’une condamnation de l’État par une juridiction ;

– d’une décision de l’administration, à la suite d’une réclamation présentée par le contribuable et tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul de l’impôt contesté.

Dans ces deux hypothèses, l’État doit verser :

– les sommes qu’il a déjà perçues du contribuable, c’est-à-dire le montant de l’impôt indûment payé par ce dernier ;

– des intérêts moratoires assis sur ces sommes.

Dans le cas d’impôts donnant lieu au versement d’acomptes, qui peuvent excéder in fine le montant de l’impôt réellement dû, le remboursement de l’excédent au contribuable n’est pas assorti d’intérêts moratoires ([462]). À titre d’exemple, le fait que le montant cumulé des quatre acomptes d’impôt sur les sociétés (IS) versés au cours d’un exercice excède l’IS finalement dû au titre de cet exercice, conduit à une restitution de l’excédent, sans intérêts.

b.   Le taux des intérêts moratoires

L’article L. 208 du LPF prévoit que le taux des intérêts moratoires dus par l’État est celui de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI, c’est-à-dire un taux de 0,20 % par mois, soit 2,40 % par an.

Le renvoi au taux de l’intérêt de retard résulte de l’article 29 de la loi de finances pour 2006 précitée. Jusque-là, le taux de l’intérêt moratoire était celui de l’intérêt légal. Ce renvoi s’est accompagné, ainsi qu’il a été vu, d’une baisse du taux de l’intérêt de retard, qui est passé de 0,75 % à 0,40 % par mois, justifiée par l’écart trop important entre le taux de l’intérêt de retard (9 % par an) et celui de l’intérêt légal, qui était de 2,05 % en 2005.

Le taux de l’intérêt légal

L’intérêt légal est une somme d’argent due par un débiteur à son créancier, dans l’hypothèse d’un retard de paiement. Il s’applique à toute somme due par une personne à une autre, à la suite d’une décision de justice.

Le taux de l’intérêt légal est prévu à l’article L. 313‑2 du code monétaire et financier (CMF). Jusqu’en 2015, ce taux était fixé par décret pour toute l’année civile et correspondait à la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe (BTF) à treize semaines.

Depuis le 1er janvier 2015 (1), le taux de l’intérêt légal est fixé :

– par arrêté du ministre chargé de l’économie, et non plus par décret ;

– pour chaque semestre, et non plus pour l’année civile entière ;

– en fonction du taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) sur les opérations principales de refinancement et des taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement (taux effectifs moyens consentis aux particuliers).

Deux taux sont applicables, en fonction de la qualité du créancier :

– un premier taux lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels (c’est-à-dire un particulier). Pour le second semestre 2020, ce taux est de 3,11 % ;

– un second taux, dans les autres cas (notamment lorsque le créancier est un professionnel ou une personne morale de droit public). Pour le second semestre 2020, ce taux est de 0,84 %.

Un taux majoré est applicable au débiteur qui ne paie pas dans un délai de deux mois suivant la date d’application du jugement le condamnant à payer. Ce taux correspond au taux normal, majoré de 5 points (soit, pour le second semestre 2020, 8,11 % ou 5,84 % selon la qualité du créancier).

Les modalités de calcul de ces taux sont prévues à l’article D. 313‑1‑A du CMF.

(1) En vertu des articles 1er et 2 de l’ordonnance n° 2014947 du 20 août 2014 relative au taux de l’intérêt légal.

c.   La liquidation des intérêts moratoires

Les intérêts moratoires courent à compter du jour du paiement par le contribuable ([463]) de la somme indûment payée ([464]) et prennent fin au jour du remboursement par l’administration. Le jour du paiement et celui du remboursement sont intégrés à la période retenue pour le calcul.

Dans le cadre d’impôts faisant l’objet d’acomptes, le point de départ des intérêts moratoires se situe, au plus tôt, à la date de liquidation du solde de l’impôt (ainsi qu’il a été vu, les éventuels excédents d’acompte n’ouvrent pas droit aux intérêts).

Illustration du calcul de l’intérêt moratoire

Un contribuable obtient le 14 mars N + 1 le dégrèvement d’une imposition indue ayant fait l’objet d’un paiement unique de 7 500 euros le 12 septembre N.

Les mois comptent pour 30 jours et l’année pour 360 jours (1). Le nombre de jours sur lesquels les intérêts courent est donc de : 19 + 5 × 30 + 14 = 183 / 360.

Le montant des intérêts moratoires est donc de :

5 000 × [(183 / 360) × 2,4 %] = 61 euros.

(1) Bulletin officiel des finances publiques du 22 janvier 2020, BOI-CTX-DG-20-50-30, § 130.

Les intérêts moratoires, à la différence de l’intérêt légal lorsqu’une telle demande est faite au juge, ne sont pas capitalisés, c’est-à-dire qu’ils ne produisent pas eux-mêmes d’intérêts.

Toutefois, il est prévu que, lorsque l’administration rembourse l’impôt indu (le capital) sans assortir ce remboursement des intérêts, ces derniers constituent une créance qui, elle, produit des intérêts. Cet aménagement est cohérent dans la mesure où il conduit à sanctionner le retard pris par l’administration dans le paiement d’une somme due au contribuable et l’incite donc à payer l’intégralité des montants dus au moment prévu. Sans cela, l’État pourrait ne verser que le capital, omettre les intérêts et ne subir aucune conséquence pécuniaire.

2.   Les intérêts moratoires dus par le contribuable

Les contribuables peuvent devoir des intérêts moratoires à l’État, en application de l’article L. 209 du LPF, lorsqu’ils ont saisi une juridiction d’une demande tendant à l’annulation ou à la réduction d’une imposition établie à la suite d’une rectification, et que cette demande a été rejetée (même partiellement). Ils sont également dus lorsque le contribuable se désiste de l’instance.

Le taux de ces intérêts moratoires est, comme pour ceux dus par l’État, celui de l’intérêt de retard – soit 0,20 % par mois –, l’article L. 209 du LPF, comme l’article L. 208 du même code, renvoyant à l’article 1727 du CGI.

Leur point de départ est fixé au premier jour du treizième mois suivant celui de la date limite de paiement des montants dus, afin de tenir compte de la majoration de 10 % prévue à l’article 1730 du CGI, qui couvre la première année de retard de paiement de l’imposition. Sans ce décalage temporel, le cumul de cette majoration et des intérêts serait trop lourd pour le contribuable.

3.   Les intérêts moratoires applicables à la commande publique

En matière de commande publique, les intérêts moratoires visent à réparer le préjudice subi par le cocontractant de l’administration du fait d’un retard de paiement par celle-ci.

Un retard de paiement est constitué lorsque les sommes dues au créancier, qui a rempli ses obligations légales et contractuelles, ne sont pas versées par le pouvoir adjudicateur à l’échéance prévue au marché ou à l’expiration du délai de paiement ([465]). Dès le lendemain de l’expiration du délai de paiement ou de l’échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires ([466]).

En application de l’article R. 2192-31 du code de la commande publique, le taux des intérêts moratoires applicable aux marchés publics est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement les plus récentes en vigueur au premier jour du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points.

En conséquence, ce taux est, en 2020, de 8 % (le taux de référence de la BCE étant de 0 %).

Cette rédaction résulte de l’article 8 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ([467]) et s’applique aux marchés conclus à compter du 16 mars 2013. Pour les marchés conclus avant le 16 mars 2013, le taux est, en application du II de l’article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ([468]) :

– le taux directeur de la BCE majoré de sept points pour l’État, les établissements publics administratifs nationaux, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux ;

– le taux de l’intérêt légal majoré de deux points pour les établissements publics de santé et les établissements de santé des armées.

S’ajoute à ces intérêts une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement.

II.   Le contexte économique et budgétaire

● Les raisons qui ont conduit à diviser par deux, à compter du 1er janvier 2018, le taux de l’intérêt de retard demeurent valables.

En effet, il s’agissait alors d’ajuster le taux applicable à l’évolution du « prix du temps ». L’inflation, si elle a connu une hausse non négligeable en 2017 et surtout en 2018, passant de 0,2 % en 2016 à 1,0 % en 2017 puis 1,8 % en 2018, est repartie à la baisse en 2019 et devrait être très faible en 2020.

Le tableau suivant retrace l’évolution du taux d’inflation en France sur la période 2010-2019.

taux d’inflation en France (2010‑2019)

(en %)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

1,5

2,1

2,0

0,9

0,5

0,0

0,2

1,0

1,8

1,1

NB : variation annuelle.

Source : INSEE.

Pour 2020, les prévisions du Gouvernement font état d’une inflation à 0,2 %, et à 0,6 % pour 2021.

De même, le taux des obligations d’État à échéance de dix ans (obligations assimilables du Trésor – OAT – à dix ans), qui correspond au taux d’intérêt à long terme, a plus que jamais confirmé sa tendance baissière au cours des années récentes, puisqu’il est devenu négatif à compter du troisième trimestre de 2019, ainsi que l’illustre le graphique suivant (figurant le taux d’intérêt à long terme par trimestre, depuis 2007).

 

Source : OCDE.

 

Actuellement, le taux à long terme est situé autour de – 0,25 %.

Quant au taux d’intérêt à court terme (à trois mois), il est négatif depuis le second trimestre 2015 et se situe actuellement autour de – 0,50 %.

En cohérence avec les précédents constats, le taux de l’intérêt légal a poursuivi la baisse amorcée en 2009 au cours des années récentes.

Le tableau ci-après fait état de l’évolution de ce taux depuis 2017.

taux de l’intérêt légal (2015-2017)

(en %)

Créanciers

2017

2018

2019

2020

S1

S2

S1

S2

S1

S2

S1

S2

Créanciers particuliers

4,16

3,94

3,73

3,60

3,40

3,26

3,15

3,11

Autres créanciers

0,90

0,90

0,89

0,88

0,86

0,87

0,87

0,84

Source : Banque de France.

● La seconde raison avancée pour justifier la réduction du taux de l’intérêt de retard en 2017 avait été de faire baisser le coût des intérêts moratoires pour l’État, en lien avec la croissance du coût budgétaire associé aux contentieux fiscaux en particulier.

De fait, parallèlement à la forte tendance baissière des taux d’intérêts du marché, l’État fait face, depuis le début des années 2010, à des contentieux de série de plus en plus nombreux, la plupart résultant d’incompatibilités de la législation nationale avec le droit de l’Union européenne.

Comme l’a relevé notre collègue Christine Pires Beaune, dans son rapport spécial sur la mission Remboursements et dégrèvements fait dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 ([469]), le montant de la provision pour litiges fiscaux a, en 2018, dépassé la somme de 20 milliards d’euros pour la quatrième année consécutive. Il s’établissait à 25,19 milliards d’euros au 31 décembre 2018. Les dépenses associées aux intérêts moratoires présentent quant à elles un coût très élevé, régulièrement supérieur à un milliard d’euros par an, largement imputable aux contentieux fiscaux de série.

Si l’année 2019 a été marquée par une baisse du coût des intérêts moratoires, qui est passé de 1,1 milliard d’euros en 2018 à 564,0 millions d’euros en 2019, selon les chiffres fournis par l’évaluation préalable ([470]), la loi de finances initiale pour 2020 a quant à elle prévu un quasi doublement de ce montant.

L’enjeu budgétaire que représente pour l’État le niveau du taux des intérêts moratoires demeure donc d’une grande actualité.

● Inversement, une nouvelle baisse de taux de l’intérêt de retard a été écartée au motif que l’intérêt de retard joue un rôle incitatif pour le paiement de l’impôt, même s’il n’a pas le caractère d’une sanction, comme l’indique l’évaluation préalable.

III.   Le dispositif proposé

Le présent article supprime le III de l’article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, qui limite aux intérêts courant jusqu’au 31 décembre 2020 l’application du taux de l’intérêt de retard en vigueur.

Cela signifierait :

– que le taux de l’intérêt de retard en vigueur demeurerait identique dans les prochaines années, qu’il s’agisse de celui fixé à l’article 1727 du CGI, applicable en matière fiscale, ou de celui fixé à l’article 440 bis du code des douanes, applicable en matière douanière ;

– et que le taux de l’intérêt moratoire dû par l’État à un contribuable en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, et celui dû par un contribuable à l’État en application de l’article L. 209 du même livre, demeurerait également identique pour les prochaines années.

Ces deux articles, ainsi qu’il a été vu, renvoient en effet au taux de l’intérêt de retard mentionné au III de l’article 1727 du CGI.

Le présent article ne proroge pas les taux des intérêts moratoires applicables dans le cadre des marchés publics, puisque ceux-ci relèvent du domaine réglementaire.

IV.   L’impact budgÉtaire et Économique

Dans la mesure où le dispositif proposé proroge une norme déjà applicable, on ne peut en attendre, par rapport à la situation actuelle, aucune perte ni bénéfice, ni pour l’État, ni pour les contribuables.

Il est certain, en revanche, que la réduction de moitié des taux de l’intérêt de retard et des intérêts moratoires intervenue en 2018 a inévitablement eu un impact sur le budget de l’État, bien que celui-ci n’ait pas été chiffré.

La prorogation des taux actuels a également nécessairement des conséquences différentes de celles qu’aurait leur modification, à la hausse ou à la baisse.

À titre d’exemple, une hausse du taux de l’intérêt de retard entraînerait :

– une hausse des sommes encaissées au titre des intérêts de retard prévus par le CGI et le code des douanes et au titre des intérêts moratoires dus par les contribuables ;

– et une hausse conjointe des sommes versées par l’État au titre des intérêts moratoires qu’il doit.

L’évaluation préalable ne fournit pas d’informations permettant d’estimer les conséquences d’une variation de ce taux et avance deux justifications :

– Une justification théorique tout d’abord, à savoir qu’un nouveau taux ne s’applique normalement, comme cela a été le cas en 2018, qu’à la fraction des intérêts courant à compter de son entrée en vigueur, et non à l’encours des sommes dues à cette date ;

– Une raison plus pratique ensuite, tirée de la circonstance que les applications informatiques de la DGFiP ne distinguent pas toujours les intérêts de retard des majorations et amendes, et de celle que les mises en recouvrement d’intérêts de retard en 2018 et en 2019 ont porté à la fois sur des années où le taux d’intérêt de retard était fixé à 0,40 % par mois, et sur d’autres où il était de 0,20 %, interdisant d’utiliser les données issues de la dernière modification de ce taux comme référence.

Cette évaluation préalable indique néanmoins :

– que la somme des intérêts de retard appliqués par les services d’assiette et décomptés jusqu’à la proposition de rectification et mis en recouvrement par la DGFiP à la suite de contrôles fiscaux externes, des contrôles sur pièces des professionnels, des rappels d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, d’une part, et des intérêts de retard mis en recouvrement par l’administration des douanes, d’autre part, s’élevait à environ 664 millions d’euros en 2018 et à 448 millions d’euros en 2019 ;

– que le montant des intérêts appliqués par les services de recouvrement de la DGFiP, dans le cadre de ses missions de gestion ou en raison du défaut de paiement d’un contribuable à la suite d’un contrôle, s’élevait à 377 millions d’euros en 2019 ;

– et que le montant des intérêts moratoires dus par l’État s’est élevé à 1,093 milliards d’euros en 2018 et à 564 millions d’euros en 2019. La forte baisse, de près de moitié, observée entre ces deux années s’explique pour l’essentiel par l’extinction progressive du contentieux sur la contribution sur les revenus distribués.

Dans l’hypothèse où ces montants 2019 demeureraient stables, une hausse de 10 % du taux de l’intérêt de retard entraînerait, pour l’État :

– Un gain de recettes de (448 + 377) * 10 % = 82,5 millions d’euros ;

– Une hausse de dépenses de 564 * 10 % = 56,4 millions d’euros.

Soit un gain net de 26,1 millions d’euros.

Ce type de calculs demeure cependant relativement spéculatif : d’une part, le montant des intérêts moratoires dus par l’État est difficile à anticiper puisqu’il est pour sa plus grande part imputable à des contentieux ; et d’autre part, comme il a été dit, un nouveau taux ne s’applique en tout logique qu’à la fraction des intérêts courant à compter de son entrée en vigueur. Aussi doivent-ils être interprétés avec prudence.

*

*     *

La commission examine successivement l’amendement I-CF206 de M. Charles de Courson et l’amendement I-CF669 de Mme Véronique Louwagie.

M. Charles de Courson. La seconde loi de finances rectificative pour 2017 a instauré une réduction de 0,4 % à 0,2 % du taux applicable aux intérêts de retard dus par les contribuables à l’État, ainsi qu’aux intérêts moratoires dus par les contribuables ou par l’État.

Le Gouvernement propose la prorogation de ce taux ; l’amendement prévoit de le faire passer à 0,15 % par mois, afin de l’adapter à la crise économique qui frappe notre pays.

En vérité, ce taux ne devrait pas être fixé par amendement, mais en fonction du loyer de l’argent qu’emprunte l’État à deux ans, dont je rappelle qu’il est négatif. Un taux de 0,2 % par mois équivaut à un taux de 2,4 % sur un an, soit un chiffre élevé dans la situation actuelle des taux d’intérêt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement vise à indexer ce taux sur le taux d’intérêt moyen donné chaque année par l’INSEE. Cela aurait pour effet de le faire fluctuer d’une année sur l’autre, ce qui pourrait créer une certaine instabilité pour l’État et pour le contribuable.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ce que je propose, monsieur le rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement prévoit une indexation sur le taux d’intérêt moyen et ne comporte aucun chiffre, contrairement à l’amendement I-CF669 de Mme Louwagie.

M. Charles de Courson. Veuillez m’excuser, monsieur le rapporteur général. J’ai en effet défendu l’amendement I-CF669.

Le mieux serait de se fonder sur le taux moyen pondéré, calculé une fois par an, plutôt que de passer par la voie parlementaire. Le taux de 0,4 % par mois – soit près de 5 % par an – était bien trop élevé compte tenu de l’évolution des taux d’intérêt. Si nous maintenons un taux fixe de 0,2 %, comme le propose le Gouvernement, nous obtenons un taux annuel de 2,4 %, qui demeure assez élevé.

La commission rejette successivement les amendements I-CF206 et ICF669.

Puis elle adopte l’article 20 sans modification.

 


Article 21
Modernisation des contributions à l’AMF

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme les contributions dues par les prestataires de services d’investissement (PSI) au bénéfice de l’Autorité des marchés financiers, afin de financer ses activités de régulation.

Les contributions seraient ainsi allégées pour les prestataires de petite taille, afin de mieux correspondre à leurs capacités contributives, par la création d’un forfait réduit. En parallèle, les prélèvements portant sur les sociétés de gestion seraient augmentés. Enfin, il est prévu que de nouvelles contributions soient perçues sur les émetteurs de jetons et les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), acteurs émergents du secteur financier et soumis récemment à une régulation de l’AMF.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   Le droit existant

A.   L’augmentation régulière des moyens de l’AMF

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est une autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale, chargée de veiller à la protection de l’épargne, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers ([471]).

Afin d’exercer ses missions de manière indépendante à la fois de l’administration et des marchés, l’AMF dispose de l’autonomie financière et perçoit, à ce titre, les taxes établies par les articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier. Le montant issu de ces taxes est plafonné à 101,5 millions d’euros ([472]) en 2021, mais le rendement est estimé en baisse marquée, avec 95,5 millions d’euros, par rapport à 2020 (106,8 millions d’euros). L’AMF toucherait ainsi 3,5 millions d’euros de moins par rapport au niveau de 2020. Les annexes au présent projet de loi de finances indiquent pourtant que le relèvement du plafond doit permettre à l’AMD « de se doter des moyens techniques et humains nécessaires pour faire face à des exigences accrues » ([473]).

Évolution du plafonnement des taxes affectées à l’AMF

(en milliers d’euros)

Références

Plafond 2018

Plafond 2019

Plafond 2020

Plafond 2021

Articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier

94 000

96 500

99 000

101 500

Reversement à l’État

16 067

11 291

7 800

-*

* En 2021, le rendement de ces taxes atteindrait 95,5 millions d’euros.

Source : commission des finances.

Les recettes de l’Autorité portent sur quatre types d’opérations et d’acteurs financiers :

– les contributions sur les émetteurs et les opérations et informations financières ;

– les contributions sur la gestion d’actifs et les fonds d’investissement – organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) et fonds d’investissement alternatifs (FIA) ;

– les contributions sur les marchés – prestataires de services d’investissement (PSI) et infrastructures de marché ;

– les contributions versées par les conseillers en investissements financiers (CIF) et par les conseillers en investissements participatifs (CIP).

En plus de ces contributions obligatoires, l’AMF perçoit des contributions volontaires depuis la loi de finances pour 2019 et dispose de ressources propres correspondant essentiellement à des refacturations de charges ([474]).

L’ensemble des ressources de l’Autorité atteindrait 113,7 millions d’euros en 2020. Son budget prévisionnel prévoit des dépenses plus élevées, à hauteur de 131,9 millions d’euros. Le résultat de l’AMF serait ainsi négatif en 2020.

B.   Les contributions dues par les prestataires de services d’investissement

La notion de service d’investissement, précisée par l’article L. 321-1 du code monétaire et financier, comprend les activités énumérées dans le tableau ci-dessous ([475]).

Services d’investissement au sein du code monétaire et financier (CMF)

Numérotation de l’article

Type de service d’investissement

Réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers

Exécution d’ordres pour le compte de tiers

Négociation pour compte propre

Gestion de portefeuille pour le compte de tiers

Conseil en investissement 

6-1°

Prise ferme

6-2°

Placement garanti

Placement non garanti

Exploitation d’un système multilatéral de négociation

Exploitation d’un système organisé de négociation

Avant la loi de finances pour 2019, les prestataires de services d’investissement étaient soumis à une contribution dépendant à la fois du niveau de fonds propres et du nombre de services qu’ils étaient autorisés à exercer. Depuis, cette contribution ne dépend plus de ces deux facteurs mais de lorigine des sociétés et des fonds gérés. Le montant de cette contribution est fixé par décret, mais la loi fixe une fourchette, présentée dans le tableau ci-dessous, qui dépend de la nature de la structure et de la prestation fournie ([476]).

Montant du forfait acquitté par type de structure

Disposition du 4° du II de l’article L. 621-5-3 du CMF

Type de structure

Fourchette de la contribution

Montant fixé par décret ([477])

a)

Entreprises d’investissement et établissements de crédit, agréés en France au 1er janvier pour fournir au moins un service d’investissement – hors gestion de portefeuilles pour le compte de tiers – ou habilités pour fournir le service connexe de compte-conservation d’instruments financiers.

Supérieur à 30 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros.

30 000 euros

b)

Succursales d’entreprises d’investissement et d’établissements de crédits de pays tiers agréées en France au 1er janvier pour fournir au moins un service d’investissement ou agréées à la même date pour fournir le service connexe de compte-conservation d’instruments financiers.

Supérieur à 30 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros.

30 000 euros

c)

Entreprises d’investissement et établissements de crédit habilités en France, au 1er janvier, à fournir en libre établissement au moins un service d’investissement ou habilités à la même date pour fournir le service connexe de compte-conservation d’instruments financiers.

Supérieur à 20 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros.

20 000 euros

g)

Sociétés de gestion qui gèrent des OPCVM ou des fonds d’investissement alternatifs et qui sont habilitées à fournir en libre établissement en France, au 1er janvier, au moins un service d’investissement.

Supérieur à 20 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros.

20 000 euros

Source : commission des finances.

Le présent article fait évoluer les seules contributions obligatoires portant sur les prestataires de services d’investissement évoqués au a, b, c et g du II de l’article L. 621-5-3 du CMF et instaure de nouvelles contributions qui devront être acquittées par des acteurs financiers émergents.

II.   Le dispositif proposé

La réforme vise à mieux répartir les contributions à l’AMF entre les différents prestataires de services d’investissement et crée de nouveaux prélèvements sur des acteurs émergents régulés par l’Autorité.

A.   La nouvelle répartition des contributions entre prestataires de services d’investissement (PSI)

Le présent article vise à adapter les prélèvements dont ces acteurs font l’objet. Il aménage une dérogation spécifique aux PSI uniquement habilités à fournir les services de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers et de conseil en investissement ([478]).

Modifications proposées par l’article

Disposition du 4° du II de l’article L. 621-5-3 du CMF

Type de structure

Fourchette actuelle de la contribution

Nouvelle fourchette proposée

Dérogation proposée

a)

Entreprises d’investissement et établissements de crédit agréés en France au 1er janvier pour fournir au moins un service d’investissement – hors gestion de portefeuilles pour le compte de tiers – ou habilités pour fournir le service connexe de compte-conservation d’instruments financiers.

Supérieur à 30 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros.

Supérieur à 10 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros.

Supérieur à 5 000 euros et inférieur ou égal à 15 000 euros

b)

Succursales d’entreprises d’investissement et d’établissements de crédits de pays tiers agréées en France au 1er janvier pour fournir au moins un service d’investissement ou agréées à la même date pour fournir le service connexe de compte-conservation d’instruments financiers.

Supérieur à 30 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros.

Supérieur à 10 000 euros et inférieur ou égal à 60 000 euros.

Supérieur à 5 000 euros et inférieur ou égal à 15 000 euros

c)

Entreprises d’investissement et établissements de crédit habilités en France, au 1er janvier, à fournir en libre établissement au moins un service d’investissement ou habilités à la même date pour fournir le service connexe de compte-conservation d’instruments financiers.

Supérieur à 20 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros.

Supérieur à 5 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros.

Supérieur à 3 000 euros et inférieur ou égal à 12 000 euros

g)

Sociétés de gestion qui gèrent des OPCVM ou des fonds d’investissement alternatifs et qui sont habilitées à fournir en libre établissement en France, au 1er janvier, au moins un service d’investissement.

Supérieur à 20 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros.

Supérieur à 5 000 euros et inférieur ou égal à 40 000 euros.

Supérieur à 3 000 euros et inférieur ou égal à 12 000 euros

Source : commission des finances.

Selon l’exposé des motifs du présent article, la mise en place en 2019 du forfait unique annuel aurait conduit à une très forte hausse des contributions dues par certains prestataires de services d’investissement, notamment de petite taille. Le présent article propose de réduire le montant minimal de forfait que doivent acquitter les prestataires « qui ne fournissent que les services de conseil en investissement […] et/ou de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers ».

Cette dérogation permettrait la mise en place :

– d’un forfait réduit compris entre 5 000 et 15 000 euros pour les PSI agréés en France et les succursales d’entreprises de pays tiers agréées en France. L’exposé des motifs de l’article indique que son montant serait fixé à 10 000 euros par décret ;

– d’un forfait réduit compris entre 3 000 et 12 000 euros pour les succursales d’entreprises provenant de pays membres et les sociétés de gestion d’OPCVM et de FIA de l’UE habilitées à fournir leurs services en libre-établissement en France. Le montant de ce forfait serait fixé à 7 500 euros.

L’évaluation préalable du présent article précise que 41 prestataires de services d’investissement et succursales devraient pouvoir bénéficier de ce forfait réduit. Les 26 prestataires agréés en France ou succursales de pays tiers concernés par ce forfait bénéficieraient d’une baisse annuelle de 20 000 euros. Les 15 succursales de pays de l’UE en libre établissement verraient leur contribution baisser de 12 500 euros. La mise en place du forfait réduit représenterait ainsi une baisse de 707 500 d’euros au bénéfice des PSI qui ne fournissent que des services de réception et de transmission d’ordre ou de conseil en investissement.

Le présent article prévoit également d’abaisser les montants planchers du forfait pour l’ensemble des prestataires énumérés dans le tableau ci-dessus afin, selon le Gouvernement, « de donner plus de souplesse à l’avenir à la fixation des montants des forfaits standards existants ».

Ainsi, pour les entreprises d’investissement et établissements de crédit et les succursales d’entreprises de pays tiers agréés en France, ce minimum serait diminué de 30 000 à 10 000 euros. Dans une même logique, le plancher de la contribution des entreprises habilitées à fournir un service d’investissement en libre établissement et des sociétés de gestion gérant des OPCVM ou des FIA serait abaissé de 20 000 à 5 000 euros.

L’exposé des motifs de l’article prévoit néanmoins qu’il n’est pas prévu « de modifications par décret des montants effectifs appliqués aux forfaits standards à moyen terme ». Aussi, le présent article n’aurait pas pour conséquence la modification décrétale des prélèvements portant sur les prestataires qui ne bénéficieront pas du nouveau forfait réduit. Cet article permettrait néanmoins de donner plus de marges de manœuvre dans la fixation de cette contribution.

En parallèle de la mise en place d’un forfait réduit pour les PSI de petite taille et de l’abaissement du plancher décrétal pour l’ensemble des prestataires, le présent article prévoit d’augmenter la contribution acquittée par les sociétés de gestion de portefeuille habilitées à fournir le service de négociation pour compte propre, mentionnée au g du II de l’article L. 621-5-3 du CMF.

Ces sociétés doivent aujourd’hui acquitter une contribution assise sur la fraction des exigences minimales en fonds propres et des normes de capital initial ([479]) excédant un montant de 12 milliards d’euros. Son taux est compris entre 0,06 pour mille et 0,14 pour mille.

Les présentes dispositions proposent d’étendre l’assiette de cette contribution en abaissant son seuil de 12 milliards à 1,5 milliard d’euros, en parallèle d’une baisse du taux plancher de 0,06 à 0,04 pour mille. L’élargissement de l’assiette proposée permettrait, selon l’exposé des motifs de l’article, d’élargir le nombre d’entités assujetties de cinq à neuf. Le taux serait quant à lui diminué par décret de 0,09 à 0,063 pour mille.

L’évaluation préalable n’indique pas le rendement estimé de cet élargissement d’assiette. Néanmoins, les chiffres présentés au sein de l’évaluation préalable permettent d’estimer son rendement.

Évaluation des impacts de la réforme des contributions sur les PSI

(en euros)

 

 

Rendement de l’ensemble de la réforme (1)

+ 300 000

Forfait réduit (2)

– 707 500

Contribution nouvelle sur les émetteurs de jetons et PSAN (3)

+ 15 000

Évaluation du rendement de l’élargissement de l’assiette pour la contribution sur les sociétés de gestion (4=1-2-3)

+ 992 500

Source : commission des finances à partir du présent article

Le présent article prévoit également la mise en place d’une contribution sur des prestataires de nouveaux services de nature financière.

B.   La mise en place de nouvelles contributions

La loi Pacte ([480]) a créé le régime juridique applicable aux émetteurs de jetons (Initial Coin Offering) et aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). L’activité de ces acteurs étant contrôlée par l’AMF, le présent article crée une nouvelle contribution dont ils devront s’acquitter.

Les régimes juridiques créés par la loi Pacte

La loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (Pacte) a permis de donner une cadre juridique aux émetteurs de jetons et aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).

L’opération dite « ICO » permet un financement par émission de jetons (« tokens ») reposant sur un dispositif d’enregistrement électronique partagé ou « blockchain ». Concrètement, l’investisseur peut apporter des crypto-actifs en échange de jetons qui permettent, plus tard, d’accéder à des produits ou des services de la société financée.

L’Autorité des marchés financiers peut désormais examiner les documents élaborés par les émetteurs de jetons en amont de leur offre (« white paper ») et donner un visa aux entreprises émettrices qui respectent certains critères de nature à protéger les épargnants. Ce visa n’est pas obligatoire, mais la liste des entreprises respectant les critères de l’AMF – dite « liste blanche » – sera publiée et constituera un repère pour les investisseurs.

Les plateformes d’échange d’actifs numériques peuvent également solliciter un agrément auprès de l’AMF. Cet agrément n’est pas obligatoire mais constitue un élément de crédibilité et de visibilité. Par ailleurs, les plateformes de change entre actifs numériques et monnaies conventionnelles et les services de conservation doivent s’enregistrer auprès de l’AMF – cette exigence a été imposée au titre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Sources : Banque de France, « Qu’est-ce qu’une ICO (Initial Coin Offering) ? » et direction générale du Trésor, « Le cadre juridique des offres de jetons virtuels, dites ICO », novembre 2019.

Concernant les émetteurs de jetons, cette contribution correspondrait à un montant forfaitaire compris entre 2 000 et 10 000 euros par opération. Selon l’exposé des motifs, ce forfait serait fixé par décret à 5 000 euros.

Pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), la contribution serait différente selon que le prestataire doit faire l’objet d’un enregistrement ou d’un agrément par l’AMF :

– pour les PSAN devant être enregistrés ([481]), la contribution serait comprise entre 400 et 1 500 euros et exigible une seule fois au moment de l’enregistrement. Le montant serait fixé par décret à 1 000 euros ;

– pour les PSAN souhaitant obtenir un agrément, la contribution serait fixée par décret entre 2 000 et 10 000 euros et exigible au moment de l’agrément et pour chacune des années suivantes. Le montant de ce forfait serait fixé par décret à 5 000 euros. L’article prévoit que le paiement de ce montant vaudrait paiement de la contribution liée à l’enregistrement pour fournir au moins un service sur actifs numériques lorsque l’enregistrement est demandé simultanément à l’agrément.

L’article précise également qu’un prestataire qui s’acquitte déjà d’une contribution à l’AMF en tant que PSI ou CIF serait également redevable de la contribution en tant que PSAN.

Les procédures décrites ci-dessus – et donc les contributions afférentes – restent facultatives, à l’exception de l’enregistrement de certains PSAN. Dans ce cas, une contribution minime sera demandée.

Le rendement de 15 000 euros pour ces nouvelles contributions est évalué à partir de l’activité constatée, avec une émission de jetons et l’enregistrement de deux PSAN chaque année en 2019 et 2020. L’application des contributions prévues dans le présent article à ces activités aurait conduit à un rendement annuel de 7 000 euros. Le présent article anticipe néanmoins un dynamisme de l’activité l’année prochaine qui porterait le rendement de la mesure à 15 000 euros.

*

*     *

La commission adopte l’article 21 sans modification.

 

 

 


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II. ‑ Ressources affectées

A. ‑ Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 22
Fixation pour 2021 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des variables d’ajustement

Résumé du dispositif proposé

Le présent article :

– fixe, comme chaque année en loi de finances, le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 26 756 deuros pour 2021 (au lieu de 26 846 millions d’euros pour 2020), soit à un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (– 90 millions d’euros) ;

– détermine, comme chaque année en loi de finances, le périmètre des variables dajustement pour 2021, ainsi que les montants de minoration appliqués à ces variables, nécessaires pour respecter l’engagement de stabilité de l’enveloppe normée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales ;

Dernières modifications intervenues

Les lois de finances pour 2011 et pour 2017 ont progressivement élargi le périmètre des variables d’ajustement aux dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle (à l’exception de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – DCRTP – du bloc communal).

La loi de finances pour 2017 a ainsi intégré dans le champ des variables les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et la totalité de la dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale (DTCE ou dot²).

La loi de finances pour 2017 a fixé le montant de la DGF pour 2017 à 30 860 millions d’euros. Elle a aussi prévu l’affectation aux régions, à compter de 2018, d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en remplacement de leur DGF.

La loi de finances pour 2018 a figé les taux de minoration appliqués aux allocations compensatrices (figés aux taux 2017) et élargi le périmètre des variables d’ajustement à la DCRTP des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle a enfin fixé le montant de la DGF pour 2018 à 26 960 millions d’euros, soit à un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (recentralisation du RSA en Guyane et à Mayotte).

La loi de finances pour 2019 a régularisé la décision du ministre de l’action et des comptes publics du 26 mars 2018 de ne finalement pas mettre en œuvre la minoration de la DCRTP des EPCI et des communes en 2018. Ces DCRTP ont toutefois été intégré dans les variables à compter de 2019 et ont été minorées par répercussion cette année.

La loi de finances pour 2019 a également introduit une répartition des minorations au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF). La DGF est restée stable à 26 948 millions d’euros. Elle incluait toutefois une minoration de 5 millions d’euros, pour financer la création de la dotation « Natura 2000 » ([482]) dans la mission Relations avec les collectivités territoriales.

La loi de finances pour 2020 a plafonné le PSR de compensation des pertes de recettes liées à la réduction de l’assiette du versement transport (VT), en l’intégrant ainsi dans le mécanisme des variables d’ajustement. Si les FDPTP et les DCRTP du bloc communal restent dans les variables, seules les parts régionales et communales de la DCRTP ainsi que les parts régionales et départementales de la Dot² font l’objet d’une minoration en 2020, en plus du nouveau PSR de compensation du VT, plafonné à 48 millions d’euros.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 a fixé un plafond annuel des concours financiers de l’État, un objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales (+ 1,2 %), ainsi que le cadre juridique des contrats de maîtrise des dépenses locales.

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a toutefois procédé à la suspension de cette limitation à 1,2 % d’augmentation des dépenses de fonctionnement pour l’année 2020 pour les 322 grandes collectivités soumises à la contractualisation.

 

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Une double « enveloppe fermÉe »

Le présent article porte en réalité sur deux enveloppes fermées distinctes.

La plus large de ces enveloppes est celle des concours « plafonnés », ou « enveloppe normée ». Elle est prévue par l’article 16 de la loi de programmation pour les finances publiques pour les années 2018 à 2022 et regroupe dans son périmètre actuel :

– lensemble des prélèvements sur recettes au profit des collectivités, hors fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ;

 et les crédits de la mission RCT.

Les PSR correspondent à la rétrocession dun montant déterminé des recettes de lÉtat au profit des collectivités territoriales afin de couvrir les charges qui leur incombent ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts. Ces crédits ne transitent pas en tant que dépenses par le budget de l’État. Les PSR sont définis par l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Contrairement aux crédits des missions, ils ne font pas l’objet d’une autorisation budgétaire double : le montant indiqué dans la loi de finances correspond à un montant en AE = CP. Ils sont présentés plus en détail dans le commentaire de l’article 23, qui récapitule l’évaluation des PSR au profit des collectivités pour 2021.

La loi de programmation fixe une trajectoire de montant de lenveloppe normée sur la période, que doivent s’efforcer de respecter les lois de finances successives. Aucune sanction n’existe en cas de dépassement de l’enveloppe, mais le respect de cette disposition contribue à la maîtrise des finances publiques.

Néanmoins, de nombreux concours financiers augmentent au sein de lenveloppe normée dune année sur lautre. Il peut s’agir d’une décision politique d’inscrire des crédits supplémentaires sur la mission RCT pour financer l’investissement local, ou de la création d’un nouveau PSR, par exemple, mais aussi du dynamisme spontané de certaines allocations compensatrices (voir infra sur cette notion).

Pour contenir la progression de lenveloppe normée dans son ensemble et s’inscrire au mieux dans la trajectoire de la loi de programmation, le Gouvernement propose chaque année, en loi de finances, de compenser la hausse des concours plafonnés dynamiques par la minoration d’autres concours plafonnés : ce sont les variables dajustement. Le périmètre et le montant des variables minorées peut évoluer d’une loi de finances à l’autre, y compris rectificative, et dépend des choix ponctuels du Gouvernement et du législateur. Ce mécanisme est présenté infra en détail.

Les concours financiers hors enveloppe normée et les autres transferts

Les concours financiers qui ne sont pas plafonnés par la loi de programmation sont donc hors enveloppe normée. Ils incluent :

– le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), pour 6 milliards en 2020 ;

– la fraction de TVA attribuée aux régions (4,4 milliards en loi de finances initiale pour 2020, mais qui pourrait chuter, avec la crise sanitaire, au niveau « plancher » garanti par la loi au moment du transfert aux régions de cette fraction, à savoir 4,05 milliards) ;

– les autres concours financiers hors enveloppes : les subventions aux collectivités territoriales des ministères et le produit des amendes de police de la circulation et des radars (5,15 milliards d’euros), et les contreparties de dégrèvements d’impositions locales décidés par voie législative (23,05 milliards d’euros). Cette composante augmente nettement depuis 2018 (+ 53,4 %), en raison de l’instauration d’un dégrèvement progressif de taxe d’habitation.

La fiscalité transférée aux collectivités territoriales et le financement de la formation professionnelle et de lapprentissage, qui visent à compenser les mesures de décentralisation et les transferts de compétences vers les collectivités territoriales ne relèvent pas des concours financiers de lÉtat. Elle comprend notamment des quotes-parts de TICPE et de TSCA, les DMTO, la TASCOM, etc. (38,5 milliards d’euros en 2020).

Lensemble formé des concours plafonnés, des concours non plafonnés et de la fiscalité transférée constitue les transferts financiers de lÉtat aux collectivités territoriales, qui représente l’ensemble de l’effort financier de l’État au bénéfice des collectivités.

La seconde enveloppe fermée, au montant fixé par le présent article, est contenue dans celle des concours plafonnés. Il sagit de la DGF ellemême.

La DGF est, en masse, le principal PSR versé par l’État aux collectivités locales. Chaque année, le législateur en fixe le niveau global en loi de finances. Le respect du niveau maximal de cette enveloppe est juridiquement davantage contraignant, car il résulte des modalités de calcul de la DGF inscrites dans la loi. En effet, la hausse d’une composante dynamique de la DGF, en pratique une dotation de péréquation, est nécessairement gagée par la diminution d’une autre composante, en pratique la dotation forfaitaire, par un mécanisme dénommé « lécrêtement ». Ce mécanisme est d’application largement automatique. Il est précisé en détail infra.

Ces deux mécanismes financiers (variables d’ajustement pour l’enveloppe normée, écrêtement pour la DGF) sont juridiquement indépendants lun de lautre.

Mais ils ont pour objet commun de s’inscrire dans un objectif de maîtrise des concours financiers de l’État, et donc des finances publiques.

B.   La dotation globale de fonctionnement

1.   Une DGF de 26 846 millions d’euros en 2020

a.   Le montant global de la DGF

La dotation globale de fonctionnement a été instituée par la loi du 3 janvier 1979 ([483]). Elle est versée aux communes et aux départements. La loi de finances pour 2017 a en effet substitué à la DGF des régions, à compter de 2018, une fraction dynamique de TVA. Le mécanisme retenu ne constitue pas une régionalisation du produit de TVA, mais une affectation de celui-ci proportionnellement aux dotations supprimées. Le montant de TVA versé fonctionne donc comme une dotation de compensation indexée sur l’évolution annuelle des recettes nettes de TVA.

RÉpartition de la DGF en 2020 entre les différentes catÉgories
de collectivitÉs

(en milliards d’euros)

Source : loi de finances pour 2020.

La DGF est historiquement la première subvention globalisée, c’est-à-dire libre demploi. Les collectivités n’ont pas à justifier de l’utilisation qui est faite de cette recette.

La DGF a également été la première subvention de l’État aux collectivités territoriales introduisant des mécanismes de péréquation.

Enfin, la DGF distingue, dans ses critères de répartition, entre les collectivités urbaines et rurales.

La DGF vise donc à contribuer au fonctionnement des collectivités locales, à compenser une partie de leurs charges et à corriger certaines inégalités de richesses.

Elle abonde la section de fonctionnement des budgets locaux (contrairement au FCTVA qui alimente la section d’investissement).

Son montant est fixé chaque année par la première partie de la loi de finances. En loi de finances pour 2020, la DGF sest établie à 26,85 milliards deuros (26 846 874 416 euros).

Évolutions de périmètre de la DGF entre 2019 et 2020

La loi de finances pour 2020 a opéré plusieurs modifications du périmètre de la DGF :

‑ au titre de la recentralisation du RSA à la Réunion, cette collectivité a vu les dotations forfaitaires et compensatrices de sa DGF minorées respectivement de – 46,3 millions d’euros et – 100,7 millions d’euros, tandis que le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) s’est vu minoré de – 25,1 millions d’euros ;

‑ le département de Mayotte a connu une réfaction analogue de sa dotation forfaitaire en 2019, également au titre de la recentralisation du RSA. Conformément à la loi de finances pour 2019, cette minoration est provisionnelle et doit être ajustée en 2020 (– 1,5 million d’euros) ;

‑ le montant de la DGF a été majoré de 476 619 euros à compter de 2020, somme correspondant au rebasage dans la dotation de compensation des EPCI à fiscalité propre de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle devant être versée à la communauté de communes de Lacq-Orthez ;

‑ la DGF a été majorée de 1 500 000 euros afin dabonder le fonds daide au relogement durgence (FARU). Le niveau des crédits de ce fonds, qui avait été abondé une première fois en 2006 et une seconde fois en 2018 par prélèvement sur la DGF, ne permettait plus de faire face aux subventions qui devaient être accordées par lui en 2020 ;

‑ il a été créé un PSR afin de financer la dotation globale dautonomie perçue par la Polynésie française, auparavant inscrite au programme 123 Conditions de vie outre-mer de la mission Outre-mer. Cette dotation vise à compenser les pertes de recettes résultant, pour cette collectivité, de larrêt des essais nucléaires dans le Pacifique (+ 90,6 millions d’euros) ;

‑ en sens inverse, le PSR au profit de la collectivité de Guyane a été transformé en une dotation budgétaire inscrite au même programme 123 (– 27 millions d’euros)

La répartition de la DGF s’opère à partir des données physiques et financières des collectivités. Les modalités de répartition de la DGF sont ajustées chaque année en seconde partie de la loi de finances, dans les articles rattachés à la mission RCT.

Le partage de la DGF repose sur une répartition arborescente, tout d’abord entre les catégories de collectivités, puis au sein de chaque catégorie de bénéficiaires et, enfin, individuelle entre les collectivités et EPCI éligibles.

Répartition de la DGF des communes en 2020

(en euros)

dgf

Source : données DGCL, logiciel Observatoire des territoires.

b.   Les composantes de la DGF

Parce qu’elle vise à remplir différents objectifs, la DGF regroupe en réalité un nombre élevé de dotations. Elle comprend des dotations forfaitaires et des dotations péréquatrices.

Le montant dune majorité des composantes de la DGF évolue chaque année. D’une part, les composantes forfaitaires augmentent en fonction des hausses de population (voir infra). D’autre part, le législateur financier accroît annuellement le montant des dotations péréquatrices en loi de finances (comme le fait l’article 58 de répartition de la DGF en seconde partie du présent projet de loi de finances).

La dotation forfaitaire des communes résulte, dans sa forme actuelle, de la globalisation d’anciennes composantes de la DGF ([484]). C’est la seule dotation attribuée en principe à toutes les communes, sauf pour celles dont la dotation a été réduite à 0 par l’écrêtement (voir infra).

 

Les anciennes composantes de la dotation forfaitaire jusqu’en 2015

La dotation forfaitaire comprenait, jusqu’en 2014, cinq composantes :

– une dotation de base fondée sur la population de la commune ;

– une dotation proportionnelle à la superficie, introduite pour tenir compte des charges induites par l’étendue du territoire des communes (voirie…) et de nature à permettre la prise en compte de la situation des communes rurales peu peuplées mais dotées d’un territoire important ;

– un « complément de garantie » mis en place en 2005 à l’occasion de la réforme de la dotation forfaitaire pour garantir un montant minimal de dotation forfaitaire à chaque commune et éviter des baisses de dotation par rapport à 2004 ;

– les montants correspondant à la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle et à la compensation des baisses de DCTP (dotation de compensation de la taxe professionnelle) ;

– une dotation pour les communes situées au cœur dun parc national ou dun parc naturel marin, destinée à tenir compte des contraintes particulières qui pèsent sur les communes situées dans ces espaces protégés.

À compter de 2015, ces composantes historiques ont été fusionnées. Depuis 2016, la dotation forfaitaire des communes est établie sur la base du montant calculé l’année précédente majoré de la part dynamique de la population. Elle s’en trouve donc largement simplifiée.

La composante péréquatrice de la DGF des communes est la dotation d’aménagement. Elle est elle‑même composée de trois dotations :

– la dotation de solidarité urbaine destinée aux communes urbaines défavorisées, perçue par 855 communes en 2020 ;

– la dotation de solidarité rurale destinée aux communes rurales défavorisées ou confrontées à des charges de centralité, perçue par 35 054 communes en 2020 ;

– la dotation nationale de péréquation destinée à réduire les inégalités de ressources fiscales.

La DGF des EPCI est composée d’une dotation d’intercommunalité et d’une dotation de compensation.

La dotation dintercommunalité est péréquatrice. Elle a été réformée par la loi de finances pour 2019. Elle a notamment été simplifiée par la fusion des enveloppes dont chaque catégorie d’EPCI bénéficiait au sein de la dotation ([485]).

La dotation de compensation correspond à la compensation de la suppression de la part « salaires » de la TP et à la compensation des baisses de DCTP (dotation de compensation de la taxe professionnelle). Elle a donc un caractère figé.

La DGF des départements déroge à l’architecture « duale » de la DGF : elle est composée d’une dotation forfaitaire et de deux dotations de péréquation, mais également d’une dotation de compensation, qui régule annuellement les transferts de charges et de ressources entre l’État et les départements.

