N° 3887

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2021

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI 
de programmation relatif au développement solidaire

et à la lutte contre les inégalités mondiales,

PAR M. Hervé BERVILLE

Député

 

 

 

 

 

 Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3699.


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. les nouveaux enjeux de l’aide au développement

A. la redéfinition du cadre international de la politique de DÉVELOPPEMENT, dans un paysage mondial en plein bouleversement

1. La multiplication et l’imbrication des crises

2. La remise en cause de l’aide au développement

3. Le renouvellement du cadre de coopération internationale

a. Sur le plan mondial

b. À l’échelon européen

B. La relance de l’aide française

1. Le déclin de l’aide française jusqu’en 2016

2. La loi de 2014

3. Le saut qualitatif et quantitatif de l’aide française

a. L’aide publique au développement replacée au cœur des politiques publiques

b. La réunion du CICID de 2018

II. Un projet de loi ambitieux qui peut encore Être amÉliorÉ

1. Une singularité française

2. La définition d’un cadre stratégique de référence

3. Le renforcement du pilotage politique

4. Une programmation budgétaire ambitieuse

5. L’affirmation du caractère partenarial de la politique de développement

6. L’amélioration de l’évaluation et de la redevabilité

Examen des articles du projet de loi

titre ier dispositions RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS MONDIALES ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Article 1er A [nouveau] Principaux objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales

Article 1er Grands axes de la politique de développement solidaire et programmation financière

Article 2 Rapport annuel du Gouvernement  relatif à la politique de développement solidaire

titre ii DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS MONDIALES

Article 3 (article unique de la loi n° 2015411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques ; articles L. 231111, L. 257338, L. 33112, L. 36612, L. 43101, L. 44252, L. 5217102, L. 711102 et L. 721002 du code général des collectivités territoriales) Prise en compte des Objectifs de développement durable inscrits dans le l’Agenda 2030 adopté par les Nations Unies

Article 4 (article L. 11153 [rétabli] du code général des collectivités territoriales) Possibilité pour les autorités organisatrices  de la mobilité de financer des actions de coopération

Article 5 Conseil national du développement et de la solidarité internationale

Article 6 (articles 1 et 2 de la loi n° 2005-159 du 23 février 2005  relative au contrat de volontariat de solidarité internationale) Volontariats dits « réciproques »

Article 6 bis [nouveau] Devoir de vigilance des organisations proposant des actions de volontariat

Article 7 (articles L-515-13 du code monétaire et financier) Renforcement de la tutelle sur l’Agence française de développement

Article 8 (loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010) Rapprochement d’Expertise France avec le groupe Agence française de développement

Article 9 Création d’une commission d’évaluation

Article 10 Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance sur l’attractivité

Article 11 Abrogation des articles de la précédente loi du 7 juillet 2010

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

II. Audition de M. Jean-Yves le drian, ministre de l’europe et des affaires étrangères

III. Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

IV. Examen des articles

A. Réunion du mercredi 10 février, 9 h 30

B. réunion du mercredi 10 février, 15 heures

C. Réunion du mercredi 10 février, 21 heures

D. Réunion du jeudi 11 février, 9 h 30

E. Réunion du jeudi 11 février, 15 heures

F. Réunion du jeudi 11 février, 21 heures

Annexe n° 1 : contribution de Mme Bérengère Poletti, corapporteure sur la mise en application de la loi  en application de l’article 145-7 du règlement

annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur


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   introduction

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Ce texte attendu, et dont le dépôt a été retardé notamment par les circonstances exceptionnelles qu’a connues l’année 2020, vient consacrer une ambition élevée pour l’aide au développement, exprimée dès le début du quinquennat par le Président de la République. Cette ambition nouvelle a été formalisée lors de la réunion, en février 2018, du Comité interministériel du développement et de la coopération internationale (CICID), qui a défini une trajectoire d’aide publique au développement (APD) en vue d’atteindre 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022, mis en avant des priorités claires et acté la nécessaire rénovation du pilotage politique et de la redevabilité du dispositif.

Le présent projet de loi constituait au demeurant un rendez-vous nécessaire. La loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) du 7 juillet 2014 est en effet arrivée à échéance en 2019. Le texte soumis à la commission des affaires étrangères a vocation à se substituer à la quasi-totalité des articles de la loi de 2014.

La présentation du projet de loi relatif au développement solidaire intervient dans un environnement bien différent de celui de 2014. Le contexte international a changé à de multiples égards, ne serait-ce qu’en raison des avancées accomplies dans le domaine du développement durable, avec par exemple l’adoption en 2015 de l’Agenda 2030 des Nations Unies. C’est une conception différente de l’aide au développement qu’il s’agit aujourd’hui de promouvoir. L’expression d’« aide au développement » elle-même apparaît datée. Il s’agit bien plus désormais de nouer des partenariats réciproques que de fournir une aide. Il n’est pas question non plus d’imposer un unique modèle de développement mais de partir des besoins des populations et des stratégies propres aux États partenaires.

Le projet de loi soumis à notre Assemblée reflète cette conception modernisée du développement solidaire, à travers notamment le « cadre de partenariat global » qui lui est annexé. Les articles du projet de loi proposent des moyens financiers importants, des outils et des réformes pour mettre en œuvre une politique de développement efficace et à la hauteur des enjeux actuels, à une heure où la crise de la covid-19 fragilise particulièrement les pays partenaires. Le texte proposé par le Gouvernement, issu d’une large concertation, peut encore être amélioré sur plusieurs points afin notamment de renforcer le pilotage et l’évaluation du dispositif et d’en préciser les objectifs majeurs.

 

 

 


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I.   les nouveaux enjeux de l’aide au développement

A.   la redéfinition du cadre international de la politique de DÉVELOPPEMENT, dans un paysage mondial en plein bouleversement

1.   La multiplication et l’imbrication des crises

En février 2020, lors de la conférence de presse annuelle précédant la pandémie de la Covid-19, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) António Guterres a évoqué le « vent de folie » balayant le monde et la nécessité de briser « le cercle vicieux des souffrances et des conflits ».

Le bilan est aujourd’hui plus préoccupant encore, et la crise de la covid-19 a mis en exergue le caractère interdépendant des crises (sanitaires, environnementales, sociales, humanitaires et sécuritaires). Selon un rapport d’octobre 2020 de la Banque mondiale, la pandémie a conduit à une aggravation de la pauvreté et des inégalités, et à une explosion des besoins. Ainsi, elle risque d’entraîner entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté en 2020, et jusqu’à 150 millions d’ici à 2021, en fonction de la gravité de la récession économique. Autre exemple, les écoliers des pays à revenus faibles et intermédiaires avaient déjà perdu, fin 2020, près de quatre mois de scolarité depuis le début de la pandémie, contre six semaines dans les pays à revenus élevés.

Dans ce contexte, la politique de développement revêt une importance première : en luttant contre la pauvreté et les inégalités mondiales, en œuvrant pour la préservation des biens publics mondiaux, elle contribue à la stabilité internationale et à la paix, dans l’intérêt de tous les citoyens. Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, c’est l’affaire et l’intérêt de tous.

2.   La remise en cause de l’aide au développement

Le projet de loi est examiné dans un contexte de profonde remise en question des politiques d’aide au développement, qui implique une redéfinition des orientations et des modalités de l’aide.

D’abord, l’impact et l’efficacité de l’aide au développement sont largement débattus, tant dans les pays développés que dans les pays bénéficiaires. Ainsi, les travaux sur la pauvreté d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie, visent à renouveler l’économie du développement, en proposant des solutions innovantes permettant d’améliorer l’impact de l’aide sur le terrain.

Ensuite, la logique tendant à appliquer aux pays du « sud » le modèle de développement des pays « nord » a été battue en brèche, en raison notamment des fragilités des pays développés eux-mêmes et de la montée en puissance rapide de pays émergents aux stratégies de développement distinctes.

Enfin, les politiques de développement souffrent d’une certaine dispersion, qui peut les détourner de leur destination prioritaire : les pays les moins avancés. Une part croissante du financement est ainsi orientée vers les projets d’infrastructures dans les pays émergents. À titre d’exemple, selon le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, les trois premiers bénéficiaires des apports français, bilatéraux et multilatéraux en 2018 étaient l’Inde (414 millions d’euros), la Colombie (385 millions d’euros) et la Turquie (346 millions d’euros).

3.   Le renouvellement du cadre de coopération internationale

a.   Sur le plan mondial

Les « Forums de haut niveau sur l’efficacité de l’aide » de Rome, Paris, Accra et Busan, organisés respectivement en 2003, 2005, 2008 et 2011, ont défini les grands principes que sont l’appropriation par les pays partenaires, l’alignement des stratégies entre donneurs et bénéficiaires, la gestion axée sur les résultats, la redevabilité mutuelle et l’harmonisation de l’action des bailleurs.

La déclaration de Paris de 2005 a particulièrement mis en avant ces cinq principes. Elle a présenté une feuille de route pratique en vue d’améliorer la qualité de l’aide et son impact sur le développement. Elle a aussi mis en place un système de suivi pour évaluer les progrès réalisés.

La déclaration de Busan de 2011 a insisté, de son côté, notamment sur la mobilisation du secteur privé par les acteurs publics (ce que l’on appelle le financement mixte public­-privé).

Le programme d’action d’Addis-Abeba de 2015 a défini plusieurs principes structurants parmi lesquels la mobilisation de l’ensemble des acteurs et sources de financement (publics, privés, locaux, internationaux), l’importance de la thématique climat, la soutenabilité de la dette et le rôle essentiel de la mobilisation des ressources intérieures des pays dans le processus de développement.

En 2015 également, l’Agenda 2030, définissant dix-sept Objectifs de développement durable (ODD), a été adopté par les 193 États membres des Nations Unies. Ces ODD recouvrent l’ensemble des enjeux de développement tels que le climat, la biodiversité, l’énergie, l’eau, la pauvreté, l’égalité des genres, la prospérité économique ou encore la paix, l’agriculture, l’éducation. Ils ont pris le relai des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) adoptés par les Nations Unies en 2000.

En 2015 toujours, l’Accord de Paris sur le climat, adopté dans le cadre de la COP 21, a imposé le climat comme nouvel impératif structurant. Il a permis de mettre sur pied le Fonds vert pour le climat, avec une dotation initiale de 10 milliards de dollars ayant vocation à financer des projets d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement.

b.   À l’échelon européen

 

L’aide publique au développement est une priorité de longue date de la politique extérieure de l’Union européenne. Le Traité de Rome prévoyait déjà en 1957 l’apport d’une aide technique et financière aux pays africains. Deux ans plus tard fut mis en place le premier Fonds européen de développement (FED).

 

L’Union européenne est aujourd’hui le plus important contributeur en matière d’aide au développement à l’échelle mondiale, avec une contribution de 75,2 milliards d’euros à l’aide publique au développement pour l’année 2019 ([1]). Cela représente 55,2 % de l’aide apportée au niveau mondial.

 

Un « Nouveau consensus européen pour le développement » a été défini en 2017. Il constitue un cadre commun global pour la coopération européenne en la matière. Il réaffirme que l’élimination de la pauvreté constitue l’objectif principal de la politique européenne de développement et intègre les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable. Ce faisant, il harmonise l’action européenne de développement avec le programme de développement durable à l’horizon 2030. Il décline la mise en œuvre de l’Agenda 2030 autour de cinq Priorités (les « cinq P ») : Peuples, Planète, Prospérité, Paix et Partenariat. L’Union et les États membres s’engagent à avoir une approche globale, à la fois dans la conception du développement (incluant la sécurité, l’environnement, la gouvernance, les jeunes, l’égalité femmes-hommes) et dans les moyens mis en œuvre, et à recourir à des partenariats adaptés avec un large panel d’acteurs.

B.   La relance de l’aide française

1.   Le déclin de l’aide française jusqu’en 2016

L’aide française a connu un déclin régulier du début des années 2010 jusqu’à 2016, comme le montre le tableau ci-dessous :

Année

APD nette totale
des pays du CAD

APD nette
de la France

 

Ratio APD (en % RNB de la France)

2010

128 484

12 915

0,50

2011

135 111

12 997

0,46

2012

127 030

12 028

0,45

2013

134 847

11 339

0,41

2014

137 581

10 620

0,37

2015

131 555

9 039

0,37

2016

142 619

9 501

0,38

Source : CAD OCDE (versements, en millions de dollars)

À partir de 2010, tous les canaux d’aide publique au développement observent une diminution, celle enregistrée par l’aide bilatérale étant la plus importante.

2.   La loi de 2014

La loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) du 7 juillet 2014 marque une première étape dans le processus de rénovation de la politique de développement et de solidarité internationale de la France. Elle définit des objectifs en abordant les dimensions à la fois économique, sociale et environnementale du développement, souligne la nécessaire cohérence entre les objectifs de cette politique et ceux des autres politiques publiques et invite à la recherche d’efficience. Elle ne propose pas toutefois de programmation pluriannuelle des moyens budgétaires, ne définit pas de stratégie suffisamment claire et ne renforce pas le pilotage politique. Arrivant à échéance en 2019, elle doit en tout état de cause faire place à un nouveau texte et ne saurait tenir lieu de référence stratégique pour les années à venir.

3.   Le saut qualitatif et quantitatif de l’aide française

a.   L’aide publique au développement replacée au cœur des politiques publiques

Dès le début de son mandat, le Président de la République a souhaité porter une ambition nouvelle pour la politique de développement et la solidarité internationale. En mai 2017, il s’était engagé à augmenter l’aide publique au développement pour la porter à 0,55 % du RNB en 2022, contre 0,38 % en 2016. Dans sa lettre aux citoyens européens du 4 mars 2019, il insistait sur le partenariat privilégié à nouer avec le continent africain : « Une Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant son développement de manière ambitieuse et non défensive : investissement, partenariats universitaires, éducation des jeunes filles… » À son tour, dans sa déclaration de politique générale du 12 juin 2019, le Premier ministre Édouard Philippe confirmait ces ambitions : « la France (…) cherche à porter la voix de la paix et de la stabilité (…) en investissant dans l’aide au développement. Au-delà des moyens en hausse que nous y consacrons, pour aller jusqu’à 0,55 % du PIB, c’est l’ensemble de notre dispositif qui doit être revu. »

Cette ambition retrouvée s’est traduite par des gestes significatifs. Dans un contexte de dégradation des finances publiques, l’APD a constitué la politique publique enregistrant la plus forte hausse sur l’ensemble du quinquennat. Après une progression de 14 % des crédits de la mission APD entre 2017 et 2020, la loi de finances pour 2021 a amplifié cette progression avec une hausse de 17 % des crédits. La France s’est engagée à augmenter sa contribution au Partenariat mondial pour l’éducation (PME) à hauteur de 200 millions d’euros sur la période 2018-2020, contre 17 millions d’euros sur la période précédente (2015-2017). Elle s’est aussi engagée sur une contribution au Fonds vert pour le climat à hauteur de 1 548 milliards d’euros pour la période 2020-2023, ainsi qu’au Fonds pour l’environnement mondial (FEM), dont la contribution française pour la période 2019-2022 correspond à 300 millions de dollars.

Tout récemment encore, le Conseil présidentiel du développement de décembre 2020 a décidé la mise en place d’un Fonds d’innovation pour le développement (FID), présidé par Esther Duflo. Ce fonds a pour mission de financer des projets innovants à fort impact, qu’il s’agisse d’innovations technologiques, sociales, financières ou encore environnementales. Il teste rigoureusement les projets afin d’identifier les solutions qui fonctionnent réellement. Tous les types de structures peuvent présenter une demande de financement : institutions de recherche, gouvernements, ONG, ou encore entreprises privées, les approches partenariales étant tout particulièrement encouragées.

Cette montée en puissance a fait de la France un acteur incontournable et influent du développement sur le plan international : elle est le troisième bailleur du G7 en termes de pourcentage de RNB consacré à l’APD, et l’activité de l’AFD est aujourd’hui sensiblement supérieure à celles de nombreux bailleurs bilatéraux.

b.   La réunion du CICID de 2018

Les conclusions de la réunion de février 2018 du Comité interministériel du développement et de la coopération internationale (CICID), instance de pilotage interministériel de la politique d’aide au développement, marquent un saut tant qualitatif que quantitatif dans l’aide française.

Le CICID du 8 février 2018 a prévu une augmentation graduelle de l’APD : 0,44 % du RNB en 2018, 0,44 % en 2019, 0,47 % en 2020, 0,51 % en 2021 et 0,55 % en 2022.

Le CICID a acté la rénovation du pilotage politique et de la redevabilité du dispositif de développement ainsi que la concentration autour de priorités claires :

—  l’accroissement des moyens alloués à l’AFD, avec un milliard d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires dès 2019 ;

—  l’augmentation de l’aide humanitaire, qui devra être portée à 500 millions d’euros en 2022 ;

—  le doublement (en valeur absolue) des fonds transitant par les ONG entre 2017 et 2022 ;

—  la concentration de l’aide sur dix-neuf pays prioritaires et cinq secteurs : la santé, l’éducation, l’égalité femmes-hommes, les fragilités et les crises, l’environnement et le climat ;

—  le doublement des fonds destinés au soutien de l’action extérieure des collectivités territoriales d’ici à 2022.

II.   Un projet de loi ambitieux qui peut encore Être amÉliorÉ

1.   Une singularité française

Avec le présent projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, la France se dote d’orientations et d’une programmation ambitieuses, et à contre-courant de la tendance observée chez la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En premier lieu, les nouvelles orientations ne suivent pas la logique tendant à renforcer la conditionnalité de l’aide, qui implique une certaine subordination du développement aux intérêts nationaux des États, qu’ils relèvent par exemple de la politique économique et commerciale, de la politique d’influence ou encore de politique migratoire. Cette approche contribue, notamment en Afrique, à faire prévaloir la compétition sur la coopération, comme en a témoigné la « diplomatie du masque » menée par la Chine pendant la crise de la covid-19.

En affirmant clairement les objectifs de sa politique de développement, à commencer par la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la défense des droits humains, et la promotion des biens publics mondiaux, la France s’oppose à cette logique conduisant à détourner l’aide publique au développement de sa première finalité : le développement.

En second lieu, dans un contexte de crise et de forte dégradation des finances publiques, les principaux pays de l’OCDE réduisent le budget consacré à l’aide publique au développement. C’est le cas notamment du Royaume-Uni, qui a choisi de faire passer son budget consacré à l’aide publique au développement de 0,7 % à 0,5 % du revenu national brut.

La France se singularise en étant le seul pays au monde à se doter d’une loi de programmation de l’aide publique au développement. Dans un contexte d’augmentation considérable des besoins des pays partenaires, la France a pris ses responsabilités et choisit, à l’inverse, de maintenir ses objectifs budgétaires en volume, en augmentant de 17 % les crédits de la mission « aide publique au développement » en 2021.

2.   La définition d’un cadre stratégique de référence

Votre rapporteur avait eu l’occasion de souligner, dans son rapport de 2018 sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, l’absence de cadre stratégique de référence, le relevé de conclusions du CICID ne pouvant être confondu avec une stratégie globale de la politique de développement. En effet, jusqu’en 2017, la vision stratégique de l’État et celle de l’AFD étaient essentiellement sectorielles et peu articulées. Il en résultait une distorsion entre les priorités et l’allocation des moyens, la part de l’Afrique dans l’APD ayant reculé, au profit de celle des pays émergents. Parallèlement, la dispersion sectorielle s’est faite au détriment des secteurs sociaux (santé et éducation de base notamment). De même, au sein du canal bilatéral, la décennie 2007-2017 a été marquée par une stagnation des moyens en dons, tandis que les prêts, qui favorisent les pays les moins risqués, ont connu une forte croissance.

Dans le sillage du CICID de 2018, le présent projet de loi innove en établissant un cadre stratégique de référence, le cadre de partenariat global, qui fixe les objectifs, les principes d’actions, les axes prioritaires d’intervention géographiques et sectoriels, et le cadre de résultats.

Ainsi, afin de concentrer les moyens vers les zones prioritaires de l’aide publique au développement de la France, le Gouvernement se fixe comme objectif, dans le cadre de partenariat global, de consacrer 75 % de l’effort financier total de l’État en subventions et en prêts et au moins 85 % de celui mis en œuvre via l’AFD dans la zone Afrique et Méditerranée. Par ailleurs, la moitié de l’aide-projet mise en œuvre par l’État, ainsi que les deux tiers des subventions mises en œuvre par l’AFD, devront bénéficier aux dix-neuf pays prioritaires.

Dans la même logique, l’article 1er prévoit que l’effort budgétaire fourni par la France en matière d’aide publique au développement devra permettre, dans le cadre d’un effort soutenu tout au long du quinquennat, de renforcer en premier lieu la composante bilatérale de l’aide au développement, ainsi que les dons, qui permettent de cibler plus efficacement les dix-neuf pays prioritaires de l’aide française au développement.

Parmi les priorités sectorielles figurent le climat, la biodiversité, l’égalité femmes-hommes, le traitement des crises et fragilités, les droits humains, ainsi que la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire, la gestion de l’eau, la croissance économique inclusive et durable, la gouvernance démocratique. Le projet de loi rappelle également l’importance de l’approche transversale au cœur de l’Agenda 2030 pour relever les défis de la préservation des biens publics mondiaux.

Votre rapporteur estime toutefois opportun de préciser, à l’article 1er du projet de loi, les principaux objectifs de la politique française de développement solidaire. Cette précision permettrait de clarifier et de mieux cibler les priorités, en les mettant en exergue dans le corps du projet de loi lui-même, l’objet du cadre de partenariat étant, quant à lui, de définir de façon détaillée la stratégie et le cadre d’évaluation.

3.   Le renforcement du pilotage politique

Le pilotage politique actuel de la politique d’aide au développement et particulièrement complexe. Il repose en effet sur une multiplicité d’acteurs : une instance de coordination, le CICID, qui se réunit de façon irrégulière, trois acteurs principaux dont les objectifs ne convergent pas toujours, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), le ministère de l’économie, des finances et de la relance (MEFR), et l’Agence française de développement, dont le MEAE et le MEFR assurent la cotutelle. À ce dispositif s’ajoute une dizaine d’autres ministères, d’opérateurs et instances spécialisées.

À cet égard, la création du Conseil présidentiel du développement, qui s’est tenu pour la première fois le 17 décembre 2020, est une avancée. Présidé par le président de la République, il réunit le Premier ministre, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, le ministre de l’économie, des finances et de la relance et les autres principaux ministres concernés, ainsi que les directeurs généraux de l’Agence française de développement et d’Expertise France. Cette instance permettra de renforcer le pilotage politique et stratégique de l’aide publique au développement et d’améliorer la coordination entre ses acteurs principaux.

En outre, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur le pilotage stratégique des opérateurs de l’action extérieure de l’État, la tutelle de l’État sur l’AFD est insuffisamment stratégique et laisse à l’agence une autonomie affirmée.

Aussi le projet de loi prévoit-il de renforcer la tutelle sur l’AFD en rehaussant au niveau législatif les dispositions relatives aux missions de l’agence et à l’exercice de la tutelle de l’État sur l’opérateur. Il vise également à rattacher explicitement l’AFD à la catégorie des établissements publics concourant à l’action extérieure de l’État tels qu’ils ont été créés par la loi de 2010 relative à l’action extérieure de l’État et vis-à-vis desquels les chefs de mission diplomatique exercent leur activité. Dans la lignée des recommandations de la Cour des comptes, cette disposition permettra de conforter, dans les pays partenaires, le rôle d’animateur et de coordinateur des ambassadeurs. Ainsi, il reviendra à ces derniers de présider chaque année des conseils locaux du développement, regroupant les services de l’État, les opérateurs du développement sous tutelle de l’État, ainsi que, le cas échéant, les organisations françaises de la société civile, les acteurs de la coopération décentralisée et les parties prenantes locales de la solidarité internationale, afin d’élaborer une stratégie commune en matière de développement dans les pays partenaires.

De plus, le projet de loi poursuit la rationalisation de l’écosystème français du développement en consacrant, à compter du 1er juillet 2021, le rapprochement entre Expertise France et l’AFD, ce qui permettra de construire une offre française d’aide au développement plus complète, cohérente et lisible, sur le modèle de la JICA japonaise, dans un contexte de regroupement des acteurs sur la scène internationale. Ce rapprochement est rendu possible par la transformation d’Expertise France en société par actions simplifiée, dont tout ou partie du capital pourra être détenu par l’AFD.

Le Gouvernement a veillé à ce que cette évolution optimise les synergies avec l’AFD sans remettre en cause l’autonomie stratégique d’Expertise France : le projet de loi prévoit ainsi que l’agence exerce une mission permanente d’intérêt public, que son capital soit public, et que sa gouvernance préserve le rôle de l’État.

Dans le cadre du nouvel élan que le Président de la République souhaite donner à la coopération technique, l’enjeu sera de s’assurer que la bonne personne soit à la bonne place : le renforcement de l’expertise pourra ainsi profiter prioritairement aux politiques stratégiques que sont la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, et la mobilisation des ressources intérieures dans les pays en développement (élaboration de politiques fiscales efficaces, renforcement des administrations des pays partenaires, optimisation des instruments de coopération).

S’agissant de la gouvernance de l’AFD, et dans la perspective du renforcement du pilotage politique de la politique d’aide au développement, il convient d’être particulièrement attentif à la présence des parlementaires au sein du conseil d’administration de l’agence, en veillant à ce que leur désignation respecte le pluralisme de chaque assemblée.

Plus largement, l’examen du projet de loi doit être l’occasion, pour les parlementaires, de débattre plus largement du modèle de l’AFD, dans un contexte où la politique d’aide publique au développement se fixe comme objectifs l’augmentation de l’aide bilatérale sous forme de dons et la concentration sur les pays prioritaires. La singularité de la France, qui a placé l’AFD, une institution financière soumise au régime des établissements de crédits et dont l’activité repose majoritairement sur les prêts, au cœur de son dispositif bilatéral d’APD mérite d’être débattue, d’autant que le volume croissant des prêts consentis par l’agence implique un effort budgétaire significatif de renforcement de ses fonds propres.

4.   Une programmation budgétaire ambitieuse

La loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) ne proposait pas de programmation pluriannuelle des moyens budgétaires. Le présent projet de loi constitue de ce point de vue une avancée historique.

Il définit d’abord des objectifs en termes de pourcentage de l’APD dans le RNB, fixé à 0,55 % en 2022, et à 0,7 % dans un second temps.

Il définit ensuite des objectifs en volume. Les crédits de paiement de la mission APD (hors charges de pension), après avoir atteint 3 251 millions d’euros en 2020, atteindront 3 935 millions d’euros en 2021 et 4 800 millions d’euros en 2022. 50 millions d’euros de crédits de paiement de la mission « Plan de relance » sont alloués à la politique de développement en 2021. Une augmentation supplémentaire de 100 millions d’euros en 2022 est prévue pour venir abonder soit le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), soit la mission APD. L’addition des crédits de la mission APD, de ceux de la mission « Plan de relance » consacrés à la politique de développement et de ceux du FSD aboutit à un montant global de 3 989 millions d’euros en 2020, 4 723 millions d’euros en 2021 et 5 638 millions d’euros en 2022

Le projet de loi pose par ailleurs le principe d’un renforcement de l’aide bilatérale, et de la part de celle-ci constituée de dons. Il prévoit enfin un doublement entre 2017 et 2022 à la fois de l’APD transitant par les organisations de la société civile et des fonds consacrés par l’État au soutien de l’action extérieure des collectivités territoriales.

5.   L’affirmation du caractère partenarial de la politique de développement

Le présent projet de loi adopte une approche résolument « partenariale » visant à associer les pays en développement, le Parlement, les collectivités territoriales, la société civile, le secteur privé, les diasporas. La politique d’aide au développement ne doit plus en effet être conçue d’après un modèle que l’on pourrait qualifier de « développementaliste » où il s’agirait de conduire certains pays de manière rectiligne d’un point A à un point B. Il n’y a pas un modèle unique de développement et la France et les autres pays les plus « développés » sont évidemment loin de constituer des exemples à suivre en tous points. Le projet de loi exprime un changement de philosophie en dénommant précisément « cadre de partenariat » la stratégie de la France en matière d’aide au développement. Le terme « aide » est en effet souvent connoté négativement alors que la notion de « partenariat » intègre plus fortement la dimension égalitaire de la relation et exprime plus clairement la poursuite d’objectifs partagés. Le cadre de partenariat annexé à la loi précise ce que recouvre cette nouvelle approche : « La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est définie et mise en œuvre dans le cadre de partenariats multipartites (…) [elle] est fondée sur un dialogue étroit avec les pays partenaires et la prise en compte de leurs stratégies de développement et des besoins des populations ». Il souligne que « cette dimension partenariale lui permet de démultiplier l’impact de son action en faveur de la réalisation des ODD ([2]) ».

Le caractère partenarial se manifeste également dans le projet de loi par l’ouverture des dispositifs de volontariat à l’international aux ressortissants de pays tiers, ce qui signifie que des volontaires étrangers pourront accomplir des missions en France. L’entraide fonctionnera ainsi dans les deux sens.

De son côté, le Parlement est associé à la politique de développement, non seulement par le vote des crédits de la mission budgétaire APD, mais aussi, comme le prévoit l’article 2 du projet de loi, à travers la remise chaque année par le Gouvernement d’un rapport d’information. La présence de députés et de sénateurs au Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) et au conseil d’administration de la société Expertise France y contribue également. Les recommandations issues de plusieurs rapports parlementaires, dont celui de votre rapporteur, ont par ailleurs incontestablement été prises en compte dans l’élaboration du texte.

La place des collectivités territoriales dans la politique de développement est reconnue par le projet de loi. 121,5 millions d’euros ont été consacrés par les collectivités territoriales en 2019 aux pays du sud, dont 51,4 en Afrique, la France constituant le troisième pays de l’OCDE pour la contribution de ses collectivités au développement. Le projet de loi fixe un objectif de doublement des fonds de l’État destinés au soutien à leur action extérieure et met à jour le cadre de référence de leurs politiques publiques avec le programme de développement durable à l’horizon 2030. Il introduit aussi la possibilité, pour celles qui sont autorités organisatrices de la mobilité, de financer sur les budgets des services de mobilité des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères.

Le projet de loi insiste ensuite sur le caractère irremplaçable des organisations de la société civile dans le soutien au développement. Il fixe un objectif de doublement de l’aide transitant par elles et reconnaît expressément leur droit d’initiative et l’existence d’un dispositif spécifique dédié à l’octroi de subventions à leurs projets de développement.

Le cadre de partenariat global insiste sur l’importance des établissements d’enseignement supérieur et des instituts de recherche (comme l’IRD ou le CIRAD).

Il met l’accent sur le rôle essentiel du secteur privé et de Proparco, filiale de l’AFD, qui apporte son appui à ce secteur. En s’implantant dans les pays en développement, les entreprises françaises contribuent aux progrès de ceux-ci en termes d’emploi, de structuration de filières économiques ou d’infrastructures. Il importe bien entendu, conformément au devoir de vigilance, de veiller à ce que ces entreprises ne portent pas atteinte aux droits humains ou à l’environnement. La place du secteur privé est également irremplaçable en ce que les financements publics resteront toujours insuffisants pour l’atteinte des ODD. Enfin, au-delà des acteurs français, ce sont les TPE-PME des pays partenaires qui auront un rôle clé dans le développement. Il ne saurait en effet y avoir de sortie de la pauvreté sans renforcement du tissu économique local.

Le cadre de partenariat souligne aussi le rôle fondamental des diasporas : « La France (…) encourage les initiatives des diasporas en France, qui jouent un rôle majeur dans le développement de leur pays d’origine », s’efforce « d’offrir des canaux sûrs pour une part croissante des transferts de fonds des diasporas » et offre un « appui à la création d’entreprises et à l’investissement productif des diasporas ([3]) ». Le rôle des diasporas va d’ailleurs bien au-delà de la mobilisation de fonds. Au-delà des moyens financiers, c’est d’abord le recours à leurs compétences, à leur expérience et à leur expertise qui constitue un levier pour l’aide au développement.

6.   L’amélioration de l’évaluation et de la redevabilité

Comme votre rapporteur a eu l’occasion de le souligner dans son rapport de 2018, la politique d’évaluation de l’aide au développement est inadaptée à l’évolution des enjeux.

D’abord, l’indicateur principal mesurant l’aide publique au développement, une mesure du volume des dépenses exprimée en pourcentage du revenu national brut, est imparfaite. Sa méthode de calcul est contestée puisqu’elle inclut des dépenses qui ne concernent pas directement le développement (frais d’écolage), et en exclut d’autres qui y sont liées (activités de maintien de la paix). En outre, une attention exclusive sur cet indicateur quantitatif détourne les parties prenantes de la question du sens et de l’impact. Aussi conviendra-t-il de plaider, auprès des partenaires internationaux, en faveur de la production d’indicateurs complémentaires à celui de l’APD et d’une communication centrée sur les résultats.

Ensuite, le dispositif actuel d’évaluation est fragmenté. Le suivi interne est assuré par trois pôles distincts : ceux du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, du ministère de l’économie, des finances et de la relance, et de l’AFD. Plusieurs institutions réalisent un suivi externe, notamment le Parlement, la Cour des comptes et l’OCDE.

Enfin, l’évaluation de l’APD souffre d’un déficit de transparence et, surtout, elle constitue rarement une évaluation à proprement parler : il s’agit davantage d’une analyse du processus de gestion que d’une évaluation de l’impact de l’aide.

En outre, la fragmentation budgétaire de la mission « Aide politique au développement » nuit à l’évaluation, au suivi de performance et à l’analyse des résultats.

Dans ce contexte, des initiatives ont été prises pour améliorer l’évaluation de l’aide, comme la création d’un observatoire des coûts de l’aide au développement, dont le but est d’objectiver et de rendre plus transparents les coûts de l’aide. Cependant, ces initiatives n’apparaissent pas à même de garantir un cadre d’évaluation à la hauteur.

L’une des avancées majeures du projet de loi est ainsi de combler les lacunes de la France en matière d’évaluation en créant une commission indépendante d’évaluation, sur le modèle de l’Independant Commission for Aid Impact (ICAI), qui est responsable de l’évaluation indépendante de l’impact de l’aide au développement britannique. Celle-ci permettra de renforcer les capacités d’évaluation externe de la politique de développement et de rationaliser les dispositifs existants. L’unification des structures d’évaluation permettra de disposer d’une vision globale de l’évaluation.

Compte tenu de l’importance du rôle que cette commission jouera dans l’évaluation, la transparence et la redevabilité de l’aide au développement, il conviendra de préciser ses missions, sa composition et ses modalités de fonctionnement. L’indépendance de ses membres et de son programme de travail devront être garanties, mais cette indépendance ne devra toutefois pas se traduire par un isolement : un « droit de tirage » du Parlement semblerait opportun. L’enjeu est ainsi de trouver l’équilibre entre indépendance organisationnelle et dialogue nourri avec les parties prenantes, afin de rendre les évaluations objectives et contribuant à l’apprentissage collectif.

De même, un rattachement de la commission à la Cour des comptes pourrait être envisagé. La commission pourrait ainsi tirer avantageusement profit de l’indépendance, de l’expertise et de l’expérience de la Cour en matière d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Dans ce scénario, la Cour des comptes assurerait le secrétariat et la présidence de la commission. La commission serait, quant à elle, constituée d’une quinzaine d’experts issus des unités d’évaluation du MEAE, du MEFR et de l’AFD. Ces experts seraient encadrés par deux personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement en raison de leurs compétences en matière d’évaluation et de développement.

Comme votre rapporteur a eu l’occasion de le souligner dans son rapport de 2018, l’indépendance et les missions de la commission, qui sont l’évaluation de l’efficacité et de l’impact de la politique de développement solidaire, ne pourront être garanties qu’en concentrant chaque année les moyens humains et financiers sur des sujets structurants. Tout ne pourra pas être évalué, car certains projets ne sont pas conçus pour faire l’objet d’évaluations scientifiquement rigoureuses. Il conviendra donc d’être ambitieux mais réalistes dans le choix des sujets d’étude ainsi que dans les méthodes d’évaluation.

 

 


   Examen des articles du projet de loi

titre ier
dispositions RELATIVES AUX OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE
ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS MONDIALES
ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Article 1er A [nouveau]
Principaux objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales

Introduit par la Commission, le présent article vise à mettre en exergue, dans un article spécifique placé au tout début du projet de loi, les objectifs majeurs de la politique de développement solidaire. Le fait qu’ils soient décrits en détail dans le rapport annexé (dit « cadre de partenariat global ») est une chose ; mais il a paru important à la commission de les faire figurer également, pour les plus importants d’entre eux, dès les premières lignes du corps de la loi, dans un souci de visibilité et d’intelligibilité de la politique que la France entend mettre en œuvre dans ce domaine.

Cette politique vise en particulier l’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la protection des biens publics mondiaux, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, la protection de la planète, la promotion des droits humains, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Incluant l’action humanitaire, elle veille à assurer la continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement. Elle promeut les normes internationales en matière de droits humains, de droit international humanitaire et de réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).

Ces objectifs correspondent notamment aux « Cinq P » des Nations Unies : « Peuples, Planète, Prospérité, Paix et Partenariats » (People, Planet, Prosperity, Peace, and Partnerships).

Article 1er
Grands axes de la politique de développement solidaire et programmation financière

L’article 1er du projet de loi fixe à la fois les grands axes et la programmation financière de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales pour la période 2020-2025.

1.   Les grands axes de la politique de développement solidaire

Le II de l’article 1er du projet de loi approuve un document intitulé « cadre de partenariat global » (CPG), destiné être annexé à la loi. Ce document fixe « les orientations, la stratégie, les modalités de pilotage au niveau central et dans les pays partenaires, ainsi que le cadre de résultats, de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ». L’élaboration d’un tel document unique exposant la vision stratégique de la France à long terme constituait l’une des principales préconisations mises en avant par votre rapporteur dans son rapport d’août 2018.

Renouvelant les objectifs stratégiques poursuivis par la France, le présent document stratégique remplace le rapport annexé à la loi de 2014.

Compte tenu de sa longueur (167 alinéas), de son objet et de son niveau de détail, ce cadre de partenariat devait prendre la forme d’un document distinct, à l’image du rapport annexé à la loi de programmation militaire, faute de quoi les articles du corps de la loi s’en seraient trouvés dilués. Le CPG, tout comme l’article 1er qui l’approuve, constituent des dispositions de nature programmatique, au sens de l’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution (« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État. »). Le Conseil d’État, dans son avis du 15 septembre 2020 rendu sur le projet de loi, distingue bien les « dispositions de programmation » des « dispositions normatives » qui modifient directement les règles de droit. Il rappelle qu’il admet la coexistence de ces deux types de dispositions au sein d’un même projet de loi, « sous réserve que, aux fins d’assurer les exigences de lisibilité et d’intelligibilité de la loi, les dispositions de programmation fassent l’objet d’une présentation clairement séparées des autres », ce qui, ajoute-t-il, est bien le cas en l’espèce. Il n’en pourrait pas moins être utile, afin de faire ressortir davantage la nature et les objectifs majeurs de la politique de développement solidaire, d’en rappeler l’essentiel au sein de l’article 1er.

Ce cadre de partenariat global est particulièrement exhaustif et structuré même si certaines précisions ou certains développements supplémentaires pourraient encore y trouver place. Il se décompose en six parties.

a.   Les objectifs

Le cadre de partenariat global énonce les principes d’action sur lesquels repose la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Celle-ci a pour objectifs principaux la protection des biens publics mondiaux, l’éradication de la pauvreté, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, la protection de la planète, la promotion des droits humains, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle concourt ainsi à la politique étrangère de la France et à son rayonnement.

Pour atteindre ces objectifs, la France promeut le multilatéralisme, dans le cadre des Nations Unies (Objectifs de développement durable adoptés dans le cadre de l’Agenda 2030, Accord de Paris sur le climat, Cadre stratégique mondial pour la biodiversité 2011‑2020, Programme d’action d’Addis‑Abeba sur le financement du développement) comme dans celui de l’Union européenne (Consensus européen pour le développement de juin 2017).

La conception française du développement solidaire est fondée sur la notion de partenariat, avec les pays partenaires, les collectivités territoriales et l’ensemble des organisations de la société civile (syndicats, entreprises, jeunesse, diasporas, établissements d’enseignement supérieur, de recherche et de formation).

La politique de développement solidaire s’appuie sur des principes partagés en matière d’efficacité de l’aide, définis par la Déclaration de Paris (2005) et réaffirmés à Busan (2011) et à Nairobi (2016) dans le cadre du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement. La France adhère ainsi aux principes de l’appropriation des priorités de développement par les pays partenaires, d’harmonisation, de priorité accordée aux résultats et de responsabilité mutuelle. Elle met en œuvre les standards internationaux en matière de transparence de l’aide, en particulier vis‑à‑vis du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

La France veille à l’absence de contradiction entre sa politique de développement solidaire et les politiques qu’elle mène en matière commerciale, fiscale, migratoire, de sécurité et de défense, d’appui aux investissements à l’étranger, de francophonie ou encore de développement durable (cette dernière politique étant matérialisée par la Feuille de route nationale de mise en œuvre des ODD adoptée en 2019).

b.   Les axes prioritaires

Le cadre de partenariat global définit d’abord des priorités géographiques. La France entend désormais consacrer à la zone Afrique et Méditerranée 75 % de l’effort financier total de l’État en subventions et en prêts, et au moins 85 % de celui mis en œuvre via l’AFD. Elle concentre sa politique sur les dix‑neuf pays prioritaires définis par le CICID du 8 février 2018, appartenant tous à la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA) ([4]). Ces pays prioritaires bénéficieront d’ici 2022 de la moitié de l’aide projet de l’État et des deux tiers des subventions mises en œuvre par l’AFD. Pour les pays à revenu intermédiaire, la France recourt largement à l’instrument des prêts.

Le cadre de partenariat définit ensuite quatre priorités thématiques de nature transversale :

—  relever les défis environnementaux et climatiques les plus urgents de la planète,

—  soutenir l’égalité femmes‑hommes,

—  prévenir et traiter les crises et les fragilités,

—  défendre une approche fondée sur les droits humains.

Enfin, le cadre de partenariat met en avant six priorités thématiques à caractère sectoriel :

—  renforcer l’action pour lutter contre les maladies et soutenir les systèmes de santé,

—  renforcer l’effort sur l’éducation, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, au profit de l’employabilité des jeunes,

—  continuer à œuvrer pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable,

—  améliorer la gestion de l’eau et l’assainissement,

—  renforcer les capacités commerciales pour une croissance économique inclusive et durable,

—  promouvoir la gouvernance démocratique, économique et financière.

c.   Le pilotage

Le cadre de partenariat global précise les modalités du pilotage de la politique de développement solidaire.

Le Conseil du développement, présidé par le président de la République, prend les décisions stratégiques. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), réunissant les ministres concernés sous l’égide du Premier ministre, fixe le cadre général des interventions de l’État. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) est l’instance de concertation des différents acteurs. La Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) organise le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales concernant leur action internationale.

L’État exerce le pilotage du groupe AFD sur la base d’une convention‑cadre. Le conseil d’orientation stratégique de l’agence, composé des représentants de l’État à son conseil d’administration, coordonne la préparation de son contrat d’objectifs et de moyens (COM) et en contrôle l’exécution. Il prépare, avant leur présentation au conseil d’administration, les orientations fixées à l’agence en application des décisions arrêtées par le CICID. L’action de l’AFD à l’étranger s’exerce sous l’autorité de chaque chef de mission diplomatique.

L’État fixe par ailleurs les orientations stratégiques et les moyens alloués à l’ensemble des entités du groupe AFD, incluant l’agence de coopération technique Expertise France et Proparco, filiale dédiée à l’accompagnement des entreprises et des institutions financières.

Dans les pays partenaires, l’ambassadeur de France préside annuellement un conseil local du développement, qui regroupe les services de l’État, les opérateurs du développement sous tutelle de l’État ainsi que, le cas échéant, les organisations françaises de la société civile, les acteurs de la coopération décentralisée et les acteurs locaux. Ce conseil élabore des projets de stratégie‑pays et de programmation‑pays, dont l’ambassadeur supervise la mise en œuvre.

d.   Les moyens et les canaux

Le cadre de partenariat global décrit les moyens et les instruments de la politique de développement solidaire.

Les moyens augmenteront pour atteindre 0,55 % du RNB en 2022, puis 0,7 % dans un second temps. La part accordée aux dons, à l’action bilatérale et aux moyens transitant par les organisations de la société civile est renforcée. Les dix‑neuf pays prioritaires bénéficieront d’ici 2022 de la moitié de l’aide­‑projet de l’État et des deux tiers des subventions mises en œuvre par l’AFD (hors fonds dédiés à la préparation des projets).

L’action bilatérale est mise en œuvre surtout par les opérateurs de l’État, principalement l’AFD, mais aussi par Expertise France, l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Canal France international ou encore l’Institut Pasteur. L’AFD intervient à la fois sous forme de subventions (aide‑projet, aide budgétaire, projets financés dans le cadre de contrats de désendettement et de développement, Fonds français pour l’environnement mondial, programme pour le renforcement des capacités commerciales) et de prêts concessionnels ([5]). Par le biais de sa filiale Proparco et du Fonds d’investissement de soutien aux entreprises en Afrique (FISEA), elle octroie aussi des prêts, des garanties, et prend des participations directes en appui au secteur privé des pays en développement.

L’action bilatérale des opérateurs est complétée par celle mise en œuvre directement par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (via le Fonds de solidarité pour les projets innovants ([6]), les crédits gérés par le Centre de crise et de soutien, l’aide alimentaire programmée, l’expertise technique, les fonds de soutien aux dispositifs de volontariats et de coopération décentralisée des collectivités territoriales et les bourses octroyées aux étudiants des pays en développement) et par le ministère de l’économie et des finances (via les prêts concessionnels du Trésor, le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé, l’allocation d’aides budgétaires globales et les allègements de dette). S’y ajoutent les projets de coopération décentralisée portés par les collectivités territoriales.

Sur le plan multilatéral, la France intervient par le biais des instruments de coopération de l’Union européenne, financés par le budget de l’UE ou hors budget de l’UE pour le Fonds européen de développement (FED). Elle contribue au capital des banques multilatérales de développement, telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Banque asiatique de développement. Elle participe également aux fonds de développement qui y sont rattachés tels que l’Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale en Afrique, ou le Fonds africain de développement (FAD). Elle contribue à des fonds verticaux tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), le Fonds vert pour le climat et le Partenariat mondial pour l’éducation (PME).

e.   Les prévisions

Le cadre de partenariat global énumère les dépenses françaises comptabilisables au titre de l’aide publique au développement. La méthode de comptabilisation de l’aide publique au développement est définie par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, qui réunit les principaux pourvoyeurs. Elle a été révisée notamment en 2014, pour une première application en 2018. Cette méthode est parfois critiquée en ce qu’elle mêle des éléments de nature composite. Comme cela a été indiqué plus haut, l’inclusion des annulations de dettes, des frais d’écolage et des frais d’accueil de réfugiés provenant de pays éligibles est ainsi souvent contestée (en sens inverse, toutefois, on peut remarquer que les dépenses fiscales qui bénéficient aux associations du secteur ou à des ONG ne sont pas comptabilisées alors qu’elles participent de l’effort financier de l’État dans ce domaine). Il faut reconnaître aussi que la complexité de cette comptabilisation ne facilite ni le contrôle par le Parlement, ni l’intelligibilité pour le citoyen.

Quoi qu’il en soit, les dépenses françaises d’APD comptabilisables comprennent actuellement :

—  les crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » (programmes 110 et 209 ([7])) destinés à financer l’activité en subventions de l’AFD (aide‑projet), l’aide‑projet du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (Fonds de solidarité pour les projets innovants) et les crédits de gestion de crise (Fonds d’urgence humanitaire ([8]), Aide alimentaire programmée ([9]), aide budgétaire) ainsi qu’à contribuer aux principaux fonds multilatéraux et au Fonds européen de développement ([10]),

—  les prêts bilatéraux de l’AFD,

—  les instruments d’aide au secteur privé (prêts, prises de participation et garanties au bénéfice du secteur privé),

—  les autres programmes du budget de l’État et de ses opérateurs (frais d’écolage, frais d’accueil de réfugiés provenant de pays éligibles à l’APD, travaux de recherche conduits par l’IRD et le CIRAD…),

—  les autres prêts (principalement ceux du Trésor),

—  les prêts multilatéraux au bénéfice des organisations éligibles à l’APD,

—  la contribution française au budget de l’Union européenne finançant l’APD européenne,

—  les opérations de traitement de la dette (allègements et annulations de dettes, contrats de désendettement),

—  l’APD financée par les taxes affectées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) (taxe de solidarité sur les billets d’avion et une part de la taxe sur les transactions financières),

—  les autres dépenses (APD réalisée par les collectivités territoriales, frais administratifs de l’AFD).

Le cadre de partenariat global comporte par ailleurs un tableau précisant la trajectoire financière d’aide publique au développement de 2017 à 2022. Ce tableau fait notamment apparaître, pour chacune des années concernées, le montant total du budget de l’État consacré à l’APD (13 587 millions d’euros en 2022), le montant total de l’APD (14 165 millions d’euros en 2022) et le pourcentage de l’APD par rapport au RNB (0,55 % en 2022). Cette trajectoire a été établie sur la base des données disponibles en septembre 2020, préalablement à la présentation du projet de loi en Conseil d’État. Il appartiendra au Gouvernement d’actualiser, par voie d’amendement, le tableau en fonction des données plus récentes (révision des hypothèses de croissance, création du programme budgétaire 365 « Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement »).

f.   Le cadre de résultats

Le cadre de partenariat global prévoit enfin que chacune des priorités thématiques mentionnées plus haut (à l’exception de l’approche par les droits humains) fera l’objet d’indicateurs de résultats, bilatéraux ou multilatéraux, renseignés annuellement par les ministères concernés ou par les institutions internationales.

Un tableau récapitule ces priorités thématiques, transversales ou sectorielles. Pour chacune d’entre elles, il précise les ODD correspondants, les objectifs à atteindre et les indicateurs qui sont numérotés. À titre d’exemple, la priorité « Prévention et traitement des crises et des fragilités » correspond aux ODD 1, 2, 8, 10 et 16 ([11]). Elle se décline en deux objectifs : « renforcer la résilience des populations » et « accompagner les États ». L’atteinte du premier est mesurée, sur le plan bilatéral, par le « nombre de personnes bénéficiant de l’assistance alimentaire française » (indicateur 1.1) et par le « nombre de personnes vivant en zone de crise bénéficiant d’une aide de la France » (indicateur 1.2) et, sur le plan multilatéral, par le « nombre de personnes sous-alimentées recevant de l’aide européenne » (indicateur 1.4).

2.   La programmation financière

L’article 1er du projet de loi contient, outre des objectifs et une stratégie, une programmation pluriannuelle des moyens financiers de l’aide au développement.

En application du III de l’article 1er, la France consacrera ainsi 0,55 % de son RNB à l’aide publique au développement en 2022. Cet objectif correspond à l’engagement pris par le Président de la République et réitéré par le CICID du 8 février 2018. La crise sanitaire et économique de l’année 2020 n’a pas conduit le Gouvernement à revoir à la baisse cette ambition.

La France a « l’objectif de porter ultérieurement » la part de l’APD à 0,7 % du RNB, sans qu’une année précise soit fixée. Le I de l’article 1er précise simplement que la programmation financière sera « complétée, avant la fin de l’année 2022, pour les années 2023, 2024 et 2025 ». La programmation chiffrée ne va donc pas au-delà de l’année 2022, le Gouvernement n’ayant pas mandat pour définir une politique au-delà de la fin du quinquennat.

S’agissant de l’objectif de 0,7 % du RNB, qui remonte à une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies dans les années 60, il apparaît contestable à plusieurs égards. Tout d’abord, il ne dit rien du contenu de l’APD ni de ses aspects qualitatifs. Il peut par ailleurs être atteint, en tout ou partie, par l’effet d’une baisse du dénominateur, c’est–à-dire d’une récession de l’économie. Il ne faudrait donc pas se satisfaire à bon compte de l’atteinte d’un tel indicateur. Il n’en conserve pas moins son utilité, comme aiguillon, sous réserve d’être accompagné d’autres objectifs en volume et d’indicateurs tels que ceux qui figurent au VI du cadre de partenariat global.

Le Gouvernement a fait le choix, dans le présent projet de loi, du maintien d’ambitions élevées en volume, en dépit de la récession qui frappe l’économie française. Eu égard au principe d’annualité budgétaire, il s’agit d’engagements de nature politique qui préservent la liberté du Gouvernement et du législateur dans le cadre de la discussion des futurs projets de lois de finances.

Le IV (1°) de l’article 1er dispose que les crédits de paiement de la mission APD (hors charges de pension), après avoir atteint 3 251 millions d’euros en 2020, atteindront 3 935 millions d’euros en 2021 et 4 800 millions d’euros en 2022 ([12]).

Le IV (2°) précise que 50 millions d’euros de crédits de paiement de la mission « Plan de relance » (plus précisément du programme 364 « Cohésion ») sont alloués à la politique de développement en 2021. Il a en effet été décidé à l’automne dernier d’inclure dans le plan de relance une partie de l’aide publique au développement, en particulier celle à destination de la vaccination au bénéfice des pays en développement. Ces 50 millions seront utilisés à hauteur de 25 millions pour une contribution à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le cadre de l’initiative ACT-A ([13]) et de 25 millions pour d’autres organismes de santé internationaux (comme Gavi ([14]) ou Unitaid ([15])). Il s’agit d’une opération ponctuelle dont le rattachement à la notion de relance pourrait – il est vrai – être discutée.

Selon le IV (3°) de l’article 1er, les ressources du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) seront augmentées de 100 millions d’euros en 2022 par rapport à leur niveau de 2020 et 2021, et seront ainsi fixées à 838 millions d’euros en 2022. Le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) est un fonds extrabudgétaire, sans personnalité morale, créé par l’article 22 de la loi n° 2005‑1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005. Il a le statut, en comptabilité nationale, d’organisme divers d’administration centrale (ODAC). Géré par l’Agence française de développement, il participe au financement de dépenses principalement dans les domaines de la santé, du climat et de l’environnement ([16]). Il finance, par exemple, la Facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFIm) et le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP). Signalons que la France s’est engagée, dans le cadre de la conférence de reconstitution d’octobre 2019, à augmenter sa contribution au FMSTP de 20 % pour atteindre 1,429 milliard de dollars. Le FSD est alimenté par deux taxes affectées : la taxe de solidarité sur les billets d’avion ([17]) (qui est en très forte baisse depuis le début de la crise de la covid‑19 ([18])) et une part du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF), qui a été pensée d’abord pour financer l’aide publique au développement.

Le projet de loi précise que, en l’absence d’une telle augmentation des ressources du FSD, ce sont les crédits de paiement de la mission APD qui seront alors fixés à 4 900 millions d’euros en 2022. Le projet de loi ne tranche donc pas sur l’affectation de l’augmentation de 100 millions d’euros entre le FSD, d’une part, et la mission budgétaire APD, d’autre part. La première option impliquerait d’augmenter la part de la TTF affectée au FSD ([19]), ce sur quoi le Gouvernement n’a pas souhaité d’ores et déjà s’engager. On peut ajouter que les taxes affectées, si elles présentent des avantages, ont aussi leurs limites en ce que, outre qu’elles peuvent être soumises à des variations imprévues dans leur rendement, elles font perdre en lisibilité et en contrôle parlementaire ([20]). On peut s’interroger plus profondément sur la pertinence aujourd’hui de financer de l’aide au développement, ce qui implique un choix politique et une stabilité dans le temps, avec des recettes directement corrélées à l’activité des pays pourvoyeurs.

Synthétisant les 1°, 2° et 3° précédents, le IV (4°) souligne que l’addition des crédits de la mission APD, de ceux de la mission « Plan de relance » consacrés à la politique de développement et de ceux du FSD aboutit à un montant global de 3 989 millions d’euros en 2020, 4 723 millions d’euros en 2021 et 5 638 millions d’euros en 2022.

Le V de l’article 1er rappelle que l’évolution des autres ressources concourant à l’aide publique au développement figure à titre indicatif dans le cadre de partenariat global. Ces autres ressources sont prises en compte pour l’atteinte de l’objectif de 0,55 % du RNB en 2022.

Le VI prévoit le renforcement, d’ici 2022, de la composante bilatérale de l’aide publique au développement, et au sein de celle-ci de la part constituée par les dons.

L’article 1er insiste ensuite sur le rôle majeur joué par les organisations de la société civile dans le soutien au développement. Le VII dispose ainsi que le montant de l’aide publique au développement allouée pour leurs projets augmentera en vue d’atteindre en 2022 le double du montant constaté en 2017. Ce doublement correspond à un objectif fixé par le CICID. Le VIII reconnaît par ailleurs expressément leur droit d’initiative en inscrivant dans la loi l’existence d’un dispositif d’octroi de subventions pour les projets qu’elles présentent ([21]). L’AFD gère d’ailleurs déjà un dispositif, dénommé « Initiatives des organisations de la société civile » (I-OSC), qui est le principal canal par lequel transite l’APD mise en œuvre par les acteurs de la société civile.

L’article 1er du projet de loi souligne enfin le rôle tout aussi essentiel joué par les collectivités territoriales. Le IX prévoit ainsi que le montant des fonds consacrés par l’État au soutien de leur action extérieure augmentera en vue d’atteindre en 2022 le double du montant constaté en 2017.

3.   Les apports de la Commission

Outre des modifications rédactionnelles, la Commission a adopté un amendement de Mme Bérengère Poletti disposant que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport étudiant les différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l’aide publique au développement française. Le but est d’encourager une réflexion sur les activités aujourd’hui intégrées dans cette comptabilisation, sur les critères utilisés et sur les évolutions possibles en la matière.

Deux amendements de votre rapporteur ont été adoptés, vise à mettre à jour le montant exact des crédits pour la mission APD figurant dans la loi de finances pour 2021, promulguée le 29 décembre 2020 (prise en compte d’un amendement de « taxation interministérielle » de -10 millions d’euros sur la mission APD lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2021). Ces crédits s’élèvent à 3 925 millions d’euros. En conséquence, la somme des crédits de paiement de la mission APD, de ceux de la mission « Plan de relance » alloués à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et des crédits du FSD s’établit à 4 713 millions d’euros en 2021.

Des amendements identiques de M. Jean-Paul Lecoq, de M. Hubert Julien‑Laferrière et de M. Bertrand Pancher ont été adoptés en vue de préciser que les ressources du FSD ont pour objet de financer les biens publics mondiaux.

À l’initiative de M. Vincent Ledoux, il a aussi été précisé que les services de l’État à l’étranger concourant à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales disposent d’une trajectoire de moyens humains cohérente avec la hausse des ressources prévue à l’article 1er.

Enfin, à l’initiative de votre rapporteur, il a été précisé que le droit d’initiative était reconnu aux organisations de la société civile, qu’elles soient françaises ou implantées dans les pays partenaires.

La Commission a par ailleurs adopté de très nombreux amendements portant sur le cadre de partenariat global.

Outre des modifications rédactionnelles, il a été rappelé que les biens publics mondiaux consistaient en particulier en la santé, le climat, la biodiversité et l’éducation. Une insistance particulière a été ajoutée concernant, dans le cadre de la promotion des droits humains, celle en particulier des droits de l’enfant. Les enfants sont les premières victimes des crises compte tenu, notamment, des conséquences qu’elles entraînent sur les structures éducatives. La France s’engage en faveur de la protection de l’enfant et de ses droits, tels qu’ils sont rappelés notamment dans la convention relative aux droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989. La France souhaite aussi inscrire la question des mille premiers jours de l’enfant au cœur de son action.

S’agissant des partenariats, la mobilisation de l’enfance et des jeunesses, ainsi que celle des parlementaires, a été mentionnée. Les Parlement étrangers, eux aussi, doivent bénéficier de la transparence accrue de l’aide française. La France soutient par ailleurs le renforcement des capacités de contrôle des parlements des pays bénéficiaires, en particulier dans le domaine budgétaire

La mobilisation du secteur privé implique non seulement la mise en œuvre par les entreprises françaises de projets dans les pays partenaires mais aussi le renforcement du tissu économique local, en particulier celui des très petites, petites et moyennes entreprises. Les diasporas jouent un rôle clé par les compétences et l’expérience qu’elles peuvent mettre à la disposition des pays partenaires.

Le rôle fondamental de l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI), s’adressant à tous les jeunes, aux éducateurs mais aussi aux adultes, a été mis en avant. Le souci d’intégrer les personnes en situation de vulnérabilité, et pas seulement de pauvreté, a été pris en compte. L’importance de prendre les besoins des populations comme fondement de la politique de développement a été soulignée. La nécessité d’associer les élus locaux des Français établis à l’étranger a aussi été rappelée.

La France devra veiller à la cohérence des politiques publiques ainsi qu’au respect des engagements pris dans le cadre des ODD et de l’Accord de Paris pour toutes les politiques de l’Union européenne impactant le développement des pays partenaires. Le souci de cohérence doit concerner aussi les politiques éducative et culturelle.

S’agissant des priorités géographiques, la région du Sahel devra, au sein du continent africain, mobiliser tout particulièrement les efforts et l’engagement de la France, compte tenu du caractère aigu des crises et des fragilités qu’on y rencontre et des liens forts et anciens tissés avec les pays concernés. Dans sa version initiale, le CPG indiquait déjà que les dix-neuf pays prioritaires bénéficiaient de la moitié de l’aide projet mise en œuvre par l’État. La Commission a précisé qu’un tiers de cette part devait être concentré sur les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). Par ses engagements chiffrés concernant les pays prioritaires (qui appartiennent tous à la catégorie des pays les moins avancés), la France contribue à l’engagement collectif de l’Union européenne de consacrer de 0,15 % à 0,20 % du RNB aux pays les moins avancés. L’Amérique latine, l’Asie et le voisinage de l’Union européenne, notamment les pays des Balkans occidentaux, ont été mentionnés dans les priorités.

D’un point de vue thématique, la question de l’assainissement a été mentionnée, en complément de celle de l’eau. Il en est de même de la mise en place de réseaux de transport et de distribution adaptés. La France devra aussi continuer de soutenir l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives et s’assurer de l’effectivité, dans son périmètre d’action, de l’application des règlementations européennes de transparence des paiements dans ce domaine.

La question de l’égalité entre filles et garçons a été ajoutée à plusieurs endroits du CPG. La France reconnait les filles, adolescentes, jeunes femmes et femmes comme des actrices à part entière des dynamiques de transformation sociale en ne les considérant pas uniquement comme des bénéficiaires de l'aide et favorise leur participation authentique dans l'élaboration, la mise en œuvre et le suivi des programmes et politiques publiques les concernant. Des objectifs chiffrés ont également été fixés en termes d’égalité femmes-hommes, en s’inspirant des recommandations du Plan d’action de l’Union européenne.

Dans le même esprit, l’ambassadeur accrédité auprès du pays partenaire devra veiller à susciter la présence de femmes au sein du conseil local du développement et à tendre vers une représentation équilibrée et paritaire en termes de genre. Il peut par ailleurs y convier les entreprises qui peuvent apporter une contribution au développement du pays par leur activité propre, mais aussi par leur engagement en matière de responsabilité sociale et environnementale et de gouvernance.

En vue d’optimiser son action en faveur de la résolution des crises, la France met en œuvre tous les moyens de nature à permettre la bonne exécution des missions de chacun des acteurs. Elle œuvre tant à l’échelle internationale qu’à l’échelle nationale afin de soutenir l’action humanitaire menée par des organisations dont les missions et les actions répondent aux principes de neutralité, d’indépendance et d’impartialité. Elle renouvelle son attachement au principe de non-discrimination des populations bénéficiaires de son assistance humanitaire.

Pour répondre à la problématique des enfants sans identité, une attention toute particulière a été apportée à l’importance de l’identité juridique, réalisable notamment via un état‑civil fiable.

La France accentue son engagement pour la liberté de l’information dans les pays où la désinformation des populations contribue à l’instabilité et la résurgence de mouvements et d’activités terroristes. Elle s’engage dans la lutte contre le travail forcé, la traite des êtres humains, l’esclavage moderne et le travail des enfants. Elle promeut le renforcement dans les pays partenaires des critères de responsabilité sociale et environnementale dans les marchés publics.

La France soutient les partenariats et les organisations internationales en matière de santé mondiale. Elle s’attache à soutenir la structuration durable des filières agricoles et agroalimentaires. La Décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale 2019‑2028 devra être appuyée. La France accompagne et promeut les actions mises en œuvre dans le cadre du projet de la « Grande Muraille verte ».

La France encourage la coopération décentralisée entre collectivités territoriales. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent solliciter l’Agence française de développement et Expertise France pour bénéficier d’un appui renforcé dans la mise en œuvre de leur action extérieure. La France finance enfin les agences spécialisées des Nations unies répondant aux priorités de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Article 2
Rapport annuel du Gouvernement
relatif à la politique de développement solidaire

1.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article prévoit la remise chaque année par le Gouvernement au Parlement, avant le 15 septembre, d’un rapport portant sur la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Ce rapport devra aborder tant la stratégie adoptée que les résultats obtenus, mesurés notamment au moyen des indicateurs du « cadre de résultats » figurant dans le cadre de partenariat annexé à la loi. Il devra également s’assurer de la cohérence de cette politique avec les autres politiques publiques menées par exemple en matière de migrations, de fiscalité ou encore de défense et de sécurité. Il devra enfin faire le point sur la mise en œuvre de la trajectoire financière prévue par la présente loi et sur les contributions versées aux fonds et programmes multilatéraux et européens.

Le ministre chargé du développement sera chargé de son élaboration et de sa présentation au Parlement, en lien avec le ministre de l’économie et des finances et les autres ministres concernés. Comme le souligne l’étude d’impact, il se substituera au rapport bisannuel actuellement transmis au Parlement en application de la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale ([22]).

L’article 2 précise que le rapport pourra faire l’objet d’un débat au Parlement, au Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) et à la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD).

Cette disposition contribue en partie à répondre au vœu exprimé par votre rapporteur dans son rapport d’août 2018 tendant à renforcer le contrôle parlementaire et le débat public en matière d’aide au développement ([23]).

2.   Les apports de la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a prévu une remise du rapport au 15 juin afin de permettre aux parlementaires d’être éclairés plus en amont, et notamment avec suffisamment d’anticipation par rapport aux débats budgétaires. Une remise au 15 septembre, soit environ quinze jours avant le dépôt du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, ne les mettrait pas en mesure de préparer en détail ces débats. C’est particulièrement vrai pour les rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis de la mission budgétaire APD.

Une série d’amendements ont été adoptés en vue d’élargir le champ de ce rapport aux domaines suivants :

—  la présentation de la contribution de l’action extérieure des collectivités territoriales et des acteurs territoriaux à la mise en œuvre de la trajectoire d’APD ;

—  la liste des pays d’intervention de l’Agence française de développement ;

—  la répartition des contributions françaises (bilatérales et multilatérales) vers les secteurs et pays prioritaires définis, afin que l’évolution de la répartition budgétaire de l’aide publique au développement traduise bien les priorités sectorielles et géographiques de la France ;

—  les résultats en termes de communication et de visibilité de l’aide publique au développement de la France, afin d’identifier et de comprendre la perception de cette politique auprès de nos concitoyens et de nos partenaires récipiendaires ;

—  les positions défendues par la France en matière d’aide au développement au sein des institutions financières internationales où elle est représentée ;

—  la liste des pays prioritaires pour l’aide publique au développement et les critères qui ont amené à sa constitution ;

—  les progrès effectués en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption par les pays qui bénéficient de l’aide publique au développement.

Le principe de cohérence, sur lequel le rapport devra éclairer le Parlement, a été reformulé sur proposition de Mme Bérangère Poletti, en s’inspirant des recommandations de l’OCDE.

Des amendements identiques de M. M'jid El Guerrab, de M. Bertrand Pancher et de Mme Aina Kuric ont enfin été adoptés en vue de faire du débat à l’Assemblée nationale, au Sénat, à la CNDSI et à la CNCD, une obligation, et non plus une simple faculté.

titre ii
DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE
LES INÉGALITÉS MONDIALES

Article 3
(article unique de la loi n° 2015411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques ; articles L. 231111, L. 257338, L. 33112, L. 36612, L. 43101, L. 44252, L. 5217102, L. 711102 et L. 721002 du code général des collectivités territoriales)
Prise en compte des Objectifs de développement durable inscrits dans le l’Agenda 2030 adopté par les Nations Unies

L’article 3 du projet de loi actualise le cadre de référence des politiques publiques poursuivies tant par l’État que par les collectivités territoriales, en y intégrant le programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté le 25 septembre 2015 à l’Assemblée générale des Nations unies. Cette mise à jour doit contribuer à renforcer la cohérence des politiques publiques, menées à l’échelon national comme à l’échelon local, avec les Objectifs de développement durable (ODD) définis par les Nations Unies.

1.   La mise à jour du cadre de référence pour l’État

S’agissant de l’État, le I de l’article 3 apporte une précision à l’article unique de la loi n° 2015‑411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques. Cet article dispose aujourd’hui que « le Gouvernement remet annuellement au Parlement, le premier mardi d’octobre, un rapport présentant l’évolution, sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable », rapport qui peut faire l’objet d’un débat devant le Parlement. La date retenue du premier mardi d’octobre permet de faire coïncider la remise du rapport avec le dépôt du projet de loi de finances de l’année. Le but poursuivi par la loi du 13 avril 2015 était de pouvoir appréhender l’ensemble des politiques publiques et des réformes menées au prisme de nouveaux indicateurs de richesse, le seul produit intérieur brut (PIB) ayant montré ses limites.

Le projet de loi précise que les indicateurs mesurés par ce rapport correspondent « aux objectifs de développement durable inscrits au Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies ».

2.   L’actualisation du cadre de référence pour les collectivités territoriales

Le II (1°) de l’article 3 du projet de loi insère une référence aux ODD dans une série de dispositions du code général des collectivités territoriales relatives au « rapport sur la situation en matière de développement durable » qui doit être présenté devant l’assemblée délibérante, « préalablement aux débats sur le projet de budget », par l’exécutif d’un certain nombre de collectivités territoriales. Ce rapport doit être produit plus précisément par le maire dans les communes de plus de 50 000 habitants et par le président d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants (L. 2311‑1‑1), par le président du conseil départemental (L. 3311‑2), par le président du conseil de la métropole de Lyon (L. 3661‑2), par le président du conseil régional (L. 4310‑1), par le président du conseil exécutif de Corse (L. 4425‑2), par le président du conseil de la métropole (L. 5217‑10‑2), par le président de l’assemblée de Guyane (L. 71‑110-2) et par le président du conseil exécutif de Martinique (L. 72‑100‑2).

Le but de ce rapport est de mettre en valeur les projets qui ont un effet positif en termes de développement durable, sans se limiter au seul critère financier. Un parallèle peut être dressé avec les dispositions applicables à certaines sociétés commerciales qui doivent joindre à leur rapport de gestion une « déclaration de performance extra-financière » qui « comprend notamment des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l’activité de la société et de l’usage des biens et services qu’elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l’économie circulaire (…) » (art. L. 225‑102‑1 du code de commerce). Il s’agit dans tous les cas de favoriser la mobilisation du plus grand nombre d’acteurs possible, publics et privés, afin que le paramètre environnemental prenne place au premier rang des critères à considérer lors de la prise de décision.

Les dispositions en vigueur exigent « un rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation ». Le projet de loi précise que les « orientations et programmes » auxquels il est ainsi fait référence doivent « contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable inscrits au Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies ». Le II (2°) de l’article 3 précise que cette obligation s’applique aussi aux communes de la Polynésie française.

Comme le souligne l’étude d’impact à propos des collectivités territoriales, « l’évolution du cadrage du rapport de développement durable (…) vise à faire de l’Agenda 2030 la référence de leur action en matière de développement durable ».

3.   Les apports de la Commission

Des amendements identiques de M. Bruno Fuchs, de Mme Valérie Thomas et de Mme Aina Kuric ont été adoptés concernant le rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse. Les indicateurs mesurés par ce rapport devront comprendre notamment les indicateurs de suivi mondiaux du programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies, définis par la commission statistique des Nations unies.

Article 4
(article L. 11153 [rétabli] du code général des collectivités territoriales)
Possibilité pour les autorités organisatrices
de la mobilité de financer des actions de coopération

1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 4 du projet de loi vise à introduire un dispositif « 1 % transports » dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), sur le modèle des dispositifs « 1 % » déjà existants.

Le CGCT prévoit en effet déjà la possibilité pour les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes compétents, de mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères dans les domaines de l’eau et de l’assainissement (« 1 % eau »), de la distribution publique d’électricité et de gaz (« 1 % énergie ») et de la collecte et du traitement des déchets des ménages (« 1 % déchets »), dans la limite à chaque fois de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services (articles L. 1115‑1‑1 et L. 1115‑2 du CGCT). Les collectivités françaises peuvent ainsi diffuser leur expertise auprès de leurs homologues des pays en développement. Ces dispositifs s’inscrivent dans le cadre plus général posé par l’article L. 1115‑1 qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de « mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire » et, à cette fin, de « conclure des conventions avec des autorités locales étrangères ».

Saluant le bilan de l’action extérieure des collectivités territoriales, l’étude d’impact ([24]) souligne que « près de 5 000 collectivités territoriales françaises mènent des actions de développement à l’étranger avec plus de 8 000 collectivités locales partenaires, totalisant plus de 10 000 projets dans 134 pays » et que « plus de 100 millions d’euros d’aide publique au développement ont ainsi été déclarés par les collectivités territoriales pour l’année 2018 ».

Sur le modèle des dispositifs déjà en vigueur, l’article 4 du projet de loi prévoit d’insérer dans le CGCT un article L. 1115‑3 permettant aux autorités organisatrices de la mobilité de financer, dans la limite de 1 % des ressources hors versement de transport affectées aux budgets des services de mobilité, des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères, d’aide d’urgence au bénéfice de ces collectivités et de solidarité internationale dans le domaine de la mobilité. La mobilité est en effet un enjeu croissant pour les pays en développement, à la fois en termes de croissance économique et d’accès à l’emploi, mais aussi du point de vue de la transition écologique. Elle s’inscrit pleinement, tout comme l’eau, l’énergie et la gestion des déchets, dans le cadre des Objectifs de développement durable des Nations Unies (respectivement les ODD 11, 6, 7 et 12).

Cette nouvelle possibilité de coopération est donnée plus précisément aux « autorités organisatrices de la mobilité en application du I de l’article L. 12311 du code des transports » (communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles, métropole de Lyon), aux « communes continuant à organiser des services de mobilité en application du II du même article » et à « l’établissement public “Île de France Mobilités” visé à l’article L. 12411 du même code ([25]) ».

Comme le souligne encore l’étude d’impact, le dispositif « 1 % transports » « n’aura pas d’impact négatif sur les entreprises puisqu’il exclut du périmètre des ressources prises en compte, celles provenant du versement de transport incombant aux employeurs, et ne fait porter le 1 % que sur la part tarifaire et la subvention des collectivités territoriales ».

2.   Les apports de la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, un amendement a été adopté visant à prendre en compte le remplacement du « versement de transport » par le « versement mobilité » opéré par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

Un amendement de Mme Aina Kuric a par ailleurs ajouté une précision au premier alinéa de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Celui-ci disposera désormais que les collectivités territoriales peuvent mettre en œuvre toute action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, dans le respect des engagements internationaux de la France « et notamment du Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies ».

Enfin, la Commission a adopté un amendement de M. Vincent Ledoux qui crée un dispositif de « 1 % Logement solidarité internationale » en autorisant les bailleurs sociaux Français, sur la base du volontariat, à financer des actions de coopération et de solidarité internationales conduites avec leurs homologues des pays éligibles compétents en matière de logement (bailleurs sociaux, collectivités territoriales étrangères), dans la limite de 1 % du budget d’investissement des bailleurs sociaux français.

Article 5
Conseil national du développement et de la solidarité internationale

1.   Les dispositions du projet de loi

Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) a été créé par le décret n° 2013-1154 du 11 décembre 2013 ([26]), puis a reçu une consécration législative par la loi du 7 juillet 2014 dans son article 4. Celui-ci lui donnait pour mission de « permettre une concertation régulière entre les différents acteurs du développement et de la solidarité internationale sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique française de développement ». Comme le rappelle l’étude d’impact, des structures de concertation existent sous différentes formes chez la plupart de nos partenaires, avec par exemple, aux États‑Unis, le Federal Advisory Committee to the Secretary of State for Strategic Dialogue with civil society et, pour l’agence USAID, l’Advisory Committee on Voluntary Foreign Aid.

La loi de 2014 devenant caduque par l’adoption de la présente loi ([27]), il est nécessaire de prévoir dans cette dernière des dispositions maintenant l’existence, au niveau législatif, de cette instance. Tel est l’objet de l’article 5 du présent projet de loi. Celui-ci définit le CNDSI comme « l’enceinte privilégiée et permanente de concertation entre les principaux acteurs du développement et l’État sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ». Cette rédaction est quasi-identique à celle figurant à l’article 4 de la loi du 7 juillet 2014.

L’article 5 renvoie à un décret le soin de préciser l’organisation du CNDSI, son fonctionnement et sa composition, dont il est seulement précisé qu’elle doit inclure « deux députés et deux sénateurs ». Cette dernière précision était indispensable dans la mesure où l’article L.O. 145 du code électoral ([28]) dispose que seule la loi peut prévoir la participation de parlementaires au sein d’organismes extraparlementaires. L’article L.O. 145 précise que la loi doit aussi déterminer « les conditions » de leur désignation, ce que ne fait pas l’article 5 du projet de loi. Par comparaison, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction actuelle, prévoit que la CNIL comprend deux députés et deux sénateurs, « désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat de manière à assurer une représentation pluraliste » ([29]).

Le cadre de partenariat, annexé au présent projet de loi, précise que le CNDSI sera présidé par le ministre chargé du développement qui, ce faisant, sera « le garant de la mobilisation de l’ensemble des parties prenantes ».

Le décret mentionné au présent article 5 a, de façon un peu curieuse, déjà été pris par le Premier ministre. Il s’agit du décret n° 2020-1756 du 30 décembre 2020 portant modification du décret n° 2013-1154 créant un Conseil national du développement et de la solidarité internationale. Il modifie la composition du CNDSI et fixe à dix le nombre de collèges dont il est composé (contre huit auparavant). Il fait passer de deux à trois le nombre minimum de réunions par an.

Votre rapporteur, dans son rapport d’août 2018, avait souligné l’utilité qu’il y aurait pour le CNDSI à se doter d’un collège dédié à la jeunesse tant le rôle de celle-ci, notamment sur le continent africain, sera l’élément clé des politiques durables de demain. Une telle initiative ne relève bien entendu pas du domaine de la loi.

2.   Les apports de la Commission

Outre une modification rédactionnelle, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur précisant que les parlementaires membres du CNDSI sont désignés par la commission permanente chargée des affaires étrangères de leur assemblée respective de manière à assurer une représentation pluraliste.

 

Article 6
(articles 1 et 2 de la loi n° 2005-159 du 23 février 2005
relative au contrat de volontariat de solidarité internationale)
Volontariats dits « réciproques »

1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 6 vise à étendre le dispositif du volontariat international en vue de proposer aux étrangers des missions en France. Votre rapporteur salue cette avancée historique, qui place la mobilité circulaire au cœur de la stratégie de partenariat et reconnaît l’intérêt mutuel des pays partenaires à développer ce type d’échanges.

Le volontariat constitue en effet une voie privilégiée de l’appropriation par la jeunesse des enjeux de la politique de développement. Or, le volontariat français souffre d’un très faible niveau de réciprocité. Selon l’étude d’impact, en 2018, moins de 200 jeunes provenant de 40 pays partenaires ont effectué un service civique en France, auxquels il convient d’ajouter une cinquantaine de jeunes prenant part aux programmes Jeunesse solidarité internationale et Ville-vie-vacances solidarité internationale. La France accuse en ce domaine un retard par rapport à certains partenaires, comme l’Allemagne, dont le programme de service civique à l’international Welwärts permet à 800 jeunes d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine d’effectuer un volontariat sur le territoire allemand.

L’accueil de volontaires internationaux en lien avec l’Agence du service civique s’est peu développé en raison des freins administratifs et réglementaires encadrant le dispositif : le Service civique est en effet peu adapté aux volontariats réciproques, dans la mesure où il répond aux priorités de la politique publique Jeunesse, et a été conçu avant tout pour mobiliser, sur le territoire national, des Français ou des résidents en France.

Aussi, il a été choisi, aux termes de l’article 6, d’étendre le champ des bénéficiaires du volontariat de solidarité internationale (VSI) afin de permettre aux ressortissants de pays tiers de s’engager sur le territoire français dans le cadre d’un contrat de volontariat de solidarité internationale. Afin de ne pas concurrencer le dispositif du Corps européen de solidarité, dispositif européen existant qui offre la possibilité à un jeune résident d’un État membre de l’Union européenne, de l’Islande, du Liechtenstein, de la Norvège, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, de la Turquie et des pays voisins de l’Union, d’effectuer un volontariat dans un de ces pays participants, il a été choisi en effet de ne pas ouvrir le VSI de réciprocité aux ressortissants de pays membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’espace économique européen.

L’étude d’impact anticipe une montée en charge progressive de ce dispositif, avec environ 80 missions financées la première année, et 300 missions, en cumulé, financées à horizon 2022.

2.   Les apports de la commission

Sur l’initiative de Mme Anne Genetet, la commission a souhaité lutter contre les dérives du « volontourisme », pratique qui consiste à proposer des séjours touristiques via les services d’une agence de voyage en les faisant passer pour du volontariat. À cette fin, elle a adopté un amendement assimilant à un dol l’utilisation des termes de « volontariat » ou « bénévolat » pour des activités payantes et à but lucratif, dès lors que cette contribution financière ne participe pas à financer le projet initial ou des projets annexes d’intérêt général.

 

Article 6 bis [nouveau]
Devoir de vigilance des organisations proposant des actions de volontariat

Introduit par la commission, le présent article vise à soumettre les organisations proposant des actions de volontariat au sein de structures œuvrant auprès de mineurs aux mêmes règles de vigilance que les organisations travaillant en France, en empêchant l’accès à ces séjours touristiques ou missions aux personnes ayant été condamnées pour crime ou pour certains délits.

Ainsi, les entreprises, les organisations ou les établissements d’enseignement supérieur, français ou étrangers, préparant depuis la France l’envoi à l’étranger de volontaires, de bénévoles ou de stagiaires dans le but d’effectuer des stages, des missions, des séjours touristiques ou des excursions au sein d’organisations qui bénéficient à des mineurs sont tenus de vérifier l’absence de condamnation à une « peine d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, pendant la durée de la mesure » mentionnée au bulletin n° 3, comme le prévoit le 4 ° de l’article L. 777 du code de procédure pénale.

 

Article 7
(articles L-515-13 du code monétaire et financier)
Renforcement de la tutelle sur l’Agence française de développement

1.   Les dispositions du projet de loi

L’activité de l’Agence française de développement s’est considérablement renforcée au cours de ces dernières années, tant sur le plan des missions qui lui ont été confiées que sur le plan des moyens budgétaires. L’État lui a ainsi progressivement transféré des compétences (notamment le secteur de la gouvernance en 2016) et a investi massivement dans la croissance de l’activité de l’agence en en faisant l’opérateur pivot de la mise en œuvre de la politique bilatérale de la France, par le biais notamment :

—  d’un renforcement des fonds propres de l’AFD en 2016, pour un montant de 2 408 millions d’euros, ce qui a permis à l’agence d’accroître ses engagements, notamment dans les pays où elle intervient en prêts ;

—  d’un rehaussement sans précédent des moyens de l’agence consacrés aux dons, avec un milliard d’euros d’engagements supplémentaires en 2019, dans le cadre d’un « effort qui sera soutenu tout au long du quinquennat », selon la formulation du CICID de 2018.

Cette forte croissance de l’activité de l’AFD implique un renforcement de l’exercice de la tutelle de l’État sur l’agence, tant au niveau national qu’au niveau des pays partenaires, et une meilleure redevabilité devant le Parlement.

Aussi, l’article 7 vise à rehausser au niveau législatif les dispositions relatives aux missions de l’agence et à l’exercice de la tutelle de l’État sur l’opérateur, et à expliciter le rattachement de l’AFD à la catégorie des établissements publics concourant à l’action extérieure de l’État. Dans cette optique, il précise les missions de l’AFD, la tutelle exercée par l’État et le statut de l’agence, qui deviendra un établissement public à caractère commercial contribuant à l’action extérieure de l’État, au sens de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État. À ce titre, les règles du chapitre 1er de cette loi s’appliqueront à l’agence, en particulier les dispositions concernant son activité à l’étranger, qui s’exercera sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, dans le cadre de la mission de coordination et d’animation de ces derniers. Cette disposition permet d’orienter les efforts de tous les services et opérateurs de l’État vers une stratégie commune, pour une plus grande efficacité de l’aide. Elle s’incarnera dans la mise en place d’un conseil local du développement, présidé par le chef de mission diplomatique, regroupant tous ces acteurs, dont le fonctionnement est détaillé dans le cadre de partenariat global.

L’article 7 reconduit également les dispositions prévoyant que l’AFD est autorisée à gérer, sous la forme de fonds de dotation, des fonds publics ou privés. Ces dispositions étaient déjà présentes dans la loi du 7 juillet 2014 précitée, mais leur période de validité était limitée à cinq ans. Cette autorisation est particulièrement nécessaire dans le contexte du rapprochement avec Expertise France. Elle permettra de renforcer la capacité de l’AFD à recevoir ou à confier la gestion de fonds à une large variété d’organismes (Union européenne, institutions ou organismes internationaux, collectivités publiques, États étrangers).

Enfin, l’article 7 autorise l’AFD à détenir tout ou partie du capital de la société Expertise France, afin de poser le cadre juridique du rapprochement avec Expertise France ([30]).

2.   Les apports de la commission

Dans sa rédaction actuelle, l’article 7 ne prévoit pas la présence de parlementaires dans le conseil d’administration de l’AFD, ce qui revient à supprimer leur participation à cette instance stratégique, puisque la présence des parlementaires dans les organismes extérieurs au Parlement doit être prévue par la loi. La commission a considéré que l’objectif de redevabilité et de renforcement du pilotage politique de l’aide publique au développement devrait conduire, au contraire, au renforcement de la présence des parlementaires.

Aussi, la commission a souhaité porter à trois députés et à trois sénateurs le nombre de parlementaires membres du conseil d’administration de l’AFD, selon des modalités de désignation respectant la configuration politique de chaque assemblée.

 

 

Article 8
(loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010)
Rapprochement d’Expertise France avec le groupe Agence française de développement

1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 8 modifie la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État afin de prévoir la transformation de l’établissement public dénommé « Agence française d’expertise technique internationale » en société par actions simplifiée dénommée « Expertise France », dont le capital est public, et à la date de sa transformation, entièrement détenu par l’État.

Cette disposition s’inscrit dans la suite logique des décisions du CICID de 2018, qui avait prévu une intégration d’Expertise France au sein du groupe AFD élargi à horizon mi-2019, afin de poursuivre la rationalisation et d’accompagner la montée en puissance de l’écosystème français du développement. Ce rapprochement, déjà largement anticipé par les acteurs concernés, permettra à l’AFD de disposer d’une gamme complète de services et de disposer d’une taille critique, dans un contexte international marqué par la concentration croissante des opérateurs.

Conformément aux objectifs du CICID, les dispositions de l’article 8 rendent possible l’intégration au groupe AFD d’Expertise France tout en préservant l’autonomie stratégique et la mission de service public de cette dernière.

L’alinéa 4 prévoit ainsi, à compter du 1er juillet 2021, la transformation d’Expertise France en société par actions simplifiée, option la plus à même de faciliter les synergies au sein du groupe et de simplifier la gestion d’Expertise France. Le positionnement de l’activité d’Expertise France sur les marchés concurrentiels est l’une des principales raisons ayant conduit à retenir le statut de société commerciale. En outre, comme le souligne l’étude d’impact, le statut de la société par actions simplifiée a été préféré à celui de la société anonyme, car il « permet de bénéficier de la robustesse du cadre légale et réglementaire s’imposant aux sociétés commerciales tout en permettant certaines adaptations en matière de gouvernance, incompatibles avec le statut de société anonyme mais indispensables pour maintenir un lien fort entre la société et ses tutelles ».

Les autres options envisagées ne présentaient pas les mêmes avantages. Ainsi, la création d’un GIE a été écartée car elle limitait les synergies attendues du rapprochement entre les deux agences. De même, la création d’un groupement d’EPIC, avec deux EPIC « filles » dépendant d’un EPIC « mère » a été écartée en raison des limites observées lors de l’expérimentation menée par la SNCF entre 2014 et 2018. Enfin, la création d’un dispositif ad hoc rattachant l’EPIC Expertise France à l’EPIC AFD a été jugée trop complexe et risquée, en raison de l’absence de modèle préexistant.

Plusieurs dispositions de l’article 8 permettent de garantir la préservation de l’autonomie stratégique et des spécificités d’Expertise France.

D’abord, l’alinéa 4 prévoit que son capital est public, et entièrement détenu par l’État à sa date de transformation. Pour mémoire, l’article 7 prévoit que l’AFD, qui « exerce une mission permanente d’intérêt public » puisse, à terme, détenir « tout ou partie » de son capital.

Ensuite, aux termes de l’alinéa 8, il est prévu qu’Expertise France « participe à des missions d’intérêt public au service de la politique extérieure, de développement, d’influence et de diplomatie économique de la France, dans le cadre des orientations stratégiques définies par l’État. »

Enfin, un système ad hoc de gouvernance est défini afin de permettre à l’État d’assurer un pilotage étroit des interventions d’Expertise France. Ainsi, des dérogations sont apportées à l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, afin de doter l’État des outils nécessaires pour assurer le pilotage de la société et des spécificités de ses missions, en application des conclusions du CICID du 8 février 2018. Le III de l’article 8 précise la composition du conseil d’administration de l’agence, qui comprendra notamment des parlementaires, et dont le président sera nommé par décret, sur proposition conjointe du ministre chargé du développement et du ministère chargé de l’économie.

En outre, conformément à l’article 1er de la loi de 2010 relative à l’action extérieure de l’État, une convention pluriannuelle conclue entre l’État, l’AFD et Expertise France définira les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions. Le ministre chargé du développement et le ministre chargé de l’économie nommeront chacun un commissaire du Gouvernement et continueront à disposer, au sein de leurs effectifs, d’équipes en charge du pilotage stratégique de l’agence. Le VI de l’article 8 prévoit que l’agence soit soumise au contrôle économique et financier de l’État dans les conditions prévues par le décret n° 55‑733 du 26 mai 1955 relatif au contrôle économique et financier de l’État. Enfin, le VII de l’article 8 prévoit que les statuts de la société soient approuvés par décret : ils préciseront ses missions, ses modalités d’organisation ainsi que son fonctionnement.

2.   Les apports de la commission

Dans une logique de renforcement de la redevabilité et du pilotage politique de l’aide publique au développement, la commission a porté à deux députés et à deux sénateurs le nombre de parlementaires membres du conseil d’administration d’Expertise France. Elle a également souhaité clarifier la gouvernance d’Expertise France en distinguant le rôle du président et du directeur général. Elle a, en outre, réduit de quinze à huit jours le délai imparti pour rendre exécutoire les délibérations du conseil d’administration. Enfin, elle a demandé la transmission par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur les coopérations opérationnelles entre l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations.

Article 9
Création d’une commission d’évaluation

1.   Les dispositions du projet de loi

Dans un contexte d’accroissement sans précédent des moyens consacrés à la politique de développement, l’article 9 crée une commission d’évaluation de cette politique, afin de faire de la redevabilité un axe central de la politique de partenariats. Cette commission s’inspire de l’Independant Commission for Aid Impact (ICAI) créée en 2011 par le Royaume-Uni. Le rapporteur salue cette avancée permise par le projet de loi, qu’il avait appelée de ses vœux dans son rapport de 2018, et qui s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres rapports parlementaires, comme celui de M. Rodrigue Kokouendo et de Mme Bérengère Poletti ([31]).

Ainsi, la commission d’évaluation instituée par l’alinéa 1 de l’article 9 a vocation à renforcer les capacités d’évaluation externe de la politique de développement et de rationaliser les dispositifs existant. L’alinéa 2 précise que la commission sera constituée de personnalités qualifiées désignées dans des conditions fixées par décret, et renvoie également à un décret le soin de fixer ses modalités de fonctionnement. Enfin, l’alinéa 3 précise que la commission arrêtera son programme de manière indépendante, et que tous les acteurs publics concernés devront lui apporter leur concours dans l’exercice de ses missions.

2.   Les apports de la commission

Compte tenu de l’importance du rôle que cette commission jouera dans l’évaluation, la transparence et la redevabilité de l’aide au développement, la commission a souhaité préciser les missions, la composition et les modalités de fonctionnement de la commission indépendante.

Ainsi, elle a précisé que la commission indépendante conduirait des évaluations portant sur la politique de développement, notamment son efficacité et son impact, et qu’elle contribuerait à la redevabilité de cette politique, à la transparence sur les résultats atteints ainsi qu’à l’information du public. Elle a souhaité rattacher le secrétariat de la commission à la Cour des comptes, afin de lui faire bénéficier de l’indépendance, de l’expertise, de l’expérience et de la renommée de cette institution de référence, tant le domaine du contrôle que dans l’évaluation des politiques publiques.

Le rattachement à la Cour des comptes s’inscrirait également dans une logique de rationalisation et de mutualisation des moyens. D’autres institutions de référence sont déjà adossées à la Cour des comptes, comme le Conseil des prélèvements obligatoires ou le Haut Conseil des finances publiques.

Enfin, la commission indépendante pourra être saisie de demandes d’évaluation par le Parlement et transmettra à ce dernier ses rapports d’évaluation.

Article 10
Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance sur l’attractivité

1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 10 prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les modalités d’octroi par le Gouvernement de privilèges et immunités sur le territoire français aux organisations internationales et aux associations ou fondations de droit français ou étranger assimilables à ces organisations internationales, qui installent leur siège en France ou qui souhaitent y organiser des conférences internationales, dans le but de renforcer l’attractivité du territoire français.

L’émergence, sur la scène internationale, de nouveaux acteurs, comme les associations ou fondations assimilables à des organisations internationales, implique en effet la mise en œuvre d’une politique d’attractivité visant à accueillir, en France, ces organismes très actifs dans le domaine du développement. Comme le souligne l’étude d’impact, le succès de ces organismes s’explique par leur adaptation aux nouvelles formes de gouvernance associant davantage la société civile, au besoin de réactivité de la communauté internationale, et à la volonté de promouvoir le multilatéralisme en associant certains États réticents à la création d’organisations internationales.

Compte tenu de la contribution directe de ces organismes internationaux au rayonnement international de la France et des importantes retombées économiques qu’ils génèrent, la définition d’une politique d’attractivité s’impose, dans des délais d’autant plus brefs que la concurrence internationale s’accroît.

Or, en la matière, la France est pénalisée par la lenteur de ses procédures, incompatible avec le besoin de réaction immédiate et de prévisibilité de la communauté internationale : la procédure d’approbation d’un accord de siège, soumis à l’autorisation préalable du Parlement, dure en moyenne dix-huit mois. En outre, comme l’a relevé le Conseil d’État dans une note de 2009, l’absence de politique française en matière d’attractivité des organismes internationaux est susceptible de conforter une image négative de notre pays : une politique d’accueil dynamique exige un « affichage plus séducteur » des privilèges et immunités, c’est-à-dire de l’ensemble des avantages dérogatoires au droit commun, comprenant notamment des mesures de protection contre l’intervention des organes étatiques, des exemptions fiscales et diverses facilités, qui leur sont accordés afin de garantir l’accomplissement sans entrave et en toute indépendance de leurs missions sur le territoire des États d’accueil.

De fait, plusieurs organismes importants ont choisi récemment de s’implanter dans d’autres pays plus attractifs de l’Union européenne, notamment la Suisse ou l’Autriche. Ainsi, la Suisse a pu accueillir ces vingt dernières années des organisations majeures dans le domaine de la santé, parfois créées à l’initiative de la France, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ou le GAVI (Alliance du vaccin). Plusieurs projets d’accueil d’organismes font actuellement l’objet de discussions, comme celui du Partenariat mondial pour l’éducation.

Aussi, l’article 10 prévoit d’habiliter le Gouvernement à recourir à des ordonnances pour répondre de façon cohérente à ces difficultés en mettant en place un dispositif rendant possible l’octroi de privilèges et immunités à ces organismes internationaux, sans qu’il soit nécessaire que des dispositions législatives ad hoc soient adoptées pour chacune d’entre elles.

L’ordonnance définira les modalités d’accueil et de séjour :

1° des organisations internationales ou des agences décentralisées de l’Union européenne qui envisagent de s’installer en France ou qui souhaitent y organiser des conférences internationales, de leurs personnels, des représentations et des représentants des États membres, des personnes officiellement invitées à participer à leurs travaux ainsi que des experts en mission pour le compte de ces organisations, en mettant le Gouvernement en mesure de leur accorder des privilèges et immunités sur le territoire français dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’accord international conclu aux mêmes fins ;

2° des associations ou fondations de droit français ou étranger assimilables à ces organisations internationales qui envisagent de s’installer en France ou qui souhaitent y organiser des conférences internationales, ainsi que de leurs personnels et des personnes officiellement invitées à participer à leurs travaux, en mettant le Gouvernement en mesure de leur accorder des privilèges et immunités sur le territoire français.

2.   Les apports de la commission

La commission n’a apporté que des modifications d’ordre rédactionnel à cet article.

Article 11
Abrogation des articles de la précédente loi du 7 juillet 2010

1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 11 vise à abroger les dispositions de la loi du 7 juillet 2014 précitée, à l’exception de ses articles 11, 13 et 14.

L’article 15 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale prévoyait en effet que la loi s’appliquerait jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation. Cependant, les dispositions normatives, codifiées ou non codifiées, de la précédente loi resteront en vigueur. Il s’agit de :

– l’article 11 de la loi du 7 juillet 2014, qui complète le titre Ier du livre II du code monétaire et financier par un chapitre VIII relatif à l’offre d’opérations de banque à des personnes physiques résidant en France par des établissements de crédit ayant leur siège social dans un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement et qui n’est pas partie à l’accord sur l’espace économique européen ;

– l’article 13 de la loi du 7 juillet 2014, qui modifie le chapitre IV du titre Ier de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État et portant création d’Expertise France comme établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie ;

– l’article 14 de la loi du 7 juillet 2014, qui prévoit notamment l’instauration du dispositif « 1 % déchets » permettant aux collectivités territoriales et autorités responsables de la collecte et du traitement des déchets de financer, dans la limite de 1 % des ressources affectées à ces services, des actions de coopération dans ce domaine avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, ainsi que l’organisation de campagnes d’information sur la solidarité internationale des territoires.

2.   Les apports de la commission

Sur l’initiative de Mme Sira Sylla et de M. Vincent Ledoux, la commission a souhaité que le Gouvernement présente au Parlement une évaluation du dispositif dit de « bi-bancarisation » établi par l’article 11 de la loi n° 2014 773 du 7 juillet 2014, et lui remette un rapport examinant les modalités de réduction des coûts de transaction des envois de fonds effectués par des personnes résidant en France vers des personnes résidant dans des pays éligibles à l’aide publique au développement.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

Lors de sa réunion du mercredi 27 janvier 2021 après-midi, ouverte à la presse, la commission a auditionné M. Rémy Rioux, directeur général de l’agence française de développement, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Notre ordre du jour appelle l’audition ouverte à la presse de M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Le rapporteur du projet de loi est M. Hervé Berville. Notre commission a souhaité vous entendre afin de bénéficier de votre regard expérimenté sur ce projet de loi et de recueillir votre analyse de l’évolution de l’aide publique au développement.

Ce projet de loi était extrêmement attendu par notre commission. Dès la fin de l’année 2018, nous nous étions organisés pour suivre l’élaboration de ce texte et préparer son examen. La commission était alors présidée par ma prédécesseur, Marielle de Sarnez, qui nous a quittés dans des conditions absolument tragiques. Notre commission est en deuil. Nous avons accompagné, durant tout le trimestre précédent, les souffrances de madame de Sarnez et sa disparition entraîne un deuil collectif.

La commission a exprimé, en 2019 et en 2020, des souhaits forts quant à ce texte, sur lesquels nous souhaiterons recueillir votre appréciation. Nous avons demandé que la future loi fixe les orientations stratégiques traduisant la vision de la France à long terme en matière d’aide au développement, et fixe une stratégie reposant sur deux axes : l’affirmation d’une politique de solidarité à l’égard des pays pauvres ou en crise d’une part, et la poursuite d’une politique de partenariat au développement avec les pays à revenus intermédiaires d’autre part.

Notre commission avait estimé nécessaire de renforcer le pilotage politique de l’aide publique au développement, en définissant une gouvernance renforçant la cohérence et la complémentarité des actions de la France dans les différents domaines d’intervention de cette aide. Ce pilotage devrait être national tout en accordant aux ambassadeurs, dans une logique de déconcentration, un rôle renforcé de coordination des aides.

Notre commission a souhaité que les financements bilatéraux et multilatéraux soient mieux articulés et fassent l’objet d’évaluations précises.

Nous avons également insisté sur la nécessité de renforcer les partenariats avec les entreprises privées et les collectivités territoriales.

Il nous est apparu en outre indispensable de mieux sensibiliser et d’associer les citoyens aux actions d’aide au développement.

Enfin, nous avons souhaité qu’une véritable culture du résultat soit mise en place par le contrôle et l’évaluation.

M. Hervé Berville. J’adresse, pour commencer, une pensée amicale, émue et pleine de gratitude à Marielle de Sarnez. Sans son abnégation, nous ne serions pas en train de discuter de ce projet de loi aujourd’hui. Je me souviens quand, en 2017, le gouvernement a pris la décision de raboter les crédits alloués aux organisations non-gouvernementales (ONG) alors qu’il avait promis de ne pas le faire. Elle s’était alors battue pour rétablir ces crédits. Elle a toujours été attachée à l’enjeu de la solidarité internationale et de la protection des plus vulnérables. Je souhaite ici la remercier.

Elle avait également été à l’initiative du rassemblement de tous les chefs de file des partis politiques sur ces questions. Ainsi, grâce à l’action de madame de Sarnez, madame Bérengère Poletti et moi-même avons été reçus le 25 janvier par le ministre des affaires étrangères pour discuter de ce texte de loi.

Je tiens enfin à vous féliciter, monsieur le président. J’ai beaucoup de bonheur à vous voir désormais présider cette commission.

Ce projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est le fruit d’un travail collectif, mené depuis plus de trois ans avec le gouvernement. Nous y retrouvons un certain nombre de priorités très fortes pour nous.

Pour la première fois, le gouvernement se dote d’une stratégie claire et lisible. Ce cadre de partenariat global donne à voir d’une part les priorités et les objectifs stratégiques du gouvernement, et d’autre part comment cette politique de partenariat est mise en cohérence avec l’agenda 2030 et l’accord de Paris. Cela est essentiel. Ma première question, monsieur le directeur, porte sur ce premier point : relevez-vous des manques ou bien des avancées dans ce cadre de partenariat global ? Correspond-t-il aux objectifs stratégiques de l’Agence française de développement (AFD) dans les prochaines années ?

Ma seconde question porte sur la programmation financière. Nous félicitons le gouvernement d’avoir maintenu un volume stable d’aide publique au développement, alors que la chute du revenu national brut (RNB) aurait insidieusement pu autoriser le gouvernement à réduire son volume. Le gouvernement poursuit une trajectoire claire, et cela apporte une prévisibilité à tous les acteurs. Dans un monde où les pays en développement font face à une augmentation massive de la dette, comment situez-vous le modèle de l’AFD ? Ce modèle de développement est d’abord basé sur les prêts. Dans quelle mesure la priorité accordée aux dons est-elle susceptible de faire évoluer le modèle de l’AFD et notamment ses relations avec l’État ? Enfin, tenant compte de cette trajectoire budgétaire, comment envisagez-vous les perspectives de soutenabilité budgétaire de l’AFD et le maintien de son modèle ?

