—  1  —

N° 3590

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à réformer l’adoption ( 3161)

 

PAR Mme Monique LIMON

Députée

——

 

Voir les numéros : 3161


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

AVant-propos.............................................. 5

I. PrÉsentation de la proposition de loi

1. Faciliter et sécuriser l’adoption conformément à l’intérêt de l’enfant

2. Renforcer le statut de pupille de l’État et améliorer le fonctionnement des conseils de famille

3. Améliorer les autres dispositions relatives au statut de l’enfant

II. Les principaux apports de la commission

1. Assouplissement des conditions relatives à l’âge et à la situation familiale des adoptants

2. Révision de l’écart d’âge maximum entre les adoptants et l’adopté

3. Introduction d’un dispositif transitoire d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation à l’étranger par un couple de femmes

4. Modalités de délivrance de l’agrément en vue d’adoption

5. Nouvelles dispositions relatives à l’adoption internationale

6. Évolution de la composition et du fonctionnement du conseil de famille des pupilles de l’État

Commentaire des articles de la proposition de loi

titre Ier faciliter et sÉcuriser l’adoption conformÉment À l’intÉrÊt de l’enfant

Article 1er (art. 364 du code civil) Consécration du double lien de filiation introduit par l’adoption simple

Article 2 (art. 343, 343-1, 343-2, 344, 345-1, 346, 348-5, 353-1, 356, 357, 360, 363, 365, 366, 370-3 du code civil)  Ouverture de l’adoption aux personnes liées par un pacte civil de solidarité et aux concubins

Article 2 bis Rapport sur l’adoption individuelle

Article 3 (art. 344 du code civil) Écart d’âge maximum entre les adoptants et l’enfant adopté

Article 4 (art. 345 du code civil) Adoption des enfants âgés de plus de quinze ans

Article 5 (art. 351 et 361 du code civil) Placement en vue d’adoption

Article 6 (art. 343-3 [nouveau] du code civil) Interdiction de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs

Article 7 (art. 348-3 et 370-3 du code civil) Consentement des parents à l’adoption de leur enfant

Article 8 (art. 348-6 du code civil) Adoption du mineur âgé de plus de treize ans ou du majeur protégé  hors d’état de donner son consentement

Article 9 (art. 357 et 363 du code civil) Consentement de l’enfant à son changement de prénom lors de son adoption et à son changement de nom lors de son adoption simple

Article 9 bis Dispositif transitoire d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation à l’étranger par un couple de femmes

Article 10 (art. L. 225-1 à L. 225-9 et L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles) Agrément en vue d’adoption

Article 11 (art. L. 225-10 à L. 225-12 et art. L. 225-10-1 et L. 225-10-2 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles) Adoption des pupilles de l’État

Article 11 bis (art. L. 225-11, L. 225-13, L. 225-14, L. 225-14-1 et L. 225-14-2  du code de l’action sociale et des familles) Mission des organismes autorisés pour l’adoption

Article 11 ter (art. L. 225-14-3 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) Obligation d’accompagnement des personnes adoptant un mineur étranger

Article 11 quater (art. L. 225-19 et L. 225-20 du code de l’action sociale et des familles) Extension à l’adoption internationale de l’infraction d’exercice illégal de l’activité d’intermédiaire

titre II renforcer le statut de pupille de l’État et amÉliorer le fonctionnement des conseils de famille

Article 12 (art. L. 224-1 à L. 224-3 du code de l’action sociale et des familles) Statut des pupilles de l’État

Article 13 (art. L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles  et art. 347, 348-3, 348-4, 348-5, 349 et 353-1 du code civil)  Clarification des conditions d’admission de l’enfant dans le statut de pupille de l’État sur décision de ses parents

Article 14 (art. L. 224-8-1 à L. 224-8-6 [nouveaux], L. 224-6 et L. 224-12 du code de l’action sociale et des familles et art. 348-4 du code civil) Organisation et fonctionnement des organes de tutelle des pupilles de l’État

Article 15 (art. L. 224-8-7 [nouveau] et art. L. 224-11 du code de l’action sociale et des familles) Droits des pupilles de l’État

Titre III amÉliorer les autres dispositions relatives au statut de l’enfant

Article 16 (art. L. 223-1 et L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles) Examen biannuel du statut des enfants de moins de trois ans

Article 17 (art. 411 du code civil) Caractère supplétif de la tutelle départementale

Article 18 Gage de recevabilité financière

Compte rendu des dÉbats

Personnes entendues


—  1  —

 

 

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à l’initiative du groupe La République en marche (LaREM), poursuit un double objectif : d’une part, faciliter et sécuriser le recours à l’adoption, d’autre part, renforcer le statut de pupille de l’État.

12 000 enfants en moyenne sont adoptés chaque année en France. En 2018, les juges ont ainsi statué sur 9 979 requêtes et prononcé l’adoption de 12 473 adoptés. Parmi ces 9 979 jugements, 73 % se rapportent à des adoptions simples et 27 % à des adoptions plénières ([1]). Il s’agit, à titre principal, d’adoption intrafamiliale ([2]) – surtout intraconjugale –, puis d’adoption nationale ([3]) et, enfin, pour une part résiduelle, d’adoption internationale ([4]). Ainsi, à l’adoption d’enfant sans lien connu avec l’adoptant se substitue peu à peu l’adoption – à titre plénier ou simple – de l’enfant du conjoint. Parmi les adoptés, une minorité est pupille de l’État ([5]).

Parmi les mineurs ayant le statut de pupille de l’État, peu sont placés en vue d’adoption. Ainsi, selon les données publiées par l’Observatoire national de la protection de l’enfance, 3 035 enfants bénéficient du statut de pupille de l’État en France, soit un ratio de 20,7 pour 100 000 mineurs, au 31 décembre 2018. Parmi ces pupilles, 949 sont confiés à une famille en vue de leur adoption tandis que 2 086 vivent dans des familles d’accueil – pour les trois quarts d’entre eux – ou dans des établissements. 720 enfants ont par ailleurs quitté le statut de pupille de l’État à la suite d’un jugement d’adoption. La majorité des enfants qui ne sont pas confiés en vue d’adoption sont des mineurs ayant des besoins spécifiques.

La présente proposition de loi est le fruit de nombreux échanges avec l’ensemble des acteurs de l’adoption, que ce soit lors de l’élaboration, avec Mme Corinne Imbert, du rapport Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant ([6]), ou dans le cadre des seize auditions menées dans la perspective de son examen.

Il en ressort qu’au regard des deux principes qui doivent guider l’éthique de l’adoption – l’intérêt de l’enfant et le souci de donner une famille à l’enfant et non l’inverse – il convient de mieux préparer les familles à l’adoption, d’harmoniser les pratiques de délivrance de l’agrément aux personnes qui souhaitent adopter, de faciliter l’adoption des enfants qui peuvent l’être et de former les parties prenantes à l’adoption, en particulier les membres du conseil de famille des pupilles de l’État.

Aussi la proposition de loi a-t-elle pour objet d’affermir et de sécuriser le recours à l’adoption, notamment comme outil de protection de l’enfance.

À cet effet, elle propose de faciliter et de sécuriser l’adoption, conformément à l’intérêt de l’enfant. Elle ouvre l’adoption aux couples non mariés, favorise l’adoption plénière des enfants de plus de quinze ans – en particulier par les personnes qui les ont accueillis au titre de l’aide sociale à l’enfance – et valorise l’adoption simple. Par ailleurs, elle renforce la protection des enfants en affermissant la procédure d’agrément en vue d’adoption, en sécurisant et en étendant à l’adoption simple le placement en vue de l’adoption et en précisant les notions de consentement à l’adoption.

Ce texte vise par ailleurs à renforcer le statut de pupille de l’État. Il en définit l’objet, clarifie les conditions d’admission dans ce statut, prévoit un bilan « d’adoptabilité » de l’enfant et crée un droit d’information du pupille, par son tuteur, de toute décision le concernant. Il améliore l’organisation des organes de tutelle des pupilles de l’État ainsi que le fonctionnement du conseil de famille des pupilles de l’État en revoyant sa composition et en instituant une formation pour ses membres. Il affirme enfin le caractère supplétif de la tutelle départementale par rapport à la tutelle des pupilles de l’État.

À l’initiative de la rapporteure et de plusieurs députés, la commission des Lois a adopté des amendements qui enrichissent cette proposition de loi, en poursuivant toujours le même objectif : l’intérêt de l’enfant.

 


—  1  —

I.   PrÉsentation de la proposition de loi

La proposition de loi comporte dix-huit articles répartis en trois titres.

1.   Faciliter et sécuriser l’adoption conformément à l’intérêt de l’enfant

L’article 1er consacre le double lien de filiation introduit par l’adoption simple et rappelle que l’enfant conserve tous ses droits dans sa famille d’origine.

L’article 2 ouvre l’adoption aux personnes liées par un pacte civil de solidarité et aux concubins.

L’article 3 fixe un écart d’âge maximum entre les adoptants et l’enfant adopté.

L’article 4 favorise l’adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans en prévoyant une nouvelle exception au principe selon lequel celle-ci ne peut concerner que les mineurs de moins de quinze ans.

L’article 5 sécurise la période de placement en vue de l’adoption plénière et étend l’obligation de placement à l’adoption simple.

L’article 6 interdit l’adoption, qu’elle soit à titre simple ou plénier, entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs.

L’article 7 étend la portée de la définition du consentement à l’adoption, aujourd’hui restreinte à l’adoption internationale, à l’adoption nationale.

L’article 8 prévoit la possibilité, pour le tribunal, de passer outre l’absence de consentement d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état de s’exprimer, si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’adopté.

L’article 9 précise que le consentement de l’enfant âgé de plus de treize ans est requis, lors de son adoption, en cas de changement de prénom ainsi que, lors de son adoption simple, en cas d’ajout du nom de l’adoptant.

L’article 10 sécurise la procédure d’agrément en vue d’adoption, en mettant l’accent sur la formation des candidats.

2.   Renforcer le statut de pupille de l’État et améliorer le fonctionnement des conseils de famille

L’article 11 affermit le cadre juridique relatif à l’adoption des pupilles de l’État en confiant un rôle central au conseil de famille, en définissant l’apparentement et en sécurisant la période de mise en relation de l’enfant avec sa famille d’adoption.

L’article 12 définit l’objet du statut de pupille de l’État et prévoit un bilan médical, psychologique et social pour tout pupille susceptible de faire l’objet d’un projet d’adoption.

L’article 13 clarifie les conditions d’admission dans le statut des pupilles de l’État dans le cas où les parents ont remis leur enfant au service de l’aide sociale à l’enfance, en distinguant le consentement à l’admission en qualité de pupille de l’État du consentement à l’adoption.

L’article 14 améliore le fonctionnement des conseils de famille.

L’article 15 instaure, au bénéfice du pupille, le droit d’être informé, par son tuteur, des décisions le concernant.

3.   Améliorer les autres dispositions relatives au statut de l’enfant

L’article 16 relève de deux à trois ans l’âge limite auquel il est procédé à un examen biannuel du statut des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

L’article 17 renforce le caractère supplétif de la tutelle départementale.

L’article 18 est l’article de gage financier.

II.   Les principaux apports de la commission

La Commission a renforcé la portée des dispositions initiales de la proposition de loi, conformément à l’intérêt de l’enfant.

1.   Assouplissement des conditions relatives à l’âge et à la situation familiale des adoptants

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a abaissé, à l’article 2, l’âge minimum requis de la part des futurs adoptants de vingt-huit à vingt-six ans ainsi que, dans le cas de l’adoption par un couple, la durée minimale de communauté de vie de deux à un an.

2.   Révision de l’écart d’âge maximum entre les adoptants et l’adopté

Par amendements de la rapporteure à l’article 3, la Commission a porté l’écart d’âge maximum entre les adoptants et l’adopté de quarante-cinq à cinquante ans et prévu une possibilité de dérogation en cas d’accord du conseil de famille et sous réserve qu’il y ait de justes motifs.

3.   Introduction d’un dispositif transitoire d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation à l’étranger par un couple de femmes

Sur proposition des membres du groupe LaREM, la Commission a introduit un article 9 bis, afin de prévoir que, pour les couples de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi et dont la femme qui a accouché s’oppose à la reconnaissance conjointe de l’enfant devant le notaire, l’autre femme peut adopter l’enfant.

4.   Modalités de délivrance de l’agrément en vue d’adoption

À l’article 10, la Commission a, par amendement de la rapporteure, fixé la durée de validité de l’agrément en vue d’adoption à cinq ans renouvelables et précisé que tout refus ou retrait d’agrément doit être motivé. Par amendement de M. Brindeau (UDI), elle a rétabli l’octroi d’une aide financière, par le département, aux personnes adoptant un enfant dont le service de l’aide sociale à l’enfance leur avait confié la garde.

5.   Nouvelles dispositions relatives à l’adoption internationale

Par trois amendements de la rapporteure, la Commission a rétabli les dispositions relatives aux organismes autorisés pour l’adoption tout en recentrant leur mission sur l’adoption internationale et en modifiant les conditions de délivrance de leur autorisation d’exercer. Elle a complété les règles relatives à l’adoption internationale.

Ainsi, l’article 11 bis recentre la mission de ces organismes sur l’intermédiation de l’adoption de mineurs étrangers et prévoit que leur autorisation d’exercer est délivrée par le ministre chargé des affaires étrangères et le ministre chargé de la famille, après avis du président du conseil départemental, pour une durée de cinq ans renouvelable. Elle peut être suspendue ou retirée si les conditions de délivrance ne sont plus réunies.

L’article 11 ter oblige les personnes souhaitant adopter un mineur étranger à être accompagnées par un organisme autorisé pour l’adoption ou par l’Agence française de l’adoption.

L’article 11 quater étend à l’adoption internationale l’infraction d’exercice illégal de l’activité d’intermédiaire, dont le champ est aujourd’hui restreint à l’adoption nationale.

6.   Évolution de la composition et du fonctionnement du conseil de famille des pupilles de l’État

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a, à l’article 14, modifié la composition du conseil de famille des pupilles de l’État, encadré l’exercice du mandat de membre du conseil de famille et précisé les conditions dans lesquelles le pupille peut exercer un recours contre les délibérations du conseil de famille.

*

*     *

 


   Commentaire des articles de la proposition de loi

titre Ier
faciliter et sÉcuriser l’adoption
conformÉment À l’intÉrÊt de l’enfant

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement qui supprime, dans l’intitulé du titre Ier, l’adjectif qualificatif « supérieur » par cohérence avec les dispositions du code civil et du code de l’action sociale et des familles relatives à l’intérêt de l’enfant.

Article 1er
(art. 364 du code civil)
Consécration du double lien de filiation introduit par l’adoption simple

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de consacrer le double lien de filiation introduit par l’adoption simple et de rappeler que l’enfant conserve tous ses droits dans sa famille d’origine.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 364 du code civil, créé par la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 portant réforme de l’adoption, n’a jamais été modifié.

       Position de la Commission

La Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement présenté par les membres du groupe LaREM qui précise que l’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine.

1.   L’adoption simple

Alors que l’adoption plénière rompt le lien du sang et crée une filiation exclusive et irrévocable, l’adoption simple laisse subsister la filiation d’origine qui continue à produire certains effets et lui ajoute une filiation adoptive qui produit elle-même des effets importants. Elle est par ailleurs susceptible d’évoluer en adoption plénière de l’adopté simple de plus de quinze ans, pendant toute sa minorité, et reste en dernier ressort révocable.

a.   La création d’un lien de filiation avec la famille adoptive et le maintien du lien de filiation avec la famille d’origine

Aux termes du premier alinéa de l’article 364 du code civil, l’adopté reste dans sa famille d’origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires.

Ce principe revêt une double dimension : d’une part, le lien de filiation d’origine demeure intact ; d’autre part, l’adoption simple ne fait pas échec à la possibilité d’établir ultérieurement le lien de filiation fondé sur le sang, soit par reconnaissance, soit par déclaration judiciaire.

En pareil cas, l’établissement de la filiation d’origine, postérieurement au prononcé de l’adoption simple, n’a aucune incidence sur le lien adoptif. L’article 369 du code civil précise en effet que « l’adoption conserve tous ses effets, nonobstant l’établissement ultérieur d’un lien de filiation ».

Dans la mesure où l’adoption simple crée une parenté adoptive qui se superpose au lien d’origine, ce lien de parenté n’emporte pas assimilation totale de l’adopté à un enfant légitime, ce qui n’est pas sans conséquence sur la portée réelle de l’adoption simple.

b.   Les effets sur la situation juridique de l’adopté

Les effets de l’adoption simple résultent de la juxtaposition des deux liens de filiation.

L’adoption simple peut ainsi se traduire par le changement du nom de famille de l’adopté par adjonction ou par substitution du nom de l’adoptant mais elle peut également conduire au maintien du nom de famille d’origine ([7]).

Elle n’a aucune incidence sur la nationalité de l’adopté, parce qu’elle laisse subsister le lien de filiation d’origine. La règle est clairement posée par l’article 21 du code civil : « l’adoption simple n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité de l’adopté ».

Les interdits fondés sur l’inceste demeurent même après l’entrée de l’adopté dans sa nouvelle famille. En effet, le second alinéa de l’article 364 du code civil précise que les prohibitions au mariage entre les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne s’appliquent entre l’adopté et sa famille d’origine. Ces interdits s’ajoutent aux empêchements à mariage dans la nouvelle famille en application de l’article 366 du même code.

L’adoption simple réalise en revanche un transfert de l’autorité parentale au profit de l’adoptant. Celui-ci est, aux termes de l’article 365 du code civil, seul investi à l’égard de l’adopté mineur de tous les droits liés à l’exercice de l’autorité parentale, y compris celui de consentir au mariage. Les parents d’origine sont donc complètement écartés et perdent toutes leurs prérogatives en la matière. L’adoptant exerce seul cet « ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », comme le dispose l’article 371-1 du code civil.

Le législateur a toutefois ménagé une exception lorsqu’il s’agit de l’adoption de l’enfant du conjoint. Dans ce cas, l’adoptant dispose de l’autorité parentale concurremment avec son conjoint mais ce dernier en conserve seul l’exercice. La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a assoupli cette restriction en autorisant le parent d’origine et le conjoint adoptant à procéder, en application de l’article 365 du code civil, à une déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire aux fins d’un exercice en commun de cette autorité. Lorsqu’il n’a pas été procédé à cette déclaration, le conjoint adoptant bénéficie uniquement, aux termes de l’article 373-1 du code civil, d’une vocation à être de plein droit investi de l’exercice de l’autorité parentale en cas de décès ou d’empêchement du parent d’origine.

Cette exception ne joue cependant pas lorsque l’adopté est l’enfant d’un concubin. Le parent qui consent à l’adoption simple de son enfant au profit de son concubin se dépouille de manière irrévocable de l’autorité parentale au profit de l’adoptant.

Le maintien d’un lien de filiation d’origine peut justifier qu’un droit de visite soit accordé aux membres de la famille d’origine. Ce droit de visite concerne essentiellement les parents. Il peut également être accordé à d’autres membres de la famille, en particulier les grands-parents, dès lors qu’il est jugé conforme à l’intérêt de l’enfant en application de l’article 371-4 du code civil.

Par ailleurs, l’adopté simple ayant deux familles, il est concerné par une double obligation alimentaire prévue à l’article 367 du code civil :

– entre l’adopté et la famille d’origine, l’obligation de se fournir des aliments continue d’exister entre l’adopté et ses père et mère d’origine. Cependant, cette obligation alimentaire dans la famille d’origine devient subsidiaire, les père et mère d’origine de l’adopté n’étant tenus de lui fournir des aliments que s’il ne peut les obtenir de l’adoptant ;

– entre l’adopté et l’adoptant, existe une obligation alimentaire réciproque, classiquement fondée sur la notion de besoin. Cette obligation alimentaire ne s’étend pas au-delà du ou des adoptants.

Enfin, si l’adopté conserve ses droits héréditaires dans sa famille d’origine – héritier réservataire de ses parents et héritier de ses ascendants et descendants d’origine –, il se voit également reconnaître dans la famille de l’adoptant, aux termes de l’article 368 du code civil, les droits successoraux reconnus aux enfants par le chapitre III du titre Ier du livre III du code civil « Des héritiers », sans pour autant acquérir la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adoptant. Il a donc la qualité d’héritier réservataire du seul adoptant, tout en ayant des droits héréditaires dans la famille de l’adoptant, non seulement à l’égard des ascendants de ce dernier mais également de ses collatéraux et descendants.

2.   La réforme proposée

L’article 1er de la proposition de loi tend à réécrire l’alinéa 1er de l’article 364 du code civil afin de poser le principe que l’enfant bénéficie d’un double lien de filiation.

Cette nouvelle rédaction reflète mieux la réalité juridique de l’adoption simple, puisqu’elle a pour effet de créer une nouvelle filiation qui s’ajoute à la filiation d’origine, et non pas seulement de maintenir la filiation d’origine comme le sous-entend la formulation actuelle de l’article 364. Elle permet par ailleurs, en soulignant que l’enfant « bénéficie » d’un double lien de filiation, de mettre en valeur cette spécificité de l’adoption simple.

L’article 1er reprend par ailleurs la formulation actuelle de l’article 364 selon laquelle l’enfant conserve tous ses droits dans sa famille d’origine, en ôtant toutefois la mention spécifique à ses droits héréditaires.

Cette référence, qui peut laisser penser que le maintien des droits dans la famille se limiterait aux droits héréditaires de l’adopté ou que ces derniers seraient plus importants que les droits extrapatrimoniaux (comme le maintien de la possibilité de garder son nom de famille), n’apparaît en effet pas opportune. Sa suppression permet d’éviter que l’intérêt de l’adoption simple soit perçu comme avant tout d’ordre patrimonial, alors qu’elle peut représenter un projet de vie particulièrement adapté pour certains enfants.

L’article 1er a donc pour objectif d’assurer une meilleure visibilité des apports de l’adoption simple, afin de la revaloriser par rapport à l’adoption plénière, conformément aux conclusions du rapport sur l’adoption présenté par Mmes Monique Limon et Corinne Imbert ([8]).

3.   La position de la Commission

À l’initiative des membres du groupe LaREM, la Commission a adopté un amendement qui réécrit l’article 1er, afin de lever toute ambiguïté quant à l’emploi des termes « double filiation ». Il est énoncé que l’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine, avant de rappeler que l’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine.

*

*     *

Article 2
(art. 343, 343-1, 343-2, 344, 345-1, 346, 348-5, 353-1, 356, 357, 360, 363, 365, 366, 370-3
du code civil)
Ouverture de l’adoption aux personnes liées par un pacte civil de solidarité
et aux concubins

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’étendre la possibilité d’adopter aux personnes liées par un pacte civil de solidarité et aux concubins.

       Dernières modifications législatives intervenues

Créé par la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966, l’article 343 du code civil a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption afin de réduire la condition de durée de mariage de cinq à deux ans.

       Position de la Commission

Outre quatre amendements de précision rédactionnelle, la Commission a adopté deux amendements de la rapporteure qui abaissent l’âge minimum requis de la part des futurs adoptants de vingt-huit à vingt-six ans ainsi que, dans le cas de l’adoption par un couple, la durée minimale de communauté de vie de deux à un an.

1.   Les conditions de situation familiale et d’âge fixées aux adoptants

a.   L’adoption individuelle

Aux termes du premier alinéa de l’article 343-1 du code civil, l’adoption peut être demandée par toute personne seule, sous réserve qu’elle soit âgée de plus de vingt-huit ans. Peu importe qu’elle soit célibataire, mariée, liée par un pacte civil de solidarité, divorcée ou veuve.

Si elle est mariée, cette personne doit toutefois obtenir le consentement de son conjoint si celui ne souhaite pas lui-même adopter l’enfant, sauf si les époux sont séparés de corps, en application du second alinéa du même article.

L’adoption plénière de l’enfant du conjoint est par ailleurs permise par l’article 345-1 du code civil lorsque :

– l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint ;

– l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ;

– l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ;

– l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.

En application de l’article 360 du code civil, l’enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l’être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme simple.

La condition d’âge posée à l’article 343-1 n’est pas exigée en cas d’adoption de l’enfant du conjoint en application de l’article 343-2.

Le code civil ne pose aucune condition quant aux choix de vie du candidat à l’adoption. En particulier, dans le cas où l’adoption est soumise à un agrément administratif préalable, l’orientation sexuelle du candidat ne peut justifier en soi un refus d’agrément.

La Cour européenne des droits de l’homme estime ainsi que la prise en compte de l’homosexualité, même implicite, constitue une discrimination au regard des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et que seules des raisons particulièrement graves et convaincantes pourraient justifier le refus d’agrément ([9]). Le Conseil d’État reconnaît également que refuser l’agrément à une personne qui souhaite adopter, au seul motif qu’elle est homosexuelle, n’est pas légal ([10]).

b.   L’adoption conjugale

L’adoption peut également être demandée conjointement par deux époux.

L’article 343 du code civil précise les conditions requises pour l’adoption conjugale : les deux époux doivent être non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ([11]).

La condition liée au mariage a pour objectif d’apporter une garantie de stabilité supplémentaire à l’enfant, tandis que celle relative à la durée du mariage ou, alternativement, à l’âge des époux, a pour but de permettre un temps d’épreuve de la fécondité du couple ([12]) ou encore d’offrir un gage de maturité.

Combiné à la lecture de l’article 346 du même code, qui dispose que « Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux » ([13]), l’article 343 a pour conséquence que deux personnes liées par un pacte civil de solidarité ou deux concubins ne peuvent pas adopter conjointement un enfant. Dans ces couples, la demande d’adoption ne peut être présentée qu’à titre individuel et l’adoption est nécessairement unilinéaire.

En effet, il apparaît que des concubins n’ont aucun lien juridique entre eux – le concubinage est défini, par l’article 515-18 du code civil, comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple » et que le pacte civil de solidarité n’a pour objet que de fournir un cadre légal permettant à un couple d’organiser sa vie commune – il est défini comme « un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune » par l’article 515-1 du code civil.

Aussi est-il longtemps apparu, aux yeux de la société française, que les personnes vivant en concubinage ou liées par un pacte civil de solidarité ne pouvaient adopter conjointement.

La Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises que l’adoption d’un enfant ne peut résulter que de la volonté d’un couple marié ou du conjoint du parent biologique de l’enfant. Ainsi, la Cour a-t-elle rejeté l’adoption plénière présentée par une concubine, en l’espèce séparée de la mère biologique de l’enfant sans filiation paternelle, aux motifs que le droit au respect d’une vie familiale normale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’impose pas de consacrer « tous les liens d’affection fussent-ils anciens et établis » et que l’adoption plénière a pour effet de conférer à l’enfant une filiation se substituant à sa filiation d’origine ([14]).

Par conséquent, pour les concubins ou les personnes liées par un pacte civil de solidarité, seule l’adoption individuelle est admise et le concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité qui n’est pas l’adoptant demeure un tiers vis-à-vis de l’adopté.

Cependant, en application de l’article 371-4 du code civil, si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités de ses relations avec un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation et a noué avec lui des liens affectifs. Il a ainsi notamment été décidé qu’au vu de l’intérêt supérieur de l’enfant, il y avait lieu de reconnaître à l’ex-compagne de la mère de l’enfant un droit de visite et d’hébergement sur ce dernier, déclaré sans paternité, dès lors que les parties vivaient en couple lors de la naissance de l’enfant, qu’il existait un projet parental commun au moment de sa conception et que la compagne avait toujours pourvu à l’entretien et l’éducation de cet enfant ([15]).

Il a lieu de souligner, en revanche, que depuis que le mariage a été ouvert par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 aux couples de personnes de même sexe, l’adoption conjointe est permise pour ces derniers dans les mêmes conditions que pour les couples de personnes de sexe différent.

À cet égard, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013 relative à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, que le choix du mode d’établissement de la filiation, notamment la prise en compte, ou non, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d’un homme et d’une femme pour choisir ce mode de filiation – en l’occurrence pour l’adoption pour les couples de même sexe –, relève du législateur qui a compétence exclusive pour fixer les règles relatives à l’état et à la capacité des personnes en application de l’article 34 de la Constitution ([16]).

Le Conseil a également souligné que « les couples de personnes de même sexe qui désirent adopter un enfant seront soumis, comme ceux qui sont formés d’un homme et d’une femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à accueillir un enfant en vue de son adoption » ([17]).

Pour sa part, la Cour européenne de droits de l’homme a reconnu l’égalité des couples de personnes de même sexe et des couples de personnes de sexe différent à l’égard de la parentalité, voyant dans l’interdiction d’adopter opposée aux couples de personnes de même sexe une discrimination et une violation du droit au respect de la vie privée et familiale posé par l’article 8 de la Convention de 1950 ([18]).

2.   La réforme proposée

À une époque où le concubinage était encore un phénomène marginal, la condition liée au mariage se justifiait parce qu’elle était censée apporter une garantie de stabilité, jugée nécessaire lorsqu’il s’agit d’un acte aussi grave que l’adoption d’un enfant, qui a déjà un passé.

Toutefois, le modèle de la famille française a profondément évolué depuis quarante ans. De la famille reposant sur un père et une mère mariés, on est passé à des familles qui peuvent être monoparentales, composées de deux parents – de sexe opposé ou de même sexe –, mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou concubins ou encore au sein desquelles il n’est pas rare, à la faveur de la recomposition, que plusieurs adultes concourent à l’éducation des enfants.

Le fait de réserver l’adoption uniquement aux couples mariés est, de nos jours, mal compris et vivement critiqué. L’ouverture de l’adoption à une personne seule, qui peut vivre en couple, et l’accès à l’assistance médicale à la procréation pour les couples hétérosexuels, mariés ou non, en application de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, révèlent l’incohérence qui caractérise les restrictions entourant l’adoption.

La différence de régime entre l’accès à l’assistance médicale à la procréation et l’adoption était en partie justifiée par le fait que l’assistance médicale à la procréation avait pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité et qu’elle procédait de la seule idée de soins, alors que l’adoption consiste, selon la formule de la Cour de cassation, à conférer une famille à un enfant qui n’en a pas.

Cette différence ne trouve plus d’explication dès lors que, dans le cadre de l’examen actuellement en cours du projet de loi relatif à la bioéthique, le critère d’infertilité pathologique ou de transmission d’une maladie particulièrement grave a vocation à être supprimé et le recours à l’assistance médicale à la procréation à être ouvert aux femmes seules et aux couples de femmes.

Alors que la Cour de cassation a affirmé que « l’article 346 du code civil, qui réserve l’adoption conjointe à des couples unis par le mariage, ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français » ([19]), l’article 2 de la proposition de loi propose d’ouvrir l’adoption aux personnes liées par un pacte civil de solidarité et aux concubins.

Il s’agit ainsi de mettre fin à la différence de traitement face à l’adoption entre les couples mariés – qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels – et les couples non mariés – qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent –, conformément à la recommandation n° 16 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([20]).

À cet effet, l’article 2 de la proposition de loi propose une nouvelle rédaction de l’article 343 :

– l’alinéa 1er prévoit que l’adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins ;

– l’alinéa 2 reprend les conditions, alternatives, liées à la durée d’une communauté de vie d’au moins deux ans et au fait que chaque adoptant doit être âgé de plus de vingt-huit ans.

L’article 2 ouvre également l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, dont les conditions sont définies à l’article 345-1, aux concubins et aux personnes liées par un pacte civil de solidarité.

Il tire enfin les conséquences de l’ouverture de l’adoption aux couples non mariés aux articles 343-1, 343-2, 344, 346, 348-5, 353-1, 356, 357, 360, 363, 365, 366, 370-3 du code civil.

Ainsi, l’article 2 s’inscrit dans la même logique de modernisation de l’adoption que celle promue par le Sénat lors de l’examen, en première lecture, de l’article 4 du projet de loi relatif à la bioéthique, en ce qui concerne l’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation par un couple de femmes.

Le Sénat avait en effet fait le choix de consacrer le principe selon lequel la mère est la femme qui accouche et d’établir la filiation de l’autre femme par la voie d’une procédure d’adoption accélérée et avait, en conséquence, ouvert l’adoption à tous les couples liés par un pacte civil de solidarité ou en concubinage.

Alors que l’Assemblée nationale est revenue, à juste titre, en deuxième lecture, au principe d’une filiation établie sur le fondement de la volonté exprimée par les deux mères par la reconnaissance conjointe, elle marquerait, grâce à l’adoption du présent article, sa volonté partagée d’ouvrir l’adoption aux personnes liées par un pacte civil de solidarité ou aux concubins.

3.   La position de la Commission

Outre quatre amendements de précision rédactionnelle – deux de la rapporteure, un de M. Brindeau (UDI) et un de Mme Galliard-Minier (LaREM) – la Commission a adopté deux amendements de la rapporteure qui abaissent l’âge minimum requis de la part des futurs adoptants– qu’il s’agisse d’une adoption par une personne seule ou par un couple – de vingt-huit à vingt-six ans ainsi que, dans le cas de l’adoption par un couple, la durée minimale de communauté de vie de deux à un an.

*

*     *

Article 2 bis
Rapport sur l’adoption individuelle

Introduit par la Commission

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement présenté par M. Xavier Breton (LR), sous-amendé par M. Erwan Balanant (Dem), afin de prévoir que le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux de l’adoption par les personnes célibataires âgées de plus de vingt-six ans.

*

*     *

Article 3
(art. 344 du code civil)
Écart d’âge maximum entre les adoptants et l’enfant adopté

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de fixer un plafond à l’écart d’âge entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 344 du code civil n’a été modifié que par la loi n° 76-1179 du 22 décembre 1976 modifiant certaines dispositions relatives à l’adoption afin de prévoir que le tribunal peut, s’il y a de justes motifs, prononcer l’adoption lorsque la différence d’âge est inférieure à quinze ans ou dix ans si l’adoption concerne les enfants du conjoint.

       Position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels de la rapporteure, la Commission a adopté deux amendements portant l’écart d’âge maximum entre les adoptants et l’adopté de quarante-cinq à cinquante ans et prévoyant une possibilité de dérogation en cas d’accord du conseil de famille et sous réserve qu’il y ait de justes motifs.

1.   L’état du droit

En application de l’article 344 du code civil, il doit exister un écart d’âge minimum entre les adoptants et les enfants qu’ils se proposent d’adopter, qui est fixé à quinze ans.

Prévu dans le cadre de l’adoption plénière et de l’adoption simple ([21]), cet écart de génération a été introduit dans le code civil afin d’imiter les conditions d’une filiation biologique. En effet, l’adoption créant un lien de parenté, il importe que les adoptants puissent jouer le rôle de parents.

Deux exceptions sont toutefois prévues.

Tout d’abord, pour l’adoption de l’enfant ou des enfants du conjoint, la différence est ramenée à dix ans. Cette exception est justifiée par le fait que l’adoption de l’enfant de son conjoint ne poursuit pas nécessairement les mêmes objectifs. Elle est en effet souvent motivée par le souhait de consacrer juridiquement l’existence de relations affectives et d’améliorer la transmission patrimoniale, en particulier lorsqu’elle vise des enfants majeurs dans le cadre de recompositions familiales.

Ensuite, le juge peut prononcer l’adoption, même si la différence d’âge est moindre, dès lors que de justes motifs le justifient. Ainsi, l’adoption, simple en l’espèce, par une femme des deux enfants de son conjoint a été admise alors que la condition tenant à la différence d’âge n’était pas remplie pour l’un des enfants dès lors qu’il existait des liens affectifs très étroits et réciproques entre eux et que l’adoptante, n’ayant pas elle-même d’héritiers, souhaitait que les deux enfants deviennent ses héritiers en ligne directe ([22]).

2.   La réforme proposée

L’article 3 de la proposition de loi propose de compléter l’article 344 du code civil afin d’introduire un écart d’âge maximum de quarante-cinq ans entre les adoptants et le ou les enfants adoptés.

Suivant une recommandation formulée par le groupe de travail consacré à la protection de l’enfance et à l’adoption, présidé par Mme Adeline Gouttenoire ([23]), et reprise dans le rapport sur l’adoption présenté par Mmes Monique Limon et Corinne Imbert ([24]), cette disposition a pour objectif d’éviter que plusieurs générations séparent l’enfant adopté et ses parents électifs.

Il s’agit en particulier de ne pas exposer l’adopté à une chance moindre d’avoir un parent adoptif à même de répondre à l’ensemble de ses besoins lorsqu’il approche de l’âge de la majorité. Cette exigence est, en outre, d’autant plus justifiée dans le cas des enfants atteints de handicaps car il est contraire à leur intérêt d’être adoptés par des personnes qui ne pourront pas les prendre en charge sur une longue durée alors qu’ils en ont particulièrement besoin.

Le 1° de l’article 3 ajoute donc à l’article 344 que l’écart entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter ne doit pas excéder quarante-cinq ans, tout en précisant que cette règle n’est pas applicable à l’adoption des enfants du conjoint, du partenaire de pacte civil de solidarité ou du concubin.

Le 2° prévoit que le tribunal peut écarter cette condition d’écart d’âge maximum s’il existe de justes motifs.

3.   La position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels de la rapporteure, la Commission a adopté deux amendements assouplissant la nouvelle règle relative à l’écart d’âge maximum entre les adoptants et l’adopté. Il s’agit de mieux tenir compte des évolutions de la société et de l’allongement de l’espérance de vie.

Le premier amendement, proposé par la rapporteure, porte cet écart d’âge de quarante-cinq à cinquante ans.

Le second, proposé par M. Raphaël Gérard (LaREM) et ayant reçu un avis favorable de la rapporteure, prévoit qu’il peut être dérogé à cette règle si le conseil de famille donne son accord et qu’il y a de justes motifs.

*

*     *

Article 4
(art. 345 du code civil)
Adoption des enfants âgés de plus de quinze ans

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de favoriser l’adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans en prévoyant une nouvelle exception au principe selon lequel celle-ci ne peut concerner que les mineurs de moins de quinze ans.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 345 du code civil a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires afin de préciser les modalités de recueil du consentement de l’enfant à son adoption plénière et d’offrir à cet enfant la possibilité de se rétracter à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption.

       Position de la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

1.   L’état du droit

En application de l’article 345 du code civil, l’adoption plénière ne peut concerner que les enfants âgés de moins de quinze ans, accueillis au foyer du ou des adoptants depuis au moins six mois.

Cette condition a été posée car le législateur a estimé qu’à cet âge l’intégration de l’enfant dans sa nouvelle famille serait facilitée.

Par exception, un enfant âgé de quinze ans et plus peut être adopté :

– par des personnes qui l’avaient accueilli avant d’avoir atteint cet âge mais ne remplissaient pas les conditions légales pour adopter, compte tenu de leur âge ou de la durée de leur mariage par exemple ;

– ou par des personnes qui avaient choisi l’adoption simple avant ses quinze ans.

Dans ces deux cas, l’adoption plénière peut être demandée pendant la minorité de l’enfant et dans les deux ans suivant sa majorité.

En toute hypothèse, si l’enfant a plus de treize ans, il doit consentir personnellement à son adoption. Ce consentement est donné devant un notaire français ou étranger ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français ; il peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis. Il peut être rétracté à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption.

2.   La réforme proposée

L’article 4 de la proposition de loi complète l’article 345 du code civil afin de favoriser l’adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans, en particulier par les personnes qui les ont accueillis au titre de l’aide sociale à l’enfance.

À cet effet, il ajoute une nouvelle exception au principe selon lequel l’adoption plénière ne peut concerner que les mineurs âgés de moins de quinze ans en prévoyant le cas où l’enfant ne remplit pas les conditions légales pour être adopté.

