N° 3399

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 27
 

 

 

 

GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Jean-Paul MATTEI

 

Député

____


   


—  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES ANALYSES et recommandations DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Chiffres clés

introduction

I. Le CAs gestion du patrimoine immobilier de l’État : instrument essentiel mais fragile de la politique immobilière de l’État

A. un périmètre limitÉ et soumis À des dÉrogations qui confortent le cas dans une position marginale

1. Les opérations immobilières s’appuient largement sur les ressources ministérielles, souvent aux dépens du CAS

2. Le plan de relance : des ouvertures importantes de crédits alloués à la rénovation des bâtiments publics ne transitant pas par le CAS

B. LE DÉSÉQUILIBRE STRUCTUREL du cas interroge QUANT À SA SOUTENABILITÉ FINANCIèRE

1. Des dépenses en baisse, traduction de la marginalité et de la fragilité financière du CAS

2. Des ressources de plus en plus contraintes du fait de la crise sanitaire, malgré des tentatives de réforme

a. Les redevances domaniales : des ressources indispensables mais encore insuffisantes

b. Les cessions immobilières : des difficultés à céder renforcées par le confinement et la conjoncture

c. Le plafonnement de la décote : une mesure à l’impact incertain

II. un instrument à repenser dans le cadre de l’évolution des outils et des objectifs de la politique immobilière de l’état

A. Donner à la DIrection de l’immobilier de l’état les attributs et les moyens de l’État-propriétaire

1. Le perfectionnement des outils de connaissance du patrimoine et de planification des besoins de financement fait apparaître des carences

a. SPSI et SDIR : des bilans contrastés

b. Ces outils font apparaître des besoins de financement conséquents, auxquels le CAS peut difficilement répondre

2. La gestion du CAS souffre de règles trop contraignantes et de dérogations trop nombreuses au regard de ses objectifs

a. La gestion du compte d’affectation spéciale est soumise à des règles contraignantes

b. Le CAS est l’objet d’utilisations détournées qui interrogent sur sa place au sein de la politique immobilière de l’État

3. La séparation entre État-propriétaire et État-occupant doit être mieux affirmée pour favoriser une gestion vertueuse

a. La professionnalisation des fonctions immobilière des ministères : le début d’une prise de conscience

b. La question d’un retour des loyers budgétaire se pose pour affirmer la vocation de propriétaire de la DIE

c. Les pistes du Conseil de l’immobilier de l’État pour des règles de gestion plus vertueuses devraient être suivies

B. Redéfinir une stratégie immobilière de long terme appuyée sur des nouvelles logiques de valorisation patrimoniale

1. La crise sanitaire a accéléré le besoin d’adaptation de l’immobilier public aux nouvelles conditions et aspirations au travail

a. La nécessité d’une réflexion sur les impacts de la crise sanitaire sur l’immobilier public interroge les objectifs actuels de la PIE

b. Une possible réorientation des priorités de la politique immobilière de l’État pourrait requérir de meilleurs indicateurs de performance.

i. Les performances de la politique immobilière de l’État sont peu engageantes.

ii. La difficile mesure de la performance de la politique immobilière de l’État

iii. Les performances décevantes du CAS et de son indicateur invitent, dans un contexte de réflexion sur les finalités de la PIE, à changer d’indicateurs de performance

2. Une nécessaire valorisation sur le long terme du patrimoine immobilier de l’État

a. Face aux défis du « tout-cession », des alternatives sont à privilégier

b. Certains ministères expérimentent des modes de valorisation alternatifs propres à favoriser l’inscription de la PIE dans le long terme

III. Le plan de relance : un effort sans précédent, des inquiétudes qui persistent

A. un effort inédit qui aurait gagné à être inscrit plus en amont dans la gestion du parc

1. La rénovation thermique des bâtiments publics : un effort important et inédit

2. Un effort qui aurait gagné à être intégré plus en amont dans la gestion d’un parc souffrant d’un relatif délabrement

B. RELANCE ET INVESTISSEMENT : DES ATTENTES ET DES OBJECTIFS POTENTIELLEMENT DIVERGENTS

1. L’étroitesse du calendrier : une cause d’inquiétude quant au bon usage des fonds publics

2. Pour une relance performante : une mesure des économies futures à améliorer

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.

 


—  1  —

    

   PRINCIPALES ANALYSES et recommandations
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le projet de loi de finances pour 2021 fixe à 370 millions d’euros les recettes prévisionnelles du compte d’affectation spécial (CAS) consacré à la gestion du patrimoine immobilier de l’État (GPIE). Par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, le montant global des recettes diminue légèrement (– 2,63 %), du fait de la situation économique incertaine qui pourrait grever les ressources du CAS. Le montant des recettes tirées des redevances domaniales est porté à 90 millions d’euros. Ce relèvement ne peut compenser la stabilisation à un niveau bas du produit des cessions immobilières, lequel est estimé à 280 millions d’euros.

Les crédits demandés pour le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État passent de 447 millions d’euros à 662 millions d’euros. Sans remettre en cause la pertinence de la programmation, les préoccupations quant à la capacité de financement du CAS se renforcent du fait des dynamiques divergentes qui animent ses emplois et ses ressources.

Le budget pour l’année 2021 sera marqué par le plan de relance, dont le volet immobilier propose l’allocation de crédits très importants (3,7 milliards d’euros) à la rénovation thermique des bâtiments de l’État. Cette somme ne transitera cependant pas par le compte d’affectation spéciale, contribuant à sa marginalisation dans le financement de la politique immobilière de l’État.

 

 

 

 


 

Le CAS et la mission Plan de relance doivent cependant s’inscrire dans une gestion renouvelée par les réorientations de la politique immobilière de l’État. À ces fins, le rapporteur propose :

Recommandation 1 :

Établir un état prévisionnel des moyens et des besoins de financement relevant du périmètre du CAS GPIE pour les cinq prochaines années.

Recommandation 2 :

Amender les pratiques dérogatoires en mutualisant recettes et dépenses, comme le préconise le Conseil de l’immobilier de l’État.

Recommandation 3 :

Engager une réflexion sur la redéfinition des indicateurs de performance de la politique immobilière de l’État.

Recommandation 4 :

Mettre en place des modalités de valorisation alternatives du patrimoine immobilier de l’État.

Recommandation 5 :

Allouer à la rénovation et à l’entretien des bâtiments des établissements d’enseignement supérieur et de recherche des moyens proportionnés aux surfaces qu’ils occupent.

Recommandation 6 :

Intégrer aux indicateurs de la mission Plan de relance des instruments de mesure des économies de long terme induite par la rénovation des bâtiments.


   Chiffres clés

CRÉDITS DE LA MISSION PLAN DE RELANCE
CONCOURANT À LA Politique immobilière de l’État

(en million d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

P362-A01 - Écologie. Rénovation énergétique

3 700,00

1 633,00

P723-A14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

80,30

98,30

Rapport (en %) action 14 du CAS GPIE/relance

2,17 %

6,02 %

Source : projets annuels de performances 2021.

 

répartition des crédits de paiement du programme 723
opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’état
dans le plf 2021

(en euros)

Source : projet annuel de performances 2021.


Évolution des dépenses rapportées aux recettes entre 2015 et 2021

(en euros ; LFI pour 2020 ; PLF pour 2021)

 

(Source : rapports annuels de performances 2015 à 2019, LFI 2020 et projet annuel de performances 2021.)

Évolution conjointe des produits des cessions et des redevances domaniales affectées aux CAS entre 2015 et 2021

(en millions d’euros)

(Source : rapports annuels de performances 2015 à 2019, LFI 2020 et projet annuel de performances 2021.)


—  1  —

   introduction

La mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État constitue le cadre de gestion des ressources domaniales tirées des cessions de biens et d’actifs immobilier de l’État et de redevances ou de loyers perçus par l’État. Ces ressources sont mutualisées à l’échelle du budget général et destinées au financement de la politique immobilière de l’État (PIE) aux échelons central et local. Elle se confond d’un point de vue budgétaire avec le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Créé par la loi de finances pour 2006 ([1]), celui-ci porte les dépenses d’investissement et de fonctionnement en rapport avec des opérations immobilières ou d’entretien du propriétaire réalisées par l’État sur des biens immobiliers dont il est propriétaire ou figurant à l’actif de son bilan. Il pourvoit également aux dépenses d’investissement et de fonctionnement correspondant à des opérations de cession, d’acquisition ou de construction d’immeubles du domaine de l’État, ainsi qu’à des opérations d’entretien du propriétaire réalisées par des établissements publics et d’autres de ses opérateurs. En recettes, le CAS reçoit :

– le produit des cessions de biens immobiliers de l’État, ainsi que des droits à caractère immobilier attachés à ses immeubles ;

– les versements du budget général ;

– les fonds de concours ;

– le produit des redevances domaniales ou de loyers perçus par l’État et provenant des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont la puissance publique est propriétaire ou locataire et des locations d’immeuble de son domaine privé, à l’exclusion des redevances ou des loyers de son domaine militaire.

Placé sous la responsabilité de la direction de l’immobilier de l’État (DIE), le compte d’affectation spécial est conçu comme un des outils de l’affirmation d’une véritable politique interministérielle qui, au-delà des contingences propres à l’accomplissement des missions de la puissance publique, doit inciter les administrations et les opérateurs à atteindre deux objectifs : d’une part, la rationalisation du patrimoine immobilier de l’État et de ses opérateurs ; d’autre part, une gestion efficace et économe du parc.

La réalisation de ces objectifs ne soulève pas que des enjeux financiers, bien que la fragilité financière du CAS soit un souci constant du rapporteur spécial. La réussite de la politique immobilière de l’État dépend également de la mobilisation de moyens matériels et humains, ainsi que de la définition d’une stratégie inscrite dans le long terme.