Les dotations de péréquation départementale sont la dotation de péréquation urbaine (DPU) destinée aux départements les plus densément peuplés, c’est-à-dire urbains, et la dotation de fonctionnement minimale (DFM) attribuée aux départements ruraux.

 

 


 


—  1  —

La DGF, qui regroupe des composantes au montant évolutif et cristallise des anciennes dotations figées, présente en conséquence deux inconvénients principaux :

 elle est complexe à calculer, ce qui peut provoquer des baisses non anticipées d’attributions individuelles par certaines collectivités ;

– elle ne reflète qu’imparfaitement la réalité économique et sociale des territoires des collectivités qui la perçoivent.

2.   La recomposition croissante de la DGF en faveur de la péréquation

Si la DGF a une origine compensatoire (compenser les charges des collectivités), elle s’inscrit de plus en plus dans une logique péréquatrice.

En effet, les ressources et les charges des collectivités locales sont inégalement réparties du fait de la diversité démographique, géographique, économique et sociale des territoires sur lesquels s’exercent leurs compétences.

La péréquation a pour objet d’atténuer les disparités de ressources et de charges entre les collectivités territoriales par une redistribution des ressources en fonction dindicateurs physiques et financiers, au bénéfice des collectivités structurellement défavorisées.

La péréquation est une exigence constitutionnelle, inscrite à l’article 72‑2 de la Constitution. Elle vise à garantir à toute collectivité une possibilité de développement local, dans le cadre de son autonomie financière. Dans la jurisprudence constitutionnelle, la péréquation permet de concilier légalité des contribuables devant les charges publiques avec la libre administration des collectivités territoriales. La péréquation doit en effet compenser les disparités qui relèvent de l’histoire ou de la géographie sans interférer avec celles qui résultent de l’exercice de la libre administration.

La péréquation horizontale opère une redistribution financière entre les collectivités, à travers des mécanismes propres à chaque niveau de collectivité.

En revanche, la péréquation verticale transite par les concours financiers de lÉtat, via la DGF. Pour le bloc communal, la plus grande part des montants péréqués relèvent de la péréquation verticale, c’est-à-dire de dotations de l’État. Pour les départements, la répartition entre ces deux modes de péréquation est plus équilibrée, avec le niveau élevé du fonds national de péréquation des DMTO. En 2019, la péréquation verticale représentait effectivement 67,3 % de l’ensemble des dispositifs de péréquation. S’agissant des régions, leur DGF ayant été remplacée par une part de TVA, la péréquation n’est plus portée qu’au niveau horizontal, par le fonds de péréquation des ressources régionales. Son volume reste modeste (0,5 % des recettes réelles de fonctionnement des régions  ([486])).

Comparaison des montants pÉrÉqués par mode de pÉrÉquation (horizontale et verticale) et par catÉgorie de collectivitÉs en 2020

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des données OFGL.

Lecture : de haut en bas : en bleu la péréquation verticale du bloc communal ; en bleu clair la péréquation verticale des départements ; en jaune la péréquation horizontale du bloc communal ; en orange la péréquation horizontale des départements ; en violet la péréquation horizontale des régions.

Les composantes péréquatrices de la DGF sont ainsi attribuées de manière différenciée aux collectivités en fonction des critères de ressources et de charges fixés par la loi. Les principaux critères de ressources sont le potentiel financier, le potentiel fiscal, l’effort fiscal et, pour l’intercommunalité, le coefficient d’intégration fiscale qui mesure l’intégration intercommunale des compétences. Le critère de charge le plus simple et le plus objectif est celui de la population dite « DGF ». Le législateur peut aussi recourir au revenu par habitant ou encore, pour les communes urbaines défavorisées, le nombre de bénéficiaires des aides publiques au logement ou le nombre de logements sociaux.

La population DGF

La population constitue un critère de charges essentiel dans le calcul des dotations. Plus la population d’une commune est élevée, plus elle est susceptible de percevoir des attributions de dotations élevées.

Dans le recensement de la population par l’Insee, la « population totale » est égale à la « population municipale » augmentée de la « population comptée à part », c’est-à-dire les personnes recensées sur d’autres communes mais qui ont conservé un lien avec une résidence sur la commune (par exemple les étudiants). De nombreux textes législatifs ou réglementaires font référence à la population totale.

Pour tenir compte des conditions particulières qui pèsent sur le fonctionnement de certaines communes, la loi prévoit que cette population totale peut être majorée en fonction de deux critères ([487]) :

– du nombre de résidences secondaires ;

– et du nombre de places de caravanes dans les aires d’accueil des gens du voyage.

Cette majoration ne compte donc pas des habitants « réels » : la population totale est majorée de manière forfaitaire d’un habitant par résidence secondaire ou par place de caravane située sur une aire d’accueil des gens du voyage.

Lapplication de cette majoration à la population totale permet dobtenir la « population DGF », ainsi désignée car elle est notamment utilisée pour calculer la DGF, principal concours financiers de l’État.

Les communes touristiques qui comportent de nombreuses résidences secondaires, bénéficient par exemple d’une DGF majorée par rapport à celle qui aurait résultée d’une prise en compte de la population totale.

L’application du dispositif de recensement rénové de la population recensée par l’Insee et l’actualisation désormais annuelle du nombre de résidences secondaires pris en compte dans le calcul de la population DGF ont conduit, en 2020, à l’ajout de 75 926 habitants supplémentaires par rapport à 2019, pour majorer au total la population nationale de plus de 3 millions « dhabitants DGF ».

 

Le coefficient logarithmique

Depuis 2005, en application du III de l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT), la hausse de la dotation forfaitaire d’une commune est fondée sur la part dynamique de sa « population DGF », définie comme l’augmentation de cette population pondérée par un coefficient logarithmique compris entre 1 et 2.

Concrètement, par l’application de ce coefficient, plus la commune est peuplée, plus la hausse de dotation forfaitaire par habitant supplémentaire sera élevée. La dotation forfaitaire peut ainsi être majorée d’un montant compris entre 64,46 euros et 128,93 euros par habitant supplémentaire, en fonction croissante de sa population.

Ce coefficient logarithmique a pour objet de refléter les charges de centralité qui pèsent sur les communes les plus peuplées.

 

Les fractions péréquatrices de la DGF ont connu une forte augmentation de 2015 à 2017 (317 millions d’euros en 2015 et en 2016 et 380 millions d’euros en 2017). Cette hausse rapide accompagnait la réduction concomitante des composantes forfaitaires de la DGF dans le cadre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP, voir plus bas).

Cette augmentation des dotations de péréquation a ainsi eu pour effet, en 2017, de neutraliser les effets de la CRFP pour 92 % des communes éligibles à la fraction « cible » de la DSR et pour 51 % des communes figurant parmi les 280 mieux classées au titre de la DSU (soit des communes considérées comme les moins favorisées).

Depuis 2018 et la fin de la CRFP, il n’apparaît plus aussi nécessaire d’augmenter dans ces proportions la péréquation verticale. Les lois de finances successives ont proposé ainsi une poursuite modérée mais constante de la progression de la péréquation, afin d’assurer progressivement une répartition plus équitable de la DGF entre les collectivités. En 2018, la péréquation verticale a augmenté de 210 millions d’euros.

Le Comité des finances locales (CFL) peut toutefois choisir d’augmenter la progression des dotations de péréquation, au-delà de ce qui est prévu en loi de finances de l’année.

 

Le comité des finances locales

Le comité des finances locales (CFL) est linstance nationale essentielle en matière de concours financiers de l’État.

Il a été institué par la loi du 3 janvier 1979. Il a pour objet principal la défense des intérêts financiers des collectivités locales et permet d’harmoniser leur position avec celle de l’État.

Le CFL comprend une majorité délus locaux, des parlementaires ainsi que des représentants de lÉtat (concrètement, de la direction générale des collectivités locales). Sa composition est fixée à l’article L. 1211‑2 du CGCT.

Sa composition permet de prendre en compte les intérêts de chaque catégorie de collectivités locales, et favoriser ainsi l’obtention d’un consensus. Il se réunit quatre ou cinq fois par an. Ses groupes de travail peuvent se réunir dans l’intervalle.

Son président est actuellement M. André Laignel, maire d’Issoudun et vice-président de l’Association des maires de France.

Le CFL est doté dun pouvoir de décision et de contrôle pour la répartition des principaux concours financiers de l’État, dont la DGF.

S’agissant de la DGF, le CFL procède chaque année (lors d’une réunion en février) à sa répartition globale, c’est-à-dire à la détermination du montant de chacune des parts qui la composent.

En application de l’article L. 2334-7-1 du CGCT, il peut ainsi :

– augmenter les montants attribués par la loi de finances de l’année à la DSU, la DSR et la DNP ;

– augmenter de la même façon la progression de la dotation d’intercommunalité ;

– répartir la progression de la DSR entre ses trois fractions : « péréquation », « cible », et « bourg‑centre ». En 2020, comme en 2019, le CFL a affecté 45 % de la progression à la fraction bourg‑centre, 45 % à celle de la fraction cible et les 10 % restants à la fraction péréquation ;

– distribuer la progression, prévue par la loi de finances, des dotations de péréquation des départements entre DPU et DFM. En 2020 (10 millions d’euros), il a octroyé 35 % de la progression à la DPU et 65 % à la DFM ;

 répartir les redéploiements internes au sein de la DGF qui financent la hausse de ces composantes péréquatrices prévue en loi de finances : concrètement, il répartit l’écrêtement entre la dotation forfaitaire des communes et la « part CPS » de la dotation de compensation des EPCI, qui correspond à l’ancienne compensation de la suppression de la « part salaires » de la taxe professionnelle, intégrée dans la dotation de compensation, au moment de l’instauration de cette dernière par la loi de finances pour 2004.

En 2020, le CFL a décidé de reconduire la règle de répartition existante en faisant financer 60 % du besoin de financement par la dotation forfaitaire des communes et les 40 % restants par la dotation de compensation des EPCI.

Il peut également mettre en réserve une partie des ressources du fonds national de péréquation des DMTO perçus par les départements lorsque le montant des deux prélèvements cumulés est supérieur à 1,6 milliard d’euros, en prévision d’une année où le rendement de cet impôt, relativement volatil, serait plus faible. Il peut ensuite décider de mettre en répartition tout ou partie des sommes ainsi mises en réserve.

Le CFL doit également être consulté par le Gouvernement sur tout projet de décret portant sur les finances des collectivités locales.

Il a également un rôle de concertation et de proposition, en particulier dans le cadre des grandes réformes territoriales. Il s’est ainsi prononcé, en juillet 2020, sur les modalités de réforme des indicateurs financiers des dotations et fonds de péréquation dans le cadre de la suppression de la taxe d’habitation.

 

Depuis 2011, n’a pas décidé d’augmenter la DSU et la DSR au-delà des montants prévus en lois de finances. Il a toutefois choisi de majorer la DNP de 10 millions d’euros par an jusqu’en 2015.

En loi de finances pour 2019, les dotations de péréquation communales ont augmenté de 180 millions d’euros (90 millions pour la DSU et 90 millions pour la DSR).

Par ailleurs, la dotation d’intercommunalité a connu en 2019 une hausse de 37 millions d’euros, dans la continuité de la réforme opérée sur cette dotation pour cette année. En plus de cette hausse, une « réalimentation » de 28 millions d’euros a été allouée à des EPCI qui ne disposaient plus de dotation, ou seulement pour des montants très faibles. La dotation représente, en 2019, 24 % de la DGF allouée aux EPCI.

La DGF des départements a également été concernée en 2019 par l’augmentation de la péréquation (10 millions d’euros). La péréquation représentait 17,5 % de la DGF des départements en 2019 (contre 10 % en 2007).

Enfin, la loi de finances pour 2020 a poursuivi cette tendance de hausse modérée mais constante de la péréquation au sein de la DGF. L’augmentation s’est élevée à 220 millions d’euros : les dotations de péréquation des communes ont été majorées de 180 millions d’euros (comme en 2019, la DSU et la DSR augmentent chacune de 90 millions). La péréquation départementale progresse de 10 millions et la dotation d’intercommunalité de 30 millions. Le montant total de la péréquation verticale versée aux communes dans la DGF atteint donc 4,87 milliards d’euros en 2020.

Part de la DGF consacrée à la péréquation de 2005 à 2020

C:\Users\Banduze\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\péréquation OFGL DGF.bmp

 

Les masses financières des dotations de lÉtat consacrées à la péréquation augmentent donc sensiblement d’année en année. La part de la DGF consacrée à la péréquation (toutes catégories de collectivités confondues) est passée de 4,5 milliards d’euros en 2004 (12,3 % de la DGF) à 7,97 milliards d’euros en 2020 (29,2 % de la DGF).

 

Évolution des composantes de la DGF
de 2015 À 2020

(en millions d’euros)

Dotations

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 
2019

LFI
2020

DGF des communes

14 468

12 445

11 730

11 795

11 832

11 884

dont dotation forfaitaire

10 819

8 498

7 423

7 288

7 145

7 018

dont dotation de solidarité urbaine

1 730

1 911

2 091

2 201

2 291

2 380

dont dotation de solidarité rurale

1 125

1 242

1 422

1 512

1 602

1 692

dont dotation nationale de péréquation

794

794

794

794

794

794

DGF des EPCI

6 546

6 740

6 590

6 525

6 481

6 422

dont dotation dintercommunalité

1 998

1 569

1 470

1 496

1 562

1 590

dont dotation de compensation

4 548

5 171

5 120

5 029

4 919

4 832

DGF des départements

10 750

9 695

8 606

8 610

8 603

8 505

dont dotation forfaitaire

6 485

5 410

4 335

4 330

4 314

4 256

dont dotation de compensation

2 823

2 822

2 788

2 787

2 786

2 735

dont dotation de péréquation urbaine

633

640

653

657

660

678

dont dotation de fonctionnement minimale

809

823

830

836

843

835

DGF des régions

4 824

4 381

3 935

dont dotation forfaitaire

4 631

4 188

3 742

dont dotation de péréquation

193

193

193

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2019 et Bilan de la répartition de la DGF en 2020 ; réalisation commission des finances.

On constate que la progression des fractions péréquatrices de la DGF s’accompagne d’une baisse de la dotation forfaitaire des communes et départements et de la baisse de la dotation de compensation des EPCI.

Ceci résulte du mode de financement de l’accroissement de la péréquation : il s’opère directement au sein de la DGF, à la manière d’un « gage », par le mécanisme de lécrêtement.

3.   Le financement de la péréquation par un écrêtement interne à la DGF

Sans préjudice de l’augmentation de son montant global en loi de finances, la DGF dans son ensemble est conçue comme une « enveloppe fermée ».

Au sein de la DGF, toute hausse de dotation est compensée par la baisse d’une autre composante.

Concrètement, c’est l’écrêtement de la dotation forfaitaire (des communes ou des départements, selon le cas) qui finance, chaque année :

– la progression annuelle de la dotation forfaitaire de certaines communes ou certains départements, du fait de l’augmentation de leur population ;

– la progression annuelle des dotations de péréquation (DSU, DSR et DNP pour les communes, DPU ou DFM pour les départements) de ces mêmes collectivités. Cet écrêtement est lui‑même « péréqué ».

S’agissant des communes, l’écrêtement de la dotation forfaitaire est en effet modulé en fonction du potentiel fiscal des communes. Les communes ayant le potentiel fiscal le plus élevé sont écrêtées en priorité ([488]).

S’agissant des départements, l’écrêtement de la dotation forfaitaire des départements est de la même façon, modulé en fonction du potentiel financier du département ([489]).

L’écrêtement est plafonné à 1 % des RRF de la commune ou du département.

L’accroissement de la dotation d’intercommunalité est financé par l’écrêtement de la dotation forfaitaire, mais également par celui de la « part CPS » de la dotation de compensation des EPCI. L’écrêtement est réalisé par l’application d’un taux identique à tous les EPCI ([490]). Comme on l’a vu supra, c’est le CFL qui répartit l’écrêtement entre ces deux dotations ([491]) et détermine donc le montant et, par là même, le taux de la minoration qui s’applique à la dotation de compensation des EPCI.

En 2020, 1 064 communes ont une dotation forfaitaire nulle ([492]). Elles ne financent donc plus la hausse de la péréquation : une dotation forfaitaire négative est en effet impossible.

Ainsi, même lorsque le montant global de la DGF est stable d’une année sur l’autre, les attributions individuelles de chaque commune peuvent substantiellement évoluer en fonction de leur éligibilité à telle ou telle composante de péréquation et de la baisse de la dotation forfaitaire dans son ensemble.

Besoin de financement interne à la DGF du bloc communal en 2020

(en millions d’euros)

 

Montant à financer

Progression de la population

9

Progression de la DSU

90

Progression de la DSR

90

Progression de la dotation d’intercommunalité

30

Réalimentation de la dotation d’intercommunalité

0,3

Financement de la dotation « biodiversité » ([493])

5

Total

223

Source : commission des finances à partir du bilan de la répartition de la DGF en 2020.

Dans sa séance du 4 février 2020, pour combler ce besoin de financement au sein de la DGF des communes, le CFL a décidé de répartir ainsi l’écrêtement :

rÉpartition de l’écrêtement au sein de la DGF du bloc communal en 2020

 

Montant écrêté

(en millions d’euros)

Part de l’écrêtement total

Dotation forfaitaire des communes

134

60 %

« Part CPS » de la dotation de compensation des EPCI

89

40 %

Total

223

100 %

Source : commission des finances à partir du bilan de la répartition de la DGF en 2020.

C.   La minoration des variables d’ajustement : le respect de l’enveloppe normÉe

Si les allocations compensatrices et les dotations de compensation ont constitué l’essentiel des variables d’ajustement, le périmètre des variables n’est pas fixe.

1.   Le périmètre traditionnel des variables d’ajustement : les allocations compensatrices et les dotations de compensation

Le mécanisme des variables d’ajustement a été introduit par la loi de finances pour 2008.

Les variables d’ajustement sont des prélèvements sur recettes auxquels sont appliqués des coefficients de minoration, et qui sajustent ainsi à la baisse afin de contenir la progression d’autres concours dans le montant de l’enveloppe total des concours plafonnés.

C’est pour cette raison qu’ils sont désignés comme des « variables d’ajustement ».

Sur les dernières années, les variables dajustement ont été composées dallocations, versées par PSR, qui peuvent être distinguées en deux ensembles.

Les allocations compensatrices d’exonération d’impôts locaux (2 433 millions d’euros en 2020) compensent les exonérations d’impôts locaux décidées par le législateur dans le cadre d’une politique nationale. Elles sont regroupées au sein d’un PSR unique, dénommé Compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale.

Les dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle (3 681 millions d’euros en 2020) résultent de la réforme de la fiscalité directe locale réalisée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi de finances pour 2010. Elles sont constituées de plusieurs PSR :

– la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), qui vise à compenser pour chaque catégorie de collectivités les principaux effets de la réforme de la TP ;

– la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCSTP), qui regroupait en une dotation les anciens dispositifs de compensations de TP perçus jusqu’en 2010 par les communes et EPCI à fiscalité propre ; elle a été réduite à 0, depuis 2018, du fait des minorations successives, et dont la base légale a été supprimée par la loi de finances pour 2019 ;

– la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE ou dot²), qui comprend certaines allocations compensatrices régionales et départementales historiques ;

– et la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de la taxe professionnelle (FDPTP), qui alimente ces fonds, autrefois financés par la TP, pour un montant égal à la somme des versements effectués en 2009 aux communes, EPCI et agglomérations nouvelles.

Les dotations de compensation, comme les autres mécanismes de compensation ou de redistribution liés à la suppression de la taxe professionnelle, comme le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), ont en commun de refléter, en les ayant gelés, les équilibres financiers de la réforme de la TP de 2010 – et de ne pas suivre dans le temps l’évolution des bases de l’ancienne TP. Or, cette réforme est intervenue il y a une décennie. L’ensemble de ces mécanismes, y compris les dotations de compensation, ont donc un caractère « figé », et ne correspondent plus à la réalité économique des collectivités concernées.

En revanche, les allocations compensatrices évoluent dans le temps. En effet, dans la majorité des cas, le calcul de la compensation – dont les modalités sont fixées au cas par cas dans la loi – prend en compte l’évolution des bases fiscales en excluant toutefois la dynamique de taux, dont l’évolution demeure à la main de la collectivité.

Au contraire des prises en charge de dégrèvements qui, en principe, évoluent non seulement en fonction de laugmentation des bases dimposition mais aussi des taux votés par les collectivités ([494]), une compensation d’exonération de fiscalité locale n’est pas « glissante » : elle correspond à la « moindre recette » constatée la première année de sa mise en place par la collectivité. Les éventuelles augmentations de taux, votées année après année, ne sont pas prises en compte pour réévaluer cette compensation. Dans le cadre d’une compensation d’exonération, l’État n’assume pas la politique de taux des collectivités.

Le plus souvent, la compensation est versée en année N + 1, en prenant en compte les bases exonérées de l’année d’imposition, et en appliquant le taux d’imposition d’une année de référence par exemple 2003 pour l’exonération de la part communale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties des sites Natura 2000, ou 2018 pour l’exonération de cotisation foncière des entreprises des contribuables réalisant un chiffre d’affaires de 5 000 euros ou moins.

Concrètement, la minoration d’une allocation compensatrice conduit à associer les collectivités à la prise en charge de l’exonération décidée par le législateur. Mais, en tout état de cause, aucune exigence constitutionnelle nimpose, par principe, une compensation des exonérations de fiscalité locale. Cest une doctrine budgétaire qui a conduit à distinguer entre la compensation des exonérations décidées par le législateur dans le cadre d’une politique nationale et l’absence de compensation des exonérations facultatives d’impôts locaux votées par délibérations des collectivités.

Le bloc communal reçoit la part principale des allocations compensatrices.

Comme l’a relevé la Cour des comptes ([495]), exceptée pour la taxe d’habitation, le taux de couverture des exonérations des impôts locaux par lÉtat diminue tendanciellement du fait de la hausse spontanée des bases et de l’utilisation croissante des allocations compensatrices comme variables d’ajustement de la baisse des concours financiers de l’État.

Selon la Cour, la question se pose de la neutralité de ce mode d’ajustement en fonction de la situation financière des collectivités, dans la mesure où il est susceptible de désavantager les collectivités en situation structurellement difficile au regard de leurs indicateurs de richesse et de charges.

En effet, les exonérations nationales d’impôts locaux étant souvent motivées par des objectifs sociaux au bénéfice de populations fragiles, les collectivités compensées sont elles‑mêmes souvent financièrement et socialement défavorisées (habitants de condition modeste, présence de logements sociaux, etc.).

Pour autant, en 2018, les allocations compensatrices d’exonérations liées à la TH représentaient 81 % du total des allocations compensatrices. Or, la compensation de l’exonération historique de TH pour les personnes de condition modeste (1,9 milliard d’euros en 2020) n’est pas minorée, et donc intégralement compensée.

RÉpartition par impÔt local des allocations
compensatrices entre 2014 et 2019

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir de l’annexe Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, 2020.

Le niveau nominal des allocations compensatrices baissera très fortement en 2021, de 2 138 millions d’euros. Cette diminution résulte mécaniquement de la suppression de la TH, et des allocations compensatrices associées, mais n’emportera pas de conséquence budgétaire pour les collectivités bénéficiaires de ces allocations, celles‑ci étant compensées par le schéma de financement prévu en loi de finances pour 2020 (affectation de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties – TFPB).

2.   Le périmètre et la minoration des variables en 2020

Dans ce cadre, la loi de finances doit définir chaque année le périmètre et le montant cible des variables dajustement, de telle sorte que la minoration qu’elles subissent conduise à neutraliser les hausses de crédits au-delà du montant maximal prévu pour les concours plafonnés en loi de programmation

L’évolution du périmètre des variables d’ajustement
dans les lois de finances successives

Le nombre de ces variables a été progressivement étendu ou modifié de manière à mieux répartir l’effort de stabilisation des concours financiers :

La loi de finances pour 2017 a aussi intégré dans le champ des variables les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et la totalité de la dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale (DTCE ou dot²).

La loi de finances pour 2017 a enfin fixé le montant de la DGF pour 2017 à 30 860 millions d’euros. Elle a aussi prévu l’affectation aux régions, à compter de 2018, d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en remplacement de leur DGF.

La loi de finances pour 2018 a figé les taux de minoration appliqués aux allocations compensatrices (figés aux taux 2017) et élargi le périmètre des variables d’ajustement à la DCRTP des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle a enfin fixé le montant de la DGF pour 2018 à 26 960 millions d’euros, soit à un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (recentralisation du RSA en Guyane et à Mayotte).

La loi de finances pour 2019 a régularisé la décision du ministre de l’action et des comptes publics du 26 mars 2018 de ne finalement pas mettre en œuvre la minoration de la DCRTP des EPCI et des communes en 2018. Ces DCRTP ont toutefois intégrées dans les variables à compter de 2019 et minorées par répercussion cette année.

La loi de finances pour 2019 a également introduit une répartition des minorations au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF). La DGF est restée stable à 26 948 millions d’euros. Elle incluait toutefois une minoration de 5 millions d’euros, pour financer la création de la dotation « Natura 2000 » ([496]) dans la mission Relations avec les collectivités territoriales.

La loi de finances pour 2020 a plafonné le PSR de compensation des pertes de recettes liées à la réduction de l’assiette du versement transport (VT), en l’intégrant ainsi dans le mécanisme des variables d’ajustement. Si les FDPTP et les DCRTP du bloc communal restent dans les variables, seules les parts régionales et communales de la DCRTP ainsi que les parts régionales et départementales de la Dot² font l’objet d’une minoration en 2020, en plus du nouveau PSR de compensation du VT.

Depuis le 1er janvier 2018, les compensations d’exonérations de fiscalité locale soumises à minoration (62 millions d’euros en loi de finances pour 2020, sur un total de 2,37 milliards d’euros d’allocations compensatrices) ont vu leur taux de compensation figé au niveau de celui l’année 2017. Ces compensations ne se voient donc plus appliquer les taux de minoration votés dans les lois de finances initiales suivantes. Néanmoins, les taux de minoration votés de 2009 à 2017 sont restés appliqués à ces allocations compensatrices.

En 2020, les variables soumises à minoration sont donc constituées essentiellement de dotations de compensation issues de la réforme de la TP :

– DTCE ou dot² ;

– dotation de garantie des reversements des FDPTP ;

– DCRTP.

La loi de finances pour 2020 a ensuite intégré dans les variables d’ajustement le PSR destiné à compenser aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) la perte de recettes consécutive au relèvement en 2016 du seuil d’assujettissement (de 9 à 11 salariés) des entreprises au versement transport (VT). L’intégration de ce PSR aux variables d’ajustement s’est traduite par son plafonnement à 48 millions d’euros (soit – 45 millions par rapport à la prévision 2020) et a été justifié par :

– le niveau peu élevé des compensations (la moitié des bénéficiaires percevant une attribution inférieure à 67 000 euros) ;

– la faible part de cette compensation dans les recettes réelles de fonctionnement des AOM (0,2 % en moyenne) ;

– et le dynamisme fiscal important du VT (supérieur à + 3 % par an entre 2015 et 2020), très supérieur à la perte de recettes résultant de la réduction du champ des assujettis.

PÉrimètre et montant des variables d’ajustement en PLF 2020

(en millions d’euros)

variable

Montant cible
en PLF 2020

Minoration 2020

Allocations compensatrices

Soustotal allocations compensatrices minorées

62

 

Soustotal allocations compensatrices non minorées

2 371

 

Total allocations compensatrices

2 433

 

Dotations de compensation

DTCE (Dot²)

minorée

465

 35

Dotation aux FDPTP

minorée

284

0

DCRTP bloc communal

minorée

1 145

 10

DCRTP départements

minorée

1 273

0

DCRTP régions

minorée

514

 35

DCRTP totale

 

2 932

– 45

Total dotations de compensation

 

3 681

 80

PSR compensation du relèvement du seuil du versement transport

plafonné

48

– 43

Total variables minorées

3 729

 

Total variables non minorées

2 433

 

Total général

6 162

 122

Source : transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, 2020 et loi de finances pour 2020.

Le « stock » de variables permet encore d’assurer des minorations pour plusieurs années si le rythme de baisse reste similaire.

Depuis la loi de finances pour 2019, les minorations sont établies au prorata des recettes réelles de fonctionnement des collectivités bénéficiaires des dotations minorées. Ces modalités de minoration sont plus équitables que celles applicables avant 2019 : la minoration était alors effectuée proportionnellement au montant de la dotation de l’année passée, sans tenir compte des ressources de la collectivité.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   une dgf stable et une moindre minoration des variables d’ajustement en 2021

1.   Une DGF de 26 756 millions d’euros en 2021

L’article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que le montant de la DGF est fixé chaque année en loi de finances. L’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) précise que l’évaluation des PSR relève de la première partie de la loi de finances.

Dans ce cadre, le présent article a pour objet de fixer le montant de la DGF pour 2021. Il est fixé par le I à 26 756 368 435 euros.

La DGF diminue donc de 905 060 euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

Comme le précise l’évaluation préalable, cette baisse nominale résulte de mesures de périmètre.

La loi de finances pour 2019 avait recentralisé le RSA pour le Département de Mayotte. La loi de finances pour 2020 a recentralisé le RSA pour La Réunion. Afin que le coût budgétaire de ces recentralisations soit neutre pour l’État, ces deux lois de finances avaient prévu des réfactions de dotation forfaitaire de ces départements (et, pour la Réunion, de sa dotation de compensation). Toutefois, ce « droit à compensation » pour l’État est calculé en deux temps : le montant de ressources repris à la collectivité est calculé l’année du transfert de manière provisionnelle (le montant de dépenses du dernier exercice n’étant pas connu) et, l’année suivant le transfert, le montant des ressources à reprendre est actualisé afin d’intégrer le dernier exercice comptable. Des ajustements sont alors effectués en conséquence sur le montant de la DGF des collectivités concernées.

Dans ce cadre, deux ajustements sont opérés en 2021 :

– sur la dotation forfaitaire de Mayotte, une majoration de 637 037 euros ;

– et sur la DGF de la Réunion, une minoration de 59 317 174 euros.

En deuxième lieu, sont opérées des minorations de la dotation de compensation des départements, liées à la recentralisation par lÉtat de compétences sanitaires (lutte contre la tuberculose et, pour le département du Morbihan, compétence vaccination) exercées par ces collectivités, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([497]) (minorations de 29 507 126 euros et de 818 719 euros).

Le dernier effet de périmètre concerne l’absence dabondement du Fonds daide au relogement durgence (FARU).

La loi de finances pour 2020 avait prévu qu’une partie de la DGF du bloc communal abonde exceptionnellement ce fonds, à hauteur de 1,5 million d’euros, afin de faire face aux subventions à verser en 2020.

Ce fonds d’aide, institué jusqu’en 2020 ([498]), accorde des aides financières aux communes ou à des établissements publics locaux pour assurer pendant une période maximale de six mois le relogement d’urgence ou temporaire de personnes occupant des locaux représentant un danger pour leur santé ou leur sécurité et faisant l’objet d’une ordonnance d’expulsion ou d’un ordre d’évacuation. L’aide, sous forme de subvention, est destinée à financer tout ou partie des frais d’hébergement engagés par la commune.

La DGF avait alors été augmentée à due concurrence, afin que cet abondement n’ait pas d’incidence sur les autres bénéficiaires de la DGF (avec l’application du mécanisme « d’enveloppe fermée » développé supra)

Dès lors que les abondements antérieurs sont suffisants pour faire face aux subventions qui restent à verser, il n’y a pas d’abondement prévu en faveur du FARU cette année par la DGF, ce qui conduit à une minoration nominale de 1,5 million d’euros en 2021.

Passage de la DGF pour 2020 à la DGF pour 2021

(en millions d’euros)

Facteurs d’évolution du montant de la DGF

Impacts sur le montant de la DGF

Montant de la DGF pour 2020

26 846

Majoration de la dotation forfaitaire de Mayotte

+ 0,6

 Minoration de la dotation forfaitaire de la Réunion

– 59

Minoration de la dotation de compensation des départements

– 30,3

Absence d’abondement exceptionnel du FARU

– 1,5

Montant de la DGF pour 2021

26 756

Source : évaluation préalable du présent article.

En dehors de ces mesures de périmètre, qui n’ont pas d’impact financier pour les collectivités, la DGF reste donc stable dans son montant en valeur, conformément à l’engagement du Gouvernement de maintenir une DGF stabilisée à compter de 2018 et de mettre fin aux baisses opérées dans le cadre de la CRFP.

Au sein de la DGF, le présent projet de loi de finances propose d’augmenter la DSR et la DSU de 90 millions d’euros chacune, et de 10 millions d’euros les dotations de péréquation des départements, comme l’année précédente.

2.   Une minoration de 50 millions d’euros des variables d’ajustement en 2021

Le présent article prévoit de gager certaines hausses des concours plafonnés au-delà du niveau prévu en loi de finances pour 2020, par une minoration des variables d’ajustement.

En premier lieu, le A du II prévoit que le PSR de compensation des pertes de recettes résultant pour les AOM de la réduction de l’assiette du versement transport reste plafonné à 48 millions d’euros en 2021, comme en 2020.

En deuxième lieu, le a du 1° du B du II prévoit le taux de minoration applicable en 2021 à la DTCE ou dot² des départements, tandis que le b prévoit celui applicable à la DTCE des régions.

En troisième lieu, le a du 2° du même B prévoit les taux de minoration applicables en 2021 à la DCRTP des départements et des régions.

Le b du 2° du même B précise que le montant de la DCRTP des EPCI est égal au montant versé en 2020.

Le C du II prévoit que le montant de la dotation de garantie des reversements des FDPTP en 2021 est égal au montant versé en 2020.

Il ressort donc de ces dispositions que, pour 2021, les seules minorations portent sur :

– les parts régionales et départementales de DCRTP ;

– et les parts régionales et départementales de la DTCE.

Cette minoration totale doit s’élever à 50 millions d’euros au total, ce qui est plus faible que les années antérieures.

 

Minorations totaleS sur les variables d’ajustement depuis 2017

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des données de l’évaluation préalable.

 

Le III du présent article précise les modalités de minoration des variables d’ajustement en 2021. Comme en 2019 et en 2020, la minoration est réalisée au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF) des bénéficiaires des dotations minorées. Pour 2021, il s’agit des RRF constatées dans les comptes de gestion afférents à l’exercice 2019.

Il est précisé que si, pour une collectivité ou un EPCI, la minoration de dotation excède le montant perçu en 2020 au titre de cette dotation, la différence est répartie entre les autres collectivités ou EPCI bénéficiaires de la dotation, également au prorata des RRF.

Le dispositif expose en outre le détail comptable des modalités de détermination des RRF prises en compte pour les minorations, notamment les coefficients applicables à certaines collectivités spécifiques.

 

Le pÉrimÈtre des variables d’ajustement
et les taux de minoration en 2021

(en millions d’euros)

Périmètre 2020 des variables dajustement

Montant 2020

Montant cible 2021

Montant de minoration PLF 2021

Taux de minoration PLF 2021

Dotations de compensation

Dot 2 départements

392,5

372,5

– 20

– 5,1 %

Dot 2 régions

58,6

41,1

– 17,5

– 29,9 %

Dotation aux FDPTP

284

284

– 

DCRTP bloc communal

1 145

1 145

– 

DCRTP départements

1 273

1 268

­ 5

– 0,4 %

DCRTP régions

499,7

492,2

– 7,5

– 1,5 %

PSR versement transport

48

48

– 

Somme des variables minorées

3 700

3 650

– 50

– 1,4 %

Source : commission des finances.

Le taux global de minoration global, à – 1,4 % en 2021, apparaît donc en baisse par rapport à celui qui ressortait des lois de finances pour 2020 (– 3,2 %) et 2019 (– 3,7 %).

En outre, le Gouvernement a fait le choix de ne pas gager par une minoration des variables certaines augmentations des concours plafonnés liées aux mesures adoptées dans le cadre de la troisième loi de finances rectificatives pour 2020 :

– la création d’un PSR de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales liées à la crise sanitaire (568 millions en 2020 et décaissement de 250 millions d’euros en 2021) ;

– et l’ouverture de 100 millions d’euros en crédits de paiement sur la dotation de soutien à l’investissement local portée par la mission RCT, en miroir de l’ouverture de 1 milliard d’euros en AE en 2020.

Comme le précise l’exposé des motifs du présent article, les concours plafonnés progressent, en 2021, au total de 350 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020, hors compensation de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (TH).

B.   l’impact budgétaire et économique

Les concours financiers de lÉtat aux collectivités territoriales, au vu de leur montant élevé, ont été associés dès les années 1990 à l’objectif de maîtrise des dépenses publiques.

Dans un premier temps, la contrainte budgétaire portait sur les ressources locales plutôt que sur les dépenses, qui relèvent de la libre administration des collectivités et ont été étendues progressivement par la décentralisation.

Divers outils ont été élaborés pour encadrer l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités : contractualisation pluriannuelle entre État et collectivités, désindexation des dotations sur l’inflation, délimitation d’une enveloppe normée stable en valeur ou en volume ([499]), fixation de variables dajustement, jusqu’à la baisse du premier des concours financiers, la DGF.

Historiquement, avant 2009, la DGF était indexée sur l’évolution du PIB. Elle a ensuite été revalorisée du taux prévisionnel de l’inflation (indice des prix hors tabac), jusqu’en 2010 inclus. Cette indexation a disparu à partir de 2011, pour être remplacée par une fixation annuelle discrétionnaire du montant en loi de finances initiale. Cette fixation annuelle a conduit à une quasi‑stabilité de la DGF entre 2011 et 2013.

La stratégie de maîtrise des concours financiers a évolué au fil du temps d’une limitation de leur progression, à une stabilisation avant de basculer vers une baisse nominale à partir de 2014, sous la législature précédente. Il s’agissait de la « contribution (des collectivités locales) au redressement des finances publiques » (CRFP).

La période la plus restrictive pour les concours financiers est donc celle de mise en œuvre de la CRFP entre 2014 et 2017. Les lois de finances de 2014 à 2017 ont prévu une baisse de la DGF de 11 milliards d’euros sur la période, au moyen de prélèvements sur les attributions individuelles de dotation forfaitaire. Pour le bloc communal, ces prélèvements ont été répartis au prorata des recettes réelles de fonctionnement.

Le fonctionnement de la CRFP n’a pas consisté à modifier les critères de calcul des dotations de la DGF, mais s’opérait par un prélèvement sur la dotation forfaitaire une fois celle‑ci calculée. Ceci a parfois provoqué un phénomène de DGF dite « négative », souvent critiqué par les élus locaux.

 

Le cas particulier des « DGF négatives »

Entre 2014 et 2017, pour les communes dont la dotation forfaitaire avait atteint, du fait de l’écrêtement annuel qui finance notamment la hausse des dotations de péréquation, un niveau inférieur au « prélèvement CRFP » de dotation prévu, voire un niveau nul, ce prélèvement a été assuré par une réfaction complémentaire sur les douzièmes de fiscalité. C’est le phénomène des « DGF négatives ». Cette situation concerne en principe les communes les plus « riches » au regard des critères financiers de la DGF.

À partir de 2018, avec la stabilité de la DGF (voir ci‑dessous), les prélèvements sur la fiscalité introduits dans le passé au titre de la CRFP sont reconduits annuellement dans leur montant de 2017, sans pouvoir être augmentés.

Cette situation de « DGF négatives » est régulièrement évoquée lors des débats budgétaires. Certains parlementaires proposent de mettre fin à ces prélèvements, tandis que d’autres souhaitent au contraire les accroître pour les communes dont la dotation forfaitaire est nulle et ne peut plus être écrêtée, afin que celles‑ci continuent à financer la hausse de la péréquation.

Leur suppression se heurte néanmoins à diverses objections :

– supprimer les prélèvements de CRFP du passé pourrait constituer une rupture du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques au regard des communes dont la DGF était positive en 2017 et qui, ne subissant pas de prélèvements sur la fiscalité, ne pourraient bénéficier de leur suppression ;

– accroître ces prélèvements pour les communes dont la dotation forfaitaire est nulle, ou en créer pour celles dont la dotation est tombée à 0 depuis 2018, auraient l’inconvénient de faire financer par ces communes une péréquation verticale dont elles ne bénéficient pas. En réinjectant plusieurs millions d’euros de dotation forfaitaire dans la DGF, cette mesure aurait également pour effet de majorer le montant global de cette dernière par rapport à son montant stabilisé depuis 2018. Cette majoration s’accompagnerait alors de baisses supplémentaires des variables d’ajustement pour assurer le respect du montant de l’enveloppe normée prévu par la LPFP 2018‑2022.

L’un des enseignements essentiels de cette période de baisse de la DGF 2014-2017 est l’effet induit sur l’investissement public local. Une grande partie de l’ajustement à cette baisse des concours financiers s’est traduite dans les comptes locaux par une contraction avérée de l’investissement public local.

À partir de la loi de finances pour 2018, la fin du mécanisme de réduction annuelle de la dotation au titre de la CRFP conduit à retrouver la situation prévalant jusqu’en 2013, c’est-à-dire une fixation annuelle du montant de la DGF, le Gouvernement sétant engagé à maintenir la stabilité de la DGF.

Il s’agit d’une stabilité en valeur (donc d’une baisse en volume, en cas d’inflation positive), hors mesures de périmètre.

Évolution de la DGF depuis 2014

(en millions d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

économie réalisée

1,5

3,67

3,67

2,63

Stabilité à périmètre constant (remplacement de la DGF des régions par une fraction de TVA)

Stabilité à périmètre constant

Stabilité à périmètre constant

Stabilité à périmètre constant

Dont baisse de la DGF

1,384

3,514

3,385

2,4

Montant de la DGF

40,121

36,607

33,221

30,86

26,96

26,948

26,847

26,756

évolution/année précédente (en valeur)

– 3,3 %

– 8,8 %

– 9,3 %

– 7,1 %

– 12,6 %

– 0,04 %

– 0,4 %

– 0,34 %

Source : OFGL.

Parallèlement, un encadrement des dépenses locales a été intégré dans les lois de programmation des finances publiques successives, par l’instauration d’un objectif d’évolution des dépenses locales (ODEDEL).

Nécessairement indicatif, les dépenses étant régies par la libre administration, il a été assorti à partir de 2018 dun mécanisme inédit de contractualisation entre l’État (les préfets) et les grandes collectivités, limitant la progression annuelle des dépenses locales à 1,2 % en valeur, dans le cadre prévu par les articles 13 et 29 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Cet objectif est mis en œuvre par une contractualisation pluriannuelle entre les 322 plus grandes collectivités et l’État, dans le cadre prévu par la conférence nationale des territoires du 14 décembre 2017 qui s’est tenue à Cahors, d’où le terme de « contrats de Cahors ».

En contrepartie, l’enveloppe normée des concours financiers de l’État et, en son sein, la DGF, ont été stabilisées.

S’il a permis de contenir la hausse des dépenses de fonctionnement avec succès en 2018 (+ 0,4 %), il est apparu nécessaire de le suspendre en 2020, avec la crise sanitaire. L’article 12 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a ainsi suspendu l’application des contrats de Cahors pour cette année. Les dépenses de fonctionnement des collectivités signataires peuvent donc dépasser en 2020 le taux contractuel, en principe de 1,2 % de hausse annuelle, sans reprise financière par l’État.

Le tableau suivant présente une synthèse de ces mécanismes d’encadrement budgétaire :

Évolution des mÉcanismes d’association des finances locales à la maîtrise des finances publiques

Période

Mécanisme dencadrement

Application budgétaire

Portée

1996

Pacte de stabilité financière

Indexation triennale des dotations sur l’inflation

Première contractualisation pluriannuelle sur les relations financières entre l’État et les collectivités

1999 à 2007

Contrat de croissance et de solidarité

Indexation des dotations sur l’inflation majorée d’une fraction de la hausse du PIB de l’année en cours

 

2008-2009

Contrat de stabilité

Réduction à l’inflation de la progression de l’ensemble des concours de l’État

Apparition de la notion de « variables dajustement ». Elles désignent alors les dotations qui baissent pour compenser la hausse des dotations qui progressent plus que l’inflation

2011-2013

(LPFP 2011-2014)

Enveloppe normée

Stabilisation en valeur et à périmètre constant des concours de l’État hors FCTVA et DCRTP (c’est l’enveloppe normée)

Apparition de la notion « denveloppe normée »

2014-2017

(LPFP 2012-2017 et LPFP 2014-2019)

Pacte de confiance et de responsabilité

 

 

Baisse de 11 milliards sur la période des concours financiers de l’État

 

 

 

Fixation d’un objectif indicatif, en pourcentage, d’évolution annuelle à périmètre constant de la dépense locale

Apparition de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) qui est constituée des prélèvements sur la dotation forfaitaire, et éventuellement sur la fiscalité (voir infra)

 

Apparition de la notion d’objectif d’évolution de la dépense locale (ODEDEL)

2018-aujourd’hui

Contrats de Cahors

Stabilisation en volume des concours financiers de l’État (euros constants)

 

En contrepartie, renforcement de l’ODEDEL par une contractualisation entre l’État et les grandes collectivités pour une évolution limitée à 1,2 % des dépenses locales

Les notions de variables d’ajustement, d’enveloppe normée, de CRFP et d’ODEDEL ont évolué dans leur contenu mais elles restent mises en œuvre.

Source : commission des finances à partir de l’annexe budgétaire « Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales » 2020.

La stabilité de la DGF depuis 2018 contribue à la stabilisation des finances locales et à la préservation des marges financières nécessaires à linvestissement local en 2021.

La minoration faible des variables dajustement en 2021, et le choix de ne pas gager les mesures exceptionnelles de hausse des concours plafonnés liées à la crise, reflètent un choix fort de l’État de soutenir toutes les catégories de collectivités.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF743 de M. Sébastien Jumel, I-CF1016 de Mme Sabine Rubin, I-CF420, ICF421 et I-CF422 de M. François Pupponi, I-CF1383 de M. Joël Aviragnet et ICF289 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Fabien Roussel. L’amendement peut sembler ambitieux, et même audacieux : nous proposons d’augmenter la dotation globale de fonctionnement – DGF – d’environ 15 milliards d’euros, en la portant de 26 à 41,5 milliards d’euros. En fait, nous proposons simplement de rétablir le montant de DGF constaté en 2013.

Nos collectivités territoriales ont particulièrement souffert au cours des dernières années. Elles ont perdu 11 milliards d’euros de dotation sous la présidence Hollande et vous agissez selon la même mécanique, chers collègues de la majorité.

La crise aggrave encore leur situation. Les communes ont perdu des recettes significatives – l’estimation est en cours. Les mesures annoncées compensent en partie ce manque à gagner, mais pas au niveau des dépenses dues à la crise.

Les communes et les collectivités territoriales en général peuvent fortement contribuer au redressement de notre pays, par le concours qu’elles apportent aux populations et par l’investissement d’argent public auquel elles procèdent.

M. François Pupponi. Le sujet des amendements I-CF420, I-CF421 et I‑CF422 peut faire figure de marronnier. Toutefois, le discours du Président de la République sur le séparatisme et la nécessité de réarmer la République élude la question des moyens.

Si on ne donne pas aux collectivités locales et aux services concernés des moyens supplémentaires, je ne vois pas comment le programme annoncé par le Président de la République pourrait être appliqué. Mes amendements visent à donner aux collectivités concernées les moyens de faire face à ce défi.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1383 vise à augmenter la DGF pour financer les dépenses des communes induites par la domiciliation des personnes sans domicile, qui incombe aux centres communaux d’action sociale – CCAS.

Leur domiciliation est indispensable pour leur assurer un accès au droit, en permettant notamment la réception du courrier et un accompagnement social. La loi sur le droit au logement opposable – DALO –, adoptée en 2007, en fait un droit opposable, assorti d’obligations.

Les dépenses induites ne sont pas compensées par l’État, alors même qu’elles devraient l’être au titre de l’article 72-2 de la Constitution. L’amendement prévoit une augmentation de la DGF de 10 millions d’euros, fléchés sur cette dépense.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme le précédent, l’amendement vise à augmenter la DGF de 10 millions d’euros, au profit du bloc communal, afin d’aider les CCAS et les centres intercommunaux d’action sociale – CIAS – à faire face aux obligations prévues par la loi DALO et par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR. Il s’agit d’un vrai sujet pour les communes, qui doivent loger les personnes sans domicile.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’aimerais d’abord répondre à Fabien Roussel. Pour que nous débattions sereinement de la fiscalité locale et des ressources des collectivités, il faut que nous disposions des mêmes chiffres. Vous ne pouvez pas dire que le Gouvernement agit selon la même mécanique que le précédent, c’est totalement faux. Depuis 2018, le montant global de la DGF est stable, il a même légèrement augmenté.