En effet, aux termes de l’article 347 du code civil, seuls peuvent être adoptés :

– les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l’adoption ;

– les pupilles de l’État ;

– les enfants déclarés judiciairement abandonnés.

Or, cette condition d’appartenance à une catégorie légalement définie d’enfants adoptables constitue, aujourd’hui, un obstacle majeur à l’adoption plénière puisque le nombre d’enfants adoptables en France est nettement inférieur au nombre de candidats adoptants.

Il s’agit donc d’étendre la possibilité d’une adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans aux enfants qui ne relèvent pas d’une de ces trois catégories.

Devraient notamment être concernés les enfants qui, à la suite des carences éducatives de leurs parents, ont été placés par le juge des enfants dans une famille d’accueil et voient leurs parents se désintéresser d’eux progressivement. Ces enfants sont en effet maintenus dans un lien de filiation à l’égard de parents, alors que leurs familles d’accueil, qui souhaitent les adopter, ne le peuvent pas car ils n’ont pas le statut de pupille de l’État et que leurs parents ne consentent pas à l’adoption.

Comme dans les cas déjà visés à l’article 345, l’adoption plénière pourra être demandée pendant la minorité de l’enfant et dans les deux ans suivant sa majorité et l’enfant, s’il est âgé de plus de treize ans, devra donner personnellement son consentement.

3.   La position de la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

*

*     *

Article 5
(art. 351 et 361 du code civil)
Placement en vue d’adoption

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de sécuriser la période de placement en vue de l’adoption.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 351 du code civil a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption afin de ramener de trois à deux mois le délai pendant lequel il ne peut y avoir de placement en vue de l’adoption, lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Aux termes de l’article 351 du code civil, le placement de l’enfant en vue de l’adoption plénière consiste en la remise effective aux futurs adoptants d’un enfant pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l’adoption (par le service de l’aide sociale à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption), d’un pupille de l’État ou d’un enfant déclaré abandonné par décision judiciaire.

Lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie, il ne peut y avoir de placement en vue de l’adoption pendant un délai de deux mois à compter du recueil de l’enfant, délai pendant lequel les parents de naissance peuvent reprendre l’enfant sans aucune formalité.

En général, un jeune enfant n’est pas remis directement aux futurs parents. La prise de contact de la famille avec l’enfant se fait progressivement au cours de visites répétées à l’endroit où l’enfant vit habituellement. Ce n’est qu’au terme d’un certain délai, généralement assez court, que les parents peuvent accueillir l’enfant chez eux.

L’enfant vit alors chez ses parents, mais la demande d’adoption plénière ne peut être examinée avant un délai de six mois. Pendant cette période, l’enfant reste sous le contrôle du service ou de l’organisme qui l’a confié aux candidats à l’adoption, conformément à l’article L. 225-18 du code de l’action sociale et des familles.

Ce placement préalable a pour objet de permettre au juge d’apprécier l’entente réciproque entre l’adopté et l’adoptant.

a.   Les effets du placement à l’égard de la famille d’origine

En application de l’article 352 du code civil, le placement a pour conséquence de bloquer la situation, c’est-à-dire d’empêcher toute restitution de l’enfant et tout établissement du lien de filiation.

En effet, alors qu’aux termes de l’article 348 du code civil, les parents biologiques qui ont consenti à l’adoption peuvent revenir sur leur décision, à partir du moment où l’enfant fait l’objet d’un placement en vue de l’adoption auprès d’une famille, il ne peut plus être repris par sa famille d’origine

Le placement fait également échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance de la part des parents biologiques.

b.   Les effets du placement à l’égard de la famille d’adoption

Tant que le jugement d’adoption n’est pas devenu définitif, l’enfant pupille de l’État reste sous la tutelle du préfet et du conseil de famille des pupilles. Les futurs parents adoptifs doivent donc solliciter du tuteur toute autorisation requise du représentant légal de l’enfant et rester en relation avec le conseil de famille, qui continue à prendre les décisions les plus graves concernant l’enfant, en application de l’article R. 224-24 du code de l’action sociale et des familles.

L’enfant vit au foyer de son ou ses futurs parents adoptifs, qui accomplissent, à leurs frais, tous les actes usuels qui relevaient jusque-là de l’aide sociale à l’enfance (hébergement, entretien, santé, éducation, loisirs, etc.), ce service les accompagnant jusqu’à la transcription du jugement d’adoption plénière, conformément à l’article R. 225-28 du même code.

Les personnes qui accueillent un enfant bénéficient des mêmes avantages sociaux que ceux attachés à la naissance d’un enfant, qu’il s’agisse, par exemple, du congé d’adoption indemnisé ou du congé parental d’éducation. Elles bénéficient également des prestations familiales, dès lors qu’elles ont la charge effective et permanente de l’enfant.

En matière d’impôt sur le revenu, l’enfant est pris en compte pour l’application du quotient familial.

2.   La réforme proposée

Alors que le placement constitue, selon les termes de Jean Carbonnier, une « pré-adoption », l’article 5 de la proposition de loi a pour objet de sécuriser cette période essentielle, qui court du moment où l’enfant est confié à ses futurs parents jusqu’au prononcé du jugement d’adoption qui établit le lien de filiation, et de l’étendre à l’adoption simple.

a.   La sécurisation du placement

● L’article 5 modifie tout d’abord l’article 351 du code civil afin de prévoir que le placement en vue de l’adoption « débute », et non plus « est réalisé » par la remise effective de l’enfant aux futurs adoptants. Il s’agit ainsi de réduire les incertitudes quant à la date du début de la période de placement.

● Il complète également l’article 351 afin de préciser les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale, en énonçant que les futurs adoptants peuvent réaliser, pendant cette période, les actes usuels de l’autorité parentale.

En effet, pendant la période du placement, les futurs adoptants ne sont pas les parents de l’enfant. Ils ne sont donc pas investis de l’autorité parentale. Pour autant, ce sont eux qui s’occupent de l’enfant au quotidien. Il est donc nécessaire qu’ils puissent réaliser les actes usuels de l’autorité parentale.

Il s’agit d’une précision importante apportée dans le code civil car elle permet de clarifier le type d’actes que les futurs parents peuvent accomplir pendant le placement et de sécuriser leurs rapports avec les tiers.

Si le code civil ne définit pas la notion d’acte usuel, les tribunaux considèrent qu’il s’agit d’un acte de la vie quotidienne sans gravité qui s’inscrit dans la continuité du passé et n’engage pas l’avenir de l’enfant. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a ainsi précisé, dans un dossier d’assistance éducative, que les actes usuels se définissent comme « des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l’enfant, ou encore, même s’ils revêtent un caractère important, des actes s’inscrivant dans une pratique antérieure non contestée » ([25]).

Les actes obligatoires, comme la scolarisation des enfants à compter de l’âge de trois ans ou l’administration des vaccins obligatoires sont considérés en général comme des actes usuels, tandis que ceux susceptibles de donner lieu à une appréciation au cas par cas, comme le choix d’une orientation scolaire, d’une école confessionnelle ou encore une autorisation d’opérer, ne le sont pas.

L’article 5 permet d’établir un cadre juridique identique à celui du tiers auquel un enfant a été confié au profit du futur adoptant. En effet, aux termes de l’article 373-4 du code civil, lorsque l’enfant a été confié à un tiers, par le juge aux affaires familiales, l’autorité parentale continue d’être exercée par les père et mère, toutefois, la personne à qui l’enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation.

● L’article 5 substitue enfin au terme « abandonné » le mot « délaissé » afin de tirer les conséquences du remplacement, par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, de la déclaration judiciaire d’abandon par la déclaration judiciaire de délaissement parental.

b.   L’extension du placement à l’adoption simple

L’article 5 modifie l’article 361 du code civil afin d’ajouter l’article 351 à la liste des articles pouvant s’appliquer également à l’adoption simple.

Toutefois, il n’est pas proposé que ce placement emporte, comme pour l’adoption plénière en vertu de l’article 352, l’interdiction de toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine.

3.   La position de la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

*

*     *

Article 6
(art. 343-3 [nouveau] du code civil)
Interdiction de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe
et entre frères et sœurs

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’interdire l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

À l’exception du cas de l’enfant issu d’une relation incestueuse ([26]), aucun texte n’interdit l’adoption entre des personnes déjà unies par un lien de parenté ou d’alliance (frère et sœur, oncle et neveu, grand-parent et petit-enfant, etc.). Aucun texte n’organise non plus l’adoption d’un membre de la famille.

La doctrine a déduit de la lecture de l’article 348-5 du code civil ([27]) que le législateur n’a pas voulu édicter une interdiction générale des adoptions intrafamiliales et a laissé au juge le soin de sanctionner les abus.

Ainsi, l’adoption entre époux ou concubins n’est pas admise car elle substituerait un lien de filiation à un lien conjugal ([28]).

L’adoption de l’enfant du conjoint par deux beaux-parents se révèle impossible puisque nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est pas deux époux ([29]).

Au-delà de ces interdictions générales, les tribunaux prennent en compte, avant de prononcer l’adoption au sein de la parenté, le but de l’institution, la motivation de l’adoptant et l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, les tribunaux refusent de la prononcer lorsqu’elle réalise une fraude, en particulier lorsqu’elle est demandée dans le seul dessein de détourner le jeu normal de l’établissement de la filiation ou bien encore lorsqu’elle est source de confusion dans l’esprit de l’enfant. L’adoption d’un enfant par son grand-père a ainsi été refusée, au motif qu’elle n’était demandée que pour empêcher le père naturel de reconnaître son fils ([30]).

L’adoption ne saurait, en particulier, être motivée par le seul intérêt patrimonial ou fiscal de l’enfant ([31]).

2.   La réforme proposée

L’article 6 de la proposition de loi a pour objet de créer un article 343-3 dans le code civil, afin d’interdire l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs.

Si ces adoptions sont rares – elles représenteraient moins de 0,5 % des décisions d’adoption plénière prononcées par les tribunaux ([32]) –, il convient d’éviter les confusions de générations et de places familiales, susceptibles d’entraîner un bouleversement anormal de l’ordre familial.

En application de l’article 361, qui détermine le régime juridique de l’adoption simple par renvoi aux dispositions relatives à l’adoption plénière, cette nouvelle disposition vaudrait tant pour l’adoption plénière que pour l’adoption simple.

3.   La position de la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

*

*     *

Article 7
(art. 348-3 et 370-3 du code civil)
Consentement des parents à l’adoption de leur enfant

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’étendre la portée de la définition du consentement à l’adoption, aujourd’hui restreinte à l’adoption internationale, à toutes les adoptions, qu’elles soient internes ou internationales.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 348-3 du code civil a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires afin de supprimer la possibilité de donner son consentement à l’adoption devant le greffier en chef du tribunal d’instance.

Créé par la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale, l’article 370-3 n’a pas fait l’objet de modification.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement précisant que la définition du consentement vaut quelle que soit la loi applicable.

1.   Le consentement des parents à l’adoption de leur enfant

a.   Dans le cadre national

Malgré le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, il est permis aux parents de consentir à ce que leur enfant fasse l’objet d’une adoption. Le consentement doit émaner des deux parents si la filiation est établie à leur égard, en application de l’article 348 du code civil. En présence d’un seul parent, son accord suffit (article 348-1). En l’absence de parents, c’est le conseil de famille qui doit consentir (article 348-2) ([33]).

Le consentement à l’adoption est un acte grave. Aussi l’article 348-3 du code civil prévoit-il un certain formalisme ainsi que des modalités de rétractation. Au-delà, aucune condition de recevabilité à ce consentement n’est expressément posée.

● En application de son alinéa 1er, le consentement à l’adoption doit être donné devant un notaire français ou étranger, ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français.

La forme authentique est prescrite pour garantir l’intégrité du consentement. Ainsi, le consentement à l’adoption donné par le père naturel lors de son audition par la police n’est pas valable ([34]).

À cette condition de forme, l’article 1165 du code de procédure civile ajoute une exigence préalable d’information en énonçant que « les personnes habilitées à recevoir un consentement à l’adoption doivent informer celui qui le donne de la possibilité de le rétracter et des modalités de la rétractation ». Le juge considère que le fait que cette information ait été donnée doit impérativement figurer dans l’acte constatant le consentement pour l’adoption.

En application de l’alinéa 1er de l’article 348-3, le consentement peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis.

Dans ce cas, la forme authentique est écartée. L’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit l’établissement d’un procès-verbal mentionnant que les parents à l’égard de qui la filiation de l’enfant est établie, la mère ou le père de naissance de l’enfant ou la personne qui a remis l’enfant, ont été informés :

– des mesures instituées, notamment par l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale pour aider les parents à élever eux-mêmes leurs enfants ;

– des dispositions du régime de la tutelle des pupilles de l’État et des modalités d’admission en cette qualité ;

– des délais et conditions suivant lesquels l’enfant pourra être repris par ses père ou mère ;

– de la possibilité de laisser tous renseignements concernant la santé des père et mère, les origines de l’enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance.

En outre, lorsque l’enfant, dont la filiation est établie, est remis au service par ses père et mère ou l’un d’entre eux, en vue de son admission comme pupille de l’État, ces derniers doivent être invités à consentir à son adoption. Le consentement est porté sur le procès-verbal ; ce document doit également mentionner que les parents ont été informés des délais et conditions dans lesquels ils peuvent rétracter leur consentement. Cette procédure a pour but de permettre un placement plus rapide de l’enfant.

À l’exception du cas où il existe un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au sixième degré inclus entre l’adoptant et l’adopté, le consentement à l’adoption d’un enfant de moins de deux ans n’est valable que si l’enfant a été effectivement remis au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption, en application de l’article 348-5 du code civil. Il en résulte que le consentement à l’adoption d’un enfant de moins de deux ans qui, à l’époque où le consentement a été donné, n’était plus confié, même temporairement au service de l’aide sociale à l’enfance est dénué d’effet. Il s’ensuit qu’en l’absence d’un nouveau consentement donné conformément à l’article 348-5 le délai de rétractation de deux mois n’a pu commencer à courir du jour où l’enfant a atteint sa deuxième année ([35]).

● Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 348-3, le consentement à l’adoption peut être rétracté pendant deux mois. La rétractation doit être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la personne ou au service qui a reçu le consentement à l’adoption. La remise de l’enfant à ses parents sur demande même verbale vaut également preuve de la rétractation.

Par ailleurs, lorsque la filiation d’un enfant est établie à l’égard de son père et de sa mère et que ceux-ci ont tous deux consenti à l’adoption, la rétractation régulière par la mère de son consentement fait obstacle à l’adoption, sans qu’il puisse être prétendu que le consentement donné par le père et la mère n’auraient pu être valablement rétracté que par ces deux parents ([36]).

Aux termes de l’alinéa 3 du même article, si, à l’expiration du délai de deux mois, le consentement n’a pas été rétracté, les parents peuvent encore demander la restitution de l’enfant à condition que celui-ci n’ait pas été placé en vue de l’adoption. Si la personne qui l’a recueilli refuse de le rendre, les parents peuvent saisir le tribunal qui apprécie, compte tenu de l’intérêt de l’enfant ([37]), s’il y a lieu d’en ordonner la restitution. La restitution rend caduc le consentement à l’adoption.

Il s’agit d’éviter tout conflit entre les parents biologiques et les parents adoptifs, en laissant, d’une part, une grande possibilité de repentir aux parents biologiques jusqu’au jour du placement pour adoption et en donnant, d’autre part, une garantie aux adoptants puisque l’enfant, une fois placé, ne peut être repris par ses parents biologiques.

Enfin, la rétractation ayant pour effet d’anéantir l’acte de consentement, si les parents souhaitent revenir sur leur rétractation, un nouveau consentement doit être donné dans les formes prescrites par l’article 348-3 ([38]).

b.   Dans le cadre international

Posant un cadre légal à l’adoption internationale, l’article 370-3 du code civil définit des règles de conflit de lois en cas de filiation adoptive.

Son alinéa 1er prévoit ainsi que les conditions de l’adoption sont régies par la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union ; l’adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l’un et l’autre époux la prohibe.

Son alinéa 2 précise que l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France.

Son alinéa 3 définit une règle matérielle pour le consentement du représentant légal. Il énonce que « quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ».

Il s’agit ainsi d’apprécier le contenu du consentement à une adoption indépendamment du droit du pays de l’enfant, d’éviter un consentement forcé de la famille d’origine et de s’assurer que le consentement a été donné en pleine connaissance des effets attachés à l’adoption.

S’alignant sur l’article 4 c) de la convention de La Haye du 29 mai 1993, l’alinéa 3 prévoit en effet que le consentement ne pourra produire de conséquences que s’il présente certaines qualités :

– il doit être donné de manière libre et éclairée. En particulier, il ne doit pas avoir été donné sous l’empire de la violence et celui qui l’a donné ne doit pas avoir commis d’erreur sur un élément substantiel de son engagement ([39]) ;

– il doit être postérieur à la naissance, afin d’éviter les conventions de mères porteuses ;

– il doit être obtenu sans contrepartie, car il s’agit de tenir la personne humaine hors commerce.

Une dernière condition, essentielle, est posée quant à la portée du consentement. S’il s’agit en particulier d’une adoption plénière, l’accent est mis sur le caractère complet et total de la rupture du lien de filiation.

2.   La réforme proposée

L’article 7 de la proposition de loi inscrit les conditions de recevabilité du consentement à l’adoption, qui figurent aujourd’hui à l’article 370-3, consacré à l’adoption internationale, en tête de l’article 348-3, qui définit les modalités de recueil du consentement.

Il convient en effet, conformément à la recommandation n° 17 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([40]), de prévoir que la définition du consentement à l’adoption concerne l’ensemble des adoptions, et pas uniquement l’adoption internationale.

L’article 7 reprend la disposition selon laquelle « le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant », en ôtant la précision relative au consentement nécessaire du représentant légal.

Cette dernière mention n’est effectivement pas opportune. En effet, en droit interne, en l’absence de parents, le consentement à l’adoption est donné par le conseil de famille de droit commun ou des pupilles de l’État, et non par le représentant légal de l’enfant, qui est le tuteur. En outre, la notion de représentant légal, qui renvoie à l’exercice de l’autorité parentale, pourrait conduire à considérer que le consentement doit être donné par le titulaire des droits de l’autorité parentale – délégataire ou adoptant simple – ou qui exerce la tutelle. Or, le consentement à l’adoption ne relève pas de l’exercice de l’autorité parentale et ne peut être délégué, en application de l’article 377-3 du code civil.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement de la rapporteure afin de clarifier le fait que les dispositions relatives à la définition du consentement à l’adoption constituent une règle fondamentale qui relève de l’ordre public international et qui, par conséquent, doit être respectée quelle que soit la loi applicable.

*

*     *

Article 8
(art. 348-6 du code civil)
Adoption du mineur âgé de plus de treize ans ou du majeur protégé
hors d’état de donner son consentement

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la possibilité, pour le tribunal, de passer outre l’absence de consentement d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état de s’exprimer, si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’adopté.

       Dernières modifications législatives intervenues

Depuis sa création en 1966, l’article 348-6 du code civil n’a été modifié qu’une fois, par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, afin d’y supprimer la distinction entre les parents légitimes et naturels.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

1.   L’adoption d’une personne hors d’état d’y consentir n’est pas possible

En l’état du droit, l’adoption d’un mineur de plus de treize ans ou d’un majeur hors d’état d’y consentir n’est pas possible.

En effet, aux termes du troisième et dernier alinéa de l’article 345 du code civil, l’adopté, s’il a plus de treize ans, doit consentir personnellement à son adoption plénière. Ce consentement doit être donné selon les formes prévues à l’article 348-3 du code civil ([41]). Il peut être rétracté à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption.

Il en va de même en matière d’adoption simple, en application des articles 360 et article 361.

La capacité requise pour être adopté est celle du droit commun. Pour recevoir plein effet, le consentement doit être donné par une personne saine d’esprit, en application de l’article 414-1 du code civil qui dispose que « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit ».

Aussi, dès lors qu’une personne souffre d’une altération de ses facultés mentales, elle ne peut manifester sa volonté et consentir valablement à son adoption, même si celle-ci est conforme à son intérêt.

Certes, il a été jugé, dans le passé, qu’il y avait lieu, à la requête du procureur de la République, de nommer un administrateur ad hoc et de l’autoriser à donner, au nom de l’enfant inapte à exprimer valablement son accord, le consentement nécessaire ([42]).

Toutefois, la Cour de cassation a jugé que le consentement d’une personne protégée à sa propre adoption est un acte strictement personnel et ne peut être donné par son tuteur ([43]).

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, l’article 458 du code civil précise que « sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée », avant d’ajouter que, parmi ces actes réputés strictement personnels, figurent « la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ».

Ainsi, la personne dont les facultés mentales sont gravement altérées ne peut pas consentir elle-même à son adoption et nul ne peut la représenter ou l’assister dans le cadre de son adoption, même si le juge des tutelles a désigné un curateur ou un tuteur.

2.   La réforme proposée

L’article 8 de la proposition de loi propose de remédier à cette situation en complétant l’article 348-6 du code civil, relatif au prononcé de l’adoption par le tribunal en cas de refus abusif de consentement à l’adoption opposé par les parents ou par le conseil de famille, lorsqu’ils se sont désintéressés de l’enfant au risque d’en compromettre la santé ou la moralité.

Il prévoit que lorsque le mineur âgé de plus de treize ans ([44]) ou le majeur protégé est hors d’état de consentir personnellement à son adoption, le tribunal peut passer outre l’absence de consentement, après avoir recueilli l’avis du représentant légal ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’adopté.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

*

*     *

Article 9
(art. 357 et 363 du code civil)
Consentement de l’enfant à son changement de prénom lors de son adoption et à son changement de nom lors de son adoption simple

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article précise que le consentement de l’enfant âgé de plus de treize ans est requis, lors de son adoption, en cas de changement de prénom ainsi que, lors de son adoption simple, en cas d’ajout du nom de l’adoptant.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles 357 et 363 du code civil ont été modifiés pour la dernière fois par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, afin de tirer les conséquences de l’ouverture de l’adoption plénière et simple aux couples mariés de personnes de même sexe sur la dévolution du nom de famille.

       Position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de la rapporteure.

1.   Les règles relatives au choix du nom de famille et au changement de prénom en cas d’adoption

Les règles de dévolution du nom de famille sont définies par l’article 357 du code civil pour l’adoption plénière et par l’article 363 du même code pour l’adoption simple.

a.   L’adoption plénière

L’article 357 du code civil pose les règles de choix du nom de famille en matière d’adoption plénière.

DÉVOLUTION DU NOM DE FAMILLE

L’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant (alinéa 1er).

Toutefois, ce principe connaît des applications différentes selon que les parents adoptifs manifestent ou non un choix en ce domaine.

Dans le premier cas, lors de l’adoption de l’enfant du conjoint ou de l’adoption d’un enfant par deux époux, l’adoptant et son conjoint ou les adoptants choisissent, par déclaration conjointe, le nom de famille dévolu à l’enfant : soit le nom de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux (alinéa 2). Cette déclaration est faite par écrit et jointe à la requête en adoption plénière ([45]).

Comme pour les enfants disposant d’une filiation par le sang, le choix du nom de famille ne peut être exercé qu’une seule fois (alinéa 3). Cette irrévocabilité du choix opéré par les parents adoptifs tend à assurer la stabilité du nom de famille.

Dans le second cas, c’est-à-dire en l’absence de déclaration conjointe mentionnant le choix de nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de l’adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique (alinéa 4).

Lorsqu’il a été fait application de l’article 311-21 ou du deuxième alinéa de l’article 311-23, relatifs au choix du nom de famille de l’enfant lorsque la filiation est fondée sur la vraisemblance biologique  pour le premier à l’égard de ses deux parents, pour le second à l’égard d’un seul parent –, ou de l’article 357 à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour l’adopté (alinéa 5). Le nom choisi pour le premier enfant commun – que ce nom soit simple ou double – s’impose donc à tous les enfants à naître ou adoptés ultérieurement par le même couple, en application du principe d’unité du nom de la fratrie posé par la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille.

Aux termes de la circulaire de la ministre de la Justice du 29 mai 2013 ([46]), lors de la naissance des cadets ou de leur adoption en la forme plénière, les parents doivent produire une copie intégrale de l’acte de naissance du « premier enfant commun » adopté, afin que leur soit attribué le même nom. La date de la déclaration conjointe de choix de nom doit être indiquée dans l’acte de naissance de ces enfants.

Lorsque les adoptants ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à l’adopté (alinéa 6).

Outre les règles de dévolution du nom de famille, l’article 357 du code civil prévoit, en son alinéa 7, que le tribunal peut modifier les prénoms de l’adopté à la demande du ou des adoptants.

La requête aux fins de modification des prénoms doit être présentée en même temps que la requête aux fins d’adoption, pour permettre au tribunal de statuer sur ce point. Les juges ont la faculté de refuser le changement de prénoms qui n’est pas de droit.

La transcription du jugement devant servir d’acte de naissance à l’enfant, il est nécessaire que ses noms et prénoms soient définitivement arrêtés avant cette formalité.

La possibilité ouverte aux adoptants de demander le changement de prénom de l’adopté dans le cadre de l’adoption plénière a été étendue, par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, à l’adoption simple ([47]).

b.   L’adoption simple

Définies par l’article 363 du code civil, les règles de dévolution du nom de famille en matière d’adoption simple sont marquées par la philosophie qui sous-tend ce mode d’établissement de la filiation.

Son alinéa premier dispose en effet que l’adoption simple confère à l’adopté le nom de l’adoptant ajouté au sien. Toutefois, si l’adopté est majeur, il doit consentir à cette adjonction. Cette condition, ajoutée par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, a consacré la position retenue par la Cour de cassation, qui avait précisé que l’intéressé doit consentir personnellement à cette adjonction ([48]).

Le principe de l’adjonction du nom de l’adoptant à celui de l’adopté symbolise aux yeux des tiers comme de l’adopté lui-même l’existence de sa double filiation. Le juge se prononce d’ailleurs en faveur de la pratique consistant à permettre à l’enfant de conserver trace de ses origines ([49]).

Son deuxième alinéa définit les règles de choix en présence d’un nom double, que ce soit celui de l’adoptant ou de l’adopté. Le nom conféré à l’adopté résulte alors de l’adjonction du nom de l’adoptant à son propre nom, dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Le choix du nom adjoint, ainsi que l’ordre des deux noms appartiennent à l’adoptant, qui doit recueillir le consentement personnel de l’adopté s’il est âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom de l’adoptant au premier nom de l’adopté.

Son troisième alinéa pose les règles en cas d’adoption par deux époux. Le nom alors ajouté à celui de l’adopté est, à la demande des adoptants, celui de l’un d’eux, dans la limite d’un nom. Si l’adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé et l’ordre des noms adjoints appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique, au premier nom de l’adopté.

Son quatrième et dernier alinéa prévoit une dérogation au principe selon lequel le nom de l’adoptant est ajouté à celui de l’adopté simple. Le tribunal peut, en effet, décider, à la demande des adoptants, que l’adopté ne portera que le nom de l’adoptant ou, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, que l’adopté conservera son nom d’origine. En cas d’adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l’adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux et dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l’adoption. Si l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire.

Par conséquent, en l’absence de consentement, l’adopté simple garde son nom d’origine ([50]).

2.   La réforme proposée

L’article 9 de la proposition de loi précise que le consentement de l’enfant âgé de plus de treize ans est requis, lors de son adoption, en cas de changement de prénom ainsi que, lors de son adoption simple, en cas d’ajout du nom de l’adoptant.

À cet effet, il complète le dernier alinéa de l’article 357 du code civil, afin d’ajouter que si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.

Il prévoit par ailleurs, au premier alinéa de l’article 363, d’abaisser la condition de majorité fixée à l’enfant adopté pour donner son consentement à l’adjonction du nom de l’adoptant, à l’âge de treize ans.

Il s’agit ainsi d’harmoniser les conditions d’âge relatives aux changements de nom et de prénom entre les procédures de droit commun, définies par les articles 60 et 311-23, et celles propres à l’adoption.

Cette disposition s’inscrit dans la logique qui a déjà conduit le législateur à exiger le consentement personnel de l’enfant âgé de plus de treize ans pour des actes marquants, comme le consentement à sa propre adoption (article 345-1 si elle est plénière et article 360 si elle est simple).

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de la rapporteure.

*

*     *

Article 9 bis
Dispositif transitoire d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’assistance médicale à la procréation à l’étranger par un couple de femmes

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement des membres du groupe LaREM ayant recueilli un avis favorable de la rapporteure, le présent article a pour objet de prévoir que, pour les couples de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation (AMP) avant l’entrée en vigueur de la présente loi et dont la femme qui a accouché s’oppose à la reconnaissance conjointe de l’enfant devant le notaire, l’autre femme peut adopter l’enfant.

1.   L’état du droit

Aujourd’hui, en l’absence d’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes, aucune règle de droit n’organise spécifiquement la filiation des enfants.

Cependant, les règles posées par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 qui a conféré aux couples composés de personnes de même sexe le droit de se marier et a autorisé l’adoption plénière de l’enfant du conjoint ([51]) trouvent à s’appliquer, comme l’a indiqué la Cour de cassation dans deux avis du 22 septembre 2014 ([52]). La Cour a en effet estimé que « le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption par l’épouse de la mère de l’enfant né de cette procréation dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».

Il en résulte que l’établissement du lien de filiation de la mère qui donne naissance à l’enfant procède de la mention de son nom sur l’acte de naissance et celui de la mère d’intention de l’adoption de l’enfant de sa conjointe.

Toutefois, cette solution, restreinte aux seules femmes mariées, porte une atteinte excessive à la liberté de choisir son statut matrimonial et serait contraire au principe d’égalité, comme l’a souligné le Conseil d’État ([53]). En outre, elle génère une forme d’incertitude liée à la lourdeur et au caractère parfois aléatoire de la procédure d’adoption. Enfin, elle crée une insécurité juridique pendant le temps écoulé entre la naissance de l’enfant et le prononcé de l’adoption.

2.   La réforme proposée

L’article 9 bis complète le dispositif d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’AMP par un couple de femmes prévu par l’article 4 de la loi relative à la bioéthique, qui est actuellement en cours de navette parlementaire.

En effet, afin de tirer les conséquences de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes, et de la suppression de son motif thérapeutique, cet article 4 crée un mode de filiation par reconnaissance conjointe, faite devant le notaire, par les deux mères s’engageant ensemble dans leur projet d’enfant, au même moment que le consentement à l’AMP.

Ainsi, pour les couples de femmes, mariées ou non, qui auraient recours à l’AMP après l’entrée en vigueur de la loi relative à la bioéthique, la filiation à l’égard de la femme qui accouche serait établie selon les règles posées par l’article 311-25 du code civil ([54]) et celle à l’égard de l’autre femme par la reconnaissance conjointe anticipée.

Ce même article 4 prévoit un dispositif d’établissement de la filiation, pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi relative à la bioéthique, pour les couples de femmes qui auraient eu recours à une procédure d’AMP à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi.

Ainsi, ce couple de femmes pourrait faire, devant le notaire, une reconnaissance conjointe de l’enfant dont la filiation ne serait établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché. Cette reconnaissance établirait la filiation à l’égard de l’autre femme. La reconnaissance conjointe serait inscrite en marge de l’acte de naissance de l’enfant sur instruction du procureur de la République.

Conformément aux engagements pris par le garde des Sceaux lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique en deuxième lecture à l’Assemblée nationale au mois de juillet 2020, l’article 9 bis a pour objet de couvrir le cas des couples de femmes au sein desquels celle qui a accouché s’oppose à la reconnaissance conjointe rétroactive.

• À cet effet, il prévoit tout d’abord que lorsqu’un enfant, né avant l’entrée en vigueur de la présente loi, est issu d’une procréation médicalement assistée réalisée à l’étranger dans les conditions prévues par la loi étrangère et dans le cadre d’un projet parental commun de deux femmes mais que la mère désignée dans l’acte de naissance de l’enfant s’oppose, sans motif légitime, à l’établissement du lien de filiation à l’égard de l’autre femme, cette dernière peut demander l’adoption de l’enfant.

L’intervention du juge est en effet indispensable : seul le juge peut établir le second lien de filiation en cas de refus de la mère qui a accouché, puisqu’il s’agit de régler un conflit au sein d’un couple séparé, conformément à l’intérêt de l’enfant.

La femme qui n’a pas accouché doit donc apporter la preuve, d’une part, que l’enfant est issu d’une AMP réalisée dans le respect des conditions prévues par la loi étrangère et, d’autre part, qu’il existait un projet parental commun avec la femme qui a accouché. La preuve de ces éléments peut être apportée par tous moyens.

• L’article 9 bis prévoit ensuite d’adapter les règles de l’adoption afin de tenir compte des spécificités de la situation. Ainsi, l’absence de lien conjugal et la condition de recueil de l’enfant pendant six mois prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil ne pourront être opposées à cette demande.

• Il ajoute, enfin, que le tribunal prononce l’adoption si celle-ci est conforme à l’intérêt de l’enfant. Elle entraîne les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin.

Cette adoption plénière laisse donc subsister la filiation d’origine de l’enfant à l’égard de la mère qui a accouché et de sa famille, tout en créant un second lien de filiation à l’égard de l’autre mère et de sa famille. Les deux mères sont titulaires de l’autorité parentale qu’elles exercent en commun.

Conformément au régime juridique de droit commun, l’adoption par la femme qui n’a pas accouché produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête, et non au jour de la naissance de l’enfant. Il n’est, en effet, pas possible de faire rétroagir les effets de l’adoption au jour de la naissance. En matière de filiation, et particulièrement dans une situation de conflit, une telle solution entraînerait une remise en cause rétroactive des droits de la mère. Elle créerait, en outre, une rupture d’égalité entre les enfants adoptés, puisque les enfants nés d’AMP à l’étranger verraient leur filiation établie au jour de leur naissance, alors que les enfants conçus en dehors d’une AMP verraient leur filiation établie au jour du dépôt de la requête.

Ce mécanisme d’établissement de la filiation est prévu pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

*

*     *

Article 10
(art. L. 225-1 à L. 225-9 et L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles)
Agrément en vue d’adoption

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de moderniser et de sécuriser la procédure d’agrément en vue d’adoption, en mettant notamment l’accent sur la formation des candidats.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles a été modifié par la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption afin de préciser que l’agrément est délivré pour l’accueil d’un ou de plusieurs enfants simultanément, qu’il est accompagné d’une notice décrivant le projet d’adoption des personnes agréées et qu’il est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’au moins un enfant français ou étranger, ou de plusieurs simultanément.


       Position de la Commission

Outre huit amendements de précision rédactionnelle ou de coordination, la Commission a adopté deux amendements pour, d’une part, fixer la durée de validité de l’agrément en vue d’adoption à cinq ans renouvelables et préciser que tout refus ou retrait d’agrément doit être motivé et, d’autre part, rétablir l’octroi d’une aide financière, par le département, aux personnes adoptant un enfant dont le service de l’aide sociale à l’enfance leur avait confié la garde.

1.   L’agrément administratif

Issue de la loi n° 84-422 du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance et au statut des pupilles de l’État, la procédure d’agrément a pris une importance considérable dans le droit de l’adoption.

Par cette procédure, l’autorité publique souhaite s’assurer, préalablement au prononcé de l’adoption, de l’aptitude des candidats à accueillir des enfants et à les élever. Il ne s’agit pas d’un droit à adopter, ni d’un droit à accueillir l’enfant ou d’un certificat d’aptitude à être parent. Sa finalité réside dans le souci de mesurer la cohérence du projet d’adoption et d’apprécier son inscription dans l’histoire familiale des candidats.

Dès lors que l’adoption est justifiée par l’intérêt de l’enfant, il apparaît en effet justifié de vérifier que le candidat offre de bonnes garanties d’accueil, tant au plan familial, éducatif, psychologique que matériel, que l’adoption soit interne ou internationale.

Pour ce qui concerne l’adoption interne, la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 a introduit la notion d’agrément dans le code civil. Ainsi, aux termes de l’article 353‑1 tel que modifié par la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines, « dans le cas d’adoption d’un pupille de l’État, d’un enfant remis à un organisme autorisé pour l’adoption ou d’un enfant étranger qui n’est pas l’enfant du conjoint de l’adoptant, le tribunal vérifie avant de prononcer l’adoption que le ou les requérants ont obtenu l’agrément pour adopter ou en étaient dispensés ». Toutefois, il ne s’agit pas d’une condition dirimante puisque, en application du second alinéa du même article, si l’agrément a été refusé ou s’il n’a pas été délivré dans le délai légal, le tribunal peut prononcer l’adoption s’il estime que les requérants sont aptes à accueillir l’enfant et que celle-ci est conforme à son intérêt.

Pour ce qui concerne l’adoption internationale, la convention de La Haye prévoit, dans son article 5, que les autorités compétentes de l’État d’accueil doivent constater, avant une adoption internationale, que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter. Aussi l’agrément est-il indispensable pour adopter un enfant originaire d’un pays ayant ratifié la convention de La Haye, peu importe que l’adoption soit prononcée dans le pays d’origine de l’enfant ou en France. Par ailleurs, l’article L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles impose d’avoir obtenu un agrément pour adopter un enfant étranger.

Inscrites parmi les dispositions sur l’adoption des pupilles de l’État posées par les articles L. 225-1 à L. 225-10 (section 1 du chapitre V du titre II du livre II) du code de l’action sociale et des familles, les règles relatives à l’agrément relèvent plus particulièrement des articles L. 225-2 à L. 225-7. Elles trouvent leurs prolongements règlementaires aux articles R. 225-1 à R. 225-8 du même code.

a.   Les personnes concernées

En application des articles L. 225-2 et L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles, l’agrément est imposé pour l’adoption des pupilles de l’État et des enfants étrangers.

Il résulte de la lecture combinée de ces articles avec celle de l’article 353-1 du code civil que les personnes qui s’adressent aux organismes autorisés pour l’adoption doivent être titulaires d’un agrément s’il s’agit d’adopter un enfant étranger et qu’elles en sont en revanche exonérées si elles souhaitent adopter un enfant français qui n’est pas pupille de l’État (par exemple un enfant né d’un accouchement secret et anonyme).

L’agrément n’est pas non plus requis quand les futurs adoptants ont déjà un lien avec l’enfant. C’est notamment le cas des personnes – assistantes maternelles ou autres – auxquelles le service de l’aide sociale a confié la garde d’un pupille de l’État, lorsque des liens affectifs se sont établis entre eux (article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles). Sont également dispensés d’agrément ceux qui procèdent à une adoption intrafamiliale au niveau interne tandis que l’adoption intrafamiliale d’un enfant étranger nécessite un agrément, sauf s’il s’agit de l’adoption de l’enfant du conjoint de l’adoptant en application de l’alinéa 1er de l’article 353-1 du code civil. C’est enfin le cas des candidats qui se voient confier un enfant de plus de deux ans directement par ses parents qui consentent à son adoption en leur faveur ([55]) ou de ceux qui s’adressent à des organismes autorisés pour l’adoption d’un enfant français, quel que soit son âge.

b.   La procédure de l’agrément

L’agrément est accordé par le président du conseil départemental ou, en Corse, par le président du conseil exécutif, dans un délai de neuf mois à compter de la date à laquelle la personne a confirmé sa demande d’agrément (alinéa 2 de l’article L. 225-2).

Le non-respect du délai n’est assorti d’aucune sanction, si bien que, faute de moyens suffisants, les départements ne respectent pas toujours les neuf mois impartis. Toutefois, l’absence de réponse dans le délai n’équivaut pas à la délivrance de l’agrément ([56]).