À cet égard, la crise sanitaire liée au covid-19 incite à ouvrir une réflexion d’ensemble sur le développement, les outils et les finalités de la politique immobilière de l’État, dont le CAS GPIE reste un instrument essentiel. La mise en œuvre du plan de relance dans la loi de finances pour 2021 cristallise ces réflexions. Plus que jamais, la politique immobilière de l’État semble devoir se réorienter, tant au regard du relatif épuisement de son modèle de financement que de la relance à laquelle elle semble destinée.

I.   Le CAs gestion du patrimoine immobilier de l’État : instrument essentiel mais fragile de la politique immobilière de l’État

Le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État constitue l’instrument privilégié de l’affirmation d’une véritable politique immobilière interministérielle et pluriannuelle pour l’État.

Au cours de ses travaux sur le projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur spécial n’a cessé de remarquer à quel point cet instrument, pourtant essentiel, d’une politique de l’État‑propriétaire, était marginalisé dans ses attributions et affaibli dans son financement. Cette fragilisation du CAS est accentuée par la crise sanitaire sans être compensée par la maquette budgétaire 2021 : une minoration naturelle des recettes se conforte d’une diminution importante des dépenses.

A.   un périmètre limitÉ et soumis À des dÉrogations qui confortent le cas dans une position marginale

Le compte d’affectation spécial représente une faible part des dépenses allouées à la politique immobilière de l’État. La mise en œuvre du plan de relance vient confirmer cette marginalisation.


1.   Les opérations immobilières s’appuient largement sur les ressources ministérielles, souvent aux dépens du CAS

Le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État retrace les crédits d’opérations non négligeables et demeure un instrument apprécié par les ministères ([2]). Deux programmes le composent :

– le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État ne fait l’objet d’aucune inscription de crédits depuis 2018. Son maintien peut s’expliquer par la nécessité de tracer le produit de cessions que leur caractère exceptionnel vouerait au désendettement de l’État. Si cette éventualité ne s’est jamais produite jusqu’à présent, la hausse très importante de l’endettement du fait de la crise sanitaire et du nécessaire soutien de l’État à l’économie et au système de santé ne saurait l’exclure totalement ;

– le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État regroupe l’ensemble des dépenses immobilières prises en charge par le CAS, qu’elles portent sur des opérations prises en charges par les services des administrations centrales ou des services déconcentrés. Dans ce cadre, les ministères et les préfectures disposent chacun d’un opérationnel de programme (BOP) pour le financement de leurs dépenses programmées au titre du CAS.

Le programme 723 du CAS GPIE ne peut cependant pas prétendre jouer un rôle moteur dans la politique immobilière de l’État. Les crédits qui y transitent ne constituent qu’une part minoritaire du financement de la politique immobilière de l’État.

Celle-ci dépend en effet principalement des financements ministériels. Le CAS ne financera, comme c’est déjà le cas en 2020, qu’une partie des dépenses relevant des objectifs de la politique immobilière de l’État (hors dépenses immobilières de fonctionnement courant et d’entretien courant). La plupart des ministères peuvent en effet financer, sur leurs programmes supports, des dépenses immobilières relevant du propriétaire sur le parc domanial qu’ils occupent.

Or, comme le montre bien le tableau ci-dessous, la part du CAS dans les dépenses immobilières inscrites dans les autres programmes du budget général est faible. La prévision pour 2021 fait même état d’une participation plus réduite que les années précédentes, avec 4,61 % contre 6,51 % en LFI 2020.


dépenses immobilières inscrites au budget général de l’État de 2017 à 2021

(en millions d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

LFI 2020

PLF 2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

CAS

472,76

354,76

362,55

480,63

598,31

385,81

428

447

285

275

Autres Programmes du budget général

8 407,03

7 342,64

7 225,99

7 075,88

9 256,21

6 764,82

8 121,12

6 871,59

8 298,43

5 960,37

Part du CAS

5,62 %

4,83 %

5,01 %

6,79 %

4,22

7,14 %

5,27 %

6,51 %

3,43 %

4,61 %

Source : d’après le document de politique transverse (DPT) Politique immobilière de l’État et les réponses au questionnaire budgétaire.

Le périmètre du CAS, déjà restreint, tend d’ailleurs à se réduire sous l’effet de dérogations. Ainsi, pour 2021, l’ensemble des crédits immobiliers du ministère des armées seront inscrits dans la mission Défense aux dépens du CAS ([3]).Ce type de dérogations réduit d’autant la part du CAS dans le financement de la PIE.

De plus, le CAS n’est plus, depuis la loi de finances initiale pour 2018, l’unique instrument interministériel et pluriannuel de gestion du patrimoine immobilier de l’État : rattaché à la mission Action et transformation publiques, le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants, doté de 277 487 334 millions euros en CP selon les prévisions pour 2021, contribue à conférer au CAS un rôle mineur dans la budgétisation des opérations touchant à l’immobilier de l’État.

2.   Le plan de relance : des ouvertures importantes de crédits alloués à la rénovation des bâtiments publics ne transitant pas par le CAS

Cette tendance à la marginalisation du CAS est accentuée par le plan de relance. L’allocation des crédits concourant à la rénovation énergétique des bâtiments de l’État de la mission Relance peut être considérée comme un contournement potentiel du CAS. L’allocation de cette nouvelle dépense au CAS GPIE, au vu de sa vocation pluriannuelle et interministérielle, aurait pourtant eu du sens.

Le tableau ci-après permet de constater la différence d’échelle entre les crédits du plan de relance et ceux du CAS.

CRÉDITS DE LA MISSION PLAN DE RELANCE CONCOURANT
À LA Politique immobilière de l’État

(en million d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

P362-A01 - Écologie. Rénovation énergétique

3 700,00

1 633,00

P723-A14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

80,30

98,30

Rapport (en %) action 14 du CAS GPIE/relance

2,17 %

6,02 %

Source : d’après les projets annuels de performances (PAP) Relance et Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Le compte d’affectation spéciale représente donc une part de plus en plus faible des dépenses immobilières de l’État : il se voit marginalisé par les restrictions successives de son périmètre et contourné par les investissements, qui lui préfèrent des véhicules budgétaires inscrits au budget général.

La fragilité financière du CAS n’est sans doute pas étrangère à cette marginalisation progressive. La réflexion sur l’avenir du modèle du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État doit donc passer par la correction de ces fragilités, que le rapporteur spécial appelle de ses vœux depuis maintenant plusieurs années.

B.   LE DÉSÉQUILIBRE STRUCTUREL du cas interroge QUANT À SA SOUTENABILITÉ FINANCIèRE

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 370 millions d’euros de recettes, pour des dépenses s’élevant à 285 millions d’euros en AE et 275 millions d’euros en CP, soit un solde positif de 95 millions d’euros Ce retour du CAS à l’excédent intervient après une exécution budgétaire mouvementée, ayant connu une alternance régulière entre excédents et déficits comme on le voit ci-dessous.

ExÉcution budgétaire du CAs gestion du patrimoine immobilier de l’État depuis sa création

(en crédits de paiement et en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

 

Produits de cession

Redevances domaniales

Versement du budget général

Fonds de concours

Total

Dépenses immobilières

Contribution au
désendettement

Total

Résultat

2006

798,90

SO

-

-

798,90

225,30

68,50

293,80

505,10

2007

820,90

SO

6,40

0,40

827,70

684,50

175,10

859,60

- 31,90

2008

395,30

SO

1,50

0,30

397,10

305,70

51,20

356,90

40,20

2009

475,00

SO

140,00

0,50

615,50

868,30

32,20

900,50

- 285,00

2010

502,30

SO

89,10

0,90

592,30

567,90

44,90

612,80

- 20,50

2011

597,70

SO

13,40

4,60

615,70

365,60

56,50

422,10

193,60

2012

514,70

SO

22,70

9,70

547,10

400,00

61,40

461,40

85,70

2013

391,00

SO

5,90

9,50

406,40

494,35

76,11

570,46

- 164,06

2014

505,98

SO

10,83

15,61

532,42

499,30

76,55

575,85

- 43,43

2015

609,23

SO

8,93

3,85

622,01

411,47

86,24

497,71

124,30

2016

559,52

SO

6,73

7,49

573,74

315,95

180,90

496,85

76,89

2017

339,62

86,26

3,85

4,02

433,75

457,55

60,11

517,66

- 83,91

2018

255,65

89,15

10,45

15,24

370,49

480,63

SO

480,63

- 110,14

2019

621,98

107,07

ND

ND

729,05

385,81

SO

385,81

343,24

2020

280,00

100,00

SO

SO

380,00 

([4])

447,00

SO

447,00

- 67,00

2021

280,00

90,00

SO

SO

370,00

275,00

SO

275,00

95,00

TOTAL

7 947,78

472,48

319,79

72,11

8 812,16

7 184,36

969,71

8 154,07

658,09

Source : d’après les rapports annuels de performances (RAP) de 2006 à 2019 et de le PAP pour 2021.

Le retour du CAS à l’excédent pourrait être de nature à rassurer, s’il n’était pas dû à un ajustement très important à la baisse de son plafond de dépenses, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Cette diminution, qui peut être à la fois la cause et la conséquence de la marginalisation du compte d’affectation spéciale dans le financement de la politique immobilière de l’État, s’inscrit dans un mouvement de baisse tendancielle des ouvertures de CP. Elle est également, en partie, le résultat d’une exécution 2020 rendue particulièrement chaotique par la crise sanitaire. Durant le confinement du printemps, la majeure partie des opérations de cessions, principales génératrices de recettes, ont été suspendues.

Ces données confirment les inquiétudes, soulevées par le rapporteur spécial depuis plusieurs années ([5]), quant à la soutenabilité du financement du CAS, fondé sur la cession de ses actifs.