Je soulève également une question sur les partenariats. Nous voulons que ce projet de loi soit résolument contemporain. La politique d’aide au développement ne se conduit pas simplement d’État à État. Au contraire, cette politique doit être en capacité de financer des plus petits acteurs – les acteurs de la diaspora, les jeunesses, les collectivités locales. Ce texte de loi prévoit ainsi le doublement des financements accordés aux organisations de la société civile, aux collectivités locales, mais également aux entreprises privées. Quel est le rôle de l’AFD dans ce contexte ? L’agence ne peut pas se substituer à un ministère de la coopération, mais en raison de ses compétences, joue un rôle important de plateforme. Comment l’opérateur AFD se positionne-t-il dans le contexte de démultiplication des acteurs et de foisonnement des initiatives dans les années à venir ? Je souhaiterais également en savoir davantage sur l’accompagnement et l’appui apporté par l’AFD aux petits projets.

Je terminerai par une question sur l’article 9 de ce projet de loi, portant sur la création d’une commission indépendante d’évaluation. La création de cette commission indépendante d’évaluation représente une grande avancée à nos yeux. Le parlement considère que l’augmentation des crédits de l’aide publique au développement doit créer une politique de redevabilité et de transparence, d’autant plus que les bénéficiaires finaux de cette aide vivent à des milliers de kilomètres. Vous avez été à l’initiative de la trajectoire de l’agence vers une plus grande évaluation de ses actions. Je souhaite recueillir votre avis sur cette politique d’évaluation et savoir comment l’AFD s’inscrira dans ce cadre. La commission indépendante fusionnerait l’unité d’évaluation du quai d’Orsay, l’unité d’évaluation de la direction générale du Trésor et celles de l’AFD. Comment inscrivez-vous votre groupe dans cette stratégie et comment comptez-vous améliorer l’évaluation de l’impact ? À nos yeux, l’évaluation ne revêt pas seulement un enjeu de transparence et d’efficience, mais aussi de crédibilité de notre action et d’influence. Par l’évaluation se joue la capacité de la France à rayonner dans sa politique de partenariats.

Je m’intéresserai également au pilotage de l’AFD. Le parlement est attaché à l’autonomie stratégique d’Expertise France. Comment comptez-vous garantir cette autonomie dans un groupe élargi ? Expertise France couvre un mandat géographique et sectoriel plus large que l’AFD. Je souhaite m’assurer que ses agents ne deviennent pas des experts exécutants des projets de l’AFD et que la France conserve une capacité à déployer de l’expertise en matière de politiques publiques. Dans le même temps, l’écriture actuelle du texte de loi ne prévoit-elle pas des lourdeurs en matière de gouvernance ? Le texte de loi ne nomme pas le directeur général, mais mentionne un président de conseil d’administration. Comment envisagez-vous l’amélioration et la simplification de la gouvernance ? Enfin, quel regard portez-vous sur la nouvelle architecture proposée par le projet de loi, qui prévoit des conseils locaux du développement animé par les ambassadeurs ?

Je souhaite enfin vous remercier. Depuis trois ans, en dépit de l’augmentation des crédits octroyés à l’AFD, nous avons maintenu une excellente qualité de relation et vous avez toujours été disponible pour répondre à nos questions. Siégeant au conseil d’administration, je témoigne du fait que toutes les informations qui doivent être communiquées le sont.

Cette loi d’orientation et de programmation ouvre l’opportunité de donner à la France tous les moyens pour répondre au triple objectif qu’elle s’est fixée : lutter contre la pauvreté, lutter contre les inégalités et lutter contre les changements climatiques en respectant les droits humains.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le rapporteur s’est fait l’écho des questions principales qui nous occupent. Je vous laisse le temps nécessaire pour nous apporter les éclaircissements que vous jugez utiles.

M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement. Je souhaite d’emblée rendre hommage à votre présidente, Marielle de Sarnez. Je sais qu’elle attendait ce débat avec un grand intérêt et tout son engagement. Elle avait préparé ce projet de loi par beaucoup de travaux de la commission. C’est une douleur qu’elle ne soit pas présente.

Marielle de Sarnez était très attachée au fait que ce texte constitue bien une politique : la politique de développement. Je suis tout à fait d’accord avec cette lecture. Nous avons, pendant de nombreuses années, eu tendance à considérer le développement comme un instrument au service d’autres fins politiques. Le développement constitue un pilier de notre politique étrangère, en effet, mais celui-ci doit recevoir un mandat politique spécifique, fixé au plus haut niveau par la représentation nationale. L’agence que je dirige doit exécuter ce mandat. Le débat que vous avez engagé autour de cette loi de programmation est par conséquent très important pour nous. Nous sommes conscients de notre responsabilité et de la redevabilité attendue, à mesure d’ailleurs que la charge budgétaire qui nous est confiée augmente.

Ma lecture de la loi est très positive. Elle donne l’occasion d’un débat public et d’une refondation de cette politique. Vous allez fixer une ligne, qui avait été troublée ou oubliée par le passé – au moins depuis 2014 et la dernière loi, qui était d’ailleurs la première du genre. Je salue les nombreux travaux de votre commission à ce sujet : les différents rapports produits ainsi que le groupe de travail sur l’aide publique au développement et l’action humanitaire. Nous sommes très heureux que cette mandature soulève des débats qui nous interpellent.

Ce débat est d’autant plus important que nous conduisons chaque année des sondages sur les Français et le développement. Les personnes qui se déclarent informées de la politique de développement la trouvent efficace à 70 % ; les personnes qui s’avouent mal informées la considèrent inefficace. Nous constatons que la plupart des personnes se déclarent mal informées –  d’où l’importance de diffuser un maximum d’informations sur la politique d’aide au développement.

Les évaluations sont une matière absolument essentielle. La totalité de nos évaluations est désormais mise à disposition en ligne. En 2020, nous avons évalué 43 % de nos projets – dans le Sahel, ce chiffre atteint les 88 %. Nous versons toute cette matière au débat public. Il est très important de disposer d’une instance indépendante qui vienne questionner les résultats des opérateurs et porter sur eux un regard extérieur et objectif. L’évaluation des projets internationaux est également intéressante en ce sens qu’elle peut servir à nourrir nos propres politiques publiques en France. Plus cette approche sera adoptée, plus nos politiques publiques seront riches et éclairées d’éléments utiles de parangonnage. En ce sens, l’article 9 du projet de loi ainsi que tous les éléments portant sur la transparence sont très bienvenus dans le cadre de ce débat.

La loi apporte une visibilité budgétaire : les crédits de la mission aide publique au développement connaissent 75 % d’augmentation entre 2016 et 2022. Il s’agit de la mission qui augmente relativement le plus dans tout le budget de l'État. La fixation de l’objectif de 0,55 % – qui sera atteint, et peut-être même dépassé – constitue une excellente nouvelle pour nous tous. Cela est d’autant plus vrai à un moment où nos collègues britanniques, considérés pendant vingt ans comme les leaders de la politique d’aide au développement dans le monde, réduisent d’un tiers les crédits qui y sont alloués. Je le regrette. Les décisions du gouvernement français sont donc très positives pour l’influence de notre pays.

La loi fixe un nouveau récit de la politique de développement : elle mentionne les politiques partenariales, le développement solidaire, les inégalités mondiales, l’approche globale intégrée. Nous trouvons ainsi les mots français pour dire les objectifs de développement durable et l’accord de Paris. Cela permet de mieux transcrire le lien entre les politiques et les espaces, et d’exprimer l’idée selon laquelle les enjeux nationaux se retrouvent dans l’international. Cela permet de ne pas faire du développement seulement un enjeu extérieur et étranger, mais de reconnaître que nos intérêts s’y expriment. Ces intérêts sont bienveillants, généreux, ouverts ; ils recouvrent également l’intérêt de bâtir une relation de long terme avec les pays du Sud. De ce point de vue, tous les éléments issus du rapport d’Hervé Berville et des travaux d’Esther Duflo sur l’innovation, le volontariat réciproque (article 6), l’attractivité de la France (article 10) viennent nourrir le récit du lien réciproque entre notre pays et le reste du monde.

Il me semble que l’AFD est déjà mobilisée au service de cette ambition. Je ne vois pas de contradiction entre le cap que vous allez fixer et le mandat de l’AFD. Au contraire, nous souhaiterions pousser plus loin encore ces ambitions. Nous menons toutes nos activités sous le contrôle du gouvernement et des ambassadeurs. Je souhaiterais que l’agence soit le plus près possible de son mandat politique – c’est en effet de là qu’elle tire sa force et ses moyens. Nous sommes un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et nos activités prennent place dans le cadre d’une gouvernance et d’un conseil d’administration dans lequel siègent des députés et des sénateurs. Je salue ici Hervé Berville, Amélia Lakrafi, Bérengère Poletti et Dominique Potier pour leur soutien vigilant depuis plusieurs années.

Une partie du chemin financier tracé dans la loi de programmation est déjà mené. Nous sommes passés de 7 milliards d’euros à 14 milliards d’euros de financements par an. Cela représente une empreinte financière significative. Nous allons stabiliser notre budget 2021 et 2022 autour de 12 milliards d’euros par an, et poursuivre la consolidation et la modernisation de l’agence, notamment en améliorant les décaissements.

Il est en effet nécessaire de trouver un équilibre entre les prêts et les dons. Pendant de nombreuses années, nos moyens en subventions et en dons ont été réduits à portion congrue et nous avons donc fortement soutenu l’activité en prêts. Nous sommes maintenant revenus, avec votre confiance et votre vote, à un ratio de 80 % de prêts pour 20 % de dons et subventions – à cela s’ajoute près d’un milliard d’euros alloués par l’Union européenne, puisque notre agence met également en œuvre des moyens et des priorités européennes. Il est donc nécessaire de garder un équilibre d’instruments et de savoir les gérer de façon différente selon leurs caractéristiques. Je me considère agnostique sur les instruments. Il faut disposer des instruments correspondant à la politique qui nous est fixée, et non élaborer une politique en fonction de nos instruments – comme cela a pu être le cas dans le passé.

En réponse à votre question sur le soutien que l’AFD apporte aux petits projets : à mes yeux, la seule distinction utile est celle entre les bons et les mauvais projets. Il ne faut pas s’arrêter au montant du projet. Il faut être capable de gérer avec agilité des projets de petite taille, s’ils ont un impact et une exemplarité très forts, et savoir mener des projets de taille plus significative.

Je reviendrai que le cadre de partenariat et les priorités fixées. Qu’il s’agisse des priorités transversales, des priorités sectorielles ou des priorités géographiques, nous sommes tout à fait à l’aise avec votre formulation et vos documents. Nous soutenons et servons les activités en Afrique et dans la Méditerranée ; sur le climat ; en matière de diplomatie féministe et d’égalité entre les femmes et les hommes. Il est intéressant d’étudier la somme de ces priorités. Les sujets climatiques se rapprochent de la biodiversité ; ces sujets ayant trait à la planète amènent la question des inégalités et donc les questions sociales. L’agenda des objectifs de développement durable émerge et oriente nos activités.

J’ai en effet affirmé que l’AFD devenait une plateforme. J’ai indiqué dans notre plan stratégique que nous devions adopter un réflexe partenarial. Le message que je passe aux agents de l’AFD est de systématiquement chercher à tourner le plus grand nombre possible de partenaires vers le sud et vers notre action internationale. Il peut s’agir de partenaires français – cela est notre responsabilité – mais aussi de partenaires internationaux. Je citerai l’alliance Sahel de 2017 ou le sommet Finance en commun de novembre 2020 qui a rassemblé les banques de développement. Nous nous servons donc des moyens que vous nous accordez pour rassembler des coalitions plus larges.

Plusieurs dispositions du projet de loi nous concernent très directement. Les deux articles portant sur l’AFD et sur Expertise France sont les plus importants pour nous : ils fondent le groupe AFD. Jusqu’à présent, l’AFD ne disposait que d’une filiale, Proparco. Si vous nous témoignez cette confiance, vous nous ajouterez une seconde filiale et nous deviendrons alors un groupe public très différent. L’on voit déjà émerger, dans le rapprochement mené avec Expertise France, des dynamiques très intéressantes. Je regrette que notre expertise et notre capacité d’assistance technique se soient effondrées : elles représentaient 70 % de l’aide publique au développement dans les années 1970, rassemblant 25 000 experts dans le monde entier – ils sont aujourd’hui 150 experts. Cet instrument a connu le choc le plus brutal, en partie car il était isolé. L’AFD a d’ailleurs une part de responsabilité dans cet effondrement. Elle a considéré qu’il valait mieux conduire des financements et oublier la dimension humaine de l’assistance technique, qui est absolument essentielle. Nous allons maintenant présenter à nos clients une offre commune, réunissant en même temps l’offre financière et l’offre non financière. Cela va avoir pour effet de renforcer considérablement le volet d’expertise de notre action internationale. Nous allons apporter à Expertise France un réseau : le modèle économique d’Expertise France ne lui permet pas de créer un réseau à l’étranger, or l’AFD dispose déjà d’un réseau. Soyez assurés que nous allons le faire dans le respect du mouvement propre et de l’autonomie d’Expertise France dans le groupe AFD. Il est nécessaire qu’Expertise France remporte des marchés auprès de l’Union européenne, du Fonds vert pour le climat, de la Banque mondiale pour rayonner encore davantage et accroître les ressources orientées par les priorités fixées par la France. Je n’ai pas de problème de principe avec les dispositions prévues dans ce projet de loi pour garantir le mouvement propre d’Expertise France.

Le 1 % mobilité est une très bonne disposition. Nous disposons de l’expérience en la matière car nous connaissons la loi Oudin dans le domaine de l’eau. Ce type de financement innovant est extrêmement important.

Enfin, nous sommes très attachés à bien distinguer les deux mandats que nous servons : un mandat de solidarité et de lutte contre la pauvreté orienté vers les pays qui ont décroché et qu’il est nécessaire de ramener dans le mouvement général de coopération internationale ; un mandat portant sur les biens publics mondiaux et le développement durable, qui s’exprime dans les pays émergents ainsi que dans nos Outre-Mer. Qualifier d’aide ces deux mandats conduit à délégitimer le mandat conduit avec les pays les plus riches. La loi est très intéressante en ce sens car elle distingue bien ces deux mandats, très différents et qui ont tous deux leur utilité.

Je terminerai par quelques remarques sur des éléments qui pourraient émerger de vos discussions et qui ne sont pas présents dans le projet de loi.

Il existe un débat sur les biens mal acquis. Il s’agit de savoir s’il est possible d’envisager un mécanisme qui permette, dans une logique de grande transparence et de respect des droits humains, de rendre les sommes aux populations des pays dans lesquels elles ont été prélevées. L’agence et son réseau sont absolument disponibles pour contribuer à cette orientation.

Émergera également peut-être de vos débats la question de la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le terrorisme, et notamment sa compatibilité avec des actions de développement dans des zones très fragiles comme le Sahel. À ce sujet, peut-être une solution juridique pourrait-elle émerger pour assurer une cohérence entre ces deux objectifs, qui se retrouvent parfois en contradiction dans certains territoires.

Enfin, je souhaite revenir sur nos Outre-Mer. Il est important, dans ce nouveau récit, de faire de nos territoires ultramarins des plateformes de coopération avec les pays voisins. Je souhaiterais que l’on puisse aligner et rendre opérants l’ensemble des outils du groupe AFD à l’étranger et en Outre-Mer : cela n’est pas le cas de Proparco ni d’Expertise France, qui n’interviennent aujourd’hui pas dans les Outre-Mer. S’agissant de Proparco, la décision relève du conseil d’administration de l’AFD. S’agissant d’Expertise France en revanche, il s’agit d’un sujet de nature législative puisque la loi fixe le mandat et les territoires d’intervention d’Expertise France.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si je puis me permettre une comparaison insolente – n’y voyez pas malice, je la formule dans un souci de pédagogie – : la difficulté est que vous êtes à la tête d’une institution chauve-souris, dont on ne sait pas si elle vole ou si elle marche. Vous êtes à la fois le bras séculier d’un ministère qui s’efforce de développer une politique publique à caractère régalien d’aide et d’assistance ; et un opérateur bancaire qui est amené à prélever et à distribuer des ressources, à prendre des risques et à avoir le souci de la rentabilité. Toutes ces activités sont conduites, vous l’avez rappelé, au service de deux objectifs assez différents. Je cède maintenant la parole aux représentants des groupes politiques.

M. Jean-François Mbaye. La solidarité internationale constitue l’un des fers de lance de la politique étrangère française, et celle-ci est rendue d’autant plus indispensable dans le contexte d’une crise sanitaire certes mondiale, mais qui frappe avec plus d’intensité les pays les plus pauvres et les plus fragiles. La logique de partenariat est essentielle en ce sens ; je rejoins M. Hervé Berville pour préférer employer ce terme plutôt que celui d’aide publique au développement. Je suis ravi de constater que le gouvernement maintient le cap d’une trajectoire financière ambitieuse, au service d’une gouvernance et de moyens renforcés. L’AFD sera au cœur de ce dispositif qui permettra de remplir ses missions actuelles avec encore plus d’efficacité.

Je souhaite vous entendre sur l’initiative, qui émane d’un rapport parlementaire de nos collègues Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann publié en novembre 2019, d’un dispositif de restitution des produits de la cession des biens mal acquis. Cet élément manque, à mon sens, à ce projet de loi – je l’avais évoqué lors de l’examen des crédits de la mission en séance publique. Je juge bon d’inscrire et de porter collectivement cet enjeu dans ce texte.

Je souhaiterais ensuite également voir figurer dans le texte un volet sur le droit humanitaire et l’action des ONG, qui constituent un des moteurs essentiels de l’aide publique au développement. Je souhaite recueillir votre sentiment à ce sujet.

Mme Bérengère Poletti. Je souhaite vous remercier une nouvelle fois, monsieur Rémy Rioux, pour vos vœux, par lesquels j’ai appris incidemment que je n’étais plus membre du conseil d’administration de l’AFD. J’ai fait part de cette nouvelle au ministre. Au moment où le parlement étudie un texte de loi qui se veut rassembleur, il est injuste de ne faire siéger au conseil d’administration de l’AFD plus que deux représentants de la majorité de l’Assemblée nationale. La loi de 2018 relative à la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement, sous prétexte de mieux représenter les parlementaires, a supprimé les suppléants au sein des conseils d’administration. Cela pose problème d’un point de vue démocratique, alors que nous souhaitons augmenter de manière considérable les moyens alloués à l’aide publique au développement. J’ai demandé à mon président de groupe de s’adresser au président de l’Assemblée nationale afin de corriger cela. Il s’agit d’un irritant, je trouve cela très injuste et non propice à la sereine discussion.

Marielle de Sarnez était soucieuse de la place du parlement ; or, la transparence constitue un enjeu important dans l’aide publique au développement pour nous, parlementaires, ainsi que pour nos concitoyens. La totalité de l’aide publique au développement demeure bien opaque. Un tableau, page 52 du texte, présente les prévisions d’aide publique au développement pour la période 2020 – 2022. Il apporte plus d’informations que je n’en ai reçues durant les dernières années écoulées. Ce tableau très clair décrit assez précisément les mouvements de crédits qui vont s’engager. Je formule à ce sujet plusieurs questions.

La commission d’évaluation constitue, à mon sens, le cœur de la réforme. Elle doit faire l’objet d’un décret. Énormément d’informations à son sujet sont manquantes dans la version actuelle du texte : quels seront sa composition, son statut, ses méthodes, ses objectifs ? Tout cela reste à définir. Le ministre nous a expliqué récemment qu’il était très ouvert sur la constitution de cette commission. Beaucoup de questions se posent sur le rôle de la Cour des comptes dans cette commission. Comptons-nous mettre en place une commission totalement indépendante sur le modèle britannique ? Je souhaite donc vous interroger sur le contenu de la commission. S’occupera-t-elle exclusivement d’évaluation, ou s’intéressera-t-elle également aux problématiques de transparence et de contrôle ?

Je soulève également la problématique de la programmation des crédits. Il s’agit d’une loi de programmation 2020 – 2025. Or, la vision sur la ventilation et l’augmentation des crédits s’arrête en 2022. J’ai compris que pour les années suivantes, des décisions devront être prises ultérieurement, sans forcément recueillir l’avis du parlement. Cela me pose problème. Si les crédits actuels étaient prolongés jusqu’en 2025, je souhaite recueillir votre avis sur l’inscription du 0,7 % dans la loi. Les ONG évoquent même un détail de 0,15 % du RNB, inscrit dans la loi, pour les pays les moins avancés.

Je formule un dernier commentaire sur cette programmation. L’objectif de 0,55 % ne serait pas atteint en 2021 ni même en 2022, si nous ne ressentions pas l’impact très important de la dette et l’augmentation de la contribution de la France au budget de l’Union européenne au titre de l’aide publique au développement.

M. Bruno Fuchs. Vous avez évoqué une culture du résultat. À ce sujet, je partage les réflexions de notre rapporteur sur les indicateurs. Quel est votre regard sur les indicateurs actuels ? Ne pensez-vous pas nécessaire de les repenser à la lumière d’objectifs très concrets tels que le recul de la faim dans le monde, l’alphabétisation, l’accès à l’eau potable, plutôt que la part de RNB dépensée ?

Ma deuxième question porte sur le lien entre la bonne gouvernance démocratique des États et les programmes que nous continuons à déployer dans ces pays. Le projet de loi entend faire de la politique de développement un pilier de la politique diplomatique de notre pays, mais il n’entend pas créer de lien entre les positions politiques et diplomatiques de la France à l’encontre de régimes et de dirigeants qui contreviennent gravement aux principes démocratiques et à leurs engagements internationaux d’une part, et à sa politique financière d’aide au développement d’autre part. Il restera donc théoriquement possible de condamner les agissements politiques d’un régime tout en initiant des programmes de développement dans ces mêmes régimes. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Je rejoins la question précédemment posée sur les biens mal acquis. Trois procédures ont actuellement cours en France à ce sujet. Des actifs, détenus par le vice-président de la Guinée-Équatoriale, ont été saisis par la justice. Par ailleurs, une proposition de loi émanant du sénateur Jean-Pierre Sueur a déjà été votée au Sénat sur ce sujet. Je soutiens donc la légitimité de l’AFD pour porter un éventuel fonds pour gérer les sommes saisies.

Enfin, ne faudrait-il pas lier plus clairement l’aide au développement aux facteurs de développement économique de la France, en privilégiant les programmes qui font appel aux entreprises et aux acteurs français ou francophones, et en exclure plus systématiquement les acteurs d’autres pays ?

M. Alain David. Mon collègue Frédéric Petit et moi-même avons présenté ce matin un dossier sur les dérèglements climatiques et les risques de conflits dans le monde. Ceci est relativement mal pris en compte par les pays et par la solidarité internationale. L’AFD pourrait-elle intervenir plus souvent sur ces dossiers, qui nécessitent une attention particulière dans les années à venir ?

Ensuite, France Médias Monde, notre opérateur d’audiovisuel extérieur, fait rayonner la France et la francophonie à l’étranger. L’État étant obligé de restreindre sa participation, France Médias Monde connaît actuellement des difficultés de financements. Pourrions-nous trouver, avec l’AFD, des moyens pour aider à stabiliser les financements de notre audiovisuel extérieur ?

Enfin, j’en viendrais à la question des suppléants au conseil d’administration de l’AFD, qui concerne mes collègues Dominique Potier et Bérengère Poletti. Notre groupe a effectivement protesté contre cette situation qui nous semble tout à fait anormale s’agissant de la représentation de l’opposition dans votre administration.

M. M’jid El Guerrab. À l’été 2015, le Président de la République avait annoncé l’augmentation de 4 milliards d’euros des engagements de l’AFD à l’horizon 2020 et son rapprochement avec le groupe de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), avec l’objectif de renforcer les moyens de l’agence et de faire de la CDC l’une des plus importantes institutions financières publiques européennes. Trois scénarios avaient été esquissés : d’abord, une intégration de l’AFD à la CDC ; ensuite, la transformation de l’agence en filiale du groupe CDC, codétenue par l'État et par la Caisse des dépôts ; enfin, le rapprochement de l’AFD par une intégration au groupe sans intervention capitalistique.

Cette troisième hypothèse fut celle que vous souteniez alors, monsieur le directeur général. Les objectifs annoncés de ce rapprochement furent de renforcer les fonds propres de l’AFD pour lui permettre d’honorer ses engagements et de développer les synergies importantes qui existent entre la Caisse des dépôts et l’AFD, sur le modèle de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW ; en français : Établissement de crédit pour la reconstruction) allemande. Or, il est apparu très vite que la nécessité de respecter le modèle financier de la Caisse des dépôts rendait difficile le modèle d’une filialisation. Vous avez récemment appelé, monsieur le directeur général, à s’appuyer davantage sur les investissements publics à l’occasion d’une tribune dans Les Échos. Le rapprochement entre la Caisse des dépôts et l’AFD pourrait-il être réactualisé, et si oui, comment ?

La loi Sapin II, en son article 153, prévoyait la publication d’un rapport sur cette alliance nouvelle. Qu’en est-il ?

Si cela n’était pas possible, comment accroître l’activité internationale de la Caisse des dépôts, qui dispose d’un budget confortable ?

Ensuite, comment permettre à l’AFD de répondre à une critique qui lui est souvent adressée, à savoir celle de ne pas financer beaucoup de micro-projets en raison de ses procédures financières très complexes ?

Enfin, je me fais l’écho de la question de ma collègue Sira Sylla, qui n’a pas pu participer à cette audition. Elle souhaite recueillir votre avis sur sa proposition de loi sur la bi-bancarisation. Ce texte prévoit la possibilité de détenir un compte en Europe et en Afrique, afin de procéder à des virements bancaires sans recourir aux agences de transferts d’argent. Ces transferts financiers entre le Nord et le Sud représentent trois à quatre fois le montant de l’aide publique au développement des pays du Nord vers l’Afrique. La Banque mondiale les évalue à environ 500 milliards de dollars. Comment serait-il possible de s’appuyer sur ces transferts et de les réorienter vers des investissements productifs plutôt que vers de l’aide à la subsistance ?

Je conclurai en abordant une question à laquelle je sais que le ministre est très sensible : la communication de l’AFD s’agissant de l’aide publique française apportée aux pays en voie de développement. Je constate une forme de pudeur dans cette communication. Au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, je ne vois pas beaucoup de drapeaux français affichés sur les projets que nous finançons. D’autres pays, comme la Turquie et la Chine, les revendiquent bien davantage.

M. Rémy Rioux. Je répondrai à votre interpellation initiale sur les chauve-souris. J’espère vous apporter la démonstration que nous disposons du sérieux et de la capacité d’une banque. Dans beaucoup de contextes, soit parce qu’ils sont risqués, soit parce qu’il faut être à l’échelle du problème, nous finançons des petits projets – nous trouvons alors l’agilité d’une agence. Il me semble que nous disposons plutôt, auprès de nos partenaires et clients, du crédit de l’agilité.

Je répondrai ensuite à la question de Jean-François Mbaye. Nous sommes bien informés, conscients, et en contact avec les parlementaires qui portent le sujet des biens mal acquis. Plusieurs rédactions de textes sont en cours d’élaboration au sein du gouvernement, comme au Sénat et à l’Assemblée nationale, poursuivant chacune différentes options techniques. L’option du fonds de concours est sans doute la plus prometteuse. Le fait que la France porte ce sujet constituerait un signe important en matière de bonne gouvernance et de droits humains, ainsi qu’un honneur pour notre agence de l’exécuter. Nous en avons acquis l’expérience technique avec le mécanisme des contrats de désendettement (C2D), que nous pratiquons depuis plusieurs années. Ce mécanisme devra évidemment être adapté, mais la restitution des biens mal acquis pourrait lui ressembler. Le sujet, avec votre attention, est bien exploré – c’est la raison pour laquelle je pense qu’il est prêt à aboutir, et nous nous tenons à votre disposition pour cela.

L’AFD est un opérateur du développement. Ce sujet est très nettement distinct des sujets humanitaires. L’humanitaire consiste à porter secours et à apporter des solutions de court terme. Le métier de l’AFD, au contraire, repose sur des enjeux de long terme. Cela ne veut pas dire que les questions de long terme ne doivent pas se traiter dans le court terme. L’on observe ainsi que le monde de l’humanitaire (le Comité international de la Croix-Rouge, CICR ; le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, HCR) vient chercher des acteurs comme l’AFD. Il les sollicite, par exemple, sur la problématique des camps de réfugiés qui deviennent pérennes et demandent l’adduction d’eau et l’assainissement. Il est alors nécessaire de recourir à l’expertise des acteurs du développement pour venir en aide à ces populations qui se fixent. Je mentionnais tout à l’heure les enjeux de lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme : ceux-ci concernent avant tout le secteur humanitaire, mais peuvent entraver l’action des acteurs du développement. C’est pourquoi je souhaiterais trouver un cadre utile pour que les différents instruments puissent se déployer simultanément.

Madame Poletti, vos deux questions ne s’adressaient pas à moi, vous m’excuserez donc d’y répondre de façon laconique. Je vous remercie, vous et Dominique Potier, pour ce que vous avez amené d’exigence, de qualité, d’expérience de terrain dans les débats de notre conseil d’administration. Je rappelle que la présence des parlementaires dans un conseil d’administration d’un établissement public est un élément important, qui constitue une corde de rappel du mandat qui nous est fixé et enrichit largement les débats collectifs.

S’agissant de la transparence et de la trajectoire budgétaire, il revient aux ministres et à leurs administrations de vous répondre sur la mécanique prévue d’ici à 2022 puis à 2025. Évidemment, des échéances politiques majeures auront lieu d’ici à 2025, ce qui explique la rédaction actuelle de la proposition de loi. À ce titre, l’article 2 qui prévoit la publication d’un rapport annuel peut permettre de progresser encore dans l’explicitation de la trajectoire budgétaire. Cette politique est complexe dans son fonctionnement ; il est important de pouvoir la préciser.

Il est très important de ne pas s’arrêter aux chiffres financiers engagés. Il faut présenter des résultats. La politique de développement doit prouver des résultats de trois ordres : d’abord, des impacts concrets (à ce sujet, nous rendons des comptes régulièrement par des grands indicateurs d’impacts et à travers nos projets) ; ensuite, la mobilisation (un euro d’argent public investi doit être démultiplié par des effets d’entraînement sur d’autres acteurs financiers publics et privés) ; enfin, et cela est beaucoup plus difficile à mesurer, les projets doivent avoir un effet sur les politiques publiques et engager la transformation attendue du pays. Le travail même d’Esther Duflo est de mesurer la capacité des innovations à changer les politiques publiques dans les pays bénéficiaires. Cet objectif, bien que difficile à mesurer, n’est pas négligeable et est pleinement inclus dans la mission de développement. Il sera très utile de disposer d’une commission d’évaluation qui viendra nous demander des comptes sur ces résultats.

Je ne suis pas favorable à une conditionnalité très stricte, comme le proposait Bruno Fuchs. À mon sens, remettre la politique de développement et ses instruments à un niveau d’intérêt significatif constitue un élément de la relation bilatérale. Il appartient aux ambassadeurs et au ministères des affaires étrangères, qui disposent de la vision d’ensemble des différents fils tissés avec un pays, d’orienter cette relation. Je reçois énormément d’indications sur les volontés politiques de différents pays et sur l’orientation de nos relations bilatérales par les directeurs géographiques du Quai d’Orsay. J’en tiens évidemment compte dans le pilotage de l’agence.

J’ai donné beaucoup de signes encourageant l’influence économique. Nos réflexions à ce sujet évoluent et sont en cours de maturation. Les financements de l’AFD sont déliés. Cela s’explique en partie par le fait que nous rentrons dans de nombreux cofinancements avec d’autres banques de développement ; cela crée, in fine, de beaucoup plus gros volumes d’opportunités pour les entreprises françaises à l’international. Dans notre travail, nous pouvons nous positionner sur des secteurs tout aussi bien que peser sur la qualité, les normes, les exigences attendues dans les appels d’offres. Nous avons noué beaucoup de liens avec le tissu d’entreprises françaises et nous sommes très heureux quand celles-ci gagnent les appels d’offres. Cela marche très bien pour le conseil et les bureaux d’études : près de deux tiers des marchés financés par l’AFD sont remportés par des bureaux d’études français. Les entreprises françaises ne répondent pas toujours à nos marchés, mais, quand elles répondent, elles bénéficient d’un taux de succès très élevé. Nous avons ainsi apporté plus de 12 milliards d’euros de contrats aux entreprises françaises depuis quelques années.

Monsieur David, je suis à votre disposition pour vous présenter plus en détail notre action sur les questions climatiques. Il y a quelques années, l’un de mes prédécesseurs, Jean-Michel Severino, avait insisté pour hisser les enjeux climatiques au même rang stratégique que la lutte contre la pauvreté. L’AFD a, depuis, accumulé une grande expérience sur les liens entre climat et développement, climat et exclusion, climat et conflits, et s’efforce de construire des projets qui répondent aux deux enjeux. Je constate que nous disposons d’une voix assez forte dans les enceintes climatiques. Nous pourrons, à ce sujet, vous apporter plus de détails sur notre action dans le Sahel.

France Médias Monde appartient au secteur du développement. Une information de qualité, parfois en langue locale, couvrant les enjeux de développement durable et de climat, sont un vecteur d’éducation et crée le terreau utile pour faire émerger des politiques publiques. Nos collègues britanniques ont longtemps financé les programmes de la BBC, les Allemands font la même chose avec Deutsche Welle ; nous avons également pris ce chemin. Nous apportons près de 30 millions d’euros à France Médias Monde sur plusieurs années, non pas au titre de son budget de fonctionnement, mais afin d’apporter des moyens contribuant à des programmes, à des contenus et à une information de qualité et indépendante. L’AFD est donc déjà bien engagée sur ce sujet, mais peut-être pourrez-vous interroger directement Marie-Christine Saragosse pour savoir si elle est satisfaite de notre action.

L’alliance entre l’AFD et la Caisse des dépôts, signée en décembre 2016, avait été très utile lors des négociations de l’accord de Paris sur le climat. Cela montre à quel point il est précieux d’articuler notre action internationale avec notre action nationale : car nous recherchons aussi notre intérêt, fût-il solidaire, dans l’action internationale, et car l’action internationale inspire. L’AFD apporte à la Caisse des dépôts des expériences et des innovations, repérées dans le monde entier, qui peuvent contribuer à transformer l’action de la Caisse des dépôts en France. Ce principe, inscrit dans la loi, est très fort. Nous n’avons malheureusement pas conduit le rapport prévu dans la loi Sapin II. Je me rapprocherai d’Éric Lombard et de ses équipes pour le faire. Dans l’attente du rapport, nous pourrons évidemment vous fournir tous les éléments de ce rapport de partenariat, qui a progressé : je citerai l’échange de personnels ou encore le fonds d’investissement STOA, réservé aux entreprises françaises pour mener de grands projets d’infrastructures à l’international. Plus profondément, je suis très impressionné et heureux de l’évolution de la Caisse des dépôts sur les sujets climatiques et de développement durable depuis 2015. Eric Lombard, ses équipes et moi-même parlons beaucoup de ces sujets. À l’international, je me présente comme l’allié de la Caisse des dépôts. Elle centralise une expérience française accumulée sur de nombreux sujets, que je suis en mesure de proposer à des partenaires internationaux.

Je suis complètement d’accord avec vous sur l’exercice de communication de l’AFD. Le système est encore peut-être un peu trop marqué par la modestie. Nous y travaillons en grande proximité avec les ambassadeurs. Nous menons à ce sujet un exercice gouvernemental sur la marque France à l’international. N’hésitez pas, dans le cadre de vos groupes d’amitié, de vos déplacements ou de vos rapports, à nous signaler quand la présence française pourrait être davantage mise en avant.

Enfin, nous avons également mis en place avec la Caisse des dépôts un programme dédié aux diasporas. Je me tiens à la disposition de madame Sira Sylla pour préciser mes vues sur ce point.

M. Michel Herbillon. Je me joins aux remarques faites par madame Bérengère Poletti et monsieur Alain David, pour que nos collègues de l’opposition soient de nouveau présents au conseil d’administration de l’AFD. Il y a une contradiction à souhaiter que cette politique soit celle de la France et que ce projet de loi soit voté par l’ensemble des forces politiques de cette assemblée, et commencer par exclure du conseil d’administration les représentants de l’opposition.

Vous avez insisté sur l’importance de disposer de résultats. Je m’interroge donc sur la commission d’évaluation et de contrôle. L’article 9 prévoit que le rôle et la composition de cette commission sont renvoyés à un décret futur. Nous demandons à pouvoir disposer, pour l’examen du projet de loi et si possible en amont de celui-ci, des informations suffisantes ainsi que du texte du décret. Je formule cette requête. Comment, à vos yeux et idéalement, devrait se composer cette commission et quel devrait être son rôle ?

Mme Marion Lenne. En 2019, vous vous prêtiez devant nous à l’exercice des questions-réponses, avant d’être reconduit dans vos fonctions de directeur général de l’AFD. Vous nous exposiez alors en quoi l’AFD est une agence, par ses moyens en dons et en subventions, et non une banque, et qu’elle aspirait à devenir une plateforme, permettant l’ouverture et l’accueil de projets tournés vers l’Afrique. L’AFD est-elle une agence, une banque, une plateforme, une institution chauve-souris comme l’a si bien résumé notre président ? Je m’en remets ici à votre sagacité.

Quoi qu’il en soit, de la crise sanitaire que nous traversons a émergé de belles initiatives, comme le sommet Finance en commun de novembre 2020, réunissant virtuellement 450 banques de développement pour « prendre soin des vivants de façon résiliente ». Ces banques se sont engagées à aligner leurs puissances financières, représentant 10 % des investissements globaux, sur l’accord de Paris. Leur mandat public permet d’établir des liens directs entre les gouvernements et le secteur privé, les agendas nationaux et internationaux, les priorités à court et long termes. La volonté est louable. Quels enseignements tirez-vous de ce sommet pour rendre l’investissement auprès de l’AFD plus attractif ?

Par ailleurs, toujours en conséquence de la pandémie, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) vient de repousser l’échéance de la monnaie unique en 2025. Les finances des États sont en banqueroute, alors même que paradoxalement, la bulle boursière continue de gonfler. Dans ce contexte, comment relève-t-on le défi du développement solidaire et de la lutte contre les inégalités mondiales ?

Mme Amélia Lakrafi. Ce projet de loi concerne les moyens que la France met à disposition de l’aide publique au développement, mais il propose aussi une refonte de la gouvernance de notre politique de développement solidaire. Je souhaite vous interroger sur la manière très concrète selon laquelle vous imaginez que le pilotage des activités de l’AFD s’organisera sur le terrain. Il est en effet prévu que l’ambassadeur du pays partenaire préside un conseil local de développement. Quel impact aura cette disposition sur les relations entre l’AFD et nos représentations diplomatiques ? Y voyez-vous un moyen de contrôle des activités de l’AFD ou s’agit-il d’une évolution bienvenue, permettant de mieux coordonner les actions de l’AFD avec les projets de coopération des ambassades ? Enfin, est-il prévu ou souhaitez-vous que les milieux économiques français implantés à l’étranger puissent participer à ces conseils locaux de développement, représentés par exemple par les chambres de commerce françaises ? Y verriez-vous un intérêt en termes de retombées économiques ? Jugez-vous pertinent d’associer ces entreprises à la définition de la stratégie d’intervention de l’AFD sur le terrain ?

Je me joins absolument aux propos de M’jid El Guerrab sur la communication. J’ai moi aussi des exemples saisissants en la matière.

Enfin, s’agissant des biens mal acquis, pourquoi visons-nous toujours les pays des anciennes colonies francophones d’Afrique de l’Ouest ? Je me demande si ailleurs dans le monde, ou en Europe, nous ne trouvons pas de biens mal acquis.

M. Sébastien Nadot. Je souhaite d’abord vous interroger sur l’enjeu de la responsabilité des entreprises français qui opèrent en Afrique de l’Ouest, et pour certaines avec des relents de Françafrique évident. Ces entreprises bénéficient de contrats liés, sous une forme ou sous une autre, à l’aide publique au développement de la France. Sur ce point, le projet de loi évoque bien le devoir de vigilance et l’exigence de responsabilité sociétale des acteurs privés. Mais l’on a peine à voir les garanties opérationnelles. Vous n’êtes pas sans savoir qu’un puissant sentiment anti-français se répand en Afrique de l’Ouest, qui est en partie dû aux agissements des entreprises françaises, complices des régimes peu respectueux des principes démocratiques et de l'État de droit. La France est en passe de perdre certains des liens privilégiés qui l’unissent à l’Afrique et je crois important de vous faire part de mon inquiétude à ce sujet.

Notre pays me semble ainsi devoir jouer un rôle fort autour des questions de santé. Le coronavirus a mis en évidence une interdépendance des pays de toute la planète, et à de multiple reprises par le passé, la France s’est fortement engagée dans la lutte contre des maladies comme le sida ou ebola. Des initiatives très intéressantes, comme celle portée par Drep.Afrique, ont reçu jusqu’à présent un soutien sans faille du président Macron et du ministre des affaires étrangères. La volonté politique existe donc. Pourtant, l’on mesure dans la mise en œuvre de ce projet de multiples freins structurels. Grâce à ce projet de loi, l’AFD sera-t-elle plus réactive et davantage en capacité de porter fort et loin la volonté politique de la France, et particulièrement en matière de santé ?

Mme Mireille Clapot. Je suis intéressée par l’efficacité, la transparence, la bonne gouvernance et la redevabilité. Qu’est-ce que ce projet de loi permet qui n’était pas possible avant, et qu’est-ce qui manquerait pour qu’il atteigne davantage d’objectifs ?

Je balayerai brièvement cinq points.

Je suis tout d’abord sensible à l’égalité des genres et à la diplomatie féministe. Le texte me semble bien la définir. Que va permettre ce projet de loi en la matière ?

J’évoquerai l’articulation du développement avec l’image de notre pays, en particulier au Mali. Vous avez parlé des médias, mais les réseaux sociaux font des dégâts terribles en la matière. Comment peut-on améliorer l’impact perçu de toutes nos actions ?

Je regrette que la réflexion sur les droits humains ne soit pas tout à fait aussi approfondie que celle sur les questions de genre. Il doit être possible de faire davantage référence à la loi sur le devoir de vigilance des entreprises implantées localement, et de mentionner l’appréciation de l’amélioration de leurs droits par les populations locales.

Ensuite, les Balkans n’apparaissent pas dans les priorités définies dans le cadre de partenariat global, qui mentionne seulement l’Afrique et la Méditerranée. Comment travaillez-vous dans les Balkans, et comment votre action s’articule-t-elle avec la perspective de leur intégration dans l’Union européenne ?

Je porte enfin une réflexion sur les migrations. Comment ce projet de loi pourrait-il amener la France à être plus positive sur ce sujet ? Les volontariats réciproques existent ; ne pourrait-on pas ajouter que les jeunes ou les adultes d’autres pays peuvent contribuer au développement global et aller et venir en France sans que cela soit vécu comme une menace ?

Mme Liliana Tanguy. Je souhaite évoquer le soutien à des projets situés ailleurs que sur le continent africain, et en particulier dans les pays des Balkans occidentaux. Je souligne à ce sujet la nécessité de pouvoir financer des projets de petite envergure. J’ai senti beaucoup de frilosité de la part des entreprises et des investisseurs français à mobiliser des fonds sur des petits projets. Ces pays (Serbie, Macédoine, Albanie, Bosnie) ont pourtant besoin d’un accompagnement financier pour mener à bien des projets d’infrastructures de petite échelle dans leurs collectivités territoriales. De quelle manière ce projet de loi pourrait-il encourager l’investissement français dans le développement de cette région de l’Europe ?

Enfin, je reviendrai sur les Outre-Mer. Je souligne que la souveraineté maritime française et européenne est une approche qui pourrait être poursuivie pour ouvrir de nouvelles perspectives pour les territoires d’Outre-Mer.

Mme Aina Kuric. À l’occasion de la quatrième édition du One planet summit qui s’est tenue le 11 janvier 2021, l’AFD a annoncé un nouveau plan en faveur de la biodiversité : un milliard d’euros seront investis chaque année en faveur de la biodiversité d’ici à 2025, ce qui représente un doublement de son financement à la protection de la biodiversité. Cela n’est pas sans rappeler l’agenda des objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Dans son rapport de mai 2016, « Financement des objectifs de développement durable dans les pays les moins avancés », l’AFD met en avant que le défi est de savoir comment mobiliser et allouer les ressources financières et technologiques à des fins de développement durable. Si ce défi se pose partout dans le monde, il est encore plus vif dans les quarante-huit pays considérés comme les moins avancés par les Nations Unies. Ne serait-il pas possible d’aller plus loin en intégrant les objectifs de développement durable dans le fonctionnement de l’AFD, et notamment en incluant les indicateurs de développement durable dans ses projets ?

M. Hubert Julien-Laferrière. La mesure des impacts est essentielle. Ce projet de loi inclut les priorités géographiques (les pays les plus pauvres), les priorités sectorielles (santé, éducation, genre, gouvernance, climat) et les priorités en termes d’instruments (prioriser les dons sur les prêts). Ces priorités, décidées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, seront inclues dans la loi. Néanmoins, je ne saurais pas dire si ces priorités ont pu bénéficier de l’augmentation des crédits depuis trois ans. Pouvez-vous nous apporter des éléments à ce sujet ? De quels moyens pouvons-nous nous doter pour disposer à l’avenir d’une meilleure lisibilité de notre politique de développement et de ses priorités sectorielles, en termes de financements aussi bien que d’impacts ? Beaucoup d’ONG priorisent aujourd’hui les financements, alors qu’il sera nécessaire demain de mesurer davantage les impacts.

Prenons l’exemple de la priorité sectorielle de la santé. En 2019, il me semble que 5 % des dépenses de l’AFD y étaient consacrées. Les dépenses de l’AFD en matière de santé ont-elles augmenté conformément aux priorités affichées il y a maintenant deux ans et demi ? Qu’en est-il des priorités géographiques ? Avons-nous les moyens de mesurer concrètement les progrès accomplis en matière de priorités sectorielles dans les pays les plus pauvres, ainsi que l’atteinte de l’objectif de décaissement plus rapide, qui constituait une priorité dans le cadre de l’Alliance Sahel ?

Mme Nicole Le Peih. Les derniers mois ont été particulièrement difficiles, mais ils ont également offert l’occasion de se rendre compte de la chance immense de disposer d’un État protecteur. S’agissant des vaccins, si l’Union européenne a fait le choix d’avancer unie pour négocier un prix et des quantités, tous les pays n’ont pas cette chance. La vaccination est un premier sujet essentiel du développement solidaire. Pourriez-vous nous donner votre avis sur notre accompagnement de la stratégie sanitaire et vaccinale dans les pays en développement ?

Ensuite, le réchauffement climatique causera des conséquences graves, en termes d’alimentation, de biodiversité, et plus largement d’impacts sur le développement économique. À l’occasion du One planet summit, un premier accord a été trouvé pour accélérer le développement de la grande muraille verte en Afrique, représentant un engagement total de 14 milliards d’euros. Pouvez-vous, au-delà des financements, nous préciser les modalités d’intervention de la France dans ce projet ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je me permettrai à mon tour deux observations précises.

La première porte sur la situation de madame Poletti et sur la représentation politiquement diversifiée que nous souhaitons dans une instance comme l’AFD. Quand le parlement prévoit une pluralité de députés pour le représenter dans une institution, cela suppose une diversité des approches. Nous ne nous situons pas dans une logique majoritaire, mais dans une logique de représentation de la diversité. Au nom de cette commission, je ferai tout ce qui est possible pour que cette diversité soit à nouveau prise en compte. Je pense que notre collègue madame Poletti a toute sa place dans une instance comme le conseil d’administration de l’AFD.

Je suis très conscient de la sensibilité de cette commission au sujet des biens mal acquis. Il est important que cette commission puisse, à travers un amendement, prendre position sur cette affaire, et que l’argent récupéré à ce titre concoure d’une façon efficace au développement international. Nous serons cependant confrontés à des difficultés juridiques à ce sujet. Cela nécessitera des réflexions, mais l’essentiel est de faire en sorte que l’amendement par lequel nous exprimerions notre souci de voir l’argent récupéré au titre des biens mal acquis affecté efficacement au développement soit rédigé de telle manière qu’on ne puisse pas considérer qu’il constitue un cavalier législatif.

M. Hervé Berville. Monsieur le président, je suis en total accord avec les propos que vous venez d’exprimer. Au nom de mon groupe politique, j’apporte tout mon soutien à Bérengère Poletti. Sa présence a contribué, par bien des égards, à la richesse des débats en conseil d’administration de l’AFD. Nous pourrions déposer un amendement qui permettrait de rétablir la pluralité de la représentation nationale dans cette instance.

La question des biens mal acquis est épineuse, mais nous devrons nous rapprocher du Sénat et de tous les collègues qui ont travaillé sur ce sujet pour l’éclaircir. Elle pourrait impliquer une modification du code pénal. Je pense, par ailleurs, que nous devrions envisager que tout l’argent récupéré au titre des biens mal acquis n’aille pas à l’AFD – d’autres mécanismes pourraient être mis en place. L’AFD est l’institution la plus à même de recevoir une grande partie de ces fonds, mais nous devons envisager toutes les options pour les débourser.

Je vous remercie, monsieur le directeur général, d’avoir répondu à la grande majorité de nos questions avec la précision que l’on vous connaît. Par le passé, le développement international était considéré comme un instrument ; aujourd’hui, les objectifs de développement durable, l’accord de Paris, la notion de partenariat, l’inclusion des diasporas, la mobilisation du secteur privé et de la recherche font évoluer le développement vers une politique plus symétrique. Nous avons beaucoup à apprendre des pays en voie de développement, selon un principe d’innovation inversée. La gestion de la crise sanitaire nous l’a également montré. L’AFD peut ainsi constituer une plateforme qui permettrait d’aller chercher dans les pays du Sud les éléments de résolution des problèmes des pays du Nord.

Je souhaiterais, pour conclure, que vous reveniez précisément sur le modèle de l’AFD. L’agence a connu une forte croissance pendant quelques années, qui a permis d’explorer de nouveaux secteurs et de nouvelles géographies. Quelle est maintenant votre stratégie ? Quels volumes d’activité envisagez-vous ? Pourquoi jugez-vous bon que Proparco intervienne en Outre-Mer ? À quoi vont vous servir les dons ? Je souhaiterais des réponses précises sur l’augmentation des activités de l’AFD, son rythme, ses stratégies.

M. Rémy Rioux. Merci à tous. Au nom de tous les collègues de l’AFD et des professionnels du développement, il est très réconfortant de recevoir autant de questions et de voir autant d’intérêt pour notre mission et nos métiers.

La commission indépendante d’évaluation est absolument décisive dans ce dispositif ; il ne revient pas à l’AFD de décider de sa composition. J’aspire néanmoins à ce que la commission soit forte, qu’elle ne conduise pas seulement des missions de contrôle, mais qu’elle s’intéresse également aux impacts. Il est intéressant que sa composition puisse être diversifiée, et inclue le cas échéant un regard étranger, des pays qui font l’objet de nos programmes eux-mêmes.

Je répondrai à Hervé Berville en affirmant que nous nous situons à un moment stratégique. Nous avons connu une période de croissance très forte et nous allons nous stabiliser à 12 milliards d’euros d’activité par an en 2021 et 2022 – la loi ouvre une autre étape à partir de 2022 et jusqu’en 2025. Après cette période de très forte croissance, il est stratégique de consolider notre maison. Je souhaite également, dans cette nouvelle période, évoluer vers une redevabilité encore plus forte en matière d’impact de nos activités. Un contrat d’objectifs et de moyens vous sera présenté un peu plus tard pour avis et examen.

Pour répondre à Hubert Julien-Laferrière, l’augmentation des crédits a un impact très direct sur l’orientation de nos activités sur les secteurs et les géographies prioritaires. L’année dernière, 20 % de notre activité s’est concentrée sur la santé. Ces sujets ont une intensité budgétaire forte et nous pouvons désormais les mener sans préjudice de notre action climatique. Ces chiffres sont publics et je pourrai vous transmettre ultérieurement les données actualisées pour 2020.

Le sommet Finance en commun a constitué un moment très prometteur. Nous avons touché 450 institutions financières, qui sont parvenues à un très important consensus sur les questions climatiques et veulent coopérer beaucoup plus étroitement.

Les annonces faites lors du One planet summit vont permettre de lier la finance « climat » et la finance « biodiversité » : 30 % de notre finance « climat » sera ainsi à impact positif pour la nature, et nous espérons que cela devienne un standard. Les britanniques nous ont d’ailleurs instinctivement suivi le 11 janvier dernier. Nous en discutons actuellement avec la Banque mondiale. Les banques publiques de développement ont un rôle très singulier à jouer dans les systèmes financiers.

Le secteur privé et les entreprises françaises contribuent évidemment au développement. Nos clients et nos partenaires nous demandent de mettre des forces privées au service du développement pour investir dans leur pays. L’AFD le fait de façon ordonnée et en respectant les standards environnementaux et sociaux les plus élevés. Le secteur privé fait d’ailleurs désormais cette proposition de valeurs à l’international – celle de l’exemplarité environnementale et sociale. De ce point de vue, l’AFD bénéficie de cet alignement de valeurs.

Tout cela doit s’organiser autour de nos ambassadeurs. Le conseil local de développement est en ce sens une très bonne initiative. À nouveau, j’aspire à plus de pilotage politique et à plus d’intérêt pour l’agence. Le pilotage, à mon sens, est différent du contrôle – nous avons besoin d’orientations fortes, de légitimité, de force. Existe également auprès des ambassadeurs le conseil économique, qui réunit les conseillers du commerce extérieur et des représentants locaux. Ces deux enceintes peuvent évidemment échanger.

La santé est un grand sujet. Je ne rentrerai pas dans les arbitrages sur les vaccins. Notre structure de soutien à la société civile et aux ONG françaises étudie actuellement la mise en place d’un programme qui permette de porter secours à un maximum de malades de la drépanocytose.

L’AFD est une agence féministe ; le projet de loi prévoit plusieurs éléments sur ce point. Nous nous sommes notamment engagés à ce que 50% des projets de l’AFD aient un impact positif sur l’égalité de genre. Nous menons de plus en plus de programmes dédiés aux acteurs des questions de genre.

Nous pourrons vous fournir de nombreux éléments sur les Balkans. Nous avons fait passer hier un projet de 50 millions d’euros pour le financement d’un chemin de fer en Serbie. Nous disposons depuis récemment d’un bureau à Belgrade : nous essayons de monter en puissance et de fournir aux ambassadeurs un instrument dont ils ne disposaient pas jusqu’à présent.

S’agissant des migrations, ma réponse sera la même que précédemment : maintenant que la politique de développement a repris son rang dans vos débats, essayons de l’articuler à la politique migratoire. Je n’aime pas l’idée selon laquelle les instruments de développement sont des instruments de la politique migratoire. En revanche, des liens existent, bien sûr, entre les deux.

L’Outre-Mer est un sujet fascinant, historiquement présent à l’AFD. Nous l’avons complètement revu en créant le département Trois océans : il regroupe, dans la même organisation, nos territoires ultramarins et les pays voisins. Nous y parlons de développement, de développement durable et de coopération internationale. Nous réalisons 3 milliards d’euros de financement dans les vingt-six pays qui forment la chaîne de l’Indo-Pacifique.

S’agissant de la grande muraille verte, nous avons annoncé 600 millions d’euros sur les 14 milliards d’euros engagés. Ils concernent l’agroécologie et la biodiversité sur la bande saharo-sahélienne, au centre du continent africain.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je constate avec vous une familiarité et une intimité d’échanges extrêmement agréables et stimulantes pour nos travaux. Je suis très fier et très heureux d’avoir pu vous entendre sur ces sujets, qui étaient chers à madame de Sarnez. Je vous remercie.

 


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II.   Audition de M. Jean-Yves le drian, ministre de l’europe et des affaires étrangères

Lors de sa réunion du mardi 2 février 2021, ouverte à la presse, la commission a auditionné M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699). L’audition s’est poursuivie en début de réunion du mercredi 10 février 2021, matin.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l’audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. J’aurais préféré que ce soit Marielle de Sarnez qui vous accueille, mais permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de ma grande satisfaction de vous voir parmi nous et de savoir qu’à l’avenir, vous continuerez d’honorer la commission de votre présence régulière car vos analyses, vos observations et vos propositions en matière de politique étrangère sont précieuses, notamment compte tenu de l’ampleur des mutations mondiales.

Ce soir, nous nous concentrerons sur le projet de loi dont notre collègue Hervé Berville est rapporteur. Peut-être me permettrais-je simplement de revenir sur deux événements : en Russie, l’extraordinaire courage personnel de M. Navalny et, en Birmanie, le coup d’État terriblement impressionnant, en écho à la question posée par M. David, président du groupe d’amitié France-Birmanie, lors des questions au Gouvernement. Nous serions heureux que vous nous en disiez quelques mots, même si vous avez publié un communiqué et répondu lors des questions au Gouvernement. Vous le savez, la commission partage vos préoccupations et elle est extrêmement sensible à la question birmane, à l’évolution de la démocratie comme au sort des Rohingyas, notamment à la situation tragique de ceux qui ont émigré au Bangladesh. Une délégation de la commission s’est d’ailleurs rendue sur place.

Nous n’ouvrirons pas le débat mais, d’ici à quelques semaines, vous reviendrez parmi nous et nous examinerons ensemble tous les dossiers de politique étrangère.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. La situation en Birmanie est très grave. J’ai répondu à Alain David cet après-midi, afin d’exprimer la position de la France : nous condamnons vigoureusement le coup d’État, ainsi que le fait que le président Win Myint et Mme Aung San Suu Kyi soient en prison. C’est inacceptable après ces élections qui étaient l’aboutissement d’une longue démarche démocratique.

J’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises Mme Aung San Suu Kyi à Bruxelles et en Birmanie. C’est une femme arc-boutée sur les principes démocratiques, dans un pays où le dispositif constitutionnel et le partage des postes et des responsabilités entre l’armée et les civils sont très complexes – j’avais eu l’occasion de le constater en plein milieu d’une crise avec les Rohingyas. Sa posture était parfois difficile à comprendre, mais elle avait la volonté d’instaurer un processus démocratique dans un pays où le poids politique de l’armée est extrêmement fort. Dès 2018, cela avait d’ailleurs amené l’Union européenne à prendre des sanctions et à rompre toute relation avec les militaires.

La situation est inédite et doit entraîner notre mobilisation car, je l’ai déjà dit à Alain David, après avoir moi-même effectué plusieurs déplacements en Birmanie, seul le processus démocratique permettra de régler la crise des Rohingyas, et non l’inverse. Ce coup d’État risque d’induire un effet boomerang contre les Rohingyas.

Nous avons sollicité le Conseil de sécurité, avec le soutien des pays membres de l’Union européenne, afin qu’il prenne fermement position à l’égard de la junte – je ne sais pas s’il a statué. Si cette dernière ne renonce pas, nous serons amenés à prendre des mesures nouvelles, et pas uniquement des sanctions. Cela fera l’objet de discussions lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, qui doit se tenir le 22 février.

Évidemment, je vous tiendrai informés des évolutions.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous avions constaté avec satisfaction la grande convergence des réactions de l’État français, par votre intermédiaire, et de l’Union européenne, monsieur Borrell ayant publié un communiqué qui recueille notre approbation.

Nous allons revenir au projet de loi « Berville », monsieur le rapporteur ! Ce projet de loi est très attendu par notre commission. À l’initiative de Marielle de Sarnez, dès la fin de l’année 2018, nous nous sommes organisés pour suivre l’élaboration de ce texte et préparer son examen. Un groupe de travail, au sein duquel tous les groupes politiques étaient représentés, a mené de nombreuses auditions en 2019 et 2020.

Nous nous sommes également – c’est une innovation intéressante – rapprochés de nos homologues du Sénat pour dégager des positions communes. Marielle de Sarnez et Christian Cambon vous ont écrit le 13 février 2019 pour vous présenter les propositions communes aux deux commissions parlementaires.

Je vous remercie d’avoir réuni à deux reprises autour de vous les parlementaires de la majorité, comme de l’opposition, de l’Assemblée nationale, comme du Sénat, pour discuter des axes stratégiques du projet de loi et répondre aux préoccupations des parlementaires. Cette consultation, en amont du dépôt du projet de loi, est également innovante et ne peut qu’être appréciée par les membres de la commission.

Notre première demande visait à clarifier la stratégie française d’aide au développement. Le rapporteur y reviendra, mais le projet de loi décline avec précision les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités dans le monde. Il reste que ces objectifs et ces priorités sont formulés non dans le projet de loi au sens strict du terme, mais dans son annexe relative au cadre du partenariat global, qui s’apparente plus à un cahier des charges qu’à des dispositions législatives à proprement parler, c’est-à-dire normatives et contraignantes.

Nous vous donnons toutefois acte que cette stratégie a le mérite d’être clairement formalisée et de bénéficier de la sanction du législateur. Elle repose sur deux arbitrages légitimes et qui correspondent aux préoccupations de la commission parlementaire susmentionnée : un arbitrage sectoriel et un arbitrage géographique. L’arbitrage sectoriel, c’est l’affirmation d’une priorité claire en faveur des pays les plus pauvres et de ceux – ce sont souvent les mêmes – qui sont en crise. Priorité ne signifiant pas monopole, cela n’exclut pas la poursuite d’une politique de partenariat au développement avec les pays à revenus intermédiaires.

Géographiquement, la stratégie de la France continue de privilégier l’Afrique. C’est un choix logique car c’est là que se situent les besoins les plus criants, mais également là que se sont développés les partenariats les plus éprouvés. Une relative concentration géographique est garante d’efficacité et rien ne serait pire qu’une politique de saupoudrage, compte tenu de la modestie relative de nos moyens.

Le second mérite du projet de loi est de présenter clairement et précisément la trajectoire amenant la France à consacrer 0,55 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement (APD), dans la perspective d’atteindre ensuite 0,7 %. Mais à quand ces 0,7 % ? Il vous est sans doute difficile de répondre à la question, mais cette trajectoire doit être traduite dans les lois de finances successives – notre commission y veillera tout particulièrement. Des engagements ont été pris au cours des débats sur le projet de loi de finances, mais – vous sentez bien que c’est une frustration pour la commission – la force contraignante des engagements financiers est annuelle. Nous craignons donc que les engagements pluriannuels soient insuffisamment consolidés.

Notre commission a souhaité que les financements bilatéraux et multilatéraux soient mieux articulés et fassent l’objet d’évaluations précises. Elle a également estimé nécessaire de renforcer le pilotage politique de l’aide au développement. Nous savons que vous partagez cette préoccupation. La France semble être le seul pays à confier la définition de ses interventions d’aide au développement à un établissement public industriel et commercial (EPIC) que ni ses tutelles ministérielles, distantes, ni les instances de gouvernance multiples n’ont protégé jusqu’à présent d’un risque de dérive – d’une bienveillante et nécessaire autonomie vers une autodétermination parfois abusive.

C’est le mérite de ce projet de loi que de s’attacher à combattre ces dérives. Le pilotage politique de cet EPIC doit être renforcé – si ce n’est restauré – au plan national. Notre rapporteur fera des propositions et la commission est très attachée au renforcement du conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD), au sein duquel les parlementaires doivent prendre toute leur place, dans le respect de la diversité des sensibilités politiques.

Ne doit-on pas s’interroger sur la multitude des instances de pilotage de la politique de développement ? L’annexe du projet de loi décrit leurs fonctions respectives. Le projet de loi en ajoute une – le conseil national du développement et de la solidarité internationale. Sur le terrain, nous sommes très désireux que le rôle des ambassadeurs soit conforté dans la coordination des aides. Dans le passé, c’est paradoxalement au niveau des postes que s’incarnait le mieux l’exigence de cohérence qui faisait parfois défaut au niveau national.

Notre commission souhaite également que les partenariats avec les entreprises privées et les collectivités territoriales soient consolidés, et les acteurs de la société civile mieux associés. En outre, il est indispensable de mieux sensibiliser et associer les citoyens aux actions d’aide au développement.

Enfin, une véritable culture du résultat doit être mise en place, par le contrôle et l’évaluation. Avec le rapporteur, nous nous interrogeons sur les choix effectués pour que cette instance ait à la fois la compétence et l’autorité nécessaires pour formuler les analyses critiques qui s’imposent et des propositions qui ne soient pas négligées par ceux auxquels elles s’adressent. C’est dans cet esprit que nous auditionnerons demain après-midi le premier président de la Cour des comptes.

Je retranscris ici, monsieur le ministre, le message de ma prédécesseure et des instances qu’elle avait réunies, dont le rapporteur est le porte-parole compétent. Nous sommes heureux de pouvoir débattre de ce projet de loi cardinal, car nous sommes plus habitués à voter des accords et des traités.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  Cette audition a un sens tout particulier car c’est la première fois que nous nous retrouvons depuis la disparition de Marielle de Sarnez. Je vous redis mon émotion, même si j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer, de lui rendre hommage et de répondre à M. Herbillon lors des questions au Gouvernement.

D’ailleurs, à cette occasion, j’avais souligné qu’il aurait pu être opportun de consacrer l’un de nos prochains rendez-vous au rapport d’information sur les dimensions internationales et européennes de la crise pandémique qu’elle a rédigé, quasiment jusqu’à la fin. Ce serait une manière de lui rendre hommage ; je serai disponible pour cet exercice.

C’est également une réunion très particulière car je ne vois plus Claude Goasguen, que je connaissais depuis longtemps, et c’est vous, cher Jean-Louis Bourlanges, qui reprenez le flambeau. Je tiens à vous féliciter. Je suis sûr que nous tisserons une relation de confiance. Nous nous connaissons depuis très longtemps et cela contribuera à la bonne qualité de nos relations ! C’est toujours un plaisir de venir dans cette commission.

Enfin, cette réunion est particulière car c’est un aboutissement. Nous pouvons enfin examiner le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales que j’ai présenté en conseil des ministres le 16 décembre dernier. Vous l’attendiez de longue date, moi aussi ! Il sera examiné en séance publique les 17 et 19 février prochains, puis au Sénat, et j’espère qu’il sera adopté par le Parlement d’ici à la fin de la session, en juillet prochain.

Je salue tout d’abord le soutien sans faille que vous nous avez apporté chaque année lors de l’examen de la mission « Aide publique au développement » dans le cadre des débats relatifs au projet de loi de finances.

Je tiens également à souligner la grande qualité de vos travaux : le rapport réalisé par Hervé Berville ; la mission d’information portée par Bérengère Poletti et Rodrigue Kokouendo ; le travail en commun réalisé depuis deux ans avec Christian Cambon et le Sénat afin de faire la synthèse de vos propositions. Ce texte est donc le fruit d’un dialogue déjà très charpenté.

C’est aussi le début d’un processus. Si vous le souhaitez, je pourrai participer mercredi matin à l’examen des amendements par votre commission – j’ai demandé à pouvoir m’absenter du conseil des ministres.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La commission en est fort honorée !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est important. Je souhaitais également vous proposer – étant donné que de nombreux sujets internationaux sont au cœur de l’actualité – de consacrer deux heures au cours de cette même journée pour les évoquer, notamment ceux concernant la Russie et la Birmanie.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Votre proposition est précieuse et nous allons la saisir. Votre présence serait fort utile lors de l’examen des amendements. Nous allons commencer la discussion générale, puis passerons assez vite – si M. Berville en est d’accord – aux amendements, avant de conclure, quand le moment sera venu, sur les grands sujets que nous avons évoqués – la Russie, la Birmanie, mais aussi les changements au sein de l’administration américaine, les accords commerciaux avec la Chine signés fin décembre, etc.

M. Michel Herbillon. Sauf si j’ai mal compris, il me semble que le ministre nous propose d’être présent au moment où nous examinerons les amendements – ce qui va nous prendre du temps. Bien entendu, les autres sujets dont nous souhaitons discuter avec le ministre sont très nombreux, mais je crois que la proposition du ministre était plus circonscrite.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ma proposition est double.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez raison, monsieur Herbillon, le travail sur le projet de loi doit précéder les débats. C’est ce que j’avais précisé.

Mme Bérengère Poletti. Je soumets une proposition aux collègues de la commission : il arrive parfois qu’on considère que la discussion générale a lieu lors de l’audition du ministre, puisque chacun y intervient. Ainsi, lorsque nous nous retrouverons pour l’examen des amendements, nous pourrons les discuter tout de suite. Cela permettrait d’« optimiser » la présence du ministre.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’était mon idée, mais sans doute ne suis-je pas très clair. Je vous propose que le bureau de la commission examine ces sujets liés à la procédure et je rends la parole au ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’année 2020 a vu les dérèglements du monde s’imposer brutalement dans notre vie collective. Avec le virus de la covid-19, nos concitoyens expérimentent un monde où la fragilisation des écosystèmes et les atteintes portées à la biodiversité mettent la santé humaine en danger, un monde d’interdépendance et de défis globaux et un monde où le chacun pour soi est une impasse pour tous.

Dans un tel monde, en de telles circonstances, jouer la carte du repli serait non seulement illusoire, mais irresponsable et dangereux. Il est de notre intérêt de miser sur le multilatéralisme, sur la force de notre projet européen et sur la solidarité internationale.

C’est dans cet esprit que, depuis le premier jour, notre diplomatie s’est mobilisée pour faire face aux urgences de la crise pandémique. C’est également dans cet esprit que nous nous battons dans le cadre de l’initiative Access to covid-19 tools accelerator (ACT-A) afin que les vaccins et les traitements contre la covid-19 deviennent de nouveaux biens publics mondiaux et que nos partenaires du Sud puissent, eux aussi, y avoir accès. En effet, aucun pays ne viendra véritablement à bout du virus tant qu’ensemble, nous n’en serons pas venus à bout, partout.

Le prochain conseil d’administration d’ACT-A, mardi 9 février, sera très important puisqu’il devrait permettre l’adoption de la charte que nous avons portée sur le vaccin comme bien public mondial. Cette charte a plus particulièrement pour objet de donner une impulsion politique forte en faveur d’un accès équitable et universel aux produits de santé permettant de lutter contre la covid-19. Il s’agit d’encourager toutes les parties prenantes à financer la recherche, à partager la connaissance et les données, à effectuer des transferts de technologie, à produire à un prix juste ou encore à soutenir les systèmes de santé sans lesquels il n’est pas possible de rendre ces produits de santé concrètement accessibles. C’est notre réponse de court terme à la crise.

En outre, avec nos partenaires du monde entier, et plus particulièrement ceux de l’Alliance pour le multilatéralisme que nous avons lancée avec nos amis allemands il y a maintenant un an et demi, nous avons aussi commencé à poser les bases d’une réforme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour tirer toutes les leçons de ce qui s’est produit au cours des derniers mois et nous doter de capacités d’alerte renforcées afin de gagner en réactivité en cas de nouvelle menace pandémique, avec le futur conseil d’experts de haut niveau et l’approche « Une seule santé » dont la création a été actée en novembre dernier au Forum de Paris pour la paix.

Il s’agit de nous doter du « GIEC » de la santé mondiale dont nous avons besoin pour suivre en temps réel les interactions entre les grands équilibres environnementaux, la santé animale et la santé humaine. Avec nos partenaires européens, nous travaillons à construire une Europe de la santé plus souveraine et mieux à même de protéger les Européens. Cela passe notamment par le renforcement du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, qui doit devenir une véritable agence de gestion des crises en surveillant mieux les évolutions épidémiologiques au sein de l’espace européen, en alertant de façon plus précoce et en apportant des recommandations et des réponses sanitaires.

Il s’agit aussi de renforcer l’Agence européenne des médicaments (EMA) qui, outre ses fonctions actuelles, se verrait confier la tâche de surveiller le risque de pénurie de médicaments et de dispositifs médicaux critiques, et de coordonner les études d’efficacité des vaccins, ainsi que les essais cliniques. Enfin, il s’agit de créer, sur le modèle de la Biomedical advanced research and development authority (BARDA) américaine, une autorité pour gérer les urgences sanitaires et nouer des partenariats public-privé avec l’industrie pharmaceutique et les organismes de recherche. Il est essentiel de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne en matière de produits de santé, alors que nous dépendons actuellement à 80 % de la Chine et de l’Inde pour nous fournir en matières premières indispensables à la conception des médicaments.

J’évoque ce dernier sujet en avant-première car il est intrinsèquement lié à la situation pandémique que nous vivons. Il sera abordé lors d’un conseil européen spécial des chefs d’État et de Gouvernement à la fin de février. Ce sont les premiers éléments de notre réponse à moyen terme, et le cap que nous essaierons de suivre dans les mois qui viennent.

Enfin, qu’est-ce que la crise du coronavirus a révélé du monde dans lequel nous vivons et de quelle manière ces soubresauts risquent-ils de nous affecter ? La réponse, de long terme, à cette question, c’est le nouvel élan que nous allons impulser à notre politique de développement et de solidarité internationale, au cœur du présent projet de loi.

Depuis le début du quinquennat, l’aide publique au développement française a dépassé les 10 milliards d’euros par an. Notre pays est revenu dans le jeu, après quelques années d’éclipse, et il le fallait pour ne pas laisser les coudées franches aux nouveaux acteurs qui s’engagent sur le terrain du développement avec des méthodes et des intentions différentes. Il est essentiel que nous soyons au rendez-vous afin de proposer une autre voie à nos partenaires.

La relance de notre politique de développement, M. le président Bourlanges l’a rappelé, c’est d’abord un changement de braquet : conformément à l’engagement pris par le Président de la République dès le début de son mandat, nous allons porter notre aide publique au développement à 0,55 % de notre richesse nationale en 2022 – contre 0,37 % par le passé et 0,44 % actuellement. Ce texte est un projet de loi de programmation, et non uniquement d’orientation comme la loi de 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Il fixera la trajectoire budgétaire qui nous permettra d’y parvenir.

Contrairement à certains de nos voisins, nous avons décidé de maintenir notre engagement malgré la crise actuelle, parce que cette dernière nous a confortés dans l’idée qu’il est tout à fait crucial de le maintenir. Notre aide publique au développement continuera d’augmenter en volume : + 18 % entre 2019 et 2020 ; + 33 % entre 2020 et 2021. En 2021, pour la première fois en dix ans, elle pourrait dépasser celle du Royaume-Uni et nous placer au quatrième rang mondial des bailleurs d’aide publique au développement.

Mais il ne s’agit pas seulement de faire plus. Grâce à ces moyens renforcés, nous entendons aussi faire mieux. Le projet de loi inaugure un changement radical de méthode, dans le sillage des efforts de rénovation engagés depuis le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018. Ce comité est d’ailleurs maintenu dans ses fonctions car il constitue le nœud de la procédure d’échanges et de la préparation des décisions. Dans ce sillage donc, nous voulons mettre en place un nouveau paradigme, avec des priorités clairement définies.

Vous avez évoqué les priorités géographiques ; vous avez raison, nous allons concentrer notre aide publique au développement en dons vers les pays les plus vulnérables, en particulier les dix-neuf pays prioritaires appartenant à la catégorie des pays les moins avancés, essentiellement situés en Afrique subsaharienne, sauf Haïti. Ces pays seront destinataires de la moitié de l’aide aux projets mise en œuvre par mon ministère via le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Cette année, le FSPI est doté de 70 millions d’euros. En outre, les deux tiers de l’aide aux projets mis en œuvre par l’AFD représenteront 816 millions d’euros en crédits de paiement en 2021.

Vous l’avez également rappelé, le projet de loi vise à mieux définir nos priorités thématiques. Partout où nous investissons, que ce soit dans les pays en développement ou dans les pays émergents, nous voulons que ce soit dans l’avenir de nos biens communs. Ainsi, le renforcement des systèmes de santé primaires dans les pays les plus fragiles est le premier maillon de la sécurité sanitaire mondiale. La formation des personnels de santé est, avec les traitements et les vaccins, l’un des piliers de l’initiative ACT-A. Afin de répondre à la crise de la covid-19, nous avons déjà mis en place via l’AFD une initiative Santé en commun de 1,2 milliard d’euros, dont 150 millions d’euros de dons qui ont permis d’améliorer la prise en charge des malades au Sénégal, en Guinée, au Burkina Faso et en République centrafricaine (RCA), avec le soutien de l’organisation non gouvernementale (ONG) The alliance for international medical action (ALIMA). Cela nous a également permis de renforcer les laboratoires de référence de l’Institut Pasteur au Cameroun, en RCA, à Madagascar, en Guinée et au Sénégal.

La préservation du climat et de la biodiversité est une autre de nos priorités. Non seulement les financements de l’AFD sont 100 % compatibles avec l’accord de Paris, mais le Gouvernement s’est également engagé lors du CICID de 2018 à ce que la moitié des financements de l’AFD contribue, en plus de leur finalité première, à l’atteinte des objectifs de l’accord. En conséquence, tous les engagements sont compatibles et les financements à co‑bénéfices climat sont privilégiés. Ainsi, lorsque nous aidons à la construction d’un tramway dans une ville, nous faisons d’une pierre deux coups : nous facilitons la vie de ses habitants, les échanges et le développement, tout en réduisant les émissions de CO2. Sur deux euros de financement AFD, un euro sert directement le combat contre les dérèglements climatiques.

Il s’agit ainsi de tirer vers le haut le système européen et le système multilatéral de développement, l’urgence environnementale étant une priorité absolue pour la France, cinq ans après l’accord de Paris et au seuil d’une année déterminante. En effet, le Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) va avoir lieu à Marseille, la COP26 à Glasgow à la fin de l’année, la COP15 sur la biodiversité à Kunming en Chine. En outre, cette année également, le One Planet summit consacré à la biodiversité nous a permis de relancer le projet de grande muraille verte, projet né d’une initiative africaine dans les années 80 pour verdir le Sahel, puis abandonné pour toutes sortes de raisons, notamment de sécurité. Nous souhaitons le relancer en partenariat avec les responsables de ces pays, avec l’Union africaine et l’ensemble du système onusien en charge du développement.

En troisième lieu, investir dans l’avenir et nos biens communs, c’est également investir dans l’éducation, qui contribue à faire reculer toutes les formes d’obscurantisme et qui corrige une partie des inégalités de destin. Nous sommes le troisième bailleur mondial en faveur de l’éducation – plus d’un milliard d’euros en 2019 – et avons multiplié par dix notre contribution au partenariat mondial pour l’éducation.

Les résultats sont là, qu’il s’agisse de l’éducation de base, de la scolarisation des filles, de la formation des enseignants ou des dépenses consacrées par les États à l’éducation. En 2019, le Partenariat mondial pour l’éducation a soutenu la scolarisation de 22 millions d’enfants. Cela est d’autant plus essentiel que la pandémie a entraîné un phénomène massif de déscolarisation au niveau mondial. En 2021 se tiendra également la conférence de reconstitution des ressources du Partenariat, un élément essentiel de cette démarche.

Quatrième priorité thématique : la promotion de l’égalité de genre, en commençant par l’égalité des filles et des garçons à l’école. Nous aborderons aussi ces enjeux lors du Forum génération égalité, qui se tiendra en mars. L’initiative commune de la France et du Mexique se tiendra vingt-cinq ans après l’adoption du programme d’action de Pékin.

Notre nouveau paradigme, ce sont aussi des partenariats refondés. Il s’agit non plus seulement de faire pour nos partenaires du Sud, mais de faire avec eux, et ce, pour une raison simple : face aux défis que nous avons en partage, nous avons des responsabilités et des intérêts communs. Cette évolution est essentielle. Chacun en est conscient, notre relation avec nos partenaires du Sud n’est pas une forme de soutien généreux, qui leur permettrait de régler des problèmes qui ne concernent qu’eux. En réalité, en les aidant, nous nous aidons nous-mêmes car bien des réponses aux grandes questions du XXIe siècle se trouvent dans ce partenariat. La solidarité internationale est un cercle vertueux, non une abstraction.

Pour prendre un exemple très concret, la France et l’Europe ne sauraient faire face au défi de l’immigration irrégulière et des tragédies humaines qu’elle occasionne qu’en aidant la jeunesse du Sud à retrouver des perspectives d’avenir, qui ne passent ni par le déchirement du départ, ni par les périls des routes de la nécessité. Là encore, nous avons des responsabilités et des intérêts communs.

Ce renforcement de la dimension partenariale se jouera également en France. Les acteurs de la société civile française se verront reconnaître un droit d’initiative, qui leur permettra de proposer eux-mêmes des projets – c’était une demande forte. Les fonds de soutien de l’État aux organisations de la société civile et aux collectivités territoriales seront doublés d’ici à 2022. Nous approchons ainsi de la moyenne du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Nous voulons également mieux associer à nos efforts les diasporas africaines en France. Le Président de la République l’a dit à plusieurs reprises, y compris dans une réunion spécifique, qu’il avait organisée avec le président Nana Akufo-Addo à Paris, en juillet 2019. Les diasporas africaines ont un rôle crucial à jouer dans cette nouvelle relation, que nous voulons inventer avec l’Afrique. Elles seront au cœur du prochain Sommet Afrique France, qui se tiendra cette année à Montpellier.

Vous l’avez évoqué, monsieur le président, ce nouveau paradigme est enfin un renforcement du pilotage de la politique de développement par l’État, avec une chaîne de commandement et de responsabilités clarifiée, du plus haut niveau de l’État au plus près du terrain, en particulier grâce à une implication renforcée de nos ambassades. J’ai pu constater à de nombreuses reprises dans mes déplacements combien cela était indispensable.

Le projet de loi prévoit donc des conseils locaux de développement, présidés sur le terrain par l’ambassadrice ou l’ambassadeur. Ils veilleront à la cohérence des efforts déployés par l’ensemble des acteurs du développement présents dans un pays donné, dans le cadre d’une stratégie déclinant nos grandes priorités politiques en fonction des réalités locales et en tenant compte sur place de la programmation européenne et de l’action des autres bailleurs internationaux. Sur le terrain, c’est une révolution. Je veillerai, si le texte est adopté, à ce que cette disposition soit bien appliquée. Je souhaite que vous y contribuiez aussi, car il peut y avoir des résistances.

Par ailleurs, compte tenu de l’importance des efforts consentis, et de ces enjeux considérables, il faut mieux mesurer l’incidence des projets que nous accompagnons. C’est pourquoi, dans un souci de transparence et de redevabilité, le projet de loi prévoit la création d’une commission indépendante d’évaluation, comme cela existe déjà au Royaume-Uni ou en Allemagne. Cette disposition est notamment issue des propositions formulées par M. Berville dans son rapport et des travaux menés par Mme Poletti et M. Kokouendo. Il vous reviendra de vous prononcer sur les modalités de cette commission. Je reste ouvert aux propositions, sans position a priori. Il faut toutefois garantir une efficacité et une vraie indépendance à l’outil qui sera créé. Je souhaite aussi que les recommandations que pourrait faire la commission soient formulées directement auprès du Parlement, lieu de l’arbitrage final, et qu’il soit le lieu de la redevabilité. Le Sénat veut avancer sur cette question ; vous aussi, sans doute. Je suis prêt à entendre vos propositions. Le texte, que nous avons en quelque sorte co-construit depuis le début, peut encore être modifié et amélioré. Je ne suis pas arc-bouté sur l’ensemble du dispositif. Les responsabilités du Gouvernement n’y sont pas diluées.

Enfin, le projet de loi comporte un volet relatif à l’attractivité, qui permettra de renforcer la capacité de la France à attirer les organisations et les fondations internationales, dont beaucoup occupent un rôle central dans l’agenda mondial du développement et de la promotion des biens publics mondiaux. En effet, la France joue un rôle majeur en faveur du multilatéralisme. Nous avons contribué à la création de nombreux organismes internationaux tels que Unitaid ou le Fonds mondial. Or ces structures ne s’installent pas en France. Pourquoi privilégient-elles Genève ? La raison principale, souvent essentielle, est que nos procédures d’octroi des privilèges et immunité aux personnels de ces organisations sont trop longues. C’est pourquoi je vous ai proposé d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, pour avoir une réponse immédiate, avant que vous n’entériniez la décision finale de la ratification d’un accord de siège, lorsque la procédure sera achevée. Cela permet d’éviter que ces organisations ou fondations ne s’installent ailleurs qu’en France, où elles auraient toute leur place.

Avec ce texte, la France sera à la pointe du renforcement du multilatéralisme et de la défense des biens communs de l’humanité. Depuis trois ans, nous agissons pour que l’Europe engage davantage ses valeurs humanistes et ses réflexes de coopération sur la scène internationale. Nous devons y contribuer, pour nous assurer de renforcer cette volonté. La crise pandémique est venue confirmer le bien-fondé de ces choix. Nouveau braquet, nouvelle orientation, nouvel élan, nouvelle relance, tels sont les éléments essentiels de ce texte sur lequel je suis disposé à travailler encore avec vous, pour l’améliorer ou le clarifier, si nécessaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, monsieur le ministre. Vos propos ont montré que ce travail d’élaboration a vraiment associé notre commission, notamment M. Berville, Mme Poletti et M. Kokouendo. Nous espérons que le résultat sera à la hauteur de cette collaboration.

 Je vous remercie également d’avoir placé votre propos liminaire sous l’angle de la lutte contre la pandémie et d’avoir précisé que les évolutions tragiques que nous connaissons, loin d’affaiblir l’engagement international de la France en matière de développement, vous confirmaient dans vos orientations antérieures.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je me réjouis de cette audition, qui permet enfin de discuter du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Nous y travaillons depuis plus de deux ans et demi. Vous l’avez dit, monsieur le président, ce texte de loi n’a peut-être jamais été si pertinent, mais il n’a peut-être jamais été aussi périlleux de le proposer maintenant. Dire que l’on augmentera les financements, notamment pour permettre aux pays les plus pauvres d’avoir accès à des vaccins, n’est pas très populaire. Après avoir travaillé de manière transpartisane sur ces bancs, nous pouvons être satisfaits que le projet de loi arrive sur la table et que notre commission défende ces mesures, dans le contexte d’un regain de protectionnisme vaccinal et de populisme.

Je remercie le ministre, qui se bat depuis deux ans, en interministériel, malgré les vicissitudes de la vie politique, pour que le texte soit déposé en conseil des ministres. C’est l’aboutissement d’un engagement du Président de la République, de refonder la politique de développement solidaire, pour qu’elle soit plus efficace, afin d’agir contre la pauvreté, les inégalités et le changement climatique, et d’atteindre 0,55 % du revenu national brut (RNB) d’ici à 2022. L’objectif sera vraisemblablement atteint, voire dépassé.

Cela nous invite à nous interroger sur la pertinence de ces indicateurs. Vous le savez, je n’en suis pas un grand partisan. Si nous avions tenu la logique du 0,55 %, la France aurait été dans son droit de diminuer le volume de l’aide. Au contraire, nous l’augmentons. Nous devons donc profiter de ce texte pour interroger la manière dont on quantifie l’aide publique au développement et la pertinence de cette mesure qui date des années 1960, où la vision était sensiblement différente de celle d’aujourd’hui.

Vous l’avez dit, l’aide publique au développement est un pilier de la politique étrangère. Elle doit être pleinement alignée sur l’Agenda 2030, comme sur l’Accord de Paris. Elle est au croisement des cinq « P » des Nations unies – paix, planète, prospérité, population et partenariats. Pour relever les défis globaux et trouver des solutions communes, on ne peut pas se passer d’une politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Je vous remercie aussi non seulement d’avoir défendu ce sujet, mais d’y avoir mis votre marque, conformément à votre engagement de 2017, avec des dispositions sur le bilatéral, l’augmentation dans les ambassades, l’augmentation des dons, la concentration sur les pays les plus vulnérables ou le réinvestissement dans les secteurs sociaux, de la santé et de l’éducation. En audition, des partenaires tels que l’ONG Action santé mondiale ou Coordination Sud l’ont dit : sans être satisfaits de tout, ils constatent qu’après une décennie perdue de sous-investissement, depuis 2017, la France réinvestit dans les champs de la santé et de l’éducation.

Cela me permet de remercier également de nombreux collègues avec lesquels nous avons travaillé et qui, comme moi, sont satisfaits de voir que la lumière est au bout du tunnel. Nous nous étions engagés pour une stratégie de long terme, claire et lisible – nous ferons le travail parlementaire nécessaire pour qu’elle le soit encore davantage, et que nous soyons collectivement satisfaits de ce qu’elle contient –, sur une trajectoire pluriannuelle, avec de vrais crédits budgétaires – le projet de loi le permet –, et, ce qui tient beaucoup à nos amis sénateurs, sur la préservation d’Expertise France, malgré l’intégration dans le groupe AFD. Nous devrons y veiller, et peut-être renforcer les garanties pour faire en sorte que l’expertise française puisse être mobilisée par les administrations, au-delà de la relation hiérarchique de filiale qu’Expertise France entretient avec l’AFD.

Enfin, nous considérons comme essentiel de favoriser l’engagement des jeunes et de reconnaître celui de la société civile, des collectivités et des acteurs de la diaspora. Le projet de loi inclut cet aspect. L’ancien ministre Jacques Godfrain m’avait dit qu’il serait satisfait lorsque le volontariat de réciprocité figurerait dans le texte : il y est enfin. Cela fait plus de quinze ans que certains acteurs l’attendaient ! Cela permet d’envoyer un signal à nos partenaires, notamment africains. Il s’agit de dire que cette relation de partenariat ne va pas que dans un sens, que nous avons beaucoup de choses à apprendre de personnes qui vivent dans les pays du Sud, que l’on doit sortir de cette relation sinon néocoloniale, du moins teintée parfois d’un sentiment de supériorité. La disposition sur le volontariat de réciprocité donne à voir que la mobilité circulaire et le partenariat peuvent se faire dans les deux sens. On le voit notamment avec la question de la santé : nous avons beaucoup à apprendre de l’innovation dans ces pays.

Nous voulons tous faire en sorte que ce texte de loi soit le moment de démocratiser la politique de développement, d’en faire l’affaire de tous, de la détechnocratiser et de faire que tous nos concitoyens puissent s’engager à avoir les moyens d’agir dans les pays partenaires, sur les questions relatives au climat, à l’éducation ou à la santé.

Le projet de loi est riche, chacun peut y trouver un élément qui le touche. Ses trois titres et neuf articles montrent bien, comme le ministre l’a dit, que le local et le global sont liés. Le texte traite des objectifs de la politique de développement solidaire, du contrôle du Parlement, de l’inclusion des objectifs de développement durable (ODD), du 1 % transports, qui concerne les autorités de transport, du Conseil national du développement et de solidarité internationale, de la diaspora, du volontariat, du statut de l’AFD, de l’intégration d’Expertise France, de la création de la commission indépendante d’évaluation et de l’accueil des organisations internationales.

Il modifiera tous les pans de cette politique, pour répondre à un triple objectif : lutter pour éradiquer la pauvreté ; combattre les inégalités mondiales ; préserver les biens publics mondiaux et lutter contre les changements climatiques.

S’agissant du pilotage et de la stratégie, une ligne de commandement a été créée, du Conseil présidentiel pour le développement (CPD) au conseil local de développement (CLD). Pouvez-vous préciser quelles garanties juridiques permettent à l’ambassadeur d’être chef de file, sur le terrain ? Il ne faudrait pas que son rôle ne soit que la conséquence de relations interpersonnelles. Le dispositif doit permettre à l’ambassadeur d’être le chef de l’équipe France, d’assurer la cohérence des politiques publiques nécessaire pour être le plus efficace possible et répondre à l’objectif politique. L’ambassadeur rend en effet compte devant le Président de la République.

Pour ce qui concerne le financement et le budget, le texte trace une vraie trajectoire budgétaire. Quel est votre regard sur l’indicateur de 0,7 % du RNB ? Est-il dépassé ? Pouvez-vous préciser si les 100 millions d’euros d’augmentation correspondent au financement d’engagements pris précédemment ou s’ils serviront à financer de nouveaux projets ?

Troisième sujet : la coopération, l’engagement à remettre de l’humain dans cette politique. Quelles dispositions garantissent l’autonomie stratégique d’Expertise France dans son intégration ? Comment pouvez-vous garantir qu’elle ne sera pas le cheval de Troie de l’Agence française de développement pour aller vers d’autres secteurs, qui ne sont pas ceux de l’APD, ou d’autres territoires que ceux définis par le cadre.

Quant aux partenariats, on veut donner plus de place au secteur privé, à la société civile, aux collectivités. Où en sont les discussions sur l’évolution, sur un an, de 1,2 % des dépenses de fonctionnement des collectivités et le fait de ne pas comptabiliser les dépenses relatives à l’aide publique au développement dans leur budget, pour ne pas les pénaliser ?

Enfin, s’agissant de l’innovation et du soutien aux petits projets, pouvez-vous revenir sur le lancement du Fonds d’innovation pour le développement ? En quoi symbolise-t-il ou non les ambitions nouvelles de faire mieux et plus envers nos partenaires, pour éradiquer la pauvreté, lutter contre les inégalités et préserver les biens publics mondiaux ?

M. Jean-François Mbaye. Je vous remercie pour votre présence, monsieur le ministre. Permettez-moi de saluer la mémoire de Marielle de Sarnez, qui s’était beaucoup investie dans ce projet de loi et aurait souhaité présider nos débats. Elle n’avait ménagé aucun effort pour que ce texte puisse parvenir devant notre commission et au Parlement. C’est une bonne chose que nous débattions, malgré les circonstances actuelles.

C’est un texte d’une importance majeure. Il n’est jamais inutile de rappeler la place cruciale qu’occupe la solidarité internationale au sein de notre politique étrangère.

C’est aussi un texte technique, avec une programmation budgétaire qui traduit la volonté du Président de la République d’augmenter notre APD d’ici à 2022, et d’optimiser sa gouvernance.

C’est aussi un texte éminemment stratégique et politique, avec un cadre partenarial global fourni, qui permet d’identifier les grandes orientations, transversales, géographiques et sectorielles, que suivra l’APD. Parmi les priorités sectorielles identifiées par le cadre de partenariat global (CPG), annexé au projet de loi, figurent en bonne place la lutte contre les maladies et le renforcement des systèmes de santé. Ces impératifs, incontournables en temps normal, le sont davantage devenus avec la pandémie de covid-19.

Ma première question portera sur la traduction concrète de cette priorité sectorielle de premier ordre. Jusqu’à présent, 10 % du montant de l’APD étaient alloués à la santé. Cette loi de programmation permettrait de consacrer l’objectif ambitieux et nécessaire de 15 %, dans le prolongement des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Qu’en pensez-vous ?

Le CPG a également souligné le rôle déterminant qu’a joué la France dans le cadre d’ACT-A, seule initiative globale pour financer la réponse à l’épidémie. À la suite de l’annonce du Président de la République de la financer à hauteur de 510 millions, seuls 160 millions auraient été décaissés. Pouvez-vous indiquer de quelle manière la France entend échelonner les décaissements, afin de satisfaire ses engagements ? Compte-t-elle renforcer sa contribution eu égard aux besoins en présence, s’agissant notamment du volet traitements d’ACT-A.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous entendre dire que nous pourrons approfondir ces sujets lors de l’examen des articles.

Vous souhaitez réussir l’appropriation des politiques de développement solidaire par les élus et par nos concitoyens, nous aussi. Pour cela, il faut placer la transparence, le contrôle et l’évaluation au cœur de nos discussions. Je vous remercie de l’avoir fait. Je vous remercie également de cette ouverture que vous proposez pour améliorer le texte et faire en sorte que nous puissions nous retrouver sur ces questions. Je m’en réjouis.

Le projet de loi a pour objet une programmation budgétaire pour la période de 2020 à 2025. Nous sommes en 2021. Nous ne déciderons en fait que pour l’année 2022 : nous saurons ce que l’on fera pour l’APD huit mois plus tôt que d’habitude. Viendront ensuite 2023, 2024 et 2025. Or pour le moment, le texte ne prévoit pas de recueillir l’avis du Parlement sur cette nouvelle programmation. Du moins, cela n’est pas dit clairement, alors que ce point est capital.

L’augmentation des montants, parfois très forte – sur une année, on dépasse 0,55 % – révèle certaines subtilités budgétaires, telles que l’effacement de la dette pour le Soudan, de plus de 4 milliards. Il s’agit non seulement de sommes dues, mais également de pénalités ou de sanctions financières qui viennent gonfler le montant, donc pourcentage d’aide publique au développement. Cela ne retire pas les efforts faits par ailleurs, mais il est essentiel d’être clairvoyants et de savoir où nous en sommes.

Les critères fixés par l’OCDE pour comptabiliser l’aide publique au développement n’ont rien d’obligatoire. Prenons les frais d’écolage, par exemple : la France intègre les frais élevés, payés pour des Chinois, dans son montant d’aide publique au développement. Ils sont comptabilisés comme de l’aide à l’éducation. Ces subtilités mériteraient d’être discutées. La France aurait pu choisir de sortir ces éléments de sa comptabilisation.

Pourriez-vous détailler ce que vous entendez faire avec la gouvernance d’Expertise France ? Quid d’un directeur, ou d’une directrice, d’un président ou d’une présidente ? Quelle serait l’articulation entre les deux et les missions que vous souhaitez leur confier ?

Par ailleurs, quels moyens financeront la commission d’évaluation et de contrôle ? S’il s’agit d’une commission indépendante, il faudra payer des salaires, des frais de fonctionnement, de déplacement. Pour la gouvernance, on ne sait pas bien où l’on va. Vous avez dit que la discussion était ouverte, que l’on pourrait l’alimenter, mais il y a tout de même là un problème budgétaire.

Enfin, la Cour des comptes ne semble pas être le meilleur levier car elle exerce un contrôle budgétaire, alors que ce sont les politiques d’aide publique au développement que nous souhaitons faire évoluer.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous aborderons ces questions essentielles avec M. Moscovici.

M. Sylvain Waserman. Au nom du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, je m’associe aux propos de Jean-François Mbaye concernant Marielle de Sarnez.

Notre groupe soutient fortement le projet de loi. Au début de la législature, j’ai rencontré de nombreuses ONG pour évoquer le sujet. Les représentants de l’ONG ONE, en particulier, mentionnaient trois points.

D’abord, leur espoir d’atteindre 0,55 %, après trois ans entre 0,37 % et 0,38 %, de 2014 à 2016. C’était un saut considérable, sur lequel ils disaient être très vigilants. Je leur avais répondu que, parlementaires de la majorité ou de l’opposition, nous le serions tous, car nous devions contrôler que l’engagement du candidat Macron se transforme en une réalité. Tous, nous devons nous réjouir que cet engagement soit tenu, et que l’on arrive au 0,55 % en fin de mandat. Tenir cet engagement est non une question politique de droite, de gauche, du centre, mais un vrai défi remporté par nous tous et par l’exécutif.

Deuxième point soulevé : l’absence de clarification dans les priorités. Le projet de loi y répond pleinement. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) nous a cependant saisis d’un regret, que la logique des droits de l’enfant n’apparaisse pas nettement. Cela est dommage car les actions à ce titre sont nombreuses et l’on connaît sur le terrain l’engagement de notre pays sur ces thématiques.

En 2017, les associations, y compris les plus pointues dans le suivi de l’aide au développement, ne savaient pas à quoi les 0,37 % servaient. À l’époque, les ministres n’étaient pas capables de dire, euro par euro et ligne par ligne, à quoi le montant de l’APD correspondait. En trois ans, nous avons fait des progrès notables, que je salue.

J’ai assisté mi-janvier à la restitution de l’évaluation du Fonds d’urgence humanitaire, qui associait les ONG. La démarche était remarquable en termes de méthode. Envisagez-vous d’associer ces organisations à l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des politiques publiques ?

M. Alain David. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos éclaircissements, qui permettent d’entrer dans le cœur du projet de loi que porte notre collègue Hervé Berville.

Jusqu’à récemment, les représentants suppléants de l’Assemblée nationale participaient au conseil d’administration de l’AFD. Dominique Pottier et Bérengère Poletti assuraient une présence constructive et vigilante, en plus de celle des titulaires, Hervé Berville et Amélia Lakrafi. Une modification législative récente et inopportune les empêche désormais de suivre les travaux de l’Agence. Nous envisageons d’y remédier à l’occasion de l’examen du projet de loi. Vous y opposerez-vous ?

M. M’jid El Guerrab. La pandémie de covid-19 est une crise sans précédent, qui n’épargne ni les pays du Nord ni ceux du Sud, et entraîne un accroissement des défis globaux. Ces crises appellent une solution multilatérale et coordonnée, empreinte de dialogue et de coopération. Ce projet de loi tant attendu en est une réponse. Or notre aide publique au développement poursuit de nombreux objectifs, parfois mal hiérarchisés, parfois contradictoires. Le manque de concentration sur les pays les plus fragiles et l’importance des financements pour les pays émergents brouillent bien souvent le message, et ne sont compris ni des parlementaires locaux, ni de nous-mêmes, ni des concitoyens locaux, ni de nos concitoyens. Elle est même parfois peu visible auprès de nos partenaires bénéficiaires.

Le projet de loi a l’ambition d’y remédier. Il est nécessaire de disposer d’instruments permettant une action rapide, efficace, dans des contextes de crise où les enjeux de sécurité et de développement sont fortement interconnectés, à l’image de l’agence Expertise France, qui a su développer une telle capacité d’action, en particulier au Sahel.

Or il y a un angle mort que nous devons renforcer, celui de la culture et de la francophonie, en un mot, le soft power, et l’envie de France. Comment faire pour que nous soyons plus fiers de notre aide publique au développement ? Comment sortir de cette forme de gêne, de pudeur de gazelle post-coloniale, là où d’autres pays n’hésitent pas à sortir l’artillerie lourde en matière de communication, insinuant même que la France est aux abonnés absents ?

Enfin, qu’en est-il de la place de la francophonie dans notre stratégie d’aide publique au développement, alors que de nombreuses questions se posent quant à la tenue du prochain Sommet mondial de la francophonie à Djerba, en Tunisie ?

M. Meyer Habib. Tous mes vœux vous accompagnent dans vos nouvelles fonctions, cher président.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir évoqué la mémoire de Marielle de Sarnez et de Claude Goasguen. Nous sommes doublement orphelins, et j’ai une pensée émue pour ces deux géants qui nous ont quittés et nous manquent tellement.

Vous l’avez évoqué, avec 10 milliards par an, nous sommes devenus numéro 4 mondial. Ce niveau d’aide au développement fait honneur à notre pays. Augmenter en permanence les budgets est très positif mais certaines questions peuvent se poser quant à l’utilisation de ces moyens.

Ainsi, je ne comprends pas pourquoi l’État français continue d’augmenter les crédits de l’AFD, sans imposer des règles plus strictes et des missions plus claires. En particulier, l’article 9 du projet de loi semble flou : il institue une commission d’évaluation de la politique de développement sans préciser avec qui et comment.

La question de la transparence est très chère au groupe UDI et Indépendants. Or des subventions ont été accordées à des organismes qui peuvent poser question. Ces dernières années, des organisations ont été soutenues, qui ont fait la promotion du boycott d’Israël, interdit par la loi française. C'est le cas de l’Association France Palestine Solidarité, dont les membres sont régulièrement condamnés par les juridictions françaises. De même, le centre culturel Al Bustan a été subventionné, alors qu’il entretient des liens très étroits avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), responsable notamment de l’attentat de la rue Copernic. Je pourrai aussi évoquer l’ONG Development Center.

Il faut aider les Palestiniens, il faut même augmenter l’aide qui leur est destinée, et tout faire pour qu’ils soient vaccinés encore plus rapidement, que de l’aide médicale leur soit apportée, avec un contrôle très rigoureux. En avril 2018, le Président de la République avait organisé la conférence de lutte contre le financement du terrorisme « no money for terror » : à l’heure où notre pays est touché dans sa chair, on ne peut pas accepter de se fourvoyer avec des programmes et des organisations un peu troubles.

