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N° 3880

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi pour une limite décente des écarts de revenus,

 

 

 

Par M. Dominique POTIER,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3094.

 

 


 

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

AVANT-PROPOS

I. des Écarts de rÉMUNÉration devenus indÉcents...

A. ... au niveau national

B. ... au niveau des grandes entreprises

II. un triple enjeu social, Économique et environnemental

A. Un enjeu de justice sociale

B. Un enjeu Économique

C. Un impÉratif Écologique

III. une rÉponse forte nÉcessaire

A. rÉduire les Écarts de rÉMUNÉration

B. rendre les Écarts de rÉMUNÉration visibleS

commentaire des articles

Article 1er Favoriser la réduction des écarts de rémunération grâce à l’impôt sur les sociétés

Article 2  Plafonner les rémunérations à vingt fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance

Article 3 Évaluer l’opportunité d’une extension de la transparence et de l’encadrement des écarts de rémunération au niveau européen

Article 4  Gages financiers

EXAMEN EN COMMISSION

I. Discussion générale

II. examen des articles

ANNEXES

ANNEXE  1 : DISTRIBUTION DES PLUS HAUTS SALAIRES du secteur privé en 2017 en FRANCE

Annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe n° 3 : LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI


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   AVANT-PROPOS

Le président-directeur général (P.-D.G.) du groupe Sanofi, grand groupe pharmaceutique français, a perçu plus de 343 fois le salaire moyen d’un aide‑soignant en 2018. Si la crise sanitaire a révélé le caractère vital de certaines professions mal rémunérées, elle rappelle aussi avec acuité que l’utilité sociale n’est pas proportionnelle au revenu.

La question de la limitation indécente des écarts de revenu n’est pas nouvelle. Il y a plus d’un siècle déjà, John Pierpont Morgan, fondateur de la banque du même nom, refusait de prêter aux sociétés dont le dirigeant était payé plus de vingt fois le revenu de ses salariés. Force est de constater que peu de très grandes entreprises trouveraient aujourd’hui à se financer si une telle règle était appliquée sur le marché bancaire.

La démesure de certaines rémunérations met à mal notre pacte social non seulement au sein des entreprises mais au cœur de la société. Reprenant le constat d’Alexis de Tocqueville qui estimait que « la haine que les hommes portent au privilège s’augmente à mesure que les privilèges deviennent plus rares » ([1]), il apparaît que la réduction des inégalités économiques et sociales au cours du XXe siècle rend encore plus inacceptable la persistance de rémunérations faramineuses.

Il ne s’agit pas, pour autant, de s’en tenir à quelques cas extrêmes qui font régulièrement scandale tant ces revenus sont décorrélés de la réalité économique et sociale que vivent les Français mais bien de repenser les rapports sociaux dans le monde du travail. En instaurant un plafond, de la même manière qu’il existe un plancher avec le salaire minimum de croissance, le législateur a les moyens de recréer une solidarité presque mécanique entre les dirigeants et l’ensemble des salariés, en particulier ceux qui sont en bas de l’échelle. Il s’agit ainsi de réinstaurer un débat démocratique sur les salaires.

Alors que la crise sanitaire a déjà entraîné plus d’un million de personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté, la lutte contre la pauvreté est une question de justice sociale, un « sommet » politique à atteindre.

Dans cette ascension, la face « Nord », celle de l’État providence qui réduit les inégalités par la redistribution après versement des rémunérations a longtemps été explorée. Il s’agit désormais de gravir la face « Sud », celle d’une réduction des inégalités à la source, dans l’entreprise.

La présente proposition de loi s’inscrit dans une optique plus vaste de refondation de l’entreprise engagée par la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre et poursuivie par la proposition de loi « Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances » de 2017.

Dans le cadre de la mission d’information qu’il a conduite en 2020 avec Mme Graziella Melchior (groupe La République en Marche) sur le partage équitable de la valeur au sein des entreprises et ses conséquences sur leur gouvernance, leur compétitivité et la consommation des ménages, le rapporteur s’est interrogé sur la possibilité d’instaurer de manière plus systématique un ratio limitant les écarts de rémunération au sein de l’entreprise.

Dans ce contexte, cette proposition de loi vise à instaurer un écart décent entre les rémunérations.

 

La proposition de loi « Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances »

Cette proposition de loi d’Olivier Faure, Dominique Potier, Boris Vallaud et de leurs collègues du groupe Nouvelle Gauche et apparentés – devenu depuis Socialistes et apparentés – a posé le cadre général d’une refondation de l’entreprise. Elle prévoit notamment :

– une nouvelle définition de l’entreprise au 21e siècle ;

– l’instauration d’une codétermination à la française ;

– le développement de la participation dans les petites et moyennes entreprises ;

– l’essor de la transparence dans les transactions et de la transparence fiscale ;

– la consolidation du dialogue social et territorial dans les entreprises ;

– l’encadrement des écarts de rémunérations ;

– un cadre favorisant les « formes ouvertes d’entreprise » ;

– la mise en place d’une double notation faisant appel à des critères financiers et des critères relevant de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises.

Examinée par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2018, cette proposition de loi a fait l’objet d’une motion de renvoi en commision.

Source : proposition de loi n° 476 « Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances », enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2017.

Les propositions de la mission d’information « Partage équitable de la valeur » : agir à la source » conduite par Dominique Potier et Graziella Melchior

Proposition n° 1 : Améliorer la performance de l’appareil statistique et les outils d’analyse sur la question du partage de la valeur

Proposition n° 2 : Confier à l’INSEE deux grandes études pour améliorer la connaissance sur la question des effets économiques sur le partage de la valeur

Proposition n° 3 : Garantir la bonne application du ratio d’équité prévu dans la loi PACTE

Proposition n° 4 : Accroître les obligations de transparence

Proposition n° 5 (portée uniquement par M. Dominique Potier) : Lever le voile de la sous‑traitance en l’intégrant à la mesure des écarts de rémunération

Proposition n° 6 : À partir des bases de données économiques et sociales, créer un indicateur du partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise

Proposition n° 7 : Faire de la question des écarts de rémunération et du partage de la valeur l’un des piliers du reporting RSE

Proposition n° 8 : Renforcer l’encadrement des retraites chapeau et des indemnités de départ

Proposition n° 9 : Surveiller et encadrer la progression des actions gratuites dans la part variable perçue par les mandataires sociaux

Proposition n° 10 : Conditionner la rémunération variable perçue par des dirigeants à des critères extra-financiers

Proposition n° 11 : Instaurer le principe selon lequel la rémunération des mandataires sociaux ne peut augmenter en cas de plan social

Proposition n° 12 : Limiter les écarts de rémunération via un ratio d’équité

Proposition n° 13 : Donner un nouvel élan au dialogue social au niveau des branches dans le sens d’une révision des classifications des rémunérations minimales applicables aux professions les plus dévalorisées

Proposition n° 14 : Permettre à tous les salariés de bénéficier de la participation

Proposition n° 15 : Moderniser la formule de la réserve légale de la participation, devenue obsolète

Proposition n° 16 : Faire de l’intéressement et de la participation un levier de réduction des inégalités salariales

Proposition n° 17 : Simplifier les règles sociales en supprimant le forfait social dû sur les sommes versées au titre de la participation dans l’ensemble des entreprises de moins de 250 salariés

Proposition n° 18 : Lier l’intéressement aux enjeux RSE

Proposition n° 19 : Rendre l’intéressement plus attractif pour les entreprises de l’ESS

Proposition n° 20 (portée uniquement par M. Dominique Potier) : Encourager le développement des sociétés anonymes à participation ouvrière

Proposition n° 21 : Renforcer la place des administrateurs salariés dans les comités de rémunération

Proposition n° 22 (portée uniquement par M. Dominique Potier) : Aller vers une codétermination à la française

Source : rapport d’information n° 3648 de Dominique Potier et Graziella Melchior, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2020.

*

*     *

I.   des Écarts de rÉMUNÉration devenus indÉcents...

A.   ... au niveau national

● La France demeure aujourd’hui l’un des pays les plus égalitaires en Europe et dans le monde, derrière les pays scandinaves. Le ratio entre les 10 % les mieux payés et les 10 % les moins bien payés est resté stable ces dernières années. Le ratio entre le premier et le dernier décile se situe autour de trois. Près de 8 salariés sur 10 ont une rémunération mensuelle comprise entre le SMIC ([2]) et 3 000 euros.

● Pour autant, comme dans de nombreux pays, les inégalités salariales se sont creusées depuis les années 1980, en France comme ailleurs, sous l’effet de la mondialisation et de la financiarisation de l’économie, particulièrement en haut de l’échelle des salaires.

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’écart entre le premier décile et le dernier centile est de 6,8. Une analyse encore plus fine révèle un écart de 18 entre le premier décile et le dernier millile. En clair, alors qu’un salarié sur dix gagne moins de 1 282 euros nets par mois, un salarié sur mille perçoit plus de 22 860 euros nets ([3]).

 

DISTRIBUTION DES SALAIRES MENSUELS NETS EN Équivalents temps plein (EQTP) en 2018

Source : INSEE, base Tous salariés 2018

Champ : France, salariés en EQTP du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés de particuliers employeurs.

● De manière plus fine, les écarts de rémunération sont variables selon les secteurs et la taille de l’entreprise. Plus l’entreprise est de taille importante, plus les disparités de revenus sont fortes. Dans l’ensemble, les petites et moyennes entreprises semblent moins concernées par la problématique d’écarts de rémunération qui atteindraient un niveau indécent. Il apparaît également que plus le nombre de cadres est élevé dans un secteur, plus les disparités salariales sont fortes. À titre de comparaison, le rapport interdécile D9/D1 est nettement plus élevé dans la branche culture et communication que dans le secteur de la manutention ou des transports ([4]).

A contrario, certains secteurs se caractérisent intrinsèquement par une limitation des revenus. C’est le cas de l’économie sociale et solidaire (ESS). Une enquête de l’INSEE parue en 2012 indique qu’un écart moins important est observé entre les plus faibles et les plus hautes rémunérations au sein de ce secteur en comparaison avec les entreprises du secteur privé ([5]). Le ratio entre le premier et le dernier décile est de 2,7 contre 3,1 dans le secteur privé en général. Afin d’obtenir l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS) défini à l’article L. 3332-17-1 du code du travail, l’entreprise s’engage à ce que la moyenne des sommes versées aux cinq salariés ou dirigeants les mieux payés n’excède pas un plafond annuel fixé à sept fois le SMIC. En outre, la rémunération versée au salarié le mieux payé ne doit pas excéder dix fois le SMIC.

B.   ... au niveau des grandes entreprises

Depuis la crise économique de 2008, les rémunérations des dirigeants des très grandes entreprises se sont envolées. En 2019, la rémunération annuelle moyenne d’un P.-D.G. du CAC 40 atteignait 5,18 millions d’euros.

Ce phénomène est lié en particulier à la financiarisation de l’économie ([6]). D’après le cabinet de conseil Proxinvest, la part fixe de la rémunération des P.-D.G. du CAC 40 ne représentait plus que 21,6 % de leur rémunération totale en 2018, alors que celle indexée sur la performance du cours de bourse de leur entreprise atteignait plus de 42,6 % du total, contre 24 % en 2009 ([7]).

rÉmunÉration des dirigeants les mieux payÉs du cac 40 en 2019
(en millions d’euros)

Source : Alternatives économiques, février 2021, à partir des données de Proxinvest.

La répartition de la valeur ajoutée se trouve petit à petit déformée en faveur du capital. La place croissante accordée à la part actionnariale dans la rémunération des dirigeants des très grandes entreprises a entraîné une envolée de leurs revenus au détriment des salariés du bas de l’échelle. La rémunération des dirigeants du CAC 40 augmente plus rapidement que celle de leurs salariés : entre 2014 et 2019, elle a augmenté de 28 % contre 17 % en moyenne pour les salariés ([8]).

Comme le résume Oxfam, « un dirigeant du CAC 40 a gagné l’équivalent d’un SMIC annuel le 2 janvier et l’équivalent du salaire moyen d’un employé du panel le 4 janvier » en 2018 en France ([9]).

II.   un triple enjeu social, Économique et environnemental

La régulation des écarts de rémunération représente un enjeu de justice sociale, un enjeu économique et un impératif écologique.

A.   Un enjeu de justice sociale

Comme le plaident Dominique Méda et six autres chercheuses en sciences sociales dans une tribune parue dans Le Monde ([10]), « si l’on se demande sérieusement comment exprimer la reconnaissance des entreprises et de la société dans son ensemble envers les travailleurs, il faudra bien sûr aplatir la courbe des rémunérations et démarrer moins bas ». L’objectif d’un dispositif visant à encadrer les rémunérations est donc d’une part de limiter les écarts indécents entre les rémunérations et d’autre part de tirer vers le haut les plus bas salaires. Il s’agit moins de plafonner les plus hautes rémunérations que de permettre à tous les revenus au sein de l’entreprise de suivre la même tendance haussière.

La crise sanitaire met en exergue les risques de fracture sociale face aux inégalités criantes de rémunérations. Dans son rapport du 25 janvier 2021, Oxfam précise que « les 1 000 milliardaires les plus fortunés ont retrouvé le niveau de richesse qui était le leur avant la pandémie en seulement neuf mois alors qu’il faudra plus de 10 ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques du coronavirus » ([11]). Dans ce contexte, les inégalités de revenus comptent parmi les plus intolérables pour la société.

Selon un sondage de la direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé, en 2018, les inégalités de revenus sont citées comme les plus répandues et les moins acceptables de toutes les formes d’inégalités pour les Français ([12]).