1.   Des dépenses en baisse, traduction de la marginalité et de la fragilité financière du CAS

Le projet de loi de finances pour 2021 propose d’inscrire sur le programme 723 la somme de 285 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et la somme de 275 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Le montant des crédits demandé correspond à une baisse de 33,41 % en AE et de 38,48 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, comme le montre le tableau ci-dessous.

ÉVOlution 2021 des crédits du cas gpie par rapport à 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

CAS GPIE

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

(en %)

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

(en %)

P721

-

-

0,00 %

-

-

0,00 %

P723

428,00

285,00

 33,41 %

447,00

275,00

 38,48 %

Totaux

428,00

285,00

 33,41 %

447,00

275,00

 38,48 %

Source : d’après les PAP pour 2020 et 2021.

Ces chiffres correspondent à une diminution substantielle des ressources consacrées au CAS, une diminution principalement due au transfert de l’ensemble des crédits immobiliers du ministère des armées. Puisque l’intégralité de la dépense immobilière des armées sera portée par la mission Défense, le budget opérationnel de programme (BPO) du ministère des armées ne réalisera aucun engagement ni paiement sur le programme 723 en 2021.

Il s’agit d’un transfert non négligeable, le ministère des armées étant l’un des ministères les plus importants, tant en termes de surfaces occupées que de dynamiques des cessions ou de consommation de crédits ([6]). À ce titre, et comme le montre le tableau ci-après, le recul programmé des crédits affecte en AE et en CP toutes les actions du programme 723.

Le rapporteur se félicite néanmoins que parmi les dépenses restantes, une place prépondérante soit occupée par les dépenses d’investissement. Le projet de loi de finances pour 2021 propose en effet l’ouverture de 180,7 millions d’euros en AE et de 135,7 millions d’euros en CP de titre 5.


Évolution des dépenses immobilières
du cas gestion du patrimoine immobilier de l’état par action depuis 2019

(en millions d’euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

RAP 2019

LFI 2020

PLF 2021

2021/2020 (en %)

RAP 2019

LFI 2020

PLF 2021

2021/2020 (en %)

P721 - Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État

-

-

-

0,00 %

-

-

-

0,00 %

01 - Contribution au désendettement de l’État

-

-

-

0,00 %

-

-

-

0,00 %

P723 - Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État

362,55

428,00

285,00

33,41 %

385,81

447,00

275,00

- 38,48 %

11 - Opérations structurantes et cessions

419,56

268,00

145,00

- 45,90 %

215,04

287,00

110,00

- 61,67 %

12 - Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

23,02

22,00

18,70

- 15,00 %

22,70

22,00

20,70

- 5,91 %

13 - Maintenance à charge du propriétaire

47,92

45,00

41,00

- 8,89 %

48,91

42,00

46,00

9,52 %

14 - Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

107,81

93,00

80,30

- 13,66 %

99,17

96,00

98,30

2,40 %

TOTAL

598,31

428,00

285,00

- 33,41 %

385,81

447,00

275,00

- 38,48 %

Source : d’après le RAP 2019 et les PAP 2020 et 2021.

répartition des crédits de paiement du programme 723 dans le plf 2021

(en euros)

Source : d’après le PAP 2021.

Cependant, cette attrition des dépenses n’est pas un phénomène nouveau ; il n’est à cet égard pas essentiellement lié au transfert – nécessairement ponctuel – des crédits immobiliers du ministère des armées. Le rapporteur spécial remarquait déjà, à l’occasion de l’examen de la loi de règlement du budget pour 2018, une baisse tendancielle des crédits de paiement ([7]). Cette tendance à la diminution intervient principalement pour compenser l’épuisement des produits de cession.

2.   Des ressources de plus en plus contraintes du fait de la crise sanitaire, malgré des tentatives de réforme

Le projet de loi de finances pour 2021 propose d’inscrire au compte d’affectation spéciale la somme de 370 millions d’euros en recettes. Il s’agit d’un produit en légère baisse (– 2,63 %) par rapport à la proposition du PLF pour 2020, qui elle-même enregistrait une baisse plus sensible visàvis de l’année précédente.

Le graphique ci-dessous met en regard les recettes et les dépenses du CAS, en prévision et en exécution, depuis 2015.

Évolution des dépenses rapportées aux recettes entre 2015 et 2021

(en euros ; LFI pour 2020 ; PLF pour 2021)

Source : d’après les RAP de 2015 à 2019 et les PAP de 2019 à 2021.

La situation appelle deux remarques. La première est qu’il existe un très clair mouvement tendanciel à la baisse des dépenses du CAS depuis 2017. La seconde est que le caractère aléatoire des produits de cession implique d’importants écarts potentiels entre les prévisions et l’exécution budgétaire. L’année 2019 est, à cet égard, emblématique, mais elle n’est pas la seule. Cela se traduit par de larges fluctuations de solde, qui manifestent la fragilité du CAS et des dynamiques contraires qui animent ses emplois et ses ressources.

Après l’exercice exceptionnel de 2019, marqué par des recettes records dues à des cessions extraordinaires, celui de 2020 se déroule sous un ciel moins favorable. Pour 2020, la prévision de cessions inscrite en projet de loi de finances était de 280 millions d’euros. Toutefois, la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a révisé à la baisse (– 60 millions d’euros) les évaluations pour 2020 afin de tenir compte des effets de la crise sanitaire et notamment de l’arrêt des cessions pendant toute la période de confinement.

Les effets de la crise sanitaire sur la valorisation du patrimoine immobilier de l’État par cession ou valorisation alternative, ne sont pas, à cette date, suffisamment étayés et précis pour en tirer des hypothèses pour 2021, d’autant que le second confinement décrété le 30 octobre 2020 induira de nouvelles conséquences non anticipées. Il convient en effet de prendre en compte les effets de rattrapage, en gardant à l’esprit qu’une évolution différentes selon les territoires (zone tendue ou non, type de biens immobiliers…) est possible.

En tout état de cause, le CAS continue d’être financé par deux recettes principales, d’un produit inégal et aux dynamiques contradictoires. Cette année, la fragilité du CAS est particulièrement patente, car ces deux recettes ont été négativement affectées par le confinement et la conjoncture, rendant les prévisions annoncées en PLF difficilement vérifiables.

a.   Les redevances domaniales : des ressources indispensables mais encore insuffisantes

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 90 millions d’euros de redevances domaniales, correspondant pour 80 millions d’euros aux recettes provenant des trois types de redevances domaniales affectées au CAS et pour 10 millions d’euros aux redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministère des armées est gestionnaire ([8]).

La loi de finances pour 2020 prévoyait 100 millions d’euros de redevances domaniales. La loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a également revu à la baisse (– 10 millions d’euros) les évaluations de redevances domaniales pour 2020 pour tenir compte des effets de la crise sanitaire.

De nombreuses mesures ont été prises à l’égard des débiteurs de redevances domaniales dans le contexte des difficultés économiques qu’ils pouvaient connaître. L’article 6 de l’ordonnance 2020-319 du 25 mars 2020 modifié par l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 dispose que « lorsque le contrat emporte occupation du domaine public et que les conditions d’exploitation de l’activité de l’occupant sont dégradées dans des proportions manifestement excessives au regard de sa situation financière, le paiement des redevances dues pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public est suspendu pour une durée qui ne peut excéder la période mentionnée à l’article 1er. À l’issue de cette suspension, un avenant détermine, le cas échéant, les modifications du contrat apparues nécessaires. »

De plus, la loi de finances rectificative précitée prévoit en son article 1er des mesures d’annulation de redevances d’occupation du domaine public de l’État pendant une période de trois mois à compter du 12 mars 2020. Lorsque la redevance ou le loyer sont dus pour une période annuelle, l’annulation porte sur le quart de son montant.

Au 31 août 2020, le montant des redevances encaissées s’établit à 62 100 923 euros, 55 millions d’euros au titre des redevances et 7 millions d’euros au titre des revenus du domaine public et privé dont le ministère des armées est gestionnaire. Si le rythme des encaissements est maintenu sur le dernier quadrimestre 2020, l’objectif révisé en LFR pourrait être atteint, selon les capacités des occupants à maintenir ouverte leur activité et à générer des revenus suffisants pour s’acquitter de ces redevances durant le deuxième confinement décrété le 30 octobre 2020.

Hors armées, ces recettes sont mutualisées au profit de l’ensemble des BOP ministériels et régionaux du programme 723, pour financer des dépenses d’entretien du propriétaire éligibles au CAS immobilier.

produit des redevances domaniales encaisséES au 31/08/2020
par rapport aux prévisions annoncées en LFI pour 2020

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

On constate en fait un nouvel affaissement du produit des redevances domaniales après l’exceptionnel exercice de 2019. Ce dernier faisait état d’une surexécution des recettes des redevances, dont le produit fut porté à 100 millions d’euros au lieu des 90 millions prévus. Cette prévision de 100 millions d’euros, retenue dans la LFI pour 2020 comme on l’a vu, a été revue à la baisse en LFR du fait de la crise sanitaire. La prévision pour 2021 semble cohérente et prudente dans la mesure où il est vraisemblable que la nouvelle cible pour 2020 à 90 millions d’euros, malgré un exercice pour le moins mouvementé, soit atteinte.

En tout état de cause, la progression attendue de la contribution des redevances domaniales aux recettes du CAS n’est plus d’actualité. Du fait de cette stagnation temporaire, cette nouvelle source de financement ne saurait compenser l’effondrement des ressources tirées des ventes des biens immobiliers de l’État.

b.   Les cessions immobilières : des difficultés à céder renforcées par le confinement et la conjoncture

Le projet de loi de finances pour 2021 propose d’inscrire au compte d’affectation spéciale un produit de cessions immobilières de 280 millions d’euros, maintenant ainsi le montant des recettes tirées des cessions au niveau prévu par la LFI pour 2020.