M. le président Éric Woerth. Pas pour tout le monde !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le montant global de DGF, fixé en loi de finances initiale, est stable. Les variations constatées d’une commune à l’autre sont dues à l’application de certains critères.

Dans ma circonscription aussi, on trouve des communes dont la DGF diminue. Je m’efforce d’expliquer pourquoi aux maires concernés. Tel est le principe de la DGF.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est la péréquation !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les moyens donnés par l’État aux communes par le biais de la DGF sont en légère augmentation depuis 2018. J’émets donc un avis défavorable sur les amendements en discussion commune.

M. Jean-René Cazeneuve. J’aimerais compléter les paroles de sagesse de M. le rapporteur général.

Monsieur Fabien Roussel, nous sommes d’accord sur le fait que les collectivités territoriales jouent et joueront un rôle très important, notamment dans la mise en œuvre du plan de relance. C’est pourquoi notre majorité a toujours maintenu le montant de la DGF. Par ailleurs, les recettes de la fiscalité locale ont augmenté de façon significative.

La conjonction de ces deux phénomènes ainsi qu’une bonne expertise des élus en matière de gestion de leurs ressources expliquent que la situation financière des collectivités territoriales n’a jamais été aussi bonne qu’elle ne l’était en 2019. L’année dernière, leur niveau d’investissement a augmenté de 12 %, et leur capacité d’autofinancement de 9 %. Il s’agit d’une très bonne nouvelle pour tout le monde : les collectivités territoriales sont en bonne santé, grâce à la stabilité du montant global de la DGF depuis trois ans.

Naturellement, la crise provoquée par le coronavirus a des conséquences. Nous avons adopté plusieurs dispositions dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, afin de soutenir certains départements et certaines communes d’outre-mer, ainsi que les communes les plus touchées de métropole. En fin d’année, dans le cadre du quatrième PLFR pour 2020, nous adopterons des clauses de revoyure, ainsi que des mesures d’aide destinées aux collectivités territoriales les plus affectées.

M. Fabien Roussel. Nous ne laisserons pas dire des contre-vérités sans réagir, ni en commission, ni dans l’hémicycle, où nous aurons ce débat.

Monsieur Cazeneuve, le discours que vous venez de tenir peut tromper certains Français, mais pas ceux qui sont directement concernés. Au demeurant, il est identique à celui que tient la majorité sur les dépenses de santé. Certes, les moyens des communes augmentent, mais de 2 %, tandis que leurs dépenses augmentent de 4 %.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est faux !

M. Fabien Roussel. En fin de compte, elles ont moins d’argent qu’auparavant. De même, le budget de la santé augmente, mais pas assez pour faire face aux dépenses. Vous trouverez peu de maires estimant qu’ils ont plus d’argent qu’avant grâce à votre majorité !

Jean-René Cazeneuve. C’est faux !

M. le président Éric Woerth. Chers collègues, chacun dit les choses comme il les ressent. M. Cazeneuve a donné son opinion, M. Roussel la sienne.

M. François Pupponi. À nouveau, je pose à M. le rapporteur général, ainsi qu’à M. Cazeneuve, la question que j’ai posée tout à l’heure.

Le Président de la République a annoncé la semaine dernière, dans un discours auquel je souscris, qu’il faut réarmer la République dans certains quartiers, où elle est en danger. Ma question est la suivante : où trouve-t-on, dans le présent projet de loi de finances, le moindre euro pour concrétiser ce projet ?

Je le soutiens, mais sans moyens, comment fait-on ? Rien en première partie, rien en seconde partie, rien pour les services déconcentrés de l’État, rien pour les collectivités : comment la majorité compte-t-elle financer le projet du Président de la République ? La question n’a rien d’insultant !

La commission rejette successivement les amendements I-CF743, ICF1016, I-CF420, I-CF421, I-CF422, I-CF1383 et I-CF289.

Puis elle examine l’amendement I-CF543 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Comme la loi de finances pour 2020, le projet de loi de finances pour 2021 plafonne le niveau du prélèvement sur recettes de compensation des autorités organisatrices de la mobilité – AOM. Chacun sait qu’elles ont connu des difficultés en raison de la crise provoquée par l’épidémie de Covid-19. L’amendement vise à déplafonner le prélèvement sur recettes de l’État versé en compensation aux AOM.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur ce point, je ne suis pas de votre avis, monsieur Zulesi. Le maintien du plafonnement du PSR de compensation du relèvement du seuil d’assujettissement au versement transport se justifie par la baisse du niveau des compensations individuelles. Avis défavorable.

M. Jean-Marc Zulesi. Je retire l’amendement.

L’amendement I-CF543 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF925 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il vise à minorer la ponction effectuée sur deux variables d’ajustement, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – DCRTP – et la dotation de transfert des compensations d’exonération de taxe d’habitation – DTCE. Ces deux dotations, créées lors de la réforme de la taxe professionnelle, bénéficient par définition aux collectivités les plus en difficulté.

Monsieur le président, vous vous étiez alors engagé, en tant que ministre du budget, à faire en sorte qu’elles ne jouent jamais le rôle de variable d’ajustement. Tel est pourtant le cas depuis plusieurs années. L’idée est de mettre un terme à cette situation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne peux pas donner tort à Mme Pires Beaune sur ce point. Toutefois, le montant des minorations est le plus bas jamais constaté. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Je le reconnais bien volontiers, monsieur le rapporteur général. Je n’en répète pas moins chaque année que minorer ces variables, destinées par définition aux collectivités qui en ont le plus besoin, n’est pas une bonne solution.

La commission rejette l’amendement I-CF925.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF1060 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1176 de M. Fabrice Brun, ainsi que les amendements identiques ICF1061 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1183 de M. Fabrice Brun.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF1060 vise à annuler la minoration de la DCRTP et de la DTCE prévue par le Gouvernement, qui amputera les recettes des régions de 25 millions d’euros. L’amendement I-CF1061 est un amendement de repli visant à la réduire à 10 millions d’euros.

M. Fabrice Brun. Nous souhaitons sécuriser les ressources des régions, qui sont en première ligne de la relance, en raison de leurs compétences économiques. Nous proposons de figer les ressources qu’elles perçoivent au titre de la DCRTP et de la DTCE. Compte tenu des enjeux économiques de la relance dans les territoires, les minorer est une erreur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Chers collègues, je suis d’accord avec vous : il faut protéger les ressources des collectivités territoriales. Nous en avons longuement débattu au plus fort de la crise.

Toutefois, les régions sont les collectivités dont les ressources fiscales sont les plus dynamiques. L’accord conclu entre M. le Premier ministre et Régions de France va largement dans le sens de leur préservation, et c’est heureux ! Dans ce contexte, les minorations envisagées me semblent acceptables.

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF1060 et ICF1176, ainsi que les amendements identiques I-CF1061 et ICF1183.

Puis elle adopte l’article 22 sans modification.

 


Article 23
Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

Résumé du dispositif proposé

Le présent article évalue, comme chaque année en loi de finances initiale, le montant des prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales. Pour 2021, ces derniers sont évalués à 43,2 milliards d’euros, soit une hausse de 2 001 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Au sein des PSR, il convient en particulier de noter pour 2021 :

– comme en 2018, 2019 et 2020, une stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements et du bloc communal, hors des effets de périmètre ;

– la forte hausse du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) de + 546 millions deuros, qui traduit le constat du fort dynamisme de l’investissement local sur le premier trimestre 2020 et les mesures de relance prévues pour soutenir l’investissement des collectivités en 2020 et 2021 ;

– linstitution dun PSR, pérenne, dun montant de 3 290 millions deuros, qui vise à compenser, à compter de 2021, au bloc communal la perte de recettes résultant de la réduction de moitié de la valeur locative des locaux industriels pour l’imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE) et à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

– le coût estimé pour lÉtat en 2021 de linstitution, en troisième loi de finances rectificative pour 2020, dun PSR exceptionnel pour compenser les pertes de recettes fiscales et domaniales liées à la crise pour le bloc communal, et d’un PSR pour compenser les pertes fiscales d’Île‑de‑France Mobilités (IDFM) : le coût de cet ensemble, en 2021, est estimé à 430 millions d’euros (180 millions pour IDFM et 250 millions pour le bloc communal) ;

– la reconduction en 2021 de la majoration supplémentaire de la dotation particulière élu local (DPEL) de 8 millions d’euros votée en deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ;

– la diminution faciale du montant de la compensation des exonérations relatives à la fiscalité locale (allocations compensatrices) de 2 138 millions d’euros, en conséquence de la suppression de la taxe d’habitation (TH) votée en loi de finances pour 2020, et applicable à compter de 2021 : les allocations compensatrices d’exonération de TH disparaissent avec l’impôt auquel elles se rapportent, mais les communes et les EPCI sont entièrement compensés, à partir de 2021, de la TH perçue jusqu’en 2020 – y compris les allocations compensatrices – respectivement par l’affectation de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties et par une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;

– la minoration des variables dajustement, à hauteur de seulement 50 millions deuros en 2021. Elle n’affecte pas le bloc communal.

Dernières modifications intervenues

Le montant des PSR est fixé chaque année en loi de finances, conformément aux articles 6 et 34 de la LOLF.

En 2018, le montant des PSR avait été fixé à 40,35 milliards d’euros par la loi de finances pour 2018.

En 2019, le montant des PSR avait été fixé à 40,58 milliards d’euros par la loi de finances pour 2019.

En 2020, le montant des PSR avait été fixé à 41,24 milliards d’euros par la loi de finances pour 2020.

La deuxième loi de finances rectificative pour 2020 a étendu la majoration (28 millions d’euros) de la DPEL adoptée en loi de finances pour 2020 à l’ensemble des communes de moins de 500 habitants éligibles à la dotation, ce qui a impliqué une majoration supplémentaire de 8 millions d’euros.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a créé un ensemble de PSR exceptionnels pour soutenir le secteur public local dans le cadre de la crise sanitaire :

– un PSR de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales du bloc communal en 2020, qui intègre notamment un acompte de 425 millions d’euros au profit d’Île‑de‑France Mobilités pour compenser la perte de recettes subie sur le versement transport ;

– un PSR de compensation des pertes fiscales spécifiques des régions d’outre‑mer ;

– un PSR de compensation des pertes fiscales spécifiques de la collectivité de Corse ;

– un PSR de compensation des pertes fiscales spécifiques des collectivités d’outre‑mer et des communes de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   les PSR concourent aux dépenses des collectivités

L’évaluation des prélèvements sur recettes (PSR) de l’État aux collectivités territoriales résulte des dispositions de la LOLF : « Un montant déterminé de recettes de l’État peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l’État sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte. »  Le montant de chacun des prélèvements doit être fixé chaque année en loi de finances, comme le précise l’article 34 de la LOLF.

Si la première partie de la loi de finances fixe le montant des PSR, les modalités de leur répartition entre les collectivités bénéficiaires trouvent leur place en seconde partie.

Les PSR correspondent à la rétrocession d’un montant déterminé des recettes de l’État au profit des collectivités territoriales afin de couvrir les charges qui leur incombent ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts. Ces crédits ne transitent pas en tant que dépenses par le budget de l’État mais s’analysent d’un point de vue comptable comme des moindres recettes. Contrairement aux crédits des missions, ils ne font pas l’objet d’une autorisation budgétaire double : le montant indiqué dans la loi de finances correspond à un montant en AE = CP.

Ils se distinguent des crédits des dotations du budget général, notamment de la mission budgétaire Relations avec les collectivités territoriales, en ce qu’ils doivent se traduire par des versements ayant, une fois calculés, un caractère global et automatique et qu’ils ne sauraient, en revanche, être le support de contributions allouées par l’État dans un but déterminé et dans le cadre d’une politique qu’il conduit.

Leur régime de droit budgétaire est simplifié : contrairement aux crédits ils ne donnent pas lieu à une présentation sous forme de missions, programmes et actions dotés d’objectifs et d’indicateurs de performance. Ils ne font pas l’objet de « gels ».

Les deux principaux PSR sont la dotation globale de fonctionnement (DGF) et le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

La première concourt aux dépenses de fonctionnement des collectivités tandis que le second soutient leurs dépenses d’investissement.

Dans la loi de finances pour 2020, la DGF et le FCTVA représentent plus de 80 % de l’ensemble des PSR.

Les autres PSR les plus importants en montant sont les dotations de compensation et les allocations compensatrices, qui compensent respectivement les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle en 2010 et les exonérations d’impôts locaux décidées par la loi ([500]).

Répartition des PSR au bénéfice des collectivités locales
dans la loi de finances pour 2020

Source : article 79 de la loi de finances pour 2020.

 

Répartition des PSR au bénéfice des collectivités locales dans la loi de finances pour 2020

(en euros)

Dotation spéciale pour le logement des instituteurs

8 250 000

Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

50 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

6 000 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

2 669 094 000

Dotation élu local

93 006 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité de Corse

62 897 000

Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion

466 980 145

Dotation départementale d’équipement des collèges

326 317 000

Dotation régionale d’équipement scolaire

661 186 000

Dotation globale de construction et d’équipement scolaire

2 686 000

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle

2 917 963 735

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale

451 253 970

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle

0

Dotation de compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale percevant la taxe d’habitation sur les logements vacants

4 000 000

Dotation de compensation liée au processus de départementalisation de Mayotte

107 000 000

Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires

6 822 000

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

284 278 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport

48 020 650

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité territoriale de Guyane

27 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit des régions au titre de la neutralisation financière de la réforme de l’apprentissage

122 559 085

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la Polynésie française

90 552 000

Total

41 246 740 001

Source : article 79 de la loi de finances pour 2020.

Toutefois, la crise sanitaire a conduit le législateur financier, au cours de l’exercice 2020, à instituer de nouveaux PSR pour soutenir les collectivités territoriales.

C’est la troisième loi de finances rectificative qui a porté un véritable plan de soutien aux collectivités territoriales dans le cadre de cette crise.

B.   Le plan de soutien aux collectivités face à la crise sanitaire a conduit à l’institution de plusieurs psr en 2020

La majoration de la dotation particulière élu local par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020

La deuxième loi de finances rectificative pour 2020 a augmenté le montant d’un PSR, sans lien direct avec la crise sanitaire.

Il s’agit de la dotation particulière élu local (DPEL). Elle s’élevait en 2019 à 65 millions d’euros. Le montant de cette dotation était stable depuis 2012.

La loi « Engagement et Proximité » du 27 décembre 2019 a revalorisé les indemnités des maires et des adjoints des communes de moins de 3 500 habitants.

Pour accompagner cette évolution, et conformément à l’annonce du Premier ministre en clôture du Congrès de l’association des maires de France le 19 novembre 2019, la loi de finances pour 2020 a augmenté de 28 millions d’euros la dotation particulière élu local (DPEL), portant son montant total à près de 93 millions d’euros.

Alors qu’un projet de décret prévoyait de limiter le bénéfice de cette majoration aux communes de moins de 500 habitants respectant une condition restrictive de potentiel financier, la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 a majoré de 8 millions d’euros supplémentaires la DPEL, ce qui a permis d’élargir le bénéfice de la majoration à l’ensemble des communes de moins de 500 habitants éligibles à la dotation.

La mission menée pour le Gouvernement par notre collègue Jean‑René Cazeneuve a estimé les pertes de recettes auxquelles ferait probablement face le bloc communal en 2020. La mission estimait :

– une perte de recettes de fonctionnement (fiscales et non fiscales) totale de – 1 829 millions d’euros pour les communes ;

– une perte de – 720 millions d’euros pour les EPCI.

– et une perte de – 537 millions d’euros pour les syndicats.

L’article 21 de la troisième loi de finances rectificative a prévu un mécanisme de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales des communes et intercommunalités, garantissant en 2020 à ces collectivités territoriales un niveau de ressources de référence fixé en référence à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019.

Cet article a également prévu un mécanisme de garantie similaire pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sous la forme de syndicats mixtes, afin de prendre en compte la perte anticipée de versement mobilité en 2020.

Estimations des pertes financiÈres
des AOM pour 2020

(en millions d’euros)

 

Versement mobilité

Recettes tarifaires

TICPE (1)

Total

AOM

– 780

– 490

– 1 270

IDFM

– 955

– 1 394

– 9

– 2 358

(1) IDFM bénéficie du produit de la majoration de la taxe intérieure de consommation sur les carburants vendus sur le territoire de la région Île-de-France (article 265 A ter du code des douanes) dans la limite de 100 millions d’euros.

Source : mission gouvernementale sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales, Rapport du rapporteur général Laurent Saint-Martin sur la troisième loi de finances rectificative.

L’évaluation préalable jointe au troisième projet de loi de finances rectificative estimait que l’État verserait, au titre de ce PSR, une compensation de 500 millions d’euros en 2020. Selon les informations alors transmises au Rapporteur général, la répartition inclurait 200 millions d’euros pour les communes (hors outre-mer), de 120 millions d’euros pour les communes d’outre-mer, de 80 millions d’euros pour les EPCI à fiscalité propre et de 45 millions d’euros pour les syndicats de transport.

Le projet de loi portait également dès son dépôt un PSR de compensation de recettes spécifiques des régions d’outre‑mer, estimé à 60 millions d’euros.

Le projet de loi déposé prévoyait ainsi une augmentation des PSR au profit des collectivités territoriales, par rapport à la loi de finances initiale, de 560 millions d’euros.

À l’initiative du Rapporteur général, la commission des finances a toutefois adopté un amendement qui a étendu le bénéfice de l’article 21 à ÎledeFrance Mobilités (IDFM), susceptible de perdre 955 millions d’euros de versement mobilité en 2020 selon l’évaluation de la mission gouvernementale.

L’amendement a ainsi prévu le versement à IDFM d’un acompte de 425 millions d’euros en 2020 pour compenser la perte de versement mobilité.

Selon les annonces du Gouvernement, le solde de la compensation en faveur d’IDFM au titre de l’année 2020 sera versé au plus tard en 2021, pour un montant total estimé entre 700 et 980 millions d’euros ([501]) .

S’agissant de l’article du PLFR 3 consacré aux garanties de ressources en faveur du bloc communal, la somme des amendements adoptés a conduit au total à majorer le montant du PSR de 493 millions d’euros, du fait de l’acompte versé à IDFM, et d’un ensemble d’autres amendements qui ont entraîné, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, une augmentation cumulée du montant évaluatif du prélèvement sur recettes de 68 millions d’euros.

L’évaluation du PSR porté par l’article 21 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 s’élève donc à 993 millions d’euros.

Par ailleurs, ont été créés durant les débats deux nouveaux PSR de compensation de recettes spécifiques à la collectivité de Corse d’une part (8 millions d’euros), et à certaines collectivités d’outre‑mer d’autre part (7 millions d’euros).

Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales ont donc été majorés de 508 millions d’euros, à l’issue de l’examen parlementaire, par rapport au projet de loi déposé par le Gouvernement.

L’article d’équilibre de la troisième loi de finances rectificative promulguée prévoit ainsi une hausse de 1 068 millions d’euros au total en 2020 des PSR au profit des collectivités.

PSR au bénéfice des collectivités institués pour l’année 2020 par la troisième loi de finances rectificative

(en millions d’euros)

PSR de compensation au bloc communal

Dont acompte IDFM 2020

993

425

PSR de compensation aux régions d’outre-mer

60

PSR de compensation à la Corse

8

PSR de compensation aux collectivités d’outre-mer

7

TOTAL

1 068

Source : commission des finances.

La compensation du bloc communal en 2020 s’élèverait donc à 993 – 425 = 568 millions deuros.

Ces PSR ne sont institués que pour l’année 2020. Toutefois, les objectifs qui ont présidé à leur création peuvent conduire à une répercussion dans les lignes de PSR pour 2021.

II.   Le dispositif proposé

A.   un MONTANT DES PSR AU PROFIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ÉVALUÉ À 43,2 milliards D’EUROS POUR 2021

En 2021, les PSR sont en hausse de deux milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 : 43,24 milliards d’euros, contre 41,24 milliards.

ÉVOLUTION DU MONTANT DES PSR

(en milliards d’euros)

2018

2019

2020

LFI 2020

LFR 3 2020

LFI 2021

40,35

40,58

40,90

41,24

42,308

43,24

Source : lois de finances initiales, troisième loi de finances rectificative pour 2020 et présent projet de loi de finances.

La DGF reste stable, hors effets de périmètre, conformément à l’engagement du Gouvernement. Les variables d’ajustement sont minorées à un niveau notablement bas, de seulement 50 millions d’euros en 2020. Le niveau nominal des allocations compensatrices baisse très fortement en 2021, de 2 138 millions d’euros. Comme le précise l’exposé des motifs du présent article, cette diminution résulte mécaniquement de la suppression de la TH mais est neutre budgétairement pour les recettes des collectivités ([502]).

La majoration votée en deuxième loi de finances rectificative pour 2020 pour la DPEL est reconduite en 2021.

Le PSR créé par l’article 4 du présent projet de loi de finances, pour compenser aux collectivités territoriales la réduction de 50 % des valeurs locatives des établissements industriels évalués selon la méthode comptable pour l’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et à la cotisation foncière des entreprises (CFE), contribue fortement à la hausse du montant total des PSR en 2021. Ce PSR s’élève en 2021 à 3,29 milliards d’euros. Il pourra connaître une certaine dynamique dans les années à venir, dès lors qu’il intègre la dynamique des bases dans le calcul de son montant annuel ([503]).

B.   La continuité du soutien exceptionnel de l’ÉTAT aux collectivitÉs par le mécanisme des PSR en 2021

L’évolution la plus remarquable des PSR en 2021 résulte toutefois des conséquences de la crise sanitaire.

Ainsi, le fonds de compensation pour la TVA, évalué à 6 milliards d’euros en 2020, progresse très fortement en 2021, de 546 millions d’euros. Le FCTVA était déjà en progression en 2020 (5 649 millions d’euros en 2019).

D’après l’exposé des motifs de l’article, cette hausse traduit le dynamisme de l’investissement local constaté sur le premier trimestre 2020 et les mesures de relances prévues pour soutenir les collectivités en 2020 et 2021.

L’ensemble du soutien aux recettes des collectivités locales, pour chaque catégorie de collectivités, devrait en effet permettre de préserver l’autofinancement des collectivités. Au moment du dépôt du présent projet de loi de finances, plusieurs dispositifs en ce sens sont soit adoptés, soit proposés au Parlement :

– le bloc communal bénéficie de la garantie publique de recettes fiscales et domaniales introduite en troisième loi de finances rectificative pour 2020, ainsi que d’un abondement extraordinaire de 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement sur la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), assorti en 2021 d’une ouverture de 100 millions d’euros en crédits de paiement ([504]) ;

– les départements peuvent demander des avances de droits de mutation à titre onéreux, jusqu’à un total de deux milliards d’euros en application de la même loi de finances rectificative ;

– les régions bénéficieront, en remplacement de la part régionale de CVAE, dont le produit serait fortement affecté en 2021, d’une fraction de TVA égale au montant de CVAE perçu en 2020, ce qui constitue une ressource garantie et dynamique pour les années à venir.

Les collectivités devraient donc être en mesure de participer pleinement à la relance de l’économie en investissant au niveau local, ce qui justifie ce renforcement du FCTVA en 2021.

Enfin, la hausse des PSR en 2020 a pour origine la répercussion et la suite des décaissements, en 2021, du PSR adopté en 2020 au profit du bloc communal et des AOM. Le présent article porte donc un PSR dénommé Soutien exceptionnel de lÉtat au profit des collectivités du bloc communal confrontées à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire, évalué à 430 millions d’euros.

D’après l’exposé des motifs de l’article, ce PSR financerait notamment le versement d’une provision de 180 millions d’euros pour IDFM en 2021. Ce PSR de 430 millions d’euros porterait donc 250 millions d’euros de garantie de recettes pour le bloc communal, versés en 2021 au titre de 2020, qui s’ajouteraient aux 568 millions engagés en troisième loi de finances rectificative pour 2020.

La compensation au bloc communal des pertes de recettes fiscales et domaniales en 2020, et des pertes de versement mobilité d’IDFM, s’établirait donc ainsi, à ce stade :

(en millions d’euros)

 

Bloc communal

IDFM

LFR 3 2020

568

425

PLF 2021

250

180

Total versé en 2020 et 2021

818

605

Source : commission des finances.

Toutefois, la quatrième loi de finances rectificative de fin de gestion de l’année 2020 pourrait apporter des compléments à ce bilan provisoire.

Passage du total des PSR de la LFI 2020 au PLF pour 2021

Source : commission des finances à partir du PLF pour 2021.

 

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF430, I-CF431 et I-CF432 de M. François Pupponi, ainsi que l’amendement ICF745 de M. Sébastien Jumel.

M. François Pupponi. Mes amendements visent à augmenter les ressources des collectivités locales, premières concernées par la lutte contre le séparatisme.

M. Fabien Roussel. Il ne faut pas passer à côté de l’amendement I-CF745 ! Inspiré par la fondation Emmaüs, il vise à augmenter de 10 millions d’euros la DGF, pour financer les dépenses induites par la domiciliation des personnes sans domicile, qui incombe aux CCAS et aux CIAS. Le droit à la domiciliation est un droit opposable depuis l’adoption de la loi DALO du 5 mars 2007 ; il a été renforcé par la loi ALUR du 24 mars 2014. Cet amendement coûte peu et compte beaucoup.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons débattu d’amendements identiques lors de l’examen de l’article 22, où ils auraient eu davantage leur place. Avis défavorable.

Mme Stella Dupont. Je me permets d’insister. Il faut soutenir les collectivités locales assurant la domiciliation des personnes sans domicile. Ces collectivités sont assez peu nombreuses et remplissent à leurs frais une mission d’intérêt général. Je voterai l’amendement.

M. Jean-Louis Bricout. Je ne comprends pas pourquoi cet amendement n’a pas été débattu dans le cadre de l’examen de l’article 22, car il est identique à celui que j’ai présenté. D’ailleurs, je n’ai pas obtenu la réponse précise que j’attendais.

La compensation des dépenses engagées par les communes au titre de la loi DALO est une obligation constitutionnelle. Monsieur le rapporteur général, comment comptez-vous procéder ? Comptez-vous prélever 10 millions d’euros sur l’enveloppe globale de la DGF ou l’augmenter d’autant ? Quoi qu’il en soit, il nous faut une réponse.

M. le président Éric Woerth. Monsieur Bricout, cet amendement n’a pas été abordé en discussion commune avec le vôtre car certains amendements, comme le vôtre, étaient placés à l’article 22, tandis que les amendements que nous examinons maintenant ont été placés par leurs auteurs à l’article 23.

La commission rejette successivement les amendements I-CF430, I-CF431, I-CF432 et I-CF745.

Puis elle examine l’amendement I-CF746 de M. Sébastien Jumel.

M. Fabien Roussel. Il s’agit d’un amendement d’appel visant à ouvrir le débat sur la politique de compensation des pertes exceptionnelles subies par nos communes en raison de la pandémie de coronavirus. Nous proposons de majorer les compensations des pertes de recettes des collectivités locales du bloc communal prévues en 2021, afin de ne pas alourdir la charge financière pesant sur nos communes. Nous considérons que leurs pertes financières n’ont pas été compensées par la troisième loi de finances rectificative pour 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous abordez là un point important. Par exemple, nous devrons probablement offrir des solutions financières aux départements, dans le cadre du quatrième PLFR pour 2020, plutôt que par le biais de la DGF.

Chaque collectivité doit dresser le bilan de ses besoins financiers, compte tenu de l’augmentation de ses dépenses provoquée par la crise. Ce travail est en cours – je parle sous le contrôle du président Cazeneuve. Je crois savoir que M. le Premier ministre a récemment reçu le président de l’Assemblée des départements de France ; je ne serais pas surpris d’apprendre que des discussions sont en cours. Il est normal que les dépenses engagées par les départements dans le champ social fassent l’objet d’une compensation.

J’indique à M. Bricout que je n’ai pas cherché à éviter le débat sur la compensation des dépenses des communes. L’article 22 porte spécifiquement sur la DGF, et l’article 23 sur les prélèvements opérés sur les recettes de l’État dans leur ensemble. Certains amendements peuvent donc être déposés deux fois ; ils n’en font pas moins l’objet d’une seule et même réponse.

La commission rejette l’amendement I-CF746.

Puis elle examine l’amendement I-CF1341 de M. Christophe Jerretie.

M. Christophe Jerretie. Nous proposons de substituer une suppression de la cotisation foncière des entreprises – CFE – à la diminution de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE.

Je rappelle que les compensations à la suppression de la taxe professionnelle, notamment la DCRTP et la DTCE, ont fini par être utilisées comme variables d’ajustement. Il ne faudrait pas que la réforme consistant à diminuer les impôts de production aboutisse à créer de nouvelles variables d’ajustement.

Toutefois, je retire l’amendement.

L’amendement I-CF1341 est retiré.

La commission adopte l’article 23 sans modification.

*

*     *

Après l’article 23

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF1088 de M. François Ruffin.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF202 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF171 de M. Fabrice Brun et I-CF623 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. Je reprends ici l’amendement que j’avais déposé dans le cadre de l’examen du troisième PLFR pour 2020. Il vise à uniformiser le remboursement de TVA aux collectivités par le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée – FCTVA. Il s’agit de généraliser le remboursement en année N+1, pour leur donner plus rapidement des capacités financières leur permettant de soutenir le plan de relance, en investissant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Un versement par anticipation a été effectué en 2009 ; son analyse par la Cour des comptes a démontré qu’il n’a pas favorisé l’investissement local. Pour ce faire, il faut prendre des mesures telles que celles adoptées dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020, notamment l’augmentation des moyens de la dotation de soutien à l’investissement local – DSIL –, en s’assurant que les communes sont bien informées de son renforcement et que les préfectures valident les projets. La hausse de 546 millions d’euros du montant du FCTVA favorise également l’investissement local.

Mme Christine Pires Beaune. Je soutiens les amendements. En 2009, le plan Sarkozy a eu des effets très positifs sur la relance de l’investissement. Au moment où l’investissement privé chute, il incombe à l’investissement public de prendre le relais.

En outre, l’amendement présente l’avantage d’harmoniser les règles en matière de remboursement de TVA, qui intervient, selon les collectivités, en l’année N, N+1 ou N+2. Une telle simplification est souhaitable. Pour l’État, c’est une question de trésorerie ; il n’en résulterait aucune dépense supplémentaire.

M. le président Éric Woerth. Nous avons présenté des amendements à ce sujet lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, mais ils n’ont pas été retenus.

Mme Émilie Bonnivard. Les amendements portent sur des ressources qui sont directement à la main des collectivités locales, auxquelles incombe la décision d’investissement. Il s’agit d’un outil favorisant l’autonomie de choix. Le problème de la DSIL, c’est que la décision est soumise à un arbitrage, dans le cadre d’une enveloppe fermée. Elle dépend du préfet ou du montant de l’enveloppe.

Par ailleurs, nous ne disposons d’aucune information sur la répartition territoriale du milliard d’euros supplémentaire alloué à la DSIL. Il faudra veiller à ce que les territoires soient bien irrigués par les aides à l’investissement des collectivités locales.

M. Fabrice Brun. Monsieur le rapporteur général, pouvons-nous obtenir la ventilation par département du milliard supplémentaire alloué à la DSIL ?

M. Daniel Labaronne. Il faudra veiller à faire en sorte que les territoires métropolitains n’absorbent pas le milliard d’investissement vert affecté à la DSIL au détriment des territoires ruraux.

M. Jean-René Cazeneuve. Ce n’est pas le sujet de l’article !

Mme Patricia Lemoine. Je me permets d’insister. Le remboursement de la TVA dès l’année N+1 est essentiel, notamment pour les petites communes. Je ne suis pas certaine que vous preniez la pleine mesure du bénéfice significatif qui en résulterait pour les collectivités, chers collègues. Je souscris aux propos tenus précédemment. Il faudra examiner attentivement cet amendement en séance publique.

M. le président Éric Woerth. Il a été repoussé à plusieurs reprises, madame Lemoine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis parfaitement d’accord avec Mme Pires Beaune sur la nécessité d’harmoniser le remboursement de TVA aux collectivités locales, car l’ensemble est assez illisible. En revanche, il a été démontré que les versements par anticipation ne suscitent aucune dynamique d’investissement spécifique. Il ne faut pas faire miroiter aux collectivités des perspectives inexistantes.

Madame Bonnivard, la DSIL est en effet soumise à une validation préfectorale, dans le cadre d’enveloppes fermées. Vous avez raison de soulever la question de la ventilation par département du milliard d’euros supplémentaire qui lui est alloué. Cette demande me semble tout à fait légitime. Nous la transmettrons au Gouvernement, en espérant obtenir une réponse avant l’examen du texte en séance publique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

La commission rejette successivement les amendements I-CF202, I-CF171 et ICF623.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement ICF172 de M. Fabrice Brun.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF275 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF367 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que l’amendement I-CF368 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF367 vise à ouvrir aux collectivités territoriales la possibilité d’utiliser le FCTVA pour financer la location longue durée de véhicules électriques ou hybrides. L’amendement de repli I-CF368 prévoit des dispositions identiques pour les années 2021 et 2022, afin de tenir compte du plan de relance, qui est nécessaire, et de soutenir les collectivités territoriales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les dépenses visées sont des dépenses de fonctionnement, qui ne sont pas éligibles au FCTVA. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF275 et I-CF367, ainsi que l’amendement I-CF368.

Puis elle examine l’amendement I-CF384 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Visiblement, depuis la fusion de la collectivité territoriale de Corse avec les deux départements préexistants, un problème de calcul de la fraction de TVA reversée à la collectivité unique se pose.

Mon amendement I-CF384 vise à y intégrer la part de DGF des deux départements. Nous débattons de ce sujet chaque année. Il faudra un jour le traiter sérieusement, afin de déterminer si le problème ne s’est pas posé dès le départ. En tout état de cause, la Collectivité de Corse considère qu’il y a eu un raté. J’aimerais savoir s’il est possible de vérifier ce qu’il en est.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous allons tâcher d’obtenir davantage d’informations à ce sujet, mais je ne vous promets rien, cher collègue. Il faut en discuter avec le ministre chargé des comptes publics.

M. François Pupponi. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

L’amendement I-CF384 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1364 et ICF1197 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve. Ces amendements portent sur les finances des départements, qui subiront l’an prochain un effet de ciseaux, en raison de l’augmentation significative de leurs dépenses sociales, notamment au titre du RSA, et de la diminution de leurs ressources, notamment de la CVAE et des droits de mutation à titre onéreux – DMTO.

L’amendement I-CF1197 vise à faire en sorte que l’État compense l’écart entre le montant perçu au titre de la péréquation horizontale par les départements en 2020 et celui perçu l’an prochain, dont il est prévisible qu’il diminuera. Les départements qui auront le plus besoin de financements seront pénalisés par la baisse mécanique des ressources perçues au titre de la péréquation, provoquée par la diminution des recettes subie cette année. L’idée est de maintenir l’an prochain à l’identique le niveau de solidarité entre départements.

L’amendement I-CF1364 vise à créer un mécanisme de compensation pour les départements qui souffriront le plus de l’effet de ciseaux provoqué par l’augmentation de leurs dépenses sociales et la diminution de leurs ressources. Il s’agit d’identifier, dans l’esprit de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, les départements qui souffriront le plus, et de faire en sorte que l’État leur apporte son soutien.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suggère le retrait de ces amendements, fussent-ils issus du rapport Cazeneuve !

Je rappelle que la loi de finances pour 2020 a créé un fonds de sauvegarde des départements, abondé en 2021 à hauteur de 250 millions d’euros par une fraction de TVA. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir un mécanisme de compensation.

S’agissant du bloc communal, sur lequel portent les amendements qui suivent, je rappelle que le présent projet de loi de finances prévoit d’abonder la DSIL à hauteur d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement, et d’augmenter le FCTVA de 546 millions d’euros.

Je suggère le retrait des amendements en vue de les présenter en séance publique, en présence du Gouvernement. Ce qui me pose problème, je l’ai indiqué tout à l’heure à M. Fabien Roussel, c’est que nous ignorons l’état des discussions entre le Gouvernement et les départements – tel n’est pas le cas s’agissant des régions, ce qui nous permet de bien piloter nos décisions.

Enfin, à propos du bloc communal, nous avons adopté plusieurs dispositions dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Le quatrième PLFR permettra de corriger certaines imprécisions, notamment au sujet des AOM. Il faudra assurer un bon maillage du territoire.

Les amendements I-CF1364 et I-CF1197 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF1441 de M. Jean-René Cazeneuve ainsi que les amendements identiques I-CF1065 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1146 de M. François Pupponi.

M. Jean-René Cazeneuve. À la lumière des propos de M. le rapporteur général, je me contenterai d’indiquer que l’amendement I-CF1441 vise à garantir les ressources du bloc communal pour l’an prochain. Certains établissements publics de coopération intercommunale – EPCI –, dont la métropole du Grand Paris, essuieront des pertes significatives. Il s’agit de reconduire pour 2021 la disposition adoptée pour cette année à l’unanimité dans l’hémicycle. Les collectivités concernées, en nombre inférieur, auront ainsi une garantie et une visibilité.

M. François Pupponi. Je partage le souhait de notre collègue Cazeneuve. Prenons l’exemple de la ville de Sarcelles, qui bénéficie en partie des recettes des deux aéroports situés à proximité. L’activité aéroportuaire s’est effondrée, ce qui a provoqué une perte de recettes significative spécifique à cette collectivité. L’idée est d’équilibrer les ressources.

S’agissant des départements, le drame des mineurs non accompagnés a montré comment l’absence de prise en charge, faute de moyens, peut entraîner des catastrophes. Il faut non seulement maintenir les moyens des départements, mais leur en fournir de supplémentaires, afin qu’ils puissent faire face à une telle demande et une telle surcharge de travail.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je préciserai, en vue de nos débats en séance publique, l’état de consommation de la DSIL en crédits de paiement. Nous avons ouvert des autorisations d’engagement, mais, cet été, les crédits de paiement correspondants étaient loin d’être consommés. Les enveloppes, c’est bien ; connaître l’état de la consommation des crédits, c’est mieux.

M. le président Éric Woerth. Les collectivités consomment leurs crédits au rythme d’avancement de leurs projets. Déclencher subitement une avalanche d’argent ne garantit pas la réussite.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les trois amendements en discussion prévoient la compensation intégrale des pertes fiscales subies par les départements en raison de la crise sanitaire, calculées sur la base des recettes de l’année 2019. Nous avons eu ce débat longuement lors de l’examen de l’article 5 du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Nous adopterons d’autres dispositions dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 en fonction des niveaux de compensation du bloc communal. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le rapporteur général, il serait souhaitable que nous obtenions, d’ici l’examen du texte en séance publique, le niveau de consommation des crédits à partir duquel les collectivités bénéficient du filet de sécurité prévu par le texte. J’ai entendu dire que peu d’entre elles satisfont aux critères d’éligibilité.

S’agissant des départements, je soutiens la proposition de Jean-René Cazeneuve. Je ne suis pas certaine que les critères retenus soient les bons. Certains départements perçoivent des DMTO élevés, d’autres non, alors même que leurs dépenses sociales – finançant par exemple l’allocation personnalisée d’autonomie – s’envolent.

L’amendement I-CF1441 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques I-CF1065 et I-CF1146.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement I-CF176 de M. Fabrice Brun.

 

 


—  1  —

B. ‑ Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 24
Mesures relatives à l'ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de faire participer les opérateurs de l’État et les organismes chargés de missions de service public bénéficiant de dispositifs de fiscalité affectée à l’objectif de maîtrise de la dépense publique dans la richesse nationale.

Ainsi, il fixe des plafonds à l’affectation d’impositions de toute nature aux organismes bénéficiaires, afin de garantir une adéquation entre le niveau de ces ressources et les missions de service public qui leur sont confiées. Les ressources fiscales excédant le plafond sont en règle générale reversées au budget général de l’État, selon un mécanisme dit d’écrêtement.

Le présent article, dont les alinéas I à IX sont applicables dès le 1er janvier 2021 (XI) permet :

– d’ajuster à la hausse ou à la baisse les plafonds individuels d’affectation de taxes prévus au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. À périmètre constant, la somme des augmentations de plafonds opérée par le présent article serait inférieure de 125,5 millions d’euros à la somme des diminutions de plafonds (A du I de l’article) ;

– d’intégrer dans le champ du plafonnement la part de la redevance pour pollutions diffuses affectée aux agences de l’eau (A et B du I) et les redevances payées par les entreprises pour le dépôt et le maintien de leurs titres de propriété intellectuelle reversées à l’Institut national de la propriété intellectuelle (A du I et V). Les plafonnements prévus s’établissent respectivement à 41 et 192,9 millions d’euros pour un total de 233,9 millions d’euros ;

– de tirer les conséquences de rebudgétisations ou de suppressions de taxes à faible rendement en supprimant leurs plafonds à hauteur de 443,2 millions d’euros (A du I) ;

– les réaffectations au budget général concernent : la fraction de la taxe sur les conventions d’assurance affectée à Action Logement Services (affectation de la taxe au budget général de l’État – II, IV, et VIII) et le prélèvement sur les contrats d’assurance au titre de la garantie « catastrophe naturelle » affecté au fonds de prévention des risques naturels majeurs (rebudgétisation du fonds ­ article 26 du présent projet de loi) ;

– les suppressions de plafonds résultants de suppression de taxes à faible rendement incluent : le droit de sécurité dû par les entreprises ferroviaires affecté à l’établissement public de sécurité ferroviaire – EPSF (article 21 de la loi de finances pour 2020) ; la taxe assise sur les fabricants et importateurs des produits de tabac bénéficiant à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES (article 16 du présent projet de loi) et la taxe sur les casinos embarqués finançant les organismes de secours et de sauvetage en mer (article 16 précité) ;

– de simplifier le circuit de financement du programme Ecophyto géré par l’Office national de la biodiversité (III, VI, et IX) ;

– de prélever 6 millions d’euros, au 30 juin 2021, sur la trésorerie du fonds de compensation des risques de l’assurance construction (X) ;

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission des finances a adopté 17 amendements identiques visant à supprimer l’alinéa 11 du présent article. Par conséquent, le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) affectée à CCI France serait maintenu à 349 millions d’euros en 2021, au lieu des 249 millions d’euros prévus par le présent article.

À l’initiative de Mme Cattelot, la commission a adopté deux amendements visant à déplafonner les taxes affectées au centre technique de l’industrie des papiers (CTP) et à l’Institut des corps gras (ITERG).

I.   L’État du droit

A.   La fiscalité affectée à des tiers, une dérogation aux principes d’unité et d’universalité budgétaires

La fiscalité affectée à des tiers a fait l’objet de plusieurs travaux récents et suscite un intérêt particulier depuis plusieurs années. Le lecteur pourra trouver des informations utiles sur cette pratique budgétaire dans les rapports du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2013 et de 2018 consacrés à ce sujet ([505]), dans le rapport d’information sur l’application des mesures fiscales (RALF) de juillet 2019 ([506]) et dans le rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de septembre 2019 ([507]). Les développements de ce commentaire relatifs à la situation existante de la fiscalité affectée à des tiers sont pour la plupart issus du RALF de juillet 2019.

 La fiscalité affectée à des tiers est une dérogation aux principes dunité et duniversalité budgétaires, lesquels trouvent leur traduction au niveau organique dans diverses dispositions de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([508]), en particulier son article 6.

Le principe dunité exige d’une part, que le budget de l’État soit retracé dans un document unique pour assurer que la présentation des recettes et des dépenses de l’État au Parlement soit claire et permettre ainsi son contrôle. Il exige, d’autre part, de la loi de finances qu’elle prévoie et autorise l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État.

Le principe duniversalité se décline en deux règles distinctes. En premier lieu, la règle de non-contraction interdit la compensation des dépenses en recettes dans la présentation budgétaire afin que ne soient pas dissimulées certaines charges, pour garantir la lisibilité et la sincérité du budget. En second lieu, la règle de nonaffectation exige que l’ensemble des recettes assure l’exécution de l’ensemble des dépenses. Elle interdit par conséquent qu’une recette déterminée soit affectée à une dépense déterminée. Il s’agit de permettre à l’autorité budgétaire de décider et de gérer les fonds publics dans une logique de solidarité et d’unité nationales.

Les taxes affectées constituent par leur nature même des dérogations à ces deux principes, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles ne respectent pas les règles juridiques qui traduisent ces principes en droit.

L’affectation de taxes s’oppose par construction à la règle de nonaffectation et donc à la logique du principe d’universalité et à l’esprit du principe d’unité. Il s’agit en effet d’octroyer des ressources à un organisme tiers, lui permettant de financer des dépenses qui ne sont pas retracées dans le budget de l’État. À l’inverse des dépenses inscrites au budget de l’État, les dépenses permises par l’affectation de recettes à des tiers ne sont pas autorisées par le Parlement ou alors ne le sont qu’indirectement. Ce dernier n’a pas non plus la possibilité de réorienter l’allocation des crédits au sein d’une même politique publique, comme il peut le faire lors de l’examen des missions budgétaires.

● Bien que l’affectation de taxes aille à l’encontre de ces principes, elle est possible dès lors qu’elle respecte plusieurs conditions organiques. Elle est d’ailleurs explicitement prévue par la LOLF, sous certaines réserves qu’elle définit et qui ont été précisées par le Conseil constitutionnel ([509]).

D’abord, les tiers affectataires d’impositions de toute nature doivent être des personnes morales et ne peuvent recevoir de telles impositions qu’à raison des missions de service public qui leur sont confiées ([510]).

Ensuite, lorsque la ressource qu’il est envisagé d’affecter à un tiers est une ressource de l’État, son affectation totale ou partielle ne peut être établie que par une loi de finances ([511]). En revanche, la création ex nihilo d’une taxe affectée à un tiers peut trouver sa place dans une loi ordinaire.

La loi de finances doit également autoriser chaque année la perception des taxes affectées. Il ne s’agit pas d’une obligation applicable à chaque taxe affectée, mais d’une autorisation générale de perception pour l’ensemble des taxes affectées, traditionnellement opérée par l’article 1er de la loi de finances ([512]).

Enfin, la liste et l’évaluation par bénéficiaire de toutes les taxes affectées à des tiers doit figurer en annexe du PLF ([513]). Elle est présentée dans le tome I de l’annexe appelée « Voies et moyens ».

B.   Le niveau ÉlevÉ de la fiscalitÉ affectÉE

1.   La croissance des recettes affectées à des tiers

L’accroissement du nombre de taxes et du montant des recettes affectées à des tiers est un phénomène marquant dans la période récente. En 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) constatait le « développement intense » ([514]) de la fiscalité affectée, remarquant que le montant des recettes affectées, hormis celles affectées aux collectivités territoriales et aux organismes de sécurité sociale, avait crû de 25 % entre 2007 et 2012, un taux deux fois supérieur au taux d’évolution des crédits budgétaires alloués à l’ensemble des opérateurs sur la même période (+ 13 %).

Plusieurs causes peuvent expliquer l’accroissement du nombre des taxes affectées. L’affectation de taxes a permis de faciliter le respect des objectifs relatifs à lévolution des normes de dépense tout en permettant une évolution dynamique de la dépense de certains opérateurs à une époque où les taxes affectées plafonnées n’étaient pas incluses dans le champ de ces normes ([515]). Elle a également l’avantage, pour les affectataires, de sanctuariser en gestion le montant de la recette affectée, l’application de la régulation budgétaire sur cette ressource n’étant, par construction, pas applicable.

La fiscalité affectée a enfin pu apparaître comme un moyen de favoriser lacceptabilité de limpôt en permettant au contribuable d’identifier avec précision les politiques publiques financées par les prélèvements dont il s’acquitte.

Dans un nouveau rapport, publié en 2018 ([516]), le CPO souligne toutefois le ralentissement de la croissance des recettes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale depuis plusieurs années, sous l’effet en particulier des mesures prises pour encadrer cette progression (voir infra). Il constate qu’elles n’ont progressé que de 4,1 % entre 2011 et 2017, au lieu de 13,8 % pour l’ensemble des prélèvements obligatoires.

2.   Le niveau élevé des recettes de la fiscalité affectée et du nombre de taxes affectées

● Les produits fiscaux affectés à des tiers s’élèveraient à 330 milliards d’euros en 2020. À titre de comparaison, les recettes fiscales nettes de l’État ont représenté 281 milliards d’euros en 2019 ([517]).