Avant de délivrer l’agrément, le président du conseil départemental doit s’assurer que les conditions d’accueil offertes par le demandeur aux plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté (article R. 225-4). À cet effet, il doit faire procéder à une évaluation complète du candidat, comprenant une évaluation familiale et une évaluation psychologique. La première doit être confiée à des assistants de service social, à des éducateurs spécialisés ou à des éducateurs de jeunes enfants, diplômés d’État. La seconde revient à des psychologues territoriaux ou à des médecins psychiatres. Le demandeur doit rencontrer au moins deux fois les professionnels concernés.

Le président du conseil départemental doit se prononcer après avoir pris l’avis de la commission d’agrément (alinéa 2 de l’article L. 225-2).

Il appartient au président du conseil départemental de fixer le nombre de commissions d’agrément, leur ressort géographique et d’en désigner les membres. Ces commissions sont composées de trois personnes appartenant au service de l’aide sociale à l’enfance et ayant une compétence dans le domaine de l’adoption, de deux membres du conseil de famille des pupilles de l’État du département ainsi que d’une personne qualifiée dans le domaine de la protection sociale et sanitaire de l’enfance (article R. 225-9). Les membres de la commission, son président et son vice-président, sont nommés pour six ans. Ils ont droit à des autorisations d’absence de la part de leurs employeurs pour participer aux réunions de la commission (article L. 225-8).

L’agrément est délivré pour l’accueil d’un ou de plusieurs enfants simultanément. Une notice décrivant le projet d’adoption des personnes agréées est jointe à l’agrément. Cette notice peut être révisée par le président du conseil départemental, ou, en Corse, par le président du conseil exécutif sur demande du candidat à l’adoption (alinéa 3 de l’article L. 225-2).

L’agrément est accordé pour cinq ans (alinéa 2 de l’article L. 225-2).

L’arrivée au foyer d’au moins un enfant français ou étranger, ou de plusieurs simultanément, entraîne la caducité de l’agrément (alinéa 4 de l’article L. 225-2).

Si, avant l’expiration du délai de cinq ans, le ou les candidats ont vu leur projet aboutir, ils doivent déposer une nouvelle demande d’agrément.

Les personnes qui demandent l’agrément voient leur démarche entourée de plusieurs garanties :

– elles bénéficient des dispositions de l’article L. 223-1 du code de l’action sociale et des familles, c’est-à-dire du droit d’être accompagnées dans leurs démarches de la personne de leur choix, représentant ou non une association (alinéa 1er de l’article L. 225-3). Les intéressés doivent être informés de ce droit. À défaut, la juridiction administrative peut annuler le refus d’agrément rendu au terme d’une procédure irrégulière ;

– elles doivent se voir proposér, par le conseil départemental, des réunions d’information (alinéa 2 de l’article L. 225-3). Cette obligation de convocation pèse sur le conseil départemental ; toutefois les intéressés ne sont pas tenus d’y assister ;

– elles doivent être informées, dès le dépôt de leur demande d’agrément, de la possibilité de demander que tout ou partie des investigations soit accompli une seconde fois et par d’autres personnes que celles auxquelles elles avaient été confiées initialement (alinéa 2 de l’article L. 225-3).

En application de l’article L. 225-6, lorsque les personnes agréées changent de département, leur agrément demeure valable sous réserve d’une déclaration préalable adressée au président du conseil départemental de leur nouveau département de résidence. Lorsque des personnes à qui un refus ou un retrait d’agrément a été notifié changent de département de résidence, ce refus ou retrait leur demeure opposable.

La déclaration de changement de résidence doit être faite au plus tard dans le mois suivant l’emménagement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à laquelle est jointe une copie de la décision d’agrément. Le président du conseil départemental ainsi informé se fait transmettre le dossier de la personne concernée par le président du conseil départemental de la résidence antérieure.

Le refus ou le retrait d’agrément doit être motivé (article L. 225-4). L’agrément ne peut être refusé ou retiré pour des raisons abstraites d’âge, de situation matrimoniale, d’orientation sexuelle, de présence d’enfant au foyer, de religion, etc. L’appréciation de l’aptitude à devenir parent doit être faite in concreto, le critère à retenir étant celui de l’intérêt de l’enfant. Ainsi, l’appartenance à une religion ne peut être retenue pour elle-même, mais le danger que sa pratique pourrait faire courir à l’enfant peut être un motif de refus ([57]).

Après un refus ou un retrait d’agrément, le délai à partir duquel une nouvelle demande d’agrément peut être déposée est de trente mois (article L. 225-5). Le point de départ de ce délai est la date de notification du refus, et non celle de la confirmation du refus si un recours administratif a été intenté.

c.   La base nationale des agréments en vue de l’adoption

Une base nationale des agréments en vue de l’adoption (BNDA) a été créée en 2013 sur le fondement juridique, au demeurant fragile, de l’article L. 225.7, qui dispose que les décisions relatives à l’agrément sont transmises sans délai par le président du conseil départemental au ministre chargé de la famille.

Toutefois, « moins de la moitié des départements l’alimente et sa généralisation a été suspendue. Par ailleurs le dispositif n’a pas été mis en conformité avec le règlement général de protection des données (RGPD) », comme l’ont souligné la rapporteure et Mme Corinne Imbert dans leur rapport sur l’adoption.

2.   La réforme proposée

L’article 10 de la proposition de loi propose de réécrire la section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, relative à l’adoption des pupilles de l’État, afin de la consacrer exclusivement à l’agrément en vue de l’adoption.

a.   Finalité de l’agrément

Le nouvel article L. 225-1 définit comme finalité de l’agrément l’intérêt supérieur des enfants en attente d’adoption.

Il précise par ailleurs que l’agrément est délivré lorsque la personne candidate à l’adoption est en capacité de répondre aux besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs des enfants en attente d’adoption.

Les dispositions relatives à l’adoption des pupilles de l’État qui figurent dans l’actuel article L. 225-1 sont transférées au sein des nouveaux articles L. 224‑1 (cf. commentaire de l’article 12) et L. 225-10 (cf. commentaire de l’article 11).

b.   Dispense de l’agrément

Après avoir rappelé que les personnes qui accueillent en vue de son adoption un pupille de l’État ou un enfant étranger doivent être agréées à cet effet, le nouvel article L. 225-2 reprend les conditions actuelles de dispense de l’agrément :

– pour les personnes à qui le service d’aide sociale a confié un pupille de l’État pour en assurer la garde et avec lesquelles les liens affectifs qui se sont noués avec l’enfant justifient cette dispense, sous réserve que ces personnes souhaitent l’adopter ;

– les personnes pour lesquelles l’aptitude à accueillir un enfant adopté a été régulièrement constatée dans un État autre que la France, en cas d’accord international engageant à cette fin ledit État ;

– les personnes qui souhaitent recueillir un enfant dans le cadre d’une adoption intrafamiliale d’un enfant étranger.

Dans ce dernier cas, le nouvel article L. 225-5 précise que le président du conseil départemental ou, en Corse, le président de la collectivité de Corse, fait réaliser une évaluation sociale et psychologique donnant lieu à un rapport portant sur la capacité des personnes à accueillir un enfant au regard des besoins fondamentaux définis à l’article L. 112-4. Les conclusions de cette évaluation sont présentées au tribunal judiciaire en vue du prononcé du jugement d’adoption.

c.   Préparation à l’agrément

Le nouvel article L. 225-3 dispose que, préalablement à la demande d’agrément en vue d’adoption, les personnes qui souhaitent accueillir un pupille de l’État ou un enfant étranger doivent suivre une préparation portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive.

Il s’agit de prévoir une obligation de préparation des candidats à l’adoption, dans l’intérêt de l’enfant mais également des parents adoptifs, conformément aux recommandations n° 2 et 10 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([58]). Cette formation doit notamment porter sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption et sur les particularités de la parentalité adoptive.

Cette préparation préalable à la demande d’agrément sera suivie, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, pendant la durée de validité de l’agrément, de réunions d’informations proposées par les conseils départementaux, comme le précise le nouvel article L. 225-8.

Les dispositions de l’actuel article L. 225-3, relatives aux droits entourant les candidats à l’adoption, sont transférées au nouvel article L. 225-6.

d.   Délivrance de l’agrément

Le nouvel article L. 225-4 prévoit que l’agrément en vue d’adoption est délivré, comme c’est le cas aujourd’hui, par le président du conseil départemental du domicile des candidats à l’adoption ou, en Corse, par le président du conseil exécutif.

Il ajoute toutefois que la décision est prise après avis conforme de la commission d’agrément, encadrant ainsi le pouvoir jusqu’alors décisionnaire du président du conseil départemental.

Plus aucune condition quant à la durée de l’agrément ou au délai de réponse ou encore aux modalités de délivrance n’est posée.

Les dispositions des actuels articles L. 225-4 et L. 225-5, relatives au refus ou au retrait de l’agrément, sont également supprimées.

e.   Droits des candidats pendant la phase d’instruction

Les nouveaux articles L. 225-6 et L. 225-8 reprennent les dispositions de l’article L. 225-3 relatives aux garanties entourant les candidats à l’agrément posées par l’article L. 225-3, en précisant que les réunions d’information proposées par les conseils départementaux s’adressent aux personnes agréées.

f.   Validité nationale de l’agrément

Le nouvel article L. 225-7 reprend les dispositions relatives au caractère national de la validité de l’agrément qui figurent aujourd’hui au sein de l’article L. 225-6 tout en ajoutant que l’agrément est valable pour l’adoption d’un pupille ou d’un enfant étranger réalisée à partir du territoire national.

g.   Fichier national des agréments

Le nouvel article L. 225-9 fournit un fondement légal au fichier national des agréments délivrés par les présidents de conseils départementaux, conformément à la recommandation n° 21 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([59]).

À cet effet, il prévoit la création d’une base nationale recensant les demandes d’agrément en vue d’adoption, et les agréments délivrés par les présidents des conseils départementaux ainsi que les refus et retraits d’agrément.

Les informations constitutives de ces demandes, agréments, retraits et refus font l’objet d’un traitement automatisé de données pour permettre la gestion des dossiers par les services instructeurs ainsi que de rechercher, à la demande du tuteur ou du conseil de famille, un ou des candidats pour l’adoption d’un pupille de l’État.

Il renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la fixation des modalités d’application de la base nationale, et la détermination de la durée de conservation des données enregistrées et des conditions de leur mise à jour, des catégories de personnes pouvant y accéder ou en être destinataires ainsi que des modalités d’exercice des droits des personnes concernées.

Ce nouveau fichier devrait permettre, d’une part, de rendre effective l’opposabilité du délai avant lequel un nouvel agrément ne peut être délivré en cas de refus ou de retrait d’agrément et, d’autre part, de disposer de données statistiques permettant une meilleure connaissance des profils des candidats et des pratiques conformément à la recommandation n° 1 de l’avis relatif à la transparence des procédures d’adoption du Comité consultatif national d’éthique qui préconise d’« étendre et renforcer le dispositif statistique afin de se donner les moyens d’analyser les pratiques, de lutter contre les risques de discrimination, ainsi que d’améliorer le pilotage national et de remédier à l’hétérogénéité des pratiques ([60]).

Les dispositions de l’actuel article L. 225-9, relatives à l’attribution d’une aide financière par le département aux personnes adoptant un enfant dont le service de l’aide sociale à l’enfance leur avait confié la garde sont supprimées.

3.   La position de la Commission

Outre huit amendements de précision rédactionnelle et de coordination – dont cinq à l’initiative de la rapporteure et trois de Mme Élodie Jacquier‑Laforge (Dem) – la Commission a adopté deux amendements.

Le premier, proposé par la rapporteure, fixe la durée de validité de l’agrément en vue d’adoption à cinq ans renouvelables et précise que tout refus ou retrait d’agrément doit être motivé.

Le second, proposé par M. Pascal Brindeau (UDI) et ayant recueilli un avis favorable de la rapporteure, rétablit l’octroi d’une aide financière, par le département, aux personnes adoptant un enfant dont le service de l’aide sociale à l’enfance leur avait confié la garde.

*

*     *

Article 11
(art. L. 225-10 à L. 225-12 et art. L. 225-10-1 et L. 225-10-2 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles)
Adoption des pupilles de l’État

Adopté par la Commission avec modifications

     Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’affermir le cadre juridique relatif à l’adoption des pupilles en confiant un rôle central au conseil de famille, en définissant l’apparentement et en sécurisant la période de mise en relation de l’enfant avec sa famille d’adoption.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 225-1 du code de l’action sociale et des familles, relatif à l’adoption des pupilles de l’État, a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant afin de supprimer la précision selon laquelle les dossiers des enfants pour lesquels aucun projet d’adoption n’est formé plus de six mois après leur admission en qualité de pupille de l’État sont, sous forme non nominative, communiqués obligatoirement au ministre chargé de la famille par le tuteur qui indique les raisons de cette situation.

     Position de la Commission

Outre un amendement rédactionnel, la Commission a adopté un amendement qui, en créant une nouvelle section 1 bis, consacrée à l’adoption des pupilles de l’État, rétablit la section 2, consacrée aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption.

1.   L’adoption des pupilles de l’État

L’adoption des pupilles de l’État, qui est l’objet de la section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles (articles L. 225-1 à L. 225-10), est plus particulièrement régie par l’article L. 225-1 et par le premier alinéa de l’article L. 225-2.

Ainsi, le premier alinéa de l’article L. 225-1 prévoit que les enfants admis en qualité de pupille de l’État doivent faire l’objet, dans les meilleurs délais, d’un projet de vie, défini par le tuteur avec l’accord du conseil de famille, qui peut être une adoption, si tel est l’intérêt de l’enfant. En pratique, ce projet de vie est défini conjointement par le tuteur et le conseil de famille en lien avec le conseil départemental, qui est le service gardien du pupille.

Le second alinéa du même article dispose que lorsque ce projet de vie est celui d’une adoption, la définition du projet d’adoption, simple ou plénière suivant les circonstances particulières à la situation de l’enfant ainsi que le choix des adoptants éventuels sont assurés par le tuteur, avec l’accord du conseil de famille. Le mineur capable de discernement est préalablement entendu par le tuteur ou son représentant et par le conseil de famille ou l’un de ses membres désignés par lui à cet effet.

Le premier alinéa de l’article L. 225-2 prévoit que les pupilles de l’État peuvent être adoptés soit par les personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance les a confiés pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre eux justifient cette mesure, soit par des personnes agréées à cet effet, soit, si tel est l’intérêt desdits pupilles, par des personnes dont l’aptitude à les accueillir a été régulièrement constatée dans un État autre que la France, en cas d’accord international engageant à cette fin ledit État.

2.   La réforme proposée

L’article 11 de la proposition de loi propose de réécrire la section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, relative aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption, afin de la consacrer à l’adoption des pupilles de l’État.

En conséquence, les dispositions actuelles de l’article L. 225-10, relatives à la présentation triennale au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport relatif à l’adoption, ainsi que celles des articles L. 225-11 et L. 225-12, relatives aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption, sont supprimées.

a.   Le projet d’adoption

Le nouvel article L. 225-10 prévoit, dans son alinéa 1er, que lorsque le projet de vie du pupille de l’État est celui d’une adoption simple ou plénière, la définition de ce projet ainsi que le choix des adoptants éventuels est assurée par le conseil de famille, et non plus par le tuteur avec l’accord du conseil de famille.

Il reprend ensuite, dans son alinéa 2, les dispositions de l’article L. 225-1 selon lesquelles le mineur capable de discernement est préalablement entendu par le tuteur ou son représentant et par le conseil de famille ou l’un de ses membres désignés par lui à cet effet, avant d’ajouter que l’avis de l’enfant sur le projet d’adoption qui le concerne est systématiquement recueilli. Il s’agit ainsi de renforcer les droits des pupilles de l’État.

b.   L’apparentement

Conformément à la recommandation n° 8 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([61]), le nouvel article L. 225-11 définit l’apparentement comme « le fait de choisir une famille pour un enfant au regard de son intérêt supérieur et de ses besoins fondamentaux ».

L’apparentement n’est pas la décision d’adoption mais la proposition d’établir une relation adoptive entre un enfant et une famille donnée. Il se concrétise donc par l’identification d’une future famille adoptive spécifique pour un enfant.

Les besoins fondamentaux visés sont ceux définis par l’article L. 112-4 du code de l’action sociale et des familles qui dispose que « L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant ».

c.   La mise en relation

Le nouvel article L. 225-12 a pour objet de sécuriser la période de mise en relation de l’enfant avec les personnes candidates à son adoption.

À cet effet, il prévoit que, pendant cette période, le tuteur organise des rencontres régulières entre l’enfant et ses futurs parents adoptifs, afin de favoriser l’établissement de liens d’attachement. L’enfant peut être confié à ses futurs parents adoptifs, pour des périodes de temps délimitées, sous la responsabilité du tuteur, qui reste seul compétent pour l’exercice des actes de l’autorité parentale.

3.   La position de la Commission

Outre un amendement rédactionnel, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure qui a pour objet, en créant une nouvelle section 1 bis, consacrée à l’adoption des pupilles de l’État, de rétablir la section 2, consacrée aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption.

*

*     *

Article 11 bis
(art. L. 225-11, L. 225-13, L. 225-14, L. 225-14-1 et L. 225-14-2
du code de l’action sociale et des familles)
Mission des organismes autorisés pour l’adoption

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de la rapporteure, le présent article recentre la mission des organismes autorisés pour l’adoption sur l’adoption internationale et modifie les règles de délivrance de leur autorisation d’exercer.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 225-11 du code de l’action sociale et des familles a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, afin de remplacer le conseil général par le conseil départemental.

1.   L’état du droit

La mission des organismes autorisés et habilités pour l’adoption et leurs conditions d’exercice sont définies par la section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles.

Aux termes de l’article L. 225-11, tout organisme, personne morale de droit privé, qui sert d’intermédiaire pour l’adoption ou le placement en vue d’adoption de mineurs de quinze ans doit avoir obtenu une autorisation préalable d’exercer cette activité auprès du président du conseil départemental de chaque département dans lequel elle envisage de placer les mineurs concernés.

Toutefois, l’organisme autorisé dans un département au minimum peut servir d’intermédiaire pour l’adoption ou le placement en vue de l’adoption de mineurs de quinze ans dans d’autres départements, sous réserve d’adresser préalablement une déclaration de fonctionnement au président de chaque conseil départemental concerné. Le président du conseil départemental peut, à tout moment, interdire dans son département l’activité de l’organisme si celui-ci ne présente pas de garanties suffisantes pour assurer la protection des enfants, de leurs parents ou des futurs adoptants.

L’article L. 225-12 prévoit, en outre, que les organismes autorisés doivent obtenir une habilitation du ministre chargé des affaires étrangères pour exercer leur activité au profit de mineurs étrangers.

L’article L. 225-13 ajoute que les décisions d’autorisation ou d’interdiction d’exercer sont transmises par le président du conseil départemental au ministre chargé de la famille et, le cas échéant, au ministre chargé des affaires étrangères.

L’article L. 225-14 énonce que les œuvres d’adoption sont réputées être titulaires de ces autorisations dans tous les départements où elles étaient autorisées à exercer leur activité au 10 janvier 1986.

Enfin, les articles L. 225-14-1 et L. 225-14-2 définissent les règles de communication, de conservation et d’archivage des dossiers.

2.   La réforme proposée

L’article 11 bis modifie la section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, afin de centrer la mission des organismes chargés de l’habilitation sur l’adoption internationale et de modifier les règles de délivrance de leur autorisation d’exercer.

• Il consacre, tout d’abord, la section 2, aujourd’hui dédiée aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption, à l’adoption internationale, par cohérence avec les dispositions du nouvel article L. 225-11 du code de l’action sociale et des familles et celles de l’article 13 de la proposition de loi qui centrent la mission de ces organismes sur l’adoption internationale.

• Il modifie, ensuite, l’article L. 225‑11 afin de préciser la mission des organismes autorisés pour l’adoption ainsi que les conditions de délivrance de leur autorisation d’exercer.

La mission de ces organismes est recentrée sur l’intermédiation de l’adoption de mineurs étrangers, le recueil d’enfants en France devenant une mission exclusive des services de l’aide sociale à l’enfance, afin de garantir à ces enfants le statut de pupille de l’État, plus protecteur qu’une tutelle de droit commun ([62]) (cf. commentaire de l’article 13).

Cette intermédiation doit avoir lieu dans le respect de l’intérêt de l’enfant et du droit international. Aussi, pour obtenir l’autorisation d’exercer, l’organisme concerné doit être en mesure d’assurer les fonctions prévues par les stipulations des a et b de l’article 9, des articles 14 à 17, 19 et 20 et du I de l’article 30 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Ces fonctions s’exercent dans le respect de l’intérêt de l’enfant, des droits fondamentaux qui lui sont reconnus, des principes d’égalité et de neutralité ainsi que de la législation du pays d’origine.

L’autorisation d’exercer est désormais délivrée, de manière conjointe, par le ministre chargé des affaires étrangères et le ministre chargé de la famille, après avis du président du conseil départemental du siège social de l’organisme ou, en Corse, du président du conseil exécutif. Elle précise le ou les pays dans lesquels l’organisme est autorisé à intervenir.

L’autorisation est délivrée pour une durée de cinq ans renouvelable. Elle peut être suspendue ou retirée par le ministre chargé des affaires étrangères et le ministre chargé de la famille si les conditions de délivrance ne sont plus réunies.

Il s’agit ainsi de prévoir une autorisation nationale, plus conforme au fait que les activités de ces organismes sont susceptibles de s’étendre à l’ensemble du territoire national et à l’international, et avec une durée définie et renouvelable, afin de permettre un réexamen régulier des conditions d’exercice.

En conséquence, les articles L. 225‑13 et L. 225‑14 sont abrogés et il est procédé à une coordination rédactionnelle aux articles L. 225‑14‑1 et L. 225‑14‑2, afin de supprimer tout référence à l’habilitation de ces organismes.

Un dispositif transitoire est prévu : les organismes, qui étaient autorisés à servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs étrangers avant l’entrée en vigueur de la présente loi, sont autorisés à poursuivre leur activité pendant les deux années suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.

*

*     *


Article 11 ter
(art. L. 225-14-3 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles)
Obligation d’accompagnement des personnes adoptant un mineur étranger

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de la rapporteure, le présent article introduit dans le code de l’action sociale et des familles une obligation d’accompagnement, par un organisme autorisé pour l’adoption ou par l’Agence française de l’adoption, des personnes adoptant un mineur étranger âgé de moins de quinze ans.

___

Le présent article complète la section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles par un article L. 225-14-3, afin de créer une obligation d’accompagnement, par un organisme autorisé pour l’adoption ou par l’Agence française de l’adoption, des personnes agréées en vue d’adoption qui souhaitent adopter un mineur étranger âgé de moins de quinze ans.

Il s’agit d’interdire les adoptions internationales « individuelles », conformément aux dispositions de la Convention de la Haye de 1993 et, par conséquent, en garantissant le caractère adoptable de l’enfant et la prise en compte de son intérêt, d’assurer la licéité des adoptions ainsi réalisées.

*

*     *

Article 11 quater
(art. L. 225-19 et L. 225-20 du code de l’action sociale et des familles)
Extension à l’adoption internationale de l’infraction
d’exercice illégal de l’activité d’intermédiaire

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de la rapporteure, le présent article étend à l’adoption internationale l’infraction d’exercice illégal de l’activité d’intermédiaire, dont le champ est aujourd’hui restreint à l’adoption nationale.

       Dernières modifications législatives intervenues

Créé par la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption, l’article L. 225-19 du code de l’action sociale et des familles n’a fait l’objet d’aucune modification.

1.   L’état du droit

L’article L. 225-19 prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros pour l’exercice de l’activité d’intermédiaire pour l’adoption ou le placement en vue de l’adoption de mineurs de quinze ans sans autorisation ou malgré une interdiction d’exercer.

Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent également la peine complémentaire d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle d’accueil, d’hébergement ou de placement de mineurs.

2.   La réforme proposée

L’article 11 quater modifie la section 4 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, consacrée à l’adoption internationale, afin d’y introduire les dispositions communes à l’ensemble du chapitre relatif à l’adoption.

Après avoir substitué à l’intitulé de cette section la dénomination « Dispositions communes », il étend, à l’article L. 225-19, les peines actuellement encourues pour l’exercice illégal de l’activité d’intermédiaire pour l’adoption nationale à l’adoption internationale, afin de tirer les conséquences de l’interdiction faite aux organismes autorisés pour l’adoption d’intervenir en tant qu’intermédiaire pour l’adoption d’enfants en France.

Il prévoit, par ailleurs, à l’article L. 225-20, un renvoi général à un décret en Conseil d’État pour les mesures d’application des dispositions figurant au sein du chapitre consacré à l’adoption.

*

*     *


titre II
renforcer le statut de pupille de l’État et amÉliorer
le fonctionnement des conseils de famille

Article 12
(art. L. 224-1 à L. 224-3 du code de l’action sociale et des familles)
Statut des pupilles de l’État

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’affermir le statut des pupilles de l’État.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 225-1 du code de l’action sociale et des familles a été modifié par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant afin de substituer au projet d’adoption des enfants admis en qualité de pupille de l’État un projet de vie, qui peut être une adoption, et qui doit s’articuler avec le projet pour l’enfant.

       Position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement qui inclut, parmi les cas de sortie du statut de pupille de l’État, celui de l’émancipation du mineur.

1.   L’état du droit

Les pupilles de l’État ([63]) forment l’une des catégories de mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance.

Il s’agit d’enfants qui n’ont pas de filiation établie ou dont la filiation a été rompue et qui sont adoptables en vertu de leur statut ([64]).

L’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles définit six cas d’admission en qualité de pupille de l’État :

– les enfants sans filiation, c’est-à-dire ceux dont la filiation n’est pas établie ou est inconnue ([65]), qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

– les enfants remis à l’aide sociale à l’enfance par leurs parents, à savoir ceux dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance en vue de leur admission comme pupilles de l’État par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois ;

– les enfants remis à l’aide sociale à l’enfance par un seul parent, c’est-à-dire ceux dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de six mois par leur père ou leur mère en vue de leur admission comme pupilles de l’État et dont l’autre parent n’a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d’en assumer la charge ; avant l’expiration de ce délai de six mois, le service s’emploie à connaître les intentions de l’autre parent ;

– les enfants orphelins de père et de mère pour lesquels la tutelle de droit commun, c’est-à-dire une tutelle familiale, n’a pas pu être organisée ([66]) et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

– les enfants dont les parents ont fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale ([67]) et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 380 du code civil ([68]) ;

– les enfants judiciairement déclarés délaissés.

Créée par la loi du 27 juin 1904 sur les enfants assistés, cette institution vise à reconstituer juridiquement une forme de lien de responsabilité matérielle et éducative au bénéfice d’un enfant, dont le titulaire est la puissance publique faute de pouvoir l’établir sur des personnes privées. Il s’agit ainsi de protéger un enfant mineur privé durablement de sa famille.

Les organes de tutelle – à savoir le préfet de département et le conseil de famille des pupilles de l’État – ont les mêmes attributions que les organes de tutelle de droit commun. Cependant, la tutelle des pupilles de l’État ne comporte ni juge des tutelles ni subrogé tuteur ([69]).

Les pupilles de l’État sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance des conseils départementaux, service gardien, sous le contrôle du tuteur.

Si le chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, relatif aux pupilles de l’État, détaille précisément, dans sa section 1 (articles L. 224-1 à L. 224-3-1), l’organisation et le fonctionnement des organes de tutelle et, dans sa section 2 (articles L. 224-4 à L. 224-8), les conditions d’admission, il ne comporte pas d’articles définissant le statut des pupilles de l’État. En effet, malgré l’intitulé « Statut des pupilles » de sa section 3, les articles L. 224-9 à L. 224-11 qui la composent portent moins sur ce statut que sur le devenir des deniers et des biens des pupilles ([70]).

2.   La réforme proposée

Afin de mettre fin à ce vide juridique et d’affirmer le caractère protecteur du statut de pupille de l’État indépendamment du projet d’adoption éventuellement défini pour l’enfant, l’article 12 de la proposition de loi consacre la section 1 du chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, aujourd’hui dédiée aux organes de tutelle, à la définition du statut de pupille de l’État.

Les articles L. 224-1 à L. 224-3-1 de cette section sont modifiés et transférés dans une nouvelle section numérotée 2 bis intitulée « La tutelle des pupilles de l’État » par l’article 14 du la présente proposition de loi.

a.   Objet du statut de pupille de l’État

Le nouvel article L. 224-1 définit, en son premier alinéa, l’objet du statut de pupille de l’État, à savoir « protéger un enfant mineur, français ou non, privé durablement de sa famille en organisant sa tutelle et en confiant sa prise en charge au service départemental de l’aide sociale à l’enfance ». Il précise également que le statut de pupille de l’État n’a pas de conséquence sur la filiation de l’enfant.

Il reprend, en son deuxième alinéa, les dispositions du premier alinéa de l’article L. 225-1 relatives au projet de vie du pupille de l’État en retirant toutefois la compétence du tuteur, avec l’autorisation du conseil de famille, de définir le projet de vie pour la confier au conseil de famille.

Il énonce ainsi que les enfants admis en qualité de pupille de l’État doivent faire l’objet, dans les meilleurs délais, d’un projet de vie, défini par le conseil de famille, qui peut être une adoption, si tel est l’intérêt de l’enfant. Ce projet de vie s’articule avec le projet pour l’enfant mentionné à l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

Ce dernier, dans son alinéa 2, prévoit que « Le projet pour l’enfant est construit en cohérence avec les objectifs fixés dans la décision administrative ou judiciaire le concernant. Dans une approche pluridisciplinaire, ce document détermine la nature et les objectifs des interventions menées en direction du mineur, de ses parents et de son environnement, leur délai de mise en œuvre, leur durée, le rôle du ou des parents et, le cas échéant, des tiers intervenant auprès du mineur ; il mentionne, en outre, l’identité du référent du mineur ».

b.   Bilan préalable à un projet d’adoption

Le nouvel article L. 224-2 prévoit qu’un bilan médical, psychologique et social est réalisé pour tout pupille de l’État susceptible de faire l’objet d’un projet d’adoption. Ce bilan fait état de l’adhésion de l’enfant à un projet d’adoption si l’âge et le discernement de l’enfant le permettent.

Il s’agit ainsi de mettre en place un « bilan d’adoptabilité », conformément aux préconisations du Conseil national de la protection de l’enfance et à la recommandation n° 6 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([71]). L’adoption peut en effet être rendue difficile par les besoins spécifiques des enfants (âgé, handicap, fratrie, etc.). Il apparaît en outre que tout enfant juridiquement adoptable n’est pas toujours psychologiquement en mesure de l’être. Aussi, la mise en place de ce bilan a-t-elle pour vocation d’évaluer les facteurs de risque mais également la capacité de résilience de l’enfant ainsi que son engagement dans le projet d’adoption.

c.   Fin du statut de pupille de l’État

Le nouvel article L. 224-3 prévoit les cas de sortie du statut de pupille de l’État : à la majorité de l’enfant, à son adoption, à son décès ou à son retour dans sa famille d’origine.

3.   La position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure qui inclut, parmi les cas de sortie du statut de pupille de l’État, celui de l’émancipation du mineur.

*

*     *

Article 13
(art. L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles
et art. 347, 348-3, 348-4, 348-5, 349 et 353-1 du code civil)
Clarification des conditions d’admission de l’enfant
dans le statut de pupille de l’État sur décision de ses parents

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article clarifie les conditions d’admission dans le statut des pupilles de l’État dans le cas où les parents ont remis leur enfant au service de l’aide sociale à l’enfance, en distinguant le consentement à l’admission en qualité de pupille de l’État du consentement à l’adoption.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles a été modifié par la loi n° 2013-673 du 26 juillet 2013 relative à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État, afin d’ajouter à la liste des informations qui doivent être transmises aux parents ou à la personne qui remettent un enfant au service de l’aide sociale à l’enfance celles relatives aux modalités d’admission en qualité de pupille de l’État.

       Position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination, la Commission a adopté un amendement pour rétablir, au sein de la liste des informations qui doivent être transmises aux parents, celle relative à la possibilité de laisser tous renseignements concernant la santé des parents, les origines de l’enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance.

1.   L’admission en qualité de pupille de l’État sur décision des parents

a.   Les modalités de recueil de l’enfant admis en qualité de pupille de l’État sur décision des parents

L’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit que lorsqu’un enfant est recueilli par le service de l’aide sociale à l’enfance après avoir été remis par ses parents ou par l’un d’entre eux ([72]), un procès-verbal est établi (alinéa 1er). Il permet de déclarer l’enfant pupille à titre provisoire et d’organiser sa tutelle à compter de cette date. Il fait courir les délais – deux ou six mois – pendant lesquels les parents peuvent reprendre l’enfant sans formalité.

Il doit être mentionné au procès-verbal que les parents à l’égard de qui la filiation de l’enfant est établie, la mère ou le père de naissance de l’enfant ont été informés (alinéa 2) :

– des mesures instituées, notamment par l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale pour aider les parents à élever eux-mêmes leurs enfants (alinéa 3) ;

– des dispositions du régime de la tutelle des pupilles de l’État (alinéa 4) ;

– des délais et conditions suivant lesquels l’enfant pourra être repris par ses père ou mère ainsi que des modalités d’admission en qualité de pupille de l’État (alinéa 5) ;

– de la possibilité de laisser tous renseignements concernant la santé des père et mère, les origines de l’enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance (alinéa 6).

Les parents doivent en outre être invités à consentir à son adoption. Le consentement est porté sur le procès-verbal, qui doit également mentionner que les parents ont été informés des délais et conditions dans lesquels ils peuvent rétracter leur consentement (alinéa 7).

Le consentement à l’adoption n’est pas obligatoire : le refus des parents de consentir à l’adoption n’empêche pas de déclarer l’enfant pupille de l’État.

À l’issue du délai légal de deux ou six mois et en l’absence de reprise de l’enfant par ses parents, le président du conseil départemental prend un arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État.

b.   Les conditions du consentement à l’adoption

Alors que l’article 347 du code civil prévoit que les pupilles de l’État peuvent être adoptés, les articles 348-3, 348-4 et 349 fixent les modalités du consentement des parents à l’adoption de leur enfant, en particulier dans le cas où ces derniers ont remis leur enfant au service de l’aide sociale à l’enfance.

L’article 348-3 précise, en son alinéa 1er, que le consentement à l’adoption peut être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis, avant d’indiquer les modalités de rétractation.

Le consentement à l’adoption peut être rétracté pendant deux mois. La rétractation doit être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la personne ou au service qui a reçu le consentement à l’adoption. La remise de l’enfant à ses parents sur demande même verbale vaut également preuve de la rétractation (alinéa 2).

Si, à l’expiration du délai de deux mois, le consentement n’a pas été rétracté, les parents peuvent encore demander la restitution de l’enfant à condition que celui-ci n’ait pas été placé en vue de l’adoption. Si la personne qui l’a recueilli refuse de le rendre, les parents peuvent saisir le tribunal qui apprécie, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, s’il y a lieu d’en ordonner la restitution. La restitution rend caduc le consentement à l’adoption (alinéa 3).

L’article 348-4 dispose que lorsque les père et mère ou le conseil de famille consentent à l’adoption de l’enfant en le remettant au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption, le choix de l’adoptant est laissé au tuteur avec l’accord du conseil de famille des pupilles de l’État ou du conseil de famille de la tutelle organisée à l’initiative de l’organisme autorisé pour l’adoption.

L’article 348-5 énonce que, sauf dans le cas où il existe un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au sixième degré inclus entre l’adoptant et l’adopté, le consentement à l’adoption des enfants de moins de deux ans n’est valable que si l’enfant a été effectivement remis au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption.

L’article 349 prévoit que, pour les pupilles de l’État dont les parents n’ont pas consenti à l’adoption, le consentement est donné par le conseil de famille de ces pupilles.

2.   La réforme proposée

L’article 13 de la proposition de loi clarifie les conditions d’admission dans le statut de pupille de l’État pour les enfants remis au service de l’aide sociale à l’enfance à la suite d’une décision de leurs parents, en distinguant le consentement à l’admission en qualité de pupille de l’État, qui doit être donné par les parents, du consentement à l’adoption, qui doit être donné par le conseil de famille des pupilles de l’État.

a.   Le consentement à l’admission en qualité de pupille de l’État donné par les parents

L’article 13 substitue aux deux derniers alinéas de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, relatifs, d’une part, à la possibilité de laisser divers renseignements à l’enfant et, d’autre part, au consentement à l’adoption, trois nouveaux alinéas.

Il s’agit, en effet, de prévoir le consentement exprès des parents à l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État plutôt, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’une invitation à consentir à l’adoption.

L’article 13 précise ensuite que le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, et éclairé sur les conséquences de l’admission dans le statut de pupille de l’État, notamment s’agissant de la possibilité pour l’enfant de bénéficier d’un projet d’adoption, avant d’ajouter qu’il est porté au procès-verbal.

b.   Le consentement à l’adoption donné par le conseil de famille des pupilles de l’État

L’article 13 complète, tout d’abord, l’article 347 du code civil afin de préciser que les pupilles de l’État peuvent être adoptés sous réserve que le conseil de famille ait consenti à leur adoption. Il procède, au même article, à une coordination avec la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, qui a substitué à la déclaration judiciaire d’abandon la déclaration judiciaire de délaissement parental.

De même, il réécrit l’article 348-4 afin d’affirmer que le conseil de famille des pupilles de l’État doit donner son consentement à l’adoption et substituer sa compétence en matière de choix de l’adoptant à celle du tuteur avec l’accord du conseil de famille.

Par cohérence avec la suppression du consentement à l’adoption des parents qui ont remis leur enfant au service de l’aide sociale à l’enfance, l’article 13 ôte, à l’article 348-3, les mentions selon lesquelles le consentement à l’adoption peut être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance et la rétractation peut être envoyée au même service.

De même, il modifie l’article 348-5 afin de poser que le consentement à l’adoption des enfants de moins de deux ans n’est pas valable, supprimant ainsi toute référence à la validité d’un tel consentement devant le service de l’aide sociale à l’enfance, et abroge l’article 349.

Il supprime enfin, aux articles 348-4 et 348-5, la possibilité aujourd’hui ouverte aux organismes autorisés pour l’adoption de se substituer aux services de l’aide sociale à l’enfance pour recueillir des enfants âgés de moins de deux ans en France et les proposer à l’adoption. Il convient en effet de privilégier un recueil par les services de l’aide sociale à l’enfance qui, en accordant aux enfants le statut de pupille de l’État, leur garantit une meilleure protection de leurs droits, avec notamment la définition d’un projet de vie, la recherche d’une famille d’adoption si l’intérêt de l’enfant le justifie et l’assurance d’une protection juridique durable en cas de non adoption.

3.   La position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels de Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem) et un amendement de coordination de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement pour rétablir, à l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, la possibilité de laisser tous renseignements concernant la santé des parents, les origines de l’enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance.

*

*     *

Article 14
(art. L. 224-8-1 à L. 224-8-6 [nouveaux], L. 224-6 et L. 224-12
du code de l’action sociale et des familles et art. 348-4 du code civil)
Organisation et fonctionnement des organes de tutelle des pupilles de l’État

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’améliorer le fonctionnement des conseils de famille.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 224-1 du code de l’action sociale et des familles a été modifié pour la dernière fois par l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse, afin de tenir compte des spécificités de la collectivité de Corse.

       Position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination, la Commission a adopté sept amendements pour modifier la composition du conseil de famille des pupilles de l’État, encadrer l’exercice du mandat de membre du conseil de famille et préciser les conditions dans lesquelles le pupille peut exercer un recours contre les délibérations du conseil de famille.