La LFI pour 2020 prévoyait en effet que le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État encaisse un produit des cessions immobilières évalué à environ 280 millions d’euros. Toutefois, la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a révisé à la baisse (– 60 millions d’euros) les évaluations pour 2020 pour tenir compte des effets de la crise sanitaire et notamment de l’arrêt des cessions pendant toute la période de confinement. L’impact de la crise sanitaire sur cette prévision reste pour le moment difficile à mesurer.

Au 3 août 2020, 271 biens avaient été cédés depuis le 1er janvier de cette année. Le montant total des produits de cessions (somme des prix de vente mentionnés dans les actes de vente) s’élève à près de 47 millions d’euros. Les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2021 font cependant état de produits des cessions immobilières et de pénalités de cessions immobilières supérieurs : 107 434 154 euros, dont 26 175 euros de produits de pénalités.

Cela laisse penser à un effet de rattrapage, qui permettrait de compenser le manque à gagner engendré par la crise sanitaire et le confinement, ce qui est plutôt rassurant. Le total des produits de cessions au 31 août 2020 est en légère hausse par rapport à la même date en 2019 sans les encaissements exceptionnels de l’année (îlot Saint-Germain, hôtel de Seignelay, ENS Cachan).

Pour autant, le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, adopté en Conseil des ministres le 4 novembre 2020, indique que le produit des cessions immobilières sera inférieur de 40 millions d’euros aux prévisions de la LFI pour 2020.

produit des cessions immobilières encaissé au 31/08/2020
par rapport aux prévisions annoncées en LFI pour 2020

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

cessions immobilières de l’État réalisées entre le 01/01/2020 et le 03/08/2020

(en euros)

Nature du bien

Nombre de biens cédés

Somme des prix de vente

Bâtiment agricole ou d’élevage

1

750 053

Bâtiment d’enseignement ou de sport

1

215 700

Bâtiment sanitaire ou social

3

1 007 220

Bâtiment technique

17

10 805429

Bureau

22

14 594 695

Édifice du culte

1

7

Espace aménagé

18

2 754 827

Espace naturel

136

6 189 564

Logement

45

10 315 391

Ouvrage d’art des réseaux et voiries

2

1 530

Réseaux et voiries

11

482 240

Support de parcelle

14

45 760

Total général

271

47 162 416

Source : réponses au questionnaire budgétaire.


cessions immobilières en projet pour 2020 restant à réaliser au 03/08/2020

(en euros)

Ministère

Nombre de biens à vendre

Valorisation pondérée ([9])

Biens non affectés

109

3 000 527

Ministère de la culture et de la communication

6

2 093 708

Ministère de la défense

68

21 892 318

Ministère de la justice et des libertés

19

2 263 044

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative : Jeunesse et sports

4

6 398 869

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative : santé

3

5 186 704

Ministère de l’agriculture et de la pêche

55

4 430 042

Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

364

19 868 883

Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

14

4 687 184

Ministère de l’éducation nationale

17

9 153 811

Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

20

8 137 930

Ministère de l’intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales

30

8 603 597

Ministère des affaires étrangères et européennes

41

146 016 422

Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

32

9 559 840

Ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

5

305 120

Services du Premier ministre

2

85 500

Total général

789

251 683 500

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

La propension à la sous-exécution des encaissements des produits de cessions se confirme pour 2020, où 251 683 500 euros de cessions potentielles restent à réaliser.

Comme l’indiquait le rapporteur spécial au terme de son analyse du projet de loi de règlement pour 2020, deux facteurs structurels – dont l’impact s’accroît d’autant plus compte tenu de la situation sanitaire et de la conjoncture économique – déterminent le déclin inexorable du produit des cessions immobilières : d’une part, une conjoncture sur le marché immobilier professionnel pour le moins difficile ; d’autre part, la raréfaction des biens aisément valorisables, les biens restants étant aujourd’hui ceux dont la qualité et la localisation rendent moins facilement envisageable la vente.

Le graphique ci-après retrace les parts respectives des cessions et des redevances dans les ressources du CAS.


Évolution conjointe des produits des cessions et des redevances domaniales affectées aux CAS entre 2015 et 2021

(en millions d’euros)

Source : d’après les RAP de 2015 à 2019 et les PAP de 2019 à 2021.

En soi, les prévisions du projet de loi de finances pour 2021 se bornent à reproduire les prévisions de l’année précédente, du fait des difficultés de prévisions inhérentes à la crise actuelle. Le tableau ci-dessous démontre sans ambages cette évolution : à mesure que le patrimoine immobilier de l’État susceptible d’être cédé s’épuise, les produits des cessions diminuent, menant à une baisse des prévisions. La superposition en 2019 des prévisions avec leur exécution rappelle le caractère exceptionnel des cessions réalisées cette année, les prévisions étant restées à un niveau modeste, comparable à celui de 2021.

Il semble donc que les gestionnaires du CAS soient obligés, à moyenne échéance, de composer avec l’amenuisement programmé des recettes tirées des cessions. Pour pallier cette tendance dans le court terme, le rapporteur avait introduit un ajustement au dispositif de décote, lequel dispositif accentuait cet épuisement.


c.   Le plafonnement de la décote : une mesure à l’impact incertain

Le rapporteur avait publié en tête de son dernier rapport spécial ([10]) des considérations relatives à l’évaluation et au plafonnement de la décote permise par la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ([11]), dite « décote Duflot ».

Suivant les prévisions fournies à l’appui du projet à l’origine de la loi Duflot, la décote devait permettre la construction de 110 000 logements entre 2012 et 2016, ainsi que la cession de 224 sites propriété de l’État ou de ses opérateurs. Or le rapporteur a plusieurs fois souligné l’efficacité discutable dont ce dispositif faisait preuve.

Évaluation de l’efficacité de la « décote Duflot » en mai 2020

Depuis sa création [en 2013] 115 fonciers domaniaux ont fait l’objet d’une application de ce dispositif, pour un effort financier total de plus de 222 millions d’euros. À ceux-ci il convient d’ajouter 9 biens qui appartenaient au ministère de la défense et ont été, au cours de cette même période, cédés à l’euro symbolique, avec donc un taux de décote de 100 %, représentant une décote de 21,279 millions d’euros.

Au total, le coût cumulé du dispositif depuis son existence s’élève à 273,86 millions d’euros et a permis la réalisation de plus de 11 000 logements, dont près de 8 200 logements sociaux.

Sur proposition du rapporteur spécial, l’Assemblée nationale a adopté une résolution invitant le gouvernement à s’assurer de la juste part de la décote. L’Assemblée nationale a également adopté un amendement du rapporteur spécial au projet de loi de finances pour 2019 portant modification de l’article L. 3 211-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CAP) :

Article 274 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019

Le II de l’article L. 3211‑7 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une collectivité territoriale, un établissement public, une société ou un opérateur mentionnés au 1° du présent II dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d’un programme qui comporte la construction de logements sociaux, le taux de la décote est calculé dans la limite d’un plafond établi en considération du coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux à l’échelle de la commune ou de l’agglomération. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa. »

 

Comme l’a déploré le rapporteur spécial, le décret d’application de l’article 274 susmentionné a tardé près d’un an à être publié ([12]). Le décret n° 2019‑1460 du 26 décembre 2019 ([13]) a finalement été publié au journal officiel le 27 décembre 2019.

Le décret n° 2019-1460 fixe les conditions d’application du plafonnement de la décote « Duflot ». Il porte en effet insertion d’un article R. 3 211-15-1 dans le CAP, fixant le plafonnement du taux de décote de façon à ce que le montant total de décote rapporté à la surface totale de plancher des logements sociaux ne puisse excéder les valeurs suivantes :

Plafonnement de la décote « Duflot » telle que définie
par le décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019

« 1.°1 000 euros/m2 si le coût moyen hors taxes mentionné au II de l’article L. 3 211-7 est inférieur à 2 500 euros/m2 de surface utile ;

« 2.°1 400 euros/m2 si le coût moyen hors taxes mentionné au II de l’article L. 3 211-7 est compris entre 2 500 et 3 000 euros/m2 de surface utile ;

« 3.°2 000 euros/m2 si le coût moyen hors taxes mentionné au II de l’article L. 3 211-7 est supérieur à 3 000 euros/m2 de surface utile. »

Le décret d’application définit le coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux comme le coût moyen au mètre carré de construction de logements sociaux sur le territoire de la commune sur les cinq dernières années. Si moins de trois logements ont été construits en 5 ans sur le territoire de ladite commune, le décret prévoit que sera pris pour référence le coût moyen sur l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de ladite commune ou de l’agglomération.

Le décret définit également « les ressources foncières propres ou les biens susceptibles de permettre la réalisation du programme » mentionné par l’article 274 comme ceux susceptibles de permettre la réalisation d’un programme d’une surface de plancher au moins égale à celle du programme du demandeur. Ces réserves doivent être constructibles, libres d’occupation non-précaire et situées sur le territoire de la commune.

Le décret exclut de l’application de cette disposition législative les terrains entrant dans le périmètre des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Sur ce point, votre rapporteur attire l’attention de la représentation nationale sur un écart entre l’esprit de la législation et son application réglementaire. En effet, l’article 274 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 visait à réguler le recours disproportionné à la décote sur les seuls critères de l’existence de ressources foncières propres ou de biens immobiliers existants susceptibles de permettre la réalisation d’un programme de construction de logement sociaux d’ampleur équivalente – le tout en fonction du coût moyen de construction constaté. Ces critères étant les seuls expressément mentionnés par le législateur, le rapporteur spécial s’étonne que le pouvoir réglementaire ait choisi d’en ajouter un nouveau (la situation dans le périmètre d’un QPV). Cela risque en effet d’amoindrir l’impact du plafonnement de la décote sur le produit des cessions, une ressource déjà en cours d’épuisement ([14]).

Au 31 juillet 2020, deux cessions avec décote « Duflot » avaient été réalisées depuis le 1er janvier 2020 ([15]). Aucune de ces cessions n’entre dans le dispositif du plafonnement de la décote introduit par l’article 274 de la loi de finances pour 2019.