Au sein même de l’entreprise, le décrochage des hauts revenus met à mal la cohésion sociale entre les salariés et porte atteinte à l’esprit d’entreprise car personne ne peut se prévaloir de créer en un mois plus de richesses que quiconque en un an.

B.   Un enjeu Économique

Certains économistes justifient l’existence de très hauts revenus par un effet signal qui indiquerait la valeur et la compétence d’un dirigeant. Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes et première rémunération de France, a perçu 24,7 millions d’euros en 2019 ([13]). Une telle somme permet de classer et situer les grands dirigeants les uns par rapport aux autres plus qu’elle n’est la contrepartie d’un travail ou d’une compétence.

L’hypothèse d’un marché international des hauts dirigeants qui parviendrait à attirer les hauts dirigeants français hors de nos frontières si leurs rémunérations se trouvaient plafonnées ne semble pas vérifiée. Des facteurs structurels liés à la qualité de vie de France – sécurité, qualité du système de protection sociale, de l’enseignement scolaire, art de vivre à la française, etc. – conduisent les dirigeants et des cadres susceptibles de s’expatrier à rester en France. Ainsi, malgré le décret n° 2012915 du 26 juillet 2012 relatif au contrôle de l’État sur les rémunérations des dirigeants d’entreprises publiques, le P.-D.G. d’EDF, Jean-Bernard Lévy, est resté en poste bien que sa rémunération ait été plafonnée.

Le constat d’un lien entre l’enrichissement continu des plus riches et l’appauvrissement des plus pauvres est désormais établi et va à l’encontre de la théorie dite du ruissellement qui relève d’un « mythe » néolibéral ([14]).

Comme le rappellent Gaël Giraud et Cécile Renouard dans leur ouvrage intitulé Le Facteur 12 : Pourquoi il faut plafonner les revenus ([15]), un partage des richesses plus juste aurait un effet positif sur la demande interne : « un euro dans les mains d’un ménage aisé n’est pas dépensé de la même manière, en moyenne, qu’un euro entre les mains d’un ménage modeste. Là où ce dernier dépensera la totalité de cet euro pour vivre, le premier n’en dépensera qu’une fraction. Une fraction d’autant plus petite qu’il est riche. Le reste ira s’additionner à son épargne, elle-même placée dans l’immobilier ou sur les marchés financiers. »

Si les données empiriques manquent pour mesurer cet effet keynésien de la « propension marginale à consommer », il est raisonnable d’envisager qu’une réduction des écarts salariaux entraînerait une hausse de la consommation des ménages qui bénéficierait à l’ensemble de l’économie.

C.   Un impÉratif Écologique

La démesure de certaines rémunérations entraîne des modes de vie incompatibles avec un développement soutenable de l’économie. Citant une étude canadienne, Gaël Giraud et Cécile Renouard précisent que « l’empreinte écologique augmente nettement avec les revenus. [...] La hausse la plus nette en termes d’empreinte écologique se situe entre le neuvième décile et le dernier décile » ([16]).

Plusieurs études récentes montrent que les écarts de rémunération actuels auraient un effet néfaste sur la préservation des écosystèmes. Les 1 % les plus riches – soit environ 63 millions de personnes – émettaient deux fois plus de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité entre 1990 et 2015 ([17]). Selon les économistes Thomas Piketty et Lucas Chancel, les 10 % des ménages les plus émetteurs sont responsables d’environ 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2015 tandis que les 40 % les moins émetteurs représentent moins de 8 % des émissions ([18]).

Par ailleurs, une telle réallocation des ressources donnerait aux salariés dont les revenus sont situés dans les premiers déciles la capacité à participer et à bénéficier de la transition sociale et écologique dans les champs de l’alimentation, du logement ou encore de la mobilité. La justice sociale est le levier le plus efficace de la lutte contre le changement climatique et de prévention en santé publique.

Dans ces conditions, la limitation des écarts de rémunération présente un intérêt social, économique et écologique.

III.   une rÉponse forte nÉcessaire

A.   rÉduire les Écarts de rÉMUNÉration

● Face aux dérives des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises, un certain nombre de règles – relevant d’abord du droit souple et de plus en plus du droit dur – ont été mises en œuvre afin de renforcer le contrôle des actionnaires sur la fixation des rémunérations. Toutefois, l’instauration de ces dispositifs de contrôle actionnarial n’a pas permis d’empêcher l’envolée des plus hautes rémunérations.

L’article 1er de la présente proposition de loi entend mettre en place un dispositif d’incitation fiscale afin de contenir ces écarts de rémunération. Au-delà d’un écart d’un à douze, les rémunérations et les cotisations sociales ne seraient plus déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Par ce mécanisme, les entreprises auraient un intérêt économique soit à augmenter les rémunérations les plus faibles pour accroître le plafond de déductibilité, soit à limiter les rémunérations les plus élevées.

Afin de prévenir les stratégies d’optimisation fiscale qui conduiraient les entreprises à se diviser artificiellement en plusieurs sociétés pour éviter le plafonnement, le rapporteur propose également de fixer le plafond au sein de chaque groupe de sociétés et non pas seulement au sein de chaque entreprise mais aussi d’étendre le « facteur 12 » aux activités externalisées en France.

● Depuis 2012, les rémunérations annuelles des dirigeants d’entreprises publiques sont plafonnées à 450 000 euros, rémunérations fixes et variables comprises. Ce plafond correspond à vingt fois la rémunération du premier décile de toutes les entreprises contrôlées par l’État.

L’article 2 de la présente proposition de loi vise, d’une part, à étendre cette limitation des écarts de rémunération à toutes les entreprises publiques, tous les fonctionnaires et agents contractuels et, d’autre part, à plafonner dans chaque entreprise les rémunérations maximales qui ne pourraient être supérieures à vingt fois le montant annuel du salaire minimum de croissance. Cet article reprend, pour une large part, les dispositions de l’article 1er d’une proposition de loi de M. Gaby Charroux de 2016 ([19]).

B.   rendre les Écarts de rÉMUNÉration visibleS

La transparence sur les écarts de rémunération s’est globalement renforcée ces dernières années mais reste perfectible. Il s’agit pourtant d’un préalable à leur résorption. Malgré les avancées introduites par le législateur ces dernières années (loi « PACTE », etc.), ces obligations restent peu ou mal appliquées.

L’article 3 encourage l’extension des obligations de transparence à l’échelle européenne afin d’harmoniser les règles et ainsi mieux garantir l’intention du législateur. Il propose également de faire de la question des écarts de rémunération l’un des piliers du reporting au niveau européen sur la responsabilité sociale et environnementale (RSA) des entreprises. Afin de standardiser les certifications, la mesure des écarts de rémunération pourrait être un critère pertinent.

Le rapporteur propose d’étendre, par voie d’amendements, les obligations de publication des rémunérations.

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   commentaire des articles

Article 1er
Favoriser la réduction des écarts de rémunération grâce à l’impôt sur les sociétés

Rejeté par la commission

L’article 1er propose un mécanisme incitatif à la diminution des écarts de revenus au sein des entreprises. Les rémunérations douze fois supérieures à la moyenne du premer décile ainsi que les cotisations sociales associées ne seraient plus déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

I.   une imposition sur les sociÉtÉs minorÉe par les hautes rÉmunÉrations

A.   Un impÔt sur les bÉnÉfices des entreprises

L’impôt sur les sociétés (IS) est un « impôt sur l’ensemble des bénéfices ou revenus réalisés par les sociétés et autres personnes morales » (article 205 du code général des impôts) exploitées en France. Sont ainsi concernées les sociétés anonymes (SA), les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés en commandite par actions (SCA), les sociétés par actions simplifiées (SAS), etc. Les bénéfices réalisés à l’étranger par le biais de succursales ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés.

Les sociétés sont imposables uniquement sur les bénéfices réalisés par tous leurs établissements en France au cours d’un exercice annuel ; les bénéfices réalisés à l’étranger par le biais de succursales ne sont pas soumis à l’IS.

La loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a engagé une réforme de l’impôt sur les sociétés pour abaisser progressivement son taux normal à 25 % en 2022. En 2021, il existe plusieurs taux d’IS :

– un taux normal à 26,5 % pour les exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2021 – 27,5 % pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 250 millions d’euros – contre 28 % en 2020. Des taux spécifiques sont prévus pour les organismes à but non lucratif : 24 % pour les revenus du patrimoine et 10 % pour les revenus mobiliers ;

– des taux réduits pour les petites et moyennes entreprises (PME) de 15 % et 26,5 %.

L’impôt sur les sociétés a généré 29,9 milliards d’euros de recettes fiscales en 2020.

B.   Un rendement rÉduit par la dÉduction deS charges

Un certain nombre de dépenses sont déductibles du bénéfice pour déterminer l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Aux termes de l’article 39 du code général des impôts, plusieurs catégories de dépenses sont déductibles dont « les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d’œuvre, le loyer des immeubles dont l’entreprise est locataire » (1° du 1).

Sont également déductibles, entre autres, les « rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées », « les frais de voyage et de déplacements », « les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels », « les dépenses et charges de toute nature afférentes aux immeubles qui ne sont pas affectés à l’exploitation », etc. (5 du même article). Les « personnes les mieux rémunérées » correspondent, « suivant que l’effectif du personnel excède ou non 200 salariés, [aux] dix ou [aux] cinq personnes dont les rémunérations directes ou indirectes ont été les plus importantes au cours de l’exercice ».

S’agissant des rémunérations, les rémunérations « excessives » ne peuvent être déduites des résultats de la société, selon le deuxième alinéa du 1° du 1 de l’article 39 précité. En effet, « les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. »

Ces rémunérations doivent avoir un caractère raisonnable puisque les dépenses déductibles « peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n’a pas été apportée qu’elles ont été engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise. Lorsqu’elles augmentent dans une proportion supérieure à celle des bénéfices imposables ou que leur montant excède celui de ces bénéfices, l’administration peut demander à l’entreprise de justifier qu’elles sont nécessitées par sa gestion. » (5 du même article). Pour autant, les termes employés dans le droit en vigueur sont suffisamment imprécis pour permettre aux entreprises de déduire de leur bénéfice et donc du calcul de l’IS les rémunérations les plus élevées.

Le rapporteur propose donc de préciser le dispositif actuel afin d’inciter les entreprises à réduire les écarts de salaires, qui peuvent parfois atteindre des disproportions indécentes.

II.   favoriser la rÉduction des Écarts de rÉMUNÉration grÂce À l’impÔt sur les sociÉtÉs

A.   Un mÉcanisme fiscal incitatif

● Le I de l’article 1er de la présente proposition de loi prévoit d’insérer un nouvel alinéa à l’article 39 du code général des impôts afin de limiter les charges déductibles du bénéfice pour calculer l’impôt sur les sociétés. Les rémunérations – directes et indirectes – dépassant un plafond correspondant à douze fois la rémunération moyenne du premier décile, qui serait exprimée en équivalents temps plein (ETP), ainsi que les cotisations sociales associées ne pourraient plus être déductibles du bénéfice de l’entreprise dans le cadre du calcul de l’impôt sur les sociétés. Ce mécanisme fiscal entrerait en vigueur à compter du 1er janvier 2022 (III).

Fixer un écart d’un à douze permettrait de reconnaître qu’aucune personne au sein d’une entreprise ne peut prétendre produire en un mois plus de richesses que quiconque en un an.

● Afin d’éviter que les entreprises artificiellement divisées en plusieurs sociétés dans une logique d’optimisation sociale et fiscale ne soient pas concernées par le plafonnement, le rapporteur propose par voie d’amendements d’élargir la limitation des écarts de revenus à l’ensemble du groupe auquel appartient une entreprise mais aussi d’étendre le « facteur 12 » aux activités externalisées en France.

Ce dispositif, dont les modalités seraient fixées par décret, devrait inciter les entreprises à réduire les rémunérations de leurs dirigeants et à augmenter les plus bas salaires afin d’augmenter en valeur absolue le plafond au-delà duquel il ne serait plus possible de déduire les salaires du calcul de l’IS.

B.   Un impact potentiellement significatif

Le rapporteur a souhaité évaluer l’impact du dispositif prévu par l’article 1er d’une part dans le cas où les entreprises redistribueraient les plus hautes rémunérations en faveur des salariés les moins bien payés et d’autre part dans l’hypothèse où celles-ci maintiendraient ces rémunérations à leur niveau actuel.

Aussi il a sollicité le Gouvernement via une question écrite le 4 août 2020 afin d’obtenir des informations sur les écarts de salaires dans les entreprises et pour connaître l’impact fiscal du dispositif prévu par l’article 1er ([20]). Malgré un signalement adressé le 10 novembre dernier et plusieurs relances, aucune réponse ne lui a été faite au moment de la rédaction du présent rapport. Par ailleurs, au cours de la mission d’information qu’il a menée l’an dernier puis lors de ses auditions, le rapporteur a pu constater, de manière plus générale, le manque criant de données sur les écarts de salaires au sein des entreprises alors même que des avancées législatives ont eu lieu ces dernières années. Il déplore cette absence de transparence sur les rémunérations et sur les données fiscales puisque cette situation inhibe tout débat démocratique constructif sur le sujet des écarts de rémunérations.

En conséquence, le II du présent article prévoit que le Gouvernement remet, au plus tard le 1er octobre 2021, un rapport évaluant l’impact qu’aurait eu l’application du I en 2020 sur le produit de l’impôt sur les sociétés et dressant un état des lieux de la conformité des politiques salariales des entreprises avec le dispositif prévu au I.

Malgré le manque de données, il est toutefois possible d’estimer un ordre de grandeur de l’impact du dispositif à partir de la masse salariale représentée par les plus hautes rémunérations, en se basant sur les écarts de salaires par rapport au SMIC dans le secteur privé ([21]).