Montant des taxes affectées selon les secteurs

(en millions d’euros)

 

Exécution

2013

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution

2017

Exécution

2018

Prévision

2019

Prévision

2020

Évolution 2013/2020

Secteur social

152 945

156 794

171 362

173 767

178 515

193 667

223 968

236 338

+ 55%

Secteur local

54 504

55 649

56 144

58 859

60 853

63 698

63 282

62 544

+ 15%

ODAC et divers

35 287

38 105

34 667

24 943

28 193

26 797

27 739

26 075

 – 26%

Total

242 736

250 548

262 173

257 569

267 561

284 162

314 989

324 956

+ 34%

Source : données transmises par le Gouvernement.

Les taxes affectées au secteur social représenteraient désormais 73 % du total de la fiscalité affectée. Elles ont progressé de près de 55 % entre 2013 et 2020. Cette croissance résulte :

– de l’augmentation de 1,7 point du taux de certains segments de la contribution sociale généralisée (CSG) opérée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([518]) ;

– de la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019 et de son remplacement par des exonérations de cotisations de sécurité sociale pour les employeurs par les lois de finances ([519]) et de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([520]).


Répartition des taxes affectées selon les secteurs en 2020

 

Source : Données transmises par le Gouvernement.

 

● Les termes « fiscalité affectée » évoquent bien souvent la seule fiscalité affectée à des tiers autres que les collectivités territoriales, leurs groupements et les organismes de sécurité sociale. Le niveau du produit des taxes affectées à ces « tiers autres » s’élèverait à 26,1 milliards d’euros en 2019, un niveau inférieur de plus de 26 % à celui de 2013. Le tableau ci-dessous présente le produit de ces taxes ventilé par type d’affectataires.

Produit de la fiscalitÉ affectÉe À des tiers n’appartenant
ni au secteur social ni au secteur local

(en millions d’euros)

Affectataire

Exécution

2013

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution

2017

Exécution

2018

Prévision

2019

Prévision

2020

Évolution 2013/2020

ODAC

Opérateurs de l’État

5 251

5 144

6 609

4 893

5 581

7 053

7 834

12 655

+ 141 %

Autres

10 365

12 945

6 301

8 189

9 217

6 166

6 127

6 173

– 40 %

Sous-total (1)

15 616

18 089

12 910

13 082

14 798

13 219

13 961

18 828

+ 21 %

Divers

Secteur de l’emploi et de la formation professionnelle

10 592

10 236

10 862

7 493

9 495

9 661

9 985

3 267

– 69 %

Secteur de l’industrie, de la recherche, du commerce et de l’artisanat

574

6 248

578

554

205

149

140

149

– 74 %

Secteur de l’équipement, du logement, des transports et de l’urbanisme

3 083

3 270

3 267

3 285

3 357

3 448

3 421

3 644

+ 18 %

Secteur agricole

17

20

5

-

-

-

-

-

– 100 %

Secteur de l’environnement

5 354

197

6 866

209

3

168

168

168

– 97 %

Logement et construction

-

-

133

133

116

-

-

-

-

Autres

51

45

46

187

219

151

64

20

– 61 %

Sous-total (2)

19 671

20 016

21 757

11 861

13 395

13 577

13 779

7 247

– 63 %

Total (1 + 2)

35 287

38 105

34 667

24 943

28 193

26 797

27 739

26 075

– 26 %

Source : Données transmises par le Gouvernement.

La fiscalité affectée fait désormais l’objet d’un encadrement, qui s’est renforcé au cours des années récentes.

C.   L’encadrement progressif de la fiscalité affectée

1.   Le plafonnement de taxes affectées à compter de 2012

Compte tenu de la dynamique de la fiscalité affectée, il est apparu nécessaire d’encadrer son évolution à double titre :

– pour faire participer les bénéficiaires de ces ressources à l’effort de maîtrise de la dépense publique ;

– et prévoir un niveau de leur financement cohérent avec leurs missions de service public.

Ainsi, l’article 46 de la loi de finances pour 2012 a introduit un plafonnement de certaines taxes affectées à des opérateurs de l’État ou à des organismes chargés d’une mission de service public ([521]). Ce dispositif d’encadrement budgétaire vise à :

− renforcer le suivi et le contrôle par le Parlement des ressources fiscales affectées aux opérateurs, conformément aux principes budgétaires d’annualité (autorisation annuelle du Parlement) et d’universalité (interdiction d’affecter une ressource à un tiers), qui sont les garants du contrôle parlementaire sur l’emploi des ressources de l’État ;

− ajuster les ressources des opérateurs aux besoins qui leur sont nécessaires pour assurer leurs missions de service public ;

− maîtriser le niveau de la dépense de certains opérateurs de l’État par la régulation de leurs ressources affectées, de manière à les inciter à dépenser moins et assurer ainsi leur contribution à l’effort de redressement des comptes publics.

Le fonctionnement de ce plafonnement permanent repose sur les dispositions suivantes :

− les affectations de ressources sont autorisées dans la limite d’un plafond soumis annuellement au Parlement. Au-delà de ce plafond, les ressources sont écrêtées au profit du budget général de l’État ;

− les plafonds et leur niveau en milliers d’euros sont mentionnés par ressource affectée, avec mention de la personne affectataire, l’ensemble dans un tableau unique, prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

2.   L’élargissement progressif du périmètre du plafonnement

En 2012, le législateur a prévu trois types d’exemptions au plafonnement des taxes affectées :

− fondées sur la nature du destinataire de la taxe. Par principe, ont ainsi été exclues du plafonnement toutes les taxes affectées aux administrations de sécurité sociale, aux collectivités territoriales et à leurs établissements et aux organismes paritaires ou assimilés ;

− fondées sur la nature de la taxe. Ont été exclues les affectations correspondant à des redevances pour service rendu ou appliquant une logique de péréquation au sein d’un secteur économique ;

− et des organismes pour lesquels la taxe affectée s’accompagne déjà d’un mécanisme indirect de plafonnement, via une subvention d’équilibre portée par le budget général.

S’appliquant initialement à 46 taxes, le plafonnement des produits affectés a progressivement été étendu. Il concerne 79 taxes en 2020, pour un produit affecté prévisionnel de 18,8 milliards d’euros et un montant reversé au budget général de l’État de presque 2,2 milliards d’euros.

Évolution du nombre et du montant des taxes affectÉes plafonnÉes

Année

Nombre de taxes plafonnées*

Produit global des taxes plafonnées**

(en millions deuros)

Montant de lécrêtement au profit du budget général de lÉtat

(en millions deuros)

2012

46

3 013

136

2013

57

5 206

218

2014

59

5 573

296

2015

80

7 914

391

2016

85

9 228

452

2017

89

9 972

621

2018

91

9 080

933

2019

102

9 463

986

2020

78

19 626

2 344

2021

74

18 814

2 184

* Par convention, le nombre de taxes plafonnées est égal au nombre de lignes figurant à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

** Par convention, le produit global des taxes plafonnées est égal à la somme des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

Source : données transmises au Rapporteur général par le Gouvernement.

Entre 2019 et 2020, la somme totale des plafonds au sens de l’article 46 de la LFI pour 2012 a augmenté de 10,1 milliards d’euros. Cette évolution s’explique notamment par le plafonnement des ressources affectées à France compétences (+ 9,5 milliards d’euros), et également par la hausse ou la baisse du plafond de 15 taxes (+ 0,5 milliard d’euros), l’affectation à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) d’une fraction de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (+ 0,2 milliard d’euros) et le déplafonnement de plusieurs taxes (– 0,1 milliard d’euros).

3.   Un renforcement de l’encadrement des taxes affectées plafonnées en loi de programmation des finances publiques

a.   L’intégration des taxes affectées plafonnées dans les normes de dépenses de l’État

Le développement des taxes affectées résulte en grande partie d’une démarche de contournement des normes budgétaires, mises en place à partir de 2004. Celles-ci visaient à maîtriser l’évolution de la dépense et ont ainsi introduit une différence de traitement entre les opérateurs financés par subventions de charges de service public – c’est-à-dire par crédits budgétaires (sous norme) – et ceux financés par taxes affectées (hors norme).

Selon le CPO ([522]), ce cadre budgétaire nouveau a introduit un « biais important puisque lÉtat était incité à financer par taxes affectées des dépenses nouvelles, sans effet visible sur la norme de dépenses ».

La loi de finances pour 2008 a amoindri cette différence de contrainte en incluant les nouvelles affectations de taxes sous la norme de dépenses dite « zéro valeur » ([523]), visant à une stabilisation en valeur de la dépense. Depuis 2012, l’ensemble des taxes affectées plafonnées sont incluses dans le périmètre de la norme de dépenses « zéro valeur », que celles-ci soient nouvelles ou existantes ([524]).

Cela a eu pour effet de supprimer toute différence de traitement entre un financement par crédits budgétaires et un financement par ressources affectées plafonnées du point de vue des normes de dépenses. Ce principe a été confirmé par toutes les lois de programmation des finances publiques ultérieures ([525]).

b.   Les conditions de recours aux taxes affectées et le principe de leur plafonnement sont désormais posés

La loi de programmation des finances publiques de 2014 ([526]) a soumis le recours à la fiscalité affectée au respect de l’un des trois critères, qui ont été repris par la loi de programmation des finances publiques de 2018 ([527]) :

– la ressource « résulte d’un service rendu par laffectataire à un usager et son montant doit pouvoir sapprécier sur des bases objectives » (« quasi-redevance ») ;

– elle « finance, au sein dun secteur dactivité ou dune profession, des actions dintérêt commun » (« prélèvement sectoriel ») ;

– elle « finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières » (« contribution assurantielle »).

Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques de 2014 a posé, à compter du 1er janvier 2016, le principe général de plafonnement des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale. Ce principe général de plafonnement a été repris à l’article 18 de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Les affectations de fiscalité dérogeant à ce principe doivent être justifiées au sein du tome I de l’annexe au projet de loi de finances Évaluations des voies et moyens. Le Rapporteur général constate avec regret que cette disposition n’est pas appliquée. Ainsi, d’après des données fournies par le Gouvernement, 91 des 163 des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale ne sont pas plafonnées.

Les deux principes d’encadrement des taxes affectées (intégration dans la norme de dépenses et plafonnement) apparaissent désormais comme fondamentaux.

c.   La loi de programmation des finances publiques de 2018 a abandonné des mesures d’encadrement qui n’étaient pas appliquées, et a instauré une nouvelle règle

Les lois de programmation des finances publiques de 2012 et de 2014 avaient également fixé des trajectoires de réduction annuelle du produit des affectations de taxes sous plafond ([528]). Toutefois, cette trajectoire n’a pas toujours été respectée en loi de finances.

différence entre l’objectif et la réduction annuelle
des plafonds des taxes affectées

(en millions d’euros courants)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Objectif de réduction annuelle

– 191

– 265

– 283

– 135

– 86

Réduction effective annuelle

– 190

– 211

– 280

+ 70

+ 393

Source : Gouvernement.

Ainsi, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n’a pas prévu d’objectif de réduction annuelle de la somme des plafonds des taxes affectées. Cela a traduit la volonté du Gouvernement de piloter les plafonds plus en fonction de leur adéquation avec les missions de service public dévolues aux organismes bénéficiaires qu’en termes de recettes supplémentaires à reverser au budget général de l’État.

En outre, la loi de programmation des finances publiques de 2014 avait prévu deux autres mesures d’encadrement des taxes affectées :

– une règle d’affectation ou de réaffectation au budget général de l’État des taxes affectées qui n’auraient pas fait l’objet d’un plafonnement à compter du 1er janvier 2017 ;

– et une règle de substitution, prévoyant que toute nouvelle affectation doit s’accompagner, dans le champ ministériel concerné, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions affectées d’un rendement équivalent.

Compte tenu de la non-application de ces deux règles, la loi de programmation des finances publiques de 2018 les a abandonnées.

Toutefois, elle a instauré un nouveau principe selon lequel le plafond arrêté en loi de finances initiale ne saurait être supérieur de plus de 5 % au rendement attendu de la taxe. Il s’agit de permettre au Parlement d’appréhender réellement, à travers le niveau du plafond, les ressources affectées dont bénéficie l’opérateur. Il s’agit également de lier étroitement les niveaux de plafonds et de ressources affectées, afin de garantir que les diminutions de plafonds correspondent à une baisse effective de dépenses.

Au total, le CPO ([529]) a relevé en 2018 que les mesures dencadrement ont eu un effet positif sur la dynamique des dépenses. Ainsi, les dépenses des opérateurs de l’État affectataires de taxes sont devenues moins dynamiques que celles des opérateurs non affectataires entre 2012 et 2017, à l’exception des dépenses de fonctionnement.

Évolution des dÉpenses des opÉrateurs de l’État
selon leur source de financement

 

Opérateurs affectataires

Opérateurs

non-affectataires

Dépenses de personnel

+ 2 %

+ 6 %

Dépenses d'intervention

– 27 %

– 6 %

Dépenses d'investissement

– 46 %

+ 186 %

Dépenses de fonctionnement

+ 24 %

+ 19 %

Source : CPO, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

En outre, le CPO souligne que les charges et les produits des opérateurs affectataires de taxes avec un plafond dit « mordant » (engendrant un reversement du produit de la taxe au budget général de l’État) ont diminué sur la période 2012‑2017 (– 23,3 % et – 26,3 %), tandis qu’ils ont progressé pour les opérateurs dont le plafond n’était pas mordant (+ 21,0 % et + 1,5 %) ([530]).

II.   Le droit proposÉ

A.   Une diminution nette du niveau global de plafonnement des taxes affectées de 125,5 millions d’euros à périmètre constant

1.   Des baisses de plafonds à hauteur de 299,9 millions d’euros

Le présent article propose d’abaisser les plafonds des produits affectés de quinze organismes au titre de 2020, pour une diminution totale de 299,9 millions deuros après neutralisation des mesures de périmètre ([531]).

Les Baisses de plafonds

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2020

Plafond proposé 2021

Baisse

II de l'article 1600 du code général des impôts

Chambres de commerce et d’industrie

349 000

249 000

– 100 000

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier de Lorraine

19 500

14 605

– 4 895

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes

30 430

24 015

– 6 415

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d'Azur

54 880

42 240

– 12 640

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier d’Île-de-France

192 308

147 616

– 44 692

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine

35 000

26 531

– 8 469

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier d'Occitanie

28 340

25 875

– 2 465

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier de Bretagne

17 300

12 371

– 4 929

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier de Vendée

7 400

3 772

– 3 628

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais

51 990

35 693

– 16 297

Article 1609 B du code général des impôts

Établissement public foncier et d’aménagement de Guyane

4 000

3 975

– 25

Article 1609 B du code général des impôts

Établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte

1 000

732

– 268

1° du A du XI de l'article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Fonds national d’aide au logement

116 100

69 100

– 47 000

Article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

62 500

61 300

– 1 200

Article 1609 G du code général des impôts

SGP

117 000

70 000

– 47 000

Total

1 086 748

786 825

– 299 923

Source : commission des finances.

a.   La baisse du plafond des chambres de commerce et de l’industrie (CCI)

Un nouveau cadre de financement des chambres de commerce et d’industrie (CCI) a été fixé par les lois du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite « loi Pacte » ([532]) et du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (article 59) ([533]) :

– CCI France est devenu l’affectataire de la taxe pour frais de chambres (TCCI). Celle-ci est constituée de deux contributions : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA–CFE), prévue par le II de l’article 1600 du code général des impôts (CGI) et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA–CVAE), prévue par le III du même article ;

– le taux de TA–CVAE sera fixé à compter de 2020 à 1,73 % – soit le même niveau que le taux de 2019 – au lieu d’un taux variable en fonction de l’évolution du plafond d’affectation de cette taxe additionnelle ;

– Il est prévu une convergence des taux régionaux de TA-CFE vers un taux national unique de 0,8 % d’ici 2023. Cette réforme doit entraîner une réduction de 400 millions d’euros du produit de cette taxe.

Il résulte de ces réformes une trajectoire de baisse pluriannuelle du plafond des taxes affectées au CCI de 400 millions d’euros en quatre ans de 2019 à 2022. Cette trajectoire avait été annoncée et enclenchée en loi de finances initiale pour 2019. L’objectif de la diminution des ressources affectées au réseau des CCI est non seulement de contribuer à la transformation de leur modèle et à la rationalisation de leurs moyens, mais également de permettre de diminuer les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises. Cette dernière réforme conduira à abaisser progressivement le plafond de la TA-CFE affecté à CCI France. Pour rappel, ce plafond était de 340 millions d’euros en 2020, tandis que celui de la TA-CVAE s’établissait à 226,117 millions d’euros.

En raison de la crise actuelle, une initiative de la commission des finances de l’Assemblée nationale ([534]) – prise à l’occasion de l’examen en première lecture de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ([535]) – a autorisé un relèvement dérogatoire de 100 millions d’euros du plafond de la TA–CFE en 2020. Cette hausse temporaire a été justifiée par l’appui exceptionnel que devaient assurer les CCI aux entreprises dont la situation économique était fragilisée.

Évolution des plafonds de taxes affectées aux CCI

(en milliers d’euros)

Ressource affectée

2015

2016

2017

2018

2019

2020

LFR 3 2020

PLF 2021

TA-CFE

549 000

549 000

549 000

549 000

449 000

349 000

449 000

249 000

TA-CVAE

506 117

376 117

376 117

226 117

226 117

226 117

226 117

226 117

Total

1 055 117

925 117

925 117

775 117

675 117

575 117

675 117

475 117

Source : article 46 de la loi de finances pour 2012.

Le A du I du présent article propose de poursuivre la mise en œuvre de la trajectoire de baisse du plafond de la TA–CFE qui devrait s’achever en 2022. Le plafond de 2021 devrait donc s’établir à 249 millions d’euros, soit un niveau inférieur de 100 millions d’euros à celui de 2020, hors relèvement dérogatoire adopté en LFR 3 pour 2020. La baisse est de 300 millions d’euros par rapport au niveau de 2018.

b.   La baisse du plafond de certains établissements publics fonciers

Les établissements publics fonciers mettent en place des stratégies foncières pour mobiliser le foncier, favoriser le développement durable et la lutte contre l’étalement urbain. Ils perçoivent à cette fin des taxes spéciales d’équipement dans la limite des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 précitée.

Le A du I du présent article procède à un ajustement du niveau des plafonds en fonction des besoins financiers estimés des établissements. Au total, les ajustements opérés conduisent à une baisse nette de 104,315 millions d’euros des ressources affectées à ces établissements.

L’établissement public foncier de Normandie connaît toutefois une augmentation du plafond des ressources qui lui est affectée.

Plafonds des taxes affectées aux Établissements publics fonciers

(en milliers d’euros)

Taxe

Établissement public foncier

Plafond

2020

Plafond proposé pour 2021

Évolution

2020/2021

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Lorraine

19 500

14 605

– 4 895

Normandie

11 750

12 158

+ 0,408

Ouest Rhône-Alpes

30 430

24 015

– 6 415

Provence-Alpes-Côte d’Azur

54 880

42 240

– 12 640

Ile-de-France

192 308

147 616

– 44 692

Nouvelle-Aquitaine

35 000

26 531

– 8 469

Occitanie

28 340

25 875

– 2 465

Bretagne

17 300

12 371

– 4 929

Vendée

7 400

3 772

– 3 628

Nord-Pas-de-Calais

51 990

35 693

– 16 297

Article 1609 B du code général des impôts

Guyane

4 000

3 975

– 25

Mayotte

1 000

732

– 268

Total

453 898

349 583

 104 315

Source : présent article.

c.   La baisse du plafond du Fonds national d’aide au logement (FNAL)

Aux termes du 1° du A du XI de l'article 36 de la loi de finances pour 2017 ([536]), le Fonds national d’aide au logement (FNAL) perçoit une partie, plafonnée à 116,1 millions d’euros, du produit de la taxe sur les locaux à usages de bureaux en Île-de-France. Prévue par l’article 231 ter du code général des impôts, cette taxe dite « taxe sur les bureaux », est également perçue par la Société du Grand Paris (SGP) et la région Île-de-France.

Le présent article propose de minorer pour le FNAL le plafond de cette ressource de 47 millions d’euros pour qu’il s’établisse à 69,1 millions d’euros.

Cette baisse permet d’augmenter la part de la taxe sur les bureaux affectée à la SGP (cf. II.A.2.f du présent article) afin de compenser la diminution des ressources de la société. En effet, en raison de la réforme de la taxe d’habitation, le rendement de la taxe spéciale d’équipement finançant la SGP diminue. L’analyse préalable du présent article prévoit une compensation en faveur du FNAL par des crédits du programme 109 Aide à l’accès au logement de la mission Cohésion des territoires.

RÉsumÉ des Mouvements de plafonds rÉsultants de la baisse de la taxe spÉciale d’Équipement

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2020

Plafond proposé 2021

Écart 2020-2021

Justification

Article 1609 G du code général des impôts

Société du Grand Paris

117 000

70 000

– 47 000

Baisse constatée de la taxe spéciale d’équipement du fait de la réforme de la taxe d'habitation

2° du A du XI de l'article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Société du Grand Paris

544 000

591 000

+ 47 000

Compensation par une hausse de la part affectée de taxe sur les bureaux

1° du A du XI de l'article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Fonds national d'aide au logement

116 100

69 100

– 47 000

Baisse à due concurrence de la part affectée de la taxe sur les bureaux compensée par des crédits du programme 109

Source : présent article et commission des finances de l’Assemblée nationale.

d.   La baisse du plafond de l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

L’institut de radioprotection et de sureté nucléaire est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) auquel sont confiées des missions d’expertise, de recherche, de surveillance et de formation dans le domaine de la sûreté nucléaire ([537]).

À ce titre, il perçoit une contribution due par les exploitants des installations nucléaires de base, plafonnée à 62,5 millions d’euros et prévue par l’article 96 de la loi de finances rectificative pour 2010 ([538]). Cette contribution dépend du nombre d’installations nucléaires. En conséquence, la fermeture de tout ou partie d’une installation nucléaire de base, couverte par l’assiette de cette contribution, entraîne une révision à la baisse de son rendement.

C’est pour cette raison qu’il est proposé par le présent article que le plafond d’affectation de cette taxe diminue de 1,2 million d’euros pour s’établir à 61,3 millions d’euros. Le Gouvernement n’a pas fourni le détail des fermetures qui justifiaient cette baisse.

e.   La baisse du plafond de la Société du Grand Paris (SGP)

L’article 1609 G du code général des impôts a prévu une taxe spéciale d’équipement destinée à financer l’établissement public Société du Grand Paris créé par l'article 7 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

Plafonnée à 117 millions d’euros, cette taxe est, en partie, proportionnelle au produit de la taxe d’habitation perçu dans la région Île-de-France. En raison de la réforme de la taxe d’habitation, le produit de cette taxe serait en diminution de 47 millions d’euros en 2021, selon l’analyse préalable de l’article.

L’article propose donc de diminuer d’autant le plafond de la taxe spéciale d’équipement affectée à la Société du Grand Paris. Celui-ci s’établirait en 2021 à 70 millions d’euros. Cette baisse est compensée par une hausse de la fraction de la taxe sur les bureaux affectée à la SGP (cf. II.A.2.f. du présent commentaire d’article).

2.   Les hausses de plafonds atteignent 174,4 millions d’euros

Le Gouvernement propose d’élever les plafonds d’affectation de huit organismes affectataires pour une augmentation totale de 174,4 millions deuros à périmètre constant ([539]).

Les Hausses de plafonD de taxes affectées
(hors hausses exceptionnelles pour 2020)

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2020

Plafond proposé 2021

Hausse

Article 302 bis ZB du code général des impôts

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

557 300

566 667

+ 9 367

III de l'article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

AFITF

1 210 000

1 285 000

+ 75 000

Articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier

Autorité des marchés financiers (AMF)

99 000

101 500

+ 2 500

Article 59 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l’accès à la pratique sportive

40 000

64 100

+ 24 100

Article L. 841-5 du code de l'éducation

Établissements mentionnés au I de l’article L. 841-5 du code de l’éducation

140 000

150 000

+ 10 000

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l'urbanisme

Établissement public foncier de Normandie

11 750

12 158

+ 408

2° du A du XI de l'article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Société du Grand Paris (SGP)

544 000

591 000

+ 47 000

Article 1599 quater C du code général des impôts

SGP

10 000

16 000

+ 6 000

Total

 

2 612 050

2 786 425

+ 174 375

Source : commission des finances.

a.   La poursuite de l’augmentation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

● L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un établissement public à caractère administratif chargé du financement de grands projets d’infrastructures de transport ([540]). L’agence perçoit trois taxes affectées (cf. infra) ainsi que d’autres ressources à savoir : une redevance domaniale versée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, une partie du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national et une contribution volontaire des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Les ressources affectées à l’AFITF sont nécessaires à la mise en œuvre de l’ambitieux programme d’investissement dans les transports prévus par la loi LOM et au financement du projet Canal Seine-Nord Europe. À noter que, pour faire face à la baisse du rendement des taxes induites par la crise sanitaire en 2020, l’AFITF a bénéficié d’un versement budgétaire exceptionnel de 250 millions d’euros en loi de finances rectificative (3) pour 2020 ([541]).

Dépenses totales de l’AFITF selon la Loi d’orientation des mobilitÉs

(en millions d’euros courants)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses totales

2 683

2 982

2 687

2 580

2 780

Source : article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

● Le présent article procède à l’augmentation de deux des trois ressources affectées à l’AFITF pour 2021.

D’une part, il augmente le plafond de l’affectation à l’AFITF de la taxe due par les concessionnaires dautoroutes ([542]), dite taxe d’aménagement du territoire (TAT), de 9,4 millions deuros (+ 1,7 %).

D’autre part, le plafond de la part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’agence ([543]) connaîtrait une croissance 75 millions deuros (+ 6,2 %).

Enfin, la fraction de la taxe de solidarité sur les billets davion, affectée à l’agence en 2020 ([544]) reste stable.

Au total, l’AFITF bénéficierait d’une augmentation de 84,4 millions deuros du plafond de ses ressources affectées qui s’établiraient à 2,1 milliards deuros.

Évolution des Plafonds des ressources affectÉes à l’AFITF depuis 2017

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Plafond 2017

Plafond 2018

Plafond 2019

Plafond 2020

Plafond proposé 2021

Écart 2020/21

Évolution 2017/21 (en %)

Taxe sur les billets d’avion
VI de l'article 302 bis K du code général des impôts

 

 

 

230 000

230 000

 -

+ 100%

Taxe d’aménagement du territoire
Article 302 bis ZB du code général des impôts

571 000

476 800

528 300

557 300

566 667

+ 9 367

 – 1%

Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques
III de l'article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

735 000

1 028 164

1 205 815

1 210 000

1 285 000

+ 75 000

+ 75%

Total

1 306 000

1 504 964

1 734 115

1 997 300

2 081 667

+ 84 367

+ 59%

Source : commission des finances.

b.   La poursuite de l’augmentation du plafond de l’agence des marchés financiers (AMF)

L’Autorité des marchés financiers (AMF) assure une mission de régulation des marchés financiers, ainsi que des acteurs et produits financiers. Elle perçoit le produit des droits et contributions versés par les acteurs soumis à son contrôle et prévus aux articles L. 621‑5‑3 et L. 621‑5‑4 du code des marchés financiers dans la limite du plafond fixé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, soit 99 millions d’euros en 2020.

Le présent article propose d’établir à 101,5 millions deuros le plafond de ces droits et contributions pour 2021 (+ 2,5 millions d’euros). Il s’agit de permettre à l’AMF de :

– se doter des moyens techniques et humains pour faire face à des exigences accrues en matière de lutte contre le blanchiment et de cyber-sécurité, et de traiter des sujets émergents liés à la finance durable et digitale ;

– jouer pleinement son rôle dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cela passe par une contribution plus importante à l’autorité européenne des marchés financiers (ESMA), versée par l’AMF, et une supervision et un accompagnement accrus des acteurs qui choisissent de s’implanter ou de renforcer leurs activités en France. Les autorités de régulation des marchés financiers en Allemagne et en Italie ont bénéficié, dans ce contexte, d’une augmentation significative de leurs moyens.

Dans cette perspective, la trajectoire du plafond de l’AMF connaît une augmentation régulière de 2,5 millions d’euros par an depuis 2018.

Évolution du plafond des ressources affectÉes À l’AMF depuis 2017

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Plafond 2017

Plafond 2018

Plafond 2019

Plafond 2020

Plafond proposé 2021

Écart 2020/21

Évolution 2017/21

Articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier

94 000

94 000

96 500

99 000

101 500

+ 2 500

+ 8%

Source : commission des finances.

c.   La hausse du plafond de l’agence nationale du sport (ANS)

L’agence nationale du sport (ANS), créée en avril 2019 pour assurer le financement des fédérations sportives, développer les pratiques sportives de tous et renforcer le sport de haut niveau, bénéficie de deux types de ressources. Elle est financée, d’une part, par des crédits budgétaires en provenance du programme Sport (138 millions d’euros en LFI 2020) de la mission Sport, Jeunesse et vie associative et, d’autre part, par des taxes affectées (plafonnées à 146 millions d’euros en 2020) – pour un total de 284 millions d’euros en 2020.

Les trois taxes finançant l’ANS sont présentées dans le tableau suivant.

plafond des ressources affectÉes À l’ANS

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Plafond 2020

Plafond proposé 2021

Écart 2020/2021

Prélèvement sur les paris sportifs en ligne
Article 1609 tricies du code général des impôts

34 600

34 600

-

Prélèvement sur les jeux exploités par la Française des jeux hors paris sportifs
Premier alinéa de l’article 1609 novovicies du code général des impôts

71 844

71 844

-

Contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives ou "taxe Buffet"
Article 59 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

40 000

64 100

+ 24 100

Total

146 444

170 544

+ 24 100

Source : commission des finances.

En particulier, la « taxe Buffet » est une contribution au taux de 5 % prélevée sur les cessions de droits de diffusion télévisuelle des manifestations ou compétitions sportives. Le produit de cette taxe était affecté, depuis 2006 et jusqu'à la création de l’ANS, au Centre national pour le développement du sport (CNDS). D’après l’analyse préalable de l’article, la « taxe Buffet » a un rendement prévisionnel en 2020 de 74,1 millions d’euros et un plafond de 40 millions d’euros.

L’Agence nationale du sport doit affronter plusieurs défis cette année alors qu’elle n’a été créée que récemment et que sa structuration n’est pas totalement achevée. Parmi les principaux enjeux, on note :

– la gestion des répercussions de la crise sanitaire sur les fédérations organisatrices d’événements sportifs majeurs ;

– le besoin accru de soutien des clubs sportifs pour faire face à une réduction de leurs sources de revenus, du fait de la crise sanitaire.

Pour lui donner les moyens d’assurer ce soutien, le A du I propose d’augmenter de 24,1 millions d’euros le plafond de la « taxe Buffet » en faveur de l’ANS, le portant à 64,1 millions d’euros.

d.   La hausse du plafond de la contribution à la vie étudiante

La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a instauré une contribution dite à la vie étudiante, destinée à favoriser l’accueil et l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et à conforter les actions de prévention et d’éducation à la santé qui leur sont destinées ([545]).

Aux termes de l’article L. 841-5 du code de l’éducation, la contribution est due par les étudiants au moment de leur inscription à une formation dans un établissement d’enseignement supérieur. Acquittée auprès du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), elle bénéficie aux établissements d’enseignement supérieur, dans la limite d’un plafond fixé en 2020 à 140 millions d’euros.

Le montant initial de la contribution a été fixé à 90 euros. Le produit de cette contribution varie selon deux effets :

– un effet volume qui dépend du nombre d’étudiants attendus à la rentrée. Il est plus élevé en 2020, en raison notamment d’un taux particulièrement élevé de réussite au baccalauréat ;

– un effet prix car la CVEC est indexée sur l’inflation. Elle a été revalorisée à 92 euros à la rentrée 2020 puis à 93 euros à la rentrée 2021.

Selon l’évaluation préalable du présent article, le rendement de la contribution augmenterait en 2021 pour s’établir à 150 millions d’euros pour 2021.

Pour permettre aux établissements concernés d’assurer leurs missions d’accueil et d’accompagnement, le A du I prévoit d’augmenter le plafond de la recette affectée pour la fixer au niveau du rendement attendu, soit une hausse de 10 millions d’euros en 2021.

e.   L’augmentation du plafond à l’établissement public foncier de Normandie

Cette augmentation s’inscrit dans une mesure globale d’ajustement des ressources des établissements publics fonciers dont le détail est précisé au II.A.1.b du présent commentaire d’article.

f.   La hausse des plafonds de la Société du Grand Paris

Établissement public en charge de la réalisation du projet de Grand Paris Express, la Société du Grand Paris, créé par l'article 7 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ([546]), bénéficie de cinq ressources affectées comme le résume le tableau ci-après.

RÉsumÉ des Mouvements de plafonds de la sociÉtÉ du Grand Paris

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Plafond 2020

Plafond proposé 2021

Écart 2020-2021

Justification

Taxe spéciale d'équipement

Article 1609 G du code général des impôts

117 000

70 000

– 47 000

Baisse constatée de la taxe d'équipement du fait de la réforme de la taxe d'habitation.

Taxe locale sur les bureaux en Île-de-France

2° du A du XI de l'article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

544 000

591 000

+ 47 000

Compensation par une hausse de la part affectée de taxe sur les bureaux

Taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement

Article 1599 quater C du code général des impôts

10 000

16 000

+ 6 000

 

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau-IFER

Article 1599 quater A bis du code général des impôts

75 000

75 000

 

Part régionale de la taxe de séjour

L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales

30 000

30 000

 

Total

776 000

782 000

+ 6 000

 

Source : présent article et commission des finances de l’Assemblée nationale.

Les ressources de la SGP connaissent deux variations en 2021.

En premier lieu, une baisse de 47 millions d’euros du plafond de la taxe spéciale d’équipement compensé par une hausse équivalente de celui de la taxe locale sur les bureaux. Le rendement de la taxe spéciale d’équipement, plafonnée à 117 millions d’euros, dépend du produit de la taxe d’habitation perçue dans la région Île-de-France. En raison de la réforme de la taxe d’habitation, le produit de cette taxe serait en diminution de 47 millions d’euros en 2021, selon l’analyse préalable de l’article. L’article propose donc de diminuer d’autant le plafond la taxe spéciale d’équipement. Cette baisse est neutralisée par une hausse à due concurrence de la taxe sur les bureaux. En effet, le modèle économique de la SGP ne permet qu’un financement par emprunt ou par ressources affectées.

En second lieu, une hausse de 6 millions d’euros du plafond de la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement est prévue pour 2021. Elle vise à prendre en compte la progression attendue du rendement de la taxe.

3.   Les plafonds stabilisés

En 2021, 49 plafonds demeureraient à un niveau stable par rapport à 2020.

StabilitÉ du plafond de 48 ressources affectÉes

(en milliers d’euros)

Imposition

Affectataire

Plafond 2021

VI de l'article 302 bis K du code général des impôts

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

230 000

Article 706-163 du code de procédure pénale

Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

1 306

Article 232 du code général des impôts

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

61 000

Article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

420 000

1° de l'article L. 342-21 du code de la construction et de l'habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

6 450

2° de l'article L. 342-21 du code de la construction et de l'habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

11 334

V de l'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

55 000

I de l'article L. 5141-8 du code de la santé publique

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)

4 000

II de l'article L. 5141-8 du code de la santé publique

ANSES

4 500

Article 130 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007

ANSES

15 000

III de l'article 134 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2008

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

11 250

Article 1628 ter du code général des impôts

ANTS

7 000

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (I de l’article 953 du code général des impôts)

ANTS

137 060

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (IV et V de l’article 953 du code général des impôts et article L. 311-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)

ANTS

14 490

VI de l'article 135 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009

ANTS

36 200

Article 1605 nonies du code général des impôts

Agence de services et de paiement

12 000

Article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l'environnement et du travail

4 200

Article L. 341-6 du code forestier

Agence de services et de paiement

2 000

Article 1609 C du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe

1 315

Article 1609 D du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique

1 315

Article L. 612-20 du code monétaire et financier

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

195 000

Article 77 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Association pour le soutien du théâtre privé

8 000

Article 1609 nonies G du code général des impôts

Fonds national d’aide au logement

45 000

Article 224 du code des douanes

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

38 500

Article 1609 tricies du code général des impôts

Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l'accès à la pratique sportive (ANS)

34 600

Premier alinéa de l'article 1609 novovicies du code général des impôts

ANS

71 844

Article 76 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV)

50 000

Article 1604 du code général des impôts

Chambres d'agriculture

292 000

2 du III de l'article 1600 du code général des impôts

CCI France

226 117

Article 1601 du code général des impôts et article 3 de la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

Chambres de métiers et de l’artisanat

203 149

Article L. 6331-50 du code du travail

Chambres de métiers et de l'artisanat

39 869

Article 72 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique de la conservation des produits agricoles

2 900

I bis de l'article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique de l'industrie des papiers, cartons et celluloses

2 607

Article 1635 bis A du code général des impôts

Fonds national de gestion des risques en agriculture

60 000

I de l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005

Fonds de solidarité pour le développement (FSD)

528 000

VI de l'article 302 bis K du code général des impôts

FSD

210 000

Article L. 6131-2 du code du travail

France Compétences

9 475 409

Article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

2 000

Articles L. 236-2-2 et L. 251-17-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

 

2 000

Article L. 821-5 du code de commerce

Haut Conseil du commissariat aux comptes

19 400

G de l'article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Institut des corps gras

666

Article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime

Institut national de l'origine et de la qualité (INAO)

7 500

Article L. 137-24 du code de la sécurité sociale

Agence nationale de santé publique

5 000

Article 1599 quater A bis du code général des impôts

Société du Grand Paris (SGP)

75 000

L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales

SGP

30 000

1° de l'article L. 4316-3 du code des transports

Voies navigables de France (VNF)

127 500

Article 1609 quatervicies A du code général des impôts

Personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes

55 000

Article 224 du code des douanes

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

4 000

Article 238 du code des douanes

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

4 000

Total

49 taxes

12 850 481

Source : Gouvernement.

B.   Les mesures de périmètre conduisent à une baisse de 209,3 millions d’euros du plafond global

1.   L’intégration dans le champ du plafonnement de deux ressources affectées à hauteur de 233,9 millions d’euros

Deux nouvelles taxes entrent dans le champ des plafonds de l’article 46 de la loi de finances pour 2012, élevant le niveau global de plafonnement de 233,9 millions d’euros.

● En premier lieu, les recettes affectées à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) sont plafonnées à 192,9 millions d’euros

L’INPI est un établissement public qui a pour mission d’instruire, de délivrer de gérer et de centraliser des droits de propriété industrielle (brevets, marques, dessin et modèles) s’exerçant sur le territoire français.

L’INPI est financé par les redevances payées par les entreprises pour le dépôt et le maintien de leurs titres de propriété industrielle, par les recettes liées à la tenue du registre national du commerce et des sociétés (RNCS) et par des recettes accessoires. Prévues par le premier alinéa de l’article L. 411-2 du code de la propriété intellectuelle, ses recettes représentaient un total de 238,6 millions d’euros en 2019 d’après l’analyse préalable du présent article. L’INPI ne perçoit pas de subventions directes de l’État.

Dans un référé publié en 2019 ([547]), la Cour des comptes a critiqué le fonctionnement de cet institut, dont les défaillances seraient liées à un modèle économique favorisant une « gestion dispendieuse » et « n’imposant aucun effort de gestion ». La Cour proposait de réaffecter les recettes actuellement affectées à l’INPI au budget général et de lui attribuer une subvention pour charge de service public. À défaut, pour « mettre sous tension » l’organisme, elle propose de plafonner les taxes qui lui sont affectées et de reverser l’excédent au budget de l’État.

La solution d’un plafonnement des recettes affectées à l’INPI a été retenue. Pour ce faire :

– le V du présent article réécrit l’article L. 411-2 du code de la propriété intellectuelle pour poser le principe de la limitation des recettes de l’INPI au plafond fixé par le I l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ;

– le A du I rajoute une ligne, après la 67ème ligne du tableau du I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012, qui fixe à 192,9 millions d’euros le plafond des recettes reversées à l’INPI.

Par rapport aux recettes de 2019, le plafond retenu pour 2021 conduirait à une réduction de 45,7 millions d’euros des ressources de l’institut.

● En second lieu, il est prévu le plafonnement de la part de redevance pour pollutions diffuses, jusqu’à présent prévu par le V de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement, et reversée aux agences de l’eau.

Ce plafonnement s’inscrit dans la suite des réformes opérées par l’article 81 de la loi de finances pour 2020 dont l’objectif était double. Il s’agissait de prévoir que les agences de l’eau reçoivent la majeure partie de la fiscalité affectée à la protection de l’eau et de la biodiversité. Il fallait également tirer les conséquences de la création au 1er janvier 2020 de l’Office français de la biodiversité (OFB) par fusion de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l’Agence française de la biodiversité (AFB) ([548]). En conséquence, les redevances cynégétiques ont été entièrement affectées aux agences de l’eau et un plafond leur avait été imposé.

Le présent article propose de poursuivre cette réforme en :

– augmentant de 41 millions d’euros le plafond inscrit à la cinquième ligne du tableau du I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 pour y inclure la taxe sur les pollutions diffuses (A du I). Cela porte les ressources plafonnées des agences de l’eau à 2 197 millions d’euros ;

– en supprimant, en conséquence, l’exemption de plafonnement dont bénéficiait la même taxe pour pollutions diffuses en vertu du III bis de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 (B du I).

Cette taxe, finançant in fine le programme Ecophyto ([549]), géré par l’Office national de la biodiversité, le circuit de financement de ce programme est modifié par le présent article (cf. II.C.1).

2.   Les suppressions de plafonds en cohérence avec la suppression de taxes à faible rendement

En conséquence des dispositions de l’article 16 ([550]) du présent projet de loi de finances et de l’article 21 de la loi de finances pour 2020 ([551]) procédant à la suppression de plusieurs taxes à faible rendement dont l’affectation était plafonnée, le présent article supprime les plafonds :

– de la taxe sur les déclarations et notifications de produits de tabac, prévue par l’article L. 3512‑19 du code de la santé publique, versée au profit de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Ansés). Selon le tome I de l’annexe Voies et moyens au PLF 2020, le rendement prévisionnel de cette taxe était de 2 millions d’euros en 2020, le plafond d’affectation ayant été fixé au même niveau ;

– du droit de sécurité affecté à l’Établissement public de sécurité ferroviaire. Il a été supprimé par le 3° du V de l’article 21 de la loi de finances pour 2020 ([552]), avec effet au 1er janvier 2021, le plafonnement de cette taxe n’a donc plus lieu d’être. La taxe est plafonnée à 13,2 millions d’euros en 2020, pour un rendement cette même année de 17,5 millions d’euros selon le tome 1 de l’annexe Voies et moyens au PLF 2020 Le financement de l’EPSF sera assuré par crédits budgétaires (13,2 millions d’euros prévus pour 2021) sur le programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilités durables ;

– des prélèvements assis sur le produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français, prévus par l’article L. 2333-57 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et affectés aux organismes de secours et de sauvetage en mer. Plafonnée à 1 million d’euros en 2020, son rendement serait nul d’après l’analyse préalable de l’article 16 relatif aux taxes à faibles rendement.

3.   La suppression de plafonds en cohérence avec des réaffectations au budget général à hauteur de 427 millions d’euros

Il est proposé de supprimer deux plafonds, en conséquence de la budgétisation de taxes affectées à Action logement services et au fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM).

● Le financement d’Action Logement Services (ALS) par une sur les assurances, plafonné à 290 millions d’euros en 2020 par l’article 46 de la loi de finances pour 2012, est prévu par le c de l’article 1001 du code général des impôts qui attribue à la société une part de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance (TSCA).

Lorsque le plafond d’affectation n’est pas atteint, un financement complémentaire à ALS est prévu. Le XIII de l’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([553]) prévoit un prélèvement au profit d’ALS sur le produit de la TSCA affectée à la Sécurité sociale par le b de l’article 1001 du code général des assurances.

Le présent article, prévoit la réaffectation au budget général de la TSCA ; il supprime le plafond correspondant à cet organisme ainsi que le mécanisme de compensation en cas de rendement inférieur au plafond de la TSCA :

– le IV réaffecte au budget de l’État la part, réservée à ALS, de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance prévue par le c de l’article 1001 du code ;

– le A du I supprime la septième ligne du tableau de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 qui correspond au plafonnement des ressources affectées à ALS ;

 le II supprime la taxe sur les conventions d’assurance de l’énumération des ressources constitutives de la PEEC et énumérées par le 1er alinéa de l’article L. 313-3 du code de l’environnement ;

– le VIII supprime le mécanisme de compensation en faveur d’ALS prévu par l’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

La perte de recettes pour ALS ne sera pas compensée et les gains pour l’État sont censés servir à financer les politiques publiques pour le logement, en contradiction avec le principe de non affectation des recettes, d’après l’étude préalable du présent article.

● Le prélèvement sur les contrats d’assurances au titre de la garantie « catastrophe naturelle » est affecté, selon le II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement, au fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dans la limite de 137 millions d’euros.

Le A du I du présent article prévoit la suppression de la ligne 57 relative au plafonnement de la taxe reversée au FPRNM. Il tire les conséquences de la réaffectation de ce prélèvement au budget général opérée par l’article 25 du présent projet de loi. Les dépenses portées par le fonds seront inscrites, à hauteur de 205 millions d’euros en 2021, sur le programme Prévention des risques de la mission Écologie, développement et mobilités durables.

C.   Les autres mesures proposÉes

1.   La simplification du circuit de financement du programme Ecophyto géré par l’Office national de la biodiversité (OFB)

Le plan Ecophyto ([554]), prévu par l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, est confié à l’Office français de la biodiversité (OFB).

Le financement de ce plan repose sur le produit de la redevance pour pollutions diffuses affectée aux agences de l’eau et prévue par l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement. Le V de cet article institue, en effet, un prélèvement annuel sur le produit de cette redevance, plafonné à 41 millions d’euros, et reversé par les agences de l’eau à l’OFB. L’article L. 131-15 du code de l’environnement prévoit ensuite que l’OFB verse, pour un montant au moins égal, des aides en faveur du plan Ecophyto.

Par ailleurs, l’OFB est financé par une contribution annuelle des agences de l’eau prévue par l’article 135 de la loi de finances pour 2018 ([555]), pour un montant, fixé par arrêté, et compris entre 321,6 et 348,6 millions d’euros.

Le présent article dessine un circuit de financement différent pour le programme Ecophyto :

– le A du III prévoit que les aides du programme sont financées par la contribution annuelle des agences de l’eau à l’OFB, en vertu d’une nouvelle rédaction de l’article L. 131-15 du code de l’environnement ;

– le IX relève le plafond de cette contribution, prévue par l’article 135 de la loi de finances pour 2018, pour y intégrer une dotation d’au moins 41 millions d’euros au profit du plan Ecophyto. Ainsi, la contribution des agences de l’eau à l’OFB passe d’un montant compris entre 321,6 et 348,6 millions d’euros à un niveau compris entre 362,6 et 389,6 millions d’euros ;

– le C du III abroge donc la disposition relative à l’ancien schéma de financement prévu au V de l’article L. 213-10-8 du code l’environnement.


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Source : commission des finances de l’Assemblée nationale.


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Pour achever cette transformation, des coordinations sont nécessaires :

– le B du III remplace la mention du « V de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement » dans l’article L. 131-16 du même code par celle de l’article « L. 131-15 du code de l’environnement » ;

– le VI remplace la mention, au sein de l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, d’un financement du programme Ecophyto « dans les conditions prévues à l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement » par la référence à l’article 135 de la loi de finances pour 2018.

2.   Le prélèvement de 6 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds de compensation des risques de l’assurance construction (FCAC)

Créé en 1982, le fonds de compensation des risques de l’assurance de la construction (FCAC) est un fonds sans personnalité juridique prévu par l’article L. 431-14 du code des assurances. Il est chargé de contribuer à l’indemnisation de sinistres affectant des bâtiments dont les chantiers ont été ouverts avant le 1er janvier 1983. Il est géré par la caisse centrale de réassurance.

Le X du présent article prévoit un prélèvement de 6 millions d’euros sur les ressources de ce fonds au 30 juin 2021.

La justification de ce prélèvement n’est pas fournie par le Gouvernement.