En conséquence, et au regard du délai de sept mois écoulés depuis la parution du décret du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote prévue à l’article L.3 211-7 du CG3P, il n’est pas encore possible de tirer un enseignement ou d’évaluer ce dispositif à ce stade.

II.   un instrument à repenser dans le cadre de l’évolution des outils et des objectifs de la politique immobilière de l’état

La question des modalités d’optimisation de la gestion du parc immobilier représente constitue une problématique toujours d’actualité pour le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État. Celui-ci, en effet, alors qu’il semble avoir globalement atteint ses objectifs initiaux, se voit contraint de se réformer profondément pour dépasser ses premiers acquis et améliorer ses performances.

En particulier, les questionnements concernant les modalités d’optimisation de la gestion du parc immobilier de l’État restent d’actualité. On peut regretter à ce titre que les trois missions mandatées par le cabinet du ministre de l’action et des comptes publics l’an dernier n’aient pas encore remis leur rapport (qui portaient respectivement sur le parc de logements de l’État, sur la valorisation des alternatives à la cession, ou encore sur la gestion en syndic des sites multi-occupants).

Il semble que la solution à ces questionnements soit double : d’abord, faire de la DIE une administration représentant l’État-propriétaire, avec ses moyens et ses attributs ; ensuite, renouveler les moyens et les objectifs de la politique immobilière de l’État pour assurer la valorisation de son immobilier.

A.   Donner à la DIrection de l’immobilier de l’état les attributs et les moyens de l’État-propriétaire

La direction de l’immobilier de l’État (DIE), bien que responsable du CAS GPIE, ne constitue pas à ce stade, faute de moyens, une instance représentant pleinement l’État-propriétaire : il lui manque en effet une plus grande maîtrise sur la gestion du CAS, et des moyens financiers suffisants. La réforme des règles de gestions du CAS et une meilleure distinction entre État‑propriétaire et État‑occupant semblent à ce stade nécessaire pour assurer une gestion plus vertueuse du compte d’affectation spéciale.

1.   Le perfectionnement des outils de connaissance du patrimoine et de planification des besoins de financement fait apparaître des carences

Dans la mise en œuvre de la communication du conseil des ministres du 20 janvier 2016, il convient en effet de mettre en exergue les progrès accomplis dans la connaissance du parc immobilier et l’esquisse d’une stratégie à même d’en adapter le périmètre et les caractéristiques.

Au-delà du développement d’applications informatiques (comme Chorus RE‑Fx), les instruments de cette rationalisation de la politique immobilière résident dans trois documents : les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères et les SPSi des opérateurs ([16]).

a.   SPSI et SDIR : des bilans contrastés

Au 31 juillet 2020, 15 régions sur 18 ont adressé un projet de SDIR à la DIE ([17]). Ces chiffres étaient déjà ceux avancés l’année dernière : la progression de l’élaboration des SDIR par les régions est donc nulle. Les régions n’ayant pas soumis un projet de SDIR (Corse, Guadeloupe, Corse) n’ont pas avancé sur ces sujets.

Concernant les opérateurs de l’État, 191 projets de SPSI complets ont été réceptionnés par la direction de l’immobilier de l’État (DIE) au 27 juillet 2020, soit 39 % du périmètre des 486 opérateurs. De même, les ministères tardent souvent à faire évoluer leurs SPSI respectifs ([18]), ce qui donne lieu à un exercice assez inégal de planification.

Au regard des analyses développées par le rapporteur spécial dans son précédent rapport, ces constats n’appellent pas de nouveaux commentaires en ce qui concerne la nécessité de développer de tels instruments de planification des besoins de financement, même si le contexte particulier de l’année 2020 et de l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation des services en charge de cette planification peut également se comprendre.

b.   Ces outils font apparaître des besoins de financement conséquents, auxquels le CAS peut difficilement répondre

Les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) recensent des besoins de financement significatifs pour atteindre un niveau de qualité satisfaisant du parc de bureaux. Des crédits d’investissement devront être également mobilisés pour créer les secrétariats généraux communs et installer les « Maisons France service » prévues dans le cadre de réforme de l’organisation territoriale de l’État du 12 juin 2019.

Les recettes du CAS GPIE n’étant pas suffisantes pour couvrir les besoins identifiés, l’État mobilise d’autres programmes, comme le programme 348, qui a ainsi été doté d’un milliard d’euros sur cinq ans pour rénover les cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants.

En outre, comme le rapporteur spécial l’avait déjà mis en lumière à l’occasion de l’examen de la loi de règlement 2019 ([19]), l’unique indicateur du programme 723 confirme de manière flagrante le constat d’un épuisement à venir de cette recette. En effet, il fait apparaître une forte augmentation du stock global des surfaces de bureaux remis au Domaine depuis plus de 36 mois : il passe de 59 526 en 2017 à 90 038 en 2019 (+ 51 %). La part de ces biens remis au Domaine depuis plus de trois ans atteint 34,87 % de l’ensemble de la surface des bureaux en 2019, alors que la prévision du PAP annexé à la LFI pour 2019 fixait un objectif de 21 %. Il s’agit d’un accroissement du volume des biens complexes à céder, qui pourrait à terme grever les recettes du CAS.

La DIE présente des prévisions pour la période 2018-2022 qui correspondent à une estimation prudente des recettes espérées de 380 millions d’euros et à des dépenses respectant les plafonds des règles budgétaires. Les documents produits ne permettent pas d’identifier l’écart qui pourrait exister entre les moyens et les besoins de financement du programme. Il apparaît cependant indispensable de disposer d’une telle projection pour piloter la stratégie de l’État-propriétaire dans les prochaines années.

Le CAS ne saurait, au vu de ses faibles moyens, financer ces besoins en l’état.

Recommandation 1 :

Établir un état prévisionnel des moyens et des besoins de financement relevant du périmètre du CAS GPIE pour les cinq prochaines années.

 

2.   La gestion du CAS souffre de règles trop contraignantes et de dérogations trop nombreuses au regard de ses objectifs

Bien que responsable du programme CAS GPIE, la DIE ne maîtrise pas pleinement l’affectation des crédits.

a.   La gestion du compte d’affectation spéciale est soumise à des règles contraignantes

En effet, en application de la LOLF, le CAS doit respecter sur l’année budgétaire plusieurs plafonds en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Le financement d’une opération immobilière significative suppose de cumuler les droits acquis pendant plusieurs années. Cette contrainte ôte au fonctionnement du CAS la souplesse de gestion requise. Des opérations pourtant nécessaires sont ainsi susceptibles d’être différées, voire réalisées dans un autre cadre budgétaire, hors du périmètre d’influence de la DIE.

Si les règles de gestion du CAS disposent que les recettes sont constatées et que des crédits peuvent être ouverts dans la limite des recettes encaissées, la possibilité existe de préfinancer des opérations immobilières gagées par des cessions à venir. La mise en œuvre du dispositif n’est pas sans risque. Dans l’hypothèse où les cessions ne se concrétisent pas, il est prévu un mécanisme de remboursement par le budget général. Or, la contribution du budget général au CAS GPIE est limitée à 10 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, soit environ 38 millions d’euros par an. Au 31 décembre 2020, les avances consenties aux ministères occupants au-delà des droits de tirage disponibles représentaient un total de 264 millions d’euros.

b.   Le CAS est l’objet d’utilisations détournées qui interrogent sur sa place au sein de la politique immobilière de l’État

Les projets demeurent à l’initiative des services occupants qui établissent leur programmation en fonction de leurs propres critères et des droits de tirage dont ils disposent sur le programme. Le droit à un retour sur les produits de cession encourage les ministères occupants à se considérer encore comme des quasi-propriétaires. En 2020, cinq structures bénéficient de dérogations à la disposition générale du CAS de droit au retour à 50 % du montant des cessions, et recouvrent 100 % du produit des cessions des biens de l’État ([20]). Les crédits mutualisés en sont diminués d’autant.

Il importe également de distinguer dans le bilan du CAS GPIE, les dépenses immobilières de celles qui ne répondent pas à la définition première du programme. En tout état de cause, il convient de s’interroger sur la pertinence du maintien de la mesure dérogatoire opérée au détriment de la politique immobilière de l’État et dont bénéficient les infrastructures opérationnelles de la défense nationale jusqu’au 31 décembre 2025.

Si une refonte de l’architecture budgétaire de l’immobilier s’impose, il convient de souligner que le dispositif dérogatoire d’affectation des recettes aux dépenses d’une même nature d’un compte d’affectation spéciale est adapté à l’objectif de dynamisation de la gestion patrimoniale. En confier la pleine responsabilité au représentant de l’État-propriétaire, c’est lui donner les moyens de développer une politique de valorisation susceptible de dégager les ressources nécessaires pour adapter le parc aux besoins immobiliers des agents et des usagers des services publics.

3.   La séparation entre État-propriétaire et État-occupant doit être mieux affirmée pour favoriser une gestion vertueuse

La professionnalisation de la fonction immobilière s’observe dans les outils partagés (outil informatique d’inventaire, outil de suivi des fluides notamment ([21])) entre la direction de l’immobilier de l’État et les fonctions immobilières des ministères. Ceux-ci doivent fonctionner ensemble, selon les modalités d’une relation propriétaire/occupant à éclaircir.

a.   La professionnalisation des fonctions immobilière des ministères : le début d’une prise de conscience

Les personnes auditionnées ont également fait état de la nécessité d’ouvrir davantage la fonction à des personnes ayant une expérience antérieure dans l’immobilier, afin d’en renforcer la professionnalisation.

Il est important à ce titre également que les modifications de structure des cabinets ministériels, consubstantiels à la vie politique, permettent de maintenir un continuum d’exigence du suivi de la professionnalisation de cette fonction immobilière.