1.   Les organes chargés de la tutelle des pupilles de l’État

Les dispositions relatives aux organes chargés de la tutelle des pupilles de l’État sont inscrites au sein de la section 1 du chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles.

● En application de l’article L. 224-1 du code de l’action sociale et des familles, les organes chargés de la tutelle des pupilles de l’État sont le représentant de l’État dans le département ([73]), qui exerce la fonction de tuteur et peut se faire représenter, et le conseil de famille des pupilles de l’État. Par dérogation au droit commun, la tutelle des pupilles de l’État ne comporte pas de juge de tutelle ni de subrogé tuteur.

Le tuteur et le conseil de famille des pupilles de l’État exercent les attributions conférées à ces organes selon le régime de droit commun. À cette fin, le conseil de famille doit examiner au moins une fois par an la situation de chaque pupille. Avant toute décision du président du conseil départemental ([74]) relative au lieu et au mode de placement des pupilles de l’État, l’accord du tuteur et celui du conseil de famille doivent être recueillis, ainsi que l’avis du mineur. Le mineur capable de discernement est, en outre, entendu par le tuteur, ou son représentant, et par le conseil de famille, ou l’un de ses membres désignés par lui à cet effet.

Lorsque le mineur se trouve dans une situation de danger manifeste, le tuteur, ou son représentant, prend toutes les mesures d’urgence que l’intérêt de celui-ci exige.

● L’article L. 224-2 définit la composition du conseil de famille des pupilles de l’État, qui est précisée par l’article R. 224-3. Il comprend :

– deux représentants du conseil départemental désignés par cette assemblée, sur proposition de son président ou, en Corse, deux conseillers à l’Assemblée de Corse désignés par cette assemblée ;

– deux membres d’associations familiales, dont une association de familles adoptives ;

– un membre de l’association d’entraide des pupilles et anciens pupilles de l’État du département ;

– un membre d’une association d’assistants maternels ;

– deux personnalités qualifiées en raison de l’intérêt qu’elles portent à la protection de l’enfance et de la famille.

Le conseil de famille est renouvelé par moitié. Le mandat de ses membres est de six ans. Il est renouvelable une fois. Ses membres assurant la représentation d’associations peuvent se faire remplacer par leur suppléant.

Les membres du conseil de famille sont tenus au secret professionnel selon les prescriptions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

La composition et les règles de fonctionnement du ou des conseils de famille institués dans le département sont fixées par voie réglementaire.

 

 

Les dispositions règlementaires relatives à la composition du conseil de famille

L’article R. 224-1 prévoit que chaque pupille de l’État est confié au même conseil de famille des pupilles de l’État. Lorsque l’effectif des pupilles de l’État d’un département justifie la création de plusieurs conseils de famille, le préfet fixe leur nombre ainsi que la liste des pupilles relevant de chacun d’entre eux. Il doit obligatoirement confier les frères et sœurs à un même conseil de famille.

L’article R. 224-2 ajoute qu’il doit être institué, dans chaque département, un conseil de famille supplémentaire lorsque l’effectif du ou des conseils de famille est supérieur à cinquante pupilles.

L’article R. 224-4 dispose que les membres représentant les associations ainsi que leurs suppléants sont désignés par le préfet sur des listes de présentation établies par chacune d’entre elles, comportant autant de noms que de membres du conseil de famille à désigner, plus un. Lorsque leur désignation est rendue impossible par l’absence des associations considérées dans le département ou par l’absence ou l’insuffisance des listes de présentation, le préfet y supplée en nommant toute personne de son choix ayant la qualité correspondante.

L’article R. 224-5 énonce qu’à l’exception des représentants du conseil départemental, nul ne peut être membre de plus de deux conseils de famille des pupilles de l’État.

L’article R. 224-6 prévoit que les mandats remplis partiellement ne sont pas pris en compte, au regard des règles de renouvellement du conseil de famille, lorsque leur durée est inférieure à trois ans. Une ou deux désignations en qualité de suppléant ne font pas obstacle à une désignation en qualité de titulaire.

● L’article L. 224-3 précise que les décisions et délibérations du conseil de famille des pupilles de l’État sont soumises aux voies de recours applicables au régime de la tutelle de droit commun.

Deux types de recours sont donc possibles.

Fondé sur l’article 402 du code civil, le premier concerne les délibérations irrégulières, soit qu’elles aient été surprises par dol ou fraude, soit que les formalités substantielles aient été omises. Il aboutit à l’annulation d’une telle délibération. L’action en nullité peut être exercée par le tuteur, les membres du conseil de famille ou par le ministère public dans les deux années de la délibération ainsi que par le pupille devenu majeur ou émancipé, dans les deux années de sa majorité ou de son émancipation. Quand les délibérations ont été surprises par dol et par fraude, la prescription ne court pas tant que le fait n’a pas été découvert. La nullité est couverte par une nouvelle délibération valant confirmation, selon l’article 1182 du code civil. Le jugement rendu sur cette action est susceptible d’appel ([75]).

Fondé sur les articles 1239 et 1239-3 du code de procédure civile, le second prévoit la possibilité, pour les membres du conseil de famille, de faire appel de ses délibérations quel qu’ait été leur avis. Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la délibération. L’article 1261 du code de procédure civile précise que, par dérogation aux dispositions de l’article 1242, les recours contre les délibérations du conseil de famille des pupilles de l’État sont formés par requête, signée par un avocat et remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe du tribunal judiciaire. La procédure obéit aux règles des articles 1244 et 1245 du code de procédure civile, en particulier à l’instruction et au jugement de l’appel en chambre du conseil selon la procédure orale.

● Les dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles sont complétées, s’agissant du fonctionnement du conseil de famille, par les articles R. 224-7 à R. 224-11, et s’agissant de son rôle, par les articles R. 224-12 à R. 224-25.

2.   La réforme proposée

L’article 14 de la proposition de loi crée, au sein du chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, une section 2 bis, consacrée à la tutelle des pupilles de l’État et composée des nouveaux articles L. 224-8-1 à L. 224-8-6, afin d’améliorer l’organisation et le fonctionnement des conseils de famille, conformément à la recommandation n° 7 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([76]). Il s’agit, en effet, de remédier aux défauts et dysfonctionnements régulièrement dénoncés, parmi lesquels le manque d’indépendance du conseil de famille et l’absence de formation de certains de ses membres en matière d’adoption.

Il substitue également à la compétence du tuteur en matière d’accord ou de refus de restitution d’un pupille de l’État celle du conseil de famille à l’article L. 224-6.

Le nouvel article L. 224-8-1 reprend l’ensemble des dispositions de l’article L. 224-1.

Le nouvel article L. 224-8-6 précise que le conseil de famille du département du Rhône est compétent également sur le territoire de la métropole de Lyon. Dénommé conseil de famille départemental-métropolitain, il comprend des représentants du conseil général du Rhône et du conseil de la métropole de Lyon.

Le nouvel article L. 224-8-2 précise que les membres du conseil de famille sont nommés par le représentant de l’État dans le département ou, en Corse, par le représentant de l’État dans la collectivité de Corse, en considération de l’intérêt porté à la politique publique de protection de l’enfance et en fonction de leur aptitude ainsi que de la disponibilité qu’ils présentent.

Il détermine la composition du conseil de famille en prévoyant la suppléance de l’ensemble de ses membres, à l’exception du tuteur :

– le tuteur ;

– deux membres titulaires et deux membres suppléants d’associations de pupilles ou d’anciens pupilles ou personnes admises ou ayant été admises à l’aide sociale à l’enfance dans le département ;

– un membre titulaire et un membre suppléant d’associations de familles adoptives ;

– un membre titulaire et un membre suppléant d’associations d’assistants familiaux ;

– deux représentants du conseil départemental et deux suppléants, désignés par cette assemblée, sur proposition de son président ou, en Corse, un représentant de la collectivité de Corse et un suppléant, désignés par l’Assemblée de Corse ;

– un représentant du Défenseur des droits et un suppléant, désignés par le Défenseur des droits ;

– une personnalité qualifiée titulaire et un suppléant, que leur expérience et compétence professionnelles médicale, psychologique, sociale ou juridique qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.

Le nombre des membres du conseil de famille passe donc de huit à dix, le tuteur faisant désormais partie du conseil de famille, ainsi qu’un représentant supplémentaire d’associations de pupilles ou d’anciens pupilles et un représentant du Défenseur des droits tandis que n’en font plus partie l’un des deux représentants d’associations familiales et l’une des deux personnalités qualifiées.

S’inscrivant dans la volonté d’un rapprochement avec les tutelles de droit commun, la prise en compte du tuteur dans le conseil de famille des pupilles de l’État permet de clarifier son statut à l’égard du conseil – en particulier sa participation pleine et entière à ses délibérations – et de lui faire bénéficier, comme les autres membres, d’une possibilité de recours contre ses décisions.

Le nouvel article L. 224-8-2 reprend les dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 224-2 relatives à la durée du mandat de ses membres – six ans renouvelables une fois – et aux conditions de son renouvellement, qui doit être réalisé par moitié.

Il ajoute que, dans l’intérêt des pupilles de l’État, les membres titulaires veillent à être présents à chaque réunion du conseil de famille des pupilles ou, à défaut à se faire remplacer par leur suppléant.

Il s’agit ainsi, en élevant au niveau législatif la nécessité d’assiduité des membres du conseil de famille posée à l’article 2 de la charte de déontologie des membres du conseil de famille des pupilles de l’État de décembre 2019, de mettre l’accent sur l’importance de l’engagement de ces membres pour la vie des pupilles de l’État.

Il reprend les dispositions de l’alinéa 6 de l’article L. 224-2 relatives au secret auquel les membres du conseil de famille sont tenus.

Il élève au niveau législatif les dispositions figurant à l’article R. 224-2 selon lesquelles est institué, dans chaque département, un conseil de famille supplémentaire lorsque l’effectif du ou des conseils de famille existants est supérieur à cinquante pupilles.

Compte tenu de la détermination précise de la composition du conseil de famille par le nouvel article L. 224-8-2, l’article 14 supprime, à l’article 224-12 relatif aux dispositions communes du chapitre IV, le renvoi à un décret en Conseil d’État pour la composition du conseil de famille.

Le nouvel article L. 224-8-3 prévoit, conformément à la recommandation n° 10 du rapport Vers une éthique de l’adoption ([77]), qu’à chaque renouvellement des conseils de famille des pupilles de l’État, les membres nouvellement nommés bénéficient d’une formation préalable à leur prise de fonction dans les conditions définies par décret.

Le nouvel article L. 224-8-4 prévoit, en son premier alinéa, que les décisions du conseil de famille des pupilles de l’État sont guidées par l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux tels que définis par l’article L. 112-4 ainsi que par les droits fondamentaux des enfants définis dans la Convention internationale des droits de l’enfant.

Il s’agit ainsi de reprendre l’article 1er de la charte de déontologie des membres du conseil de famille des pupilles de l’État de décembre 2019.

Il ajoute, en son deuxième alinéa, que la délibération du conseil de famille est motivée et que, si elle n’est pas prise à l’unanimité, les avis divergents sont mentionnés dans le procès-verbal.

Le nouvel article L. 224-8-5 reprend la disposition de l’article L. 224-3 relative aux voies de recours des décisions et délibérations du conseil de famille en précisant leurs modalités.

Ce recours est plus largement ouvert puisqu’il peut être engagé par :

– le tuteur ;

– les membres titulaires du conseil de famille ;

– les membres suppléants, pour les seules décisions et délibérations auxquelles ils ont participé ;

– les personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance a confié un pupille de l’État pour en assurer la garde, lorsque des liens affectifs se sont établis entre ces personnes et l’enfant, pour les décisions et délibérations relatives à cet enfant ;

– les personnes agréées choisies par le conseil de famille pour adopter un pupille de l’État, pour les seules décisions qui les concernent personnellement ;

– le pupille lui-même.

Le recours est porté devant le tribunal judiciaire. Le délai de recours est de quinze jours.

Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat, car l’obligation de se faire accompagner par un avocat pourrait dissuader certaines personnes, en particulier les membres du conseil de famille qui souhaiteraient agir en considération de l’intérêt de l’enfant, de s’engager dans une procédure judiciaire.

L’appel est ouvert aux personnes qui peuvent exercer un recours même si elles ne sont pas intervenues à l’instance.

3.   La position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination, la Commission a adopté sept amendements de la rapporteure.

Les trois premiers ont pour objet de modifier la composition du conseil de famille des pupilles de l’État pour :

– revenir à un seul représentant des associations de pupilles car les départements peu peuplés risquent d’avoir des difficultés à trouver ces profils et, par conséquent, de ne pas pouvoir constituer le conseil de famille ;

– conserver deux représentants d’associations à caractère familial, afin de permettre des représentations diverses sans exclure des associations aujourd’hui très investies ;

– élargir, au-delà du seul réseau du Défenseur des droits, le champ de la personnalité qualifiée pouvant faire valoir un point de vue en matière d’éthique, en y incluant expressément la lutte contre les discriminations ;

– recentrer le profil de la seconde personnalité qualifiée sur les disciplines en lien avec le développement des enfants.

Les deux amendements suivants encadrent l’exercice du mandat de membre du conseil de famille en fixant une limite de trois mandats – dont deux en tant que membre titulaire – et en prévoyant que le préfet peut mettre fin au mandat des membres du conseil de famille en cas de manquement caractérisé à leurs obligations.

Les deux derniers sont relatifs à l’ouverture au pupille de l’État, de la possibilité d’exercer un recours contre les décisions et délibérations du conseil de famille. Le premier précise que le mineur doit être capable de discernement et qu’il peut agir pour les seules décisions relevant d’actes non usuels de l’autorité parentale. Le second renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités d’exercice de ce recours.

*

*     *

Article 15
(art. L. 224-8-7 [nouveau] et art. L. 224-11 du code de l’action sociale et des familles)
Droits des pupilles de l’État

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article a pour objet de renforcer les droits des pupilles de l’État en prévoyant, notamment, un droit d’information du pupille, par son tuteur, de toute décision prise à son égard.

       Dernières modifications législatives intervenues

Trouvant leur origine dans la loi n° 182 du 15 avril 1943 relative à l’assistance à l’enfance, les dispositions qui figurent aujourd’hui à l’article L. 224-11 du code de l’action sociale et des familles ont été modifiées par la loi n° 84-422 du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance et au statut des pupilles de l’État. Il s’agissait de préciser que l’association d’entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l’État participe à l’effort d’insertion sociale des personnes admises ou ayant été admises dans le service de l’aide sociale à l’enfance.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement qui revient sur la définition trop restrictive de la mission des associations départementales d’entraide entre les pupilles ou anciens pupilles de l’État proposée dans la proposition de loi initiale, pour l’élargir à leur représentation.

1.   L’état du droit

La section 3 du chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles, consacrée au statut des pupilles, comporte les articles L. 224-9 et L. 224-10, relatifs à la gestion des biens des pupilles de l’État, et l’article L. 224-11, qui définit la mission ainsi que le mode de financement des associations départementales d’entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l’État.

● L’article L. 224-9 dispose que les deniers des pupilles de l’État sont confiés au directeur départemental des finances publiques. Le tuteur peut autoriser, au profit du pupille, le retrait de tout ou partie des fonds lui appartenant. Les revenus des biens et capitaux appartenant aux pupilles sont perçus au profit du département jusqu’à leur majorité, à titre d’indemnité d’entretien et dans la limite des prestations qui leur ont été allouées. Lors de la reddition des comptes, le tuteur, à son initiative ou à la demande du conseil de famille, peut proposer, avec l’accord de ce dernier, au président du conseil départemental toute remise jugée équitable à cet égard.

Les héritiers, autres que les frères et sœurs élevés eux-mêmes par le service, qui se présentent pour recueillir la succession d’un pupille, doivent rembourser au département les frais d’entretien du pupille, déduction faite des revenus que le département avait perçus.

Lorsque aucun héritier ne se présente, les biens des pupilles de l’État décédés sont recueillis par le département et utilisés pour l’attribution de dons ou de prêts aux pupilles et anciens pupilles de l’État.

Les biens du tuteur ne sont pas soumis à l’hypothèque légale.

● L’article L. 224-10 énonce que lorsque les père ou mère d’un ancien pupille sont appelés à sa succession, ils sont tenus, dans la limite de l’actif net qu’ils recueillent dans cette succession, de rembourser le département des frais d’entretien de l’enfant, à moins qu’ils n’aient obtenu la remise de l’enfant pendant sa minorité, ou que le président du conseil départemental ne leur accorde une exonération totale ou partielle dudit remboursement.

● L’article L. 224-11 prévoit qu’une association départementale d’entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l’État participe à l’effort d’insertion sociale des personnes admises ou ayant été admises dans le service de l’aide sociale à l’enfance. À cet effet, elle peut notamment leur attribuer des secours, primes diverses et prêts d’honneur.

Ses ressources sont constituées par les cotisations de ses membres, les subventions du département, des communes, de l’État, les dons et legs.

Son conseil d’administration comporte deux membres des conseils de famille des pupilles de l’État.

Il existe actuellement soixante-quinze associations départementales d’entraide. Elles sont membres de droit des conseils de famille des pupilles de l’État ([78]) ainsi que des commissions d’agrément ([79]). Elles peuvent être membres des conseils d’administration d’associations intervenant dans le cadre de la protection de l’enfance.

2.   La réforme proposée

L’article 15 de la proposition de loi a pour objet de renforcer les droits des pupilles de l’État.

À cet effet, et par cohérence avec l’article 12, qui consacre la section 1 du chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles au statut des pupilles de l’État, il substitue tout d’abord à l’intitulé de la section 3 « Statut des pupilles » celui de « Droits des pupilles ».

Il introduit ensuite, avant les deux articles relatifs à la gestion des biens des pupilles de l’État, un nouvel article L. 224-8-7, afin de poser le principe selon lequel le tuteur informe le pupille de l’État de toute décision prise à son égard et lui apporte toute précision utile lorsque son avis n’a pas été suivi.

Il modifie, enfin, l’article L. 224-11 pour prévoir que les associations départementales d’entraide entre les pupilles ou anciens pupilles de l’État ou les personnes admises ou ayant été admises à l’aide sociale à l’enfance participent à l’accompagnement de ces personnes – et non plus à l’effort d’insertion sociale des personnes admises ou ayant été admises dans le service de l’aide sociale à l’enfance.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement de la rapporteure qui revient sur la définition trop restrictive de la mission des associations départementales d’entraide entre les pupilles ou anciens pupilles de l’État, pour l’élargir à leur représentation.

*

*     *

Titre III
amÉliorer les autres dispositions relatives
au statut de l’enfant

Article 16
(art. L. 223-1 et L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles)
Examen biannuel du statut des enfants de moins de trois ans

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit de relever de deux à trois ans l’âge limite auquel il est procédé à un examen biannuel du statut des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles L. 223-1 et L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles ont été modifiés pour la dernière fois par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, afin de renforcer le suivi des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Relatifs aux droits des familles dans leurs rapports avec les services de l’aide sociale à l’enfance, les articles L. 223-1 et L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles définissent des mesures de suivi des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

Introduit par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, le cinquième alinéa de l’article L. 223-1 prévoit en particulier la création, par le président du conseil départemental, d’une commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle chargée d’examiner, sur la base du rapport prévu à l’article L. 223-5, la situation des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance depuis plus d’un an lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l’enfant paraît inadapté à ses besoins.

La commission examine tous les six mois la situation des enfants de moins de deux ans.

Sont associés à l’examen de la situation de l’enfant son référent éducatif et la personne physique qui l’accueille ou l’accompagne au quotidien.

La commission peut formuler un avis au président du conseil départemental sur le projet pour l’enfant. Cet avis est transmis à chacune des personnes morales ou physiques auxquelles le projet pour l’enfant est remis et au juge, lorsque celui-ci est saisi.

Composition et fonctionnement de la commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC)

La commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle mentionnée à l’article L. 223-1, dénommée commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés, est composée :

– d’un représentant de la direction départementale de la cohésion sociale, chargé des pupilles de l’État ;

– du responsable du service départemental de l’aide sociale à l’enfance ;

– du responsable du service départemental de l’adoption ;

– d’un magistrat du siège ou du parquet compétent en matière de protection de l’enfance, choisi d’un commun accord entre les chefs de cour et désigné par le premier président ou le procureur général de la cour d’appel ;

– d’un médecin ;

– d’un psychologue pour enfant ou un pédopsychiatre ;

– d’un cadre éducatif d’un service habilité au titre de l’aide sociale à l’enfance ;

– le cas échéant, d’un représentant de la Fédération nationale des associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance.

Il revient au président du conseil départemental d’établir un règlement intérieur prévoyant la fréquence des réunions, le délai de saisine de la commission et les règles de représentation.

La commission est saisie par le président du conseil départemental directement ou sur proposition de toute personne concernée par la situation de l’enfant, sur la base du rapport prévu à l’article L. 223-5.

La commission peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.

Son avis, qui peut proposer une évolution du statut de l’enfant, est transmis au président du conseil départemental. Il permet l’actualisation du projet pour l’enfant.

Un recensement annuel des situations examinées et des suites données est réalisé par le responsable du service départemental de l’aide sociale à l’enfance et transmis à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance.

Au 31 décembre 2018, quarante-et-un départements ont indiqué avoir créé une CESSEC, parmi lesquels onze préexistaient à la loi.

Tel que modifié par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, l’article L. 223-5 prévoit, en son deuxième alinéa, que le service d’aide sociale à l’enfance élabore au moins une fois par an, ou tous les six mois pour les enfants âgés de moins de deux ans, un rapport, établi après une évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative.

Ce rapport porte sur la santé physique et psychique de l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille et les tiers intervenant dans sa vie. Il permet de vérifier la bonne mise en œuvre du projet pour l’enfant et l’adéquation de ce projet à ses besoins ainsi que, le cas échéant, l’accomplissement des objectifs fixés par la décision de justice.

Le troisième alinéa de l’article L. 223-5 précise que, lorsque l’enfant est confié au service de l’aide sociale à l’enfance à la suite d’une décision judiciaire, ce rapport est transmis à l’autorité judiciaire annuellement ou tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans.

Sans préjudice des dispositions relatives à la procédure d’assistance éducative, le contenu et les conclusions de ce rapport sont préalablement portés à la connaissance du père, de la mère, de toute autre personne exerçant l’autorité parentale, du tuteur et du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité.

2.   La réforme proposée

L’article 16 de la proposition de loi propose de relever de deux à trois ans l’âge en deçà duquel il est fait obligation :

– au service d’aide sociale à l’enfance d’établir, à un rythme biannuel, un bilan pluridisciplinaire de la situation des enfants accueillis ou faisant l’objet d’une mesure éducative ;

– à la commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés d’examiner tous les six mois, sur le fondement du bilan pluridisciplinaire, la situation de ces enfants.

Il s’agit ainsi d’encourager un examen plus régulier – passant d’un rythme annuel à une fréquence biannuelle – de la situation des enfants âgés de deux à trois ans, afin de mieux évaluer l’adaptation de leur statut juridique à leurs besoins et, le cas échéant, de leur permettre d’en changer.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *


Article 17
(art. 411 du code civil)
Caractère supplétif de la tutelle départementale

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de renforcer le caractère supplétif de la tutelle départementale.

       Dernières modifications législatives intervenues

Créé par la loi n° 64-1230 du 14 décembre 1964 portant modification des dispositions du code civil relatives à la tutelle et à l’émancipation, l’article 411 du code civil a été modifié pour la dernière fois par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, afin de supprimer la précision selon laquelle la personne désignée pour exercer la tutelle a, sur les biens du mineur, les pouvoirs d’un administrateur légal sous contrôle judiciaire.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Par principe, l’enfant est pris en charge par ses parents qui sont à la fois titulaires de l’autorité parentale et désignés comme ses représentants légaux et administrateurs légaux de ses biens.

À défaut, c’est-à-dire dans le cas où les deux parents sont hors d’état d’exercer l’autorité parentale – soit parce qu’ils sont décédés, soit parce qu’ils se sont vus retirer l’exercice de l’autorité parentale – ou bien si l’enfant n’a pas de filiation légalement établie ([80]), ce dernier est placé sous le régime de la tutelle par le juge aux affaires familiales chargé de la tutelle des mineurs.

La tutelle ne prend fin qu’au moment où l’enfant devient majeur, sauf s’il est émancipé, une telle émancipation ayant d’ailleurs pour objectif de faire cesser la tutelle.

Selon l’article 394 du code civil, « La tutelle, protection due à l’enfant, est une charge publique. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique ». Elle peut donc être familiale ou, à défaut, administrative.

Dans le cadre de la tutelle familiale, il est fait appel à des membres de la famille ou à des proches pour tenir le rôle d’organes tutélaires :

– le tuteur, qui prend soin du mineur et gère son patrimoine ;

– le subrogé tuteur, qui contrôle la bonne exécution de sa mission par le tuteur ;

– les membres du conseil de famille, qui règlent les conditions générales de l’entretien et de l’éducation de l’enfant, en ayant égard à la volonté des père et mère.

Si aucun proche n’est en capacité de prendre en charge l’enfant, c’est-à-dire si la tutelle reste vacante, elle est déférée par le juge aux affaires familiales chargé de la tutelle des mineurs à la collectivité publique compétente en matière d’aide sociale à l’enfance en application de l’article 411 du code civil. Il s’agit du département, le service de l’aide sociale à l’enfance n’étant qu’un service non personnalisé de cette collectivité territoriale.

Il n’appartient pas au président du conseil départemental de déterminer les modalités selon lesquelles s’exercera la tutelle d’un mineur confiée au département, le choix entre les diverses possibilités prévues par la loi étant de la compétence du seul juge ([81]).

Aux termes de l’article 411 du code civil, la tutelle confiée à l’aide sociale à l’enfance ne comporte ni conseil de famille ni subrogé tuteur, conférant ainsi tout pouvoir au tuteur de l’enfant. La personne en charge de la tutelle départementale peut donc gérer seule les biens de l’enfant, qu’il s’agisse des actes conservatoires, des actes d’administration ou des actes de disposition non exclus par l’article 387-1 du code civil qui impose une autorisation judiciaire ([82]). En revanche, le juge étant appelé à contrôler cette tutelle, il doit autoriser les actes graves, à savoir les actes de disposition.

Par ailleurs, un conseil de famille doit être réuni à titre exceptionnel pour consentir au mariage d’un mineur dépourvu d’ascendant (article 159) ou à son émancipation (article 413-3).

2.   La réforme proposée

L’article 17 de la proposition de loi propose une nouvelle rédaction de l’article 411 du code civil, afin de privilégier, lorsque c’est possible, la tutelle des pupilles de l’État à la tutelle départementale.

Les magistrats considèrent en effet aujourd’hui qu’ils sont tenus, par l’emploi du présent de l’indicatif à l’article 411, de constater, en l’absence de tutelle familiale, la vacance de la tutelle et de la déférer au président du conseil départemental. Or, si l’enfant répond aux conditions d’admission en qualité de statut de pupille de l’État, il est dans son intérêt de lui en faire bénéficier, compte tenu notamment du caractère plus protecteur pour le mineur du statut de pupille de l’État grâce à la présence du conseil de famille.

Aussi, dans sa nouvelle rédaction, le premier alinéa de l’article 411 précise-t-il que la tutelle est déclarée vacante s’il est impossible de mettre en place une tutelle avec un conseil de famille ou d’admettre l’enfant dans le statut de pupille de l’État. Il reprend ensuite les dispositions actuelles de l’article 411, à savoir que, dans ce cas, le juge des tutelles la défère à la collectivité publique compétente en matière d’aide sociale à l’enfance et que la tutelle ne comporte alors ni conseil de famille ni subrogé tuteur.

L’article 411 est par ailleurs complété par un second alinéa qui ajoute que la tutelle départementale doit être levée dès que l’enfant peut être admis dans le statut de pupille de l’État.

Lorsque l’enfant, qui fait l’objet d’une tutelle départementale, répond aux conditions d’admission en qualité de pupille de l’État, il convient en effet que les services sociaux demandent au juge de prononcer la mainlevée de la tutelle départementale puis d’admettre l’enfant en qualité de pupille de l’État.

Il s’agit ainsi d’éviter le maintien d’un mineur dans le statut de la tutelle départementale alors qu’un autre projet de vie, comme celui d’une adoption, peut être envisagé.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *


Article 18
Gage de recevabilité financière

Adopté par la Commission sans modification

L’article 18 de la proposition de loi a pour objet de compenser les éventuelles pertes de recettes pour l’État et les collectivités territoriales qui pourraient résulter de la mise en œuvre de la proposition de loi.

Il prévoit, à cette fin, la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs, prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, et la majoration de la dotation globale de fonctionnement.


—  1  —

   Compte rendu des dÉbats

Lors de sa réunion du lundi 23 novembre 2020, la Commission examine la proposition de loi visant à réformer l’adoption (n° 3161) (Mme Monique Limon, rapporteure).

Lien vidéo :
http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9936544_5fbbb5cb48f0b.commission-des-lois--repartition-des-conseillers-de-l-assemblee-de-guyane-entre-les-sections-electo-23-novembre-2020

Mme Monique Limon, rapporteure. La proposition de loi que je vous présente est le fruit d’un long travail engagé il y a presque deux ans. La première étape a été la remise au Premier ministre et au ministre chargé de la famille du rapport que j’ai rédigé conjointement avec la sénatrice de Charentes, Mme Corinne Imbert, intitulé « Vers une éthique de l’adoption ». Il s’en est suivi la rédaction de la proposition de loi, puis, à nouveau, de nombreuses auditions qui me conduisent à vous présenter un certain nombre d’amendements.

Les trois objectifs poursuivis par la proposition de loi sont de faciliter et sécuriser l’adoption conformément à l’intérêt de l’enfant, afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre, lorsqu’il a été reconnu que l’adoption est la solution la plus adéquate avec leur parcours de vie ; de renforcer le statut de pupille de l’État et d’améliorer le fonctionnement des conseils de famille ; d’améliorer les autres dispositions relatives au statut de l’enfant.

Je voudrais maintenant vous présenter les principales modifications que je propose. Après nos auditions, il me semble utile de revoir les conditions d’âge et de situation familiale relatives aux adoptants, en les abaissant à vingt-six ans et en fixant la durée minimale de communauté de vie à un an, afin de mieux tenir compte des évolutions de la société. Nous devrons également débattre de la notion d’écart d’âge.

Il me semble utile de recentrer le rôle des organismes autorisés pour l’adoption (OAA) sur l’adoption internationale, la quasi-totalité se consacrant déjà à cette dimension de l’adoption. Ce recentrage permettra également aux mineurs français qui n’ont pas de parents d’être pris en charge systématiquement sous le statut de pupille de l’État, qui leur assure certaines garanties de protection.

En outre au regard du fait que le champ d’action des OAA peut aller bien au-delà du département, il serait souhaitable de substituer une délivrance de leur autorisation d’exercer par les ministères chargés des affaires étrangères et de la famille à l’actuelle délivrance par le président du conseil départemental. L’autorisation serait valable pour une durée de cinq ans, renouvelable, et pourrait être suspendue ou retirée si les conditions ne sont plus réunies. Une transition de deux ans serait nécessaire à la mise en route de ce nouveau fonctionnement.

Enfin, je souhaite que la composition du conseil de famille des pupilles de l’État soit modifiée, notamment afin d’y inclure une personnalité particulièrement qualifiée en matière d’éthique – voire de déontologie – et de lutte contre les discriminations et afin que l’autre personnalité qualifiée le soit dans les disciplines en relation avec le développement de l’enfant, c’est-à-dire dans les domaines de la psychologie, de la santé ou du social.

Mme Coralie Dubost. Je salue le travail qui a conduit notre rapporteure, Monique Limon, à rédiger cette proposition de loi et à la présenter devant nous. C’est un travail parlementaire de longue haleine – une mission vous avait été confiée par le Premier ministre avec votre collègue sénatrice –, mais également, je crois, l’aboutissement de toute une vie. Nous sommes très heureux que vous puissiez nous faire part de votre expertise, l’objectif étant de mieux accompagner les familles, les enfants, les parents candidats à l’adoption, de faciliter le recours à l’adoption et de permettre à des enfants et à des parents prêts à les accueillir et à les accompagner de mieux se trouver et de construire des liens.

La République en Marche est très fière de cosigner votre proposition de loi, courageuse, et de l’accompagner dans son parcours d’amélioration.

Vous souhaitez revaloriser et faciliter l’adoption simple, courante mais méconnue du grand public. S’agissant de l’adoption plénière, vous voulez également faciliter la vie de tous les couples qui veulent adopter, sans discriminations relatives aux règles d’union ou à l’homoparentalité. C’est un texte de progrès ; nous le porterons avec fierté.

M. Xavier Breton. Nous abordons un sujet sensible parce qu’il touche à la vie des gens. Certaines expériences sont heureuses, d’autres malheureuses. L’attente, l’espoir, les déceptions sont parfois au rendez-vous. Nous veillerons à ne blesser personne, nous serons attentifs à nos propos mais, malgré tout, nous devons légiférer.

C’est également un sujet sensible car le droit de l’adoption et de la filiation est complexe. Il faut le mettre en œuvre, mais aussi le modifier avec prudence.

Je salue le travail de la rapporteure : son rapport, rédigé avec la sénatrice Corinne Imbert, puis la préparation de cette proposition de loi. Madame la rapporteure, j’ai assisté en visioconférence à certaines auditions et j’ai pu constater que votre travail était reconnu par beaucoup d’acteurs de l’adoption.

Cela se traduit par des mesures pragmatiques, qui vont dans le bon sens. Malheureusement, on retrouve aussi d’autres dispositions, juridiquement bancales ou idéologiques, puisqu’elles répondent à une vision de la famille et de la filiation qu’il s’agit de bouleverser. La majorité reste fidèle à ses idées…

Nous reviendrons sur les différentes mesures à l’occasion de l’examen des amendements. Dans le cadre de notre discussion générale, je m’interrogerai sur la méthode : pourquoi passer par une proposition de loi ? En effet, cela signifie que nous ne disposons ni d’étude d’impact, ni d’avis du Conseil d’État alors que les dispositions relatives à la filiation sont particulièrement sensibles.

Ensuite, pourquoi choisir la procédure accélérée ? Vous avez travaillé main dans la main avec une sénatrice et produit un travail constructif. La navette parlementaire permettrait d’enrichir et de consolider la proposition de loi.

Enfin, le texte arrive dans un calendrier très incertain puisqu’on annonce un projet de loi sur la gouvernance de la protection de l’enfance, dont on ne connaît ni les tenants ni les aboutissants.

La rédaction de la proposition de loi est loin d’être calée : vous avez déposé une quarantaine d’amendements de dernière minute. Attention au bricolage juridique alors que le droit de la filiation doit être manié avec précaution !

Je m’étonne aussi de l’absence du ministre des Affaires sociales ou de celui de la Justice. En fin de semaine dernière, les auditions avec des hauts fonctionnaires de ces ministères étaient très intéressantes, mais où est la parole politique ? Elle aussi aurait été intéressante, et pas uniquement au moment de la séance publique.

La tradition veut que le rapporteur d’un texte présente ses dispositions dans son propos liminaire. Vous nous avez présenté vos amendements, mais pas la proposition de loi. Je souhaiterais que vous le fassiez.

Pour conclure, dans le dernier paragraphe de l’exposé sommaire de votre proposition de loi, vous indiquez : « Tel est le sens de cette proposition de loi, dont les mesures en sont les amorces ». Qu’entendez-vous par « amorces » et quelles suites pensez-vous donner au travail que nous allons commencer ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Le régime juridique de l’adoption connaît encore de nombreuses lacunes, auxquelles la proposition de loi propose de remédier en respectant deux principes fondamentaux. Le premier est l’intérêt supérieur de l’enfant, introduit dans le droit français par la loi de 2007 ; le second, la volonté de donner une famille à un enfant, et non l’inverse.

Ce texte fait suite aux conclusions du rapport « Vers une éthique de l’adoption : donner une famille à un enfant » de notre collègue rapporteure et de la sénatrice Corinne Imbert, rendu en octobre 2019. Je m’associe à mes collègues pour saluer sa qualité et sa richesse. Il met en lumière le fait que l’application territoriale de la loi du 14 mars 2016 est hétérogène, et nécessite une harmonisation dans de nombreux domaines – accompagnement des familles adoptantes, formalisation du projet pour l’enfant, mise en place des commissions des statuts, mise en œuvre de la nouvelle procédure de délaissement. Ce rapport relève également un déficit de formation des acteurs de l’adoption, auquel il faudra remédier.

L’objectif de la proposition de loi est donc de renforcer et de sécuriser le recours à l’adoption, comme un outil de protection de l’enfance lorsque celui-ci correspond à l’intérêt de l’enfant concerné, et uniquement dans son intérêt. Le premier titre nous propose de faciliter et de sécuriser l’adoption, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant, afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre lorsque l’adoption a été reconnue comme la solution la plus adaptée à leur parcours de vie. Le titre 2 vise à renforcer le statut de pupille de l’État et à améliorer le fonctionnement des conseils de famille, organes chargés de la tutelle des pupilles de l’État avec le représentant de l’État dans le département. Le titre 3 vise à améliorer les autres dispositions relatives au statut de l’enfant.

Avec mes collègues du MoDem et Démocrates apparentés, nous souhaitons voter un texte plus protecteur et à l’écoute de l’intérêt de l’enfant. Nous proposerons donc plusieurs amendements visant à renforcer les droits de l’enfant – par son consentement explicite à partir de l’âge de douze ans par exemple – et à favoriser l’accompagnement des familles ou leur information. Nous souhaitons également renforcer la protection et l’accompagnement des jeunes adultes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

Une meilleure coordination des différents services qui s’occupent des enfants de l’aide sociale à l’enfance est également indispensable. Malheureusement, notre amendement a été déclaré irrecevable, tout comme celui relatif à l’incapacité parentale. Nous pourrons en rediscuter car il est nécessaire d’avancer sur ces points. En effet, votre rapport comporte d’autres propositions qui n’ont, malheureusement, pas pu toutes être reprises. Nous souhaitons y réfléchir avec vous.

M. Pascal Brindeau. Je salue cette initiative. Vous touchez à un sujet important, lié à la famille : l’adoption. Lorsque nous débattions du projet de loi relatif à la bioéthique, je faisais partie de ceux qui réclamaient une réforme du droit de l’adoption, afin d’encourager ce moyen de fonder une famille, tout en donnant à des enfants la famille qu’ils n’ont pas, ou plus, qu’ils soient nés sur le sol français ou orphelins en provenance d’autres pays.

Vous visez la simplification, quel que soit le statut du couple ou de la personne. Nous ne pouvons que saluer cette démarche. Mais, dans le détail, certains éléments nous interpellent, l’âge notamment. Lors de nos débats, vous constaterez que je fais souvent le parallèle avec l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples mariés ou non mariés, les femmes seules ou en couple. Je souhaite une forme d’équité ou, a minima, de parallélisme dans l’accès à la PMA et à l’adoption. Certes, il s’agit de deux projets différents, mais il ne faut pas instaurer de discrimination juridique s’agissant de deux voies d’accès à la parentalité.

Vous avez également voulu réformer les missions des OAA. J’imagine que vous avez été saisie, comme nombre d’entre nous, de l’inquiétude de ces organismes de voir leurs missions limitées, d’une certaine façon, aux questions touchant à l’adoption internationale, alors qu’ils interviennent aussi en France.