Puisqu’il est question de terrorisme, je veux faire part de mon émotion et de ma tristesse devant la mort brutale d’Esther Horgen en Cisjordanie. Cette Française de 52 ans, née en région parisienne – nous avons fréquenté la même école –, a été massacrée. Je voulais lui rendre ouvertement hommage,

Enfin, monsieur le ministre, vous l’avez évoqué dans votre propos liminaire, et Antony Blinken a été très clair sur le sujet : il est indispensable que nous traitions les questions relatives à la nucléarisation iranienne.

M. Jean-Michel Clément. Je me suis aperçu que les précédents Présidents de la République ont tous promis d’atteindre l’objectif de 0,7 % – ce fut le cas en 1981, 1992, 2000, 2002, 2005, 2008, 2012, 2014 et 2015. Faire une promesse, c’est une chose, la tenir, c’est en une autre… Le Président Macron a été plus modeste : il s’est engagé à atteindre un taux de 0,55 % en 2022, contre 0,44 % cette année.

Premier bémol, l’augmentation de l’aide française au développement, rapportée au PIB, doit beaucoup au fait que ce dernier a chuté en 2020 et 2021, à cause du covid. Le dénominateur est donc plus petit.

Autre bémol, 20 % de l’aide consistent en des prêts, selon les documents budgétaires. L’ONG ONE, qui a été citée, parle même de 50 %.

Je rappelle aussi qu’une partie des crédits ne quitte pas la France : elle est consacrée aux frais de scolarité d’étudiants étrangers et aux bourses qui leur sont versés, ainsi qu’à l’aide destinée aux réfugiés présents sur le territoire français. Nous l’avions fait remarquer lors de l’examen en commission du projet de loi de finances pour 2021.

Par ailleurs, si notre aide passe de 12 à 17 milliards d’euros en un an, c’est parce que le Gouvernement anticipe, comme le Fonds monétaire international (FMI), une explosion du surendettement dans les pays pauvres : il a prévu d’annuler 4 milliards d’euros de dette l’an prochain, ce qui est intégré dans le calcul de l’aide au développement. Certes, personne ne se plaindra que la dette de certains pays soit allégée, bien au contraire, mais il faut reconnaître que les populations n’en bénéficieront pas directement.

Si la France accroît plutôt son aide aux pays pauvres, au lieu de la diminuer alors qu’elle traverse une crise importante – un mouvement inverse avait eu lieu après 2008 –, c’est que la crise qui s’annonce n’a rien à voir avec celle de 2008, notamment pour les pays africains. Alors qu’ils n’avaient pas connu de récession à cette époque, ils vont en subir une. Des risques de déstabilisation pèsent, de ce fait, sur le continent africain. Sur le plan sanitaire, ne pas aider les pays en difficulté où circule le virus prolongerait la pandémie.

Au-delà des chiffres, on doit regarder les faits et les conséquences. Malgré la bonne volonté affichée, nous sommes en retrait par rapport aux besoins des pays en difficulté. Voilà les remarques d’ensemble que je voulais formuler – je n’ai pas de question particulière à poser.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je crois que tout le monde conviendra que nous n’aurons jamais tous les moyens qui permettraient de répondre à tous les besoins.

Mme Clémentine Autain. Je voudrais évoquer, pour commencer, le retard avec lequel ce texte arrive : il aurait dû être soumis à notre assemblée en 2018 ou 2019. C’est une marque de non-respect à l’égard de la représentation nationale et de l’aide publique au développement, qui mérite mieux qu’un projet de loi aussi tardif.

Certains passages sont presque d’un autre temps : ils sont bien antérieurs à la pandémie que nous sommes en train de traverser – le texte n’en porte pas la trace. Or, selon la Banque mondiale, entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires se trouvent désormais en situation d’extrême pauvreté – elles ont moins de 1,90 dollar par jour pour vivre ; elles pourraient être 150 millions en 2022. Cette question n’est pas prise en considération alors qu’elle est tout à fait centrale.

Je tiens néanmoins à citer un progrès qui me tient à cœur : la suppression de la conditionnalité des aides aux politiques migratoires. Je trouve qu’il est bon d’y renoncer – c’est d’ailleurs salué par les ONG.

Autre progrès – très relatif –, la part de l’APD doit être portée à 0,55 % du PIB dans un premier temps puis, mais ce n’est très sécurisé dans le texte qui nous est présenté, à 0,7 %. Malgré l’engagement pris par Emmanuel Macron, on a du mal à être dans les clous, budget après budget, et nous aimerions que la trajectoire soit sécurisée plus durablement, au-delà du mandat du Président de la République. Vous connaissez notre position : le groupe La France insoumise est pour qu’on atteigne 0,7 % du PIB tout de suite, durant cette législature. C’est un point de désaccord entre nous.

Le projet de loi souffre, en outre, de problèmes structurels.

Le premier est que le cœur des objectifs de l’APD se trouve dans le préambule ou en annexe, et non dans le texte en tant que tel, c’est-à-dire, demain, dans le marbre de la loi.

Il y a aussi la question du pilotage. Nous débattons très souvent, dans cette commission, de la place de l’AFD et du fait que la tutelle du ministère des affaires étrangères est très relative. C’est plutôt l’Élysée qui s’occupe de l’AFD, et surtout l’autonomie de cette dernière pose un problème. À cela s’ajoutent toutes les critiques dont l’AFD a pu faire l’objet, mais je n’y reviens pas.

Plus fondamentalement encore, on ne sort pas des politiques néolibérales qui sont menées depuis que vous êtes là et, au-delà, depuis des décennies. Il existe une incohérence : on ne peut pas afficher les objectifs figurant dans le texte et mener des politiques néolibérales qui vont dans le sens contraire. L’accord avec le Mercosur est un exemple typique de contradiction totale entre les objectifs concernant l’aide publique au développement et la réalité de la politique de la France : elle est capable de nouer un accord de cette nature, qui est une catastrophe environnementale et un drame pour les politiques indigènes. Il faudrait éviter ce type de contradictions mais le projet de loi n’en donne aucune garantie.

M. Jean-Paul Lecoq. Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales aurait pu être intéressant et plus que bienvenu en 2018 ou, à la rigueur, en 2019. En 2021, les députés communistes peinent à lui trouver un intérêt extraordinaire… C’est une charte de principes non contraignants : tout l’intérêt, Clémentine Autain vient de le dire, réside dans le préambule et dans l’annexe. Il y aura tout un travail à faire pour donner à ce texte – je ne sais pas s’il faut parler d’un projet de loi de Jean-Yves Le Drian ou d’une proposition de loi d’Hervé Berville – la force que vous souhaitez. J’y reviendrai lorsque nous examinerons les articles en commission et en séance.

Afin de mettre le texte à l’épreuve des réalités, je me concentrerai sur l’aide publique au développement là où notre pays est présent par l’intermédiaire de ses entreprises privées – même s’il n’y a pas grand-chose dans le projet de loi à ce sujet.

Total s’est implanté au Mozambique, par exemple, pour exploiter de gigantesques réserves de gaz situées au large des côtes du nord du pays, dans une zone où sévit une rébellion islamique soutenue par Daesh et attisée par le ressentiment que suscitent les multinationales au sein de populations démunies, notamment en raison d’expropriations violentes et du chantier catastrophique auquel je fais référence.

Pour redresser la barre au Mozambique et pour éviter que ce genre de scénarios se reproduise, il faudrait faire en sorte que les multinationales françaises suivent les prescriptions inscrites dans le projet de loi. L’image de la France pourrait ainsi être respectée – et respectable – partout où nous sommes présents, au travers d’opérateurs publics, d’ONG ou d’entreprises privées. La diplomatie française est-elle en contact avec Total afin qu’il y ait une redistribution des richesses en faveur des habitants qui ont été expropriés ou qui n’ont plus le droit de pêcher alors que c’était leur seule source de revenu ? La France travaille-t-elle avec le gouvernement mozambicain pour reconstruire des services publics locaux – des écoles, des hôpitaux et des routes – dans la région concernée ? La France va-t-elle surveiller la situation ? Il existe un devoir de vigilance que vous connaissez bien, monsieur le ministre. La France va-t-elle demander des comptes sur les agissements des sous-traitants, au premier rang desquels figurent de nombreuses compagnies de sécurité privées ? Il faudrait que ces entreprises forment des salariés mozambicains – souvenez-vous du proverbe : plutôt que de distribuer du poisson, apprenez – aussi – aux gens à pêcher, pour qu’ils puissent être autonomes – et qu’elles paient des impôts à la hauteur des enjeux. Je rappelle aussi qu’il y a des accusations d’exactions de la part de soldats mozambicains qui sembleraient être payés, indirectement, par les multinationales. La France peut-elle prendre une position ?

L’implantation d’une base arrière de Total à Mayotte m’inquiète aussi. Vous connaissez ma position s’agissant de ce territoire et du respect du droit international.

En tant que président du groupe d’amitié avec le Mozambique, je souhaite également savoir si la France va envoyer de l’aide humanitaire pour aider les populations touchées par le passage – il y a une semaine – du cyclone Éloïse, qui a fait plus de 250 000 déplacés.

Le projet de loi devrait être modifié sur plusieurs points si on veut qu’il ait une réelle utilité. On doit faire en sorte que tous les relais, privés ou publics, de la présence française soient soumis aux mêmes exigences en matière d’exemplarité, qu’ils contribuent au développement solidaire et qu’ils luttent contre les inégalités mondiales. La France doit respecter et faire respecter les droits humains – ceux des femmes, des enfants et sur le plan environnemental – partout où elle est présente. On doit aussi faire en sorte que la France respecte absolument toutes les résolutions des Nations unies, en particulier celle qui demande de consacrer 0,7 % du PIB à l’APD. Une de mes premières interventions, il y a trois ans, consistait à expliquer que le pourcentage pouvait augmenter parce que le PIB diminuait. On m’avait dit à l’époque que cela ne risquait pas d’arriver, mais vous voyez bien que si ! Pourtant, je n’avais pas prévu la crise actuelle.

Mon groupe sera attentif. Je vous proposerai, en son nom, une multitude d’amendements. L’un d’entre eux, je le dis tout de suite, tendra à intégrer le CPG dans les articles du projet de loi. Cela permettra de répondre à de nombreuses attentes formulées par les ONG lors des auditions – je le dis en regardant le rapporteur. Le fondement de la loi doit être dans la loi elle-même.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les représentants des groupes ont pu s’exprimer, et je vais donner la parole au ministre pour leur répondre. Nos réunions se terminent en principe à dix-neuf heures trente. Comme nous avons consacré quelques minutes, au début, à une importante question d’actualité, je pense que nous pourrons aller jusqu’à dix-neuf heures quarante-cinq. Néanmoins, je ne pourrai sans doute pas donner la parole à l’ensemble des inscrits. Nous reprendrons mercredi prochain le débat là où nous le laisserons tout à l’heure. Comme le disait Victor Hugo, « chacun en [aura] sa part et tous l’[auront] tout entier ».

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Certaines questions ou observations se recoupent. J’y répondrai donc en même temps.

En ce qui concerne le pilotage, qu’est-ce qui obligera l’ambassadeur à réunir autour de lui le conseil local de développement, rassemblant l’ensemble des partenaires ? C’est la loi : c’est prévu dans le cadre du CPG. Les ambassadeurs respectent généralement la loi…

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 1er, « est approuvé le rapport annexé à la présente loi qui établit le cadre de partenariat global ». Cela fera donc partie de la loi. J’ai une certaine ancienneté au Parlement : il en a toujours été ainsi. Ce n’est pas normatif, mais on appliquera le texte…

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cela veut-il dire que cela sera amendable ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il faudra préciser la question des dispositions ayant une valeur légale sans être toutefois contraignantes. Nous pourrons certainement le faire lorsque nous examinerons les articles du projet de loi.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela existe aussi dans le cadre des lois de programmation militaire, qui comptent un faible nombre d’articles : des documents annexes leur sont intégrés – dès lors qu’un article du texte dit qu’ils sont approuvés.

L’objectif de 0,7 % a fait l’objet de plusieurs interventions. Il faudrait reconnaître que le texte dit toute la vérité à ce sujet : on est actuellement à 0,52 %. Je ne me cache pas derrière la dette du Soudan – avec elle, on serait à 0,69 % et donc presque à 0,7 %. Nous voulons être clairs à propos de nos orientations et de nos engagements. Nous atteindrons 0,55 % l’année prochaine en renforçant l’action du ministère des affaires étrangères : les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » passeront de 3,9 à 4,8 milliards d’euros.

On voit bien qu’il y a une question mais je ne pense pas que nous la réglerons seuls. L’objectif de 0,7 % date d’une résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1970 : cette norme a été conçue pour donner une impulsion et permettre de réaliser des comparaisons. Je rappelle que seuls cinq pays ont actuellement atteint la cible : le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni. Les règles applicables sont celles établies par l’OCDE. Tout le monde doit utiliser les mêmes, sinon il n’y a plus de comparaison possible – je réponds un peu, de cette manière, à Mme Poletti. À ma connaissance, les autres pays prennent aussi en compte les frais d’écolage.

L’aide publique au développement est aussi un instrument d’influence. La compétition se fait également par ce biais. Vous fréquentez beaucoup le Mozambique, monsieur Lecoq, mais moi aussi… Il existe une véritable compétition, dans ces pays, entre les types de développement. Nous nous inscrivons dans cette logique, sans la moindre ambiguïté.

M. Berville m’a demandé s’il fallait maintenir l’objectif de 0,7 %, parce qu’on peut jouer avec les chiffres – ce que je ne veux pas faire. Vous savez que les Britanniques ont fait un choix différent du nôtre. Nous avons décidé de maintenir notre effort pour atteindre le niveau sur lequel nous nous sommes engagés. Nous pensons que c’est aussi dans notre intérêt, pour toute une série de raisons que j’ai déjà évoquées.

Je ne peux pas m’engager pour la période 2023-2025 sauf si vous demandez, par amendement, que je reste en place jusque-là (Sourires). Une réévaluation annuelle est prévue mais je suis très ouvert à une disposition qui serait semblable à celle prévue par les lois de programmation militaire, si vous estimez que c’est préférable. On pourrait retenir la date de 2022, par exemple. Il faut continuer à travailler ensemble, je l’ai dit, pour coconstruire ce texte le mieux possible.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous avons entendu ce message.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Les 100 millions d’euros d’augmentation de la taxe sur les transactions financières (TTF) seront affectés au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – j’ai demandé à mes collaborateurs un petit mémorandum sur les fonds existants : je m’y perds moi-même…

Expertise France gardera un président, un conseil d’administration et un directeur général, et on pourra passer directement des commandes. L’intérêt de l’intégration de cette agence dans le dispositif est de pouvoir proposer en même temps son appui technique, lorsque des projets ne sont pas assez élaborés, et des financements de l’AFD.

Le critère de hausse maximale de 1,2 % des dépenses de fonctionnement est tombé – le Premier ministre me l’a confirmé. Les contrats de Cahors ne s’appliquent plus dans la période actuelle. Si vous le voulez, néanmoins, je ne verrais pas d’inconvénient à une sécurisation.

Le Fonds d’innovation pour le développement, placé sous la présidence de l’économiste Esther Duflo, sera doté de 15 millions d’euros par an. Ce fonds vise à soutenir toutes les innovations technologiques, sociales, financières ou environnementales ayant un fort impact sur le terrain dans les secteurs thématiques prioritaires que j’ai indiqués. Un suivi sera réalisé. Nous voulons absolument développer une capacité d’expérimentation. Je pourrais citer des exemples très significatifs que j’ai vus lors de mes déplacements : il existe de véritables pépinières d’innovation qui permettent de sortir des habitudes ou des pratiques classiques, en particulier en ce qui concerne les relations avec les ONG locales. Je précise, sur ce point, qu’il y aura des acteurs locaux dans les comités présidés par les ambassadeurs, aux côtés de l’AFD, des services des ambassades et des ONG nationales ou européennes. Cela permettra d’assurer une cohérence.

La Cour des comptes n’était pas favorable, jusque-là, à faire partie du dispositif, madame Poletti, mais son Premier président nous a fait savoir qu’il était tout à fait désireux de travailler sur cette question – il pourra vous en parler demain lorsque vous l’auditionnerez. Je n’ai pas de position en la matière, mais je partage les exigences que vous avez évoquées, comme les sénateurs. Il faut trouver le bon outil en ce qui concerne l’indépendance, la redevabilité et les vérifications. Le coût du dispositif sera marginal par rapport à l’ensemble. On peut envisager, par exemple, que la présidence de la commission d’évaluation soit assurée par le Premier président de la Cour des comptes. Il faudrait adapter la composition de la commission d’évaluation en conséquence et faire en sorte, bien sûr, qu’elle comporte de vrais experts. Je suis très ouvert. Essayons d’avancer ensemble, assez vite – avant le 17 février.

Il pourrait y avoir de nouveaux effacements de dette. J’ai publié tous les chiffres, et nous ferons de même à l’avenir. Le G20 a décidé un moratoire sur la dette et un échelonnement des paiements pour une quarantaine de pays. Nous sommes partie prenante, et nous irons peut-être, dans certains cas, jusqu’à une extinction de dette. Ce sera bien identifié afin d’éviter d’atteindre l’objectif de 0,7 % par effraction. Je tiens à être très clair, car il n’y a pas d’arrière-pensées. Il est vrai qu’on peut se demander, dans ce contexte, si le critère de 0,7 % est toujours valable. Ce débat peut être ouvert au sein de l’OCDE ou en France mais je m’en tiens, pour l’instant, aux orientations qui existent.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. On pourrait peut-être résumer en disant que les effacements de dette ne compteront pas dans le calcul mais que le critère de 0,7 % n’a plus grand sens.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela ne compte pas s’agissant de l’objectif de 0,55 % sur lequel je m’engage : sinon, on serait déjà à 0,69 % compte tenu de l’effacement de la dette soudanaise.

Il pourrait y avoir demain, en particulier lors de la sortie de crise et pour des pays africains, une volonté du G20 d’effacer des dettes ou d’appliquer un moratoire. Cela entrera dans le cadre de la comptabilisation prévue par l’OCDE pour tout le monde. Tant que nous n’avons pas trouvé autre chose, restons-en là. Néanmoins, il faut faire preuve de transparence – j’y tiens.

La part de la santé est supérieure à 10 %, monsieur Mbaye. Des engagements internationaux très significatifs ont été pris dans le cadre d’ACT-A. La charte dont j’ai parlé tout à l’heure sera normalement validée dans quelques jours. Nous avons pris cette initiative pour faire en sorte qu’il y ait une véritable mobilisation en ce qui concerne les systèmes de santé, les diagnostics, les traitements et les vaccins.

S’agissant de Gavi, l’outil de distribution des vaccins, nous avons porté notre contribution à 500 millions d’euros. En ce qui concerne le COVAX, qui est la facilité financière permettant d’acheter des vaccins, nous avons mobilisé 100 millions. Je pense avoir répondu à votre question, monsieur Mbaye.

M. Jean-François Mbaye. Cela ne correspond pas à ce que j’attendais, notamment en ce qui concerne la trajectoire, mais nous pourrons en rediscuter.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je reprends. Il faut distinguer, au sein du dispositif concernant les vaccins, le distributeur et le financeur. Ce dernier, s’agissant de la covid-19, est le COVAX, pour lequel nous mobilisons 100 millions d’euros. Pour ce qui est du distributeur, Gavi, nous apportons 500 millions, sur un total de 2 milliards, de mémoire. ACT‑A a quatre silos, je le répète : les vaccins, les traitements, les diagnostics et les systèmes de santé.

M. Jean-François Mbaye. Quels montants ont été décaissés à ce stade ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je n’ai pas le chiffre mais nous allons vérifier.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous propose de nous faire parvenir une note que je diffuserai auprès de l’ensemble des membres de la commission.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous le ferons pour mercredi prochain.

S’agissant des droits de l’enfant, on peut regarder comment cette question pourrait s’insérer dans le texte : il est déjà beaucoup question de l’éducation.

En ce qui concerne l’évaluation en continu, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) joue déjà un peu ce rôle mais je suis également ouvert sur ce point.

Je le suis, de même, aux propositions de M. David. J’ai évoqué la question avec le Président mais cette décision ne m’appartient pas.

La francophonie ne relève pas directement du développement. Néanmoins, le projet de loi précise que la politique de développement « œuvre également à la promotion de la diversité culturelle et de la francophonie ». Celle-ci a un budget, un mode de fonctionnement et des partenaires qui sont spécifiques.

J’ajoute que l’effort réalisé dans le cadre du partenariat mondial pour l’éducation est tourné en priorité vers les 19 pays dont j’ai parlé. Ils appartiennent en grande partie à l’Afrique francophone – mais il y a aussi Haïti. On contribue donc à la francophonie en développant l’enseignement dans ces pays.

C’est aussi une question qui se pose dans le cadre de la politique d’influence que peut constituer la politique de développement, comme vous l’avez souligné.

Je ne reviens pas sur l’intervention de Jean-Michel Clément : il a formulé des observations plutôt que des questions, et il est parti.

Je me suis entretenu la semaine dernière avec M. Blinken, monsieur Habib, et nous allons nous reparler cette semaine.

S’agissant des ONG concernées par des aides ou des partenariats de projets utilisant des outils français, nous sommes très clairs : il faut un criblage des bénéficiaires pour éviter le blanchiment d’argent ou des détournements à des fins terroristes, sauf en ce qui concerne l’aide humanitaire. Cette aide urgente pour des populations dans le désarroi ou en détresse n’est pas soumise au criblage : nous n’avons pas le temps – ni la volonté – de le réaliser. Ce sont les normes internationales, de l’OCDE, auxquelles tout le monde doit se plier.

Nous avons des points d’accord et des divergences, madame Autain, ce n’est pas nouveau. Je suis d’accord avec vous quant à la nécessité d’un pilotage des outils dont nous disposons, pour éviter qu’ils se comportent d’une manière autonome. Je crois que le texte permettra de l’éviter en ce qui concerne l’AFD : il fera en sorte qu’il y ait une véritable direction pour l’ensemble des acteurs. L’article 7 est très clair : « L’Agence française de développement est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’État et contribuant à l’action extérieure de la France au sens de l’article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État ».

Vous avez également évoqué la cohérence de notre action – je ne vais pas revenir sur le Mercosur. Mais l’alinéa 3 de l’article 2 insiste sur la cohérence entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact sur l’atteinte des objectifs de développement durable dans les pays partenaires, en particulier les politiques sociale, commerciale, fiscale, migratoire, de sécurité et de défense, de recherche et d’innovation, et d’appui aux investissements à l’étranger.

Monsieur Lecoq, nous ne sommes pas d’accord sur le Mozambique, j’en suis désolé. Peut-être ai-je de mauvaises informations – je vais les vérifier. Je suis allé plusieurs fois à Maputo, j’ai vu le président Filipe Nyusini, qui a signé un partenariat avec Total, bien qu’il soit membre du parti révolutionnaire Frelimo – cela peut donc arriver ! Il est soucieux de la sécurité de la zone. Nous pouvons engager le débat sur le Mozambique, mais peut-être pas aujourd’hui.

M. M’Jid El Guerrab. Monsieur le ministre, quid de la communication de l’AFD et nos pudeurs de gazelle ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je serai très heureux que, lors de nos débats en séance publique, le sujet de la communication, de l’identification et de la lisibilité de l’action de la France soit porté par des parlementaires car je partage votre avis. Je suis parfois stupéfait de nos pudeurs et, en même temps, de l’absence de pudeur d’autres qui, pour de petites choses, font beaucoup de bruit quand nous faisons de grandes choses, mais avec moins de bruit… C’est cela aussi la politique d’influence.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le ministre, vous allez nous obliger à citer de vieilles maximes de la bourgeoisie lyonnaise : le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit !

Nous n’allons pas commencer le débat avec les députés s’exprimant à titre individuel. Nous y reviendrons le 10 février à neuf heures trente en votre présence, mais je ne prendrai pas de nouveaux inscrits. Interviendront donc pour deux minutes chacun M. Jacques Maire, Mme Amélia Lakrafi, M. Michel Herbillon, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Marion Lenne, Mme Anne Genetet, Mme Liliana Tanguy, M. Pierre Cabaré, M. Éric Girardin, Mme Nicole Le Peih, Mme Aina Kuric, Mme Olga Givernet et Mme Sira Sylla et M. Rodrigue Kokouendo.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces échanges très intéressants et l’affirmation de votre volonté de cheminer ensemble pour perfectionner ce projet de loi, coproduit par les assemblées et vous-même.

Nous serons heureux de vous accueillir à l’occasion de l’examen des articles, et donc des amendements. Notre objectif est de coller à une réalité qui a profondément changé. C’est aussi de bâtir une gouvernance au sein de laquelle les engagements pris par l’exécutif seront tenus. Nos collègues sont très soucieux de disposer d’une terre solide sur laquelle bâtir.

Marielle de Sarnez aurait été heureuse de voir que les discussions qu’elle avait tant contribué à préparer, en collaboration avec le Sénat, se déroulent de manière constructive. J’avais le devoir de le rappeler, ce qui explique ma longue introduction.

Enfin, je remercie M. Berville. Je sais qu’il ne vous lâchera pas, monsieur le ministre !

 

Lors de sa réunion du mercredi 10 février 2021, 9h30, ouverte à la presse, la commission a terminé l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je remercie M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, d’être présent pour représenter le Gouvernement lors de l’examen de ce texte important, qui est « le » projet de loi de notre commission dans cette législature. Je donne à présent la parole aux orateurs qui n’ont pas pu s’exprimer mardi dernier dans la discussion générale.

M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, je salue votre présence. L’article 9 prévoit la création d’une commission d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, création que nous appelions de nos vœux, depuis longtemps. Elle sera, nous l’espérons, un outil essentiel pour mettre fin à l’éparpillement des données relatives à l’aide publique au développement.

Je salue aussi, dans un contexte où les moyens consacrés à la politique d’aide au développement sont en augmentation, la volonté de renforcer et de rationaliser les capacités d’évaluation externe, et de s’inspirer de la commission indépendante sur l’impact de l’aide, créée en 2011 au Royaume-Uni.

Quelle est votre vision du rôle de cette commission ? Son architecture, sa composition et son fonctionnement sont renvoyés à un décret. Son rattachement à la Cour des comptes est un point essentiel pour le groupe Les Républicains, notamment pour Bérengère Poletti, que je représente aujourd’hui. Comment entendez-vous concilier la nécessaire indépendance et l’efficacité de la commission pour évaluer les projets et contrôler ce qui est fait, sans tomber dans un contrôle strictement comptable et budgétaire de l’aide publique au développement ?

Pour que la commission soit réellement indépendante – mon groupe le souhaite –, quels moyens humains, techniques et financiers entendez-vous lui accorder ?

Enfin, la taxe sur les transactions financières abonde pour partie le Fonds de solidarité pour le développement. Comptez-vous faire évoluer son niveau, son périmètre ou l’étendre à d’autres pays européens ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Les sujets que vous évoquez sont pour partie inscrits dans le texte. Je suis très favorable à la création d’une commission indépendante d’évaluation de la politique de développement. Elle est indispensable, à l’égard de la représentation nationale comme de nos compatriotes, pour qu’ils sachent si les actions que nous menons correspondent à la mission qui a été donnée. La fonction de cette commission sera non pas de contrôler la régularité des comptes – d’autres outils existent pour cela ; la Cour des comptes, en particulier, joue un rôle important – mais d’évaluer l’application de la politique de développement et son incidence réelle sur le terrain. Pour cela, la commission doit être totalement indépendante et permettre à la fois la systématicité, la transparence et la visibilité.

Quant à sa composition et à la manière dont elle pourra s’organiser, qui relèvent en effet d’un décret, j’écouterai les propositions de votre commission, et celles de la commission des affaires étrangères du Sénat. J’ai participé hier à un débat sur le Sahel au Sénat, où les questions de développement ont été évoquées. Je l’ai dit avec beaucoup de clarté : il faut une indépendance réelle de la commission, et que son objet soit bien la visibilité des évaluations et la transparence de l’aide. Cela permettrait de fournir une information à un large public, dans un langage accessible, afin que nos concitoyens puissent juger de l’efficacité de notre aide au développement. La commission devra ensuite avoir les moyens de réaliser ses travaux, mais, je le redis, elle doit d’abord être totalement indépendante, du Parlement comme du Gouvernement, de l’État comme du Quai d’Orsay.

M. Jacques Maire. Nous attendions le présent projet de loi depuis trois ans et demi. Il arrive à un point opportun, puisqu’il ne précède pas mais suit les actes en matière politique et budgétaire, ainsi que sur le terrain. Nous nous réjouissons que le Parlement soit enfin au rendez-vous sur cette question.

En dehors de la composition des conseils d’administration, le Parlement n’est mentionné qu’une seule fois dans le texte, ce qui est dommage car les assemblées jouent un rôle essentiel. D’abord, le Parlement est votre ami. Vous le savez, la politique d’aide au développement n’a pas beaucoup de lobbies parmi la population, mais les parlementaires impliqués sur les sujets internationaux sont vos principaux alliés dans le combat permanent vis-à-vis des administrations ou des finances.

Surtout, le Parlement est un acteur de gouvernance, à la fois ici et sur le terrain. La question des financements internationaux fait partie du domaine réservé des gouvernements des pays bénéficiaires. Ils ne font l’objet de pratiquement aucun contrôle. Avec cet ambitieux projet de loi, nous proposons de reconnaître le rôle des parlements – des pays donateurs comme des pays bénéficiaires – dans la gouvernance de l’aide. Ils représentent la diversité des populations, des ethnies, des régions ; en faire des acteurs, y compris de l’appropriation de l’aide et de la capacité à mener des contrôles budgétaires sur place, est un instrument de lutte contre la corruption.

Enfin, il faut constater les difficultés des ONG s’agissant du blanchiment et du criblage. Monsieur le ministre, serez-vous disposé à recevoir nos propositions à ce sujet, pour permettre à ces organisations de travailler dans des zones complexes comme Idlib ou Ménaka, où le terrorisme est constamment présent ?

M. Hubert Julien-Laferrière. « Enfin ! » est le premier mot qui nous vient à l’esprit en débutant l’examen du présent projet. La place singulière qu’occupe la France dans le monde nécessite que nous relevions notre ambition en matière d’aide publique au développement. C’est ce qui est fait depuis le début du quinquennat en matière budgétaire. Une loi de programmation était attendue depuis le début de la législature, et encore plus depuis les engagements pris en 2018 avec le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Nous aurons l’occasion de discuter de ses objectifs financiers, de ses priorités sectorielles et de ses instruments privilégiés. L’ambition de la France est de rester à la hauteur de cette place singulière qu’elle occupe pour la réduction des inégalités mondiales, la lutte contre la pauvreté, la préservation des biens publics mondiaux – santé, climat, biodiversité – et l’atteinte des objectifs de développement durable.

Au mieux, la loi sera promulguée avant l’été, ce qui est cocasse pour une loi de programmation qui s’arrête en 2022. Nous avons besoin d’une loi de programmation pour 2025, qui précise l’aide en pourcentage, en valeur absolue et la ventilation des objectifs financiers. Cela est vrai tant pour les priorités géographiques – nous sommes attachés à ce que notre aide publique au développement s’oriente encore davantage vers les pays pauvres prioritaires, que le CICID a listés en 2018 – que pour les instruments, avec une priorité aux dons, ou les priorités sectorielles.

À l’avenir, comment pourra-t-on mesurer davantage les impacts de l’aide, ce que nous sommes nombreux à demander et que vous appelez aussi de vos vœux ? Depuis des décennies, l’aide publique au développement se mesure de manière déclarative : on compare ce que les pays déclarent. Demain, il faudra mesurer clairement les effets sur les populations des pays bénéficiaires.

Mme Aina Kuric. Monsieur le ministre, je salue votre détermination, qui nous permet aujourd’hui d’examiner ce texte, à la suite de l’engagement du Président de la République. Nous sommes prêts à travailler avec vous, avec beaucoup d’enthousiasme. Parmi les nombreux sujets dont nous débattrons, je veux insister, avec ma collègue Laurence Dumont, sur l’enregistrement des naissances, qui doit être placé au cœur de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

D’après le Fonds des Nations unies pour l’enfance, en décembre 2019, 166 millions d’enfants de moins de 5 ans, soit un quart des enfants, ne sont pas enregistrés dans le monde. Dans cette même tranche d’âge, 237 millions d’enfants, soit un enfant sur trois, ne disposent pas d’un acte de naissance.

Lorsque l’on élabore des stratégies de développement, on doit savoir de combien de personnes nous parlons. L’identité est le premier des droits, celui qui permet l’ouverture de tous les autres. Notre commission a déjà exprimé son engagement sur la question, en votant à l’unanimité le rapport de la mission d’information sur les enfants sans identité. Je vous demanderai, chers collègues, de renouveler votre soutien, en votant un amendement visant à flécher les moyens pour faire de l’enregistrement à la naissance une réalité, conformément à l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant, au seizième objectif de développement durable ainsi qu’aux valeurs de notre nation à l’égard de tous les enfants. J’espère que le Gouvernement soutiendra également cette proposition.

Mme Olga Givernet. Le présent projet de loi donne un nouvel élan à notre politique d’aide au développement. Malgré la crise sanitaire et économique, il concrétise un engagement fort du Président de la République. Pour reprendre les mots du ministre, notre pays est enfin revenu dans le jeu, après quelques années d’éclipse.

Comme le plan de relance, ce cadre stratégique s’appuie sur un effort budgétaire sans précédent. Surtout, il traduit notre préoccupation de gérer l’urgence sans sacrifier l’avenir. Mais la montée en puissance de l’aide au développement va bien au-delà de l’amplification de l’effort budgétaire. Elle en fait un véritable pilier de l’action extérieure de la France, en complément de la diplomatie et de la défense.

La coopération décentralisée, c’est-à-dire l’action extérieure des collectivités territoriales, joue un rôle croissant en matière d’aide au développement. Dans les dernières années, plusieurs évolutions législatives ont consacré une véritable autonomie des collectivités, dans les limites des engagements internationaux de la France. Dans nos territoires, la demande en ce sens est forte. L’action extérieure est perçue comme une expression signifiante de la démocratie locale. Dans ma circonscription, plusieurs initiatives ont été engagées, comme le financement d’un réseau d’eau potable à Madagascar et au Togo par la communauté de communes du pays de Gex.

Nous souhaitons donc nous assurer que l’État conçoit bien les acteurs locaux comme des partenaires stratégiques à part entière dans la stratégie française d’aide au développement. Nous ferons des propositions en ce sens.

Mme Sira Sylla. Les représentants de la diaspora constituent aujourd’hui un ensemble organisé. Ils peuvent être des catalyseurs et vecteurs d’efficacité, grâce à leur capacité de suivi de projets à très petite échelle, en lien avec une communauté de bénéficiaires d’un projet de développement. Les diasporas sont d’ailleurs le premier acteur du développement.

Dans un avis du 26 février 2020, le Conseil économique, social et environnemental, représentatif de la société civile, a rappelé l’importance d’impliquer davantage les membres de la diaspora organisée dans le pilotage et l’évaluation de la politique française d’aide, et de valoriser en particulier les diasporas engagées pour le développement de leurs pays d’origine.

Vous l’avez rappelé la semaine dernière, Monsieur le ministre, nous voulons associer nos partenaires à nos efforts – faire « avec », et non plus « pour ». Les diasporas sont au cœur de ce partenariat refondé avec l’Afrique. J’en veux pour preuve la rencontre avec les diasporas à l’Élysée, la deuxième édition de la Mobilisation européenne pour l’entreprenariat en Afrique (MEET Africa 2), que vous aviez lancée avec l’ancien ministre sénégalais des affaires étrangères, Amadou Ba, ou le Sommet Afrique-France, où les diasporas joueront un rôle central. Comme mes collègues, je me réjouis que le soutien aux diasporas soit bien présent dans le projet de loi. Depuis 2018, nous demandions qu’il y figure. Nous avons été écoutés : le texte a été coconstruit, sous l’impulsion de notre présidente Marielle de Sarnez et de notre rapporteur, Hervé Berville, qui a associé les parlementaires à ses travaux.

La représentativité des diasporas au sein des organes de pilotage est essentielle. Elle peut encore être améliorée, afin de garantir une participation de toutes les parties prenantes aux politiques de développement et de lutte contre les inégalités mondiales. Il en va ainsi de la représentativité au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, dont la composition sera fixée par décret, ou de celle de la commission d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

M. Rodrigue Kokouendo. En octobre 2017, la commission des affaires étrangères, sous la présidence de Marielle de Sarnez, pour laquelle nous avons une pensée émue, a confié à Bérengère Poletti et à moi-même une mission d’information sur l’aide publique au développement, faisant notamment écho aux ambitions du Président de la République d’augmenter l’intervention de la France. Sous l’impulsion de notre présidente, nous avons beaucoup travaillé, avec le rapporteur et nos collègues, députés et sénateurs, pour coconstruire le présent projet de loi.

Il redessine les moyens d’intervention de notre politique de développement, dans un contexte mondial qui devra privilégier la lutte contre la pauvreté ainsi que la sauvegarde et le développement des biens publics mondiaux, en nous appuyant plus spécifiquement sur les actions multilatérales. La lutte contre la pauvreté et les inégalités passe par la recherche et par l’innovation. Je me réjouis des nouveaux moyens de financement et du lancement du Fonds d’innovation pour le développement par le Président de la République. S’il faut encourager et expérimenter de nouvelles idées, il convient aussi de tester leur efficacité. J’espère que le nouveau fonds tiendra ses promesses. J’attache de l’importance à cette initiative de progrès.

Avec ces moyens augmentés, il faudra être particulièrement solidaire avec les pays d’Afrique subsaharienne, notamment pour les aider à réinventer leur économie, privilégier les besoins sociaux, la survie des hommes et des femmes, instaurer une coopération plus étroite, favoriser aussi la coopération Sud-Sud, privilégier les dons, plutôt que l’endettement. En ce sens, l’affirmation des 19 pays prioritaires est une bonne chose. Que ces nouveaux moyens et cette politique volontariste et solidaire, sous l’impulsion du ministre, avec l’appui du Président de la République et le soutien du Parlement, puissent contribuer à donner à la jeunesse africaine un avenir en Afrique.

Que pensez-vous de l’idée de fixer une proportion minimale de l’aide bilatérale à allouer aux pays prioritaires ? Nous suggérons aussi de hiérarchiser et sélectionner les contributions françaises en matière d’APD, afin d’éviter une dispersion de l’aide multilatérale française et de la concentrer sur les organisations dont les objectifs premiers coïncident avec les priorités du Gouvernement.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je me réjouis avec vous de l’arrivée de ce texte devant le Parlement, dont je n’avais pas relevé qu’il n’était cité qu’une fois dans le texte. Le cadre de partenariat global permettra de parer à cette insuffisance. Je propose donc d’y remédier par voie d’amendement.

En raison de l’urgence et de la rapidité d’intervention, l’aide humanitaire n’est pas soumise aux demandes de criblage des bénéficiaires : il faut l’apporter aux populations le plus rapidement possible. En revanche, le criblage permet de sécuriser la destination des actions de développement, et de nous assurer qu’il n’y a pas de risque de corruption et de blanchiment d’argent. Il est donc nécessaire pour des relations de longue durée.

Les actions de stabilisation, qui se trouvent entre l’aide humanitaire et l’aide au développement, posent quelques difficultés. Elles donnent lieu à des discussions avec les acteurs, pour savoir dans quelle mesure on peut s’assurer de la qualité des destinataires et de l’efficacité de l’action. Cette zone grise n’est pas encore suffisamment clarifiée. Comme la réponse varie selon les pays, il faut adopter une position assez souple.

Les principes fondamentaux qui ont été évoqués restent les nôtres : être au rendez-vous des objectifs de développement durable, renforcer les dons par rapport aux prêts, le bilatéral par rapport au multilatéral. Nous avons tenu ces propos dès le début de la législature, et les avons appliqués dans les réalités financières concrètes – les chiffres l’attestent.

S’agissant de l’objectif de 2025, l’article 1er prévoit une révision avant la fin de l’année 2022, pour prévoir le dispositif financier des années suivantes. Il en va de même dans les autres lois de programmation. Dans d’autres fonctions, j’ai ainsi présenté un projet de loi de programmation militaire, qui prévoyait également une révision à mi-parcours, avec une réévaluation de la programmation sur la seconde partie de la période, en fonction de la situation économique et financière du pays.

Je partage avec vous la nécessité de mesurer les impacts de l’APD. La commission d’évaluation aura ce rôle : elle pourra être très exigeante, à condition d’être indépendante – du Gouvernement, du Parlement et des acteurs – et de pouvoir s’exprimer librement, sans intervention extérieure. J’y veillerai dans le débat, même si c’est aussi votre préoccupation. Nous y parviendrons.

Je suis sensible à l’enjeu de l’enregistrement des naissances à l’état-civil et des droits de l’enfant, qui sont une préoccupation permanente. Au Sahel, par exemple, y compris dans les pays qui font l’objet d’une attention particulière, l’état-civil n’est pas à la hauteur des nécessités. C’est un effort d’appartenance nationale qu’il faut poursuivre dans ces pays. Je suis intéressé par les propositions qui seront faites, pour préserver les droits de l’enfant. Je partage notamment les conclusions du rapport d’information sur les enfants sans identité. J’espère que nous pourrons avancer sur cette question préoccupante : c’est indispensable à la cohérence de notre action extérieure.

Au début de mon mandat, j’avais annoncé que je souhaitais aboutir au doublement des fonds destinés aux collectivités territoriales qui agissent dans le cadre de la coopération décentralisée. Il importe de renforcer leurs capacités. Je l’ai dit aux acteurs, notamment de Cités unies France (CUF), une coordination est souhaitable dans les pays où la coopération décentralisée est forte. Au Mali, au Burkina Faso, à Madagascar, où de nombreux jumelages et des actions significatives sont menés, l’action commune est insuffisante. Chacun agit dans son coin avec sa propre commune, sans cohérence globale. Il est essentiel de renforcer, dans la loi, la responsabilité de la coordination territoriale, non seulement avec les collectivités mais avec l’ensemble des acteurs qui interviennent dans un territoire. Le Mali a beau être l’un des pays où il y a le plus de coopération décentralisée, cela n’a pas empêché ce qui s’y est passé.

Le soutien financier de l’État à l’activité des collectivités territoriales sera au rendez-vous. En outre, l’article 4 du projet de loi leur donne la possibilité de financer les actions liées à la mobilité et à la connectivité par dispositif du 1 % transport. Il faut seulement que la recette soit affectée à un système qui fonctionne et soit cohérent avec le secteur où le prélèvement est effectué. C’est une volonté concrète d’agir en ce sens.

Associer la diaspora est essentiel. Au Sénégal, elle est un acteur majeur de développement. Je suis d’accord pour travailler à ce que les diasporas soient mieux représentées dans les différents collèges car elles sont un acteur majeur. Leur connaissance des deux côtés de l’action permet des réalisations d’importance. La diaspora doit être présente dans le CICID. Elle sera placée au centre du prochain Sommet Afrique-France, à Montpellier, en juillet.

Le Fonds d’innovation pour le développement, animé par Mme Esther Duflo, permettra, je l’espère, des avancées méthodologiques significatives pour concevoir un nouveau partenariat. Nous le suivrons de près. La clé de l’innovation réside non pas nécessairement dans des financements lourds, mais dans des financements originaux, rapides, afin de tester des projets. Les Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI), que j’ai déployés à partir de 2018, ont déjà pu contribuer à soutenir des projets d’innovation technologique, sociale, financière ou environnementale. Ils doivent être renforcés, et le Fonds d’innovation pour le développement sera pertinent à cet égard.

La nécessité de la coopération bilatérale a également été rappelée. Nous avons fixé des montants d’intervention bilatérale élevés, notamment vers les 19 pays prioritaires, pour lesquels une certaine part d’aide doit impérativement être respectée. Le rapport d’information de M. Kokouendo contient des propositions dans ce domaine. Nous pourrons sans doute les conforter au cours du débat.

 

 


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III.   Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

Lors de sa réunion du mercredi 3 février 2021 après-midi, ouverte à la presse, la commission a auditionné M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je remercie monsieur Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, d’avoir accepté d’être auditionné sur projet de loi qui comprend des dispositions importantes en matière d’évaluation et de contrôle. Nous souhaiterions que vous nous expliquiez en quoi le premier président de la Cour des comptes et la Cour des comptes pourraient apporter leur soutien à ce dispositif, l’un et l’autre étant impliqués à des titres différents dans les opérations d’évaluation et de contrôle du groupe Agence française de développement.

La Cour des comptes a publié en février dernier un rapport portant sur le pilotage stratégique par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères des opérateurs extérieurs de l’État. Ce rapport précise notamment que l’Agence française de développement (AFD) doit être bien contrôlée, encadrée et orientée. L’AFD est à la fois le bras séculier de l’État, en tant qu’elle diffuse des politiques animées par le gouvernement, et un opérateur financier qui exerce en toute responsabilité sur le marché, rassemblant des ressources et consentant des prêts. De manière générale, le rapport de la Cour rappelle l’exigence de cohérence dans les liens qu’entretiennent l’Agence française de développement et le ministère. Il conclut que le ministère peine à en orienter et à en contrôler l’action et que les instruments de pilotages dont il dispose présentent des limites qui entravent l’exercice de tutelle. Comment élargiriez-vous ces limites si vous exerciez des responsabilités importantes dans l’organisme de contrôle ? Comment le système pourrait-il être mieux piloté, contrôlé et évalué ?

Notre rapporteur, monsieur Berville, s’est engagé avec énergie et persévérance à faire aboutir ce projet de loi coconstruit entre le ministère, le parlement et ses commissions. Je lui laisse la parole. Nous veillerons à ce que cette étroite symbiose se maintienne à l’avenir.

M. le rapporteur Hervé Berville. Je vous remercie, monsieur le premier président, d’avoir accepté notre invitation dans des délais assez courts pour l’examen du projet de loi qui nous intéresse. Le sujet porté autour de cette table est moins le contrôle que l’évaluation, qui au-delà de ses impacts directs, doit être comprise comme un élément de crédibilité de notre action. Une caractéristique notoire de la politique de développement est que ses premiers bénéficiaires ne sont pas français. La redevabilité n’est donc pas la même. Dans un contexte où l’objectif est d’augmenter l’aide publique au développement à 0,55 % du RNB et même au-delà, l’évaluation devient cruciale, car c’est bien la crédibilité qui crée l’adhésion des citoyens à nos actions et le consensus. La crédibilité nous confère de surcroît une influence à l’international. La voix française sera d’autant plus écoutée sur les questions de développement solidaire qu’elle aura démontré que ses actions, qu’elles soient menées par l’Agence française de développement ou par les ambassades, ont des impacts au quotidien. L’évaluation détermine en somme les rapports de confiance que nous pouvons nouer avec les concitoyens.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi institue une commission d’évaluation. Nous noterons tout d’abord qu’elle n’est pas qualifiée d’« indépendante ». Nous remédierons rapidement à cette lacune. Néanmoins, comme l’a indiqué hier le ministre, la situation peut être encore être précisée. Les débats parlementaires peuvent donc se poursuivre sur le sujet et votre présence nous est précieuse dans ce cadre.

Plusieurs questions se posent. Premièrement, comment garantir l’indépendance de la commission ? Deuxièmement, comment s’assurer de la diffusion de ses travaux à tous les publics, de manière à ce que les citoyens soient bien informés de l’aide publique au développement ? L’enjeu n’est certes pas de limiter la présentation de l’évaluation effectuée à notre commission, mais de communiquer ces travaux aux citoyens. Il nous semble essentiel de démocratiser l’aide publique au développement et d’en communiquer régulièrement les résultats au grand public. Troisièmement, quelle est selon vous la place du parlement dans l’architecture ? Personnellement, je ne suis pas favorable à ce que des parlementaires siègent à la commission. Ce n’est ni notre vocation ni notre métier. En revanche, il me semble important que la commission présente ses travaux devant le parlement ainsi qu’un bilan de la mise en œuvre de ses recommandations d’ici un an et demi. Quelle est votre perception de cette « redevabilité » de la commission ?

Le rattachement de la commission à la Cour des comptes est au nombre des scénarios que nous examinons. Il soulève au moins cinq interrogations sur la domiciliation, la présidence, la composition de la commission, le mode de travail adopté, à savoir le recours ou non à des prestataires externes, et la redevabilité. Comment envisageriez-vous les conditions d’un rattachement ?

Enfin, la Cour des comptes rend régulièrement des avis sur l’Agence française de développement, et notamment sur le rôle des tutelles. Quelles sont les avancées de ce texte dans ces domaines ? Pensez-vous que la loi vise un bon équilibre, c’est-à-dire qu’elle permette au ministère de veiller à ce que l’Agence française de développement mette en œuvre la politique du gouvernement, tout en lui laissant la flexibilité inhérente à son statut ? L’indépendance de la commission et centrale est la confiance des Français en dépendra.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il me semble également de bon sens que les parlementaires ne fassent pas partie de la commission dès lors qu’elle doit rendre des comptes au parlement. On ne peut pas être à la fois être évaluateur et responsable. Les enjeux fondamentaux sont l’indépendance et la transparence de la commission. Je précise que je ne mélange pas le contrôle et l’évaluation et il s’agit bien d’une commission d’évaluation. Il n’en demeure pas moins que l’Agence française de développement est contrôlée. Étant donné, monsieur le premier président, que vous vous exercez aux deux bouts de la chaîne, peut-être pourriez-vous préciser comment s’articulent le rôle d’évaluateur et le rôle de contrôleur, qui restera celui des chambres de la Cour des comptes.

M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Je suis très heureux d’intervenir devant vous à plusieurs titres. Premièrement, le renforcement de la dimension européenne et internationale de nos travaux est pour moi un axe prioritaire, tout comme le développement de liens plus étroit avec le parlement. Deuxièmement, je connais bien votre commission, y étant intervenu à plusieurs reprises, d’abord comme ministre des affaires européennes, plus récemment comme ministre de l’économie et des finances, et comme commissaire européen. Enfin, je fus membre de cette commission entre 2007 et 2009.

Évidemment, je n’ai pas compétence pour m’exprimer sur le fond du projet de loi et pour commenter à chaud la politique du gouvernement. Ce n’est pas mon rôle et je ne le ferai pas. En revanche, j’aborderai les deux sujets du contrôle et de l’évaluation, car la Cour exerce ces deux activités. J’exposerai en un premier temps les travaux de la Cour portant sur le périmètre de la commission. Je présenterai ensuite les avantages que pourrait présenter son rattachement à la Cour des comptes si vous le décidez.

La Cour a établi cinq rapports depuis 2018 sur l’aide publique au développement. Le principal rapport concerne le groupe Agence française de développement lui-même, qui a fait l’objet d’une insertion spécifique dans notre rapport public annuel en 2019. Ce groupe comprend l’Agence et sa filiale Proparco. Il est aujourd’hui l’opérateur pivot de l’aide bilatérale française, et reconnu comme tel. Depuis une quinzaine d’années, il s’est beaucoup s’est développé, grâce à une augmentation notable de ses ressources propres et à un renforcement régulier de son assiste financière par l’État. Son directeur général monsieur Rioux a beaucoup agi en ce sens. Notre rapport expose différentes voies d’amélioration relative à la gestion et à l’organisation de l’Agence française de développement. Il souligne d’abord que sa soutenabilité financière dépendra à l’avenir de sa capacité à maîtriser ses charges, notamment de personnel. Notre rapport appelle d’une part, à refondre le statut de ces personnels, dont le régime de rémunération est assez coûteux et d’autre part, à moderniser ses systèmes d’information. Il souligne aussi que le maintien de son efficacité économique et la qualité de son portefeuille financier sont déterminants. Le prêt devrait demeurer dans les années à venir l’instrument privilégié de financement du développement.

Vous avez évoqué le pilotage de l’Agence française de développement. Dans une enquête menée en 2010, la Cour avait pointé les insuffisances du pilotage interministériel. Elles demeurent pour nous d’actualité en 2019. Le rapport recommande une réunion au moins annuelle du comité interministériel de coopération internationale et du développement (CICID). Ces recommandations sont émises depuis sa création en 1998. Il importe maintenant de soutenir son plein déploiement, ainsi que celui du conseil d’orientation stratégique qui accompagne l’AFD dans la définition de sa stratégie. Nous plaidons également pour doter les instances de gouvernance du groupe de compétences plus diversifiées, notamment bancaires et financières pour l’agence, ou d’expertise et de développement pour Proparco. Le rapport souligne enfin la nécessité d’une plus grande intégration de l’AFD et de Proparco dans les réseaux économiques et diplomatiques français. Il préconise de renforcer la capacité de l’AFD à évaluer les résultats des projets qu’elle a financés, et plus globalement sa contribution aux objectifs de l’aide publique au développement française. Je précise que nous avons inscrit au deuxième semestre de l’année 2021 un contrôle de la fonction d’évaluation au sein de l’Agence française de développement.

En sus de cette enquête sur le groupe AFD, mon prédécesseur Didier Migaud a adressé en 2019 au premier ministre un référé qui portait sur la contribution de la France au fonds vert pour le climat. Ce contrôle complétait celui par la Cour en 2015 sur le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, et celui de 2018 sur le fonds européen de développement.

 Le fonds vert pour le climat est né en 2009 pour aider les pays en développement à atténuer les effets du changement climatique et à adapter leurs économies en conséquence. Il a été installé en Corée du sud en 2012. Il a fallu attendre 2015 pour que les pays donateurs effectuent les premiers versements et 2016 pour que les projets agréés bénéficient des premiers décaissements. En 2014, le président de la République François Hollande s’était engagé à faire contribuer la France à hauteur d’un milliard de dollars entre 2015 et 2018, soit près de 780 millions d’euros. Cela correspondant à 10 % du montant total des promesses. L’engagement a été tenu sous deux formes : un prêt concessionnel de 285 millions d’euros, que l’Agence française de développement a versé en 2017 avec une bonification d’Etat ; et un don de 489 millions d’euros que le fonds de solidarité pour le développement a versé en plusieurs tranches jusqu’en 2018. La France est aujourd’hui quatrième donateur du fond. Elle est membre de son conseil et donc pleinement légitime à s’assurer de l’emploi des contributions au plus près de l’objet du fond. Dans son référé, la Cour a attiré l’attention du gouvernement sur les délocalisations coûteuses des réunions du conseil du fond, ainsi que sur la nécessité de maîtriser les coûts élevés d’instruction et de gestion des actions financées. Le fonds vert approuve les projets, mais en confie l’exécution à des agences de développement qu’il agrée, dont l’AFD. L’addition des coûts de gestion peut sembler disproportionnée dans certains cas par rapport au bénéfice final pour les économies locales. La Cour ajoute qu’il est également important de s’assurer du caractère complémentaire et concordant des financements multilatéraux de la France en faveur de l’environnement et du climat, de façon à ce que les priorités de la France se reflètent dans celles du fonds vert pour le climat.

Un autre fonds fait l’objet d’un travail de la Cour remis aux assemblées parlementaires l’année dernière. Il s’agit du fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique. Créé par Nicolas Sarkozy pour soutenir les PME africaines, le FISEA a été doté de 250 millions d’euros et c’est le premier fonds d’impact français doté en capital. Il avait pour objectif de créer ou soutenir 100 000 emplois et de regrouper 1 milliard d’euros d’investissements. Il s’agit d’un instrument financier assez original, à mi-chemin entre subvention et fonds de capital. Il revêt la forme d’une société par actions simplifiées, dont la gestion est assurée par Proparco. L’intégralité du capital n’a été libérée que fin 2019. Notre rapport fait état d’une distribution des investissements certes diversifiée, mais trop orientée vers l’Afrique orientale anglophone. En outre, l’objectif de parité entre le nombre des investissements directs dans les entreprises et les prises de participation dans d’autres fonds n’est pas respecté. Le bilan financier des dix dernières années, en perte de 80 millions d’euros, nous est apparu décevant. La Cour, constatant que l’activité du fond est rentable pour Proparco, recommande aussi de mieux mesurer la création d’emplois directs et indirects liée à l’intervention du FISEA, notamment au moyen d’évaluations contrefactuelles.

J’en viens au quatrième rapport. En 2020, la Cour a mené à la demande du Sénat une enquête sur le pilotage stratégique des opérateurs du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Une large part de cette enquête a été consacrée à l’aide au développement. Le rapport souligne la nécessité d’une plus grande coordination tant entre les directions du ministère qu’avec les autres ministères compétents et avec les opérateurs eux-mêmes. Cela répond indirectement à la question que vous posiez concernant les tutelles et illustre la progression de la force de frappe de l’Agence française de développement. L’élargissement de ses périmètres géographique, thématique et sectoriel lui permet de couvrir l’ensemble du champ de la coopération et de la solidarité internationale. Elle apparaît à la Cour des comptes comme l’héritière institutionnelle de l’ancien ministère de la coopération.

La Cour pointe plusieurs défaillances du dispositif de pilotage stratégique de l’AFD, déjà mises en évidence lors de son contrôle de la direction générale de la mondialisation en 2018. Elles se traduisent par l’absence de contrats d’objectif et de moyens, de lettres de mission du directeur général, ainsi que par l’absence de révision depuis 2007 de la convention régissant les relations financières entre l’État et l’AFD. Par conséquent, la Cour recommande la mise en place d’une instance de pilotage stratégique au niveau des tutelles de l’AFD, ainsi qu’un meilleur encadrement de l’activité de don financée sur crédits budgétaires. La Cour a également émis des réserves quant au rapprochement d’Expertise France et de l’AFD prévu prochainement. Cette opération ne doit pas conduire à amoindrir la capacité du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à orienter et à contrôler les travaux d’expertise internationale.

Nous formulons régulièrement, dans nos notes d’exécution budgétaire, l’observation suivante : en 2019, le montant total des crédits de la mission d’aide publique au développement s’élève à 4,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,8 milliards d’euros en crédits de paiement. La mission est interministérielle, regroupant le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère des finances. Elle ne représente que 42 % de l’effort budgétaire de l’État en matière d’aide publique au développement, le reste étant réparti dans vingt-deux autres programmes budgétaires, notamment au sein des missions actions extérieures de l’Etat ou en prêts à des États étrangers. Cela soulève trois grandes difficultés. La première est la soutenabilité budgétaire, c’est-à-dire la reconstitution des fonds multilatéraux, et notamment le doublement de notre contribution au fonds vert pour le climat. La deuxième difficulté est liée à l’importance des crédits extrabudgétaires. Dans tous ses travaux effectués sur le budget de l’État, la Cour déplore depuis plusieurs années cette tendance qui porte atteinte au principe d’unité et d’universalité budgétaires dont nous sommes les gardiens. S’agissant de la mission Aide publique au développement, ces crédits extrabudgétaires proviennent de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières françaises. Nous attentons toujours l’établissement d’une taxe européenne, projet auquel j’ai ardemment travaillé dès 2013 lorsque j’étais ministre, puis pendant cinq ans en tant que commissaire européen. Quoi qu’il en soit, la tendance s’est inversée en 2019 avec la réintégration au sein de la mission de 270 millions d’euros issus du produit de la taxe sur les transactions financières. La troisième difficulté est une efficacité insuffisante de la fonction évaluation au sein de l’AFD, au regard des montants envisagés.

De manière générale, la Cour des comptes a abordé ces dernières années l’aide publique au développement dans plusieurs travaux d’envergure qui mobilisent des équipes nombreuses et indépendantes. Les enquêtes conduites viennent compléter les anciennes et elles nourrissent de futurs travaux d’instruction. Elles permettent d’aborder le sujet de façon globale et d’entretenir une expertise de longue date sur le sujet. La fonction de contrôle est importante à la Cour et elle persistera. Nous sommes en train de mener une enquête sur la contribution de la France en matière d’APD dans le domaine de la santé. Elle aborde notamment la lutte contre les grandes épidémies, le renforcement des systèmes de santé et la gouvernance sanitaire dans les pays bénéficiaires. Le rapport sera prolongé au second semestre 2021 par l’examen de la présence française dans les institutions internationales en charge de la santé, en particulier l’OMS.

Tous les travaux que j’ai présentés défendent au fond deux convictions. Premièrement, l’aide publique au développement est d’une importance cruciale pour les pays concernés, notamment au niveau multilatéral. Cela fait partie intégrante du rayonnement de notre pays et de son devoir, presque moral, à l’égard du sud. Deuxièmement, il convient d’être très attentif à l’efficacité de cette aide en évaluant ses impacts directs et indirects. Il est préférable de raisonner en termes de résultats concrets et durables plutôt qu’en termes d’enveloppes allouées. Au regard des enjeux qu’elle défend, le climat, la santé, l’éducation et les inégalités, l’aide publique au développement ne peut pas se permettre de ne pas atteindre ses objectifs. C’est pourquoi l’évaluation et le contrôle sont les deux faces d’une même pièce.

J’en viens ainsi à la commission indépendante d’évaluation prévue par le projet de loi de programmation. Du fait de sa mission constitutionnelle d’évaluation des politiques publiques, la Cour des comptes souscrit à la nécessité d’une évaluation renforcée de la politique de développement. Elle l’a appelée de ses vœux dans plusieurs de ses travaux. Dès lors, la Cour des comptes ne peut que saluer l’objectif porté par le projet de loi. La commission d’évaluation existe déjà dans d’autres pays, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne. Je pense comme vous, monsieur le député, que la politique de développement ne peut pas échapper plus qu’une autre à l’exigence accrue de redevabilité. J’ai moi aussi la conviction que la redevabilité peut devenir un axe stratégique. La place que vous lui accordez dans votre projet de loi me semble tout à fait bienvenue.

Le projet de loi est actuellement discuté dans votre assemblée. Je sais que parmi les dispositions à clarifier figure l’organisme de rattachement de la commission d’évaluation. Les débats de votre commission et de l’assemblée sont souverains. Mon rôle n’est pas de participer à vos échanges, mais je peux contribuer à les éclairer. Dans cette perspective, je souhaiterais présenter les différents avantages que présenterait une commission indépendante d’évaluation de la politique de développement rattachée à la Cour des comptes. Le premier serait de faire bénéficier la commission de l’expertise de la Cour sur les sujets se trouvant au cœur de son activité. Cette expertise s’exerce aussi bien dans le contrôle et l’audit des fonds publics que dans l’évaluation des politiques publiques. La mission nous en a été confiée par la constitution en 2008 dans le cadre de notre rôle d’assistance au parlement et au gouvernement. L’évaluation complète depuis lors nos missions plus historiques que sont le contrôle juridictionnel, la certification des comptes publics et le contrôle de gestion des organismes publics. Ces missions traditionnelles sont précieuses pour l’évaluation, car elles nous offrent une connaissance intime des acteurs publics, et la capacité à travailler de manière interdisciplinaire. Nous avons progressivement bâti notre propre méthode d’évaluation, exercée dans le respect des principes fondamentaux d’indépendance, de collégialité et de contradiction qui s’attachent à l’ensemble de nos travaux. Travailler avec la Cour des comptes est une garantie d’indépendance absolue. Le choix a été fait de ne pas confier exclusivement l’évaluation à une chambre spécialisée. Elle s’exerce ainsi de manière transversale, c’est-à-dire que chacun peut faire de l’évaluation à la Cour des comptes. Dans le cadre du projet stratégique que je prépare pour la Cour, je souhaite que nous multipliions par cinq les ressources que nous consacrons à l’évaluation durant les cinq années qui viennent. Elle représente aujourd’hui 4 à 5 % de nos missions. Je souhaite faire croître ce taux à 20 % dans cinq ans. Nous confrontons régulièrement notre méthode avec celles d’autres institutions supérieures de contrôle. Nous présidons notamment le groupe de travail sur l’évaluation des politiques publiques de l’INTOSAI. Cette organisation anime en particulier des formations sur ce thème.

La Cour des comptes s’est par ailleurs dotée d’un guide méthodologique dédié à la conduite de projets. En matière d’analyse quantitative, nous comptons désormais une équipe importante de data-scientists. Nous avons noué plusieurs partenariats avec des laboratoires universitaires de recherche, avec Sciences-Po, avec l’École d’économie de Paris et avec le CNRS. Grâce à ces adaptations et à la robustesse de ses méthodes, la Cour a été amenée à évaluer depuis 2011 vingt-cinq politiques ou dispositifs publics, et ce en grande partie à la demande du parlement. Nous avons évalué récemment à sa demande les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air. Nous ne sommes pas le seul acteur de l’évaluation des politiques publiques en France et ne revendiquons pas de l’être. Néanmoins, nous disposons d’atouts que les autres ne possèdent pas. Le premier est notre assise constitutionnelle, notre lien privilégié avec le parlement. Nous sommes habitués à travailler ensemble. Je pense également à certaines pratiques bien établies comme les enquêtes de terrain, la constitution d’échantillons de travail représentatifs ou au suivi des recommandations. Je pense encore au travail mené en réseau avec les chambres régionales et territoriales des comptes qui permet de coordonner les niveaux central et territorial lors d’une enquête. J’ai annoncé récemment mon intention de défendre ces atouts pour faire de la Cour l’instance de référence en France dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques. Si la commission d’évaluation que vous envisagez de créer nous était rattachée, elle pourrait tirer profit de notre expertise en matière d’aide publique au développement, de nos méthodes de travail et de nos partenariats. Elle profiterait en un mot de ce qui fait le sérieux et la qualité des travaux de la Cour. Une autre mission au cœur de notre identité est l’information du citoyen. Sur ce point également, nous pourrions aider la commission à remplir les objectifs que le législateur lui assignerait.

Le deuxième avantage que présenterait une commission d’évaluation adossée à la Cour serait de bénéficier de notre indépendance institutionnelle et de notre positionnement à équidistance du gouvernement et du parlement. Je le répète, la Cour entretient une relation privilégiée avec le parlement. Ces liens étroits sont une chance et une responsabilité que nous mesurons pleinement. L’équilibre entre indépendance et dialogue nous permet de travailler à l’abri des pressions extérieures. Le choix de rattacher la commission d’évaluation à la Cour assurerait une réelle indépendance à celle-ci par rapport au gouvernement et aux administrations qui sont en première ligne de l’aide publique au développement. Le fait que la commission soit représentée à l’extérieur par le premier président de la Cour des comptes enverrait également un signal fort à nos partenaires.

Pour résumer, il m’apparaît pertinent – et c’est la position de la Cour des comptes que j’exprime ici et pas seulement la mienne – que la commission indépendante d’évaluation soit adossée à une institution indépendante qui conduit déjà au nom de la Constitution des évaluations de politiques publiques, notamment de développement. Le législateur a choisi à plusieurs reprises dans le passé des organismes indépendants à la Cour. Je pense notamment au conseil des prélèvements obligatoires et au conseil des finances publiques, que j’ai présidé ès qualités. Le troisième avantage est que la Cour des comptes détient déjà une riche expérience dans l’animation de ce type de structure. 

Je vais maintenant répondre aux cinq questions que vous avez posées. Pourquoi avoir choisi de rattacher le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) à la Cour ? Au-delà de l’impératif d’indépendance prévu par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ce choix était motivé par deux raisons. Premièrement, il nous semblait nécessaire, compte tenu de la place occupée par la Cour dans notre système institutionnel, économique et financier, qu’elle fût partie intégrante du dispositif. Deuxièmement, nous souhaitions pouvoir établir des synergies entre la Cour et le conseil. De ce point de vue, le contrôle et l’évaluation ne s’opposent pas. Le conseil est une structure spécifique, distincte de la Cour des comptes. Il a son service de communication et son propre site internet. Néanmoins, il bénéficie de ses moyens d’expertise. En outre, il est proche du parlement, il en est un allié et lui présente systématiquement ses travaux. Je souligne que ni le haut conseil des finances publiques ni le conseil des prélèvements obligatoires n’ont privé la Cour de ses missions et prérogatives traditionnelles. La Cour ne s’est pas non plus privée de l’ouverture nécessaire et bienvenue à d’autres membres, y compris des parlementaires. Vous déciderez si la commission doit compter ou non des parlementaires et j’entends vos réserves. Les deux conseils des prélèvements obligatoires et des finances publiques ne comptent pas aujourd’hui de parlementaires, mais des personnalités qualifiées nommées par les présidents des deux assemblées. Ils comptent aussi d’anciens parlementaires et d’anciens élus, ce qui n’est pas inutile dans les domaines financiers. Leur présence enrichit l’expérience, au-delà de celle de nos magistrats et rapporteurs.

Il me semble que dans le cadre du projet de loi qui vous occupe, les avantages du rattachement de la commission indépendante à la Cour seraient les mêmes que ceux que j’évoque. Face aux questions que vous avez posées, plusieurs formules sont envisageables. Le CPO, par exemple, est une structure légère qui ne compte pas de personnel permanent et qui établit un rapport par an. Ses réunions sont présidées par le premier président de la Cour des comptes et un secrétariat général, mais le CPO n’est pas une vraie institution. Le haut conseil des finances publiques est une véritable institution qui porte à la fois une mission budgétaire et des méthodes de travail éprouvées. Le haut conseil rapporte systématiquement devant les commissions parlementaires. Se pose aussi la question des moyens. Dans le premier cas, un magistrat de la Cour fait office de secrétaire général à temps partiel. Dans le deuxième, la structure compte maintenant cinq personnes qui conduisent une mission permanente. En somme, l’alternative est, d’un côté, une structure souple et légère et de l’autre une véritable institution dotée de moyens. Dans les deux cas, la commission est rattachée à la Cour et hébergée par elle. Néanmoins, alors que dans le premier cas, les missions seraient portées par des personnes en sus de leur activité principale, dans le deuxième, des personnels seraient affectés à l’institution avec des bureaux, des moyens et un secrétariat.

En conclusion, nous sommes volontaires à la Cour des comptes pour accueillir la commission et participer à son animation dans les conditions que vous définirez. Son existence nous paraît non seulement souhaitable, mais même nécessaire. Les trois avantages d’un rattachement de la commission à la Cour sont l’expertise, l’indépendance et l’expérience, que nous possédons de manière assez unique parmi les évaluateurs. Si vous nous confiez cette responsabilité, nous mettrons tout en œuvre pour défendre dans la politique de développement la transparence, la redevabilité et l’efficacité dont les personnes ont grand besoin. À titre personnel, je serais très enthousiaste de contribuer à l’enrichissement de la politique de développement solidaire, tant je suis persuadé du rôle que peut jouer notre pays peut jouer dans ce domaine. Ce serait pour moi un investissement personnel tout à fait important.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, monsieur le premier président pour votre exposition précise des raisons pour lesquelles la commission d’évaluation pourrait s’adosser à la Cour des comptes. Les deux arguments importants pour notre commission sont l’indépendance de la cour, et ses compétences, notamment issues des opérations qu’elle a menées. Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes.

M. Jean-François Mbaye. Le projet de loi, qui succède à la loi d’orientation de 2014, fait évoluer considérablement les ambitions de notre pays en matière d’aide publique au développement puisque l’objectif est de porter l’aide publique à 0,55 % du RNB de notre pays. La trajectoire est ambitieuse et d’autant plus incontournable que la pandémie risque de porter atteinte aux avancées obtenues en matière de solidarité internationale. Monsieur le premier président, les responsabilités qui sont les vôtres font sans doute du « quoi qu’il en coûte » une philosophie discutable à vos yeux, mais il est des causes qui méritent qu’on y investisse à la mesure des besoins identifiés. Investir beaucoup ne signifie pas investir n’importe comment et l’expertise de la Cour des comptes est précieuse pour déterminer les actions à entreprendre pour faire mieux et non moins. Dans cette perspective, je souhaiterais des précisions concernant l’affectation du produit des taxes sur les billets d’avion et sur les transactions financières, car la dernière analyse de l’exécution budgétaire de la mission APD en dénonçait l’opacité. La note indiquait qu’un audit externe était mené afin de traiter ce problème. Quelles sont les conclusions de cet audit ? Par ailleurs, certains acteurs militent pour un fléchage accru du produit de ces taxes vers le fonds de solidarité pour le développement (FSD). La note d’exécution budgétaire préconisait une évaluation de l’utilisation des crédits transitant par le FSD au profit des fonds multilatéraux et de l’APD. Avez-vous des informations à ce sujet ?

M. Michel Herbillon. Monsieur le premier président, vous avez plaidé en creux dans votre intervention pour que la Cour des comptes intervienne dans la commission d’évaluation et de contrôle. Je n’aurai qu’une question à poser : si vous vous mettiez à notre place, que vous avez d’ailleurs occupée, quels arguments développeriez-vous pour faire obstacle à la réticence de certains parlementaires face à un rattachement de la commission à la Cour des comptes ? Nous sommes enthousiastes quant au vote de ce projet de loi, car nous sommes très attachés à la politique d’aide au développement de notre pays, mais nous souhaitons qu’elle se traduise par des résultats lisibles et identifiables, par conséquent évalués et contrôlables.

M. Pierre Moscovici. Je peux faire preuve d’imagination jusqu’à un certain point, mais je ne peux pas me mettre à la fois à la place du parlementaire que je fus et de celui que vous êtes. Je souhaiterais donc que les réticences auxquelles vous faites allusion me soient présentées.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La question était un peu appelée par votre développement. Lorsqu’on décrit le "porte-avions" Cour des comptes, entouré de ses organismes, pourquoi ne pas ajouter un nouveau navire à la flotte amirale ?

M. Alain David. Je souhaiterais revenir sur la note d’analyse de l’exécution 2019 de la Cour des comptes, et en particulier au paragraphe titré « Une soutenabilité fragile à court et moyen termes ». La Cour a rédigé le passage ainsi : « L’augmentation des crédits de la mission s’inscrit dans la volonté du président de la République de porter le montant global de l’aide publique au développement à 0,55 % du revenu national brut d’ici 2022 et des décisions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de février 2018. Elle résulte également du rythme de reconstitution de fonds multilatéraux, avec notamment l’annonce par le président de la République du doublement de la contribution française du fonds vert pour le climat, portant ainsi l’engagement français à 1,5 milliard d’euros sur la période 2019-2023. De plus, la France s’est engagée, lors de la sixième conférence de reconstitution du fonds mondial contre le VIH SIDA, la tuberculose et le paludisme qui s’est tenue à Lyon en octobre 2019, à augmenter sa contribution de 20 % pour atteindre 1,3 milliard d’euros sur trois ans, ce qui pourrait poser un problème de soutenabilité budgétaire. » Ceci était écrit avant la crise sanitaire. Monsieur le premier président, pensez-vous qu’il soit possible pour nos finances publiques d’atteindre en 2022 un montant global d’aide publique au développement correspondant à 0,55 % du revenu national brut ? 

M. Jean-Michel Clément. Monsieur le premier président, vous avez indiqué que l’évaluation va prochainement gagner en indépendance, mais l’adossement de la commission d’évaluation à la Cour des comptes ne risque-t-il pas de limiter l’évaluation à un contrôle trop technique, qui ne serait que la vérification d’une bonne gestion comptable ? Au-delà du travail quantitatif, nous avons besoin d’éléments qualitatifs et d’un certain sens critique. La question de la soutenabilité des 0,55 % a été évoquée, mais nous savons qu’un certain nombre d’apports ne bénéficieront pas directement aux populations concernées. La population de destinataires ne sera pas forcément fléchée. Ce problème sera-t-il pris en compte dans vos travaux ? Nous sommes tous favorables à faire plus et mieux, mais le plus est une chose, le mieux en est une autre.

M. M'jid El Guerrab. Les activités internationales de la Cour des comptes impliquent des actions de coopération bilatérales avec d’autres instituts supérieurs de contrôle des finances publiques étrangers, des contributions aux travaux de normalisation internationale des pratiques de contrôle et d’audit, ainsi que des travaux dans le cadre de mandats d’audit externes d’organisations internationales. Vous-même, monsieur le premier président, êtes le commissaire aux comptes de plusieurs organisations internationales et en état de procéder à l’examen de la gestion de ces organisations à travers des audits de performance et de régularité. Vous répondez en cela à des demandes de bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale ou la Commission européenne que vous connaissez bien. Par ailleurs, l’activité de coopération bilatérale peut prendre la forme de jumelages. Tel est le cas avec la Tunisie, l’Algérie ou le Maroc, sous l’égide de l’Union européenne ou à travers des accords de coopération avec le Brésil, le Niger, la Chine, la Chili et le Sénégal notamment. Je m’en réjouis, car la Cour des comptes est ainsi présente dans un certain nombre de pays de ma circonscription des Français à l’étranger. Or, comme le dit une auditrice de la Cour des comptes, il faut savoir varier ses sources d’apprentissage. Comment percevez-vous la perspective d’un adossement de l’Agence française de développement à la Caisse des dépôts et consignations ? Comment faire en sorte que l’argent de l’épargne des Français puisse être mis au service de l’aide publique au développement pour amplifier notre capacité d’action ? En second lieu, s’agissant de la mission de contrôle et d’évaluation, nous sommes face à un problème de communication de notre aide publique au développement aux populations locales. Comment concevez-vous l’évaluation dans le cadre de la nouvelle instance qui serait créée ?

M. Brahim Hammouche. Monsieur le premier président, je souhaiterais vous interroger sur trois points concernant le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales. Premièrement, la trajectoire budgétaire ambitieuse d’augmentation de la contribution pour atteindre 0,55 % du RNB est percutée par le contexte sanitaire et économique mondial. L’objectif vous semble-t-il toujours accessible? Ma deuxième question concerne la coordination des acteurs de terrain et le rapprochement des opérateurs. Quelles sont vos recommandations pour permettre de mettre en relation les autres opérateurs ? On m’a souvent parlé de Campus France et Business France. Quels sont les moyens d’éviter la dispersion des énergies et l’émiettement des aides publiques? Enfin, au-delà de la coordination, comment structurer le pilotage afin de gagner en efficacité ? Nos ambassades sont en première ligne, mais quelles seraient les conditions matérielles et humaines permettant d’assurer au mieux l’aide au développement ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Certes, l’évaluation et le contrôle sont distincts. Néanmoins, le contrôle, en tant qu’exigence d’information et de sanction, repose sur une évaluation. Or, la Cour, tout en veillant à la régularité et à l’exactitude des dépenses publiques dans son activité de droit commun, est de plus en plus soucieuse d’efficience et de mesure de la performance. En vous écoutant, monsieur le premier président, on a le sentiment que l’Agence française de développement bénéficiera des qualités d’indépendance et des compétences de la Cour des comptes. Néanmoins, que restera-t-il lorsque la cour sera amenée à effectuer son contrôle ? En d’autres termes, n’est-on pas contraint de distinguer le contrôle « noble » de la commission, qui évaluera l’efficience des politiques mises en œuvre, c’est-à-dire leur conduite au moindre coût par rapport aux avantages requis ? Comment s’articulera-t-il avec le travail de la Cour des comptes ? Par ailleurs, il me semble percevoir une certaine impatience de la Cour à voir internalisés un certain nombre d’organismes juridictionnels comme la cour de discipline budgétaire ou le conseil supérieur des finances publiques. Comment percevez-vous ce partage ?

L’objectif de 0,55 % a été évoqué par plusieurs membres de la commission. On ne sait plus très bien ce que recouvrent ces chiffres. Lorsqu’on apure une dette, le taux de participation monte sans qu’on sache précisément comment s’effectue ce mouvement et s’il est volontaire. On est confronté à un problème de règles du jeu, chacun ayant tendance à comptabiliser l’effort en valorisant sa propre contribution. Le ministre a rappelé à juste titre que la loi est celle de l’OCDE, mais un certain nombre d’acteurs se soustraient à ce cadre. Quels sont les efforts à mener pour rendre ces engagements financiers réalistes et homogènes?

M. Pierre Moscovici. Je commencerai par répondre aux questions budgétaires avant d’en venir au contrôle et à l’évaluation. Tout d’abord, monsieur le député Mbaye, je ne suis pas un pourfendeur du « quoi qu’il en coûte », mais un défenseur d’une trajectoire de dette soutenable et d’une qualité de dépense publique assurée dans la durée. Le « quoi qu’il en coûte » durera le temps nécessaire, car face à une crise aussi importante que celle que nous vivons, il est logique de mettre à disposition des moyens budgétaires. Néanmoins, d’une part, nous finirons bien par sortir de cette crise et d’autre part, nous ne pouvons être certains que le contexte de taux d’intérêt bas perdure. Nous devons par conséquent réfléchir à ce que peut être une trajectoire de dette à moyen terme et il serait irresponsable de faire l’économie de ce travail. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’une dette puisse être annulée ou mutualisée d’un coup.

L’audit relatif à la taxe sur les billets d’avion et à la taxe sur les transactions financières est en cours. Je ne peux donc vous donner davantage de précisions, mais la critique de notre rapport portait davantage sur la débudgétisation que sur l’opacité. La soutenabilité budgétaire a été évoquée par la Cour, car elle est conditionnée à des ouvertures de crédits supplémentaires de la mission APD. Dans quelques semaines, nous examinerons l’exécution budgétaire 2020 et nous verrons en quoi la crise sanitaire a influé sur l’augmentation des crédits prévue en loi de finances initiale. En ce qui concerne le fonds d’investissement et de soutien aux entreprises Afrique (FISEA), nous avons examiné en quoi le destinataire était touché. Nous savons porter une appréciation sur la performance du fonds, ce qui est constitutif d’une bonne démarche d’évaluation. La trajectoire budgétaire n’est pas remise en cause pour l’heure.

La coordination des acteurs de terrain doit être renforcée autour de l’ambassadeur. De bonnes pratiques ont été déployées à ce niveau. S’agissant du pilotage, la coordination doit être renforcée d’abord au plan ministériel, puis au niveau local. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères doit veiller dans son activité de tutelle à faire prévaloir les objectifs de l’APD française tels qu’ils sont définis par les CICID. Enfin, je ne me prononcerai pas ex ante sur une éventuelle fusion avec la Caisse des dépôts.

Nous avons besoin de l’appui du parlement dans notre institution d’audit. Nous sommes candidats à la mission de contrôle des Nations unies pour la période 2021-2027. Nous aurons besoin du soutien de toutes les autorités françaises pour y parvenir. Ce serait une plateforme importante pour la Cour et pour la France.

S’agissant de l’objectif de 0,55 %, le point important est la constance de l’engagement pris par la France au service d’une politique de développement solidaire. Le niveau a été fixé à un certain moment et sous certaines conditions, mais il faut aussi prendre en compte la question de la pente. En cette période cruciale, on doit différencier les pays qui maintiennent et augmentent leur effort, alors que d’autres, comme le Royaume-Uni, ont décidé de le réduire. C’est par la différence entre le niveau et la pente qu’on peut appréhender la pertinence des chiffres.

J’en viens maintenant aux réticences. S’agissant de la métaphore du « navire amiral », il me semble que c’est un atout pour la Cour des comptes de compter dans son enceinte le conseil des prélèvements obligatoires, le conseil des finances publiques et la cour de discipline budgétaire et financière. L’unité de lieu permet des synergies et des complémentarités. La cour est indépendante et impartiale parce qu’elle est collégiale. Elle compte son premier président, mais aussi toute une collectivité autour de lui, notamment les chambres qui mènent les travaux.

La question importante est de déterminer si le contrôle et l’évaluation entretiennent un rapport de contradiction ou de complémentarité. Je peux plaider clairement pour la complémentarité. Le métier traditionnel et principal de la Cour est le contrôle, juridictionnel ou organique. Elle compte en outre comme je l’ai dit des métiers d’évaluation, qui représentent 5 % des ressources et que je souhaite porter à 20 % sur les cinq ans qui viennent. Les chambres mènent à la fois des contrôles et des évaluations. Nous savons faire les deux et les opérations sont menées en toute impartialité. Il est hors de question que quiconque y touche. La fonction de contrôle est bien distincte de celle de l’évaluation. Une évaluation de la politique publique n’est pas le contrôle d’un organisme. De ce point de vue, il existe à la Cour des savoir-faire dont une commission d’évaluation indépendante peut se nourrir. 

Il n’y a pas non plus de contradiction entre les chambres de la cour et les institutions hébergées par la Cour. Par exemple, le haut conseil des finances publiques aborde des questions qui peuvent être traitées également par la première chambre de la Cour des comptes sur les finances publiques. Les angles d’attaque sont différents. Nous pouvons donc très bien faire croître le haut conseil des finances publiques sans affaiblir la Cour. Je ne souhaite pas « endogénéiser » ces institutions au sein de la Cour des comptes. Les institutions sont indépendantes et se nourrissent de nos travaux. Il en irait de même pour la commission d’évaluation si elle était adossée à la Cour des comptes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous pouvons à présent en venir aux questions des députés.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le premier président, nous entendons très souvent des annonces intéressantes de la Cour des comptes que nous faisons nôtres, mais je ne suis pas certaine qu’elle soit toujours entendue dans ses recommandations. Évaluez-vous la quantité de vos avis ou recommandations qui sont suivis par le gouvernement ? Les avis de la Cour des comptes sont très souvent d’ordre budgétaire, comptable et financier, or l’aide publique au développement s’étend bien au-delà de ces sujets. Je salue la mise en place par le gouvernement d’une commission par l’intermédiaire de ce texte. Je salue également l’ouverture démocratique de cette commission réaffirmée hier par le ministre. Celle-ci pourra en effet nourrir et amender le texte. Je souhaiterais en changer le titre en « commission indépendante d’évaluation et de contrôle ». Ces ajouts sont importants. La situation de la commission est exemplaire en Grande-Bretagne : la commission est indépendante, elle a ses propres locaux et elle rend compte chaque année au parlement.

La commission sera importante pour emporter l’adhésion et la confiance du public. Si les citoyens souhaitent que la France soit solidaire et apporte son aide aux pays, leur confiance est limitée faute de transparence. Nous-mêmes au parlement ne bénéficions pas de toute la transparence requise. Nous étudions chaque année 30 % seulement du budget de l’aide publique au développement. Le document des politiques transversales est très complexe et nous avons besoin de documents synthétiques afin de nous approprier les sujets. Enfin, sur le plan financier, le multilatéral a prévalu sur le bilatéral ces dernières années. Ne serait-il pas souhaitable de renforcer les politiques bilatérales d’aide au développement ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il est clair que le multilatéralisme ne doit pas être l’alibi d’un désengagement du bilatéral.

Mme Marion Lenne. L’AFD est à la fois un établissement public industriel et commercial et une société de financement ; c’est un vrai casse-tête juridique pour moi qui considère que l’enjeu de l’agro-international dont je suis spécialiste est de semer de bonnes graines dans des sols parfois très dégradés par de mauvaises pratiques agricoles. À la lecture du texte qui nous occupe et au regard des activités exercées, peut-on dire que l’Agence française de développement exerce un monopole, avec les conséquences que cela entraîne sur l’aide au développement française ? Sommes-nous confrontés parfois à une forme d’autodétermination abusive de certains EPIC, comme notre présidence de commission l’évoquait hier lors de l’audition du ministre Le Drian ? Comment y remédier ?

M. Jacques Maire. L’exercice d’évaluation tel qu’il peut être mené par la Cour des comptes en matière d’aide publique au développement est difficile, car il concerne des populations et des maîtres d’ouvrage qui ne sont pas français. Le champ d’évaluation d’audit ou de contrôle des bailleurs de fonds s’arrête en général à la frontière de la souveraineté du bailleur. Certes, il est toujours possible d’interroger des panels d’utilisateurs finaux, mais lorsque la difficulté porte sur les problématiques internes aux maîtres d’ouvrage ou sur l’administration locale, on se heurte à une frontière. L’enjeu est donc de faire des acteurs locaux des co-évaluateurs. Cela permet d’augmenter la redevabilité financière et politique. Trois acteurs sont importants : le maître d’ouvrage local, le bénéficiaire ultime, c’est-à-dire la population, et le parlement du pays bénéficiaire. Comment pensez-vous les prendre en compte ? Il me semble que bâtir une plateforme de coopération vis-à-vis de ces acteurs serait un véritable progrès pour le travail d’évaluation, à la fois en termes de qualité et de lisibilité. Par exemple, la chaire Sahel, financée par l’Agence française de développement, apporte bien plus à l’évaluation de notre impact que nos propres évaluations. Il est nécessaire de dynamiser l’action politique locale en associant plus étroitement les parlementaires étrangers à la problématique des financements internationaux. Enfin, la présidence de la commission me semble comporter un enjeu symbolique. Il serait intéressant de compter à la présidence une personnalité d’un pays bénéficiaire dotée des compétences requises d’évaluateur ou de financeur. Le défi porte aussi sur notre capacité à construire un nouveau type d’approche.

M. Sébastien Nadot. Le rapport de la Cour des comptes est édifiant, même si le voile entourant la trajectoire budgétaire demeure sur ce projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale, et ce dans le contexte de finances publiques dégradées dû à la crise sanitaire.

Tout d’abord, je partage les interrogations formulées par le président Bourlanges quant à la confusion entre évaluation et contrôle et au travail qui en découlera durant les années à venir, à la Cour des comptes notamment. Il me semble que le conseil, l’audit, l’évaluation ou le contrôle sont des activités très différentes qu’il conviendrait d’expliciter, tant pour la Cour des comptes que pour le parlement. La confusion existe déjà en la matière s’agissant des exportations d’armes de la France. Je ne souhaite pas que ces errements se retrouvent ailleurs.

En ce qui concerne le projet de loi, les entreprises françaises qui opèrent en Afrique de l’Ouest bénéficient souvent de contrats liés à l’aide publique au développement de la France. Le projet de loi permet-il de mieux s’assurer de comportements responsables de la part de ces acteurs ? Le texte évoque le devoir de vigilance et de responsabilité sociétale des acteurs privés, mais nous peinons à discerner les garanties opérationnelles.

S’agissant de la diplomatie en santé, il me semble que la France dispose déjà avec les instituts de recherche d’un excellent maillage, en particulier en Afrique. Ne devrait-on pas consacrer une partie plus importante de l’aide publique au développement et à la coopération en matière de santé, notamment dans le domaine de l’enseignement, de la recherche et de l’économie ? Une attention particulière devrait être portée au développement des entreprises dans ces secteurs.

Mme Sira Sylla. Monsieur le premier président, comme vous le savez, les transferts d’argent effectués par les diasporas africaines participent à notre politique de développement. Ces transferts, qui représentent deux, voire trois fois le montant de l’aide publique au développement, sont malheureusement très onéreux. Par exemple, leur coût atteint un taux de 20 % quand ils concernent l’Afrique australe. L’ODD 10 de l’agenda 2030 a pour ambition de faire baisser ces coûts en dessous de 3 %. Un outil, la bibancarisation, pourrait permettre de réduire le coût de ces transferts et de pérenniser lesdits fonds s’il était amélioré. La bibancarisation avait été promue lors du G8 de L’Aquila et lors du G20 de Cannes en 2011. Lorsque vous étiez ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur, vos travaux sur le sujet ont permis de mettre en place la bibancarisation en France au travers des dispositions de l’article 11 de la loi du 7 juillet 2014. Désormais, sous réserve d’obtenir l’autorisation de l’ACPR, les banques étrangères ont le droit d’offrir leurs services bancaires en France. Malheureusement, les dispositions de la loi n’ont pas permis d’élargir l’accès des banques africaines au marché français. Deux banques marocaines seulement ont obtenu l’autorisation de l’APCR. Quelles raisons peuvent selon vous expliquer ces mauvais résultats ?

M. Pierre Moscovici. La question que vous évoquez, madame la députée Sylla, est très importante, mais je ne peux nourrir ma réponse de faits qui aient été attestés ou jugés par la Cour des comptes en quoi que ce soit.

Madame la députée Poletti, le taux de suivi de nos recommandations est présenté chaque année dans le rapport public. Quantitativement, il est plutôt bon, puisque 72 % de nos recommandations seraient suivies d’effets, mais je ne m’en contente pas. Une analyse plus qualitative permettrait d’apprécier l’importance des recommandations suivies ou non. Dans le projet de juridiction financière 2025 que je dois présenter demain, je proposerai la constitution d’une banque de recommandations qui soit ouverte aux citoyens.

Je tiens à la réaffirmer : je ne confonds pas le contrôle et l’évaluation. Hormis les notes d’exécution budgétaire, les contrôles effectués par la Cour des comptes ne sont pas purement budgétaires et financiers. La Cour mène des contrôles budgétaires, juridictionnels et organiques, des contrôles à portée évaluative et des évaluations de politiques publiques. Nous savons mener ces évaluations et je souhaite que nous en fassions davantage.

Nous disposons d’atouts très importants pour conforter notre positionnement. Par exemple, personne ne peut porter mieux que nous l’indépendance. Le lien que nous entretenons avec le parlement est régulier et fréquent. Depuis que je suis premier président, je suis davantage venu devant les commissions plus que lorsque j’étais commissaire européen. Nous avons établi une tradition de travail avec le parlement. Étant une institution constitutionnelle, nous pouvons contribuer au débat public et développer l’adhésion des citoyens à nos initiatives. Je souhaite mettre le respect dû à l’institution au service du travail que nous pourrions mener ensemble. Par ailleurs, il est fondamental de respecter la diversité démocratique. La commission ne peut être partisane et je souhaite à cet égard lever l’ambiguïté : vous ne confieriez pas cette mission à la Cour des comptes, mais à une commission indépendante dont la présidence est assurée par le premier président de la Cour des comptes. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une mise sous tutelle de la commission par la Cour des comptes. La nuance me semble très importante.

Il est exact qu’on observe un déséquilibre entre bilatéral et multilatéral au détriment du bilatéral. La Cour a par conséquent recommandé que les fonds multilatéraux n’oublient pas les priorités de l’aide publique au développement française. Vos questions, madame la députée Lenne, trouvent réponse dans notre rapport sur le pilotage des opérateurs par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Nous avons plaidé pour un pilotage qui tienne compte de la puissance et de l’autonomie de l’Agence française de développement.

En réponse à l’intervention de monsieur le député Maire, il me semble que la commission devrait plutôt être présidée par un ressortissant français. Par ailleurs, il serait pertinent que les acteurs locaux soient des co-évaluateurs. Il appartient aux organismes qui interviennent pour accorder l’aide publique au développement de faire procéder à des évaluations par les acteurs locaux. Les services diplomatiques français pourront jouer un rôle d’intermédiaire pour transmettre le ressenti des bénéficiaires.  En règle générale, une évaluation de politique publique associe obligatoirement les stakeholders, les décideurs et les bénéficiaires via les groupes d’usagers. Il appartiendra à la future commission d’évaluation de l’APD de définir le cadre dans lequel les bénéficiaires de l’aide seront associés aux évaluations. La Cour des comptes pourrait également apporter son aide sur ce point, car elle est insérée dans un réseau d’institutions supérieures de contrôle qui sont souvent des évaluateurs au plan local. Par exemple, je suis aussi le secrétaire général et l’opérateur de l’association des institutions supérieures de contrôle de la francophonie. À ce titre, nous menons aussi une politique de relations internationales. La dimension de la francophonie est très présente dans notre aide publique au développement. Nous pouvons tout à fait jouer un rôle d’intermédiaire.

Enfin, s’agissant de la contribution de la France à l’APD dans le domaine de la santé, une enquête est en cours. Ce contrôle d’ensemble est le premier. La France s’est engagée en octobre 2019 à augmenter sa contribution de 20 %. Face à la pandémie de covid-19, elle a adopté l’initiative santé en commun et levé à ce titre 1,7 milliard d’euros sur les marchés financiers en 2020. L’enquête comporte trois volets : les acteurs de la politique d’APD santé, les moyens mis en œuvre et l’analyse de la performance et les résultats des actions financées. Comme vous le voyez, ces travaux s’étendent bien au-delà du contrôle budgétaire. L’enquête sera prolongée au second semestre par un examen de la présence française dans les institutions internationales en charge de la santé. Je serai heureux de venir devant vous rendre compte des travaux menés afin de nourrir vos propres réflexions.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie pour votre proposition. Il sera très utile à notre commission de bénéficier de votre expertise.

M. Jacques Maire. Je souhaiterais poser une dernière question concernant Expertise France en lien avec le rapport établi pour le Sénat. Expertise France mutualise depuis 2012 les opérateurs ministériels de coopération technique en vue de leur donner la taille critique et la capacité à monter en compétences. Expertise France est ainsi le bras armé de la coopération des ministères. La conséquence de cette mutualisation est que l’on donne un espace au niveau du conseil d’administration et aux ministères pour qu’ils ne se désinvestissent pas de la coopération technique et que l’opérateur unique Expertise France puisse être considéré comme leur outil. Or, le rapport propose une simplification drastique de la gouvernance, qui prévoit la sortie des observateurs, des titulaires du conseil d’administration santé, travail emploi et éducation. Que pensez-vous de cette simplification telle qu’elle est proposée, en ligne avec votre rapport de février 2020 ? Ne craignez-vous pas qu’on aille trop loin dans la désappropriation par les ministères « techniques », au seul bénéfice de Bercy et du Quai d’Orsay ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous soulevez là une vaste question qui mériterait un dialogue approfondi. Yves Rolland peut en dire quelques mots s’il le souhaite, mais nous ne pouvons rouvrir le débat à ce stade.

M. Yves Rolland, président de la section de la quatrième chambre de la Cour des comptes. Vous pointez l’un des dangers que nous avons identifiés, à savoir la perte du lien avec les ministères techniques. J’avais contrôlé Civipol, le bras armé du ministère de l’Intérieur. Il était réticent à toute intégration, car il craignait de perdre la main. Le vivier des experts se trouvant dans les ministères, la Cour a recommandé de veiller à ne pas réduire le lien entre Expertise France, un peu éloigné, rattaché à l’Agence française de développement, et les ministères. La Cour est favorable à tout exercice de mutualisation à condition qu’il ne réduise pas l’efficience des organismes. La crainte en l’occurrence est que l’efficience soit remise en cause. Le rapport a été établi en 2019. Nous verrons au cours du suivi des recommandations dans quelle mesure la recommandation a été appliquée. Mes collègues ayant travaillé sur ce sujet sont à votre disposition pour approfondir la question dans une autre enceinte.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, monsieur le premier président, pour votre intervention. Chacun a pu mesurer à la fois votre implication personnelle et l’apport très important que représenterait la Cour des comptes par ses compétences et son indépendance, que personne ne peut sérieusement mettre en cause. Être rattaché à la Cour des comptes est toujours une garantie de présence dans l’opinion publique. La Cour des comptes représente l’une des seules institutions profondément populaires par sa rigueur intellectuelle et sans céder à la démagogie, ce qui est très rare. Notre souci de donner de la lisibilité aux actions de l’Agence française de développement pourrait prendre la forme d’un resserrement du lien avec la Cour des comptes. Vous avez souligné que nous pouvons nous mutualiser sans nous « assécher ». Nous notons également que vous n’avez pas l’ambition d’« endogénéiser » l’Agence française de développement. Vous êtes le bienvenu dans cette commission afin de poursuivre nos échanges, soit sur le sujet général des affaires étrangères, soit sur l’aide publique au développement.

 

 


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IV.   Examen des articles

Lors de ses réunions des mercredi 10 février et jeudi 11 février, ouvertes à la presse, la commission a examiné le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699).

A.   Réunion du mercredi 10 février, 9 h 30

La réunion a débuté par les interventions des derniers orateurs inscrits dans la discussion générale et les réponses de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères (cf. compte rendu de l’audition du ministre).

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Je tenais à assister au démarrage de vos travaux en commission ce matin. L’après-midi et demain, Jean-Baptiste Lemoyne me remplacera car je participerai à des réunions avec le président Kaboré puis à une réunion européenne.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous comprenons très bien la lourdeur de votre emploi du temps, monsieur le ministre, et nous sommes très honorés que vous soyez parmi nous en personne ce matin.

Je précise à mes collègues qu’à ma demande et en accord avec les groupes politiques, la conférence des présidents a, à l’unanimité, fixé hier à dix minutes, au lieu de cinq, le temps de parole dévolu aux groupes dans la discussion générale en séance publique.

L’adoption du projet de loi fera l’objet d’un vote solennel le mardi 2 mars, après les questions au Gouvernement.

La commission est saisie de 596 amendements, ce qui montre la créativité de ses membres… Si nous n’avons pas terminé l’examen du texte jeudi à minuit – ce n’est pas une menace mais un pronostic, ou un risque –, je devrai convoquer la commission pour poursuivre nos travaux vendredi. Tout dépendra de notre rapidité, mais cela ne veut pas dire qu’il faudrait escamoter les débats.

J’ajoute que 331 amendements portent sur le cadre de partenariat global. Afin de permettre un échange avec le ministre sur le plus grand nombre d’articles possible, en accord avec le rapporteur et le Gouvernement, ce cadre sera examiné à la fin du projet de loi, après l’article 11.

Je vous informe qu’après avoir consulté le président de la commission des finances j’ai déclaré irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, pour motif de création d’une charge, les amendements AE36 de M. Pancher, AE106 de Mme Givernet, AE107 de Mme Cazebonne, AE304 de Mme Poletti, AE356 du rapporteur, AE435, AE450, AE451, AE452 et AE453 de M. Potier, AE504 et AE506 de M. Fuchs, AE623 de Mme Sylla et AE675 de M. Potier. J’ai toujours été assez réservé quant à l’interprétation très stricte qu’on donnait de l’article 40, mais je n’ai pas le pouvoir d’en faire prévaloir une qui serait plus large.

J’ai déclaré les amendements suivants irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution qui proscrit les cavaliers législatifs : AE112, AE113 et AE115 de M. Orphelin, AE326, AE328, AE329, AE330 et AE333 de Mme Genetet, AE161 de Mme Poletti, AE432, AE433 et AE434 de M. Potier, ainsi que AE611 de M. Gouttefarde. L’interprétation du Conseil constitutionnel de l’article 45 est extrêmement stricte, ce qui m’a conduit à adopter une attitude que j’aurais personnellement souhaitée moins sévère.

J’ai été contraint de déclarer les amendements AE587 de M. Lecoq et AE614 de Mme Sylla irrecevables au titre des articles 34 et 37 de la Constitution dans la mesure où ils contiennent des dispositions relevant des seuls pouvoirs de l’exécutif et non des compétences du Parlement.

J’ai déclaré irrecevable l’amendement AE588 de M. Lecoq dans la mesure où il donne une injonction à l’exécutif, ce qui contrevient aux dispositions de l’article 52 de la Constitution.

J’ai enfin déclaré irrecevable l’amendement AE35 de M. Pancher car ses dispositions ne relèvent pas de la loi mais des règlements des assemblées parlementaires.

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE
LES INÉGALITÉS MONDIALES
ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Avant l’article 1er

La commission examine en discussion commune les amendements AE336 du rapporteur, AE15 et AE63 de M. Bertrand Pancher, AE149 de Mme Bérengère Poletti, AE468 de M. Dominique Potier, AE541 de Frédérique Dumas, AE592 de M. M’Jid El Guerrab, AE608 et AE643 de Mme Mireille Clapot, AE131 de Mme Clémentine Autain, AE585 de M. Bruno Fuchs, AE111 de M. Matthieu Orphelin, AE286 de Mme Aina Kuric et AE469 de Mme Laurence Dumont.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis, comme vous toutes et vous tous, particulièrement heureux de pouvoir enfin discuter de ce projet de loi et de nous engager dans son amélioration, sa coconstruction. J’ai évidemment une pensée pour Marielle de Sarnez, qui a largement contribué à ce que ce texte soit examiné par notre commission.

Mon amendement est l’illustration de notre volonté de travailler autant que possible avec les organisations de la société civile, notamment Coordination SUD et Action Santé mondiale. L’une de leurs demandes, que je partage pleinement, est qu’un article additionnel avant l’article 1er définisse les objectifs prioritaires, principiels, de notre politique de solidarité internationale et de lutte contre les inégalités mondiales.

Il s’agit notamment de rappeler que cette politique vise à éradiquer la pauvreté dans toutes ses dimensions, à protéger les biens publics mondiaux, à lutter contre les inégalités, l’insécurité alimentaire et la malnutrition, à promouvoir les droits humains et l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’à renforcer l’État de droit. L’amendement souligne que c’est un pilier central de notre politique étrangère et qu’il ne doit pas y avoir de tentation, comme cela a pu arriver, d’utiliser notre politique de développement, qui a ses objectifs propres, qui sont nobles, comme un levier pour la politique migratoire.