D’après les informations communiquées par l’INSEE au rapporteur ([22]), 0,32 % des salariés du secteur privé, soit 51 651 personnes, gagnaient au moins douze fois le SMIC en 2017 ([23]). Cela représentait 20,1 milliards d’euros. Après retranchement de la part des salaires inférieure à douze fois le SMIC (11 milliards d’euros), la masse salariale supérieure à 12 SMIC s’élèverait autour de 9,1 milliards d’euros bruts.

● Si cette somme était redistribuée entre les salariés du premier décile, cela se traduirait par une hausse pouvant aller de 466 euros par mois – hypothèse d’une redistribution au profit du premier décile de l’ensemble des salariés du secteur privé en équivalents temps plein – à 2 231 euros par mois dans l’hypothèse où cette redistribution ne concernerait que les salariés appartenant au premier décile des 257 grandes entreprises, où les écarts de rémunération sont souvent les plus importants ([24]). Si cette somme était redistribuée entre les salariés situés en dessous du salaire médian – les cinq premiers déciles –, cela se traduirait automatiquement par une hausse de rémunération cinq fois inférieure.

Les estimations figurant dans le tableau ci-après ont vocation à donner une idée de l’effet redistributif du mécanisme proposé à partir des données à la disposition du rapporteur. Les deux hypothèses retenues sont purement théoriques : d’une part, toutes les entreprises françaises ne sont pas concernées par des écarts de rémunération d’au moins un à douze SMIC et, d’autre part, des entreprises n’appartenant pas à la catégorie des grandes entreprises – entreprises de taille intermédiaire (ETI), petites et moyennes entreprises (PME), microentreprises – peuvent connaître de tels écarts de rémunération ([25]). Toutefois, elles permettent d’obtenir une fourchette d’estimation.

gains potentiels de pouvoir d’achat par salariÉ grÂce À la redistribution des rÉMUNÉrations au-delà de 12 SMIC

Périmètres de redistribution

Ensemble des salariés
du secteur privé
(en EQTP) ([26]) 

Salariés des grandes
entreprises uniquement

(en EQTP) ([27])

 

Décile 1

5 592 € / an
soit 466 € / mois

26 773 € / an
soit 2 231 € / mois

 

Déciles 1 et 2

2 796 € / an
soit 233 € / mois

13 386 € / an
soit 1 116 € / mois

 

Déciles 1 à 5
(inférieurs au revenu médian ([28]))

1 118 € / an
soit 93 € / mois

5 355 € / an
soit 446 € / mois

Source : commission des affaires sociales à partir des données INSEE.

● L’hypothèse d’une redistribution des sommes résultant de l’écrêtement des plus hautes rémunérations ne doit pas empêcher de réfléchir au gain pour les finances publiques qui serait généré dans l’hypothèse où les entreprises choisiraient de maintenir ces rémunérations à leur niveau actuel.

En appliquant le taux normal d’IS (26,5 %) en vigueur en 2021 sur la masse salariale au-delà de douze fois le SMIC (9,1 milliards d’euros bruts), le dispositif fiscal proposé pourrait rapporter, toutes choses égales par ailleurs, de l’ordre de 2,4 milliards d’euros par an.

Une telle recette permettrait de couvrir les deux tiers du coût de la réforme de la fiscalité du patrimoine de 2018 – transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 % sur les revenus du patrimoine – évalué à 3,5 milliards d’euros par an ([29]).

 

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*     *


Article 2 
Plafonner les rémunérations à vingt fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance

Rejeté par la commission

L’article 2 prévoit de plafonner les rémunérations à vingt fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public.

I.   des rÉmunÉrations partiellement plafonnÉes aujourd’hui

Corollaire de la liberté contractuelle, les rémunérations sont fixées librement par les parties – entreprises et salariés – aujourd’hui. Toutefois, elles peuvent être encadrées, que ce soit par le haut ou par le bas via la mise en place d’un salaire minimum. En France, le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), prévu à l’article L. 3231-6 du code du travail, est ainsi fixé, sur la base d’une durée de travail de 35 heures par semaine, à 1 554,58 euros bruts par mois depuis le 1er janvier 2021.

La question de l’encadrement des rémunérations se pose davantage pour les plus hautes rémunérations aujourd’hui. Actuellement, seules les rémunérations des dirigeants d’entreprise publique font l’objet d’un plafonnement.

A.   des rÉmunÉrations plafonnÉes dans le secteur public

Mettant en œuvre une promesse de campagne de François Hollande, le décret n° 2012-915 du 26 juillet 2012 relatif au contrôle de l’État sur les rémunérations des dirigeants d’entreprises publiques fixe le plafond de la rémunération annuelle fixe et variable à 450 000 euros dans les entreprises et établissements publics pour l’ensemble des présidents des conseils d’administration, des directeurs généraux, des présidents et membres de directoire, des présidents du conseil de surveillance, des présidents, des gérants et, d’une manière générale, des personnes qui, quel que soit leur titre, exercent des fonctions équivalentes.

Ce décret, qui modifie le décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l’État sur les entreprises publiques nationales et certains organismes, est applicable aux entreprises publiques dont l’État possède la majorité du capital et aux établissements publics à caractère industriel ou commercial (EDF, SNCF, La Poste, Areva, Aéroports de Paris, France Télévisions, etc.).

Ce plafond, qui peut être modifié par simple décret, correspond à vingt fois la rémunération des 10 % des salariés les moins bien payés (le premier décile) de toutes les entreprises contrôlées par l’État, ce qui représente l’équivalent de 25 SMIC.

Il convient de noter que le périmètre du décret reste particulièrement restreint : il s’applique à un nombre réduit d’entreprises et se limite aux rémunérations des seuls mandataires sociaux.

B.   des rÉmunÉrations insuffisamment encadrÉes dans le secteur privÉ

Inspiré par les mesures dites de « say on pay » adoptées aux États-Unis et au Royaume-Uni comme réponse à la crise financière et économique de 2008, le droit français a intégré relativement tôt des règles de droit souple concernant les rémunérations des dirigeants. En 2013, le code de gouvernance AFEP-MEDEF ([30]), auquel se réfère la quasi-totalité des sociétés françaises du SBF 120, recommandait une politique de vote consultatif en assemblée générale des actionnaires sur la rémunération des dirigeants.

À l’occasion de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », une initiative parlementaire a permis d’instaurer un double vote ex ante et ex post en assemblée générale des actionnaires sur la rémunération des dirigeants d’entreprises cotées.

L’ordonnance n° 2019-1234 et le décret n° 2019‑1235 du 27 novembre 2019 instaurent un dispositif unifié et contraignant d’encadrement des rémunérations des mandataires sociaux des sociétés cotées. Désormais, l’ensemble des mandataires sociaux sont concernés et l’ordonnance prévoit expressément que les versements ou engagements non conformes à la politique de rémunération approuvée par les actionnaires sont nuls.

Force est de constater néanmoins que ces dispositions n’ont pas permis une autolimitation du montant des rémunérations proposées aux actionnaires par le conseil d’administration. Le dispositif de « say on pay » s’avère inefficace pour limiter la progression des hautes rémunérations.

II.   PLafonner les rÉmunÉrations À vingt fois le smic

En 2013, le gouvernement Ayrault avait envisagé d’élaborer un projet de loi incluant « des dispositions législatives [...] permettant de mettre fin à certains comportements en matière de rémunération ». Face à la complexité des rémunérations des grands dirigeants – salaires, primes, stock-options, retraites chapeaux, « parachutes dorés », etc. –, le Gouvernement avait finalement favorisé la voie de l’autorégulation et privilégié le recours à l’imposition des hauts revenus avec la taxe à 75 %.

La conformité à la Constitution du plafonnement des rémunérations

Le cadre législatif actuel relatif aux salaires est guidé par un principe général de libre détermination par les parties. Toutefois, le salaire doit respecter des principes d’ordre public. L’obligation de rémunérer un salarié à un niveau au moins égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) est un principe général du droit (Conseil d’État, 23 avril 1982, Ville de Toulouse contre Mme Aragnou, D.1983).

En revanche, le droit ne prévoit pas de façon générale un plafonnement des salaires. Les principes de liberté contractuelle ainsi que les principes de liberté d’entreprise et de commerce et d’industrie pourraient être opposés à un tel plafonnement.

Néanmoins, la liberté d’entreprise n’est ni générale, ni absolue. Le Conseil constitutionnel admet un certain nombre d’exceptions lorsque celles-ci sont liées « à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (décision n° 2009-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l’archéologie préventive).

Le constitutionnaliste Dominique Rousseau estime qu’en l’espèce, l’atteinte à la liberté contractuelle des entreprises « peut trouver son fondement dans un intérêt général supérieur, celui des exigences minimales de la vie dans l’entreprise qui seraient méconnues par un écart trop important entre les rémunérations des dirigeants et des salariés et qui, par conséquence nécessaire, porteraient une atteinte excessive aux principes d’égalité et de solidarité » ([31]).

Le rapporteur estime que la réduction des écarts de rémunération dans des proportions raisonnables répond incontestablement à un intérêt général. Toutefois, dans l’hypothèse où la mesure proposée serait jugée inconstitutionnelle, il pourrait être envisagé de modifier la Constitution. Dans cette optique, une proposition de loi a été déposée par Dominique Potier et ses collègues du groupe Socialistes et apparentés afin d’inscrire « le bien commun » dans la Constitution ([32]).

L’article 2 prévoit l’instauration d’un plafond des rémunérations aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.

A.   Dans le secteur privé

Le I vise à insérer dans le code du travail un nouveau chapitre composé de quatre articles.

Ces nouvelles dispositions seraient applicables, au terme du nouvel article L. 3230-1, aux personnels et aux dirigeants, régis par le code du travail ou non, des « sociétés, groupements ou personnes morales, quel que soit leur statut juridique, et des établissements publics à caractère industriel et commercial ».

Le salaire annuel le plus élevé ne pourrait être vingt fois supérieur au montant annuel du SMIC, soit 18 655 euros bruts depuis le 1er janvier 2021 (nouvel article L. 3230-2). Ainsi, la rémunération maximale annuelle ne pourrait dépasser 373 100 euros bruts. Cet encadrement a vocation à remplacer, s’agissant des entreprises et des établissements publics, le plafond de rémunération de 450 000 euros précités. La rémunération maximale serait calculée en intégrant « tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature » qui la composent. Au sens du code AFEP-MEDEF, il s’agit des rémunérations fixes et variables, des options d’actions ou actions gratuites, des indemnités liées à la prise ou à la cessation des fonctions, le régime de retraite supplémentaire et les avantages de toute nature.

Si la rémunération globale la plus élevée se trouvait vingt fois supérieure au salaire minimum de croissance, les décisions et contrats fixant cette rémunération maximale seraient nuls de plein droit (article L. 3230-3).

Enfin, le nouvel article L. 3230-4 dispose qu’un « décret en Conseil d’État détermine les conditions d’information et de consultation du personnel sur les écarts de rémunération pratiqués dans les entreprises ».

B.   Dans le secteur public

Le II du présent article, qui complète l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, étend le plafonnement des rémunérations prévu par le I à l’ensemble des fonctionnaires et agents publics contractuels.

La rémunération des fonctionnaires, versée après service fait, comprend le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement, les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ainsi que les prestations familiales obligatoires. La rémunération des contractuels est fixée par l’autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification et de l’expérience des agents.

Pour les fonctionnaires comme pour les agents contractuels, la rémunération peut tenir compte des résultats professionnels et collectifs du service. Selon une étude de l’INSEE sur les « hautes rémunérations dans la fonction publique », seuls 1 % des agents publics, fonctionnaires ou contractuels, percevaient une rémunération de plus de 6 410 euros nets par mois en 2016 ([33]). Ainsi, instaurer un plafond équivalent à 31 092 euros bruts mensuels ne prive pas de la possibilité d’intégrer une part d’indemnité liée à la performance dans la rémunération des agents publics.

● Les rémunérations qui ne seraient pas conformes au moment de l’entrée en vigueur du présent article, c’est-à-dire au 1er janvier 2022 (IV), pourront perdurer en étant gelées tant qu’elles demeurent liées à un contrat de travail ou un mandat social inchangé (III). L’expiration ou la première modification du contrat de travail ou du mandat social entraînera toutefois une obligation de conformité aux dispositions de la présente loi. Cette disposition a pour objectif de ne pas porter une atteinte disproportionnée à des dispositions contractuelles en cours et légalement établies.

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Article 3
Évaluer l’opportunité d’une extension de la transparence et de l’encadrement des écarts de rémunération au niveau européen

Rejeté par la commission

L’article 3 prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement afin d’évaluer la nécessité d’une évolution du droit européen relatif à la transparence et à l’encadrement des écarts de rémunération ainsi que la possibilité d’intégrer la mesure des écarts de revenu parmi les critères de responsabilité sociale et environnementale.

I.   Des obligations de transparence encore insuffisantes

La transparence sur le montant des rémunérations perçues par les dirigeants s’est globalement améliorée ces dernières années mais mérite d’être améliorée.

● Introduit à l’initiative d’un amendement parlementaire, l’article 187 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi « PACTE ») a mis en place de nouvelles règles de transparence relatives à l’écart des rémunérations au sein des sociétés cotées.

L’article L. 22-10-9 du code de commerce, créé par l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-1142 du 16 septembre 2020 portant création, au sein du code de commerce, d’un chapitre relatif aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, dispose désormais que le rapport du gouvernement d’entreprise doit présenter « pour le président du conseil d’administration, le directeur général et chaque directeur général délégué, les ratios entre le niveau de la rémunération de chacun de ces dirigeants et, d’une part, la rémunération moyenne sur une base équivalent temps plein des salariés de la société autres que les mandataires sociaux, d’autre part, la rémunération médiane sur une base équivalent temps plein des salariés de la société autres que les mandataires sociaux ».