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La commission examine l’amendement I-CF878 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous demandons la suppression de l’article 24 qui organiserait une coupe franche, de 300 millions d’euros, selon l’exposé des motifs, dans les ressources de nombreux organismes chargés de missions de service public, notamment les chambres de commerce et d’industrie, qui seraient affectées à hauteur de 100 millions d’euros, mais aussi et surtout le Fonds national d’aide au logement – ce sujet, si l’on considère la politique que vous menez depuis le début du quinquennat, n’est décidément pas une priorité pour vous.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne souhaite pas la suppression de cet article nécessaire à l’ajustement des ressources affectées.

La commission rejette l’amendement I-CF878.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1250 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Nous avons déjà déposé cet amendement à plusieurs reprises. Le reversement au budget général des ressources affectées, en catimini, au-delà des plafonds, n’a aucune raison d’être. L’évolution est assez phénoménale : alors que l’écrêtement au profit du budget général était de 126 millions d’euros en 2012, il est quasiment passé à un milliard d’euros en 2019. Cette augmentation déguisée de la fiscalité n’est pas acceptable. On peut fixer des plafonds, mais les taux devraient varier chaque année pour éviter les excédents et donc les reversements ; or cela n’a jamais été construit ainsi. C’est une drôle de manière de lever des impôts…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce qu’il faudrait, au fond, c’est en finir avec l’affectation des taxes : cela permettrait de répondre à votre amendement et à toutes les problématiques qui reviennent chaque année lors des discussions budgétaires. Je sais que cela n’arrivera probablement pas, mais je maintiens qu’il serait bon de rebudgétiser des taxes dont l’affectation ne nous fait pas gagner grand-chose et dont le plafond fait sans cesse l’objet de chamailleries. Mais pour cela, il faudrait de la confiance, du côté des administrations, de la direction du budget, et des citoyens, sur l’utilisation de leurs impôts.

C’est un grand débat que nous n’aurons pas ce soir. En attendant, les plafonds garantissent un certain niveau de ressources à la fois pour l’État et pour les affectataires. Maintenons donc ce dispositif qui avait été instauré lors de la loi de finances pour 2012.

Mme Véronique Louwagie. Nous soutenons cet amendement. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais on ne peut pas, à l’occasion de chaque projet de loi de finances, diminuer les plafonds des taxes affectées à des opérateurs qui jouent un véritable rôle dans nos territoires, qui exercent des missions de service public répondant à des attentes. Il faut être clair : voulez-vous tuer petit à petit ces entités, en ne leur permettant pas de remplir leurs objectifs ?

M. Charles de Courson. Si on a un peu de cohérence intellectuelle, on doit distinguer les plafonds dits mordants et ceux qui ne le sont pas. Dans le premier cas, on ne met un plafond que pour se faire plaisir : il faudrait réduire les taux des taxes affectées, dans la limite du plafond, et instaurer un impôt direct dont le produit ira directement dans les caisses de l’État. Au moins, ce serait clair. Mais demander à nos concitoyens de payer des factures d’eau dans lesquelles il y a désormais 25 ou 30 % d’impôt et reverser ensuite une partie au budget de l’État, sur le plan de la lisibilité pour le citoyen contribuable, c’est proprement épouvantable. On pourrait même parler d’un détournement d’impôt, puisque la recette ne va pas là où elle devrait être affectée.

M. le président Éric Woerth. C’est ni plus ni moins un impôt caché. Si c’était stable, on pourrait à la limite ne pas se poser de questions, mais ce n’est pas du tout le cas : les montants augmentent très fortement. Je ne veux pas allonger le débat, mais je l’évoquerai à nouveau en séance.

La commission rejette l’amendement I-CF1250.

Elle examine l’amendement I-CF544 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Le présent amendement vise à pérenniser l’affectation exceptionnelle, décidée lors de la loi de finances pour 2020, d’une partie des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) – je précise que j’en suis un administrateur. Sans cette mesure, l’AFITF verrait son budget pour 2021 diminuer par rapport à cette année alors que les besoins en matière d’investissement et de réhabilitation des réseaux d’infrastructures sont plus pressants que jamais.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La trajectoire prévue par la loi d’orientation des mobilités (LOM) est respectée : le plafond sera augmenté de 84 millions d’euros en 2021. Il avait déjà été relevé de 198 millions en 2018, de 229 millions en 2019 et de 263 millions en 2020. Votre amendement n’est donc pas nécessaire. Je vous suggère de le retirer.

L’amendement I-CF544 est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements identiques I-CF180 de M. Fabrice Brun, I-CF203 de Mme Émilie Bonnivard et ICF277 de Mme Marie-Christine Dalloz, les amendements identiques I-CF181 de M. Fabrice Brun et I-CF204 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que les amendements identiques I-CF749 de M. Bertrand Pancher et I-CF806 de Mme Patricia Lemoine.

M. Fabrice Brun. Certaines choses ne marchent pas dans notre pays, mais il y a aussi des politiques qui fonctionnent, comme celle de l’eau – nous pouvons en être fiers car elle est d’origine parlementaire : ce sont nos prédécesseurs qui, il y a cinquante ans, ont créé les agences de l’eau.

Depuis cinquante ans, l’eau paie l’eau et, depuis l’an dernier, l’eau paie l’eau et la biodiversité. C’est un principe général, mais il est désormais remis en cause. C’est pourquoi l’amendement I-CF180 tend à supprimer le plafond mordant en la matière.

Mme Émilie Bonnivard. Je voudrais revenir sur l’apport des agences de l’eau, notamment dans les territoires de montagne, où la charge des investissements est proportionnellement beaucoup plus importante que dans les territoires urbains : outre que la densité de population y est moindre, les réseaux sont vieillissants et extrêmement vastes. Nous avons besoin d’un accompagnement des agences de l’eau, en particulier pour faire face aux enjeux environnementaux de la réhabilitation des réseaux.

Je tiens à saluer ce qui a été fait dans ma région, notamment par Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée, dans le cadre d’un plan de relance de l’agence de l’eau. Il n’en reste pas moins que les crédits disponibles sont limités et qu’il faut respecter des critères d’intervention. Leur capacité d’accompagnement s’amenuisant, bon nombre de communes et de syndicats des eaux se retrouvent dans l’impossibilité de réaliser leurs programmes d’investissements, qui sont très lourds.

Un renforcement de l’intervention des agences de l’eau devrait être prévu dans le cadre du plan de relance afin de permettre la réalisation de travaux massifs sur nos réseaux d’eau et nos systèmes d’épuration. D’où mon amendement I-CF203.

Mme Marie-Christine Dalloz. Plus le temps passe, plus les contribuables paient au titre du financement des agences de l’eau mais moins celles-ci récupèrent d’argent du fait des reversements au budget de l’État. Parallèlement, ces agences font partie des plus gros contributeurs à la politique de réduction des effectifs : l’État est en train de littéralement les assécher alors qu’il est lui-même incapable de s’imposer une réduction de ses effectifs. Par l’amendement I-CF277, nous proposons de supprimer le plafond mordant.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF181 est un peu de repli : à défaut de supprimer le plafond mordant – ce que nous souhaitons ardemment –, il faut à tout le moins limiter la morsure en faisant en sorte que les redevances payées par les usagers aillent au maximum à la politique de l’eau. C’est important, particulièrement dans la phase de la relance, pour soutenir les investissements destinés aux réseaux d’eau potable mais aussi aux politiques d’assainissement qui visent à améliorer la qualité, sur le plan écologique, des milieux aquatiques.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF204 tend à relever le plafond mordant afin que les agences de l’eau aient davantage de moyens pour accompagner les politiques publiques locales.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF749 vise aussi à remonter le plafond mordant pour permettre aux agences de l’eau d’avoir des moyens.

Mme Patricia Lemoine. Les événements de la semaine dernière ont montré tout l’intérêt de travailler avec les agences de l’eau. Il faut leur donner, a minima, les moyens dont elles disposaient entre 2013 et 2018. C’est l’objet de l’amendement I-CF806.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Je partage totalement ce que vous avez dit au sujet des agences de l’eau. Néanmoins, la part reversée à l’État au cours des dernières années, en raison du plafond mordant, ne représente même pas 1 % du total. Ce plafond est modifié chaque année : nous l’avons ainsi augmenté de 52 millions d’euros en 2020 et 41 millions d’euros de plus sont prévus s’agissant de 2021.

Je ne reviens pas sur la question du déplafonnement : vous savez que j’y suis opposé. Le plafond évolue en fonction des besoins – c’est ce qui fait l’essentiel de sa vertu.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas votre argument. Si le plafond est si peu mordant, supprimons-le !

Ce que j’ai entendu lors des assises de l’eau et de la préparation du 11e programme, c’est qu’il y a de moins en moins de ressources et qu’il a fallu supprimer toute une série d’actions.

Je vais vous donner un exemple : l’agence de mon bassin soutenait les syndicats hydrauliques pour leurs dépenses d’entretien, mais ce n’est plus le cas ; en revanche, l’aide à l’investissement a été maintenue, ce qui n’a pas beaucoup de sens une fois qu’une rivière a été correctement aménagée. Tout le monde a hurlé lors des assises.

Supprimons les plafonds, puisque vous êtes finalement d’accord…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non, je ne suis pas d’accord.

M. Charles de Courson. Vous nous dites qu’on reverse seulement quelques dizaines de millions d’euros. En réalité, c’est bien davantage. On le remonte de 41 millions d’euros en 2021 !

M. Arnaud Viala. Les agences de l’eau sont notamment conduites à réduire les aides à l’entretien et à la modernisation des systèmes d’assainissement individuels, alors que c’est une politique indispensable dans les territoires ruraux – on ne peut pas installer des systèmes collectifs partout. On continue à ne pas traiter des quantités d’effluents parce que les particuliers contournent la loi, ou restent hors la loi, en l’absence d’aide pour se doter de dispositifs qui coûtent presque une dizaine de milliers d’euros par habitation.

Mme Christine Pires Beaune. Je soutiens ces amendements. Ce genre d’économies finit par coûter cher, car on renonce à des travaux urgents. J’ai en tête un exemple très récent d’une petite commune qui n’a pas obtenu de subvention de l’agence de l’eau pour réparer son réservoir. Cela n’arrivait jamais il y a quelques années. Des subventions sont désormais refusées parce que les agences sont frileuses ou parce que leurs moyens sont en baisse. Elles revoient leurs programmes à la baisse et choisissent de ne pas subventionner certaines actions.

M. le président Éric Woerth. Il y a aussi des systèmes de décision pas toujours très clairs.

Mme Cendra Motin. La Banque des territoires accorde des aqua-prêts pour accompagner les collectivités locales. L’État reste à leurs côtés en ce qui concerne les réseaux d’eau.

Je ne sais pas si mon agence de l’eau est meilleure que d’autres…

Mme Émilie Bonnivard. Oui, elle l’est.

Mme Cendra Motin. En tout état de cause, elle arrive à financer beaucoup de projets, notamment dans le domaine de l’agriculture – par exemple dans des programmes de développement de la culture du chanvre. Les agences de l’eau ont encore des moyens d’action et des programmes quand elles sont bien gérées.

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF180, I-CF203 et I-CF277, les amendements identiques I-CF181 et I-CF204, ainsi que les amendements identiques I-CF749 et I-CF806.

Elle examine en discussion commune les amendements I-CF759 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF1424 de M. Benjamin Dirx.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous proposons, même si le rapporteur général a dit qu’il était opposé à cette idée, de déplafonner les trois taxes finançant l’Agence nationale du sport – la taxe sur les paris sportifs, celle sur les jeux de loterie et celle sur les droits de retransmission télévisuelle des événements sportifs. Au-delà de la question du sous-financement du sport que provoquent ces plafonnements en temps normal – le sport a été privé en 2019 de 241 millions d’euros sur les 397 millions d’euros dégagés par ces trois taxes –, la situation des associations sportives, actuellement sans ressources, et les incertitudes sur le produit de ces trois taxes, qui devrait se réduire, doivent nous conduire à sécuriser le financement de l’Agence.

L’amendement I-CF1424 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, l’amendement I-CF759 est rejeté.

La commission est saisie des amendements identiques I-CF40 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF46 de M. Fabrice Brun, I-CF136 de M. Dino Cinieri, I-CF201 de Mme Sylvia Pinel, I-CF278 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF342 de Mme Véronique Louwagie, I‑CF472 de M. Charles de Courson, I-CF489 de Mme Monica Michel, I-CF490 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, ICF501 de Mme Séverine Gipson, I-CF624 de M. Olivier Becht, I‑CF874 de M. Jean-Hugues Ratenon, I-CF1079 de Mme Stella Dupont, I-CF1268 de M. Jean-Paul Dufrègne, I-CF1342 de M. Patrick Mignola, I-CF1375 de Mme Valérie Rabault et I‑CF1443 de M. Arnaud Viala.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF40 tend à supprimer l’alinéa 11, qui est totalement paradoxal au regard de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le Gouvernement a mis en place un plan de relance de 100 milliards d’euros pour accompagner notre économie et nos entreprises, mais le plafond des ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) sera réduit, en parallèle, de 100 millions d’euros. Cela signifie que 1 800 de leurs collaborateurs devront être licenciés en 2021-2022 et que les mesures votées pour accompagner les entreprises, notamment celles concernant la Banque publique d’investissement (BPI), ne seront pas mises en œuvre, ou qu’elles le seront mal. Les entreprises souffriront d’un déficit d’accompagnement alors que la crise n’est absolument pas finie – les difficultés vont continuer à s’accumuler. Nous avons besoin de renforcer les CCI et non de diminuer leurs moyens.

M. Fabrice Brun. La question est assez simple. Les CCI ont-elles, à vos yeux, un rôle à jouer dans la relance de l’économie française, dans l’accompagnement des entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), face à la crise économique inédite que nous traversons ? Si vous répondez par la négative, on peut comprendre votre décision, politique, de réduire de 100 millions d’euros les ressources affectées aux CCI : vous irez au bout d’une logique, à l’œuvre depuis plusieurs projets de loi de finances, qui consiste à sacrifier le réseau consulaire. Mais si vous répondez par l’affirmative, il faut annuler la baisse prévue. C’est l’objet de l’amendement I-CF46.

Permettez-moi de citer l’exemple de la CCI de l’Ardèche. Ses ressources fiscales auront baissé en 2022, si l’on va jusqu’au bout de la trajectoire définie par Bercy, de 68 % depuis le début du quinquennat. Je ne le souhaite pas. Dans beaucoup de territoires, 80 ou 90 % des entreprises sont des travailleurs indépendants ou des TPE. Le réseau consulaire est leur premier outil d’accompagnement, leur premier conseil au quotidien. C’est vrai s’agissant des CCI, pour les commerçants et les travailleurs indépendants, des chambres d’agriculture, mais aussi des chambres de métiers et de l’artisanat.

M. Dino Cinieri. L’alinéa 11 prévoit une nouvelle réduction, de 100 millions d’euros, des ressources affectées aux CCI. L’amendement I-CF136 tend à supprimer cette disposition afin de leur laisser les moyens de conduire leur action auprès des entreprises de nos territoires. Je rappelle que le plafond des ressources des CCI a déjà été amputé de 350 millions d’euros au cours des trois premières années de ce quinquennat, ce qui représente une baisse de 38 % par rapport à 2017.

Les CCI ont démontré l’utilité d’un réseau de proximité, dans tous les territoires, sachant associer expertise humaine et performance digitale. Je propose de stabiliser les ressources affectées aux CCI en 2021 afin de maintenir un accompagnement public de proximité pour les TPE et les PME – elles en ont plus que jamais besoin. Et la présidente de la délégation de Saint-Étienne, Mme Irène Breuil, ne me démentira pas.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF201 a le même objet. Ce n’est pas forcément le meilleur moment pour poursuivre la baisse des ressources des CCI – on pouvait déjà ne pas être d’accord avant la crise, mais alors maintenant…

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vais vous faire une confidence : à chaque fois que le projet de loi de finances est publié, la première chose que je regarde, au-delà des grands équilibres, notamment l’évolution de la dette et du déficit, c’est la ponction qui sera encore opérée sur le réseau des CCI. Je n’arriverai jamais à comprendre pourquoi vous vous acharnez sur elles depuis trois ans. Leur réseau ne le comprend pas non plus.

Votre « en même temps » ne fonctionne pas. Vous faites adopter la loi PACTE, dans laquelle vous mettez tout sur les entreprises, et en même temps vous détruisez, dans les territoires, l’outil qui fonctionne bien pour les accompagner. C’est incompréhensible. C’est la raison pour laquelle je défends mon amendement I-CF278.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF342 a le même objet. Pour faire face à la crise sanitaire, qui s’est transformée en crise économique, les entreprises ont besoin d’un soutien relativement important. Jusqu’à maintenant, elles ont été quasiment sous perfusion : elles ont bénéficié d’un report des charges sociales, du Fonds de solidarité et de prêts garantis par l’État (PGE), mais tout cela va prendre fin. Je m’inquiète beaucoup de ce qui se passera pour ceux qui étaient autrefois assujettis au régime social des indépendants (RSI), lorsque l’URSSAF viendra frapper à leur porte et qu’il leur faudra payer, sur plusieurs mois, les charges reportées.

Les CCI ont tout un rôle à jouer. Elles ont mis en place des procédures et des actions pour répondre aux demandes. Or vous diminuez leurs ressources. Ce n’est pas possible : vous ne pouvez pas faire cela au monde économique alors que les entreprises traversent une crise aussi grave.

M. Charles de Courson. L’attitude du Gouvernement et du Président de la République à l’égard des chambres de commerce procède d’une philosophie hégélienne : il faut détruire les corps intermédiaires, qu’il s’agisse des chambres consulaires, des syndicats ou des collectivités territoriales. Or que s’est-il passé ? Lorsque la crise des gilets jaunes s’est déclenchée, vous avez été bien contents d’aller trouver les collectivités territoriales, les corps intermédiaires. Et face à la crise sanitaire, qui est-on allée chercher pour s’occuper des entreprises ? Les chambres consulaires. La politique que vous menez est totalement folle.

On nous a expliqué qu’il fallait que les CCI se financent au moyen de prestations de services. Elles l’ont fait, en partie, mais elles disent qu’elles ne peuvent pas faire plus. Du coup, elles licencient à tour de bras. Savez-vous combien l’État a récupéré ? En 2019, 200 millions d’euros ; en 2020, 150 millions d’euros, alors que les CCI ont perçu 349 millions d’euros. L’État capte donc 30 % de l’impôt prélevé sur les entreprises pour financer les chambres de commerce !

Je suis un homme de parole, monsieur le rapporteur général. Le Gouvernement, quant à lui, n’a pas cessé de mentir aux chambres. Il leur a promis d’arrêter la baisse, mais il a continué à chaque fois. Pourquoi cet acharnement de Bruno Le Maire ? Comment voulez-vous gérer les choses avec un gouvernement qui ne tient jamais sa parole ? Votre comportement est inacceptable, et cela vous explosera à la figure, comme cela vous est déjà arrivé à deux reprises. D’où mon amendement I-CF472.

Mme Monica Michel. Les chambres de commerce jouent un rôle important dans nos territoires, notamment auprès des TPE et PME. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par l’amendement I-CF489, de suspendre l’augmentation du prélèvement sur les ressources des CCI en supprimant l’alinéa 11 de l’article 24.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je me fais à mon tour le porte-voix des chambres de commerce et d’industrie, qui ont joué un rôle crucial durant la crise sanitaire. Elles ont été, et demeurent du reste, un relais de l’État, notamment en informant les entreprises des aides dont elles pouvaient bénéficier. Ainsi, les cinq CCI de l’Eure ont renseigné 15 000 dirigeants normands sur les démarches relatives au chômage partiel et aux prêts garantis par l’État. Elles ont joué le même rôle dans le cadre du plan de relance. En Normandie, par exemple, elles ont créé un baromètre hebdomadaire regroupant 250 entreprises qui a permis d’établir un panel d’information utile à l’élaboration de ce plan, qu’elles ont ensuite présenté à l’ensemble des entrepreneurs de l’Eure.

J’ajoute qu’une baisse de 100 millions d’euros se traduirait, pour les CCI de mon département, par une diminution de leurs recettes de 2 millions d’euros. Or, une telle baisse n’est pas soutenable : il leur est impossible d’économiser une telle somme en quelques mois, sachant que 70 % de leur budget sont consacrés à la masse salariale. C’est pourquoi l’amendement I-CF490 vise à supprimer l’alinéa 11.

Mme Séverine Gipson. L’amendement I-CF501 vise à stabiliser, en 2021, les ressources affectées aux CCI, afin de maintenir l’accompagnement de proximité, peu coûteux et nécessaire qu’elles assurent, notamment dans les zones rurales, auprès des TPE et PME, de permettre leur pleine mobilisation en faveur de la réussite du plan France relance et de mener à leur terme la modernisation et la transformation prévues dans la loi PACTE.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF624 tend à maintenir les ressources des CCI. Je m’en tiendrai là, car beaucoup de choses ont déjà été dites et nous aurons certainement un débat sérieux sur cette question en séance publique.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF874 est défendu.

Mme Stella Dupont. En 2018, nous avons voté une réforme exigeante du réseau des chambres de commerce et d’industrie, en créant un véritable outil de pilotage. Les CCI ont respecté le nouveau cadre législatif ainsi défini et se sont mises en ordre de marche. Pendant la crise sanitaire, elles ont été présentes, réactives, et ont accompli un travail exceptionnel en coopération avec les préfets, les régions et les collectivités.

La trajectoire que nous avons votée il y a deux ans doit être remise en question car elle n’est pas tenable, compte tenu du contexte actuel, si particulier, et des besoins que nous constatons dans nos territoires. Du reste, les entreprises elles-mêmes – qui, ne l’oublions pas, financent les CCI : celles-ci ne sont pas une charge pour l’État – affirment vouloir continuer à payer les taxes affectées au financement des chambres de commerce. N’oublions pas, en outre, que ce sont les grandes entreprises qui, par le montant des taxes dont elles s’acquittent, financent les services dont bénéficient les plus petites. Il ne paraît donc pas pertinent, dans le contexte du moment, de privilégier le système de la facturation. (Plusieurs députés du groupe LR applaudissent.) C’est pourquoi l’amendement I-CF1079 vise à supprimer l’alinéa 11.

M. Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le rapporteur général, ça suffit ! Ah, elle est belle, votre politique des territoires. À quoi bon faire de grandes déclarations et annoncer qu’on veut être le Premier ministre des territoires si l’on continue de mener la même politique ? C’est honteux. Charles de Courson a raison de parler d’acharnement. Nous avons besoin des chambres de commerce pour accompagner les entreprises et leurs projets. Il ne s’agit pas de la politique des grandes métropoles, du Grand Paris et compagnie : je vous parle des besogneux qui vont chercher les emplois. Arrêtez de leur faire les poches et maintenez leurs ressources, qui ont déjà été beaucoup ponctionnées ! Voilà l’objet de l’amendement I-CF1268.

M. Jean-Paul Mattei. Ce n’est pas le moment de priver les chambres de commerce de ressources. Elles ont su jouer un rôle important durant la crise sanitaire et elles ont eu la sagesse de se restructurer pour évoluer. En outre, je le rappelle, l’Inspection générale des finances souligne, dans son rapport, qu’en deçà de 520 millions d’euros de ressources annuelles consolidées, elles auront du mal à assumer leurs missions. Pour ces différentes raisons, nous proposons, par l’amendement I-CF1342, de supprimer l’alinéa 11.

Mme Christine Pires Beaune. Charles de Courson a rappelé les engagements du Gouvernement. De fait, le 14 novembre 2017, devant la commission des affaires économiques du Sénat, le ministre de l’économie avait affirmé, à propos des chambres de commerce et d’industrie : « Nous prenons l’engagement de garantir la stabilité de leurs ressources en 2019-2022 », après la ponction effectuée en 2018. Or, il a annoncé, en 2019, une nouvelle diminution, qui se poursuit depuis. En multipliant ainsi des promesses que l’on ne tient pas, on décrédibilise la parole politique, et c’est dramatique ! Qui plus est, le moment est le plus mal choisi, car ceux qui doutaient de l’utilité des CCI ont pu constater durant la crise combien elles se sont mobilisées en faveur des entreprises. L’amendement I-CF1375 vise donc à supprimer l’alinéa 11.

M. Arnaud Viala. Depuis trois ans, la ponction sur les ressources des CCI est massive ; elle s’élève désormais à 350 millions d’euros. Qui plus est, elle s’ajoute au démantèlement, opéré antérieurement, de la compétence économique des conseils généraux, puis départementaux, privés des outils qui leur permettaient d’accompagner les entreprises au plus près des territoires. Certes, les régions ont tenté de se substituer aux départements, mais elles n’y parviennent pas entièrement, faute d’être aussi proches du terrain, notamment des TPE et des PME.

Pendant la crise, et dans le cadre du plan de relance, ce sont les agents des CCI qui ont aidé les entrepreneurs, dont nous avons pu mesurer le désarroi face à la complexité des dispositifs, à comprendre les dossiers et à les remplir. Si les CCI n’avaient pas été là en tant qu’opérateurs de l’État pour accompagner le service public de l’emploi, les DIRECCTE (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et les préfectures, elles-mêmes complètement démunies et désarmées, la plupart des entreprises n’auraient pas pu bénéficier de ces dispositifs. Il est temps d’arrêter cette saignée si nous ne voulons pas que le désert des territoires devienne également un véritable désert économique. C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement I-CF1443, de supprimer l’alinéa 11.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’observe que 5 % des amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances ont trait aux chambres de commerce et d’industrie… Force est donc de constater que le sujet est important et qu’il préoccupe l’ensemble des groupes de notre assemblée.

Deux observations préalables. Tout d’abord, je ne reviendrai pas sur la chronologie des discours du Gouvernement. Non seulement cela ne m’intéresse guère, mais je ne suis pas comptable de ses promesses. À ce propos, Charles de Courson, ne me pointez pas du doigt lorsque vous vous en prenez au Gouvernement : il y va du respect du Parlement. Ensuite, il y a, me semble-t-il, une confusion entre les annonces effectuées avant la loi PACTE et celles qui sont intervenues après. Mais peu me chaut : l’important, c’est la réalité actuelle des CCI.

Efforçons-nous donc d’en dresser un constat clinique, en rappelant le contenu de la réforme proposée dans la loi PACTE. Cette réforme s’inscrivait dans une double logique, que CCI France – dont j’ai rencontré le président et les vice-présidents – ne renie absolument pas : elle consiste, d’une part, à réduire et à simplifier la taxe pour frais de chambre due par les entreprises et, d’autre part, à la remplacer par la facturation à ces mêmes entreprises des services que les chambres leur proposent. Dès lors, une trajectoire financière a été définie et assortie, c’est là que le bât blesse, de la fixation d’un plafond. Concentrons-nous sur ce désaccord.

La crise est une réalité ; je suis d’accord avec vous sur ce point. Et il est évident que les CCI sont utiles aux entreprises. Je suis, comme vous, un élu de terrain, je connais très bien les TPE et les PME et, durant la crise, j’étais quotidiennement à leurs côtés avec les responsables de la CCI du Val-de-Marne, avec qui je m’entends très bien. La question est celle de savoir, non pas si elles ont travaillé, mais si l’on met en difficulté le fonctionnement du réseau au cœur de la crise alors qu’on prend par ailleurs diverses mesures pour tenir compte du fait que celle-ci a pu empêcher certaines transformations.

Or, dans le PLFR 3, vous avez déjà adopté, contre mon avis, un relèvement de 100 millions d’euros du plafond de la taxe. Rappelons qu’en 2020, nous avons, en outre, supprimé le prélèvement dit de France télécom, qui pesait à hauteur de 30 millions d’euros sur les comptes de CCI France. Pour 2020, nous avons ainsi rehaussé les moyens de CCI France de 130 millions d’euros.

Laissez-moi vous dire les choses comme je les ressens. Premièrement, il ne faut pas abandonner l’esprit de la transformation du réseau des chambres de commerce et d’industrie, et je crois pouvoir dire que le président de CCI France est d’accord avec moi sur ce point.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est clair !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cependant, nous ne pouvons pas être aveugles aux difficultés que CCI France peut rencontrer, en raison de la crise, pour se réorganiser et facturer ses services à des entreprises elles-mêmes en difficulté de trésorerie. En conséquence, peut-être faut-il ralentir ou décaler – appelez cela comme vous voulez – cette transformation. Toutefois, vos amendements visent, non pas à décaler la baisse du plafond, ce sur quoi je pourrais être d’accord, mais à le maintenir. Or, si l’on suit cette logique, on ne parviendra pas à la transformation telle qu’elle avait été négociée avec le réseau des CCI.

Ne pourrions-nous pas nous accorder sur une solution, un juste milieu, qui permettrait d’éviter de gravir une double marche en 2021 – deux fois 100 millions d’euros – en relevant le plafond de 100 millions d’euros tout en maintenant la trajectoire financière, quitte à ce qu’elle soit prolongée d’une annuité ? Autrement dit, ne pourrions-nous pas considérer 2020 comme une année blanche ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Non !

M. Fabrice Brun. Alors, nous aurons le même débat en 2021 !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui, car je tiens à la transformation du réseau des CCI. En tout état de cause, compte tenu de la baisse du rendement de la taxe, qui s’imposera à nous de toute manière, nous serons confrontés à un problème de recettes. Dès lors, soit nous allons au terme de la transformation, soit nous abandonnons ce projet, et nous revenons au système antérieur en renonçant aux 400 millions d’euros rendus aux entreprises. À ce propos, madame Dupont, ces dernières veulent continuer à payer les CCI, dites-vous. Cela tombe bien : elles le feront en s’acquittant des services qu’elles leur factureront.

Je vais vous le dire comme je le pense : nous ne pouvons pas continuer à avoir, chaque année, un débat sur le financement des chambres de commerce et d’industrie. Il y a un problème de méthode. De deux choses l’une : soit la majorité du Parlement estime que la transformation est utile mais qu’elle doit se faire à un rythme acceptable pour les CCI – c’est la position que je défends, même si je n’ai pas encore déposé d’amendement, en proposant que 2020 soit une année blanche ; soit nous abandonnons la réforme – ce n’est pas à moi de le décider –, et il faut peut-être se demander si l’État doit rester la tutelle des CCI. Après tout, les conseils régionaux exercent la compétence économique dans les territoires : pourquoi les chambres de commerce ne relèveraient-elles pas de la compétence régionale ?

Mon avis, vous l’aurez compris, est défavorable car les amendements remettent en cause la transformation du réseau des CCI. Mais je proposerais, si vous le souhaitez, une solution qui permette d’amortir la chute de 200 millions d’euros en 2021 en la limitant à 100 millions d’euros.

M. Alexandre Holroyd. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, pour votre intervention, qui éclaire notre débat. Comme vous l’avez très bien résumé, deux éléments sont en jeu. Le premier, c’est la réforme initiale, c’est-à-dire l’évolution du fonctionnement du réseau. Cette évolution a fait l’objet d’un consensus lorsqu’elle a été décidée, consensus qui, me semble-t-il, perdure ; c’est pourquoi votre proposition de compromis me paraît être la solution. Le deuxième élément, c’est le rythme de la réforme. Sur ce point, il faut entendre l’inquiétude exprimée sur l’ensemble des bancs et s’engager, cette année, compte tenu de la crise, à faire un effort dans cette direction.

Aussi, je souhaite que, d’ici à la séance, la réflexion porte sur le rythme de la réforme et que nous étudions la possibilité de faire évoluer CCI France selon des modalités différentes de celles qui ont été initialement choisies.

M. Charles de Courson. Vos idées peuvent être intéressantes, monsieur le rapporteur général, mais votre amendement n’est pas prêt. Vous le déposerez sans doute en séance publique ; en attendant, prononçons-nous sur ceux qui sont en discussion. Je connais intimement les chambres de commerce depuis quarante ans, car j’ai été, au ministère des finances, chef du bureau de l’industrie, qui est leur autorité de tutelle. Lorsque le président de CCI France est venu me voir, il ne m’a pas dit la même chose qu’à vous ; il m’a indiqué que les chambres ne pouvaient plus continuer à facturer, pour la raison exposée tout à l’heure par Mme Dupont : ce système est défavorable aux petites et moyennes entreprises. Passons au vote, et nous aviserons en séance publique.

M. Jean-Paul Mattei. Nous pouvons très bien adopter ces amendements, compte tenu du contexte particulier – on parle tout de même d’un plan de relance de 100 milliards d’euros – et laisser aux CCI une chance de prouver, comme elles l’ont fait pendant la crise, qu’elles sont un soutien important pour les entreprises. Au demeurant, elles contribueront à la réussite du plan de relance, de sorte que ces 100 millions d’euros ne seront pas gâchés : nous bénéficierons en quelque sorte d’un retour sur investissement.

M. Philippe Chassaing. J’ai souvenir que lors de l’examen du PLFR 3, le ministre avait indiqué que le moment n’était pas opportun pour discuter du maintien ou non de la trajectoire financière, qu’il attendait les conclusions du rapport de CCI France pour apporter un certain nombre de réponses et qu’il était ouvert à une négociation lors de l’examen du prochain PLF. Nous y sommes. Pour ma part, je suis d’accord avec le rapporteur général : la question de la transition doit être clairement posée.

La commission adopte les amendements I-CF40, I-CF46, I-CF136, ICF201, I-CF278, I-CF342, I‑CF472, I-CF489, I-CF490, I-CF501, I-CF624, I‑CF874, I-CF1079, I-CF1268, ICF1342, I-CF1375 et I‑CF1443 (amendement 2835).

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF429 de M. Vincent Descoeur.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF931 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. Je vais défendre également l’amendement I‑CF930. Ces deux amendements ont pour objet de déplafonner les taxes fiscales affectées, pour l’une, au Centre technique de l’industrie des papiers (CTP), qui concerne le papier recyclé et l’usage des coproduits du bois, et pour l’autre, au centre technique industriel dénommé Institut des corps gras (ITERG), qui concerne notamment les biocarburants. En effet, ces deux centres, absolument essentiels pour anticiper la transition écologique et industrielle des filières concernées, ont signé un contrat d’objectif et de performance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dès lors que le contrat d’objectif et de performance a été présenté, il convient de respecter l’engagement pris. Avis favorable à ces deux amendements.

La commission adopte l’amendement I-CF931 (amendement 2836).

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF1251 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement a pour objet de laisser perdurer le fonds Barnier sous sa forme actuelle, donc de maintenir son financement par le produit d’une taxe affectée. En effet, je ne comprends pas pourquoi on veut budgétiser cet outil assez clair et dont le fonctionnement est satisfaisant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le fait que le plafond du fonds Barnier est porté à 205 millions d’euros me paraît plus important que de savoir s’il continue d’être abondé par une taxe affectée ou s’il est rebudgétisé. Ce qui compte in fine, ce sont les moyens qui lui sont attribués. En l’espèce, ils sont portés de 137 millions à 205 millions d’euros. On parle trop de méthode budgétaire et pas assez des possibilités offertes par l’augmentation du fonds. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. En l’espèce, une transformation n’est pas nécessaire : le fonds est géré par la caisse centrale de réassurance, il fait l’objet de rapports d’évaluation réguliers, il est très bien identifié, son circuit de financement ne présente aucune complexité particulière et les indemnisations sont clairement définies.

Mme Anne-Laure Cattelot. On peut saluer l’augmentation de ce fonds, compte tenu, hélas, du développement des catastrophes naturelles. Du reste, ne faut-il pas considérer cette rebudgétisation comme une opportunité d’augmenter plus facilement les crédits du fonds si des aléas climatiques importants surviennent en 2021 plutôt que comme une menace de fongibilité à la baisse ?

Mme Sabine Rubin. Pour une fois, je suis d’accord avec vous, monsieur le président. Ce qui nous inquiète, dans l’intégration de ce fonds dans le programme 181, c’est qu’on se donne la possibilité d’en faire un autre usage. Quant à son augmentation, elle est dérisoire au regard des besoins.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La véritable crainte, madame Rubin, c’est de ne pas être en mesure de dégager suffisamment de ressources pour faire face à des situations exceptionnelles telles que celle qui a été provoquée par la tempête Xynthia, par exemple. La seule ressource de ce fonds est une taxe. Dès lors que celle-ci a atteint son rendement, vous pouvez toujours puiser dans la trésorerie mais, une fois qu’elle est épuisée, vous êtes coincée. L’intérêt de la budgétisation, c’est qu’elle donne accès à un robinet directement branché sur le budget général de l’État.

Ce que je trouve dommage – et je ne vous en fais pas le reproche –, c’est qu’une rebudgétisation suscite toujours la méfiance. Il ne devrait pas en être ainsi, car elle offre la possibilité de mobiliser, le cas échéant, davantage de moyens – et l’État a démontré qu’il était capable de le faire dans les situations d’urgence – et d’améliorer le pilotage, notamment en y associant les parlementaires. Nous avons tous à gagner à la rebudgétisation des comptes d’affectation spéciale !

M. le président Éric Woerth. La défiance est fondée sur l’expérience, sur l’histoire…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Certes, mais on peut changer les choses.

La commission rejette l’amendement I-CF1251.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF445 de M. Bertrand Pancher, les amendements identiques I-CF440 de M. Bertrand Pancher et I‑CF1270 de M. Jean-Paul Lecoq, l’amendement I-CF441 de M. Bertrand Pancher et les amendements identiques I-CF442 de M. Bertrand Pancher, I-CF847 de Mme Jennifer de Temmerman et I-CF1357 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. François Pupponi. Les amendements I-CF445 et I-CF440 sont défendus, de même que les amendements I-CF441 et I-CF442.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF1270 vise à allouer 1,048 milliard d’euros de recettes de la taxe sur les transactions financières (TTF) à l’aide publique au développement. Cette opération permettrait, moyennant le relèvement à 0,4 % du taux de la TTF, de libérer 520 millions d’euros supplémentaires pour le développement – mais vous avez paru totalement fermé lorsque nous avons évoqué le sujet, monsieur le rapporteur général.

Mme Jennifer de Temmerman. Du fait de la pandémie de Covid-19, l’extrême pauvreté risque de progresser dans le monde, pour la première fois depuis 1990. L’aide publique au développement est donc plus essentielle que jamais. Le Président de la République s’était engagé à la faire progresser pendant son quinquennat, mais la concrétisation de cette promesse a été renvoyée à la loi de programmation relative au développement, dont il semble de plus en plus évident que nous ne verrons pas l’ombre avant 2022.

Mon amendement I-CF847, un peu moins ambitieux que ceux qui viennent d’être défendus, tend lui aussi à relever le plafond de cette aide publique.

M. Hubert Julien-Laferrière. Dans le même esprit, mon amendement I‑CF1357 vise à augmenter la part de TTF affectée au développement. Cette taxe a été créée pour financer l’aide publique au développement ; mais, comme la répartition entre la fraction allouée au budget général et celle qui va au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) correspond à un plafond et non à un pourcentage, bien que les recettes aient doublé depuis 2016, passant de 1,1 milliard d’euros à plus de 2 milliards d’euros, la part affectée au développement, qui était de la moitié à l’époque, n’est plus que d’un quart aujourd’hui. Il faut donc modifier le plafond pour que 50 % au moins du produit de cette taxe aille à l’aide au développement. Je rappelle à mon tour que le Président de la République s’est engagé à consacrer à celle-ci 14 à 15 milliards d’euros en 2022. Ce qui est proposé est indolore pour les finances publiques, puisque la TTF a été créée à cette fin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne sais pas où vous avez trouvé le chiffre de 2 milliards d’euros de recettes de TTF : selon Bercy, c’est 1,4 milliard !

M. Hubert Julien-Laferrière. 2 milliards, c’est ce qui est prévu pour 2020 !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non. Le reversement de la TTF à l’État représentait un milliard d’euros en 2019 : je ne vois pas comment le montant de son produit pourrait atteindre deux milliards en 2020. Vous fixez un plafond très au-dessus du niveau du rendement ; c’est inefficient. Si le rendement de la taxe est inférieur au plafond, vous aurez beau fixer le plafond que vous voulez, c’est le rendement qui est affecté, c’est donc lui qui compte.

En revanche, le FSD a pour intérêt, par rapport aux crédits budgétaires de l’aide publique au développement, de pouvoir être reporté sur plusieurs années afin de respecter des conventions bilatérales.

Il n’y a pas trente-six solutions : ou bien on accroît le rendement de la taxe, ce qui suppose d’augmenter la TTF ; ou bien on en passe par les crédits budgétaires de l’APD – qui sont revalorisés chaque année. Mais celle que vous proposez est stérile : vous relevez un plafond sous lequel le rendement n’augmente pas, et risque même de diminuer ; cela ne créera pas davantage de ressources pour le fonds.

Il faut assurément que l’engagement présidentiel de porter le montant de l’APD à 0,55 % du revenu national brut soit tenu d’ici à la fin du mandat. Mais cela passe surtout par des crédits budgétaires, autrement dit par des crédits APD – c’est le moyen le plus simple de piloter l’évolution –, beaucoup plus que par le FSD.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF445, les amendements identiques I-CF440 et I‑CF1270, l’amendement I-CF441 et les amendements identiques ICF442, I-CF847 et I-CF1357.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur général, elle adopte l’amendement I‑CF930 de Mme Anne-Laure Cattelot (amendement 2837).

Elle adopte enfin l’article 24 modifié.

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*     *

Après l’article 24

La commission est saisie des amendements I-CF183 et I-CF184 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF183 tend à accroître les ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France par l’intermédiaire de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Cela permettra de financer les nombreuses routes nationales relevant de la compétence de l’État dont il faut moderniser le tracé et renforcer la sécurité, comme la RN102 entre le Buis d’Aps et la montagne ardéchoise.

L’amendement I-CF184 vise à flécher les ressources de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, vers l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui doit avoir les moyens de piloter la politique énergétique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous voilà revenus au débat sur les exonérations de TICPE… Je reste opposé au nettoyage brutal des niches : le nettoyage en lui‑même est nécessaire, mais après évaluation et, surtout en temps de crise, concertation avec les filières.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF183 et I-CF184.

 

 


Article 25
Intégration au budget de l’État du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article intègre le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) dit « fonds Barnier » au budget de l’État. Ce fonds sans personnalité juridique, créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, est devenu le principal outil de financement de la politique nationale de prévention des risques naturels. Cette politique publique sera financée, à compter de 2021, à hauteur de 205 millions d’euros, par les crédits de l’action 14 – Fonds de prévention des risques naturels majeurs du programme 181 Prévention des risques de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

En conséquence, l’article intègre au budget de l’État la taxe plafonnée qui était affectée au fonds. Il s’agit d’un prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles prévu par le II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement et l’article 1635 bis AD du code général des impôts et plafonné à hauteur de 137 millions d’euros.

Le dispositif proposé contribue au regroupement de l’ensemble des dépenses consacrées aux politiques en faveur de la transition écologique au sein d’une même mission budgétaire. En clarifiant les moyens qui sont consacrés à cette politique, il améliore la visibilité des interventions de l’État et la lisibilité du cadre budgétaire publique dans ce domaine.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 44 de la loi de finances pour 2018 ([556]) a introduit le plafonnement à 137 millions d’euros de la taxe affectée au FPRNM.

L’article 238 de la loi de finances pour 2019 ([557]) a procédé à diverses modifications du fonctionnement du fonds, en prorogeant, étendant et modifiant des plafonds de financement de mesures prises en charge par le fond.

L’article 81 de la loi de finances pour 2020 ([558]) a supprimé le plafond de dépenses des mesures temporaires prévues par l’article 128 de la loi de finances pour 2004 ([559]) et financées par le fonds.

 

 

I.   Principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels, le fonds barnier se situe hors du budget de l’État

A.   État du droit

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », a été créé par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement ([560]). Les dispositions correspondantes ont été intégrées au code de l’environnement à ses articles L. 561‑1 à L. 561-4.

Les champs d’intervention du fonds sont définis par la loi, d’une part, selon des dispositions permanentes énumérées par l’article L. 561-3 du code de l’environnement et, d’autre part, selon des dispositions temporaires définies par les articles 128 de la loi de finances pour 2004 ([561]) et 136 de la loi de finances pour 2006 ([562]). Les dépenses relatives aux dispositions temporaires font l’objet de plafonds fixés par ces deux articles.

Le FPRNM est financé par un prélèvement de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles prévu par le II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement et l’article 1635 bis AD du code général des impôts ([563]). Il peut en outre recevoir des avances de l’État.

Le FPRNM est un fonds sans personnalité juridique, c’est-à-dire un « véhicule financier contrôlé par l’État ou d’autres personnes publiques et dont la gestion est confiée à des tiers » ([564]). En effet, l’article 13 de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement confie la gestion comptable et financière du fonds à la Caisse centrale de réassurance qui est une société anonyme détenue par l’État. Les actions financées par le fonds ne sont pas intégrées au budget de l’État, et ce même si ce fonds reçoit le produit d’une taxe qui correspond à un financement public. Les demandes de financement par le fonds sont accordées par les préfets et les sommes transitent par les caisses des directions départementales et régionales des finances publiques ([565]).

B.   Une « débudgétisation » devenue critiquable

a.   Les missions du fonds Barnier n’ont cessé de croître

Devenu, pour l’État, le principal instrument de prévention des risques naturels, la taille et les missions du fonds ont pris une ampleur non négligeable.

La mission initiale du FPRNM était bornée au financement des indemnités versées aux propriétaires de biens expropriés en raison de risques naturels menaçant gravement la vie des occupants (article 13 de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement). Les dépenses du fonds sont ainsi restées limitées jusqu’en 2004 à environ 10 millions d’euros par an ([566]).

Depuis 2004, le fonds a connu un élargissement conséquent de ses champs d’intervention. Au 5 décembre 2016, la Cour des comptes évoque 18 lois comprenant 45 dispositions qui ont élargi le champ d’intervention du FPRNM ([567]). Il contribue désormais, par exemple, au financement d’études visant à mieux faire connaître le risque, à des campagnes de prévention, à des travaux de réduction de la vulnérabilité face aux risques naturels. Par conséquent, ses dépenses n’ont cessé de croître atteignant 100 millions d’euros dès 2007, 158 millions d’euros en 2014 puis 174 millions d’euros en 2018. Au 31 décembre 2018, le fonds aura reçu depuis sa création 2,55 milliards d’euros de recettes et dépensé 2,32 milliards d’euros.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution récente des principales dépenses du fonds par catégories.

Évolution des dÉpenses du FPPRNM par type de mesures

(en millions d’euros)

Dépenses par type de mesure

2018

2017

2016

2015

2014

Expropriations

1,7

3,0

7,0

14,2

7,1

Cofinancement des PPRN* et information préventive

19,1

14,5

15,5

12,4

9,2

Cartographie Directive inondation

0,9

0,2

0,2

0,4

0,5

Évacuations et relogement

0,7

0,8

0,4

0,6

0,4

Acquisitions amiables

21,0

20,0

30,8

17,6

14,2

Traitement des cavités souterraines

0,5

1,3

0,8

0,9

0,4

Études et travaux prescrits par un PPRN

0,6

1,1

0,2

1,2

0,4

Études et travaux (collectivités territoriales)

109,3

118,3

91,1

61,4

77,3

Étude et travaux de mise en conformité des digues domaniales

15,0

15,0

27,4

9,6

13,1

Études et travaux de prévention du risque sismique dans les HLM

5,0

0,7

4,9

4,9

3,0

Études et travaux de prévention du risque sismique SDIS

0,0

0,1

0,0

0,2

9,6

Aide aux quartiers d’habitat informel

0,3

3,9

0,0

0,0

0,0

Études, travaux et équipements de prévention contre les risques naturels réalisés ou subventionnés par l’État avant le 1er janvier 2014

0,0

0,0

0,0

0,0

22,6

Prélèvement sur la trésorerie au profit du budget général de l’État

0,0

70,0

55,0

0,0

0,0

Total

174,1

248,9

233,3

123,4

157,8

* Note : Plan de prévention des risques naturels (PPRN)

Source : Rapports sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs annexé au projet de loi de finances 2021.

b.   Un fonds qui contrevient aux principes budgétaires traditionnels

Sans qu’ils soient contraires aux dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ([568]) (LOLF), les fonds sans personnalité juridique contribuent à la fragmentation budgétaire et s’opposent aux principes de bonne gestion budgétaire et comptable.

En premier lieu, la débudgétisation du fonds « Barnier » nuit au principe fondamental d’unité budgétaire qui veut que soient regroupées dans un texte unique l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État. En ce sens, il contribue à la fragmentation budgétaire associée à la multiplication des fonds sans personnalité juridique. Leur nombre serait au moins de 154 d’après la Cour des comptes ([569]). Ils représenteraient, au total, environ 31,2 milliards d’euros qui échappent au budget de l’État. Dans ce contexte, la mission d’information relative à la mise en œuvre de la LOLF ([570]) avait appelé à effectuer une revue des fonds sans personnalité juridique en identifiant les fonds qui doivent être supprimés, ceux qui doivent être rebudgétisés et ceux qui doivent être transférés à un opérateur.