Cet amendement, qui est le fruit d’un travail mené avec des collègues de tous bords, essaie de synthétiser ce que pourrait être l’essence de notre politique et vise à faire en sorte qu’elle soit alignée sur l’Agenda 2030 des Nations unies et sur l’accord de Paris pour le climat, qui constituent deux piliers fondamentaux de notre stratégie internationale. Nous dirons ainsi quels sont nos valeurs et nos principes.

M. Bertrand Pancher. Nous nous retrouvons très bien dans les objectifs du projet de loi, monsieur le ministre. Néanmoins, une des principales critiques adressées par les grandes organisations avec lesquelles nous avons travaillé est que le texte n’a pas vraiment de valeur normative et qu’il paraît très en recul par rapport à la loi de 2014. Il est important de créer un article additionnel insistant sur les normes internationales, l’accord de Paris, la lutte contre la pauvreté, le développement des services sociaux de base, l’approche partenariale, les droits humains et environnementaux ou encore la protection des jeunes. Les amendements AE15 et AE63 visent à définir un cadre en faisant figurer les objectifs dans le projet de loi et non pas uniquement dans le cadre de partenariat global, qui n’a pas de valeur normative.

M. Pierre-Henri Dumont. L’amendement AE149 tend, de même, à donner une portée normative aux objectifs de la politique relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales en les inscrivant dans la loi. Cela permettra de renforcer la portée de ce texte – il faut se placer au même niveau que la loi de 2014.

M. Dominique Potier. Monsieur le ministre, vous avez répondu à une question de Boris Vallaud, il y a quelques mois, que vous n’aviez jamais connu un monde aussi dangereux : vous disiez, à propos des désordres géopolitiques, votre profonde inquiétude mais aussi votre espérance européenne. Tous les observateurs et les scientifiques pensent que nous sommes dans une décennie capitale en matière de lutte contre le changement climatique.

Ce projet de loi arrive dans ce contexte. Malgré la crise, nous a dit une collègue – mais j’ai plutôt envie de dire à cause de la crise –, ce texte est un des plus importants dont nous ayons à débattre. Il faut lui redonner du sens et une perspective, dans la tradition normative de la loi de 2014. J’avais alors eu le bonheur de planter quelques graines au nom du groupe socialiste : nous avons notamment esquissé, en termes déclaratifs, ce qui est devenu la loi relative au devenir de vigilance, que nous avons adoptée in extremis à la fin de la dernière législature et qui est train de déboucher sur une directive européenne. L’amendement AE468 tend à consacrer quelques concepts, quelques principes qui pourraient prospérer plus tard – notre parole a une force.

En tant que sociodémocrates, nous nous retrouvons dans le préambule proposé par Coordination SUD, qui évoque notamment le processus démocratique et le renforcement de l’État de droit. Nous serons très attentifs à la cohérence entre les politiques économiques des entreprises françaises et l’APD, l’aide publique au développement. Nous serons également sensibles à toutes les innovations sociales qui permettront en particulier d’engager des processus économiques et sociaux capables d’apporter des solutions nouvelles et de réincarner un multilatéralisme d’espérance.

M. M’jid El Guerrab. L’amendement AE592 vise à inscrire dans le corps de la loi, et non pas seulement dans le cadre de partenariat global qui lui est annexé, les principaux objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, afin de les consacrer et d’inspirer l’action des différents acteurs qui y contribuent. Cette politique doit être fondée sur un dialogue politique global, équilibré et approfondi, et il faut qu’elle soit régulièrement évaluée avec les pays partenaires et des représentants de la société civile, dans sa diversité. Nous souhaitons, par ailleurs, que cette politique s’aligne sur la stratégie de développement définie par les gouvernements nationaux, en consultation avec les Parlements des États partenaires, qu’elle respecte et promeuve le principe transversal, inhérent à l’Agenda 2030, selon lequel il ne faut laisser personne de côté. Enfin, elle doit promouvoir les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits humains, de droit international humanitaire, de réalisation des objectifs de développement durable (ODD), de l’accord de Paris et du programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement.

Mme Mireille Clapot. Je défendrai en même temps les amendements AE608 et AE643, qui visent à inscrire certains principes dans le corps du projet de loi, au sein d’un préambule, notamment l’importance de la promotion et de la protection des droits humains et celle de la diplomatie féministe qui est la pierre angulaire de l’action extérieure de la France. Ces amendements visent à faire de l’égalité femmes-hommes et filles-garçons une priorité transversale : la diplomatie féministe n’a pas vocation à être uniquement une politique sectorielle.

Mme Clémentine Autain. L’amendement que nous avons déposé fait écho à mon intervention au sujet de l’ensemble du texte. L’article additionnel que nous proposons intégrera dans la loi les principes et les objectifs de l’aide au développement, qui doivent être clairement établis. Il faut que la notion d’intérêt général humain figure dans le texte, à côté du respect de l’accord de Paris et des biens communs en matière sociale et écologique. Je vous laisse apprécier la rédaction de l’amendement, dont nous pourrons éventuellement discuter. Nous devons, en tout cas, graver dans le marbre de la loi ce que sont les objectifs de l’aide au développement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Avant de donner la parole à M. Bruno Fuchs pour présenter l’amendement AE585, je précise que si mon nom y figure c’est parce qu’il n’a pas encore été retiré. Je considère que je n’ai pas à déposer des amendements en tant que président, sauf sur les points où une unité entre nous existe.

M. Bruno Fuchs. Je crois que votre nom n’y figure pas. Votre volonté est faite (Sourires).

Cet amendement ayant le même objet que les précédents, j’indiquerai seulement qu’on voit que la grande majorité des groupes parlementaires peuvent se mettre d’accord sur de grands sujets d’intérêt général, de politique publique et de solidarité. L’amendement AE585 a ainsi été cosigné par des députés issus d’une majorité des groupes parlementaires de cette commission.

M. Hubert Julien-Laferrière. Il nous semble important – et cela transcende les clivages politiques – d’inscrire dans le marbre de la loi les grands objectifs de notre aide publique au développement : la lutte contre les inégalités mondiales, la protection des biens publics mondiaux, en particulier le climat et la biodiversité, la lutte contre l’extrême pauvreté ainsi que la promotion des droits humains. C’est l’objet de l’amendement AE111.

Mme Aina Kuric. Nous voulons expliciter les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Afin de clarifier le cadre dans lequel cette politique s’exerce, l’amendement AE286 reprend notamment trois instruments internationaux déjà cités par le cadre de partenariat global annexé au projet de loi : le programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2015, l’accord de Paris, conclu en décembre de la même année, et la convention sur la diversité biologique qui a été adoptée à Rio de Janeiro le 22 mai 1992. Nous réaffirmerons ainsi la valeur normative des objectifs de l’aide publique au développement. Ce sera un symbole fort.

Mme Laurence Dumont. Nous mettons le doigt, par l’amendement AE469, sur un élément absent du projet de loi et des amendements précédents, y compris celui du rapporteur, à savoir l’enregistrement des naissances, dont on a déjà parlé, et l’aide à l’institution d’états civils fiables : ce sont des conditions du développement durable des sociétés.

Un enfant de moins cinq ans sur quatre n’est pas enregistré à la naissance, et un sur trois n’a pas d’acte de naissance – 277 millions d’enfants se trouvent dans cette situation. Les causes sont bien identifiées et les conséquences dramatiques. Nous avons présenté, Aina Kuric et moi-même, un rapport sur ce sujet en septembre dernier. Ces enfants sont, de fait, exclus de la politique d’aide au développement puisqu’ils ne sont pas repérés. L’absence des termes « état civil » et « enregistrement des naissances » dans un texte consacré à la programmation de notre aide au développement est vraiment surprenante.

Le droit élémentaire dont il est question est déterminant pour l’accès des citoyens à l’ensemble des droits. Le projet de loi dit s’inscrire dans le cadre des ODD. Or vous savez que l’ODD 16.9 porte sur la généralisation de l’enregistrement des naissances et que l’ODD 17.19 concerne les capacités statistiques des pays en développement. J’ajoute que les pays les plus touchés par l’absence d’enregistrement des naissances font partie de la liste de dix-neuf pays prioritaires définie par le CICID.

Nous considérons que l’enregistrement des naissances et la mise en place d’états civils fiables doivent constituer un principe directeur pour l’ensemble des politiques menées par la France. Cela doit être gravé dans le marbre de la loi et non pas seulement dans le cadre de partenariat global. J’ai été heureuse de vous entendre dire, monsieur le ministre, que vous étiez attaché à ce sujet, qui ne figure pas, j’insiste sur ce point, dans les autres amendements en discussion.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je voudrais préciser que la conférence des présidents a décidé hier qu’il y aurait le mercredi 3 mars, dans le cadre de la semaine de contrôle, un débat sur les conclusions du rapport de la mission d’information sur les enfants sans identité.

M. Hervé Berville, rapporteur. Tous ces amendements, similaires mais plus ou moins détaillés, sont de grande qualité. Je serai naturellement favorable au mien et plutôt défavorable aux autres. Nous avons travaillé avec le Gouvernement pour faire en sorte que l’article additionnel ne soit ni trop long ni trop court et qu’il reste vraiment centré sur les objectifs principiels et les grandes orientations de cette politique.

Je connais le combat que vous menez, madame Dumont. Néanmoins, je pense que c’est le cadre de partenariat global qu’il faudra compléter, sur ce point, par amendement. Sinon, beaucoup d’autres éléments très importants mériteraient d’être également inclus dans l’article additionnel. Restons aux grands objectifs et à l’alignement sur les grands accords internationaux.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai dit devant votre commission, lorsque j’ai présenté le texte, que je n’étais pas opposé à ce qu’un article additionnel permette de bien cadrer les objectifs, les engagements, la volonté politique qui se trouvent derrière ce projet de loi. Il est vrai que cela manque, et je ne peux que me réjouir que des propositions aient été faites. Je me retrouve dans l’amendement déposé par le rapporteur, auquel je suis favorable car il constitue une bonne synthèse. Je suggère que les autres soient retirés.

J’ai une interrogation spécifique en ce qui concerne l’état civil. C’est une grande question dont je m’occupe très concrètement sur le terrain depuis un certain temps, et je vois bien la difficulté : cela mérite, à mon avis, plus qu’un mot dans cet article additionnel. Je suggère de consacrer à ce sujet un paragraphe complet au sein du cadre de partenariat global afin de décliner non seulement nos orientations mais aussi nos initiatives en la matière. La situation résulte à la fois d’une insuffisance des interventions et, parfois, d’une complicité faite de renoncement. Quand il n’y a pas d’état civil, c’est parfois parce que les moyens sont absents mais cela peut être aussi par manque d’intérêt – ou du fait d’intérêts pervers.

Nous pourrions préciser, dans le cadre d’un paragraphe spécifique ne portant pas seulement sur les droits de l’enfant mais plus généralement sur l’état civil, que nous considérons qu’il est prioritaire d’avoir des partenariats spécifiques en matière, en particulier avec les dix-neuf pays qui ont été évoqués. J’ai déjà conclu des partenariats avec certains États et je vois la difficulté de la mise en œuvre, notamment le manque d’enthousiasme dans certains cas.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je pense que votre appel a été entendu par tout le monde et j’ajoute que la possibilité de déposer des amendements ne se limite pas au stade de l’examen du texte en commission.

Mme Laurence Dumont. Nous proposons que l’enregistrement et l’aide à l’institution d’états civils fiables constituent un objectif transversal et structurant. On sait très bien que sans ce droit tous les objectifs qui sont très bien déclinés dans l’amendement du rapporteur ne peuvent pas être atteints.

L’un n’empêche pas l’autre : on peut très bien avoir un paragraphe détaillé dans le cadre de partenariat global et une référence dans l’article liminaire, qui définit les principes.

Si la France – je ne parle pas des États qui ne font pas ce qu’il faut – ne fait pas de l’enregistrement des naissances un principe structurant, on ratera la cible : les politiques de développement n’atteindront pas, dans leur grande majorité, ceux qui ne sont pas enregistrés à l’état civil. Je ne comprends pas votre position.

Mme Clémentine Autain. Je tiens à insister sur ce que notre collègue Laurence Dumont vient de dire. Elle a produit un rapport édifiant sur l’ampleur de ce phénomène. On ne peut pas faire comme si le rapport et ses conclusions n’existaient pas quand la loi arrive et comme si nous n’avions pas eu un débat en commission : je n’ai entendu personne, me semble-t-il, contester l’idée qu’il fallait prendre en considération ces enjeux fondamentaux. Je ne comprends donc pas votre réticence. Pouvez-vous éclairer notre assemblée ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vais donner la parole à M. Lecoq puis à Mme Kuric, et j’espère que nous pourrons nous arrêter là : le débat a déjà été très bien posé.

M. Jean-Paul Lecoq. Oui, mais il faut qu’il aboutisse. C’est une annexe du débat que nous avons eu en commission. Lors de la présentation du rapport, l’ensemble de la commission des affaires étrangères a considéré que nous devions en faire un marqueur de toutes les politiques d’aide au développement, de toutes les politiques internationales. Nous en avons l’occasion, dans le cadre de ce projet de loi, mais nous ne le ferions pas ? Ce n’est pas acceptable : ce serait pour nous un renoncement. Il faut que ce soit dans la loi et non dans le texte qui l’accompagne.

Mme Aina Kuric. Merci de permettre le débat. J’ai déjà parlé de ce sujet lors de mon intervention liminaire, et Laurence Dumont vient d’expliquer très bien de quoi il s’agit. La commission a voté à l’unanimité en faveur des 23 propositions du rapport. Cet amendement est la traduction de l’une d’entre elles.

Nous sommes ravies qu’il y ait un débat en séance publique le 3 mars prochain, mais l’enregistrement des naissances doit être le commencement de notre aide publique au développement : elle ne peut pas démarrer si on n’est pas enregistré à la naissance, on n’aide pas ceux qui n’existent pas. Il est primordial d’inscrire dans la loi ce « marqueur ». Je ne dis pas que le contrat de partenariat global n’est pas important, mais il faut un engagement. Lorsqu’on démarre une stratégie de développement, il faut être en mesure d’identifier l’ensemble des personnes concernées.

Cet amendement très important a donc tout mon soutien.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis très sensible à cette question, et je sais la qualité du rapport de Laurence Dumont et d’Aina Kuric, qui ont notamment travaillé avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Néanmoins, votre amendement ne porte pas sur un objectif principiel mais sur un moyen d’action pour atteindre des objectifs. On pourrait, de même, prévoir que les enfants doivent avoir accès à l’eau dès leur naissance : sans cela, il ne sert à rien de faire de l’aide au développement.

L’objectif de l’article additionnel est de fixer un cadre général. J’observe que votre proposition ne figure pas dans les rédactions issues des ONG ou des collectifs. Cela ne signifie pas que ce n’est pas important : tous ces acteurs se battent sur cette question. Mais c’est un moyen d’atteindre d’autres objectifs.

Par ailleurs, la question de l’état civil est incluse dans le renforcement de l’état de droit et dans la promotion des droits humains. Le droit d’être enregistré à sa naissance est une sous-catégorie importante, voire première, des droits humains et du renforcement de l’état de droits. Je vous invite à retirer cet amendement, afin qu’il soit retravaillé pour faire de ce que vous demandez un objectif transversal au sein du cadre de partenariat global.

Le fait de ne pas être enregistré à l’état civil est une catastrophe pour la vie des personnes concernées, mais cela n’empêche pas de faire de l’aide au développement : on peut apporter de la nourriture ou de l’eau à ces personnes, et on peut faire en sorte qu’elles aient la possibilité d’aller à l’école. Il peut y avoir une politique d’aide au développement même quand des personnes ne sont pas enregistrées. On doit faire en sorte que l’enregistrement soit une action prioritaire de la politique de développement. C’est une question fondamentale pour moi, mais cela n’entre pas dans le cadre de l’article liminaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous allons passer au vote, même si je comprends très bien l’importance de cet amendement que j’aurais tendance à qualifier d’amendement Gogol, en référence aux Âmes mortes.

J’ajoute que si l’amendement du rapporteur est adopté, les autres tomberont. Vous pourrez vous concerter et déposer d’autres amendements en vue de la séance publique.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis du même avis que le rapporteur. Sur cette question très importante, il faut avoir un descriptif prescriptif. C’est au sein du cadre de partenariat global que nous pourrons le faire.

La commission adopte l’amendement AE336.

En conséquence, les amendements AE15, AE63, AE149, AE468, AE541, AE592, AE608, AE643, AE131, AE585, AE111, AE286 et AE469 tombent.

Article 1er : Objectifs de la politique de développement solidaire et programmation financière

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AE2 de M. Bertrand Pancher et AE38 de M. Hubert Julien-Lafferière, ainsi que l’amendement AE467 de M. Dominique Potier.

M. Bertrand Pancher. Cette loi de programmation est un peu étrange puisqu’elle ne décline les crédits budgétaires que jusqu’en 2022 et, au final, qu’elle n’est donc pas plus ambitieuse qu’un projet de loi de finances classique.

Le tableau que nous proposons de compléter à l’alinéa 5 permet de prolonger la programmation financière jusqu’en 2025 afin d’atteindre l’objectif de consacrer 0,7 % du revenu brut national (RNB) à l’APD. À cette fin, le scénario de croissance utilisé pour estimer le RNB est celui-là même que le Gouvernement a défini dans la dernière loi de finances, puis, envisage un retour à des niveaux de croissance antérieurs à la crise pour les années 2023, 2024 et 2025. Nous formulons donc des objectifs très précis d’évolution des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement ».

M. Hubert Julien-Lafferière. Il est vrai que la situation est un peu cocasse. Nous ne sommes pas dans le même cas de figure que celui d’une loi de programmation militaire, monsieur le ministre, et cette loi n’est pas plus ambitieuse qu’un chapitre d’une loi de finances.

Si le RNB diminue, il importe d’autant plus de disposer d’une programmation financière en valeur absolue et pas seulement en pourcentage afin de respecter l’objectif pour 2022 et celui qui avait été pris en 1970 devant l’assemblée générale des Nations unies. Certes, un objectif financier n’est pas l’alpha et l’oméga mais le respect de celui de 0,7 %, que la France se doit de tenir, ne nous interdit pas d’être intelligents en tenant compte des priorités sectorielles et géographiques.

Nous proposons également qu’à partir de 2023 50 % de l’APD relèvent de la mission budgétaire « Aide publique au développement » et du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), certains types d’aides, dont les frais d’écolage par exemple, ne bénéficiant pas aux populations des pays en voie de développement.

M. Dominique Potier. Nous en sommes tous d’accord : l’APD n’est pas qu’une question de volume mais de qualité et de cohérence. Néanmoins, le respect de celui qui a été fixé nous hisserait à la hauteur de nos promesses et de l’action menée par certains pays. Je le dis clairement au nom du groupe Socialistes et apparentés : cette promesse n’a pas été tenue et il est urgent de la tenir. C’est donc avec humilité mais, aussi, avec conviction que nous défendons une programmation étendue jusqu’en 2025. Les acteurs de terrain doivent pouvoir se projeter : l’initiative « Une seule santé », les politiques de lutte contre la corruption ou de renforcement de l’État de droit s’inscrivent dans le temps et doivent bénéficier de moyens stables et programmés.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis plutôt favorable à l’idée de fixer un objectif général mais vous savez fort bien que des échéances électorales se produiront en 2022. Tels qu’ils sont rédigés, ces amendements engageraient le prochain Gouvernement, or, imaginons que, demain, les amis de M. Lecoq arrivent au pouvoir : peut-être ne souhaiteront-ils pas utiliser les crédits de la mission « APD » tels quels, même s’ils souhaitent que l’APD atteigne les 0,7 % !

De plus, lors de ces quinze dernières années, une focalisation unique sur cet objectif quantitatif nous a fait perdre de vue l’objectif qualitatif. L’Angleterre est d’ailleurs revenue sur sa politique. Depuis 2017, nous avons ainsi quant à nous choisi d’augmenter la part de dons, de redéfinir les pays prioritaires et les parts consacrées à l’éducation et à la santé. Nous avons besoin de flexibilité.

Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ajoute que la loi inscrit le principe d’une révision en 2022 et de rapports annuels d’adaptation car nous ne pouvons pas exciper de ce que sera l’évolution économique et budgétaire de la France en sortie de crise. Il est bon de s’en tenir au texte tel qu’il est.

M. Jean-Paul Lecoq. Je remercie M. Berville, pour qui l’arrivée au pouvoir des communistes est crédible, étant entendu que nous formerions une coalition tant les situations hégémoniques peuvent être délétères pour la démocratie.

Les exécutifs changent, en effet, mais parfois, les ministres demeurent, comme M. Le Drian. Peut-être même, si sa pensée évolue, pourra-t-il être membre de notre Gouvernement ! Pour avoir défendu des lois de programmation militaire, il sait très bien qu’il est possible de programmer et… de réviser. Les objectifs fixés dans la loi pourraient en l’occurrence être fort bien révisés en 2022 par un nouvel exécutif. Affirmons donc les ambitions qui sont les nôtres dans cette loi de programmation !

M. Bertrand Pancher. La majorité donne des verges pour se faire battre : une loi de programmation votée en fin de mandat n’engagerait que la majorité actuelle mais nous nous battons depuis longtemps pour que les objectifs définis soient atteints, or, tel ne sera pas le cas.

Ce serait faire preuve de bon sens et de respect à l’endroit de nos accords internationaux que de lister clairement les objectifs et de rééquilibrer les masses financières en direction de l’APD. Si les majorités successives avaient été fidèles à l’objectif des Nations unies formulé en 1970, ce sont environ 200 milliards supplémentaires qui auraient été dévolus aux politiques d’aide au développement !

Il est vrai qu’une majorité peut défaire ce qu’une majorité précédente a fait mais ce serait l’honneur de tous les groupes politiques de soutenir un amendement de ce type.

Mme Clémentine Autain. J’abonde dans le sens de mon collègue communiste, avec lequel j’espère nous pourrons bientôt, avec d’autres, gouverner !

Par définition, l’aide publique au développement vise à promouvoir des projets qui s’inscrivent dans la durée. Ne pas être capables d’engager la parole de la France au-delà d’une année est contraire à cet esprit même. Il est donc paradoxal de ne pas s’engager, y compris sur une valeur absolue, qui plus est lorsque les difficultés ne manqueront certes pas pour la France mais, surtout, pour les pays censés être soutenus. En pleine pandémie, nous nous devons de leur apporter un certain nombre de garanties.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je remercie M. Lecoq pour son offre de service, car telle est la définition latine du minister. Dans les fonctions exécutives que j’ai occupées, j’ai toujours compté des membres du Parti communiste au sein de mes majorités. J’ai donc un peu d’expérience, et j’ai versé des arrhes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est un point commun avec le général de Gaulle !

M. Hervé Berville, rapporteur. Ne nous trompons pas de débat : depuis 2017, nous tenons nos engagements. Nous avons augmenté l’aide publique au développement, comme nous l’avions promis, dans le domaine de l’éducation. Notre contribution au Partenariat mondial pour l’éducation est ainsi passée de 17 à 200 millions ; celle au Fonds mondial de lutte contre le sida a augmenté de 20 % et, surtout, l’objectif de consacrer 0,55 % du RNB à l’APD sera atteint l’année prochaine. Après ce que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) appelle « une décennie perdue », ayons l’honnêteté de reconnaître que c’est ce Gouvernement qui, en Europe, a augmenté l’aide au développement comme jamais ! La mission « APD » passe de 2,7 à 5,6 milliards. C’est celle qui augmente le plus ! En outre, nos partenaires savent fort bien qu’en 2022, les choix qui seront faits ne correspondront pas forcément aux nôtres. Nous faisons simplement preuve de réalisme.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement AE133 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Savez-vous, monsieur le rapporteur, que la loi de programmation militaire s’étend de 2019 à 2025 ? Savez-vous que de lourds investissements ont été engagés, y compris pour moderniser la bombe atomique ? En cas de changement de majorité en 2022, pensez-vous que les 14,5 millions dépensés chaque jour à cette fin seront immédiatement asséchés ? Il est vrai que si c’est nous qui sommes aux affaires, ce n’est pas exclu, car nous pensons que cet argent pourrait être utilisé autrement.

Cet amendement dispose donc que la programmation financière porte sur les années 2020 à 2025, une révision pouvant avoir lieu en 2022, faute de quoi cette loi se réduira à une portion de PLF pour 2022.

Les derniers propos de M. le rapporteur m’incitent à poser la question : que faisons-nous ici aujourd’hui ?

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE204 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il a été cosigné par l’ensemble des membres du groupe Les Républicains de cette commission.

Première curiosité : cette programmation est censée s’étendre de 2020 à 2025, or, la programmation financière, elle, n’est prévue que pour la période 2020-2022.

Seconde curiosité : l’année 2020 est déjà exécutée et l’exécution de 2021 est en cours. Plus de la moitié de la programmation concerne donc une période qui ne couvre pas l’actuel quinquennat. Il est essentiel que le Parlement soit à nouveau consulté sur la suite qui lui sera donnée et sur les moyens qui seront consacrés à cette politique de 2022 à 2025.

Il faudrait vraiment vérifier, monsieur le rapporteur, si tous vos engagements ont été respectés. De notre point de vue, nous sommes très loin du compte. « L’avenir dure longtemps », dit-on, mais nous aimerions en savoir un peu plus sur l’avenir de cette loi ! Un vote du Parlement s’imposera donc en 2022.

M. Hervé Berville, rapporteur. Votre amendement, pour une part, va dans le sens de ce que je viens de dire, la loi prévoyant de surcroît une clause de revoyure.

J’ajoute que la révision de la programmation doit être opérée en amont du vote du Parlement et que votre amendement pèche d’un point de vue rédactionnel.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE 136 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement vise à intégrer la totalité du cadre de partenariat global (CPG) dans la loi.

Lors des auditions, de nombreuses voix se sont élevées pour demander qu’un article 1er récapitule les grands objectifs de la loi, comme tel était le cas dans la précédente loi relative à l’aide publique au développement. Le cadre de partenariat global, a-t-on répondu, vise à remédier à ce manque, et il est bien plus précis que ne l’aurait été l’ajout d’un certain nombre de principes dans un article 1er.

Je vous propose que cet article 1er accueille le CPG afin de pouvoir dérouler ensuite les mesures budgétaires au regard des objectifs. Les députés communistes vous proposent donc un compromis, ce qui supposera d’affiner la rédaction du CPG en séance publique.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ce cadre de partenariat global ne doit pas se réduire en effet à une simple déclaration d’intention. Sa non-intégration dans le corps de la loi correspond à une recommandation du Conseil d’État : la clarté de la loi suppose d’en détacher le versant stratégique et de le placer en annexe, tout en faisant en sorte que son approbation formelle figure à un alinéa d’un article du texte.

Outre que je ne suis pas certain de la pertinence juridique du mot « intégré », je considère que votre amendement est satisfait puisque, s’il n’est pas normatif, le CPG a néanmoins une valeur juridique.

Avis défavorable.

M. Jean-Paul Lecoq. Le CPG est-il ou non opposable ? Un certain nombre d’acteurs, suite au vote de cette loi, investiront dans des actions et doivent être d’une certaine façon protégés.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le CPG est d’autant plus prescriptif et opposable qu’il fait partie de la loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE132 de Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain. Les objectifs de la politique relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ne sont pas mentionnés dans le projet de loi mais seulement énoncés dans le cadre de partenariat global annexé qui, en l’état, n’a pas de valeur normative, comme l’a précisé le ministre des affaires étrangères lors de l’audition du 2 février dernier devant la commission.

Comme l’ont rappelé les ONG concernées, les objectifs encadrant l’aide française au développement ne peuvent être laissés, de fait, à l’appréciation des opérateurs. Ils doivent être fixés par la représentation nationale.

Cet amendement vise à graver dans le marbre de la loi un certain nombre d’objectifs précis.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il est si vrai que le CPG a une valeur juridique opposable que nous l’avons nous-mêmes amendé.

La loi doit être claire, comme l’a rappelé le Conseil d’État. Nous avons d’ailleurs prévu un régime « ceinture, bretelles » et même « casque » avec l’alinéa 2 de cet article disposant que le CPG annexé à cette loi est approuvé.

Avis défavorable.

Mme Clémentine Autain. Je rappelle que, selon le Conseil d’État, les documents annexés à une loi, même lorsqu’ils ont été approuvés par le Parlement ou prévus par une loi organique, n’ont pas de valeur normative. Ils se réduisent à de plus ou moins bonnes intentions.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je répète que l’absence de valeur normative n’induit pas une absence de valeur juridique. Demain, une ONG jugeant qu’un certain nombre d’objectifs n’a pas été atteint pourra aller devant un tribunal. En revanche, un Gouvernement ne sera pas immédiatement mis à l’amende et un ministre emprisonné ! Le Conseil d’État est très clair.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE135 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je considère qu’il a été défendu et qu’il vise à donner une deuxième chance au rapporteur et au ministre d’intégrer le CPG dans la loi.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AE137 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je propose de remplacer la référence à 0,55 % du revenu national brut par la somme de 15 milliards d’euros, soit 0,55 % du RNB de 2019.

Le débat autour de la définition d’un objectif en valeur relative ou en valeur absolue a été présent dans toutes les prises de paroles et toutes les auditions du rapporteur. La question est d’autant plus sensible que nous examinons ce texte alors que le revenu de l’économie française s’est contracté de 8,3 % cette année en raison de la pandémie.

J’avais déclaré en 2017 au sein de cette commission qu’un chiffre relatif ne vaut que par son dénominateur. Lorsque le revenu national diminue, le montant de tous les objectifs en valeur relative baisse. Nous allons donc atteindre 0,7 % du RNB en 2022 sans avoir fait d’effort budgétaire conséquent, par le seul effet de la récession économique.

Imposer le respect d’un pourcentage de la richesse nationale brute ne fait qu’accompagner les périodes de croissance et de récession. En politique économique et budgétaire, il faut relancer en période de récession au lieu d’accompagner la contraction de l’économie d’une réduction du budget national. Ainsi, les années 2020-2021 auront mis à mal toutes les doctrines qui fixent des cibles en pourcentage. Ce n’est pas un mal, il est bien plus concret de raisonner en valeur absolue.

Il faut sanctuariser le volume de l’aide publique au développement. Elle est utilisée par des gens qui investissent et se projettent, et il ne leur est pas possible de s’appuyer sur un chiffre qui peut varier à la baisse.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, mais je suis content de voir que nos points de vue se rejoignent, monsieur Lecoq. Je dis depuis trois ans que cet indicateur est inadapté, vous venez d’en faire la démonstration parfaite.

Vous dites que l’effort budgétaire en faveur de l’aide publique au développement n’est pas conséquent, rappelons qu’il est inédit au cours des quinze dernières années, et inégalé dans l’espace européen. Certes, il n’est pas suffisant pour atteindre tous nos objectifs, mais passer de 2,9 milliards d’euros à 5,6 milliards représente un effort inédit, particulièrement dans le contexte économique que nous connaissons. Nous pouvons au moins convenir de cela.

Il ne faut pas faire de cet objectif de 0,7 % un totem. Le fait qu’il soit possible de l’atteindre parce que le RNB diminue prouve l’inadaptation du modèle. Mais la référence en valeur absolue que vous proposez peut aussi se révéler inadaptée. Il est possible que dans quatre ans, grâce à l’arrivée des communistes au pouvoir, le produit intérieur brut explose. Dans ce cas, un objectif exprimé en valeur absolue serait moins élevé qu’un pourcentage.

Les outils quantitatifs ne répondent pas aux souhaits des citoyens des pays du Sud. Ils veulent des transformations qui améliorent leurs conditions de vie. Notre débat devrait porter sur des indicateurs tels que le recul de la mortalité infantile, l’augmentation de la superficie des aires marines protégées, le ralentissement de la déforestation. Ce sont des indicateurs concrets, qui se traduisent dans la vie des gens et en disent plus sur la qualité de notre action qu’un objectif chiffré.

Passons sur le fait qu’au sein des 0,7 %, on regroupe des choux et des carottes. Il faut un énorme travail pour définir ce qui doit y figurer.

Ce projet de loi va permettre de sortir de cette logique quantitative pour nous concentrer sur la transformation de la vie des gens.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le rapporteur a bien développé notre point de vue sur le sujet. Nous pouvons jouer sur les pourcentages et les montants, ce qui m’importe, c’est la trajectoire et elle figure dans le texte. Les pourcentages varient en fonction du revenu national brut et sous l’effet de certaines décisions. Ainsi l’allégement des dettes peut faire monter ce pourcentage à un niveau très élevé, sans pour autant se traduire de façon tangible. Nous souhaitons que les montants affectés correspondent à une réalité tangible, et c’est bien ce qui est prévu dans le projet de loi.

Il en va de même de l’objectif de 0,7 %. Nous pourrions considérer qu’il est atteint par l’effet cumulé de la baisse du revenu national brut et de l’annulation de la dette soudanaise. Ce raisonnement ne me satisfait pas : nous focaliser sur l’objectif de 0,7 % n’est pas un bon indicateur.

M. Julien-Laferrière a cité la Grande-Bretagne. Nos amis britanniques ont considéré que par l’effet de la baisse du revenu national brut, l’objectif de 0,7 % était atteint, et ils ont donc réduit le budget de l’aide publique au développement de 2 milliards de livres. Ce n’est pas ce que je souhaite, et c’est pourquoi nous ne devons pas être hypnotisés par les indicateurs.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il me semble en vous écoutant que vous êtes d’accord sur le diagnostic, mais vous n’en tirez pas les mêmes conclusions sur le vote.

M. Jean François Mbaye. Il ne faut définir une trajectoire financière en se référant à des chiffres en valeur absolue. L’évolution de la conjoncture économique affecte les ressources publiques, il est normal de tenir compte de cette incertitude pour décider des moyens alloués aux différentes politiques publiques. Ce n’est pas le volume de l’investissement qui importe, il ne faut pas investir n’importe comment.

Je n’appelle pas à rogner sur un poste budgétaire, et certainement pas celui de l’aide publique au développement, mais il nous faut tenir compte du contexte et des fonds à notre disposition. Cette approche stratégique correspond vraiment à la vocation d’une loi de programmation : fixer une trajectoire sans se défaire de toute souplesse qui pourrait être nécessaire si le contexte venait à changer.

Nous sommes opposés à cet amendement, même s’il traduit une convergence avec l’approche du rapporteur.

M. Hubert Julien-Laferrière. Je n’ai pas compris toutes les réponses du rapporteur et du ministre.

Nous débattrons de l’objectif de 0,7 %, mais l’amendement de M. Lecoq porte sur un engagement pris en début de mandat, défini en valeur absolue. Je me souviens de nombreux débats, notamment en commission des finances, et les prévisions en début de mandat établissaient que 0,55 % du revenu national en 2022 correspondait à 15 milliards d’euros. Il manque donc 900 millions. Alors que la crise du covid accroît les inégalités mondiales, je ne comprends pas que ce chiffre ne soit pas atteint alors que la volonté de respecter les engagements de début de mandat est affichée.

Le débat ne porte pas sur l’objectif de 0,7 %, mais sur le respect d’un engagement pris en début de mandat : consacrer à l’aide publique au développement 0,55 % du RNB constaté avant la crise du covid. Tout le monde était d’accord, y compris la majorité, pour raisonner en valeur absolue pour respecter l’engagement du Président de la République.

M. Michel Herbillon. Je suis un peu étonné des propos du rapporteur, il risque d’avoir des problèmes avec le Président de la République qu’il soutient. Je conçois que l’objectif de 0,55 % du RNB ne soit pas un totem, mais c’est la forme que le Président de la République a choisie pour exprimer son engagement.

Bien entendu, on peut jouer sur les pourcentages et les montants. La réponse du ministre a d’ailleurs été extrêmement claire sur la dette soudanaise, et je l’en remercie. C’est la trajectoire financière qui compte, mais ce sont aussi les sommes que nous voulons consacrer à l’aide au développement. C’est la raison pour laquelle nous regrettons que cette loi de programmation s’achève en 2022 et que nous ne sachions pas ce qu’il adviendra après.

Je suis donc assez surpris de cette mise en cause du pourcentage, donc de l’engagement du Président de la République, de la part du rapporteur.

M. Jean-Paul Lecoq. L’objectif de 0,7 % a été défini par l’ONU, à une époque ou dans les pires années, la croissance était de zéro, et les pays riches s’enrichissaient toujours plus. Aujourd’hui, la crise que nous connaissons affecte tout le monde, et la France doit faire un effort de solidarité.

Je suis d’accord avec le ministre, et je me réjouis de sa décision de ne pas prendre en compte l’effacement de la dette soudanaise, mais je ne retrouve pas ses paroles dans le texte de ce projet de loi. La trajectoire financière s’arrête en 2022, je n’arrive pas à voir ce qui arrivera en 2025. J’essaie de proposer des amendements qui permettent à tous les acteurs de se projeter et de préparer des projets.

Si vous rejetez cet amendement, proposez une alternative qui donne une lisibilité à tous. Pour l’instant, on ne la trouve pas dans le texte.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE138 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous proposons de consacrer 18 milliards d’euros d’ici 2025 à l’objectif fixé par la résolution 2626 de l’Assemblée générale des Nations Unies : que chaque pays riche consacre 0,7 % de son RNB à l’aide au développement.

Un rapport d’Oxfam démontre que le manque à gagner pour l’aide publique au développement s’élève à 500 milliards sur cinquante ans. La France part de très loin, et il n’est pas normal de considérer qu’en raison du faible nombre de pays atteignant cet objectif, il n’est pas dramatique que la France ne le fasse pas. Il me paraît très important d’y parvenir.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’objectif principal fixé dans la loi doit être défini en fonction des variations du RNB, avec une clause de revoyure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE542 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Je souhaite fixer l’échéance de 2025 à l’objectif de 0,7 %. Je suis surprise qu’il soit remis en cause par le rapporteur et le ministre, puisque c’est le Gouvernement qui le mentionne à l’alinéa 3, certes pour en repousser l’échéance.

Ce matin, Barbara Pompili expliquait à propos de la loi Climat qu’il était important de poser des jalons pour respecter une trajectoire. Cette remarque devrait s’appliquer à notre projet de loi et nous inciter à fixer l’échéance de 2025, s’agissant d’une promesse que nous faisons depuis très longtemps.

On ne cesse de dire que nous sommes meilleurs que tous les autres pays européens, sur ce sujet comme d’autres, mais certains pays atteignent déjà cet objectif de 0,7 %, notamment les Pays-Bas, qui ont souvent été vilipendés pendant les discussions sur le plan de relance européen. Nous ne sommes pas les meilleurs en Europe, d’autres pays ont atteint cet objectif et n’ont pas besoin de faire les efforts supplémentaires dont nous sommes incapables.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ce n’est pas parce que nous nous fixons un objectif que nous devons nous interdire d’y réfléchir et de nous interroger sur sa pertinence. C’est en effet un étalon international historique, mais j’ai eu la chance de travailler sur ces questions au Mozambique et au Kenya, et j’ai pu constater les effets pervers de la course à la dépense simplement pour atteindre des objectifs.

Certains pays atteignent cet objectif de 0,7 %, mais il est possible de le faire uniquement avec des prêts, sans faire de dons ni financer l’éducation ou la santé. Il est possible d’atteindre 0,7 % d’aide au développement uniquement en faisant de l’appui au secteur privé. Je ne crois pas que ce soit notre volonté.

Le Président de la République a exprimé notre objectif par un pourcentage car c’est l’étalon international qui permet à chacun de mesurer son effort, mais nous savons qu’il est inadapté et imparfait. D’ailleurs, les pays concernés s’interrogent également : certains s’achètent une bonne conscience en dépensant des sommes sans se préoccuper de la qualité des actions qu’elles financent. Cette question est très légitime.

Nous ne prétendons pas être les meilleurs, mais c’est un fait : par rapport à la décennie précédente et en regard des autres pays de l’Union européenne, dont l’aide est en recul, le montant que nous consacrons à l’aide augmente. Et l’effort réalisé depuis 2017 est inédit, c’est incontestable. Sachons reconnaître les bons points quand il y en a.

Je suis plutôt favorable à votre amendement, dans le sens où il faut nous fixer cet objectif, mais le ministre va revenir sur les différentes considérations à prendre en compte.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Êtes-vous favorable à l’amendement, ou défavorable ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Défavorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame Dumas, votre amendement est satisfait : nous avons déjà atteint 0,7 % du revenu national brut. Regardez le tableau de la page 52 du projet de loi, vous pouvez y lire qu’en 2021, la part de l’aide publique au développement dans le revenu national brut est de 0,69 %. En prenant en compte les nouveaux allègements de dette que nous allons accorder à des pays africains, nous allons dépasser 0,7 %.

Je ne remets pas en cause cet objectif, mais il ne faut pas s’y attacher de façon trop rigide. Je suis d’accord avec M. Lecoq : il s’agit d’une référence, depuis 1970, mais elle ne suffit pas à quantifier l’ampleur de l’aide publique au développement. Sinon, je pourrais faire constater que l’objectif fixé par le Président de la République est déjà atteint, mais ça ne serait pas sérieux. Si nous sommes tous de bonne foi, il faut affiner cet objectif, car il comporte des risques : lorsqu’ils ont atteint 0,7 % du revenu national, les Britanniques ont supprimé les crédits au motif qu’ils considéraient avoir rempli leurs engagements. Et personne ne les critique.

La simplification peut parfois aboutir à la caricature, c’est pourquoi je suis réservé sur tous les amendements qui imposent d’atteindre cet objectif en 2025. Formellement, il est déjà atteint en 2021. Une majorité communiste nouvellement élue pourrait décider de le porter à 0,9 %, mais d’autres majorités pourraient considérer que le ratio de 0,7 % étant atteint, il est possible de réduire l’aide au développement. Je connais des acteurs qui seraient facilement amenés à faire ce raisonnement. Je suis donc défavorable à tous les amendements qui portent sur l’objectif de 0,7 %, car ce n’est pas la bonne approche, et je suis prêt à trouver une meilleure rédaction.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il ressort de nos débats que ce pourcentage de 0,7 % est une valeur sacrée. La caractéristique d’une valeur sacrée est de ne pas être claire. Notre commission devra se pencher sur la nature exacte de cet engagement, sur la façon dont il est observé par la communauté internationale. Il faut sortir de ce maquis, car ce chiffre recouvre des réalités extrêmement différentes.

Mme Frédérique Dumas. Effectivement, cette valeur de 0,7 % peut signifier tout et n’importe quoi.

Monsieur le ministre, vous appartenez à ce Gouvernement depuis plus de quatre ans. Vous venez présenter une loi de programmation, qui fixe des objectifs. L’alinéa 3 mentionne expressément cet objectif, pour signaler que son échéance est reportée. Si cet objectif est déjà atteint, il est étonnant de le reporter dans ce projet de loi.

Je suis prête à retirer mon amendement si vous modifiez le projet en profondeur. Si vous jugez que votre propre projet de loi dit un peu n’importe quoi, parce que vous n’avez pas fait l’effort de travailler sur de meilleurs indicateurs quatre ans après le début de la mandature, il y a un énorme problème !

C’est vous qui écrivez dans le projet de loi que la France a l’objectif de porter ultérieurement la part de son revenu national brut consacrée à l’aide publique au développement à 0,7 %, nous ne faisons qu’amender cet alinéa. Je retirerai cet amendement si vous présentez en séance une proposition intéressante de modification profonde de ces indicateurs.

M. Michel Herbillon. Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt, le ministre vient d’évoquer la possibilité de trouver une autre rédaction. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une loi de programmation, mais qu’elle s’arrête en 2022 ; que nous consacrons déjà 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement, mais que nous nous fixons l’objectif d’y parvenir ultérieurement ; et que ces indicateurs ne doivent pas être des totems. On n’y comprend plus rien ! Et le rapporteur vient nous dire que les pourcentages ne sont pas importants !

Il faut que de manière tranquille, calme et si possible unanime, nous arrivions à sortir du problème. Indépendamment des sensibilités des uns et des autres, nous comprenons bien que le 0,7 % n’est pas un totem, que le contenu des actions compte aussi. Mais si cette valeur a été retenue par les Nations unies en 1970, ce n’est pas par hasard.

Nous sommes au début de nos débats, il faut apporter de la clarté sur un dispositif essentiel.

M. Frédéric Petit. Le chiffre de 0,7 % n’est pas fixé par la loi française, c’est un objectif de l’OCDE. Et nous aurons du mal à faire changer l’OCDE avant l’examen de ce texte en séance…

M. M’jid El Guerrab. J’ai déposé l’amendement AE288, qui fixe à 2030 l’échéance pour atteindre 0,7 %, mais je vais le retirer car je suis convaincu par les propos du ministre. Fixer cet horizon n’a aucun sens si l’objectif est déjà atteint.

Depuis cinquante ans, nous sommes lassés d’entendre que la France ne tient pas ses engagements. Mais si l’objectif est atteint en raison de l’effondrement de l’économie, ça n’a pas de sens. Je suis absolument d’accord avec notre collègue Herbillon, il faut trouver une rédaction qui satisfasse la majorité de notre commission.

M. Hervé Berville, rapporteur. Les choses sont claires, monsieur Herbillon. Il y a différents niveaux de lecture, je considère que l’objectif de 0,7 % n’est pas l’alpha et l’oméga de notre politique de développement, et que nous devons trouver de meilleurs indicateurs. Mais la société civile et les ONG estiment nécessaire de disposer d’un chiffre pour établir des comparaisons internationales, et je les entends.

Madame Frédérique Dumas, une trajectoire est définie pour atteindre cet objectif, et le Président de la République a fixé un jalon à 0,55 %. Mais si nous envisageons de changer les méthodes à l’occasion de ce projet de loi, c’est bien parce que la situation actuelle ne nous convient pas.

Mais nous n’avons pas la possibilité de changer cet objectif, les discussions se tiennent au sein de l’OCDE et durent pendant des mois, voire des années. Il a fallu quatre ans pour changer la qualification des subventions en prêts.

En tant que législateur, nous nous posons des questions. Nous nous référons à ce pourcentage qui est important pour les organisations de la société civile, mais elles connaissent ma réticence à son sujet. Mon rôle est aussi de les écouter, et nous reprenons ce chiffre dans le projet de loi car il est important que le ministère des affaires étrangères puisse expliquer devant l’Union européenne ou l’ONU comment nous nous situons par rapport à cet objectif.

Je reconnais sa portée symbolique, mais décider de l’atteindre ne permet pas de déterminer ce que nous ferons ensuite. Nous devons débattre de toutes ces questions. Je demande donc à Mme Dumas le retrait de son amendement, j’ai déposé un amendement pour reconnaître la valeur symbolique de cet objectif. À défaut, avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’objectif de 0,7 % reste important, la meilleure preuve en est que dans les prévisions, ce ratio descend après 2022. C’est une mesure de l’effort, un référentiel qui permet de nous comparer, et une référence historique. Je suis favorable à son maintien.

Mais il ne faut pas se fonder sur ce 0,7 % de manière fétichiste, il cache parfois des loups. Le projet de loi est rédigé ainsi car dans l’évolution de la situation économique et sanitaire est incertaine, et il est important de conserver les deux paramètres d’évaluation. Nous ne renions pas l’objectif de 0,7 %, il permet d’établir où nous en sommes, et de constater que lorsque les Britanniques atteignent cette valeur, ils réduisent leur aide, et pas nous. Il faut trouver une bonne formule.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ce chiffre de 0,7 % est une référence historique sacrée et multilatérale qu’il est difficile de remettre en cause. Le Gouvernement nous explique qu’il la respecte, mais chacun en perçoit les limites. C’est pourquoi il serait intéressant que notre commission mène le nécessaire travail intellectuel de clarification des engagements respectifs. Il faut dépoussiérer et analyser ce très important objectif et proposer dans le débat international une solution nouvelle. Il nous faut travailler dans cette direction.

Mme Frédérique Dumas. Je remercie le ministre, nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’il s’agit d’un référent, mais qu’il n’est pas suffisant. Je remercie également le président de proposer ce travail de fond. Je ne retire pas mon amendement, puisque le rapporteur a expliqué qu’il y était favorable, dans une certaine mesure.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE260 de Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. Je souscris pleinement à l’inscription dans le texte de l’engagement du Président de la République de consacrer 0,55 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement en 2022. Mais il me paraît contre-productif d’ajouter que l’objectif de 0,7 % est reporté ultérieurement. Nous le reportons déjà depuis un demi-siècle, ce qui n’a échappé à personne dans le monde. Et s’il est déjà atteint, cette précision est inutile.

Par ailleurs, l’aide publique au développement est un outil de rayonnement de la France, il est bon de tenir nos engagements dans ce domaine.

J’ai déposé un autre amendement – AE685 – qui affirme l’objectif de la France de consacrer 0,7 % du RNB à l’aide au développement au plus tard en 2025, dans le respect des engagements pris dans le cadre du programme d’action d’Addis-Abeba. Ce programme d’action me semble plus en phase avec le monde contemporain que l’engagement pris à l’Assemblée générale des Nations unies en 1970, il me semble utile d’y faire référence dans le texte.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je connais, madame Lenne, votre implication sur tous ces sujets, et je vous rejoins quant à la nécessité de mettre en cohérence les actes et les discours. Je vous suggère de retirer votre amendement au profit de celui que je présenterai dans quelques instants et qui poursuit la même ambition. À défaut, avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je me suis déjà exprimé à ce sujet. Même avis que le rapporteur.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AE205 de Mme Bérengère Poletti et AE338 du rapporteur.

Mme Sandra Boëlle. Nous souhaitons rappeler l’objectif de 0,7 %, qui correspond à l’engagement pris par la France à la tribune de l’ONU en 1970 ; même si nous avons parfaitement conscience des difficultés à l’atteindre, en ces temps de contrainte budgétaire et de crise majeure, nous considérons cet objectif comme un marqueur, y compris symbolique, de la volonté de notre pays de ne pas renoncer à aider les pays les plus pauvres. Il nous semble important de nous donner de la visibilité en la matière : c’est pourquoi l’amendement AE205 vise à substituer au mot « ultérieurement » les mots « à horizon 2025 ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir proposé que notre commission mène un travail complémentaire sur cet objectif de 0,7 %. Je suis sûr que nous aurons l’occasion d’y revenir en séance publique et que nous pourrons alors entrer dans le détail du sujet. Je reconnais le caractère symbolique de cet objectif, qui ressort des nombreuses auditions que nous avons menées, et l’utilité de cet indicateur en matière de comparaisons internationales. L’amendement AE338 est presque identique à celui que vient de défendre Mme Boëlle ; il vise à réaffirmer que la France tient son engagement. Il conviendra également de travailler à la construction d’indicateurs permettant de mesurer l’impact de notre aide publique au développement sur des aspects autres que quantitatifs tels que l’amélioration de la condition de vie des personnes ou la transformation des politiques publiques.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous demanderai de jouer ce que Molière appellerait le rôle de Maître Jacques : quel est votre avis de rapporteur sur ces deux amendements ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Eu égard aux discussions que nous venons d’avoir et à nos échanges avec le Gouvernement, je considère que le chemin n’est plus très long mais qu’il reste encore quelques petites étapes à franchir. Il y a là une sorte de schizophrénie, dont je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais en tant que rapporteur, je demande le retrait des deux amendements afin qu’ils soient retravaillés en vue de la séance publique.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Allez-vous nous inviter à la sagesse, monsieur le ministre ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis tenté de le faire, monsieur le président. Mais votre proposition de mener un travail complémentaire sur ce sujet me paraît tout à fait opportune ; en séance publique, chacun pourra alors se prononcer en toute connaissance de cause, sans aucune ambiguïté.

Mme Laurence Dumont. Je n’ai pas bien compris le sens de votre intervention, monsieur le rapporteur. Retirez-vous votre amendement ?

Je n’ai pas très bien compris non plus votre avis sur l’amendement AE260 de Mme Lenne, qui visait simplement à supprimer le mot « ultérieurement ». Honnêtement, cela ne changeait rien ; dès lors, pourquoi avoir émis un avis défavorable ?

M. Hervé Berville, rapporteur. J’ai été très clair : j’ai dit que je retirais mon amendement. J’ai même souligné la schizophrénie inhérente à la fonction de rapporteur dans une telle situation ! Ce retrait se justifie par les discussions que nous venons d’avoir et par la proposition du président de notre commission de mener un travail spécifique sur ce sujet, en lien avec le Gouvernement. Tout cela m’amène à penser que nous pourrons aboutir à une meilleure rédaction d’ici à la séance publique.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’ai bien compris, monsieur le rapporteur, que vous retiriez votre amendement AE338. Mais quel est votre avis sur l’amendement AE205 ? En demandez-vous le retrait ? À défaut, y serez-vous défavorable ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président.

M. Michel Herbillon. Le ministre et le rapporteur ont dit qu’il fallait rédiger autrement l’alinéa 3. Quand et comment allons-nous travailler à cette nouvelle rédaction qui pourrait faire consensus ? Nous devons nous y atteler avant la séance publique ! En attendant, nous maintenons l’amendement AE205.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il va de soi que cette rédaction consensuelle de l’alinéa 3 sera recherchée avant la séance publique.

M. Bruno Fuchs. Il ne s’agit pas d’un débat de fond, mais d’un débat rédactionnel. Peut-être devrions-nous examiner dès à présent les amendements suivants, qui proposent des formulations très voisines, afin de réfléchir sans plus attendre à une rédaction qui satisferait l’ensemble des membres de notre commission.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est au rapporteur qu’il appartiendra de nous dire, le moment venu, ce qu’il en est. La procédure doit être respectée : les amendements suivants, qui feront également l’objet d’une discussion commune, sont un peu différents de ceux que nous venons d’examiner.

L’amendement AE338 est retiré.

La commission rejette l’amendement AE205.

M. Michel Herbillon. Permettez-moi de vous faire remarquer, monsieur le président, que la situation est pour le moins curieuse : la majorité vient de voter contre un amendement du groupe Les Républicains, alors qu’il était quasiment identique à celui que le rapporteur a décidé de retirer.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je n’ai pas à apprécier le vote de nos collègues.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AE1 de M. Bertrand Pancher, AE508 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE685 de Mme Marion Lenne, M. M’jid El Guerrab ayant retiré son amendement AE288.

M. Bertrand Pancher. J’ai bien compris que nous serions amenés à rediscuter de la rédaction de l’alinéa 3. Personne n’est favorable à ce que nous cassions le compteur de vitesse, mais il est important que nous tenions notre objectif. Notre trajectoire actuelle suscite des controverses avec les grandes organisations avec lesquelles nous travaillons, que ce soit sur la remise de la dette du Soudan, dont il n’est pas certain qu’elle ait vraiment contribué au développement de ce pays, sur les aides directes, notamment dans le cadre sur notre politique migratoire, ou encore sur la base utilisée pour calculer le taux de 0,7 %, alors que notre RNB évolue. Pour notre part, nous sommes favorables à un maintien du rythme actuel : c’est pourquoi l’amendement AE1 prévoit que l’objectif de 0,7 % sera atteint « d’ici 2025 ».

M. Hubert Julien-Laferrière. Le débat autour de cet objectif de 0,7 % est très intéressant. Se fixer un objectif financier ne nous interdit pas d’être intelligents et d’améliorer notre politique de développement. Il est vrai que nous avons atteint le taux de 0,7 % du fait de la baisse de notre RNB. Cependant, nous espérons et prévoyons un rattrapage de ce RNB : dans un an ou deux, nous redescendrons donc sous la barre de 0,7 %. Il serait bon pour l’image de la France, qui occupe une place singulière sur la scène internationale, en particulier pour tout ce qui touche à la solidarité entre les nations, que nous respections l’engagement pris devant les Nations unies en 1970, il y a un peu plus de cinquante ans. Certains pays comme la Suède, la Norvège et le Luxembourg dépassent la barre de 1 % du RNB. Gardons donc cet objectif, faisons en sorte que notre aide soit efficace et efforçons-nous d’en mesurer l’impact, compte tenu des priorités géographiques et sectorielles que nous nous sommes fixées.

M. Hervé Berville, rapporteur. Dans la continuité de nos discussions précédentes, vous comprendrez que je sois défavorable à ces amendements.

Je précise à M. Herbillon que l’amendement AE338, que j’ai retiré tout à l’heure, n’était pas identique à l’amendement AE205.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je me suis déjà exprimé à ce sujet. Cependant, je ferai remarquer à M. Pancher que l’allégement de la dette du Soudan a fait du bien à ce pays, qui en avait besoin ; c’est pourquoi cette mesure a été comptabilisée dans l’aide publique au développement. Par ailleurs, nous nous en tenons aux normes en vigueur ; on pourrait décider aujourd’hui de modifier celles de l’OCDE, mais ce serait un long travail que nous ne pourrions achever d’ici à la semaine prochaine !

Je rejoins l’avis du rapporteur : je ne repousse pas ces amendements sur le fond, mais dès lors que nous sommes convenus de trouver une nouvelle rédaction de l’alinéa 3, je préférerais qu’ils soient retirés.

M. Frédéric Petit. Cette discussion est passionnante, mais il faut être précis. Le ministre l’a dit tout à l’heure, le taux dont nous parlons n’est pas un indicateur financier ; il mesure l’effort d’un pays et d’une société en faveur du développement et permet les comparaisons internationales en la matière. Par ailleurs, j’ai entendu dire qu’annuler une dette ne permettait pas d’aider un pays… Il faut quand même raison garder ! Enfin, dans le cadre de notre travail commun, nous déciderons sans doute d’exclure certaines dépenses de l’indicateur. Cela ne voudra pas dire qu’elles sont bonnes ou mauvaises – il ne s’agira pas d’un jugement de valeur. Annuler la dette du Soudan est un acte fort et positif. Que nous décidions de considérer qu’il ne s’agit pas d’argent qui part de la France vers le Soudan, c’est une chose, mais nous devrons le dire très précisément afin que le futur indicateur puisse être compris de nos concitoyens.

M. Bruno Fuchs. Dès lors que nous avons décidé que notre commission mènerait un travail complémentaire sur cette question, il n’y a pas lieu de maintenir nos amendements. Je retire donc par avance l’amendement AE584, qui viendra plus tard dans la discussion même s’il aurait logiquement dû être placé en discussion commune avec ceux que nous examinons actuellement.

Monsieur Herbillon, vous avez déclaré que la majorité avait voté contre l’amendement AE205. Ce n’est pas la majorité, mais « une » majorité – pour ma part, je me suis abstenu. Pourquoi faites-vous cet amalgame ? J’aurais préféré que l’amendement soit retiré, puisque nous nous sommes tous placés dans le sillage du président de notre commission pour travailler ensemble à une nouvelle rédaction de l’alinéa 3. Il est temps de passer au sujet suivant !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur Fuchs, personne ne met en cause le droit du MODEM à la singularité !

Mme Laurence Dumont. Nous avançons : nous avons obtenu une forme d’aveu du ministre, qui a reconnu que la rédaction du projet de loi n’était pas idéale. Il est tout de même un peu délicat de fixer dans la loi l’objectif de porter « ultérieurement » à 0,7 % le taux de notre aide publique au développement ! Je comprends donc l’utilité de mener un travail en commun pour modifier la rédaction de l’alinéa.

Certes, monsieur le rapporteur, l’amendement que vous avez retiré n’était pas identique à celui du groupe Les Républicains : le vôtre prévoyait que l’objectif serait atteint « en 2025 », tandis que l’amendement AE205 prévoyait qu’il le serait « à horizon 2025 ». Reconnaissez cependant qu’il était discutable de donner un avis défavorable à un amendement quasiment identique au vôtre ! Faisons preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle dans nos débats.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous avons très bien compris cette observation critique de l’avis du rapporteur. Mais ce dernier est libre de sa position.

Mme Frédérique Dumas. Nous sommes évidemment ravis que le ministre, le rapporteur et le président de notre commission aient proposé de travailler à une nouvelle rédaction de l’alinéa 3. Nous comprenons que la majorité retire ses amendements ; cependant, il est normal que nous maintenions les nôtres tant que ce travail n’aura pas abouti.

La commission rejette successivement les trois amendements.

Elle est saisie de l’amendement AE465 de M. Dominique Potier, M. Bruno Fuchs ayant retiré son amendement AE584.

M. Dominique Potier. Le groupe Socialistes et apparentés proposera probablement, en séance publique, une rédaction de l’alinéa 3 prévoyant, en période de crise économique et de baisse du revenu national brut, une stabilisation en volume des dépenses consacrées à l’aide publique au développement.

Nous parlons d’une enveloppe qui passerait de 13 à 17 milliards d’euros : l’écart entre la dépense actuelle et la dépense cible est donc de l’ordre de 4 milliards d’euros. Permettez-moi de vous donner deux chiffres qui vous montreront que l’objectif n’est pas inatteignable pour ceux qui nous succéderont lors du prochain quinquennat. Ces 4 milliards d’euros représentent 5 % de l’évasion fiscale en France. Ils pourraient être obtenus en votant simplement une non-déductibilité de l’impôt sur les sociétés de la part des salaires au-delà de 10 000 euros. Je rappelle également que le 1 % des habitants les plus riches de la planète émettent autant de CO2 que 50 % de l’humanité. Nos débats ont un caractère surréaliste ! En séance, nous devrons être capables de dire qu’en 2025, nous aurons atteint cet objectif, qui est un minimum vital.

M. Hervé Berville, rapporteur. Monsieur Potier, je souscris à votre plaidoyer. Cet objectif de 0,7 % est l’un des éléments centraux de notre politique de développement solidaire. Je vous invite à retirer votre amendement au bénéfice du travail qu’accomplira notre commission ; à défaut, mon avis sera défavorable. Je prends bonne note de votre invitation à inscrire cet effort dans la durée : il ne s’agit pas d’atteindre notre objectif une seule fois. Nous devons aussi donner de la visibilité à nos partenaires.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Avis défavorable, toujours dans le même état d’esprit.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il est assez étrange d’entendre tous ces accords de fond se traduire par des avis défavorables.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE175 de Mme Amélia Lakrafi.

Mme Marion Lenne. Il vise à faire en sorte que la trajectoire française de l’aide publique au développement reste réellement ascendante et que le montant alloué à cette politique ne diminue pas, d’une année sur l’autre, en termes de ressources budgétaires, du fait de la baisse du revenu national brut.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Par ailleurs, la rédaction de cet amendement ne me semble pas correcte d’un point de vue juridique. Dans les faits, depuis 2017, nous essayons toujours d’augmenter les fonds alloués à l’aide au développement, en volume comme en pourcentage. Cependant, nous ne pouvons présager de l’avenir : en cas de crise économique et financière, qui sait si nous ne serons pas amenés, un jour, à diminuer ces crédits ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. Jean-Paul Lecoq. Puisque nous devons trouver une nouvelle rédaction de l’alinéa 3, il aurait été opportun d’acter tous nos points d’accord. Nous aurions dû voter tous les amendements dont nous approuvions le principe, même en cas d’avis défavorable du rapporteur, considérant qu’ils constituent les éléments de référence qui nous serviront à rédiger, ensemble, le nouvel alinéa 3. Ce n’est pas en commission que nous écrivons la loi définitive : nous verrons cela en séance ! Je vais dans votre sens, monsieur le président : il est aberrant de rejeter ces amendements, dont nous approuvons pourtant le principe, comme s’il n’y avait plus de discussion possible !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez tout à fait raison dans votre inspiration, mais ce n’est pas au cours d’une réunion comme celle-ci que nous trouverons la meilleure rédaction de l’alinéa. Il faudrait que les représentants des groupes se rapprochent du rapporteur pour y travailler.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le rapporteur, si vos propos étaient cohérents avec ce que vous écrivez dans votre rapport, nous pourrions peut-être progresser… Vous dites que l’amendement AE175 n’est pas très bien rédigé d’un point de vue juridique ; l’emploi de l’adverbe « ultérieurement » n’est pas très juridique non plus… Vous dites aussi qu’on ne peut obliger l’APD à suivre une pente ascendante, au cas où le RNB diminuerait. Or vous écrivez : « L’objectif apparaît contestable à plusieurs égards. Il peut être atteint en tout ou partie par l’effet d’une baisse du dénominateur, c’est-à-dire d’une récession de l’économie. » Ce n’est pas très cohérent ! Soit le fait que le RNB peut baisser est un vrai problème, et il faut donc adopter l’amendement AE175 imposant une trajectoire ascendante de l’APD, soit il ne faut pas inscrire cet objectif dans la loi.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris l’intervention de Mme Dumont. Mes propos ne souffrent d’aucune contradiction. D’une part, il me semble inopportun d’inscrire dans la loi une règle prévoyant que l’aide publique au développement ne peut jamais diminuer. D’autre part, j’explique dans mon rapport que l’objectif de 0,7 % est imparfait et inadéquat dans la mesure où il peut être atteint en diminuant le RNB, c’est-à-dire sans réaliser d’effort financier substantiel.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE245 de Mme Sonia Krimi.

Mme Laëtitia Saint-Paul. Cet amendement, comme plusieurs autres déposés par Mme Krimi, s’inspire de son rapport d’information sur la lutte contre le financement du terrorisme international. Notre aide publique au développement doit cibler des zones géographiques très précises.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il est évidemment essentiel, pour notre commission, d’accorder une priorité aux pays les moins avancés – nous voyons bien tout ce qui se passe au Sahel. Pour autant, cette priorité géographique est déjà inscrite dans le CPG. Avis défavorable, dans la mesure où l’amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AE215 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport étudiant les différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l’aide publique au développement française.

Le comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE donne une définition internationale de l’aide publique au développement, selon un certain nombre de critères plusieurs fois modifiés. En 2017, par exemple, le CAD a souhaité clarifier les directives sur la notification pour aider les donateurs à déterminer les activités pouvant être comptabilisées au titre de l’APD et fournir à ses membres un modèle à suivre pour comptabiliser les dépenses consacrées aux réfugiés sur leur territoire. La même question se pose s’agissant de la prise en compte des bourses accordées aux étudiants étrangers et des frais d’écolage.

Les députés du groupe Les Républicains ne remettent pas en cause l’intégration de ces données dans le calcul du montant de l’APD, dans le strict respect des critères de l’OCDE. À l’instar d’un certain nombre d’acteurs du développement, nous souhaiterions toutefois que le Gouvernement étudie cette question et considère, par exemple, que seuls les frais de bourses et d’écolage versés aux dix-neuf pays prioritaires méritent d’être intégrés à l’APD. Certains pays de l’OCDE grands pourvoyeurs d’APD n’intègrent d’ailleurs pas ces critères dans le calcul de leur APD.

Je reviens, monsieur le rapporteur, à l’amendement AE205, que la commission a rejeté. Cet amendement était identique au vôtre, à un mot près ; dans un premier temps, vous aviez d’ailleurs exprimé votre accord. C’est pourquoi j’ai trouvé notre discussion un peu curieuse, et même ubuesque.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous pourrons trouver dans les critères de comptabilisation de l’APD définis par le CAD matière à nourrir notre réflexion, dans le cadre du travail proposé par le président de notre commission.

Pour ma part, je suis favorable à cette demande de rapport, pour au moins trois raisons.

Premièrement, elle permettra à notre assemblée d’avoir un vrai débat sur le contenu de l’aide publique au développement, à l’aune des besoins de financement actuels. En effet, le financement de l’APD est très différent en 2021 de ce qu’il était dans les années 1960. Par exemple, les questions relatives aux transferts directs d’argent se posaient beaucoup moins il y a quelques décennies, lorsque le mobile banking n’existait pas. De même, la nécessité de mettre les femmes au cœur du dispositif n’était pas aussi prégnante.

Deuxièmement, la rédaction de ce rapport imposera au Gouvernement d’effectuer un travail de désagrégation, d’expliciter les choses et de vulgariser des questions complexes.

Troisièmement, ce rapport donnera à la France l’occasion de défendre devant le CAD de l’OCDE la nécessité de réviser ou de rediscuter les critères de comptabilisation de l’APD.

Cet amendement est donc légitime et bienvenu. Nos partenaires sur le terrain attendent que les critères de comptabilisation de l’APD soient clarifiés ou adaptés, à l’aune des nouveaux enjeux du développement et de la lutte contre les inégalités mondiales.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement donne à cet amendement un avis favorable, assorti de deux réserves.

D’une part, j’ai bien compris qu’il s’agissait d’un rapport d’analyse, unique, publié après la promulgation de la loi. Autrement dit, ce ne sera pas un rapport annuel – souvent, d’ailleurs, les rapports annuels ne sont même pas lus.

D’autre part, l’exposé sommaire semble indiquer que le but de la manœuvre est de limiter l’intégration des bourses et des frais d’écolage aux dix-neuf pays prioritaires. Mais cette observation ne figure pas dans le dispositif de l’amendement : c’est à lui seul que je donne un avis favorable. Je ne peux pas dire ici que je remets en cause les normes de l’OCDE, d’autant que le siège de cette institution est à Paris.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. On ne vote pas sur l’exposé sommaire, monsieur le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Certes, mais j’émets, en quelque sorte, une réserve d’anticipation.

M. Hubert Julien-Laferrière. Il s’agit d’un débat important, qui ne date pas d’hier : cela fait longtemps que de nombreux acteurs du développement demandent que certaines dépenses ne soient pas comptabilisées dans l’APD. Le montant d’APD déclaré par la France est trois fois supérieur aux crédits de la mission « Aide publique au développement » votés par le Parlement, car le CAD accepte notamment que les dépenses d’écolage soient comptabilisées au motif que les étudiants aidés rentreront ensuite dans leur pays d’origine, qui bénéficiera donc d’un savoir financé par notre argent public. De même, l’aide aux réfugiés originaires des pays en développement peut être prise en compte car elle soulagerait les pays d’émigration. Je l’ai dit, de nombreux acteurs du développement contestent ces pratiques. Ce n’est pas parce que l’OCDE accepte que ces dépenses soient comptabilisées dans l’APD que nous sommes obligés de les déclarer. Certains pays ont ainsi fait le choix, depuis des années, de ne pas déclarer les dépenses d’écolage ou d’aide aux réfugiés, estimant que ces montants n’avaient rien à faire au sein de l’APD ; ce faisant, ils ont assumé de descendre dans le classement des pays donateurs. Ayons nous aussi le courage, peut-être, plus tard, de déclarer dans l’APD ce qui relève vraiment de l’aide publique au développement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si la demande de rapport est adoptée, nous pourrons en débattre.

M. Frédéric Petit. Suivant votre proposition, monsieur le président, notre commission vient de décider de conduire un travail approfondi au sujet de l’aide publique au développement. Je suis très intéressé par cette démarche, car je pense que notre commission doit être force de proposition sur ces questions de transparence et de modalités de calcul de l’APD – même si je ne suis pas forcément d’accord avec certains de nos collègues sur ce sujet. Dès lors, nous aurons besoin des données demandées dans ce rapport dès le premier jour, et non six mois après la promulgation de la loi. Il ne faudrait pas que ce travail se fasse sans nous !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je comprends très bien votre remarque, mais il faut quand même laisser au Gouvernement le temps de réfléchir à ce sujet. Je fais mienne cette maxime du président Kennedy au moment de la crise de Cuba : « Ce que je veux, […] c’est le choix des moyens et le temps de la réflexion. »

M. Michel Herbillon. Pour répondre à M. le ministre, il s’agira bien d’un rapport unique. Par ailleurs, comme l’a rappelé le président Bourlanges, on ne vote pas l’exposé sommaire des amendements ; pour autant, le rapport permettra de débattre des questions qui y sont soulevées, à savoir de la comptabilisation des bourses versées aux étudiants étrangers, des frais d’écolage et du périmètre des dix-neuf pays prioritaires.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE246 de Mme Sonia Krimi.

Mme Laëtitia Saint-Paul. Lors de la conférence des ambassadeurs en 2019, le Président de la République a rappelé la nécessité de s’appuyer sur la société civile. Aussi suggérons-nous de consacrer au moins 70 % du montant des subventions versées par l’État au financement de projets qui répondent aux besoins concrets des populations.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nos concitoyens demandent que l’aide apportée aux pays en développement aille au plus près du terrain, qu’elle ne serve pas à des opérations de corruption et qu’elle ne soit pas gaspillée dans la réalisation de projets parfois qualifiés d’« éléphants blancs », éloignés des besoins des populations les plus vulnérables.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable, pour deux raisons. D’une part, l’expression « besoins concrets des populations » est un peu floue ; peut-être faudrait-il essayer de préciser ce que vous entendez par là. D’autre part, l’amendement sous-entend que les 30 % de subventions restantes ne seraient pas consacrées à des projets concrets. Je préférerais que 100 % des fonds servent à ce genre de projets !

Enfin, nous évoquions tout à l’heure notre objectif de doublement des subventions versées à la société civile et aux collectivités locales. La dotation du FSPI, qui permet aux ambassades de mener sur le terrain des actions gérées par les populations et les ONG locales, est passée de 27 millions d’euros en 2017 à 70 millions d’euros cette année.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

Mme Laëtitia Saint-Paul. J’ai bien entendu les arguments formulés par M. le rapporteur : cet amendement sera donc retravaillé. Je le maintiens cependant.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AE247 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement AE139 de M. Jean-Paul Lecoq, ainsi que les amendements identiques AE140 de M. Jean-Paul Lecoq et AE466 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Paul Lecoq. Le travail effectué par notre commission doit permettre à chacun de bien comprendre quelles sommes seront engagées dans le cadre de ce projet de loi de programmation. Aussi l’amendement AE139 vise-t-il à modifier le tableau de l’alinéa 5, en poursuivant un triple objectif. Il s’agit tout d’abord d’établir une véritable programmation financière pour les années 2020 à 2025. En outre, nous ajoutons 1 milliard d’euros aux crédits de la mission « Aide publique au développement » dès l’année prochaine. Il s’agit enfin de faire en sorte que la moitié de l’APD soit pilotable et passe par la mission budgétaire qui lui est consacrée, tout en atteignant l’objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2025.

Au-delà de sa faiblesse programmatique, qui sera corrigée, je l’espère, à l’occasion des travaux complémentaires menés par notre commission en vue de la séance publique, le problème majeur de ce projet de loi de programmation est que les projections budgétaires n’ont pas été modifiées depuis la crise du covid-19. Il conviendrait pourtant de prendre en compte l’effondrement économique, social et sanitaire des pays les plus fragiles. Les crises s’accumulent, et il est nécessaire que notre aide publique au développement intègre cette nouvelle donne. La pauvreté va gagner du terrain : pour la première fois depuis les années 1990, 500 millions de personnes pourraient sombrer dans la pauvreté et 150 millions de personnes pourraient se retrouver dans une situation d’extrême pauvreté. Le contexte international est grave. Il serait important que la France y prête attention et qu’elle investisse fortement, en tant que pays donateur, dans l’aide publique au développement. Il serait temps, par exemple, que la France finance à la hauteur de ses annonces l’initiative ACT-A, qui a pour ambition d’aider les pays les moins riches à se fournir en vaccins, en tests et en traitements anti-covid. Alors que le Président de la République a promis 510 millions d’euros, seuls 160 millions ont été décaissés à l’heure actuelle. Une somme de 350 millions d’euros pourrait d’ores et déjà être utilisée pour ce mécanisme. Les engagements de la France en faveur du Fonds mondial ne sont pas non plus à la hauteur des annonces. Il y a de la marge !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je perçois des petites nuances entre vos amendements AE139 et AE140. Puis-je considérer que le second est également défendu ?

M. Jean-Paul Lecoq. Si vous avez vu ces nuances, monsieur le président, je pense que tout le monde les a vues. J’avais déposé l’amendement AE140 pour bénéficier d’un peu plus de temps de parole, mais je ne développerai pas davantage mon propos.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cela montre que vous êtes un parlementaire expérimenté !

M. Dominique Potier. Il n’y a pas de nuances entre mon amendement AE466 et l’amendement AE140 de M. Lecoq, puisqu’ils sont identiques.

M. Hervé Berville, rapporteur. M. Lecoq a déjà développé son argumentation à l’occasion d’un amendement précédent. Mon avis reste défavorable.

La commission rejette les amendements.

B.   réunion du mercredi 10 février, 15 heures

Article 1er (suite) : Objectifs de la politique de développement solidaire et programmation financière

La commission est saisie des amendements identiques AE27 de M. Bertrand Pancher et AE141 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Bertrand Pancher. L’amendement AE27 vise à allouer 1 milliard d’euros supplémentaires à la mission « Aide publique au développement » d’ici à 2022, afin de remplir l’engagement présidentiel de 0,55 % du revenu national brut (RNB) alloué à l’aide publique au développement (APD) en valeur absolue, soit l’équivalent de 15 milliards d’euros en 2020. Ce ratio est calculé sur la base du RNB de 2019. Nous ne pouvons arguer de la chute du RNB en 2020 pour nous contenter de constater un gonflement artificiel de l’APD.

M. Jean-Paul Lecoq. La crise sanitaire a accentué les besoins dans les pays concernés. Ce milliard supplémentaire sera le bienvenu. De tels amendements ne devraient poser aucun problème au rapporteur ni à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. La trajectoire financière de l’APD est en hausse dans ce quinquennat. Certes, les besoins se sont accentués, mais l’APD augmente en volume, en dépit de la diminution du RNB.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Mesdames et messieurs les membres de la commission, je suis ravi de vous rejoindre et de suppléer Jean-Yves Le Drian, qui, ce matin, est revenu avec vous sur les grands équilibres du texte, notamment la trajectoire budgétaire de l’APD. S’agissant des amendements en discussion, l’avis du Gouvernement est identique à celui du rapporteur.

La commission rejette les amendements.

La commission examine l’amendement AE171 de M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Depuis 2017, la mission « Aide publique au développement » est celle dont le budget augmente le plus fortement. Ceux qui proposent de l’augmenter davantage auraient sans doute demandé plus s’il avait progressé plus fortement encore. La trajectoire financière de l’APD est orientée à la hausse, à hauteur de 2,5 milliards d’euros au cours du quinquennat.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Les chiffres sont là, et plaident. Le budget de l’APD a augmenté d’année en année, à un rythme annuel de 16 % en moyenne. Nous sommes au rendez-vous.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AE340 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il vise à mettre à jour le montant exact des crédits de la mission « Aide publique au développement » adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2021, en le faisant passer de 3,935 à 3,925 milliards d’euros, du fait d’une taxation interministérielle de 10 millions d’euros.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AE45 de M. Bertrand Pancher, AE179 de M. Jean-Paul Lecoq et AE510 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. Bertrand Pancher. Il s’agit de faire clairement figurer le produit des financements innovants dans nos politiques d’aide au développement. Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été créé pour contribuer au financement des pays en développement et tendre à réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment dans le domaine de la santé. Il gère une part du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et de la taxe sur les transactions financières (TTF). Ces financements innovants sont affectés à l’aide publique au développement. Dans un contexte de creusement des inégalités provoqué par la pandémie en cours, il semble essentiel que la loi rappelle la nature de ces financements, afin de justifier leur augmentation bienvenue en 2022. Par ailleurs, comment ne pas rappeler l’intérêt que présente l’augmentation de la TTF ? Dans de nombreux pays européens, une envie d’aller plus loin se manifeste. La France a longtemps été le fer de lance de ces stratégies ; elle donne le sentiment que tel est nettement moins le cas. Enfin, il serait judicieux, pour réguler la finance, d’augmenter la TTF.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit de rappeler la façon dont est abondé le FSD. S’il va sans dire qu’il est alimenté par la TTF et par la TSBA, il semble prudent de l’écrire dans la loi, ce qui d’ailleurs donne du sens au présent projet de loi de programmation, pour prévenir toute velléité de modifier cet état de fait. Le FSD est nécessaire au financement de l’APD. Il importe d’en rappeler le détail, fût-ce à titre symbolique.

M. Hubert Julien-Laferrière. Les financements innovants étaient mentionnés dans la rédaction originale du texte, avant d’en être retirés. J’aimerais savoir pourquoi. Il importe, me semble-t-il, de rappeler l’importance que nous attachons aux financements innovants, notamment dans la perspective de l’adoption d’une taxe sur les transactions financières dans l’Union européenne.

M. Hervé Berville, rapporteur. Chers collègues, je suis attaché comme vous à l’usage du FSD pour des objectifs définis – tel sera l’objet de plusieurs amendements dont nous débattrons ultérieurement –, d’une part, et, d’autre part, à la préservation de son financement par la TTF et la TSBA. La mention des financements innovants a été retirée du texte pour une raison juridique. Elle ne permet pas de répondre à la question que vous posez. Je suggère donc le retrait des amendements pour les retravailler, et émets à défaut un avis défavorable. Au demeurant, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, nous avons réaffecté 270 millions d’euros destinés à l’Agence française de développement (AFD) vers le budget général de l’État pour financer l’APD, considérant que le FSD doit être financé par des fonds verticaux et par des financements innovants.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Il n’y a aucun doute sur le fait que la France a été à la pointe des financements innovants. Chacun se souvient de l’engagement du président Chirac sur ce point. Politiquement, ce concept est une réalité. Juridiquement, c’est autre chose. J’émets donc un avis défavorable, tout en étant conscient de ce que représentent les financements innovants, dont la part dans l’APD n’est nullement remise en cause. C’est ainsi que le Gouvernement voit les choses.

M. M’jid El Guerrab.  Pour beaucoup de gens, les financements innovants ne signifient pas grand-chose, mais pas pour d’autres, notamment les Américains, qui ont bloqué la fameuse taxe Chirac sur les billets d’avion, pourtant approuvée par de nombreux pays du Nord. Il s’agissait de créer une taxe infime sur les billets d’avion pour financer la solidarité internationale avec les pays du Sud. Certains pays d’Europe, notamment le nôtre, l’ont adoptée d’office. D’autres ont opté pour une contribution volontaire en sus du prix des billets d’avion. Les financements innovants, pour les pays du Sud, sont complémentaires de ceux issus des diasporas, évoqués ce matin par notre collègue Sira Sylla, ainsi que de l’APD, qui, si elle ne s’amenuise pas, suscite un nombre croissant de questions s’agissant de son utilisation et de son montant. Il s’agit d’un débat important, que nous devons avoir en commission et dans l’hémicycle.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit en effet d’un débat important, mais si nous ne l’avons pas lors de l’examen des amendements, quand l’aurons-nous ? Nous devons nous mettre au clair, si nous voulons éviter de nous demander ce que nous faisons ici. Si, lorsque nous présentons un amendement, le rapporteur et le Gouvernement nous disent qu’ils sont d’accord avec nous sur le fond, leurs avis respectifs devraient être favorables. Si les seuls amendements adoptés sont ceux qui ont été négociés entre certaines forces politiques sans que l’on sache comment – pour notre part, nous n’avons pas été invités aux négociations – ou entre le Gouvernement et le rapporteur, le débat n’aura pas lieu, car tout aura été décidé d’avance. Si, en commission, nous prenons le temps de nous convaincre les uns et les autres, et si le rapporteur et le Gouvernement expriment un accord sur le fond, adoptons nos amendements ! La rédaction du projet de loi n’en est pas à sa phase finale, nous pouvons encore travailler pour qu’elle vous convienne davantage.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques AE44 de M. Bertrand Pancher, AE143 de M. Jean-Paul Lecoq et AE511 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. Bertrand Pancher. L’amendement AE44 va dans le même sens que les amendements identiques qui précèdent.

M. Jean-Paul Lecoq. J’ajoute qu’ils offrent une chance au rapporteur et à M. le secrétaire d’État de se racheter !

M. Hubert Julien-Laferrière. Il s’agit de compléter la première phrase de l’alinéa 7 par les mots « , afin de financer les biens publics mondiaux ». L’APD doit financer la lutte contre les inégalités, la lutte contre la grande pauvreté et la préservation des biens publics mondiaux. Plusieurs de nos priorités sectorielles, notamment la santé, le climat et l’éducation, sont des biens publics mondiaux. On entend souvent dire que les financements innovants sont un peu opaques, que le FSD manque de lisibilité et de transparence, qu’on ne voit pas très bien à quoi il sert. Il me semble donc essentiel de rappeler au sein de l’article 1er que le FSD finance le système multilatéral de l’APD par le biais de grands fonds tels que Unitaid et Gavi en matière de santé, le Fonds vert pour le climat et le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), soit autant de biens publics mondiaux.

M. Hervé Berville, rapporteur. Le rapporteur est totalement libre de ses avis, M. Lecoq le sait mieux que quiconque. De surcroît, que deux amendements visent à préciser une disposition n’implique pas qu’ils sont de même nature, ni qu’ils feront l’objet d’un avis identique. On peut très bien, tout en approuvant un objectif, considérer qu’un amendement doit être retravaillé ou qu’il est satisfait. C’est tout l’intérêt d’examiner les textes en commission, puis en séance publique. S’agissant des amendements identiques AE44, AE143 et AE151, j’émets un avis favorable, pour la simple et bonne raison qu’ils sont satisfaits par le décret précisant les modalités d’usage du FSD, publié en 2006 et modifié en 2016.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je sens naître un élan, auquel nous nous joignons. S’agissant du FSD, les choses sont claires : il permet de financer les biens publics mondiaux, notamment la Facilité financière internationale pour la vaccination, qui est – ô combien ! – un bien public mondial, et plusieurs actions en matière de santé, de climat et d’environnement. Cela va sans dire et ira mieux en le disant.

M. Jean François Mbaye. Je souscris à l’objectif général visé par les auteurs des amendements. Toutefois, je précise que la disposition proposée figure à l’alinéa 10 du cadre de partenariat global (CPG). Disons les choses clairement : soit nous la supprimons du CPG pour l’inclure dans l’article 1er, soit nous l’y laissons et nous rejetons les amendements. Je suis favorable au financement des biens publics mondiaux dans le cadre du FSD, notamment par la TSBA et la TTF, et considère qu’ils doivent faire l’objet d’une attention particulière, mais je crains que ces amendements ne fassent doublon avec le CPG, et qu’ils ne rendent la loi bavarde.

M. M’jid El Guerrab. Cher collègue Mbaye, je ne suis pas d’accord avec vous. S’il est des questions sur lesquelles le risque de bavardage est nul, c’est bien celles-là. La question des biens publics mondiaux est fondamentale, même si on peut être en désaccord sur leur définition. Je salue l’ouverture d’esprit dont font preuve M. le rapporteur de M. le secrétaire d’État. Comme l’a indiqué notre collègue Lecoq, si nous voulons avoir le sentiment de contribuer à rédiger la loi, que quelques-uns de nos amendements à ce sujet soient adoptés dans un projet de loi de programmation relatif à l’APD n’est pas de trop.

M. Hubert Julien-Laferrière. Les acteurs de l’APD considèrent que les dispositions du présent projet de loi sont contenues pour l’essentiel dans le CPG, et non dans ses articles. Il s’agit ici d’un point essentiel, que nous proposons d’inscrire dans un article. On ne peut pas nous opposer systématiquement l’argument selon lequel les dispositions que nous proposons figurent dans le CPG, alors même que tout le monde s’accorde à dire que celui-ci en comporte trop, et qu’il faut enrichir le cœur politique du projet de loi. Je salue l’avis favorable donné sur ces amendements, qui visent à inscrire à l’article 1er, dans le corps de la loi, les biens publics mondiaux, dont la préservation est l’un des trois objectifs de l’APD. Elle est souvent réalisée avec des fonds abondés, voire proposés par la France. M. le secrétaire d’État a rappelé que la France, sous la présidence de Jacques Chirac, a fortement encouragé les financements innovants, contribuant à la création d’un poste de Secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des financements innovants pour le développement, dont le premier titulaire fut le Français Philippe Douste-Blazy.

La commission adopte les amendements.

Puis elle examine l’amendement AE341 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement procède à une rectification budgétaire, afin de mettre à jour le montant cumulé exact des crédits des missions « Aide publique au développement », « Plan de relance » et des crédits alloués au FSD pour l’année 2021. Leur montant passe de 4,723 à 4,713 milliards d’euros.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AE172 de M. Jean-Luc Mélenchon.

Mme Clémentine Autain. Il vise à allouer 1 milliard d’euros supplémentaires à la mission « Aide publique au développement » d’ici à 2022. L’objectif est de transcrire dans les faits l’engagement présidentiel d’allouer 0,55 % du RNB à l’APD en valeur absolue, soit 15 milliards d’euros en 2022, sur la base du RNB de 2019. La chute du RNB au cours d’une année de pandémie provoque un gonflement artificiel du budget de l’APD, ce qui permet d’atteindre la cible de 0,55 % mécaniquement. Nous tenons à faire en sorte que l’engagement précité ne soit pas vidé de son sens.

Pour ce faire, nous disposons d’un levier puissant qui n’est pas utilisé : la TTF. Je reprends un argumentaire précédemment développé dans cette commission. Même si je connais d’ores et déjà la réponse qui sera formulée sur cet amendement, j’insiste sur ce point. Il nous semble indispensable non seulement de pérenniser, mais aussi d’augmenter et de stabiliser l’APD. Or nous n’obtenons absolument rien sur ce point, ni du côté du Gouvernement, ni du côté du rapporteur. Cette attente est pourtant forte parmi les députés de tous bords. J’aimerais que cette requête soit entendue. Nous finirons par nous demander à quoi servent les débats parlementaires, si rien ne peut être modifié.

M. Hervé Berville, rapporteur. Chère collègue, j’imagine que vous avez suivi les débats à ce sujet. Vous avez donc constaté des avancées sur ce point, ce qui nous dispense d’adopter votre amendement. Vous souhaitez pérenniser et augmenter l’APD ; nous le faisons depuis 2017. Son augmentation n’est pas artificielle, mais bien réelle. En dépit de la chute du RNB, le volume de l’APD est tenu. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le volume est tenu. Au demeurant, le présent projet de loi de programmation repose sur des chiffres antérieurs au choc pandémique. Par conséquent, en ratio, l’augmentation de l’APD en 2021 est largement supérieure aux prévisions, comme Jean-Yves Le Drian a dû le dire ce matin. C’est pourquoi nous raisonnons prioritairement en valeur absolue. Nous ne voulons pas suivre l’exemple des Britanniques qui, ayant atteint un ratio de 0,7 % en raison de la contraction du PIB, ont appliqué une réfaction de 2 milliards de livres. Nous sommes au rendez-vous du côté des valeurs absolues, de façon très claire et très précise. Avis défavorable.

M. Hubert Julien-Laferrière. En valeur absolue, le montant de l’APD sera légèrement inférieur aux prévisions – environ 900 millions d’euros en moins. Les calculs réalisés avant la pandémie pour tenir l’engagement de 0,55 % du RNB nous amenaient à 15 milliards d’euros, nous serons à 14,1 milliards. J’ai présenté un amendement à ce sujet ce matin. Un réel effort est consenti, selon un raisonnement en valeur absolue, mais nous sommes un peu en deçà de l’objectif.

Mme Clémentine Autain. Depuis le début de la législature, j’ai suivi les débats sur le financement de l’APD. Chaque année, nous constatons que l’effort ne correspond pas à l’engagement pris par le Président de la République. Ce n’est pas une nouveauté !

Monsieur le rapporteur, vous affirmez que nous sommes dans les clous de l’engagement pris. Non ! Dès la première année, nous avons constaté que la trajectoire suivie n’était pas la bonne – je parle sous le contrôle de nos collègues un peu raisonnables. (Protestations sur les bancs du groupe LREM). Mais si ! Consultons les budgets ! Dès le début, nous ne suivions pas la trajectoire prévue ! Le discours était invariablement le suivant : « Nous allons y parvenir au bout du bout, mais cette année, l’effort consenti ne permet pas une montée en puissance de l’APD ». Nous nous inscrivons donc dans une logique de rattrapage, à défaut d’une montée en puissance régulière depuis le début de la législature. Raison de plus pour inscrire cet objectif dans la loi, non seulement en pourcentage, mais aussi en valeur absolue, afin de ne pas dépendre totalement des évolutions du RNB ! Il faut bien convenir qu’il s’agit d’une véritable difficulté.

M. Sylvain Waserman. Madame Autain, vous semblez suggérer qu’il faut adopter votre amendement pour que le Président de la République puisse tenir son engagement. J’indique très simplement et très sereinement, après en avoir discuté avec les organisations non-gouvernementales (ONG) depuis le début du mandat, que l’objectif de 0,55 % du RNB pour l’APD a été pris par le Président de la République dès la campagne électorale, et qu’il s’agit d’un rendez-vous en fin de mandat, en 2022. Rien n’interdit de s’interroger sur la trajectoire suivie, mais je dis clairement et fortement que l’engagement est mathématiquement tenu. Il me semble dommage de laisser planer le doute à ce sujet. L’engagement de 0,55 % du RNB pour l’APD en fin de mandat est tenu. C’est mathématique et factuel.

Mme Sira Sylla. En effet, cet engagement est tenu. Il faut ajouter à l’APD les fonds issus des diasporas africaines, que nous avons trop peu évoqués jusqu’à présent. Je rappelle que le Président de la République les a placés au cœur de ce partenariat renouvelé.

L’argent des diasporas africaines représente trois fois le montant de l’APD et dépasse de beaucoup le montant des investissements directs étrangers (IDE). Nous menons une politique couplée. Dois-je évoquer le programme « MeetAfrica2 » ? La mobilisation des fonds de la diaspora vivant en Union européenne ? Le fonds de la République du Sénégal ? L’initiative « Choose Africa » ? Les investissements de BPIFrance en Afrique ? Depuis plus de trois ans, notre politique en la matière repose sur l’APD et sur les fonds des diasporas. Vous ne pouvez pas dire le contraire, madame Autain, sauf à insinuer que je vis dans un rêve depuis trois ans, et nos collègues avec moi, et que j’ai assisté en rêve au lancement du programme « MeetAfrica2 » par Jean-Yves Le Drian et Amadou Ba au Sénégal ! S’il vous plaît, dites la vérité ! Tenez compte de la société civile et des diasporas !

M. Hervé Berville, rapporteur. J’aimerais procéder à une clarification pour la suite de nos débats. Comme l’a très bien dit M. Waserman, l’engagement est tenu. Madame Autain, vous pouvez dire que ce n’est pas assez ou que c’est trop lent, mais politiquement, l’engagement est tenu. C’est un fait. D’autres ont pris cet engagement et ne l’ont pas tenu. Nous, nous le tenons.

Vous suggérez de modifier les règles du jeu en cours de route, en prenant pour base de calcul du ratio de 0,55 % du RNB celui de l’année 2019. Pourquoi pas ? Le Gouvernement a préféré maintenir le volume de l’APD. Politiquement, nous tenons notre engagement. S’agissant des besoins nouveaux suscités par la crise sanitaire, nous en tenons compte, en maintenant le volume de l’APD. Cette mission budgétaire est celle qui a augmenté le plus. Je rappelle que, lorsque vous étiez au pouvoir, ses crédits étaient en diminution.

Reconnaissez au moins que l’engagement est tenu en volume. Il ne faut pas faire croire aux gens que l’APD n’augmente pas. Elle augmente en espèces sonnantes et trébuchantes. Au demeurant, les ONG rassemblées au sein du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) en conviennent. Je veux bien entendre tout ce que l’on veut, mais on ne peut pas faire abstraction de la réalité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Les faits, rien que les faits, tous les faits. 2016 : 8,7 milliards d’euros en crédits d’engagement pour la mission « Aide publique au développement ». 2019 : 10,9 milliards d’euros. 2020 : 12,9 milliards d’euros. 2021 : 17 milliards d’euros, compte tenu de l’annulation de la dette du Soudan. 2022 : 14 milliards d’euros. La trajectoire financière de l’APD est clairement ascendante. Les chiffres sont têtus : nous passons de 8,7 milliards en 2016 à 12,9 en 2020. Chacun peut constater qu’un point bas a été atteint lors du précédent quinquennat et que nous avons inversé la tendance. Vous devriez vous réjouir de ce réengagement de la France, madame Autain, à l’unisson de nombreux acteurs du monde du développement. Au demeurant, il n’a rien de cosmétique et se mesure aux projets qui le concrétisent. C’est du lourd, si vous me permettez l’expression ! Nous n’avons pas à rougir, car les engagements sont tenus. C’est pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement.

M. Jean-Paul Lecoq. Je n’ai pas tout compris aux fonds qu’a cités Mme Sira Sylla. J’ai lu le projet de loi de bout en bout : ces fonds ne sont mentionnés nulle part comme composante de l’APD. J’ai demandé à mon collaborateur de se renseigner, au cas où j’aurais loupé quelque chose.

S’agissant de la modification des règles du jeu évoquée par M. le rapporteur, je regrette, mais elle est imposée par la crise économique. Dès lors que le diviseur évolue à la baisse, le pourcentage évolue à la hausse. Quant au volume de l’APD, il ne faudrait pas que le discours du Gouvernement change en fonction de son représentant. Ce matin, le ministre Le Drian a exclu l’annulation de la dette du Soudan du calcul du montant de l’APD, contrairement à vous à l’instant, monsieur le secrétaire d’État. Il faudrait savoir !

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez sans doute l’habitude de trajectoires financières qui partent de très bas pour augmenter de façon exponentielle en fin de mandat, ce qui permet peut-être de faire de la communication, mais telle n’est pas la trajectoire que nous envisagions. Là réside sans doute la cause du décalage entre nos discours respectifs.

Mme Clémentine Autain. Je rappelle à M. Berville que je n’ai jamais participé à une majorité soutenant un gouvernement. Il est donc inutile de rappeler ce que j’ai fait lorsque j’étais au pouvoir, car cela n’est jamais arrivé. Cela arrivera probablement, mais pour l’heure, cette expérience n’a jamais été menée, ce dont je suis navrée !

« Les faits, rien que les faits, tous les faits » : nous sommes d’accord avec vous, monsieur le secrétaire d’État ! Le problème, c’est que vos chiffres relèvent en partie de la projection. Personne ne nie que le budget de l’APD a augmenté. Nous disons que sa trajectoire financière est en retard sur les prévisions. Nous touchons au terme de la législature, et le RNB a chuté en raison de la pandémie. Le taux de 0,55 % n’a donc pas la valeur qu’il aurait eue si le budget de l’APD avait augmenté avant. C’est simple à comprendre ! Certes, l’engagement de consacrer 0,55 % du RNB à l’APD sera sans doute tenu à la fin de la législature, mais nous estimons que le rythme adopté induit un manque à gagner par rapport à ce qu’aurait produit une trajectoire plus linéaire, étape par étape, dès le début de la législature. Entendons-nous au moins sur nos désaccords !

M. Frédéric Petit. Nous avons eu le débat sur le rythme d’augmentation de l’APD dès le début de la législature, s’agissant de la part de son budget que nous maîtrisons, soit 3 ou 4 milliards d’euros en crédits d’engagement et en autorisations de paiement sur la dizaine de milliards qu’il représentait alors. Il ne portait pas sur les chiffres rappelés à l’instant, qui témoignent d’une augmentation cohérente. Madame Autain, vous vous fondez sur un débat qui n’a rien à voir avec les chiffres précités, qui montrent une progression incontestable depuis 2017.

M. Sylvain Waserman. Nous sommes tous d’accord – je tiens à en prendre acte – que l’engagement de consacrer 0,55 % du RNB à l’APD a été tenu en 2020 et qu’il le sera en 2021 et en 2022. Le présent projet de loi le garantit.

Mme Sira Sylla. On ne peut pas dire que le Président de la République n’a pas respecté cet engagement. Pour la première fois, notre politique d’aide au développement, telle qu’elle est définie dans le présent projet de loi de programmation, place à l’avant-garde un partenariat avec les diasporas africaines, dont les fonds seront mobilisés, aux côtés des fonds traditionnels de l’APD, tels que le Fonds d’appui aux initiatives de collaborations solidaires (FAICS), et des fonds de l’Union européenne. Tout cela permet de financer des hôpitaux et des sociétés d’autoroutes, ainsi que des programmes tels que « MeetAfrica2 », que les membres de la majorité ici présents connaissent bien. Il ne faut pas se concentrer sur le taux de 0,55 % du RNB. Il importe aussi de tenir compte des fonds des diasporas africaines, qui représentent trois fois le montant de l’APD. C’est inédit. Je présenterai plusieurs amendements visant à pérenniser leur usage.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AE342 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement AE154 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il vise à rappeler que la taxe sur les transactions financières (TTF) est un outil majeur du financement de l’APD.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends l’esprit de l’amendement. J’émets néanmoins un avis défavorable, car son adoption nous obligerait à énumérer les taxes et les recettes qui concourent au financement de l’APD. La plus-value offerte par l’amendement m’échappe, même si le TTF est une composante essentielle du financement de l’APD, qui évoluera peut-être à l’échelle européenne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. D’après l’exposé sommaire rappelé par Michel Herbillon, l’amendement vise à rappeler que la TTF est un outil majeur du financement de l’APD. En présentant l’amendement, Michel Herbillon l’a fait. Nous en prenons acte et nous y souscrivons. L’amendement peut donc être retiré – à défaut, nous émettrons un avis défavorable. Chacun a entendu les propos de M. Herbillon, qui figureront au compte rendu de nos débats. Il est inutile d’inscrire la disposition proposée dans la loi, ce qui nous entraînerait dans une énumération des recettes contribuant au financement de l’APD à tout le moins fastidieuse.

M. Michel Herbillon. Voilà qui est extraordinaire ! Nous sommes en pleine innovation juridique ! Je remercie M. le secrétaire d’État d’exprimer son accord avec mon argumentation tout en émettant un avis défavorable. Certes, nous avons été témoins d’une autre curiosité juridique ce matin, due à notre excellent collègue rapporteur. Il ne s’agit pas de procéder à une énumération à la Prévert. La TTF est une composante importante du financement de l’APD. De surcroît, nul ici n’ignore que nous l’avons incluse dans le projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom, adopté la semaine dernière avec les voix du groupe Les Républicains. Voici ce qui m’étonne, en ce début d’examen du texte : M. le ministre Le Drian, ce matin et lorsque nous l’avons auditionné, ainsi que M. le rapporteur, ont dit à quel point ils souhaitent parvenir à un consensus sur le texte ; pourtant, dès que nous présentons des amendements, tel que celui-ci, qui vise à opérer un rappel de portée importante, rapporteur et Gouvernement en approuvent le fond tout en émettant un avis défavorable. Cette attitude n’est pas la meilleure façon de parvenir à un consensus sur le texte.

M. Hervé Berville, rapporteur. Certes, la TTF est une composante importante du financement de l’APD. Imaginons que l’amendement soit adopté et que les transactions financières s’effondrent ; le produit de la TTF en sera amoindri et nous devrons modifier la loi. Rejeter l’amendement permet d’éviter une énumération des taxes et des recettes qui contribuent au financement de l’APD. En outre, il ne devrait pas figurer à cet endroit du texte. Nos débats sont loin d’être achevés, ce qui laisse place à d’autres évolutions et à d’autres améliorations.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nul ne conteste l’importance de la TTF. Toutefois, l’amendement porte sur l’alinéa 9, qui vise les autres ressources qui concourent à l’APD. Or l’alinéa 8 vise les fonds de l’APD, dont fait partie la TTF. L’amendement n’est donc pas placé au bon endroit, ce qui justifie son rejet sur le fond, même si l’exposé sommaire qui l’accompagne tinte agréablement aux oreilles.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ce débat m’inspire une observation générale : l’accord de fond entre les membres de la commission est assez large. Nous gagnerions, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à le manifester davantage. (Applaudissements.)

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AE464 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Le groupe socialiste le dit depuis le début : la question qui se pose ne concerne pas seulement le volume ou le calendrier mais aussi l’utilisation des crédits. La part des dons et des prêts ainsi que des décaissements est toujours un peu mystérieuse, et il y a des dizaines de programmes, des aides qui font l’objet de promesses et des prêts qui se transforment en dons. Je ne suis pas parlementaire depuis très longtemps, mais je sais que les mêmes difficultés se posent depuis des années, même pour les plus aguerris et les plus motivés d’entre nous. C’est une véritable boîte noire. Philippe Baumel, qui a siégé ici avant de travailler à l’AFD, m’a redit récemment à quel point c’était compliqué.