Dans le même ordre d’idées, je n’ai pas compris pourquoi vous retirez à l’aide sociale à l’enfance la possibilité de recueillir le consentement à l’adoption : cela me paraît plus simple que de faire appel à un notaire, notamment.

Par ailleurs, le texte présentait des problèmes de coordination juridique, liés notamment à la séparation opérée entre les questions touchant à l’agrément, figurant dans le code de l’action sociale et des familles, et d’autres aspects de l’adoption traités dans le code civil. C’est l’objet d’un certain nombre de mes amendements, que vous avez largement repris, madame la rapporteure. En définitive, le texte sera mieux rédigé ; j’imagine que ce sont plutôt vos amendements que les miens qui seront adoptés, mais j’aurai fait œuvre utile en les déposant…

Je souhaitais aborder plus spécifiquement la question de l’adoption par les assistants familiaux, c’est-à-dire les personnes à qui l’aide sociale à l’enfance (ASE) confie des enfants, qu’ils soient reconnus pupilles de l’État ou pas. Des liens affectifs se créent immanquablement entre les enfants accueillis au sein d’une famille d’assistants familiaux, particulièrement lorsque les enfants sont très jeunes. Nous en connaissons tous des exemples. Ces liens perdurent, y compris après que les enfants ont atteint la majorité. Il peut arriver que les assistants familiaux et les enfants placés souhaitent que ces liens se renforcent encore et soient institutionnalisés, par exemple par la voie de l’adoption simple. J’ai déposé un amendement sur le sujet.

En revanche, je m’interroge sur le fait que vous proposiez, à l’article 13, d’interdire l’adoption d’enfants de moins de 2 ans. J’aimerais que vous nous expliquiez cette disposition.

Enfin, de nombreuses questions se posent concernant les enfants dits « à besoins spécifiques », notamment ceux qui ont été adoptés à l’étranger. Pourrions-nous travailler sur ce sujet à l’avenir, ainsi que sur l’accompagnement post-adoption des familles qui sont engagées dans cette voie qui n’a rien de neutre et d’anodin dans un parcours de vie ?

M. Pacôme Rupin. Je remercie moi aussi la rapporteure pour cette avancée sociétale majeure. Jusqu’à présent, il fallait être marié pour pouvoir adopter, ce qui reflétait une certaine vision de la famille. Tous nos concitoyens en couple n’adhèrent pas forcément à ce que représente ou à ce qu’implique le mariage civil ; cela ne les empêche pas pour autant d’avoir un projet parental et de vouloir adopter. Grâce à cette proposition de loi, ils vont pouvoir former ce projet et, pour beaucoup d’entre eux, le réaliser. Grâce à cette avancée, de nouvelles familles vont pouvoir se constituer. Cela apportera beaucoup de bonheur.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il est vrai que je n’ai pas pris le temps de détailler l’exposé des motifs de la proposition de loi ni la manière dont Corinne Imbert et moi-même avons travaillé dans le cadre de notre mission et du rapport qui en a découlé. Comme les services de la Commission vous avait transmis le document retraçant l’état d’avancement de mes travaux, je ne voulais pas vous faire l’offense de répéter ce qui y figurait déjà. Néanmoins, puisque vous m’y invitez, je puis vous indiquer que nous avons été guidées par le respect de l’intérêt de l’enfant. Quand il nous est arrivé d’hésiter ou quand nous avions des différences, nous avons toujours privilégié l’intérêt de l’enfant, y compris par rapport à celui des adoptants.

La mission qui nous avait été confiée avait pour objectif, entre autres, de dresser le bilan de la loi du 14 mars 2016. Celle-ci permettait de constater plus facilement le délaissement et de favoriser l’accès des enfants concernés à l’adoption simple. Ces enfants, même s’ils avaient conservé des contacts avec leurs parents biologiques, n’étaient pas éduqués par ces derniers. Ils étaient placés, soit en établissement soit en famille d’accueil, mais n’étaient jamais adoptés, ce qui était dommage car le projet de vie d’un certain nombre d’entre eux les orientait vers ce choix. Qui plus est, même si leur placement en famille d’accueil se passait bien, arrivait forcément un moment où cela s’arrêtait, de même que le séjour en établissement. Ils se retrouvaient alors tout seuls.

Les dispositions de la loi de 2016 supposent un travail d’appropriation, aussi bien de la part des professionnels qui accompagnent ces jeunes que des futurs parents adoptants. Ces derniers doivent se dire que, même si la filiation d’origine subsiste, ils peuvent devenir parents, s’occuper de ces enfants, les aimer et les éduquer.

En ce qui concerne les départements, force a été de constater, lors des auditions que nous avons conduites dans le cadre de la mission, qu’ils prenaient plus ou moins en compte la réforme, non parce qu’ils ne le souhaitaient pas, mais faute de moyens ou par manque d’appropriation. Quant aux commissions chargées d’examiner la situation et le statut des enfants placés, notamment pour les enfants de moins de 2 ans, il n’en existe pas forcément dans tous les départements, ou bien elles commencent seulement à fonctionner.

Nous avons donc souhaité, au regard de tous ces éléments, reprendre les grands principes de l’adoption et les remettre au goût du jour, en partant toujours de l’intérêt de l’enfant. Effectivement, comme l’a dit M. Brindeau, on constate, en France, que les enfants adoptables sont âgés de 7 ou 8 ans – ils sont donc assez grands –, plutôt en fratrie ou à besoins spécifiques, et dont la filiation d’origine existe toujours. Nous nous sommes dit qu’il fallait leur permettre de trouver famille quand cela faisait partie de leur projet de vie. La présente proposition de loi est la transcription de cette volonté.

Nous supprimons la condition de mariage, car nous considérons que le fait d’être marié n’est pas forcément une garantie de stabilité. Il nous a semblé également qu’il était nécessaire de faciliter les adoptions intrafamiliales et l’adoption par les assistants familiaux.

Par ailleurs, il fallait revoir la composition des conseils de famille pour que tous les dossiers soient examinés de la même façon. La nouvelle rédaction que nous proposons prévoit qu’y siègent non seulement une personnalité qualifiée ayant une expérience directe de la prise en charge des enfants sur le plan social, psychologique ou sanitaire, mais aussi une personnalité qualifiée possédant des compétences en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations. Cela permettra d’examiner tous les dossiers de manière rigoureuse et de faire les meilleurs apparentements possibles dans l’intérêt des enfants.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous avez eu raison de rappeler qu’un document faisant état de l’avancée de vos travaux a été adressé à tous les commissaires aux Lois jeudi dernier, ce qui est une éternité en temps parlementaire (Sourires), mais il est vrai que notre Commission a été très mobilisée jeudi et vendredi, ce qui n’a pas forcément permis à chacun d’en prendre complètement connaissance. Quoi qu’il en soit, nos débats permettront d’éclairer les commissaires sur tous les enjeux.

La Commission aborde l’examen des articles de la proposition de loi.

TITRE IER
FACILITER ET SÉCURISER L’ADOPTION
CONFORMÉMENT À L’INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L’ENFANT

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement CL159 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Cet amendement a pour objet de préciser qu’il s’agit de « l’intérêt de l’enfant » et non de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Ceux d’entre vous qui ont assisté aux auditions vont penser que je perds un peu la tête, car j’emploie souvent moi-même la seconde expression. Toutefois, nous devons mettre en cohérence le texte de la proposition de loi avec l’ensemble des dispositions du code civil et du code de l’action sociale et des familles, lesquelles se réfèrent à l’intérêt de l’enfant.

Il est vrai que l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant consacre le principe de l’intérêt supérieur comme devant être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux ou des autorités administratives. Le Conseil constitutionnel a également consacré, par deux décisions du 21 mars 2019 relatives à d’autres domaines que celui de l’adoption, la notion de « protection de l’intérêt supérieur de l’enfant » en lui reconnaissant une valeur constitutionnelle, sur le fondement des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.

Toutefois, cela n’emporte pas de modifier le code civil et le code de l’action sociale et des familles, comme vous le proposez plus loin dans le texte, monsieur Breton, qui plus est de manière partielle. Si nous introduisons cette notion pour l’adoption, il faudra le faire aussi dans les autres domaines du code civil, comme celui relatif à l’autorité parentale, et du code de l’action sociale et des familles. Sinon, on risque de créer des incompréhensions ou d’entraîner de mauvaises interprétations.

J’ajoute, mais c’est le plus important, que les deux expressions ont la même signification et la même portée.

M. Erwan Balanant. Avant d’entendre votre démonstration, j’étais un peu surpris par cette proposition, car les textes internationaux font effectivement mention de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’intérêt de l’enfant est toujours, à mon sens, et si je puis me permettre une pirouette, un intérêt supérieur. Quoi qu’il en soit, je comprends mieux maintenant votre amendement.

M. Xavier Breton. On ne peut pas dire que « l’intérêt de l’enfant » et « l’intérêt supérieur de l’enfant » ont la même signification et la même portée. Si les mots ont encore un sens, l’adjectif « supérieur » veut dire qu’aucun autre élément ou argument ne saurait prévaloir sur l’intérêt de l’enfant.

Vous avez fait une déclaration de principe, selon laquelle tout ce que vous faites est commandé par l’intérêt supérieur de l’enfant ; mais, en définitive, vous proposez de supprimer le mot « supérieur ». La Convention internationale des droits de l’enfant utilise l’expression « intérêt supérieur de l’enfant ». Vous indiquez qu’elle ne figure pas dans les codes. Qu’à cela ne tienne : changeons les autres références, comme nous le faisons régulièrement pour d’autres sujets. Nous sommes à votre disposition pour consacrer la notion d’« intérêt supérieur de l’enfant ». L’intérêt de l’enfant ne saurait être relatif, s’appréciant par rapport à d’autres intérêts.

Nous nous opposerons à cet amendement. Nous étions d’accord au moins sur l’intitulé du titre Ier : il est dommage que vous le modifiiez… (Sourires.)

Mme Coralie Dubost. Je soutiens l’amendement de Madame la rapporteure : il me semble pertinent sur le plan juridique. Les conventions internationales peuvent tout à fait utiliser un autre vocabulaire que notre droit national ; elles s’appliquent de toute façon dans notre pays, et les juges savent parfaitement manier cette rhétorique. Nous pouvons donc tout à fait conserver l’unité de notre droit interne.

Par ailleurs, je me permets de préciser, car je ne l’ai pas fait à titre liminaire, que nous parlons de l’intérêt de l’« enfant » dans la mesure où la proposition de loi de Mme Limon se concentre sur l’adoption des mineurs, mais il existe bien évidemment des adoptions simples pour les personnes majeures ; nous ne l’oublions pas.

La Commission adopte l’amendement. L’intitulé du titre Ier est ainsi rédigé.

Article 1er (art. 364 du code civil) : Consécration du double lien de filiation introduit par l’adoption simple

La Commission examine les amendements de suppression CL2 de Mme Emmanuelle Ménard et CL37 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. La rédaction actuelle de l’article 364 du code civil rend parfaitement compte de la spécificité de l’adoption simple. La formulation proposée ici introduirait des complications et confusions de nature à faire obstacle à l’exercice de l’autorité parentale par les adoptants. Elle rendrait plus difficile aussi l’assimilation du lien de filiation par l’enfant. Nous proposons donc de supprimer cette rédaction qui créerait de la confusion.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable : la suppression de l’article 1er irait à rebours de la valorisation de l’adoption simple que je défends à travers cette proposition de loi. L’article 1er a en effet pour objectif d’assurer une meilleure visibilité des apports de l’adoption simple afin de la revaloriser par rapport à l’adoption plénière – même s’il ne s’agit aucunement de reléguer celle-ci, bien évidemment. En particulier, la suppression de la référence aux droits héréditaires permet d’éviter que l’intérêt de l’adoption simple soit perçu comme étant avant tout d’ordre patrimonial, alors qu’elle peut représenter un projet de vie particulièrement adapté pour certains enfants.

La Commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL149 de Mme Camille Galliard-Minier.

Mme Camille Galliard-Minier. Nous partageons la volonté de la rapporteure de revaloriser l’adoption simple, qui présente effectivement des atouts, notamment celui de permettre, à la différence de l’adoption plénière, la juxtaposition des liens de filiation. Toutefois, la rédaction du second alinéa nous paraît pouvoir être améliorée. L’utilisation du mot « bénéficie » ne nous paraît pas souhaitable. Surtout, le texte pose problème quant au nombre de liens de filiation ainsi créés. En effet, un enfant ayant un père et une mère possède déjà un double lien de filiation ; à la suite d’une adoption simple, il en a donc quatre. Par conséquent, il vaut mieux éviter de parler de « double lien de filiation ».

Nous proposons une nouvelle rédaction, par ailleurs en miroir de celle de l’article 356 du code civil, qui définit l’adoption plénière de la manière suivante : elle « confère une filiation qui se substitue » à la filiation d’origine. Nous proposons de rédiger ainsi le second alinéa de l’article 1er : « L’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine. L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine. »

Mme Monique Limon, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement. La rédaction proposée ici me semble la mieux à même de lever tout doute quant aux termes « double lien de filiation », qui se veulent distributifs, et de préciser qu’avec l’adoption simple, l’adopté voit sa nouvelle filiation s’ajouter à sa filiation d’origine – car c’est bien cela que nous voulons mettre en avant. Je vous remercie donc pour votre proposition.

M. Xavier Breton. La rédaction de l’article 1er n’était pas satisfaisante, effectivement. Nous proposions nous-mêmes de le rédiger différemment. La formulation selon laquelle l’enfant « bénéficie d’un double lien de filiation » n’était absolument pas opportune.

Je m’étonne de ce bricolage, car il s’agit là de définir l’adoption simple, ce qui n’est pas quelque chose de secondaire par rapport à l’objet du texte. La rédaction ne convient pas, on la corrige vite fait, mais nous ne connaissons toujours pas l’avis de la chancellerie sur ces mots si importants pour notre droit.

Vous indiquez vouloir revaloriser l’adoption simple. Dont acte. L’adoption simple ne doit pas être considérée comme une adoption par défaut, une sous-adoption : nous sommes bien d’accord là-dessus. Toutefois, la revalorisation de l’adoption simple ne doit pas entraîner la dévalorisation de l’adoption plénière. Celle-ci existe toujours dans notre droit, dont c’est une particularité – on trouve rarement ce mécanisme dans d’autres pays. Nous devons absolument la conserver.

M. Pascal Brindeau. Nous avions relevé le fait que le terme « enfant » n’était pas le plus approprié dans la rédaction initiale. Le problème est donc réglé grâce à cet amendement.

Je voudrais faire une autre observation. La fin de l’article sera ainsi rédigée : « L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine. » Vous visez ici les droits héréditaires. Or il ne faut pas perdre de vue le fait que certains devoirs restent également attachés à la première filiation – je pense notamment à l’obligation alimentaire. Il conviendra peut-être de préciser en séance que l’adopté conserve ses droits mais aussi ses obligations envers sa famille d’origine. Si vous en êtes d’accord, nous pourrions présenter un amendement commun en séance.

Mme Coralie Dubost. Je tiens à signaler que l’objet de l’amendement CL149, présenté par le groupe La République en marche, n’est pas de corriger la rédaction parce que celle-ci serait incorrecte. Au-delà de la justesse juridique de nos textes, nous voulons que ces derniers soient parfaitement lisibles et accessibles pour tous nos concitoyens, particulièrement dans le domaine du droit de la famille et de la filiation. Tel est l’objet de la nouvelle rédaction que nous proposons.

Par ailleurs, je tiens à rassurer M. Brindeau : c’est seulement le premier alinéa de l’article 364 qui est visé. Tout ce qui concerne l’obligation alimentaire est donc conservé.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CL8 de M. Pascal Brindeau, CL158 de Mme Camille Galliard-Minier, CL3 de Mme Emmanuelle Ménard, CL38 de M. Xavier Breton et CL106 de M. Guillaume Chiche tombent.

La Commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 343, 343-1, 343-2, 344, 345-1, 346, 348-5, 353-1, 356, 357, 360, 363, 365, 366, 370-3 du code civil) : Ouverture de l’adoption aux personnes liées par un pacte civil de solidarité et aux concubins

La Commission examine les amendements de suppression CL39 de M. Xavier Breton et CL125 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Xavier Breton. La procédure de l’adoption a avant tout pour rôle de protéger l’enfant. Dans ce contexte, le mode de vie choisi par les candidats à l’adoption n’est pas anodin et il a nécessairement un impact sur l’aptitude des adultes à protéger l’enfant.

Ainsi, le pacte civil de solidarité (PACS) peut être rompu unilatéralement par lettre d’huissier. Cette facilité de rupture est incompatible avec le souci d’offrir un foyer stable à l’enfant. L’argument vaut a fortiori pour le concubinage, qui peut être rompu à tout moment. La liberté de rupture est même le principe du concubinage, ce qui est d’ailleurs respectable.

En outre, en cas de rupture d’un pacte civil de solidarité ou d’un concubinage, il n’y a pas de procédure judiciaire. Dans un divorce, le rôle du juge est de protéger l’enfant et de tenir compte de ses intérêts. Le mariage est donc une union stable de nature à offrir à l’adopté, déjà fragilisé par son histoire, le cadre le plus sécurisant et le mieux adapté à ses besoins.

La société a une responsabilité particulière à l’égard des enfants qui lui sont confiés et se trouvent en attente d’adoption. Elle doit donc garantir à l’enfant la configuration la plus stable pour lui. Le mariage n’apporte pas une garantie absolue, bien entendu, mais il n’en reste pas moins que c’est le cadre le plus protecteur dans notre droit. Il ne s’agit pas de juger les choix des personnes : nous sommes là dans la comparaison de statuts juridiques, pour protéger le plus possible l’enfant, s’il est vrai que la logique qui doit prévaloir est bien celle de son intérêt supérieur.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je ferai une réponse d’ensemble, valant à la fois pour ces amendements de suppression de l’article et pour ceux qui visent à supprimer les différents alinéas, car ils poursuivent le même objectif.

Je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements qui vont à rebours de la réforme que je défends, à savoir mettre fin à la différence de traitement face à l’adoption entre les couples mariés, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, et les couples non mariés, qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent. Il s’agit en effet de moderniser le droit de l’adoption afin de l’adapter aux évolutions de la société. Le fait de réserver l’adoption aux couples mariés est, de nos jours, mal compris et vivement critiqué. L’ouverture de l’adoption à une personne seule, qui peut vivre en couple, et l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) pour les couples hétérosexuels, mariés ou non, ont en effet révélé l’incohérence qui caractérise les restrictions entourant l’adoption.

La différence de régime entre l’accès à l’AMP et l’adoption était en partie justifiée par le fait que l’AMP avait pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué, ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité, et qu’elle procédait de la seule idée de soin, alors que l’adoption consiste, selon la formule de la Cour de cassation, à conférer une famille à un enfant qui n’en a pas.

Cette différence ne trouve plus d’explication dès lors que, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, toujours en cours, le critère d’infertilité pathologique ou de transmission d’une maladie particulièrement grave a vocation à être supprimé, et le recours à l’assistance médicale à la procréation à être ouvert aux femmes seules et aux couples de femmes.

J’ajoute que la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt rendu le 7 juin 2012, que « l’article 346 du code civil qui réserve l’adoption conjointe à des couples unis par le mariage ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français ».

Enfin, le Sénat a fait montre de la même volonté de modernisation de l’adoption lors de l’examen, en première lecture, de l’article 4 du projet de loi relatif à la bioéthique.

M. Pacôme Rupin. Comme je l’ai dit tout à l’heure, cette disposition est peut-être la plus importante du texte, car elle ouvre l’adoption à des couples qui ne se reconnaissent pas dans le mariage civil.

Je ne comprends pas bien, cher collègue, l’argumentation selon laquelle le mariage protégerait mieux l’enfant que les autres statuts. Je ne crois pas que ce soit exact. Une évolution s’est produite au cours des trente dernières années, et le choix de vivre en couple différemment qu’au sein du mariage est une réalité qu’on ne peut pas nier. D’ailleurs, le nombre d’enfants nés hors mariage a considérablement évolué. Peut-on dire que ces enfants sont moins bien protégés dans des familles dont les parents ne sont pas mariés ?

M. Xavier Breton. Oui !

M. Pacôme Rupin. Moi, je ne le pense pas.

À partir du moment où l’évolution que j’évoquais a eu lieu, il faut aussi que des couples puissent adopter même s’ils ne sont pas mariés.

Enfin, il est un peu contradictoire de permettre à une personne seule d’adopter, mais pas à des couples non mariés.

M. Erwan Balanant. Pacôme Rupin a bien montré le paradoxe de la situation : quand vous êtes un homme ou une femme seuls, vous avez le droit d’adopter, sans aucune contrainte, mais si vous êtes en couple – hétéro ou homo – non marié, vous ne le pouvez pas.

Je connais, monsieur Breton, votre volonté de défendre la famille. Un homme et une femme en couple qui adoptent un enfant, c’est une famille, qu’ils soient mariés ou pas. Deux hommes ou deux femmes qui adoptent un enfant, c’est une famille également, qu’ils soient mariés ou pas. La proposition de loi représente donc une grande avancée.

J’ai écrit plusieurs fois, sous cette législature, aux gardes des Sceaux successifs pour les alerter sur le sujet. Je vous remercie donc, madame la rapporteure, pour cette avancée qui va permettre d’offrir une famille à un plus grand nombre d’enfants et de proposer un cadre d’adoption serein. On sait, en effet, que certaines personnes en couple non marié adoptent seules, avec tous les risques que cela entraîne au moment d’une séparation. Nous allons apporter de la sécurité juridique ; c’est très bien. C’est une vraie belle avancée de société.

Mme Coralie Dubost. Cette mesure est, en effet, très importante. Elle signifie que le législateur n’apprécie pas la qualité de l’engagement de deux adultes souhaitant adopter un enfant à l’aune de leur statut juridique de couples mariés, pacsés ou en concubinage. Les assistants familiaux et le juge apprécieront, quant à eux, leur capacité à offrir un parcours de vie à cet enfant. Le législateur n’a pas à se substituer à eux. Il lui appartient, en revanche, de tenir compte de l’évolution des mœurs de notre société. Nombre de couples, et donc de futures familles, sont concernés. C’est une mesure de progrès social, de reconnaissance de ce qu’est la famille au XXIe siècle. Nous sommes très fiers de porter cette vision, au bénéfice de beaucoup d’enfants qui attendent une adoption.

M. Pascal Brindeau. Je ne vois pas d’inconvénient à ce que deux personnes, non mariées ou non pacsées, et quelle que soit leur orientation sexuelle, puissent adopter un enfant. J’appelle néanmoins l’attention sur le fait que, juridiquement, les liens du mariage, du PACS ou le statut de concubinage – dont il est fait état ultérieurement dans l’article –, n’emportent pas les mêmes obligations entre ces deux personnes et, par conséquent, pas les mêmes engagements dans le cadre d’une adoption, y compris d’une adoption simple. Xavier Breton a raison de souligner qu’il ne s’agit pas du même niveau de protection juridique pour un enfant – il n’est pas question ici de l’amour qu’un couple peut ressentir à l’égard de l’enfant qu’il va adopter. Il faut être attentif à ces différences qui ne sont pas totalement cadrées dans la proposition de loi.

M. Xavier Breton. La différence de statut juridique n’implique pas obligatoirement la supériorité de l’un par rapport à l’autre : simplement, des éléments de droit permettent objectivement de dire que tel statut entraîne plus de devoirs et plus de droits que tel autre. Mais comme vous n’arrivez pas à articuler l’égalité et la différence, vous niez cette dernière en affirmant que c’est pareil.

D’abord, à aucun moment je n’ai parlé de sexualité. Ce n’est pas le débat et cela n’a rien à voir ! Homosexualité, hétérosexualité, lâchez cette obsession : nous parlons de droit et non de la sexualité des personnes.

Ensuite, vous faites référence au projet de loi relatif à la bioéthique, qui n’est pas encore voté, comme s’il était déjà validé. Dans votre empressement à vouloir changer de civilisation, vous considérez qu’il est déjà adopté ! Vous faites référence en plus à l’avis du Sénat alors que vous n’avez eu de cesse, lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, de détricoter le texte qu’il nous avait transmis. Faites preuve d’un peu de cohérence !

Par ailleurs, nous ne sommes pas là pour lutter contre les discriminations entre adultes. Si vous le faites, c’est que vous n’êtes plus tournés vers l’intérêt supérieur de l’enfant. Si c’est celui-ci qui vous anime vraiment, vous n’avez pas à développer des arguments sur la discrimination, pour essayer d’attirer telle ou telle clientèle électorale ! (Protestations.)

Enfin, j’en arrive à l’adoption par une personne seule. C’est une vraie question. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement visant à demander un rapport sur cette pratique. Depuis 2013, et dans tous les textes relatifs à la famille, nous n’avons jamais présenté d’amendement visant à supprimer cette possibilité qui peut constituer une réponse dans certains cas et dont il serait dommage de se priver. Mais, de là à dire que, parce que cette possibilité d’adoption existe pour des personnes seules, il n’y a pas de raison d’en priver d’autres formes de foyers et à en faire un argument général ! Non, ce n’est pas parce que cela existe qu’il faut verrouiller toute autre réflexion et argumentation.

Mme Monique Limon, rapporteure. C’est vraiment l’intérêt de l’enfant qui nous a guidés. On ne peut pas dire que l’adoption soit aujourd’hui exemplaire dans toutes ses formes. Dans les établissements et les familles d’accueil, bon nombre d’enfants se verraient bien être adoptés par une famille, que ce soit un couple marié, pacsé, en concubinage, voire une personne seule. L’important, c’est l’apparentement, c’est-à-dire réussir à faire en sorte que l’intérêt d’un enfant corresponde bien à une famille, quel qu’en soit le statut ou le mode de vie. Je veux bien me pencher sur les différences juridiques de chaque statut et leurs conséquences en matière de droits et de devoirs, et vous en rendre compte. Aujourd’hui, « faire famille » recouvre plusieurs réalités, qui ne sont pas supérieures ou inférieures les unes aux autres, mais simplement différentes.

La Commission rejette ces amendements.

Elle est saisie des amendements CL41, CL42, CL43 et CL40 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Le premier amendement vise à insérer un alinéa prévoyant que l’adoption est une institution protectrice de l’enfant. Au moment où le Parlement s’apprête à réformer l’adoption, il convient de préciser, dans le code civil, que celle-ci doit protéger l’enfant.

De même, le deuxième amendement prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en matière d’adoption. Cette notion d’intérêt supérieur est inscrite dans la Convention internationale des droits de l’enfant, ainsi que dans l’observation générale n° 14 du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, qui date de 2013 et qui dispose que l’intérêt supérieur est une considération primordiale. Elle doit figurer dans notre droit.

L’amendement CL43 tend à préciser, dans le code civil, que les besoins spécifiques de l’enfant font l’objet d’une attention toute particulière de la part du juge qui prononce l’adoption. Dans la pratique, c’est souvent le cas, mais nous sommes là pour dire les choses et les inscrire en toutes lettres. Il importe de le faire à l’article 343 du code civil.

Le dernier amendement reprend ces trois propositions dans un amendement général.

Mme Monique Limon. S’agissant de la première affirmation, si, effectivement, l’adoption peut et doit être un outil de protection de l’enfance, ce n’est pas une institution, en tant que telle, protectrice de l’enfance. L’adoption crée, par un jugement, un lien de filiation d’origine, exclusivement volontaire, entre deux personnes qui, normalement, sont physiologiquement étrangères.

J’ai déjà exposé mes arguments quant à votre deuxième affirmation lors de la présentation de mon amendement relatif au titre Ier. Les deux expressions sont synonymes et gardons-nous de modifier les codes partiellement.

Il me semble que la troisième affirmation est déjà couverte par les dispositions de l’article 353 du code civil, selon lesquelles l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal judiciaire, qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Dans le cas où l’adoptant a des descendants, le tribunal vérifie, en outre, si l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale. J’émets donc un avis défavorable à vos amendements.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CL110 et CL111 de M. Guillaume Chiche.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL147 de Mme Camille Galliard-Minier, CL160 de la rapporteure, CL140 de M. Erwan Balanant, les amendements CL107, CL108 et CL109 de M. Guillaume Chiche et CL141 de M. Erwan Balanant.

Mme Coralie Dubost. L’amendement CL147 tire les conséquences de notre vote précédent s’agissant des conditions d’adoption et de son ouverture à tous les couples, mariés, partenaires liés par un PACS ou concubins. Nous proposons d’adapter les conditions alternatives qui prévalaient jusqu’à présent – être mariés, avoir 28 ans ou deux ans de vie commune – en supprimant la condition d’âge et en abaissant la durée de communauté de vie à un an pour être en cohérence avec la définition du concubinage caractérisée par une année de communauté de vie stable, continue et paisible. D’autres amendements en ce sens ont été déposés. Il serait bon que nous parvenions à un accord sur ce point.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL160 a pour objet d’inscrire les règles de l’adoption dans le sens de l’évolution de la société, en abaissant la durée minimale de communauté de vie à un an et l’âge minimal à 26 ans. Adopter un enfant est un acte très important, dans lequel l’intérêt de l’enfant doit l’emporter sur celui des parents. Cet acte doit être le fruit d’une réflexion nourrie, car il entraîne un bouleversement total de la vie du couple ou de la personne seule. Il suppose à ce titre une certaine maturité, qu’il s’agisse de l’adoption individuelle ou conjugale. Or à 18, 20 ou même 25 ans, les jeunes entrent à peine dans la vie active et beaucoup se cherchent encore. Il ne serait donc pas raisonnable, à mon avis, de trop vouloir abaisser cette condition d’âge, voire de la supprimer. Néanmoins, je propose de passer de 28 à 26 ans et de réduire à un an la condition de durée de vie commune, comme vous le suggériez, madame Dubost.

M. Erwan Balanant. Je défendrai les deux amendements CL140 et CL141. Ils s’inscrivent dans la même philosophie et tendent à raccourcir l’exigence de durée de vie commune de deux ans à un an pour la faire coïncider avec la mesure ouvrant l’adoption au concubinage. En outre, le temps d’instruction d’un dossier d’adoption est très long – la moyenne a longtemps été de sept ans. Sept ans plus deux ans, c’est une éternité ! Cela conduit à adopter à des âges avancés, alors que la moyenne d’âge pour l’accès à la parentalité n’est pas si élevée.

S’agissant de l’âge des adoptants, je suggère de l’abaisser de 28 à 25 ans. Encore une fois, si l’on ajoute ce délai de sept ans, on en arrive à un âge certain. À charge pour nous, d’ailleurs, de réduire les délais d’instruction des dossiers – c’est peut-être le vrai sujet de cette proposition de loi ! Un quart de siècle, cela me paraissait bien. Mais si l’on se met d’accord sur 26 ans, madame la rapporteure, ce sera déjà une avancée.

Mme Monique Limon, rapporteure. Sur cette question de l’âge des adoptants, nous étions déjà passés de 30 ans à 28 ans. En prévoyant l’âge limite à 26 ans, nous serons dans la norme par rapport aux autres pays européens, qui se situent un peu en dessous.

Mme Coralie Dubost. Merci, madame la rapporteure, pour cette proposition qui répond à la préoccupation de l’ensemble des groupes et qui nous permet de nous aligner sur nos voisins européens. Elle a le mérite, en outre, de conserver le dispositif qui existait dans le droit antérieur, contrairement à la nôtre qui visait à supprimer cette condition alternative de l’âge. Cela sera gage d’une bonne lisibilité pour l’avenir et pour les juristes. Par conséquent, le groupe retire son amendement au bénéfice du vôtre.

L’amendement CL147 est retiré.

M. Xavier Breton. Le droit actuel prévoit que les deux époux aient, l’un et l’autre, plus de 28 ans et deux ans de mariage pour pouvoir adopter. Alors même que le mariage est déjà protecteur, des critères de durée et d’âge avaient été introduits pour protéger davantage encore l’enfant. Or, on est à nouveau, ici, dans les désirs des adultes. Et on marchande : 26 ans, c’est une avancée, certes, mais pourquoi pas 25… Mais tout cela est sérieux ! Nous parlons d’enfants qui seront adoptés ! Ces conditions alternatives n’avaient pas été prévues par la loi par hasard ! Tenir compte d’une certaine durée de mariage, et donc d’une certaine maturité, permettait de consolider le souhait d’adoption. En l’occurrence, et c’est révélateur du renversement qui s’est opéré : nous ne sommes plus du tout dans l’intérêt supérieur de l’enfant, mais bien dans le désir des adultes qu’il faut satisfaire à tout prix.

M. Pacôme Rupin. Il faut un désir pour adopter !

M. Xavier Breton. Nous nous opposerons donc à ces amendements, qui vont à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Pascal Brindeau. Ce débat sur l’âge me rappelle celui sur les conditions d’accès à la procréation médicalement assistée – l’âge y est renvoyé à un décret, je crois. Peut-être faudrait-il prévoir un parallélisme des formes entre l’accès à la procréation médicalement assistée – qui traduit également un projet de parentalité – et l’adoption.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Les débats sur l’âge pourraient durer très longuement, personne n’ayant la même maturité, ni le même parcours de vie. La proposition de loi prévoit, d’ailleurs, de réformer, en amont, l’accompagnement, avec la volonté de mieux faire. Cela permettra d’aller plus loin encore, comme le souhaite Erwan Balanant, s’agissant à la fois de l’abaissement de l’âge des adoptants et de la réduction des délais d’adoption – on l’espère pour les enfants. Votre amendement, madame la rapporteure, va dans le bon sens et je le voterai à titre personnel. J’imagine que M. Balanant le fera aussi. Pour finir par une boutade, j’ajouterai que, dans notre pays, il faut avoir 24 ans pour être élu sénateur, mais que l’on peut être Président de la République à 18 ans !

M. Jean-François Eliaou. Ça ouvre des perspectives ! (Sourires.)

Mme Élodie Jacquier-Laforge. C’est trop tard pour moi, en tout cas ! (Sourires.)

M. Erwan Balanant. Pour rester dans le domaine de la boutade, pour être père ou mère de la Nation, il suffit d’avoir 18 ans mais pour adopter un enfant il en faudrait 28 ! C’est déjà bien de descendre à 26 ans. Madame la rapporteure, je vais évidemment voter votre amendement qui constitue une avancée, mais je porterai le débat dans l’hémicycle s’agissant des 25 ans, même si c’est l’histoire d’un an seulement.

Monsieur Breton, ce n’est pas pour faire plaisir aux couples que nous abaissons l’âge requis. Adopter est un acte courageux, que l’on fait avec le désir de bien faire, de donner une famille à un enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant, auquel je suis profondément attaché, est qu’il trouve une famille, qui le désire. Je ne comprends pas votre argument consistant à dire que l’on se contente de répondre au désir individuel des adultes. Non, nous travaillons sur un sujet très sérieux. Nous voulons que les enfants trouvent une famille. J’espère que, grâce à cette proposition de loi, ce sera plus simple demain qu’aujourd’hui.

La Commission adopte l’amendement CL160.

En conséquence, les amendements CL140, CL107, CL108, CL109 et CL141 tombent.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL116 et CL114 de M. Guillaume Chiche, CL142 de M. Erwan Balanant et CL200 de la rapporteure.

M. Erwan Balanant. L’amendement CL142 est un amendement de cohérence. À partir du moment où l’on abaisse l’âge requis pour l’adoption à 26 ou 25 ans pour les couples, il est logique de le faire également pour une personne seule.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL200 est un amendement de coordination, en effet.

M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur l’exposé sommaire de l’amendement CL160 de la rapporteure qui vient d’être adopté. Il est tout à fait révélateur ! Il indique en effet qu’il s’agit d’inscrire les règles de l’adoption dans le sens de l’évolution de la société. On voit bien que ce qui est pris en considération c’est, non pas l’intérêt de l’enfant, mais l’évolution de la société, à laquelle l’intérêt de l’enfant doit se plier. C’est écrit en toutes lettres !

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL116, CL114 et CL142 et adopte l’amendement CL200 de la rapporteure.

La commission est saisie de l’amendement CL44 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il vise à supprimer les alinéas 5 à 7 de l’article 2. Des collègues ont dit précédemment que le mariage, le PACS, le concubinage, c’était pareil. Ce n’est pas vrai ! Qu’il y ait dans l’intention des personnes des désirs identiques, c’est une chose, mais juridiquement, il existe des différences. C’est une question de stabilité ou de protection non pas affectives, mais juridiques. Vous ne pouvez nier que le mariage, dans le code civil, apporte une protection et une stabilité qui se traduit du reste dans les faits puisque les séparations sont moindres et plus tardives dans le cas des couples mariés. C’est ainsi. Encore une fois, il ne s’agit pas de juger de la qualité de l’engagement des adultes, ni de montrer du doigt tel ou tel choix, mais de comparer des statuts juridiques – ou des non-statuts juridiques dans le cas du concubinage – et de voir ensuite ce qui, objectivement, est le plus protecteur dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Il serait dommage de se priver du potentiel de ces personnes qui ne sont pas mariées, mais pacsées ou en concubinage. Encore une fois, je veux bien m’engager à regarder les conséquences juridiques qu’emportent les différentes formes d’union.

Mme Coralie Dubost. Monsieur Breton, nous avons un désaccord profond sur l’identité de ceux qui sont aptes à faire famille et à fonder un foyer en France au XXIe siècle. Le mariage n’est pas la condition ni la garantie d’une famille stable et heureuse pour l’éternité. Quand des parents divorcent, ils n’en sont pas moins parents – et ils peuvent même en être d’excellents. Ce n’est pas le statut juridique qui garantit la qualité de la parentalité et de la relation avec l’enfant. Il y a de nombreuses familles dans notre société, dont les parents sont pacsés, en concubinage ou en union libre, qui sont de beaux foyers pour tous les enfants. Aussi, pourquoi priver d’un foyer des enfants candidats à l’adoption, pour une simple question contractuelle ?

Lors de la cérémonie du mariage, sont en effet énoncées les obligations à l’égard des enfants à venir. Mais elles remontent à un temps où il était très difficile d’établir la preuve biologique de la paternité d’un homme qui aurait voulu la fuir. Elles visaient à garantir une stabilité à une époque bien différente. Désormais, de nombreux moyens existent pour reconnaître la filiation d’un enfant, et le juge doit y faire attention. C’est de cela que nous parlons quand nous disons que la société a évolué : nous avons des preuves scientifiques ; le code civil a été renforcé. Tout le monde peut faire foyer, fonder une famille, en dehors d’un contrat de mariage, et être un parent. La société protège tous les enfants, que leurs parents soient mariés ou non mariés, hétérosexuels ou homosexuels.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Si j’entends, monsieur Breton, votre interrogation sur les conséquences que pourraient avoir sur les enfants les différences de statut juridique entre les types d’union, il me semble néanmoins que les obligations sont toujours les mêmes. En revanche, une phrase de votre exposé des motifs m’a interpellée : « Le mode de vie choisi a nécessairement un impact sur l’aptitude des adultes en cause à protéger l’enfant. » L’aptitude des adultes n’est absolument pas liée à leur statut matrimonial !

M. Xavier Breton. Bien sûr, madame Dubost, que le mariage n’est pas la condition d’une vie stable et heureuse ! L’un des grands intérêts du mariage, c’est le divorce. (Rires.) C’est malheureux que cela vous fasse rire… Dans le concubinage, la liberté de rupture est totale et n’offre aucune protection aux plus faibles. Le mariage confère une protection plus forte. Il ne s’agit pas de parler de monde idéal ! Vous reparlez aussi des homosexuels et des hétérosexuels. Je ne sais pas à qui vous cherchez à faire plaisir, mais la sexualité n’a rien à voir avec notre sujet. Nous sommes en train de parler de familles et de protection de l’enfant. Sortez de vos obsessions et regardons ce qu’il en est juridiquement ! Le mariage est protecteur. Quand vous, vous souhaitez abolir les différences entre le mariage, le PACS et le concubinage, nous souhaitons, pour notre part, que la société protège le plus faible. Vous avez une vision ultralibérale de l’union, à croire qu’il serait aisé de se mettre d’accord. Mais, dans la vie, ce n’est pas ce qui se passe. Certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres. Notre rôle est de prévoir pour protéger. Votre position est incompréhensible, à moins d’admettre qu’elle soit dictée par une idéologie que nous ne comprenons que trop.