Ainsi, l’existence de fonds sans personnalité juridique nuit à la lisibilité de la dépense publique. Le caractère extrabudgétaire du fonds Barnier empêche une appréciation exhaustive du coût réel des politiques publiques en faveur de l’environnement. En effet, les crédits qui concourent à ces politiques sont regroupés au sein de la mission budgétaire Écologie, développement et mobilité durables et sont examinés annuellement à l’occasion du vote de la loi de finances.

Par conséquent, la portée de l’autorisation parlementaire associée aux lois de finances s’en trouve amoindrie. Les dépenses réalisées par le FPRNM ne sont retracées qu’a posteriori, avec un an de décalage, dans un document annexé au projet de loi de finances dit « jaune budgétaire », désormais prévu par le 20° du I de l’article 179 ([571]) de la loi de finances pour 2020. Ce « jaune » fournit, certes, des informations précieuses auxquelles le citoyen n’a la plupart du temps pas accès s’agissant des fonds sans personnalité juridique. Toutefois, le législateur, après avoir décidé de l’affectation d’une ressource, de son plafonnement et d’une dotation initiale, ne peut plus se prononcer sur les moyens accordés aux fonds. Il se contente de les constater ex post. En tout état de cause, le fonds Barnier est un instrument de politique publique trop important pour échapper à un examen régulier de ses moyens et de leur exécution de la part du législateur financier.

Ensuite, le financement de politiques publiques par l’intermédiaire de ces fonds est soustrait aux dispositions organiques de la gestion budgétaire qui garantissent l’application des principes budgétaires ou encadrent leurs dérogations :

– l’intervention d’un arrêté de reports de crédits n’est ainsi pas nécessaire pour que soient reconduits en année N + 1 les crédits des fonds sans personnalité juridiques non consommés en année N. Cela a permis, pour le FPRNM, l’accumulation d’une trésorerie conséquente ;

– la distinction entre les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) n’est pas applicable aux fonds sans personnalité juridique, si bien qu’il n’est pas possible de tenir une comptabilité d’engagement ;

 la régulation budgétaire, par la mise en réserve des crédits et les annulations en gestion, n’est pas possible.

c.   Le système de financement actuel n’est ni adapté ni soutenable

Le système de financement actuel du fonds Barnier ne permet pas d’adéquation entre les besoins de la politique de prévention et les recettes qui lui sont associées.

Le lien entre les polices d’assurance relatives aux catastrophes naturelles et la politique publique de prévention est largement théorique. Comme l’a rappelé un rapport sénatorial relatif à la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation du 3 juillet 2019 ([572]), les assurés ignorent qu’ils sont soumis à ce prélèvement affecté autant qu’ils méconnaissent l’existence du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

En outre, la Cour des comptes a relevé de nombreuses dérives concernant les rachats de biens. Le code de l’environnement pose, par exemple, comme condition à une acquisition construite dans une zone à risque, que le bien soit préalablement assuré, ce qui justifie le financement du FPRNM par un prélèvement sur les primes d’assurance. Or, dans un certain nombre de cas, cette règle n’est pas respectée([573]) ce qui constitue un effet d’aubaine important et rompt le lien entre financement et dépenses du fonds.

Les ressources affectées au FNPRM ont longtemps été largement supérieures aux besoins ce qui permet au fonds de disposer encore aujourd’hui d’une trésorerie importante. Toutefois, les années marquées par des évènements exceptionnels ont conduit à des dépenses supérieures aux ressources disponibles, ce fut notamment le cas en 2010 à la suite de la tempête Xynthia qui a soumis le littoral atlantique à des inondations de grande ampleur. La trésorerie du fonds a permis de compenser ce type d’aléas, mais l’isolement du fonds limite les possibilités de soutien budgétaire mobilisable au sein du budget général.

Évolution des recettes*, des dÉpenses et de la trÉsorerie du FPRNM

(en millions d’euros)

Note : les données relatives à la trésorerie ne sont pas disponibles avant 2010

* Les recettes incluent le produit de la taxe affectée ainsi que des reversements qui correspondent aux reliquats d’opérations achevées pour des délégations antérieures à l’année en question, et dont le montant s’ajoute ainsi aux recettes annuelles pour constituer les ressources mobilisables pour l’année en question. Le montant de ces reliquats était de 27 millions d’euros en 2018.

Source : Rapports sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

L’accumulation d’une trésorerie conséquente a conduit à des prélèvements sur trésorerie au profit du budget de l’État de 55 et 70 millions d’euros respectivement en 2016 et 2017. Ensuite, la taxe affectée au FPRNM a subi un plafonnement à hauteur 137 millions d’euros à l’occasion de la loi de finances pour 2018 ([574]). Après déduction des frais d’assiette et de recouvrement qui s’élèvent à 4 %, cela représente une recette annuelle nette de 131,5 millions d’euros. Les dépenses du fonds ayant représenté en moyenne 162 millions d’euros depuis 2007, sa trésorerie devrait diminuer rapidement. L’équation financière du fonds ne semble donc plus soutenable à long terme d’autant que les risques naturels semblent durablement croissants.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Une intégration du FPRNM et de la taxe le finançant au budget de l’État

Le présent article procède à la « rebudgétisation » du FNPRM et à une réaffectation au budget général de la taxe qui le finance aujourd’hui.

À cet effet, le I supprime les dispositions relatives au financement du FPRNM par un prélèvement affecté et à la gestion du fonds. Celles-ci étaient prévues par le II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement qui :

– regroupe les dispositions relatives au prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, dont l’attribution de cette ressource au FPRNM (alinéas 1 et 2 du II) ;

– prévoit la possibilité pour le fonds de recevoir des avances de l’État (alinéa 3) ;

– et attribue la gestion du fonds à la caisse centrale de réassurance (alinéa 4).

Par ailleurs, le présent article supprime également le « jaune budgétaire » relatif à la gestion du FPRNM prévu par le 20° du I de l’article 179 de la loi de finances pour 2020 ([575]). Le FPRNM étant désormais intégré au budget général, les informations le concernant figureront directement dans les documents budgétaires (projet annuel de performance et rapport annuel de performance) relatifs à la mission Écologie, développement et mobilités durables. Une action est consacrée au fonds, l’action 14 – Fonds de prévention des risques naturels majeurs du programme 181 Prévention des risques. Il n’y a donc plus lieu de disposer d’un du jaune associé.

Le premier alinéa du II prévoit le rapatriement, sur le budget de l’État, avant le 31 avril 2021, du solde de trésorerie constaté sur le compte de la caisse centrale de réassurance au 31 décembre 2020. Par ailleurs, il engage l’État à poursuivre, sur son budget général, le financement des opérations enregistrées avant le 31 décembre 2020.

Le du III supprime le prélèvement finançant le FPRNM au sein de la subdivision du code général des impôts consacrés aux impositions perçues au profit des autres personnes que l’État. Le du même III recrée, à l’article 235 ter ZE du code général des impôts, ce prélèvement sur les assurances au profit du budget général de l’État.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Les conséquences budgétaires de cet article sont de deux ordres.

À titre exceptionnel, le budget de l’État sera augmenté en 2021 du solde des disponibilités du compte réservé au fonds dans les écritures de la caisse centrale de réassurance à la date du 30 décembre 2020. Cela représentera une recette exceptionnelle estimée, par l’étude préalable, à 100 millions d’euros. Le budget général de l’État devrait également bénéficier, en 2021, du reversement du reliquat de la trésorerie déjà déléguée par le FPRNM aux services déconcentrés de l’État, dont le montant n’est pas connu, d’après l’évaluation préalable.

À titre pérenne, les recettes de l’État augmenteraient, d’une part, de 137 millions d’euros grâce à la réintégration des ressources actuellement affectées au FPRNM, mais diminueraient, d’autre part, de 205 millions d’euros par an au titre des crédits de l’action 14 du programme 181 de la mission Écologie, mobilité et développement durables. Le solde pour l’État se dégraderait donc de 68 millions d’euros par an.

Pour la politique de prévention des risques, la disposition conduit à garantir aux politiques publiques de prévention des risques naturels majeurs une dotation annuelle de 205 millions d’euros, supérieure au niveau moyen des dépenses constatées ces dernières années qui s’est établi à 162 millions d’euros entre 2007 et 2018. Cela correspond à une augmentation de 73,5 millions d’euros des moyens du fonds comparé aux 131,5 millions d’euros de recette actuelle net de frais de gestion.

*

*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF1213 de M. Éric Coquerel et I-CF1252 de M. Éric Woerth.

Puis elle adopte l’article 25 sans modification.

 

 


C. ‑ Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 26
Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes
et comptes spéciaux existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Comme chaque année, le présent article confirme pour l’année suivante les affectations résultant des budgets annexes et de certains comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent PLF. Cet article s’applique sans préjudice des autres articles du présent projet de loi, qui peuvent proposer la création ou la suppression de certains de ces budgets annexes et comptes spéciaux.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Du principe d’universalité budgétaire découle celui de non-affectation de recettes à des dépenses, qui conduit à présenter distinctement et dans leur globalité les recettes et les dépenses. Toutefois, par exception à ce principe, l’article 16 de la LOLF ([576]) dispose : « Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, dun budget annexe ou dun compte spécial. »

Par ailleurs, le 3° du I de l’article 34 de la même loi organique prévoit que « la loi de finances de lannée comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget général de lÉtat ».

En conséquence, l’objet du présent article est de confirmer, pour 2020, les affectations résultant de budgets annexes et de comptes spéciaux créés par les lois de finances antérieures.

Le dispositif est le suivant : « Sous réserve des dispositions de la présente loi, les affectations résultant de budgets annexes créés et de comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi sont confirmées pour l’année 2021 ».

Les budgets annexes et les différentes catégories de comptes spéciaux

Les budgets annexes et les comptes spéciaux constituent des exceptions au principe de non-affectation du budget, c’est-à-dire à l’interdiction d’affecter une recette à une dépense, ainsi qu’au principe d’unité du budget général de l’État. Ils retracent ainsi certaines recettes et certaines dépenses budgétaires.

Les règles de création des budgets annexes sont prévues par l’article 18 de la LOLF. Ils peuvent être créés pour retracer les seules opérations des services de l’État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances.

Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 19 à 24 de la LOLF.

Les comptes daffectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux présente un caractère limitatif.

Les comptes dopérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Ainsi, seraient reconduits pour 2021 :

– deux budgets annexes avec, au total, des ressources de 2,4 milliards d’euros et des charges de 2,5 milliards d’euros ;

– sept comptes d’affectation spéciale (CAS) avec, au total, des ressources de 76,4 milliards d’euros et des charges de 76 milliards d’euros ;

– six comptes de concours financiers avec, au total, des ressources de 128,3 milliards d’euros et des charges de 128,8 milliards d’euros ;

– dix comptes de commerce avec, au total, des autorisations de découvert de 20,5 milliards d’euros. L’essentiel de ces autorisations (19,2 milliards d’euros) est lié à la seule gestion de la dette et de la trésorerie de l’État ;

– et trois comptes d’opérations monétaires avec, au total, des autorisations de découvert de 250 millions d’euros. Celles-ci ne concernent que le compte Pertes et bénéfices de change.

Cette confirmation de l’affectation des ressources se fait « sous réserve » des dispositions particulières qui pourraient être contenues dans la loi de finances issue du présent PLF.

En l’occurrence, l’article 28 du présent PLF propose la suppression du CAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs. Par ailleurs, le CAS Transition énergétique sera supprimé au 1er janvier 2021, en application de l’article 89 de la loi de finances pour 2020 ([577]).

Le tableau suivant présente le solde des deux budgets annexes de l’État.

Solde des budgets annexes

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Budgets annexes

2020 (LFI)

2020 (LFR 3)

2021 (PLF)

Contrôle et exploitation aériens

Ressources

2 118

1 947

2 222

Charges

2 141

2 170

2 272

Solde

 23

 223

 50

Publications officielles et information administrative

Ressources

177

177

159

Charges

157

157

152

Solde

+ 20

+ 20

+ 7

Solde de l’ensemble des budgets annexes

 3

 203

 43

 Source : présent PLF.

Les comptes spéciaux se décomposent en 7 comptes d’affectation spéciale, ayant pour objet d’affecter des recettes à des dépenses ; 6 comptes de concours financiers, qui ont pour objet de permettre à l’État de faire des avances financières ; 10 comptes de commerce permettant de réaliser des opérations de nature industrielle ou commerciale ; 3 comptes d’opérations monétaires permettant de réaliser des opérations d’ordre strictement monétaire.

Les deux tableaux ci-dessous mentionnent le solde attendu des comptes spéciaux pour 2020 et pour 2021, ainsi que les autorisations de découvert des comptes de commerce et d’opérations monétaires.

Solde des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2020 (LFI)

2020 (LFR 3)

2021 (PLF)

Comptes d’affectation spéciale

Ressources

82 381

93 331

76 411

Charges

81 195

94 215

76 040

Solde

+ 1 186

 884

+ 370

Comptes de concours financiers

Ressources

127 440

127 440

128 269

Charges

128 736

129 111

128 759

Solde

 1 296

 1 671

 491*

Solde des comptes de commerce

+ 54

 43

 19

Solde des comptes d’opération monétaire

+ 91

+ 91

+ 51

Solde de l’ensemble des comptes spéciaux

+ 35

 2 507

 89

* Effets d’arrondis au dixième.

Source : présent PLF.

autorisation des découverts des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2020 (LFI)

2021 (PLF)

Comptes de commerce

19 896,8

20 519

Comptes d’opérations monétaires

250

250

Source : présent PLF.

Les cinq tableaux suivants récapitulent les intitulés des budgets annexes et des comptes spéciaux confirmés par le présent article.

Liste des budgets annexes du plf 2021

Contrôle et exploitation aériens

Publications officielles et informations administratives

Liste des comptes d’affectation spéciale du plf 2021

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Développement agricole et rural

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Participation de la France au désendettement de la Grèce

Participations financières de l’État

Pensions

Liste des comptes de concours financiers du plf 2021

Accords monétaires internationaux

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Avances à l’audiovisuel public

Avances aux collectivités territoriales

Prêts à des États étrangers

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Liste des comptes de commerce du plf 2021

Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

Couverture des risques financiers de l’État

Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés

Opérations commerciales des domaines

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

Renouvellement des concessions hydrauliques

Soutien financier au commerce extérieur

Liste des comptes d’opérations monétaires du plf 2020

Émission des monnaies métalliques

Opérations avec le Fonds monétaire international

Pertes et bénéfices de change

*

*     *

La commission adopte l’article 26 sans modification.

 

 


Article 27
Actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources de l’audiovisuel public (compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ») et stabilisation du tarif de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ajuste les ressources et les crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

Il diminue le montant maximal que l’État peut prendre en charge au titre de la compensation des dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public (CAP) de 542,1 millions à 487,9 millions d’euros. De surcroît, il abaisse le niveau plancher de cette contribution enregistrée au titre des recettes du compte de 3 246,9 millions à 3 231,1 millions d’euros.

L’article préserve néanmoins le mécanisme de garantie par l’État du niveau de recettes de la CAP, variable d’ajustement permettant d’assurer l’équilibre des ressources du compte.

Enfin, il prévoit le gel du tarif de la CAP en 2021. En l’absence d’une telle dérogation, ce tarif est indexé par l’article 1605 du code général des impôts sur l’évolution de l’indice des prix hors tabac.

Au total, les ressources de l’audiovisuel public au titre de la CAP atteindraient 3,7 milliards d’euros en 2021, en baisse de 70 millions d’euros par rapport à 2020.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   Le droit existant

Le compte spécial Avances à l’audiovisuel public relève de la catégorie des comptes de concours financiers (CCF), dont le régime est fixé à l’article 24 de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF) ([578]).

Les comptes de concours financiers dans la LOLF

L’article 24 de la LOLF dispose que les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d’un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d’État.

Le montant de l’amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

Toute échéance qui n’est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon la situation du débiteur : soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ; soit d'une décision de rééchelonnement faisant l'objet d'une publication au Journal officiel ; soit de la constatation d’une perte probable faisant l’objet d'une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l'exercice dans les conditions prévues à l'article 37 de la LOLF. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général.

Source : article 24 de la LOLF.

A.   Le compte assure un financement de l’audiovisuel public en dehors du budget général

Le CCF Avances à l’audiovisuel public (AAP) a été créé par le VI de l’article 46 de la loi de finances pour 2006 ([579]) pour prendre la suite du compte d’avances n° 903-60 Avances aux organismes de l’audiovisuel public.

1.   Les recettes du compte

Le compte est alimenté en recettes par le produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) ainsi que par les dégrèvements de CAP pris en charge par l’État.

a.   La contribution à l’audiovisuel public

L’essentiel des ressources du compte est constitué du produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Aux termes de l’article 46 de la loi de finances pour 2006, le compte retrace « les remboursements d’avances correspondant au produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances ». Ces frais d’assiette sont calculés conformément au XI de l’article 1647 du code général des impôts. Le taux d’intérêt est celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance que les avances ou, à défaut, d’échéance la plus proche.

i.   Les redevables de la CAP

Le régime juridique de la CAP est déterminé par l’article 1605 du code général des impôts, qui distingue le régime applicable aux particuliers de celui applicable aux personnes physiques exerçant à titre professionnel et aux personnes morales :

– les particuliers doivent acquitter cette taxe dès lors qu’ils sont imposables à la taxe d’habitation au titre d’un local meublé affecté à l’habitation, à la condition de détenir au 1er janvier de l’année concernée un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif du foyer. Cette condition est, par défaut, considérée comme remplie sur la déclaration de revenus du foyer fiscal ; le redevable doit, s’il ne détient pas un tel appareil, déclarer cette situation ;

– les professionnels et les personnes morales sont également redevables de la taxe, à la condition de détenir au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la contribution à l'audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans un local situé en France.

ii.   Le recouvrement et le tarif de la CAP

Le recouvrement de la CAP est adossé à celui de la taxe d’habitation (TH) : pour le moment, les réformes de la TH n’ont pas d’effet sur le recouvrement de la contribution, dans la mesure où les nouveaux contribuables bénéficiant d’un dégrèvement continueront à recevoir un avis d’imposition, le cas échéant avec une TH nulle. Environ 24 millions de foyers sont redevables de la contribution.

Le montant de la taxe est de 138 euros pour la France métropolitaine et de 88 euros pour les départements d’outre-mer. L’article 1605 du CGI prévoit que ce montant est indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, tel que prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l’année.

iii.   Des ressources en augmentation régulière

Les ressources issues de la CAP ont régulièrement augmenté au cours des dernières années. Les chiffres du tableau ci-dessous représentent les montants effectivement versés aux opérateurs : des frais d’assiette et de recouvrement sont en effet prélevés sur la somme des recettes brutes de CAP et du montant de remboursements et dégrèvements de CAP. Ces dotations sont, pour finir, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à un taux de 2,1 %.

Le produit de la CAP effectivement versÉ aprÈs impÔts

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020*

2021*

3 223,2

3 376,8

3 478

3 751,7

3 790,7

3 853,2

3 816,3

3 780,4

3 711,2

3 642,7

* Prévisions de recettes.

Source : commission des finances.

Cette augmentation s’explique en particulier par une hausse régulière du montant de la CAP : de 125 euros en France métropolitaine et 80 euros dans les départements d’outre-mer en 2012, il a progressivement augmenté pour atteindre respectivement 139 euros (+ 11,2 %) et 89 euros (+ 11,3 %) en 2018. Si la taxe n’avait été indexée que sur l’inflation, comme le prévoit l’article 46 précité, elle aurait atteint, en 2018, 131 euros.

En 2020, les deux tarifs de la CAP ont été abaissés d’un euro, à 138 euros en France métropolitaine et 88 euros au sein des départements d’outre-mer.

b.   Le dégrèvement pris en charge par l’État

Afin de préserver un certain niveau de recettes, un mécanisme de dégrèvement a été mis en place dès la création du compte en 2006. Ce dégrèvement consiste en la prise en charge, par l’État, de la contribution due normalement par certains redevables exonérés. Il est versé via le programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements du budget général.

Les personnes exonérées ou dégrevées de la taxe d’habitation bénéficient de ce dégrèvement de CAP, en vertu du 2° de l’article 1605 bis du CGI, en plus de celles exonérées au titre du dispositif « de maintien des droits acquis » prévu au 3° de ce même article 1605 bis, qui concerne les personnes exonérées de la redevance audiovisuelle au 31 décembre 2014.

À la création du compte, ce double mécanisme de garantie prévoyait ainsi un complément de financement par le budget général de l’État ainsi qu’un mécanisme de plancher de ressources à son bénéfice. Si les encaissements nets de CAP étaient inférieurs à ce plancher, qui correspond à un niveau prévisionnel voté en loi de finances initiale, le dégrèvement maximal de redevance audiovisuelle – le montant que l’État est autorisé à prendre en charge – doit être majoré à due concurrence. L’État se porte ainsi garant d’un niveau de ressources du compte et, de la sorte, les dépenses et les recettes du compte sont systématiquement équilibrées. À l’inverse, si les encaissements de CAP sont supérieurs au plancher, le montant des dégrèvements pris en charge par l’État est minoré à due concurrence.

En 2020, le montant de ce dégrèvement maximal est fixé à 542,1 millions d’euros. En vertu du mécanisme de garantie décrit ci-dessus, si les encaissements nets de CAP sont inférieurs au plancher de 3 249,9 millions d’euros, le montant de dégrèvement pris en charge par l’État est majoré à due concurrence.

Le mécanisme a été activé en 2010 pour 2,3 millions d’euros, en 2016 pour 103,3 millions d’euros, en 2017 pour 28,9 millions d’euros et en 2019 pour 71,3 millions d’euros. Il le sera en 2020 à hauteur de 81,3 millions d’euros, au regard des dernières prévisions présentées dans les annexes au présent projet de loi de finances.

L’application de ce mécanisme conduit à ce que le montant des dégrèvements compensés par le budget général ne corresponde pas systématiquement au montant des dégrèvements accordés aux contribuables exonérés, le premier montant pouvant même dépasser le second.

c.   L’évolution dynamique des recettes du compte

Comme le soulignait le rapporteur général dans son commentaire de la première partie de la loi de finances pour 2020 ([580]), pendant plusieurs années, le financement de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires, en plus de la CAP, était nécessaire afin de compenser la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes du groupe France Télévision à partir de janvier 2009. Le versement dans les écritures du CCF Avances à l’audiovisuel public de la compensation était assuré par le programme 313 Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique et action audiovisuelle extérieure de la mission Médias, livre et industries culturelles, supprimé en 2017.

La compensation budgétaire systématique du CCF AAP a, cependant, été progressivement mise en extinction entre 2011 et 2016 : en compensation, la CAP a fait l’objet des revalorisations évoquées supra et une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électronique (TOCE) a été affectée au compte.

L’affectation de la TOCE à France Télévisions

L’article 48 de la loi de finances pour 2016 a affecté une part du produit de la TOCE à France Télévisions, à hauteur de 140,5 millions d’euros. L’article 19 de la loi de finances pour 2018 a fortement réduit ce plafond en le fixant à 86,4 millions d’euros. La loi de finances pour 2019 a supprimé cette affectation à France Télévisions.

Le mécanisme de garantie des ressources du compte par financement budgétaire a néanmoins été conservé, comme présenté plus haut.

2.   Les dépenses du CCF

Ce compte retrace en dépenses le montant des avances accordées aux sociétés France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde et TV5 Monde et à l’Institut national de l’audiovisuel (INA), établissement public. Ces avances sont versées chaque mois aux bénéficiaires par douzième du montant prévisionnel des recettes du compte et ajustées sur la base des recettes prévisionnelles attendues en fonction des mises en recouvrement dès que celles-ci sont connues. Le solde est versé lors des opérations de répartition des recettes arrêtées au 31 décembre.

Le CCF AAP est constitué des six programmes 841 France Télévisions, 842 ARTE France, 843 Radio France, 844 France Médias Monde, 845 Institut national de l’audiovisuel et 847 TV5 Monde.

3.   Le fonctionnement du compte est contraire aux principes de la LOLF

Le financement du compte par taxe affectée avec une garantie de recettes apportée par l’État qui peut conduire à l’alimenter par une subvention depuis le budget général, « se détourne des principes de la LOLF et de la loi de finances pour 2006 », comme le soulignait le rapporteur général l’année dernière ([581]).

Cette remarque est étayée par les critiques répétées de la Cour des comptes dans ses notes d’analyse de l’exécution budgétaire du CCF AAP. Celle-ci considère en particulier que « les remboursements d’avances ne constituent pas des remboursements réels par les organismes audiovisuels publics, mais un jeu d’écritures conduisant à alimenter le compte par deux flux : le produit de la contribution à l’audiovisuel public et la valeur du montant des dégrèvements » ([582]).

Les dépenses du compte ne constituent pas réellement des avances, dès lors que les bénéficiaires ne les considèrent pas comptablement comme telles. La Cour relève que « les organismes publics n’inscrivent pas dans leurs comptes une dette financière qui serait la contrepartie de l’avance consentie par l’État ». Ainsi, « l’opération ne se solde, en cours d’année, par aucun versement d’intérêt qui aurait vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ni, en fin d’année, par aucun remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers » ([583]), comme le prescrit pourtant l’article 24 de la LOLF

Le fonctionnement du compte apparaît donc contraire aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Il permettait d’ailleurs aux dépenses du compte d’échapper à la norme de dépense à laquelle les autres crédits du budget général sont soumis. À la suite des demandes de la Cour, ces dépenses ont néanmoins été intégrées à la norme de dépense à compter de l’exercice 2018 ([584]).

Enfin, l’Insee retrace depuis 2018 la contribution à l’audiovisuel public comme un prélèvement obligatoire et non plus comme un achat de services audiovisuels.

B.   Le besoin de financement du compte en 2021

En juillet 2018, le Gouvernement a lancé une réforme de l’audiovisuel public qui, sur le plan budgétaire, doit permettre la réalisation de 190 millions d’euros d’économies entre 2018 et 2022.

En 2020, cet effort est fixé à 70,6 millions d’euros. Pour 2021, celui-ci serait de 70 millions d’euros, contre 80 millions prévus initialement : cette moindre baisse est destinée à financer le maintien de la chaîne France 4 en 2021. Au total, l’effort d’économie représente depuis 2017 une baisse de 5,5 % des ressources des opérateurs de l’audiovisuel public, supportée plus que proportionnellement par le principal bénéficiaire de la CAP, France Télévisions (baisse de 6,9 %).

Évolution des ressources publiques des sociÉtÉs de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Opérateur

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution 2021/2017

France Télévisions

2 547,7

2 516,9

2 490,8

2 430,8

2 371,3

– 6,9 %

ARTE France

274,3

279,5

277,5

275,3

273,3

– 0,4 %

Radio France

612,3

596,3

592,3

587,3

579,3

– 5,4 %

France Médias Monde

251,5

257,8

256,2

255,2

254,7

1,3 %

INA

89,0

88,6

87,4

86,4

87,9

– 1,2 %

TV5 Monde

78,4

77,4

76,2

76,2

76,2

– 2,8 %

Total

3 853,2

3 816,5

3 780,4

3 711,2

3 642,7

 5,5 %

NB : les montants présentés dans le tableau sont ceux effectivement versés aux sociétés de l’audiovisuel, après prélèvement des frais de gestion liés à la collecte de la CAP. Ils ne correspondent donc pas aux montants des recettes inscrites dans le compte.

Source : commission des finances.

II.   Le dispositif proposé

Le I modifie l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 afin d’abaisser le montant maximal de dégrèvement de 542,1 millions d’euros, chiffre prévu par la loi de finances pour 2020, à 487,9 millions d’euros en 2021. Il prévoit également de diminuer le plancher des encaissements nets de CAP de 3 246,9 millions en 2020 à 3 231,1 millions d’euros pour 2021.

Le II renouvelle la dérogation au III de l’article 1605 du code général des impôts, aux termes de laquelle le montant de la CAP fait l’objet d’une indexation annuelle sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, tel qu’il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l’année. Ainsi, dans un contexte de réforme de l’audiovisuel, le présent article propose, comme pour 2020, de ne pas indexer le tarif de la CAP sur l’inflation. Cette dérogation permet une diminution de 24 millions d’euros des prélèvements obligatoires par rapport à l’indexation automatique des tarifs de la contribution sur l’inflation.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement de suppression I-CF864 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’article 27 confirme le démantèlement progressif du service public en demandant de nouveau – pour 70 millions d’euros – des économies pérennes à un audiovisuel public déjà très en souffrance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Supprimer l’article 27, c’est préserver les recettes du compte d’affectation spéciale pour 2020, ce qui pourrait conduire à revaloriser d’un euro la contribution à l’audiovisuel public. Nous y sommes opposés. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF864.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF450 de Mme Frédérique Dumas.

M. Charles de Courson. Le texte qui nous est soumis ne paraît pas adapté à la situation prévisible du service public de l’audiovisuel en 2021. Celui-ci devait initialement réaliser 80 millions d’euros d’économies, ramenés par le présent article à 70 millions – dont plus de la moitié correspond à des frais de diffusion – à la suite de la décision de suspendre pour un an la bascule de France 4 vers le tout numérique. Il ne s’agit donc que de prolonger un délai, sans aucune ambition éditoriale, alors que cette chaîne destinée aux enfants devrait être une priorité du service public : le canal hertzien est un impératif face aux fractures territoriales, technologiques et d’usage.

Par ailleurs, la crise sanitaire a très fortement affecté les recettes du groupe France Télévisions : on estime à un peu plus de 30 millions d’euros, soit 40 % du total, sa perte de recettes publicitaires entre mars et avril dernier. Le report des jeux Olympiques, cet été, devrait entraîner un manque à gagner supplémentaire de près de 10 millions d’euros. Ces manques à gagner ne sont absolument pas compensés, ce qui, au bout du compte, augmente encore le montant des économies demandées.

Nous proposons donc de rétablir les montants pour 2020 concernant la prise en charge par le budget général de l’État des remboursements d’avances correspondant au produit de la contribution à l’audiovisuel public, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d’autre part, de rétablir également le montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle. Cela permettrait de dégager 70 millions d’euros pour combler à peu près les pertes résultant de la crise sanitaire – en ce qui concerne la reprise de la politique d’économies, nous verrons en 2022.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF450.

Puis elle adopte l’article 27 sans modification.


Article 28
Suppression du compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs (CAS SNTCV)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit de clôturer le compte d’affectation spécial Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs. Le mécanisme de péréquation qu’il portait, entre activités ferroviaires à grande vitesse rentables et lignes Intercités déficitaires, serait intégré au budget général.

Le produit de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), dont une part alimente aujourd’hui le compte d’affectation spéciale, serait reversé à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   Le droit existant

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs a été créé par l’article 65 de la loi de finances pour 2011 ([585]).

A.   Le CAS est le support de la péréquation entre activités ferroviaires

Le compte d’affectation spéciale est composé des deux programmes 785 Exploitation des services nationaux de transport conventionnés et 786 Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés.

Ce compte permet de financer, en premier lieu, la péréquation entre les activités ferroviaires rentables de grande vitesse et celles de longue distance déficitaires – les trains d’équilibre du territoire (TET) ou « Intercités ». Les deux programmes évoqués permettent ainsi de financer une compensation, établie par convention entre SNCF Mobilités et l’État, destinée à couvrir le déficit courant d’exploitation. Ce déficit est égal à l’écart entre les produits et les charges d’exploitation des TET, qui sont structurellement déficitaires. La loi de finances initiale pour 2020 prévoit le versement d’une compensation de 234,5 millions d’euros sur l’année.

Le compte comprend également, depuis 2018, les compensations versées par l’État aux régions – dites « soultes » – afin de financer les coûts d’exploitation des lignes TET déficitaires dont la gestion a été transmise à ces collectivités. Le montant de cette soulte est de 76,7 millions d’euros en 2020.

B.   Un financement par taxeS affectées

Le financement des dépenses du compte est assuré par l’affectation de deux taxes payées par les grandes entreprises ferroviaires et par une fraction de la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes :

– la contribution de solidarité territoriale (CST), prévue par l’article 302 bis ZC du code général des impôts (CGI), due par les entreprises de services de transport de voyageurs, assise sur le chiffre d’affaires issu de ces services ;

– la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF), issue de l’article 235 ter ZF du CGI, dont sont redevables les entreprises ferroviaires réalisant un chiffre d’affaires soumis à la CST supérieur à 300 millions d’euros ;

– la taxe d’aménagement du territoire, qui repose sur l’article 302 bis ZB du CGI, due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Dans les faits, la CST et la TREF sont uniquement acquittées par SNCF Mobilités. L’ensemble des trois taxes évoquées représente un montant de recettes de 312,7 millions d’euros en 2020 ([586]) : 16 millions d’euros pour la CST, 226 millions pour la TREF et 70,7 millions pour la part de TAT.

II.   Le dispositif proposé

A.   La clôture du cAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs

Le présent article prévoit la clôture au 1er janvier 2021 du CAS SNTCV et la rebudgétisation des dépenses qu’il finance. Il abroge pour cela le III et le IV de l’article 65 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

Deux arguments sont avancés pour justifier cette suppression :

– l’ouverture à la concurrence de l’exploitation des lignes TET Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon en 2021 rend inadapté le recours au CAS ;

– l’affectation au CAS d’une fraction de la taxe d’aménagement du territoire a affaibli sa logique de péréquation intermodale.

L’ouverture à la concurrence de ces deux lignes TET ne remet pas en cause le principe de la péréquation mais implique de modifier les modalités de versement de la compensation.

En effet, le fonctionnement des comptes d’affectation spéciale ne serait pas adapté à cette nouvelle situation : il ne permet pas, en particulier, de distinguer l’engagement juridique en autorisation d’engagement (AE) des versements en crédits de paiement (CP). Or, les marchés seront attribués sur la base d’une convention pluriannuelle, qui nécessitera un engagement juridique en année N pour un décaissement des fonds sur la durée de cette convention.

La suppression du CAS a d’ailleurs été recommandée par la Cour des comptes, celle-ci critiquant « un dispositif conduisant à faire financer par l’exploitant (taxes ferroviaires) la plus grande partie de la subvention que l’autorité organisatrice doit lui verser », à la fois dans son rapport public annuel de 2019 et au sein de la note d’analyse de l’exécution budgétaire du CAS pour 2019 ([587]). La Cour considère au demeurant, dans ce dernier document, que le maintien du compte n’est pas cohérent avec l’ouverture à la concurrence des lignes évoquées ci-dessus.

Dès lors, le présent article propose de réintégrer le mécanisme de péréquation au budget général de l’État. Ainsi, 293 millions d’euros sont prévus en 2021 et versés via le programme 203 Infrastructures et services de transport de la mission Écologie, développement et mobilité durable.

B.   Les taxes qui alimentaient le CAS SNTCV ont vocation à perdurer

1.   Les taxes prélevées sur les entreprises de transport ferroviaires doivent perdurer

Le présent article ne modifie par le régime de la CST et de la TREF, codifiées dans le CGI par les I et II de l’article 65 de la loi de finances pour 2011. Néanmoins, la suppression du III de ce même article met fin à l’affectation du produit de ces taxes au compte d’affectation spéciale SNTCV.

Ces deux taxes seraient dorénavant affectées au budget général de l’État, pour un montant évalué à 293 millions d’euros en 2021 ([588]) – ce qui correspond au niveau de crédit qui doit être ouvert au sein du programme 203. Cela représente une baisse de 19,7 millions d’euros par rapport aux recettes correspondantes du CAS telles qu’évaluées par la LFI 2020.

Aussi, si le présent article propose la suppression du CAS, les deux taxes ferroviaires qui l’alimentent (CST et TREF), créées au même moment que le compte, seraient préservées. La Cour des comptes a critiqué l’existence même de ces taxes : en effet, avec ce système, « l’exploitant est lié par des engagements (offre de service, qualité de service, objectif de recettes…) vis-à-vis de l’autorité organisatrice sans que cette dernière ne lui apporte la moindre subvention nette […] SNCF Mobilités en tant qu’exploitant d’un service conventionné doit pouvoir percevoir la subvention nécessaire pour réaliser son activité » ([589]). La Cour proposait dès lors, en parallèle de la suppression du CAS, de supprimer les deux taxes ferroviaires (CST et TREF). Sur ce dernier point, l’article proposé ne rejoint donc pas la position de la Cour des comptes.

2.   L’affectation de la taxe d’aménagement du territoire à l’AFITF

Le présent article prévoit enfin, en parallèle de la fermeture du CAS SNTCV, une affectation unique, et plus cohérente, de l’ensemble de la taxe d’aménagement du territoire (TAT).

Jusqu’à maintenant, la TAT était affectée pour un montant de 70,7 millions d’euros au CAS SNTCV, le reste étant versé à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). L’article commenté propose d’affecter l’ensemble de la taxe à l’AFITF, dans la limite d’un plafond de 557,3 millions d’euros en 2020 prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ([590]). Ce plafond n’est pas atteint, dans la mesure où le rendement atteindrait 487,3 millions d’euros cette année.

La présente loi de finances propose de porter ce plafond à 566,7 millions d’euros en 2021, soit une augmentation de 9,4 millions d’euros. Les annexes au présent projet de loi de finances prévoient que le rendement de la TAT affecté à l’AFITF augmenterait de 79,4 millions d’euros, en lien avec la réintégration de la part de TAT anciennement affectée au CAS, pour atteindre le plafond fixé pour 2021.

Plafonnement et rendement de la TAT

 

2020

2021

Plafond d’affectation à l’AFITF

557,3

566,7

Rendement

487,3

566,7

Écart

70

0

Source : Voies et moyens, tome I annexé au présent projet de loi de finances.

Le circuit des taxes actuellement affectées au CAS SNTCV

Fonctionnement actuel

Réforme proposée

Affectation au CAS

Affectation à l’AFITF

Affectation à l’État

Affectation à l’AFITF

– Contribution de solidarité territoriale (CST) et taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) : 242 millions ;

– Part de taxe d’aménagement du territoire (TAT) : 70,7 millions.

Rendement TAT : 487,3 millions

CST et TREF : 242 millions

Rendement TAT avec plafond relevé : 566,7 millions

Total : 800 millions

Total : 808,7 millions

Source : commission des finances.

*

*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1135 de M. Éric Coquerel.

Puis elle adopte l’article 28 sans modification.

 


—  1  —

D. – Autres dispositions

Article 29
Suppression des dernières dispositions de l’ancien mécanisme de recouvrement de la contribution au service public de l’électricité afférentes aux consommations effectuées jusqu’au 31 décembre 2015

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à éteindre les impacts budgétaires de la réforme de 2015 de la contribution sur le service public de l’électricité (CSPE). Il prévoit ainsi la clôture des comptes historiques hébergés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et le reversement au budget général de l’État des contributions perçues par EDF mais non encore reversées auprès de ces comptes historiques.

En 2021, cette mesure permettrait d’alimenter le budget général de l’État à hauteur de 250 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   Le droit existant

A.   La suppression du CAS TRansition ÉNERGÉTIQUE À l’initiative de l’Assemblée nationale

1.   Le CAS Transition énergétique devait donner une meilleure visibilité au soutien budgétaire aux énergies renouvelables

La contribution au service public de l’électricité (CSPE) a été créée par la loi relative au service public de l’électricité du 10 février 2000 ([591]) afin de compenser, pour les fournisseurs d’électricités, les surcoûts liés aux mesures de soutien aux énergies renouvelables décidées dans cette même loi. Cette contribution, acquittée par les consommateurs, était recouvrée directement par les fournisseurs qui reversaient à l’État, via la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), la différence entre les montants perçus et les charges supportées. Le dispositif fonctionnait ainsi de façon essentiellement extra-budgétaire.

L’article 5 de la loi de finances rectificatives pour 2015 ([592]) a modifié ce fonctionnement en créant le compte d’affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE). Ses recettes sont alors constituées du produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), d’une fraction de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), d’une fraction de la taxe intérieure sur les houilles, lignites et cokes (TICC), d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ainsi que de versements du budget général de l’État.

Le compte avait alors vocation à financer la compensation du surcoût lié aux obligations d’achat d’énergie produite à partir de sources renouvelables imposées aux fournisseurs d’électricité et de gaz. Il devait permettre de donner une visibilité budgétaire au financement du développement des énergies renouvelables par le prélèvement de taxes sur les produits polluants.

2.   Un fonctionnement insatisfaisant qui a justifié la suppression du CAS TE

Le CAS TE comprend deux programmes destinés à verser les compensations dues aux opérateurs au titre des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables (programme 764 Soutien à la transition énergétique) et à rembourser au groupe EDF le déficit de compensation accumulé entre 2009 et 2015 ([593]) ainsi que divers autres engagements financiers (programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique). L’échéancier défini par un arrêté de mai 2016 prévoit le terme des remboursements en 2020 ([594]).

À l’initiative de l’Assemblée nationale, la loi de finances pour 2020 a de nouveau modifié le dispositif en actant la suppression du CAS au 1er janvier 2021. Cette suppression a été initialement proposée par Mme Bénédicte Peyrol (LREM) ([595]). Plusieurs critiques étaient en effet émises concernant le fonctionnement du compte d’affectation spéciale :

– le CAS ne permet pas de retracer l’ensemble des coûts budgétaires des engagements contractés et entraîne des reports de charge très importants d’une année sur l’autre, ce qui est contraire au principe d’annualité budgétaire ([596]) ;

– certaines dépenses financées par le CAS ne relèvent pas de la transition énergétique, comme le soutien à l’effacement ou le fonds d’interconnexion, alors que d’autres dépenses qui contribuent à cette transition n’y apparaissent pas, à l’image du fonds chaleur de l’ADEME ;

– la rebudgétisation du CAS Transition énergétique permettrait d’adosser ses dépenses à l’émission d’une OAT verte.

Le mécanisme de la CSPE qui, à l’origine, relevait d’un fonctionnement purement extra-budgétaire a ainsi pu être budgétisé d’abord au sein d’un CAS puis le sera, à partir de 2021, au sein du budget général de l’État.

B.   Le reliquat de contribution au service public de l’électricité (CSPE)

Malgré la mise en place du CAS puis sa suppression, l’ancien mécanisme de la CSPE continue à avoir des impacts budgétaires. En effet, l’article 5 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificatives pour 2015 prévoit que les dispositions régissant l’ancien mécanisme de recouvrement de la contribution au service public de l’électricité « restent applicables pour les consommations d’électricité et les ventes de gaz naturel effectuées jusqu’au 31 décembre 2015 ».

Ainsi, certains opérateurs continuent de verser des montants correspondant au paiement par leurs clients de l’ancienne CSPE sur les consommations antérieures à l’année 2016. Par ailleurs, le dispositif de la CSPE continue de s’appliquer à Saint Martin et Saint Barthélemy, dans la mesure où ces collectivités, qui disposent de la compétence énergie, n’ont pas délibéré pour adopter les principes de la réforme de 2015.

Ces flux alimentent trois comptes logés au sein de la Caisse des dépôts et des consignations : le compte « tarif spécial de solidarité pour le gaz » (TSSG), le compte « biométhane » et le compte « CSPE ». Selon l’étude d’impact du présent article, les soldes de ces comptes s’établissent à environ 20 millions d’euros en 2020.

Par ailleurs, l’évaluation préalable du présent article indique que certaines contributions n’ont pas encore été versées à ces comptes historiques, pour un montant total de 230 millions d’euros. Ces montants correspondent à un solde de CSPE recouvré par EDF que l’établissement conserve en trésorerie dans l’attente de l’apurement de la dette de CSPE que l’État avait contracté auprès de l’entreprise.

Enfin, la CDC perçoit des frais de gestion arrêtés annuellement par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie. Les dépenses correspondantes sont retracées pour l’État au sein du programme 345 Service public de l’énergie et au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durable. En 2021, ces frais de gestion ont été arrêtés à 154 712 euros par la Commission de régulation de l’énergie ([597]).

II.   Le dispositif proposé

Le présent article vise à faire disparaître les reliquats du fonctionnement de l’ancien dispositif extra-budgétaire lié à la perception de la CSPE. L’évaluation préalable du présent article souligne en effet que « cinq ans après la réforme de l’ancienne CSPE, il convient de procéder à l’apurement des anciens comptes CSPE, TSSG et biométhane alimentés par les collectes « tardives » des fournisseurs et de remonter au budget de l’État les sommes en attente sur ces comptes à la Caisse des dépôts et consignations ».

A.   Le reversement des reliquats de CSPE au budget général

Le I vise ainsi à reverser au budget général de l’État à compter du 1er janvier 2021, le solde des comptes historiques auprès de la CDC (20 millions d’euros) ainsi que les contributions CSPE recouvrées tardivement par EDF en attente de remboursement (230 millions d’euros). Les opérations auparavant retracées sur les comptes seraient reprises sur le programme 174 Énergie, climat et après-mines du budget général.

Le présent article permettrait donc un reversement de 250 millions d’euros au budget général de l’État, enregistrés en recettes non fiscales. La clôture des trois comptes historiques hébergés au sein de la Caisse des dépôts et des consignations permettrait également de réduire de moitié (environ 80 000 euros) les frais de gestion versés annuellement par l’État à la Caisse des dépôts.

B.   Des ajustements divers

Le II prévoit quant à lui divers ajustements liés à la suppression des dispositions relatives au fonctionnement de la CSPE :

En premier lieu, il précise au sein de l’article L. 121-16 du code de l’énergie que la Caisse des dépôts assure pour le compte de l’État le versement des acomptes de compensations de charges de service public de l’électricité, ce qui est déjà, dans les faits, le cas. Il tire les conséquences de la clôture des comptes historiques en précisant que la Caisse retrace ces différentes opérations en compte spécifique.

Enfin, il complète l’article L. 121-16 du même code en indiquant que les frais de gestion engagés pour la gestion des acomptes évoqués ci-dessus font l’objet d’une compensation intégrale par l’État.

En second lieu, il prévoit que les charges imputables aux missions de service public, faisant à ce titre l’objet d’une compensation intégrale par l’État, comprennent les coûts supportés par l’organisme chargé d’assurer la délivrance, le transfert et l'annulation des garanties d'origine de l'électricité produite à partir de sources renouvelables ([598]).

*

*     *

La commission adopte l’article 29 sans modification.

 

 

 


Article 30
Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à :

– augmenter de 0,15 point de pourcentage la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) brute affectée à la sécurité sociale pour la porter de 27,74 % à 27,89 %, ce qui représente une augmentation de 237,1 millions. Cette hausse résulte de la compensation de mesures de périmètre transférant à la sécurité sociale l’aide supplémentaire d’invalidité (ASI), les centres de lutte antituberculose (CLAT), les points d’accueil écoute jeune (PAEJ), ainsi que de la suppression de la taxe sur la première vente de dispositifs médicaux.

– octroyer cette augmentation de fraction de TVA à la branche maladie, maternité, invalidité et décès du régime général pour la porter à 22,71 points ;

– affecter à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) une fraction de 389 millions d’euros du produit de TVA revenant actuellement à l’État au titre du financement par l’État de l’exonération spécifique dont bénéficient les employeurs agricoles pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles ou de demandeurs d’emploi (dispositif dit « TODE »).

En 2021, ces dispositions se traduisent par une dégradation de 660 millions d’euros du solde de l’État.

Dernières modifications législatives intervenues

Chaque année, une fraction de TVA est affectée à la sécurité sociale pour compenser les exonérations ou baisses de recettes de celle-ci (principe de compensation intégrale des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État – article L. 131-7 du code de la sécurité sociale).

La loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a rénové les modalités de compensation par l’État à la sécurité sociale d’un certain nombre de dispositions à la charge de celle-ci pour permettre notamment de déroger au principe de compensation intégrale pour les baisses de prélèvements obligatoires.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Par le présent article, l’État compense à la sécurité sociale l’effet en 2021 de mesures adoptées en 2020 et de mesures proposées par le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021.

I.   Le droit existant

A.   Un principe de compensation intégrale qui tolère désormais des exceptions

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 ([599]) a entériné un changement de doctrine s’agissant du principe de compensation.

● Jusqu’alors les relations financières étaient régies par un principe introduit par la loi dite « Veil » de 1994 ([600]). En application de l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale, l’État prend à sa charge intégralement, au moyen de recettes fiscales ou de crédits budgétaires :

– toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale instituée à compter du 26 juillet 1994 ([601]) ;

– toute mesure de réduction ou d’exonération de contributions sociales instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ([602]) ;

– toute mesure de réduction ou d’abattement d’assiette de cotisations ou contributions sociales à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 susmentionnée ;

– toute mesure de transferts de charges.