Un vrai problème de fond se pose, y compris sur le plan démocratique. Nous avons déposé plusieurs amendements, et nous attendons du rapporteur une réponse de principe, un rendez-vous pour changer les choses. Il faut de la transparence, de la clarté pour permettre un contrôle par la société civile et par le Parlement. Nous devons absolument progresser en la matière. Je regrette que nous n’ayons pas posé les bases d’une clarification en 2014. Nous devons le faire aujourd’hui. Une démocratie moderne n’a rien à cacher. Si des fonds ont un usage diplomatique, à caractère confidentiel, il faut les mettre à part, mais le Parlement et la société civile doivent être au fait de ce qui est réalisé en France dans le domaine de l’aide publique au développement. Ce serait un immense progrès, dont nous vous saurions gré.

Il y a une vraie question. Les montants de l’aide augmentent mais la part des prêts s’accroît aussi par rapport à ce qu’on observe dans d’autres pays qui ont des APD comparables. La clarification que nous demandons ne serait que le début du travail que nous voulons réaliser ensemble, mais elle serait tout à l’honneur de ce que nous faisons dans des pays tiers et de notre démocratie.

M. Hervé Berville, rapporteur. Vous savez notre intérêt et notre détermination en la matière. Il ne peut pas y avoir d’aide publique au développement efficace sans une commission d’évaluation indépendante : il faut renforcer la redevabilité, pour pouvoir dire à nos concitoyens non seulement combien et comment on dépense mais aussi quel est l’impact de ce qu’on fait.

Une partie de votre demande est déjà satisfaite par le tableau précisant la répartition entre les prêts et les dons ainsi que la part relevant de la mission budgétaire. D’autres éléments figurent dans le document de politique transversale (DPT), qui a été largement amélioré en 2018, en réponse à la demande de l’ensemble de la commission étrangère – j’en remercie le Gouvernement –, et dans le projet annuel de performances (PAP) joint, chaque année, au projet de loi de finances.

Je vous invite à retirer l’amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable. Néanmoins, je considère que nous devons absolument travailler sur un point : il faut arriver à rassembler toutes les informations, qui sont un peu éparpillées, pour avoir une vision d’ensemble. Nous pourrons revenir sur cette question lorsque nous examinerons l’article 2, qui demande au Gouvernement de transmettre tous les ans un rapport sur la politique de développement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je me retrouve tout à fait dans l’argumentation du rapporteur. Beaucoup d’informations figurent notamment dans le DPT, qui a été refondu et complété. Grâce à la loi organique relative aux lois de finances, qui a déjà quelques années, vous avez des documents qui permettent de regarder la performance, la réalisation ou non des objectifs. Par ailleurs, la commission indépendante permettra de mieux mesurer l’impact de la politique menée.

Toutes les informations se trouvent dans le DPT, les rapports annuels de performances (RAP), les PAP, etc. Il est urgent de faire en sorte que ces éléments soient mieux vulgarisés. La matière et les chiffres sont là, mais ils sont trop peu partagés. Il faut sensibiliser la population à ce qui est fait – et pas seulement elle : je suis frappé de voir qu’on a de plus en plus de mal à faire partager un élan pour le développement dans les assemblées locales – il est plus difficile de faire adopter des budgets en la matière.

L’amendement étant largement satisfait, je préconise son retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jacques Maire. J’ai beaucoup de sympathie pour l’argumentation développée par Dominique Potier, si ce n’est pour la rédaction de son amendement. Il y a un vrai problème que les améliorations apportées en 2018 n’ont que très imparfaitement permis de traiter. On part de très loin, c’est-à-dire d’une opacité voulue par certaines administrations pour rendre ce budget non pilotable par l’extérieur. Le mélange des prêts et des dons, des opérateurs, des banques de financement, les annulations de crédits et les reports rendent les choses ingérables. Quand on regarde très concrètement le DPT, les documents de performances et les jaunes pour savoir ce qu’on dépense, ce qu’on décaisse, on n’a pas de réponse à cette question pourtant simple. Cela doit être un signal d’alarme.

La solution ne figure pas à l’article 1er. S’agissant de l’article 2, qui prévoit un rapport annuel de synthèse, il reste à voir si on peut définir ce que nous attendons comme niveau de détail.

Quand on demande à un de nos postes à l’étranger quels sont les décaissements, par exemple dans le domaine de la santé ou de la protection des femmes, sous forme de dons et de prêts, on n’a pas de réponse. Le rapporteur m’a dit que les membres du conseil d’administration de l’AFD peuvent le savoir. J’en suis ravi, mais si c’est possible pour eux, cela doit l’être aussi pour les parlementaires. Je me fais l’écho de tous les membres des groupes d’amitié et de tous nos collègues qui font des déplacements : ils se heurtent en permanence à un obstacle. Si nous arrivons à avancer sur ce point, ce sera un énorme progrès en matière de transparence. Celle-ci, comme le ministre l’a dit avant-hier, est un des quatre piliers de ce projet de loi sur le plan méthodologique.

M. M’jid El Guerrab. La transparence est fondamentale. Si nous ne sommes même pas capables d’avoir ces chiffres, comment peut-on communiquer auprès des populations et des institutions locales ? J’ai rencontré des députés du Sénégal ou du Niger qui ne sont pas du tout au courant de ce que fait l’AFD dans leurs circonscriptions. Comment voulez-vous que cela infuse ensuite dans la population, qu’on sache que la France, ce n’est pas seulement l’armée mais aussi le pont ou la route entre telle et telle ville ? Si on veut donner de la visibilité à notre action, il faut d’abord qu’il y ait de la transparence et que nous ayons des informations.

M. Jean-Paul Lecoq. Je propose qu’on adopte l’amendement et que le rapporteur, peut-être en lien avec le Gouvernement, en prépare un autre encore meilleur en vue de la séance. Comme tous les groupes ont l’air d’être d’accord sur le problème de transparence, il faut avancer. Cet amendement permet de le faire.

M. Bertrand Pancher. Je veux remercier Dominique Potier et Jacques Maire d’avoir ouvert le débat et d’avoir tenu des propos de grande qualité. J’organisais tous les ans une rencontre entre les collectivités territoriales engagées dans l’aide au développement, les ONG et les services de l’État, notamment l’AFD, mais j’ai arrêté de le faire car les uns me disaient qu’ils avaient la masse critique pour agir et les autres qu’il était impossible d’avoir des aides directes. Étant engagé dans la coopération avec plusieurs pays d’Afrique, je peux apporter le même témoignage que M’Jid El Guerrab : quand on se rend dans un pays et qu’on cherche à savoir quelles sont les aides directes et comment on peut les obtenir, on a affaire à une boîte noire. Il me semble que le Parlement devrait avoir des explications et bénéficier de comptes rendus. Il faut de la clarté, sinon on ne peut pas défendre la politique qui est menée et l’augmentation des budgets. Je ne suis pas certain que l’article 2, même s’il constitue une avancée, permettra d’apporter toute la transparence nécessaire. Je ne sais pas comment faire, mais il faut se poser la question.

M. Bruno Fuchs. Je veux remercier Dominique Potier et Jacques Maire, qui nous ont fait toucher du doigt un mal français : l’incapacité à comprendre la manière dont les politiques publiques se déploient. Au-delà de la question de la transparence, je veux mettre l’accent sur la capacité à piloter les politiques menées et à mesurer leur efficacité. Si on n’a pas des outils partagés par tous, on ne peut pas le faire.

M. Dominique Potier. J’ai failli retirer l’amendement pour le modifier d’ici à la séance mais les préoccupations exprimées par nos collègues m’encouragent à suivre la position exposée par Jean-Paul Lecoq. Adoptons cet amendement, qui n’est pas d’une grande violence puisqu’il demande simplement de la transparence en ce qui concerne la part des prêts et des dons, et élaborons d’ici à la séance, monsieur le rapporteur, une architecture permettant de rendre visible le contenu de la boîte noire.

Tout cela ne concerne pas seulement le Parlement. J’ai été amené à regarder, pas plus tard qu’hier, une étude du Comité catholique contre la faim et pour le développement portant sur les flux financiers publics et privés dans l’agroalimentaire, notamment en Afrique. Sans porter de jugement sur l’étude en tant que telle, j’observe qu’il a fallu faire appel à un bureau privé pour éplucher 35 lignes budgétaires, ministérielles et interministérielles : c’était un maquis plus dense que les flux privés. Il a fallu mobiliser une expertise extérieure, ce qui ne devrait pas être nécessaire dans une démocratie. Nous avons vraiment besoin de progresser.

L’amendement que j’ai déposé apportera une pierre à l’édifice, et nous pourrons en rediscuter en séance. La transparence est tout aussi importante que la part du PIB consacrée au développement : il faut de l’efficacité. Pour nous, c’est la démocratie.

Mme Frédérique Dumas. Je soutiens Dominique Potier. Le rapporteur et le ministre nous ont expliqué ce matin que les États utilisaient des prêts pour respecter l’objectif de 0,7 %, que c’était un peu fake. On ne peut pas dénoncer cette situation et refuser l’amendement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je crois qu’il faut souligner que l’information est publique mais que nous avons tous – les associations, le public et les parlementaires – du mal à y accéder. C’est ce décalage qui suscite le malaise.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis très sensible à cette question, comme tous ceux qui ont travaillé dans des ONG ou auprès d’acteurs du développement, mais je ne peux pas laisser dire qu’il existe une opacité totale, qu’on ne sait rien. Vous pouvez trouver dans les DPT et les PAP tout ce qui est financé, mission par mission et action par action, du petit fonds au Ghana pour l’entreprenariat des femmes jusqu’aux crédits alloués à la Banque ou au FMI. Vous dites qu’on n’a pas le détail pays par pays dans le cadre du DPT. Or tous les décaissements figurent dans ce document. L’activité de l’AFD est également retracée, en distinguant les dons-projets, l’aide budgétaire globale, les prêts, les prêts concessionnels, etc. Par ailleurs, nous avons accès au conseil d’administration de l’AFD, et les informations sont ensuite reversées au débat public.

Votre amendement demande que des éléments figurent dans le CPG, qui vaudra jusqu’à une prochaine révision. Or ce que nous souhaitons tous, c’est que des informations soient délivrées par le Gouvernement de manière régulière, peut-être en les regroupant davantage. Il peut exister des marges d’amélioration, mais je ne pense pas que votre amendement, tel qu’il est rédigé, permettra d’atteindre les objectifs que vous fixez. Nous pourrons le faire, en revanche, lorsque nous examinerons l’article 2 ou lorsque nous travaillerons sur la création d’une commission indépendante d’évaluation.

Il faut encore plus d’évaluation, notamment en ce qui concerne l’impact des actions menées, mais nous pouvons déjà avoir les éléments que vous demandez. Les documents font 200 pages : il faut peut-être les améliorer, les rendre plus synthétiques, mais tout le monde peut y accéder.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’objectif de transparence est clairement partagé – je le redis, après Jean-Yves Le Drian. Ne laissons pas croire qu’il n’y aurait pas de transparence.

Certains documents ont été améliorés, et je suis tout à fait prêt, cet engagement concernant naturellement le ministre et le Gouvernement, à ce que l’on continue à le faire pour le DPT. Il comprend effectivement un tableau qui montre la répartition par pays : on pourrait l’affiner en distinguant les prêts et les dons, qui sont plutôt détaillés par grandes zones géographiques. Il serait bien préférable de travailler sur cette question dans le cadre des DPT annuels, qui synthétisent toutes les données. Voilà la proposition que je fais.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je crois que chacun apprécie l’engagement d’améliorer très substantiellement les informations dont chacun ressent le besoin.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous avons néanmoins l’engagement du ministre.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous allons avancer, c’est acté.

La commission examine les amendements identiques AE168 de M. Jean-Luc Mélenchon, AE298 de Mme Bérengère Poletti, AE509 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE543 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Clémentine Autain. Vous nous expliquerez probablement, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que vous allez le faire et que ce n’est pas la peine de l’inscrire dans la loi, mais nous persistons à penser que notre objectif doit figurer dans le texte. Or celui-ci ne va pas au-delà de 2022. Nous voulons préciser que 0,7 % du revenu national brut sera consacré à cette politique d’ici à 2025. Au-delà des engagements pris par le Président de la République, il est important d’inscrire dans le marbre de la loi la trajectoire que nous voulons emprunter, quels que soient les changements possibles en 2022.

M. Michel Herbillon. J’observe que le ministre et le rapporteur n’arrêtent pas d’acter des accords à l’occasion d’amendements auxquels ils donnent des avis défavorables. Ils pourraient essayer de faire l’inverse à propos de l’amendement AE298 (Sourires).

M. Hubert Julien-Laferrière. Nous avons déjà largement débattu de l’objectif, qui a désormais cinquante ans, de consacrer 0,7 % du RNB à l’aide publique au développement. Le retard cumulé s’élève, je crois, à 200 milliards d’euros. Fixer un objectif quantitatif n’interdit pas d’être intelligent et d’essayer d’améliorer notre aide.

J’ai été un peu attristé par le débat qui a eu lieu tout à l’heure. On a affirmé à ma gauche que l’aide n’avait pas augmenté depuis le début de la législature ; Sylvain Waserman a répondu que l’objectif de 0,55 % était tenu et que la question se résumait à cela. Or l’engagement, oral, qui a été pris compte tenu de la baisse du RNB concernait la trajectoire en valeur absolue. Il y a eu, évidemment, une hausse sans précédent des crédits consacrés à l’APD sous ce quinquennat, mais l’engagement pris par certains ministres et par la majorité n’est pas tout à fait respecté : il manque un peu d’argent par rapport aux 15 milliards d’euros

S’agissant de l’objectif de 0,7 %, il me semble important que la France respecte au moins en 2025 l’engagement qui a été pris. Il y va de l’image singulière que notre pays occupe sur la scène internationale.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement AE543 est également défendu. À la suite du débat de ce matin, j’attends avec impatience la nouvelle rédaction et le travail intellectuel sur les indicateurs qui ont été annoncés.

M. Hervé Berville, rapporteur. Le dernier point est au-dessus de mes moyens d’ici à la séance mais j’ai bon espoir que l’on aboutisse, pour le reste, à une solution permettant de tous nous satisfaire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Jean-Yves Le Drian a été clair sur ce point.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie des amendements identiques AE512 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE145 de M. Jean-Paul Lecoq. 

M. Hubert Julien-Laferrière. Nous devons renforcer la part bilatérale de notre aide publique au développement, qui a trop longtemps – avant 2017 – servi de variable d’ajustement budgétaire : elle a diminué contrairement à l’aide multilatérale, en raison de nos engagements pluriannuels. Il ne faudrait pas que cela entretienne, pour autant, une petite musique sur l’efficacité de l’aide multilatérale – on se demande, par exemple, si elle n’est pas un peu bureaucratique. Dans certains domaines, tels que la santé mondiale, on obtiendrait beaucoup moins de résultats si l’aide multilatérale n’était pas renforcée. L’amendement AE512 vise à ne pas oublier cette dimension, surtout après la création d’ACTA (ACT-Accelerator) : nous préciserons que l’aide bilatérale doit « notamment » être renforcée.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Permettez-moi de faire une petite observation : le « notamment » que vous voulez ajouter à l’alinéa 10 devrait, me semble-t-il, être placé après la référence à 2022 et non avant.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous proposons aussi d’ajouter « notamment ». Il ne faudrait pas que le rééquilibrage des priorités tourne à un basculement complet. Il y avait déjà des débats sur la part de l’aide bilatérale pendant les années 2007-2012 – je crois que Nicole Ameline avait remis un rapport sur le bilatéralisme et le multilatéralisme – et j’ai trop entendu le Gouvernement parler d’un travail sur l’influence et la puissance de la France au moyen de l’aide bilatérale.

Il faut un véritable équilibre entre le multilatéral et le bilatéral, au service des populations concernées. Pour les députés communistes, l’aide publique au développement n’exige pas un retour sur investissement. On accompagne, on aide face aux fléaux qui touchent l’humanité, comme la guerre et la misère. Une trop forte envie d’en revenir à l’aide bilatérale peut cacher des choses – je ne dis pas que c’est le cas mais nous proposons, pour l’éviter, d’ajouter « notamment ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits. Je ne vois pas bien la plus-value qui résulterait de l’ajout de « notamment » au sujet de l’aide bilatérale. Je vous demande de retirer l’amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable. Il ne faut pas opposer le bilatéral et le multilatéral – Hubert Julien-Laferrière insistait fréquemment sur ce point lorsqu’il était rapporteur pour avis des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’aide bilatérale a atteint un point bas en 2015 – les crédits correspondants étaient alors de 4,6 milliards d’euros. Il a été acté, lors de la réunion du CICID qui a eu lieu en 2018, qu’une part prépondérante de notre réengagement prendrait une forme bilatérale, mais je veux rassurer Hubert Julien-Laferrière et Jean-Paul Lecoq. Les chiffres et les actes parlent d’eux-mêmes : le Président de la République et le Gouvernement sont totalement mobilisés pour faire en sorte que le multilatéralisme soit renforcé en matière de développement.

J’ai le souvenir d’un accroissement de l’engagement de la France dans le cadre du Partenariat mondial pour l’éducation – notre contribution a été portée à 200 millions d’euros –, d’un engagement additionnel, annoncé il y a un peu plus d’un an, en faveur du Fonds mondial, d’une France à la manœuvre pour réunir des crédits au profit du Fonds vert en juillet 2019 et, plus récemment, d’une France qui consacre 500 millions à l’initiative ACTA. Nous continuons donc à nous réengager.

Je vous suggère de retirer ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Paul Lecoq. Voici la rédaction de l’alinéa 10 : « La hausse des moyens prévue par le présent article contribuera au renforcement, d’ici à 2022, de la composante bilatérale de l’aide publique au développement de la France ». Je comprends que la hausse ne concernera que l’aide bilatérale.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. À hauteur de deux tiers.

M. Jean-Paul Lecoq. Où est-ce écrit ? Nous proposons d’ajouter « notamment ».

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AE146 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Puisque « notamment » était apparemment trop long pour vous, en nombre de lettres, je vais essayer avec des chiffres. Nous proposons de remplacer, au même alinéa, 2022 par 2025. J’ai perdu aux lettres mais j’espère gagner aux chiffres (Sourires).

M. Hervé Berville, rapporteur. J’aimerais être sûr de comprendre, compte tenu de ce que vous avez dit tout à l’heure : le renforcement de l’aide bilatérale n’aurait plus lieu d’ici à 2022 mais d’ici à 2025. Vous voulez donc réduire l’ambition, alors que vous avez affirmé qu’elle n’était pas assez forte. J’émets un avis défavorable pour vous permettre d’être en totale cohérence avec vous-même.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. M. Lecoq a évoqué les chiffres et les lettres : mon avis reste défavorable au tirage comme au grattage (Sourires).

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE344 du rapporteur.

Elle examine en discussion commune l’amendement AE593 de Mme Mireille Clapot et les amendements identiques AE38 de M. Bertrand Pancher, AE91 de Mme Emmanuelle Anthoine et AE127 de Mme Albane Gaillot.

Mme Mireille Clapot. L’amendement AE593 tend à renforcer les ambitions concernant l’égalité femmes-hommes dans le cadre de notre aide au développement. On ne doit pas se contenter de déclarations d’amour, si je puis dire : il faut également fournir des preuves, en suivant des objectifs chiffrés. Le CICID a décidé en février 2018 que le marqueur « genre » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) serait utilisé dans le cadre des statistiques de l’AFD et que 50 % des volumes annuels d’engagements de l’AFD devraient avoir le genre pour objectif principal ou significatif.  Le Gender Action Plan de l’Union européenne place, quant à lui, la barre à 85 %. Notre amendement propose de retenir un niveau intermédiaire : 75 % des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale auront l’égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif, et 20 % auront cette question pour objectif principal.

M. Bertrand Pancher. Selon l’OCDE, seuls 20 % de l’APD bilatérale française avaient l’égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif, que l’on considère les engagements financiers ou les dépenses réelles, et seuls 4 % du total avaient le genre pour objectif principal. D’autres pays ayant adopté une diplomatie féministe, comme le Canada et la Suède, sont en passe d’atteindre la cible de 85 %.

La rédaction actuelle du projet de loi ne prévoit qu’un objectif limité, qui a été qualifié d’insuffisant par le Conseil économique, social et environnemental : le taux des volumes annuels d’engagements de l’AFD ayant le genre pour objectif principal ou significatif est fixé à 50 %. Aucun objectif concernant spécifiquement la part de l’APD ayant l’égalité femmes-hommes pour objectif principal n’est prévu. L’amendement AE38 tend à y remédier.

M. Hubert Julien-Laferrière. Il peut y avoir une confusion au sujet de ce qu’on appelle le marqueur « genre » de l’OCDE, et c’est pourquoi ces amendements me paraissent très importants. Il est prévu que 100 % des projets de l’AFD sont marqués « genre », mais cela signifie simplement qu’ils ont été évalués en fonction du marqueur de l’OCDE : ils peuvent très bien avoir obtenu la note 0, 1 ou 2. Cela ne veut donc rien dire : 100 % des projets marqués « genre » peuvent ne pas prendre en compte ces questions… Ce n’est pas le cas, heureusement : je rappelle que c’est à la fois une des cinq priorités sectorielles et une priorité transversale à laquelle la France est très attachée. Néanmoins, il est essentiel d’aller plus loin : l’amendement demande que 85 % des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale aient l’égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif en 2025.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cette question est éminemment importante : c’est une des cinq priorités de nos engagements à l’international. Il y a eu, en la matière, un réinvestissement massif depuis quelques années parce que nous avions du retard et que c’est un enjeu central pour la solidarité internationale et le développement.

Je connais l’engagement des uns et des autres, notamment de Mireille Clapot et d’Albane Gaillot, mais j’émettrai un avis défavorable à ces amendements, comme à tous ceux qui visent à insérer des cibles sectorielles ou géographiques à l’alinéa 10 : de tels engagements ont plutôt leur place au sein du cadre de partenariat global, qui comporte des objectifs chiffrés – nous pourrons en reparler à cette occasion.

J’ajoute que plusieurs déclarations, en particulier celle de Paris, de 2005, et celle de Busan, de 2011, ont souligné qu’il fallait prendre en compte la stratégie des pays concernés et s’aligner sur les besoins des populations. Quand on multiplie les indicateurs – relatifs au climat, à l’égalité femmes-hommes, à l’éducation ou à la biodiversité –, la situation devient très compliquée pour ceux qui mènent concrètement les projets. Par ailleurs, les besoins des populations ne correspondent pas nécessairement aux objectifs que nous nous sommes fixés. Il faut donc rester prudent et partir davantage du terrain.

L’objectif visé par ces amendements est évidemment essentiel, même si on peut discuter du pourcentage retenu. Si j’émets un avis défavorable, je le répète, c’est parce cette disposition aurait davantage sa place au sein du cadre de partenariat global qu’à l’alinéa 10 de l’article 1er.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je partage la philosophie développée par le rapporteur.

Nous avons demandé à l’ADF d’être à un taux de 100 % pour le marqueur 1 de l’OCDE, et il serait naturellement hors de question que des projets soient contraires à un objectif placé si haut… S’agissant du marqueur 2 – le fait d’avoir l’égalité femmes-hommes pour objectif principal –, nous avons demandé à l’AFD d’être à un taux de 50 %. Il faut rappeler d’où on vient : en 2019, l’AFD en était à 35 %.

Passer à 50 % représente déjà une marche importante, d’autant qu’il y a d’autres objectifs à atteindre, notamment en matière de climat et de biodiversité. Dans la vraie vie, cela devient très complexe pour les gestionnaires des projets. J’aimerais que le mieux soit l’ami du bien, mais on sait que ce n’est pas toujours le cas.

Nous comprenons et nous partageons l’enthousiasme, l’élan des signataires des amendements : le CPG est très clair en ce qui concerne cette grande cause. Nous avons fixé à l’AFD des objectifs qui sont déjà ambitieux. Je vous demande donc de retirer ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Mireille Clapot. Je vais retirer et réécrire mon amendement afin qu’il porte sur le CPG. J’ai bien noté l’engagement du ministre et du rapporteur concernant des objectifs chiffrés dans ce cadre.

L’amendement AE593 est retiré.

La commission rejette les amendements AE38, AE91 et AE127.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement AE6 de M. Bertrand Pancher, l’amendement AE114 de M. Matthieu Orphelin, les amendements identiques AE170 de M. Jean-Luc Mélenchon et AE461 de M. Dominique Potier ainsi que l’amendement AE5 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’amendement AE6 prévoit d’appliquer d’ici à 2022 la norme de l’OCDE requérant 86 % d’élément de don dans les prêts, et d’assurer ainsi une meilleure concessionnalité des prêts.

Le surendettement est un grave problème pour les pays en développement. En Afrique subsaharienne, avant la crise sanitaire, deux pays sur cinq faisaient face à une terrible crise de la dette. Au Kenya, la moitié des recettes du pays est affectée au remboursement de la dette. Le respect de la norme de l’OCDE sur l’élément de don des prêts est donc nécessaire, et si l’échéance de 2022 est trop rapprochée, nous pouvons en débattre.

M. Hubert Julien-Laferrière. Nous proposons de prévoir pour 2023 l’échéance pour respecter la norme de l’OCDE qui fixe à 86 % la proportion d’élément de don dans les prêts consentis dans le cadre de l’aide publique au développement.

Une réforme – bienvenue – de la comptabilisation des prêts dans l’aide publique au développement a été adoptée par le Comité d’aide au développement de l’OCDE. Jusqu’à présent, on retenait la valeur de l’ensemble des prêts nets, au même titre que les dons. C’est ainsi qu’à la faveur d’un prêt, la Colombie pouvait soudain apparaître première bénéficiaire de l’APD, avant de redescendre dans le classement suite à son remboursement. Il n’était pas possible de voir quels étaient réellement les premiers bénéficiaires de l’aide au développement. La mesure de l’élément de don permet de quantifier la différence entre le prêt bonifié et les conditions de marché.

Lorsqu’un prêt relève de l’aide publique au développement, nous proposons d’inscrire dans la loi le respect de la norme de l’OCDE imposant 86 % d’élément de don, alors que cette valeur se situe autour de 75 % pour la France.

Mme Clémentine Autain. L’amendement AE170 vise à renforcer la part des dons au sein de l’APD française, car le recours aux prêts accentue la dette des pays.

Nous avons constaté une dérive au cours des dernières années, le recours aux prêts s’étant imposé comme une norme, au détriment des dons. Nous proposons d’inscrire dans la loi que le ratio entre prêts et dons doit être favorable à ces derniers.

M. Alain David. L’amendement AE461 poursuit le même objet. La France fait partie des trois pays dont la part des prêts dans l’aide au développement est la plus élevée, après le Japon et la Corée du Sud, alors que l’aide accordée par le Danemark ou l’Australie est exclusivement constituée de dons.

M. Bertrand Pancher. Selon la base de données de l’OCDE, en 2018, près de 50 % de l’APD brute bilatérale française était attribuée sous forme de prêts, contre 16 % en moyenne pour l’ensemble des pays du Comité d’aide au développement.

Les dons permettent d’apporter des aides plus directes, mieux ciblées sur les demandes locales. La part des dons doit donc augmenter dans des proportions beaucoup plus importantes. Dans les pays en développement, on entend sans cesse dire que pour obtenir des aides directes, il faut s’adresser à tous les pays sauf à la France.

Monsieur le secrétaire d’État, partagez-vous cet objectif de bon sens ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Les amendements de cette discussion commune se distinguent en deux catégories.

Certains proposent d’augmenter la part des dons dans l’aide au développement. Je suis d’accord, c’est la trajectoire que nous cherchons à suivre. Il est vrai que nous partons de très loin par rapport à d’autres pays. En revanche, je suis défavorable à l’objectif proposé dans les amendements. Il n’est pas réaliste en effet de prétendre l’atteindre d’ici à 2025 au vu de l’effort nécessaire.

Les autres amendements proposent d’augmenter l’élément de don des prêts, conformément à la norme de l’OCDE. Sur ces sujets très techniques, il faut bien mesurer les conséquences. Augmenter l’élément de don nous interdirait d’intervenir dans les pays à revenus intermédiaires tels que le Mexique ou le Vietnam. Or octroyer à ces États des prêts à des taux plus avantageux que le marché permet aussi d’y lutter contre la pauvreté ou les inégalités. En augmentant dans de telles proportions l’élément de don, nous nous priverions de la capacité d’intervenir. En Chine, il n’est pas possible d’intervenir avec un élément de don important, alors que c’est possible dans d’autres pays, tels que le Burkina Faso.

Avis défavorable sur tous les amendements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’aide française est majoritairement composée de dons : ils représentaient 80 % de nos financements bilatéraux et multilatéraux en 2019, ce qui fait de la France le quatrième bailleur mondial en dons.

Nous souhaitons voir progresser la composante bilatérale de l’aide publique au développement de la France, et la part de cette dernière qui est constituée de dons – c’est écrit à l’alinéa 10. L’OCDE a édicté une norme, mais devons-nous appliquer toutes les normes qu’elle publie ? Du reste, l’Organisation a rendu un rapport sur l’APD française qui relevait beaucoup d’éléments positifs. Notre dynamique est positive et va s’accroître. Regardons le verre aux trois quarts plein.

L’élément de don dans les prêts de la France se situe à 75 % : aller au-delà risquerait de nous priver de possibilités d’interventions, ici ou là. Avis défavorable sur ces amendements.

M. Bertrand Pancher. Je comprends qu’il soit difficile d’atteindre ces objectifs en 2025, mais serait-il possible de travailler à une autre trajectoire ? L’APD ne doit pas financer que des activités rentables ; sinon, comment financer des politiques de santé, d’accès à l’eau ou de scolarisation, qui sont stratégiques dans les politiques d’aide au développement Certes, la France veut intervenir partout dans le monde et soutenir de nombreux pays notamment en généralisant les prêts, mais l’aide au développement ne doit pas aller qu’à des projets rentables.

Dans les pays africains, nous constatons que les aides directes des pays voisins – je pense à l’Allemagne – sont systématiquement beaucoup plus importantes que les nôtres. Notre action n’est pas très lisible, y compris pour appuyer notre diplomatie.

Je comprends que l’objectif de 85 % d’élément de don en 2025 est sans doute trop ambitieux. Essayons d’en trouver un plus réaliste. Je suis prêt à retirer mes amendements pour y parvenir.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis disposé à y travailler.

Les amendements AE6 et AE5 sont retirés.

La commission rejette successivement l’amendement AE114 et les amendements identiques AE170 et AE461.

Elle est saisie des amendements identiques AE4 de M. Bertrand Pancher, AE289 de M. M’jid El Guerrab et AE462 de M. Alain David.

M. Bertrand Pancher. Je propose que d’ici à 2022, l’État s’assure que 50 % de l’aide publique au développement transite par la mission budgétaire « Aide publique au développement », pour financer les priorités que sont la santé, l’éducation, l’adaptation au changement climatique, l’égalité entre femmes et hommes et l’aide humanitaire dans les pays en crise.

M. M’jid El Guerrab. Une telle mesure aurait plusieurs effets positifs. Elle faciliterait le respect des priorités du dernier CICID, car la mission budgétaire « Aide publique au développement » est le cœur de nos actions en ce sens. Elle permettrait également d’améliorer la transparence, la lisibilité et le contrôle parlementaire de notre aide au développement.

Entre 2017 et 2020, la mission « Aide publique au développement » ne représentait que 35,09 % de l’APD totale. La hausse de notre aide au cours des dernières années n’a pas entraîné un rééquilibrage en faveur de la mission budgétaire : en 2020, elle concernait 4 milliards d’euros sur un montant total de 12,86 milliards, soit 35,77 %.

Enfin, les priorités thématiques et géographiques ne reçoivent pas les contributions financières nécessaires. La France devrait au moins respecter ses objectifs internationaux, par exemple la cible de l’OMS d’allouer 0,1 % du RNB à l’aide à la santé, soit 15 % de l’APD totale. Pour y parvenir, il est nécessaire de faire transiter le plus de fonds possible par cette mission « Aide publique au développement ».

M. Alain David. La mission « Aide publique au développement » ne porte que sur 30 % environ de l’aide publique de la France. Ces amendements prévoient d’augmenter cette part à 50 %. Cela permettrait aussi d’améliorer le contrôle parlementaire de l’aide.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements soulèvent la question de l’éclatement budgétaire, et notre capacité à rassembler tous ces sujets au sein d’une seule mission budgétaire. Le problème n’est pas nouveau, et résulte de la cotutelle de cette politique.

Je suis défavorable à tous les amendements qui imposent des pourcentages ou l’allocation de l’aide selon des critères géographiques ou thématiques. C’est au CICID que ces décisions doivent être prises, et ces éléments doivent figurer dans le cadre de partenariat global.

En outre, une grande partie de notre aide au développement passe par l’aide européenne et les fonds multilatéraux, sur lesquels nous avons moins de maîtrise. Fixer un objectif de 50 % de l’aide publique est très ambitieux, et il est très peu probable que nous puissions l’atteindre d’ici à 2022. Je demande le retrait des amendements, sinon avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Notre aide publique au développement passe par des canaux nationaux, mais nous sommes également très engagés au niveau européen. Nous finançons de façon significative les outils d’aide au développement européens. Ainsi, le nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI), d’un montant total de 70 milliards, sera financé à hauteur de 17 % par la France, ce qui représente environ 12 milliards.

Cela explique l’existence d’autres canaux que la mission « Aide publique au développement », qui ne regroupe que 35 % des crédits. Ces autres canaux sont importants et intéressants et permettent de contribuer de façon décisive à la politique de développement. Nous avons tous promu une approche multilatérale : elle passe aussi par un pilier européen fort en la matière.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le rapporteur, je comprends qu’il ne soit pas possible d’atteindre ce résultat d’ici à 2022, mais puisque nous discutons d’une loi de programmation, vous pourriez proposer une autre échéance : par exemple 2025. Nos débats sur cette loi de programmation butent systématiquement sur cette année 2022. Il faut trouver un moyen de dépasser cette limite.

M. M’jid El Guerrab. J’ai entendu les explications du rapporteur et du ministre, et je constate que nous partageons la même préoccupation. Je vais retirer mon amendement. Je voulais surtout que soit réaffirmée la volonté de mieux contrôler l’aide publique au développement. Il est évidemment illusoire d’espérer que 50 % de l’aide au développement passe par la mission « Aide publique au développement », mais il est important de fixer un horizon.

M. Bertrand Pancher. Je comprends vos arguments, monsieur le secrétaire d’État, j’aurais sans doute la même position si j’étais au Gouvernement, de façon à avoir toute latitude pour mener à bien les stratégies d’aide au développement. Mais je ne comprends pas que le Parlement ne s’arc-boute pas sur cette question. Pour mieux dépenser, il faut se fixer des objectifs précis, et affecter clairement les dons. La principale critique qui peut être faite à ce projet de loi est qu’il n’identifie pas de cible claire.

J’entends que l’on puisse discuter des calendriers et des montants, mais le Parlement serait renforcé s’il fixait des cibles précises. Si nous voulons tout faire, nous ne contrôlerons rien et nous ne ciblerons pas les actions ou les pays qui en ont le plus besoin.

M. Jacques Maire. Avec mes camarades de la commission, nous avons entrepris un voyage de quelques jours avec ce texte. Nous nous connaissons depuis quatre ans, maintenant. Nous partageons le même engagement au sujet du développement et nous nous sommes progressivement approprié ces sujets.

Aujourd’hui, nous constatons notre accord sur nombre de points fondamentaux de ce texte. En écoutant les arguments des uns et des autres sur la proportion entre prêts et dons, la transparence, ou l’échéance 2025, il est clair que ce qui nous rassemble est beaucoup plus important que ce qui nous sépare et qui relève davantage de problèmes rédactionnels. C’est normal à ce stade et nous devrions aboutir dans quelques jours à un texte commun.

Pourquoi ne pas accepter des amendements hétérodoxes, en gage de bonne volonté, quitte à mener ensuite un travail commun permettant d’aboutir à des formulations plus acceptables ? L’ambiance n’en serait que plus sympathique, alors même qu’il n’y a pas de volonté de différenciation politique de la part des uns ou des autres.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Effectivement, vous êtes d’accord sur beaucoup de choses. Ce sont les votes qui vous séparent… (Sourires.)

M. Michel Herbillon. J’allais le dire, monsieur le président, mais vous l’avez encore mieux formulé, avec le sens de l’humour qui vous caractérise et que nous apprécions.

Mais les problèmes ne sont pas uniquement rédactionnels, monsieur Maire. Certes, il y a une volonté de trouver des accords au sein de notre commission. Mais alors que nous discutons d’une loi de programmation, chaque fois que nous souhaitons prévoir au-delà de 2022, on nous répond qu’il est impossible de s’engager au-delà de cette date, et toutes nos discussions achoppent sur ce point.

Le rapporteur et le Gouvernement ont déclaré être ouverts à d’autres rédactions et à certaines de nos propositions, mais bien qu’ils se disent d’accord avec nous, ils ne donnent pas un avis favorable à nos amendements. Il faut sortir de ce processus, pour la suite de l’examen de ce texte en commission et la séance publique. À défaut, on affirmera la volonté d’un accord, mais la réalité du texte sera tout autre. Rapprochez vos intentions louables de la réalité des textes soumis aux votes et des avis donnés sur les amendements.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le grand souci de Marielle de Sarnez était de parvenir, sur des sujets qui font l’objet d’un large consensus, à dégager une position très largement majoritaire. Nous avons aussi le devoir de parvenir à un accord avec le Sénat en commission mixte paritaire. Il faut nous attacher à faire prévaloir des solutions communes. Il ne n’agit pas de gommer les aspérités, mais dès lors qu’une convergence sur les diagnostics et les propositions existe, vous avez le devoir de manifester cette convergence.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends mes collègues Herbillon et Lecoq, et j’aurais la même démarche à leur place.

Mais la politique de développement regroupe une multitude d’objectifs et d’indicateurs. Or les modifications que nous apportons sur cet alinéa devront être reproduites sur tous les autres sujets – promotion de l’État de droit, place des entreprises privées, éducation, changement climatique… Ce serait intenable, et la loi deviendrait inapplicable du fait de cet empilement d’objectifs.

Dans le moment politique que nous connaissons, l’enjeu principal est de répondre aux besoins des pays. Nous menons une politique de partenariats, il ne s’agit pas de décider seul. Les pays partenaires nous demandent précisément de mieux prendre en compte leurs besoins et la réalité de ce qu’ils vivent, plutôt que de mesurer l’impact de nos politiques en référence à des cibles quantitatives.

C’est pourquoi je suis défavorable à tous les amendements qui fixent des cibles dans cette partie du texte. Leur place est dans le cadre de partenariat global, que nous étudierons plus tard.

Enfin, ce texte n’arrive pas sans avoir été discuté. Il a fait l’objet de trois tours de table au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI). Le travail parlementaire a été pris en compte. On le mesure aux modifications apportées au projet depuis sa version initiale, publiée il y a un an. Nous avons tous contribué à faire évoluer le texte.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous avons eu le temps de travailler ensemble ce texte que nous attendons depuis longtemps. Il a été mis sur le métier dès 2018 et a fait l’objet de nombreuses séances au CNDSI, dont certains d’entre vous sont membres.

Le CNDSI est un héritage de la loi de 2014, et le projet dont nous discutons laissera également un héritage. La commission indépendante est une avancée indéniable. La création du mécanisme « 1 % transports » permettra de concrétiser des projets. Ce matin, vous avez adopté un article additionnel avant l’article 1er sur l’ensemble des orientations de la politique de développement.

Il y a déjà eu des avancées, il y en aura encore. Je n’ai aucun doute sur le fait que nous trouverons des points de convergence. Lors de la dernière séance du CNDSI, la semaine dernière, j’ai indiqué que j’étais ouvert à l’insertion d’un article dédié à la société civile. Ce ne sont pas des paroles en l’air, nous aurons l’occasion de les vérifier. Nous ne sommes qu’au début de l’examen de ce texte et il ne fait pas de doute qu’il sera enrichi au terme de nos travaux.

L’amendement AE289 est retiré.

La commission rejette les amendements AE4 et AE462.

Elle est saisie des amendements identiques AE3 de M. Bertrand Pancher, AE151 de Mme Bérengère Poletti et AE463 de M. Dominique Potier.

M. Bertrand Pancher. Je conçois qu’on ne conditionne pas notre politique d’aide au développement à une généralisation de grands objectifs humains. Ce n’est pas le cas de ces amendements, qui visent à consacrer au moins 50 % de notre politique de développement aux pays les moins avancés.

Il semble de bon sens que l’aide au développement profite aux pays les moins avancés, mais bien que la France ait défini une liste de dix-neuf pays prioritaires, ils ne font pas partie des dix principaux récipiendaires. C’est un problème ! Nous saupoudrons l’aide partout dans le monde, sans doute en lien avec notre volonté de rayonnement diplomatique, mais nous sortons complètement des objectifs d’aide au développement.

En 2019, les trois premiers pays bénéficiaires de notre aide sont l’Inde, la Turquie et la Colombie. Certes, ils connaissent des problèmes de développement, mais sans commune mesure avec les pays prioritaires, notamment en Afrique. Il faut vraiment que nous puissions cibler au moins 50 % de notre aide vers les pays les moins avancés.

M. Michel Herbillon. Ce projet de loi a pour ambition de lutter contre les inégalités mondiales. Notre aide au développement doit donc cibler les populations qui en ont le plus besoin. Il faut faire en sorte que 50 % de notre aide publique au développement soit allouée aux pays les moins avancés d’ici à 2025. Il est tout de même étonnant que le deuxième attributaire de l’aide publique au développement soit la Turquie. La France a défini dix-neuf pays prioritaires qui ne font pourtant pas partie de ses dix principaux récipiendaires. Cibler notre aide publique au développement vers les pays les moins avancés participerait automatiquement au rééquilibrage entre prêts et dons que nous avons déjà évoqué au cours de nos débats.

C’est une mesure d’urgence, alors que l’aide publique au développement allouée aux pays les moins avancés a reculé de 26 % depuis 2015.

Mme Laurence Dumont. Il semble évident que l’aide doit être ciblée sur ceux qui en ont le plus besoin. Or ce n’est pas le cas de l’aide publique au développement française aujourd’hui. En outre, et comme vient de le dire M. Herbillon, cette pratique permettrait de rééquilibrer la part des dons et des prêts. L’aide aux pays les moins avancés a reculé de 26 % depuis cinq ans : on marche sur la tête !

Jacques Maire a parlé d’or, puisque nous sommes tous d’accord sur ce sujet, adoptons ces amendements, quitte à les retravailler pour la séance. Vous connaissez l’adage « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » – certains l’attribuent à Einstein, d’autres à Lénine, tout le monde peut s’y retrouver.

M. Michel Herbillon. Et à Churchill !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Et au Général de Gaulle !

Mme Laurence Dumont.  Il devient difficile d’entendre le rapporteur dire sans arrêt qu’il est d’accord, mais refuser les amendements.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous partageons tous l’objectif de consacrer 50 % de l’APD aux PMA en 2025, bien évidemment. Mais les PMA ne se situent pas qu’en Afrique, il y en a dans d’autres continents, notamment en Asie. La stratégie de la France, eu égard à nos relations, nos liens et notre proximité géographique, vise à axer notre aide sur le continent africain, notamment le Sahel. Nous prévoyons de faire en sorte que 75 % de nos dons aillent aux dix-neuf pays pauvres prioritaires. Nous allons donc au-delà de votre proposition. Mais l’adoptions de vos amendements nous empêcherait de concentrer notre aide sur les pays pauvres prioritaires, notamment au Sahel.

Si nous voulons vraiment consacrer notre aide à l’éducation, la santé, le changement climatique et la biodiversité, il faut des dons. Si la loi imposait de verser 50 % de l’APD aux PMA, nous pourrions comptabiliser des prêts, vu la définition très large retenue pour l’APD.

Ces amendements risquent de freiner notre capacité à atteindre un certain nombre d’objectifs dans les pays les plus vulnérables d’Afrique et du Sahel, c’est pour cela que j’y suis défavorable. Je partage bien sûr votre volonté de destiner l’APD aux pays les plus pauvres mais il ne faut pas empêcher la France de la diriger vers les plus pauvres des plus pauvres.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’APD inclut des composantes constatées ex post. Il faut nous intéresser à sa part pilotable, et dans cette catégorie, nous souhaitons que les deux tiers des dons projets de l’AFD aillent vers les PMA. C’est dans ce cadre que les dix-neuf pays prioritaires déterminés lors du CICID de 2018 pourront bénéficier d’un certain nombre de projets.

La France est particulièrement engagée dans le Sahel, qui connaît un certain nombre de fragilités qu’il faut aider à résorber. Le pourcentage de la part pilotable de l’APD dédiée aux PMA va au-delà des souhaits des auteurs de ces amendements.

Vous avez évoqué la situation de la Turquie, il convient de relativiser les choses. La Turquie était le vingt-troisième bénéficiaire de l’APD française en 2019, à hauteur de 66 millions d’euros, et uniquement en raison de prêts AFD qui couvraient des financements d’infrastructure, mais aussi des actions en faveur de l’emploi féminin ou des dons bilatéraux en faveur de l’aide aux réfugiés. Ce ne sont pas des actions superflues.

M. M’jid El Guerrab. Ce débat passionnant illustre l’intérêt du Parlement lorsqu’il se saisit de sa fonction de discussion et de vote. Je crois que tous les pays pauvres prioritaires sont des PMA. Notre aide publique au développement, c’est notre force dans ces pays. La moitié des pays pauvres prioritaires font partie de ma circonscription des Français de l’étranger, et je constate que d’autres pays souhaitent intégrer cette liste, tels la Sierra Leone et le Liberia. Comment pourraient-ils y être intégrés, pour bénéficier aussi de notre aide publique ?

M. Hubert Julien-Laferrière. Nous avons un problème pour établir les comptes. À un moment, la Colombie faisait partie des premiers bénéficiaires de l’APD, et on y trouve maintenant la Turquie. Vivement que la réforme du Comité d’aide au développement de l’OCDE permette de ne compter que l’élément de don des prêts ! Nous pourrons enfin classer les bénéficiaires de manière pertinente. Actuellement, les pays emprunteurs apparaissent parmi les principaux bénéficiaires, ce qui n’a pas de sens puisque le prêt sera remboursé.

J’ai essayé de cumuler les montants d’APD reçus pendant trois ans, de 2016 à 2018. Il apparaît que les premiers bénéficiaires sont la Turquie, le Maroc, l’Inde, le Cameroun, la Colombie, l’Éthiopie et le Nigeria. On ne trouve pas un seul pays parmi les pays pauvres prioritaires ou les PMA ! Depuis la définition des pays prioritaires par le CICID de 2018, l’allocation de notre aide a-t-elle beaucoup changé ?

Par ailleurs, je suis d’accord avec le secrétaire d’État, il faut savoir ce que nous retenons au sein de l’APD. L’écolage ou les politiques d’asile et d’immigration, dont bénéficient des nationaux des PMA, ne doivent pas y figurer.

Il me semble complémentaire de prévoir que les deux tiers des dons bilatéraux dans l’aide pilotable doivent bénéficier aux pays pauvres prioritaires, et que la moitié de l’APD globale aille aux PMA. Il est en tout cas urgent d’avoir une vraie visibilité sur les premiers bénéficiaires de l’aide.

M. Bertrand Pancher. Quand on confronte vos arguments, monsieur le secrétaire d’État, aux éléments dont on dispose, on se dit qu’il y a forcément quelqu’un qui se trompe. Comme ce n’est pas vous, c’est nécessairement nous…

Cela dit, j’ai sous les yeux des notes émanant de grandes organisations œuvrant pour le développement. Or j’y lis que l’APD à destination des PMA a reculé de 26 % depuis 2015, passant d’un quart à moins d’un cinquième. Si j’ai bien compris, vous nous dites que nous sommes plutôt aux alentours de 50 %. Quoi qu’il en soit, une part significative de l’aide au développement doit être accordée aux pays les moins avancés.

M. Bruno Fuchs. Il faudrait séparer ce qui est de l’ordre du prêt et ce qui est de l’ordre du don. L’augmentation en proportion de la part de l’APD consacrée aux PMA ne peut pas passer par des prêts, sauf à accroître encore leur endettement. Si l’on fait cette distinction, on s’aperçoit que les amendements sont satisfaits : les dix-neuf pays prioritaires sont parmi les mieux dotés.

M. Michel Herbillon. Certes, il convient de séparer ce qui relève du prêt et ce qui relève du don, mais ces amendements ont tout simplement pour objet d’inscrire dans le texte que l’aide doit s’adresser aux pays les plus pauvres. Ceux qui s’y opposent répondent qu’ils veulent que l’aide aille en priorité à l’Afrique. Les deux positions ne sont pas contradictoires. Je m’étonne que ces amendements, dont les auteurs sont de sensibilités politiques différentes, ne recueillent pas votre assentiment.

Quant aux prêts, les pays les plus pauvres ne peuvent pas y recourir facilement : ils n’en ont pas les moyens.

Le projet de loi est relatif « à la lutte contre les inégalités mondiales » : il ne s’adresse pas uniquement à l’Afrique. Les amendements visent à flécher l’aide vers les pays les plus pauvres. Je ne comprends pas pourquoi nous ne pourrions pas les adopter.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le rapporteur, n’avez-vous pas le sentiment qu’avec les distinctions qui sont apparues, notamment celle entre l’aide pilotable et l’aide non pilotable et celle entre les dons et les prêts, il y a matière à réfléchir, dans la perspective de la séance publique, à un nouvel amendement, rédigé avec les auteurs de ceux que nous examinons, et qui traduirait notre préoccupation commune, tout en tenant compte des objections techniques très fortes que vous avez marquées ? Notre commission aspire à plus d’unité qu’elle n’en produit. Si vous vous engagiez dans la voie que j’indique, nous pourrions demander à nos collègues de retirer leurs amendements.

M. Jean François Mbaye. Effectivement, on peut comprendre l’objectif de ces amendements. La difficulté est de trouver, pour l’alinéa 10, une formulation acceptable pour tout le monde. Le rapporteur est-il prêt à y travailler en tenant compte de ces amendements ?

M. Frédéric Petit. Nous sommes tous d’accord sur l’objectif poursuivi, mais pas sur les amendements eux-mêmes. Je suis d’accord avec le rapporteur : sur le plan technique, ils posent problème car les alinéas 33 à 36 du CPG définissent des priorités géographiques et indiquent clairement que les dix-neuf pays prioritaires bénéficient des deux tiers des subventions et de la moitié de l’aide projet. Nous ne pouvons pas écrire une chose dans l’article 1er et une autre dans le cadre de partenariat global. Nous n’allons pas non plus entreprendre de compléter l’article 1er avant d’avoir étudié le CPG.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La possibilité d’ouvrir une voie commune passe par le retrait des amendements, la chose est claire.

Mme Laurence Dumont. Nous sommes au cœur d’un débat majeur.

D’abord, sommes-nous d’accord sur le fait que la part attribuée aux pays les moins avancés recule de manière continue ? Ensuite, souhaitons-nous nous fixer pour objectif d’inverser cette tendance ? Si nous pouvions répondre positivement à ces deux questions, nous avancerions déjà beaucoup.

Par ailleurs, ces amendements ne viennent pas seulement de nous : ils sont inspirés par Oxfam et par la Coordination Solidarité urgence développement (SUD), c’est-à-dire par des gens qui travaillent au quotidien sur ces questions, qui les suivent de près au quotidien, encore plus que nous.

Enfin, je ne vois pas de contradiction entre ces amendements, qui visent à affecter 50 % de l’aide publique au développement aux PMA, et l’objectif que vous rappeliez, à savoir attribuer les deux tiers des dons aux PPP. Je ne retirerai donc pas l’amendement dont je suis signataire.

M. Bruno Fuchs. L’alinéa 34 du CPG est ainsi libellé : « La France a décidé de consacrer 75 % de l’effort financier total de l’État en subventions et en prêts et au moins 85 % de celui mis en œuvre via l’Agence française de développement (AFD) dans la zone Afrique et Méditerranée. » Les amendements sont en contradiction avec cette phrase. On ne peut pas écrire à deux endroits différents du texte des choses contradictoires. Il est certes intéressant de lancer ce débat, mais le texte doit être limpide, clair et précis. Si nous décidions d’adopter ces amendements, il faudrait modifier aussi les alinéas 34 et 35 du CPG, car le texte doit être cohérent.

Par ailleurs, nous ne sommes pas là pour traduire la volonté d’Oxfam ou d’autres associations, quel que soit leur apport.

Ces amendements sont généreux, et nous sommes d’accord avec l’objectif poursuivi, mais l’effort prévu plus loin dans le texte est plus important encore.

M. Michel Herbillon. Encore une fois, je ne vois pas où se trouve la contradiction. Nous pouvons aider à la fois le Maroc et Madagascar. Toutefois, le second est beaucoup plus pauvre que le premier.

Nous pourrions trouver un accord sur le sujet. Monsieur le secrétaire d’État, avons-nous augmenté, au cours des trois dernières années, notre aide à destination des PMA ? Si oui, dans quelle proportion ? Nous voulons flécher l’aide vers les pays les moins avancés ; je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible. Cet objectif peut certainement être concilié avec ce qui est écrit par ailleurs dans le texte.

M. Hubert Julien-Laferrière. Il n’est pas vrai de dire que les deux objectifs sont contradictoires. Les PPP sont un sous-ensemble des PMA. Dire que l’on consacre les deux tiers des dons bilatéraux aux PPP, c’est très bien, et on ne peut que l’approuver, mais cela n’empêche pas de fixer un objectif complémentaire, en l’occurrence affecter 50 % du total de l’APD aux PMA, soit 15 à 17 milliards. Ce n’est qu’une manière d’affirmer davantage la volonté de réallouer notre aide aux pays les plus pauvres.

Par ailleurs, les dons bilatéraux sont certes un instrument essentiel pour les pays prioritaires, mais les prêts bonifiés peuvent également être intéressants pour certains secteurs économiques, y compris dans des pays pauvres.

M. Frédéric Petit. Madagascar est cité à l’alinéa 35, ainsi que le Burkina Faso, mais il n’y est pas question du Maroc ni de la Turquie.

Nous nous lançons dans de grandes discussions très généreuses à propos d’une phrase tenant en une ligne, alors que le CPG consacre trois alinéas entiers à la question. L’alinéa 34 précise la répartition globale ; le suivant indique que l’essentiel de cet effort est affecté à dix-neuf pays prioritaires. Le texte suit donc une progression logique.

Dans l’amendement, il est question des « pays les moins avancés », quand l’alinéa 34 mentionne « la zone Afrique et Méditerranée » et l’alinéa 35 les dix-neuf pays en question. Si nous écrivons des choses différentes à deux endroits distincts du texte, nous allons fournir du travail aux avocats… Je dis non pas que les deux objectifs sont contradictoires, mais qu’en rédigeant le texte ainsi, celui-ci va grincer.

Autant inscrire directement la disposition dans le CPG. Si vous préférez qu’elle figure dans l’article 1er, nous pouvons y recopier les trois alinéas que j’évoquais : un autre amendement avait un objet comparable. Mais si nous abordons la question à deux endroits différents, nos successeurs, dans dix ans, auront encore plus de mal que nous n’en avons à reconstituer les choses, car le Gouvernement produira deux rapports distincts : dans l’un il montrera qu’il a bien alloué 50 % de l’aide aux PMA, et dans l’autre il rendra compte de la mise en œuvre du CPG.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cette observation me paraît pleine de bon sens : le problème tient au fait que ces amendements ne portent pas sur l’alinéa 35 du CPG, où la question est traitée.

M. Hervé Berville, rapporteur. C’est ce que j’ai essayé d’expliquer. Un certain nombre d’amendements sont consacrés à la géographie de l’aide, ce que je conçois tout à fait, même si, à mes yeux, la question principale est celle de son impact – est-ce que l’on augmente le taux de vaccination, est-ce que l’on améliore la qualité de l’hospitalisation, est-ce que l’on fait reculer la mortalité infantile ? Tels sont les enjeux qui devraient nous occuper longuement, et ce sera peut-être le cas.

Je comprends, monsieur Herbillon, que l’exercice soit un peu frustrant, car ces amendements semblent de bon sens, mais il n’est pas possible de les concilier avec le CPG. Le texte fixerait des objectifs sinon contradictoires, en tout cas dissonants. Vous disiez que l’objectif devait concerner des dons et non des prêts. Or, on pourrait tout à fait consacrer 50 % de l’APD aux PMA en augmentant la part des prêts. Ce faisant, votre objectif ne serait pas atteint, tandis que le CPG prévoit 80 % en dons pour les pays pauvres prioritaires. Autrement dit, les amendements constitueraient un recul.

L’objectif est bien de cibler les pays les plus vulnérables. À cet égard, je vous sais tous attachés à ce que la France élabore une stratégie et fixe des priorités, et j’entends souvent certains – notamment M. Herbillon – dire qu’il ne faut pas saupoudrer l’aide. Or, en ciblant les PMA, on en arriverait à considérer que le Bhoutan et le Népal sont des priorités pour la France. Nous partageons l’objectif consistant à aider davantage les pays les plus pauvres, mais le CPG contient déjà des éléments permettant d’aller plus loin que ce que vous proposez.

Je comprends que vous vous disiez que ces amendements sont de bon sens et qu’il faut les adopter, mais, en tant que rapporteur, je dois veiller à la cohérence du texte.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je souscris à l’argumentation du rapporteur.

M. Herbillon demandait des chiffres démontrant l’accroissement de l’engagement de la France envers les PMA. En voici. En 2016, la France consacrait 1,9 milliard aux PMA, soit à peine plus de 20 % du total de l’APD ; en 2019, nous en étions à 2,8 milliards, ce qui avoisinait les 30 %. Orienter les deux tiers des dons vers les PPP permet donc d’accroître la part dédiée aux PMA.

Par ailleurs, le fait d’énumérer des pays prioritaires ne veut pas dire que l’on se limite à cette liste. M. El Guerrab évoquait le Libéria et la Sierra Leone : le Libéria est inscrit dans la liste des PPP ; quant à la Sierra Leone, rien ne nous interdit de l’aider. Ce n’est pas parce que l’on concentre l’aide sur certains pays qu’on ne fait rien pour les autres. Il est possible d’y engager des projets, même s’ils sont moins importants.

L’alinéa 35 du CPG expose les choses très clairement. Il réaffirme que les deux tiers des subventions accordées par l’AFD seront consacrés aux PPP. Pour les PMA, nous arrivons à plus de 75 %, quasiment 80 %, comme le disait M. le rapporteur. Nous sommes donc tous d’accord, et l’objectif est inscrit noir sur blanc.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Tout cela est maintenant très clair. Chacun d’entre nous prendra ses responsabilités. Au-delà du vote qui va intervenir, des convergences pourront d’ailleurs être trouvées d’ici à la séance publique.

L’amendement AE3 est retiré.

La commission rejette les amendements AE151 et AE463.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AE460 de M. Dominique Potier et AE7 de M. Bertrand Pancher.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’éducation et la santé ont longtemps été les parents pauvres de l’aide publique au développement. Toutefois, un réinvestissement important a été opéré, aussi bien au niveau bilatéral qu’au niveau multilatéral Ainsi, 200 millions d’euros sont désormais consacrés au Partenariat mondial pour l’éducation (PME), notamment, contre 17 millions d’euros précédemment. En ce qui concerne la santé, cependant, des efforts restent à faire, même si certains projets sont en cours, notamment dans le contexte de la pandémie. Par ailleurs, ces amendements se rapportent davantage au CPG qu’à l’article 1er. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en arrive à l’amendement AE71 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Tout d’abord, je vous remercie de m’accueillir comme membre de la commission des finances et rapporteur spécial de l’action extérieure de l’État.

Il a été beaucoup question des moyens budgétaires affectés à l’aide publique ; je vous parlerai quant à moi des moyens humains alloués aux postes diplomatiques, notamment ceux dans les pays éligibles à l’aide publique au développement. En effet, il ne suffit pas de voter la programmation de crédits : il faut aussi s’assurer que le ministère dispose des effectifs, des compétences nécessaires au regard des objectifs fixés par la loi, par exemple pour mieux piloter les actions sur le terrain et contribuer au renouvellement des actions menées en partenariat avec la société civile.

J’en profite pour saluer la détermination de Jean-Yves Le Drian et de M. le secrétaire d’État. Pendant des années, des sacrifices importants ont été consentis. Or le budget pour 2021 est le premier au format LOLF dans lequel il n’a pas été demandé au Quai d’Orsay de supprimer des effectifs. La mention que je propose d’inscrire dans la loi programmation serait donc une marque de soutien au ministère en vue de la préparation des prochains budgets.

M. Hervé Berville, rapporteur. La question est déjà abordée dans le cadre du programme Action publique 2022. Par ailleurs, l’opérateur principal doit maîtriser le niveau de ses effectifs : il faut donc s’assurer que ce sont bien les postes qui sont renforcés. Enfin, cet amendement serait peut-être plus à sa place en loi de finances. Je vous propose donc de le retirer pour le retravailler – notamment avec les services du Quai d’Orsay.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je propose moi aussi un retrait de l’amendement en vue de le retravailler.

Nous avons effectivement mis un coup d’arrêt, cette année, à l’érosion des effectifs. Nous le devons d’ailleurs en partie à la mobilisation de votre commission, qui a permis de défendre un certain nombre d’emplois. En cette période exceptionnelle, je tire d’ailleurs un coup de chapeau au personnel du Quai d’Orsay : l’épidémie étant mondiale, il a dû travailler en mode dégradé, les postes ont adapté leur fonctionnement et il a fallu gérer le rapatriement de 370 000 Français qui étaient de passage à l’étranger. Le personnel a donc eu plus de travail, dans des conditions plus difficiles. Cela mérite qu’on lui rende hommage. Nous continuerons à nous battre pour avoir des moyens humains permettant de mener une action diplomatique et une politique de développement à la hauteur de nos ambitions.

M. Frédéric Petit. Cet amendement est très intéressant. Une remarque en passant pour M. le rapporteur : le fait qu’il s’agisse d’une loi de programmation n’interdit pas d’y inscrire des objectifs chiffrés, notamment pour les équivalents temps plein (ETP). Nous l’avons fait pour la recherche, par exemple.

Je tiens à souligner la complexité du travail effectué par le Quai d’Orsay – d’ailleurs, on a commencé à parler en 2019, à l’occasion de la semaine des ambassadeurs, ambassadeurs généralistes, ambassadeurs thématiques. Certaines missions sont très techniques, par exemple quand elles touchent au développement ou à l’environnement, notamment à l’eau. Certains ETP ne peuvent pas être gérés selon les règles des ressources humaines du ministère. Ainsi, on ne peut pas travailler sur un projet de barrage si l’on doit changer d’affectation au bout de deux ans et demi. Il faudrait donc trouver une formule appelant à des moyens humains suffisants, mais sans que ces derniers soient nécessairement gérés par l’administration centrale. Je suis assez d’accord avec la remarque du rapporteur concernant l’opérateur principal, tout en sachant que celui-ci ne doit pas être le seul.

L’idée de l’amendement est donc intéressante, monsieur Ledoux, mais je ne suis pas sûr que vous aurez assez de temps pour y retravailler d’ici à la séance.

M. Jacques Maire. Merci à notre collègue Vincent Ledoux de poser excellemment le débat. En effet, depuis trente ans, on assiste à une disparition progressive du réseau des fonctionnaires de l’État à l’étranger en charge du développement. Quand je suis entré au Quai d’Orsay, ils étaient plusieurs dizaines de milliers, des services entiers étaient en charge de ce domaine dans les postes ; dorénavant, il n’y a plus qu’un conseiller chargé du développement. Un phénomène d’attrition s’est donc produit, tant en quantité qu’en qualité.

On confie à l’ambassadeur un rôle d’animation et de mise en cohérence de la politique de développement à travers le conseil de développement local, mais si le conseiller en charge de la question n’a qu’une vision globale et institutionnelle des enjeux, la relation entre le champ du politique et celui du développement – à travers l’opérateur, à savoir la Banque de développement – restera désincarnée. C’est ce qui se passe de plus en plus. Or le projet de loi a précisément pour ambition de redresser la barre, d’engager une nouvelle implication de l’État dans l’animation de ses opérateurs, pour projeter une politique de développement, ce qui nécessite un minimum de moyens.

Dans mon souvenir, le personnel sur place qui se consacre à la politique de développement relève du budget de l’APD. Est-ce bien le cas ? Si oui, il est pertinent de l’évoquer dans une loi de programmation.

Si je comprends bien l’amendement de M. Ledoux, il est question non pas des effectifs de l’AFD – lesquels ne sont pas budgétaires –, mais des effectifs régaliens. Or, depuis trois ans, nous nous battons pour renforcer l’action régalienne et le rôle du Quai d’Orsay dans le domaine du développement. Ne pas s’autoriser à voter cet amendement, dans ce texte ou dans un autre, serait donc en totale contradiction avec cette ambition.

M. M’jid El Guerrab. Je remercie à mon tour M. Ledoux pour cet amendement. Toutes celles et ceux qui sont allés sur le terrain ont observé, au cours des dernières années, le rabougrissement de nos services diplomatiques. La coopération n’est plus le fer de lance de notre politique d’influence ; on est à l’os. Les Françaises et les Français de l’étranger le vivent dans leur chair, ils voient les services offerts se réduire sans arrêt.

Faut-il pour autant inscrire dans le projet de loi de programmation la phrase proposée par M. Ledoux, telle qu’elle est rédigée, même si, comme le soulignait Frédéric Petit, on peut inscrire des objectifs chiffrés dans une loi de programmation ? Quoi qu’il en soit, M. le rapporteur a laissé la porte ouverte en suggérant de retravailler l’amendement. Sur le principe, en tout cas, chacun ici ne peut être que favorable à l’objectif poursuivi.

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement ne fait que rappeler ce que nous disons depuis la première discussion budgétaire de la législature. Notre ancienne présidente elle-même était le fer de lance de notre commission pour préserver les moyens de l’action de l’État à l’étranger, à travers les postes diplomatiques et l’administration centrale.

Dans la loi de programmation militaire, les effectifs nécessaires à la mise en œuvre des objectifs ont été inscrits. Il convient de faire de même ici s’agissant de la politique d’aide au développement – à travers cet amendement ou d’autres, peu importe : quand une idée est bonne, il faut la valider, même si l’amendement n’arrive pas au bon endroit ou n’est pas écrit comme il faut. En l’occurrence, il est crédible d’inscrire des effectifs dans une loi de programmation, et il est bon que nous ayons un débat sur le pilotage politique de l’aide au développement. L’État, le régalien doit piloter la politique d’aide au développement, au lieu de laisser les coudées franches à une agence puissante. Je voterai donc cet amendement.

M. Jean François Mbaye. Cela fait plusieurs années, en effet, que nous nous battons ensemble, avec le ministre, pour maintenir notre niveau d’exigence en la matière. C’est indispensable. Il y va de l’action régalienne. Les effectifs du Quai d’Orsay contribuent à asseoir la politique d’aide publique au développement de la France. Votre amendement, cher Vincent Ledoux, est donc pertinent. Certes, sa rédaction pourrait être revue d’ici à la séance, mais il convient de le voter unanimement.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’idée est intéressante, bien sûr, et en cohérence avec ce que notre commission défend collectivement depuis le début de la législature. J’avais un doute quant au fait que l’expression « services de l’État à l’étranger » inclue les opérateurs. La discussion ayant permis de lever ce doute, je suis favorable à l’amendement. L’un de nos objectifs est d’ailleurs, s’agissant de la relation entre l’État et les opérateurs, de renforcer sa composante politique, ce qui sera le cas avec les conseils locaux de développement.

Merci donc, cher collègue, pour votre amendement qui va permettre d’assurer la cohérence, sur le terrain, entre nos moyens et nos ambitions.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ce débat est intéressant, et il a fait apparaître de larges convergences.

Au Quai d’Orsay, nous tirons toutes les conséquences du pilotage politique réaffirmé que M. Lecoq appelait de ses vœux, notamment à travers les conseils locaux de développement. J’ai d’ailleurs un souvenir très précis de la naissance de ce concept : l’idée a émergé dans le bureau de Jean-Yves Le Drian, alors que la question du pilotage politique était posée par Marielle de Sarnez et un certain nombre de parlementaires, lors d’une réunion de travail. C’est donc le résultat d’une coproduction en amont du texte.

Pour que l’ambassadeur pilote correctement le conseil local de développement, encore faut-il qu’il dispose de ressources dédiées. Nous en tirons les conséquences en nous orientant, pour le choix des conseillers de coopération et d’action culturelle (COCAC), vers des profils de plus en plus expérimentés, et en utilisant le levier de la formation : avant le départ des agents, l’accent est mis sur la question du développement, car il faut s’approprier le sujet.

Nous nous rejoignons donc, et, compte tenu des débats, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission.

M. Vincent Ledoux. Je tiens à vous rassurer : mon amendement reprend la terminologie de l’étude d’impact – je vous renvoie à la page 19. Il s’agit bien de mettre les moyens humains en cohérence avec les moyens budgétaires. Je vise effectivement les postes et non pas l’administration centrale. Il n’y a pas d’ambiguïté non plus s’agissant des postes affectés aux opérateurs. Par ailleurs, je parle d’une « trajectoire […] cohérente », ce qui ne signifie pas une hausse automatique : il convient de tenir compte des choix et de l’efficience.

Si nous n’inscrivions pas cette précision dans le texte, nous ne pourrions pas le faire au moment du PLF, car un tel amendement ne serait pas recevable.

Merci à tous : en adoptant cet amendement, nous allons saluer nos postes diplomatiques, qui, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, font un travail absolument exemplaire, tout en nous assurant de la cohérence entre les moyens humains et les objectifs affichés dans ce projet de loi de programmation.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous mesurons, en vous écoutant, l’importance qu’il y a à ce que l’un de nos collègues de la commission des finances participe à nos travaux.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE31 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à doubler les aides transitant par les organisations de la société civile (OSC) engagées dans le domaine de la solidarité internationale, l’objectif étant d’atteindre 1 milliard d’euros environ en 2022. Depuis le début, notre stratégie en la matière souffre d’un vrai déséquilibre, au détriment de ces organisations. Je tiens, au passage, à rendre un vibrant hommage à ces dernières : animées le plus souvent par des bénévoles, elles parviennent en effet à rassembler des moyens considérables en déployant des trésors d’imagination. D’autant que, lorsqu’elles s’adressent aux services de l’État, ceux-ci sont très souvent aux abonnés absents. En ma qualité de coprésident du groupe d’études sur la coopération au développement et de président de groupe, je suis souvent sollicité : certaines OSC, affichant des budgets importants, me demandent de les aider à obtenir des moyens de la part de l’État. Or cela ne donne jamais le moindre résultat, à tel point que j’ai cessé de m’adresser à l’AFD. Au début, on me répondait qu’il n’y avait pas de moyens ; après, que ce n’était pas la priorité, ou bien pas le bon moment. Je suis passé à l’Agence pour demander clairement quelles étaient les priorités : les dossiers ont été modifiés en conséquence et déposés de nouveau, mais rien n’y a fait. Bref, c’est toujours non. Il y a d’ailleurs un problème, monsieur le secrétaire d’État : quelles réponses l’AFD donne-t-elle aux organisations de la société civile qui frappent à sa porte ? C’est une véritable boîte noire.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Je sais votre attachement à ces organisations. La demande dont vous vous faites l’écho a été débattue à plusieurs reprises au sein du CNDSI ; cela représenterait un effort très important. Toutefois, tous les autres canaux permettant de soutenir les organisations de la société civile (OSC) bénéficient d’augmentations substantielles. Dans le domaine de l’humanitaire, la trajectoire consiste à atteindre 500 millions, soit quasiment un doublement. Les fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), dans les ambassades, passent de 27 millions d’euros à 71 millions d’euros.

Vous avez qualifié l’AFD de boîte noire. Je note pourtant qu’Oxfam vient de signer une convention avec l’Agence pour des financements en Afrique de l’Ouest. Un certain nombre d’autres ONG travaillent également avec elle. C’est tellement vrai que les financements de l’AFD au titre du droit d’initiative vont franchir pour la première fois la barre des 100 millions d’euros.

Par ailleurs, on ne cesse de dire que la participation de la France recule, mais si sa contribution au Fonds européen de développement (FED), qui alimente lui aussi les ONG sur le terrain, était prise en compte, la perception serait différente.

Quoi qu’il en soit, je vous rejoins s’agissant de l’importance capitale des ONG. C’est pourquoi le projet de loi consacre un paragraphe à leur droit d’initiative, et ce pour la première fois – il n’en était pas fait mention dans la loi de 2014. C’est une manière de reconnaître leur rôle dans le dispositif.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Non seulement la question des OSC est bien identifiée, mais nous souhaitons la prendre en compte aussi bien que possible. Elle a fait l’objet de nombreux échanges au sein du CNDSI. Je rends d’ailleurs hommage à la persévérance de Philippe Jahshan, à l’époque où il représentait la Coordination SUD.

Le CICID a pris un engagement très clair : doubler l’APD française transitant par les OSC. Les chiffres montrent que nous réussisson à monter la marche : nous y consacrons quasiment 500 millions d’euros, contre 310 millions en 2017, et nous atteindrons 620 millions en 2022. Le doublement aura donc été réalisé.

Par ailleurs, la reconnaissance du droit d’initiative va être gravée dans le marbre de la loi. C’était une demande forte.

Ce sont autant d’appuis importants pour donner de l’élan aux OSC.

Les crédits du guichet de l’AFD dédié aux dons pour les ONG ont progressé de 20 millions d’euros par rapport à 2020 ; ils s’élèvent à 130 millions. Les trois quarts des dossiers sont acceptés.

Certes, on peut toujours faire mieux, mais quand on sait d’où nous venons, il n’y a pas de quoi rougir. En outre, et comme le disait M. le rapporteur, l’aide aux OSC passe par différents canaux, notamment dans le domaine de l’humanitaire. La logique du projet de loi consiste également à s’appuyer sur le volontariat dans le Sud, sur les OSC locales.

Nous partageons donc la même philosophie, monsieur Pancher, mais point n’est besoin de modifier le texte.

M. Bertrand Pancher. J’observe en effet un accroissement de la part de l’APD française transitant par les OSC. En revanche, il est quasiment impossible, pour les petites organisations de la société civile, d’obtenir des aides. On ne sait pas comment s’y prendre. Essayez de faire en sorte que l’AFD soit plus ouverte. On a l’impression qu’en dessous d’une certaine somme, cela ne relève plus de sa compétence.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AE147 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Le texte a pour objectif le doublement, d’ici à l’année prochaine, du montant de l’APD allouée à des projets menés par des OSC. L’amendement vise à ce que le montant atteint en 2022 soit maintenu jusqu’en 2025, ce qui constituerait un message politique fort.

M. Hervé Berville, rapporteur. J’y suis favorable sur le principe, mais on demandera en 2022 une augmentation de ce volume d’aide.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Une fois qu’on aura atteint le doublement, qu’en sera-t-il si l’APD continue à augmenter ? Entendez-vous geler le volume ou le pourcentage de ces fonds au sein de l’APD ?

M. Jean François Mbaye. Une fois le doublement atteint, faut-il se fixer l’objectif d’un nouveau doublement ? On ne sait pas exactement de quel équilibre vous parlez dans l’amendement.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous voulons éviter tout retour en arrière, par un effet cliquet.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous souhaitons éviter d’entremêler les objectifs dans le texte. Je vous rappelle que le Conseil d’État nous demande de veiller à ce que la loi soit la plus intelligible possible. Je vous invite donc à retirer votre amendement, ce qui vous permettra de le retravailler pour la séance. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à la discussion commune des amendements AE458 de M. Dominique Potier et AE32 de M. Bertrand Pancher.

M. Alain David. L’amendement vise à reconnaître formellement le « droit d’initiative » des organisations de la société civile, associations et ONG dans la politique d’aide au développement française. Il précise également qu’à l’échéance de 2022, 70 % de l’aide publique au développement bilatérale française versée aux organisations de la société civile et transitant par elles passeront par les dispositifs de subvention et de financement de l’innovation sociale.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons précédemment évoquées.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le droit d’initiative est formellement reconnu au VIII de l’article 1er. Le Gouvernement souhaite s’en tenir à cette rédaction explicite. Avis également défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement AE72 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Cet amendement concerne le nouveau guichet de financement des projets issus de la société civile et vise à apporter deux précisions. Il prévoit que la contribution de l’État pourra couvrir certaines dépenses aujourd’hui mal prises en compte. L’AFD ou le centre de crise peuvent inclure dans leurs subventions un forfait de fonctionnement de 12 à 14 %, qui permet de tenir compte de certains frais de structure, mais qui n’est pas toujours suffisant. Il pourrait être utile de préciser qu’au titre du financement du droit d’initiative des organisations de la société civile, la subvention pourra couvrir les dépenses d’études, de réponse à des appels d’offres internationaux ou de mise en place de démonstrateurs. Il s’agit d’éviter que ces dépenses, parfois très utiles, saturent les plafonds des forfaits de fonctionnement.

En contrepartie, je propose d’indiquer que l’attribution d’une subvention donnera systématiquement lieu à une évaluation selon des conditions définies au préalable dans les conventions d’attribution. Dans mon rapport sur l’ouverture de nos territoires à la priorité africaine de la France, j’avais relevé que les subventions accordées par le ministère à des associations en France font l’objet d’une convention préalable avec la délégation des programmes et des opérateurs (DPO) mais que leur impact n’était pas toujours évalué. Il existe donc un risque que les subventions soient automatiquement reconduites, dans le cadre des mêmes conventions d’objectifs.

M. Hervé Berville, rapporteur. Votre amendement concerne plusieurs sujets. S’agissant des frais de gestion, je suis défavorable au fait d’inscrire la disposition que vous proposez dans la loi, surtout à l’article 1er. L’AFD finance déjà les frais de structure. L’étude d’impact, quant à elle, est en effet indispensable. Il faut aussi octroyer de petits fonds d’étude aux structures les plus modestes, ce que l’AFD commence à faire. Cela leur permettra de préparer des projets difficiles dans des territoires risqués. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Le dispositif « Initiatives OSC » finance déjà, à hauteur de 12 à 14 %, les frais de gestion et, par extension, de structure. Le centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères procède de même.

M. Jacques Maire. Dans la partie du CPG dédiée à la gouvernance, il n’y a pas de volet consacré à l’évaluation et au contrôle, ce qui me semble pourtant nécessaire. Je suggère qu’on y réfléchisse afin de nourrir la dimension de la gouvernance, qui manque un peu dans le texte.

M. Vincent Ledoux. Je suis prêt à retirer l’amendement pour le retravailler. Peut-être M. le secrétaire d’État pourrait-il préciser que les exigences d’évaluation que nous appelons de nos vœux seront définies par la voie réglementaire ? Les opérateurs doivent rendre des comptes dès lors qu’ils utilisent de l’argent public.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. J’ai indiqué qu’on pouvait travailler sur ce sujet et améliorer les choses, si besoin est, par la voie réglementaire.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE681 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’amendement vise à ce que le droit d’initiative soit reconnu aux OSC françaises ou implantées dans les pays partenaires, ce qui permettrait de s’aligner sur les stratégies des États et les besoins locaux. On entend souvent dire qu’il faut au préalable renforcer les capacités de ces pays, car ils ne seraient pas capables de définir les solutions à leurs problèmes. Or, une grande majorité d’entre eux, en particulier en Afrique, ont des réponses endogènes et savent bien mieux que nous ce qu’il faut faire. Il convient donc de leur offrir la possibilité de lancer des initiatives et d’être financé.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement AE459 de M. Dominique Potier.

Mme Laurence Dumont. L’amendement vise à reconnaître formellement le rôle joué par les organisations de la société civile, associations et ONG. Dans votre rapport sur la « modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale », monsieur le rapporteur, vous constatiez déjà que « les OSC sont […] davantage considérées comme des prestataires que comme de véritables partenaires des politiques de développement ». Il convient de remédier à cet état de fait et de reconnaître formellement dans la loi l’importance de leur rôle. Il faut aussi renforcer leur représentativité au sein des agences et des opérateurs de l’État en permettant que les OSC soient représentées au sein de la commission indépendante d’évaluation, des conseils locaux de développement, des conseils d’administration de l’AFD, d’Expertise France et de Canal France international.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis sensible à votre préoccupation, mais il me semble nécessaire de retravailler l’amendement, qui traite de sujets distincts. Je suis favorable à la première partie, consacrée au droit d’initiative et à la reconnaissance du rôle des associations, des OSC, de l’ECSI, du volontariat mais non à la seconde, qui concerne la représentation des OSC au sein des organisations et des opérateurs, et qui n’a pas sa place à l’alinéa 12. Les associations de la société civile sont représentées au sein du CNDSI et dans les conseils d’administration. Je vous demande de retirer votre amendement et de retravailler la première partie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je suis très favorable à ce qu’on aboutisse à une disposition consacrée aux OSC. À l’instar du rapporteur, je pourrais être d’accord sur certains aspects de l’amendement. Je réaffirme mon engagement à ce que l’on travaille à la rédaction d’un amendement consensuel en vue de la séance.

Mme Laurence Dumont. Nous tenons à la deuxième partie de l’amendement mais sommes disposés à y retravailler en vue de la séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE148 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je le retire pour travailler à une nouvelle rédaction.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AE8 de M. Bertrand Pancher.

La commission est saisie des amendements AE558 et AE555 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. Je retire l’amendement AE558, afin que l’on y retravaille en vue de la séance – nous avons eu des échanges avec le rapporteur et le secrétaire d’État à ce sujet.

L’amendement AE555 vise à allouer à l’enregistrement des naissances, à l’enrôlement de la population à l’état civil et à la création de bases de données biométriques au sein des pays partenaires, une partie des nouveaux fonds octroyés à l’aide publique au développement par le projet de loi. Il s’agit de lutter contre le fléau des enfants sans identité, qui les expose à la traite d’êtres humains, aux mariages forcés, aux conflits armés. Favoriser l’enregistrement de chaque naissance, c’est un enjeu central de développement et de la lutte contre les inégalités, qui s’inscrit dans la droite ligne de l’objectif de développement durable 16.9 figurant dans le programme de développement durable adopté en septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cette disposition n’a pas sa place dans cette partie du texte. Avis défavorable. On reparlera de ce sujet central dans le cadre du CPG.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le CPG est en effet le texte adapté pour traiter de la question. Nous partageons cette ambition. Je salue, à cet égard, le travail conduit par les parlementaires au sein de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), qui se sont emparés de ce sujet depuis plusieurs années.

M. Michel Herbillon. Je rappelle que nous avons travaillé, au sein de la commission, sur les enfants sans identité, et qu’un consensus s’était fait jour. Nous tenons beaucoup à cette disposition, qu’il ne faudra pas oublier d’évoquer lors de l’examen du CPG. J’observe qu’on renvoie de plus en plus de dispositions à l’examen en séance. Il serait souhaitable que nous puissions examiner ces nombreux amendements retravaillés avant la séance publique.

Mme Laurence Dumont. Je voterai contre l’amendement, car il me paraît maladroitement rédigé. Nous avions préconisé d’intégrer l’enregistrement des naissances dans les projets d’enrôlement de la population et de création de bases de données biométriques, qui sont parfois financés par l’AFD et CIVIPOL. En revanche, je ne suis pas favorable au renforcement des projets d’enrôlement et de création de bases de données biométriques partout sur la planète. Quand de tels projets sont financés par l’AFD ou CIVIPOL, nous demandons qu’ils comportent un volet consacré à l’enregistrement des naissances, mais nous ne souhaitons pas que ces institutions aillent, tambour battant, développer de tels programmes, qui seraient mal reçus sur le territoire national.

M. Bruno Fuchs. La volonté de résoudre le problème des enfants dépourvus d’identité est très ancienne. L’Assemblée parlementaire de la francophonie, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de nombreux autres acteurs l’ont manifestée de longue date. L’objectif n’est pas de se substituer à des États souverains, qui doivent appliquer ces politiques, mais de les aider à le faire, comme plusieurs ONG s’y emploient. La formulation de l’amendement est donc à revoir.

Mme Aina Kuric. J’ai bien entendu vos remarques. Je suis disposée à retravailler l’amendement en vue de la séance. Il faudra toutefois veiller à ne pas passer à côté de ce sujet fondamental en séance publique. Je trouve le jugement de Laurence Dumont un peu dur, car il s’agit de se donner les moyens de lutter contre un fléau clairement établi. C’est un objectif indispensable pour mener de véritables politiques de développement à l’échelle mondiale. Nous devons agir de manière particulièrement forte.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement AE331 de Mme Anne Genetet.

Mme Mireille Clapot. Cet amendement a pour objet d’affirmer de façon plus marquée l’effort de développement des dispositifs de volontariat internationaux. Il s’agit d’augmenter les contributions, de développer les dispositifs, d’étendre le nombre de volontaires mobilisés par le biais du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et de l’Agence du service civique. Il convient aussi de répondre à la demande croissante de nos concitoyens de s’engager dans des projets de volontariat à l’international. Celle-ci est de plus en plus comblée par des missions de « volontourisme », séjours courts alliant volontariat et tourisme, hélas sujets à des dérives allant de la tromperie des volontaires à la traite d’êtres humains. Nous entendons contrer ce phénomène par une approche plus ambitieuse et plus opérationnelle du volontariat international.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous partageons votre volonté. Cela correspond à ce que nous essayons de faire, au sein de la commission, au sujet du volontariat – on peut citer, par exemple, la création du volontariat de réciprocité. Toutefois, vous souhaitez insérer cette disposition à l’article 1er, et non à l’article 6, qui est consacré au volontariat. Je vous invite donc à viser cet article. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, il nous reste 499 amendements à examiner. Si nous continuions au même rythme, il nous faudrait encore trente-cinq heures de réunion. Je me vois donc contraint de demander au rapporteur et au secrétaire d’État d’exposer brièvement les motifs de leur avis. Je ne donnerai ensuite la parole qu’à un orateur en faveur de l’amendement et à un orateur d’avis contraire. Je ferai naturellement une exception en présence de sujets qui nécessitent un effort de clarification.

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement AE301 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Nous proposons de faire des OSC de véritables partenaires. Comme vous l’indiquez, monsieur Berville, dans votre rapport sur la « modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale », « les OSC sont […] davantage considérées comme des prestataires que comme de véritables partenaires des politiques de développement ». Nous proposons de créer un article additionnel après l’article 1er afin que l’on ne nous dise pas que la disposition est mal placée.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement porte sur plusieurs sujets, parmi lesquels la représentation des OSC, qui n’a pas sa place ici. Nous y reviendrons et donnerons ultérieurement un avis favorable à des amendements de Mme Poletti.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. J’ai pris un engagement très clair dans mon avis sur l’amendement de Laurence Dumont, en indiquant que nous allions travailler sur un article consacré aux OSC. Je suis très attaché à la coproduction législative.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AE423 de M. Dominique Potier. 

M. Alain David. L’amendement vise à conditionner tout versement de fonds de la part de l’État, de ses agences et de leurs filiales aux entreprises destinataires de l’aide publique au développement à plusieurs conditions en matière sociale, environnementale et fiscale, quelle que soit la taille des entreprises. Ces obligations sont les suivantes : non-détention d’actifs dans un paradis fiscal ; remise d’un rapport annuel faisant état de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 ; mise en place d’un plan de vigilance. Le non-respect de l’une de ces trois obligations entraînerait un remboursement par le paiement d’une amende pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires mondial consolidé de la société.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 2 : Rapport annuel du Gouvernement relatif à la politique de développement solidaire

La commission examine l’amendement AE306 de Mme Bérengère Poletti.

M. Hervé Berville, rapporteur. J’ai déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport avant le 15 juin de chaque année. Par cohérence, je suis donc défavorable à votre proposition qui prévoit une date ultérieure. Par ailleurs, l’amendement ne définit pas précisément la commission qui est appelée à rendre un rapport.

M. Michel Herbillon. Il s’agit de la commission d’évaluation !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis également défavorable.

M. Michel Herbillon. Il me paraîtrait utile que la commission d’évaluation rende aussi un rapport.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cette précision figurera dans le texte.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE346 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit d’avancer au 15 juin la date de remise du rapport prévu à l’article 2, afin de permettre aux parlementaires de préparer au mieux la session budgétaire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable. Cela nous place dans la temporalité du débat d’orientation budgétaire.

La commission adopte l’amendement.

Les amendements AE347 et AE348 du rapporteur sont retirés.

La commission examine l’amendement AE335 de Mme Anne Genetet. 

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. L’objectif de l’aide au développement est la réduction de la pauvreté, la lutte contre les inégalités et la préservation des biens publics mondiaux. Il ne convient pas de faire entrer en compte d’autres objectifs.

La commission rejette l’amendement

Elle examine l’amendement AE552 de M. Bruno Fuchs. 

M. Bruno Fuchs. Le rapport doit questionner la cohérence entre la stratégie d’aide publique au développement et les objectifs diplomatiques de la France, qui portent par principe sur la défense de la démocratie et de l’État de droit.

On ne peut pas critiquer la gouvernance d’un pays sans interroger la nature de l’aide qu’on lui fournit. Il ne s’agit pas de conditionner les aides à la nature du régime – les populations en ont besoin, et davantage encore lorsque le régime n’est pas démocratique – mais d’examiner le lien entre les prises de position diplomatiques et l’aide au développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Une telle disposition risquerait d’introduire une forme de conditionnalité que personne ne souhaite ici. Ce serait prononcer la double peine pour des populations privées des droits humains et dans le besoin. Il me semble que votre demande est satisfaite, à la fois par l’alinéa 3 de l’article 2 et par le CPG. Depuis un an, nous avons évolué sur ce sujet – les questions migratoires ont été sorties du cadre car cela ne correspondait pas à notre logiciel collectif – ; nous devons poursuivre les discussions, au niveau européen comme au niveau international.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

M. Frédéric Petit. Qui dit cohérence ne dit pas forcément conditionnalité. Nous avons évoqué les conseils locaux : il faudra bien qu’un rapport établisse le lien entre la politique du poste et ce que l’on y fait en maîtrise développement. C’est ainsi que nous pourrons éviter des situations où, comme au Mali, les opérateurs font ce qu’ils veulent.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE349 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Le rapport devra porter sur la cohérence entre la politique de développement solidaire et celle menée en matière environnementale et climatique.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AE302 de Mme Bérengère Poletti et AE457 de M. Dominique Potier. 

M. Alain David. La formulation du principe de cohérence des politiques de développement durable ne correspond pas aux recommandations de l’OCDE.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Sagesse.

La commission adopte l’amendement AE302.

En conséquence, l’amendement AE457 tombe.

La commission examine l’amendement AE576 de M. Jacques Maire. 

M. Jacques Maire. Je vous propose de revenir à un sujet que nous avons évoqué tout à l’heure, celui de la transparence, de la redevabilité et du contrôle.

Nous nous sommes intéressés aux décaissements au sein de la zone Sahel. Malgré nos demandes, l’AFD a refusé de nous donner des chiffres, mais voici ce que nous avons appris de la chaire Sahel – elle-même financée par l’AFD : le premier décaissement survient en moyenne un an après la signature du projet ; le délai moyen de décaissement est de cinq ans ; lorsque le projet s’achève, la proportion des fonds décaissés est en général de 60 %.

Les agences de l’AFD refusent de communiquer le montant des décaissements annuels. Ceux-ci n’augmentent pas, alors que les engagements sont en hausse ! L’idée de cet amendement n’est pas d’inciter les décaissements mais de comprendre quelles sont les dynamiques à l’œuvre, à quels ajustements il faut procéder. Nous proposons donc un suivi annuel des décaissements en dons et en prêts, par pays et par thématique.

Il s’agit d’un amendement à l’article 2, mais ce suivi aurait toute sa place dans le  DPT ou dans un autre document budgétaire. Je suggère au Gouvernement d’amender le texte en ce sens.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je vous propose d’identifier les manques et de faire un courrier au Gouvernement. La durée du délai de décaissement dépend moins de l’AFD que de la capacité d’absorption du partenaire. Cela pose la question de la coordination de l’aide au développement, de l’harmonisation de nos stratégies. Je suis défavorable à cet amendement car il porte sur l’article 2. Il faudrait plutôt détailler le DPT, désagréger les comptes par pays et par thématique. En améliorant ainsi les documents budgétaires, nous renforcerons la capacité des parlementaires à exercer le suivi et le contrôle de redevabilité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. C’est, somme toute, la suite de l’engagement que je viens de prendre. Je suis prêt à muscler le DPT en y faisant figurer ces données. Mon avis sera donc défavorable, mais positif car accompagné d’un engagement clair.

Mme Laurence Dumont. C’est une bonne chose que d’inscrire ce suivi dans le DPT, mais il faut que cela figure dans la loi. Cela fait une heure que nous nous plaignons de ne pas parvenir à distinguer entre dons, subventions, pays, thématiques. Nous demandons simplement que cela soit écrit noir sur blanc dans un rapport remis au Parlement. Il est presque indélicat de le refuser !

M. Jacques Maire. La loi de programmation nous offre, tous les vingt ans, l’occasion de transformer les intentions en réalité. C’est un levier unique, que nous devons actionner.

 Le grand problème de crédibilité de cette politique publique tient aux éléments de transparence et de redevabilité. Or les difficultés sont permanentes. Certes, elles ne proviennent pas exclusivement de l’AFD et peuvent tenir, comme l’a souligné le rapporteur, aux capacités d’absorption des partenaires. Pour autant, moins de 20 % des crédits de l’AFD sont tracés dans la comptabilité nationale des États partenaires. Ce n’est pas normal ! Ces problèmes de réconciliation budgétaire sont très vivement ressentis, y compris par nos homologues parlementaires.

Je ne mets pas en doute l’engagement du ministre. Cela ne me dérange pas que la disposition figure dans le DPT, mais elle doit aussi être inscrite dans ce texte. Je suis prêt à retirer l’amendement à cette seule condition.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je m’associe à la demande de Jacques Maire, car il soulève un problème fondamental, l’exécution des crédits. Comme la guerre, l’aide publique devrait être un art d’exécution !

M. Hervé Berville, rapporteur. La question de fond, c’est celle qui concerne les populations bénéficiaires de l’aide au développement : leurs conditions de vie se sont-elles améliorées ? La question que pose Jacques Maire, c’est celle de la traçabilité des crédits, à la fois en interne à l’AFD et dans les comptabilités nationales. J’ai travaillé ce sujet et je suis prêt à regarder les chiffres, mais je suis surpris d’entendre affirmer que 80 % des financements de l’AFD s’évaporent dans la nature !

M. Jacques Maire. Ils ne sont pas soumis au contrôle budgétaire local.

M. Hervé Berville, rapporteur. En matière de comptabilité, il faut savoir de quoi l’on parle et préciser que 50 % des financements de l’AFD ne vont pas aux États, c’est d’ailleurs ce qui fait la spécificité de la France comparée à d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni.

Oui, il faut améliorer la transparence. Depuis 2017, nous nous efforçons d’améliorer les documents budgétaires afin qu’ils soient à la hauteur des enjeux et de l’évolution des crédits. Je ne pense pas que cette disposition doive figurer dans la loi, d’autant qu’elle inclut les effacements de dette – des éléments bien plus accessibles que les délais de décaissement. Je trouve intéressante la proposition du Gouvernement de faire figurer ces données, que vous avez identifiées comme manquantes, dans le DPT ou dans le rapport prévu à cet article. Mais selon moi, cela ne relève pas de la loi.

M. Jacques Maire. Je défendrai en séance publique, en concertation avec le secrétaire d’État et le rapporteur, un amendement de même nature qui portera sur un autre endroit du texte.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’examen de l’amendement AE73 de M. Vincent Ledoux. 

M. Vincent Ledoux. Tous les territoires, et l’ensemble de leurs acteurs, participent à l’aide publique au développement. J’ai travaillé sur le sujet pour le Premier ministre Édouard Philippe durant six mois : j’ai eu un mal fou à évaluer la somme des énergies dépensées. Les versements directs des collectivités aux pays en développement atteignent chaque année 120 millions d’euros. Pour mieux la faire connaître et la valoriser, je demande que la contribution des acteurs territoriaux figure dans ce rapport.

Je profite de cette occasion pour soulever un problème. Les tarifs préférentiels dont bénéficiaient les petites associations humanitaires pour envoyer des colis de vivres ou de médicaments ont augmenté le 1er janvier 2021. J’ai interrogé Philippe Wahl, PDG du groupe La Poste, qui était auditionné par la commission des finances, sur ce changement de tarif. Il m’a indiqué que cela faisait partie des éléments actuellement discutés avec le Gouvernement. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous mettre un peu d’huile dans les rouages ? L’aide publique au développement, c’est d’abord par les territoires français qu’elle passe.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous sommes, pour beaucoup d’entre nous, des élus locaux et nous connaissons l’engagement des collectivités territoriales. Le rapport pourrait donner une vision globale des actions en faveur du développement, qu’il convient de mieux coordonner. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Vous connaissez mon attachement et celui de Jean-Yves Le Drian à l’action extérieure des collectivités territoriales : avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE162 de Mme Bérengère Poletti. 

M. Michel Herbillon. Il s’agit de réaffirmer l’objectif d’une aide publique au développement programmée sur cinq ans.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable puisque la présente programmation couvre la période allant de 2022 à 2025.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE414 de Mme Valérie Thomas. 

Mme Valérie Thomas. Je ne relancerai pas le débat avec cet amendement qui procède du même esprit que ceux de Jacques Maire et de Dominique Potier. Je vais le retirer, mais je pense que nous gagnerions à disposer d’un document annuel qui rassemblerait toutes ces données.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AE682 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous proposons d’inclure dans le rapport annuel la liste des pays où l’AFD opère. Les parlementaires pourront ainsi débattre des interventions susceptibles de poser question, ce qui est dans l’esprit de l’amendement de M. Fuchs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable.

M. Michel Herbillon. Pourra-t-on distinguer clairement les aides destinées aux PMA, aux pays prioritaires, disposer de détails sur la nature des interventions ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit simplement de lister les pays où l’AFD opère, certaines de ses interventions pouvant faire débat.

La commission adopte l’amendement.

C.   Réunion du mercredi 10 février, 21 heures

Article 2 (suite) : Rapport annuel du Gouvernement relatif à la politique de développement solidaire

La commission examine, en discussion commune, les amendements AE500 de M. Sylvain Waserman, AE514 de M. Hubert Julien-Laferrière, AE562 de Mme Aina Kuric et AE163 de Mme Bérengère Poletti.

M. Sylvain Waserman. L’amendement AE500 est le résultat de réunions de travail avec l’organisation non gouvernementale One, que j’ai rencontrée à nombreuses reprises tout au long de mon mandat, et dont les jeunes ambassadeurs sont particulièrement engagés. Il rejoint les préoccupations exprimées par beaucoup d’entre vous s’agissant du suivi des enveloppes budgétaires, dont il faut pouvoir vérifier qu’elles sont bien réparties en fonction des priorités sectorielles ou thématiques qui ont été définies.

Mais il faut aussi pouvoir s’assurer que l’allocation budgétaire évolue de manière à se rapprocher de l’axe stratégique choisi pour l’aide publique. Ainsi, l’association One souligne qu’actuellement, moins de 20 % des ressources sont allouées aux dix-neuf pays prioritaires. Il est donc important de disposer, dans ce rapport, d’une analyse exhaustive de ces crédits et de leur évolution.

M. Hubert Julien-Laferrière. Les points listés pour figurer dans le rapport annuel du Gouvernement relèvent plutôt de l’aide multilatérale, notamment de la transparence qui doit l’accompagner. Or il serait également important qu’y soit analysée notre aide bilatérale : quels sont les choix de la France en la matière ? Quelles sont les parts respectives des prêts et des dons ? Quelle proportion va aux secteurs prioritaires définis par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) en 2018 ? Quelle part est attribuée aux pays prioritaires ?

Ce rapport est une bonne idée pour une bonne information du Parlement, mais je ne vois pas pourquoi on en exclurait l’aide binationale. Tel est le sens de l’amendement AE514.

Mme Aina Kuric. Comme mes collègues, je salue l’idée de ce rapport tout en souhaitant y trouver la répartition des financements entre secteurs et pays prioritaires de la politique de développement française, l’équilibre entre les prêts et les dons, en incluant les canaux européens et bilatéraux. C’est ce que tend à préciser l’amendement AE562.

M. Michel Herbillon. Par l’amendement AE163, nous demandons que le rapport gouvernemental fasse état des aides budgétaires ainsi que des effacements de dette parmi les choix opérés par la France dans l’allocation de ses contributions aux fonds multilatéraux, de sorte que les choix du Gouvernement soient parfaitement transparents et lisibles.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements, avec une préférence pour la rédaction de l’AE500, présenté par M. Waserman.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État chargé de l’Europe et des affaires étrangères. Dans une logique de transparence, nous souhaitons progresser dans l’information délivrée. Nous nous y attelons déjà dans le document de politique transversale (DPT), mais pouvons également l’inclure dans ce rapport, qui sera transmis le 15 juin, et non le 15 septembre. Avis favorable.

M. Michel Herbillon. Sauf à ce que je le lise mal, l’amendement de M. Waserman ne couvre pas le nôtre. S’il est adopté, les informations dont nous souhaiterions disposer ne figureront pas dans le rapport. Pourtant, elles sont importantes. Ainsi, ce matin, le ministre a évoqué l’effacement de la dette soudanaise, une information capitale pour la représentation nationale.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est la règle de la discussion commune…

M. Bruno Fuchs. Si je peux me permettre une proposition, l’amendement de Mme Poletti reprend, de façon dégradée, des dispositions prévues par l’amendement précédemment examiné de Jacques Maire – contre lequel, paradoxalement, vous avez voté, monsieur Herbillon – et dont il va proposer une nouvelle rédaction pour la séance publique. Peut-être pourrions-nous trouver une rédaction commune ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie pour cette proposition. Qu’en pense M. Maire ?

M. Jacques Maire. M. Fuchs a raison.

M. Michel Herbillon. Je suis extrêmement sensible à l’attention particulière que mon collègue Bruno Fuchs porte sur mes votes ! Je suis le seul de mon groupe…

Je veux bien me rallier à cette rédaction à venir, mais permettez-moi d’émettre un doute. Cette coproduction législative que M. Lemoyne appelle de ses vœux, comme il l’appelait dans une vie passée, est invoquée sur bien des dispositifs. J’ai du mal à croire qu’il en sortirait, miraculeusement et dans des délais extrêmement brefs, des rédactions qui recueilleront l’assentiment de notre assemblée. Je veux bien en accepter l’augure, mais j’ai quand même quelques inquiétudes : je ne voudrais pas que cela devienne une sorte de commodité pour refuser l’examen de nos amendements comme il convient de le faire en commission.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le rapporteur est jeune, brillant et vaillant. Il mènera cette tâche avec résolution !

La commission adopte l’amendement AE500.

En conséquence, les amendements AE514, AE562 et AE163 tombent.

La commission examine l’amendement AE456 de M. Dominique Potier.

M. Alain David. Il tend à obtenir, dans le rapport, des informations claires sur la répartition entre prêts et dons, tant pour l’aide multilatérale que bilatérale, avec une ventilation par secteurs et par pays prioritaires. Ces informations permettraient de se faire une idée plus exacte de la répartition de l’aide publique au développement (APD) et de mesurer l’adéquation de notre aide avec les priorités.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’amendement est satisfait par celui de M. Waserman, que nous venons d’adopter. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le texte initial du Gouvernement, complété par l’amendement qui vient d’être adopté, satisfait votre demande.

Mme Laurence Dumont. Je peux comprendre que vous soyez contre l’amendement, mais vous ne pouvez pas dire qu’il est satisfait par celui de M. Waserman. C’est faux ! Nous demandons à disposer de la répartition entre prêts et dons, d’une répartition en valeur absolue et en volume, etc. Tout cela n’y figure absolument pas, je tenais à le préciser pour la clarté des débats.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE150 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je ne pense pas que celui-ci soit satisfait par l’amendement AE500…

Si l’article 2 nous ouvre la formidable opportunité de demander au Gouvernement un rapport annuel sur l’aide publique au développement, les quatre thèmes qu’il est proposé d’y traiter sont insuffisants. Ils méritent d’être largement enrichis pour que ce rapport soit utile à tous : société civile, organisations non gouvernementales (ONG), parlementaires, associations, collectivités locales, etc.