M. Erwan Balanant. Il serait intéressant d’avoir, d’ici à la séance, un tableau synthétisant les différentes protections juridiques. Il me semble que, s’agissant de la filiation, elles sont identiques, quelle que soit l’union. Cela serait utile pour anticiper et corriger, le cas échéant, les différences, l’intérêt supérieur de l’enfant, sa protection devant prévaloir absolument.

Monsieur Breton, cela n’a rien d’idéologique. J’aime peut‑être autant que vous la famille. Mais elle est plurielle ; elle a de multiples façons d’exister. Il y a des familles recomposées merveilleuses. D’autres encore font famille sans aucun lien de filiation. Ce que la famille a de magnifique, c’est qu’elle décide à un moment que tous ses membres vont se soutenir. Les nouveaux modèles, qui traduisent l’évolution de notre société, sont aussi légitimes que le modèle traditionnel que vous défendez. Nous ne souhaitons ni flatter un quelconque électorat, ni suivre une quelconque idéologie, seulement nous adapter aux temps, avec l’idée que les enfants soient épanouis au sein de leur cellule familiale, quelle qu’elle soit.

Mme Coralie Dubost. Il me semble, monsieur Breton, que vous faites une confusion. Vous nous avez dit que le mariage était une institution protectrice pour l’enfant, tout comme le divorce. Je pense que vous faites erreur et que vous voulez parler du conjoint.

M. Xavier Breton. Je parlais des deux !

Mme Coralie Dubost. En France, au XXIe siècle, quand vous êtes père ou mère, que vous soyez marié, pacsé, en union libre, célibataire ou divorcé, vous avez les mêmes obligations et les mêmes droits à l’égard de votre enfant. On ne peut pas faire croire que la qualité de parent dépende d’un statut matrimonial.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL161 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL19 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Le fait que le statut juridique du couple n’ait pas d’incidence sur la protection de l’enfant est, pour moi, complètement acquis. Cela étant, pour les couples en concubinage, vous obligez la personne qui souhaite adopter à recueillir le consentement de son conjoint ou de sa conjointe, ce qui me semble créer un hiatus juridique, d’autant qu’il est possible d’adopter seul. En effet, le concubinage n’emporte pas de liens juridiques suffisamment forts pour imposer au conjoint ou à la conjointe la même obligation qu’à un couple pacsé et a fortiori marié. Même si le projet est commun, ce serait, à mon sens, une erreur d’obliger le conjoint à consentir à l’adoption.

Mme Monique Limon, rapporteure. Une personne seule peut en effet adopter un enfant. Mais votre amendement me semble dangereux. Qu’adviendrait‑il de l’enfant si le concubin était opposé à son adoption ? Il risquerait d’être rejeté, et l’adoption ne se ferait certainement pas dans son intérêt. À partir du moment où un couple décide de vivre ensemble et d’avoir un projet commun, je ne vois pas comment faire autrement que d’adopter à deux. Avis défavorable.

M. Pascal Brindeau. Si les deux personnes ne sont pas d’accord sur le projet d’adoption, l’adoption n’est pas possible. Je vous faisais remarquer que vous placiez sur un même plan juridique des personnes pacsées et en concubinage, alors que le PACS emporte certaines conséquences juridiques, en droit successoral notamment, ce qui n’est pas le cas du concubinage. En demandant le consentement du deuxième membre du couple, vous ouvrez un champ d’interrogations juridiques et risquez de déclencher des conséquences en chaîne.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL45 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Monsieur Balanant, vous dites qu’une famille est belle quelle qu’elle soit. Nous sommes bien d’accord. Mais nous ne sommes pas à un concours de beauté ! Nous sommes en train de faire du droit. La question est donc de savoir ce qui est le plus protecteur de l’intérêt supérieur de l’enfant. On nous sort de nouveau ces notions d’amour, de bonheur, mais ce n’est pas le problème du droit. Ne cherchons pas à inscrire le bonheur dans la loi !

Madame Dubost, je ne faisais aucune confusion, quand je disais que le mariage était protecteur : il protège les conjoints mais également les enfants. Quand le conjoint est protégé, indirectement, l’enfant l’est aussi. 

M. Hervé Berville. Mais non !

M. Xavier Breton. A contrario, si le conjoint n’est pas protégé et qu’il se trouve privé de ressources, c’est l’enfant qui va en pâtir, indirectement. La protection concédée aux adultes rejaillit sur l’ensemble du foyer. La procédure de divorce permet également de garantir que l’intérêt des enfants soit pris en compte. Sans intervention du juge, ce sera le plus fort qui l’emportera, et l’enfant risquera de pâtir du déséquilibre entre ses parents.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL162 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL46 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. La rapporteure nous a dit qu’elle voulait bien s’engager à regarder les conséquences juridiques qu’emportaient les différents statuts matrimoniaux. J’avais osé espérer que cela avait été fait avant de rédiger la proposition de loi… Malheureusement non ! Il nous reste quelques jours d’ici à l’examen en séance. Il serait également intéressant d’avoir, pour cette étude juridique, les avis des deux ministères concernés.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL47 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. J’attendais une réponse de la rapporteure à mon précédent amendement…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La réponse, vous l’avez eue, monsieur Breton !

M. Xavier Breton. Je lui ai dit qu’elle n’avait pas étudié les aspects juridiques de sa proposition de loi. C’est très révélateur de la manière dont le texte a été préparé.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Votre exposé sommaire étant le même pour tous vos amendements de suppression des alinéas, Madame la rapporteure n’a pas besoin de vous faire la même réponse à chaque fois.

Mme Coralie Dubost. En réalité, monsieur Breton, ce que j’entends, c’est que vous voulez créer une prestation compensatoire dans le cadre du PACS et du concubinage.

M. Xavier Breton. Nous pouvons travailler là-dessus, si c’est au service de l’intérêt supérieur de l’enfant ! Je ne suis pas dans une logique de promotion du PACS ou du concubinage – je m’en fiche. Ce que je veux, c’est protéger l’enfant.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Au moins, nous sommes d’accord là‑dessus.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL79 de M. JeanFrançois Mbaye, CL124 de M. Guillaume Chiche et CL105 de M. Pacôme Rupin.

M. Jean-François Mbaye. L’amendement fait suite à deux arrêts de la Cour de cassation du 4 novembre 2020, concernant l’adoption des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui (GPA).

M. Pacôme Rupin. Nous avons déjà eu ce débat dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique. C’est parfois un parcours du combattant pour que le deuxième parent d’un enfant né par GPA soit reconnu. Si des avancées ont eu lieu, la loi ne va pas assez loin. On pourrait imaginer, pour certains cas, que le jugement rendu dans un État, qui donnerait toutes les garanties, soit suivi sur notre sol par la reconnaissance du parent d’intention comme parent. Je sais que ce débat a déjà été tranché, mais, dans la mesure où il s’agit d’un texte sur l’adoption, je souhaitais le présenter et le retirerai éventuellement, une fois que la rapporteure nous aura répondu.

Mme Monique Limon, rapporteure. Comme vous l’avez dit, ce texte ne porte pas sur la GPA mais sur l’adoption. Monsieur Mbaye, votre amendement est déjà satisfait par le droit positif, qui permet l’adoption de l’enfant du conjoint, lorsqu’il n’y a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint. Comme on a fait sauter, si je puis dire, la condition du mariage, cela ouvre la porte à de nouveaux couples pour adopter l’enfant de leur conjoint. Le dispositif que vous proposez, monsieur Rupin, pourrait ouvrir une voie de détournement de la procédure d’adoption. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Jean-François Mbaye. Madame la rapporteure, je veux être sûr de bien comprendre votre réponse. Mon amendement serait satisfait, parce que certaines dispositions sont venues ouvrir le champ de l’adoption. Aussi, pouvons‑nous considérer qu’un couple ayant eu recours à la gestation pour autrui et désireux d’adopter l’enfant pourra le faire dès lors que « le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l’acte de naissance de l’enfant, qui ne fait mention que d’un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l’absence de tout élément de fraude » ? Pouvons‑nous considérer cela comme acquis ?

Mme Coralie Dubost. J’enfile ma casquette de rapporteure du projet de loi relatif à la bioéthique. Nous avons déjà eu ce débat, et tous les groupes se sont exprimés par scrutin public sur le sujet, qui est complexe. Des engagements avaient été pris par le garde des Sceaux, et ils seront tenus dans un amendement à venir. Il y avait eu des engagements également, afin de fluidifier certaines procédures. Le débat ne concerne absolument pas la GPA, mais la filiation d’enfants qui en sont issus. Au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant et de toutes les conventions internationales, il est évident que tout enfant, en France, a le droit de voir sa double filiation établie pour sécuriser son parcours de vie. Alors que nous avons, par le passé, rencontré des difficultés pour établir la deuxième branche de filiation, cette proposition de loi va permettre d’en résoudre une immense partie. L’obligation d’être mariés, par exemple, ne répondait pas aux conditions de célérité exigées par la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l’homme. Nous allons pouvoir avancer, grâce à ce nouveau texte.

Les amendements identiques à ceux qui avaient été présentés lors de l’examen de la loi de bioéthique n’ont pas trait à l’adoption mais à la transcription automatique d’une adoption étrangère, ce qui n’est pas la même chose. Nous avions refusé ce dispositif et je pense qu’il faut continuer de le faire, parce que nous n’avons toujours pas – et je le regrette – de consensus international permettant de distinguer les pays pratiquant une GPA éthique – le Canada, par exemple – des autres – l’Ukraine notamment –, où la GPA relève du trafic international d’enfants. C’est un vrai problème. La communauté internationale doit se saisir de cette question, afin de définir des critères destinés à guider le juge national dans son application des différents textes.

M. Pascal Brindeau. Je m’étonne que ces amendements aient été déclarés recevables au titre de l’article 45, dans la mesure où il ne s’agit pas d’adoption mais de transcription d’un lien de filiation, qui certes peut s’apparenter à un jugement d’adoption plénière. Des amendements ont été déclarés irrecevables sur d’autres sujets, notamment lors de l’examen du PLFSS, alors qu’ils avaient des liens beaucoup moins ténus avec le texte.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous nous sommes posé la question de la recevabilité de ces amendements qui ont été soumis à mon appréciation. Comme chacun d’entre eux a trait à l’adoption, j’ai estimé qu’ils avaient un lien, même indirect, avec le texte.

M. Pascal Brindeau. Je suis désolé de vous dire que non.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous n’avez peut‑être pas la même impression que moi, mais vous n’êtes pas président de la commission des Lois.

M. Pascal Brindeau. C’est exact. Mais il y a souvent deux poids deux mesures dans l’application de l’article 45.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes appréciations sont extrêmement bien réparties entre chacun des groupes politiques, et le Gouvernement en fait suffisamment souvent les frais.

M. Xavier Breton. Madame la rapporteure vient de nous dire que l’amendement de M. Mbaye était satisfait parce que des choses avaient été ouvertes. Qu’est‑ce qui a été ouvert dans ce que nous avons voté ?

Deuxièmement, Mme Dubost nous a dit que, lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, le garde des Sceaux avait pris un engagement qui serait tenu dans un amendement ultérieur. De quel amendement déposé par le Gouvernement s’agit‑il ?

Mme Coralie Dubost. C’est un amendement que j’ai déposé.

M. Xavier Breton. Pourriez‑vous nous en dire plus pour éclairer nos débats ?

Mme Monique Limon, rapporteure. Ce n’est pas la proposition de loi qui ouvre cette possibilité, c’est la jurisprudence : les amendements sont satisfaits par le droit positif, qui permet l’adoption de l’enfant du conjoint lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint.

M. Erwan Balanant. Si l’on veut défendre l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut faire avancer les choses : un enfant qui est privé d’une des branches de sa filiation, cela pose un problème ! J’attends avec impatience l’amendement de Mme Dubost sur le sujet.

L’amendement CL79 est retiré.

La Commission rejette successivement les amendements CL124 et CL105.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL48, CL49 et CL50 de M. Xavier Breton.

Puis elle examine l’amendement CL51 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il tend à supprimer les alinéas 20 et 21. Je souhaiterais toutefois que la rapporteure précise quelle est l’évolution du régime juridique proposée par l’alinéa 21, car cela ne me semble pas très clair.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je regarderai ce point d’ici à l’examen du texte en séance.

M. Xavier Breton. Dans ce cas, je redéposerai l’amendement en séance.

L’amendement CL51 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL9 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Il s’agit d’un amendement de nature rédactionnelle, qui vise à préciser que les « personnes » mentionnées à l’alinéa 21 sont les membres du couple.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis chaque fois défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CL52 et CL53 de M. Xavier Breton, l’amendement CL113 de M. Guillaume Chiche et les amendements CL54, CL55, CL56 et CL57 de M. Xavier Breton.

Elle en vient à l’amendement CL150 de Mme Camille Galliard-Minier.

Mme Camille Galliard-Minier. Il va dans le même sens que l’amendement CL9 de M. Brindeau, mais pour ce qui concerne le premier alinéa de l’article 370‑3 du code civil.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL10 de M. Pascal Brindeau n’a plus d’objet.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL115 de M. Guillaume Chiche.

Puis elle examine les amendements CL59, CL58, CL61, CL60 et CL62 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Les débats que nous avons depuis le début de l’après-midi montrent bien la nécessité d’inscrire la notion d’intérêt supérieur de l’enfant dans la loi.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CL64 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Par cet amendement, nous proposons que, si ce texte est adopté, le Gouvernement remette au Parlement, un an après la promulgation de la loi, un rapport faisant un état des lieux de l’adoption par toute personne célibataire âgée de plus de 28 ans – en réalité, il s’agit plutôt de toute personne seule. Un argument souvent avancé consiste à dire que, dès lors qu’une personne seule peut adopter, il n’y a aucune raison que des couples ayant opté pour d’autres formes d’organisation que le mariage ne puissent pas le faire. L’adoption par les personnes seules renvoie à une réalité historique : il s’agissait de rendre juridiquement possible, dans l’après-guerre, l’adoption par un oncle ou une tante vivant seul. Cela se justifiait donc. Peut-être existe-t-il aujourd’hui d’autres justifications à cela ; il faudrait néanmoins examiner les choses dans le détail. Or, aucun coup de projecteur n’a encore été donné sur cette question. La présente proposition de loi pourrait en fournir l’occasion – accessoirement, cela pourrait être aussi l’occasion qu’un de nos amendements soit adopté. (Sourires.)

Mme Monique Limon, rapporteure. Peut-être d’autres occasions se présenteront-elles, monsieur Breton ; quoi qu’il en soit, j’émettrais volontiers un avis favorable sur cette demande – sous réserve que la présidente de la Commission en soit d’accord.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Une jurisprudence bien établie veut que la commission des Lois n’adopte pas d’amendements visant à demander un rapport au Gouvernement. Il reste que vous êtes libre, madame la rapporteure, d’émettre l’avis que vous souhaitez sur cet amendement.

M. Erwan Balanant. Dans ce cas, il faudrait le sous-amender, puisque nous avons abaissé le seuil de 28 à 26 ans.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce n’est pas parce que la rapporteure a émis un avis favorable que l’amendement sera nécessairement adopté, monsieur Balanant !

M. Erwan Balanant. Certes, mais les sous-amendements sont mis aux voix avant les amendements, madame la présidente…

M. Xavier Breton. Je ne pense pas que, concrètement, cela change grand-chose, car on sait bien que les procédures d’adoption sont souvent très longues. Cela étant, cela aurait le mérite de la cohérence.

Ce qu’il faudrait aussi regarder, c’est s’il vaut mieux écrire « par toute personne célibataire » ou « par toute personne seule ». Néanmoins, l’essentiel est que ce focus soit fait, soit par le Gouvernement, soit par nous. Il importe que nous connaissions mieux les réalités sociologiques et le quotidien que recouvrent ces situations.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je note donc, monsieur Balanant, que vous présentez un sous-amendement CL201 à l’amendement de M. Xavier Breton, lequel sous-amendement est ainsi rédigé : « Substituer aux mots “vingt-huit” les mots “vingt-six” » ?

M. Erwan Balanant. Il m’aurait semblé préférable que M. Breton revoie la rédaction de son amendement en vue de la séance : ainsi, c’eût été entièrement son œuvre, et non en partie la mienne. Toutefois, ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion de m’accorder avec M. Breton sur les questions de famille ! (Sourires.)

M. Xavier Breton. Tant que M. Balanant n’en profite pas pour abaisser le seuil à 25 ans ! (Sourires.)

La Commission adopte le sous-amendement CL201.

Puis elle adopte l’amendement CL64 sous-amendé. L’article 2 bis est ainsi rédigé.

Article 3 (art. 344 du code civil) : Écart d’âge maximum entre les adoptants et l’enfant adopté

La Commission est saisie des quatre amendements de suppression CL28 de M. Pacôme Rupin, CL30 de M. Raphaël Gérard, CL128 de M. Jean-François Eliaou et CL157 de Mme Camille Galliard-Minier.

M. Pacôme Rupin. Je considère que ce n’est pas au législateur de fixer un écart d’âge maximum entre l’adoptant et l’adopté. Qu’il y ait un plancher, cela se comprend, mais prévoir un plafond revient, alors que le texte vise à réduire les contraintes, à en ajouter une. Je connais des personnes qui, seules ou en couple, prennent autour de 40 ans la décision d’adopter un enfant. On sait que cela prend du temps : elles peuvent donc obtenir une proposition vers 46 ou 47 ans. À cause de cet article, elles ne seraient plus dans les clous !

Cela dit, ayant discuté de la question avec Madame la rapporteure avant la réunion, je crois savoir qu’elle a déposé des amendements qui vont dans le bon sens, notamment un visant à accroître l’écart d’âge maximum. Afin que nous puissions en débattre, je retire mon amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La procédure veut en effet que les amendements de suppression soient examinés en premier – ce qui n’empêche pas Madame la rapporteure d’évoquer les siens dans le cadre de cette discussion.

M. Jean-François Eliaou. Il convient de supprimer, non pas l’âge plancher, mais l’écart d’âge maximum, et cela dans l’intérêt même de l’enfant. Ainsi, fin 2010, un tiers des enfants adoptables ne l’ont pas été pour diverses raisons, notamment à cause de la différence d’âge, alors même qu’il n’existait pas de règle sur ce point dans le droit positif. Cela introduirait de surcroît un décalage par rapport à d’autres pays qui, soit ne prennent pas en considération ce critère, soit ont fixé des règles différentes, ce qui risque de compliquer encore la procédure d’adoption. Enfin, ce serait un frein à l’adoption des tout-petits par les personnes âgées de plus de 45 ans. C’est pourquoi je préconise non de modifier la rédaction actuelle, mais de supprimer toute mention d’un écart d’âge maximum. Je ne vois pas ce qu’apporterait le rehaussement de quarante-cinq à cinquante ans proposé par Madame la rapporteure ; cela ne me semble guère rationnel. Pour ma part, j’ai plus de 60 ans, et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas adopter de jeunes enfants à partir d’un certain âge.

Mme Camille Galliard-Minier. Il semble en effet difficile d’écarter une personne de toute procédure d’adoption et de considérer que celle-ci n’aurait pas la capacité de subvenir aux besoins d’un enfant uniquement en raison de son âge. Il serait par conséquent préférable de supprimer cette disposition. Néanmoins, Madame la rapporteure ayant souhaité amender l’article, je retire mon amendement afin qu’un débat puisse s’ouvrir.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je ne suis pas favorable à la suppression du critère de l’écart d’âge entre l’adopté et le plus jeune des adoptants. Il m’apparaît au contraire important de prévoir une limite afin d’éviter que plusieurs générations séparent l’enfant adopté de ses parents adoptifs. Il s’agit en particulier de faire en sorte que l’adopté n’ait pas une chance moindre d’avoir un parent adoptif à même de répondre à l’ensemble de ses besoins lorsqu’il approche l’âge de la majorité. Pour rappel, l’âge moyen d’accès à l’autonomie financière des jeunes est de 23 ans. La plupart des gens, une fois à la retraite, subissent une nette baisse de leur niveau de vie. L’exigence d’un écart d’âge maximum apparaît encore plus justifiée dans le cas des enfants atteints de handicap car il est contraire à leur intérêt d’être adoptés par des personnes qui ne pourront pas les prendre en charge sur une longue durée, alors qu’ils en ont particulièrement besoin. Une telle disposition répond en outre aux vœux des professionnels, qui souhaitent que leurs pratiques trouvent attache dans la loi.

Cela étant, après avoir entendu les divers arguments avancés, je propose, non seulement de rehausser le maximum de quarante-cinq à cinquante ans, mais surtout qu’à partir du moment où l’écart d’âge est de cinquante ans ou plus, on examine, au cas par cas, si la situation permet ou non l’adoption. Il y a aussi, on le sait, de grands enfants et des fratries à adopter ; peut-être cela pourrait-il mieux correspondre au profil d’adoptants plus âgés ?

Quoi qu’il en soit, ma volonté n’est évidemment pas de limiter l’adoption des enfants. C’est pourquoi je vous propose de fixer un écart d’âge légèrement supérieur et, pour les personnes dont l’écart d’âge avec l’adopté serait supérieur à cinquante ans, d’examiner les choses au cas par cas et de prévoir, au moment de la procédure d’agrément, un échange pédagogique et un accompagnement pour que l’adoption se déroule dans les meilleures conditions.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. À titre personnel, je suis d’accord avec la rapporteure. Je pense qu’il importe de fixer un écart d’âge maximum, quitte à faire preuve d’une certaine souplesse dans l’application de ce critère suivant la situation de l’enfant ou de l’adoptant. C’est d’ailleurs – Jean-François Eliaou l’a dit – ce qui se fait déjà, mais de manière non transparente. Il serait préférable de fixer un cadre, mais qui ne soit pas totalement rigide.

M. Erwan Balanant. J’aimerais vous soumettre deux exemples concrets afin d’être sûr d’avoir bien compris.

Imaginons un couple qui s’est formé tardivement, avec une différence d’âge importante – cela peut arriver ; disons que le plus âgé a 50 ans, l’autre, 30 ans. Cela signifie-t-il qu’ils ne pourront pas adopter d’enfant en bas âge ? Leur situation familiale aura beau être cohérente, le dossier pourra être instruit, mais ils seront bloqués parce que ce sera écrit dans la loi ? Il faut retravailler cela !

Deuxième exemple : une personne a été en couple, elle a eu des enfants et elle se retrouve seule. À l’âge de 48 ans, parce que sa situation et son projet de vie l’y engagent, elle décide d’adopter un enfant. Elle ne pourra pas adopter un tout petit ?

Je trouve dommage de fixer des bornes. Non seulement cela limite les choses, mais je trouve que cela crée une certaine injustice. Mieux vaut donner de la souplesse et s’en remettre à l’appréciation du juge et des services sociaux.

M. Jean-François Eliaou. Je rappelle que dans le droit positif actuel, il n’y a pas de limite d’âge pour adopter. Je trouve étonnant, madame la rapporteure, que dans un texte visant à simplifier les procédures d’adoption, on ajoute une disposition qui n’existe pas dans le droit actuel. Vous dites que certaines associations y sont favorables, mais moi, je suis législateur : d’une part, je peux avoir une position différente de celle des associations, d’autre part, en tant que législateur, je suis par principe réticent à fixer des limites d’âge dans la loi. Qu’est-ce que ça veut dire, une différence d’âge de cinquante ans ? On peut avoir 80 ans, circuler en chaise roulante mais être en pleine bourre alors qu’une autre personne qui aura 25 ans souffrira d’éthylisme chronique et n’assurera pas ! Je pense qu’il revient aux intermédiaires, notamment aux juges, d’apprécier les éventuelles conséquences de la différence d’âge.

Deuxièmement, je ne vois pas pourquoi on introduirait une inégalité de traitement par rapport à ce qui se passe dans la vie naturelle. Si moi, qui ai 64 ans, ai envie d’avoir un enfant avec une femme de 30 ans, certes, il faut qu’elle accepte, mais a priori rien ne m’en empêche !

Enfin, on ne fixe pas de limite d’âge dans le cas d’une personne qui adopte l’enfant de son conjoint. Je trouve que tout cela n’est pas très cohérent ; de surcroît, on réduit les chances pour l’enfant d’être adopté.

Que l’écart d’âge soit fixé à quarante-cinq ou cinquante ans, peu m’importe : je ne veux pas de limite du tout.

Mme Coralie Dubost. Par souci de clarté, je précise qu’il n’y a pas, à ce jour, de position unanime du groupe La République en marche sur cette question.

Mme Limon travaille sur le sujet depuis des mois, voire des années. La semaine dernière ont eu lieu les auditions relatives à cette proposition de loi ; nous étions trois à y assister : la rapporteure, M. Breton et moi. Ces auditions, qui ont duré plusieurs heures, furent très instructives et je tiens à témoigner de ce qui y a été dit. Les professionnels de l’aide à l’enfance ont recommandé cette mesure ; les associations ne l’ont pas réclamée, mais disent la comprendre ; quant aux juristes, ils nous ont fait part de leurs interrogations à son sujet.

Une précision, à ce propos. Vous craignez, mes chers collègues, que la limitation de l’écart d’âge n’agisse comme un couperet. Or, si vous lisez bien l’article 3 de la proposition de loi, qui modifie l’article 344 du code civil, vous verrez qu’il introduit certes un écart d’âge maximal, mais qu’il maintient aussi la disposition prévue par le dernier alinéa dudit article du code civil : « Toutefois, le tribunal peut, s’il y a de justes motifs, prononcer l’adoption lorsque la différence d’âge est inférieure à celles que prévoit l’alinéa précédent. » Si l’on adapte cette formulation pour qu’elle englobe aussi l’écart d’âge maximum, cela nous permettrait à la fois d’être transparents à l’endroit des candidats à l’adoption – car je crois que c’est le souci de Madame la rapporteure, relayant le vœu des professionnels de l’aide à l’enfance qui souhaitent que les candidats à l’adoption soient informés des pratiques en vigueur depuis des décennies –, sans pour autant verrouiller la situation. Il y aura en définitive deux types de professionnels, les professionnels de l’aide à l’enfance et les juges, qui donneront leur avis sur la candidature à l’adoption et pourront passer outre l’écart d’âge, dès lors qu’ils considéreront que toutes les garanties pour accompagner l’enfant au cours de son projet de vie sont réunies.

On concilierait ainsi le souci de transparence envers les candidats à l’adoption, le souhait des professionnels de l’aide à l’enfance de faire état de leur pratique et la possibilité pour le juge comme pour les professionnels du secteur de ne pas tenir compte de l’écart d’âge s’ils estiment que des garanties suffisantes sont apportées. Tout le monde serait satisfait !

M. Jean-François Eliaou. Pas moi !

M. Hervé Berville. D’abord, c’est une question de cohérence, voire de parallélisme des formes : fixer un écart d’âge maximum permettrait de donner davantage de prévisibilité à ceux qui veulent adopter, dans la mesure où ce n’est que le reflet de la pratique. Cette borne n’a pas en effet été inventée au coin d’une table ! Chacun sait que dans les associations ou les conseils départementaux, on est parfois gêné aux entournures quand il faut faire comprendre aux candidats à l’adoption que ce ne sera pas possible, ou du moins qu’il ne sera pas possible d’aller jusqu’au bout – parce qu’on sait très bien que l’écart d’âge est rédhibitoire. Cela permettrait aussi d’avoir une uniformité sur l’ensemble du territoire, les pratiques pouvant varier d’un conseil départemental à l’autre.

Vous dites, monsieur Eliaou, que cette proposition de loi vise à simplifier les choses ; je ne sais pas si c’est le cas. Ce qui est certain, c’est que nous voulons harmoniser les choses, les rendre plus transparentes, et faire en sorte que l’intérêt supérieur de l’enfant soit l’élément central de la décision. Je pense que, de ce point de vue, cette disposition est bienvenue. À 70 ou 75 ans, on peut être en pleine forme, parce qu’on a une bonne condition physique, mais un enfant adopté, dans 99 % des cas, a subi un abandon ; il faut, dans la mesure du possible, lui en éviter un second quinze ans plus tard.

M. Pascal Brindeau. On sait que les professionnels de l’aide sociale à l’enfance demandent l’établissement de bornes d’âge pour légitimer la démarche dissuasive qu’ils peuvent adopter vis-à-vis de certains candidats à l’adoption quand l’écart d’âge au sein du couple est important. Cette question soulève bien des incompréhensions, tant de la part des professionnels de l’aide sociale à l’enfance que des candidats à l’adoption.

Une borne reste une borne, même si le juge aurait la possibilité, in fine, d’apprécier une situation particulière. Cela reviendrait, en quelque sorte, à transférer la responsabilité actuellement attachée à la décision d’agrément et au projet d’adoption. Mieux vaut expliquer qu’on refuse l’agrément en raison de l’écart d’âge trop important, conformément à la pratique constante visant l’intérêt de l’enfant, plutôt que de confier cette décision au juge, qui la prendra au regard d’éléments de droit et d’opportunité, et en tenant compte de l’évaluation de l’aide sociale à l’enfance.

Cette mesure déresponsabiliserait l’aide sociale à l’enfance. Je suis plutôt favorable à la suppression totale de la borne d’âge.

M. Jean-François Eliaou. Laissons les professionnels et les juges faire leur travail sans poser de limites dans la loi.

Monsieur Berville, il faut appliquer le parallélisme des formes de manière cohérente : si on ne prévoit pas d’écart d’âge pour adopter l’enfant de son conjoint, pourquoi en prévoir pour adopter un autre enfant ?

En quoi la lisibilité de la loi serait-elle meilleure avec un intervalle d’âge dans certaines situations et pas dans les autres ? L’intervalle d’âge doit valoir dans toutes les situations, sinon la règle ne sera pas lisible. Nous risquons de ne pas encourager certains parents potentiels à adopter.

Les amendements CL28 et CL157 sont retirés.

La Commission rejette les amendements CL30 et CL128.

L’amendement CL155 de Mme Camille Galliard-Minier est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL164 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL65 de M. Xavier Breton.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL163 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement CL29 de M. Raphaël Gérard, qui fait l’objet du sous-amendement CL202 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL29 complète l’amendement CL164 au sujet de l’écart d’âge. Mon sous-amendement a simplement pour objet de supprimer le mot « supérieur » dans l’expression « intérêt supérieur de l’enfant ».

La Commission adopte successivement le sous-amendement CL202 et l’amendement CL29 sous-amendé.

Elle adopte l’amendement CL165 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (art. 345 du code civil) : Adoption des enfants âgés de plus de quinze ans

La Commission examine l’amendement CL153 de Mme Coralie Dubost.

Mme Coralie Dubost. Nous abordons un autre sujet qui a fait l’objet d’échanges animés au sein de notre groupe et même de débats lors des auditions, plutôt à l’initiative des professionnels du droit que des professionnels de l’adoption.

L’adoption plénière n’est, en principe, possible que jusqu’à 15 ans, mais un grand nombre de dérogations ont été prévues pour permettre l’adoption jusqu’à 18 ans. Dans une démarche de progrès, nous souhaitons remplacer la définition restrictive de l’âge de l’adoption plénière, assortie de nombreuses exceptions, par une définition positive. Le juge, s’il identifie un obstacle, pourra toujours refuser de prononcer l’adoption.

Nous voulons placer la confiance dans le juge, et nous proposons d’étendre la possibilité de l’adoption plénière jusqu’à la majorité, à 18 ans.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je comprends tout à fait cette motivation. Toutefois, l’adoption plénière de tous les mineurs conduirait à ce qu’un adolescent, au seuil de sa majorité, puisse être adopté par deux personnes extérieures à sa famille d’origine. Est-il dans l’intérêt de cet enfant d’effacer sa filiation d’origine, avec laquelle il s’est construit pendant toute son enfance et son adolescence ? L’adoption simple de ces enfants n’aurait-elle pas plus de sens ?

Par ailleurs, l’adoption plénière d’un enfant a également pour but la prise en charge par les parents de l’éducation et de l’entretien de l’enfant. Au seuil de la majorité, cette obligation d’éducation risque de ne plus avoir grand sens.

Dans le cas d’un enfant placé depuis deux ou trois ans, les liens ne sont pas toujours suffisamment soutenus pour justifier une adoption plénière.

Je recommande le retrait de cet amendement, afin d’étudier avec les ministères les possibilités d’accéder à cette demande en cadrant bien ces dispositions.

M. Jean-François Eliaou. Je partage l’avis de la rapporteure, et j’appelle l’attention de tous sur les effets de bord possibles, notamment en cas d’intentions malhonnêtes.

Je suis très méfiant à l’égard de cette proposition. Bien entendu, le juge examinera de façon précise la personnalité des adoptants et de l’adopté, mais elle risque d’avoir des effets malencontreux au sein de la famille des adoptants. Je suis partisan d’en discuter avant la séance publique pour chercher les améliorations possibles.

Mme Camille Galliard-Minier. Cet amendement prévoit des limites : l’adoption plénière requiert le consentement des parents d’origine, de l’enfant lui-même et une décision du juge. Les contrôles prévus permettent d’éviter les effets de bord, et cette mesure permettrait à des enfants plus âgés de bénéficier de l’adoption plénière jusqu’à la majorité, après que le juge se soit assuré qu’elle est dans leur intérêt. La définition positive de cette adoption plénière permettrait d’appréhender le sujet plus facilement.

L’objet de cette proposition de loi est de libéraliser certaines règles. Cet amendement améliorerait la lisibilité du droit : plutôt que de fixer l’âge maximal d’adoption à 15 ans en prévoyant des exceptions, tous les enfants mineurs pourraient être adoptés plénièrement jusqu’à leur majorité, pourvu que leur consentement et celui de leurs parents ait été recueilli, de même que celui du juge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je partage la vision développée par Mme Galliard-Minier. Il serait très intéressant de travailler sur cet amendement avant la séance publique. Nous cherchons l’intérêt de l’enfant, et je ne vois pas de quels effets de bord parle notre collègue Eliaou – d’où l’intérêt de creuser la question.

Cette proposition rejoint mon souhait de prolonger l’action de l’aide sociale à l’enfance au-delà des 18 ans. Les accompagnements doivent parfois être plus longs, certains parcours de vie sont plus difficiles.

Mme Coralie Dubost. Je vous remercie pour la sérénité dans laquelle nous débattons de ce sujet sérieux – il est question d’adolescents entre 15 et 18 ans, qui attendent probablement des réponses de notre part.

Agissons de façon concertée, puisque différents groupes politiques sont intéressés et que la rapporteure nous y invite. J’accepte de retirer cet amendement pour le retravailler d’ici à la séance, pour prendre les meilleures décisions dans l’intérêt des familles, avec toutes les garanties requises.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5 (art. 351 et 361 du code civil) : Placement en vue d’adoption

La Commission est saisie des amendements identiques CL4 de Mme Emmanuelle Ménard et CL66 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet article prévoit de remplacer l’expression « enfant abandonné » par « enfant délaissé ». Or le terme de délaissement a une portée juridique particulière : il renvoie à l’infraction, prévue aux articles 227-1 et 227-2 du code pénal, consistant à laisser l’enfant seul sans s’assurer qu’il soit pris en charge par un tiers, et sans esprit de retour. Il est préférable de maintenir la rédaction en vigueur, qui renvoie à une réalité juridique claire.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Cette substitution s’appuie sur le remplacement, par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, de la déclaration judiciaire d’abandon par la déclaration judiciaire de délaissement parental. C’est précisément cela qui permettra encore plus, je l’espère, le recours à l’adoption simple.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement CL151 de Mme Camille Galliard-Minier.

Mme Camille Galliard-Minier. La proposition de loi prévoit que la famille au sein de laquelle l’enfant est placé aura le pouvoir d’effectuer les actes usuels de l’autorité parentale relatifs à la personne de l’enfant. C’est une avancée, car le droit existant n’est pas clair.

Toutefois, l’article 5 pose un problème de vocabulaire en ce qu’il vise les « futurs adoptants », alors que l’aboutissement de la procédure n’est pas encore certain. Ces termes sont impropres, et je propose de les remplacer par « les demandeurs à l’adoption ».

Mme Monique Limon, rapporteure. J’ai longuement travaillé à cette proposition, aussi mon avis sera-t-il défavorable.

L’article 5 concerne le placement en vue de l’adoption plénière, qui consiste en la remise effective aux futurs adoptants d’un enfant pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l’adoption. L’agrément et l’apparentement ont donc déjà eu lieu. L’enfant est confié, avant le prononcé de l’adoption, aux futurs adoptants.

Cette période préalable de six mois permet au juge d’apprécier l’entente réciproque entre l’adopté et l’adoptant. L’enfant vit alors chez ses futurs parents adoptifs, en restant sous le contrôle du service ou de l’organisme qui l’a confié aux candidats à l’adoption. Le placement a pour conséquence d’empêcher toute restitution de l’enfant et fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance de la part des parents biologiques. Nous nous situons donc juste avant le prononcé du jugement d’adoption.

Compte tenu du fait que la procédure arrive presque à son terme et que le mot « adoptant » est utilisé tout au long du titre VIII du code civil, relatif à l’adoption, il ne me semble pas opportun de procéder à la substitution que vous proposez.

M. Pascal Brindeau. Pour ma part, je m’interroge plutôt sur la possibilité pour les futurs adoptants d’effectuer les actes usuels de l’autorité parentale.

L’article 11 de cette proposition de loi porte aussi sur la période de mise en relation entre le pupille de l’État et les personnes choisies par le conseil de famille pour l’adopter, jusqu’à la remise effective de l’enfant. Il y est prévu que le tuteur reste seul compétent pour l’exercice des actes de l’autorité parentale. N’est-il pas problématique que deux articles couvrent la même période, l’un prévoyant le transfert de l’autorité parentale usuelle, l’autre l’excluant ?

Mme Monique Limon, rapporteure. Cet article concerne bien les actes usuels de l’autorité parentale, afin que l’enfant confié juste avant l’adoption puisse vivre normalement tous les actes du quotidien avec ses futurs parents. Tant que l’adoption n’a pas été prononcée, il reste sous la responsabilité du tuteur, au cas où un événement dramatique surviendrait. Il n’y a pas de confusion possible.

Il reste qu’en l’absence de liste recensant les actes usuels, on dit qu’il s’agit des actes de la vie quotidienne.

M. Pascal Brindeau. Dès lors, il faudrait modifier l’article 11 pour introduire une notion de compétence partagée.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 (art. 343-3 [nouveau] du code civil) : Interdiction de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs

La Commission examine les amendements de suppression CL117 de M. Guillaume Chiche et CL156 de Mme Camille Galliard-Minier.

Mme Camille Galliard-Minier. Cet article prohibe l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs. Il interdit l’adoption intrafamiliale, à l’exception de l’adoption de l’enfant du conjoint, donc l’adoption par des grands-parents ou les frères et sœurs. Le motif invoqué est d’empêcher les mélanges entre générations.