En revanche, d’après la direction de l’immobilier de l’État, les opérateurs de l’État ne semblent pas s’être appropriés ces outils.

b.   La question d’un retour des loyers budgétaire se pose pour affirmer la vocation de propriétaire de la DIE

Le constat de l’inefficacité d’un jeu d’écriture non contraignant a conduit l’État à mettre fin en 2019 au mécanisme de loyers budgétaires expérimenté à partir de 2006. Or, la facturation d’un loyer en contrepartie de la mise à disposition de locaux demeure le dispositif le plus couramment mis en place pour optimiser le coût de la fonction immobilière des grandes entreprises du secteur privé.

Les services occupants sont en mesure de déterminer le meilleur équilibre entre besoins métiers et moyens immobiliers, les directions immobilières d’opérer des arbitrages au regard de la rentabilité des actifs et de la stratégie d’entreprise.

Recommandation 2 :

Amender les pratiques dérogatoires et en mutualisant recettes et dépenses, comme le préconise le Conseil de l’immobilier de l’État.

Faute d’imputation réelle du coût immobilier, la distinction entre l’État-propriétaire et l’État-occupant semble, à ce stade, vouée à n’être qu’une construction théorique.

c.   Les pistes du Conseil de l’immobilier de l’État pour des règles de gestion plus vertueuses devraient être suivies

La PIE est au carrefour de plusieurs politiques publiques : logement, développement durable, modernisation des services publics, aménagement du territoire. S’il est parfois difficile de discriminer les contributions des différents programmes budgétaires à chacune de ces politiques, plusieurs dispositions semblent accessibles pour améliorer la performance publique et son évaluation.

Le rapporteur spécial suggère donc de suivre les recommandations du Conseil de l’immobilier de l’État en la matière ([22]) :

– les décotes consenties sur les cessions de l’État pourraient être compensées par une contribution équivalente du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat au profit du CAS GPIE. La disposition serait de nature à faciliter l’appréciation de l’effort global en faveur de la politique du logement et à limiter la rétention des actifs immobiliers valorisables ;

– le CAS GPIE pourrait bénéficier d’un retour, au-delà des produits de cessions, sur les économies de fonctionnement suscitées par les opérations de rationalisation financées par le programme ;

– dans une dynamique vertueuse, les économies produites par des travaux d’amélioration énergétique devraient donner lieu à compensation sur le CAS GPIE pour financer de nouvelles opérations contribuant à l’amélioration de la performance énergétique du parc.

B.   Redéfinir une stratégie immobilière de long terme appuyée sur des nouvelles logiques de valorisation patrimoniale

La crise sanitaire qui a frappé le monde et affecté la France depuis le confinement de mars 2020 invite à repenser les modèles d’organisation du travail, y compris concernant l’immobilier de l’État. Ce dernier doit en effet s’adapter aux usages des personnels et des usagers sur le long terme, et tenir notamment compte des mutations liées au développement du télétravail. Une telle stratégie de long terme exige également que soient mises en œuvre des modalités de valorisation alternatives du patrimoine immobilier de l’État.

1.   La crise sanitaire a accéléré le besoin d’adaptation de l’immobilier public aux nouvelles conditions et aspirations au travail

Du fait du mode de transmission du virus SARS-Cov-2, les interactions sociales doivent être, au moins à court terme, limitées. De ce fait, la préférence des personnels, des usagers et des pouvoirs publics pour des modalités de travail limitant les contacts professionnels (bureaux séparés, télétravail), engage la politique immobilière de l’État dans un certain nombre de réflexions qui pourraient mener à des réorientations.

a.   La nécessité d’une réflexion sur les impacts de la crise sanitaire sur l’immobilier public interroge les objectifs actuels de la PIE

Une étude de la direction de l’immobilier de l’État menée depuis la crise sanitaire révèle la préférence des agents pour des espaces de travail individuels plutôt que des « open spaces », où, si la sociabilité est plus grande, les conditions de travail sont plus difficiles en pratique ([23]).

La norme actuelle de 12 m² de SUN (surface utile nette) par agent – ratio qui renvoie au plafond de surface utile brute, qui est de 18 ou 20 m² dans les zones où le marché immobilier est tendu – pourrait aussi évoluer avec le développement du « flex office ».

La progression du télétravail, y compris dans des ministères régaliens comme celui des armées, interroge néanmoins sur la future occupation du parc immobilier de l’État. Même si, comme l’ont confirmé les ministères auditionnés, le 100 % télétravail n’est pas envisageable, l’introduction d’une dose de télétravail et l’orientation des bâtiments vers le modulable, avec des cloisons amovibles et la restitution du gain de place dans des espaces de réunion confortables et modernes, équipés de visioconférence, se profile.

Si la portée relative des premiers effets de la crise sanitaire peut être anticipée, il en va différemment de ceux résultant de l’accélération des transformations des services publics. La généralisation du télétravail remet en question le modèle du bureau de l’administration, l’organisation des services de l’État sur les territoires évolue et des moyens financiers substantiels sont dégagés pour la mise en œuvre des actions de lutte contre le changement climatique. Le parc immobilier de l’État est appelé à évoluer en profondeur pour accompagner la transformation publique engagée. Le renouvellement des outils de la politique immobilière de l’État est inéluctable.

b.   Une possible réorientation des priorités de la politique immobilière de l’État pourrait requérir de meilleurs indicateurs de performance.

Les performances du CAS sont en effet discutables au regard de son unique indicateur. La preuve la plus parlante de ce résultat en demi-teinte est justement le faible intérêt qu’il suscite.

i.   Les performances de la politique immobilière de l’État sont peu engageantes.

Selon les données de la DIE, le ratio de SUN constaté dans la fonction publique, calculé sur un échantillon de 9 191 bâtiments publics sur un total de 17 480 bâtiments de type « bureau », tout statut d’occupation confondu (domanial et hors domanial), n’atteint pas l’objectif qui lui a été fixé. On constate une moyenne de 14,81 m² SUN / poste de travail en juillet 2018, et 14,20 m² SUN / poste de travail en juillet 2019 pour le parc domanial ([24]), bien au-dessus de l’objectif de 12 m² de SUN par agent. Onze années après son édiction par le Premier ministre, l’administration ne respecte toujours pas la norme plafond de 12 mètres carrés de surface utile nette par poste de travail

La réduction du volume du parc de bureaux est pourtant le moyen le plus accessible pour atteindre les objectifs d’une plus grande fonctionnalité, d’un meilleur entretien et d’une maîtrise du coût immobilier.

ii.   La difficile mesure de la performance de la politique immobilière de l’État

L’un des principaux obstacles auxquels se heurte la mesure de la performance du CAS est la faiblesse de son indicateur. En effet, d’éventuels progrès ne peuvent être appréciés, les informations restituées se révélant insuffisamment fiables et complètes. Le tableau suivant montre l’imprécision de la mesure des performances du CAS selon que l’on se réfère au projet annuel de performance (PAP) dédié ou au document de politique transverse (DPT) Politique immobilière de l’État :

Comparaison des ratios d’occupation selon le DPT PIE et le CAS GPIE entre 2013 et 2018

Source : Conseil de l’immobilier de l’État.

Le directeur général des finances publiques a évoqué devant le Conseil l’hypothèse de la définition de nouvelles règles d’application souple pour la PIE. On observe cependant que, si l’approche normative gagnerait à être nuancée, le développement d’une approche multicritères appréciée au cas d’espèce nécessite un système d’information d’une robustesse qui devrait rester encore de nombreuses années, hors de portée des services de l’État.

iii.   Les performances décevantes du CAS et de son indicateur invitent, dans un contexte de réflexion sur les finalités de la PIE, à changer d’indicateurs de performance

Il devrait revenir à la DIE de définir les opérations prioritaires du CAS GPIE selon des critères de performances. La part mutualisée étant largement mobilisée par les travaux d’entretien, la DIE ne semble disposer que de peu de marges de manœuvre pour imposer ses priorités.

La finalité du programme voudrait pourtant que ses financements soient orientés en fonction des performances des opérations, en termes de valorisation et d’optimisation du parc, de respect des obligations environnementales, d’adaptation aux besoins de services.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les présentations budgétaires actuelles des programmes immobiliers rendent moins compte des résultats obtenus que des moyens mobilisés. Une réflexion est à engager sur les indicateurs de performance du CAS GPIE.

Recommandation 3 :

Engager une réflexion sur une redéfinition des indicateurs de performance de la politique immobilière de l’État.

 

2.   Une nécessaire valorisation sur le long terme du patrimoine immobilier de l’État

Une mission est en cours pour étudier les modalités d’une meilleure valorisation locative des biens inutilisés, y compris par leur occupation temporaire. Les scénarios étudiés combinent différents modes de gestion, internalisée ou externalisée, et de détention directe, par un établissement public ou une foncière. Ce changement de modèle vise à inscrire la politique de valorisation de l’État dans un temps long.

a.   Face aux défis du « tout-cession », des alternatives sont à privilégier

L’exemple du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Des besoins de financement importants :

Le projet « quai d’Orsay 21 », dont le financement devait reposer sur le CAS malgré un avis défavorable du conseil immobilier de l’État, nécessitera 90 millions d’euros, ventilés comme suit :

– projet d’extension et de rénovation de l’Aile des Archives (projet ERA) : 72 millions d’euros ;

– rénovation de l’Aile des Gardes : 5,5 millions d’euros ;

– mise aux normes du système de sécurité incendie : 3 millions d’euros ;

–modernisation du courant fort, accessibilité PMR, modernisation du câblage informatique et travaux conservatoires à l’Hôtel du Ministre : 10 millions d’euros.

Les défis du « tout-cession » aggravés par les faibles dotations au titre du budget général :

Alors que le ministère des affaires étrangères avait tardé à élaborer son SPSI 2019-2023, la directrice des immeubles et de la logistique a fait état, lors de son audition, de la cession intéressante d’une parcelle attenante à une emprise diplomatique au Mexique dont la cession des droits à construire permettra un regroupement de services et générera des recettes.