Nous souhaitons donc que le rapport fasse également état du respect par la France des résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU). En sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, notre pays se doit d’être au premier rang des nations respectueuses du droit international.

Il devrait également nous fournir des éléments sur la présence de la France dans les grandes négociations internationales sur le droit humanitaire, comme l’interdiction des armes nucléaires ou la limitation des armes explosives en zones peuplées. Un point devrait aider à comprendre la position française en toute circonstance, et permettre au Parlement de remobiliser l’exécutif en cas d’engagement jugé trop faible.

Les parlementaires doivent également pouvoir trouver dans ce rapport des indications sur la cohérence de notre diplomatie économique avec l’aide publique au développement, afin de débattre de ce sujet central pour la France et les pays en développement.

Enfin, dans le prolongement du point précédent, nous souhaiterions une synthèse sur la compatibilité entre les accords de libre-échange et l’aide publique au développement.

Grâce à ces développements, le rapport sera plus précis et permettra au Gouvernement et au Parlement de travailler ensemble à l’amélioration de la position de la France dans le monde.

M. Hervé Berville, rapporteur. Demander au Gouvernement de connaître toutes les positions de la France au Conseil de sécurité des Nations unies et d’en débattre au Parlement est une idée intéressante, mais assez éloignée de notre sujet. Les résolutions des Nations unies, dans leur grande majorité, ne concernent pas l’aide publique au développement.

S’agissant de la diplomatie économique, votre demande est satisfaite à l’alinéa 3 de l’article qui vise la cohérence entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE166 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit d’un amendement de repli, car je souhaite discuter de chacune de mes propositions.

S’agissant de la première, relative au respect par la France des résolutions de l’ONU, j’entends les explications du rapporteur, mais il est fondamental que la politique internationale de la France soit cohérente avec son aide publique au développement. Il n’est pas possible de valoriser le droit international humanitaire tout en s’opposant à son application au Sahara occidental occupé. Il n’est pas non plus envisageable de laisser Israël bafouer le droit international, jour après jour, sans proposer de sanctions. Il est tout aussi anormal que, depuis cinquante ans, la France ne respecte pas l’objectif de dépenser 0,7 % de son revenu national brut en aide publique au développement.

Dédier une partie du rapport au respect des engagements français sur la scène internationale serait bienvenu pour enrichir notre connaissance des positions françaises. Le rapporteur semble d’accord et il est important de rappeler au Gouvernement ses obligations. C’est aussi le rôle du Parlement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE167 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans la continuité, il s’agit d’enrichir le rapport du Gouvernement pour favoriser une meilleure transparence sur l’aide publique au développement et fournir au Parlement des éléments de contrôle et d’amélioration de l’action de l’exécutif au regard des engagements de la France et de sa présence dans les grandes négociations internationales.

Il serait intéressant de connaître les intentions de l’exécutif s’agissant des négociations de limitation des armes explosives en zones peuplées, dites processus EWIPA, mais aussi sur le traité d’interdiction des armes nucléaires, ou encore les négociations sur la dérogation temporaire à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette dérogation donne lieu à un véritable scandale : officiellement, la France tente de faire en sorte que les pays les plus pauvres disposent de vaccins contre la covid-19, alors qu’à l’OMC, l’Union européenne, qui représente aussi la France, s’oppose formellement à cette dérogation temporaire qui permettrait pourtant de créer des vaccins génériques en très grand nombre, et donc moins coûteux.

De telles informations dans le rapport permettraient de demander des comptes au Gouvernement et de chercher comment sortir de l’impasse. C’est aussi le rôle des parlementaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE176 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit de consacrer une partie du rapport à l’évaluation de la cohérence entre les aides à l’export, plus précisément les assurances crédit et prospection de Bpifrance, et les objectifs de développement durable (ODD) promus dans le projet de loi.

Régulièrement, des médias relèvent que des entreprises françaises vont exploiter des gisements de charbon, de gaz ou de pétrole en étant aidées par les contribuables français, au travers des assurances de Bpifrance. D’un côté, nous aidons des entreprises à polluer, et, de l’autre côté, nous dépensons de l’argent pour limiter les dégâts parmi les populations ou dans les pays touchés par ces industries. Cela est tout à fait préjudiciable à la cohérence de notre politique de développement. Je renvoie au projet gazier de Total au Mozambique que j’ai évoqué dans la discussion générale : plusieurs entreprises françaises qui travaillent au lancement de ces explorations gazières ont été assistées par Bpifrance.

Voilà pourquoi le rapport devrait fournir les éléments permettant de contrôler que les mesures de soutien à l’export ne vont pas à l’encontre de nos engagements écologiques et sociaux dans les pays en développement. C’est le rôle du Parlement de s’en assurer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

M. Jacques Maire. M. Lecoq pose des questions intéressantes, même si elles n’ont pas leur place dans ce projet de loi. L’aide publique au développement et les actions de soutien à l’export sont des sujets diamétralement opposés, du fait de leur mise en œuvre par des opérateurs différents. Ainsi, Business France n’est pas un outil de financement, mais de prospection commerciale. En revanche, la commission devrait s’intéresser à la prise en compte des enjeux de durabilité dans les financements de Bpifrance. Cela pourrait faire l’objet d’une audition intéressante.

La commission examine l’amendement AE178 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je n’ai pas parlé de Business France, seulement de Bpifrance, mais je suis preneur de votre proposition, monsieur Maire. Vous êtes la majorité, c’est vous qui avez la puissance de feu pour déterminer l’ordre du jour de notre commission – je n’ai pas encore obtenu celles que je demande depuis trois ans et demi, je ne vais pas en demander d’autres.

S’il est un type d’accord totalement incompatible avec une mondialisation plus juste humainement et écologiquement, ce sont bien les accords de libre-échange. Il y a quelques jours, nous avons appris que la France jouait avec le MERCOSUR sur deux tableaux : le rejet ferme – nous l’avons tous entendu – et une tentative de négociations secrète. Rien n’est plus inquiétant.

Droits de douane supprimés, tribunaux d’arbitrage privés qui n’hésitent pas à attaquer des États qui auraient osé limiter leurs bénéfices ou risquer leurs investissements, produits échangés à travers la planète pour le seul bonheur des multinationales et au détriment du commerce local et respectueux de la Terre, ces accords de libre-échange sont parfaitement à l’opposé des objectifs de développement durable et des principes mis en œuvre dans les pays bénéficiaires de l’aide au développement. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé des amendements sur l’éthique ou sur le commerce équitable.

Ces accords bafouent systématiquement les droits humains, sociaux, économiques, environnementaux ; ils mettent les peuples en concurrence les uns avec les autres et menacent les petites entreprises des secteurs économiques les plus fragiles. C’est souvent le cas dans les pays que nous aidons.

Vestiges d’un monde révolu, dans lequel boire du lait de vache néozélandaise moins cher que du lait de vache française ne choquait pas, ces accords de libre-échange doivent être intégrés dans le rapport, afin que l’exécutif nous explique quels outils mettre en place pour les limiter. Les députés communistes sont, évidemment, pour leur suppression et pour une mondialisation plus juste au profit des peuples, et non des multinationales. En attendant, il importe de demander des comptes au Gouvernement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce débat passionnant sur le modèle économique, du libre-échange ou du communisme, le plus apte à faire sortir un pays de la pauvreté. En attendant, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’article 2, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, prévoit déjà que le rapport se penche sur la cohérence entre « les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques ». Ces dernières sont énumérées et la politique commerciale en fait partie. L’amendement me semble donc satisfait.

Il y a un lien avéré entre commerce et développement et il y en a aussi un à établir entre commerce et ODD. Avec mon homologue néerlandaise de l’époque, Mme Sigrid Kaag, nous avons proposé des contributions pour faire en sorte que le respect de l’accord de Paris devienne une clause essentielle des accords commerciaux. Il y aura, dans les prochains jours, une contribution de l’Union européenne sur la révision de la stratégie de politique commerciale. Sur cette question, la France est à l’initiative pour que les politiques commerciales convergent toujours plus vers les ODD.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous invite à ne pas entamer un débat sur un problème économique fondamental qui se pose depuis Colbert et Montesquieu. Nous ne le réglerons pas ce soir.

M. Jacques Maire. Même si nous ne sommes pas forcément d’accord sur les réponses à y apporter, Jean-Paul Lecoq a le mérite de poser les questions. Je pense que ce débat trouvera à se poser lorsque nous examinerons l’alinéa 29 du cadre de partenariat global (CPG), qui précise qu’« une cohérence est recherchée entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des politiques publiques nationales, en vue de la réalisation par la France des ODD et de l’Accord de Paris ». Le CPG comporte même une partie relative à la coopération dans le domaine du commerce.

M. Jean-Paul Lecoq. Au cours de la dernière campagne électorale, chaque fois que mon adversaire n’avait pas d’argument, il disait : « communisme ». Si le rapporteur doit faire de même dans cette discussion, je préfère entendre les arguments de Jacques Maire ! À aucun moment je n’ai promu une société communiste. Je ne voudrais pas qu’on tombe dans l’anticommunisme primaire à chaque fois qu’on ne sait pas quoi répondre à nos propositions, alors que nous essayons de prendre toute notre part à ce travail de coconstruction.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE16 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Dans le cadre de leurs travaux de contrôle et d’évaluation, il paraît indispensable que les commissions parlementaires puissent procéder à une revue annuelle des travaux de la commission indépendante d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Les mêmes commissions doivent, en outre, pouvoir exercer un droit de tirage en sollicitant de la commission indépendante les évaluations utiles à leur mandat.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis favorable à ce que le Parlement exerce un contrôle sur l’activité de cette commission, mais je vous propose de revenir sur cette question lorsque nous examinerons l’article 9, qui lui est spécifiquement consacré. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE164 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il s’agit, une fois encore, d’améliorer la lisibilité et la transparence de l’aide au développement en demandant qu’un point soit fait sur le pourcentage de l’aide publique au développement alloué aux pays les moins avancés, notamment pour les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, d’éducation et de santé, ainsi que de l’équilibre entre le multilatéral et le bilatéral.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement vise des objectifs très variés et il est en partie satisfait par des amendements que nous avons déjà adoptés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE291 de M. M’jid El Guerrab.

Mme Aina Kuric. Nous proposons de mettre en lumière la montée en puissance de l’aide publique au développement, afin que nos concitoyens et ceux de nos partenaires qui en bénéficient comprennent concrètement en quoi consiste l’action de la France. Il s’agit de promouvoir et de faire connaître notre action, grâce à une meilleure stratégie de communication.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous avions abordé ce sujet, cher à Bérengère Poletti, à l’occasion d’un déplacement à Madagascar, dans le cadre d’une mission de contrôle associant des députés et des sénateurs. Nous étions tous soucieux d’intégrer cet aspect dans la loi. Je suis donc très favorable à cet amendement, qui est le fruit d’une coproduction avec le Sénat.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable. Cette question se pose pour l’APD française, mais aussi pour l’APD européenne. L’« équipe Europe » est le premier bailleur dans plusieurs espaces géographiques, notamment sur le continent africain, mais elle est parfois moins visible que d’autres bailleurs, qui s’engagent beaucoup moins mais qui sont très forts en communication. Il est donc tout à fait crucial de se pencher sur cette question.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE350 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’écrasante majorité de l’aide au développement passe par l’Union européenne, mais aussi par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou les banques africaine, asiatique et interaméricaine de développement. Il conviendrait que le rapport gouvernemental éclaire la position promue par la France dans ces instances. Sur la question de l’effacement des dettes, par exemple, la Banque mondiale a, pour des raisons juridiques, une position qui n’est pas la même que la nôtre. Il faut que le Parlement en soit informé, pour appréhender jusqu’où aller dans ce type de politique sans que l’une et l’autre position entrent en opposition.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AE415 de Mme Valérie Thomas est retiré.

La commission examine l’amendement AE618 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Nous proposons que le rapport remis par le Gouvernement présente la liste des pays prioritaires pour l’aide publique au développement et les critères sur lesquels elle a été constituée. Il s’agit de dépenses publiques et les députés de la République française doivent pouvoir en rendre compte aux Français – surtout avec la crise économique et sociale qui risque de succéder à la crise sanitaire.

Avec l’Afrique, nous sommes dans une logique partenariale : nos destins sont inextricablement liés, et nous formons une communauté de destin. Les députés qui travaillent sur l’Afrique savent combien il faut faire œuvre pédagogique, expliquer que nous faisons certes pour l’Afrique, mais surtout avec elle, et que ce projet de loi, nous le faisons aussi pour la France et l’Europe. Sur le terrain, on me dit que j’agis pour l’Afrique, que je trahis la France et que je ne suis pas une députée de la République française – moi qui suis née en Normandie ! Voilà pourquoi il est important que nous ayons, chaque année, un débat sur l’aide publique au développement. La dernière loi sur le sujet remonte à 2014 ; nous ne pouvons pas nous contenter d’une loi tous les cinq ans. Il faut que les Français comprennent que l’aide publique au développement ne sert pas qu’à l’Afrique. Nous ne sommes pas dans une logique paternaliste et il ne s’agit pas de faire la charité. Nous le faisons aussi pour nous-mêmes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je sais votre implication sur la question de l’aide au développement et sur les diasporas. Quand on connaît la compétence et l’expertise de celles-ci, et l’ampleur des flux financiers qu’elles mobilisent, on comprend qu’il s’agit d’un enjeu majeur. C’est d’ailleurs l’un des premiers sujets sur lesquels on est interrogé lorsqu’on va dans ces pays.

Je suis favorable à votre amendement qui fait le lien avec des discussions précédentes.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

Mme Valérie Thomas. Cet amendement est extrêmement intéressant en ce qu’il offre un outil d’appropriation de l’aide publique au développement. Un débat chaque année sera un gage de transparence et nous permettra de mieux expliquer aux Français les enjeux de cette politique.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE619 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Nous proposons que le rapport remis par le Gouvernement rende compte des progrès réalisés, en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption, par les pays qui bénéficient de l’aide publique au développement. Sur place, les populations civiles savent que la France participe au développement de leur pays, mais elles connaissent aussi les dérives et nous demandent souvent où va l’argent. C’est la même chose pour les Français. Face à la crise économique et sociale qui nous attend, il faut, plus que jamais, faire la transparence sur l’utilisation de l’argent public qui, contrairement aux fonds des diasporas, n’est pas une source pérenne. Nous devons rendre des comptes à nos concitoyens, leur expliquer que l’argent va aller au plus près du terrain et financer des projets relevant de la santé, de l’éducation, du numérique, de l’environnement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Le rapport comprendra déjà des éléments relatifs à la gouvernance et à l’État de droit. Par ailleurs, je suis mal à l’aise avec l’idée que le Parlement français débatte des progrès réalisés par des pays en développement en matière de gouvernance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable également. La dimension de la gouvernance est bel et bien présente dans le CPG, et le rapport en rendra compte. Nous ne mettons pas la poussière sous le tapis : cela fait déjà partie des sujets qui seront abordés.

M. Frédéric Petit. L’amélioration de la comptabilité croisée, y compris dans les pays d’origine, proposée par l’amendement de Jacques Maire, permettrait aussi, de facto, de lutter contre la corruption. On peut atteindre les mêmes objectifs si l’on prête attention aux chiffres et si on les croise.

M. Pierre-Henri Dumont. Je ne vois pas en quoi il serait grossier, de la part des parlementaires français, d’évoquer les modes de fonctionnement des pays que nous aidons au travers de notre aide publique au développement, surtout s’il s’agit de lutter contre la corruption. Nous parlons d’argent public : c’est l’argent des Français, le fruit de leur travail, du travail de nos entreprises. Je ne vois pas où est la grossièreté à évoquer ces questions, que ce soit en séance publique ou en commission. Notre rôle est aussi de contrôler la manière dont est utilisé l’argent public.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AE307 de Mme Bérengère Poletti est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE544 de Mme Frédérique Dumas.

M. Hervé Berville, rapporteur. On ne peut pas enjoindre au Parlement de débattre d’un sujet donné. Cela relève du règlement de l’Assemblée nationale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE351 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Laurence Dumont. Je ne suis pas convaincue du caractère simplement rédactionnel de cet amendement. Le rapporteur propose tout de même de supprimer la mention d’un débat « en séance publique ». Dès lors, où se déroulerait-il : en commission ? Aurait-il seulement même lieu puisqu’il n’est déjà qu’une possibilité ? Gardons, au moins, la mention de la séance publique !

M. Hervé Berville, rapporteur. L’argument est du même esprit que précédemment : la loi ne peut pas contraindre le Parlement à faire quelque chose.

M. Dominique Potier. Monsieur le président, vous qui goûtez les choses de l’esprit, ne trouvez-vous pas surprenant que la loi donne une faculté au Parlement ? Il est aussi étrange de lui donner une faculté que de le contraindre.

M. Michel Herbillon. Il faut que ce débat ait lieu en séance publique et j’ajoute qu’il faut remplacer le mot « peut » par « doit ».

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il est vrai qu’en supprimant les termes « en séance publique », vous présentez davantage qu’un amendement rédactionnel, monsieur le rapporteur : c’est un amendement de fond.

M. Hervé Berville, rapporteur. En tant que parlementaire, et en tant que rapporteur, j’estimais que ce projet de loi n’avait pas vocation à contraindre le Parlement et à lui imposer la tenue d’un débat. Mais si le législateur estime, dans sa grande sagesse, que le Gouvernement peut obliger le Parlement à débattre, je suis prêt à me ranger à sa décision.

L’amendement AE351 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AE10 de M. Bertrand Pancher, AE290 de M. M’jid El Guerrab et AE561 de Mme Aina Kuric, ainsi que les amendements AE214 de Mme Bérengère Poletti, AE515 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE281 de M. Jean-Paul Lecoq.

Mme Aina Kuric. Nous souhaitons conférer un caractère contraignant à la tenue de ce débat ; c’est pourquoi nos amendements identiques tendent à remplacer le mot « peut » par « doit ». Ce débat doit avoir lieu en séance publique.

M. Michel Herbillon. L’amendement AE214 a été signé par tous les députés du groupe Les Républicains siégeant dans cette commission.

Tout d’abord, je ne comprends pas pourquoi, dans cet alinéa, l’Assemblée nationale et le Sénat sont mis au même niveau que le Conseil national du développement et de la solidarité internationale ou que la Commission nationale pour la coopération décentralisée.

Ensuite, c’est nous qui votons la loi. Je ne vois pas en quoi le fait de préciser qu’il doit y avoir un débat public introduit une contrainte. Quant aux pudeurs de violette qu’affecterait, sous la Ve République, l’exécutif vis-à-vis des contraintes qu’il imposerait au Parlement, comme disait ma grand-mère, il vaut mieux entendre cela que d’être sourd ! Parmi la longue liste des contraintes que l’on pourrait citer, je rappelle que nous sommes l’une des rares assemblées parlementaires au monde qui n’a pas le droit de fixer son ordre du jour. Il y a des pudeurs de gazelle qui m’étonnent de la part du Gouvernement.

Il me paraît utile d’écrire dans la loi que le Gouvernement doit présenter un rapport qui fera l’objet d’un débat public à l’Assemblée nationale. Nous aurons toujours la faculté de ne pas siéger ou de ne pas débattre si cette obligation nous paraît trop lourde.

M. Hubert Julien-Laferrière. L’amendement AE515 tend à remplacer le terme « peut » par « doit », et à préciser les conditions dans lesquelles soit s’organiser le débat au Parlement sur l’aide publique au développement.

M. Jean-Paul Lecoq. En effet, il faut remplacer « peut » par « doit » car il faut que le Gouvernement se sente contraint. Surtout, cette proposition émane des députés ! Vous dites que le Gouvernement ne peut pas imposer quoi que ce soit au Parlement mais, en l’espèce, ce sont les parlementaires qui voudraient s’imposer à eux-mêmes ce débat et, par là même, contraindre l’exécutif à leur remettre, en temps et en heure, un rapport qui contienne tous les éléments nécessaires au débat. Nous souhaitons qu’un tel débat se tienne régulièrement. Je crois bien, du reste, qu’il ne serait pas le seul à s’imposer à l’Assemblée nationale. Une procédure équivalente n’est-elle pas prévue pour les sujets européens ? Je me pose la question. En tout cas, cet amendement permettrait enfin à notre commission de réaliser un vieux rêve : celui de placer le sujet de l’aide publique au développement au même niveau que les grands enjeux internationaux.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends bien que certains d’entre nous aient envie d’aller plus loin en contraignant le Parlement, mais la Constitution ne nous permet pas toujours de faire ce que l’on veut. En particulier, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne saurait imposer la tenue d’un débat à l’Assemblée nationale et encore moins au Sénat. Il appartient à chaque chambre d’organiser ses travaux. Nous n’allons pas décider, ici, pour le Sénat, sans même l’avoir consulté ! Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je ne donnerai pas la position du Gouvernement, car le Parlement est le mieux placé pour choisir son mode d’organisation. Je dirai simplement à M. Lecoq que, loin de nous sentir contraints, nous serons heureux de venir, si le Parlement nous y invite. Les débats en séance publique dédiés aux sujets internationaux n’encombrent pas l’ordre du jour et nous ne verrons aucun inconvénient à y participer. D’ailleurs, en 2017, j’avais convenu avec Marielle de Sarnez qu’avant chaque réunion des ministres du commerce de l’Union européenne, je présenterais à la commission des affaires étrangères les positions de la France et le calendrier prévu. J’ai moi-même plaidé pour vous rendre des comptes régulièrement. Il ne fait aucun doute que le Gouvernement pourra débattre de ces sujets avec vous.

M. Bruno Fuchs. L’expression « peut avoir lieu » est assez vaine et relève de la déclaration d’intention, car tous les débats peuvent avoir lieu à l’Assemblée nationale ou au Sénat : il suffit de les organiser. Ces amendements visent à clarifier la situation en imposant la tenue d’un débat ; de ce point de vue, nous ne pouvons qu’y être favorables. En revanche, la nature des enjeux et le rythme auquel les projets sont menés plaident en faveur d’un débat tous les deux ans plutôt que chaque année.

M. Michel Herbillon. Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les parlementaires qui fabriquent la loi. Je ne vois donc pas pourquoi le souhait d’organiser un débat une fois par an ou une fois tous les deux ans poserait problème. Le ministre nous indique qu’il laisse le Parlement libre de voter dans un sens ou un autre mais qu’il sera, en tout état de cause, heureux de venir en débattre avec nous. Je ne comprends donc pas la position de notre rapporteur. En quoi le fait de prévoir dans la loi l’organisation d’un débat sur l’aide publique au développement serait-il contraire à la Constitution ?

La commission adopte les amendements identiques AE10, AE290 et AE561.

En conséquence, les amendements AE214, AE515 et AE281 tombent.

La commission examine l’amendement AE577 de M. Jacques Maire. 

M. Jacques Maire. D’aucuns pensent qu’il serait excessif d’organiser un débat chaque année. Il faut savoir qu’au sein de certains Parlements dont les actions en faveur de l’aide publique au développement sont comparables aux nôtres, il existe des commissions, voire des sous-commissions, dédiées à la coopération au développement, qui se réunissent au moins une fois par mois. La Constitution de certains grands États bailleurs prévoit même un vote au Parlement pour les projets qui dépassent un certain seuil. Ceux qui pensent faire preuve d’audace en demandant un rapport chaque année ne sont vraiment pas des révolutionnaires !

Je crains, par ailleurs, que la simple présentation d’un rapport du Gouvernement au Parlement ne s’apparente à une sorte d’exposé commenté, face à des parlementaires qui découvrent le texte au moment même où le ministre le présente. Si l’on veut associer les parlementaires à cette politique pour qu’ils se l’approprient, la défendent et la vendent, il est indispensable que les commissions concernées rendent un rapport susceptible de nourrir et d’éclairer le débat en hémicycle. C’est l’objet de cet amendement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi sous peine de subir la censure du Conseil constitutionnel. L’exemple de la résolution européenne cité par Jean-Paul Lecoq est prévu par la Constitution, ce qui prouve bien qu’aucune contrainte ne peut être imposée au Parlement en dehors du cadre prévu par la loi fondamentale.

Je suis également défavorable à l’amendement de Jacques Maire, car il va encore plus loin en proposant d’inscrire dans la loi l’obligation pour certaines commissions de rédiger un rapport annuel et d’organiser un débat, ce qui limiterait encore davantage leur liberté de s’organiser comme elles l’entendent. Du reste, le Conseil constitutionnel a régulièrement censuré ce type de disposition qui ne relève pas de la compétence des parlementaires.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je plaide coupable, car j’aurais dû déclarer cet amendement irrecevable. Autant il est normal que nous demandions au Gouvernement de remettre un rapport à l’Assemblée nationale, autant il serait étrange que la loi impose à une commission permanente une charge de travail supplémentaire. Nous outrepasserions sérieusement nos prérogatives. Je comprends bien les intentions de M. Maire mais la mesure qu’il propose pourrait être contraire à la Constitution et surtout, nous poser un problème de conscience : nous appartient-il de créer une obligation à la charge d’une commission permanente, fût-elle la nôtre ?

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La commission examine, en discussion commune, les amendements AE305 de Mme Bérengère Poletti, AE455 de M. Dominique Potier, AE11 de M. Bertrand Pancher et AE594 de Mme Mireille Clapot.

M. Dominique Potier. L’amendement AE455 traduit une proposition des ONG. Il est mentionné, dans le cadre de partenariat global, que la France s’engage, avec ses partenaires internationaux, à ce que les investissements privés soient compatibles avec les objectifs de développement durable ainsi qu’au respect du devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants.

Pour ma part, il n’y a pas forcément de symétrie. On ne peut pas obliger un organisme public de la même manière qu’une multinationale mais, pour autant, il est important que le devoir de vigilance infuse dans les organismes publics et privés qui exercent une influence à l’étranger. Ils ont déjà la responsabilité de signaler toute atteinte aux droits humains, tout crime ou délit d’écocide. En gros, nous voulons transformer une obligation morale en obligation légale. Ils deviendraient une sorte de sentinelle, garante publique du respect du devoir de vigilance pour les entreprises privées, véritable petite révolution logistique.

M. Bertrand Pancher. Par l’amendement AE11, nous proposons également que le devoir de vigilance s’impose à tous les acteurs, publics ou privés, qui œuvrent dans le domaine de l’aide au développement. Il est impensable que l’État, ses administrations et ses opérateurs ne respectent pas la loi de 2017 sur le devoir de vigilance, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Lemoyne, lors de la session extraordinaire du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) du 18 février 2020. Nous vous proposons, par conséquent, de dédier un article à l’obligation de vigilance des acteurs publics français.

Mme Mireille Clapot. Nous regrettons que le principe du devoir de vigilance ne figure que dans le cadre de partenariat global, aussi proposons-nous d’insérer, par l’amendement AE594, un nouvel article dans le projet de loi pour que, dans le cadre de la mise en œuvre des actions de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, un acteur public signale à la justice toute atteinte grave envers les droits humains et les libertés fondamentales ou toute mise en danger de la santé et de la sécurité des personnes ou de l’environnement, dont il pourrait être témoin.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements reprennent en effet une proposition des ONG, en particulier de CCFD-Terre solidaire. Le sujet est important et nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre. Je salue d’ailleurs l’important travail que Dominique Potier a réalisé, notamment au niveau européen. Je rendrai un avis défavorable, non pas que je sois opposé au devoir de vigilance, mais parce que celui-ci figure déjà dans le cadre de partenariat global et a donné lieu à de nombreuses discussions. L’enjeu, à présent, est de faire appliquer la loi. Je crois que vous y tenez autant que moi, si l’on en croit les nombreuses demandes de rapport sur le suivi de la loi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le devoir de vigilance est clairement inscrit dans le cadre de partenariat global, tout comme la notion de responsabilité sociétale. Il est bien évidemment indispensable que les acteurs publics s’assurent du respect de ce devoir mais, à mon avis, ce sujet relève davantage de la mise en œuvre de cette mesure que du domaine législatif. L’intention est clairement exprimée dans le cadre de partenariat global et l’on n’image pas les acteurs publics se dégager d’une telle obligation. Avis défavorable.

Mme Mireille Clapot. Compte tenu des explications, je retire mon amendement mais la rédaction de l’alinéa 141 du cadre de partenariat global devrait être plus précise.

M. Dominique Potier. Le sujet est énorme. Cette réforme est une petite révolution. Six pays européens nous suivent. La commission juridique du Parlement européen a validé un projet d’initiative sur le devoir de vigilance, qui s’inspire de la loi française. C’est une première étape dans la construction d’une directive européenne, sous la présidence française ou portugaise. Dès lors, il semble impossible d’y consacrer si peu de lignes dans le cadre de partenariat global alors que nous devrions porter avec fierté cette innovation nationale au niveau européen. Par ailleurs, il est impensable que l’appareil de développement, au sens d’appareil public-privé tel que le déploie la France à l’étranger, ne remplisse pas un rôle de vigie en transmettant des informations qui permettent aux juges de faire leur travail. Ce serait une manière de prévenir les atteintes aux droits de l’homme ou à l’environnement. Nos amendements n’étaient peut-être pas pertinents mais il faudrait trouver la bonne articulation. Je vous propose qu’avec Mireille Clapot et Jean-Paul Lecoq, nous essayions de trouver une rédaction adaptée, au-delà du cadre de partenariat global.

Enfin, il est extraordinaire que nous n’ayons pas été fichus, depuis 2017, d’évaluer la loi relative au devoir de vigilance, alors qu’elle est au cœur d’un débat intellectuel et politique majeur ! Il ne se passe pas une semaine sans que des universitaires, des syndicalistes, des patrons du monde entier ne me demandent des informations, mais le Parlement n’a pas été capable d’affecter pendant trois mois deux administrateurs à ce travail d’évaluation. Encore hier, j’ai participé à une mission d’information où l’on a abordé le sujet de l’esclavage moderne. On tâtonne, à partir de sentiments, d’informations glanées ici ou là. Le Gouvernement, pas plus que le Parlement, n’a fait le nécessaire.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour porter ce message.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis sensible à cette question de l’évaluation, qui est très importante, en particulier pour cette loi relative au devoir de vigilance, dans un contexte où la violence générée par une mondialisation sauvage est de plus en plus dénoncée. Le Parlement et le Gouvernement s’honoreraient à se saisir du sujet. Je suis d’accord pour approfondir la réflexion d’ici à la séance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je partage les préoccupations de Mme Clapot et de M. Potier.

L’amendement AE594 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AE305, AE455 et AE11.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE334 de Mme Anne Genetet.

TITRE II
DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE
LES INÉGALITÉS MONDIALES

Article 3 (article unique de la loi n° 2015‑411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques ; articles L. 2311‑1‑1, L. 2573‑38, L. 3311‑2, L. 3661‑2, L. 4310‑1, L. 4425‑2, L. 5217‑10‑2, L. 71‑110‑2 et L. 72‑100‑2 du code général des collectivités territoriales) : Prise en compte des Objectifs de développement durable inscrits dans le l’Agenda 2030 adopté par les Nations Unies

La commission examine l’amendement AE661 de Mme Marion Lenne. 

Mme Marion Lenne. La pandémie qui frappe le monde et la fermeture des frontières qui en découle mettent en exergue la nécessité pour tous les pays d’accéder à la souveraineté alimentaire. Bien que les objectifs de développement durable soient traités dans le cadre de partenariat global, en particulier l’objectif de développement durable 2, Faim zéro, la sécurité alimentaire est un préalable nécessaire à la souveraineté alimentaire. Toutes deux sont complémentaires : la sécurité alimentaire concerne la quantité d’aliments disponibles alors que la souveraineté alimentaire intègre conditions sociales et environnementales de la production d’aliments. C’est bien de cela qu’il est question puisqu’à travers la souveraineté alimentaire, nous voulons installer une agriculture familiale, modernisée et durable, accompagnée d’un renforcement de la production et d’une évolution des systèmes agraires. Cette définition est largement acceptée dans la communauté internationale. Pourquoi, dès lors, se contenter de moins alors que l’on peut faire mieux et plus grâce à cet indicateur de richesse qu’est la souveraineté alimentaire ?

Par ailleurs, Mme Sandrine Le Feur présentera un sous-amendement pour donner une définition législative à la souveraineté alimentaire. Le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU a ainsi précisé que la souveraineté alimentaire devait inclure le respect des choix de chaque communauté afin de se distancier de la stricte conception libérale et productiviste de l’agriculture, conduisant à la fragilisation de certaines économies agricoles et de fait, de certaines populations. Chaque État doit pouvoir se saisir, collectivement et politiquement, du destin agricole de son propre peuple.

M. Hervé Berville, rapporteur. On sait Mme Lenne très soucieuse de ces sujets. Cependant, il ne semble pas pertinent de consacrer la notion de souveraineté alimentaire dans la loi du 13 avril 2015. Tout d’abord, Mme Lenne vise les pays en développement alors que cette loi concerne la France. Ensuite, le terme de souveraineté alimentaire n’a pas de valeur juridique et ne saurait être placé au même niveau que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par les États membres de l’ONU, ou les objectifs de développement durable. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’ODD2 a trait à la sécurité alimentaire, et non à la souveraineté alimentaire. Cependant, je veux vous rassurer, madame Lenne : votre préoccupation peut être intégrée dans les travaux à venir, car la liste des indicateurs, introduite par les mots « tels que », n’est pas limitative. Quoi qu’il en soit, dès lors que nous faisons référence aux ODD dans leur ensemble, l’alimentation sera prise en compte. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE261 de Mme Marion Lenne, qui fait l’objet du sous-amendement AE687 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Martine Leguille-Balloy. Contrairement à ce qu’a indiqué M. le rapporteur, il existe une forme de définition du concept de souveraineté alimentaire, qui a été donnée par le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU dans son rapport final du 24 janvier 2014, intitulé « Le droit à l’alimentation, facteur de changement ». Cette définition, que nous proposons de retenir dans le texte, est la suivante : « Comprise comme l’exigence du fonctionnement démocratique des systèmes alimentaires, impliquant la possibilité, pour les communautés, de choisir de quel système alimentaire elles souhaitent dépendre et comment remodeler ces systèmes, la souveraineté alimentaire est une condition de la pleine réalisation du droit à l’alimentation. »

M. Hervé Berville, rapporteur. Je sais l’attachement de Sandrine Le Feur à la question du développement des filières agricoles mais, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, je suis défavorable à l’inscription du concept de souveraineté alimentaire dans cet alinéa.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Les notions de sécurité et de souveraineté alimentaire sont bien précisées dans l’axe 3 du CPG. Au-delà des intentions, soyons attentifs aux réalisations. Ainsi, nous avons récemment signé, avec le CGIAR, le groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, un partenariat renforcé afin de l’aider à réaliser ses études en lui allouant 4 millions par an. Ce n’est pas parce que nous demandons le retrait de l’amendement qu’il n’y a pas d’ambition française en la matière.

Mme Marion Lenne. Il est d’autant plus incompréhensible de ne pas inscrire la notion de souveraineté alimentaire dans le texte que la France est le pays qui agit le plus en ce sens actuellement.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AE287 de Mme Aina Kuric, AE591 de M. Bruno Fuchs et AE664 de Mme Valérie Thomas.

Mme Aina Kuric. Nous proposons de préciser les indicateurs pris en compte dans le cadre de référence des politiques publiques menées par l’État et les collectivités territoriales, à savoir les 232 indicateurs de suivi mondiaux des objectifs de développement durable établis en 2017 par la Commission statistique des Nations unies. Il s’agit de se montrer particulièrement exigeant pour s’assurer que ces objectifs seront respectés aux niveaux national et international.

M. Bruno Fuchs. J’ajoute, car c’est un fait notable, que les trois groupes de la majorité ont déposé le même amendement.

Mme Valérie Thomas. Je me félicite également que les trois groupes de la majorité aient déposé le même amendement et incite les autres groupes à le voter.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements complètent utilement le texte. De fait, la Commission statistique des Nations unies est véritablement la référence en matière de suivi des progrès réalisés en matière de respect des ODD. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. J’ai été également convaincu par l’argumentaire des auteurs des amendements.

La commission adopte les amendements.

Elle examine les amendements AE620 et AE657 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. La prise en compte des objectifs de développement durable doit se faire en lien avec la délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le réseau des conseillers diplomatiques des préfectures de région, afin d’assurer la cohérence des politiques publiques ainsi que des objectifs visés au niveau local, national et international, et de permettre aux collectivités territoriales de trouver des synergies géographiques et thématiques dans leurs actions en faveur du développement. L’excellent rapport de Vincent Ledoux, « Ouvrir nos territoires à la priorité africaine de la France », démontre l’importance du lien entre maillage territorial et national, dont témoignent les actions menées dans la région Hauts-de-France.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis d’accord avec vous sur le fond, mais la mesure proposée n’est pas de nature législative. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. La DAECT est en première ligne pour animer la prise en compte des ODD par les collectivités locales. Tous les élus locaux, nous le savons, ne sont pas forcément au fait de cette ambition, en particulier en milieu rural, où les moyens en ressources humaines sont plus limités. Il faut donc réaliser un important travail, notamment pédagogique, si nous voulons que les ODD innervent réellement l’action des collectivités locales. La DAECT apporte, bien entendu, sa pierre à l’édifice, et j’en profite pour saluer l’action de ses agents ainsi que de l’ambassadrice Moro.

Mme Sira Sylla. J’entends vos arguments, mais je crois que cet amendement faciliterait précisément l’appropriation des ODD sur le terrain.

M. Jean François Mbaye. Je comprends la démarche de Mme Sylla et je salue l’action des collectivités territoriales en matière de coopération décentralisée. Néanmoins, je m’interroge sur la pertinence de la mesure proposée, car il ne faudrait pas imposer aux collectivités une charge de travail supplémentaire à laquelle elles ne sont pas préparées.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Madame Sylla, votre amendement AE657 est quasiment identique à l’AE620. Peut-être pourriez-vous retirer l’un des deux ?

Les amendements AE620 et AE657 sont retirés.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (article L. 1115-3 [rétabli] du code général des collectivités territoriales) : Possibilité pour les autorités organisatrices de la mobilité de financer des actions de coopération

La commission examine l’amendement AE106 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet. L’article 4 tend à offrir aux collectivités territoriales qui sont autorités organisatrices de la mobilité la possibilité de financer, sur les budgets des services de mobilité, des actions de coopération dans ce domaine avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements.

Par cet amendement, nous proposons d’ajouter les pôles métropolitains à la liste des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) éligibles. En effet, si la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 fixe la liste des collectivités et groupements assumant le rôle d’autorité organisatrice des mobilités sur leur ressort territorial, sa rédaction fait l’objet de certaines interprétations restrictives qui tendent à exclure les pôles métropolitains du champ des autorités organisatrices de la mobilité. Or ceux-ci figurent parmi les outils de coopération territoriale les plus puissants, notamment en matière de mobilité. À titre d’exemple, le pôle métropolitain du Genevois français permet de coordonner les actions d’un bassin économique de plus de 405 000 habitants. Ne pas inclure les pôles métropolitains risque ainsi de priver notre coopération décentralisée avec les pays en voie de développement des savoir-faire et expertises capitalisés au service d’un bien public mondial : la mobilité durable.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous souhaitons favoriser la multiplication des acteurs de la coopération. Votre amendement est très intéressant à cet égard, compte tenu de la modification substantielle du périmètre et de la taille des EPCI. Néanmoins, il me paraît nécessaire d’y retravailler avec le Gouvernement d’ici à la séance publique car, pour l’instant, les pôles métropolitains n’ont pas la compétence transport. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement ; sinon, avis défavorable.

Mme Olga Givernet. J’ai moi-même souligné le vide juridique concernant la compétence transport des pôles métropolitains. J’accepte donc de retirer l’amendement pour y retravailler.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE352 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à prendre en compte le remplacement du « versement de transport » par le « versement mobilité » opéré par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

M. Jean-Paul Lecoq. J’appelle votre attention sur les autorités organisatrices de mobilité, de plus en plus nombreuses, qui ont instauré la gratuité des transports en commun. Ne percevant plus de recettes de billetterie, elles se trouvent dans l’impossibilité de financer l’aide publique au développement dans ce domaine. Je suis donc disponible, monsieur le rapporteur, pour réfléchir avec vous à la rédaction d’un amendement qui permettrait de remédier à ce problème.

M. Hervé Berville, rapporteur. C’est très juste, monsieur Lecoq. J’accepte volontiers votre invitation à réfléchir à cette question, avec le Gouvernement également.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE557 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. Il s’agit de favoriser la coordination entre l’État et les collectivités en ajoutant aux missions de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) celle qui consiste à encourager la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies.

M. Hervé Berville, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord avec vous. Toutefois, nous n’avons pas eu l’occasion de rencontrer les représentants de la CNCD au cours de nos auditions. Je vous propose donc de bien vouloir retirer votre amendement afin que nous puissions les consulter d’ici à la séance publique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je compte sur M. Herbillon pour faire le décompte des engagements que nous avons pris… Il va de soi que la mise en œuvre des ODD doit faire partie des attributions de la CNCD, mais il me paraît préférable de consulter notamment son président, M. André Viola, pour aboutir à une rédaction satisfaisante d’ici à la séance publique. Par ailleurs, je m’interroge sur la présence d’un gage dans l’amendement, car je ne crois pas que celui-ci produirait une dépense supplémentaire. Demande de retrait, donc.

Mme Aina Kuric. Je ne mets pas votre parole en doute, mais les sujets sur lesquels nous devons retravailler d’ici à la séance publique s’accumulent et je voudrais être certaine que nous aurons le temps d’aboutir.

M. Hervé Berville, rapporteur. Sur le précédent texte consacré à l’aide au développement, 40 amendements avaient été déposés ; cette fois, nous devons en examiner 600. J’estime qu’une partie d’entre eux, qui concernent une multitude d’acteurs, méritent d’être retravaillés. Je pourrais me contenter de dire « favorable » ou « défavorable », mais je ne crois pas que ce soit l’esprit de notre discussion.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le rapporteur, chacun, ici, est surtout soucieux de votre santé, qui va être mise à rude épreuve ces prochains jours tant le nombre d’engagements que vous avez pris devant vos collègues est élevé – M. Herbillon a même évoqué un miracle, que nous ne pouvons exclure, compte tenu de votre talent. Quoi qu’il en soit, vous assumez vos engagements, et nous vous félicitons pour votre courage.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Madame Kuric, je propose que, dès demain, mon cabinet organise un rendez-vous téléphonique avec vous et M. Viola ; vous vous accordez sur une rédaction, et emballez, c’est pesé ! Mais il est de bonne politique d’associer les acteurs concernés à la définition des missions que la loi leur assigne – c’est la moindre des choses.

Mme Aina Kuric. J’avais présenté mes propositions bien en amont de l’examen du texte. Néanmoins, j’accepte de retirer mon amendement et d’y retravailler d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE559 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. Il s’agit de mentionner le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies dans le code général des collectivités territoriales, afin d’indiquer explicitement dans quel cadre doivent s’inscrire les actions de coopération décentralisée.

M. Hervé Berville, rapporteur. Votre amendement me paraît très bon, car il permet d’avancer sur ce sujet. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE74 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Sira Sylla a eu la gentillesse de citer les Hauts-de-France, où sont nés le 1 % logement et nombre de coopérations décentralisées dans les années 1980. Je vous propose, dans le même esprit, d’autoriser les bailleurs sociaux français à financer, sur la base du volontariat, des actions de coopération avec leurs homologues des pays en voie de développement, en utilisant au maximum 1 % de leur propre budget d’investissement – cela ne concerne pas les budgets de fonctionnement. Il s’agit de travailler avec les bailleurs sociaux, et non de puiser dans l’argent des collectivités publiques. Les partenariats devront être conformes à un cadrage défini par décret.

L’idée est de créer des axes de coopération entre territoires et entre professionnels du logement social, pour échanger des bonnes pratiques. Nous sommes, par exemple, confrontés dans le Nord à un problème de retrait-gonflement des argiles, qui fissure les maisons et provoque d’importants dommages. Il se trouve que les Sénégalais savent construire sur de l’argile en période de sécheresse – c’est le cas de l’aéroport de Dakar – et peuvent nous faire bénéficier de leurs bonnes pratiques. De même, nos partenaires africains ont de fortes attentes en matière de gestion locative, domaine dans lequel la France a un véritable savoir-faire ; ses bailleurs sociaux sont prêts à coopérer. Cet axe de coopération est tout à fait bénéfique, surtout en cette époque de défi climatique. Mon amendement s’inscrit parfaitement dans la logique de ce projet de loi, qui promeut une démarche de réciprocité au service des sociétés civiles.

M. Hervé Berville, rapporteur. Les enjeux du logement, de la ville durable et de la dignité de l’habitat sont d’autant plus essentiels que la métropolisation dans les pays émergents s’accélère. Votre amendement est très intéressant ; nous aurions même dû y penser plus tôt ! L’intérêt de cette approche repose sur le retour d’expérience : il existe dans certains pays des bonnes pratiques en matière de construction, de développement durable et d’adaptation au changement climatique dont nous pourrions largement nous inspirer. J’émets un avis favorable, car cet amendement répond aux objectifs de l’agenda 2030, tout en s’inscrivant dans une logique de réciprocité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je vois tout à fait l’intérêt de l’amendement. J’ai ainsi en tête l’action du Réseau Habitat et Francophonie, qui met en relation des bailleurs du Nord et du Sud, et l’excellent travail de son président, Jacques Hojlo. Toutefois, le ministère chargé du logement signale que ce type d’actions n’est pas prévu dans l’objet des bailleurs HLM stricto sensu. Cela m’amène à tempérer mon ardeur spontanée et à émettre un avis de sagesse.

M. Jean-Paul Lecoq. Je trouve cet amendement intéressant, mais la source n’est pas bonne. L’argent des bailleurs sociaux provient des loyers ; or ce ne sont pas les plus riches qui habitent dans les logements sociaux ! C’est donc une partie des loyers des plus pauvres que l’on consacrerait à l’aide au développement, alors que ces personnes, qui sont souvent à découvert, supportent d’énormes frais bancaires. Je propose donc que le Gouvernement sous-amende pour préciser que la recette consistera en un pourcentage des frais bancaires facturés aux personnes vivant dans des logements sociaux.

M. Jean François Mbaye. Je suis réservé sur cet amendement, car les bailleurs sociaux peuvent être des entités privées. La sagesse voudrait que le ministère nous apporte d’abord un éclairage complet sur cette question, notamment sur les bailleurs sociaux mentionnés dans cet amendement. Il faut peut-être le retravailler en vue de la séance, car il me paraît risqué de l’adopter en l’état.

M. M’jid El Guerrab. Nous n’arrêtons pas de proposer de réécrire les amendements avant la séance – bon courage, monsieur le rapporteur ! Cela prouve que vous êtes ouvert au dialogue et prêt à travailler, ce qui n’est pas le cas de tous les rapporteurs ni de tous les ministres. Je remercie également M. le secrétaire d’État et son administration, qui ne vont pas chômer ce week-end !

Je trouve cet amendement très original. Plutôt que de prendre aux bailleurs sociaux, donc aux classes moyennes ou défavorisées, nous pourrions puiser dans les ressources des anciens OPCA – organismes paritaires collecteurs agréés –, devenus opérateurs de compétences (OPCO), qui possèdent des milliards et mènent déjà des actions internationales en dehors de tout cadre légal. Il faudrait profiter de ce projet de loi pour les accompagner.

M. Vincent Ledoux. Le dispositif que je propose est ad hoc et volontaire : nous n’irons pas extorquer de l’argent aux bailleurs sociaux à la pointe de notre baïonnette ! De plus, il s’agit de prélever non pas dans les loyers, mais dans le budget d’investissement. Il est, en outre, possible de travailler à des actions civiques avec les locataires. L’action internationale ne concerne pas que les institutions ou les collectivités : les citoyens aussi peuvent flécher une part de la ressource, comme cela se pratique déjà en Seine-et-Marne.

Je souhaite apporter une disposition de référence aux acteurs qui veulent s’en saisir. Si M. Mbaye n’arrive pas à emporter l’adhésion de son groupe, l’amendement risque de ne pas passer, ce qui serait dommage. Je suis donc prêt à le retravailler, éventuellement avec la ministre du logement, afin de lever les obstacles et de permettre la réalisation de ce beau projet.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE556 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. L’objectif est de créer un comité au développement durable auprès de la Commission nationale de la coopération décentralisée, sur le modèle du comité économique existant. Il s’agit d’offrir aux collectivités, notamment aux communes, les outils nécessaires pour respecter les objectifs de développement durable.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable ; cela relève du décret et non de la loi. De plus, il faudrait l’évoquer avec la CNCD.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous avons entamé un travail avec la CNCD et la députée sur ce sujet. Demande de retrait en vue de conclure en séance.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La commission est saisie de l’amendement AE75 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Je souhaite apporter toutes les garanties de pilotage national de la coopération décentralisée, dans toutes ses composantes. Au regard des objectifs du projet de loi, il est proposé que la Commission nationale de coopération décentralisée élargisse ses travaux à l’ensemble des acteurs territoriaux partenaires des collectivités. Les principales associations faîtières internationales, qui représentent nos collectivités en matière de coopération décentralisée, concluraient une convention pluriannuelle avec l’État, ce qui leur apporterait plus de visibilité et permettrait d’évaluer leurs actions au regard des objectifs de notre politique. Comme pour les opérateurs de l’action extérieure de l’État, je propose que les commissions des affaires étrangères émettent un avis sur chaque projet de convention.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis plutôt favorable à cet amendement, mais, par courtoisie envers la CNCD, je souhaiterais que vous le retiriez pour le retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE505 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Il convient de simplifier, pour la favoriser, l’aide au développement. Dans ce domaine, la coopération décentralisée prend des formes diverses et ne comporte pas toujours des flux financiers. En pratique, la coopération dans le cadre du réseau mondial UNESCO des villes apprenantes ou du réseau international des villes Michelin repose sur l’envoi d’experts d’une collectivité vers une autre ; les conventions ainsi conclues ne comportent pas de flux financiers. La réalité de la coopération et de l’aide au développement n’est pas que financière : elle est aussi humaine. Cet amendement vise à modifier l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales pour simplifier la convention et fluidifier ce type de partenariat.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il peut toujours être utile aux partenaires et aux citoyens qu’une action de développement, même sans engagement financier, soit inscrite dans une convention. Il ne m’a pas semblé, au cours des auditions, que ces conventions souffraient d’un formalisme excessif. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Selon l’article L. 1115-1 du CGCT, « ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers ». Si le coût est nul, il ne me semble pas anormal de le préciser : c’est important, notamment dans une optique de traçabilité des actions des collectivités locales en matière de coopération décentralisée. Cette disposition du CGCT ne me paraît donc pas superfétatoire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. Dans la réalité, cela se passe autrement : les collectivités auxquelles la procédure apparaît trop compliquée se passent de convention et échappent ainsi à toute possibilité d’évaluation. L’idée est de simplifier le code pour que chacun puisse s’y conformer, sans procédure additionnelle. Cela permettrait d’assurer une traçabilité et une évaluation de l’ensemble des coopérations.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le Gouvernement ne ressent pas l’objectif de simplification avec la même fougue que M. Fuchs !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Une collectivité, pour agir de la sorte, doit de toute façon délibérer. Or convertir une délibération en convention n’est pas formellement lourd. Je n’aimerais pas que l’on raye d’un trait de plume une disposition assurant de la visibilité.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 : Conseil national du développement et de la solidarité internationale

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE353 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE454 de M. Alain David.

M. Alain David. Il s’agit de passer de deux à quatre le nombre de députés et de sénateurs présents au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, afin de permettre à des parlementaires de différents groupes de l’opposition de prendre part aux travaux et d’assurer ainsi une représentation démocratique reflétant les équilibres entre groupes politiques.

M. Hervé Berville, rapporteur. La composition de cette instance, créée en 2014, a fait l’objet d’un travail l’année dernière, avec différentes organisations et ONG. Des décrets ont été publiés en décembre, étant entendu qu’il aurait mieux valu qu’ils le soient après le vote de la loi modifiant sa composition. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Nous aurons l’occasion de renforcer la représentation parlementaire dans les amendements à venir.

M. Alain David. Je ne comprends pas. Cela veut dire que l’opposition est exclue de ces organismes : c’est anormal. Vous devriez prendre plus au sérieux cette demande.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous ne sommes pas à l’origine de la création du CNDSI et de ses modalités de composition : cela a été fait en 2014. De plus, une représentation pluraliste peut être assurée avec deux parlementaires, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition. Cela existe dans d’autres institutions.

Mme Laurence Dumont. La présence de deux représentants ne garantit pas qu’il y en aura un de gauche et l’autre de droite. Ainsi, deux représentants de l’Assemblée nationale siègent à la CNIL : un député LaREM et un député Les Républicains. L’Assemblée nationale comptant actuellement beaucoup de groupes d’opposition, la gauche peut être totalement exclue de cette autorité administrative.

M. Michel Herbillon. Nos collègues LaREM sont « en même temps » de gauche et de droite : c’est une subtilité qui a dû vous échapper !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE213 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Je suis un peu étonné du vote qui vient d’avoir lieu. Voici donc une occasion pour la majorité de se rattraper. Il s’agit de veiller à la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.

Nous avions évoqué avec le ministre Jean-Yves Le Drian la disparition de l’opposition parlementaire du conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD) – je vous remercie, monsieur le président, pour la prise de position qui avait été la vôtre. Les commissaires du groupe Les Républicains de la commission des affaires étrangères souhaitent par cet amendement rappeler une évidence : le nécessaire respect de la représentation des différentes composantes des assemblées, opposition comme majorité. L’aide au développement doit faire le plus possible l’objet d’un consensus national.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis très favorable à ce que l’Assemblée soit représentée dans sa diversité dans différentes instances. J’ai donc déposé un amendement AE354 qui vous donnera satisfaction. Je vous demande de retirer celui de Mme Poletti, car, même si j’y suis favorable sur le fond, il ne serait pas cohérent d’adopter les deux. Du reste, je ne pense pas que l’on puisse écrire les termes « majorité » et « opposition » dans la loi. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le Gouvernement se ralliera à l’amendement AE354 du rapporteur. Si l’amendement AE213 n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les notions de majorité et d’opposition conviennent parfaitement à l’Assemblée mais sont inopérantes au Sénat. Il y aurait donc un petit problème.

M. M’jid El Guerrab. Prenons l’exemple du groupe UDI, les Constructifs puis Agir ensemble : il a été successivement dans l’opposition et dans la majorité. Quant au groupe Libertés et territoires, que nous avons créé il y a deux ans, notamment avec Bertrand Pancher, il était d’abord dans la majorité et il se trouve maintenant dans l’opposition. Un groupe peut s’inscrire dans la majorité ou dans l’opposition en début de législature puis évoluer : techniquement, comment cela se passera-t-il ? La majorité et l’opposition sont des concepts fluctuants, selon les budgets ou les sessions. Je pense que l’amendement du rapporteur est beaucoup plus opérant.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il existe aussi des groupes minoritaires…

M. Bruno Fuchs. L’intention de ces différents amendements est tout à fait louable, mais la formulation de celui du rapporteur correspond mieux à la réalité. Néanmoins, je reviens sur la question du nombre : il sera assez compliqué d’assurer une représentation pluraliste avec deux députés et deux sénateurs.

M. Pierre-Henri Dumont. Je comprends la difficulté qui peut se poser au Sénat, mais la réalité est parfaitement claire à l’Assemblée : les groupes déclarent leur appartenance à la majorité ou à l’opposition.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ils peuvent aussi être simplement minoritaires…

M. Pierre-Henri Dumont. La rédaction de l’amendement du rapporteur pose une difficulté à mes yeux : il est moins clair de parler de représentation « pluraliste » que de représentation de la majorité et de l’opposition. S’il n’y a, par ailleurs, que deux sièges et qu’une majorité très nette, sous un quinquennat ou un autre, est composée de plusieurs groupes, on n’aura pas la garantie que la majorité et l’opposition sont parfaitement représentées. Par conséquent, même si sa rédaction peut poser une difficulté au Sénat, l’amendement présenté par notre excellent collègue Michel Herbillon me paraît préférable.

M. Michel Herbillon. Je maintiens l’amendement. Je ne mets pas en cause les intentions du rapporteur mais, comme le disait le général de Gaulle, il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. La réalité, en la matière, a fait l’objet d’une opposition unanime, je crois, au sein de la commission des affaires étrangères. C’est la carte de vœux du directeur général de l’AFD qui a appris à Mme Poletti qu’elle était évacuée du conseil d’administration de cette agence. Certaines méthodes sont inqualifiables.

Par ailleurs, même si je ne suis pas familier des règles en vigueur au Sénat, il me semble qu’il y existe aussi une majorité et une opposition.

On nous dit qu’on est tout à fait d’accord avec nous mais qu’on a autre chose à proposer. Or, comme Pierre-Henri Dumont l’a dit très clairement, assurer une composition pluraliste ne signifie pas que l’opposition et la majorité seront représentées. Il peut y avoir un pluralisme au sein de la majorité comme de l’opposition.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez tout à fait raison : quand on veut faire représenter neuf groupes parlementaires par deux personnes, cela entraîne des frustrations. L’exercice est à peu près aussi difficile que celui consistant à faire entrer trois litres d’eau dans une bouteille d’un litre.

Mme Laurence Dumont. Il y a des groupes se situant dans la majorité et d’autres dans l’opposition, mais les groupes minoritaires peuvent n’appartenir ni à l’une ni à l’autre. Le meilleur amendement était donc celui qui proposait que quatre députés siègent dans cette instance. Cela permettrait de représenter plus facilement notre assemblée dans sa pluralité.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous n’allons pas revenir sur des votes antérieurs. Avancer est déjà difficile : s’il faut en plus reculer…

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE354 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. J’ai déjà présenté cet amendement. J’ajoute que le code électoral impose de préciser les conditions de désignation des membres. Cette compétence sera exercée par la commission permanente chargée des affaires étrangères.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE612 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Il s’agit de permettre la représentation des diasporas au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale. Outre deux députés et deux sénateurs, il comprendrait deux personnalités françaises ou étrangères représentant les diasporas africaines – je souhaite rectifier l’amendement en supprimant la référence au Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations (FORIM) : il est prévu que la composition du CNDSI soit précisée par décret.

Il est important d’impliquer davantage les diasporas dans le pilotage et l’évaluation de notre politique. Elles sont au cœur du partenariat refondé avec l’Afrique, elles sont une richesse, un pont entre la France et ce continent, et le premier acteur du développement. Le ministre a indiqué ce matin qu’il était tout à fait d’accord avec une meilleure représentation des diasporas dans les différents collèges mentionnés dans le projet de loi – il a également parlé du CICID.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je sais l’attention que vous portez aux diasporas. Cependant, ce que vous proposez ne relève pas du domaine de la loi : avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le secrétaire d’État que je suis souscrit naturellement aux propos tenus ce matin par le ministre. Je confirme que nous avons bien intégré cette dimension dans le travail relatif à la recomposition du CNDSI, qui comprend déjà, me semble-t-il, une personne représentant les diasporas. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir : le souhait d’une meilleure intégration des diasporas dans ces instances est pleinement pris en compte. Il n’est pas nécessaire de prévoir une telle disposition au niveau législatif.

La commission rejette l’amendement AE612 rectifié.

Elle examine l’amendement AE613 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Je propose d’associer un représentant des collectivités d’outre-mer : nos amis ultramarins jouent aussi un rôle important en matière de développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Dans le même esprit que précédemment, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ce sont les associations faîtières – Cités Unies France (CUF), l’Association des maires de France (AMF) ou encore l’Association internationale des maires francophones (AIMF) – qui procèdent aux désignations. Je ne vois que des avantages à leur signaler l’intérêt qui s’attache à ce qu’elles se concertent pour désigner un représentant des collectivités d’outre-mer, mais ce n’est pas du niveau législatif.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je signale aussi que votre amendement n’inclut pas la Nouvelle-Calédonie, qui n’est pas une collectivité d’outre-mer – elle est sui generis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE284 de M. M’Jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Il s’agit d’offrir à la représentation nationale une vision complète des nombreux dispositifs de financement de l’aide publique au développement, ce qui permettra d’envisager des synergies dans ce secteur, devenu de plus en plus concurrentiel. Les pays membres du comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE ont consacré 149 milliards de dollars à cette politique en 2018, pour l’essentiel sous forme de dons, mais il existe beaucoup d’autres manières d’agir.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends votre intention mais cet amendement n’a pas sa place au sein de cet article, relatif au CNDSI. Par ailleurs, vous demandez dans la loi la remise d’un rapport parlementaire, alors qu’il suffirait de se tourner vers le président de notre commission. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même position.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ce serait néanmoins un très bon sujet.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je suis tout à fait favorable à tous les rapports…

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE184 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous faisons souvent référence au comité interministériel de la coopération internationale et du développement, qui prend des décisions en matière d’aide au développement. La commission des affaires étrangères est habituellement appelée à ratifier les décisions prises par l’exécutif en ce qui concerne les affaires internationales – pour les traités, par exemple. En revanche, les orientations retenues par le CICID ne sont ratifiées par personne. L’amendement AE184 tend à ce que le Parlement en soit désormais chargé. Il nous semble que cela pourra donner plus de force au travail interministériel qui est mené.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je crois que nous avons organisé un débat lors de la dernière réunion du CICID, à l’initiative de Jacques Maire. C’est donc possible et j’invite à recommencer. Par ailleurs, l’amendement n’a pas sa place à cet endroit du texte. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ce texte prévoit de nouveaux rendez-vous et de nouveaux outils, en plus des traditionnels débats budgétaires, qui sont l’occasion d’examiner en détail les projets de loi de finances initiale et ensuite leur exécution. Les possibilités de débattre des orientations de la politique de développement seront donc renforcées.

Il existe des comités interministériels dans de nombreux domaines et cet amendement créerait un précédent. L’exécutif est dans son rôle lorsqu’il coordonne le travail des ministres et le Parlement est dans le sien lorsqu’il légifère, contrôle et évalue. Il serait un peu étrange que le Gouvernement ait à rendre des comptes chaque fois qu’il se coordonne au moyen d’une réunion interministérielle. Il ne s’agit pas d’empêcher les débats, mais je pense qu’il n’y a pas lieu d’en créer qui soient spécifiques aux réunions du CICID.

M. Jacques Maire. Cette proposition inspirante pourrait être reprise dans un autre amendement en vue de la séance. Il y a peu de réunions du CICID – une tous les trois ou quatre ans. On pourrait faire état des évolutions de la position du Gouvernement dans le rapport annuel qui est prévu.

M. Jean-Paul Lecoq. Je vous propose d’adopter l’amendement, et nous pourrons en rediscuter en séance. Il n’est pas dit qu’il y aura une autre réunion du CICID avant la fin du quinquennat : c’est toujours un grand événement. Je sais qu’il existe beaucoup de comités interministériels, mais il serait bien de venir parler des décisions du CICID, auxquelles nous ferons ensuite référence en permanence. Ce ne serait pas très coûteux et cela permettrait d’adresser un message politique. On parle souvent des orientations « de la France ». Or la France, ce n’est pas que l’exécutif. En matière internationale, notamment de développement, cela peut être aussi le législatif.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 (articles 1 et 2 de la loi n° 2005-159 du 23 février 2005 relative au contrat de volontariat de solidarité internationale) : Volontariats dits « réciproques »

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AE355 et AE357 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AE229 de M. Vincent Ledoux.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il faut reconnaître le rôle majeur de France Volontaires, d’autant que nous souhaitons augmenter le nombre de volontaires et renforcer le pilotage politique. Toutefois, cela ne relève pas de la loi. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je reconnais l’action conduite par France Volontaires, sous la présidence de M. Godfrain. Néanmoins, tout un travail est en cours sur la réforme des statuts. À ce stade, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE332 de Mme Anne Genetet.

Mme Mireille Clapot. Les termes de « volontariat » et de « bénévolat » sont souvent galvaudés, déformés. Nous proposons d’assimiler leur utilisation trompeuse à un dol.

M. Hervé Berville, rapporteur. Favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. C’est l’aboutissement d’un travail conduit depuis de longs mois par Anne Genetet. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

L’amendement AE325 de Mme Anne Genetet est tombé du fait de l’adoption de l’amendement AE332.

La commission examine l’amendement AE327 de Mme Anne Genetet.

Mme Mireille Clapot. Cet amendement tend à ce que les organisations proposant des actions de volontariat soient soumises aux mêmes règles de vigilance que celles prévues pour les organisations travaillant en France. Il faudra notamment demander un extrait du casier judiciaire.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AE507 de M. Bruno Fuchs et AE660 de Mme Anne Genetet.

M. Bruno Fuchs. Nous souhaitons renforcer les mobilités à l’international mais aussi vers notre pays. Les intentions ne suffisent pas : il faut se doter d’un établissement qui pense et déploie la mobilité. Celle-ci concerne aussi les talents et les expertises. En ce qui concerne les étudiants, il existe déjà Campus France, qui fonctionne bien. Il n’en est pas de même pour la mobilité non étudiante. De très nombreux programmes de volontariat ont vu le jour mais ils manquent de visibilité : il n’y a pas de catalogue des offres et le problème du volontourisme, soulevé par la proposition de loi d’Anne Genetet, se pose aussi. Nous proposons donc, par l’amendement AE507, de confier à France Volontaires un nouveau rôle.

Mme Mireille Clapot. France Volontaires, en tant que plateforme des acteurs des volontariats internationaux d’échange et de solidarité, contribue au développement et à la promotion d’un volontariat international de qualité. L’amendement AE660 tend à le faire reconnaître par la loi.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même position, pour les raisons avancées tout à l’heure au sujet de l’amendement de M. Ledoux.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, nous avons examiné 184 amendements ; il en reste 412. Au rythme actuel, il nous faudra encore près de vingt heures – nous progressons. Nous essaierons demain d’imprimer à nos travaux un rythme encore plus soutenu.

D.   Réunion du jeudi 11 février, 9 h 30

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Chers collègues, avant de reprendre l’examen du projet de loi, je vous informe d’une modification de la composition de la commission. À compter de ce matin, M. Christian Hutin cesse d’en être membre, et M. Dominique Potier nous rejoint. En votre nom, je l’accueille avec sympathie et lui adresse mes encouragements.

S’agissant du projet de loi, 412 amendements restent en discussion, dont 331 sur le cadre de partenariat global (CPG). Chacun doit faire un effort. Pour ma part, je ferai mon possible pour m’arracher à ma nonchalance naturelle. J’aurais aimé limiter à une minute la présentation de chaque amendement, mais plusieurs d’entre vous ont considéré que ce n’est pas possible. Il est souhaitable que chaque orateur s’en tienne à une minute de temps de parole, mais ce n’est pas une règle impérieuse. Par ailleurs, les « Défendu ! » seront accueillis avec des vivats d’enthousiasme par le président. Si un débat s’engage après que M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État ont donné leur avis, je serai obligé de le limiter à deux interventions, une pour et une contre, conformément au Règlement. Je n’aime pas ces contraintes, mais 412 amendements à examiner, c’est énorme.

M. Dominique Potier. Oui à une accélération, sauf si elle devait être acquise au prix de la poésie que vous mettez dans vos interventions et de votre art de la présidence, que vous exercez avec beaucoup de bienveillance, monsieur le président !

J’aimerais formuler une proposition relative à l’organisation de nos débats. Depuis le début de l’examen du texte, très peu d’amendements de l’opposition ont recueilli un avis favorable. Soit, après tout, c’est la règle démocratique. Les renvois à la séance publique sont très nombreux. Or ils sont peu crédibles : le délai de dépôt des amendements est court, et amputé du temps que nous prenons ici pour délibérer. Il faut donc distinguer clairement les amendements rejetés sans appel et ceux qui le sont en vue d’une réécriture ou d’un vote unanime en séance publique. Une telle clarification donnera de la fluidité à nos débats. Chacun, me semble-t-il, est prêt à y contribuer.

Par ailleurs, j’aimerais savoir si la prolongation de nos débats ce soir aura une incidence sur le délai de dépôt des amendements. Concrètement, je me demande si nous aurons le temps d’y travailler. Ces questions ne sont pas sans importance à l’orée de notre deuxième journée de travaux.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur Potier, je vous remercie de ces précisions. Vous avez raison d’insister sur la nécessaire clarté de nos débats. De nombreux amendements doivent être retravaillés, ce dont M. le rapporteur est conscient, me semble-t-il. Je lui laisserai le soin d’indiquer, sur chaque amendement, s’il est prêt ou non à le retravailler. Si l’auteur de l’amendement le retire, on peut considérer qu’il lui fait confiance pour travailler avec lui ultérieurement. S’il le maintient, nul n’y peut rien.

S’agissant du délai de dépôt des amendements, il expire samedi à 17 heures. Je me suis également interrogé à ce sujet, mais ma conscience – mon Jiminy Cricket – m’a interdit de le proroger jusqu’à lundi matin, ce qui nous aurait permis de travailler dimanche. Nous devons donc travailler vite, et je présiderai les débats en m’efforçant de les diligenter. Nous devrions achever nos travaux vers minuit. À défaut, nous devrons nous réunir demain, ce qui n’est pas souhaitable car il faut laisser à chacun le temps de travailler avec le rapporteur. C’est ce qui s’appelle travailler sous contrainte !

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, j’aimerais savoir combien de temps avant l’expiration du délai de dépôt des amendements nous recevrons le texte amendé.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous le recevrez sans doute par parties, au fur et à mesure de son établissement par les services de l’Assemblée. Bien entendu, cette version provisoire n’engagera personne. Seul le texte final fera foi. Si nous achevons nos travaux ce soir, le secrétariat de la commission fera son possible pour vous le transmettre demain, à la mi-journée.

M. Michel Herbillon. Plusieurs dispositions examinées hier ont fait l’objet d’une proposition de réécriture par M. le rapporteur et/ou par le Gouvernement, afin de tenir compte de nos observations. Compte tenu des délais qui nous sont impartis, il serait souhaitable que nous ayons connaissance de ces modifications au plus tôt, afin que nous puissions arrêter une position à leur sujet.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si je comprends bien, monsieur Herbillon, vous vous demandiez hier comment M. le rapporteur parviendrait à réécrire les amendements concernés, et, aujourd’hui, vous lui demandez de faire un miracle ! Heureusement, il semble décidé à y parvenir !

Article 7 (articles L-515-13 du code monétaire et financier) : Renforcement de la tutelle sur l’Agence française de développement

La commission examine les amendements identiques AE37 de M. Bertrand Pancher et AE310 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Bertrand Pancher. Il s’agit de supprimer l’alinéa 5, qui nous semble ambigu. Il est essentiel de ne pas confondre l’Agence française de développement (AFD) et les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), qui contribuent à l’action extérieure de la France et participent à la promotion de sa présence et de son influence à l’étranger. Leurs missions, sans être contraires, sont distinctes.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous proposons également de supprimer l’alinéa 5, pour des motifs légèrement différents.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. L’alinéa 5 est cohérent avec le renforcement du pilotage politique de l’AFD.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AE82 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Il vise à rééquilibrer la gouvernance de l’AFD, dont le conseil d’administration, composé de dix-sept membres, donne trop peu de place aux représentants du Parlement – il ne compte que quatre parlementaires – et aux organisations chargées de l’aide au développement – à l’heure actuelle, les ONG n’y ont qu’un représentant.

Nos politiques d’aide au développement doivent être co-construites. C’est la clé de la réussite. Le Parlement doit y jouer un rôle nettement accru. C’est pourquoi je propose le rééquilibrage suivant : six représentants de l’État, six membres du Parlement et six représentants des ONG, en sus des deux représentants du personnel.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Je pense qu’il faut augmenter le nombre de parlementaires – ce sera l’objet de mon amendement suivant –, mais pas le nombre de représentants des ONG.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AE211 de Mme Bérengère Poletti et AE358 du rapporteur.

M. Michel Herbillon. Nous souhaitons compléter l’alinéa 5 par la phrase « Le Conseil d’administration de l’AFD comprend parmi ses membres deux députés et deux sénateurs, qui doivent respecter la représentativité des composantes politiques de chaque assemblée, soit la majorité et l’opposition ». Il ne s’agit pas de rouvrir le débat sur la représentation de la majorité et de l’opposition, que nous avons eu hier, mais d’améliorer la représentation des groupes d’opposition. J’espère sincèrement que M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État feront preuve d’ouverture. Cette demande n’émane pas des seuls commissaires membres du groupe Les Républicains, mais de la commission dans son ensemble – vous-même, monsieur le président, n’y êtes pas étranger. On ne peut pas appeler de ses vœux un consensus et rejeter systématiquement les amendements de l’opposition, notamment ceux du groupe Les Républicains !

M. Hervé Berville, rapporteur. Mon amendement est mieux disant, puisqu’il vise à augmenter de deux unités – un membre de chaque assemblée – le nombre de parlementaires siégeant au conseil d’administration de l’AFD, ce qui permet aussi d’atteindre l’objectif de pluralité. Je suggère le retrait de l’amendement AE211 au profit du mien.

M. Dominique Potier. La gauche ne sera plus représentée !

M. Jean-Paul Lecoq.  C’est de l’enfumage : de quatre, on passe à trois !

M. Alain David. L’amendement du rapporteur, qui prévoit de nommer un député supplémentaire au conseil d’administration de l’AFD, n’assure pas la représentation de la gauche. Vous ne pouvez pas régler le problème entre vous, chers collègues. Il faut aussi penser à nous !

M. Hervé Berville, rapporteur. C’est le cas !

Mme Valérie Thomas. Monsieur David, l’amendement vise à faire passer le nombre de parlementaires au sein du conseil d’administration de l’AFD de quatre à six, soit deux parlementaires supplémentaires, et non un.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est que les sièges réservés aux suppléants ont été supprimés !

L’amendement AE211 est retiré.

La commission adopte l’amendement AE358.

Elle examine l’amendement AE360 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Le sujet des biens mal acquis (BMA) est un sujet éminemment politique. Il s’agit de réfléchir à l’utilisation des recettes issues de leur vente, après qu’ils ont été confisqués aux dictateurs de certains pays en développement. Nous avons travaillé avec Transparency International, dont nous avons auditionné les représentants, ainsi qu’avec plusieurs sénateurs. Je laisse à M. le secrétaire d’État le soin de présenter les dispositions ainsi obtenues.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Il s’agit d’un sujet majeur. Au cours des dix dernières années, plusieurs procédures de recouvrement de BMA ont été ouvertes en France. Le Gouvernement remercie les parlementaires, qui se sont fortement mobilisés sur le sujet et ont permis d’éclairer utilement le débat. Citons notamment le rapport de MM. Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann, ainsi que la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur. La société civile est également très mobilisée. Dans ce contexte, nous sommes pleinement favorables à l’adoption de dispositions visant à la restitution du produit de la cession des BMA. Il s’agit d’une affaire de justice pour les populations des États concernés. Au demeurant, plusieurs pays, au premier rang desquels les États-Unis et la Suisse, ont adopté semblables dispositions.

À l’heure actuelle, le droit français ne permet pas de procéder à cette restitution. Il convient donc de le modifier. À législation constante, en cas de condamnation définitive, si l’État concerné ne s’est pas constitué partie civile pour obtenir réparation et s’il n’a formulé aucune demande d’entraide judiciaire, les recettes issues de la vente des biens confisqués deviennent purement et simplement la propriété de l’État français, et abondent le budget général de l’État. Il est nécessaire de prévoir une disposition législative permettant expressément leur restitution.

En voici les grands principes. Premièrement, nous établissons le principe de restitution aux États étrangers et à leur population des recettes issues de la vente des BMA à la suite d’une condamnation définitive prononcée par le juge. Deuxièmement, nous procédons à la définition, dans le code pénal, du champ des infractions dans lequel s’inscrivent les BMA. Il s’agit notamment du blanchiment, du recel de détournement de fonds publics, de la corruption et du trafic d’influence. Troisièmement, nous créons un programme spécifique au sein du budget de l’État, rattaché au ministère de l’Europe et des affaires étrangères et abondé par les recettes issues de la vente des BMA. Les modalités de sa création seront précisées dans le projet de loi de finances pour 2022. Ces sommes financeront des projets de coopération, afin que nous soyons assurés que les populations en bénéficient pleinement. Par ailleurs, nous devrons être au rendez-vous des exigences de transparence et de redevabilité. Le Parlement sera pleinement informé, chaque année, de l’application des dispositions de restitution des BMA, afin qu’il puisse contrôler le bon usage des crédits.

Telle est l’économie générale des dispositions dont nous achevons la rédaction, en coordination avec le rapporteur. Elles pourraient faire l’objet d’un amendement débattu en séance publique. Compte tenu de l’importance du sujet, je tenais à en présenter les grandes lignes dès à présent. Je suggère à M. le rapporteur de retirer son amendement.

M. Dominique Potier. Dieu sait si nous sommes investis sur ce sujet ! Nous avons déposé quatre amendements, qui ont été déclarés irrecevables. L’un d’entre eux portait sur les fonds vautours, contre lesquels la France s’est dotée d’une législation tout à fait exemplaire, dont notre pays peut être fier, grâce à l’adoption de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Nous travaillons à une nouvelle rédaction des amendements afin que nous puissions en débattre.

S’agissant des BMA, il importe que le produit issu de leur vente soit attribué au pays d’origine, en évitant qu’il ne tombe entre les mains des corrupteurs, soit dit sans procès d’intention. Le problème n’est pas simple à résoudre. L’intention de M. le rapporteur est louable, et nous le soutenons.

Nos amendements prévoyaient notamment de cibler l’attribution des sommes collectées sur les pays d’origine, en utilisant le Fonds d’innovation pour le développement présidé par Esther Duflo, et de créer une agence de lutte contre la corruption comportant des déclinaisons territoriales. Tous visaient à briser la boucle infernale par laquelle l’argent des corrupteurs revient aux corrupteurs au lieu de financer, comme il le devrait, le bien commun et la dignité des personnes.

Nous devons travailler sur ce point, faute de quoi le débat que nous aurons en séance publique s’éternisera. Notre cahier des charges est le suivant : il faut parvenir à débloquer tout verrouillage dans les États nations récepteurs des crédits, tout en respectant leur souveraineté. Il faut donc faire preuve d’inventivité. Monsieur le secrétaire d’État, les dispositions que vous avez présentées ne permettent pas, me semble-t-il, d’atteindre l’objectif que nous visons ensemble.

M. Jacques Maire. Je remercie M. le rapporteur de son très bon amendement et apporte tout mon soutien à l’énorme pas en avant proposé par le Gouvernement dans ce combat très ancien. Même si la France, où les cas sont peu nombreux, le mène surtout pour le principe, elle n’est pas perçue comme un pays exemplaire en la matière.

Nous sommes informés de la teneur de l’initiative en préparation une semaine avant la mise aux voix du projet de loi en séance publique. Or ce sujet fait partie de ceux qui exigent une phase d’appropriation par les parlementaires et par les acteurs concernés, afin de parvenir à une avancée politique collective, symbolique et reconnue par tous. À cette fin, je demande à M. le secrétaire d’État de prendre l’initiative d’un dialogue spécifique avec les associations les plus concernées – celles qui sont basées en France ont un rôle important en la matière – et les parlementaires. Compte tenu du délai dont nous disposons, se contenter d’un amendement ne permettra pas d’obtenir les résultats escomptés. Il faut agir pour le bien collectif.

M. Bruno Fuchs. Je souscris aux propos de Jacques Maire. Nous avons nous aussi rédigé plusieurs amendements, que nous n’avons pas déposés dans l’attente de la présentation d’un amendement élaboré en commun avec les groupes La République en marche et Agir ensemble, ainsi qu’avec le rapporteur. Il faut inclure largement les acteurs concernés dans ce travail, afin de parvenir à un consensus. L’essentiel est que les sommes récupérées soient dédiées aux pays concernés de façon définitive, dans l’intérêt des populations spoliées.

M. Bertrand Pancher. L’intention est louable, mais la précipitation dommageable. Il faut veiller à l’appropriation du sujet par le Parlement. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez présenté des dispositions qui seront débattues la semaine prochaine. Quelles garanties offrez-vous s’agissant de leur appropriation par le Parlement et par les acteurs concernés ? Nous ne sommes pas à quelques semaines près, s’agissant d’un engagement important et attendu depuis longtemps.

M. M’jid El Guerrab. Je remercie du fond du cœur le rapporteur et le Gouvernement, ainsi que la représentation nationale dans son ensemble. Les moments où je suis fier d’être député sont rares, mais aujourd’hui, je suis fier de faire partie de la majorité qui adoptera ces dispositions, prenant enfin la mesure du problème pour restituer les sommes à l’Afrique via l’AFD.

M. Hervé Berville, rapporteur. J’aimerais formuler trois observations. Je remercie les auteurs des amendements : nous avons travaillé de façon plus ou moins coordonnée, mais nous sommes parvenus ensemble à faire en sorte que le sujet figure dans le projet de loi.

D’abord, le problème des BMA ne concerne pas uniquement les pays en développement. Il pourrait se poser, demain, avec l’Ukraine, l’Italie ou les États-Unis. Pour ces pays, l’AFD n’est pas l’outil le plus indiqué.

Ensuite, si les sommes en jeu sont significatives – un hôtel particulier avenue Foch coûte plusieurs dizaines de millions d’euros –, elles pourraient être plus modestes à l’avenir, et insuffisantes pour une mise en œuvre par l’AFD.

S’agissant de la méthode, nous ne cédons à aucune précipitation, monsieur Pancher. Le sénateur Jean-Pierre Sueur a publié un rapport il y a un an et demi, nos collègues Waserman et Saint-Martin lui ont emboîté le pas peu de temps après. Ils se sont rendus en Suisse et aux États-Unis pour étudier la façon dont ces deux pays restituent le produit de la confiscation des biens mal acquis. Ce travail est à l’honneur de cette assemblée. Dans le cadre des auditions préparatoires, plusieurs ONG, notamment Transparency International, ont évoqué un véritable alignement des planètes et se sont félicitées que nous disposions enfin d’un véhicule législatif. Nous avons travaillé avec le ministère et nous avons avancé. Le moment est propice. L’attente des sociétés civiles, dans les pays concernés, est très forte.

Enfin, la traçabilité des crédits sera assurée par la création d’un programme budgétaire, ce qui constitue une avancée par rapport à nos amendements, chers collègues. Les fonds alloués seront fléchés et identifiés comme issus de la revente des biens mal acquis. Les parlementaires pourront en assurer le suivi et évaluer leur utilisation, dans le cadre des relations intergouvernementales, sur le modèle de la Suisse et des États-Unis. Dans le cas de la Suisse, tout décaissement suppose un accord intergouvernemental. Il s’agit, me semble-t-il, d’une bonne solution, ainsi que d’une véritable avancée politique – je rejoins M. El Guerrab sur ce point. Au lieu d’abonder le budget général de l’État, ces fonds serviront aux pays spoliés et contribueront à y améliorer les conditions de vie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ce sujet ne vient pas de nulle part, nous ne l’avons pas découvert aujourd’hui, au petit matin. Depuis plusieurs mois, des concertations ont lieu, sur la base des travaux parlementaires, dans un cadre interministériel, avec les ONG. Il y a quelques jours encore, nous avons travaillé avec Transparency International. Tout cela est l’aboutissement d’une mobilisation du Parlement et du Gouvernement.

Les préoccupations exprimées par le député Potier sont aussi les nôtres. Nous envisageons de confier à l’AFD ou à des ONG le financement direct de projets concrets de développement par ces crédits, assurant ainsi le bon usage des fonds. Toutes les garanties seront prises. De surcroît, la création d’un programme budgétaire offre aux parlementaires une capacité de contrôle. Nous faisons preuve d’une transparence totale. C’est dans cet esprit que nous travaillons à la rédaction de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE553 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. Il s’agit de codifier les dispositions de l’article 7 au sein du code monétaire et financier.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE359 du rapporteur.

La commission est saisie des amendements identiques AE292 de M. M’jid El Guerrab, AE665 de M. Jean François Mbaye et AE667 de M. Bruno Fuchs.

M. M’jid El Guerrab. Comme vous l’avez rappelé hier, monsieur le président, il est peu ordinaire que les trois groupes de la majorité s’entendent sur la rédaction commune d’un amendement. En l’espèce, il s’agit d’approfondir l’alliance entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), afin d’améliorer l’implantation de l’AFD dans les territoires et sa coopération avec les collectivités territoriales en matière de développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je connais l’engagement de M’jid El Guerrab sur ce sujet : il en a discuté avec le secrétaire d’État, avec les responsables de la CDC, nous avons mené des auditions. Je suis défavorable à cet amendement car les dispositions proposées ne relèvent pas du domaine de la loi. Mais nous examinerons ultérieurement un amendement similaire sur lequel j’émettrai un avis favorable, qui permettra d’approfondir le sujet et d’encourager des actions concrètes.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable. Ces amendements reposent sur un schéma qui avait cours en 2016, lorsque la question de la recapitalisation de l’AFD se posait, mais qui est désormais dépassé. D’une part, le Gouvernement a mis les moyens nécessaires sur la table ; d’autre part, le présent projet de loi vise à renforcer le pilotage de l’AFD par l’État. Je sais l’attachement de M’jid El Guerrab à cette grande institution qu’est la CDC, et nous nous félicitons qu’il existe des collaborations opérationnelles concrètes entre les deux institutions, telles que le fonds STOA. Je suis sensible à l’implication de M’jid El Guerrab, Jean-François Mbaye et Bruno Fuchs, mais le schéma qu’ils proposent est un peu daté et contredit les orientations du texte.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AE81 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Le directeur général de l’AFD doit être nommé par le Président de la République après avis des commissions parlementaires compétentes, sur proposition du conseil d’administration. En effet, celui-ci joue un rôle important : il délibère sur les orientations stratégiques et sur le contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’État, ainsi que sur les opérations et les concours financiers menés pour son compte propre, pour celui de l’État ou sur mandats donnés par des tiers ; il peut aussi déléguer une partie de ses pouvoirs au directeur général, qui lui rend compte. Pour qu’il mène efficacement ses missions, il doit contribuer à la désignation du directeur général et, le cas échéant, pouvoir mettre fin à son mandat s’il entrait en conflit avec lui.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. La nomination du directeur général de l’AFD relève de l’article 13 de la Constitution. Ses modalités sont précisées par une loi organique. Elles ne peuvent être modifiées par une loi simple.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AE311 de M. Jean-Paul Lecoq, AE155 de Mme Bérengère Poletti et AE446 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Paul Lecoq. Ce projet de loi confirme le rôle du groupe AFD, acteur central et centralisateur. Il concentre en son sein une gamme très large d’activités et se dote d’un second opérateur, Expertise France, qui viendra s’ajouter à Proparco.

Cet élargissement du groupe, la multiplication des instruments d’appui au secteur privé et la promotion des partenariats public privé doivent s’inscrire dans un cadre de redevabilité, de contrôle et de transparence clairement établi.

Nous souhaitons que, chaque année, l’AFD publie une liste exhaustive de ses engagements financiers, indiquant les intermédiaires et les bénéficiaires finaux. De plus, elle devra s’engager à transférer directement les fonds de la France aux pays bénéficiaires car l’intermédiation financière n’entre pas dans ses attributions.

L’AFD devra publier en langue locale toutes les informations nécessaires sur ses projets. Enfin, elle devra exiger la plus grande transparence des entreprises qui bénéficient de ses financements et examiner toute plainte portant sur leurs actions.

L’AFD est dans une phase de croissance si importante qu’elle n’a pas encore pris la mesure de ces exigences ; il lui faut dorénavant évoluer vers plus de redevabilité et de transparence.

Par ailleurs, je ne perçois pas de progrès dans la composition du conseil d’administration de l’AFD. Le passage de quatre députés – comme c’était le cas au début de ce mandat – à trois constitue à mes yeux une régression de la représentation du Parlement !

M. Michel Herbillon. Nous estimons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, que l’élargissement des fonctions de l’AFD doit s’accompagner d’une meilleure transparence. Elle permettra au Parlement d’exercer pleinement son rôle d’évaluation et de contrôle.

M. Dominique Potier. L’essentiel a été dit. Pour traduire ces propositions dans le langage commun : après le « 1 % déchets », le « 1 % eau », bientôt le « 1 % mobilité » et le « 1 % bailleurs sociaux », nous demandons le « 0 % paradis fiscaux » !

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements.

S’agissant du nombre de parlementaires au sein du conseil d’administration de l’AFD, on comptait quatre titulaires au début de ce mandat – deux députés et deux sénateurs – et nous allons passer à trois députés et trois sénateurs. Ce n’est pas une régression.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable, ces dispositions opérationnelles ne sont pas de nature législative. D’ailleurs, la quasi-totalité des mesures proposées est déjà appliquée par l’AFD dans ses politiques internes.

Il sera loisible aux parlementaires, qui seront en plus grand nombre au conseil d’administration, d’infléchir…

M. Dominique Potier. C’est une provocation ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Pas du tout ! Au début du mandat, il y avait deux titulaires et deux suppléants.

M. Dominique Potier. Ce qui fait quatre députés.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Et combien de titulaires ?

M. Dominique Potier. Deux.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. On passe à trois, c’est un de plus. Accessoirement, c’est votre assemblée qui a supprimé les suppléants. Il faut être cohérent.

Ne jouons pas sur les mots : il y avait deux titulaires, il y en aura trois, c’est un progrès. Les parlementaires constitueront le collège le plus nombreux au sein du conseil d’administration de l’AFD, avec les représentants de l’État. Serait-il normal de compter plus de parlementaires que de représentants de l’État ? Avec trois titulaires, il est possible de prévoir une représentation pluraliste.

M. Dominique Potier. Nous ne pouvons pas discuter de tous les sujets en même temps, je reviendrai sur le nombre de parlementaires au sein du conseil d’administration, qui fait l’objet d’un prochain amendement.

Sur les questions de transparence, avec Jacques Maire et d’autres, nous avons expliqué que nous étions dans une boîte noire à propos de la compréhension des dispositifs.

Alors que le volume des transactions financières va s’amplifier, nous sommes en droit d’exiger l’engagement très clair d’exclure les paradis fiscaux de toutes les pratiques financières de l’AFD. On ne peut pas détruire d’un côté ce que l’on cherche à créer de l’autre ! Si cet amendement n’est pas voté, cet engagement doit figurer ailleurs.

Pour que nos débats en séance se déroulent dans une ambiance sereine, il faut lever toute ambiguïté à ce sujet. Le refus de cet amendement appelle une clarification en séance, sinon nous allons vers une fracture politique forte, ce n’est pas le dessein de ce texte.

M. Jean François Mbaye. Nous suivrons les préconisations du rapporteur et du Gouvernement. Si le souci de transparence et de redevabilité est partagé par tous, nous pourrons le faire figurer à l’article 9, consacré à la commission d’évaluation indépendante. Insérer cette disposition à l’article 7 n’a pas beaucoup de sens.

M. Hervé Berville, rapporteur. Monsieur Potier, vous avez siégé au conseil d’administration de l’AFD : vous ne pouvez pas dire que c’est une boîte noire, ne serait-ce que par respect pour les centaines de salariés qui font au quotidien leur travail de reporting.

Il est évident qu’il faut améliorer la transparence et renforcer l’impact des programmes sur la vie quotidienne, mais vous ne pouvez pas dire que l’AFD est une boîte noire ! Lors de chaque conseil d’administration, le comité des risques nous transmet tous les éléments financiers et les décaissements. Ces données sont d’ailleurs publiées dans le rapport d’évaluation transmis aux parlementaires chaque année par la direction de l’AFD.

On peut améliorer ce texte, notamment s’agissant de la durée moyenne des décaissements ou de l’établissement de données désagrégées pays par pays. Mais ne dites pas que l’AFD n’est pas contrôlée alors qu’elle fait l’objet d’audits et qu’elle est placée sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en qualité d’établissement bancaire ! C’est tellement vrai que les ONG se plaignent de l’excès de procédures et de contrôles : l’AFD est à ce point surveillée qu’elle doit leur imposer des procédures pour que ses dons soient traçables à l’euro près. L’impact des financements de l’AFD et les résultats de son action soulèvent des questions, mais il ne faut pas dire que c’est une boîte noire.

S’agissant enfin de la composition du conseil d’administration de l’AFD, nous passons de deux à trois députés, et mon amendement prévoit une représentation pluraliste : le président de l’Assemblée nationale pourra choisir trois personnes de trois groupes différents.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AE156 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il s’agit d’assurer le contrôle de l’AFD dans les mêmes conditions que celui de la société Expertise France, en la plaçant sous la responsabilité de la commission créée à l’article 9 de ce projet de loi, toujours afin de favoriser une politique de développement plus transparente.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements AE448, AE449 et AE447 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Mes propos ont pu dépasser ma pensée, et je vous prie de m’en excuser. Le terme de « boîte noire » ne s’appliquait pas à l’AFD, mais à l’aide publique au développement de manière générale. Je le maintiens : les députés de tous bords, majorité et opposition confondues, se plaignent de ne pas comprendre. Ce n’est pas seulement une question de transparence, mais aussi de pédagogie des enjeux autour des prêts, des dons, et des sommes décaissées. Alors que les montants augmentent, nous sommes en droit d’exiger, non seulement la transparence, mais aussi une pédagogie et des instruments de contrôle qui permettent d’orienter ces crédits et d’exercer le contrôle parlementaire.

Le contrôle parlementaire est aussi à l’œuvre dans cette grande et belle maison qu’est l’Agence française de développement. Traditionnellement, son conseil d’administration accueillait deux députés titulaires et deux suppléants. Le président de l’Assemblée nationale avait décidé de nommer deux titulaires de LaREM, dont vous, monsieur le rapporteur – je ne vois pas parmi nous l’autre titulaire, elle ne participe pas à nos travaux, et je l’ai rarement croisée à l’AFD – et deux suppléants : Bérengère Poletti et moi-même. En tant que suppléant, nous avions les mêmes égards, le même niveau d’information et le même droit à siéger. Nous étions rarement trois présents, il arrivait même qu’il n’y ait qu’un seul représentant des députés. Personne n’avait l’impression d’une surreprésentation de l’Assemblée nationale : notre complicité, notre vigilance commune, notre amitié nouée lors de combats communs créait un climat favorable.

C’est avec la brutalité que vous savez que nous avons appris avoir été virés par l’effet d’une disposition votée par la majorité, qui voulait simplifier la représentation des parlementaires. Ni l’Assemblée nationale ni l’AFD n’ont eu beaucoup d’égards pour nous prévenir alors… mais peu importe.

Si trois députés siègent à l’avenir dans le conseil d’administration, il y aura un représentant du groupe LR et deux représentants du groupe LaREM – vous ne pouvez faire autrement. Concrètement, la gauche ne sera pas représentée, et ce sera un appauvrissement pour la démocratie. Quatre députés, c’est le bon nombre. Un de mes amendements propose de nommer quatre députés titulaires, un autre deux titulaires et deux suppléants, puisque dans la pratique, les suppléants ont les mêmes pouvoirs et la même reconnaissance.

Le secrétaire d’État semble craindre que l’Assemblée nationale soit trop présente au conseil d’administration. Ma proposition de nommer deux titulaires et deux suppléants permet une meilleure diversité : la majorité reste majoritaire, mais l’opposition de droite et l’opposition de gauche sont représentées. Avec trois représentants, vous prenez des risques. Nous demandons le retour à la situation normale, qui nous convenait parfaitement et permet de lever tout soupçon d’arrangement entre amis.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je répète que la rédaction adoptée à l’amendement AE358 prévoit une représentation pluraliste. L’irruption du groupe de La République en Marche a perturbé le ping-pong habituel gauche-droite…

M. Jean-Paul Lecoq.  Oui, c’est droite-droite désormais !

M. Hervé Berville, rapporteur. … mais rien n’interdit au président de l’Assemblée nationale de nommer trois représentants issus de formations politiques différentes.

Mme Isabelle Rauch.  2022, c’est bientôt.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable. Une disposition votée par le Parlement, à l’initiative du président de l’Assemblée nationale, appuyé par de nombreux présidents de groupes, de la majorité et de l’opposition, a entraîné la disparition des suppléants. Nous en prenons acte et nous augmentons de 50 % le nombre de titulaires, qui passe de deux à trois. Les parlementaires constitueront le collège le plus nombreux avec les représentants de l’État.

La majorité sénatoriale étant distincte de celle de l’Assemblée, prévoir trois députés et trois sénateurs offre tous les gages pour représenter l’ensemble du spectre politique.

M. Bruno Fuchs. Pour organiser la représentativité, il faut prévoir un certain nombre de postes, mais ces amendements sont une régression par rapport à la proposition du rapporteur.

M. Dominique Potier. Il est assez simple de comprendre que toutes les sensibilités étaient auparavant représentées. Quoi que vous puissiez dire, concrètement, la diversité de la gauche ne sera plus présente au conseil d’administration de l’AFD. C’est la conséquence pratique et inéluctable de ce que nous sommes en train de voter.

Madame la vice-présidente, vous nous dites que 2022, c’est bientôt. Personne ne peut prédire s’il sera dans la majorité ou l’opposition demain, et peu importe. Je défendrais le même principe si la droite, ou le centre, était dans l’opposition. Ce n’est pas une question de rapport de force, c’est une question de principe : nous sommes en train d’établir la capacité à vivre le pluralisme au sein de l’AFD.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AE294 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. L’article 153 de la loi Sapin 2 prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations avant le 1er octobre 2019. Nous demandons un nouveau rapport.

Très ouverte sur l’international, l’AFD pourrait compter sur la CDC pour renforcer son empreinte en France. À l’inverse, elle pourra servir d’appui à la Caisse hors de France, puisque celle-ci détient de nombreuses filiales à l’étranger.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je propose à M. M’jid El Guerrab de modifier son amendement pour remplacer « le rapprochement » par « les coopérations opérationnelles ».

Nous ne sommes plus dans la logique d’adosser une structure à l’autre, mais d’approfondir des coopérations opérationnelles. Compte tenu de l’architecture que nous dessinons avec ce projet de loi, remettre un rapport sur les coopérations opérationnelles entre l’AFD et la Caisse des dépôts a du sens.

M. M’jid El Guerrab. Je note toute la subtilité de notre chère administration, qui a peur de ce terme de « rapprochement », mais je comprends que le secrétaire d’État soit vigilant. Il n’est pas question de gêner ou d’indisposer, mais j’espère que nous aurons plus de temps pour en parler en séance, car ce rapprochement s’opère déjà. J’accepte de modifier mon amendement comme proposé.

La commission adopte l’amendement AE294 rectifié.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 (loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010) : Rapprochement d’Expertise France avec le groupe Agence française de développement

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE361 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE182 de Mme Amélia Lakrafi.

Mme Marion Lenne. Expertise France, malgré son statut de société par actions simplifiée, exerce une mission de service public. Il est proposé de conforter son image comme un opérateur de l’État français pleinement inséré dans le dispositif public français d’aide au développement et de coopération internationale.

Cela lui permettra de bénéficier à l’étranger de facilités et de dispositifs traditionnellement réservés aux organisations publiques, et de se présenter comme telle à ses partenaires et aux autorités des pays dans lesquels elle est présente.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, cet amendement aurait pour effet de restreindre les capacités d’intervention d’Expertise France, notamment dans des secteurs cruciaux des objectifs de développement durable et de lutte contre les inégalités.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement AE658 de Mme Sira Sylla.

Elle examine l’amendement AE104 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet. Cet article définit le statut et les missions d’Expertise France. Nous proposons d’engager Expertise France à soutenir l’action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements. En s’appuyant sur ses compétences, son expérience et sa méthodologie, les acteurs locaux pourront mieux organiser leurs initiatives en faveur de l’aide publique au développement.

Le groupe LaREM présentera un amendement au cadre de partenariat global qui porte sur le même sujet. Le ministre a évoqué mercredi matin la nécessité de renforcer la coordination territoriale en matière d’action extérieure, l’opérateur Expertise France pourra exercer ce rôle de point focal.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cette mesure trouvera sa place dans le cadre de partenariat global, nous en discuterons alors.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE578 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. Il s’agit d’une question importante, qui n’apparaît nulle part dans le texte du projet de loi ; je souhaite l’y inscrire.

Expertise France a permis la mutualisation des différents opérateurs ministériels de coopération technique, au travers d’une mission de portage. Or la présence au conseil d’administration d’Expertise France des ministères qui ont transféré leur savoir-faire à l’opérateur disparaît complètement des dispositions statutaires.

Je comprends que l’on souhaite simplifier la gouvernance et faciliter le pilotage en ne le confiant qu’à deux ministères, Bercy et les affaires étrangères. On peut même s’interroger sur le rôle de Bercy ; sur ce sujet, ce n’est qu’un ministère technique parmi d’autres, il n’y a pas d’enjeux prudentiels ou financiers particuliers.

Il n’en est pas moins nécessaire d’indiquer dans la loi le caractère interministériel et la capacité d’Expertise France à porter les priorités politiques et techniques de coopération internationale des différents ministères. Je propose donc de mentionner qu’Expertise France est aussi le bras armé des ministères, que son mandat ne se limite pas aux missions d’intérêt public au service de la politique extérieure, mais aussi aux politiques régaliennes des ministères.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Ces dispositions relèvent des statuts d’Expertise France : votre préoccupation est satisfaite par la gouvernance et le mode de fonctionnement du conseil d’administration. Je partage toutefois votre volonté qu’Expertise France puisse être saisie par tous les ministères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Suite à un rapport de 2017, le dialogue entre Expertise France et les différents ministères est articulé autour de comités sectoriels à vocation opérationnelle. Ils ont été mis en place dans le contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022 d’Expertise France. Les ministères et Expertise France ont donc la capacité de se nourrir mutuellement.

L’article 8 porte sur l’objet social d’Expertise France. Vos préoccupations sont prises en compte dans le nouveau contrat d’objectifs et de moyens.

M. Dominique Potier. Créer un « commando d’élite » pour la France à l’international est une excellente idée, si tant est qu’il soit démocratiquement piloté. France expertise ne doit pas affaiblir la capacité stratégique et l’intelligence de chacun des ministères, sinon nous serons dans les mains de McKinsey et autres.

La collégialité de l’expertise est une question importante, qui tient à l’organisation de l’État. La renvoyer aux statuts d’Expertise France est délicat, alors que nous sommes en train de créer cet opérateur. C’est justement le moment pour en débattre.

M. Jacques Maire. Si le Gouvernement et le rapporteur proposent une solution alternative moins lourde pour insérer dans la loi – peut-être dans le cadre de partenariat global – une disposition qui établisse que cet outil de coopération presque unique au sein de l’État est le reflet des politiques interministérielles à l’international, je suis disposé à retirer mon amendement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis très favorable à cette proposition. Trois sujets principaux sont ressortis des auditions : la capacité d’autonomie stratégique d’Expertise France doit être maintenue ; les ministères doivent pouvoir la saisir ; et il faut éviter les doublons, car l’extension géographique et sectorielle de l’AFD n’est pas celle d’Expertise France. Je suis favorable à l’inscription de ces dispositions dans le cadre de partenariat global.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous pourrons trouver une rédaction satisfaisante dans le cadre de partenariat global, bien sûr !

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE445 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il vise à préciser que le capital d’Expertise France est intégralement détenu par l’État. Nous avons obtenu des garanties en la matière, mais la rédaction de l’alinéa 4, qui évoque la situation de cette structure « à la date de sa transformation », est malheureuse. Nous aimerions donc avoir l’assurance que le capital d’Expertise France restera public à 100 % et que l’action de cette société à l’international ne souffrira d’aucun mélange des genres.

M. Hervé Berville, rapporteur. Votre préoccupation est légitime mais, à la lecture de l’article, je pense que votre demande est satisfaite. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’alinéa 4 est clair : « Son capital est public. » Il n’y a aucune ambiguïté. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE181 de Mme Amélia Lakrafi.