Effectivement, quand un enfant est adopté par ses grands-parents, il devient le frère ou la sœur de sa mère. Toutefois, ces adoptions sont prononcées de manière exceptionnelle, dans des situations de fait dans lesquelles les grands-parents ou les frères et sœurs ont pris la place des parents, que ces derniers soient décédés ou qu’ils aient délaissé l’enfant. Prononcer cette adoption rend sa place à l’enfant, le juge s’assurant que son intérêt est respecté. En matière successorale, cela a pour effet que l’enfant adopté prend place au même rang que les autres frères et sœurs.

Dans ces cas exceptionnels, ces adoptions répondent à l’intérêt de l’enfant. Je regrette que cet article instaure une interdiction pure et simple, sans prévoir d’exception pour motif légitime, comme nous l’avons fait à propos de l’écart d’âge. La loi a pour objet de guider le juge, elle ne doit pas fermer les portes. Cette mesure est excessive, c’est pourquoi je souhaite que l’adoption intrafamiliale reste possible, sous le contrôle du juge.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Il s’agit d’éviter les bouleversements générationnels et la confusion dans les rapports familiaux que de telles adoptions entraîneraient. La proposition de loi n’interdit pas les adoptions intrafamiliales ; elles restent possibles en cas d’alliance ou de parenté jusqu’au sixième degré, dès lors que le lien n’est pas en ligne directe. Les adoptions par les oncles et tantes, les neveux, les nièces ou les cousins restent possibles.

En cas de défaillance des parents, d’autres dispositifs peuvent être mis en place pour assurer la prise en charge du mineur au quotidien par ses grands-parents ou ses frères et sœurs, telle que la délégation de l’autorité parentale.

M. Pacôme Rupin. Je suis assez convaincu par les arguments de Mme Galliard-Minier. Il serait intéressant de laisser au juge la possibilité de décider dans quelques cas exceptionnels. Je propose que nous travaillions à ce sujet d’ici à la séance.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je suis défavorable à la suppression de cet article. En cas de décès, lorsque les parents disparaissent alors que les enfants sont très jeunes, ce sont souvent les aînés qui vont s’occuper des plus jeunes. Lorsque les oncles et tantes peuvent le faire, c’est très bien. Mais dans la réalité, ce sont souvent les aînés qui s’en chargent.

Bien évidemment, l’adoption peut brouiller la place de chacun dans les familles, surtout quand les écarts d’âge sont assez importants. Maintenir cette possibilité n’est pas très positif ; dans les rapports entre ascendants et descendants, chacun doit garder sa place. Les conséquences peuvent être d’autant plus dramatiques lorsque les parents sont décédés.

M. Pascal Brindeau. Je cherchais quelles conséquences autres que le bouleversement de l’ordre successoral auraient ces adoptions. Je n’en vois pas de premier abord, ce qui m’amène à soutenir totalement la position de la rapporteure. Modifier l’ordre successoral en permettant l’adoption entre ascendants et descendants risque de mettre en danger la paix des familles.

Mme Camille Galliard-Minier. Lorsque ces situations se présentent, le juge entend l’enfant, les grands-parents, et évalue comment est vécue cette adoption. Pour avoir accompagné des personnes dans ce cadre, ce sont des situations dans lesquelles le père ou la mère n’a pu s’occuper de l’enfant, et dans lesquelles ce dernier prend la place qu’il ne peut avoir si l’adoption n’est pas prononcée.

Évidemment, il est possible de déléguer l’autorité parentale, mais la modification de l’ordre de succession place à l’égal des frères et sœurs, ce qui n’a pas que des conséquences juridiques, mais aussi symboliques. Et les symboles, dans ces situations, sont extrêmement importants.

Mme Coralie Dubost. Le groupe LaREM n’est pas unanime sur cette question ; je m’exprimerai donc à titre personnel.

Lorsque les aînés de la fratrie prennent en charge les plus jeunes, soit que leurs parents les aient délaissés, soit qu’ils soient décédés, il est important – et, sur ce point, je rejoins Mme Galliard-Minier – que la société reconnaisse leur rôle particulier. Mais je ne suis pas certaine que cette reconnaissance doive prendre la forme de la filiation. S’occuper de ses jeunes frères et sœurs lorsqu’on a 15 ou 20 ans et jouer auprès d’eux un rôle parental le temps qu’ils grandissent, c’est une chose ; le fait de devenir juridiquement leur parent pour la vie entière, y compris lorsqu’on aura soi-même des enfants, c’en est une autre – je pense notamment aux conséquences que cela emporte en matière successorale.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 6 sans modification.

Article 7 (art. 348-3 et 370-3 du code civil) : Consentement des parents à l’adoption de leur enfant

La Commission est saisie des amendements de suppression CL5 de Mme Emmanuelle Ménard et CL67 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. L’article 7 tend à transférer la disposition ayant trait aux conditions relatives au consentement à l’adoption des parents d’origine ou du représentant légal de l’enfant de l’article 370-3 du code civil à l’article 348-3 du même code. Ce faisant, il restreint le champ d’application de cette disposition, qui ne couvre plus que la procédure française de l’adoption plénière, alors que, à son emplacement actuel, elle s’applique à toutes les situations, que l’adoption soit prononcée en France ou à l’étranger, quelle que soit la loi applicable. Cela pourrait donc revenir à supprimer l’exigence d’un consentement présentant les mêmes caractéristiques dans les procédures d’adoption internationales. Or, on sait que de telles procédures sont propices aux trafics et doivent faire l’objet d’une vigilance particulière.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Vous proposez de supprimer l’extension de la règle relative au consentement à l’adoption, aujourd’hui restreinte à l’adoption internationale, aux adoptions nationales. Or, il paraît justifié de prévoir une même définition des modalités de recevabilité du consentement à l’adoption, qu’elle soit internationale ou nationale. Par ailleurs, il s’agit d’une règle fondamentale qui relève de l’ordre public international et qui est donc valable quelle que soit la loi applicable. Toutefois, il est vrai qu’il peut y avoir une ambiguïté, qui mérite d’être levée. C’est ce que je vous propose de faire dans l’amendement suivant.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL198 rectifié de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Comme je viens de l’indiquer, cet amendement a pour objet d’apporter une clarification, en précisant que les dispositions relatives au consentement à l’adoption, qui figurent désormais à l’article 348-3 du code civil, constituent une règle fondamentale qui relève de l’ordre public international et qui, par conséquent, doit être respectée quelle que soit la loi applicable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL11 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. La notion de loi applicable à laquelle il est fait référence dans l’amendement que nous venons d’adopter est beaucoup trop imprécise : on ne sait pas si elle renvoie au droit français ou si elle vise également le droit applicable dans un autre pays. Par l’amendement CL11, je vous propose une rédaction qui me semble plus claire, puisqu’il vise à supprimer l’alinéa 4 afin de maintenir la mention du consentement libre et éclairé à l’article 370-3, de sorte que cette mention figurerait dans les deux articles. Nous respecterions ainsi le parallélisme des formes et nous favoriserions l’intelligibilité du droit.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je peux éventuellement vérifier que la rédaction que j’ai proposée et qui a été élaborée – je ne vous le cache pas, je ne suis pas juriste – avec la direction des Affaires civiles et du sceau ne pose pas de problème. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La Commission est saisie des amendements CL101, CL100 et CL99 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Ces trois amendements ont pour objet de renforcer le droit de l’enfant, en abaissant de 13 à 12 ans l’âge à partir duquel son consentement explicite est requis.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il me semble que ces amendements, qui visent à abaisser l’âge minimum auquel l’adopté peut consentir à son adoption plénière ou simple, ou encore à son changement de nom ou de prénom lors de son adoption, introduiraient une différence inexplicable avec les dispositions des articles 60 et 311-23, qui fixent à 13 ans l’âge requis dans la procédure de droit commun pour les changements de nom et de prénom. Ils iraient, en outre, à rebours de l’effort d’harmonisation des conditions d’âge proposé à l’article 9.

Je vous propose néanmoins de retirer votre amendement afin qu’il puisse être expertisé d’ici à la séance publique, car cette question n’a absolument pas été soulevée lors des auditions.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. J’accepte volontiers votre proposition. Mon objectif, comme je l’ai indiqué, est de mieux associer les enfants. Mais si cette préoccupation n’est exprimée par personne et qu’elle est propre à mon groupe, je n’insisterai pas.

L’amendement est retiré.

Article 8 (art. 348-6 du code civil) : Adoption du mineur âgé de plus de treize ans ou du majeur protégé hors d’état de donner son consentement

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement de suppression CL118 de M. Guillaume Chiche.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL166 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL119 de M. Guillaume Chiche.

L’amendement CL97 de Mme Élodie Jacquier-Laforge est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL68 de M. Xavier Breton.

Elle adopte l’article 8 modifié.

Article 9 (art. 357 et 363 du code civil) : Consentement de l’enfant à son changement de prénom lors de son adoption et à son changement de nom lors de son adoption simple

L’amendement CL98 de Mme Élodie Jacquier-Laforge est retiré.

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL167 de la rapporteure et les amendements rédactionnels identiques CL168 de la rapporteure et CL69 de M. Xavier Breton.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

La Commission examine l’amendement CL154 de Mme Coralie Dubost.

Mme Coralie Dubost. Voici, monsieur Breton, une partie de la réponse à la question que vous m’avez posée tout à l’heure sur les suites données aux engagements pris dans le cadre de la loi de bioéthique.

Cet amendement, auquel nous avons travaillé avec de nombreux juristes et associations, a fait l’objet de longues discussions au cours des auditions. Il concerne les couples de femmes qui auraient eu recours à la procréation médicalement assistée (PMA) avant l’entrée en vigueur de la loi de bioéthique et qui ne pourraient pas bénéficier d’une reconnaissance conjointe rétroactive permettant d’établir la filiation de l’enfant à l’égard des deux mères, l’une des deux branches de filiation de ce dernier restant ainsi vacante.

Dans l’hypothèse où, à l’instar de nombreux couples, quels que soient leur orientation sexuelle et leur statut, marital ou non, les deux mères se sépareraient et où la mère dite « biologique » ou « gestatrice » s’opposerait à l’établissement d’un lien de filiation pour l’autre mère, nous proposons, dans l’intérêt de l’enfant, suivant les recommandations de la Convention européenne des droits de l’homme et conformément aux engagements pris dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, de permettre à cet enfant de bénéficier de son double lien de filiation en créant un dispositif transitoire d’adoption. Ainsi, s’il est prouvé que le refus de consentement à l’adoption par la mère dite « biologique » ou « gestatrice » est abusif et que la deuxième maman a bien participé au projet parental d’origine, le juge pourra, comme dans le cas d’un refus abusif de consentir à l’adoption alors que l’enfant a été délaissé, prononcer l’adoption par la deuxième maman.

Ce dispositif permettrait de remédier, dans l’intérêt des enfants, à des situations qui soulèvent de nombreuses difficultés que le droit actuel ne permet pas de résoudre. Il serait transitoire, puisqu’il s’appliquerait pendant trois ans à compter de la promulgation du texte. De fait, il s’agit, non pas de créer un dispositif nouveau et pérenne, mais de traduire les engagements pris en séance publique par le garde des Sceaux actuel et par celle qui l’a précédé dans cette fonction. C’est une mesure de justice sociale pour ces enfants.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je me souviens des engagements pris par les deux Gardes des sceaux en la matière. Je donne donc un avis favorable à cette disposition transitoire. Elle permettra, si nous l’adoptons, de reconnaître les liens que la deuxième mère, qui a participé au projet parental initial, a tissés avec l’enfant. Il serait dommageable pour cet enfant que ces liens ne puissent pas perdurer.

M. Jean-François Eliaou. Je suis tout à fait favorable à cet amendement. Cependant, sur la forme, je m’interroge sur l’intitulé du dispositif. Les mots « adoption judiciaire » ne me paraissent pas très bien choisis, dès lors qu’en définitive, toutes les adoptions sont d’ordre judiciaire.

M. Pacôme Rupin. Cet amendement va évidemment dans le bon sens, puisqu’il permettra aux enfants dont les parents se sont séparés de voir reconnaître juridiquement leur lien avec leurs deux parents. Mais il vient souligner le problème soulevé par le fait de ne pas reconnaître la filiation dès la naissance de l’enfant issu d’une PMA réalisée à l’étranger. La question se pose également pour les enfants nés par gestation pour autrui, dont les parents peuvent également se séparer. Je salue cette première avancée qui remédiera à un grand nombre de situations problématiques.

M. Xavier Breton. C’est, en définitive, un mécanisme d’adoption forcée qui nous est proposé. D’après ce que j’ai pu entendre lors des auditions, il existe déjà quelques cas d’adoption de ce type. Il serait intéressant que nous sachions dans quel contexte juridique ils s’inscrivent, car il n’est pas anodin d’imposer un second parent au parent d’origine.

Par ailleurs, ce dispositif nous est proposé par la voie d’un amendement que l’on voit arriver en cours de discussion d’une proposition de loi. Il n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact juridique. Le Conseil d’État n’a pas été consulté. Il s’agit, nous dit-on, de répondre aux engagements du ministre, mais celui-ci n’est pas là. Force est de constater qu’on fait de nouveau, comme en matière de filiation lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, du bricolage juridique.

Le problème est également d’ordre constitutionnel. Le « projet parental » a été élaboré en connaissance de cause, non seulement par la femme qui n’a pas porté l’enfant et qui savait qu’aucun droit ne lui serait reconnu dans le cadre de la procédure d’assistance médicale à la procréation (AMP), mais aussi par celle qui l’a porté et qui avait, d’une certaine manière, la « garantie » juridique qu’elle resterait le seul parent, puisque tel était l’état du droit lorsqu’elles se sont engagées dans cette démarche. Or, l’adoption forcée proposée dans l’amendement viendrait bouleverser cette situation. Encore une fois, on bricole du droit sous la pression de quelques cas ; c’est regrettable.

M. Pascal Brindeau. Tout d’abord, cet amendement est assez éloigné de l’objet de la proposition de loi, qui porte sur le régime de l’adoption. Ici, il s’agit de régler des situations particulières qui résultent du choix fait par deux femmes de recourir à une PMA avant que cela soit permis dans le droit français – c’est un point important que je tenais à rappeler.

L’argumentaire de la majorité, et de celles et ceux qui promeuvent l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, repose sur la notion de projet parental, dont on nous a expliqué à longueur de débats, lors de l’examen du projet de loi bioéthique, qu’il était supérieur à la filiation biologique. Or, aujourd’hui, vous proposez d’introduire dans notre droit une disposition qui contrevient totalement à cet esprit. De fait, en l’espèce, il n’y a plus de projet parental.

M. Jean-François Eliaou et Mme Coralie Dubost. Si !

M. Pascal Brindeau. Non, il n’y a que celui de la femme qui a recouru à la PMA – et qui pourrait désormais y recourir, en France, en tant que femme seule. Ainsi, vous voulez imposer la volonté d’une personne à une autre. Ce faisant, vous rompez avec l’esprit du volet PMA de la loi de bioéthique. Les contentieux ne manqueront pas, et je ne suis pas certain de leur issue.

Mme Coralie Dubost. Certes, cet amendement est une suite de la loi de bioéthique, mais vous ne pouvez pas affirmer qu’il est étranger à la proposition de loi, puisqu’il s’agit bien là d’adoption. Je vais même vous dire, pour être parfaitement transparente, que je plaidais, lors de l’examen du projet de loi, pour une reconnaissance judiciaire et non pour un mécanisme d’adoption. J’ai donc évolué, pour en arriver à déposer cet amendement avec mon groupe.

Ce mécanisme concerne uniquement les enfants nés d’une AMP, car celle-ci, à la différence de la GPA, est désormais une technique médicale reconnue en France. La GPA n’ayant pas fait l’objet d’un débat et d’une mesure législative, nous ne pouvons pas en tirer les mêmes conclusions en matière de filiation.

Monsieur Breton, vous invoquez, me semble-t-il, le principe d’indisponibilité de l’état des personnes. Tout d’abord, le dispositif proposé ne concerne pas quelques cas, mais des centaines de familles, d’enfants et de mamans – nous avons été énormément sollicités à ce sujet. Ensuite, dans l’hypothèse visée, il ne s’agit pas seulement de la séparation d’un enfant et d’une maman mais aussi, parfois, de fratries, de frères et de sœurs qui ont été élevés ensemble pendant plusieurs années et qui, un beau jour, parce qu’à l’occasion d’une rupture, l’une des mamans refuse que l’autre puisse revoir leur enfant, ne peuvent plus se retrouver. Imaginez le déchirement que cela représente ! Il serait irresponsable pour le législateur d’ignorer ces situations.

C’est uniquement pour remédier à ces situations, qui n’existeront plus une fois que la loi de bioéthique sera promulguée, que nous avons déposé cet amendement. Ce faisant, nous agissons dans l’intérêt des enfants, et non dans celui des mamans. Celles-ci, dites-vous, se sont engagées dans une démarche d’AMP à l’étranger en toute connaissance de cause. Peut-être, mais n’oublions pas l’enfant, qui a le droit de voir ses deux mamans et ses frères et sœurs. Par ailleurs, il est bien précisé que la preuve doit être apportée que toutes deux étaient à l’origine du projet parental : il ne peut pas s’agir d’une compagne qui serait arrivée après l’AMP. Dès lors que cette condition est remplie, elle sera mère, l’enfant pourra voir sa deuxième filiation comblée et retrouver ses frères et sœurs, ce qui nous semble particulièrement important.

La Commission adopte l’amendement. L’article 9 bis est ainsi rédigé.

Article 10 (art. L. 225-1 à L. 225-9 du code de l’action sociale et des familles) : Agrément en vue d’adoption

La Commission adopte l’amendement de cohérence CL170 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle adopte l’amendement rédactionnel CL81 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Elle est saisie de l’amendement CL73 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je regrette l’acharnement de notre rapporteure à supprimer l’adjectif « supérieur » qualifiant l’intérêt de l’enfant.

L’agrément est indispensable s’agissant d’une adoption internationale, y compris lorsque celle-ci est intrafamiliale. Il a notamment pour fonction de protéger l’enfant contre les risques de trafic que présente l’adoption internationale. Il ne faut pas alléger les conditions requises pour protéger l’enfant.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Vous proposez de supprimer la dispense d’agrément pour les adoptions intrafamiliales d’enfants étrangers. Il me semble, au contraire, que dans ce cas, la dispense d’agrément est justifiée, d’autant plus que des garanties sont prévues. En particulier, il est prévu que le président du conseil départemental fasse réaliser une évaluation sociale et psychologique donnant lieu à un rapport portant sur la capacité des personnes à accueillir un enfant au regard de ses besoins fondamentaux. J’ajoute que les conclusions de cette évaluation sont présentées au tribunal judiciaire en vue du prononcé du jugement d’adoption.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CL6 de Mme Emmanuelle Ménard et CL72 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il s’agit de supprimer l’alinéa 6, qui vise à dispenser d’agrément les personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance a confié un pupille de l’État pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre cet enfant et ces personnes justifient cette mesure et qu’elles souhaitent l’adopter. Cette dispense amoindrirait la protection de l’enfant : ce n’est pas parce que des personnes se sont vu confier l’enfant qu’elles présentent les garanties que la procédure d’agrément vise précisément à vérifier.

En outre, comment apprécier l’existence ou non de ces liens affectifs, et qui sera chargé d’un tel constat ?

Enfin, l’existence de liens affectifs peut conduire certaines personnes à vouloir adopter l’enfant sans mesurer la portée de leur acte. Or, la procédure d’agrément a notamment pour objet de les aider à prendre conscience de la réalité et des difficultés de l’adoption ainsi que de la particularité de la filiation adoptive, afin qu’elles s’engagent dans ce processus en connaissance de cause.

Mme Monique Limon, rapporteure. Vous proposez de supprimer la dispense d’agrément pour les assistants familiaux. Je pense, au contraire, qu’il est pleinement justifié de maintenir une telle dispense, qui est au demeurant déjà prévue par le code de l’action sociale et des familles, au bénéfice des personnes – en particulier les assistants familiaux – auxquelles le service de l’aide sociale à l’enfance a confié, souvent depuis plusieurs années, la garde d’un pupille de l’État, lorsque des liens affectifs se sont établis entre eux. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL71 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il s’agit de substituer à l’alinéa 6 trois alinéas qui figurent à l’article 225-2 du code de l’action sociale et des familles, et qui énoncent des dispositions bien utiles. Leur suppression amoindrirait la protection de l’adopté. Notamment, le délai de cinq ans permet de tenir compte d’éventuels changements dans la situation des requérants. Les précisions apportées à l’article L. 225-9 ne suffisent pas à remplacer les dispositions actuelles, plus protectrices.

Mme Monique Limon, rapporteure. Votre amendement vise à rétablir la durée de l’agrément et ses conditions de délivrance, mais il est déjà satisfait. J’en ai déposé un autre afin de préciser, d’une part, que l’agrément doit être délivré pour une durée de cinq ans renouvelables, et, d’autre part, que tout refus ou retrait d’agrément doit être motivé. Le reste relève du niveau réglementaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL169 de la rapporteure.

En conséquence, les amendements CL12 de M. Pascal Brindeau, CL82 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL70 de M. Xavier Breton tombent.

La Commission est saisie de l’amendement CL20 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Il s’agit de permettre aux assistants familiaux qui se sont vu confier des enfants assez jeunes, qui ne sont pas pupilles de l’État mais que leurs parents biologiques ont totalement délaissés – et de façon irréversible, compte tenu de leurs problèmes –, de procéder à leur adoption simple, y compris après leur majorité. Dans bien des familles d’assistants familiaux, des liens affectifs très forts se sont noués avec les enfants qu’elles ont recueillis alors qu’ils n’étaient parfois que des nourrissons.

Sans mettre en danger une filiation biologique, il s’agit de concrétiser ces liens affectifs de façon plus que symbolique.

Mme Monique Limon, rapporteure. Votre amendement est déjà satisfait : en l’absence de disposition spécifique, les familles d’accueil ne sont pas soumises à un agrément pour procéder à l’adoption simple d’un enfant qui ne serait pas pupille de l’État.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL139 de Mme Natalia Pouzyreff et CL13 de M. Pascal Brindeau.

Mme Natalia Pouzyreff. Je m’interroge sur la nécessité pour les personnes qui souhaitent accueillir un pupille de l’État ou un enfant étranger de suivre une préparation préalable à la demande d’agrément. L’amendement tend à supprimer l’adverbe « préalablement » : à quoi bon ajouter un délai supplémentaire à la procédure d’agrément elle-même ?

M. Pascal Brindeau. Si cette préparation, qui porte sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption, se déroule avec les mêmes professionnels de l’aide sociale à l’enfance que lorsque la procédure est engagée, je ne vois pas la cohérence de l’enchaînement des deux phases. On sait que le parcours de l’adoption est psychologiquement traumatisant pour beaucoup de candidats, qu’ils soient en couple ou seuls, et peut même les casser. Si l’objet de l’article est d’éviter cela, je ne suis pas sûr que faire intervenir les mêmes professionnels permette d’atteindre le but.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il nous paraît, au contraire, très important de sécuriser cette première période de formation et d’information des futurs parents adoptifs avant d’engager les démarches pour l’agrément. Mieux vaut travailler à réduire le délai encadrant l’agrément et celui nécessaire aux apparentements plutôt que de supprimer ce premier abord.

Mme Natalia Pouzyreff. Au regard de la cohérence du parcours, on peut comprendre la nécessité d’une préparation encadrée par les accompagnateurs sociaux, mais plutôt au moment du dépôt de la demande d’agrément, lorsque toute la procédure se met en place. Il faut plusieurs mois pour obtenir l’accusé de réception de la demande, et celui-ci marque le déclenchement de la procédure d’agrément qui dure neuf mois au minimum – autant de temps qu’en laisse une grossesse naturelle pour se préparer. Ce délai est précisément mis à profit pour la préparation psychologique du couple, qui n’est pas assuré d’obtenir l’agrément.

Je ne comprends pas pourquoi il faudrait doubler le temps de préparation. Cela me paraît peu sensible vis-à-vis de ce que vivent les parents, d’autant plus qu’en cas d’adoption internationale, il y a encore plusieurs années d’attente d’un enfant. La procédure est déjà assez difficile comme cela pour les parents pour ne pas ajouter une étape supplémentaire, dont je ne comprends pas la cohérence.

Mme Monique Limon, rapporteure. La volonté n’est pas de freiner le parcours d’agrément des futurs parents, bien au contraire. Il s’agit, avant qu’ils ne se lancent dans cette relation avec les travailleurs sociaux et autres psychologues, de leur donner, même en peu de temps, une vision très claire de la réalité de l’adoption en France et à l’international. L’idée n’est pas de contraindre ces gens aux parcours parfois compliqués, difficiles et douloureux, mais de leur donner les moyens d’entrer en toute conscience dans la démarche.

Mme Natalia Pouzyreff. Dans les faits, le parcours se passe différemment. En général, on vient à l’adoption après des démarches médicales, en ayant interrogé des associations et des parents adoptants. Le processus s’enclenche naturellement, et les travailleurs sociaux interviennent au cours de la procédure d’agrément.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine les amendements CL83 et CL84 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Le rapport de Mme Limon indique clairement la nécessité de mieux accompagner les familles adoptantes. Le terme d’accompagnement revient régulièrement, et à tous les stades : avant, pendant et après. D’où la proposition de l’amendement CL83 de substituer aux mots : « suivre une préparation », les mots : « bénéficier d’un accompagnement ». L’amendement CL84 le complète par l’ajout, au même alinéa, d’informations légales sur la parentalité adoptive.

Plutôt qu’une préparation en vue d’obtenir un agrément, il s’agit d’offrir un accompagnement révélant tous les aspects d’une telle démarche : psychologique, éducatif, culturel, mais aussi légal, afin de mesurer à quoi la demande d’agrément engage.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable aux deux amendements. Je pense qu’il s’agit bien d’une préparation à l’adoption, dans l’intérêt de l’enfant mais également des parents adoptifs. La formation doit notamment porter sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption ainsi que sur les particularités de la parentalité adoptive. C’est pourquoi je ne peux pas être d’accord avec la suppression de cette mention. Selon moi, la préparation complète doit être suivie d’un accompagnement ; les deux ne peuvent pas être dissociés.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Il s’agit donc d’une étape supplémentaire.

Mme Monique Limon, rapporteure. Elle peut ne pas être trop longue.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine les amendements CL21 et CL25 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Ces amendements tendent à fixer à neuf mois le délai dans lequel le président de conseil départemental doit statuer sur une demande d’agrément, et à sept ans la validité de l’agrément en vue d’adoption, de sorte qu’elle corresponde à la durée moyenne de la procédure d’adoption à l’international.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Dans le cadre du rapport, nous nous sommes demandé s’il fallait maintenir cette durée de la validité à cinq ans ou l’allonger à sept ans. Nous avons choisi d’en rester à cinq ans renouvelables, le renouvellement devant être l’occasion d’un véritable échange avec les personnes concernées, au moins une fois par an.

Par ailleurs, le délai de délivrance de l’agrément, si tant est qu’il soit respecté, ainsi que ses modalités me semblent plutôt relever du domaine réglementaire.

M. Pascal Brindeau. Il est pourtant clairement inscrit dans la loi.

La Commission rejette successivement les amendements.

Présidence de M. Stéphane Mazars, vice-président.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL171 de la rapporteure et les amendements identiques CL22 de M. Pascal Brindeau et CL135 de M. Jean-François Eliaou.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL171 a un double objet : fixer dans la loi la durée de l’agrément à cinq ans, comme c’est le cas actuellement, et préciser qu’il est renouvelable une fois, et rétablir l’obligation actuelle de motiver le refus ou le retrait d’agrément, de manière à délivrer une bonne information aux candidats à l’adoption et leur permettre, le cas échéant, de formuler un recours.

M. Jean-François Eliaou. Dans le même esprit, l’amendement CL22 tend à compléter le nouvel article L. 225-4 du code de l’action sociale et des familles en précisant que « Tout refus ou retrait d’agrément doit être motivé. » Cette motivation est indispensable pour permettre à la famille adoptante de s’améliorer à la tentative suivante.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’adoption de mon amendement satisferait les vôtres en même temps qu’il les ferait tomber.

La Commission adopte l’amendement CL171.

En conséquence, les amendements identiques tombent.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL23 de M. Pascal Brindeau et CL136 de M. Jean-François Eliaou.

M. Pascal Brindeau. L’amendement CL23 tend à insérer un alinéa précisant que lorsqu’un refus est opposé aux candidats à l’adoption, une nouvelle demande peut être déposée après un délai de trente mois. Il s’agit, en fait, d’en rester à la situation actuelle.

M. Jean-François Eliaou. Je propose, quant à moi, de fixer ce délai à deux ans. Si Madame la rapporteure nous explique ce délai de trente mois, je suis prêt à retirer l’amendement CL136.

Mme Monique Limon, rapporteure. Cette règle relève du niveau réglementaire : elle n’a pas à figurer dans la loi. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Pascal Brindeau. Ce délai de trente mois est bien inscrit noir sur blanc dans la loi. Il reste donc, à mon sens, du domaine législatif.

M. Jean-François Eliaou. Dès lors qu’il figure dans la loi, on ne peut pas considérer qu’il relève du domaine réglementaire. Je maintiens donc qu’il est souhaitable de le fixer à vingt-quatre mois.

Mme Monique Limon, rapporteure. La durée de validité de cinq ans renouvelables a été réintroduite dans le texte par voie d’amendement, toutes les autres dispositions étant renvoyées au domaine réglementaire. Je peux cependant étudier, d’ici à la séance publique, les conséquences qu’emporterait la non-inscription dans la loi du délai au terme duquel une nouvelle demande peut être déposée.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL24 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Là encore, il s’agit de rétablir une disposition du code de l’action sociale et des familles absente de la proposition de loi : le département accorde une aide financière, sous condition de ressources, aux assistants familiaux adoptant un enfant dont le service de l’aide sociale à l’enfance leur avait confié la garde.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine les amendements identiques CL7 de Mme Emmanuelle Ménard et CL144 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. L’amendement vise à supprimer l’alinéa 9 qui dispense d’agrément les personnes souhaitant recueillir un enfant dans le cadre d’une adoption intrafamiliale d’un enfant étranger.

Outre que la notion d’adoption intrafamiliale n’est pas définie dans notre droit, l’adoption internationale est propice à certaines pressions et à certains trafics. Il convient donc de ne pas atténuer la protection de l’enfant en dispensant les candidats à l’adoption de l’agrément. Il existe certes un dispositif alternatif, mais il n’est pas aussi protecteur que la procédure d’agrément.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Il me semble, au contraire, que dans ce cas, la dispense d’agrément est justifiée, d’autant plus que des garanties sont prévues : le président du conseil départemental fait réaliser une évaluation sociale et psychologique donnant lieu à un rapport portant sur la capacité des personnes à accueillir un enfant au regard de ses besoins fondamentaux. En outre, les conclusions de cette évaluation sont présentées au tribunal judiciaire en vue du prononcé du jugement d’adoption.

M. Xavier Breton. Qu’en est-il de la définition juridique de l’adoption intrafamiliale, fort utile notamment dans les relations avec des pays étrangers ?

Mme Monique Limon, rapporteure. Nous avons déjà abordé la question : j’ai indiqué qu’il était possible d’adopter l’enfant du conjoint ; il n’y a pas grand-chose de plus à en dire.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL85 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Il s’agit d’un amendement rédactionnel relatif à une spécificité de la Corse, où le président de la collectivité est en fait le président du conseil exécutif.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL31 de M. Raphaël Gérard.

Mme Natalia Pouzyreff. Il vise à compléter l’alinéa 9 en précisant que les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas aux adoptions mentionnées à l’article 3451 du code civil.

M. Xavier Breton. Selon l’exposé sommaire, il s’agit de bien distinguer les procédures d’adoption intraconjugale des procédures d’adoption intrafamiliale d’un enfant étranger. Cette dernière va donc bien au-delà de ce que Madame la rapporteure nous a indiqué tout à l’heure.

Mme Coralie Dubost. Nous avions, avec une collègue, déposé un amendement similaire visant la même situation. Renseignements pris, nous nous sommes rendu compte que la rédaction de notre rapporteure non seulement n’alourdissait pas l’adoption internationale intraconjugale, mais allégeait le dispositif existant.

Nous avons également constaté l’impossibilité d’échapper soit à une évaluation, soit à un agrément, car les deux sont imposés par les accords internationaux. C’est la raison pour laquelle j’ai retiré mon amendement et le groupe LaREM n’est pas favorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL172 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CL86 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. À nouveau, il s’agit de faire référence au cas particulier de la Corse, en précisant que c’est au président du conseil exécutif que les personnes agréées qui s’y installent doivent adresser une déclaration préalable afin que leur agrément demeure valable.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL87 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Dans le cadre de l’accompagnement nécessaire des familles avant et pendant la procédure d’agrément, nous proposons de rendre obligatoire la présence aux réunions d’information organisées par le président du conseil départemental ou, en Corse, le président de l’exécutif.

Mme Monique Limon, rapporteure. Une formation obligatoire en vue de l’agrément étant déjà prévu, il ne me semble pas justifié de rendre obligatoire les réunions d’information pour les personnes agréées. S’agissant de simples réunions d’information, elles doivent être libres d’y assister, ou non.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL120 de M. Guillaume Chiche.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL173 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CL88 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cet amendement est rédactionnel.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Il ne me semble pas nécessaire de renvoyer à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la définition des données enregistrées. Celles-ci sont définies par la loi : il s’agit des demandes d’agrément, des agréments et des retraits et refus.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL174 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 10 modifié.

Après l’article 10

La Commission examine l’amendement CL27 de M. Pascal Brindeau. 

M. Pascal Brindeau. Cet amendement me tient particulièrement à cœur.

Lorsqu’un assistant familial fait l’objet d’une procédure judiciaire à la suite d’un signalement, avéré ou abusif, le code de l’action sociale et des familles prévoit que son agrément est suspendu pour une durée quatre mois. Or, au bout de quatre mois, la procédure judiciaire n’est pas terminée, et le président du conseil départemental met systématiquement fin à l’agrément, et licencie l’assistant familial.

Ce dernier pourra certes faire une nouvelle demande d’agrément, mais s’il avait un projet d’adoption, celui-ci est réduit à néant. Du reste, la procédure judiciaire, quand bien même elle aboutirait à une relaxe, à un non-lieu ou à la conclusion d’une dénonciation calomnieuse – ce qui arrive de plus en plus –, le dissuadera de solliciter un nouvel agrément en vue d’une adoption.

Les services de l’aide sociale à l’enfance nous sollicitent beaucoup sur cette question, comme les assistants familiaux et les associations qui les soutiennent.

Mme Monique Limon, rapporteure. Vous proposez que le président du conseil départemental ne puisse retirer définitivement l’agrément qu’à l’issue du jugement définitif afin, dites-vous, de ne pas rendre impossible un projet d’adoption. Pour avoir traité beaucoup de situations de cet ordre, il me semble que, dans l’attente du verdict final, la principale préoccupation doit être l’intérêt et la protection de l’enfant. La prise en considération de la situation de l’assistant familiale vient seulement après. Avis défavorable.

M. Pascal Brindeau. Lorsqu’un assistant familial fait l’objet d’une procédure judiciaire, l’enfant qu’il accueille lui est retiré et placé ailleurs : il est protégé et son intérêt est donc garanti. Or, si la procédure débouche sur un jugement de non-lieu, c’est la double, voire la triple peine : l’assistant familial a perdu son agrément et il y a de fortes chances qu’il soit dissuadé d’en demander un autre, et l’enfant qui pouvait faire l’objet d’un projet d’adoption est placé auprès de quelqu’un d’autre.

La Commission rejette l’amendement.

Article 11 (art. L. 225-10 à L. 225-12 du code de l’action sociale et des familles) : Adoption des pupilles de l’État

La Commission examine l’amendement CL175 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Cet amendement a pour objet, en créant une nouvelle section 1 bis, consacrée à l’adoption des pupilles de l’État, de rétablir la section 2, consacrée aux organismes autorisés pour l’adoption (OAA).

M. Hervé Berville. Des craintes s’étant exprimées à ce sujet, j’aimerais être certain que cet amendement permettra bien à nos OAA, qui font du bon travail depuis des décennies, de continuer à jouer leur rôle d’intermédiaires et de permettre à des enfants de trouver une famille.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL178, que je vous présenterai dans un instant, explicitera tout cela, mais je peux déjà vous dire que les OAA à l’international seront maintenues. En revanche, l’agrément ne sera plus accordé par le département, mais conjointement par le ministre des Affaires étrangères et par celui chargé de la famille. Les OAA qui travaillent pour la France ne s’occuperont plus de recueillir les enfants ; seule l’aide sociale à l’enfance s’en chargera désormais.

M. Xavier Breton. Je regrette vos allées et venues sur la question des OAA : tout cela donne le sentiment d’un bricolage et on peut comprendre l’émotion qu’a suscitée l’absence des OAA dans la version initiale de ce texte. Vous les réintroduisez finalement, par le biais d’amendements déposés à la dernière minute. Le travail législatif n’est pas à la hauteur du travail extraordinaire des OAA sur le terrain.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL177 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Cet amendement a pour objet de mettre en conformité la rédaction de l’article L. 225-11 avec l’ensemble des dispositions relatives à l’intérêt de l’enfant en matière d’adoption qui figurent dans le code civil et dans le code de l’action sociale et des familles.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL176 de la rapporteure.

La Commission est saisie de l’amendement CL14 de M. Pascal Brindeau. 

M. Pascal Brindeau. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel : nous proposons de substituer à l’expression consacrée de « remise effective de l’enfant » – proche de la notion de livraison –, les mots « l’arrivée effective de l’enfant dans sa famille ».

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. L’expression « remise effective de l’enfant » figure dans plusieurs articles du code de l’action sociale et des familles. Il ne semble donc pas opportun de changer de terminologie à l’article L. 225-12.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL178 de la rapporteure et CL32 et CL33 de M. Raphaël Gérard.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL178 a pour objet de rétablir et de moderniser les dispositions relatives au statut des OAA. D’une part, une nouvelle définition est proposée pour la mission d’intermédiation pour l’adoption, centrée sur l’adoption internationale et dans le respect de l’intérêt de l’enfant et du droit international. D’autre part, pour pouvoir exercer leur mission d’intermédiation, les organismes doivent être autorisés par le ministre des Affaires étrangères et par le ministre chargé de la famille. L’autorisation est valable pour une durée de cinq ans renouvelables, et peut être suspendue ou retirée si les conditions de sa délivrance ne sont plus réunies.

Aujourd’hui, ces organismes sont autorisés par le conseil départemental de leur siège social, alors même que leurs activités sont susceptibles de s’étendre à l’ensemble du territoire national et à l’international. De plus, cette autorisation est valable sans limitation de durée.

Ces nouvelles dispositions sont cohérentes avec l’article 13 de la proposition de loi, qui met fin à la possibilité pour les OAA d’intervenir en tant qu’intermédiaires pour l’adoption d’enfants en France – ce qui expliquait historiquement la compétence des conseils départementaux pour l’autorisation. Des dispositions transitoires sont prévues pour une durée de deux ans, afin de laisser le temps aux OAA de se conformer aux nouvelles règles. Nous avons déjà commencé à travailler avec eux.

M. Xavier Breton. Quel travail avez-vous réalisé avec les OAA ? Je n’ai pas retrouvé leur audition dans le programme de celles que vous avez menées. Les avez-vous entendus dans le cadre de la mission que vous avez effectuée avec la sénatrice Corinne Imbert ? Avez-vous travaillé avec eux à la rédaction de l’amendement que vous nous proposez ? Votre texte suscite de nombreuses réactions et j’aimerais donc savoir si une concertation avec les OAA a eu lieu tout au long du processus législatif.