Ces nouvelles règles transposent en partie les dispositions prévues dans la directive « droit des actionnaires » dite directive « SRD 2 » ([34]). Le droit français s’avère ici légèrement plus contraignant puisque l’obligation de publication par rapport à la médiane n’est pas prévue dans la directive.

La portée de cet article reste toutefois limitée. En effet, les obligations prévues à l’article L. 22-10-9 du code de commerce ne concernent que les sociétés cotées et ne visent que les mandataires sociaux. En outre, la transparence de ces informations ne bénéficie qu’aux seuls actionnaires. L’information sur les ratios de rémunération reste alors inaccessible à l’ensemble des salariés.

Comme l’indique le rapport d’information sur le partage de la valeur au sein des entreprises ([35]), « le premier bilan que l’on peut dresser du ratio d’équité, mis en place par la loi PACTE est pour le moins décevant ». Il relève à ce titre plusieurs difficultés :

– les rémunérations des dirigeants ne sont pas prises en compte de la même façon par toutes les sociétés, en particulier en ce qui concerne les rémunérations variables et les engagements post-mandat (indemnités de départ et retraites chapeau) ;

– certaines entreprises se contentent de sélectionner un échantillon présumé significatif d’employés de la holding où les rémunérations sont souvent plus élevées ;

– le calcul des ratios d’équité varie d’une société à l’autre, certaines prenant en compte les salariés de leurs filiales dès lors qu’ils sont employés en France tandis que d’autres ne comptabilisent que la société cotée.

 L’article 3 prévoit ainsi la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement afin d’évaluer la nécessité d’une évolution du droit européen relatif à la transparence et à l’encadrement des écarts de rémunération qui permettrait une meilleure harmonisation des obligations de publication.

II.   un nouveau critÈre de la responsabilitÉ sociale et environnementale des entreprises

Dans le contexte des débats à l’œuvre au niveau européen concernant une nouvelle directive sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), le moment est venu d’introduire un indicateur de partage de la valeur dans les éléments de la déclaration de performance extra-financière. Une expérimentation française telle que proposée dans la proposition de loi portant création d’une certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises, défendue par le groupe Socialistes et apparentés, préfigurerait idéalement l’harmonisation européenne attendue ([36]).

Cette nouvelle taxonomie de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises pourrait s’inspirer de la démarche Impact Score promue par le mouvement Impact France ([37]).

 

 L’article 3 propose de profiter de l’opportunité de la révision de la directive RSE pour faire de la question des écarts de rémunération l’un des piliers du reporting sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. La Commission européenne a engagé un processus de révision de la directive 2014/95/UE relative à la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes. Ainsi le rapport demandé au Gouvernement devra étudier « la possibilité d’intégrer la mesure des écarts de revenu parmi les critères de responsabilité sociale et environnementale ».

● Le rapporteur suggère d’étendre par voie d’amendements les obligations de transparence quant aux écarts de rémunération à toutes les entreprises de cinquante salariés et plus. Pour les sociétés cotées, il propose d’élargir, au-delà des mandataires sociaux, la publication aux dix plus hautes rémunérations.

Il propose également d’élargir le champ du rapport demandé au Gouvernement en intégrant la possibilité de créer un indicateur du partage de la valeur ajoutée dans les entreprises à partir des bases de données économiques et sociales (BDES) – aujourd’hui peu exploitées – qui présenterait de manière synthétique et accessible la répartition de la valeur ajoutée au sein de l’entreprise.

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Article 4 
Gages financiers

Rejeté par la commission

L’article 4 vise à prévoir un mécanisme de compensation des pertes de recettes pour l’État et les organismes de sécurité sociale qui résulteraient de l’adoption de la présente proposition de loi.

La présente proposition de loi est de nature à accroître les pertes de recettes pour l’État et la sécurité sociale. Le présent article prévoit donc de gager les pertes de recettes pour l’État par une majoration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % dû au titre de l’impôt sur le revenu par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France à raison des revenus tirés des capitaux mobiliers (article 200 A du code général des impôts). Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées par la création d’une taxe additionnelle.

 

 

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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 10 février 2021, la commission a examiné la proposition de loi pour une limite décente des écarts de revenu (n° 3094) ([38]).

I.   Discussion générale

M. Dominique Potier, rapporteur. Pour terminer en beauté ! Je suis heureux de partager avec vous un travail entrepris depuis le début de la législature au sein du groupe Socialistes et apparentés, travail collectif auquel Boris Vallaud et Marie-Noëlle Battistel ont largement contribué, avec l’appui bienveillant de notre présidente Valérie Rabault.

Cette proposition de loi a une histoire. Elle s’inscrit dans un travail de refondation de l’entreprise qui a été lancé par le groupe Socialistes en lien avec la société civile. Elle a été fabriquée par un collectif de citoyens, syndicalistes, responsables d’organisations non gouvernementales entre autres, représentant le monde de l’entreprise – pas seulement dans l’économie sociale. Cette coopération entre élus de la nation et représentants de la société civile avait été inaugurée pour élaborer une loi française qui est en train de devenir une directive européenne, la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Ce que nous avions alors appelé un cercle parlementaire nous avait permis de travailler de façon transpartisane, dans le dialogue avec les académiques, les intellectuels et les personnes engagées capables de fabriquer des objets politiques nouveaux et de les porter devant l’Assemblée.

Empruntant ce chemin, nous avons voulu dessiner ce que pourrait être l’entreprise au XXIe siècle. Une des racines les plus importantes de notre réflexion se trouve dans les travaux que le collège des Bernardins a menés, neuf années durant, autour de l’entreprise conçue comme une institution politique dans la société au XXIe siècle. C’est dans l’esprit de ces travaux pluridisciplinaires, ouverts et novateurs que nous avons conçu une première proposition de loi, examinée en 2017 dans le cadre d’une niche parlementaire. Elle s’articulait en neuf points, dont une redéfinition de l’entreprise, qui a été reprise dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »), un projet de codétermination et de partage de pouvoir au sein de l’entreprise, et une proposition sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise.

Au stade de cette première proposition de loi, il ne s’agissait que d’une réflexion sur la réduction des écarts de revenus : les choses restaient assez floues. Nous avons pu en faire un amendement au projet de loi « PACTE », mais je rends ici hommage à la personne qui a conçu précisément le dispositif, Francis Raugel, un cadre à la retraite de la CFDT qui a fait le siège de ma permanence pour m’expliquer cette proposition. L’article 1er du présent texte prévoit donc un système fiscal incitatif pour limiter les écarts de revenus à un facteur 12. L’article 2, lui, fixe un plafonnement, selon un facteur 20. J’ai appris depuis que cette proposition avait déjà été faite à l’Assemblée nationale par un député communiste, le prédécesseur de Pierre Dharréville ici présent, Gaby Charroux. Sous le patronage d’un syndicaliste CFDT et d’un député communiste, j’espère que cette idée ira bien au-delà de la gauche et vous entraînera tous.

Cette proposition singulière du facteur 12, j’ai profité du confinement dû à la pandémie pour l’affiner, rédiger un texte et le déposer, en juin 2020. Pendant toute cette période, j’ai réfléchi au sens que cela avait. J’ai notamment pu conduire pour la commission des affaires économiques une mission d’information sur le partage de la valeur au sein des entreprises et ses conséquences sur leur gouvernance, leur compétitivité et la consommation des ménages.

Ce sujet, qui paraît banal, est finalement peu exploré. Il faut remonter à quelques décennies pour trouver des débats politiques de haute qualité sur la question des échelles de salaire : combien gagnent les cadres, les ouvriers... C’est comme si une forme de désinvolture avait saisi notre société face à cette question qui était structurante jusque dans les années 1980. Cet oubli a été préjudiciable, puisqu’on a vu une forme de démesure s’installer. Retrouver les repères, les outils qui permettent d’appréhender la question sur le plan éthique, philosophique et politique a été l’objet de cette mission passionnante, et je remercie ma collègue issue des rangs de la majorité, Graziella Melchior, qui l’a conduite avec moi. Cette mission a recueilli l’avis de toutes les parties prenantes, sondé les sources documentaires. Son rapport est une mine de documentation, et pointe en même temps les nombreux angles morts et zones d’ombre existants. L’une de nos premières revendications, avec Graziella Melchior, concerne d’ailleurs le besoin de retrouver une culture du chiffre sur ces questions de rémunération, de mieux se documenter pour que le débat politique puisse se tenir dans de belles conditions.

Je ne pourrais pas être juste sans rendre hommage à ceux qui ont conçu le facteur 12 au départ, l’économiste Gaël Giraud et la philosophe Cécile Renouard, qui en ont développé dans un livre les bienfaits économiques, sociaux et environnementaux. Quand on se demande pourquoi le facteur est de 12, on peut répondre grâce à ces pionniers.

La question du partage des revenus est généralement réglée dans notre République, à gauche et même à droite, par l’État providence. Avant redistribution, l’écart entre les 20 % de ménages les plus aisés et les 20 % les moins favorisés va de 1 à 8 ; il n’est plus que de 1 à 4 après. L’État providence fonctionne donc bien dans notre pays, même si son efficacité reste toujours un combat. Mais il ne peut pas tout corriger, et le poids de cette correction a un coût qui correspond à une forme d’épuisement de la puissance publique. Nous avons donc voulu aborder la question par la face Sud, celle de la réduction à la source, par la puissance publique, des inégalités, afin d’alléger la mission de l’État providence et de le rendre plus agile et plus performant.

Le texte en lui-même est d’une grande simplicité. Les dispositions sont limpides. L’article 1er propose un dispositif fiscal : au-delà de 12 fois le premier décile de revenus de l’entreprise, les salaires et les charges afférentes, soit l’ensemble de ce qui constitue une rémunération, ne sont pas déductibles de l’impôt sur les sociétés. C’est une formule très simple ; il n’y a aucune discussion sur son acceptabilité dans le droit français.

L’article 2 fixe deux plafonds. Lors de la précédente législature, à l’initiative du Président de la République, un plafonnement de 1 à 20 a été instauré pour les directeurs des grands établissements publics ou agences de l’État. À l’époque, je pense par oubli, les autres cadres n’avaient pas été visés par la mesure, ce qui fait que certains gagnent plus que le directeur. Cela crée un désordre qui n’est pas conforme à l’esprit de ce que nous voulions. Le premier plafond vise donc à corriger cet oubli. La véritable innovation tient à ce que l’article 2 étend à l’ensemble des entreprises privées cette limitation à 20 fois le SMIC.

L’article 3 a une portée importante. Il vise à introduire un nouveau critère dans la certification publique, que j’appelle de mes vœux, de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. La RSE s’intéresse à beaucoup de choses – le bilan carbone, l’égalité hommes-femmes, l’impact du recyclage... – mais très peu à la question qui nous occupe. Les écarts de revenus et le partage de valeur à la source pourraient faire l’objet d’un indice qui deviendrait un élément à prendre en compte. Par là même, nous plaidons pour que le partage de la valeur à la source devienne un élément de la déclaration de performance extra-financière telle qu’elle est en train de se réformer à l’échelle européenne. La France, et je le salue, joue un rôle important en la matière. Elle milite pour une nouvelle norme de RSE, et nous proposons d’y intégrer la question du partage de la valeur, trop peu considérée jusqu’à présent.

Un élément de contexte : avec la crise du covid, au printemps 2020, nous avons redécouvert que si le chauffeur routier qui collecte le lait dans les fermes avait arrêté de travailler, si l’auxiliaire de vie n’avait pas eu le courage d’aller, parfois sans protection, au domicile des personnes en situation de handicap ou fragilisées par l’âge, l’hôpital n’aurait pas tenu, l’agro-alimentaire aurait craqué. Bien d’autres services, la gestion des déchets ou de l’eau par exemple, ont tenu parce que des travailleurs parmi les moins payés de notre pays ont continué à faire leur travail. Du Président de la République à nous tous, nous avons eu un immense mouvement de gratitude non seulement pour les soignants, mais pour tous ces travailleurs invisibles et mal payés. C’est parce qu’ils ont eu le courage de continuer à travailler, souvent pour 1 200 ou 1 300 euros par mois, que le pays a tenu.

Certains m’ont dit, y compris au Gouvernement, que cette proposition de loi était très intéressante, mais pour plus tard, pas maintenant. Cela me met dans une colère terrible. Si nous ne la votons pas maintenant, quand le ferons-nous ? Qui peut prétendre qu’il vaut douze fois plus que ces travailleurs invisibles qui ont tenu le pays ? Ceux qui trouvent normal que les patrons du CAC 40 gagnent 248 fois le SMIC admettent qu’il y a dans notre pays des personnes qui valent 248 fois moins que d’autres, ou même 400 ou 500 fois, si l’on prend les extrêmes.

Le facteur 12, le plafonnement à 20 concernent très peu de personnes. J’ai cru longtemps, avec Boris Vallaud et d’autres, que ces mesures avaient un caractère symbolique, mais peu d’effet redistributif. Grâce à l’étude que j’ai pu mener avec nos deux administrateurs, que je remercie pour leur engagement dans ce travail, nous avons enfin des chiffres – grâce à notre persévérance, et malgré le silence de Bercy, interrogé et relancé depuis quatre mois. La très bonne surprise, c’est que cet effet redistributif est extrêmement important.