Mme Marion Lenne. Il vise à garantir que le capital de la société Expertise France ne pourra être ouvert qu’à des entités françaises publiques ou à participation publique. L’alinéa 4 dispose que le capital de la société est public, mais il ne ferme pas la porte à une ouverture future de ce capital à d’autres acteurs que l’État et l’AFD. Nous proposons de restreindre cet accès aux acteurs français de la coopération ou de l’aide publique au développement, et de prévoir une consultation du Parlement avant toute modification du capital. Au vu des débats qui nous animent depuis hier, je suppose que cet amendement fera consensus.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l’alinéa 4. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE640 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. Il vise à permettre la représentation de la diversité politique de nos assemblées au sein du conseil d’administration d’Expertise France. Nous proposons que siègent dans cette instance deux députés et deux sénateurs – et non un seul membre de chaque chambre –, ce qui permettra la nomination, par chaque assemblée, d’un parlementaire de la majorité et d’un autre de l’opposition.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement. En conséquence, l’amendement AE185 de M. Jean-Paul Lecoq tombe.

La commission examine l’amendement AE579 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. Sur la base des engagements pris par le secrétaire d’État et le rapporteur, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AE157 de Mme Bérengère Poletti et AE186 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Michel Herbillon. L’amendement AE157 vise à garantir une meilleure représentation des groupes d’opposition au sein du conseil d’administration de la société Expertise France. Nous proposons que l’alinéa 10 prévoie la présence de « deux députés et deux sénateurs pour lesquels chaque chambre doit respecter la représentation majoritaire et d’opposition ».

M. Jean-Paul Lecoq. Permettez-moi de poser une question technique. Il arrive qu’un collègue retire son amendement au motif que le rapporteur et le Gouvernement s’engagent à déposer eux-mêmes, pour la séance publique, un amendement dans le cadre du CPG. Disposerons-nous de cet amendement avant la séance publique ? Il ne faudrait pas qu’il arrive au dernier moment, car le délai de dépôt des amendements expire samedi soir pour les députés…

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous prenons l’engagement de déposer ces amendements le plus rapidement possible. Nous ferons le maximum, mais cela dépendra aussi du moment auquel notre commission achèvera ses travaux.

Les amendements AE157 et AE186 sont en partie satisfaits par l’adoption de l’amendement AE640 de M. Maire. Je demande leur retrait au profit d’une autre rédaction garantissant une représentation « pluraliste » des parlementaires, à l’instar de ce qui est prévu pour les conseils d’administration d’autres structures. À défaut, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le Gouvernement laisse le Parlement organiser lui-même sa représentation.

M. Michel Herbillon. Nous avons déjà fait remarquer hier soir que cette notion de représentation pluraliste n’était pas d’une extraordinaire clarté. La majorité et l’opposition elles-mêmes peuvent être pluralistes : cette rédaction n’empêcherait donc pas que l’opposition, ou la majorité, ne soit pas représentée au conseil d’administration, ce qui poserait problème.

N’essayons pas d’inventer de nouveaux concepts : les notions de majorité et d’opposition sont aussi vieilles que la République ! Nous tenons à ce que la représentation conjointe de la majorité et de l’opposition soit véritablement respectée. Il ne faut pas que la créativité sémantique s’oppose à cet objectif. Sous réserve de cette remarque, dont j’espère qu’elle sera prise en compte par le rapporteur, je retire l’amendement AE157.

M. Jean-Paul Lecoq. Je maintiens mon amendement, mais je préférais celui du groupe Les Républicains. Le rapporteur et nos collègues de la « Macronie » eux-mêmes affirment que La République en marche est un parti pluraliste, puisqu’il est de gauche et de droite : dans le cadre d’une représentation pluraliste, ce parti pourrait donc obtenir les deux sièges ! Nous préférons, pour notre part, les notions de majorité et d’opposition, l’appartenance d’un groupe à l’une ou à l’autre étant clairement déclarée.

L’amendement AE157 est retiré.

La commission rejette l’amendement AE186.

Elle en vient à l’amendement AE580 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. Il vise à augmenter la présence des autres ministères au sein du conseil d’administration d’Expertise France. Je le retire, dans la mesure où nous avons décidé de maintenir une gouvernance simple, tout en insistant sur le caractère interministériel de l’opérateur.

L’amendement AE580 est retiré.

La commission examine l’amendement AE158 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Nous proposons que siègent dans cette instance deux membres d’ONG afin de garantir une meilleure représentation de ces acteurs du développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable.

Ici, monsieur Lecoq, nous ne sommes pas la « Macronie ». C’est un concept journalistique fumeux : cela n’existe pas.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Les ONG peuvent être représentées au conseil d’administration dans la catégorie des personnalités qualifiées. À côté du conseil d’administration, il existe des comités de L’Initiative, notamment un comité de pilotage, qui permettent d’associer les ONG. Nous souhaitons en rester là.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE366 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AE444 de M. Dominique Potier.

M. Alain David. La société civile doit avoir un représentant au sein du conseil d’administration d’Expertise France.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Il n’appartient pas au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) de nommer un membre du conseil d’administration.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même raisonnement que pour l’amendement AE158. La société civile, comme les ONG, peut être représentée au sein du conseil d’administration dans la catégorie des « personnalités désignées en raison de leurs compétences dans le domaine d’activité de la société », et au sein du comité de pilotage de L’Initiative. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AE673 de M. Jacques Maire est retiré.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement AE362 du rapporteur et l’amendement AE177 de Mme Amélia Lakrafi.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit de simplifier la répartition des compétences entre le président du conseil d’administration et le directeur général d’Expertise France. En effet, cet opérateur de l’État a connu des crises de gouvernance du fait du manque de clarté dans la répartition des rôles entre ces deux fonctions. Les nouveaux statuts de la société prévoieront la désignation d’un directeur général, doté de pouvoirs exécutifs, tandis que le président du conseil d’administration sera chargé de l’organisation des travaux de ce conseil, selon le modèle applicable aux sociétés anonymes. Il s’agit d’assurer l’efficacité de la gouvernance d’Expertise France et d’éviter de retomber dans les crises que nous avons connues ces cinq dernières années.

Mme Marion Lenne. L’amendement vise à créer la fonction de directeur général de la société Expertise France, doté de pouvoirs exécutifs, sur le modèle de ce qui existe déjà à l’AFD. Ce directeur général sera nommé par le conseil d’administration, sur proposition du directeur général de l’AFD, sa future maison mère. Quant au président, il sera nommé par décret et présidera le conseil d’administration. Cette répartition des rôles semble adéquate pour permettre une gouvernance harmonieuse de cette agence qui, comme l’a rappelé le rapporteur, a connu des crises de gouvernance importantes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je ne suis pas favorable à ce que le directeur général d’Expertise France soit nommé sur proposition du directeur général de l’AFD. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement AE362 et demande le retrait de l’amendement AE177.

M. Jean-Paul Lecoq. On nous oppose parfois le fait qu’une disposition relève du statut et n’a donc pas à figurer dans la loi ; or ce même statut est fixé par la loi. C’est surprenant !

Par ailleurs, nous parlons depuis tout à l’heure du président et des membres du conseil d’administration, considérant que c’est cette instance qui fixe les orientations politiques, contrôle le directeur général et lui confie ses missions. Or le rapporteur nous invite à voter un amendement accordant les pleins pouvoirs à ce directeur général. Nous aurons donc un conseil d’administration et une présidence fantoches. Cette organisation est absolument choquante : je suis tout à fait opposé à cet amendement, qui sent le verrouillage politique d’Expertise France.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces dispositions du statut sont inscrites dans la loi parce qu’elles dérogent au code du commerce. Nous souhaitons permettre au directeur général d’assurer la gestion opérationnelle de la structure, ce qui n’est pas possible dans les sociétés par actions simplifiées régies par le code du commerce. Ces dispositions sont très concrètes et très simples. Elles ne font pas du conseil d’administration un fantoche ; au contraire, le directeur général devra lui rendre compte de toutes ses actions.

La commission adopte l’amendement AE362 ; en conséquence, l’amendement AE177 tombe.

La commission examine l’amendement AE180 de Mme Amélia Lakrafi.

Mme Marion Lenne. Il vise à supprimer l’alinéa 16. Quatre représentants de l’État – deux représentants du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et deux représentants du ministère de l’économie, des finances et de la relance – sont déjà prévus au conseil d’administration de la future société Expertise France. Il n’est pas nécessaire de nommer deux commissaires du Gouvernement, émanant des mêmes ministères, en plus de ces représentants. En revanche, le commissaire du Gouvernement siégeant au conseil d’administration de l’AFD pourrait également siéger à celui d’Expertise France, comme il siège déjà à celui de Proparco.

Le délai de quinze jours pour rendre exécutoires les décisions du conseil d’administration est par ailleurs trop long pour permettre à un organisme tel que la société Expertise France de mener ses activités avec la réactivité requise.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, dans la droite ligne des propos de Jacques Maire et d’autres collègues s’agissant de la présence de l’État au sein du conseil d’administration et du contrôle politique des délibérations de ce dernier. Par ailleurs, il faut préserver l’autonomie d’Expertise France et donc prévoir des commissaires du Gouvernement différents de ceux qui siègent déjà au conseil d’administration d’autres structures.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. Jacques Maire. La question que j’ai posée tout à l’heure prend tout son sens dans le cadre de notre débat. L’une des raisons du conflit de gouvernance que nous avons connu il y a quelques années était la double casquette du président du conseil d’administration d’Expertise France, par ailleurs délégué interministériel à la coopération technique internationale : elle permettait au président du conseil d’administration d’avoir la main sur les ministères et de mettre en cause le directeur général. Cette fonction de délégué interministériel existe-t-elle toujours ? Si oui, sera-t-elle confiée au futur président du conseil administration ?

M. Hervé Berville, rapporteur. La fonction a été supprimée.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE159 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il vise à accélérer l’exécution des délibérations et décisions du conseil d’administration de la société Expertise France. Nous proposons de ramener leur délai exécutoire de quinze à huit jours après leur réception par les commissaires du Gouvernement. Il s’agit là d’une incitation à la rapidité et à l’efficience dans l’action.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable, pour des raisons tenant à l’efficacité. J’aimerais cependant que M. le secrétaire d’État nous apporte son éclairage.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je comprends votre souci d’accélérer l’exécution des délibérations. Toutefois, ce délai de quinze jours est la norme pour la plupart des établissements. Par ailleurs, ces délibérations peuvent nécessiter un arbitrage interministériel. Le Gouvernement est donc, à ce stade, défavorable à l’amendement.

M. Michel Herbillon. Votre réaction me surprend, monsieur le secrétaire d’État. Vous essayez d’habitude de vous affranchir des normes et de vous attacher aux résultats et à l’efficience de l’action.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE363 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE160 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il vise à favoriser une politique de développement plus transparente en soumettant la société Expertise France au contrôle de la commission instituée à l’article 9.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Le rôle de cette commission est d’évaluer, non de contrôler. Le contrôle relève de la Cour des comptes.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE183 de Mme Amélia Lakrafi.

Mme Marion Lenne. Il vise à supprimer l’alinéa 18. Nous proposons que les statuts d’Expertise France soient approuvés par son assemblée générale, comme cela est habituellement le cas dans les sociétés par actions simplifiées, et non par décret. Nous souhaitons conserver la souplesse que le statut de société donne à Expertise France qui, comme Proparco, doit pouvoir amender ses statuts sans repasser par un décret. Le projet de loi comporte déjà de nombreuses garanties quant au rôle de l’État dans le pilotage de l’opérateur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends votre souci de préserver de la souplesse. Eu égard au rôle que jouera Expertise France dans la conduite de nos politiques publiques et à la nécessité pour l’État d’être présent dans la gouvernance de cette structure, je préfère cependant que les statuts soient approuvés par décret. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE364 du rapporteur.

Elle adopte l’article 8 modifié.

Article 9 : Création d’une commission d’évaluation

La commission est saisie de l’amendement AE367 de rédaction globale du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Lors de l’examen des premiers articles de ce projet de loi, nous avons beaucoup débattu de nos objectifs : combien voulons-nous dépenser en matière d’aide publique au développement ? quels doivent être les secteurs prioritaires ? Aussi la question de l’évaluation est-elle essentielle : nous devons la placer au cœur de notre politique de développement. C’est également un devoir que nous avons envers nos concitoyens. Lorsque nous augmentons les crédits consacrés à cette politique, comme nous le faisons depuis le début du quinquennat, nous devons rendre des comptes quant à l’impact de nos actions : ont-elles permis de transformer les pays que nous avons aidés, d’améliorer les conditions de vie des populations, de relever le taux de vaccination, d’accroître la surface des aires marines protégées, de faire reculer la mortalité infantile, d’augmenter l’espérance de vie ? Ces questions sont très complexes : elles vont au-delà de l’efficience, du contrôle de qualité, de l’audit et du contrôle financier de la Cour des comptes. Depuis trois ans, cette problématique est au cœur de nos travaux parlementaires ; elle a été abordée, notamment, par nos collègues Rodrigue Kokouendo et Bérengère Poletti dans leur rapport d’information sur l’aide publique au développement.

Nous souhaitons instituer une commission indépendante chargée d’évaluer des projets ou des politiques publiques de développement. Les évaluations qu’elle conduira, ex ante ou ex post, pourront porter sur plusieurs pays. Elle viendra expliquer au Parlement quels sont les impacts de nos actions et formulera des recommandations en termes de politiques publiques. Ce sera ensuite au Parlement d’inciter le Gouvernement, l’AFD, Expertise France et Proparco à mettre en œuvre ces recommandations.

Cette commission aura aussi vocation à capitaliser des expériences. Lors d’un conseil d’administration de l’AFD, en avril dernier, au cœur de la crise sanitaire, j’ai pu constater à quel point l’action de la France était importante dans de nombreux domaines, notamment en matière de santé. Cependant, les hommes et les femmes qui mettent en œuvre cette politique de développement changent, et nous sommes incapables de capitaliser leurs expériences et d’assurer la transmission de leur savoir. Par ailleurs, des actions conduites par d’autres pays pourraient être transposées en France. L’évaluation doit nous permettre de comprendre pourquoi un projet a réussi ou échoué, quelles sont les leçons à retenir et comment nous pouvons en tirer profit pour nos actions futures.

Cette commission indépendante d’évaluation sera similaire à celles qui existent dans d’autres pays comme l’Angleterre. Elle sera placée aux côtés de la Cour des comptes, qui assurera son secrétariat, pour des raisons logistiques et immobilières. Elle arrêtera son programme de travail de manière indépendante. Les administrations et autres personnes publiques seront tenues de lui apporter leur concours. Elle devra rendre des comptes devant le Parlement, qui pourra se saisir des évaluations qu’elle aura menées.

Cet amendement représente une belle avancée pour notre Parlement et notre pays – je sais que certains collègues en ont déposé d’autres, parfois un peu différents mais allant dans la même direction. La création de cette commission est le fruit de nombreux travaux parlementaires. Elle nous permettra d’être plus transparents vis-à-vis de nos concitoyens. En montrant l’impact de notre action sur le quotidien des populations aidées, nous deviendrons plus crédibles, nous pourrons demander davantage de crédits aux organisations internationales et nous gagnerons en influence, sur la scène mondiale, dans le domaine de l’aide au développement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. La nouvelle rédaction proposée a l’intérêt de conforter l’indépendance de la commission, de préciser les grands principes de son mandat et de la placer auprès de la Cour des comptes. Avis favorable.

M. M’jid El Guerrab. Il est en effet rassurant que la future institution soit adossée à la Cour des comptes : c’est un gage d’expertise et de neutralité qui suscite la confiance.

M. Michel Herbillon. Je salue la capacité d’écoute et l’ouverture dont a fait preuve le rapporteur à la suite de nos travaux – auxquels Bérengère Poletti, qui, vous le savez, regrette de ne pas être parmi nous, a pris une grande part.

Il est nécessaire d’évaluer et de contrôler directement les projets, moyennant une expertise sur place s’il le faut. C’est un élément important dont le rapporteur n’a pas parlé.

Ensuite, que signifie, dans l’exposé sommaire de l’amendement, l’expression « “droit de tirageˮ du Parlement » ?

Enfin, pourquoi la commission ne pourrait-elle pas s’appeler « commission d’évaluation et de contrôle » ? Certes, le contrôle est assuré par la Cour des comptes, mais le rôle du Parlement est bien de contrôler l’action du Gouvernement ; je ne vois donc pas en quoi ce nom poserait un problème. Au contraire, il renforcerait la transparence que nous souhaitons tous, sans empêcher la Cour des comptes de jouer son rôle.

Ces points sont capitaux pour nous ; ils détermineront le vote de mon groupe sur l’ensemble du texte. Jusqu’à présent, nous avons voté chaque article dans un esprit de consensus.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, des avancées que vous avez permises après notre réunion avec Jean-Yves Le Drian, lors de laquelle j’avais observé que l’article 9 était insuffisant et même évanescent, renvoyant à des décrets la composition, le rôle et les missions de la commission : on nous demandait de voter les yeux fermés. Ce n’est plus le cas.

Il convient en outre de souligner que l’adossement de la commission à la Cour des comptes, pour assurer son secrétariat et permettre des mutualisations, ne doit pas signifier que c’est le Premier président de la Cour qui présidera la commission. Je ne vise évidemment pas la personne de Pierre Moscovici et n’entends nullement être désobligeant vis-à-vis de cette grande institution pour laquelle j’ai beaucoup de respect, mais nous, parlementaires, tenons à l’indépendance de la commission, qui ne doit pas être sous la mainmise de la Cour.

J’attends des réponses claires du rapporteur et du Gouvernement sur ce point également, qui sera lui aussi décisif pour notre vote.

M. Jean François Mbaye. Je salue à mon tour l’ouverture du rapporteur. Lors de l’audition du Premier président de la Cour des comptes, nous avons pu l’interroger sur la faisabilité du rattachement de la commission à la Cour et l’expertise de celle-ci. Je suis évidemment favorable à l’amendement du rapporteur ; j’en avais moi-même déposé un allant dans le même sens – mais l’adoption du sien fera tomber tous ceux qui portaient sur le même sujet. Je partage cependant les inquiétudes de Michel Herbillon : il faut refuser la facilité qui consisterait à faire du Premier président de la Cour des comptes le président de la future commission ; le rattachement est le dispositif optimal, et le plus naturel compte tenu de l’expertise de la Cour.

M. Rodrigue Kokouendo. Je salue moi aussi l’avancée que représente la nouvelle rédaction de l’article. Le rapporteur, Mme Poletti et moi-même avions proposé la création de la commission, qui garantira toute la transparence requise pour assurer la confiance et mesurer les résultats – le retour sur investissement des programmes mis en œuvre, si vous me permettez cette expression. Les inquiétudes de mes collègues doivent être entendues ; j’espère que la suite de la discussion permettra de les apaiser.

M. Jean-Paul Lecoq. Eh bien moi, je ne salue pas la méthode ! Nous découvrons après avoir déposé nos amendements que l’article 9 est réécrit – nous n’avons pris connaissance de l’amendement du rapporteur qu’en le trouvant dans la liasse. Cette réécriture fera tomber tous les autres amendements à l’article. Ils relayaient pourtant une multitude de questions en suspens.

Il va donc falloir tout reprendre en vue de la séance ; j’en préviens le président et les services. Monsieur le président, vous répétez toujours qu’au niveau européen on travaille davantage en commission qu’en séance ; ici, c’est l’inverse. Nous allons devoir redéposer des amendements au nouvel article 9, que nous venons de découvrir, et étudier les nouveaux amendements déposés par le rapporteur ou le Gouvernement compte tenu de ceux qui sont tombés. Au vu du calendrier, il est urgent que notre commission informe la conférence des présidents qu’elle devra prévoir du temps pour discuter le projet de loi en séance !

M. Dominique Potier. Jean-Paul Lecoq parle d’or. L’article, quasi vide dans le texte initial, l’est presque autant dans cette version. Les différents amendements lui apportaient des contributions significatives, faisant de la nouvelle commission une vraie innovation en matière d’évaluation.

Les mêmes questions se posent à propos de cette commission que pour le Haut Conseil pour le climat et toutes les instances d’évaluation : par rapport à quoi évalue-t-on, puisque rien n’est écrit à ce sujet ? Qui peut saisir l’instance ? Le Gouvernement seulement ? L’affaire ne se joue-t-elle qu’entre la Cour des comptes, la présidence de la République et l’exécutif en général, selon un verrouillage dont nous avons déjà parlé ? Ou la saisine est-elle ouverte au Parlement ? Sera-t-il possible de procéder à des évaluations ex post et ex ante selon des critères comme les objectifs de développement durable (ODD) et leur effet sur les pays en développement ? Existe-t-il une base de données publique permettant d’argumenter devant les assemblées compétentes ?

Je soutiens le principe d’une commission d’évaluation ; mais pour que celle-ci tienne ses promesses, nous aurions dû en débattre ici. La réécriture de l’article nous renvoie à des discussions absconses en séance, alors qu’elle aurait pu avoir lieu après le débat en commission ; cela aurait été beaucoup plus respectueux du Parlement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Sur la méthode, il faudrait choisir : on me reproche tantôt de tout renvoyer en séance faute d’avoir travaillé avant, tantôt d’arriver en commission en ayant déjà fait le travail alors qu’il faudrait le faire en séance !

M. Dominique Potier. Non, je souhaite que l’on travaille en commission !

M. Hervé Berville, rapporteur. Vous avez dit que vous vouliez laisser le travail en commission se faire et renvoyer la réécriture au débat dans l’hémicycle. Et quand je travaille ici avec vous sur vos amendements, vous me dites que l’on n’aura pas le temps de tenir compte de tout cela dans l’hémicycle !

Nous avons pu avancer sur certains sujets, non sur d’autres. Mais voilà un an et demi que nous discutons de l’évaluation, que nous auditionnons à son sujet, et le dispositif que nous examinons en est le fruit. Monsieur Potier, vous avez assisté aux réunions avec le Gouvernement lors desquelles nous avons indiqué quels éléments nous souhaitions ou non voir figurer dans le texte. Vous étiez également présent l’année dernière quand, avec Marielle de Sarnez, nous avons parlé du rattachement de la commission à la Cour des comptes ; nous avons alors tenu compte de votre point de vue ; le compte rendu en atteste.

Sur les méthodes d’évaluation proprement dites – je sais votre connaissance du sujet et vous avez raison d’y insister –, je l’ai dit, il y aura des évaluations ex post et ex ante ; mais il ne relève pas de la loi de détailler toutes les techniques et approches employées – randomized controlled trial, big data, open data, etc.

En ce qui concerne la saisine, le V de l’article dans la rédaction proposée dispose que « la commission peut être saisie de demandes d’évaluation par le Parlement ». On peut toujours être plus précis sur l’origine de la saisine. Je n’ai pas fait figurer mes propositions à ce sujet dans l’amendement, car celui-ci ne traduit pas mon avis, mais tient compte de nombreux points de vue et discussions collectives. Peut-être faut-il modifier certains éléments ; Jacques Maire a ainsi déposé un sous-amendement sur les modalités de transmission des rapports d’évaluation. Tout cela est encore – en bon breton – un work in progress.

Monsieur Herbillon, je dis trois fois oui à l’expertise sur place. Cela ne figure pas dans la loi, mais il ne faut pas que les experts restent dans des bureaux à Paris – d’où le recours à des personnes sur le terrain et le développement de l’expertise dans les pays bénéficiaires.

L’expression « droit de tirage » signifie simplement que le Parlement a le droit de se saisir de certaines évaluations. Au Royaume-Uni, les évaluations portent sur une dizaine de sujets par an, choisis en lien avec le Parlement et le Gouvernement. Il reste à déterminer – de manière indépendante – quel pourrait être ce nombre en France.

Pourquoi ne pas mentionner le contrôle dans le nom de la commission ? Parce que ce n’est pas de contrôle qu’il s’agit. Certes, l’évaluation inclut une part de contrôle, parce qu’elle suppose de récupérer divers documents, mais ce n’est pas le rôle de la commission. Vous l’avez dit vous-même, c’est le Parlement qui contrôle. Or la commission d’évaluation est indépendante ; elle n’est pas une instance du Parlement. Elle rend compte devant lui et il s’assure que ce qu’elle préconise est mis en œuvre.

Quant à la présidence de la commission, vous avez vu que vos préoccupations étaient prises en considération, comme celles du président Cambon.

Je vous remercie du travail que nous avons mené ensemble et dont mon amendement est le fruit. Il a également associé des organisations de la société civile et des spécialistes de l’évaluation. La rédaction que je vous propose est de nature à faire consensus et à nous permettre d’aboutir concernant plusieurs points, tout en laissant de la place pour la discussion dans l’hémicycle.

M. Bruno Fuchs. Je salue à mon tour les avancées dont témoigne l’amendement, mais son dépôt à ce stade et à cette place tronque le débat en empêchant l’examen de plusieurs amendements qui auraient pu enrichir sa rédaction. En ce sens, c’est un amendement castrateur, même si c’est un bon amendement. Je propose donc que le rapporteur le retire afin que nous puissions discuter de l’ensemble des amendements à l’article 9, et qu’il dépose en vue de la séance un amendement tenant compte de nos débats.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous inventez un nouveau concept : la castration heureuse…

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis tout à fait d’accord avec M. Fuchs. La composition de la commission est renvoyée à un décret, alors que nous l’avons toujours jugée importante et que le Parlement a envie de donner son avis à son sujet, comme cela a été dit et redit, notamment lors des auditions. On nous empêche d’émettre un avis sur la parité en son sein, sur ses différents collèges, sur les personnalités qualifiées qui pourraient y siéger. Il faut résoudre ce problème, par exemple par le moyen que suggère M. Fuchs. Ainsi, le Parlement s’étant exprimé, le Gouvernement pourra au moins tenir compte de son avis dans le futur décret.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je maintiens mon amendement.

La commission est saisie du sous-amendement AE688 de M. Jacques Maire à l’amendement AE367 du rapporteur.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous donne lecture du sous-amendement : « Compléter le dernier alinéa de l’amendement par la phrase suivante : Elle lui adresse ses rapports d’évaluation. »

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Maire. Vous voyez, chers collègues, il est possible d’alimenter le débat pendant la réunion en sous-amendant immédiatement un amendement par écrit. Le débat n’est donc absolument pas contraint. Je remercie le rapporteur d’avoir maintenu son amendement.

M. Jean-Paul Lecoq. Je souhaite que mon amendement AE188 soit considéré comme un sous-amendement à l’amendement du rapporteur.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Alors écrivez le sous-amendement, déposez-le, et je le prendrai ; mais ne retardons pas davantage le débat !

M. Jean-Paul Lecoq. Je demande une suspension de séance.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Elle aura lieu après le vote du sous-amendement AE688.

La commission adopte le sous-amendement AE688.

Elle suspend ses travaux de onze heures quarante à onze heures cinquante.

La commission est saisie du sous-amendement AE691 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. En voici le texte : « Compléter le quatrième alinéa (III) par les trois phrases suivantes :

“Un décret en Conseil d’État fixera la composition de ladite commission d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Elle devra être composée d’au moins deux parlementaires de chaque chambre du Parlement, dont au moins un parlementaire de l’opposition de chaque chambre. Un collège pour les organisations non gouvernementales, un collège pour les organisations de la société civile dont au moins un représentant sera issu des pays bénéficiaires, et un collège des collectivités territoriales, seront instaurés au sein de cette commission. La parité femmes-hommes devra être respectée pour la composition de cette commission.ˮ »

M. Jean-Paul Lecoq. Ces précisions ne relèvent pas nécessairement de la loi ; le Gouvernement nous le dira. Mais il n’est pas inutile que les parlementaires formulent des propositions, et leur contenu – notamment la parité, sur laquelle nous sommes certainement tous d’accord – peut aider le Gouvernement dans la rédaction de son décret.

M. Hervé Berville, rapporteur. Merci de votre contribution, monsieur Lecoq ; je pense que le Gouvernement en a bien pris note. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis, mais le Gouvernement sera particulièrement attentif au respect de la parité et à la présence d’une personnalité qualifiée issue d’un pays bénéficiaire. Vous voyez, monsieur Lecoq, que nous tenons compte de certaines de vos préoccupations et vous donnons des assurances sur ces points.

Pour le reste, nous n’envisageons pas une commission pléthorique composée de nombreux collèges, mais une instance très opérationnelle, active, en mode commando. Au Royaume-Uni, son équivalent ne compte que six ou sept membres. Ce n’est sans doute pas compatible avec l’idée même de collège. Le Parlement du développement, c’est le CNDSI. Le format de la commission d’évaluation est différent.

La commission rejette le sous-amendement.

Elle est saisie du sous-amendement AE690 de M. Vincent Ledoux à l’amendement AE367 du rapporteur.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Voici le texte du sous-amendement : « après les mots “en matière d’évaluation et de développementˮ, compléter la première phrase de l'alinéa 4 par les mots : “ou en matière de conduite de projets des organisations de la société civile ou des collectivités territorialesˮ ».

M. Vincent Ledoux. On ne peut pas gagner tous les combats, mais il faut les livrer pour ne pas regretter de ne pas l’avoir fait. Cet ajout permettrait à la commission d’évaluation de bénéficier de l’expertise tirée des pratiques de terrain et de la conduite de projet des organisations de la société civile ou des collectivités territoriales.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable : la commission a par nature vocation à évaluer tous les projets, d’où qu’ils viennent.

La commission rejette le sous-amendement.

La commission adopte l’amendement AE367 et l’article est ainsi rédigé ; en conséquence, les autres amendements à l’article 9 tombent.

M. Michel Herbillon. Je précise que je me suis abstenu lors du vote de l’amendement, monsieur le président.

M. Alain David. Je me suis également abstenu.

M. Jean-Paul Lecoq. Moi aussi.

M. Dominique Potier. Moi aussi.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si j’ai marqué un peu de contrariété c’est que j’ai craint que nous ne réussissions pas à adopter le texte ce soir, ce qui réduirait considérablement le temps de travail déjà très court dont nous disposerons avant l’examen du texte en séance. M. Maire était tout à fait dans son droit en déposant un sous-amendement et en invitant ses collègues à faire de même. Si mes propos ont pu vous choquer, je vous présente mes excuses.

M. Dominique Potier. Il serait heureux que le Gouvernement et le rapporteur proposent des sous-amendements qui améliorent nos amendements dès lors que ceux-ci font l’objet d’un accord politique. Ainsi, le débat ne serait pas éternellement renvoyé à la séance. J’en appelle à votre célérité et à votre bonne volonté : procédez ainsi avec les amendements dont vous estimez qu’ils doivent être légèrement modifiés, et nous gagnerons tous du temps !

Après l’article 9

Les amendements AE583 de M. Bruno Fuchs, AE590 de M. M’jid El Guerrab et AE639 de M. Jean François Mbaye sont retirés.

La commission examine l’amendement AE431 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il faut dissiper les zones d’ombre que sont les paradis fiscaux – même si ce n’est pas le moment d’entamer un débat sur les listes de pays – et veiller à la qualité de la fiscalité : ce sont des choses pour lesquelles nous nous battons. Cet amendement vise à assurer la transparence totale des circuits financiers en matière d’aide publique au développement et de coopération.

Si par malheur il était rejeté, pourrions-nous au moins nous mettre d’accord, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, pour inscrire clairement dans le texte, en séance, dans le CPG ou ailleurs, que la politique de développement de la France s’affranchit de toute convergence avec des pratiques d’évasion et de fraude fiscales ? Si tel est le cas, je suis prêt à retirer cet amendement et à travailler avec vous pour parvenir à une rédaction sans ambiguïté, très engageante pour le Gouvernement et pour les crédits de la France.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je sais votre engagement sur cette question, monsieur Potier, mais je suis défavorable à ce qu’elle soit abordée à cet endroit du texte. En outre, votre proposition me paraît redondante avec l’article 1er, qui mentionne la cohérence des politiques publiques, ce qui inclut la fiscalité, et avec le CPG, qui fixe déjà des objectifs très forts en la matière.

Du reste, depuis trois ans, beaucoup a été fait, notamment en ce qui concerne la mobilisation des ressources domestiques et la lutte contre les paradis fiscaux. Dans le souci de garantir une taxation juste, Bruno Le Maire s’est également attaqué à la fiscalité des GAFA. Peut-être n’est-ce pas suffisant, mais c’est bien plus que ce qui avait été fait avant.

Nous avons consacré 90 millions – soit trois plus que précédemment – à la mise en place, dans le cadre de la Banque mondiale et du FMI, de programmes visant à renforcer la lutte contre l’évasion fiscale à travers des actions très concrètes : des experts sont envoyés sur le terrain, dans les ministères, pour faire en sorte que des listes soient dressées et tenues à jour, établir des bases de données et faciliter le partage d’informations. Le Quai d’Orsay et le Trésor ont conçu et publié, pour la première fois, une stratégie sur cinq ans en matière de lutte contre l’évasion fiscale et de mobilisation des ressources domestiques. Nous ne nous contentons donc pas de déclarations d’intention : un certain nombre d’actions très concrètes sont mises en œuvre. Expertise France, notamment, dont le statut sera modifié, nous permettra de mobiliser des experts.

Toutefois, je prends devant vous l’engagement d’essayer de renforcer encore le CPG si vous y trouvez des manques. S’il le faut, nous retiendrons la rédaction que vous proposez. La France est à l’offensive, mais le combat pour la transparence n’est jamais gagné : il faut le mener en permanence. Je suis sûr, monsieur Potier, que nous continuerons à travailler pour améliorer les choses.

M. Dominique Potier. Dans un esprit de coopération, je retire mon amendement, mais il faut aller au-delà de simples déclarations à la tribune de telle ou telle organisation internationale – c’est ce que j’appellerai l’« effet lampadaire » –, faute de quoi on ne fait que se payer de mots.

Pour les circuits financiers transitant par Proparco, voire pour l’ensemble de l’aide publique au développement, l’objectif doit être clair : zéro paradis fiscaux. C’est très engageant ; je ne suis pas sûr que vous soyez prêts à le faire. Nous allons essayer d’écrire simplement dans la loi cet objectif. Nous aurons de nouveau ce débat en séance ; rendez-vous est pris. Les termes en sont clairs : le texte ne doit pas être purement déclaratif, nous attendons une action effective. Il ne s’agit pas de défaire d’un côté ce que l’on a fait de l’autre !

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE436 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons d’inscrire dans le texte un ensemble de mesures visant à promouvoir le respect de la démocratie et de l’État de droit. Nous aimerions trouver dans le projet de loi une déclaration en faveur du renforcement des processus démocratiques dans les pays tiers. C’est un des combats de ma collègue Laurence Dumont, notamment. Il faut non seulement agir contre la corruption, mais œuvrer pour l’avènement de la liberté syndicale et du pluralisme démocratique. La politique de développement ne saurait se contenter d’accompagner les populations : elle doit favoriser les processus démocratiques qui permettent aux citoyens de prendre leur destin en main et de concourir au bien commun. Cet amendement a un caractère déclaratif ; un autre proposera la création d’un fonds dédié au développement de la démocratie et à la lutte contre la corruption. Si vous préférez inscrire ces objectifs dans le CPG, nous en sommes d’accord, mais, là aussi, nous aimerions que rendez-vous soit pris en séance.

M. Hervé Berville, rapporteur. Les enjeux que vous abordez sont fondamentaux. Toutefois, je suis défavorable à votre amendement, et je ne suis pas sûr qu’il y ait lieu de renvoyer la discussion à la séance.

Au niveau global, la question de l’État de droit est clairement abordée dans l’article 1er et dans le CPG. À un niveau intermédiaire, des indicateurs de résultats portant sur la gouvernance et le respect de l’État de droit guident l’action de tous les opérateurs de l’État et des acteurs de l’aide au développement. Enfin, un organisme comme l’AFD prévoit des conditions suspensives : le décaissement des fonds est lié au respect de certains principes en matière de transparence et de corruption.

Par ailleurs, votre amendement introduirait une forme de conditionnalité. Pour les populations les plus vulnérables, ce serait la double peine : non seulement elles souffriraient de violations des droits de l’homme, mais en plus elles ne bénéficieraient plus de l’aide au développement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en arrive à l’amendement AE165 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement informe le Parlement sur les questions de formation, de rémunération et d’attractivité du métier d’expert technique international, ainsi que sur les causes et les conséquences de la baisse du nombre de ces experts.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE308 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Je constate le grand esprit d’ouverture dont fait preuve le rapporteur ! Cela illustre ce que je disais au début de l’examen de l’article 9 : le Gouvernement et la majorité ont choisi de refuser les amendements de l’opposition, c’est dommage ; ils en assumeront la responsabilité.

À travers cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement faisant un bilan des moyens qui sont véhiculés par les diasporas vers les pays moins avancés, en formulant des propositions de financement de projet global à destination de ces pays les moins avancés, financements qui pourront générer un avantage fiscal pour le donateur. Il s’agit de favoriser des propositions concrètes de financement de projets servant l’intérêt collectif plutôt que des intérêts individuels.

M. Hervé Berville, rapporteur. Certains amendements ont été acceptés, vous le savez très bien, d’autres le seront. C’est le fonctionnement habituel du Parlement, et cela fait partie des prérogatives des rapporteurs et du Gouvernement. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis, d’autant que de nombreux travaux ont déjà été conduits – notamment par Sira Sylla, ici présente, qui a éclairé utilement le Parlement et la société civile sur ces enjeux. Le temps n’est pas aux rapports, il est à l’action.

La commission rejette l’amendement.

Article 10 : Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance sur l’attractivité

La commission examine l’amendement AE368 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous sommes très souvent en harmonie, monsieur le rapporteur, mais, en l’espèce, je considère que cet amendement est un peu plus que rédactionnel. S’agissant des lois d’habilitation, l’usage est de prendre comme point de départ la date de publication et non la date de promulgation. Je vous demande de retirer votre amendement – peut-être aurons-nous l’occasion d’en parler de nouveau d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE430 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Le Gouvernement souhaite accorder l’immunité diplomatique à certaines personnalités représentant des fondations ou organismes divers concourant au développement international, que notre pays aimerait accueillir. Cette demande paraît contraire à de nombreuses conventions internationales. Par ailleurs, une telle disposition présente des risques potentiels : accorder cette immunité ne serait-il pas, parfois, contraire à la déontologie, voire à la simple prudence ? Ne faut-il pas prendre certaines précautions ? En l’absence de garanties, nous demandons la suppression de l’alinéa 2.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, mais je laisserai le soin au Gouvernement de vous expliquer les motifs de cette disposition. Je comprends la logique de votre amendement, monsieur Potier, mais l’expérience a montré, notamment au cours des dernières années, qu’une telle mesure était nécessaire pour accueillir certaines conférences ou réunions d’organisations internationales.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Cet article est particulièrement important. La France participe à de nombreuses actions conduites par des fonds multilatéraux, des ONG et certaines entités qui sont quasiment des organisations internationales (OI). La concurrence est vive pour accueillir ces acteurs. Dans ce domaine, la France, située au cœur du fuseau eurafricain, a l’ambition d’être attractive. Pour ce faire, il convient de prendre des dispositions relatives aux privilèges et immunités en allant au-delà des OI stricto sensu. L’enjeu est majeur : il est important d’attirer, par exemple, des équipes du Partenariat mondial pour l’éducation, ou encore de la Banque mondiale, chargées de suivre l’Afrique. Cela permet d’enclencher des phénomènes de réseau, de stimuler la recherche et les partenariats avec des organisations françaises ou européennes.

Par ailleurs, notre proposition est tout à fait conforme au droit de l’UE : le protocole no 7 sur les privilèges et immunités n’interdit en rien aux États membres d’étendre le champ d’application, d’autant que l’attribution des privilèges et immunités reste une prérogative des États.

Notre objectif est d’attirer en France certaines forces vives œuvrant dans le domaine du développement. Or on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.

M. M’jid El Guerrab. Cette discussion aura permis de rassurer tout le monde, même si, par ailleurs, un projet de loi de ratification sera déposé dans les trois mois suivant la publication de l’ordonnance.

J’en ai fait l’expérience avec l’Union pour la Méditerranée : installer en France le siège ou le secrétariat général d’une organisation internationale est un véritable parcours du combattant – nous avons d’ailleurs été obligés de choisir un autre pays. Simplifier un peu les choses, permettre au Gouvernement de « dealer » rapidement pour obtenir l’implantation sur son sol d’organisations internationales ou de fondations n’a donc rien de superflu.

M. Dominique Potier. Cher collègue, vous apportez de l’eau à mon moulin : on ne « deale » pas – ce mot n’est pas approprié au sein de la commission des affaires étrangères.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’était une allusion à Roosevelt… (Sourires.)

M. Dominique Potier. Nous ne sommes pas des dealers ; nous sommes les représentants de la nation. Notre rôle est de faire prévaloir l’État de droit. Or le Gouvernement nous demande de lui octroyer un pouvoir exorbitant. La disposition pourrait conduire à des dérives. On ne saurait accepter, par exemple, que les principes mêmes de l’État de droit soient écartés du fait de certains jeux d’intérêts.

Je vous invite, à tout le moins, à nous donner des garanties d’ici à la séance. Vous devez nous montrer qu’il s’agit de faire de notre pays le champion de la diplomatie des droits de l’homme et du développement soutenable, et que nous ne serons en aucun cas les complices de basses œuvres. Si nous recevons ces garanties, nous changerons d’avis ; dans l’attente, par prudence, je propose que vous renonciez à ce pouvoir exorbitant.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Comment pouvez-vous nous soupçonner de cautionner des basses œuvres ? Je suis d’autant plus étonné de vos propos que le Gouvernement se présente devant le Parlement en toute bonne foi, plein de bonne volonté, avec un projet de loi consacrant des avancées majeures – il y a des moyens, une architecture claire, une commission d’évaluation –, qu’aucun des précédents gouvernements n’avait permises. Nous faisons tout pour progresser. Je ne comprends pas cette volonté d’introduire le soupçon partout !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE369 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AE429 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il participe du même esprit que le précédent.

J’en profite pour répondre à M. Lemoyne. Ce n’est pas une question de confiance, c’est une question de prudence. Voudriez-vous que nous poussions des cris d’admiration à chacune de vos déclarations ? Qui vous dit, d’ailleurs, que nous ne soutiendrons pas le texte à la fin ? Nous faisons simplement notre travail de parlementaires, nous exerçons notre vigilance ; cela vous pousse dans vos retranchements, vous oblige à être meilleurs.

En outre, nous ne savons pas qui sera au pouvoir demain. L’État de droit, c’est l’équilibre des pouvoirs : nous devons l’organiser dans la loi.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE370 du rapporteur.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Après l’article 10

La commission examine l’amendement AE206 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Cet amendement, cosigné par l’ensemble des commissaires Les Républicains, aborde une question importante. La délivrance des laissez-passer consulaires laisse beaucoup à désirer, nous en avons parlé à plusieurs reprises avec Jean-Yves Le Drian. Nous proposons de conditionner l’octroi de l’aide publique au développement aux réponses obtenues en matière de laissez-passer consulaires.

En effet, la reconduite à la frontière des ressortissants de certains pays se révèle impossible, faute de parvenir à obtenir un laissez-passer consulaire des autorités étrangères, notamment quand les personnes ont fait disparaître leurs papiers d’identité.

Certes, des progrès ont été réalisés depuis 2013, mais moins de la moitié des laissez-passer consulaires demandés par la France ont été délivrés dans des délais utiles. Par ailleurs, les résultats sont extrêmement hétérogènes selon les pays : seuls 11,8 % des laissez-passer consulaires ont été délivrés dans les temps par le Mali – alors même que la France est particulièrement engagée dans ce pays, notamment à travers l’opération Barkhane –, 17,2 % dans le cas de l’Égypte, 48 % dans celui de l’Algérie. Les consulats étrangers se livrent à des manœuvres dilatoires.

Jean-Baptiste Lemoyne a expliqué, d’une manière presque désobligeante à l’égard du Parlement, que le temps n’était pas aux rapports mais à l’action. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que le rêve de tout gouvernement est de ne pas avoir à être contrôlé par un parlement. Il se trouve que notre régime ne fonctionne pas encore ainsi – quoique l’on soit en droit de s’interroger devant certaines réactions. Mais il est vrai, s’agissant des laissez-passer consulaires, qui sont de la responsabilité de votre ministère, que le temps est à l’action.

M. Hervé Berville, rapporteur. C’est un vieux sujet de débat, soulevé notamment par votre collègue Pierre-Henri Dumont. Si la question de l’effectivité de la délivrance des laissez-passer se pose, elle ne saurait être réglée à travers l’aide au développement.

D’abord, il est toujours utile de tirer les leçons du passé : cette pratique, à laquelle le gouvernement de François Fillon a tenté de recourir entre 2007 et 2012, n’a donné aucun résultat. Ensuite, la conditionnalité serait une double peine pour les populations les plus vulnérables, puisqu’on leur ferait payer les conséquences d’une politique dont elles ne sont pas responsables. Lier la question de l’immigration à celle du développement ne me convient pas sur le plan philosophique ; sur le plan pratique, cela ne fonctionne pas.

Par ailleurs, conditionner l’aide serait contraire à nos engagements internationaux, notamment ceux que nous avons souscrits auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En revanche, il est intéressant d’agir à travers la délivrance de visas diplomatiques. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Puisque vous m’incitez à agir, voici quelques chiffres. Depuis 2017, le nombre de laissez-passer consulaires délivrés a augmenté de 89 %. Tous pays confondus, le taux de délivrance était de 67 % en 2019, contre 51 % en 2017 ; pour les pays prioritaires, il est passé de 42 % à 58 %. Nous avons donc mis de la pression dans le système. Il existe désormais un ambassadeur chargé des migrations, qui dialogue au quotidien avec les États étrangers et leurs administrations. Nous sommes résolument dans l’action, même si, quand on part d’aussi bas, il existe des marges de progression. Avis défavorable.

M. M’jid El Guerrab. Derrière l’aspect anodin de cet amendement, on devine bien des arrière-pensées politiciennes. Elles ne devraient pas avoir cours dans ce débat consacré à l’aide publique au développement.

Je viens de rendre un rapport sur les visas. La diminution du nombre de visas accordés aux ressortissants de certains pays – jusqu’à 50 % – s’explique par le fait que l’on a lié cette politique à la délivrance des laissez-passer consulaires. La logique est la suivante : « Vous voulez venir chez nous ? Nous vous accueillons, mais en échange, acceptez que les immigrés clandestins reviennent au pays. » Je ne suis pas d’accord avec cette approche, mais on peut la comprendre.

Ce que vous proposez, c’est de conditionner l’aide publique au développement à la délivrance de laissez-passer consulaires. Concrètement, comment procéderez-vous ? A partir de combien de laissez-passer consulaires refusés priverez-vous un pays de notre aide ? Techniquement, cet amendement n’est pas opérant.

Je suis déçu, monsieur Herbillon : je ne m’attendais pas à avoir un débat sur l’immigration illégale à propos de l’aide publique au développement. Établir un lien entre les deux, c’est offrir un tremplin extraordinaire aux idées de l’extrême droite dans la perspective de 2022.

M. Hubert Julien-Laferrière. Je suis tout à fait en accord avec le rapporteur et M’Jid El Guerrab. C’est un vieux débat, c’est même une vieille rengaine de la droite parlementaire. L’APD ne doit pas être un instrument de notre politique migratoire. L’aide publique au développement a quatre objectifs : lutter contre les inégalités mondiales, préserver les biens publics mondiaux, réduire la grande pauvreté et promouvoir les droits humains. Par ailleurs, le rapporteur a raison : ce serait faire subir une double peine aux populations.

M. Sylvain Maillard. La question mérite d’être posée. On voit bien le problème philosophique, mais aussi l’impasse technique de cette proposition. Nous ne pouvons pas conditionner l’aide que nous apportons.

Il n’en demeure pas moins qu’il faut renvoyer chez elles davantage de personnes expulsables. Comme l’a dit M. Herbillon, il est anormal que le Mali ne délivre pas davantage de laissez-passer pour le retour de ses ressortissants, alors que nos soldats se font tuer pour défendre la liberté dans ce pays. Nous faisons confiance au Gouvernement et à l’ensemble de ceux qui sont chargés de cette mission pour le faire. La situation s’améliore, mais il convient d’aller plus loin.

M. Jacques Maire. Il faut répondre factuellement à M. Herbillon, car le débat est légitime.

Il est possible de mener une politique visa contre visa. Nous le faisons d’ailleurs, y compris en empêchant certains ministres étrangers de venir passer leurs vacances en France. C’est quelque chose qui a un impact, qui fait mal.

Par ailleurs, comment les sociétés démocratiques des pays dont nous parlons réagiraient-elles si la France décidait de conditionner son aide et que cela devenait public ? Cela antagoniserait les positions. En mars 2017, le ministre des affaires étrangères néerlandais s’est rendu au Sénégal pour signer un accord prévoyant une forme de conditionnalité discrète. Le ministre l’a rendu public alors qu’il était encore à Dakar ; l’accord a été immédiatement dénoncé et le ministre a dû repartir. Certaines choses peuvent être faites de manière discrète, mais pas publiquement.

Enfin, si les États en question étaient amenés à choisir entre le financement par les diasporas et le financement de l’APD, il est clair qu’ils opteraient pour le premier.

Mme Sira Sylla. Lier l’aide publique au développement à la délivrance de laissez-passer consulaires créerait un préjudice pour les populations et ne serait pas efficace. En revanche, lier la politique des visas à la délivrance des laissez-passer serait plus efficace : c’est un moyen de pression sur les dirigeants et l’opinion publique de ces pays.

Jacques Maire l’a souligné, les États préféreront toujours choisir l’argent des diasporas, trois fois supérieur au montant de l’aide publique au développement.

M. Michel Herbillon. Monsieur le président, je vous remercie de faire une exception à la règle que vous avez fixée en début de réunion. Le sujet est important – même s’il y en a eu d’autres – et nous pourrions longuement débattre de la question migratoire, de l’aide au développement, de la délivrance des visas et des laissez-passer. J’apprécie la façon dont mes collègues Jacques Maire, Sylvain Maillard et Sira Sylla ont répondu à l’interpellation, estimant que le débat était légitime. Il s’agit d’un amendement présenté au nom de l’ensemble des députés Les Républicains membres de la commission des affaires étrangères. On ne peut donc l’écarter d’un revers de main, ni fermer les yeux sur le sujet.

J’ai notamment évoqué le Mali. Il faut sortir du microcosme, de ce qu’est parfois l’Assemblée, un théâtre d’ombres. Il faut écouter ce que nous disent nos concitoyens, les Français dont nous sommes les représentants, et entendre leur incompréhension face aux images des cercueils de soldats traversant le pont Alexandre III pour aller aux Invalides, quand le taux de laissez-passer est de 11 % au Mali !

Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez des progrès ; je vous en donne acte. Mais il y a encore des marges de progression. Je ne doute pas que vous veillerez à ce que ces pourcentages s’améliorent.

En revanche, je n’apprécie pas la manière dont M’jid El Guerrab m’a répondu. Dès qu’on évoque l’immigration et les personnes en situation irrégulière sur notre territoire, c’est un marronnier, on nous répond qu’on fait le lit de l’extrême droite ! Cher collègue, je n’ai aucune leçon à recevoir de votre part : le gendre de Jean-Marie Le Pen, Philippe Olivier, s’est présenté pendant dix-neuf ans contre moi ou le candidat que je soutenais, à toutes les élections, à la mairie de Maisons-Alfort, au conseil départemental du Val-de-Marne, aux législatives. Puis il est reparti, parce que j’ai fait baisser considérablement le score du Front national dans ma commune. Vous devriez vous renseigner au lieu de sous-entendre que j’ai des liens avec l’extrême droite !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je ne crois pas que quiconque, à commencer par M. El Guerrab, pense que vous êtes un danger pour la République ! Il n’était simplement pas d’accord avec l’esprit de votre amendement, ce qui peut se concevoir.

M. Michel Herbillon. Il y a une façon de le dire !

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE560 de Mme Aina Kuric.

M. M’jid El Guerrab. Dans un délai d’un an après l’entrée en vigueur de la loi, nous souhaiterions que le Gouvernement transmette un rapport portant spécifiquement sur l’impact de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer. Nous aimerions savoir comment l’aide publique au développement sert le développement des pays frontaliers de ces collectivités.

Enfin, nous voudrions que le rapport évalue l’intérêt d’inclure ces collectivités dans le périmètre de compétences d’Expertise France afin d’en faire des plateformes de coopération internationale.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 11 : Abrogation des articles de la précédente loi du 7 juillet 2010

La commission examine l’amendement AE554 de Mme Aina Kuric.

M. M’jid El Guerrab. L’amendement vise à clarifier la rédaction de l’article, qui abroge partiellement la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

M. Hervé Berville, rapporteur. La précision est très utile, j’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AE624 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Cet amendement a trait à la bi-bancarisation qui permet à des expatriés et des immigrés de bénéficier de services bancaires étrangers en France. Ce dispositif vise à réduire les coûts des transferts d’argent.

L’objectif de développement durable n° 10 évoque des coûts de transferts d’argent à 3 % à l’horizon de 2030, alors qu’ils peuvent actuellement atteindre 20 % vers les pays d’Afrique subsaharienne. Il faut faire quelque chose, d’autant que les transferts des expatriés et immigrés représentent trois fois le montant de l’aide publique au développement.

Je travaille sur ce dossier depuis le mois de mai, Vincent Ledoux, M’jid El Guerrab ou Jacques Maire pourront en témoigner. J’ai tenu plusieurs réunions avec les chefs de bureau de la direction de la législation fiscale (DLF) et de la direction générale du Trésor. Le dossier n’avance pas alors que l’enjeu est majeur, tout le monde le reconnaît.

L’argent des diasporas est un outil de développement et ces dernières sont le premier acteur du développement. Je ne comprends pas les arguments qu’on m’oppose – on m’en oppose peu, d’ailleurs. La bi-bancarisation est un instrument au service du développement de l’Afrique – plus de 500 milliards d’euros sont transférés par les diasporas –, elle constitue aussi un allégement du budget des États contributeurs. Les fonds de l’aide publique au développement vont être examinés de près par l’opinion publique française car nous sommes en période de crise sanitaire, et les crises économique et sociale sont devant nous.

Associer partenariats publics et privés, c’est le sens de notre action depuis trois ans et demi. Il faut continuer. Certains craignent que la bi-bancarisation soit un instrument au service du blanchiment d’argent ou du terrorisme, c’est tout le contraire !

Je remercie le rapporteur et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour leur écoute et leur bienveillance.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je salue le travail de Sira Sylla, reconnu à la fois en France et à l’étranger, notamment au Sénégal. Sur le fond, elle le sait car nous en avons beaucoup discuté, je suis défavorable à l’amendement dans sa rédaction actuelle. Je le dis devant le Gouvernement et afin que cela figure au compte rendu, je regrette l’attitude du ministère de l’économie et des finances. Il aurait pu réfléchir et avancer depuis longtemps, même si les modifications sont substantielles. J’invite le Gouvernement à nous transmettre des éléments d’ici la séance car le sujet est vraiment fondamental pour nos diasporas. Nous proposerons alors un amendement afin de poursuivre le travail important mené par notre collègue.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je partage l’avis du rapporteur et me félicite également du travail entre notre ministère et la députée Sira Sylla. J’adresse directement le message à nos amis du Trésor qui nous écoutent : il faut progresser pour trouver un dispositif.

Mme Sira Sylla. Je précise que j’attends certains éléments depuis plusieurs mois. On devait faire des études, me transmettre des rapports – on ne me les a jamais communiqués. J’ai déposé une proposition de loi en juillet. Je remercie le secrétaire d’État de ce rappel au Trésor, il faut avancer. C’est un sujet majeur dont on parle partout, même en dehors des frontières de la France, et qui concerne tous les Français.

M. Vincent Ledoux. En soutien de l’excellente intervention de Mme Sylla, et par anticipation, permettez-moi d’évoquer mon amendement AE253. Sept ans après l’adoption de loi du 7 juillet 2014, seules deux grandes banques marocaines ont sollicité et obtenu l’autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour commercialiser certains services bancaires par l’intermédiaire de filiales établies en France.

C’est très inférieur aux objectifs ambitieux du législateur de 2014 et aux attentes fortes que ce dispositif suscite encore. Nous avons échangé avec les acteurs, ainsi qu’avec le ministère des finances, et j’en tire la conclusion qu’il est nécessaire de dresser un état des lieux détaillé, d’analyser les raisons du décalage avec les attentes initiales, ainsi que les voies d’amélioration. Les difficultés peuvent provenir d’un manque d’appétence des banques africaines pour un mécanisme de ce type ou de réticences des banques françaises pour nouer des partenariats avec elles. Cette situation peut-elle évoluer ? Existe-t-il des lourdeurs dans les modalités de supervision et les exigences de conformité ? Il serait pourtant difficile d’être moins-disant. Il faudra sans doute plutôt améliorer la coopération entre superviseurs français et africains. Les difficultés tiennent-elles à la gamme des services financiers susceptibles d’être offerts ou aux canaux de distribution ?

Pour répondre à ces interrogations, nous proposons que, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remette un rapport afin que nous disposions de toutes les données pour modifier le régime de la loi de 2014, peut-être au début de la prochaine législature.

Mme Sira Sylla. Avant la prochaine législature !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AE253 de M. Vincent Ledoux et AE625 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Je vais compléter l’excellent argumentaire que vient de développer Vincent Ledoux. Le projet de loi concerne l’aide publique au développement, mais il ne faut pas oublier que celle-ci est couplée aux fonds des diasporas africaines. Si nous n’améliorons pas les dispositifs de transfert d’argent, nos politiques publiques ne seront pas efficaces. J’ai déjà cité des exemples hier.

Je suis entièrement d’accord avec Vincent Ledoux, mais il faudrait une mission flash pour avancer au plus vite et voter une loi avant la fin de la législature.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis favorable à un rapport sur ces deux sujets importants : la bi-bancarisation et la transparence de la taxation et des frais liés aux transferts financiers de France vers les pays en développement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Favorable, pour préparer le passage à l’action.

M. M’jid El Guerrab. Le sujet concerne à la fois les diasporas africaines en France et françaises en Afrique. Les Français de l’étranger doivent également fermer leurs comptes bancaires parce qu’ils résident de l’autre côté de la Méditerranée, ce qui est absolument scandaleux. Il faut donc aussi étudier cette solution pour eux.

La commission adopte les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques AE254 de M. Vincent Ledoux et AE626 de Mme Sira Sylla.

M. Vincent Ledoux. La bi-bancarisation n’est pas une réponse suffisante pour les transferts financiers du quotidien des diasporas. Ces derniers sont récurrents et concernent de petits montants, vitaux pour de nombreuses familles de pays en développement, notamment en Afrique. Réduire le coût de ces transferts permettrait aussi de réduire les transferts informels, comme l’envoi d’espèces, qui présente le risque d’être mêlé à des flux illégaux.

Ce sujet est plus que jamais d’actualité dans le contexte de crise sanitaire. Des mesures pourraient être prises rapidement, sans modifier la loi. On pourrait ainsi, par voie de décret, demander aux prestataires de transferts de fonds de formuler leurs propositions tarifaires dans un format harmonisé, ce qui faciliterait la comparaison des offres par les clients et ferait donc jouer la concurrence. Le Gouvernement pourrait aussi réunir les acteurs sous l’égide des fédérations professionnelles pour conclure un accord de place, avec des engagements de baisse des tarifs pour certaines opérations vers les pays en développement.

C’est pourquoi nous demandons un rapport au Gouvernement afin d’enclencher le mouvement et de passer, comme le dit si bien M. Lemoyne, à l’action.

Mme Sira Sylla. Vincent Ledoux en est témoin, le ministère des finances nous avait indiqué travailler sur une étude. Nous l’attendons donc. Nous devions faire un certain nombre de choses ensemble. L’alternative serait d’analyser ces coûts extravagants et que l’État incite les prestataires de services à les baisser. L’ODD10 à l’horizon de 2030, c’est moins de 3 % !

M. Hervé Berville, rapporteur. J’y suis favorable. Ce rapport est lié au précédent.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Par voie réglementaire, nous allons prochainement accroître la transparence des offres tarifaires et ainsi contribuer à réduire le coût des transferts de fonds de la France vers l’étranger. Pour autant, ce rapport nous éclairera pour prendre d’autres mesures. J’y suis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 11 modifié.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous aborderons cet après-midi l’examen du cadre de partenariat global. Du fait d’une obligation contractée antérieurement à mon élection à la présidence de la commission, je ne pourrai pas être des vôtres avant seize heures trente. Mme Rauch assurera la présidence, sans doute bien plus efficacement que moi, car elle a assumé ces fonctions pendant la triste maladie de Marielle de Sarnez.

Nous avons examiné 296 amendements. Il en reste 302. Il nous faudra faire un effort considérable si nous voulons finir avant minuit ce soir.

E.   Réunion du jeudi 11 février, 15 heures

Mme Isabelle Rauch, présidente. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des amendements portant sur le cadre de partenariat global (CPG).

Article 1er – Cadre de partenariat global (suite)

La commission examine l’amendement AE604 de Mme Mireille Clapot.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Les questions liées au genre sont abordées plus loin dans le cadre de partenariat global.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AE677 de Mme Nicole Le Peih.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE371 du rapporteur.

La commission examine l’amendement AE189 M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est essentiel, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, que la France respecte les résolutions des Nations unies. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, elle doit montrer l’exemple et affirmer que le droit international est une norme suprême qui ne doit pas être trahie. Ce principe d’autocontrainte doit être une valeur universelle. À ce titre, la France devrait commencer par respecter l’engagement qu’elle a pris de consacrer 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD).

Ce projet de loi nous donne l’occasion de montrer que la France est une puissance respectable, parce que respectueuse du droit international.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par la suite du CPG.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Même avis. Ce que vous proposez figure à l’alinéa 16, qui concerne précisément les Nations unies. Mais sachez d’ores et déjà que je suis favorable à votre prochain amendement.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AE190 M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Ce projet de loi doit contribuer à la préservation des « biens publics mondiaux », qui sont énumérés dans l’exposé des motifs : il s’agit en particulier de la santé, du climat, de la biodiversité et de l’éducation – la culture est aussi un bien public mondial, mais l’UNESCO veille déjà à sa préservation. Il paraît essentiel que la liste des biens publics mondiaux figure également dans le préambule du cadre de partenariat global : c’est une façon de l’enrichir.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement est excellent : préciser les choses dès le début évitera d’avoir à le faire par la suite. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement AE201 M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Le mot « croissance » me déplaît car il ne renvoie à rien de précis. Lorsqu’il est question de « modèles de croissance », à l’alinéa 3, à quelle croissance se réfère-t-on ? Ce terme est beaucoup trop ambigu et il faut lui préférer l’idée de « développement humain », que Joseph Stiglitz définit comme un « processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus ». Cette notion est plus précise et permet de définir un « indice de développement humain ».

Si le mot « croissance » désigne le modèle qui est en train de détruire notre planète, c’est-à-dire la croissance capitaliste, alors il faut le retirer de ce texte. Cette croissance-là a conduit les pays développés dans une impasse écologique et sociale, marquée par une explosion des inégalités, une destruction des emplois et un dérèglement climatique qui est en train de nous échapper et de bouleverser notre monde, comme celui de nos enfants et de nos petits-enfants. Le modèle extractiviste qui vise à utiliser les ressources fossiles coûte que coûte ne peut être encouragé, même si l’on précise, pour faire semblant de l’adoucir, qu’il doit être plus résilient, plus inclusif et plus durable. La croissance économique n’a jamais été inclusive et durable. Depuis près de quarante ans, les fruits de la croissance sont captés par les plus grandes fortunes et les plus grandes entreprises. Le reste de l’humanité ne reçoit que les miettes qu’elles daignent nous laisser.

Ce modèle économique est mortifère et il ne faut pas l’encourager. Les pays les plus fragiles devraient être poussés à se développer d’une autre manière que l’Europe, en se focalisant davantage sur les questions de bien-être et de bonheur : c’est ce qu’a fait le Bhoutan en définissant, dès 1972, un indice de « bonheur national brut ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Certaines choses doivent continuer à croître, comme le bien-être ou le bonheur, que vous avez justement évoqués.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AE678 de Mme Nicole Le Peih.

La commission examine l’amendement AE426 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons d’inscrire le concept de « souveraineté solidaire » dans le cadre de partenariat global. Ce concept, qui s’oppose à l’idée d’une souveraineté solitaire, a été forgé par Mme Mireille Delmas-Marty, professeure émérite au Collège de France, dont les travaux visent à redéfinir l’État de droit, la démocratie et la manière dont les peuples peuvent accomplir leur destin, tout en ayant le souci commun de l’humanité. Repris par certains mouvements sociaux et par des syndicats, le concept de « souveraineté solidaire » me paraît particulièrement fécond et novateur et j’espère que nous l’inscrirons dans le CPG. Il s’oppose à la fois à la mondialisation sans foi ni loi et au souverainisme, conçu comme un protectionnisme. Il me semble qu’il pourrait nous rassembler.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je ne tiens pas à inscrire ce concept dans la loi. Si j’en ai bien compris le sens, il me semble d’ailleurs que votre amendement est déjà satisfait. Cela dit, je veux bien y retravailler avec vous d’ici à la séance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Monsieur Potier, vous connaissez l’intérêt que je porte à la philosophie de Léon Bourgeois et à la notion de solidarité. Toutefois, je ne suis pas certain qu’il faille introduire cette notion à cet endroit du texte, ni sous cette forme.

M. Dominique Potier. Il me semble que tout le paragraphe qui précède décrit précisément ce qu’est la souveraineté solidaire, telle que la France souhaite la promouvoir. Je veux bien retirer mon amendement et réfléchir à la manière d’introduire cette notion ailleurs dans le texte. Mais je suis un peu déçu car je pensais que nous pourrions, autour de cette notion riche et féconde, trouver une forme de communauté philosophique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE202 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Puisque le préambule du CPG définit les grandes ambitions politiques de la France, je pense qu’il faut en ajouter au moins cinq : la défense des droits humains et environnementaux et du droit international humanitaire ; la lutte contre l’évasion fiscale et la responsabilisation des entreprises donneuses d’ordres vis-à-vis de leur chaîne de sous-traitance ; le développement d’une politique d’accueil plus hospitalière ; la valorisation du multilatéralisme et de toutes les instances internationales qui y concourent ; enfin, il importe de n’oublier personne et ne pas négliger la question du genre, qui est transversale.

Par ailleurs, dans leur rapport sur le « droit international humanitaire à l’épreuve des conflits », MM. Moetai Brotherson et Jean-François Mbaye font plusieurs recommandations importantes que nous devrions reprendre. Ils appellent à veiller à la mise en œuvre nationale du droit international humanitaire et de l’agenda « Femmes, paix et sécurité » et à continuer d’œuvrer en faveur de l’accès des femmes à la santé et aux droits sexuels et reproductifs en toutes circonstances, notamment au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies.

Il ne faut rien lâcher sur le droit international humanitaire et il est très important d’y insister dans cette loi. Voter cet amendement, c’est donner davantage d’ambition au cadre de partenariat global, en valorisant le travail réalisé par nos collègues.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. La défense des droits humains et environnementaux a déjà été ajoutée avant l’article 1er et figurera plus loin dans le CPG. Il ne me semble pas utile de la mentionner une troisième fois ici.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

M. Jean François Mbaye. Je remercie notre collègue Jean-Paul Lecoq d’avoir mentionné notre rapport sur le droit international humanitaire. M. Jean-Yves Le Drian a pris des engagements devant notre commission au sujet de la protection du personnel humanitaire et il a été largement question de la protection des ONG lors de la conférence nationale humanitaire. Ce texte nous donne également l’occasion d’aborder cette question et mon amendement AE630, qui porte sur l’alinéa 58 du CPG, va dans le même sens. Je regrette que nous n’ayons pas eu, sur cette question, un débat public comparable à celui que nous avons eu au sujet des enfants sans identité. Je sais que tous nos collègues sont sensibles à cette question.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AE203 de M. Jean-Paul Lecoq et AE518 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. Jean-Paul Lecoq. Il me paraît tout à fait inapproprié de mettre en exergue l’idée selon laquelle l’aide publique au développement de la France a pour but de « projeter à l’international ses valeurs, ses priorités et ses intérêts, ainsi que ceux de l’Europe ». Quels sont, au juste, les « intérêts de l’Europe », entre les obsessions pro-OTAN de l’Allemagne, l’hostilité de l’Autriches au nucléaire militaire et nos intérêts en tant que pays exportateur d’armes ?

Par ailleurs, l’APD n’a pas vocation à projeter à l’international les intérêts de la France ; elle vise une forme de péréquation internationale en direction des pays les plus démunis. Elle est une aide que les pays qui se sont développés en consommant presque toutes les ressources faciles d’accès, au premier rang desquelles le pétrole, doivent apporter aux pays qui n’ont pas pu se développer de cette manière ou qui en ont été empêchés par la colonisation. Il me paraît donc tout à fait déplacé de faire référence aux intérêts de la France à propos de l’APD.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de substituer aux mots « ses valeurs, ses priorités et ses intérêts, ainsi que ceux de l’Europe » les mots suivants : « les priorités définies en comité interministériel de la coopération internationale et du développement et alignées sur les besoins des pays tels que recommandé par la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide ». Ces critères sont objectifs, utiles et raisonnables et ils tracent les contours d’une aide publique au développement véritablement ouverte et généreuse. Il ne faut jamais oublier que l’APD vise le développement économique et l’amélioration des conditions de vie dans les pays en développement. C’est à partir des besoins des pays bénéficiaires que l’on doit penser l’APD et non en fonction de ce dont la France a besoin, même si ces deux dimensions ne sont pas forcément antagonistes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Vous dites que les intérêts de l’Europe ne sont pas clairement identifiés mais il existe tout de même un document de synthèse sur la question : le consensus européen pour le développement. Par ailleurs, je suis fier que la France défende un certain nombre de valeurs au niveau international. Cela ne signifie pas qu’elle les exporte, mais qu’elle en fait une boussole pour orienter ses politiques. S’agissant de la notion d’« intérêts », si l’on compare le monde à un immeuble, on n’a aucun intérêt à ce que l’étage du dessous se dégrade ou brûle. Parler d’intérêts, ce n’est pas penser qu’à soi, c’est penser au monde que nous avons en partage.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

Mme Frédérique Dumas. Nous n’appelons évidemment pas à aller contre nos intérêts mais ce qui nous a semblé curieux, dans la rédaction proposée, c’est que la défense de nos intérêts passe avant tout le reste. Aider les pays en développement a évidemment un intérêt indirect pour nous mais il ne semble pas souhaitable de l’affirmer aussi frontalement. C’est le sens de notre amendement AE518.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission examine l’amendement AE494 de M. Alain David. 

M. Alain David. L’aide au développement française ne doit pas s’exonérer de jouer un rôle en matière culturelle et audiovisuelle.

Le cadre de partenariat global précise que « dans un contexte de remise en cause profonde du multilatéralisme et de la coopération internationale, de compétition accrue entre grandes puissances, qui mettent en avant des discours et des intérêts divergents, et alors que de nouveaux acteurs investissent le champ du développement sans nécessairement partager les règles et valeurs forgées par la communauté internationale au cours des dernières décennies, la politique de développement de la France permet de projeter à l’international ses valeurs, ses priorités et ses intérêts, ainsi que ceux de l’Europe, et de les faire valoir au sein des institutions multilatérales comme auprès des principaux acteurs du développement ». Nous proposons d’ajouter que la politique de développement s’appuie également sur les actions de « coopération culturelle et audiovisuelle ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Je sais votre attachement à la question de l’audiovisuel mais je ne crois pas qu’il faille l’introduire à cet endroit du CPG, ni de cette manière.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis, car l’alinéa 12 précise déjà que l’aide publique au développement favorise « la promotion de la diversité culturelle et de la francophonie ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Il est vrai qu’il n’est pas fait mention explicitement de l’audiovisuel. Peut-être pouvons-nous retravailler sur cette question d’ici à l’examen en séance.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AE492 de M. Christian Hutin.  

M. Alain David. Il convient d’accorder un rôle important à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) dans le développement d’actions en matière de coopération culturelle à destination de la jeunesse africaine. Organisation à vocation transversale, en contact avec les publics les plus jeunes qui appartiennent eux-mêmes à des États africains multiethniques et multiconfessionnels, l’OIF peut jouer un rôle important en matière de coopération interculturelle.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. La francophonie est déjà mentionnée à l’alinéa 12, je l’ai dit. Par ailleurs, il n’aura échappé à personne que la France, comme l’a souhaité le Président de la République, se réengage massivement au côté de l’OIF depuis 2017. Cela s’est traduit par des contributions volontaires additionnelles qui ont permis de démultiplier notre coopération en matière culturelle et éducative avec la jeunesse africaine. Ce que vous demandez est déjà une réalité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AE493 de M. Alain David.

M. Alain David. L’aide au développement française ne doit pas s’exonérer, je l’ai dit, de jouer un rôle en matière culturelle et audiovisuelle. Dans ce cadre, la société nationale de programme France Media Monde doit pouvoir nouer des partenariats avec les acteurs des pays concernés, afin de contribuer au renforcement de l’information et de la communication, qui est le ferment de tout État démocratique.

M. Hervé Berville, rapporteur. Vos amendements me font réfléchir et je me dis que l’audiovisuel pourrait effectivement figurer, en tant que tel, dans le CPG, car il a une vraie dimension diplomatique. Je vous propose donc, une nouvelle fois, de réfléchir, d’ici à la séance, à un amendement qui serait spécifiquement consacré à la question de l’audiovisuel.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je suis tout à fait d’accord avec cette méthode. On peut très bien envisager d’insérer, un peu plus loin dans le CPG, une formulation un peu plus robuste.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AE218 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Comme mon amendement AE190, qui a été adopté tout à l’heure, celui-ci vise à rappeler ce que sont les biens publics mondiaux. Nous ne sommes pas à quelques gouttes d’encre près et il paraît utile de bien préciser les choses.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis plutôt favorable à votre amendement, même si je ne souhaite pas que l’on apporte cette précision à chaque fois qu’il sera question des biens publics mondiaux dans le texte, car cela pourrait l’alourdir.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement AE549 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Il s’agit d’un amendement de cohérence. L’alinéa 10 énumère les maux auxquels on entend s’attaquer et dont il sera question à l’alinéa 38, ainsi qu’aux alinéas 75 et suivants, qui concernent les priorités thématiques ou sectorielles. Il paraît donc utile de faire figurer dans cet alinéa tout ce qui relève de l’éducation, notamment la lutte contre l’illettrisme et l’ignorance.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Même si je connais votre attachement à ces questions et si je comprends votre objectif, l’alinéa 10 définit de grands objectifs. Je propose d’ajouter cette mention dans la deuxième partie du texte. Je ne suis pas convaincu qu’elle ait sa place ici.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

M. Frédéric Petit. Cela me paraît tout à fait logique. Les termes énumérés là sont chacun le titre d’une des priorités sectorielles qui sont annoncées à l’alinéa 38 et que l’on retrouvera dans les alinéas 75 à 80 pour ce qui est de l’éducation. Il est question à l’alinéa 10 de malnutrition, et il y aura une priorité sectorielle pour tout ce qui a trait à la malnutrition. Or on n’y parle ni d’éducation ni de culture.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il y a plusieurs types d’objectifs dans le CPG : thématiques, géographiques ou transversaux. L’alinéa 10 ne reprend pas les titres de chapitre de tous ces objectifs : on voit bien qu’il y en a moins.

M. Frédéric Petit. Oui, il y en a moins : un seul de moins précisément, si on fait la comparaison ligne à ligne.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je propose que vous retiriez cet amendement et que nous retravaillions ensemble la question d’ici à la séance. Cet alinéa n’a pas vocation à reprendre l’intégralité des priorités.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE216 de M. Jean-Paul Lecoq. 

M. Jean-Paul Lecoq. Il est nécessaire d’insister sur l’importance des droits humains et de l’environnement le plus possible dans cette loi afin de marquer l’engagement de la France pour les faire respecter quoi qu’il en coûte. Mentionner la protection des droits humains et environnementaux juste avant celle des biens publics mondiaux me paraît important. L’un ne va de toute façon pas sans l’autre. Cet amendement est symbolique, mais il a du sens.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle rejette également, suivant l’avis du rapporteur, l’amendement AE679 de Mme Nicole Le Peih. 

Elle en vient à l’amendement AE314 de M. Jean-Paul Lecoq. 

M. Jean-Paul Lecoq. Les objectifs humanitaires de la solidarité internationale ne sont pas assez présents dans ce projet de loi. C’est pourquoi il vous est proposé d’y faire référence de manière simple dans le préambule, en ajoutant notamment la « préservation de l’espace humanitaire ». Le cadre légal de l’action humanitaire et le respect des principes fondamentaux des conventions internationales doivent impérativement être rappelés : les travailleurs de l’humanitaire sont très exposés en ce monde instable et deviennent malheureusement de plus en plus une monnaie d’échange, voire une cible pour les groupes terroristes. En rappelant ces engagements la loi précisera la prééminence de ce cadre légal international. Il faut par ailleurs affirmer que la préservation de l’espace humanitaire et l’application du droit international humanitaire sont partie intégrante, et sine qua non, de l’effort de solidarité de la France.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable pour ce qui est de l’alinéa 10. Nous en reparlerons à l’alinéa 58.

M. Jean François Mbaye. Je me permets de suggérer à M. Lecoq de retirer son amendement : nous pourrions le retravailler ensemble, éventuellement avec M. Brotherson ou d’autres, pour présenter un amendement transpartisan sur cette question du droit humanitaire.

M. Jean-Paul Lecoq. J’accepte.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements AE497 de M. Sylvain Waserman et AE545 de Mme Frédérique Dumas.

M. Sylvain Waserman. Cet amendement a été travaillé avec l’UNICEF et avec le Groupe enfance, qui rassemble dix-neuf ONG œuvrant   pour les droits de l’enfant.

Certes, il n’est pas opportun de multiplier les priorités, mais les droits de l’enfant ne peuvent pas non plus en être absents, et cela pour deux raisons. La première est que les droits de l’enfant sont souvent un levier pour le développement. La deuxième est que la France a une action déterminée et importante sur le sujet. Je pense avoir trouvé avec les associations un juste milieu. Ce sera l’objet de cinq amendements au fil du texte. En l’occurrence, juste après la mention de la promotion des droits humains, je propose d’ajouter « avec une attention particulière aux droits de l’enfant ». Cela permet de souligner la réalité d’une action qu’il serait dommage de ne pas voir figurer dans nos priorités.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cette rédaction ne me paraît pas parfaitement satisfaisante. En réalité, la meilleure solution me semble un mélange avec l’amendement AE545 de Mme Dumas, auquel il manque le « en particulier ». J’ai moi aussi beaucoup discuté de ce sujet avec l’UNICEF. Je vous propose de retirer votre amendement et de travailler à une rédaction commune, peut-être avec Mme Dumas et M. Pancher, que nous pourrions présenter en séance pour l’intégrer dans cet alinéa 10, si cela vous convient.

M. Sylvain Waserman. Faisons-le maintenant.

Mme Françoise Dumas. Je suis d’accord. Je me rallierai à tout amendement qui proposera la bonne formulation.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je veux aboutir à : « la promotion des droits humains, en particulier des droits de l’enfant ».

Mme Isabelle Rauch, présidente. Pour cela, le mieux est de rectifier l’amendement de Mme Dumas. Monsieur Waserman, je vous propose de retirer le vôtre et d’être cosignataire de l’amendement rectifié.

L’amendement AE497 est retiré.

Mme Isabelle Rauch, présidente. L’amendement AE545 rectifié propose donc d’insérer, après le mot « humains », les mots « en particulier des droits de l’enfant ».

M. Frédéric Petit. Préparer la même rectification pour tous les amendements qui suivent ayant le même objet permettrait de gagner du temps,

M. Hervé Berville, rapporteur. L’intérêt de placer cette précision à l’alinéa 10, si vous acceptez le procédé, est justement qu’il ne sera plus nécessaire de répéter « en particulier des droits de l’enfant » à chaque fois. Exception sera faite pour le sujet de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui sera mentionnée expressément.

La commission adopte l’amendement AE545 rectifié.

La commission examine les amendements identiques AE40 de M. Bertrand Pancher et AE605 de Mme Mireille Clapot.

Mme Françoise Dumas. Il s’agit de prendre en compte l’égalité femmes-hommes et filles-garçons y compris dans les réponses à la covid-19. 

Mme Mireille Clapot. Je vais faire mention ici du rapport d’information de notre regrettée présidente Marielle de Sarnez, publié le 16 décembre 2020 et relatif aux dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19, qui s’intéresse aux personnes les plus vulnérables. Les femmes ont été beaucoup plus atteintes par cette épidémie, parce qu’elles sont surreprésentées dans les métiers de la santé et du soin, parce qu’elles sont davantage victimes de violences domestiques, parce qu’elles ont souffert de la baisse de l’activité économique et parce qu’elles ont moins recouru à la contraception et aux services de santé. Il me semblerait judicieux d’inscrire en toutes lettres dans l’alinéa 10 que la covid-19 a eu des impacts différenciés selon le genre.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Je connais votre attachement à ces sujets, mais si vous vouliez faire référence à la pandémie, ce serait plutôt dans le préambule, à l’alinéa 3. L’égalité entre les femmes et les hommes est expressément mentionnée parmi les objectifs de l’alinéa 10, et constitue un objectif transversal du CPG. C’est d’ailleurs la première fois que la France en fait explicitement un élément central, et vous savez que les crédits qui y sont consacrés ont augmenté.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient à l’amendement AE491 de Mme Laurence Dumont. 

M. Alain David. Il vise à affirmer le rôle structurant de l’enregistrement des naissances et d’un état civil fiable, que la politique d’aide publique au développement de la France doit promouvoir.

D’après le dernier rapport de l’UNICEF, publié en 2019, un enfant de moins de 5 ans sur quatre à l’échelle mondiale, soit 166 millions d’entre eux, n’ont pas été enregistrés à la naissance. Les causes sont multiples et bien identifiées. Les conséquences sont dramatiques pour ces enfants, qui deviendront des adultes invisibles, et pour les États, qui n’ont pas de visibilité sur leur population et leurs électeurs. Sans enregistrement à l’état civil, il n’y a pas ou peu d’accès à l’éducation, à la santé, aux droits sociaux, aux droits électoraux, au travail déclaré, à l’entrepreneuriat. Ces enfants sont victimes de tous les trafics, enrôlés comme enfants soldats, soumis au mariage forcé et à la prostitution.

Le présent texte décline la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales portée par la France, berceau de l’état civil, et présente les objectifs qu’elle se fixe et les valeurs qu’elle défend. La première d’entre elle ne peut être que le droit à une existence légale. Cet amendement propose donc d’inscrire l’enregistrement des naissances et la mise en place d’états civils fiables comme principes directeurs des politiques menées par la France. Sans cela, l’ensemble des aides accordées sont limitées par l’existence légale des bénéficiaires.

M. Hervé Berville, rapporteur. Demande de retrait, ou avis défavorable. Je suis d’accord sur le fond, mais nous avons demandé hier à Mme Dumont d’élaborer un nouvel alinéa qui sera placé dans la partie du CPG relative à la gouvernance et qui traitera de l’enregistrement des naissances et de l’état civil. Cet amendement sera ainsi bien davantage à sa place, et en aura plus de force.

M. Alain David. Il est bien difficile de prendre cette responsabilité à la place de Mme Dumont, qui est très sensible à cette question et voudrait voir cette précision inscrite en toutes lettres dans le texte.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ce sera le cas, nous en avons pris l’engagement hier. La rédaction sera du reste plus étoffée, puisqu’il s’agira d’un alinéa entier et non d’un amendement à un alinéa.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE219 de M. Jean-Paul Lecoq. 

M. Jean-Paul Lecoq. L’insinuation discrète mais réelle, dans ce texte, de la nécessité d’un continuum entre sécurité et développement est insupportable aux députés communistes.

Les notions de sécurité et de guerre ne signifient que peu de choses en ce XXIe siècle où se répondent soldats de métier, attentats-suicides et drones pilotés à des milliers de kilomètres de distance. Ces guerres contre le terrorisme se mènent sans en connaître véritablement les protagonistes, et l’on s’installe durablement sur des territoires, faisant craindre à la population un enchaînement de violence et de vengeance. Nulle victoire n’est possible et la présence armée étrangère, française ou autre, ne peut qu’alimenter les tensions. Par conséquent, et même s’il est aussi compliqué de se développer sereinement au milieu d’un océan d’insécurité, les guerres que la France et l’Occident mènent ne peuvent engendrer le moindre début de développement. La guerre ne s’arrête que là où la justice commence, et le développement avec elle.

Il faut donc se battre pour des services publics de base, pour une alimentation saine et durable. Seules des conditions de vie dignes peuvent limiter la guerre, et non l’inverse. Surtout, méfions-nous des va-t-en-guerre qui finiront par proposer que l’aide publique au développement serve à payer l’engagement des soldats, comme le président Hollande l’avait fait pour l’opération Serval. La démonstration sera peut-être faite dans notre commission mercredi prochain, à l’occasion de la table ronde sur l’Afghanistan, exemple même d’une situation où, la guerre n’ayant rien réglé, il faut de toute façon se parler et commencer à s’occuper du développement et du soutien des populations.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE222 de M. Jean-Paul Lecoq. 

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement martèle l’importance pour la France de respecter les résolutions des Nations unies. Le rapporteur et le ministre m’ont déjà répondu qu’il allait en être question plus loin, mais après tout, la politique est l’art de la répétition.

Il est indispensable de se conformer au droit international, le seul en mesure de créer les conditions d’une vie pacifiée dans le monde. Certes il est imparfait, mais nous devons en être les plus fervents défenseurs, d’autant que la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, a à ce titre a une responsabilité importante. Il est d’ailleurs bon qu’elle s’engage pour conforter le multilatéralisme.

Alors certes, il va être question de cela un peu plus loin, mais le présent amendement permet d’enrichir le texte et de donner une véritable orientation politique.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Sachons distinguer l’enrichissement de l’overdose.

M. Jean-Paul Lecoq. Une overdose de respect du droit international, cela ne tue personne. N’hésitez pas !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine en discussion commune, l’amendement AE606 de Mme Mireille Clapot, les amendements identiques AE65 de M. Bertrand Pancher, AE239 de Mme Delphine Bagarry et AE315 de M. Jean-Paul Lecoq, ainsi que l’amendement AE496 de M. Sylvain Waserman.

Mme Mireille Clapot. L’amendement AE606 vise un alinéa qui liste tous les textes importants au niveau des Nations unies. Ne serait-ce que par respect et hommage à tous ceux qui se sont battus au fils des décennies pour que des textes prennent enfin en compte la question du genre et celle des droits de l’enfant, et surtout l’année du Forum Génération Égalité, qui commémore le vingt-cinquième anniversaire du Programme d’action de Beijing, il est vraiment important d’y ajouter la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes, qui date de 1979, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, de 1995, et la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (CIDE) de 1989.

Mme Frédérique Dumas. L’amendement AE65 permet de viser expressément au moins la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

Mme Sonia Krimi. N’étant présente ici que pour quelques minutes, je tiens à rappeler l’importance de la lutte contre les financements illicites. C’est un critère qu’il me semble important d’ajouter. Pour le reste, l’amendement AE239 est défendu.

M. Jean-Paul Lecoq. Comme les deux précédents, l’amendement AE315 propose de faire référence à la Convention relative aux droits de l’enfant. C’est également une demande de l’UNICEF. Cet ajout serait un enrichissement essentiel pour la loi, car ce sont toutes les valeurs qui vont avec qui seraient aussi rajoutées.

M. Sylvain Waserman. Il est en effet très important de mentionner la Convention relative aux droits de l’enfant parmi les fondements de notre stratégie.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable sur ces amendements qui veulent presque tous, à l’exception du premier qui est plus large, à insérer une référence à la Convention internationale des droits de l’enfant. Ils seront satisfaits par un prochain amendement, placé à l’alinéa 62, qui est plus approprié.

Mme Mireille Clapot. Il me semble que le rapporteur n’a répondu qu’aux amendements relatifs à la CIDE, pas au mien.

M. Hervé Berville, rapporteur. Dans cet alinéa 16 sur le cadre d’action, il ne s’agit pas de rappeler toutes les conventions ni toutes les priorités, transversales, thématiques et sectorielles. Le chapitre sur les priorités transversales détaille bien les aspects liés à l’égalité femmes-hommes et au genre ; c’est une priorité transversale, qui doit irriguer toutes les autres, dans tous les secteurs. C’est là qu’il pourra être fait mention de ces conventions. Sinon, il faudrait énumérer à l’alinéa 26 toutes les conventions dans tous les secteurs définis comme prioritaires.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission examine l’amendement AE599 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot. Dans la même logique, je souhaite ajouter une référence à un texte du Conseil de l’Europe, en l’occurrence la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, connue sous le nom de convention d’Istanbul.

M. Hervé Berville, rapporteur. Dans la même logique, avis défavorable. Cet amendement trouverait davantage sa place dans la partie du texte consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE602 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot. Pour terminer, je propose d’ajouter une référence au plan d’action sur l’égalité des genres de l’Union européenne pour la période 2021-2025.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il est déjà mentionné à l’alinéa 53.

L’amendement est retiré.

La commission en arrive à l’amendement AE648 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. L’alinéa 20 explique que la coopération et le développement mobilisent les institutions, les citoyens, les collectivités, la société civile, les syndicats, les entreprises – tout le monde, sauf les parlementaires. C’est dommage, car nous nous considérons comme de véritables acteurs des politiques de développement, dans les pays bénéficiaires comme dans les pays contributeurs. Je propose donc d’ajouter le mot « parlementaires ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable ; je salue votre engagement sur cette question.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je suis moi aussi favorable à l’amendement, mais il me paraîtrait plus judicieux d’insérer le terme après le mot « citoyens », car on est citoyen avant d’être parlementaire. Mettre les parlementaires en premier dans l’énumération a un côté autocentré. Il suffirait de rectifier l’amendement.

M. Jacques Maire. Dans un esprit de conciliation, j’approuve la suggestion de M. le secrétaire d’État.

M. Jean François Mbaye. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Merci aussi à notre collègue Jacques Maire ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires qui soutiendront cet amendement. Nous avons là un très bel exemple du travail horizontal qui peut être fait autour de l’aide publique au développement. De nombreux parlementaires membres de groupes d’amitié ont eu l’occasion d’échanger autour de ces thématiques. Par ailleurs, je crois que M’jid El Guerrab fait un Facebook Live : les parlementaires des pays de sa circonscription nous entendent certainement.

La commission adopte l’amendement tel qu’il vient d’être rectifié.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE373 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement AE242 de Mme Delphine Bagarry.

Mme Sonia Krimi. Le Groupe enfance et UNICEF France proposent de substituer aux mots « la jeunesse » les mots « l’enfance et les jeunesses ». L’enfance n’est pas la jeunesse. Nous souhaitons donc élargir les droits des enfants.

M. Hervé Berville, rapporteur. Merci beaucoup, chère collègue, pour votre vigilance. Je remercie également le Groupe enfance et UNICEF France, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger. Avis très favorable à cet amendement qui enrichit le texte.

La commission adopte l’amendement.

Elle en arrive à l’amendement AE372 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il vise à ajouter une phrase à propos du tissu économique local, en particulier les TPE-PME. Quand nous parlons du secteur privé, nous parlons le plus souvent des entreprises françaises qui interviennent dans les pays partenaires. En revanche, il est très peu question du tissu économique local, qui est le moteur de la croissance économique inclusive et durable, et donc de la réduction de la pauvreté, car il ne faut pas oublier que le premier facteur de réduction de la pauvreté, c’est la création de richesses.

M. M’jid El Guerrab. Vous avez raison, monsieur le rapporteur. C’est un enjeu important. Nos compatriotes qui résident à l’étranger sont, pour beaucoup, des entrepreneurs. Or ils se sentent souvent abandonnés, y compris récemment, lors de la mise en place des derniers dispositifs. Cet amendement est donc l’occasion de dire aux entrepreneurs français dont les entreprises sont installées à l’étranger que nous pensons aussi à eux.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE374 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Sira Sylla n’est pas là ; elle aurait apprécié cet amendement qui vise à mentionner dans le CPG le rôle clé des diasporas, non pas simplement en termes de flux financiers, mais également en raison de leurs compétences et de leur savoir-faire. C’est un élément central de notre politique de partenariat.

La commission adopte l’amendement.

Elle en arrive à l’amendement AE375 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il vise à préciser que l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale s’adresse à tout le monde, y compris aux adultes, autour du triptyque « informer, comprendre, agir ». Cela permet de reconnaître le travail de longue haleine mené avec les organisations de la société civile.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE376 du rapporteur.

La commission examine les amendements identiques AE224 de M. Jean-Paul Lecoq, AE520 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE632 de M. Jean François Mbaye.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous proposons d’ajouter, après le mot « pauvreté », les morts « ou de vulnérabilité ». Cette précision peut sembler anodine, mais elle a toute son importance : l’ajout de la notion de vulnérabilité élargit considérablement la portée de cette phrase. Elle permet d’inclure d’autres situations dans lesquelles les droits humains ne sont pas respectés, mais aussi des discriminations, notamment pour l’accès à la santé ou en raison du genre. Les situations de vulnérabilité empêchent toute résilience et créent une précarité rendant impossible une vie sereine. Il faut donc ajouter ce terme pour permettre l’intégration des personnes en question dans le dispositif de volontariat international et de mobilité croisée. Cet amendement complétera par conséquent le projet de loi de façon à satisfaire la promesse internationale de ne laisser personne de côté, qui est au cœur de l’agenda 2030 et des objectifs du développement durable. Je pense que cet avis sera partagé par tous.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable. Je remercie les auteurs de ces amendements, notamment Jean-François Mbaye, qui a beaucoup travaillé sur la question de la vulnérabilité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je partage l’enthousiasme de M. le rapporteur.

Mme Valérie Thomas. Cet amendement est capital : sur le terrain, on se rend bien compte que, notamment dans le domaine de la santé, on lutte contre la vulnérabilité ; on n’attend pas que les personnes tombent dans la pauvreté.

L’amendement AE632 est retiré.

La commission adopte les amendements AE224 et AE520.

Elle est saisie des amendements identiques AE225 de M. Jean-Paul Lecoq et AE521 de M. Hubert Julien-Laferrière.

Mme Frédérique Dumas. Nous avons déjà abordé cet enjeu à travers un autre amendement, qui n’a pas été adopté.

Nous devons défendre nos intérêts, bien sûr, mais il faut vraiment partir des populations : c’est seulement comme cela que nous résoudrons certains problèmes qui nous touchent nous aussi, notamment le terrorisme.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable. Merci d’avoir présenté ces amendements. Vous savez mon attachement à ce que l’on se fonde sur les besoins des populations. Autant, tout à l’heure, l’amendement que vous évoquiez n’avait pas sa place à l’endroit du texte que vous visiez, autant, ici, votre proposition me semble pertinente. C’est même le principe qui doit guider notre stratégie à l’avenir.

La commission adopte les amendements.

Elle en arrive à l’amendement AE548 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Nous en arrivons aux conseils locaux de développement. Deux alinéas sont concernés : l’alinéa 22 et l’alinéa 119. Je voudrais, d’une part, que nous mettions en cohérence ces deux alinéas, et, d’autre part, que nous intégrions de manière explicite dans ces conseils de développement les élus locaux des Français établis à l’étranger. D’abord, ces élus sont généralement investis d’une façon ou d’une autre dans les questions dont nous sommes en train de parler, comme le soulignait M. El Guerrab. D’autre part, 80 % des Français établis à l’étranger le sont sur des durées longues, c’est-à-dire qu’ils connaissent l’histoire de l’engagement français et de la communauté française dans ces territoires, alors que tous les autres participants de ces conseils changent beaucoup plus vite. Je salue une fois encore la création de ces conseils, qui me paraissent tout à fait indispensables.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable. C’est toute la philosophie du conseil local de développement que de rassembler tous les acteurs.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE649 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. Il s’agit de faire en sorte que l’ambassadeur – et donc, en fait, l’équipe France – porte à la connaissance du parlement du pays bénéficiant de l’aide les orientations de la stratégie le concernant.

Bien souvent, les parlementaires du pays de résidence n’ont que très peu de relations avec les bailleurs, à l’exception de la Banque mondiale, qui partage sa stratégie avec les parlementaires, mais uniquement au moment du diagnostic.

Ma proposition est prudente, ce n’est qu’un premier pas, mais elle me paraît représenter un élément très simple, très concret, permettant aux parlementaires du pays de s’approprier la stratégie – voire, le moment venu, de contrôler sa mise en œuvre.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis plutôt défavorable à cet amendement ; à tout le moins, je suis très réservé. Il faut continuer à en discuter d’ici à la séance.

D’une part, cette disposition n’a pas sa place à l’alinéa 22. À la rigueur, elle pourrait être intégrée à l’alinéa 119. D’autre part, même si je connais votre engagement sur cette question, il me paraît délicat de prévoir que l’ambassadeur informe le parlement du pays de résidence de la stratégie. L’ambassadeur devra-t-il se présenter devant le Parlement ? D’abord, une telle précision ne relève pas de la loi. Ensuite, c’est au pays concerné qu’il revient de décider s’il a envie d’être informé.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable. Je comprends l’intention et souscris à l’ambition d’un partage de l’information, mais pas à cet endroit du texte ni sous cette forme.

M. Jacques Maire. Nous serions donc moins bons que la Banque mondiale, institution pourtant connue pour son caractère bureaucratique ? Je ne comprends pas que l’on refuse de prévoir que le Gouvernement français mette à la disposition des parlementaires du pays cible des informations relatives à la stratégie de développement. Je vous proposerai également d’amender l’alinéa 119, mais c’est autre chose : il s’agira du contrôle parlementaire. Ici, je vous propose une simple information. C’est une demande toute simple, qui ne devrait pas poser problème.

M. Jean-Paul Lecoq. Je comprends l’esprit de l’amendement et j’ai bien entendu les arguments de notre collègue Jacques Maire. Je lui ferai observer que la Banque mondiale est une institution unique, alors qu’un pays bénéficiant d’une aide peut coopérer avec plusieurs États. Si le pays en question s’engage dans la démarche que vous proposez, cela peut représenter beaucoup de travail pour lui.

Toutefois, et parce que je suis attentif aux amendements de Jacques Maire, qui sont toujours intéressants, je me dis que les groupes d’amitié pourraient servir de relais : les parlementaires français entretenant des contacts permanents avec leurs homologues du pays cible pourraient recevoir l’information en question puis la transmettre. Nous pourrions en tout cas y réfléchir d’ici à la séance. Ce serait un juste milieu.

M. Frédéric Petit. C’est une bonne idée d’informer les parlements, et cette démarche relève effectivement de la dimension interparlementaire. Nous pourrions prévoir un statut particulier, dans le règlement de l’Assemblée nationale, pour les groupes d’amitié en relation avec les dix-neuf pays prioritaires. Ce serait facile à faire et beaucoup plus efficace.

M. Hervé Berville, rapporteur. La perspective de travail ouverte par Frédéric Petit me semble intéressante.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE377 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE565 de M. Jacques Maire.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement. L’alinéa 25 décrivant l’action de la France en direction des pays partenaires, il me sesmble bon d’y associer les parlements de ces pays.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement AE23 de M. Bertrand Pancher et l’amendement AE490 de M. Dominique Potier.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit de faire de la transparence une priorité, et d’agir pour qu’elle soit réelle d’autant qu’elle conditionne en partie l’efficacité de l’aide. Hier, déjà, à propos du périmètre, il est apparu nécessaire que les informations soient beaucoup plus lisibles et accessibles – pas dans des documents de 500 pages. La transparence, ce n’est pas seulement donner les informations : cela consiste à les rendre accessibles et lisibles. La recherche de transparence doit aller au-delà de l’aide publique au développement. Il faut qu’elle s’applique à l’ensemble des établissements publics ou semi-publics qui contribuent à l’action extérieure de la France.

M. Dominique Potier. Je souhaite que mon amendement soit adopté, mais, quand bien même par malheur il ne le serait pas, nous travaillons avec M. le rapporteur à l’idée d’une base publique uniformisée qui permettrait d’alimenter le débat entre le Parlement et le Gouvernement, faciliterait le travail de la commission d’évaluation et serait accessible à toutes les parties prenantes. Par ailleurs, je rejoins Mme Dumas : il est important de permettre l’accès à ces informations, qu’elles soient d’ordre géographique ou thématique.

M. Hervé Berville, rapporteur. La transparence est bien évidemment un élément essentiel. Vous avez raison, madame Dumas, de parler de documents de cinq cents pages. Mais il faut savoir que, par nos amendements, nous participons à cette inflation ! Rapport après rapport, nos excellents fonctionnaires du ministère des affaires étrangères doivent tout compiler. Et nous demandons encore de recouper par région, par continent ou encore par indice de développement humain. C’est pourquoi ces rapports finissent par faire cinq cents pages ! Il est donc un peu paradoxal de demander des rapports sur plein de sujets et de leur reprocher d’être trop longs.

Monsieur Potier, votre amendement est satisfait par l’alinéa 24. Quant à la masse de données, elle existe déjà : c’est opendata.afd.fr, qui s’appellera bientôt opendata.apd.fr. On y trouve toutes les subventions apportées par l’AFD mais aussi par l’Union européenne, parce qu’un député l’a un jour demandé. On y trouve également les passations de marché de l’AFD. C’est une mine d’or. Dans ce document, il y a seize objectifs de développement durable (ODD) et plus de 380 indicateurs ! Quand le Parlement demande quelque chose, l’AFD doit le mettre en œuvre. Elle va ainsi voir l’ONG et lui dit qu’elle est tenue par la loi d’atteindre tel ou tel objectif chiffré. C’est ce qui fait que les petits acteurs de terrain meurent sous les normes et la bureaucratisation, qui enrichit des consultants payés pour faire des rapports d’évaluation. Les ONG passent plus de temps à remplir des tableaux que personne ne regarde qu’à travailler sur le terrain. C’est pourquoi j’invite le Parlement à la prudence.

On en arrive à ce que le Parlement américain ou le Parlement européen demandent à retracer de A à Z le parcours du premier euro versé, pour s’assurer qu’il n’ait pas été donné à un djihadiste ou à quelqu’un qui a un frère djihadiste. On est en train de criminaliser les bénéficiaires finaux, parce qu’on veut tout savoir dans nos rapports. Les ONG humanitaires nous disent qu’elles ne peuvent pas travailler ainsi. Essayons au contraire de simplifier et d’être plus pédagogues. Soyons prudents parce que, derrière tout ça, il y a des gens qui mettent en œuvre nos décisions, alors que leur boulot, quand ils se lèvent le matin, c’est de sauver des vies et de transformer des conditions de vie et non pas de remplir des tableaux qui ne seront pas forcément lus. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

Mme Frédérique Dumas. Je peux difficilement entendre la réponse du rapporteur. Tout d’abord, l’amendement dit l’inverse de ce que vous avancez, puisqu’il demande une plus grande lisibilité et une plus grande accessibilité.

Par ailleurs, nous sommes au XXIe siècle. Prenons l’exemple de l’application des droits des femmes dans le monde dont il est très difficile de compiler les données. Ils ont fait une plateforme. L’idée n’est pas de demander à des gens de faire des rapports papier de cinq cents pages que personne ne lira. Bien au contraire, si l’on dispose d’une plateforme, on peut l’alimenter régulièrement. On demande à ceux qui les gèrent une ergonomie spécifique et des rendus lisibles et accessibles. Si les gens veulent aller chercher d’autres informations, ils peuvent le faire. Mais on ne peut pas entendre qu’il ne soit pas possible de rendre tout cela plus transparent et plus lisible, alors même que c’est le critère sur lequel va reposer l’efficacité de l’aide. On peut rendre accessible et plus lisible grâce au numérique et disposer d’une vitrine et d’un magasin. L’avantage d’une plateforme, c’est qu’une fois que le contenu y est mis il y est mis.