Les exceptions à cette obligation ne peuvent être décidées qu’en loi de financement de la sécurité sociale conformément à l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale.

L’article L. 131‑7 prévoyait déjà certaines exceptions qui, conformément aux prescriptions de l’article LO 111‑3, ont été introduites par des LFSS. L’ensemble des allégements de cotisations sociales ne fait donc pas l’objet de compensation :

– les allégements généraux sont intégralement compensés par affectation de recettes de l’État à la sécurité sociale pour solde de tout compte ;

– les allégements ciblés, en revanche, ne sont pas systématiquement compensés, en particulier ceux entrés en vigueur avant 1994.

● La LFSS pour 2019 a marqué un changement de doctrine dans le principe de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État inspiré par les conclusions d’un rapport transmis au Parlement par le Gouvernement en octobre 2018 ([603]). Une des conclusions de ce rapport était que la participation de la sécurité sociale au financement du coût des allègements de charges est justifiée par l’effet bénéfique de ces mesures pour l’emploi et donc pour la masse salariale sur laquelle sont assises ces cotisations.

La nouvelle architecture des relations financières entre l’État et la sécurité sociale est donc fondée sur les modalités suivantes :

– les exonérations spécifiques de cotisations continuent d’être prises en charge par l’État ;

– les baisses de prélèvements obligatoires sont supportées par l’État ou la sécurité sociale en fonction de leur affectation ;

– les transferts entre l’État et la Sécurité sociale sont compensés par l’affectation d’une fraction de TVA supplémentaire.

Conformément à ce nouveau paradigme, plusieurs mesures de la LFSS 2019 n’ont pas donné lieu à une compensation financière de l’État, pour un total d’environ 2 milliards d’euros en 2019 ([604]).

B.   Les mesures modifiant les recettes de la sécurité sociale ayant des conséquences en 2021

1.   Les mesures de périmètre

a.   Le transfert de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) à la sécurité sociale

Lorsque les ressources du titulaire d’une pension d’invalidité, de réversion, de retraite anticipée pour handicap, carrière longue ou pénibilité sont inférieures à un certain montant, elles peuvent être complétées par l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI). Ce « minimum social » a été créé par la loi du 2 août 1957 ([605]). Il est défini à l’article L. 815-24 du code de la sécurité sociale,

Contrairement aux pensions d’invalidité financées par la branche maladie, l’allocation supplémentaire d’invalidité est financée par l’État. Sur le programme 157 Handicap et dépendance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, 256 millions d’euros y sont consacrés pour l’année 2020.

L’article 37 du PLFSS pour 2021 prévoit une revalorisation et un transfert à la sécurité sociale de l’ASI compensés par l’État. La totalité du financement de l’ASI sera à compter du 1er janvier 2021 supportée par la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).

b.   Le transfert des centres de lutte antituberculose (CLAT) à la sécurité sociale

L’article 57 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([606]) a confié, par principe et à partir du 1er janvier 2021, aux agences régionales de santé (ARS) la gestion des centres de lutte contre la tuberculose ou de la lèpre (CLAT). Les départements, qui assuraient jusqu’alors la gestion de ces centres peuvent, à titre dérogatoire et sous réserve d’une habilitation de l’ARS, conserver cette compétence.

La réforme prévoyait que les départements assurant la gestion d’un ou de plusieurs centres devaient adresser leurs demandes d’habilitation à l’ARS avant le 30 juin 2020, afin de poursuivre leur activité au-delà du 1er janvier 2021.

Le financement de ces centres était indirectement assuré par le budget général de l’État au travers de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Avec la réforme, le financement relèverait du fonds d’intervention régional (FIR) dont les ressources sont constituées principalement d’une dotation des régimes obligatoires de l’assurance maladie. D’après l’étude d’impact du PLFSS pour 2020 ([607]), ce financement devait se traduire en gestion en 2021, par une mesure de transfert de 37,6 millions d’euros des crédits financés au titre de la DGF vers le sous-objectif de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) relatif au FIR.

Du fait de la crise sanitaire, le report de cette réforme a été jugé nécessaire afin de permettre aux ARS d’instruire les demandes des départements. L’article 28 du PLFSS pour 2021 reporte donc la mise en œuvre de cette réforme au 1er septembre 2021, et la date de dépôt des dossiers par les départements au 1er mars 2021.

c.   Le transfert des points d’accueil écoute jeune (PAEJ) à la sécurité sociale

Créés en 2002 par une circulaire([608]), les points d’accueil écoute jeune (PAEJ) sont des structures d’accueil pour les jeunes âgés de 12 à 25 ans rencontrant diverses difficultés.

Leur financement était assuré par l’État par le programme Inclusion sociale et protection des jeunes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances à hauteur de 4 millions d’euros en loi de finances pour 2020.

À partir de 2021, leur financement devrait être assuré par la sécurité sociale. Leur existence n’ayant pas de fondement législatif, aucun article du PLFSS pour 2021 ne prévoit spécifiquement ce transfert.

d.   Le financement par l’État de l’agence de santé de Wallis et Futuna

L’Agence de santé de Wallis-et-Futuna, établissement public national à caractère administratif, regroupe deux hôpitaux et plusieurs dispensaires. Elle prend en charge l’ensemble du système de santé local. Son financement est assuré par le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soin de la mission Santé du budget général de l’État.

Dans le cadre des accords du Ségur de la santé de juillet 2020, un plan d’investissement en faveur de l’agence de santé de Wallis et Futuna a été décidé à hauteur de 45 millions d’euros à partir de 2021.

Cela justifie un transfert de la sécurité sociale vers l’État dont le montant sera inscrit dans le programme précité.

e.   Réduction de la période du droit à la protection maladie des personnes en résidence irrégulière répercutée sur l’aide médicale d’État

L’aide médicale de l’État (AME) « de droit commun » assure la prise en charge des frais de santé des personnes étrangères démunies ne pouvant accéder à la protection universelle maladie. Son financement est assuré par l’État sur le programme Protection maladie de l’assurance santé de la mission Santé.

Par un décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019 relatif aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France, la période durant laquelle une personne continue de bénéficier de la protection maladie, financée par la branche maladie, après la perte du droit au séjour a été réduite d’un an à six mois. Cela a un impact sur le budget de l’État puisque la réduction du maintien de droit, qui se traduit par une économie de l’assurance maladie, peut notamment donner lieu à un effet de déport partiel sur le recours à l’AME de droit commun.

f.   Le transfert à l’État des dépenses liées aux personnels des anciennes juridictions sociales

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a prévu le transfert des juridictions sociales spécialisées (tribunaux des affaires de sécurité sociale – TASS, tribunaux du contentieux de l’incapacité – TCI – et commission départementale d’aide sociale – CDAS) vers des tribunaux de grande instance consacrés.

La mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2019 mais un étalement progressif des transferts d’agents est prévu sur la période 2019-2022, pour leur permettre notamment d’exercer leur droit d’option s’ils sont fonctionnaires ou de demander leur recrutement par le ministère de la justice pour les salariés de droit privé. Dans ce délai, certains agents mis à disposition pourraient continuer à relever du budget de la sécurité sociale jusqu’au 31 décembre 2020 comme le prévoient les lois de finances pour 2019 et pour 2020 ainsi que l’ordonnance du 16 mai 2018 ([609]).

Le IV de l’article 3 de la loi de financement de la sécurité sociale ([610]) pour 2020, assure le maintien, jusqu’au 31 décembre 2020, du financement par la sécurité sociale des personnels ayant vocation à être transférés vers l’État dans le cadre de la réforme.

Pour l’instant, aucun fondement législatif ne prévoit de financement au-delà de cette date pour les agents exerçant leur droit d’option jusqu’en 2022.

g.   Les autres transferts

L’analyse préalable du présent article fait la mention d’« autres transferts » à hauteur de 17,9 millions d’euros. Le détail de ces transferts n’est pas précisé.

2.   Les suppressions de la taxe sur la première vente de dispositifs médicaux

L’article 24 de la loi de finances pour 2020 ([611]) a prévu la suppression à partir du 1er janvier 2021 d’une taxe due par les personnes assujetties à la TVA sur la première vente de certains dispositifs médicaux.

Instituée par l’article 26 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, cette taxe était affectée à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et son recouvrement était assuré par les URSSAF.

Selon les documents budgétaires, le rendement prévisionnel de la taxe pour 2020 est de 45 millions d’euros. La taxe est payée par environ 1 000 redevables.

Rendement de la taxe sur la première vente de dispositifs médicaux

(en millions d’euros)

Année

2015

2016

2017

2018

2019

prévision

2020

prévision

Rendement

35

54

30

43

44

45

Source : Tome 1 du rapport voies et moyens pour les années 2016 à 2020.

3.   Les exonérations de cotisations pour les travailleurs occasionnels

Les exploitants agricoles employant des travailleurs occasionnels bénéficient d’une exonération de cotisations patronales en vertu de l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime, communément appelée « TO-DE ». Le dispositif en résultant consiste en une exonération totale jusqu’à 1,2 SMIC et dégressive jusqu’à 1,6 SMIC.

Conformément à l’article 8 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, la compensation de cette mesure est effectuée par une fraction de TVA spécifique, qui n’est pas incluse dans la fraction de TVA en pourcentage.

Ce dispositif devait s’éteindre au 1er janvier 2021. Toutefois, en raison des conséquences de la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19, l’article 13 du PLFSS pour 2021 prévoit la prolongation du dispositif jusqu’au 1er janvier 2023.

II.   Le dispositif proposé

Le I modifie le 9 ° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale pour ajuster le montant de la fraction de TVA affectée à la branche maladie de la sécurité sociale et à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

● Le majore de 0,15 point cette fraction de TVA pour la porter à 27,89 %, pour un montant supplémentaire de 271 millions d’euros en faveur des organismes de sécurité sociale, correspondant aux mesures présentées supra et récapitulées infra.

Montant supplémentaire de TVA À affecter À la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Mesure

Conséquences

Mesures de périmètre (1)

237,1

Transfert de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) à la sécurité sociale

297,1

Transfert des centres de lutte antituberculose (CLAT) à la sécurité sociale

37,7

Transfert des points d’accueil écoute jeune (PAEJ) à la sécurité sociale

8,9

Transfert au budget de l’État du plan d'investissement de l’agence de santé de Wallis et Futuna.

– 45,0

Réduction de la période du droit à la protection maladie des personnes en résidence irrégulière répercutée sur l’aide médicale d’État (AME)

– 30,0

Transferts d’agents de la sécurité sociale aux tribunaux de grande instance (TGI)

– 13,7

Autres transferts non précisés

– 17,9

Autres mesures (2)

34,0

Suppression de la taxe sur la première vente des dispositifs médiaux

34,0

Montant supplémentaire de TVA à affecter à la sécurité sociale (1+2)

271,1

Source : évaluation préalable du présent article.

Le attribue cette fraction supplémentaire de à la branche maladie de la sécurité sociale. La fraction qui lui est affectée est augmentée de 0,15 point de TVA. Elle s’établirait à 22,71 %.

● Le II du présent article affecte une fraction de TVA à hauteur de 389 millions d’euros en 2020 à la Caisse centrale de la mutualité agricole (CCMSA) au titre de la compensation du dispositif TO-DE. En cohérence avec la doctrine adoptée par le législateur en LFSS 2019, les exonérations spécifiques demeurent compensées. Il est renvoyé à un arrêté le soin de fixer l’échéancier du versement de ce montant. Cette compensation par affectation d’un montant de 389 millions d’euros de TVA n’est pas incluse dans la fraction de 27,89 % de TVA mentionnée ci-dessus, car elle compense une exonération spécifique. Seules les exonérations générales sont incluses dans le champ de la fraction de TVA exprimée en part du produit brut budgétaire.

Au total, en 2021, ces deux catégories de dispositions se traduisent par une dégradation de 660 millions d’euros du solde de l’État.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement de suppression I-CF865 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous dénonçons la formalisation des transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale, qui remet en cause l’autonomie de cette dernière et met ainsi en péril l’ensemble de notre modèle de protection sociale. Le Gouvernement a accentué cette tendance au cours des dernières années afin de compenser les exonérations de cotisations éminemment contestables qu’il a octroyées.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je prends votre amendement de suppression comme un amendement d’appel : sans cette compensation, le trou de la sécurité sociale serait encore plus profond. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF865.

Puis elle adopte l’article 30 sans modification.


Article 31
Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de lÉtat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne (PSR-UE)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue le prélèvement sur les recettes de l’État pour 2021 au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne à 26 864 000 000 euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (PSR-UE) est prévu par l’article 6 de la LOLF. Il correspond à la majeure partie de la contribution annuelle de la France au budget de l’Union européenne (UE), le reste étant constitué des ressources propres traditionnelles (RPT), comprenant les droits de douanes et la cotisation sur le sucre, collectés par les États membres pour le compte de l’UE ([612]).

Le présent article évalue à 26,9 milliards d’euros le montant prévisionnel du PSR-UE pour 2021, en hausse de 3,5 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2020 et de 5,9 milliards d’euros par rapport au versement effectué en 2019.

exÉcution et PrÉvision de prÉlÈvement sur les recettes
en faveur de l’Union europÉenne

(en millions d’euros)

2019

Exécution

2020

Prévision initiale

2020

Prévision actualisée

2021

Prévision

21 025

21 337

23 353

26 864

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le PSR-UE est bien une dépense au sens de la comptabilité nationale même s’il est traité budgétairement comme une moindre recette. D’ailleurs, en 2008, les prélèvements sur recettes, dont celui au profit de l’Union européenne, ont été intégrés dans la norme de dépense. De même, le II de l’article 9 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([613]) intègre les prélèvements sur recettes dans l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE), qui constitue une des normes d’encadrement de la progression des dépenses de l’État. Les PSR ne sont néanmoins pas comptabilisés au sein de la norme des dépenses pilotables.

Le PSR-UE représenterait, en 2021, environ 7,1 % des dépenses nettes de l’État. Seules cinq missions du budget général ont des crédits de paiement supérieurs : Défense, Engagements financiers de l’État, Enseignement scolaire, Recherche et enseignement supérieur et Remboursements et dégrèvements.

I.   le budget et les ressources de l’union européenne

A.   Le budget 2021

L’année 2021 serait la première du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, actuellement en cours de discussion au sein des institutions européennes. Cet outil de programmation budgétaire, juridiquement contraignant pour le budget européen annuel, a fait l’objet d’un accord de nature politique à l’issue de la réunion extraordinaire du Conseil européen du 17 au 21 juillet 2021.

Le budget pluriannuel européen atteindrait 1 074 milliards d’euros de crédits d’engagement et 1 061 milliards de crédits de paiements en euros constants sur sept ans.

Le Conseil de l’Union a adopté le 7 septembre un projet de budget pour 2021 qui prévoit 164,8 milliards de crédits de paiement pour l’année prochaine, soit une hausse de 11,3 milliards par rapport au budget initial pour 2020. Les dépenses de l’Union représenteraient ainsi 1,18 % de son RNB. La proposition du Conseil est en hausse par rapport à celle de la Commission (163,5 milliards d’euros).

Ce projet de budget a été transmis au Parlement européen, qui dispose de 42 jours pour se prononcer.

La procédure budgétaire de l’Union européenne

Le calendrier de la procédure budgétaire européenne comprend cinq étapes.

En premier lieu, la Commission européenne soumet au plus tard au 1er septembre de l’année N, au Conseil et au Parlement européen, un projet de budget pour l’année N+1 en se fondant sur le règlement du cadre financier pluriannuel (CFP). En 2020, la proposition de budget entérinée par le Conseil de l’Union et transmise au Parlement européen se fonde sur les conclusions du Conseil européen de juillet.

Ensuite, le Conseil adopte une position sur le projet de budget le 1er octobre au plus tard.

Puis, le Parlement dispose de quarante-deux jours pour prendre une position.

En cas de positions divergentes entre le Parlement et le Conseil, un comité de conciliation est chargé de dégager un accord sur un projet commun, dans les vingt et un jours qui suivent l’adoption de la position du Parlement européen.

Enfin, ce texte commun est soumis à l’approbation du Conseil et du Parlement dans les quatorze jours suivant l’accord. Si le Conseil et le Parlement européen ne parviennent pas à un accord, la Commission doit présenter un nouveau projet de budget.

Si, au début de l’exercice auquel il se rapporte, le budget annuel n’est pas encore adopté, le système des douxièmes provisoires s’applique : 1/12ème du budget de l’année précédente est alloué chaque mois.

Les négociations trilatérales entre le Conseil de l’Union, le Parlement et la Commission européenne étant en cours, le Conseil indique également, début septembre, qu’il réévaluera sa proposition de budget à la lumière du texte final du CFP ([614]).

B.   Les quatre ressources de l’UE

1.   Les ressources propres actuelles

Le système actuel de financement de l’Union européenne repose sur quatre types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles (RPT), droits de douane et cotisation sucre, pour lesquelles les administrations nationales agissent en simples intermédiaires pour la perception des ressources au profit de l’Union européenne (le reversement des RPT n’est donc pas traité comme un prélèvement sur recettes). Les États membres conservent néanmoins des frais de perception, qui pourraient être augmentés à 25 % du montant des ressources perçues en 2021, contre 20 % auparavant ([615]) ;

– la ressource dite « TVA », calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée ;

– la ressource sur le revenu national brut (RNB), dite « ressource d’équilibre », versée par les États membres au prorata de leur revenu national brut dans le RNB total de l’Union européenne pour équilibrer le montant global des dépenses inscrites au budget ;

– les recettes diverses.

Le prélèvement sur recettes couvre uniquement les ressources propres « TVA » et « RNB » dues par la France. Au total, la France contribue à hauteur d’environ 8 % aux recettes de l’Union européenne.

2.   Vers de nouvelles ressources propres pour l’Union

Aux termes de l’accord obtenu au sein du Conseil européen de juillet 2020, une nouvelle contribution assise sur la part d’emballages plastiques non recyclés a été introduite dans la programmation 2021-2027. Cette ressource sera composée des recettes provenant d’une contribution nationale calculée en fonction du poids des déchets d’emballage en plastique non recyclés, avec un taux d’appel de 0,80 euro par kilogramme et corrigée par un mécanisme visant à éviter un effet excessivement régressif sur les contributions nationales ([616]).

Le mandat confié à la Commission européenne à la suite de la réunion du Conseil européen de juillet 2020 inclut également la mise en œuvre progressive de plusieurs nouvelles ressources propres :

– au cours du premier semestre 2021, la Commission doit présenter des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023 ;

– la Commission est invitée à présenter une proposition révisée relative au système d’échange de quotas d’émission portant sur le dioxyde de carbone, le protoxyde d’azote et les perfluocarbones, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime ;

– l’Union doit s’efforcer, au cours du prochain cadre financier pluriannuel, de mettre en place d’autres ressources qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières.

Le Conseil européen de juillet n’a pas retenu la proposition de la Commission européenne de créer une nouvelle ressource propre à partir d’une assiette consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), soutenue par le Parlement européen ([617]).

II.   l’évaluation du prélèvement sur recettes pour 2021

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est une évaluation ex ante qui intervient avant le vote du budget de l’Union européenne. L’évaluation est réalisée en fonction des prévisions de recettes et de dépenses de ce budget au titre de l’année à venir. En 2021, elle intègre également une hypothèse de solde excédentaire de 2020 reporté sur 2021.

L’évaluation pour 2021 du PSR-UE a ainsi été fixée à 26,9 milliards d’euros. Le PSR-UE augmenterait ainsi de 25 % par rapport à la prévision initiale pour 2020 de 21,5 milliards d’euros. Il s’agit d’une augmentation considérable de la contribution française à l’Union européenne, qui s’explique par quatre facteurs :

– l’augmentation anticipée du niveau de crédits de paiement entre le budget de l’Union européenne pour 2020 et le projet de budget pour 2021 (+ 1,6 milliard) ;

– le départ du Royaume-Uni, qui n’est plus assujetti qu’au paiement des engagements pris dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, conformément à l’accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020 (+ 2,1 milliards d’euros) ;

– le changement des règles de calcul des contributions nationales à la suite des conclusions de l’accord politique du 21 juillet 2020 avec, en particulier, l’augmentation des rabais dont bénéficient certains États membres (+ 0,7 milliard d’euro) ;

– les conséquences de la crise économique sur les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne (+ 0,7 milliard d’euros).

L’augmentation des rabais consentie par le Conseil européen

Les conclusions de la réunion du Conseil européen de juillet 2020 actent une augmentation des corrections forfaitaires, ou « rabais », consentis à certains États membres sur la contribution annuelle fondée sur le RNB :

– Danemark : 377 millions d’euros ;

– Allemagne : 3 671 millions d’euros ;

– Pays-Bas : 1 921 millions d’euros ;

– Autriche : 565 millions d’euros ;

– Suède : 1 069 millions d’euros.

Ces réductions brutes doivent être financées par tous les États membres en fonction de leur RNB.

Les corrections sur la contribution RNB ne sont pas les seuls mécanismes de « rabais » : une réduction du financement du rabais britannique et un taux d’appel réduit de la ressource TVA ont également été mis en place afin de réduire les contributions normalement dues par certains États membres. Sur la période 2014-2020, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède bénéficiaient ainsi d’un taux d’appel réduit de la ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’Allemagne et l’Autriche ne bénéficiaient pas d’une correction au titre de leur contribution RNB.

Les rabais accordés lors de la réunion du Conseil européen de juillet sont donc en forte hausse par rapport à ceux du précédent CFP :

– Danemark : 141 millions d’euros ;

– Allemagne : 3 358 millions d’euros ;

– Pays-Bas : 1 510 millions d’euros ;

– Autriche : 132 millions d’euros ;

– Suède : 693 millions d’euros.

Source : Commission européenne, document de travail « Financing the EU budget: report on the operation of the own resources system » mai 2018.

Ventilation du prÉlÈvement sur recettes
au profit de l’Union europÉenne pour 2021

(en millions d’euros)

Ressource

Montant

Ressource TVA

3 572

dont correction britannique*

1 219

Ressource RNB

22 073

Total

26 864

* Au titre du rabais britannique consenti depuis 1984.

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

PrÉlÈvement sur recettes au profit de l’Union europÉenne
depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2008

16,6

2009

18,3

2010*

17,5

2011

18,2

2012

19,1

2013

22,5

2014

20,3

2015

20,7

2016

19,0

2017

16,4

2018

20,6

2019

21,2

2020**

23,4

2021

26,9

*À compter de 2010, les RPT ne sont plus intégrées dans le périmètre du prélèvement sur recettes.

** prévision actualisée

Source : commission des finances.

*

*     *

La commission adopte l’article 31 sans modification.

*

*     *

Après l’article 31

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF1223 de M. Julien Aubert.

 

 

 


—  1  —

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

Article 32 et état A
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, pour 2021, le déficit budgétaire de l’État à 152,8 milliards d’euros et évalue son besoin de financement à 282,3 milliards d’euros. Il fixe aussi le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État à 1 945 548 équivalents temps plein travaillé.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article d’équilibre du présent PLF clôt la première partie. Il ne porte que sur le budget de l’État.

Il tend à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte, lors de l’examen des dépenses en seconde partie, aux grandes lignes de l’équilibre préalablement défini. Ainsi, la seconde partie du PLF ne peut être mise en discussion tant que n’a pas été votée et adoptée « la disposition qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de léquilibre » ([618]).

Le I du présent article fixe les prévisions de ressources, détaillées à l’état A annexé au PLF, les plafonds de charges, ainsi que l’équilibre général du budget de l’État présenté dans un tableau.

Le II présente le tableau de financement de l’État ainsi que diverses autorisations de recours à l’endettement.

Le III définit le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État, dont le détail est prévu par l’article 42 du présent PLF.

Le IV arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l’État. Il prévoit que ces éventuels surplus seraient affectés en totalité à la réduction du déficit budgétaire.

Synthèse du tableau d’équilibre

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général

Recettes fiscales

271,2

Recettes non fiscales

24,9

Total

296,1

Dépenses nettes du budget général

Crédits de paiement

378,7

Prélèvements sur recettes

70,1

Total

448,8

Solde du budget général

 152,7

+ Solde des budgets annexes

– 0,04

+ Solde des comptes spéciaux

– 0,09

= Solde budgétaire de l’État

 152,8

I.   Les ressources de l’État

Le 5° de l’article 34 de la LOLF dispose que la première partie de la loi de finances comporte une évaluation de chacune des recettes budgétaires.

Tel est l’objet de l’état A, annexé au PLF, qui évalue le montant des recettes brutes du budget général, des budgets annexes, des comptes d’affectation spéciale (CAS) et des comptes de concours financiers.

En application du 4° de l’article 34 de la LOLF précitée, l’état A comporte également une évaluation des prélèvements sur recettes.

Ces éléments sont récapitulés dans le tableau d’équilibre général, mentionné par le 7° de l’article 34 de la LOLF, qui fait apparaître séparément les ressources du budget général, celles des budgets annexes et celles des comptes spéciaux.

Le tableau d’équilibre général comporte également, dans la colonne des ressources, une évaluation des remboursements et dégrèvements, afin de faire ressortir le montant net des recettes.

Contrairement aux dépenses, les éléments relatifs aux ressources constituent de simples évaluations et non pas des plafonds à ne pas dépasser. L’autorisation de percevoir les recettes est délivrée par l’article 1er du présent PLF.

Il ressort du tableau d’équilibre que les recettes totales nettes du budget général s’établiraient en 2021 à 296,1 milliards d’euros et se composeraient en :

– 271,2 milliards d’euros de recettes fiscales nettes (recettes fiscales brutes de 397,3 milliards d’euros sous déduction des remboursements et dégrèvements estimés à 126,1 milliards d’euros) ;

– et 24,9 milliards de recettes non fiscales.

Le montant net des ressources pour le budget général s’établirait à 226 milliards d’euros après les prélèvements sur recettes de 70,1 milliards d’euros, dont 43,2 milliards au profit des collectivités territoriales et 26,9 milliards au profit de l’Union européenne.

Après prise en compte des fonds de concours (5,7 milliards d’euros), le montant net des ressources pour le budget général s’élèverait à 231,7 milliards d’euros.

Les ressources du budget général de l’État

(en millions d’euros)

Recettes fiscales brutes

+ 397 296

À déduire : remboursements et dégrèvements

 126 122

Recettes non fiscales

+ 24 948

Prélèvements sur recettes

 70 112

Fonds de concours

+ 5 674

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

231 684

A.   Les recettes fiscales nettes

En 2021, les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 271,2 milliards d’euros, en hausse de 24,4 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2020 mais en baisse de 10,1 milliards d’euros par rapport à l’exécution constatée en 2019.

Les Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État 2019-2021

(en milliards deuros)

Recettes nettes du budget général de l’État

Exécution

2019

Prévision révisée

2020

Prévision

2021

impôt sur le revenu (IR)

71,7

72,7

74,9

impôt sur les sociétés (IS)

33,5

29,9

37,8

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

11,3

7,8

18,3

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

129,0

111,3

89,0

autres recettes fiscales nettes

35,8

25,1

51,2

sous-total recettes fiscales nettes

281,3

246,8

271,2

recettes non fiscales

14

16,3

24,9

Total

295,3

263,1

296,1

Source : présent PLF, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

B.   Recettes non fiscales

En 2021, le produit des recettes non fiscales augmenterait de 8,6 milliards d’euros par rapport à 2020 pour s’établir à 24,9 milliards d’euros.

Selon l’état A annexé au projet de loi de finances, ces recettes non fiscales se décomposeraient en :

– 4,8 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 1,3 milliard d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 2,0 milliards d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 0,9 milliard d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 1,7 milliard d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 14,3 milliards d’euros de produits divers.

II.   Les charges et l’Équilibre gÉnÉral de l’état

A.   Le plafond des charges de l’état

Aux termes du 6° du I de l’article 34 de la LOLF, la loi de finances fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux.

Contrairement aux recettes, les montants ainsi fixés ne sont pas des évaluations mais des plafonds.

Le détail des plafonds de charges est prévu aux états B (répartition des crédits par mission), C (répartition des crédits par budget annexe) et D (répartition des crédits par CAS et compte de concours financiers) visés respectivement par les articles 33, 34 et 35 du présent PLF.

Le tableau d’équilibre général du présent article mentionne le plafond des charges du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Les dépenses nettes du budget général en crédits de paiement sont, ainsi, plafonnées à 378,7 milliards d’euros hors fonds de concours (soit 504,8 milliards d’euros de dépenses brutes sans déduction des remboursements et dégrèvements, ce qui correspond à la somme des crédits de paiement du budget général détaillés par l’état B).

Dépenses nettes de l’État

À noter que, dans le tableau d’équilibre général, les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales ne sont pas traités pas comme des charges mais comme des moindres ressources. Si l’on retraite le prélèvement sur recettes comme une dépense, le total des dépenses nettes du budget général de l’État prévu pour 2021 s’élève à 448,8 milliards d’euros.

Avec les fonds de concours (5,6 milliards d’euros), le montant des charges du budget général de l’État ressort à 384,4 milliards d’euros pour 2020.

B.   Le solde gÉnÉral de l’État

Le solde du budget général ressortirait en 2021 à  152,7 milliards d’euros, ce qui correspond au déficit budgétaire de l’État. Ce solde est calculé à partir :

– d’un montant de charges de 384,4 milliards d’euros (378,7 milliards hors fonds de concours) ;

– et d’un montant de ressources de 231,7 milliards d’euros (296,1 milliards de recettes totales nettes, desquelles il convient de déduire les prélèvements sur recettes de 70,1 milliards d’euros, et auxquelles il convient d’ajouter les fonds de concours à hauteur de 5,6 milliards d’euros).

Après prise en compte du solde des budgets annexes (– 43 millions d’euros) et des comptes spéciaux (– 89 millions d’euros), le déficit budgétaire de l’État s’établit à 152,8 milliards d’euros pour 2021.

III.   Le besoin et les ressources de financement de l’État

Aux termes du 8° du I de larticle 34 de la LOLF précitée, larticle déquilibre « comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de lÉtat » et « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à léquilibre financier, présentées dans un tableau de financement ».

A.   Le tableau de financement

Le du II du présent article comporte un tableau de financement avec les ressources et les charges de trésorerie de l’État qui concourent à la réalisation de son équilibre financier.

Le besoin de financement pour 2021 est prévu à 282,3 milliards d’euros. Il se décompose ainsi :

– 129,4 milliards au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital dû) ; ce montant comprend l’amortissement de 25 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau ([619]), reprise à compter de 2020, dont l’impact en 2021 atteint 1,3 milliard d’euros ;

– 152,8 milliards au titre du déficit budgétaire ;

– et 0,1 milliard au titre d’autres besoins de trésorerie.

Il est prévu de nouvelles émissions de dette à hauteur de 260 milliards d’euros pour couvrir la majeure partie de ce besoin de financement, en forte augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 (205 milliards d’euros) ([620]). La troisième loi de finances rectificative pour 2020 prévoyait également un niveau d’émission de 260 milliards d’euros en 2020. Il est également prévu une nouvelle hausse des emprunts de court terme, de 18,8 milliards d’euros, dont l’objet est d’améliorer la liquidité du stock de dette de l’État.

B.   Les autorisations traditionnelles relatives aux emprunts et À la trésorerie

Le du II du présent article a pour objet d’accorder au ministre des finances une autorisation globale pour conclure toutes les opérations nécessaires au financement de l’État et à la gestion de sa trésorerie pour l’année 2021.

Par ailleurs, à la suite de la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) et, à l’instar de ce qui est autorisé pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le ministre chargé des finances est également autorisé à effectuer des opérations de trésorerie avec le MES, avec les institutions financières de l’UE (y compris sur le marché interbancaire de la zone euro) et avec les États de la zone euro.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES)
et le Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) est issu du traité signé le 2 février 2012 à Bruxelles, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 2012-324 du 7 mars 2012.

Il a succédé au Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place temporairement lors d’un sommet exceptionnel des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro à Bruxelles le 9 mai 2010 à la suite de la crise des dettes souveraines, pour éviter à la Grèce le défaut de paiement. Le FESF a continué néanmoins d’exister jusqu’à l’extinction des programmes d’ajustement irlandais (2010-2013), portugais (2011-2014) et grec (2010-2013). Les nouveaux programmes d’ajustement pour la Grèce (2012-2014 et celui en cours depuis 2015) sont portés par le MES.

Le MES est une institution monétaire internationale dont sont membres tous les États membres dont la monnaie est l’euro. La France y contribue à hauteur d’environ 20 %.

Il a pour mission de garantir la mobilisation de fonds pour faire face à une éventuelle défaillance d’un de ses membres et éviter la propagation de la crise à toute la zone euro.

Enfin, en application du 9° du I de l’article 34 précité de la LOLF, l’article d’équilibre doit également fixer un plafond de la variation nette de la dette, qui s’établit, au 3° du II du présent article, à 132,7 milliards d’euros en 2021, au lieu de 74,5 milliards d’euros en loi de finances 2020. La variation nette de la dette correspond à la différence, sur l’exercice, entre les nouveaux encours de dette (net des rachats de titres) et l’amortissement de la dette.

Ce plafonnement indique la variation nette autorisée, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an, soit de la dette émise sous forme d’obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt annuel (BTAN).

Évolution des principales donnÉes de l’équilibre financier entre 2020 et 2021

 

LFI 2020

Révision 2020

LFI 2021

Budget général de l’État

 

 

 

Recettes totales nettes

Recettes fiscales nettes du budget général

Recettes fiscales brutes

433,8

369,3

397,3

Remboursements et dégrèvements

140,8

139,4

126,1

Total

293

227,1

271,1

Recettes non fiscales

14,4

15,4

24,9

Total

307,4

242,6

296,0

Dépenses nettes du budget général

Crédits de paiement

337,7

392,1

378,7

Prélèvements sur recettes

62,7

65,2

70,1

 

Total

400,4

457,4

44,8,8

Solde des budgets annexes et comptes spéciaux

– 0,1

– 7,3

– 0,1

   Solde général/déficit à financer

 93,1

 222,1

 152,8

Ressources et charges de trésorerie

 

 

 

Amortissement de la dette à moyen et long termes

136,4

136,1

128,1

Amortissement de la dette de SNCF Réseau

1,8

1,7

1,3

Émission de dette à moyen et long termes nettes des rachats

205

260

260

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

10,0

42,8

18,8

Source : présent projet de loi de finances.

Concernant les ressources et charges de trésorerie, il est intéressant de constater que, en 2021, le montant de dette à amortir serait moins élevé qu’en 2020 et en 2019, année au cours de laquelle l’amortissement a atteint 130,2 milliards d’euros. Les emprunts supplémentaires réalisés en 2020 ont en effet porté sur des maturités de moyen et long terme ; ils seront amortis au-delà de 2021.

Enfin, le IV prévoit que les éventuels surplus de recettes fiscales sont utilisés dans leur totalité pour la réduction du déficit budgétaire.

IV.   Le plafond dautorisation des emplois rémunÉrÉs par lÉtat

En application du 6° du I de l’article 34 précité de la LOLF, la première partie de la loi de finances fixe un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Les emplois sont exprimés en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), notion qui permet de comptabiliser les agents au prorata de leur période de présence et de leur quotité de travail annuelles par rapport à un temps plein.

À la différence des plafonds de dépenses qui sont ventilés entre le budget général, chaque budget annexe et chaque catégorie de comptes spéciaux, ce plafond recouvre l’ensemble des emplois rémunérés par l’État.

Le III du présent article fixe ce plafond à 1 945 548 ETPT au lieu de 1 943 108 ETPT en loi de finances pour 2020, soit une hausse de 2 440 ETPT.

Il convient, cependant, de rappeler que ce plafond d’emplois n’a pas vocation à être intégralement consommé, ce qui signifie que cet alinéa ne correspond pas nécessairement à la variation effective des ETPT d’un exercice sur l’autre. Ce plafond constitue un stock maximal d’emplois à ne pas dépasser en exécution.

En seconde partie du présent PLF (article 37), les plafonds d’autorisation d’emplois de l’État font l’objet d’une répartition par ministère et par budget annexe, dans la limite du plafond voté en première partie.

Ces plafonds ministériels complètent le dispositif de plafonnement de la masse salariale (crédits du titre 2), conformément au III de l’article 7 de la LOLF aux termes duquel « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds dautorisation des emplois rémunérés par lÉtat. Ces plafonds sont spécialisés par ministère ».

*

*     *

La commission adopte l’article 32 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances modifiée.

 

 

 


([1]) Article 7 de la loi organique n° 2012–1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([2])  Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificatives pour 2020.

([3])  M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information relatif au débat d’orientation des finances publiques, n° 3202, juillet 2020.

([4])  Voir la fiche n° 3 du tome I du présent rapport.

([5])  Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([6]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([7]) Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

([8])  Source : loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, annexe n° 2.

([9]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([10])  LFR pour 2020 n °1 et 3.

([11])  Selon le Gouvernement dans sa saisine du HCFP, la croissance du prix de PIB s’établirait à + 1,8 % en 2020 et à + 0,3 % en 2021. En 2020, la croissance du prix de PIB est soutenue pour 0,5 point par la convention comptable retenue par Eurostat concernant le partage volume-prix de la valeur ajoutée des branches non-marchandes, avec contrecoup en 2021 : dans le contexte où des salariés du secteur public étaient inoccupés pendant le confinement, mais sans perte de salaire, donc à valeur ajoutée en valeur donnée, le comptable national considère qu’il y a une baisse de la production non marchande en volume, et donc une hausse corrélative de son prix.

([12])  L’effort en dépenses compare le taux de croissance de la dépense publiques en volume, déflatée avec le prix de PIB, à la croissance potentielle de l’économie. Il contribue à un ajustement structurel positif dès lors que les dépenses augmentent moins vite que les recettes. Source : HCFP.

([13])  HCFP, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2020, 21 septembre 2020.

([14]) Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

([15]) HCFP, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, 21 septembre 2020.

([16])  Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

([17])  ibid.

([18])  HCFP, avis n° HCFP-2020-1.

([19]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([20]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([21])  Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 16.

([22])  Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 2.

([23])  Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([24])  Idem.

([25])  Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([26])  Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 2.

([27]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

([28]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 2.

([29]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 2.

([30]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 2.

([31]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, articles 2, 76, 77, 78 et 79. La consistance de la CET est consacrée à l’article 1447‑0 du code général des impôts, créé par l’article 2 de la loi précitée.

([32]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 15.

([33]) Conseil constitutionnel, décision  2017629 QPC du 19 mai 2017, Société FB Finance [Taux effectif de la CVAE pour les sociétés membres de groupes fiscalement intégrés].

([34]) Dans le cadre de la crise actuelle due à la Covid-19, le Gouvernement a pris des mesures particulières permettant aux entreprises de reporter le paiement de l’acompte de CVAE dû en juin 2020 et de moduler plus facilement leurs acomptes – à travers un étalement du paiement dans le temps et une marge d’erreur tolérée augmentée.

([35]) La CFE fait en outre l’objet d’une taxe additionnelle prévue aux articles 1601 et 1601‑0 A du CGI, dont le produit est perçu au profit des chambres de métiers et de l’artisanat et de CMA France.

([36]) Loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 59.

([37]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, tome II, Assemblée nationale, XVe législature,  2301, 10 octobre 2019, pages 641 à 659.

([38]) Pour les entreprises relevant d’un régime micro-fiscal, la valeur ajoutée retenue pour la détermination du plafonnement de CET correspond à 80 % de la différence entre les recettes et les achats réalisés au cours de l’année d’imposition.

([39]) Loi n° 2017‑1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 32.

([40]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([41]) Article 89 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([42]) Y compris la métropole de Lyon et les établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris (MGP).

([43]) Collectivités territoriales uniques : Mayotte, Guyane, Martinique et la Corse.

([44]) Précisée à l’article 1609 quinquies BA du CGI.

([45]) III de l’article 1586 octies du CGI.

([46]) Rapport d’information n° 1172 de M. Joël Giraud et Mme Cendra Motin, juillet 2018.

([47]) Rapport d’information n° 596 (2016‑2017) Six propositions pour corriger la CVAE, 28 juin 2017.

([48]) Pour 1,7 milliard au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) cumulés.

([49]) Le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 7 du projet de loi de finances pour 2018 pour plus de précisions sur ces simulations, dans le tome 2 du rapport de Joël Giraud.

([50]) Comme prévu par les articles 344 duodecies et 344 terdecies de l’annexe 3 du CGI (de valeur réglementaire).

([51]) Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 sur le compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales.

([52]) Les finances publiques locales en 2019, fascicule 2, septembre 2019.

([53]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relatives aux libertés et responsabilités locales.

([54]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

([55]) Article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales.

([56]) Ainsi que, pour la collectivité territoriale de Corse, la dotation générale de décentralisation (DGD).

([57]) Les finances publiques locales en 2019, fascicule 2, précité.

([58]) Rapport d’information n° 596 (2016‑2017) Six propositions pour corriger la CVAE, 28 juin 2017, précité.

([59]) Article L. 4332‑9 du CGCT.

([60]) Rapport de l’OFGL, 2020.

([61]) Parmi ces réformes, peuvent être mentionnées la suppression du troisième taux majoré de taxe sur les salaires, la suppression du forfait social sur certaines sommes pour les petites et moyennes entreprises, la suppression de la cotisation minimum de CFE en cas de faible chiffre d’affaires, ou encore l’évolution des règles de qualification des immobilisations industrielles en matière d’impositions foncières des entreprises – sur ce dernier point, il est renvoyé au commentaire de l’article 4 du présent projet de loi de finances pour une présentation complète du dispositif et de la nouvelle réforme proposée.

([62]) Laurent Saint‑Martin, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  3279, 29 juillet 2020.

([63]) Conseil d’analyse économique, Les impôts sur (ou contre) la production,  53, juin 2019.

([64]) Yves Dubief et Jacques Le Pape, La fiscalité de production, juin 2018, page 11.

([65]) Imposta regionale sulle attività produttive, soit « taxe régionale sur les activités productives ».

([66]) CAE, note précitée, page 4. La Gewerbesteur allemande, parfois comparée à la CVAE, constitue en réalité un impôt assis pour l’essentiel sur les bénéfices, et donc assimilable à une part de l’imposition des bénéfices

([67]) Le CAE fournit une illustration de ce paradoxe en relevant que, dans le neuvième décile de valeur ajoutée, le taux effectif de CVAE des entreprises varie du simple au double, entre 0,7 % et 1,4 % (CAE, note précitée, page 10).

([68]) Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization, soit « bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement ».

([69]) CAE, note précitée, page 11, note 37.

([70]) S’agissant du I bis, les mutuelles et leurs unions régies par le livre III du code de la mutualité, s’agissant du c du 2 du VI, celles régies par le livre II de ce code ainsi que les institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale.

([71]) Les CTU exercent à la fois les compétences des départements et des régions. Elles constituent une forme de collectivité territoriale à statut particulier et sont régies par les articles 72 et 73 de la Constitution.

([72]) Il a été prévu, par exemple, dans le cadre de la suppression de la taxe d’habitation, que les fractions de TVA affectées aux départements, aux EPCI et à la Ville de Paris seront versées via le compte d’avances. Les fractions de TICPE transitent déjà par le CAV. En revanche, ce n’est pas le cas de la TVA versée depuis 2018 en remplacement de la DGF des régions, ni des DMTO des départements.

([73]) Disponible à cette adresse : http://regions-france.org/wp-content/uploads/2020/07/Accord-de-m%C3%A9thode-Etat-R%C3%A9gions-Sign%C3%A9-par-MM.-Le-Premier-ministre-et-Renaud-Muselier-30.07.2020.pdf

([74]) L’évaluation préalable du présent article indique en effet qu’au titre du dégrèvement de CFE 2017 résultant du plafonnement de CET, l’industrie a bénéficié de 624 millions d’euros sur un total de 1 185 millions d’euros, soit 53 % du total.

([75]) Yves Dubief et Jacques Le Pape, rapport précité.

([76]) CAE, note précitée, page 7.

([77]) Laurent Saint‑Martin, rapport précité, page 111.

([78]) Yves Dubief et Jacques Le Pape, rapport précité, page 37.

([79]) Id., page 38.

([80]) Ibid.

([81]) En application des dispositifs prévus aux articles 21 et 25 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020.

([82]) Laurent Saint‑Martin, rapport précité, page 121.

([83]) Article 1586 du CGI.

([84]) Article 1379 du CGI.

([85]) Article 1399 du CGI.

([86]) Article 1388 du CGI.

([87]) Article 1639 A du CGI.

([88]) Prévues à l’article 1636 B sexies du CGI.

([89]) Article 1681 ter du CGI.

([90]) Article 1447 et 1476 du CGI.

([91]) Article 1647 D du CGI.

([92]) Article 1681 quater A.

([93]) Article 1679 quinquies du CGI.

([94]) Prévue aux articles 1499 et 1500 du CGI.

([95]) Article 310 L de l’annexe II au CGI.

([96]) Prévu à l’article 310 J bis de l’annexe II au CGI.

([97]) Obligation de tenir des documents comptables permettant le contrôle du résultat imposable, prévue à l’article 53 A du CGI.

([98]) Article 1467 du CGI.

([99]) Article 1518 bis du CGI.

([100]) Article 310 J bis de l’annexe 2 du CGI.

([101]) Prévus à l’article 1518 ter du CGI.

([102]) La taxe pour frais de chambres (réunissant la TA-CFE et la TA-CVAE) a fait l’objet d’une importante réforme dans la loi de finances pour 2020. Il est renvoyé au commentaire de l’article 15 du projet de loi de finances pour 2020 (Rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, tome II, Assemblée nationale, XVe législature,  2301, 10 octobre 2019, pages 641 à 659).

([103]) Le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 3 pour une présentation complète de la chronique budgétaire de la réforme des impôts de production.

([104]) Loi n° 76­1232 du 29 décembre 1976 de finances pour 1977, article 61, et loi n° 77­1467 du 30 décembre 1977 de finances pour 1978, article 69.

([105]) Voir ainsi Conseil d’État, 8e et 3e chambres réunies, 19 septembre 2018, Société JMD,  409864, aux Tables.

([106]) Voir ainsi Conseil d’État, 10e et 9e chambres réunies, 21 avril 2017,  386896, aux Tables.

([107]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-BNC-BASE-30-30-20-30, § 500.

([108]) BOFiP, BOI-IS-FUS-10-20-40-10, § 250 à 270.

([109]) Il est renvoyé au commentaire de l’article 5 du présent projet de loi pour une présentation détaillée de la valorisation des éléments de l’actif d’une entreprise.

([110]) Par exception toutefois, la plus-value réalisée au titre de la cession de titres de sociétés établies dans certains États ou territoires non coopératifs relève du régime de court terme, même si les titres sont détenus depuis deux ans au moins (c du 2 de l’article 39 duodecies du CGI).

([111]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 29.

([112]) Loi n° 2009‑431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009, article 3.

([113]) Loi n° 2010‑1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 9 dont le II a modifié le II de l’article 3 de la première loi de finances rectificative pour 2009 précitée.

([114]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-BIC-PVMV-40-20-60, § 20 ; BOIISBASE2030, § 40.

([115]) BOFiP, BOI-BIC-PVMV-40-20-60, § 50.

([116]) Philippe Marini, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2011, tome II : Examen de la première partie du projet de loi de finances, Sénat, session ordinaire de 2010‑2011,  111, 18 novembre 2010, commentaire de l’article 5 bis.

([117]) Philippe Marini, rapport précité.

([118]) Loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([119]) Il convient ici de signaler une erreur de référence au e de l’article 111 du CGI, qui détermine les charges et dépenses somptuaires par renvoi à celles mentionnées aux « dispositions du premier alinéa et du c du 4 de l’article 39 » du CGI. Or, le c du 4 de l’article 39 est devenu un 3° en application du 3° du A du I de l’article 69 de la loi de finances pour 2020.

([120]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, tome II : Examen de la première partie du projet de loi de finances, Assemblée nationale, XVe législature,  1302, 11 octobre 2018, pages 584 à 593.

([121]) Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([122]) Loi n° n° 74‑1114 du 27 décembre 1974 de finances rectificative pour 1974, article 1er.

([123]) Loi n° 2008‑1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 10.

([124]) Ordonnance n° 45‑2138 du 19 septembre 1945 modifiée portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable. L’article 7 ter a été introduit par l’ordonnance n° 2004‑279 du 25 mars 2004 portant simplification et adaptation des conditions d'exercice de certaines activités professionnelles.