Si nous appliquons le facteur 12 pour une redistribution vers les premier et deuxième déciles de notre pays, autrement dit pour des revenus moyens d’environ 1 350 euros, le gain par mois représente 233 euros. Ce sont 3,5 à 4 millions de salariés qui pourraient ainsi bénéficier chaque mois d’une augmentation de salaire de 15 %, et ceci à charges égales pour l’entreprise, puisque c’était notre hypothèse de base. Je répète : la limitation de la rémunération des 0,32 % de salariés qui gagnent plus de 12 fois le SMIC, ce qui représente 9 milliards sur les 600 milliards de volume salarial dans notre pays, représente 15 % de pouvoir d’achat supplémentaire, de pouvoir de vivre diraient certains, pour 3 à 4 millions de salariés. Si la redistribution s’opère au bénéfice de tous les revenus inférieurs au revenu médian, ce seront alors une dizaine de millions de salariés qui percevront 93 euros supplémentaires par mois. Si nous limitons les calculs au périmètre des entreprises qui concentrent ces salaires excessifs – les très grandes entreprises – les effets de redistribution deviennent majeurs : ils permettent quasiment de doubler les revenus des premiers déciles. Mais nous avons voulu tenir compte de la sous-traitance, ou des cabinets libéraux où les écarts de revenus entre la femme de ménage et certains professionnels, médicaux, par exemple sont astronomiques. Pour n’oublier personne donc, nous avons pensé le mécanisme de redistribution au bénéfice de l’ensemble des salariés.

Les sommes redistribuées permettent de rebattre les cartes du pouvoir d’achat. Si toutefois des privilèges exorbitants étaient maintenus par les entreprises au nom de leur liberté et que l’impôt sur les sociétés s’appliquait sur les sommes excédant le fameux plafond de 12, le gain pour la nation serait de l’ordre de 2,4 milliards d’euros, soit à peu près les deux tiers de la perte organisée par la majorité actuelle en 2018 avec la flat tax et l’impôt sur la fortune. Et, pour information, si l’écrêtement s’appliquait non plus aux 0,3 % des salariés mais aux 1 % des Français les plus privilégiés, les sommes seraient d’une tout autre mesure : près de 6 milliards d’euros de fiscalité pourraient être récupérés au bénéfice d’un nouveau partage dans la société. Il y a donc des masses énormes qui profitent à très peu de Français et qui pourraient servir au changement de vie de beaucoup d’autres.

Il n’y a pas qu’un gain social à attendre de cette proposition : sur le plan économique, nous avons vu qu’elle n’aurait aucune conséquence, puisqu’elle se fait à masse salariale égale et sans perte de compétitivité, mais ses retombées écologiques seraient importantes. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie nous renseigne sur les différences de consommation de carbone entre les premiers et derniers déciles des Français. Une étude conjointe d’Oxfam et de l’Institut de l’environnement de Stockholm, vérifiée et consolidée, montre que 1 % des plus aisés des humains consomment autant de CO2 que la moitié de l’humanité. Il est certain que les 0,32 % de salariés dont nous parlons en font partie. Réduire leur niveau de vie, c’est aussi réduire leur impact carbone et leurs comportements désastreux pour l’environnement. En revanche, redonner 15 % de pouvoir d’achat aux plus défavorisés, ceux qui ont été sur les barrages des « gilets jaunes », c’est leur donner la capacité d’isoler leur logement, de consommer plus sainement, de se déplacer de façon moins carbonée, bref de contribuer à la transition écologique.

Le partage de la valeur à la source dans l’entreprise nous permet non seulement de refaire société, sans perdre en compétitivité économique, mais également d’amorcer la transition écologique en donnant aux plus défavorisés les moyens de s’y engager et en calmant les ardeurs de ceux qui surconsomment sans retenue des ressources finies.

Voilà notre dessein. Je terminerai avec une citation de l’abbé Pierre d’une modernité extraordinaire : « Le contraire de la misère, ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage. »

M. Thierry Michels. Cette proposition de loi sur les écarts de rémunération est pour moi l’occasion de rappeler les lignes directrices de l’action de la majorité, qui sont la base de son ADN politique : libérer, protéger, réconcilier. Nombre de mesures ont été adoptées pour donner de la souplesse aux acteurs économiques, rendre transparentes les rémunérations et faciliter la répartition de la valeur. Notre politique est cohérente. Plutôt que de laisser des barrières à l’entrée dans l’emploi, nous avons souhaité que le plus possible de personnes y accèdent. Il y a plus de salariés dans des entreprise plus diverses, avec une dynamique de redistribution de richesse au sein même des acteurs économiques français et un pouvoir de socialisation plus fort.

Notre confiance dans les acteurs économiques et les partenaires sociaux passe aussi par plus de transparence et de dialogue social. C’est l’esprit et la lettre de la loi « PACTE », adoptée en 2019 et qui donne déjà de premiers résultats pour ce qui est de la régulation fine et équitable des rémunérations les plus élevées, en particulier dans les plus grandes entreprises.

Monsieur le rapporteur, vous proposez une hyperfiscalisation des rémunérations qui dépasseraient 12 fois le salaire moyen de l’entreprise, et une interdiction stricte des rémunérations dépassant un plafond de 20 fois le SMIC. Mais quel problème souhaitez-vous vraiment résoudre, alors que notre pays est déjà l’un des plus vertueux de l’Union européenne en termes d’égalité salariale ? Il n’est dépassé que par les pays nordiques, comme l’indique votre rapport d’information de décembre 2020, réalisé avec notre collègue Graziella Melchior. Cette dernière, que vous citez, n’a du reste pas été associée à votre proposition de loi, qui est bien une proposition de votre groupe et non le reflet d’une coconstruction, il est important de le préciser. Je note par ailleurs que les mesures que vous proposez aujourd’hui vont à rebours de celles de la loi « Sapin 2 », adoptée en décembre 2016 par la majorité dont vous étiez membre.

Le groupe La République en Marche rejettera votre texte et ses mesures de blocage immédiat, fiscal et social, sans limite dans le temps, des hautes rémunérations. Les débats sur les articles permettront de développer nos arguments sur notre choix assumé de faire vivre et prospérer les dispositifs existants et de nous appuyer sur les travaux actuellement menés sur ces questions par les partenaires sociaux, notamment sous l’égide du ministère du travail.

M. Nicolas Turquois. Le présent texte formule des propositions maintes fois mises en débat dans notre pays. Je salue Dominique Potier, dont je reconnais bien là les valeurs et les idées.

Comme le rappelle l’exposé des motifs, l’idée vient de loin : dès le Ve siècle avant Jésus-Christ, Platon proposait de fixer un écart maximal entre les revenus des plus pauvres et des plus riches. Ses défenseurs la posent comme un principe moral, mais aussi économique.

Cette proposition de loi vise, tout d’abord, à augmenter le coût des hautes rémunérations, lorsqu’elles dépassent un ratio de 1 à 12 avec les plus faibles, afin d’encourager une forme de sobriété salariale. Elle veut aussi les plafonner à 20 fois le SMIC. L’initiative, si elle peut sembler séduisante, se heurte à la fois à la réalité économique et au droit constitutionnel. En effet, établir de telles règles contraignantes pourrait avoir des effets défavorables sur l’attractivité des entreprises françaises pour les personnels qualifiés, et sur l’attractivité de la France pour les entreprises étrangères qui souhaiteraient s’y installer. Par ailleurs, cela pourrait entraîner une externalisation des tâches, tant pour les bas salaires, dans le but d’augmenter le plafond, que pour les hautes rémunérations, pour contourner la loi. Enfin, le plafonnement strict des rémunérations serait probablement inconstitutionnel au titre de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle.

Nous sommes convaincus que le contrôle, la responsabilisation, la transparence et surtout le dialogue social sont plus efficaces que la contrainte proposée par notre collègue. Notre pays s’est doté d’outils allant dans ce sens, avec le principe du say and pay introduit par la loi « Sapin 2 » et largement renforcé par la loi « PACTE » sous la présente législature. Mais nous sommes surtout persuadés que c’est l’ascenseur social interne à l’entreprise, mû notamment par la formation continue pour tous les salariés, qui sera l’outil de réduction des inégalités le plus efficace.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés n’apportera pas ses suffrages à cette proposition de loi.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le groupe Socialistes et apparentés a mené depuis près de six ans un cycle de réflexion sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, sous l’impulsion de Dominique Potier, dont je salue l’engagement sans faille. Ces travaux ont notamment permis l’adoption de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Ils ont également donné lieu au dépôt de la proposition de loi dite Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances, qui fut le socle de notre contribution au débat sur la loi « PACTE » s’agissant de la codétermination, de la transparence et de la RSE notamment. Afin de parfaire ses travaux, notre groupe a également fait usage de son « droit de tirage » en commission des affaires économiques afin d’obtenir un rapport d’information sur le partage de la valeur au sein des entreprises et ses conséquences sur leur gouvernance, leur compétitivité et la consommation des ménages.

Cette proposition de loi est donc le résultat d’un travail dense et documenté. Dès 2013, l’Organisation de coopération et de développement économiques s’est inquiétée de l’écart croissant des rémunérations entre salariés et dirigeants d’une entreprise. Selon une étude réalisée la même année par la fédération des syndicats américains, la rémunération moyenne d’un dirigeant d’entreprise américain était ainsi 354 fois supérieure à celle d’un salarié. En France, ce rapport était de 1 à 104. L’exemple le plus frappant est celui de la société Amazon : une étude réalisée dans cinq États a montré que 30 % de salariés avaient recours au programme fédéral d’aide alimentaire, alors que leur président-directeur général (P.-D.G.) était l’homme le plus riche du monde.

L’écart maximal, nous l’avons ici fixé de 1 à 12. Nous proposons un mécanisme incitatif novateur pour la réduction des écarts de salaire, dont l’effet redistributif, comme l’indique l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), sera significatif sur les bas revenus. Nous devons, aujourd’hui plus que jamais, dans la période économique et sociale que nous traversons, redonner du pouvoir d’achat aux plus modestes. J’invite donc tous mes collègues à soutenir ce texte de justice sociale pour l’entreprise du XXIe siècle.

Mme Annie Chapelier. Je remercie le rapporteur, qui prolonge ici un débat important sur la justice sociale et les revenus du travail. Cette initiative fait honneur à notre commission des affaires sociales.

La crise sanitaire nous a révélé l’importance, au-delà des personnels soignants, des travailleurs dits essentiels, ces employés des supermarchés, livreurs, agents de nettoyage qui sont le plus souvent invisibles et peu valorisés mais dont notre société a essentiellement besoin et ne pourrait se passer. Toutes ces professions ont pour autre point commun d’être rémunérées près du SMIC.

Nos sociétés sont bel et bien fracturées par des dynamiques de tensions fortes, avec des écarts de salaires souvent ressentis comme injustes et affaiblissant la cohésion sociale. Cela motive les mesures d’égalité et de transparence défendues par la majorité depuis le début du quinquennat. Je pense, par exemple, aux règles de transparence introduites dans la loi « PACTE » ou encore à la mesure des écarts de salaires entre hommes et femmes prévue par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ces mesures vont dans le bon sens et doivent être approfondies.

Mais votre proposition de loi va beaucoup plus loin. Elle veut une réduction des écarts entre les salaires, avec un dispositif incitatif pour les maintenir dans une fourchette de 1 à 12 et un plafond à 20 fois le SMIC dans les entreprises privées. Elle amène à penser et innover dans un modèle économique différent, en tirant les leçons qui doivent l’être de la crise sanitaire et en se fondant sur la nécessité de se tourner vers un modèle plus respectueux de l’égalité sociale, de la solidarité mais aussi de l’environnement.

Je suis sensible, à titre personnel, à cette proposition, contrairement à certains de mes collègues du groupe Agir ensemble, qui craignent que ces mesures n’entraînent une perte d’attractivité pour notre pays et une fuite de ses talents. Je me réjouis en tout cas que ce débat ait lieu et souhaite qu’il nous permette d’avancer sur ces sujets. Je note enfin que l’enjeu réside tout autant dans l’augmentation des salaires les plus faibles, en favorisant l’intéressement et la participation pour tous. C’est aussi dans cette direction qu’il nous faut avancer.

On peut dire que vouloir moraliser le capitalisme, c’est un peu vouloir labourer la mer. Mais cela vaut le coup d’essayer, vu l’urgence climatique et sanitaire.

M. Adrien Quatennens. Merci à nos collègues de prendre cette initiative dans le contexte de la crise sociale liée à la covid. On voit bien la puissance de la pauvreté qui s’abat sur le pays, et désormais le lien qu’il y a entre son augmentation et la concentration de richesses. On examine en ce moment dans l’hémicycle un projet de loi censé conforter les principes républicains. On ne voit pas lequel de ces principes, la liberté, l’égalité ou la fraternité, en sort conforté. La proposition qui nous est faite y contribuerait davantage.

Certains exemples montrent bien le lien qu’il y a entre l’extension de la richesse et celle de la pauvreté. Ainsi, alors que le nombre de pauvres en France atteint les 10 millions, les milliardaires français ont empoché 175 milliards de plus en 2020. Et, comme on le dit parfois, si quelqu’un avait pu économiser 8 000 euros par jour depuis la prise de la Bastille, il n’aurait aujourd’hui que 1 % de la fortune de Bernard Arnault.

Le problème de l’écart des revenus dans une même entreprise concerne avant tout les plus grandes d’entre elles, notamment les sociétés du CAC 40, où l’écart peut aller de 1 à 240. Une première interrogation d’ordre philosophique se pose : quel effort surhumain, quel mérite supplémentaire, car on peut admettre que les dirigeants en aient quelques-uns, justifient que quelqu’un gagne dans une entreprise 240 fois ce que gagne le plus bas salaire ? Aucun. Ensuite s’impose une considération d’ordre écologique : que fait-on de telles rémunérations, quel type de consommation a-t-on quand on gagne autant d’argent ?