Dans le contexte de la crise sanitaire, l’immobilier reste une valeur refuge, comme le démontre le dynamisme du marché au Liban où un terrain est en cours de cession et le ministère des affaires étrangères doit se montrer particulièrement vigilant pour lutter contre des offres qui viseraient indirectement à blanchir des fonds illicites.

Une inscription difficile dans la réorientation de la PIE :

Le projet « quai d’Orsay 2021 » ne semble pas avoir été réinterrogé à l’aune des changements de modes de travail suscité par la crise sanitaire, et n’a pas pu être intégré au financement par le plan de relance.

Il serait pertinent de recenser davantage la palette d’outils disponibles pour valoriser le patrimoine immobilier afin que tous les acteurs aient en tête ces options alternatives à la cession pure et simple.

 

La professionnalisation progresse aussi bien au niveau central de la direction de l’immobilier de l’État qu’au niveau des ministères concernés, avec une réflexion désormais plus naturelle sur les modalités de conservation du foncier et de valorisation du patrimoine, par des baux emphytéotiques notamment.

b.   Certains ministères expérimentent des modes de valorisation alternatifs propres à favoriser l’inscription de la PIE dans le long terme

Au titre de la valorisation alternative, on peut citer, comme nous l’a indiqué le DIE lors de son audition, la mise en bail emphytéotique de 99 ans d’un hôtel particulier rue de Grenelle mis sur le marché en mai 2020, qui devrait préfigurer l’expérimentation d’autres baux emphytéotiques sur des durées plus courtes, de l’ordre de 70 ans, si le marché se révèle intéressé par cette formule.

La direction de l’immobilier de l’État souhaite également tester le marché sur l’idée d’un loyer capitalisé ou annualisé ainsi que sur des clauses d’intéressement de l’État en cas de cession de la commercialité du bien par le preneur pour un autre bien. Cela pourrait permettre de doter le CAS de recettes plus stables et plus régulières, à l’image des redevances domaniales.

La mise en bail emphytéotique de l’hôtel de Grenelle

L’hôtel de Grenelle constitue une emprise de 2 775 mètres carrés au cœur du 7e arrondissement de Paris.

Plutôt que de le céder, comme ce fut le cas pour l’îlot Saint‑Germain, la DIE a préféré le céder avec un bail emphytéotique de 99 ans. En effet, à Paris, zone très tendue en termes d’immobilier, la pénurie est telle que la vente et la location par bail rapportent pratiquement les mêmes montants. L’État a donc tout intérêt à envisager des mises à bail, qui, toutes choses égales par ailleurs, n’obèrent pas son patrimoine.

Le ministère des armées, qui dispose d’une fonction immobilière intégrée et très compétente, a déjà déployé des solutions ingénieuses pour un parc hétérogène, comme la pose de panneaux photovoltaïques sur des terrains ou toitures de bâtiments.

L’impact de la crise sanitaire semble le plus criant pour le ministère de la culture, qui a perdu plus de 300 millions d’euros de baisses de billetteries, compromettant notamment le financement du projet de Villers-Cotterêts ([25]). La situation de ce ministère, qui occupe souvent des bâtiments à fort intérêt patrimonial, est représentative des difficultés de valorisation d’emprises coûteuses mais difficilement cessibles (en particulier les bâtiments classés monuments historiques). Le dialogue entre ministères, pour mutualiser les potentielles solutions trouvées sur des problématiques similaires, paraît donc primordial.

Recommandation 4 :

Mettre en place des modalités de valorisation alternatives du patrimoine immobilier de l’État.

Ces initiatives sont à saluer en ce qu’elles rapporteront des ressources pérennes et régulières à l’État sans obérer son patrimoine et constituent de véritables innovations dans la façon de penser le patrimoine immobilier de l’État.

III.   Le plan de relance : un effort sans précédent, des inquiétudes qui persistent

Les consommations énergétiques des bâtiments sont responsables d’un quart des émissions de gaz à effet de serre en France. Le Plan de Relance souhaite donc rendre les bâtiments publics moins consommateurs d’énergie, avec un triple objectif : diminution de la facture, amélioration du confort et allègement de l’empreinte énergétique des bâtiments publics.

Les impacts attendus incluent la rénovation de 15 millions de mètres carrés ainsi que la redynamisation du tissu des PME et des TPE locales concernées ([26]).

A.   un effort inédit qui aurait gagné à être inscrit plus en amont dans la gestion du parc

Si le plan de relance prévoit un effort inédit en faveur de la rénovation thermique des bâtiments, il n’en demeure pas moins que cette problématique de l’entretien et de la performance énergétique des bâtiments doit être intégrée le plus en amont possible dans la gestion d’un parc immobilier.

1.   La rénovation thermique des bâtiments publics : un effort important et inédit

Le projet de loi de finances pour 2021 propose d’inscrire à l’action 01 du programme 362 Écologie de la mission Plan de Relance 3,7 milliards d’euros en AE et 1,633 milliard d’euros en CP, auxquels s’ajoutent 300 millions d’euros transférés aux régions pour la rénovation des bâtiments des lycées, pour un total de 4 milliards d’euros en autorisations d’engagement.

Le plan de relance prévoit d’organiser deux types d’appels à projet, l’un pour les bâtiments d’enseignement supérieur et de recherche sous tutelle du MESRI et l’autre pour les autres bâtiments de l’État ([27]).

La priorité sera donnée au financement de trois types d’opérations :

– les opérations à « gains rapides » présentant le plus fort retour sur investissement (régulation des systèmes de chauffage, modernisation de l’éclairage…) ;

– les travaux de rénovation énergétique relevant du gros entretien (isolation du bâti, changement des équipements…) ;

– les opérations immobilières de réhabilitation lourde avec d’autres objets que la transition énergétique (mise aux normes d’accessibilité…).

Le tout devra en outre faire l’objet, selon le Gouvernement, d’une mise en œuvre rapide pour s’assurer que l’impact économique de ces mesures sur le secteur de la rénovation permet bien de favoriser la relance de l’activité.

2.   Un effort qui aurait gagné à être intégré plus en amont dans la gestion d’un parc souffrant d’un relatif délabrement

Cet effort, bien que bienvenu, en faveur de l’entretien, arrive au terme d’une longue période de désintéressement.

Le rapporteur spécial rappelle que, longtemps, le pilotage immobilier ne tenait pas compte de ces nécessités d’entretien, entraînant la dégradation du bâti par un trop faible montant consacré à leur entretien. Lors de son audition, la conférence des présidents d’université a indiqué que cela avait été le cas lors de la seconde vague de dévolution aux universités du patrimoine de l’État. Il semblerait également que le programme 348 Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants n’échappe pas à ce défi de l’entretien des bâtiments.

À ce jour, 30 programmes de travaux ont été validés, pour 823 millions d’euros, et 3 chantiers ont démarré (Rouen, Bordeaux, Toulon notamment) ; les prestataires seront sélectionnés d’ici au printemps 2021.

Le rapporteur avait eu l’occasion de souligner dans un autre rapport ([28]) l’importance de la valorisation du patrimoine immobilier universitaire, qui représente environ 40 % des surfaces de l’immobilier de l’État, et comporte des emprises historiques sur lesquelles se tiennent des bâtiments prestigieux, mais non moins vétustes. Il avait notamment souligné la nécessité de procéder à des rénovations dans certains bâtiments caractérisés comme des « passoires thermiques » en suggérant de soutenir les établissements concernés.

Le rapporteur spécial se félicite que le plan de relance prévoie un appel à projet spécifique pour l’immobilier des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Il souligne cependant qu’à ce stade le montant et les modalités du soutien financier de l’État ne sont pas détaillés. Ceci est d’autant plus dommageable qu’à l’heure où le premier appel à projets s’est terminé, le 9 octobre, les très nombreux projets proposés par les établissements de l’enseignement supérieur et la recherche au moment de la clôture de l’appel, s’élèvent à plus de 3,7 milliards d’euros ([29]), soit plus de l’enveloppe totale allouée au patrimoine immobilier de l’État. En d’autres termes, les besoins très importants mis en avant par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ne pourront pas tous être couverts, malgré l’ampleur de l’enveloppe consacrée.

Le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, adopté en Conseil des ministres le 4 novembre 2020, prévoit l’annulation de 32,1 millions d’euros de crédits de paiement sur le programme 743, en répercussion des arrêts de chantiers intervenus lors du confinement du printemps. On peut regretter que ces crédits n’aient pas été affectés malgré tout à des travaux d’entretien urgents des bâtiments publics qui les nécessitent.

Recommandation 5 :

Allouer à la rénovation et à l’entretien des bâtiments des établissements d’enseignement supérieur et de recherche des moyens à la hauteur des surfaces qu’ils occupent.

B.   RELANCE ET INVESTISSEMENT : DES ATTENTES ET DES OBJECTIFS POTENTIELLEMENT DIVERGENTS

Le rapporteur tient à souligner les limites du calendrier prévisionnel : les délais qu’il prévoit risquent en effet d’être à la fois trop contraignants pour la mise en œuvre de projets d’investissement de long terme et trop lointains pour assurer un impact économique à très court terme. Ces limites de calendrier sont symptomatiques des objectifs potentiellement divergents entre relance immédiate de l’activité et investissement de long terme.

1.   L’étroitesse du calendrier : une cause d’inquiétude quant au bon usage des fonds publics

Si l’objectif de notification de tous les marchés avant le 31 décembre 2021 se confirme, il est peu probable que les effets économiques de ces mesures soient visibles sur le très court terme. Pour autant, un tel calendrier, basé sur des délais très courts pour la soumission des projets, interroge surtout sur sa pertinence dans le long terme.