([125]) Loi n° 2015‑1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 37.

([126]) Voir ainsi les rapports de l’Inspection générale des finances – IGF – et de la Cour des comptes sur le sujet (IGF, Les associations de gestion et de comptabilité et les sociétés d’expertise comptable, juin 2016, page 7 ; Cour des comptes, Les organismes de gestion agréés, 40 ans après, Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, juillet 2014, pages 21 et 22).

([127]) Cour des comptes, rapport précité, pages 34 à 38.

([128]) Id., page 11.

([129]) Id., page 14.

([130]) Loi n° 2015‑1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 33.

([131]) M. Olivier Becht, question écrite n° 18506 publiée le 9 avril 2019 et réponse publiée le 20 août 2019, Assemblée nationale, XVe législature.

([132]) Loi n° 2019­486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises et décret n° 2019­514 du 24 mai 2019 fixant les seuils de désignation des commissaires aux comptes et les délais pour élaborer les normes d’exercice professionnel.

([133]) Joël Giraud, Rapport dinformation sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature,  2169, 17 juillet 2019, pages 143‑165.

([134]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, tome III : Examen de la seconde partie du projet de loi de finances, Assemblée nationale, XVe législature,  2301, 10 octobre 2019, pages 153‑167.

([135]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Aux termes du point 1 de l’article 2 de l’annexe I de ce règlement, une PME est une entreprise qui emploie moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel n’excède pas, respectivement, 50 millions d’euros ou 43 millions d’euros.

([136]) Seules les dépenses de veille technologique et les frais de prise, de maintenance et de défense d’actifs de propriété intellectuelle échappent à cette condition de territorialité.

([137]) Joël Giraud, rapport précité sur le projet de loi de finances pour 2020, pages 155‑165.

([138]) Loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 130.

([139]) Loi n° 2003‑1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 87.

([140]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, § 220.

([141]) Id., § 225 et 227.

([142]) Id., § 225, alinéa 2.

([143]) Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([144]) Dans le cas où l’exercice de l’entreprise ne coïncide pas avec l’année civile, l’imputation se fait sur l’impôt dû au titre de l’exercice clos durant l’année qui suit celle au cours de laquelle les dépenses ont été engagées.

([145]) France Stratégie, Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, L’impact du crédit d’impôt recherche, mars 2019.

([146]) EY, Baromètre de l’attractivité de la France  La France résiste aux chocs, juin 2019.

([147]) Cour des comptes, Lévolution et les conditions de maîtrise du crédit dimpôt en faveur de la recherche, juillet 2013, page 156.

([148]) Id., page 157.

([149]) Ibid.

([150]) Ibid.

([151]) Voir ainsi Commission européenne, 22 novembre 2006, Crédit dimpôt pour la création de jeux vidéo, Aide d’État n° C 47/2006, C(2006)5493 final, § 50.

([152]) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([153]) Réponse à la question  23473 de M. Jean‑Félix Acquaviva, Assemblée nationale, XVe législature, réponse publiée au Journal officiel le 3 mars 2020.

([154]) Loi n° 2020‑935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, article 46.

([155]) BOFiP, BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, voir notamment § 100, 120, 190 ou encore 200.

([156]) Ainsi qu’en témoigne l’existence de plusieurs dizaines d’exemples et d’illustrations dans la doctrine fiscale (BOFiP précité, § 210 à 580).

([157]) La notion de « petite entreprise » au sens du droit européen est définie au 2 de l’article 2 de l’annexe I du RGEC précité. Elle recouvre les entreprises qui, dans la catégorie des PME, occupent moins de 50 personnes et ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan annuel n’excédant pas 10 millions d’euros.

([158]) Conseil des prélèvements obligatoires, Adapter limpôt sur les sociétés à une économie ouverte, décembre 2016, page 122.

([159]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 74.

([160]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.  

([161]) CJUE, 21 février 2008, Part Service SRL, C-425/06, §51.

([162]) CJUE, 27 septembre 2012, Field Fisher Waterhouse LLP, C-392-11, §19.

([163]) CJUE, 18 janvier 2018, Stadion Amsterdam, C-463-16, §22.

([164])  CJCE, 25 février 1999, Card Protection Plan Ltd, C-349/96, §30.

([165]) CJCE, 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen, C-4104, §20.

([166]) CJUE, 21 février 2013, Mesto Zamberk, C-18/12, §32.

([167]) CJCE, 25 février 1999, Card Protection Plan Ltd, C-349/96.

([168]) CJUE, 10 novembre 2016, Bastova, C432/15, §77.

([169]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, article 306.

([170])  Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée., article 110.

([171]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), Régime applicable aux services de presse en ligne, BOITVA-SECT-40-40-20140131

([172]) Loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, article 35.

([173]) BOI-TVA-LIQ-30-20-100.

([174]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 8.

([175]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article  36.

([176]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 26.

([177])  CAA Versailles, 20 juillet 2017, Société NC Numericable, n°15VE02505.

([178]) Ibid.

([179]) Conseil constitutionnel, 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2006, n°2005-530 DC.

([180]) Conseil d’État, 24  juin 2015, Center Parc, n° 365849.

([181]) Conseil d’État, 24 avril 2019, Société Xerox, n° 411007.

([182]) J. Lamarque, O. Négrin, L. Ayrault, Droit fiscal général, LexisNexis, 4e éd., 2016.

([183]) Première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires.

([184]) Deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires.

([185]) Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires.

([186]) Est assujetti, au sens de la TVA, une personne physique ou morale qui exerce une activité économique indépendante, en agissant en tant que tel, à titre habituel (art. 256 du CGI).

([187]) La fraude « carrousel » consiste, pour un opérateur, à réaliser une acquisition intracommunautaire détaxée suivie d’une revente interne taxable. Le montant de TVA perçu sur la revente n’est pas reversé à l’administration, car il est frauduleusement déduit d’une TVA amont qui n’a pas existé. En pratique, l’opérateur réitère cette opération de facturation plusieurs fois afin de dissimuler sous une cascade de déduction l’origine détaxée de l’acquisition du bien via l’acquisition intracommunautaire initiale.

([188]) Commission des Communautés européennes, Communication du 15 avril 1997, COM (97) 157.

([189]) Commission des Communautés européennes, Groupe de travail n° 1 : harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires « impôts indirects et commerce électronique », Bruxelles, XXI/99/1201-FR-final, 8 juin 1999.

([190]) Business to consumer.

([191]) Business to business.

([192]) Directive 2002/38/CE du Conseil du 7 mai 2002 modifiant, en partie à titre temporaire, la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de radiodiffusion et de télévision et à certains services fournis par voie électronique.

([193]) Directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre.

([194]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([195]) Article 259 D du CGI.

([196]) Cf. l’article 256 bis, I-2° du CGI : à savoir une personne morale non assujettie, un assujetti qui ne réalise que des opérations ouvrant droit à déduction ou un exploitant agricole placé sous le régime du remboursement forfaitaire prévu aux articles 298 quater et 298 quinquies du CGI.

([197]) Le régime des ventes à distance ne s’applique ni aux moyens de transport neufs, ni aux produits soumis à accises, qui sont toujours taxables dans l’État d’arrivée, sans égard à un quelconque seuil.

([198]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([199]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 9.

([200]) Article 289 A du CGI.

([201]) Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens.

([202]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([203]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 147.

([204]) Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE, précitée.

([205]) Sénat, Rapport d’information n° 691 fait au nom de la commission des finances sur le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source, 2015.

([206]) Directive 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 précitée, §7.

([207]) D. Falco, La fraude à la TVA, Dalloz, 2019.

([208]) Directive n° 83/181/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, déterminant le champ d’application de l’article 14 paragraphe 1 sous d) de la directive 77/388/CEE en ce qui concerne l’exonération de la valeur ajoutée de certaines importations définies de biens.

([209]) European Commission, Assessment of the application and impact of the VAT exemption for importation of small consignments, may 2015.

([210]) Plus précisément, seule la situation des plateformes est modifiée dans ce cas : ces assujettis particuliers deviendront, à compter du 1er janvier 2021, redevables de la TVA à l’importation, sans préjudice de la responsabilité solidaire du destinataire réel des biens (v. infra).

([211]) Le MOSS (mini-one stop shop) est un régime qui permet de comptabiliser la TVA normalement due dans plusieurs pas de l’UE, dans un seul.

([212])  COM (2020) 198, 8 mai 2020, proposition de décision du Conseil modifiant les directives (UE) 2017/2455 et (UE) 2019/1995 en ce qui concerne les dates de transposition et d’application en raison de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19.

([213]) Ibid.

([214]) Directive (UE) 2019/1995 du Conseil du 21 novembre 2019 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les dispositions relatives aux ventes à distance de biens et à certaines livraisons intérieures de biens.

([215]) Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union, article 111.

([216]) Décision (UE) 2020/1109 du Conseil du 20 juillet 2020 modifiant les directives (UE) 2017/2455 et (UE) 2019/1995 en ce qui concerne les dates de transposition et d’application en raison de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19.

([217]) Est considéré comme un bien d’occasion un bien meuble corporel usagé susceptible de réemploi.

([218]) La liste de ces biens figure à l’article 98 A de l’annexe III du CGI.

([219])  Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, article 94 alinéa 2.

([220]) Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens, article 369  septvicies bis.

([221]) Directive (UE) 2019/1995 du Conseil du 21 novembre 2019 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les dispositions relatives aux ventes à distance de biens et à certaines livraisons intérieures de biens.

([222]) COM (2020) 198, 8 mai 2020, proposition de décision du Conseil modifiant les directives (UE) 2017/2455 et (UE) 2019/1995 en ce qui concerne les dates de transposition et d’application en raison de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19.

([223]) Décision (UE) 2020/1109 du Conseil du 20 juillet 2020 modifiant les directives (UE) 2017/2455 et (UE) 2019/1995 en ce qui concerne les dates de transposition et d’application en raison de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, annexe.

([224]) Ibid.

([225]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([226]) Ibid.

([227]) Le régime de la TVA agricole diffère sur certains points du régime traditionnel de la TVA : l’exigibilité de la taxe est toujours constituée par l’encaissement du prix, les formalités relatives aux déclarations sont réduites et la liquidation de l’impôt s’effectue selon des règles particulières. Par ailleurs, les exploitants agricoles soumis au RSA ne bénéficient pas de la franchise en base applicable dans le régime de droit commun. Les règles de la TVA de droit commun s’appliquent pour le reste.

([228]) Article 298 bis du code général des impôts.

([229]) Les entraîneurs publics sont des professionnels indépendants titulaires d’une licence attribuée par les sociétés mères de course.

([230]) Le jockey monte sur le cheval tandis que le driver se situe dans le sulky lors des courses de trot attelé.

([231]) Les gains de concours hippiques ne sont pas soumis à la TVA.

([232])  BOFiP-TVA-SECT-80-10-30-20 n° 110, 7  mars 2013.

([233]) Le contrat de location de carrière de courses est une convention par laquelle le propriétaire du cheval confie la carrière de son animal à un entraîneur. Ce contrat permet de mettre à la charge de l’entraîneur les frais liés à l’entretien et à l’entraînement du cheval.

([234]) Est notamment considérée comme une activité professionnelle celle qui vise à exploiter un bien corporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.

([235]) CJCE, 3 mars 1994, Tolsma, C-16/93.

([236]) CJUE, 14 juin 2016, Odvolací finanční ředitelství contre Pavlína Baštová, C-432/15.

([237]) Ibid, conclusions de l’avocat général, §28.

([238]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([239]) Les courses sont divisées en trois catégories : groupe I, II et III. Le groupe I est composé des courses les plus prestigieuses, dont les dotations sont supérieures à 150 000 euros. La dotation maximale est celle du grand prix de l’Arc de Triomphe, de 5 millions d’euros.

([240]) France galop.

([241])  Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, article 5.

([242])  Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 3.

([243]) Article 79 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 pour 2018 : exclusion des dépenses payées à compter du 1er janvier 2018 au titre de l’acquisition de chaudières à haute performance énergétique utilisant le fioul comme source d’énergie, de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées hors cas de remplacement de parois en simple vitrage, de portes d’entrée donnant sur l’extérieur et de volets isolants ; maintien du crédit d’impôt à un taux de 15 % pour les dépenses d’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées en cas de remplacement de parois en simple vitrage jusqu’au 31 décembre 2018 ; plafonnement de certaines dépenses.

([244]) Article 182 de la loi n° 2018-1317 du 30 décembre 2018 de finances pour 2019 : exclusion de l’éligibilité des dépenses pour acquisition de chaudière à haute performance énergétique n’utilisant pas le fioul au profit de celles pour acquisition de chaudières à très haute performance énergétique n’utilisant pas le fioul, dans la limite d’un plafond ; plafonnement des dépenses pour acquisition de chaudières à micro-gaz, ; réintroduction des dépenses d’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées en remplacement de parois en simple vitrage au taux de 15 % ; extension sous conditions de ressources aux dépenses de pose des équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable et dépose d’une cuve à fioul, au taux de 50 %.

([245])  Enquête Tremi, travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles, campagne 2017.

([246]) Cour des comptes, La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, mars 2019.

([247]) Joël Giraud, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1172,

18 juillet 2018.

([248])  Joël Giraud, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169,

17 juillet 2019.

([249])  Cour des comptes, La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, mars 2019.

([250]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([251])  La SNBC a été introduite par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([252])  Plan climat présenté en juillet 2017

([253])  Entendue comme l’atteinte d’un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre.

([254])  Méthode de mesure des émissions de gaz à effet de serre qui prend en compte le pouvoir de réchauffement de chaque gaz relativement à celui du CO2 (source : GIEC).

([255])  Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([256])  Chiffres Avere-France.

([257])  https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/nombre-total-de-points-de-charge/#_

([258])  Article 41 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([259])  Arrêté du 14 mars 2016 portant validation du programme « ADVENIR » dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie et arrêté du 4 mai 2020 portant création et reconduction de programmes dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie.

([260]) L’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoyait cette possibilité seulement pour les dépenses engagées en 2019 et payées en 2020.

([261]) Évaluation préalable de l’article.

([262]) Annexe budgétaire au projet de loi de finances pour 2020, Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de l’environnement et du climat.

([263]) Article L. 5212-24 du CGCT.

([264]) Article L. 3333-2 du CGCT.

([265]) Prévus à l’article L. 3333-3 du CGCT.

([266]) Les tarifs actualisés sont publiés sur Internet par le Gouvernement :

https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/finances_locales/fiscalite_locale/tarifs_tlcfe_2020.pdf (pour 2020)

https://www.impots.gouv.fr/portail/files/media/1_metier/2_professionnel/TCFE/tarifs_tlcfe_2021.pdf

(pour 2021)

([267]) Article L. 2333-4 (communes) et L. 5212-24 (EPCI) du CGCT.

([268]) Il s’agit de ce site : https://www.impots.gouv.fr/portail/taxe-sur-la-consommation-finale-delectricite-tcfe.

([269]) Communauté de communes, communauté urbaine ou communauté d’agglomération.

([270])  Celles réalisées pour les besoins des activités économiques de l’article 256 du CGI.

([271]) Comité Action Publique 2022, Service public, se réinventer pour mieux servir, juin 2018 (lien).

([272]) Cour des comptes, « Les missions fiscales de la Douane : un rôle et une organisation à repenser », Rapport public annuel 2014, février 2014.

([273]) Le lecteur pourra se reporter sur ce point au commentaire de l’article 61 du projet de loi de finances pour 2020 dans le rapport du Rapporteur général Laurent Saint‑Martin.

([274]) Population recensée en 2017 et mise à jour en décembre 2019.

([275]) Article 267 du CGI.

([276]) La différence avec le montant indiqué sur le graphique et l’évaluation préalable peut résulter d’un effet d’arrondi.

([277]) Article 1011 bis du CGI dans sa rédaction issue de l’article 69 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([278])  M1 : véhicules à moteur conçus et construits pour le transport des passagers et ayant au moins quatre roues. Cf. la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinées à ces véhicules. Cette directive traite également des catégories M2, N1 et N2.

([279])  M2 : véhicules conçus et construits pour le transport de passagers comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant une masse maximale ne dépassant pas 5 tonnes.

([280])  N1 : véhicules construits pour le transport de marchandises ayant un poids ne dépassant pas 3,5 tonnes. Par exception, les pick-ups qui relèvent de cette catégorie mais qui comportent moins de 5 places ou sont exclusivement utilisés pour l’exploitation des remontées mécaniques ou des domaines skiables ne sont pas assujettis au malus.

([281])  N2 : véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 3,5 tonnes, mais ne dépassant pas 12 tonnes.

([282]) Ce barème est issu de l’article 69 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([283]) Règlement (UE) 2017/1151 de la Commission du 1er juin 2017 complétant le règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, modifiant la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) n° 692/2008 de la Commission et le règlement (UE) n° 1230/2012 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) n° 692/2008 (texte présentant de l'intérêt pour l’EEE).

([284]) Ce nouveau barème est issu de l’article 69 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([285]) Matériels agricoles, véhicules exclusivement affectés aux transports intérieurs dans les chantiers, véhicules destinés à la vente ou effectuant des essais, engins des travaux publics, véhicules de la défense nationale, de la protection civile, des services publics de lutte contre les incendies, des autres services publics de secours et des forces responsables du maintien de l’ordre, véhicules circassiens et utilisés par les centres équestres.

([286]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 26.

([287]) Agence européenne de l’environnement, Greenhouse gas emissions from transport in Europe, décembre 2019.

([288]) Règlement (CE) n° 443/2009 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les véhicules particulières neuves dans le cadre de l’approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules léger, article 8.

([289])  Agence européenne de l’environnement, Average CO2 emissions from new cars and new vans increased again in 2019, août 2020.

([290]) Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA).

([291]) COM (2018) 773 du 28 novembre 2018, Une planète propre pour tous – Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat.

([292]) Règlement (UE) 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) n° 443/2009 et (UE) n° 510/2011.

([293]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([294]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

([295]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([296]) Site internet de la Convention citoyenne pour le climat.

([297]) En 2017, le coût d’intervention relatif à cet impôt équivalait à 8,57 % de son rendement.

([298]) Voir le tableau communiqué par M. le rapporteur général annexé au présent compte rendu.

([299]) Directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, modifiée par la directive 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015.

([300]) Directive 2009/30/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

([301]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 192.

([302]) Définis à l’article 17 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, dans sa rédaction en vigueur au 24 septembre 2018.

([303]) Au surplus, ne sont pas considérés comme des biocarburants les produits à base d’huile de palme.

([304]) Le tallol, également appelé huile de tall, est un liquide visqueux obtenu en tant que sous-produit du procédé kraft lorsque le bois employé se compose essentiellement de conifères.  

([305]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 212.

([306]) Le brai est un résidu de distillation.

([307]) Contrairement à la TICFE, la TICC ou la TICGN dont le recouvrement doit être transféré à la DGFiP au 1er janvier 2022, celui de la TICPE demeure à ce stade de la compétence de la DGDDI.

([308]) Article 2 de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE.

([309]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([310]) D’une part, plus l’indice d’octane est élevé, plus la combustion est efficace. D’autre part, le pouvoir calorifique inférieur (PCI) du bioéthanol est inférieur à celui de l’énergie fossile.

([311]) L’auto-allumage consiste en un allumage précoce en phase de compression, nocif pour les parties mécaniques internes du moteur. Il se produit principalement avec des carburants à faible taux d’octane. L’indice d’octane 98, attaché au SP98, signifie que ce carburant présente un taux de résistance à l’auto-allumage de 98 %, supérieur au SP95.

([312]) Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.  

([313]) Directive (UE) 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.  

([314]) À laquelle il était possible de déroger sous certaines conditions tenant à des possibilités limitées de production durable et aux caractéristiques particulières techniques ou climatiques du marché national des carburants d’un État membre.

([315]) Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion et à l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

([316]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 43.

([317]) Ministère de la transition écologique, septembre 2020.

([318]) Soit 10,87 % de l’objectif national d’incorporation dans les essences.

([319])  Combustibles pour moteurs à réaction. On parle également de kérosène.

([320]) ADEME, Analyses du cycle de vie appliqués aux biocarburants consommés en France, février 2010.

([321]) De 18 % pour l’éthanol de blé à 85 % pour l’éthanol de canne à sucre.

([322]) De 65 % pour l’EMHV de colza à 82 % pour l’huile végétale pure.

([323]) Cour des comptes, Rapport public annuel, Les biocarburants : des résultats en progrès, des adaptations nécessaires, février 2016.

([324]) Sénat, Rapport d’information n° 136 de M. Pierre Cuypers fait au nom de la commission des affaires économiques par le groupe de travail sur les biocarburants commun à la commission des affaires économiques et à la commission des affaires européennes, sur la filière des biocarburants, 20 novembre 2019.

([325]) FranceAgriMer, Facteurs de compétitivité sur le marché mondial des biocarburants, 2018 (données 2017).

([326]) L’importation de matières premières ou de produits transformés dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la conversion d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national.

([327]) Sénat, Rapport d’information n° 136 de M. Pierre Cuypers précité.  

([328]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 192.

([329]) Au sens de l’article 29 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.  

([330]) Cour des comptes, Rapport public annuel, Les biocarburants : des résultats en progrès, des adaptations nécessaires, février 2016.

([331]) L’assolement est l’action de partager les terres labourables d’un domaine en parties égales (les « soles ») afin d’opérer une culture par rotation en évitant la jachère, ce qui permet d’obtenir le meilleur rendement possible sans épuiser la terre.  

([332]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Centre d’études et de prospective – n° 51, août 2012.

([333]) Ministère de la transition écologique, Prix des produits pétroliers, septembre 2020.

([334]) Commissariat général au développement durable (CGDD), Chiffres clés de l’énergie, Édition 2020, septembre 2020.

([335])  Inspection générale des finances, Les taxes à faible rendement, février 2014.

([336])  Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité affectée, constats, enjeux, et réformes, juillet 2013.

([337])  Inspection générale des finances, Les taxes à faible rendement, février 2014.

([338]) M. Laurent Saint-Martin, proposition de résolution n° 1038 pour une révision générale des taxes à faible rendement, 8 juin 2018.

([339]) Cour des comptes, Référé, Les taxes à faible rendement, S2018-3303, 3 décembre 2018

([340]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([341]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([342]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

([343]) Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

([344]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([345]) Articles 5 à 7 du décret n° 2020-442 du 16 avril 2020 relatif aux composantes de la taxe générale sur les activités polluantes.

([346]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

([347]) Le principe de responsabilité élargie du producteur, prévu à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, consiste en l’obligation faite aux producteurs, importateurs, distributeurs de certaines filières de pourvoir ou contribuer à l’élimination des déchets qui proviennent de leur activité.

([348]) I de l’article 6 du décret n° 2020-442 du 16 avril 2020 relatif aux composantes de la taxe générale sur les activités polluantes.

([349]) Article 85 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

([350]) Défini aux 1 à 4 de l’article L. 2333-55-1 du CGCT.

([351]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([352]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019

([353]) Amendement n° II-2292 de Joël Giraud et amendement n° II-2409 de Mme Peyrol et plusieurs députés du groupe La République en Marche.

([354]) Livraisons de gaz HFC destinées à (1) être détruites, (2) être utilisées par l’acquéreur comme un intermédiaire de synthèse, (3) être expédiées ou transportées hors de France par le redevable, par l’acquéreur s’il est différent, ou pour leur compte, (4) être utilisées par l’acquéreur dans des équipements militaires, (5) être utilisées par l’acquéreur pour la gravure de matériaux semi-conducteurs ou le nettoyage de chambre de dépôt en phase de vapeur par procédé chimique dans l’industrie des semi-conducteurs, (6) être utilisées par l'acquéreur pour la production d’inhalateurs doseurs pour l'administration de produits pharmaceutiques, (7) être utilisées par l'acquéreur pour le fonctionnement des unités de réfrigération des camions et remorques frigorifiques, (8) être utilisées par l’acquéreur dans des applications spécifiques ou dans des catégories spécifiques de produits ou d’équipements pour lesquels, d’une part, des solutions de substitution n’existent pas ou ne peuvent être mises en œuvre pour des raisons techniques ou de sécurité et, d’autre part, une offre suffisante d’HFC ne peut être garantie sans entraîner des coûts disproportionnés.

([355]) Amendement n°II-2292 de M. Joël Giraud et amendement n°II-2409 de Mme Bénédicte Peyrol et plusieurs députés du groupe La République en Marche.

([356]) Idem.

([357]) Article 7 de la loi n° 2003-517 du 18 juin 200 3relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs.

([358]) Directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes

([359]) Ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/UE.

([360]) Ordonnance n° 2016-1812 du 22 décembre 2016 relative à la lutte contre le tabagisme et à son adaptation et son extension à certaines collectivités d’outre-mer.

([361]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([362])  Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([363]) À noter, la transformation progressive du CICE en allègements de charges depuis 2019 fait apparaître une baisse en trompe-l’œil du coût des dépenses fiscales ces dernières années. L’étude de l’évolution du coût des dépenses fiscales hors CICE est plus pertinente aujourd’hui.

([364])  Cour des comptes, Le budget de l’État en 2019, mai 2020 p. 154.

([365])  Amendement n° II-2223 de Mme de Montchalin et de M. Giraud.

([366]) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral, première séance du jeudi 15 novembre 2018.

([367])  IGF, Dépenses fiscales et sociales, juin 2019.

([368])  Résolution pour le renforcement du pilotage et de l’évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques, Assemblée nationale, XVe législature, T.A. n° 292, 19 juin 2019.

([369]) Joël Giraud, Rapport d’information sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169, 17 juillet 2019, 18 juillet 2018, pages 47-114.

([370]) Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

([371]) 2 de l’article 265 ter du code des douanes.

([372]) Loi n° °2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

([373]) Ensemble de véhicules qui dépendent d’une gestion commune et s'approvisionnent à leur propre source de stockage de carburant.

([374]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([375]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([376]) Article L. 141-13 du code de commerce.

([377]) En matière d’enregistrement, il faut entendre par le terme d’ « acte » tout écrit destiné à faire la preuve d’un fait juridique, et non l’opération juridique elle-même : BOFIP du 21 octobre 2013, BOI-ENR-DG-10-10.

([378]) Article 635 du CGI.

([379]) Article 635 A du CGI.

([380]) Article 636 du CGI.

([381]) Article 637 du CGI.

([382]) Article 638 du CGI.

([383]) Cette gratuité découle de l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2019, dont l’article 26 a supprimé les droits d’enregistrement concernés.

([384]) Article 810 du CGI.

([385]) Article 811 du CGI.

([386]) Article 812 du CGI.

([387]) Article 814 C du CGI.

([388]) Article 816 du CGI.

([389]) Article 825 du CGI.

([390]) Article 650 du CGI.

([391]) Article 652 du CGI. La portée de l'article 652 du CGI est limitée aux actes sous seing privé qui ne contiennent pas de dispositions obligatoirement soumises à la publicité foncière. S'ils contiennent des dispositions obligatoirement soumises à publicité foncière, les actes doivent, sauf exception, revêtir la forme authentique, sous peine de refus de la formalité, qu'il s'agisse de la formalité fusionnée ou de la double formalité.

([392]) Article 654 du CGI.

([393]) Article 658 du CGI.

([394]) Article 849 du CGI.

([395]) Article 24 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

([396]) Article 21, I, 6° de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([397]) Source : BOFIP du 11 mai 2020 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/12347-PGP.html/identifiant%3DBOI-DJC-COVID19-50-20200511

([398]) La mention des tribunaux judiciaires s’explique par une particularité du droit local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, où les missions ailleurs dévolues au tribunal de commerce sont confiées au tribunal judiciaire.

([399]) Cette opération doit être distinguée de la réévaluation des actifs, dont l’article 5 du présent projet de loi propose de modifier le régime fiscal. En effet, une augmentation de capital consiste en des apports nouveaux à la société, permettant éventuellement l’acquisition de nouveaux actifs, tandis que la réévaluation des actifs existants est une opération comptable consistant à transcrire sans attendre au bilan de la société la valeur réelle de ses actifs, alors qu’ils sont en principe comptabilisés à leur valeur historique, c’est-à-dire celle qui prévalait au moment de l’acquisition du bien. Dans un cas, le patrimoine de la société est réellement accru ; dans l’autre, c’est l’image comptable de ce patrimoine qui est actualisée.

([400]) La notion de personne morale à prépondérance immobilière s’entend au sens du troisième alinéa du 2° du I de l’article 726 du CGI. Il s’agit des personnes morales dont les titres ne sont pas cotés et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales dont les titres ne sont pas cotés et elles-mêmes à prépondérance immobilière. Toutefois, les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux ne sont pas considérés comme des personnes morales à prépondérance immobilière.

([401]) Ce montant inclut non seulement le rendement du droit fixe des actes innommés de 125 euros, auquel sont soumises la plupart des opérations de réduction de capital, mais aussi celui des droits de mutation à titre onéreux perçus lors de certaines opérations de réduction de capital. Ces droits de mutation ne sont pas affectés par le présent article et demeureraient donc perçus.

 

([402]) Article L. 253 du livre des procédures fiscales.

([403]) Article L. 256 du livre des procédures fiscales.

([404]) Article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales.

([405]) Article L. 257-0 B du livre des procédures fiscales.

([406]) À l’exception des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et des droits de timbre.

([407]) Article L. 257-0 B du livre des procédures fiscales.

([408]) Article L. 277 du livre des procédures fiscales.

([409]) L’article 1912 du CGI encadre le régime de répercussion au redevable des frais en matière de recouvrement de créances fiscales. Ceux-ci sont calculés par application d’un pourcentage qui ne peut excéder 5 % du montant total des créances dont le paiement est réclamé, dans la limite de 500 euros. Le tarif des frais applicables à chaque catégorie d’acte est défini par décret en Conseil d’État. Des frais accessoires aux poursuites peuvent également être perçus.

 

([410]) Articles L. 221-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

([411]) Articles L. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

([412]) Articles L. 311-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

([413]) Article L. 263 B du livre des procédures fiscales.

([414]) Énumérés au 2 de l’article 1663 du CGI.

([415]) Article 123 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([416]) Article 21 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([417]) Article 73 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([418]) Avant cette loi, pas moins de six déclinaisons de l’avis à tiers détenteur, lequel était applicable aux produits fiscaux, existaient : l’opposition à tiers détenteur, qui était applicable aux recettes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ; l’opposition administrative, applicable aux amendes et condamnations pécuniaires ; la saisie à tiers détenteur, applicable aux recettes non fiscales de l’État ; la saisie de créance simplifiée, applicable aux créances des établissements publics et des groupements d’intérêt public de l’État, ainsi qu’aux autorités publiques indépendantes ; l’avis de saisie, applicable en matière de contributions indirectes ; la procédure de saisie, applicable aux autres produits recouvrés par la direction générale des douanes et des droits indirects.

([419]) Article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

([420]) Article L. 2323-7-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

([421]) Article L. 274 du livre des procédures fiscales.

([422]) Article 355 du code des douanes.

([423]) Article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

([424]) Article L. 2323-8 du code général de la propriété des personnes publiques.

([425]) Article 2224 du code civil.

([426]) Article L. 524-8 du code du patrimoine.

([427]) Article L. 520-18 du code de l’urbanisme.

([428]) Article L. 331-29 du code de l’urbanisme.

([429]) Article L. 1264-4 du code du travail.

([430]) Article 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

([431]) Article 2224 du code civil.

([432]) Article L. 111-4 du CPCE.

([433]) Il s’agit d’un accord tel que prévu par la directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 relative à l’assistance mutuelle en matière de recouvrement.

([434]) Article 2231 du code civil.

([435]) Article 2244 du code civil.

([436]) Articles 2241 et 2242 du code civil. Dans ce cas, l’effet interruptif de la demande se prolonge jusqu’à l’extinction de l’instance.

([437]) Article 1745 du CGI.

([438]) Article L. 267 du livre des procédures fiscales. Toutefois, en application de l’article L. 111-4 du CPCE, cette décision ouvre au comptable public un nouveau délai de dix ans (et non de quatre) pour poursuivre le recouvrement.

([439]) Article 2240 du code civil.

([440]) Articles L. 622-25-1, L. 631-14 et L. 641-3 du code de commerce. L’effet interruptif de la déclaration se prolonge jusqu’à la clôture de cette procédure.

([441]) Article 2245 du code civil.

([442]) Article 2230 du code civil.

([443]) Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

([444]) Civ. 1re, 29 octobre 2002, n° 00-11.958 P.

([445]) Com., 20 octobre 1992, n° 90-13.072 P ; Civ. 1re, 24 janvier 1995, n° 91-14.910 P.

([446]) Civ. 1re, 7 février 1995, n° 92-14.216 P.

([447]) L’article L. 252 A du livre des procédures fiscales prévoit que constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l’État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d’un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir.

([448]) En revanche, le présent article laisse subsister le premier alinéa de cet article, qui prévoit que ces créances peuvent être répétées dans un délai de deux années. Il prévoit donc une durée différente pour la prescription d’assiette, c’est-à-dire le délai pendant lequel les sommes indûment versées peuvent être réclamées et un titre exécutoire être émis, d’une part, et pour la prescription de recouvrement, qui court à compter de l’émission du titre exécutoire, d’autre part.

([449]) D’après les informations fournies au rapporteur général, le renvoi à un décret de la date d’entrée en vigueur de cette disposition s’explique par le souhait du Gouvernement de procéder à une entrée en vigueur échelonnée, elle-même justifiée par l’existence d’applications de recouvrement différentes selon les types de créances publiques concernés. Ces applications présentent en effet des contraintes techniques différentes et relèvent de maîtrises d’œuvre distinctes.

([450]) Premier alinéa de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales.

([451]) Premier alinéa de l’article L. 76 du livre des procédures fiscales.

([452]) Rapport sur le projet de loi modifiant les procédures fiscales et douanières, Assemblée nationale, VIIIe législature, n° 703, 13 mai 1987, page 71.

([453]) Loi n° 87‑502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières.

([454]) Instruction fiscale n° 13 N‑3‑88 du 6 mai 1988 (Bulletin officiel des impôts n° 99, 24 mai 1988).

([455]) Conseil d’État, avis contentieux, 12 avril 2002, Société anonyme financière Labeyrie, n° 239693, au Recueil.

([456]) Cour de cassation, chambre commerciale, 4 février 2004, n° 01‑02650. L’exclusion de la qualification de « pénalité » peut être contestée dans la mesure où les intérêts de retard peuvent être assimilés à une pénalité. Le terme « sanction », pour en exclure les intérêts de retard, est plus approprié.

([457]) Cour de cassation, chambre commerciale, 17 mars 2004, n° 02‑19276, Bull. IV, n° 57, page 59.

([458]) Voir par exemple le commentaire de la décision n° 2011‑124 QPC du 29 avril 2011, Mme Catherine B. [Majoration de 10 % pour retard de paiement de l’impôt], page 3. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a également considéré que la majoration de 10 % prévue à l’article 1730 du CGI n’était pas une sanction au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

([459]) Loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, article 29.

([460]) Loi n° 2016‑1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([461]) Depuis 2006, le taux de l’intérêt moratoire, tout comme celui de l’intérêt de retard depuis 1987, est fixe, assurant aux contribuables une lisibilité bienvenue et offrant à l’État un outil de prévision opportun.

([462]) Conseil d’État, 30 juin 2004, Société Akzo Nobel, n° 242893, au Recueil, et Bulletin officiel des finances publiques du 22 janvier 2020, BOI-CTX-DG-20-50-30, § 60.

([463]) Qui s’entend comme une personne ayant acquitté un prélèvement obligatoire français, sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’il soit non-résident (voir, à titre d’illustration, la réponse ministérielle à la question écrite n° 95150 de notre ancien collègue Christophe Premat, portant sur le contentieux « De Ruyter » – Journal officiel, 25 octobre 2016, page 8892).

([464]) Lorsque la date de paiement de l’imposition diffère de celle à laquelle l’État dispose effectivement des sommes, c’est la première de ces deux dates qui est retenue. Le point de départ est en effet fixé à la date à laquelle les sommes indûment payées sont devenues indisponibles pour le contribuable, peu importe ensuite que l’État n’en dispose effectivement qu’ultérieurement (Conseil d’État, 5 juin 2015, Société Groupe Bruxelles Lambert, n° 373858, aux Tables).

([465]) Article L. 2192-12 du code de la commande publique.

([466]) Article L. 2192-13 du même code.

([467]) Décret n° 2013‑269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique.

([468]) Décret n° 2002‑232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics.

([469]) Rapport sur le projet de loi de finances pour 2020  Annexe n° 37  Remboursements et dégrèvements, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2301, 10 octobre 2019.

([470]) Ces chiffres sont  confirmés par la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission « Remboursements et dégrèvements » pour l’année 2019 : https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-04/NEB-2019-Remboursements-degrevements.pdf, p. 20.

([471])  Article L. 621-1 du code monétaire et financier.

([472])  Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([473])  Évaluation des voies et moyens, tome I, annexé au présent projet de loi de finances.

([474])  Rapport sur les autorités administratives et publiques indépendantes, annexe au projet de loi de finances pour 2020.

([475])  Les chiffres du tableau correspondent à la numérotation retenue par l’article.

([476])  Article 239 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([477]) Décret n° 2018-1327 du 28 décembre 2018 relatif aux contributions dues à l'Autorité des marchés financiers.

([478]) Points 1 et 5 de l’article L. 321-1 du code monétaire et financier.

([479]) Article L. 532-2 code monétaire et financier : « Les établissements de crédit et les sociétés de financement doivent disposer d'un capital initial libéré ou d'une dotation versée dont le montant minimum, compris entre un million et cinq millions d'euros en fonction de l'agrément délivré, est défini par arrêté du ministre chargé de l'économie. Cet arrêté définit également les éléments pris en compte pour la détermination de ce montant ».

([480])  Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([481])  L’enregistrement des PSAN est obligatoire pour les services de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques et le service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal.

([482]) Transformée en dotation pour la protection de la biodiversité par la loi de finances pour 2020, et dotée de 10 millions d’euros.

([483]) Loi n° 79-15 du 3 janvier 1979 instituant une dotation globale de fonctionnement versée par l’État aux collectivités locales et à certains de leurs groupements et aménageant le régime des impôts directs locaux pour 1979.

([484]) Les modalités de calcul de la dotation forfaitaire et de son écrêtement figurent à l’article L. 2334-7 du CGCT.

([485]) Les communautés de communes (CC) à fiscalité additionnelle (FA), les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique (FPU), les communautés d’agglomération (CA) et enfin les communautés urbaines (CU) et métropoles.

([486]) Le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 3 pour une présentation du fonds de péréquation des ressources régionales.

([487]) Article L. 2334-2 du CGCT.

([488]) Article L. 2334-7 du CGCT.

([489]) Article L. 3334-3 du CGCT.

([490]) Article L. 5211‑28‑1 du CGCT.

([491]) Article L. 2334-7-1 du CGCT.

([492]) Synthèse de la DGF des communes en 2020,

http://www.dotations-dgcl.interieur.gouv.fr/consultation/synthese_dgf.php

([493]) La moitié des dix millions d’euros de la dotation « protection de la biodiversité » portée par la mission budgétaire RCT sont financés par l’écrêtement de la dotation forfaitaire des communes.

([494]) Le dégrèvement signifie que l’État se substitue au contribuable dans le paiement de l’impôt, sans incidence sur le produit fiscal, perçu en intégralité par la collectivité bénéficiaire.

([495]) Les finances publiques locales en 2016.

([496]) Transformée en dotation pour la protection de la biodiversité par la loi de finances pour 2020, et dotée de 10 millions d’euros.

([497]) Article 57 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([498]) Article L. 2335‑15 du CGCT.

([499]) Une stabilisation en valeur suit l’inflation : cela conduit à une hausse en euros si l’inflation est positive. Une stabilisation en volume signifie une stabilisation en euros, sans prendre en compte l’inflation : si l’inflation est positive, cela réduit la valeur monétaire de l’enveloppe.

([500]) Le lecteur se reportera au commentaire de l’article 22 pour une présentation des dotations de compensation et des allocations compensatrices.

([501]) Dans un protocole d’accord signé le 8 septembre, l’État a par ailleurs consenti, s’agissant des pertes au titre de la baisse des recettes de billets payés par les voyageurs à l’occasion de la crise sanitaire (recettes tarifaires), le versement à venir d’une avance remboursable estimée entre 1 175 et 1 455 millions d’euros.

([502]) Le lecteur se reportera au commentaire de l’article 22 pour une analyse de l’évolution en 2021 de la DGF et des variables d’ajustement, y compris les allocations compensatrices.

([503]) Le lecteur se reportera au commentaire de l’article 4 pour une analyse de cette réforme des valeurs locatives et des modalités de sa compensation budgétaire aux collectivités territoriales.

([504]) Enregistrés dans une action ad hoc, l’action n° 9 du programme 119 de la mission Relations avec les collectivités territoriales.

([505]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013 et Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018 (lien).

([506]) Rapport dinformation (n° 2169, XVème législature) de M. Joël Giraud sur lapplication des mesures fiscales, juillet 2019, pp. 442 et suivantes (lien).

([507]) Rapport d’information (n° 2210, XVème législature) de M. Laurent Saint-Martin, sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, pp. 96 et suivantes (lien).

([508]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([509]) Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 (lien).

([510]) Articles 2 et 36 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([511]) Article 36 de la loi organique précitée.

([512]) 1° du I de l’article 34 de la loi organique précitée.

([513]) 1° de l’article 51 de la loi organique précitée.

([514]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013 (lien).

([515]) La partie plafonnée des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale est actuellement incluse dans la norme de dépenses pilotables telle que définie par l’annexe 3 de la LPFP 2018-2022.

([516]) CPO, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

([517])Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019,

([518]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([519]) Articles 86 et 87 de la loi n° 2017-837 de finances initiale pour 2018.

([520]) Article 9 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([521]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([522]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013.

([523]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([524]) Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, article 6.

([525]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 9.

([526]) Loi de programmation pour les années 2014 à 2019 précitée, article 16.

([527]) Loi de programmation pour les années 2018 à 2022 précitée, article 18.

([528]) Loi de programmation pour les années 2012 à 2017, article 12, puis loi de programmation pour les années 2014 à 2019, article 15.

([529]) CPO, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

([530]) Rapport précité juillet 2018, page 50.

([531]) C’est-à-dire en excluant les baisses liées à des suppressions de plafond justifiée par des suppression de taxes ou des réaffectation au budget général.

([532]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([533]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([534]) Amendements identiques CF641 de M. Arnaud Viala, CF724 de M. Fabrice Brun, CF778 de Mme Lise Magnier, CF864 de M. Jean-Paul Mattei, CF870 de M. Marc Le Fur, CF1227 de M. Philippe Gosselin et CF1403 de Mme Monica Michel adoptés en commission des finances de l’Assemblée nationale le 19 juin 2020 et amendement 2165 de M. Laurent Saint-Martin au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale adopté en séance publique le 25 juin 2020.

([535])  Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, article 18

([536]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([537]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 186.

([538]) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

([539]) C’est-à-dire en excluant les hausses liées à l’intégration de nouvelles taxes au champ du plafonnement.

([540]) Ses missions sont définies par l’article R. 1512-12 du code des transports.

([541]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, programme Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilités durables.

([542]) Article 302 bis ZB du code général des impôts.

([543]) III de l'article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([544]) VI de l'article 302 bis K du code général des impôts.

([545]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, article 12.

([546]) Loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

([547]) Cour des comptes, référé du 27 mai 2019 relatif à l’Institut national de la propriété industrielle (lien).  

([548]) Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

([549]) Le plan Écophyto matérialise les engagements pris par le Gouvernement pour réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques de 50 % d'ici 2025 et de sortir du glyphosate d'ici fin 2020 pour les principaux usages et au plus tard d'ici 2022 pour l'ensemble des usages.

([550]) Pour une information plus complète sur ces taxes à faible rendement, le lecteur se reportera utilement au commentaire de l’article 16 du présent rapport.

([551])  Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([552])  Id.

([553]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019

([554]) Le plan Écophyto matérialise les engagements pris par le Gouvernement pour réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques de 50 % d'ici 2025 et de sortir du glyphosate d'ici fin 2020 pour les principaux usages et au plus tard d'ici 2022 pour l'ensemble des usages.

([555]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([556]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 (lien).

([557]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 (lien).

([558]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (lien).

([559]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 (lien).

([560]) Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement (lien).

([561]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 (lien).

([562]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 (lien).

([563]) Articles L. 561-3 du code général de l’environnement (lien) et 1635 bis AD du code général des impôts (lien).  

([564]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, 2018, p. 147 (lien) .

([565])  Cour des comptes, référé du 5 décembre 2016 relatif aux fonds de prévention des risques naturels majeurs (lien).

([566]) Cour des comptes, référé du 5 décembre 2016 relatif aux fonds de prévention des risques naturels majeurs.

([567]) Idem.

([568]) Loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([569]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, 2018, p. 147 (lien).

([570]) Rapport d’information (n° 2210, XVème législature) de MM. Éric Woerth et Laurent Saint-Martin au nom de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, septembre 2019, p. 92 (lien).

([571]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Son article 179 rassemble dans un article unique la liste des annexes générales dites « jaunes budgétaires » au projet de loi de finances (lien). Le rapport a été créé par l'article 15 de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

([572]) Rapport d’information (n° 628, 2018-2019) de Mme Nicole Bonnefoy au nom de la mission d‘information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, juillet 2019, P. 167 (lien).

([573]) Cour des comptes, référé du 5 décembre 2016 relatif aux fonds de prévention des risques naturels majeurs (lien).

([574]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([575]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020  

([576]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([577]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([578])  Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([579])  Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([580])  M. Joël Giraud, rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, tome II Examen de la première partie du projet de loi de finances, n° 2301.

([581])  Ibid.

([582])  Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, avril 2020.

([583])  Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, mai 2016.

([584])  Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2018 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, mai 2019.

([585]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([586])  Projet annuel de performances du compte d’affectation spéciale Service nationaux de transport conventionnés de voyageurs, annexe au projet de loi de finances pour 2020.

([587])  Cour des comptes, rapport public annuel 2019, tome II « Les trains Intercités : une réforme à achever », février 2019, et note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », avril 2020.

([588])  Source : évaluation préalable de l’article commenté.

([589])  Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », avril 2020.

([590])  Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([591]) Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

([592])  Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([593])  Entre 2009 et 2015, les recettes issues de la CSPE ont été insuffisantes pour couvrir les charges. Ce déficit de compensation a été supporté uniquement par EDF, les autres opérateurs ayant été compensés pour l’intégralité des charges supportées. Source : Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 du compte d’affectation spéciale Transition énergétique.

([594])  Arrêté du 13 mai 2016 pris en application de l'article R. 121-31 du code de l'énergie.

([595])  Amendement n° 1812 de Mme Bénédicte Peyrol, repris par M. Joël Giraud et sous-amendé par M. Laurent Saint-Martin, deuxième séance publique du lundi 21 octobre 2019.

([596])  Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2018 du compte d’affectation spéciale Transition énergétique.

([597])  Commission de régulation de l’énergie, délibération n° 2020-177 du 15 juillet 2020 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2021 et projet annuel de performances annexé du programme 345, annexé au présent projet de loi de finances.

([598])  Article L. 314-14 du code de l’énergie.

([599]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([600]) Article 5 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([601]) Date d’entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([602]) Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

([603]) Rapport du Gouvernement au Parlement sur La rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale prévu par l’article 27 de la loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ce document reprend pour partie les conclusions d’un autre rapport, Les relations financières entre l’État et la sécurité sociale rédigé par MM. Christian Charpy et Julien Dubertret.

([604]) Voir notamment l’avis n° 1309 de la commission des finances sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par M. Éric Alauzet, Assemblée nationale, XVe législature, octobre 2018.

([605]) Loi n° 57-874 du 2 août 1957 étendant le bénéfice de l’allocation supplémentaire du fonds national de solidarité aux invalides, infirmes, aveugles et grands infirmes.

([606]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([607]) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, annexe 9 p 343.

([608]) Circulaire DGS/DGAS n° 2002/145 du 12 mars 2002 relative à la mise en œuvre d’un dispositif unifié des points d’accueil et d’écoute jeunes (PAEJ).

([609]) Ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018 relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale.

([610]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([611]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([612])  En comptabilité nationale, ces ressources sont enregistrées en compte de tiers.

([613]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([614]) Conseil de l’Union européenne, Projet de budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2021 : position du Conseil, 7 septembre 2020.

([615])  Conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil européen des 17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020.

([616])  ibid.

([617])  Résolution du Parlement européen du 23 juillet 2020 sur les conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil européen du 17 au 21 juillet 2020.

([618]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980.

([619]) Article 229 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([620]) Article 96 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.