Nos collègues proposent un mécanisme incitatif, fondé sur l’impôt sur les sociétés et qui pénaliserait les écarts au-delà de 1 à 12. Ce dispositif permettrait tout de même à un écart supérieur d’exister. Pour notre part, députés de La France insoumise, nous avions proposé une obligation. On nous répond souvent que ce serait confiscatoire, mais il n’est question de confisquer de l’argent à personne ! Si un grand patron souhaite maintenir son niveau de rémunération exorbitant, il le peut dans notre dispositif : en vertu de la limitation de l’écart, il devra simplement augmenter les revenus de tous les autres. Et j’ajoute un point d’une importance capitale : en augmentant la rémunération de ceux qui sont en bas de l’échelle, on assure aussi une relance de la consommation populaire.

Bref, même si je regrette que nos amendements, notamment fiscaux, pour améliorer le lissage de l’effort entre tous et l’impôt universel n’aient pas été recevables, nous considérons que cette proposition de loi va dans le bon sens.

Mme Martine Wonner. Plusieurs études économiques mettent en lumière un creusement des inégalités salariales ces dernières années. Ce phénomène s’est accentué de façon assez importante sous l’effet de la crise de la covid-19. Paradoxalement, la pandémie nous a poussés à nous interroger sur la juste rétribution des professions en première ligne, qui sont loin d’être les mieux rémunérées. La présente proposition de loi pose donc la question de la place des salariés dans le partage de la valeur. Elle soulève des enjeux économiques, sociaux et sociétaux. Aussi le groupe Libertés et Territoires rejoint-il la position du rapporteur : agir sur les inégalités au sein de l’entreprise constitue un véritable outil de justice sociale.

Face au scandale des rémunérations de dirigeants de grands groupes, plusieurs propositions de loi ont été déposées pour encadrer les rémunérations au sein des entreprises ou en limiter les écarts. L’une d’elles, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, avait été adoptée en 2016 mais sa principale disposition, visant à imposer un écart maximum de salaire de 1 à 20, avait été rejetée à une voix près. Pour autant, si l’indécence de certaines rémunérations peut légitimement choquer, la fixation de mécanismes contraignants de modération des écarts salariaux se heurte au principe de liberté de fixation du salaire, lequel est limité s’agissant des minima mais pas s’agissant des maxima.

L’article 1er de la proposition de loi contourne cette difficulté en recourant à un dispositif incitatif pour privilégier des écarts de rémunération compris dans un ratio de 1 à 12, et en alourdissant la fiscalité au-delà. Cependant l’article 2 sur le plafonnement des très hautes rémunérations ne nous semble malheureusement pas être conforme à la Constitution, comme le reconnaît d’ailleurs l’exposé des motifs. Enfin, dans le cas, hélas improbable, où cette proposition de loi serait adoptée, on pourrait s’interroger sur les éventuelles failles qui permettaient de contourner le dispositif, comme les dons d’actions.

Merci pour la très belle phrase de l’abbé Pierre que vous avez rappelée.

M. Pierre Dharréville. Je salue le travail de Dominique Potier et le remercie d’avoir cité mon ami, prédécesseur et député suppléant Gaby Charroux. Il avait effectivement défendu une proposition de loi au cours de la législature précédente qui limitait les écarts de 1 à 20 par le biais d’une échelle mobile des salaires, obligeant les P.-D.G. qui voudraient augmenter leur rémunération à faire de même pour le bas de l’échelle.

À l’heure actuelle, force est de constater que le marché produit des écarts de rémunération qui s’avèrent injustifiables, sur le plan économique comme sur le plan social mais aussi éthique. Comment justifier de tels écarts de rémunération du travail entre deux personnes ? Et nous savons les dégâts que font ces mécanismes qui produisent des inégalités majeures dans la société, parce qu’ils contribuent à la constitution de puissances financières qui sont destructrices pour l’économie.

Les mesures prises par la majorité depuis 2017 ont contribué à aggraver cette situation et nous connaissons une explosion des inégalités dans la société. Il est donc urgent de prendre des mesures pour arrêter cette course vers les inégalités, qui sont un des moteurs du système capitaliste et du libéralisme.

Les propositions qui nous sont faites peuvent constituer un pas décisif en la matière. Selon une étude du Conseil d’analyse économique d’octobre 2020, les 20 % de ménages les plus aisés ont mis de côté 70 % de l’épargne totale accumulée entre mars et août 2020 ; à l’inverse, les 20 % de Français les plus modestes non seulement n’ont pas pu épargner davantage que d’habitude, mais se sont même endettés durant la même période. Il est temps, après ce que nous avons connu, de mettre ces décisions à l’ordre du jour.

M. le rapporteur. Le travail fourni par les administrateurs qui m’ont accompagné, que je salue, a permis de lever quelques-unes des réserves que vous avez exprimées. Les simulations financières mais également les vérifications constitutionnelles que nous avons faites me rendent encore beaucoup plus assuré que je ne l’étais au printemps dernier devant ma proposition de loi fabriquée à la maison avec les moyens du bord. C’est la force de l’Assemblée, qui met au service des députés de l’intelligence et des informations qui sinon sont quasiment inaccessibles.

Je voudrais dire à Thierry Michels, avec beaucoup de respect pour l’opinion qu’il a exprimée, même s’il n’a pas développé beaucoup d’arguments, que je n’ai jamais associé Graziella Melchior à mes conclusions. Nous avons simplement mené une mission ensemble : parmi les vingt-deux propositions que nous avons formulées, une dizaine sont cosignées, et j’en reprends quatre ou cinq dans mes amendements. Tout s’est fait dans la plus grande transparence, elle s’est librement associée à ces propositions, et j’ai rappelé qu’elle en était la co-auteure par respect pour elle. Elle peut exprimer une autre opinion dans des discussions de groupe, mais gardez à l’esprit qu’une mission n’est pas une proposition de loi.

Vous dites, monsieur Michels, que vous avez tout fait dans la loi « PACTE », mais elle n’est pour l’essentiel qu’une promesse, un processus. Il faut aller beaucoup plus loin dans la réforme des entreprises. La vraie réforme, vous le savez, c’est la codétermination, les salariés dans les comités de rémunération et dans la gouvernance de l’entreprise. C’est cela la révolution, le partage du pouvoir et de l’avoir – pas la société à mission, pas la redéfinition de la raison d’être ! Chez les socialistes, on s’intéresse plus à la façon de faire qu’à la raison d’être. C’est de la façon de faire que nous parlons aujourd’hui, de façon effective pour reprendre ce mot cher au Président de la République.

Vous dites aussi que nous ne l’avons pas fait dans la loi « Sapin 2 ». J’en étais rapporteur pour avis sur ces sujets. Quand je pense au devoir de vigilance, je me dis que le peu de réformes que nous avons faites dans le dernier mandat n’aurait eu aucune chance de voir le jour dans l’actuelle majorité. Je regrette votre position qui manque d’ouverture.

Monsieur Turquois, j’ai entendu François Bayrou, en pleine crise des « gilets jaunes », évoquer un plafonnement de 1 à 10, un système volontaire, une obligation... Il cherchait des idées neuves. Je ne désespère pas que, maintenant qu’il est au Plan, cette idée ressuscite : nous la saluerons avec beaucoup d’humilité si c’est le cas, mais je ne comprends pas votre position, car c’est bien typiquement une proposition démocrate-chrétienne qui aurait pu trouver ses racines dans votre groupe.

Vous avez évoqué la Constitution, comme Martine Wonner. On trouve chez le constitutionnaliste Dominique Rousseau, que personne ne conteste, l’affirmation que l’atteinte à la liberté contractuelle des entreprises peut trouver son fondement dans un intérêt général supérieur, celui des exigences minimales de la vie dans l’entreprise, qui serait méconnu par un écart trop important entre les rémunérations des dirigeants et des salariés et qui, par conséquence nécessaire, porterait une atteinte excessive au principe d’égalité et de solidarité. Nous sommes en plein dans ce cas d’espèce, avec ces 0,32 % de Français dont les privilèges exorbitants privent 20 % des salariés français de 15 % de revenus qui leur permettraient de garder la tête haute, partir en vacances, rénover leur logement, changer de voiture, vivre tout simplement. La Constitution, cher Nicolas, ne l’interdit pas. Vous voilà rassuré.

Vous dites aussi qu’il faut avancer par la volonté et le dialogue. C’est l’esprit de la loi « PACTE ». Les résultats ont été rappelés par Adrien Quatennens : l’explosion, depuis 2008 et la première crise des subprimes et encore plus avec la crise actuelle, de revenus indécents, de privilèges exorbitants, de dividendes incroyables. Pour ma part, sur le plan éthique, je n’arrive même pas à imaginer qu’on puisse assumer une telle démesure. Alors comment penser que le dialogue social pourrait résoudre de telles absurdités ? Votre confiance me surprend.

Chère Annie Chapelier, merci pour l’intérêt que vous portez à cette proposition, et pour votre petit mot de poésie : j’aime beaucoup l’idée de labourer la mer. Vous hésitez : l’idée est intéressante, mais pose un problème d’attractivité. Pour ma part, je fais un pari, que je vais illustrer avec le monde de l’hôpital que vous connaissez bien. Il s’y produit aujourd’hui une compétition des talents, et ceux qui en ont font monter les enchères – on les appelle les mercenaires. Je fais le pari que nous pouvons aboutir à un hôpital zéro mercenaires, zéro dépassements d’honoraires. Certains nous disent que cet hôpital va perdre de l’attractivité. Je fais le pari qu’il en gagnera, parce qu’il sera pionnier dans cette éthique du futur sans laquelle nous allons tous crever. Je le dis, il n’est pas possible de justifier l’indécence dans une société qui est au bord du gouffre. Si nous ne luttons pas contre le changement climatique et la pauvreté dans la décennie qui vient, nous irons tous vers une violence extrême. Alors penser qu’on va perdre de l’attractivité parce qu’on empêchera un Canadien, Néo‑Zélandais ou Chinois de travailler en France, c’est de la folie. Au contraire, nous retrouverons une fierté française, une cohésion, nous referons société et redeviendrons un peuple aimable, amoureux de l’égalité, de la fraternité et de la liberté.

Je pense avoir levé les doutes de Martine Wonner sur la Constitution, y compris sur l’article 2, et je salue enfin la proximité des combats de Pierre Dharréville. Je promets d’envoyer à son prédécesseur l’ensemble des documents à ma disposition quand nous aurons terminé nos travaux, je l’espère par un vote en séance.

II.   examen des articles

Article 1er : Favoriser la réduction des écarts de rémunération grâce à l’impôt sur les sociétés

La commission examine l’amendement AS3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je rappelle que cette proposition de loi est un objet artisanal, fabriqué à la maison. La vigilance des administrateurs m’amène à proposer des amendements rédactionnels. Le mécanisme fiscal prévu à l’article 1er s’adressait à l’entreprise, mais nous savons tous qu’elles peuvent s’organiser en holdings. C’est évidemment à l’échelle de l’ensemble du groupe qu’il faut mesurer les écarts de salaires et déterminer le premier décile.

M. Thierry Michels. Je vous remercie pour le travail que vous avez accompli, monsieur le rapporteur, dans le but de construire une société plus inclusive où chacun trouve sa place, mais je ne pense pas le mécanisme que vous proposez y parvienne. Vous voulez surfiscaliser les rémunérations élevées, mais vous n’avez pas expliqué comment cet argent qui se retrouvera dans les caisses de l’État va finalement parvenir aux salariés les plus modestes.

Pour notre part, nous avons plutôt cherché à développer la prime d’activité ou les moyens d’évoluer en compétences dans l’entreprise. Et si les inégalités ont effectivement crû pendant la crise, il ne faut pas oublier notre action en matière d’activité partielle : c’est un effort considérable qui a été fait pour aider les salariés, surtout les plus modestes, à passer la crise.

Ce premier amendement montre qu’il faut élargir le périmètre des sociétés concernées par votre mécanisme de régulation. Vous nous proposerez ensuite d’y inclure les prestataires de services, et ainsi de suite... Et tout cela pour quel résultat ? La loi « PACTE », qui permet déjà d’encadrer les plus fortes rémunérations, a été votée en 2019 et est en train de se déployer. Pour le reste, les entreprises classiques que nous connaissons, ces petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaires de nos territoires, sont déjà dans le schéma que vous préconisez ! Pourquoi faire si compliqué pour le seul bénéfice de donner beaucoup plus de travail à nos chefs d’entreprise, celles où les patrons et les salariés travaillent ensemble ? Pourquoi alourdir les contraintes sur toutes ces entreprises qui se battent au quotidien pour maintenir leur activité alors que nous avons déjà traité le problème le plus important, celui des entreprises du CAC 40, qui est réel ?

Le groupe La République en Marche votera contre cet amendement, et contre les suivants.

M. Pierre Dharréville. C’est le travail qui crée la valeur dans une entreprise, et elle doit être partagée le plus équitablement possible. Or nous savons que ce n’est pas le cas aujourd’hui, et que la loi « PACTE » n’y fait rien. Elle a même encouragé des pratiques qui alimentent la machine à créer des inégalités de rémunération en dehors des salaires. Il ne faut pas nous raconter qu’elle change quoi que ce soit à la situation, c’est une fable.