Alors que le premier appel à projets s’est terminé le 9 octobre 2020, mobilisant de façon inédite les services des différents ministères pour proposer des projets au financement du plan de relance, le rapporteur s’interroge sur le bon usage de ces fonds publics engagés en urgence pour des projets qui n’avaient pas été retenus dans le passé faute de financements, mais dont la pertinence mériterait d’être vérifiée eu égard à leur impact sur le long terme.

En effet, si un bâtiment peut s’amortir sur des dizaines d’années (voire, dans certains cas comme le Louvre, des centaines), il est important de veiller à ce que les projets retenus dans ce premier appel à projets et financés par de la dette publique s’inscrivent bien dans une logique à long terme et soient structurants pour la collectivité.

2.   Pour une relance performante : une mesure des économies futures à améliorer

À ce titre, il apparaît que les indicateurs de performance choisis pour la sélection des projets retenus ne sont pas tout à fait pertinents. A minima, il conviendrait de leur adjoindre un nouvel indicateur pour mieux mesurer l’impact des rénovations en termes des finances publiques.

En effet, il ressort des documents émanant du Gouvernement une tendance à la marginalisation de cet objectif que le rapporteur considère central. De fait, le suivi de ce programme de rénovation des bâtiments publics sera effectué par le MEFR selon les indicateurs de performance suivants ([30]) :

Indicateurs de performance retenus pour les opérations de rénovation effectuées sur les crédits inscrits dans la mission Plan de relance :

– la surface des bâtiments concernés par ces travaux ;

– le nombre d’usagers et de personnels concernés ;

– les économies d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre réalisées (en % par rapport à la situation précédente et en valeur absolue) ;

– les montants totaux investis ; montants et typologie des marchés effectivement conclus.

Les documents budgétaires confirment cette orientation vers la performance énergétique tout en privilégiant la rapidité et l’ampleur des travaux : en mentionnant comme indicateurs principaux le taux de consommation des crédits (représentatif de la rapidité et de l’ampleur des opérations) et les économies d’énergie attendue (représentatif de l’impact énergétique), l’administration expose clairement ses priorités ([31]).

Le « filtre » ainsi retenu prend ainsi en compte l’impact énergétique des travaux envisagés et la capacité à les réaliser rapidement pour que les crédits puissent être engagés au 31/12/2021. Le rapporteur spécial tient à souligner son approbation, dans le principe, de ces objectifs. Mais les opérations de rénovation des bâtiments publics ne concernent pas seulement des projets de rénovation thermique : des opérations de gros entretien seront aussi réalisées.

Or, celles-ci – comme les autres, du reste – mériteraient également d’être analysées à l’aune des économies budgétaires que ces travaux apporteront au patrimoine immobilier public, économies qui devraient être intégrées dans la future gestion de ces bâtiments comme autant de ressources qu’il ne sera plus nécessaire de dégager, dans une logique de pérennité des économies énergétiques ainsi créées.

Il est donc nécessaire d’inscrire parmi les indicateurs de performance des instruments qui permettent de mesurer de manière satisfaisante l’impact à long terme de ces rénovations en fonction de leur inscription dans la stratégie immobilière de l’État (bâtiments avec bureaux modulables et/ou prenant en compte les possibles évolutions en termes de télétravail et d’aspirations des agents).

Des rénovations qui iraient dans un sens contraire seraient véritablement contre-productives, puisqu’il faudrait le cas échéant reprogrammer des opérations pour adapter à nouveau des bâtiments récemment – mais trop rapidement – rénovés.

Recommandation 6 :

Intégrer aux indicateurs de la mission Plan de Relance des instruments de mesure des économies de long terme induite par la rénovation des bâtiments.

En d’autres termes, le volet immobilier public du plan de relance doit s’inscrire dans le sens des évolutions suivies par la politique immobilière de l’État dans son ensemble pour contribuer au mieux à la réalisation de ses objectifs. Il doit également s’inscrire pleinement dans une logique de performance.

À cet égard, la décision de confier la gestion des crédits Relance alloués à la rénovation des bâtiments publics à la direction de l’immobilier de l’État, dont la professionnalisation n’est plus à prouver, est un signal positif.

Ce n’est, en tout état de cause, pas suffisant. Le travail de professionnalisation de la gestion de l’immobilier public doit se poursuivre et diffuser cette culture au sein de tous les ministères et opérateurs publics afin que ce patrimoine soit géré au mieux. Les progrès observés depuis 2017 doivent être poursuivis et s’inscrivent dans une dynamique à préserver et à renforcer.

 


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EXAMEN EN COMMISSION

 

Au cours de sa seconde réunion du 23 octobre 2020, la commission des finances a examiné les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Suivant la recommandation du rapporteur, la commission a adopté les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Ministère de l’économie, des finances et de la relance :

– M. Alain Resplandy-Bernard, directeur de l’immobilier de l’État

– Mme Béatrice Bellier-Ganière, adjointe au directeur

– Mme Agnès Teyssier d’Orfeuil, sous-directrice

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères :

– Mme Myriam Achari, directrice des immeubles et de la logistique

– M. Sébastien Clamaron, chargé de mission

SCNF Immobilier :

– M. Pierre Lacombe, directeur général par intérim

– Mme Albane Barré, chargée des relations Institutionnelles

– Mme Laurence Nion, directrice des relations extérieures

Ministère de l’intérieur :

– M. Vincent Roberti, directeur de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et de l’immobilier

– Mme Anne Archambault, sous-directrice à l’immobilier

Ministère de la transition écologique :

– M. Michel Vermeulen, délégué à l’action foncière et immobilière

– Mme Laure de Crouy-Chanel, chargée d’études financières et immobilières

– M. Christophe Suchel, adjoint au sous-directeur de l’aménagement durable, direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

– M. Jean Guinard, chef de projet

 

Ministère de la culture :

– M. Grégory Cazalet, chef du service des affaires générales et financières

– M. Antoine Austruit, chef du bureau des affaires immobilières

Conférence des présidents d’université :

–M. Olivier Laboux, vice-président

– M. Kévin Neuville, conseiller aux relations parlementaires et institutionnelles

Ministère des armées :

– Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration

– M. Eric Fleury, adjoint au directeur des patrimoines, de la mémoire et des archives

Ministère de la justice :

– Mme Marie-Hélène Hurtaud, chef du service de l’immobilier

– Mme Géraldine Faure, chef de la section de la politique immobilière et des affaires domaniales, bureau de la stratégie et de la politique immobilières

Cabinet du ministre délégué chargé des comptes publics :

– M. Geoffroy de Vitry, conseiller chargé des lois financières

– Mme Vedrana Pajevic, conseillère budgétaire

– Mme Marie-Gabrielle Fournet, conseillère chargée de la transformation et de l’exécution des réformes


([1]) Article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([2]) C’est, dans une large mesure, ce qui ressort des auditions ministérielles conduites par le rapporteur spécial.

([3]) Projet annuel de performances 2021, Gestion du patrimoine immobilier de l’État, p. 10.

([4]) Les chiffres en italiques sont les prévisions en LFI ; les prévisions de recettes ont en effet été revues à la baisse pour 2020 (– 60 millions d’euros).

([5]) Rapport n° 2301, annexe 27 – Rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de finances pour 2019 (n° 2272), pp. 12-21.

([6]) Cf. tableau infra, p. 12.

([7]) Rapport n° 1990, annexe 27 – Rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, après engagement de la procédure accélérée, de l’année 2018 (n° 1947) p. 14.

([8]) En application de l’article 93 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([9]) Pondération en fonction de la difficulté de cession et d’application d’un taux de décote théorique dans le cadre des biens relevant du comité interministériel pour le développement de l’offre de logements (CIDOL).

([10]) Rapport n° 3011, annexe 27 – rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, après engagement de la procédure accélérée, de l’année 2019 (n° 2899), p. 11.

([11]) Loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production sur logement social.

([12]) Rapport n° 3011, annexe 27 – rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, après engagement de la procédure accélérée, de l’année 2019 (n° 2899), p. 11.

([13]) Décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote prévue à
l’article L. 3 211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

([14]) Rapport n° 3011, annexe 27 – rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, après engagement de la procédure accélérée, de l’année 2019 (n° 2899), pp. 22-25.

([15]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([16]) Pour une description de l’objet de ces documents, cf. rapport n° 273, annexe 27 - rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de finances pour 2018 (n° 235), pp. 31-36.

([17]) D’après les réponses au questionnaire budgétaire.

([18]) D’après les réponses au questionnaire budgétaire.

([19]) N° 3011 annexe 27 - Rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, après engagement de la procédure accélérée, de l’année 2019 (n° 2899), p. 23.

([20]) Conseil de l’immobilier de l’État, Avis sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », séance du 6 février 2020, p. 4.

([21]) Pour plus d’informations sur les outils informatiques, cf. rapport n° 2301 annexe 27 - Rapport de M. Jean‑Paul Mattei sur le projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272), p. 26.

([22]) Conseil de l’immobilier de l’État, Avis sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », séance du 6 février 2020, p. 5.

([23]) Direction de l’immobilier de l’État, L’immobilier public de demain, octobre 2020.

([24]) D’après les réponses au questionnaire budgétaire.

([25]) Ce projet sera financé par le plan de relance pour l’année 2021, pour compenser les pertes du ministère de la culture.

([26]) France Relance. Communication du 3 septembre 2020, p. 15.

([27]) Projet annuel de performance (PAP) Plan de Relance annexé au PLF pour 2021, p. 29.

([28]) Rapport n° 1990, annexe 27 – rapport de M. Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n° 1947), pp. 24-29.

([29]) D’après les données de la Conférences de présidents d’universités, Communiqué de presse du 21 octobre 2020.

([30]) France Relance. Communication du 3 septembre 2020, p. 16.

([31]) D’après le projet annuel de performance « Plan de Relance » pour 2021.