Mme Monique Limon, rapporteure. Dans le cadre de notre mission et de la préparation du rapport, nous avons effectivement auditionné la présidente et le trésorier de la fédération des OAA. Plus récemment, nous avons de nouveau contacté par téléphone la présidente de la fédération et auditionné l’OAA Orchidée adoption, dont l’un des membres est aussi trésorier de la fédération. Nous avons, enfin, fait une visioconférence avec le cabinet de M. Adrien Taquet, la direction générale de la cohésion sociale et la présidente de la fédération des OAA pour voir comment nous pouvions travailler ensemble, dès maintenant, à la mise en œuvre de cette réforme, puisque nous avons deux ans devant nous pour avancer.

M. Hervé Berville. Je suis tout à fait favorable à l’introduction d’un contrôle régulier et à ce que l’autorisation ne soit pas donnée ad vitam aeternam. Mais je voudrais être certain que le renouvellement périodique de l’autorisation ne risque pas de créer des blocages. Imaginons, par exemple, qu’une personne qui a demandé un agrément en vue d’une adoption et l’OAA auquel elle s’adresse n’aient pas fait leur demande d’autorisation au même moment. Qu’adviendra-t-il si l’un ou l’autre doit renouveler son autorisation en cours de procédure ? Certains pays ne risquent-ils pas de refuser d’aller au bout d’une procédure en cours ?

À titre personnel, je serais favorable à ce que l’agrément pour les OAA dure un peu plus longtemps.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il se ferme davantage d’OAA qu’il ne s’en crée, et il est déjà arrivé qu’un OAA ferme en cours de procédure. Dans ces cas-là, c’est l’Agence française de l’adoption qui prend le relais, pour que les adoptions ne soient pas mises en péril.

L’esprit du texte n’est certainement pas de faire tomber un couperet tous les cinq ans, mais d’accompagner et d’encadrer les OAA pour que le renouvellement de l’autorisation soit préparé en amont et qu’il se fasse naturellement. Et je répète que l’Agence française de l’adoption apporte une vraie garantie.

La Commission adopte l’amendement CL178. L’article 11 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL32 et CL33 tombent.

La Commission examine l’amendement CL179 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. En rendant obligatoire, pour les candidats à l’adoption d’un enfant étranger à partir du territoire national, un accompagnement par un OAA ou par l’Agence française de l’adoption, cet amendement a pour objet d’interdire les adoptions individuelles, conformément aux dispositions de la convention de La Haye de 1993. Il s’agit de garantir la licéité des adoptions réalisées à l’international, notamment s’agissant de la réalité de l’adoptabilité de l’enfant et de la prise en compte de son intérêt.

La Commission adopte l’amendement. L’article 11 ter est ainsi rédigé.

Elle est saisie de l’amendement CL180 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il s’agit de tirer les conclusions de l’interdiction faite aux OAA d’intervenir en tant qu’intermédiaires pour l’adoption d’enfants en France en étendant à l’adoption nationale l’infraction d’exercice illégal de l’activité d’intermédiaire, aujourd’hui prévue pour l’adoption internationale.

L’ensemble des mesures d’application des dispositions figurant au sein du chapitre consacré à l’adoption sont par ailleurs renvoyées à un décret en Conseil d’État.

La Commission adopte l’amendement. L’article 11 quater est ainsi rédigé.

Elle est saisie de l’amendement CL26 de M. Pascal Brindeau. 

M. Pascal Brindeau. Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’adoption des enfants à besoins spécifiques – ceux qui ont des problèmes de santé, qui sont plus âgés et les enfants en fratrie. Il nous remonte des OAA et de l’aide sociale à l’enfance que ces enfants rencontrent des difficultés supplémentaires.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable, même si le sujet est d’importance.

La Commission rejette l’amendement.

TITRE II
RENFORCER LE STATUT DE PUPILLE DE L’ÉTAT ET AMÉLIORER
LE FONCTIONNEMENT DES CONSEILS DE FAMILLE

Article 12 (art. L. 224-1 à L. 224-3 du code de l’action sociale et des familles) : Statut des pupilles de l’État

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL181 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement CL15 de M. Pascal Brindeau. 

M. Pascal Brindeau. L’examen du projet de vie devrait avoir lieu dès l’admission dans le statut, et non « dans les meilleurs délais ». Cette expression est trop imprécise.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il ne m’apparaît pas opportun de modifier la rédaction actuelle du code de l’action sociale et des familles. Il faut laisser au conseil de famille le temps de se réunir et de définir ce projet de vie, le cas échéant après avoir échangé avec le pupille si son âge le permet. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL74 de M. Xavier Breton.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL182 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CL16 de M. Pascal Brindeau. 

M. Pascal Brindeau. Un bilan médico-psycho-social devrait être effectué pour tous les pupilles de l’État, et pas uniquement pour ceux faisant l’objet d’un projet d’adoption à plus ou moins long terme.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. L’objet du bilan médical, psychologique et social est d’évaluer l’adoptabilité de l’enfant, conformément aux préconisations du Conseil national de la protection de l’enfance et de mon rapport. L’adoption peut, en effet, être rendue difficile par les besoins spécifiques de l’enfant – s’il est âgé, handicapé ou en fratrie. En outre, tout enfant juridiquement adoptable n’est pas toujours psychologiquement en mesure de l’être. Aussi l’introduction de ce bilan médico-psycho-social a-t-elle vocation à évaluer les facteurs de risque, mais également la capacité de résilience de l’enfant, ainsi que son engagement dans le projet d’adoption.

M. Pascal Brindeau. Dans ce cas, sur quelle base va-t-on considérer qu’un enfant est adoptable et doit bénéficier d’un bilan médico-psycho-social ? Qui va le décider ?

Mme Monique Limon, rapporteure. La loi du 14 mars 2016, que nous avons reprise dans cette proposition de loi, a créé les commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC). C’est au sein de ces commissions, qui sont pilotées par le département et par l’État, que les dossiers des enfants seront étudiés. S’il semble qu’un enfant est « adoptable », il bénéficiera de ce bilan médico-psycho-social. Par ailleurs, les enfants qui ont été placés pendant plusieurs années ont, la plupart du temps, déjà fait un tel bilan avec les psychologues de l’aide sociale à l’enfance. Il n’est donc pas nécessaire de le leur faire subir à nouveau.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL183 de la rapporteure et CL89 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL183 a pour objet d’ajouter aux cas de sortie du statut de pupille de l’État l’émancipation de l’enfant, et de préciser les cas de retour dans sa famille d’origine.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Mon amendement CL89 est rédactionnel. Je le retire au profit de celui de Madame la rapporteure.

L’amendement CL89 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL183.

Elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13 (art. L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles et art. 347, 348-3, 348-4, 348-5 et 349 du code civil) : Clarification des conditions d’admission de l’enfant dans le statut de pupille de l’État sur décision de ses parents

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL184 de la rapporteure et l’amendement CL17 de M. Pascal Brindeau. 

Mme Monique Limon, rapporteure. L’amendement CL184 a pour objet de rétablir la possibilité de laisser tous renseignements concernant la santé des parents – et non plus des père et mère –, les origines de l’enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance.

La Commission adopte l’amendement CL184.

En conséquence, l’amendement CL17 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement CL90 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cet amendement vise également à remplacer les mots « père ou mère » par les termes « parents ou l’un d’eux » à l’alinéa 2.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL75 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement me paraissant satisfait par l’adoption de l’amendement CL184, je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL76 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 8, car la substitution du terme « abandonnés » par le terme « délaissés » laisse sceptique. Mais nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Comme je l’ai déjà indiqué, la substitution sur laquelle vous proposez de revenir tire les conclusions du remplacement, par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, de la déclaration judiciaire d’abandon par la déclaration judiciaire de délaissement parental. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL18 de M. Pascal Brindeau. 

M. Pascal Brindeau. Il s’agit de supprimer le terme « judiciairement » : le délaissement étant forcément acté par décision de justice, ce terme est redondant.

Mme Monique Limon, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, j’émettrai un avis défavorable. La « déclaration judiciaire de délaissement parental » figure dans la loi du 14 mars 2016. Il n’y a donc pas lieu de supprimer le terme « judiciairement ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL91 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Dans le même esprit que mon amendement CL90, celui-ci vise à substituer aux mots « père ou mère » le mot « parents », à l’alinéa 13.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement CL112 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement est important. Dans la nouvelle rédaction, la possibilité pour les parents de consentir à l’adoption de l’enfant en le remettant à un OAA serait supprimée. L’exposé des motifs n’en donne aucune raison, pas plus que le rapport « Vers une éthique de l’adoption », que la rapporteure a rédigé avec la sénatrice Corinne Imbert, et qui a servi de base à cette proposition de loi. Il convient donc de rétablir la disposition du code civil.

Mme Monique Limon, rapporteure. Pour les raisons que j’ai déjà exposées, en particulier ma volonté de recentrer la mission des OAA sur l’adoption internationale, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement. Sachez qu’un seul OAA s’occupe aujourd’hui de recueillir des enfants en France : c’est celui qui s’occupait des enfants polyhandicapés. Il a recentré son activité sur l’accompagnement des départements, en vue de trouver des familles susceptibles d’accueillir des enfants. Avis défavorable.

M. Xavier Breton. S’il n’y en a qu’un, pourquoi l’interdire ? Et pourquoi aller jusqu’à la condamnation pénale, comme le prévoit un de vos amendements ?

Mme Monique Limon, rapporteure. Nous considérons que permettre aux enfants, si c’est leur chemin de vie, d’aller jusqu’au statut de pupille de l’État, est plus protecteur que d’être recueilli auprès d’un OAA français.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CL185 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 13 modifié.

Article 14 (art. L. 224-8-1 à L. 224-8-6 [nouveaux], L. 224-6 et L. 224-12 du code de l’action sociale et des familles et art. 348-4 du code civil) : Organisation et fonctionnement des organes de tutelle des pupilles de l’État

La Commission adopte l’amendement de coordination CL186 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CL94 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Il s’agit de faire en sorte que le conseil de famille, en tant qu’organe chargé de la tutelle des pupilles de l’État, soit informé des décisions d’urgence prises par le tuteur en vue de protéger le mineur en situation de danger manifeste.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. En situation de danger manifeste du mineur, il existe d’autres façons de procéder. Informer le conseil de famille suppose de le réunir au préalable.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Pouvez-vous détailler la procédure en vigueur, madame la rapporteure ?

Mme Monique Limon, rapporteure. On procède sur la base de signalements, en assurant au mineur une protection immédiate, grâce à un placement en urgence dans un établissement agréé à cet effet. Il n’est pas nécessaire – heureusement ! – de réunir le conseil de famille.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Quand le conseil de famille est-il informé ?

Mme Monique Limon, rapporteure. Il est informé dans un deuxième temps. Il n’a pas vocation à traiter les situations d’urgence.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL104 de M. Raphaël Gérard.

Elle est saisie de l’amendement CL187 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il vise à modifier la composition du conseil de famille des pupilles de l’État, qui comportera un unique représentant des associations de pupilles ou d’anciens pupilles, pour tenir compte de la situation des départements peu peuplés, où la rareté de ces profils rendrait plus difficile leur constitution s’ils devaient en compter deux. Par ailleurs, il comportera deux représentants d’associations à caractère familial, afin de permettre la diversité des représentations et de ne pas exclure des associations d’ores et déjà très investies.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL188 de la rapporteure et CL34 de M. Raphaël Gérard.

Mme Monique Limon, rapporteure. Toujours dans la démarche de modification de la composition du conseil de famille des pupilles de l’État, l’amendement CL188 vise à élargir au-delà du seul réseau du Défenseur des droits le champ des personnes pouvant faire valoir un point de vue en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations.

M. Pascal Brindeau. Globalement, les dispositions relatives à la composition du conseil de famille, telles qu’elles sont rédigées, sont plus rigides que celles qu’elles remplacent. En l’espèce, cet amendement, ainsi que le précédent, inscrivent dans la loi des dispositions qui n’étaient pas de son ressort auparavant. Par ailleurs, j’aimerais que Madame la rapporteure précise la notion de suppléant dans cette composition.

Mme Coralie Dubost. Je prends la parole car je crains que l’adoption du présent amendement ne rende caduc l’amendement CL148, cosigné par plusieurs membres du groupe La République en marche. Son intention est identique mais sa rédaction différente – j’imagine que celui de la rapporteure est mieux rédigé.

Selon des témoignages de familles et d’associations recueillis lors des auditions que nous avons menées ainsi que sur le terrain, il existe une disparité des appréciations au sein des conseils de famille, en fonction de leurs membres, notamment en matière de discrimination. Il serait bénéfique, non seulement d’inclure une formation à la non-discrimination au sein des dispositions générales à ce sujet, mais aussi de garantir que le conseil de famille comporte au moins une personnalité qualifiée en la matière, afin de prévenir toute discrimination opérée de façon inconsciente, par des biais cognitifs. Madame la rapporteure, si votre amendement est identique au nôtre sur le fond, tout en présentant une meilleure pérennité légistique, nous retirerons le nôtre et voterons le vôtre.

M. Xavier Breton. J’aimerais revenir sur l’amendement CL187, qui a été adopté un peu rapidement – dont acte. Le conseil de famille comptera dorénavant un représentant des associations de pupilles ou d’anciens pupilles, et non deux. Est-ce à dire que les anciens pupilles de l’État ne seront plus représentés ? Si tel est le cas, c’est dommage, car leurs représentants bénéficient souvent d’un certain recul. S’agissant de la lutte contre les discriminations, je tiens à m’assurer qu’il s’agit bien de lutter contre les discriminations entre les enfants, que nous devons combattre dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je tiens à dire que nous ne cherchons nullement à exclure des conseils de famille les représentants des associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE). D’ailleurs, je présenterai tout à l’heure un amendement visant à satisfaire l’une de leurs demandes. En effet, il ne leur a pas échappé que la proposition de loi leur assignait un rôle d’accompagnement. L’amendement précisera qu’ils ont aussi un véritable rôle de représentation et doivent maintenir une présence ferme au sein des institutions concernées. Loin de moi la volonté de court-circuiter leur présence et leur représentation au sein des conseils de famille.

Quant aux suppléants, ils nous ont semblé nécessaires pour éviter autant que possible que les conseils de famille ne puissent se réunir en raison de l’absence de certains de leurs membres, comme cela est trop souvent le cas.

La Commission adopte l’amendement CL188.

En conséquence, l’amendement CL34 tombe.

L’amendement CL148 de Mme Coralie Dubost est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL189 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Comme les deux précédents, cet amendement vise à modifier la composition du conseil de famille des pupilles de l’État, en recentrant le profil de la seconde personnalité qualifiée sur les compétences médicales, psychologiques et sociales, qui sont en lien avec le développement des enfants.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL190 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il s’agit de permettre aux membres du conseil de famille des pupilles de l’État d’y siéger dix-huit ans au plus – contre douze dans le texte initial –, tout en limitant l’exercice d’un mandat de titulaire à douze ans.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL191 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il s’agit de permettre au préfet de mettre fin au mandat d’un membre du conseil de famille ne siégeant jamais ou manquant à ses obligations déontologiques, notamment en matière de secret professionnel.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL192 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CL93 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Il s’agit de prévoir une dispense de formation préalable pour les membres nouvellement nommés dans les conseils de famille des pupilles de l’État, s’ils justifient d’une expérience antérieure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Au-delà d’une simple expérience, nous voulons que les membres du conseil de famille des pupilles de l’État reçoivent une formation obligatoire. Si un membre l’a déjà suivie, il en sera dispensé. Le principe est que les membres du conseil de famille doivent avoir une formation.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je retire l’amendement en vue de modifier sa rédaction pour le présenter en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL35 de Mme Laurence Vanceunebrock.

M. Pacôme Rupin. Cet amendement vise à inscrire dans la loi une disposition précisant que la formation prévue à l’alinéa 21 doit sensibiliser les membres du conseil de famille à la lutte contre les discriminations, notamment celles fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle et le statut matrimonial. Dans de nombreux conseils de familles, certains choix ne sont pas toujours dictés par la bienveillance envers cette diversité. Nous souhaitons prévenir de telles discriminations grâce à la formation prévue par le texte.

Mme Monique Limon, rapporteure. Le détail de la formation dispensée aux membres du conseil de famille nouvellement élus relève du décret. En outre, en limiter le champ à la sensibilisation à la lutte contre les discriminations me semble un peu réducteur. Nous introduisons dans le conseil de famille une personnalité qualifiée ayant l’expérience et les compétences en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations. Si elle constate qu’une décision constitue un manquement en la matière, elle pourra tout à fait déposer un recours. Avis défavorable.

Mme Coralie Dubost. Je prends note des objections formulées par Madame la rapporteure. Toutefois, il s’agit d’un sujet important. Comme tel, il doit figurer au sein de la formation des membres du conseil de famille. Je propose donc de rectifier l’amendement comme suit : « Cette formation comporte notamment une sensibilisation des membres des conseils de famille à la lutte contre toutes les discriminations, notamment celles liées au sexe, à l’orientation sexuelle ou encore au statut matrimonial des familles ». Ainsi, la formation ne sera pas réduite à la lutte contre ces discriminations, qui fera partie d’un tout.

Mme Monique Limon, rapporteure. Il n’en reste pas moins que le contenu de la formation est fixé par décret.

Mme Coralie Dubost. Nous pouvons néanmoins indiquer au Gouvernement notre souhait que la formation s’appuie sur les engagements internationaux de la France en matière de droits fondamentaux, tels que le principe de non-discrimination.

Mme Monique Limon, rapporteure. Je propose que notre collègue retire l’amendement afin que nous le rédigions dans ce sens en vue de l’examen en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CL77 de M. Xavier Breton et CL92 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

M. Xavier Breton. Il s’agit de préciser que, dans les décisions du conseil de famille, l’intérêt supérieur de l’enfant prime sur toute autre considération.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Madame la rapporteure  ayant indiqué que l’intérêt de l’enfant est bien l’intérêt supérieur de l’enfant, je retire l’amendement CL92.

L’amendement CL92 est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL77.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL122 de M. Guillaume Chiche et CL36 de Mme Laurence Vanceunebrock.

M. Pacôme Rupin. Dans la même logique que l’amendement CL35 précédent, le CL36 tend à préciser dans la loi que les décisions prises par le conseil de famille ne peuvent se fonder sur des motifs relevant du sexe, de l’orientation sexuelle ou du statut matrimonial des candidats à l’adoption. Cela va mieux en le disant !

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Si l’un de ces amendements était adopté, il faudrait inscrire dans la proposition de loi tous les motifs de décision prohibés, ce qui n’est pas possible. Ce n’est pas pour rien que nous prévoyons une personnalité qualifiée en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations. Toute discrimination sera identifiée comme telle et écartée, qu’elle vise l’enfant ou les parents adoptants.

Mme Coralie Dubost. J’aimerais rassurer nos collègues. L’objectif qu’ils poursuivent est clair. Toutefois, contrairement à l’amendement CL35, que j’ai proposé de rectifier car il vise à combler une lacune, l’amendement CL36 est satisfait. Il est d’ores et déjà interdit de discriminer un candidat à l’adoption en raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, et dorénavant de son statut matrimonial. Nos collègues doivent en être certains. La loi offre toutes les garanties en la matière, d’autant qu’elle est renforcée par l’introduction d’une personnalité qualifiée en matière de non-discrimination.

M. Pacôme Rupin. Un cas de discrimination récemment constaté à Paris a été médiatisé ; on pourrait en trouver d’autres dans de nombreux départements. En moyenne, il faut bien plus longtemps aux couples composés de personnes de même sexe qu’aux couples hétérosexuels pour parvenir à adopter un enfant. C’est une réalité. Même si la loi n’y est pour rien, y inscrire l’interdiction de toute discrimination en la matière lui donnerait plus de force. Je retire l’amendement en vue de le retravailler pour la séance publique.

L’amendement CL36 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CL122.

Elle examine l’amendement CL78 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. L’alinéa 23 prévoit que toutes les fois qu’une délibération du conseil de famille n’est pas prise à l’unanimité, les avis divergents sont mentionnés dans le procès-verbal. Donner une publicité aux avis exprimés dans le cadre du conseil de famille des pupilles de l’État constitue une petite révolution. Il importe, me semble-t-il, de faire en sorte qu’y règnent la liberté de parole et la confiance. Tel ne saurait être le cas si l’on publie les désaccords, naturels au demeurant, qui y sont exprimés. Nous devons nous méfier d’une dérive à l’anglo-saxonne consistant à publier systématiquement l’intégralité des débats. Notre spécificité est de considérer que les conseils de famille reposent sur l’écoute et la confiance réciproques de leurs membres. Il ne faudrait pas, au nom d’une forme de rééducation trop nettement affirmée, troubler l’ambiance et l’état d’esprit de confiance dans lesquels ils se tiennent. Nous proposons donc de ne pas publier les avis divergents.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. Je suis complètement d’accord avec vous sur la nécessité de maintenir une ambiance et un état d’esprit de confiance au sein du conseil de famille. La formation de ses membres contribuera à faire en sorte que les décisions soient prises de façon collégiale. Pour l’heure, il importe que les avis divergents soient publiés, en prévision d’éventuels recours.

M. Xavier Breton. Je tiens à dire l’inquiétude que m’inspire cette disposition pour leur fonctionnement ultérieur.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL193 et CL194 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL121 de M. Guillaume Chiche.

Elle adopte successivement l’amendement de précision CL195 et l’amendement de coordination CL196 de la rapporteure.

La commission adopte l’article 14 modifié.

Article 15 (art. L. 224-8-7 [nouveau] et art. L. 224-11 du code de l’action sociale et des familles) : Droits des pupilles de l’État

La Commission examine l’amendement CL95 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Nous souhaitons appliquer à l’information du pupille par le tuteur la notion juridique de délai raisonnable.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. La formulation « dans un délai raisonnable » est insuffisamment précise.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. J’en déduis que vous n’êtes pas défavorable à la fixation d’un délai, à condition qu’il soit précis, madame la rapporteure. Je retire l’amendement afin de le réécrire en vue de l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL197 de la rapporteure.

Mme Monique Limon, rapporteure. Cet amendement vise à faire en sorte que l’objet de la mission des associations départementales d’entraide entre les pupilles ou anciens pupilles de l’État, à l’avenir, ne se réduise pas à l’accompagnement de ces personnes, mais s’étende à leur représentation.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL96 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cet amendement porte sur l’alinéa 9 et vise à substituer aux mots « du département, des communes » les mots « des collectivités territoriales », afin de ne pas exclure d’emblée certaines collectivités territoriales de la possibilité de verser des subventions.

Mme Monique Limon, rapporteure. Avis défavorable. À l’heure actuelle, les régions ne versent aucune subvention aux ADEPAPE. Nous procéderons à cette modification sémantique si elles sont amenées à concourir à leur financement.

M. Xavier Breton. S’agissant des régions, cette observation est juste. S’agissant des intercommunalités, l’interrogation demeure. En cas de transfert de compétences à partir des communes, elles seront concernées.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je retire l’amendement pour le retravailler en vue de l’examen en séance publique. Il serait souhaitable d’intégrer les intercommunalités, qui ne sont pas des collectivités territoriales et devraient donc être mentionnées explicitement, si toutefois Madame la rapporteure partage cet avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 15 modifié.

Titre III
amÉliorer les autres dispositions relatives
au statut de l’enfant

Article 16 (art. L. 223-1 et L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles) : Examen biannuel du statut des enfants de moins de trois ans

La Commission adopte l’article 16 sans modification.

Article 17 (art. 411 du code civil) : Caractère supplétif de la tutelle départementale

La Commission adopte l’article 17 sans modification.

Article 18 : Gage de recevabilité financière

La Commission adopte l’article 18 sans modification.

Après l’article 18 

La Commission examine les amendements CL129, CL131, CL132 et CL133 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. Ces amendements m’ont été inspirés par les débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Il est absolument indispensable que tout enfant adopté, sur le point de l’être ou laissé aux bons soins de l’ASE dispose d’informations aussi étoffées que possible sur ses antécédents familiaux en matière médicale. Les amendements tiennent compte des diverses possibilités de prise en charge de l’enfant, afin qu’il dispose très tôt – j’insiste sur ce point – de renseignements médicaux sur ses parents.

Bien entendu, il n’est pas question d’obliger la mère, ou la mère et le père, à se prêter à des examens supplémentaires. Il n’en est pas moins nécessaire que ce recueil d’informations soit concomitant avec le recueil des autres informations communiquées à l’enfant, et ce le plus tôt possible dans sa vie. À défaut, il faudra ultérieurement retrouver les parents, qui ne voudront peut-être pas communiquer leurs antécédents familiaux.

Pour être tout à fait transparent, j’indique que nous avons abordé ce sujet avec le cabinet d’Adrien Taquet ainsi qu’avec Madame la rapporteure. Outre des difficultés de rédaction, nous nous heurtons au problème de la garantie du secret médical : à qui confie-t-on ces données ? À la famille adoptante ou au responsable médical de l’ASE ? Nous devons donc retravailler la rédaction en vue de l’examen en séance publique, c’est pourquoi je retire ces amendements.

Mme Monique Limon, rapporteure. J’accorde à ce sujet la même importance que vous, cher collègue. Toutefois, nous devons prendre le temps de le traiter, notamment en raison de la nécessité d’assurer le secret médical, d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à réformer l’adoption (n° 3161) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 


—  1  —

   Personnes entendues

   M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du Sceau

   M. Jérôme Jumel, chef de service, adjoint à la directrice générale de la cohésion sociale

   Mme Émilie Barreau, cheffe du bureau de la protection de l’enfance et de l’adolescence

   Mme Lucie Furmaniak, première vice-présidente adjointe, magistrate coordonnatrice de la première chambre, service de l’état des personnes et du droit patrimonial de la famille

   Mme Muriel Eglin, présidente du tribunal pour enfants

   Mme Isabelle Ziwes, vice-procureure, cheffe de la division des affaires civiles du parquet

   Mme Joëlle Voisin, présidente

   Mme Charlotte Girault, directrice générale

   Mme Huguette Mauss, présidente

   M. Jean-Pierre Bourély, secrétaire général

   M. Georges Labazée, président

   Mme Emmanuelle Latour, secrétaire générale

   M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué chargé des politiques sociales

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère pour les relations avec le Parlement

   Mme Marie-Françoise Bellée Van Thong, membre du conseil d’administration

   M. Jean-Marie Muller, président

   Mme Annick Moine, présidente

   Mme Céline Truong, responsable du département petite enfance et famille

   Mme Christine Attali-Marot, co-responsable du département petite enfance et famille

   Mme Isabelle Toulemonde, co-responsable du département droits de l’Homme et justice

   Mme Marie-Andrée Blanc, présidente

   Mme Isabelle Saunier, administratrice et présidente du département parentalité et enfance

   M. David Pioli, coordonnateur du pôle droit de la famille, parentalité, et protection de l’enfance

   Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

   Mme Anne Royal, présidente

   Mme Marie-Helène Delorme, vice-présidente

   M. Marc Lasserre, président

   Mme Marie-Christine Le Boursicot, membre de notre conseil d’administration

   Mme Caroline Bourdier, présidente

   Mme Karine Hasselot, vice-présidente

   Mme Claire Bouzigues, secrétaire

   Mme Catherine Clavin, co-présidente

   M. Fabien Joly, porte-parole

   Mme Laurène Chesnel, déléguée aux familles

   Mme Aude Denarnaud, avocate

 

Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, a transmis à la rapporteure une contribution écrite détaillant ses observations sur la proposition de loi.


([1]) L’adoption en 2018, Zakia Belmokhtar, ministère de la Justice, septembre 2020.

([2]) Elle représente 97,9 % de l’adoption simple et 61,6 % de l’adoption plénière.

([3]) Elle représente 1,9 % de l’adoption simple et 31 % de l’adoption plénière.

([4]) Elle représente 0,2 % de l’adoption simple et 7,3 % de l’adoption plénière.

([5]) Ils représentent 28 % des adoptions plénières et 0,2 % des adoptions simples.

([6]) Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant, rapport sur l’adoption présenté par Mmes Monique Limon et Corinne Imbert, remis au Premier ministre et au secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la santé chargé de la protection de l’enfance, octobre 2019.

([7]) Sur le changement de nom de l’adopté simple, cf. commentaire de l’article 9.

([8]) Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant, rapport sur l’adoption présenté par Mmes Monique Limon et Corinne Imbert, remis au Premier ministre et au secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la santé chargé de la protection de l’enfance, octobre 2019.

([9]) CEDH, Grande chambre, 22 janvier 2008, n° 435462, E. B. c/ France.

([10]) Conseil d’État, 9 octobre 1996, Fretté.

([11]) Cet âge correspond à l’âge légal pour que chacun procède à une adoption individuelle.

([12]) Même si la condition de délai répond moins à cet objectif depuis que la loi de 1976 a supprimé la condition auparavant requise de l’absence d’enfant légitime.

([13]) Un tempérament est toutefois apporté à l’alinéa 2 de l’article 346 qui dispose qu’« une nouvelle adoption peut être prononcée soit après décès de l’adoptant, ou des deux adoptants, soit encore après décès de l’un des deux adoptants, si la demande est présentée par le nouveau conjoint du survivant d’entre eux ».

([14]) Cour de cassation, première chambre civile, 28 février 2018, n° 17-11.069.

([15]) Cour de cassation, première chambre civile, 13 juillet 2017, n° 16-24.084.

([16]) Au considérant n° 49 de la décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a indiqué : « Considérant, en premier lieu que, d’une part, en permettant l’adoption par deux personnes de même sexe ou au sein d’un couple de personnes de même sexe, le législateur, compétent pour fixer les règles relatives à l’état et à la capacité des personnes en application de l’article 34 de la Constitution, a estimé que l’identité de sexe des adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l’établissement d’un lien de filiation adoptive ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l’établissement d’un lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d’un homme et d’une femme ».

([17]) Cons. n° 52.

([18]) CEDH, Grande chambre, X. et autres c/ Autriche, 19 février 2013, n° 19010/07.

([19]) Cour de cassation, première chambre civile, 7 juin 2012, n° 11-30.261.

([20]) Op. cit.

([21]) Article 361 du code civil.

([22]) Cour d’appel de Rouen, 7 mai 2009, n° 08-04181.

([23]) 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui, groupe de travail « protection de l’enfance et adoption » présidé par Mme Adeline Gouttenoire, rapport remis aux ministère des affaires sociales et de la santé et au ministère délégué chargé de la famille, février 2014.

([24]) Recommandation n° 13.

([25]) Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 28 octobre 2011, n° 2011/325.

([26]) L’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a étendu à l’adoption l’interdiction d’établir la filiation d’un enfant né d’une relation incestueuse à l’égard de ses deux parents, reprenant la solution posée par la Cour de cassation qui avait jugé, en 2004, que l’adoption par le frère de la mère était impossible car elle contrevenait aux dispositions d’ordre public interdisant l’établissement du double lien de filiation en cas d’inceste absolu (Cour de cassation, première chambre civile, 6 janvier 2004, n° 01-01.600).

([27]) L’article 348-5 du code civil prévoit l’obligation de remettre l’enfant de moins de deux ans au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption, sauf le cas où il existe un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au sixième degré inclus entre l’adoptant et l’adopté.

([28]) Cour de cassation, première chambre civile, 4 mai 2011, n° 10-13.996.

([29]) Cour de cassation, première chambre civile, 12 janvier 2011, n° 09-16.527.

([30]) Voir notamment cour d’appel de Bordeaux, première chambre, 21 janvier 1988 : JurisData n° 1988-040338, cour d’appel de Toulouse, première chambre., 28 février 1996, JurisData n° 1996-055424 et cour d’appel de Colmar , deuxième chambre, 9 mai 1997 : JurisData n° 1997-056578.

([31]) Cour de cassation, première chambre civile, 16 octobre 2001, n° 00-10.665.

([32]) Op. cit.

([33]) Il prend alors la forme d’un procès-verbal de délibération du conseil de famille.

([34]) Cour d’appel de Bourges, 11 janvier 1989 : JurisData n° 1989-040361.

([35]) Cour de cassation, première chambre civile, 5 juillet 1973, n° 71-13.971, Bull. civ. I, n° 247.

([36]) Cour de cassation, première chambre civile, 22 avril 1975, Bull. civ. I, n° 141.

([37]) L’appréciation de l’intérêt de l’enfant relève du pouvoir souverain des juges du fond comme l’a reconnu la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 novembre 1989 (Bull. civ. I, n° 357).

([38]) Cour de cassation, première chambre civile, 24 février 1998, Bull. civ. I, n° 72.

([39]) Cour d’appel de Paris, 25 janvier 2007 : JurisData n° 2007-333780 et 31 janvier 2008 : JurisData n° 2008-355282.

([40]) Op. cit.

([41]) Le consentement doit être donné devant un notaire français ou étranger ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français. Il peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis.

([42]) Ordonnance, juge des tutelles de Châlons sur Marne, 1er juin 1977, JurisData n° 1977-600134.

([43]) Cour de cassation, première chambre civile, 8 octobre 2008, n° 07-16.094 : rejet d’une demande d’adoption simple d’une jeune majeure placée sous tutelle pour autisme par la nouvelle épouse de son père.

([44]) Il s’agit de l’âge minimum requis pour que l’enfant puisse consentir à son adoption, en application des article 345-1 et 360 du code civil.

([45]) La déclaration conjointe comporte les prénom, nom, date et lieu de naissance, domicile des adoptants ou de l’adoptant et de son conjoint dans le cas de l’adoption de l’enfant du conjoint, l’indication du nom de famille choisi ainsi que les prénom d’origine de l’enfant, date et lieu de naissance. Y figure également l’attestation sur l’honneur, des adoptants ou de l’adoptant et de son conjoint que, par le prononcé de l’adoption plénière, l’adopté deviendra leur premier enfant commun. Cette déclaration est datée et signée par les adoptants ou par l’adoptant et son conjoint.

([46]) Circulaire n° JUSC1312445C du 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

([47]) Dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2013, l’article 361 du code civil dispose en effet que les dispositions du dernier alinéa de l’article 357 sont applicables à l’adoption simple.

([48]) Cour de cassation, première chambre civile, 8 juillet 2010, n° 10-40.003.

([49]) Il a d’ailleurs été jugé, sous l’empire des textes antérieurs à la loi du 17 mai 2013, qu’il était interdit à l’adopté de dissimuler son propre nom pour user seulement du nom de l’adoptant (voir notamment Cour d’appel de Pau, deuxième chambre, sect. 2, 7 juin 1999, n° 98/03428 : JurisData n° 1999-043441).

([50]) Cour d’appel de Montpellier, chambre 5A, 1er octobre 2015, n 14/08995 : Jurisdata n° 2015-028547.

([51]) Alinéa 1° bis de l’article 345-1 du code civil.

([52]) Cour de cassation., avis n° 15010 et 15011, 22 septembre 2014.

([53]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([54]) « La filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant ».

([55]) Tribunal de grande instance de Paris, 27 juin 2001 : JurisData n° 2001-156758.

([56]) Décret n° 2015-1459 du 10 novembre 2015 relatif aux exceptions à l’application du principe « silence vaut acceptation » pour les actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics sur le fondement du 4° du I de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ainsi qu’aux exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites sur le fondement du II de cet article.

([57]) CEDH, 23 juin 1993, Hoffmann c/ Autriche n° 12875/87 et Conseil d’État, 24 avril 1992, n° 110178.

([58]) Op. cit.

([59]) Ibid.

([60]) Comité consultatif national d’éthique, L’adoption : accroître la transparence des procédures pour favoriser l’objectivité et la qualité des choix, avis n° 134, adopté le 23 janvier 2020 et rendu public le 7 mai 2020.

([61]) Op. cit.

([62]) Le statut de pupille de l’État garantit la définition, pour chaque enfant, d’un projet de vie, qui peut être un projet d’adoption si tel est son intérêt. Si le projet de vie de l’enfant est un projet d’adoption, il permet de rechercher et choisir une famille adoptante en capacité de répondre à ses besoins fondamentaux. Sinon, il assure au mineur un accueil et une protection juridique durables.

([63]) Le statut de pupille de l’État est différent de celui de pupille de la Nation. La qualité de pupille de la Nation offre, aux enfants et jeunes gens dont un des parents au moins a été victime de guerre ou d’actes terroristes, une protection supplémentaire de l’État, en complément de celle exercée par leur famille.

([64]) Alinéa 2 de l’article 347 du code civil.

([65]) Il s’agit des enfants trouvés ou des enfants nés d’un accouchement dans le secret et pour lesquels le père n’a pas procédé à une reconnaissance prénatale.

([66]) Ces enfants sont également susceptibles de relever d’une tutelle départementale. Le choix entre la tutelle départementale et la tutelle de pupille de l’État relève principalement de la perspective pour l’enfant d’être ou non adopté (cf. commentaire de l’article 17).

([67]) En application des articles 378 et 378-1 du code civil, c’est-à-dire lorsqu’ils sont condamnés pour un crime ou un délit commis sur leur enfant, par leur enfant ou sur l’autre parent ou lorsqu’ils mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant ou lorsqu’une mesure d’assistance éducative avait été prise à l’égard de leur enfant et qu’ils se sont volontairement abstenus d’exercer leurs droits et de remplir leurs devoirs pendant plus de deux ans.

([68]) L’article 380 du code civil prévoit qu’« en prononçant la déchéance ou le retrait du droit de garde, la juridiction saisie devra, si l’autre parent est décédé ou s’il a perdu l’exercice de l’autorité parentale, soit désigner un tiers qui assumera provisoirement la garde de l’enfant à charge pour lui de requérir l’organisation de la tutelle, soit confier l’enfant au service départemental de l’aide sociale à l’enfance. Elle pourra prendre les mêmes mesures lorsque l’autorité parentale est dévolue à l’un des parents par l’effet de la déchéance prononcée contre l’autre ».

([69]) Article L. 224-1 du code de l’action sociale et des familles.

([70]) Les articles L. 224-9 à L. 224-11 s’attachent essentiellement à régler des questions patrimoniales concernant les pupilles et à organiser des mesures de récupération sur succession à l’encontre de la succession du pupille, l’article L. 224-11 fondant légalement l’association départementale d’entraide entre les pupilles et anciens pupilles.

([71]) Op. cit.

([72]) Aux termes de l’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles, l’admission en qualité de pupille de l’État peut notamment être prononcée lorsque :

– l’enfant, dont la filiation est établie et connue, a expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance en vue de son admission comme pupille de l’État par les personnes qui ont qualité pour consentir à son adoption, depuis plus de deux mois ;

– l’enfant, dont la filiation est établie et connue, a expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de six mois par son père ou sa mère en vue de son admission comme pupille de l’État et dont l’autre parent n’a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d’en assumer la charge ; avant l’expiration de ce délai de six mois, le service s’emploie à connaître les intentions de l’autre parent.

([73]) Ou, en Corse, le représentant de l’État dans la collectivité de Corse.

([74]) Ou, en Corse, le président du conseil exécutif.

([75]) Cour de cassation, première chambre civile, 28 mars 1977 : Bull. civ. 1977, I, n° 105.

([76]) Op. cit.

([77]) Ibid.

([78]) Article L. 224-2.

([79]) Article R. 225-9.

([80]) Article 390 du code civil.

([81]) Cour de cassation, première chambre civile, 9 octobre 1991, no 90-11.492.

([82]) Il s’agit notamment des actes de vente de gré à gré ou d’apport en société d’un immeuble ou d’un fonds de commerce appartenant au mineur, d’emprunt au nom du mineur, de renoncement à un droit du mineur, d’acceptation d’une succession revenant au mineur, d’achat ou de prise à bail des biens du mineur et de constitution gratuite d’une sûreté au nom du mineur pour garantir la dette d’un tiers.