Vous parlez d’élargir les contraintes, monsieur Michels. En l’occurrence, je serais presque d’accord avec vous pour aller plus loin : qu’on n’en reste pas à l’incitation, qu’on pose une véritable règle ! Mais je sais pertinemment que ce ne sera pas le cas, et je rappelle amicalement à Dominique Potier, au passage, que la proposition de Gaby Charroux n’avait pas été adoptée non plus au cours de la dernière législature. Il trouvait un écart de 1 à 20 raisonnable, mais comme cela avait été refusé, il avait proposé d’aller de 1 à 50, et même de 1 à 100, sans plus de succès ! Mais ce qui est raisonnable et rationnel, aujourd’hui, c’est bien d’agir sur une pratique qui a dépassé l’entendement et qui est délétère et dévastatrice pour notre société.

M. Nicolas Turquois. Le vote pour ou contre les amendements à l’article 1er n’a en lui-même pas grand sens : je voterai pour parce qu’ils sont cohérents avec la philosophie du texte, mais contre l’article.

Vous abordez la question de l’écart des revenus d’une façon que j’entends, mais qui me semble statique. Hier, la ministre Élisabeth Borne évoquait devant nous un plan visant à proposer à des caissières de devenir aides-soignantes. On ouvre la possibilité à des personnes qui, à cause de leurs origines ou de leur quartier, se sentent coincées et ne se croient pas capables de se projeter plus loin, de sortir de ce carcan social qui les limite, elles et leurs revenus. Je préfère ce type de démarche active à une démarche bloquée qui laisse chacun à sa place.

Et, pour répondre à vos propos sur le positionnement du Mouvement Démocrate, si je comprends l’idée que vous défendez, je ne crois pas aux outils proposés.

Mme Martine Wonner. Je rappelle que nous sommes en train de gérer une crise : M. Potier nous dit que c’est le moment ou jamais d’adopter sa proposition, et il a raison. La France a déjà dépassé la barre des 10 millions de pauvres. Ces pauvres ne sont pas des gens qui ne travaillent pas. Il est donc urgent de se poser les bonnes questions, parce que d’ici à trois mois, nous en serons à 12, voire 13 millions d’individus pauvres chez nous. Souvenez‑vous des « gilets jaunes » – c’était il n’y a pas si longtemps. Ils n’étaient ni des black blocs ni des individus louches ; ils étaient des gens « normaux » : des aides-soignants, des caissières, des boulangers, des retraités. Il faut être très vigilant dans la période que nous vivons, car l’avenir dans lequel nous précipitons, ou en tout cas ne savons pas accompagner, tout une frange de la population est extrêmement sombre.

Par ailleurs, M. Potier a réussi à faire que je n’ai plus aucun doute sur la constitutionnalité du texte, y compris de l’article 2 : il a cité mon maître le professeur Rousseau, qui accompagne mes réflexions sur la privation de libertés que nous imposons aux Français depuis le 23 mars 2020. Merci d’y avoir fait référence.

M. le rapporteur. Monsieur Michels, la proposition de loi ne crée pas de charge supplémentaire. Le mécanisme fiscal est d’une extrême simplicité – les experts-comptables ont parlé d’un « jeu d’enfant ». Quant au plafonnement de 1 à 20, il est aussi très simple. Notons que, pour 90 % des entreprises, le plafond de rémunération est le même avec un ratio de 1 à 20 SMIC qu’avec 1 à 12 du premier décile, car ceux qui gagnent 1 500 euros le tirent un peu vers le haut. Dans les réunions locales, chez nous, l’idée est populaire : on me dit que j’aurais plutôt dû choisir un plafond de 1 à 6. Je suis prêt à en discuter, l’important est que l’on en parle. Si le bon chiffre est 10, nous le mettrons. Je n’ai pas de dogme sur ce sujet.

Pierre Dharréville l’a dit, nous avons joué le jeu dans la loi « PACTE », par exemple lorsqu’il s’agissait de donner des capacités, des facultés. Vive l’entreprise qui se remet en cause, qui bouge ! Mais ne dites pas que la loi contient la moindre mesure à caractère obligatoire. Ce serait un mensonge : dans la loi, il n’y a rien qui conduise à réduire les inégalités.

Vous dites que vous vous êtes occupés des écarts de rémunération pour les patrons du CAC40. La loi « PACTE » a prévu une obligation de ratios d’équité. Les travaux que j’ai menés avec Graziella Melchior ont montré qu’elle n’était pas appliquée, car les questions liées aux groupes ou holdings n’étaient pas réglées. En conséquence, les entreprises s’asseyaient sur les obligations qui leur avaient été faites. Le peu de transparence demandé était largement insuffisant – ma collègue était d’accord avec moi pour étendre la transparence de publication des écarts au centile dans les entreprises de plus de cinq cents salariés. Vous l’avez compris, on n’obtient pas 0,32 % de Français gagnant plus de douze fois le SMIC en demandant la publication des écarts au quartile. Avec cela, on n’y voit rien du tout. Rappelons que huit Français sur dix gagnent entre le SMIC et 3 000 euros, et que le revenu médian est à 1 700 euros. Nous sommes dans des vertiges que ne peuvent pas saisir les efforts de transparence, d’ailleurs non appliqués, qui ont été votés dans la loi « PACTE ». Chaque fois que la majorité dira que cette loi a fait le boulot, nous répondrons que c’est faux : la loi « PACTE » a esquissé ce que pourrait être une réforme en autogestion de l’entreprise, mais elle ne crée rien, ni transparence réelle, ni obligation de réduire les inégalités. Cette loi ne doit pas être un paravent. Il faut se dire la vérité. C’est ce que nous essayons de faire à travers ces chiffres.

Aujourd’hui, 4 millions de Français qui travaillent sont privés de 15 % de leurs revenus par le monopole de 0,32 % des Français qui gagnent au-delà de douze fois le SMIC. C’est la réalité ! J’ai travaillé dans des entreprises où le rapport était de 1 à 1 ou de 1 à 1,5. Je refuse de penser que l’entreprise coopérative où je travaillais était moins compétitive que l’entreprise capitaliste voisine, où les écarts étaient de 1 à 10, sans que l’on sache au nom de quoi. C’est une question éthique, sociale, économique. Ne nous racontons-pas d’histoire !

M. Thierry Michels. La loi « PACTE » a dix-huit mois. Assurons-nous de la faire appliquer ! Aujourd’hui, les entreprises calculent mal ces ratios. Travaillons à améliorer cette transparence.

Lorsque j’évoquais des charges, je pensais à l’extension des obligations des entreprises aux groupes d’entreprises ou aux sous-traitants. Elles devront questionner leurs sous-traitants, ce qui pose la question de l’accès aux informations. Vous créez des usines à gaz. L’imposition supplémentaire des sociétés ne se traduira pas mécaniquement par l’augmentation des salaires des personnes les moins payées. Ce qui le permettra, c’est le développement de l’activité économique, des compétences. C’est cela qui créera de la richesse.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’amendement de précision AS4 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS5 du rapporteur.

M. le rapporteur. La sous-traitance, l’ubérisation créent des poches de pauvreté et de précarité. Pour saisir ces questions, j’ai pensé – Graziella Melchior ne partageait pas ce point de vue – que nous pourrions intégrer les entreprises sous-traitantes dans l’indice du partage de la valeur, tant par le haut, avec les fonctions surpayées, comme l’externalisation de fonctions informatiques ou le conseil marketing, que par le bas, avec les fonctions sous‑payées.

L’amendement prévoit de s’appuyer sur la notion de « relation commerciale établie », dont j’ai pris conscience lors de la construction du devoir de vigilance, pour identifier les sociétés avec lesquelles l’entreprise a une relation de sous-traitance qui s’établit dans la durée. Nous proposons donc d’intégrer les rémunérations des sous-traitants dans l’indice de partage de la valeur. C’est une manière de tirer vers le haut ces trappes à pauvreté que sont les travaux à temps partiel, notamment dans les métiers de l’entretien et autres métiers de services.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette successivement les amendements rédactionnels AS6 et AS21 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article 1er.

Article 2 : Plafonner les rémunérations à vingt fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance

La commission est saisie de l’amendement AS20 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser les données prises en compte pour le calcul du plafonnement des rémunérations à vingt fois le SMIC.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’amendement rédactionnel AS19 du rapporteur.

La commission rejette ensuite l’article 2.

Article 3 : Évaluer l’opportunité d’une extension de la transparence et de l’encadrement des écarts de rémunération au niveau européen

La commission est saisie de l’amendement AS8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Précision rédactionnelle.

Si au moins vous adoptiez les amendements rédactionnels, vous rejetteriez une loi pour des raisons idéologiques mais bien rédigée...

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS7 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement vise à élargir le champ du rapport remis par le Gouvernement sur la RSE, afin d’examiner la possibilité de créer un indicateur de partage de la valeur ajoutée dans les entreprises.

Nous avons trop de données, une simplification est nécessaire. Il faut créer un indice qui prenne en compte le niveau de rémunération du capital par rapport au travail. L’enjeu est non seulement l’envolée des rémunérations pour les très hauts dirigeants, mais aussi la part des dividendes versés. C’est pourquoi l’indice devra être fondé sur ce double ratio capital/travail et les écarts au sein du monde du travail.

Reste à le fabriquer. Le rapport demandé au Gouvernement y contribuera. Par manque de lisibilité, les bases de données économiques et sociales que les entreprises d’au moins cinquante salariés doivent mettre à disposition des comités économiques et sociaux ou des représentants du personnel sont insuffisamment exploitées. Ces données pourraient être utilisées pour créer un indicateur du partage de la valeur dont les modalités de construction doivent faire l’objet d’un dialogue approfondi avec les partenaires sociaux.

Le monde de l’économie sociale et solidaire a pris les devants. Il rassemble de vrais entrepreneurs, qui ont simplement fait le choix du partage du capital et du travail. Trois cents d’entre eux se sont réunis cet été, en présence de nombreux élus de tous les courants – Manon Aubry, Roland Lescure ou moi-même. Ils nous ont présenté le référentiel de mesure d’impact, ou impact score, qui crée un système de référence et d’indices de la RSE pour les entreprises. Il peut être calculé à données sociales presque constantes par l’expert-comptable. À côté de la comptabilité classique, il donne une indication de la RSE de l’entreprise.

C’est le travail d’approfondissement que nous demandons au Gouvernement en la matière : la société civile l’a pratiquement déjà inventé, et ces trois cents entrepreneurs de moins de 30 ans n’auraient pas du tout apprécié qu’on leur dise qu’ils étaient moins performants que les entrepreneurs traditionnels.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 3, modifié.

Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement AS13 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose que le respect d’un écart maximal de rémunérations devienne un critère de passation d’un marché public. Lorsqu’une collectivité, une métropole, un département, une région fait une dépense, il est préférable que l’essentiel de cette somme aille aux 80 % des ménages qui gagnent entre 1 500 et 3 000 euros, plutôt qu’aux 0,3 % qui gagnent plus de douze fois le SMIC. Cette disposition est totalement recevable, elle rentre dans le code du commerce : c’est donc une question de volonté politique. L’aurons-nous ?

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS10 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans le prolongement de la mission d’information que nous avons réalisée au sein de la commission des affaires économiques, cet amendement propose d’accroître la transparence sur les rémunérations. Ce sera le premier pas vers un meilleur partage de la valeur au sein des entreprises.

La loi « PACTE » a introduit des obligations de transparence concernant les mandataires sociaux des sociétés cotées. Ce périmètre reste insuffisant. Nous proposons d’étendre les obligations de transparence pour les sociétés cotées au « top 10 ». Pour les sociétés non cotées employant plus de cinquante salariés, les rémunérations des mandataires sociaux doivent être présentées.

Dans une société libérale, au sens philosophique du XIXe siècle, pourquoi cacher la rémunération des plus hauts salaires ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS17 du rapporteur.

M. le rapporteur. Thierry Michels et Nicolas Turquois demandaient davantage de dialogue social : cet amendement va les satisfaire.

Alors que le code de gouvernement d’entreprise AFEP-MEDEF exige qu’un administrateur salarié soit membre du comité de rémunération, moins d’une entreprise sur deux respecte cette recommandation. Pour être clair, il est très fréquent qu’aucun salarié ne siège au sein du comité de rémunération. Nous proposons de rendre cette présence obligatoire, en l’inscrivant dans le code du commerce.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS18 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit, une fois encore, d’améliorer le dispositif introduit dans la loi « PACTE », en proposant que le rapport sur le gouvernement d’entreprise présente de manière claire et détaillée la méthode de calcul employée pour parvenir au résultat des écarts de rémunérations au sein de l’entreprise.

Parce qu’il est impératif d’harmoniser les méthodes de calcul de ce ratio d’équité, l’amendement précise, en outre, que les paramètres devant obligatoirement être pris en compte seront déterminés par décret. Cela permettra d’éviter que les grandes entreprises ne contournent les obligations introduites par la loi « PACTE ». Comment la majorité pourrait‑elle s’opposer à l’accomplissement de son dessein ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS16 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous appelons simplement à un peu de décence : lorsqu’une entreprise lance un plan social, on ne peut pas accepter qu’elle augmente les plus hauts salaires ou qu’elle accorde des retraites chapeaux. On stoppe la machine à augmenter les privilèges pendant trois ans, durée moyenne d’un plan de sauvegarde de l’emploi – j’ai malheureusement eu à en vivre sur mon territoire.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS9 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les quartiles et les déciles ne rendent pas compte des écarts de revenus avec assez de précision. Quand on compare les premier et dernier déciles, on trouve un écart de 1 à 3. Pour calculer l’écart entre le SMIC et la moyenne des dirigeants du CAC 40 – de 1 à 240 –, il faut raisonner en centiles, voire en milliles.

Dans notre rapport d’information, nous proposions que, pour les entreprises de 5 000 salariés et plus, l’obligation de communiquer les informations relatives aux écarts de salaire soit étendue au centile. Pour les entreprises d’au moins cinquante salariés, nous demandons le calcul de la rémunération moyenne par décile. C’est une mesure de transparence.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS15 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose que soit fixé par décret un écart maximal entre le nombre d’actions distribuées aux dirigeants, y compris les mandataires sociaux, et le nombre total d’actions gratuites distribuées au cours d’une même année. Ce ratio permettra d’éviter certaines dérives. À chaque fois que l’on a pris des mesures pour corriger les privilèges donnés aux très hauts dirigeants, ils ont trouvé des moyens de les contourner ; la distribution d’actions gratuites en est un. Il faut faire appliquer les lois qui ont été votées pour mettre fin aux scandales qui nourrissent la colère des Français.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS11 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il va falloir rembourser, au moins en partie, la dette liée à la crise du covid-19 et cet amendement permettrait d’y contribuer.

Il propose d’abaisser de trois à deux plafonds annuels de la sécurité sociale le seuil maximal utilisé pour le calcul des primes de participation lorsque l’accord négocié par les partenaires sociaux retient le principe d’une distribution proportionnelle au salaire. C’est une manière de réduire l’indécence du privilège accordé à ces très hauts revenus – qui est défiscalisé.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS12 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il conviendrait au moins que l’appareil d’État fournisse à la représentation nationale, à la société civile et aux partenaires sociaux une cartographie des revenus et des ressources claire et transparente. Dans ce but, nous demandons que le Conseil national de l’information statistique (CNIS) établisse une étude statistique annuelle permettant d’établir des comparaisons pertinentes quant aux écarts de rémunérations au sein des entreprises.

Le manque de données actualisées et fiables est un frein à la résorption des inégalités salariales. Cette étude fournira des éléments détaillés par secteurs d’activité, par branches, par filières, par métiers et par tailles d’entreprises. Et j’ajouterais volontiers « par secteurs géographiques », car certains écosystèmes entretiennent la pauvreté et la précarité, tandis que d’autres cultivent, au contraire, l’accumulation des richesses.

Disposer d’une telle cartographie est une nécessité pour notre démocratie. Lorsque nous votons des mesures fiscales, lorsque nous distribuons le budget de la France, nous ne devons pas nous fonder sur des légendes, des rumeurs ou des ressentiments mais sur une vérité éclatante, qui crierait justice.

M. Nicolas Turquois. La transparence est effectivement la condition d’une prise de conscience. C’est vrai pour les rémunérations dans les entreprises, mais ce serait vrai aussi dans la fonction publique et dans la fonction publique territoriale. Une plus grande transparence permettrait de mettre en évidence des dérives ou des situations anormales. Je suis donc favorable à cet exercice de transparence.

M. Thierry Michels. J’y suis, moi aussi, tout à fait favorable. Je me demande seulement si c’est bien le CNIS qui doit se charger de cette mission. Ne faudrait-il pas auditionner ses représentants avant de la lui confier ?

M. le rapporteur. Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ces outils de la démocratie et de la transparence. Si nous avons pensé au CNIS, c’est parce qu’il dépend de l’INSEE : cela fait partie de ses missions et il faut seulement que l’État lui donne les moyens de les mener à bien. Si c’est la seule chose qui vous ennuie, je suis prêt à lancer une mission « flash » pour déterminer la meilleure manière de procéder.

En tout cas, il nous faut faire la lumière sur ces questions, afin que nos débats reposent sur des données certaines. En tout cas, malgré les difficultés, et grâce à la persévérance des administrateurs de l’Assemblée nationale, je vous assure que la mission d’information que j’ai menée avec Graziella Melchior a permis d’établir nombre de données très intéressantes : je vous invite à lire notre rapport. Pour ma part, j’ai eu des révélations. Que neuf Français sur dix gagnent moins de 4 000 euros, c’est une réalité, et la masse de redistribution est une découverte récente. Plonger dans ces données et les traiter est un formidable exercice, qui ouvre des possibles.

Je le répète aux libéraux qui sont ici : j’aime la conception libérale du XIXe siècle, celle qui crée la transparence sur la réalité du monde et qui laisse à chaque individu la capacité de peser sur lui, à partir du moment où il est informé. C’est ce libéralisme-là qui sous-tend ma proposition de loi.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 : Gages financiers

La commission rejette l’article 4.

M. le rapporteur. Margaret Thatcher disait qu’il n’y a pas d’alternative. Ma colère et mon engagement viennent de cette affirmation. Georges Orwell, que j’ai lu pendant le confinement – en français, car le petit paysan que j’étais n’a pas appris l’anglais au lycée agricole –, parlait, quant à lui, de « décence commune ». Cette proposition de loi, que je vous ai présentée au nom du groupe Socialistes et apparentés, avec tous les syndicalistes, les entrepreneurs de l’économie sociale et toutes les bonnes volontés qui ont contribué à l’écrire est, je crois, un texte de décence commune. Je conclurai en citant à nouveau l’abbé Pierre : « Le contraire de la misère, ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage. »

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi et des amendements portant articles additionnels ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 

 


— 1 —

ANNEXES

ANNEXE n° 1 :
DISTRIBUTION DES PLUS HAUTS SALAIRES du secteur privé en 2017 en FRANCE

Les éléments reproduits ci-après ont été communiqués au rapporteur par l’Institut nationale de la statistique et des études économiques (INSEE) en complément de son étude de mai 2020 sur les hauts salaires dans le secteur privé ([39]).

 

Salaire plancher net mensuel
en EQTP

Effectifs
(en EQTP)

Part des EQTP

en nombre
de SMIC nets mensuels

en euros

8

9 212

139 986

0,86 %

9

10 364

104 070

0,64 %

10

11 515

80 328

0,49 %

11

12 667

63 600

0,39 %

12

13 818

51 651

0,32 %

13

14 970

42 659

0,26 %

14

16 121

35 348

0,22 %

15

17 273

30 087

0,18 %

16

18 424

25 927

0,16 %

17

19 576

22 591

0,14 %

18

20 727

19 838

0,12 %

19

21 879

17 831

0,11 %

20

23 030

16 034

0,10 %

 

Nombre total d’EQTP en 2017 sur le champ privé : 16 274 473.

SMIC mensuel net en 2017 : 1 151,50 euros.

 

Lecture : en 2017, 51 651 salariés en équivalent temps plein gagnent plus de 13 818 euros nets par mois, soit plus de 12 fois le SMIC. Cela correspond à 0,32 % de l’ensemble des salariés en équivalent temps plein du secteur privé.

La masse salariale (brute) correspondante s’élève à 20,1 milliards d’euros en 2017, soit 3,3 % de l’ensemble de la masse salariale (brute) du secteur privé (602,2 milliards d’euros).

 

Champ : France, salariés en EQTP du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs.

 

Source : Insee, Base Tous salariés 2017 (produite à partir des déclarations annuelles de données sociales (DADS) et déclarations sociales nominatives (DSN)).


— 1 —

Annexe n° 2 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

                 Direction de la législation fiscale – Mme Charlotte Baratin, cheffe du bureau de synthèse, et M. Sébastien Catz, chef du bureau de chiffrage et études statistiques

       Table ronde avec les organisations syndicales

       Confédération générale du travail Force ouvrière (FO) – Mme Karen Gournay, secrétaire confédérale en charge de la négociation collective et des rémunérations

       Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Denis Jeanbrun, responsable aéronautique et défense, Fédération de la Métallurgie

       Confédération française de l’encadrement (CFE) Confédération générale des cadres (CGC) Mme Raphaëlle Bertholon, secrétaire nationale à l’économie, l’industrie, le logement et le numérique, et Mme Anaïs Filsoofi, chargée d’études Économie et fiscalité

 

 


— 1 —

Annexe n° 3 :
LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code général des impôts

39

2

Code du travail

L. 3230-1 à L. 3230-4 [nouveaux]

2

Loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983

20

 


([1]) Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome II, 1864.

([2]) En 2018, date des données de l’INSEE, le SMIC s’élevait à 1 177 euros nets.

([3]) INSEE, Déclarations annuelles de donnée sociales (DADS) et déclarations sociales nominatives (DSN), décembre 2020.

([4]) DARES, « Les salaires par secteur et par branche professionnelle en 2015 », DARES résultats n° 35, juillet 2018.

([5]) INSEE, « L’échelle des salaires est plus resserrée dans le secteur de l’économie sociale », INSEE Première n° 1390, février 2012.

([6]) O. Favereau, L’impact de la financiarisation de l’économie sur les entreprises et sur les relations de travail, mars 2016.

([7]) Proxinvest, « La Rémunération des Dirigeants de sociétés du SBF 120 », 21ème rapport annuel, 24 novembre 2020.

([8]) Ibid.

([9]) Oxfam, « CAC 40 : des profits sans lendemain ? », juin 2020.

([10]) J. Battilina, J. Cagé, I. Ferreras, L. Herzog, H. Landemore, D. Méda, P. Tcherneva, « Il faut démocratiser l’entreprise pour dépolluer la planète », Le Monde, 15 mai 2020.

([11])  Oxfam, « Le virus des inégalités. Réunifier un monde déchiré par le coronavirus grâce à une économie équitable, durable et juste », 25 janvier 2021.

([12]) DREES, « Les Français plus sensibles aux inégalités de revenus et plus attachés au maintien des prestations sociales », avril 2019.

([13]) Proxinvest, op. cit.

([14]) A. Parienty, Le mythe de la « théorie du ruissellement », La Découverte, septembre 2018.

([15]) G. Giraud et C. Renouard, Le Facteur 12 : Pourquoi il faut plafonner les revenus, Carnets Nord, 2012.

([16]) H. Mackenzie, H. Messinger, R. Smith, Size Matters. Canada’s Ecological Footprint, by Income, étude du Canadian Center for Policy Alternatives, juin 2008.

([17]) Oxfam, « Combattre les inégalités des émissions de CO2 », 21 septembre 2020.

([18]) L. Chancel et T. Piketty, Carbon and Inequality : From Kyoto to Paris. Trends in the Global Inegality of Carbon Emissions (19982013) & Prospects for an Equitable Adaptation Fund, Paris School of Economics.

([19]) Proposition de loi n° 3680, enregistrée à la présidence le 13 avril 2016, visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises. Alors que la proposition de loi, qui n’a pas été adoptée définitivement, avait été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 26 mai 2016, tel n’avait pas été le cas de cet article 1er.

([20]) Question écrite n° 31596 du 4 août 2020.

([21]) Contrairement au dispositif de l’article 1er basé sur des écarts inter-déciles, il est proposé de retenir un ratio fondé sur l’écart par rapport au SMIC en l’absence de données précises sur les écarts de rémunération au sein des entreprises. Le présent calcul est basé sur la valeur du SMIC brut en 2017 pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures, soit 1 480,27 euros.

([22]) Les éléments communiqués par l’Insee sont détaillés en annexe du présent rapport. Voir aussi : INSEE, Les hauts salaires dans le secteur privé, Insee Première n°1800, 28 mai 2020.

([23]) Soit plus de 13 818 euros nets par mois. Champ : France, salariés en EQTP du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, Base Tous salariés 2017 (produite à partir des déclarations annuelles de données sociales (DADS) et déclarations sociales nominatives (DSN)).

([24])  Au sens de l’INSEE, une grande entreprise est une entreprise ayant au moins 5 000 salariés ou moins de 5 000 salariés mais plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et plus de 2 milliards d’euros de total de bilan.

([25]) Selon l’INSEE, 96 % des 3,9 millions d’entreprises françaises étaient des micro-entreprises (moins de dix salariés) en 2017.

([26]) Soit 16,3 millions d’EQTP.

([27]) Soit 3,4 millions d’EQTP. Champ : entreprises des secteurs marchands non agricoles et non financiers. Source : Insee, Tableaux de l’économie française, 27 février 2020.

([28]) Le revenu médian est plus élevé dans les grandes entreprises. À titre indicatif, en 2017, il s’élevait à 2 232 euros nets en équivalent temps plein dans les entreprises de 5 000 salariés et plus contre 1 582 euros dans les entreprises de moins de dix salariés selon l’INSEE.

([29]) F. Paquier et M. Sicsic, « Effets des réformes 2018 de la fiscalité du capital des ménages sur les inégalités de niveau de vie en France : une évaluation par micro­simulation », INSEE, Documents de travail, n° F2020/01, août 2020.

([30])  Le code de gouvernance AFEP-MEDEF est un ensemble de recommandations qui permet aux sociétés cotées d’améliorer leur fonctionnement et leur gestion.

([31]) D. Rousseau., « Salaires des patrons : "La Constitution n’est pas un obstacle a priori d’une limitation raisonnable" », Libération, 20 mai 2016.

([32]) Proposition de loi constitutionnelle n°2909 portant inscription du bien commun dans la Constitution, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 11 mai 2020.

([33]) INSEE, Les hautes rémunérations dans la fonction publique, février 2019.

([34]) Directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires.

([35]) D. Potier et G. Melchior, rapport d’information sur le partage de la valeur au sein des entreprises et ses conséquences sur leur gouvernance, leur compétitivité et la consommation des ménages (n° 3648), Assemblée nationale, 9 décembre 2020.

([36]) Sur le sujet de la certification, le lecteur peut se reporter à la proposition de loi n°2355 de Dominique Potier et ses collègues du groupe Socialistes et apparentés portant création d’une certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises et expérimentation d’une comptabilité du XXIe siècle, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2019.

([37]) Voir : https://impactfrance.eco/impactscore/

([38]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10318467_6023d6b68e054.commission-des-affaires-sociales--renforcer-le-droit-a-l-avortement---creation-d-une-aide-individu-10-fevrier-2021

([39]) INSEE, Les hauts salaires dans le secteur privé, Insee Première n°1800, 28 mai 2020.