Il faut mettre en avant ce chemin. Au-delà de la politique d’aide publique au développement, ce sont toutes les politiques qui souffrent de notre système actuel. Je n’en peux plus des contrats d’objectifs et de moyens qu’on nous présente en commission avec des rapports de trois cents pages sans la moindre gouvernance ni le moindre outil. Nous devons nous demander comment rendre les choses concrètes et opérationnelles et non pas, parce qu’on n’y arrive pas, renoncer à la transparence. Nous maintenons notre amendement. Nous demandons des informations accessibles et lisibles que permettent les technologies du XXIe siècle, sans que des centaines de personnes se retrouvent dans les ministères ou sur le terrain à faire des choses qui ne sont pas opérationnelles.

M. Jean-Paul Lecoq. L’exposé du rapporteur m’a paru décalé par rapport aux capacités de l’époque et par rapport aux opérateurs de l’aide publique au développement eux‑mêmes. On ne peut pas considérer que l’argent public utilisé dans des pays en voie de développement devrait être moins pisté que celui qui est utilisé dans des quartiers populaires. Dès lors qu’il s’agit d’argent public, la transparence est nécessaire et suppose un minimum d’administration pour que les informations soient accessibles à tous. L’amendement, en réalité, rend service à l’exécutif, puisque, s’il est mis en œuvre, il permettra, grâce au principe de transparence et de lisibilité, de défendre vos objectifs et votre politique. Je ne comprends pas pourquoi vous êtes bloqué, alors que vous devriez être enthousiaste et nous remercier d’avoir eu cette idée.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous n’avons pas inventé la transparence… Personne n’a lu, à mon avis, le document de politique transversale, alors que le site opendata.afd.fr est pourtant ouvert à tout le monde, ergonomique, et qu’il permet de faire ses propres recherches. La question n’est pas tant de produire des informations que de s’en saisir. La transparence, en réalité, est un puits sans fond : il n’y en aura jamais assez. Mais on ne peut pas dire qu’il n’y ait pas d’informations sur la politique de l’aide au développement. Ensuite, la technologie ne résout pas tout. Il faut bien des gens pour alimenter ces plateformes. Et je suis d’ailleurs certain que, dans quelque temps, vous pourriez demander des informations sur l’utilisation des euros au mois près, voire à la journée près. Les ONG croulent sous les demandes d’indicateurs. Le vrai sujet, c’est l’effet de l’aide au développement : savoir si ce que l’on fait transforme réellement la vie des gens. C’est tout le travail de la commission indépendante d’évaluation : mener des évaluations selon des méthodologies innovantes et grâce à des outils technologiques, plutôt que remplir encore et encore des tableaux et refaire des plateformes qui existent déjà.

Mme Frédérique Dumas. On confond la multiplication des indicateurs et la transparence. Ce n’est pas la même chose. Par ailleurs, les plateformes, c’est collaboratif.

La commission rejette successivement les amendements.

M. Jean-Louis Bourlanges succède à Mme Isabelle Rauch à la présidence.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, je suis un peu troublé. Alors que l’examen du texte progressait à toute vitesse en mon absence, il a suffi que j’entre dans la salle pour qu’il ralentisse. Je pense que j’ai la scoumoune. (Sourires.)  

La commission examine les amendements identiques AE50 de M. Bertrand Pancher et AE227 de M. Jean-Paul Lecoq.

Mme Frédérique Dumas. La fin de l’alinéa 26 est un peu surprenante, en mentionnant un principe de réciprocité. Qu’est-ce que cela signifie ? Il ne s’agit sans doute pas de conditionnalité, dans la mesure où l’aide publique au développement est toujours, d’une certaine manière, conditionnée. Cela nous semble inopportun.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous ne comprenons pas non plus cette logique de réciprocité. Que signifie : « Elle fait preuve d’une exigence accrue vis‑à‑vis des pays partenaires en développement, et promeut vis‑à‑vis d’eux une logique de réciprocité » ? La France veut-elle qu’on lui rende la monnaie de sa pièce ? L’État français veut-il que l’État aidé se sente redevable de quelque chose ? Mais de quoi ? L’aide publique au développement serait-elle désormais conditionnée ? Cela nous laisse perplexes. Ne perdons jamais de vue les principes internationaux, au risque de nous égarer dans des concepts extrêmement dangereux et contreproductifs de redevabilité et de conditionnalité.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. La réciprocité est l’objectif du texte, notamment en ce qui concerne le volontariat. Cela ne se fait pas dans un seul sens. Ce n’est pas le Nord qui a raison et le Sud qui a tort. La réciprocité signifie que l’on peut autoriser des volontaires de là-bas à venir ici.

M. Jean-Paul Lecoq. Ce n’est pas la même chose !

M. Hervé Berville, rapporteur. La réciprocité, c’est dire que l’on apprend aussi d’eux et que toute l’innovation ne vient pas du Nord.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

Mme Frédérique Dumas. Tant mieux si c’est cela que ça veut dire. Mais « réciprocité » ne veut rien dire à cette place-là ! Il serait opportun que vous la définissiez correctement. La réciprocité suppose, normalement, qu’il y ait les mêmes obligations de part et d’autre. Dans la mesure où je ne pense pas que ce soit ce que vous voulez dire, vous devriez le formuler différemment.

M. Hervé Berville, rapporteur. Les acteurs comprennent très bien !

M. Jean-Paul Lecoq. Soit, mais moi je veux que ce soit les citoyens qui comprennent ce que ça veut dire ! La loi doit être comprise par tous. Si c’est du jargon que seuls les acteurs concernés comprennent, ce n’est pas acceptable. Peut-être conviendrait-il de rédiger un alinéa spécifique pour bien expliquer ce que vous entendez par « réciprocité » et avec quoi je suis complètement en phase. Je n’ai pas de souci avec le concept, seulement avec l’interprétation qui peut en être faite à cet endroit du texte.

M. Hervé Berville, rapporteur. Selon la définition, la réciprocité est l’établissement de relations égalitaires entre individus ou entre groupes. Nous souhaitons simplement signifier que nous sommes dans une relation égalitaire et que l’un n’est pas supérieur à l’autre. Le citoyen français peut le comprendre. Avis défavorable.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est très clair ! Ne nous éternisons pas.  

Mme Frédérique Dumas. La réciprocité que nous demandons dans les accords internationaux examinés en commission n’a rien à voir avec votre définition.

La commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de l’amendement AE230 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Les députés communistes pensent qu’il est important d’associer les entreprises privées à la politique de développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Les entreprises et les particuliers français se réfugient massivement au Luxembourg pour échapper à l’impôt, et par là même aux efforts nationaux, et des dizaines de milliards d’euros échappent à l’impôt en France, alors que nos outils de lutte contre la fraude sont relativement nombreux et limitent malgré tout les mécanismes d’évitement. Il faut alors imaginer l’ampleur du drame que représente l’évitement de l’impôt dans des pays moins bien administrés. Dans son rapport sur les flux financiers illicites, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement a montré que l’évitement fiscal représenterait environ 90 milliards de dollars. Christian Savestre, qui a mené une grande enquête sur l’évasion fiscale, mentionne quant à lui des pertes de 225 milliards de dollars.

L’aide publique au développement représente 115 milliards de dollars pour le continent africain. Cent milliards de dollars, ce sont aussi pour certains ce dont l’Afrique aurait besoin pour lutter efficacement contre la covid-19 et relancer l’économie du continent. Il faut se poser les bonnes questions. Or la lutte contre l’évasion fiscale n’apparaît clairement pas assez dans le texte. Les pertes représenteraient entre 4 et 10 % du PIB africain. Cet argent est volé au peuple. Nous devons tous lutter pour cette cause universelle. Commençons par nos entreprises, en les obligeant à respecter les règles de l’équité fiscale, sociale et environnementale. Chaque euro récupéré sur ces vols permettra à l’APD mondiale d’être plus efficace.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Le cadre de partenariat global comprend déjà une partie sur l’évasion fiscale et une autre sur la responsabilité des entreprises.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE248 de Mme Sonia Krimi.

Mme Sonia Krimi. Il est issu d’un rapport que j’ai cosigné avec Valérie Boyer. Sans ajouter de nouveaux indicateurs, nous souhaitons que le pays partenaire affiche clairement parmi ses politiques publiques la lutte contre les flux financiers illicites. La santé d’un pays est liée étroitement à ce critère. Pour l’anecdote, en Égypte on dit que la quatrième plus grande pyramide est la corruption.

M. Hervé Berville, rapporteur. Bien que je partage l’esprit de votre amendement, avis défavorable. Une partie est satisfaite et l’autre vient contredire le principe de non-conditionnalité de l’OCDE, même si la lutte contre les flux financiers illicites doit être un élément central de nos politiques de partenariat.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE575 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. La première partie du CPG, intitulée « Objectifs et principes d’action », reprend les grands concepts de la loi. Il y manque, à mon sens, un élément fondamental : l’évaluation et le contrôle. Nous proposons de nous fonder sur les travaux de la commission d’évaluation indépendante, qui compte, parmi ses missions, l’aide aux évaluateurs locaux par l’intermédiaire des structures de contrôle de la francophonie. Il me semble très important que l’évaluation soit partagée et qu’elle soit utile aux pays bénéficiaires.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, ces questions faisant déjà l’objet de l’article 9. Par ailleurs, la rédaction de votre amendement serait à améliorer sur certains points.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous partageons vos ambitions en matière d’évaluation. J’en veux pour preuve l’article 9 qui a été largement enrichi. Nous pouvons nous en tenir à cela. Par ailleurs, je doute qu’il y ait beaucoup d’organes d’évaluation dans les pays bénéficiaires.

M. Jacques Maire. Pierre Moscovici a clairement dit qu’il y avait un travail important à mener entre les évaluateurs des pays bénéficiaires et la France, par le biais d’une coopération entre les cours des comptes ou leurs équivalents. Si vous pensez qu’il n’est pas nécessaire de l’inscrire, il faut en ce cas qu’il y ait à l’article 9 une référence au fait que la commission d’évaluation peut aussi contribuer à l’évaluation dans les pays bénéficiaires. S’il y a un accord sur ce principe, je retire mon amendement.

M. Hervé Berville, rapporteur. La commission d’évaluation indépendante accompagnerait-elle les autres outils d’évaluation ou évaluerait-elle les pays bénéficiaires ?

M. Jacques Maire. Il faudrait préciser qu’elle a pour mission d’évaluer la politique française mais aussi de coopérer avec les organismes d’évaluation des pays bénéficiaires.

M. Hervé Berville, rapporteur. Si vous souhaitez une coopération, j’y suis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. La coopération, ça ne casse pas trois pattes à un canard !

M. Jacques Maire. Il ne s’agit pas de chasser les canards, mais de coopérer en matière d’évaluation pour limiter la corruption.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE24 de M. Bertrand Pancher.

Mme Frédérique Dumas. Il vise à renforcer la cohérence de la politique de développement en lien avec les autres politiques publiques, au niveau national et européen.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable. Certaines références sont un peu datées.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AE489 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. La référence aux travaux de 2010 et de 2013 reste d’actualité et la rédaction de l’alinéa 28 me semble bien pauvre en comparaison de ce que nous proclamons ici. La cohérence, il faut la vivre pleinement. La proposition de Frédérique Dumas, qui reprend celle que je porte au nom de CCFD-Terre solidaire est juste, équilibrée et beaucoup plus pertinente. Je doute qu’elle soit adoptée mais je vous invite à y réfléchir pour la séance, quitte à la rédiger autrement. Elle ne remettrait pas en cause le texte mais l’enrichirait.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable car nous avons inscrit ce principe à l’article 2, comme vous nous l’aviez demandé. Nous n’allons pas reprendre dans le CPG toutes les évolutions apportées à l’article 2, en particulier les dispositions relatives à la cohérence entre les politiques publiques. Nous avons également pris l’engagement d’avancer sur les critères de l’OCDE.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’article 2 est très clair et le débat qui se tiendra en séance publique à l’occasion de la remise du rapport nous permettra de nous assurer du respect du principe de cohérence. Nous avons une stratégie en matière d’Objectifs de développement durable. Ce principe de cohérence est aujourd’hui bien compris de nos administrations et je ne doute pas que nos successeurs s’engagent, tout comme nous, à le faire respecter.

M. Dominique Potier. Sans vouloir être cruel, on ne compte plus les répétitions entre le texte et le CPG.

Par ailleurs, à présent que nous avons quasiment terminé l’examen du projet de loi, serait-il possible de mettre à la disposition de nos collaborateurs le texte de la commission afin qu’ils commencent à travailler les amendements ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cette demande a été transmise à l’administration qui fera le maximum.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE550 de M. Frédéric Petit. 

M. Bruno Fuchs. En cohérence avec l’alinéa 38 et les alinéas 75 à 80, relatifs aux priorités sectorielles, du cadre de partenariat global, nous proposons de placer les politiques éducative et culturelle au cœur des objectifs de la politique de développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable même si cela m’ennuie que l’on répète le terme « culturel ».

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’adoption de cet amendement créerait une petite dissonance avec l’article 2 tel qu’il est rédigé mais soyons fous : favorable.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La politique consiste à éviter les grandes dissonances et à supporter les petites…

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE378 du rapporteur.

Elle passe à l’amendement AE228 de M. Jean-Paul Lecoq. 

M. Jean-Paul Lecoq. Je vais profiter de cet instant de folie du Gouvernement pour tenter de le convaincre. (Sourires.)

La réalisation des objectifs de développement durable et de l’Accord de Paris nous impose de mener des politiques cohérentes. Les députés communistes n’ont cessé de demander que les objectifs de l’Accord de Paris soient inscrits dans toutes les conventions bilatérales que signe la France. Nous devons souligner l’importance de ce sujet pour que l’exécutif en prenne conscience. Pourquoi travailler à une loi qui valorise la cohérence, les ODD et l’Accord de Paris si nos accords bilatéraux s’en affranchissent ?

Par ailleurs, la France doit être cohérente entre les objectifs qu’elle se fixe en matière d’aide publique au développement et la place qu’elle occupe dans les organisations internationales. Elle doit être plus visible et mobilisée, notamment au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT), du Conseil de l’Europe ou de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). L’organisation internationale du travail et ses recommandations devraient être au cœur de notre politique d’aide publique au développement car les Français se sont battus pour conquérir des droits et des protections au travail. Nous devons exporter ces conquêtes et les valeurs qui en découlent. La recommandation n° 205 de l’OIT, relative à l’emploi et au travail décent pour la paix et la résilience, est un texte fondamental qui reprend les principes cardinaux de l’OIT : une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale. La France devrait porter ces valeurs dans ses projets d’aide publique au développement. Nous vous invitons, par conséquent, à compléter l’alinéa 29 en ce sens.

M. Hervé Berville, rapporteur. Merci pour ce plaidoyer mais, hélas, toute folie doit trouver ses limites. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis mais je voudrais assurer M. Lecoq de l’engagement plein et entier du Gouvernement dans la recherche de cette cohérence. Ainsi, la France accueille cette année le congrès mondial de la nature de l’UICN et elle ne ménage pas sa peine dans les autres instances.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE680 de Mme Nicole Le Peih. 

Elle examine l’amendement AE566 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. La France s’est dotée d’une feuille de route nationale pour mettre en œuvre les ODD en 2019 et en vertu de laquelle elle devra s’assurer de la cohérence des politiques sur le plan national et international. Il semble que les politiques communautaires aient été oubliées alors que de nombreux domaines relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne ou de la compétence partagée. Ainsi, la politique commerciale, dans le cadre des accords commerciaux avec les pays africains, a eu des conséquences négatives pour la culture vivrière. Nous vous proposons par conséquent d’insérer, après l’alinéa 29, l’alinéa suivant, dont la rédaction reste très prudente : « La France veille à cette cohérence ainsi qu’au respect des engagements pris dans le cadre des ODD et de l’Accord de Paris pour toutes les politiques communautaires impactant le développement des pays partenaires. »

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable car l’amendement est satisfait par le consensus européen pour le développement adopté en juin 2017, après l’Accord de Paris et les ODD.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. J’ai bien compris les intentions de Jacques Maire et nous avons d’ailleurs réussi, ensemble, à faire bouger les lignes en matière de politique communautaire.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE567 de M. Jacques Maire. 

M. Jacques Maire. L’alinéa 30 commence ainsi : « La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France protège et défend la diversité culturelle et linguistique. »

La France, pendant très longtemps, s’est désinvestie des politiques d’éducation. Depuis 2017, grâce au Partenariat mondial pour l’éducation, elle a renforcé son action. Si la promotion de la langue française et l’amélioration de l’accès à une éducation de qualité pour tous sont des enjeux majeurs de la politique de la France, ils ne sont pas suffisants et doivent s’accompagner d’un objectif d’insertion civique, sociale et professionnelle. En effet, les systèmes d’éducation publique dans les pays où se déploie l’aide au développement française n’offrent que très peu de perspective d’insertion – et je ne parle pas de l’enseignement privé !

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

M. Jean François Mbaye. Je salue le travail réalisé par Jacques Maire. Il a rappelé à juste titre que l’enjeu principal de l’éducation était la socialisation des jeunes générations, ce que ne permettent pas les systèmes d’éducation publique, à bout de souffle, et encore moins l’enseignement à but essentiellement religieux, en plein développement. Il est difficile de ne pas faire le parallèle avec l’examen en hémicycle du projet de loi relatif au respect des principes de la République, dont l’article 21 se rapporte justement à l’éducation en famille.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE488 de M. Dominique Potier. 

M. Dominique Potier. Il s’agit d’insérer, après l’alinéa 31, l’alinéa suivant : « Le Gouvernement identifie les résultats qu’il souhaite atteindre au niveau pays, programmatiques ou thématiques afin de mettre en œuvre une approche de gestion fondée sur les résultats et de permettre une détermination de l’impact réel de son appui financier ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Des dispositions sont déjà prévues en ce sens dans le projet de loi ainsi que le CPG. Je partage les préoccupations de M. Potier et sa volonté d’avancer mais tout a déjà été dit.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE232 de M. Vincent Ledoux. 

M. M’jid El Guerrab. Cet amendement tend à proposer une rédaction qui reflète davantage l’esprit égalitaire et de réciprocité dans lequel la France a élaboré sa stratégie de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Plutôt que d’indiquer que l’Afrique serait affectée de manière disproportionnée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, et alors que l’Europe connaît les difficultés sanitaires que l’on sait, relevons que les pays d’Afrique sont affectés de manière disproportionnée par les conséquences de la crise sanitaire liée à la covid-19, conséquences multiples, non seulement sanitaires mais au premier chef économiques et sociales, ce qui justifie d’accroître l’effort de la France en matière d’aide au développement au sens large.

Rappelons par ailleurs que les pays d’Afrique disposent d’atouts considérables, au premier rang desquels leurs populations. Un ministre du Niger, avec qui je suis ami, me rapportait que son pays souffre davantage des conséquences de la politique européenne que de l’épidémie.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AE379 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Le mot « Sahel » n’apparaît pas dans les priorités géographiques du cadre de partenariat global alors que la zone concentre une grande partie des défis les plus urgents en termes de développement dans le monde et qu’elle mobilise les efforts de la France. L’amendement vise à réparer cette omission.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle étudie l’amendement AE495 de M. Dominique Potier. 

M. Dominique Potier. Les beaux discours autour de l’espace méditerranéen, de notre mer commune, n’ont pas manqué sous les présidences de Nicolas Sarkozy et François Hollande et aujourd’hui celle d’Emmanuel Macron mais je trouve dommage que l’on abandonne, dans le CPG d’un projet de loi de 2021, l’idée d’un espace méditerranéen de coopération privilégiée. La rédaction de cet amendement n’est peut-être pas des plus satisfaisantes mais il me semble essentiel de souligner l’importance de la coopération culturelle, éducative voire scientifique, plus particulièrement en direction des jeunes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Sur le fond, je suis favorable à l’amendement mais je vous invite tout de même à le retirer pour en revoir la rédaction d’ici à la séance et éviter la succession des termes « Méditerranée » et « pays méditerranéens ». Sans chercher à écrire comme Proust ou Balzac, nous pourrions essayer d’embellir l’écriture de cet alinéa.

M. Dominique Potier. Dans ce cas, je le retire et nous en proposerons un autre, rédigé autrement, en séance.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE380 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE523 de M. Hubert Julien-Laferrière. 

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AE173 de Mme Amélia Lakrafi et AE381 du rapporteur.

Mme Marion Lenne. Cet amendement vise à flécher l’aide de la France vers les pays les plus vulnérables parmi les dix-neuf pays les moins avancés que sont les cinq États du G5 Sahel. Rappelons, à quelques jours du sommet du G5 Sahel qui se tiendra les 15 et 16 février à N’Djamena pour faire le point le point sur la stratégie de lutte contre le terrorisme, que ces pays sont les plus pauvres du continent africain et qu’il est dans notre intérêt de les soutenir en priorité car notre propre sécurité dépend de la stabilisation et du développement de cette région.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je retire l’amendement au profit de l’amendement AE173, mieux rédigé.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable.

L’amendement AE381 est retiré.

La commission adopte l’amendement AE173.

Elle en vient à l’amendement AE231 de M. Jean-Paul Lecoq. 

M. Jean-Paul Lecoq. Nous sommes nombreux à avoir déposé des amendements similaires car il apparaît que les actions menées par la France ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. Les beaux discours ne manquent pas mais l’écart ne cesse de se creuser entre les annonces et la réalité, ce qui décrédibilise notre pays. Il faut se reprendre et faire ce que l’on dit. Ce projet de loi nous en offre peut-être l’occasion. Par exemple, la France a déclaré vouloir faire des vaccins anti-covid19 des biens publics mondiaux mais elle ne se bat pas, au sein de l’Organisation mondiale du commerce, pour obtenir une dérogation aux accords sur les droits de la propriété intellectuelle. La levée des brevets attachés aux vaccins anti-covid19 permettrait de produire massivement des vaccins génériques, à moindre coût.

Autre paradoxe : nous multiplions les discours de paix dans le monde alors que nous sommes le premier exportateur d’armes. Et que dire des Accords de Paris, après la condamnation de notre pays pour son inaction climatique.

Au moins, faites en sorte que les pays prioritaires le soient véritablement. C’est le sens de notre amendement qui vise à leur réserver un pourcentage minimal de l’aide publique au développement française.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AE487 de M. Dominique Potier. 

M. Dominique Potier. L’amendement tend à ce que la France consacre au moins 0,15 % de son revenu national brut aux pays les moins avancés, conformément à ses engagements pris dans le cadre du programme d’action d’Addis-Abeba.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous avons discuté hier de la situation des pays les moins avancés et nous avons décidé de clarifier nos engagements en direction des pays prioritaires du G5 Sahel. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Elle étudie l’amendement AE486 de M. Dominique Potier. 

M. Dominique Potier. Je tiens à souligner, avec mes collègues Laurence Dumont et Alain David, que la France s’engage à définir avec ses partenaires une stratégie vis-à-vis des pays du Sahel et d’Afrique subsaharienne qui reflète la dimension systémique des difficultés que connaît cette région. Nous devons accompagner ces pays en actionnant tous les leviers de politiques publiques dont nous disposons – développement, sécurité, croissance économique. Seule une politique globale permettra de lutter, dans cette région du monde, contre la pauvreté et le djihadisme.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable car l’amendement est satisfait par l’inscription du Sahel dans nos priorités.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

L’amendement est retiré.

Elle examine l’amendement AE666 de Mme Liliana Tanguy.

Mme Liliana Tanguy. Cet amendement tend à intégrer, à l’alinéa 36 du CPG, les pays des Balkans occidentaux aux régions bénéficiaires de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités.

Nos débats, jusqu’à présent, ont essentiellement concerné l’aide au développement en faveur de l’Afrique, que je soutiens en raison de l’importance des besoins dans ce continent et des liens historiques qui nous lient à ces pays. Or, dans le voisinage immédiat de l’Union européenne, les pays des Balkans occidentaux sont des pays à revenu intermédiaire pour lesquels l’engagement de la France doit être réaffirmé.

En effet, le Président de la République a annoncé, à l’occasion de la présentation de la stratégie française pour les Balkans occidentaux, en 2019, que la France renforcerait son soutien pour le développement économique et social dans cette région. De surcroît, ces pays sont durement frappés par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, comme l’ensemble des pays européens. C’est pourquoi il me semble nécessaire que la France réaffirme son engagement en faveur des pays de cette région.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable car il s’agit d’un enjeu de sécurité dans notre proche voisinage.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AE249 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit de pallier le manque d’un élément essentiel dans ce texte, qui ne mentionne pas la nécessité de mener la lutte contre la pauvreté et les inégalités conjointement avec celle contre le changement climatique.

Je n’ai pas bien compris précédemment si l’un de mes amendements avait été rejeté du fait de son contenu ou de mon argumentation. Peut-être faudrait-il que je sois moins virulent envers la politique menée par la France ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Sous réserve d’en travailler à nouveau la rédaction, cet amendement pourrait être adopté lors de la discussion en séance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Il n’y a en effet pas d’opposition du Gouvernement à l’ajout de la notion de pauvreté.

M. Jean-Paul Lecoq. Selon la place finalement choisie pour cet ajout, on parlera d’inégalités entre les États ou entre les individus. Je maintiens mon amendement car je sens que nous sommes proches d’un accord.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE485 de M. Dominique Potier.

M. Alain David. Cet amendement a pour objet d’intégrer davantage de pays pauvres et moins avancés dans la liste des dix premiers bénéficiaires de l’aide publique au développement. Selon l’OCDE, en 2018 l’aide française était encore majoritairement concentrée sur des pays à revenu intermédiaire, dont un seul faisait partie de la liste des dix-neuf pays pauvres considérés comme prioritaires par l’AFD.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE64 de M. Bertrand Pancher.

Mme Frédérique Dumas. La mention « et en particulier aux droits de l’enfant » permettra d’intégrer ceux-ci dans les priorités thématiques.

M. Hervé Berville, rapporteur. Par souci de cohérence rédactionnelle avec l’amendement de M. Waserman précédemment adopté, je vous propose de nous en tenir à : « aux droits de l’enfant ».

Mme Frédérique Dumas. Nous sommes d’accord.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

L’amendement AE498 de M. Sylvain Waserman est retiré.

Elle examine l’amendement AE110 de M. Jean-François Eliaou.

Mme Marion Lenne. Il est nécessaire d’inscrire parmi les priorités le développement de politiques d’aide sociale à l’enfance, au sens de notre code de l’action sociale et des familles. Cela permettra de prévenir les parcours d’errance des mineurs non accompagnés dans leur pays de départ, avec une prise en charge sociale et éducative sur place. Ils pourront aussi bénéficier de meilleures conditions d’accueil à leur retour au pays.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement ne me paraît pas figurer au bon endroit.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE603 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot. Le projet de loi mentionne seulement la gestion de l’eau ; cet amendement y ajoute son assainissement, indispensable pour une meilleure santé publique et pour l’équilibre écologique.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je vous remercie d’avoir relevé ce point. L’assainissement de l’eau est un élément essentiel de l’amélioration des conditions de vie des populations les plus vulnérables.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je partage cet avis et me réjouis qu’un amendement de Mme Clapot puisse être adopté ; elle a beaucoup travaillé sur ce texte.

M. Jean François Mbaye. Ce sujet est en effet crucial pour les pays en développement. Mais il l’est aussi dans certaines collectivités d’outre-mer, tout particulièrement la Guadeloupe et la Guyane – nous avons eu l’occasion d’en discuter récemment lors d’un débat organisé en séance. Veillons à ne pas oublier nos territoires ultramarins, où l’AFD peut intervenir.

M. Dominique Potier. Je suggère d’améliorer la rédaction lors de la discussion en séance en retenant le concept moderne de gestion du cycle de l’eau, utilisé par les agences de l’eau.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE250 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Les députés communistes sont très gênés par la notion de croissance économique inclusive et durable. L’obsession occidentale pour la croissance du PIB nous mène dans une impasse écologique et sociale. En outre, une bien trop grande part de cette croissance est captée par les élites.

Il est préférable de se référer à la notion de développement humain. L’indice de développement humain est en effet un agrégat statistique bien plus complet que le PIB. La course au bien-être serait beaucoup plus saine que celle pour la croissance.

L’amendement enrichirait donc ce projet de loi, dans un sens philosophique.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’alinéa sur lequel porte votre amendement annonce les chapitres décrivant les priorités transversales. L’un porte sur l’activité économique – ce qui n’est pas un gros mot. L’amendement n’est pas pertinent à l’alinéa que vous avez choisi.

M. Jean-Paul Lecoq. Je comprends donc que cette idée pourrait être intégrée ailleurs dans le texte, à la faveur d’un amendement en séance. Le rapporteur pourrait peut-être m’éclairer sur l’emplacement idéal ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Je partage votre intérêt pour la notion de développement humain, même si je ne pense pas que le PIB soit une notion exclusivement occidentale. Nous pourrons travailler ensemble à la rédaction de l’amendement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’alinéa 98 du CPG pourrait être un bon endroit.

M. Jean-Paul Lecoq. On m’a d’abord dit de ne pas amender les articles et de me reporter au début du CPG. On me repousse désormais dans ses profondeurs. À ce rythme je vais finir par amender la quatrième de couverture !

M. M’jid El Guerrab. À la lecture des axes prioritaires de la politique de développement solidaire, je pense que notre collègue Lecoq n’a pas tort sur l’emplacement de son amendement.

M. Dominique Potier. C’est un excellent amendement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je répète que nous y reviendrons en séance.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le rapporteur fera donc des propositions de relocalisation à M. Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je répondrai à son appel.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AE318 de M. Jean-Paul Lecoq et AE524 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. Jean-Paul Lecoq. L’aide publique au développement présente un terrible retard de financement des services sociaux de base. Il faut redonner à la France une ambition dans ce domaine. La pandémie actuelle est à l’origine d’une explosion de la pauvreté. Un coup d’accélérateur doit donc être donné au financement de ces services pour mieux aider les populations. Comme l’ont mis en évidence les auditions, on ne peut pas développer un pays si ses habitants ne sont pas soignés et n’ont pas un bon niveau d’éducation. Ceci étant valable partout.

Mme Frédérique Dumas. Il est évident que les services sociaux de base sont un préalable au développement. L’amendement propose donc de leur consacrer 50 % des crédits d’aide publique au développement en 2022.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable car l’alinéa sur lequel portent ces amendements ne comprend pas d’éléments chiffrés. Je rappellerai que depuis 2017 le Président de la République a fait de l’éducation et de la santé des éléments majeurs de la politique de développement, dans le cadre du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Les financements bilatéraux et multilatéraux des services sociaux de base ont bénéficié d’augmentations considérables.

M. Jean-Paul Lecoq. Cette réponse me choque. Pourquoi ne pas intégrer dans la loi des décisions prises lors d’un CICID ?

M. Hervé Berville, rapporteur. Celui-ci a défini des priorités, pas des objectifs quantitatifs.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine l’amendement AE417 de Mme Valérie Thomas.

Mme Valérie Thomas. Je souhaite établir un lien entre les droits garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant et l’attention toute particulière portée aux 1 000 premiers jours de la vie. Cette période est essentielle pour la santé et le développement des enfants ; elle fait désormais l’objet d’une politique en France. Il est donc nécessaire de montrer aux pays bénéficiaires de l’aide publique au développement que nous accordons la même importance à leurs enfants qu’aux nôtres.

M. Hervé Berville, rapporteur. Par souci de cohérence rédactionnelle, je souhaite que cette notion des mille premiers jours figure ailleurs.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE285 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Cet amendement vise à mentionner le projet de création d’une Communauté méditerranéenne des énergies renouvelables, issu d’une proposition de résolution adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale le 26 novembre dernier, avec un avis très favorable du Gouvernement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je salue votre engagement en faveur de la communauté méditerranéenne des énergies renouvelables, dont témoigne l’adoption de votre proposition de résolution.

Je vous suggère toutefois de retirer votre amendement pour le redéposer en vue de la séance, où j’émettrai un avis favorable à son adoption. En effet, il serait mieux placé entre les alinéas 43 – sur l’action bilatérale – et 44 – consacré au niveau multilatéral. En outre, évitons de faire référence dans la liste de priorités à une proposition de résolution de l’Assemblée nationale, si excellente soit-elle ; tenons-nous en aux grandes conventions ou aux textes des Nations unies.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. À force de persévérance, El Guerrab sera à la Méditerranée ce que Schuman fut à l’Europe !

M. M’jid El Guerrab. Alors là, je ne peux que retirer mon amendement !

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE568 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. L’alinéa 42 parle de l’accompagnement de la transition écologique et énergétique, notamment par le développement des énergies renouvelables. Or celui-ci n’est rien sans le développement des réseaux.

Malheureusement, les réseaux électriques africains sont souvent, du point de vue pratique et réglementaire, issus du modèle français, qui n’est pas du tout adapté : quelques grosses unités de production centralisées, censées diffuser dans l’ensemble du territoire, alors que seuls 40 % de la population sont desservis par le réseau, et seulement 8 % en milieu rural.

D’où la nécessité d’une approche entièrement différente des réseaux et des réseaux intelligents pour laquelle l’AFD et les opérateurs disposent d’une grande expertise. Elle permet de créer des réseaux indépendants qui produisent et font l’objet de rachats – c’est une importante question de régulation – et qui peuvent être décentralisés. C’est une véritable révolution des réseaux qu’il faut pour développer les énergies renouvelables. Sans elle, on mettra vingt ou trente ans pour le faire et, d’ici là, il y aura encore partout des groupes électrogènes, ce qui serait une catastrophe écologique.

M. Hervé Berville, rapporteur. Excellent plaidoyer ; la question du transport et de la distribution est cruciale. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle aborde l’amendement AE540 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit de préciser que « la France continue de soutenir l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives et s’assure de l’effectivité, dans son périmètre d’action, de l’application des règlementations européennes de transparence des paiements aux gouvernements des industries extractives ». L’enjeu est le risque environnemental, mais aussi la corruption et la violence touchant les terres rares et ce que l’on appelle les minerais de sang. La France doit poursuivre sa diplomatie pacificatrice par la réglementation et la régulation.

M. Hervé Berville, rapporteur. Merci d’avoir mis en avant cette initiative essentielle – comme le montre l’exemple du Mozambique souvent cité par M. Lecoq. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AE382 et AE383 du rapporteur.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AE233 de M. Sébastien Cazenove et AE597 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot. Le texte parle des femmes et des hommes, mais il faut aussi y faire figurer les filles et les garçons, car les problèmes d’inégalité de genre sont spécifiques chez les plus jeunes. La loi de 2014 prévoyait d’ailleurs explicitement de les mentionner.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable à l’amendement AE597– merci, chère collègue, de votre vigilance à ce sujet, sur lequel d’autres interlocuteurs et amendements ont également appelé notre attention – et défavorable à l’amendement AE233.

La commission rejette l’amendement AE233.

Puis elle adopte l’amendement AE597.

Elle examine alors, en discussion commune, les amendements AE43 de M. Bertrand Pancher et AE598 de Mme Mireille Clapot.

Mme Frédérique Dumas. Notre amendement est en partie satisfait par le vote qui vient d’avoir lieu, mais nous souhaitons introduire une notion supplémentaire, outre l’égalité hommes-femmes, l’autonomisation économique et sociale des femmes et, désormais, la mention des filles et des garçons : l’accompagnement des femmes pour qu’elles participent à la décision concernant les politiques publiques au lieu d’en être uniquement bénéficiaires – même si le fait de bénéficier des aides peut aboutir à l’autonomie. Cette précision ne nuit pas à l’alinéa, mais place les femmes au même niveau que les hommes dans la prise de décision.

Mme Mireille Clapot. Je salue le fait que plusieurs alinéas soient consacrés à la grande cause du quinquennat qu’est l’égalité femmes-hommes. « Aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années », monsieur le président : l’amendement tend à considérer les femmes, quel que soit leur âge, comme des actrices à part entière des dynamiques de transformation sociale, et non seulement comme des victimes ou comme des bénéficiaires.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Moi, ce serait plutôt « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! »

M. Hervé Berville, rapporteur. Les deux amendements sont quasiment identiques ; je suis donc favorable aux deux.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si le premier est adopté, le second tombe – mais il est vrai qu’ils sont presque identiques.

La commission adopte l’amendement AE43.

En conséquence, l’amendement AE598 tombe.

La commission en vient à l’amendement AE418 de Mme Valérie Thomas.

Mme Valérie Thomas. Je le retire, car celui qui vient d’être adopté est bien meilleur et plus complet.

L’amendement est retiré.

La commission aborde l’amendement AE609 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot. J’avais déposé le même amendement à propos du projet de loi, mais on m’a renvoyée au CPG ; dont acte. Il s’agit d’inscrire dans le texte des marqueurs de l’égalité femmes-hommes fondés sur le Plan d’action de l’Union européenne sur l’égalité des genres. Ainsi, l’État devrait tendre vers 85 % de projets ayant l’égalité des genres pour objectif principal ou significatif et 20 % de projets dont elle serait l’objectif principal, et s’engager à ce que ces proportions atteignent respectivement 75 % et 20 % en 2025.

Au-delà des chiffres, l’enjeu est d’étendre ce thème à l’ensemble des projets afin qu’il soit bien une priorité transversale, et non uniquement sectorielle. L’idée est de se demander à propos de chaque projet d’assainissement, d’adduction d’énergie, de transport, etc., s’il améliorera la situation des femmes et des filles et contribuera au respect du marqueur fixé.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable.

Toutefois, ayons conscience du fait que nous compliquons la tâche de ceux – AFD, opérateurs, ONG présentes sur le terrain – qui devront honorer ces obligations ; pensons aux cas où il s’agit de construire un hôpital – où l’on ne fait pas de distinction entre les hommes et les femmes – ou une ligne de train pour désenclaver un territoire, par exemple. En ajoutant des objectifs, on réduit la flexibilité des porteurs de projet qui doivent s’adapter au contexte, surtout en cas d’urgence.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avec les meilleures intentions du monde, on ne parvient pas à atteindre les 85 % : l’AFD en était à 35 % il y a deux ans, alors que l’objectif est de 50 %. On peut écrire ce que l’on veut pour se faire plaisir, mais on sait que cela ne se réalisera pas. L’avis du Gouvernement est donc très réservé. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE39 de M. Bertrand Pancher.

Mme Frédérique Dumas. J’ai bien entendu l’argumentation du secrétaire d’État à l’instant, mais je ne peux pas ne pas défendre l’amendement, n’en étant pas la première signataire.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE484 de M. Dominique Potier.

M. Alain David. Si la France a développé une stratégie de diplomatie féministe, elle doit désormais s’aligner sur les standards du consensus européen : 85 % des nouveaux projets d’aide devraient intégrer le genre de façon significative ou principale – conformément aux marqueurs 1 et 2 de l’OCDE – et 20 % des volumes d’aide publique au développement devraient avoir l’égalité de genre pour objectif principal à l’horizon 2025.

L’objectif de 100 % de projets AFD « marqués genre » à l’horizon 2022, fixé dans le CPG, signifie seulement que les projets auront été évalués au regard du marqueur genre de l’OCDE, c’est-à-dire marqués 0, 1 ou 2, non qu’ils auront obtenu une « bonne note ». Ainsi, 100 % des projets AFD pourront être évalués, donc « marqués genre », sans tenir le moindre compte des questions de genre ; cette cible fournit simplement plus d’informations sur la nature des projets.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement AE600 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot. Il s’agit toujours de mettre en œuvre une diplomatie féministe par l’aide au développement, cette fois en s’appuyant sur la société civile locale. Le Président de la République a annoncé en 2019 la création d’un fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF) de la société civile opérant dans les pays partenaires de la politique de développement de la France. L’amendement tend à souligner que notre politique s’appuie en particulier sur ces organisations par l’intermédiaire dudit fonds de soutien.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AE644 et AE610 de Mme Mireille Clapot.

Mme Mireille Clapot. L’amendement AE644 tend à rappeler les objectifs de 85 % de projets intégrant des cobénéfices genre et de 20 % du volume annuel d’engagements de l’aide publique bilatérale au développement ayant le genre pour objectif principal à l’horizon 2025.

L’amendement AE610 vise à assurer l’effectivité et la redevabilité des engagements pris pendant le Forum génération égalité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE384 du rapporteur.

Elle est saisie des amendements identiques AE52 de M. Bertrand Pancher et AE525 de M. Hubert Julien-Laferrière.

Mme Frédérique Dumas. La crise sanitaire a profondément déstabilisé les pays en développement en faisant émerger de nouveaux besoins urgents alors même que les défis en matière de développement étaient déjà titanesques auparavant : la crise est survenue dans un monde où moins de la moitié de la population a accès à des services de santé essentiels et moins d’une personne sur cinq à une mesure de protection sociale dans les pays à faibles revenus.

De surcroît, la crise sanitaire, économique et sociale a un impact considérable sur les progrès réalisés en matière de développement.

Il nous paraît donc important de mentionner la dimension sociale des crises émergentes dans un alinéa destiné à « prévenir et traiter les crises et les fragilités ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement AE385 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AE97 de M. Fabien Gouttefarde.

Elle aborde l’amendement AE53 de M. Bertrand Pancher.

Mme Frédérique Dumas. Pour anticiper les crises, il faut une approche globale et de long terme. Je propose de rectifier l’amendement pour qu’il ajoute les mots « de long terme » au mot « globale », au lieu de les lui substituer comme initialement proposé.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable sous réserve de cette rectification, et si les mots « de long terme » ne sont ajoutés qu’une fois au mot « globale » – ce sera suffisant.

Mme Frédérique Dumas. Dans ce cas, l’amendement rectifié tend à ajouter, à l’alinéa 57, les mots « et de long terme » après la première occurrence du mot « globale ».

La commission adopte l’amendement AE53 rectifié.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE526 de M. Hubert Julien-Lafferière.

Elle examine l’amendement AE483 de M. Dominique Potier.

M. Alain David. Inspiré de propositions du collectif d’ONG Coordination Sud, il vise à affirmer le nécessaire renforcement du respect des principes guidant l’action humanitaire et la gestion de crises.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE386 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE88 de Mme Emmanuelle Anthoine.

M. Michel Herbillon. Il convient de garantir une attention particulière aux enfants en temps de crises, catégorie qui représente une part importante des populations des pays prioritaires de l’aide publique au développement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE569 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. L’approche globale, dont il est question à l’alinéa 57, permet de traiter « les causes profondes des fragilités et des crises ». Depuis plus de deux ans, l’Alliance Sahel développe une « approche territoriale intégrée » qui constitue un véritable défi pour les bailleurs de fonds car elle oblige à réfléchir à une coordination dans des territoires où les services publics ont quasiment disparu afin de retrouver simultanément et la sécurité, et l’accès aux services publics de base. Ainsi, l’approche par territoire supplante celle par projet. Elle est appliquée pour 21 projets en cours d’exécution qui représentent environ 256 millions.

Nous proposons donc que « Dans les zones de crise où les services publics sont en fort recul, l’État assure le continuum sécurité-développement en initiant une approche territoriale intégrée. » Nous sommes en effet au début d’une démarche prometteuse et il est encore trop tôt pour envisager sa généralisation.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends votre argumentation mais il est délicat d’inclure dans un CPG français qu’un État partenaire assure un continuum. Cela ne relève pas de notre pouvoir.

Avis défavorable.

M. Jacques Maire. Un problème rédactionnel se pose sans doute : c’est une manière de dire que la France s’engage dans l’approche territoriale intégrée. Je me propose de rectifier l’amendement en ce sens.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ce n’est pas à la France d’assurer ce continuum sécurité-développement : elle peut soutenir, accompagner, financer, mais ce n’est pas elle qui, par exemple, assure la présence de services publics dans ces pays-là.

Mme Frédérique Dumas. Je suis d’accord avec M. Maire car il faut savoir faire preuve de pragmatisme. Il est tout aussi important de promouvoir cette initiation de l’approche territoriale intégrée que l’approche globale de long terme. Cela contribuera à aider les acteurs de terrain, dans la zone des « trois frontières » ou ailleurs.

Mme Sira Sylla. Après le sommet de Pau, je soutiens également cet amendement alors que le sentiment anti-français se développe parfois dans certains pays.

M. Jean-Paul Lecoq. Je comprends que les actions menées doivent être sécurisées mais nous ne sommes pas dans notre pays ! Notre armée doit-elle aller « faire la police », assurer la protection et la sécurité autour de projets dans des pays étrangers ? Il faut prendre garde, si l’on veut que les populations acceptent notre présence !

M. Jacques Maire. Il faut lever toutes les ambiguïtés sur le rôle des uns et des autres. Le continuum sécurité-développement relevant d’abord de l’État et de ses partenaires, je propose de rectifier l’amendement de la sorte : « Dans les zones de crise où les services publics sont en fort recul, la France accompagne le continuum sécurité-développement en initiant une approche territoriale intégrée. »

M. Hervé Berville, rapporteur. Dans ce cas, il est satisfait par l’alinéa 57 disposant que la France « s’efforce de mieux coordonner l’ensemble des acteurs mobilisés dans les domaines de la diplomatie, de la sécurité, du développement, de la stabilisation et de l’aide humanitaire… ».

La commission rejette l’amendement rectifié.

Elle examine l’amendement AE636 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean François Mbaye. La résolution des crises est toujours complexe. Urgence, stabilisation, normalisation, développement : pendant ces différentes étapes, nombre d’acteurs interviennent, dont la nature et les modes d’action peuvent varier. Leurs actions sont bien évidemment complémentaires mais peuvent ne pas répondre aux mêmes contraintes et il est à cet égard salutaire que le CPG précise que la France s’efforce de coordonner leur action.

Une interaction maladroite entre les dimensions humanitaire et sécuritaire peut leur être préjudiciable, tout comme aux populations, alors que l’indépendance et la neutralité sont aux fondements de l’action humanitaire. Cet amendement de précision souligne le caractère déterminant de cette coordination dans un souci d'optimisation opérationnelle des différentes actions menées.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je salue votre engagement et votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement AE297 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il s’agit d’une simple précision rédactionnelle.

M. Hervé Berville, rapporteur. La question de la protection de l’espace humanitaire sera traitée un peu plus loin et votre amendement sera satisfait.

Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’action humanitaire englobe des sous-ensembles, dont la protection de l’espace humanitaire. Il n’est pas satisfaisant de les placer sur le même plan.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE89 de Mme Emmanuelle Anthoine.

M. Michel Herbillon. Il vise à renforcer l’attention sur les enfants, qui sont encore plus vulnérables en temps de crises en raison de la fragilisation des systèmes nationaux.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous avons intégré par deux fois la question de la protection des enfants.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement AE98 de M. Fabien Gouttefarde.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE200 de M. Vincent Ledoux.

Elle examine l’amendement AE630 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean François Mbaye. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement des recommandations que M. Moetai Brotherson et moi-même avons formulées dans notre rapport sur le droit international humanitaire. Nous devons sans cesse tendre au renforcement des différentes composantes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable à ces éléments qui complètent utilement le CPG.

M. Jean-Paul Lecoq. En séance publique, nous sous-amenderons probablement cet amendement pour nous montrer plus fidèles encore à l’excellent rapport d’information parlementaire sur le droit international humanitaire corédigé par nos deux collègues, respectivement membre des groupes de la Gauche démocrate républicaine et de La République en marche.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE589 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Les députés communistes proposent une nouvelle rédaction de l’alinéa 59 pour éviter toute insinuation selon laquelle les armées finiraient par devenir les acteurs du développement et de l’humanitaire car ce n’est pas leur mission et ce n’est pas souhaitable. On ne saurait considérer que « l’action de stabilisation de la France constitue également un des piliers de la réponse aux crises ». Nous jugeons en revanche que la diplomatie, l’écoute, le respect des peuples et la démocratie sont au centre de l’action visant à limiter les crises et leurs conséquences.

Le concept, ô combien flou, de stabilité est particulièrement néfaste car on peut y mettre ce que l’on veut. Or, une loi se doit d’être claire et précise. La France est déjà intervenue pour « stabiliser » un espace non démocratique au nom de la realpolitik et de ses intérêts. Cela n’a jamais aidé personne, sauf les marchands d’armes. Dans tous les cas, les peuples ont été les perdants, demandez aux Libyens, aux Afghans, aux Syriens.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends votre objectif mais je suis défavorable à cet amendement dont la réécriture ne nous paraît pas satisfaisante.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE387 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AE686 de M. Jean François Mbaye.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous rappelons l’attachement de la France « au principe de non-discrimination des populations bénéficiaires de son assistance humanitaire » afin qu’un certain nombre d’ONG puisse intervenir.

M. Jean François Mbaye. Il convient de préciser que cette assistance humanitaire inclut les organisations humanitaires internationales, impartiales, auxquelles on ne peut imposer le « criblage » des bénéficiaires finaux des programmes d’aides, ce qui entraverait le bon exercice de leur action.

M. Hervé Berville, rapporteur. Le Président de la République, le ministre des affaires étrangères, la Conférence nationale humanitaire (CNH), l’Agence française de développement ont tous fait part de leur attachement à cette notion de non-discrimination en matière d’action humanitaire.

S’agissant du développement, selon les instances internationales, les ONG ne peuvent s’exonérer d’un certain nombre de principes.

Nous devons encore travailler sur la question de la stabilisation, à cheval entre l’humanitaire et le développement.

Votre sous-amendement ne distingue pas les domaines d’action des organisations de solidarité internationale en matière de « criblage », ce qui aurait des conséquences importantes, qui plus est alors qu’un travail est en cours.

Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous avons évoqué cette question au sein du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI), le Président de la République s’est exprimé lors de la CNH et un équilibre a été trouvé. Un travail est en effet en cours et, en l’état, nous ne saurions accepter ce sous-amendement.

M. Jacques Maire. Nous sommes confrontés à un problème de temps : ce dossier est en discussion, il débouchera, mais quand, entre annonces, attentes, frustrations, risques de contentieux, obstacles à la délivrance des aides, etc. ? Il faut donc saisir ce moment, même si ce n’est pas facile.

Nous ne remettons pas en cause le fait que tout soit ouvert dans le domaine humanitaire et nous n’évoquons pas le développement mais seulement l’aide d’urgence et la stabilisation. Nous proposons le « non-criblage » pour les seules zones définies par décret, qui, selon nous, doivent être très limitées, où se trouvent des groupes armés non étatiques, terroristes, ce qui correspond par exemple à la zone des « trois frontières », de Sévaré, de Ménaka, de Gao, d’Idlib en Syrie…

Depuis des mois, vous ne parvenez pas à trouver une solution et nous en proposons une, assez précise : le principe est celui du « criblage », sauf pour l’humanitaire, l’aide d’urgence et la stabilisation dans des zones strictement définies par décret, lequel constitue une garantie en matière d’exonération de responsabilité pénale.

M. Jean François Mbaye. Ce sous-amendement précise que les organisations de solidarité internationale « ne peuvent se voir imposer le criblage des bénéficiaires finaux de leurs programmes d’aide […] dans les cas délimités suivants : interventions en matière humanitaire, d’aide d’urgence et d’aide à la stabilisation auprès des personnes vulnérables, à l’intérieur de périmètres géographiques dont la liste est établie par décret, caractérisés par une situation de crise persistante et l’existence de mouvements terroristes ». J’entends bien les arguments du secrétaire d’État et du rapporteur, mais nous sommes dans une situation d’urgence : nous devons parvenir à une solution. Nous avons fait des propositions dans le cadre de la mission d’information et nous pouvons retravailler ce sous-amendement, mais il est impératif de proposer une solution aux ONG humanitaires.

Mme Frédérique Dumas. Je soutiens l’amendement car il est très pragmatique. On ne peut pas à la fois déplorer de perdre des hommes sur le terrain, regretter que des territoires entiers se trouvent dans une situation compliquée, et ne pas rechercher une solution qui fonctionne vraiment, d’autant que le décret prévoit des garde-fous.

M. Hervé Berville, rapporteur. Les ONG présentes sur le terrain ne sont pas toutes sur la même ligne. Le ministère de la justice cherche une solution pour les situations d’urgence et de crise humanitaire qui tienne compte de l’évolution du droit, sans s’exonérer d’un certain nombre de règles établies. Or votre sous-amendement ne se limite pas à quelques modifications à la marge. Il serait donc souhaitable de le retravailler d’ici la séance ou pendant la navette parlementaire, car ce sujet concerne également les opérateurs et le Gouvernement. Nous pourrions ainsi parvenir à la rédaction d’un amendement, voire d’un article dans le projet de loi. Vous aviez d’ailleurs commencé à travailler sur une proposition en ce sens, qui n’avait pas abouti parce qu’il nous manquait un certain nombre d’éléments. Déposer un sous-amendement sur ce sujet ne réglera pas le problème. Nous devons laisser le travail parlementaire suivre son cours pour trouver une solution avec le ministère de la justice et les ONG. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous ne renvoyons pas ce texte aux calendes grecques. Le Président de la République a été clair : il souhaite que l’on aboutisse dans le trimestre. Le sujet est complexe. Le sous-amendement, tel qu’il est rédigé, va au-delà de l’aspect purement humanitaire en incluant une partie sur la stabilisation alors que les frontières ne sont pas nettes, et va même au-delà de l’équilibre que nous cherchons à atteindre. Nous voulons continuer à travailler sur ce point – avec vous, naturellement –, raison pour laquelle nous ne souhaitons pas que ce texte soit adopté à ce stade.

M. Jean François Mbaye. Je suis d’accord sur le fait que nous devons encore travailler sur cette question. Si vous prenez l’engagement de faire ce travail avec nous au cours du trimestre, je retire le sous-amendement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’engagement est pris : cela ne pose aucun problème.

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE388 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE480 de Mme Laurence Dumont, qui fait l’objet du sous-amendement AE695 du Gouvernement.

M. Alain David. L’amendement vise à affirmer le rôle structurant de l’enregistrement des naissances et de la mise en place d’un état civil fiable dans la politique d’aide publique au développement de la France. Ma collègue Laurence Dumont, à qui ce sujet tient à cœur, s’est beaucoup investie dans ce dossier.

D’après son rapport publié en 2019, l’UNICEF souligne qu’à l’échelle mondiale, un enfant de moins de 5 ans sur quatre n’est pas enregistré à sa naissance, ce qui représente 166 millions d’enfants. Les causes en sont multiples, bien identifiées ; les conséquences sont dramatiques pour ces enfants, qui deviendront des adultes invisibles, et pour les États, qui n’ont aucune visibilité sur leur population.

Par ailleurs, ces enfants sont victimes de tous les trafics. Enrôlés comme enfants soldats, soumis au mariage forcé, à la prostitution, ils sont exclus des droits que la politique d’aide au développement de la France entend promouvoir. L’absence des mots « état civil » ou « enregistrement des naissances » dans un texte de programmation de l’aide au développement est surprenante, tant ce droit élémentaire est déterminant pour l’accès à l’ensemble des droits des citoyens. Il s’agit d’un principe directeur de la politique de développement solidaire de la France.

M. Hervé Berville, rapporteur. Le secrétaire d’État avait pris l’engagement auprès de Mme Dumont de revenir sur cette question dans le cadre de partenariat global. Nous avons proposé de traiter ce point dans un alinéa dédié à la gouvernance ou aux droits humains, mais je suis favorable au fait de l’indiquer également à l’alinéa 62 car il s’agit d’un droit important. Cette double dose devrait être suffisante pour satisfaire votre volonté légitime de faire de cette question un sujet prioritaire du CPG et de la stratégie de la France. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je vous propose d’adopter un sous-amendement du Gouvernement visant à remplacer « celui de l’enregistrement à l’état civil » par « l’identité juridique, réalisable notamment via un état civil fiable ». Cela nous permettrait de conclure sur ce point.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous proposez cette modification ? J’aimerais comprendre ce qui vous gêne dans la rédaction de l’amendement de Mme Dumont.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ce n’est pas une lubie : nous voulons simplement que le CPG fasse référence aux concepts utilisés au sein des Nations unies.

M. Alain David. Cela me gêne de modifier l’amendement de Mme Dumont sans son accord formel. Toutefois, nous pouvons voter ce sous-amendement : si cela ne lui convient pas, elle pourra redéposer son amendement en séance.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement sous-amendé.

Elle examine l’amendement AE482 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. L’amendement soulève la question de l’accès à l’éducation, à la formation, au croisement des savoirs avec les populations les plus pauvres. Il faut agir non pas au bout de la rue, comme à l’époque de Joseph Wresinski avec ATD Quart-Monde, mais bien au bout du monde, comme nous le demande le CCFD-Terre Solidaire.

Cet amendement, qui rejoint les préoccupations exprimées par le rapporteur et le secrétaire d’État concernant les populations les plus vulnérables, applique les principes directeurs des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. Je suis fier de le défendre car il remet la question de la dignité humaine des plus pauvres au cœur de notre politique de développement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE481 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit encore une fois de la question des populations les plus vulnérables. J’espère que vous émettrez un avis favorable, ou bien que vous me direz que mon amendement est déjà satisfait, parce qu’il me paraît très pertinent de se préoccuper de l’absence de discrimination envers les plus pauvres, notamment les jeunes filles et les femmes. L’amendement propose des éléments de consolidation de nos politiques publiques et des garanties quant à leur effectivité.

M. Hervé Berville, rapporteur. Votre amendement est satisfait concernant les femmes et les jeunes filles car nous avons adopté un amendement qui recouvre ce sujet. De même, la question de la vulnérabilité a bien été intégrée dans le texte. En revanche, les discriminations et l’approche intersectorielle n’y figurent pas ; je vous invite donc à déposer un nouvel amendement en séance, en proposant de traiter cette question dans un autre alinéa. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AE99 de M. Fabien Gouttefarde.

Elle examine l’amendement AE389 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit d’inscrire dans le CPG la Convention relative aux droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 1989 et signée par la France le 26 janvier 1990.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE654 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean François Mbaye. C’est un amendement qui vise à souligner l’importance de renforcer les moyens d’information à disposition des populations, notamment dans les pays les plus pauvres. Pour ce faire, notre aide publique au développement constitue un vecteur particulièrement approprié car il apparaît, et c’est le cas dans certains pays d’Afrique, que les méthodes de recrutement des groupes terroristes, qui évoluent avec l’usage des nouvelles technologies, notamment des réseaux sociaux, et le recours à la désinformation dans l’objectif de susciter la défiance des populations ciblées, font le lit de l’endoctrinement qui conduit à la radicalisation et à la prise des armes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Excellent amendement ; avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable, en soulignant tout le travail fait par Canal France international (CFI) sur ce sujet, ainsi que par l’OIF sur Radio Sahel.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE87 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Elle est saisie de l’amendement AE256 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. La question humanitaire est trop peu présente dans ce texte. Nous proposons donc de replacer cette question au cœur du cadre de partenariat global, satisfaisant ainsi la douzième recommandation du rapport de mes collègues Brotherson et Mbaye. Il s’agit également de mettre en avant la question des conflits gelés et du droit à l’autodétermination du peuple, lesquels engendrent des tensions et des conflits que seul le droit international peut trancher. Il est important d’avoir cela en tête concernant les cas palestinien et sahraoui. Si le Maroc, l’Algérie et le Sahara occidental œuvraient ensemble contre les trafics au Sahara et au nord Sahel, cela permettrait enfin au Sahel d’avancer vers la paix. Ces exemples montrent bien l’importance qu’il y a à œuvrer pour la paix dans le dialogue. Il faut donc, dans un premier temps, permettre l’intervention du personnel humanitaire pour panser les blessures les plus graves, puis laisser la diplomatie agir. C’est une invitation à notre pays à jouer enfin un rôle dans les conflits gelés. Certes, il y a eu quelques tentatives par le passé, mais nous avons vraiment cédé aux envahisseurs, si je puis dire.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable : l’objet de l’amendement est un peu plus large que celui du texte de loi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

M. M’jid El Guerrab. J’aimerais dire un mot à mon collègue Lecoq, même si je sais que nous ne serons sans doute jamais d’accord sur cette question. Les États-Unis ont reconnu la pleine souveraineté du Maroc sur le Sahara, qu’il a appelé « Sahara occidental ». Si l’on veut régler définitivement ce conflit gelé, il faudrait que la France aille dans le même sens.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE638 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je tiens à cet amendement comme à la prunelle de mes yeux. Il vise à faire en sorte que la France s’engage parmi les pays pionniers de l’Alliance 8-7, ainsi nommée d’après l’ODD de lutte contre la traite des êtres humains, le travail forcé et le travail des enfants. Il s’agit d’une initiative internationale. Des comités interministériels sont en préparation. La France a décidé de s’engager sur ce point. La lutte contre l’esclavage moderne est totalement absente du texte, ce qui est une erreur, car la volonté politique du Président de la République en la matière a été affirmée à plusieurs reprises. Il s’agit vraiment d’un oubli des rédacteurs. Nous nous engageons sur ce point, comme sur l’ODD relatif aux industries extractives. M. le rapporteur m’a fait observer que la rédaction de l’amendement est trop précise – j’en ai vu tant d’autres que cela m’a surpris –, car elle mentionne la cible 8-7 des ODD. Je vous en prie, rectifions l’amendement et finissons-en ! Nous ne pouvons pas ignorer l’engagement du Président de la République de faire de la France un pays pionnier dans la lutte contre l’esclavage moderne et le travail des enfants.

M. Hervé Berville, rapporteur. Monsieur Potier, je vous remercie d’avoir proposé la rectification de votre excellent amendement, en substituant aux mots « la cible 8-7 des » le mot « les ». Dans ces conditions, j’y suis très favorable. Il me semble préférable de ne pas mentionner la cible 8-7 des ODD, pour ne pas rendre plus complexe la lecture du CPG. Il s’agit d’un aspect important de nos relations avec de nombreux pays. Je salue votre engagement et vous remercie d’enrichir le texte.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE68 de M. Bertrand Pancher.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE390 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement AE479 de Mme Laurence Dumont.

M. Alain David. Il s’agit d’affirmer le rôle structurant de l’enregistrement des naissances et de l’ouverture de registres d’état civil fiables dans la politique d’aide publique au développement de la France, dont l’effectivité et l’efficience à moyen et long terme dépendent de la capacité des États bénéficiaires à le faire. L’amendement vise à insérer un alinéa précisant que la France promeut, dans le cadre de la mise en œuvre des priorités sectorielles de sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités, l’enregistrement des naissances et l’ouverture de registres d’état civil fiables.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’amendement est satisfait. Demande de retrait, à défaut avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE392 du rapporteur.

Elle est saisie des amendements identiques AE54 de M. Bertrand Pancher, AE320 de M. Jean-Paul Lecoq et AE527 de M. Hubert Julien-Laferrière.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit de mettre l’accent sur les soins primaires dispensés dans le cadre des systèmes de santé communautaires. Chacun sait à quel point leur développement est nécessaire pour atteindre les autres ODD.

M. Jean-Paul Lecoq. Ces amendements devraient retenir l’attention de M. le rapporteur. Cette idée a été défendue lors de chaque audition que nous avons menée, sans qu’il la juge mauvaise. Chacun convenait qu’il s’agirait d’un progrès.

M. Hervé Berville, rapporteur. Monsieur Lecoq, je vous félicite de votre assiduité aux auditions que nous avons menées. Ce fut un plaisir de vous avoir, ainsi que tous nos collègues qui y ont participé. Il s’agit d’excellents amendements, qui permettent de lutter contre de vrais dangers. Comme le démontre la crise de la covid-19, on ne peut pas lutter contre les pandémies et améliorer la santé des populations si on néglige ce sujet.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE391 de M. Hervé Berville.

Elle est saisie des amendements identiques AE55 de M. Bertrand Pancher et AE528 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits. Retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AE56 de M. Bertrand Pancher et AE529 de M. Hubert Julien-Laferrière, ainsi que l’amendement AE478 de M. Dominique Potier.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit d’insérer, à l’alinéa 67, la référence à la recommandation de l’OMS de consacrer 0,1 % du RNB à l’aide publique au développement santé, afin que la France s’engage à consacrer 15 % de son aide au développement en dons à la santé mondiale d’ici 2022. Une part substantielle de cette aide bénéficiera au renforcement de son aide bilatérale, en vue d’un rééquilibrage de sa répartition entre les canaux multilatéral et bilatéral. Il importe de rappeler que les dons sont essentiels au développement des systèmes de santé.

M. Dominique Potier. Ces amendements sont inspirés par de nombreuses ONG. Il s’agit de faire en sorte que la France, en cohérence avec la recommandation de l’OMS de consacrer 0,1 % du RNB à l’aide publique au développement santé, s’engage à consacrer 15 % de son aide publique au développement en dons à la santé mondiale d’ici 2022. Les campagnes vaccinales menées à l’heure actuelle, qu’il faut mondialiser, démontrent que cet objectif est d’actualité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement AE419 de Mme Valérie Thomas.

Mme Valérie Thomas. Il est d’esprit semblable aux précédents, mais ne comporte aucun objectif financier. Il importe d’écrire dans le texte que la France tend à suivre les recommandations de l’OMS, ce qui importe d’autant plus que nous vivons une pandémie. Il s’agit de rappeler avec force que la santé est la pierre angulaire de notre politique d’aide au développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je salue l’engagement constant et intense de Mme Thomas en matière de santé. Elle connaît très bien le sujet. Je suggère le retrait de l’amendement en vue de le retravailler. Il me semble nécessaire de s’inscrire dans la refondation de l’OMS. Une nouvelle rédaction permettrait de remporter une belle victoire dans l’hémicycle et garantirait l’adoption de cette modification du CPG.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Cet amendement ne comporte aucun objectif chiffré. Or tel est le cas de la recommandation budgétaire préconisée par l’OMS. Par cohérence avec nos observations précédentes, nous émettons un avis défavorable. Peut-être faut-il modifier la rédaction de l’amendement, en remplaçant « s’engage » par « tend vers ».

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AE58 de M. Bertrand Pancher, AE118 de Mme Albane Gaillot et AE257 de M. Jean-Paul Lecoq.

Mme Frédérique Dumas. Il est un peu étrange, pour un pays membre de l’OMS, de s’engager à suivre ses recommandations tout en regimbant parce qu’elles sont chiffrées. À ce compte-là, autant dire d’emblée qu’on ne les suit pas !

L’amendement AE58 vise à renforcer la mobilisation internationale en faveur de la couverture santé universelle, dans une démarche volontariste. Chacun sait que la tâche est complexe. Même dans les pays qui l’ont adoptée – Jean-François Mbaye et moi-même avons fait plusieurs déplacements à ce sujet –, sa réalisation sur le terrain n’est pas assurée. Il importe de ne pas perdre de vue cet objectif. Il s’agit de se doter d’un outil législatif, mais aussi de se donner les moyens d’effectuer un suivi de l’instauration de la couverture santé universelle.

M. Jean-Paul Lecoq. La pandémie que nous vivons incite à placer la couverture santé universelle au cœur de la politique d’aide au développement. Sans ce virus, nous aurions pu continuer à étudier les hypothèses. À présent, nous ne pouvons plus nous contenter de donner la priorité à l’alimentation des gens, à leur logement et à leur participation à l’économie, si nous ne pouvons pas leur garantir qu’ils vivront en bonne santé, protégés contre les aléas sanitaires. La vie nous indique qu’il s’agit du bon moment et du bon endroit pour traiter la question. La placer au cœur de nos politiques d’aide publique au développement enverra un message fort. Chacun est conscient que nous ne résoudrons pas le problème en cinq minutes. Le combat pour la protection des populations grâce à la couverture santé universelle n’en mérite pas moins d’être mené. Il importe de le rappeler dans la loi.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements ne permettent pas d’atteindre l’objectif que vous venez de décrire, chers collègues. Ils visent à substituer aux mots « le renforcement des systèmes de santé, l’atteinte d’une couverture de santé universelle » les mots « la mobilisation internationale en faveur de la couverture sanitaire universelle, priorisant ainsi son action vers le renforcement des systèmes de santé et de protection sociale ». Cette formulation, me semble-t-il, amoindrit la portée de l’alinéa 67. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Après lecture attentive des amendements, j’émets un avis défavorable pour les raisons indiquées par M. le rapporteur.

L’amendement AE58 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques AE118 et AE257.

M. Michel Herbillon. Chers collègues, je vous transmets la bonne nouvelle que vient de me donner notre collègue Bérengère Poletti : son test du covid-19 est négatif. Elle sera parmi nous dès la semaine prochaine. (Applaudissements.)

F.   Réunion du jeudi 11 février, 21 heures

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Article 1er : cadre de partenariat global (suite)

La commission est saisie de l’amendement AE262 de Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. Notre politique des 1 000 premiers jours de l’enfant, qui correspond à un concept lancé par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), est une approche globale de la santé maternelle et infantile qui promeut des environnements favorables au développement harmonieux du fœtus, puis du nouveau-né, de l’enfant et de l’adulte qu’il deviendra. Je rappelle que les carences nutritionnelles prolongées chez la maman et son enfant peuvent entraîner des dommages irréversibles pour les organes, et la mort. La sous-nutrition, qui cause 25 000 morts par jour, est la première cause de mortalité dans le monde. Il est essentiel d’inscrire dans notre feuille de route la priorité donnée aux 1 000 premiers jours de l’enfant afin de lutter contre la pauvreté dans toutes ses dimensions, en particulier l’insécurité alimentaire, souvent liée à un manque de souveraineté dans ce domaine, et la malnutrition, tant chez l’enfant que chez sa maman.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable, dans le prolongement de ce que j’ai dit précédemment au sujet de l’amendement de Mme Thomas.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AE393 et AE394 du rapporteur.

Elle est saisie des amendements identiques AE57 de M. Bertrand Pancher et AE321 de M. Jean-Paul Lecoq.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit de mettre en valeur l’outil bilatéral, à côté des financements multilatéraux.

M. Jean-Paul Lecoq. La France a fait le choix, qui me paraît excellent, du multilatéral en matière de santé. Les fonds qu’elle abonde, notamment celui de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, font réellement avancer le monde. Il faut le reconnaître et l’applaudir. Toutefois, je trouve que la formulation de la première phrase de l’alinéa 68 est un peu malheureuse : la France met également l’accent sur les initiatives bilatérales, qui sont aussi très importantes dans ce domaine. Notre proposition est à la croisée d’un amendement rédactionnel et d’un amendement de fond. Vous conviendrez néanmoins qu’il serait intéressant de l’adopter, car cela permettrait d’y voir plus clair.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE322 de M. Jean-Paul Lecoq.

La commission est saisie des amendements identiques AE59 de M. Bertrand Pancher et AE532 de M. Hubert Julien-Laferrière.

Mme Frédérique Dumas. Nous voulons garantir l’accès de toutes et tous à l’ensemble des traitements. C’est pourquoi nous proposons notamment d’ajouter que la France « s’engage à soutenir les bonnes pratiques dans la production générique et l’octroi des licences, en luttant contre la différenciation des prix et l’abus des brevets et en organisant la transparence des coûts de la R&D et des procédures de négociation des prix des médicaments ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AE258 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Les députés communistes vous proposent un amendement tendant à faire respecter la parole présidentielle. Le Président de la République a, en effet, beaucoup travaillé pour mettre en place l’initiative ACT Accelerator (ACT-A) qui vise à favoriser l’accès aux vaccins dans les pays les moins riches tout en aidant ces derniers à améliorer leur système de santé pour faire face à la crise sanitaire. Cette initiative était censée être incroyable : 38 milliards d’euros devaient être déboursés – on allait voir ce qu’on allait voir ! Plus de huit mois plus tard, nous n’avons rien vu de probant : il manque encore 27 milliards à l’appel, et la France n’a pas encore donné tout ce qu’elle avait promis.

Pour faire en sorte que les engagements de la France ne restent pas lettre morte, nous proposons d’indiquer dans le texte que la France « s’engage à améliorer sa position internationale pour défendre l’accès aux vaccins ». Cela contribuera à instaurer un état d’esprit : il s’agit d’une loi de programmation – après tout, et on ne sait jamais ce qui peut se passer d’ici à 2025. Il faudrait notamment agir au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour que l’Union européenne accepte enfin une dérogation temporaire à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE259 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. L’idée de la couverture santé universelle, dont nous avons déjà débattu, est de grande valeur. Ce n’est qu’ensemble, sur toute la planète et d’une manière simultanée, qu’on peut lutter efficacement contre certaines maladies et contre les pandémies.

Les députés communistes sont bien conscients de l’écueil majeur qui existerait si cette couverture santé universelle était privée : une manne financière sans précédent tomberait dans l’escarcelle des grands groupes pharmaceutiques. Nous connaissons bien toutes les pratiques d’évitement fiscal et d’abus sur les prix dont ils sont capables.

La France doit défendre au plan international son modèle : celui de la sécurité sociale, universelle et gratuite, qui a été créée dans l’après-guerre par le ministre communiste Ambroise Croizat. La Sécu est un outil formidable contre l’exclusion et pour l’égalité. Il n’y a pas un ministre, un Premier ministre ou un Président de République qui ait parlé de santé sans mettre en avant l’efficacité de notre système de sécurité sociale.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, même si j’aime votre référence à cet illustre ministre communiste.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Que M. Lecoq ne doute pas, néanmoins, de notre engagement à promouvoir la couverture santé universelle. J’ai notamment en tête un événement auquel j’ai participé : nous remettons régulièrement l’ouvrage sur le métier.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AE395, AS396, AS397 et AS398 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE499 de M. Sylvain Waserman.

M. Sylvain Waserman. Il serait intéressant d’ajouter à l’alinéa 75, après la référence à l’éducation, l’expression : « en particulier comme levier pour la réalisation des droits de l’enfant ». L’éducation est un outil majeur dans la lutte contre la grande pauvreté et les inégalités mondiales. Cet ajout, demandé par beaucoup d’ONG, serait une façon d’accompagner la stratégie volontariste de la France en la matière.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis défavorable à ce que cela figure dans le titre du 2, mais nous pourrons peut-être l’ajouter plus tard. Sinon, il faudrait aussi indiquer que la formation professionnelle est, par exemple, un levier pour les droits des femmes et des plus vulnérables.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je ne suis pas contre les leviers, mais contre leur insertion à cet endroit du texte. Avis défavorable.

M. Sylvain Waserman. Je vais retirer l’amendement. Cela tombe bien : les amendements AE670 et AE671 tendent à placer cette mention à des endroits où elle sera beaucoup plus pertinente.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE501 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Il s’agit d’inscrire clairement dans la loi un engagement pris par le Président de la République dans le discours qu’il a prononcé le 28 novembre 2017 à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou : il a prôné la mobilité internationale des talents, notamment entre l’Afrique et la France. Nous proposons de faire du renforcement de la mobilité internationale des jeunes et des talents une priorité sectorielle en matière d’aide publique au développement, au même titre que le renforcement de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur dans les pays partenaires.

L’article 6 du projet de loi consacre la réciprocité des volontariats à l’international, qui pourront désormais concerner des étrangers, hormis les ressortissants de l’Union européenne, en France. Il est essentiel de préciser que la mobilité concerne non seulement les jeunes et les étudiants, mais aussi les professionnels et les talents.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis prêt à accepter votre amendement si vous voulez bien le modifier : je ne suis pas très favorable à la référence aux talents. Je comprends bien qu’il existe des « passeports talent » mais je pense qu’il ne faut pas discriminer ou sélectionner : on accepte tous les jeunes, qu’ils soient plus ou moins talentueux – s’ils le sont moins, il est peut-être bon de les faire venir en France pour qu’ils acquièrent des compétences.

On n’ajouterait que la mention : « la mobilité internationale des jeunes ». À défaut, je vous proposerai plutôt de retirer votre amendement en vue de le retravailler.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le principal, c’est d’inscrire dans le texte la mobilité internationale des jeunes.

M. Bruno Fuchs. Je rectifie l’amendement en ce sens.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cela n’empêchera pas de revenir éventuellement, dans un autre cadre, sur le dispositif du passeport talent.

La commission est saisie de l’amendement AE670 de M. Sylvain Waserman.

M. Sylvain Waserman. Je sais que je n’ai pas besoin de vous convaincre sur le fond, mais seulement quant au meilleur endroit du texte pour inscrire l’idée que l’éducation est un levier pour la réalisation des droits de l’enfant. L’amendement AE670 le fait à l’alinéa 76 et l’amendement AE671 à l’alinéa 77.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Cet ajout a, en revanche, toute sa place lorsqu’il est question, à l’alinéa 77, des impacts de l’éducation.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE263 de Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. L’Afrique subsaharienne, vers laquelle 50 % de l’aide internationale est désormais dirigée, est la région connaissant les plus grands défis en matière de développement, du fait de sa croissance démographique. Selon les dernières prévisions, l’âge médian serait de 21 ans en 2025, la population doublerait d’ici à 2050 et il faudrait créer 450 millions d’emplois. Il est nécessaire de souligner l’importance de l’éducation sous toutes ses formes : la jeunesse africaine doit préparer son arrivée sur le marché du travail. Cet amendement tend à réaffirmer notre politique en faveur de l’apprentissage, garantie de l’employabilité des jeunes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je propose plutôt de mentionner l’apprentissage après la référence, au même alinéa, à la formation professionnelle.

Mme Marion Lenne. J’accepte de rectifier l’amendement.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine l’amendement AE84 de M. Bertrand Pancher.

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit également de mettre l’accent sur le levier que constitue l’éducation. L’alinéa 76 insiste sur le fait qu’elle est au cœur de la politique de développement et il rappelle qu’il existe des déficiences à combler, mais il n’évoque pas du tout la nécessité absolue de tout faire pour préserver l’éducation dans les temps de crise. Les écoles sont les premières structures qui ferment.

M. Hervé Berville, rapporteur. C’est l’emplacement choisi qui ne convient pas. Avis défavorable pour cette raison.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. On pourrait penser à la fin de la dernière phrase de l’alinéa 77.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il est effectivement question du même sujet, d’une manière un peu différente. La fin de l’alinéa 77 préconise de porter « une attention particulière aux situations de crises », tandis que l’amendement précise que « l’éducation en situation de crises est également une priorité de la France dans la répartition de ses financements humanitaires ».

Votre amendement est satisfait, mais, si vous y tenez vraiment, vous pourriez le réécrire en vue de la séance publique, en composant un mix savoureux entre votre proposition, débarrassée de la partie relative aux financements, et la dernière phrase de l’alinéa 77. En somme, il faudrait se concentrer sur l’éducation en situation de crise.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’alinéa 77 me paraît plus adapté, en effet, même s’il répond déjà en partie aux préoccupations exprimées par Mme Dumas.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE477 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement, soutenu par beaucoup d’ONG, concerne aussi le levier extraordinaire que constitue l’éducation. Il me semble qu’il est placé au bon endroit mais je suis prêt à le repositionner si nécessaire.

M. Hervé Berville, rapporteur. J’émets un avis défavorable à cet amendement et à tous ceux du même type. Nous avons ajouté des priorités thématiques dans des dispositions relatives à des priorités géographiques, et il s’agirait maintenant d’inclure des priorités géographiques au sein de priorités thématiques… Évitons de dire plusieurs fois la même chose.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE101 de M. Fabien Gouttefarde.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE399 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE671 de M. Sylvain Waserman.

M. Sylvain Waserman. Je pense que l’amendement est placé, cette fois, au bon endroit…

M. Hervé Berville, rapporteur. Touché-coulé ! Avis favorable.

M. Sylvain Waserman. Un grand merci.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE570 de M. Jacques Maire, qui fait l’objet du sous-amendement AE694 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jacques Maire. L’alinéa 77 précise que la France concentre ses efforts sur les pays les moins avancés (PMA), en particulier l’Afrique subsaharienne – qui est notamment francophone – et le Sahel, en portant une attention particulière aux situations de crise.

Je vais citer quelques chiffres qui alimenteront peut-être la réflexion. Savez-vous combien il y a eu de bacheliers scientifiques au Niger, à l’été 2020 ? Ils étaient moins de cinquante dans le système public – je ne compte pas le lycée français, ni les lycées des congrégations – alors que ce pays compte 25 millions de personnes. Savez-vous quelle est la part des personnes scolarisées au sein du système public dans la zone des trois frontières ? Elle est de moins de 10 %. Plus de 80 % des gens sont scolarisés dans des médersas enseignant un islam qui n’est pas tijaniyya, mais importé. Le seul débouché qui peut exister pour ceux qui arrivent à apprendre quelque chose est de devenir imam ou professeur de sciences islamiques.

La disparition du service public est consubstantielle à ces zones de conflit. C’est notamment vrai dans la région de Tillabéri et dans celle de Diffa. Si nous voulons affronter le tsunami qui prépare les radicalisations de demain, il faut restructurer et renforcer le système public en suivant une vision qui n’est pas seulement éducative, au sens général du terme, mais aussi professionnelle : actuellement, les jeunes n’ont pas d’avenir sur ce plan. C’est pourquoi nous proposons la rédaction suivante : dans cette zone – le Sahel –, caractérisée par le développement d’enseignements exclusivement religieux qui marginalisent les populations, la France appuie le renforcement de l’enseignement public, général et professionnel.

Mme Isabelle Rauch. Le sous-amendement tend à remplacer, à propos des enseignements religieux, « exclusivement » par « notamment ». Cela permettrait d’ouvrir un peu plus le champ.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur Maire, acceptez-vous ce sous-amendement ?

M. Jacques Maire. Il me paraît raisonnable.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous en avons déjà parlé dans un autre cadre ; notre excellent collègue Jacques Maire ne sera donc pas totalement surpris par mon avis défavorable. Je trouve que cet amendement faisant un lien avec le développement d’enseignements religieux qui marginalisent les populations n’a pas sa place à cet endroit du texte. Par ailleurs, je ne suis pas sûr qu’il y ait nécessairement une corrélation. On pourrait trouver des chiffres comparables dans d’autres régions du monde, par exemple en Asie du Sud-Est.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je rejoins l’argumentation du rapporteur. Si nous souhaitons des résultats, il vaut mieux formuler les choses positivement, par exemple écrire à la fin du paragraphe 77 : « L’enseignement public, général et professionnel, doit y être encouragé. » Nous connaissons les fragilités, il n’est pas nécessaire de les rappeler ici. En faisant se côtoyer plusieurs notions, cet amendement, qui part d’une bonne intention, peut susciter des réactions.

M. Jacques Maire. Je souhaite que nous abordions ce sujet comme une seule assemblée. Dans l’hémicycle, notre assemblée est en train de débattre d’un projet de loi sur les valeurs de la République. Il aborde le défi de la radicalisation et la façon de l’affronter, y compris au moyen des services publics.

La question de la radicalisation dépasse complètement le champ national, elle prend sa source au niveau mondial. Pour les Français, le Président de la République a assumé de mettre un nom sur les choses, et d’assumer un ressaisissement. Il a fait ce choix pour l’éducation, et il l’a fait pour le Sahel, avec l’appui des partenaires sahéliens.

Si nous ne sommes pas capables d’assumer dans cette salle ce dont nous discutons depuis quinze jours dans l’hémicycle, nous ne sommes nulle part. Derrière les propos pudiques et hésitants, il y a des zones dans lesquelles nous avons des soldats qui meurent. Et par-delà le combat militaire, c’est un combat de développement et d’éducation. Si nous ne sommes pas capables de cristalliser cette fonction, notre action sera illisible, y compris pour les Français.

M. Dominique Potier. Je suis très ému par le drame que révèle Jacques Maire, mais j’entends les réserves du rapporteur et du ministre. Il est délicat de fixer pour cinq ans une situation que nous espérons conjoncturelle.

La question de la nature de l’éducation prodiguée et de ceux qui la dispensent est très pertinente : il faut éviter l’emprise d’idéologies mortifères sur des enfants. Je suis partisan de la poser de manière plus générique ; chacun saura interpréter le texte en fonction de la région du monde concernée. Nous ne pouvons pas stigmatiser une zone, ne serait-ce que pour pouvoir parler à tout le monde, et dans le temps.

Nous serions heureux de voter un amendement clair sur cette question, sans risquer d’entraver la diplomatie française.

Le sous-amendement est retiré.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE475 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous souhaitons rappeler l’enjeu des partenariats et des coopérations menées en Afrique subsaharienne. L’éducation est un levier favorable au développement. Nous évoquons des problématiques proches de celles soulevées par Jacques Maire, de façon plus évanescente et moins stigmatisante. Je souhaite savoir si cet amendement peut être accepté, et je le demande avec beaucoup d’humilité car je connais la sensibilité de ces questions.

M. Hervé Berville, rapporteur. La question soulevée par votre amendement, et le précédent de Jacques Maire, est bien évidemment essentielle. Mes réticences ne portent que sur la façon dont le sujet est abordé.

Je suis également défavorable à cet amendement, il fait notamment référence à des prises de position du Parlement européen ou de la Banque mondiale, et je ne suis pas convaincu qu’elles aient leur place dans cette partie du texte.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE264 de Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. Il s’agit d’un amendement de cohérence, pour mentionner l’apprentissage à l’alinéa 78.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE476 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous souhaitons que la France s’engage à consacrer 50 % de son aide publique au développement de l’éducation dans les pays à faibles revenus et les États fragiles. C’est un des leviers pour répondre aux problèmes que nous venons d’aborder.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Si 85 % de l’APD doivent être consacrés aux problématiques de genres et 50 % à l’éducation, nous sommes déjà à 135 %... Permettez-moi cette boutade, qui illustre les difficultés à fixer des pourcentages dont les effets croisés rendent l’instruction des projets très complexe.

Nous comprenons l’intention – et l’élan est donné puisque la France a consacré 200 millions d’euros supplémentaires au Partenariat mondial pour l’éducation, il y a deux ans –, mais je suis défavorable à la rédaction proposée.

M. Jean-Paul Lecoq. J’invite le secrétaire d’État à réviser le programme d’enseignement primaire, notamment les ensembles et les sous-ensembles. Cela permet de superposer les pourcentages…

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE672 de M. Sylvain Waserman.

M. Sylvain Waserman. Il faut être plus concret sur la signification des droits de l’enfant, qui ont été ajoutés au texte, ainsi que l’éducation comme levier de leur réalisation.

Compte tenu des échanges que nous avons déjà eus sur le sujet, je propose de retirer cet amendement pour trouver avec le rapporteur une version plus adaptée en vue des débats dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AE400 et AE401 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE102 de M. Fabien Gouttefarde.

Elle est saisie de l’amendement AE650 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. Au sein de cette commission, nous avons souvent étudié la situation des étudiants étrangers, y compris dans le contexte récent qui a conduit à une limitation des mobilités. Je ne fais pas seulement référence à la crise du covid, mais aussi à la politique d’accueil. Les droits de scolarité plus élevés permettent-ils d’accueillir plus de gens, et de quels pays ?

Je propose d’écrire que « la mobilité d’étudiants et de scientifiques venant des pays en développement doit être garantie en qualité et en nombre, car elle est au cœur de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France. »

Il est important de réaffirmer que nos objectifs portent sur le nombre et la qualité, car nous sommes mis en concurrence sur les deux aspects. La qualité de notre offre diminue par rapport aux autres pays, notamment les conditions d’accueil, et du point de vue linguistique. Et si les effectifs venant de certains pays augmentent, ceux venant des pays d’origine africaine sont en baisse assez marquée. Si nous voulons nous engager sérieusement en faveur de la mobilité des étudiants, nous devons en garantir la qualité et le nombre.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE282 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Jacques Maire étant membre de la majorité, il ne peut pas forcément tout dire ; nous allons compléter ses propositions. Nous souhaitons que la France s’engage à mettre en place des droits d’inscription décents pour les étudiants étrangers, afin que les étudiants venant de pays en développement puissent bénéficier de ses structures en matière d’éducation supérieure et de recherche. La France doit accueillir les étudiants étrangers dignement et leur garantir des bourses permettant de vivre correctement. Le plan « Bienvenue en France » doit être réformé en ce sens.

La décision du gouvernement d’Édouard Philippe était mauvaise ; c’est un coup porté aux candidats étudiants des pays en développement. Je viens de la circonscription qui abrite l’Université du Havre. Je vois d’où viennent les étudiants ; je constate la qualité de la formation qui leur est donnée et le rôle qu’ils peuvent jouer de retour dans leur pays. Ce n’est peut-être pas le cas dans toutes les filières, mais nous avons constaté une baisse des effectifs. La hausse de 1 500 % des frais d’inscription dans certaines universités n’est pas acceptable.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Cette loi peut corriger les erreurs du passé.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable en raison de la rédaction retenue. Sur le fond, nous pourrions être d’accord.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable. Nous avons mis en place des bourses d’exemption pour les zones géographiques prioritaires, où l’on trouve les personnes qui n’ont pas les capacités contributives. La France continue à prendre en charge plus des deux tiers des frais de scolarité de façon globale. L’ambition française d’attirer et de former des étudiants demeure intacte, et beaucoup d’universités ont mis en place des politiques pour maintenir cet accueil.

M. Jean François Mbaye. Nous pourrions réfléchir autrement à ce problème. J’avais demandé à la ministre de l’enseignement supérieur de s’engager à ce que les dix-neuf pays prioritaires de l’aide publique au développement soient exonérés de cette hausse de 1 600 % des frais d’inscription. Cela permettrait de concourir à notre politique d’aide au développement, mais je n’ai pas eu de réponse.

M. Jean-Paul Lecoq. Le rapporteur nous invite à revoir la rédaction – ce n’est pas un refus catégorique –, et M. Mbaye fait une proposition : c’est bien qu’il y a un sujet, à la fois d’aide au développement et d’accompagnement des étudiants, qui se trouve, qui plus est, au cœur de ce projet de loi.

Je suis prêt à travailler à une rédaction susceptible d’être acceptée. Jacques Maire a employé des mots simples, mais son intervention est limpide : un accueil décent passe aussi par les frais d’inscription aux universités. Il faut démontrer que notre accueil est de qualité, que nous avons envie de le faire. Aider les pays à développer des talents et des compétences pour leur permettre d’élaborer des politiques ambitieuses, c’est notre choix politique.

M. Bruno Fuchs. Nous avons été nombreux à protester contre la façon dont a été appliquée la hausse des frais d’inscription, qui a mis en difficulté un grand nombre d’étudiants. Paradoxalement, les étudiants suisses et canadiens ont des frais de scolarité de 290 euros, tandis qu’un étudiant burkinabè ou haïtien doit payer 2 900 euros, voir plus s’il est en licence. Le sujet a été mal traité ; il faut remettre les choses dans le bon sens.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE402 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement AE265 de Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. L’agriculture est soumise à une pression de plus en plus forte pour fournir à une population croissante une alimentation nutritive à prix abordable, et pour s’adapter au changement climatique et à la dégradation des ressources naturelles. Depuis 2019, l’Organisation des Nations unies s’est engagée dans la Décennie pour l’agriculture familiale, qui résout en grande partie ces défis. Je vous propose de nous engager à ses côtés par cet amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE323 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Martine Leguille-Balloy. Il faut aller encore plus loin que l’agriculture familiale et passer à un autre stade : il n’y a pas d’agriculture sans structuration des filières agroalimentaires. Pour sortir du cas par cas, il faut les aider en ce sens.

Le CIRAD, l’opérateur dédié en recherche agronomique pour le développement, travaille déjà en ce sens en partenariat avec le Fonds international de développement agricole (FIDA). Cette stratégie doit être approfondie et assumée par la France, en complément des objectifs de promotion d’une agriculture familiale et respectueuse de l’environnement, et de soutien d’un développement rural inclusif.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je ne suis pas convaincu par la notion de « compétitivité durable sur les marchés locaux et internationaux ». Je vous propose une rédaction en ces termes : « La France s’attache en particulier à soutenir la structuration durable des filières agricoles et agroalimentaires. »

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine l’amendement AE268 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. La question agricole se pose dans les pays en développement en deux axes : les semences et le foncier.

Les semences agricoles ont fait l’objet d’une marchandisation totalement honteuse au profit d’entreprises multinationales, comme Monsanto. Brevetées, les semences sont devenues des instruments d’oppression, prenant les paysans en otage, les obligeant à s’endetter pour acheter leurs graines et leurs herbicides. Un nombre incroyable de suicides de paysans est dû à ce phénomène, qui est également une cause majeure de l’exode rural.

Pour déposséder encore plus les paysans de leurs semences, les grandes entreprises ont été aidées par certaines organisations internationales qui ont créé un catalogue des semences autorisées, interdisant de fait sur toute la planète l’utilisation de graines adaptées au terrain et utilisées depuis des générations. Si ces semences n’assurent pas forcément les meilleurs rendements, elles offrent certainement la meilleure résilience.

Il est indispensable d’indiquer, dans cette partie du CPG consacrée à l’agriculture, à quel point il faut changer les choses. Les semences doivent être libérées du joug des grandes entreprises et du système capitaliste. Elles doivent revenir aux paysans, sans quoi l’approvisionnement alimentaire sera menacé pour des millions de gens. Aucun sujet ne résume mieux la folie de notre système.

Pour être une force de progrès, la France devrait se ranger au côté des plus faibles, des plus pauvres, et soutenir réellement les agriculteurs en luttant pour ouvrir le catalogue des semences et faire en sorte que les graines ne soient plus un outil du cynisme le plus crasse, mais bien un bout d’espoir pour la résilience, l’autonomie alimentaire et, au bout du compte, le bien-être et la paix.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable, l’objet de cet amendement est beaucoup plus large que le texte. Il n’a pas sa place dans le cadre de partenariat global dont nous débattons.

M. Dominique Potier. Je ne soutiens pas totalement la rédaction proposée par Jean-Paul Lecoq, mais je vais chercher les références des combats internationaux pour la souveraineté du génie génétique et éviter les excès de la marchandisation du vivant. Il ne faut pas venir heurter des politiques françaises, ni mettre en cause des géants de la semence dont les politiques sont tout à fait légales et morales. Il faut trouver une référence internationale et européenne propre à rassurer tout le monde et qui évite la captation du vivant dans les économies les plus fragiles.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE474 de Mme Laurence Dumont.

M. Alain David. Nous proposons de promouvoir le projet de « Grande muraille verte. » Ce projet reliant onze pays, du Sénégal à Djibouti, a pour objet de fournir des solutions politiques à des menaces environnementales multiples et complexes, telles que la dégradation des terres, la désertification, la sécheresse, le changement climatique, la perte de biodiversité, la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Il entend assurer le développement socio-économique des communautés locales par des plateformes polyvalentes d’activités génératrices de richesses, renforcer l’accès aux services sociaux de base, gérer la transition vers l’économie verte et éradiquer la pauvreté et l’insécurité alimentaire.

Le One Planet Summit du mois de janvier en a fait une de ses annonces phares en promettant des financements importants pour ce projet africain, pour les Africains et pour lutter contre l’avancée du désert. L’aide publique au développement de la France au Sahel ne peut que s’inscrire dans ce dispositif intégré et concerté.

M. Hervé Berville, rapporteur. Tout a été dit, avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. C’est une priorité du Président de la République ; le One Planet Summit a permis d’y consacrer 14 milliards de dollars. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement AE425 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je tenais à ce que nous discutions du concept très nouveau d’« Une seule santé »  (One Health). Il y a une dizaine d’années, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’OMS et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) ont coopéré en vue de prévenir les zoonoses, causes de la plupart des pandémies et de 80 % des maladies de l’homme. Cette conception selon laquelle il n’y a pas de santé de l’homme sans santé de l’animal et du végétal est en train de révolutionner la science et fait l’objet d’une coopération multilatérale.

Déposé dans la précipitation, l’amendement est mal rédigé. Je propose qu’à l’intersection du chapitre sur la santé et de celui sur la recherche, on redise que la France soutient, avec ses talents en agronomie, en sciences vétérinaires et de santé publique, cette initiative multilatérale qui lie écologie et santé humaine.

Je redéposerai l’amendement avec une meilleure rédaction en séance publique, mais je souhaite d’abord savoir s’il recueillerait des avis bienveillants.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je vous remercie d’avoir identifié ce manque. Je suis défavorable à l’amendement en l’état, mais très favorable à ce qu’il revienne dans l’hémicycle avec la référence aux organisations internationales avec lesquelles nous travaillons.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le Gouvernement l’accueillera également favorablement, le moment venu, Jean-Yves Le Drian étant particulièrement impliqué dans ces thématiques avec le patron de l’OMS.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE659 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Martine Leguille-Balloy. Il tend à ce que la France s’engage à promouvoir et à accompagner la conclusion de partenariats entre des entreprises privées françaises et des filières de production agricole des pays partenaires, lorsque ceux-ci s’inscrivent dans des objectifs de durabilité économique et environnementale. Il est évident que de tels partenariats peuvent constituer des outils vertueux afin de garantir des débouchés durables aux filières de production agricole des pays partenaires de la France. Ils s’inscrivent dans la réciprocité et constituent également l’assurance d’un accompagnement technique et financier à long terme, comme en atteste l’exemple du coton. La structuration des filières est essentielle.

M. Hervé Berville, rapporteur. Bien que partageant l’objectif poursuivi, je suis défavorable à l’amendement à ce stade. Je vous propose de reparler d’une meilleure façon d’introduire cette notion de partenariat privé.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je m’en remets au travail qui vient d’être annoncé entre le rapporteur et Mme Martine Leguille-Balloy.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE269 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je me réjouis de l’excellente rédaction de l’alinéa 88, aux termes duquel « dans ses projets de coopération, la France ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. » Nous proposons de la compléter en précisant que les entreprises privées dont les sièges sociaux se situent sur le territoire français ne le font pas non plus. Il s’agit de construire une vraie dynamique impliquant à la fois l’espace public et les entreprises privées. C’est un beau sujet, et les entreprises doivent être solidaires, à l’extérieur de notre pays, de sa politique.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis ravi que vous soyez satisfait de la rédaction de l’alinéa, mais je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE424 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Une réflexion est en cours à la fois en France, autour d’une loi de régulation du marché foncier, au Parlement européen et à l’ONU, la FAO considérant que les accaparements de terre causent plus de misère et de violence que les guerres. Ce sujet majeur commence donc à être documenté.

L’amendement vise à ce que la France se dote d’instruments de régulation des actifs fonciers français à l’étranger. Je le compléterai par des amendements issus d’une proposition de loi que je déposerai prochainement, portant sur des sociétés capitalistes qui peuvent détenir des actifs agricoles à la fois stratégiques et peu identifiables, pourtant susceptibles de provoquer incidemment des concentrations d’usage et de propriété délétères.

Sur la question majeure du foncier – le partage, la régulation, la santé du sol –, la France a une vraie longueur d’avance ; notre code rural et les lois Pisani en font un exemple dans le monde. Or, en la matière, l’AFD a trop peu de politiques d’investissement. En liaison avec ses services compétents, j’ai engagé une réécriture complète de l’article sur le foncier, qui permettrait de réaffirmer plus clairement le leadership de la France en matière de contrôle du marché foncier, de souveraineté foncière et de régulation à l’échelle internationale.

Il y a un lien entre partage du sol et santé du sol que met en évidence l’initiative « 4 pour 1000 », présidée par Stéphane Le Foll et qui fait la fierté de la France. Nos agronomes sont parmi les meilleurs au monde. Il faut afficher notre code rural et notre agronomie comme une force dans la mondialisation.

Dans l’attente d’un amendement plus complet pour la séance, je vous demande d’en adopter ici une version a minima.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je connais votre attachement à ce sujet, mais il n’appartient pas à la France de réguler les actifs français à l’étranger ; c’est plutôt aux pays étrangers de réguler les investissements et les actifs sur leur sol. De ce point de vue, la rédaction outrepasse leur souveraineté.

 Je suis défavorable à l’amendement, même si la régulation du foncier représente un enjeu important, d’ailleurs mentionné plus haut dans le CPG, et sur lequel il faut continuer d’avancer et de progresser.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je connais également votre engagement de longue date sur ces sujets. En réalité, cela dépasse largement les actifs français. Nous avons en tête des nations qui ont des pratiques infiniment plus prédatrices que les nôtres.

Puisque vous avez fait référence à un travail en vue de la séance, plutôt que de prévoir que la France se dote d’instruments de régulation des actifs français fonciers à l’étranger, ce qui n’embrasse qu’une partie du problème, pourquoi ne pas écrire qu’elle promeut d’une façon générale des instruments de régulation des actifs fonciers agricoles ?

M. Dominique Potier. C’est exactement le sens de l’amendement en cours de discussion avec les services.

Il faut récrire cet alinéa afin d’introduire une véritable structuration de ces sujets : confondre les organismes génétiquement modifiés et la déforestation avec l’accaparement des terres n’est franchement pas glorieux pour les auteurs du texte ; il faut les dissocier. Les premiers font l’objet de la loi Canfin – il ne faut pas y toucher ; le deuxième, c’est la modernité, un nouveau chapitre à ouvrir, celui de la régulation mondiale et locale du marché foncier. Rendez-vous en séance !

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE403 du rapporteur.

Suivant les avis du rapporteur, elle adopte l’amendement AE103 de M. Fabien Gouttefarde et rejette l’amendement AE85 de M. Bertrand Pancher.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE404 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE270 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis très surpris de l’absence totale de référence au commerce équitable dans le texte. Pourtant, des associations, comme Artisans du monde, des ONG, comme Max Havelaar, des labels, comme Biopartenaire, et des distributeurs ou des entreprises agroalimentaires créent du lien, font en sorte que le commerce ne soit pas destructeur et tissent des réseaux entre consommateurs dans les pays développés et producteurs dans les pays en développement. Ils accomplissent un travail formidable pour une mondialisation plus saine. Or leurs représentants n’ont pas été auditionnés et nous n’avons pas parlé de ce sujet : c’est un vrai manque qu’il s’agit de combler. Peut-être pourrions-nous auditionner, en urgence, un collectif comme Commerce Équitable France, qui regroupe un très grand nombre d’acteurs français de ce secteur, en vue de déposer pour la séance un amendement cosigné par chacun des groupes ?

Ce secteur valorise une mondialisation qui protège ses producteurs, limite les intermédiaires et permet une rémunération juste, d’un côté, et un prix décent, de l’autre. Bref, une mondialisation soutenable et souhaitable, non pas faite uniquement de profit et de gigantisme, mais d’échanges et d’amitié entre les peuples,

La loi doit valoriser le commerce équitable puisqu’il participe au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il n’est pas possible de faire sans. Il serait bien plus à sa place à cet endroit du texte que les réflexions un peu creuses sur les bienfaits du commerce mondialisé.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement, mais favorable à une nouvelle rédaction en vue de la séance. Nous avons, en outre, rencontré beaucoup de représentants de ces organisations au moment du rapport.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’adjectif « équitable », c’est admis, est insuffisamment présent dans le texte.

Il s’agit ici d’un titre. Que penseriez-vous de reprendre une partie de votre amendement pour aboutir à un intitulé tel que : « 5/ Renforcer les relations commerciales équitables visant à assurer un développement humain et une croissance économique inclusive et durable » ?

En l’état, je suis défavorable à l’amendement.

M. Jean-Paul Lecoq. Le commerce équitable est un concept global. S’il faut récrire l’amendement, nous le ferons en concertation avec votre cabinet.

M. Dominique Potier. J’ai interrogé tous les réseaux du commerce équitable : ils n’avaient pas d’amendements à nous proposer. Comme nous, ils ne savent pas sous quel angle aborder le sujet.

Il me semble que la responsabilité sociale et environnementale (RSE) constitue une piste, c’est-à-dire la capacité à distinguer, dans la commande publique ainsi qu’à tous les niveaux du commerce, les produits ayant fait l’objet d’un partage équitable de la valeur. Le référentiel suivra.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE586 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je l’ai dit, le commerce équitable est le grand oublié de ce projet de loi.

L’amendement tend à insérer un nouvel alinéa rappelant la définition du commerce équitable telle qu’elle a été clairement énoncée dans la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Il s’agit, dans un premier temps, de donner une réelle autorité à cette démarche et, dans un second temps, de faire de ce commerce un pilier des relations commerciales de la France, qui serait ainsi très fortement incitée à mettre un terme à sa politique commerciale folle d’accords de libre-échange. Les députés communistes préfèrent les circuits courts et le respect des droits humains, sociaux, économiques et environnementaux à la dérégulation globale propre au monde néolibéral – tous mots qui plaisent à notre ministre.

Dans la perspective de la réécriture de l’amendement précédent, je retire celui-ci.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE271 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il vise à ce que la France s’engage à établir un moratoire sur les accords de libre-échange auxquels elle est partie, afin que les pays les plus fragiles disposent de barrières monétaires et non-monétaires fortes leur permettant de se développer en étant protégés d’un commerce international déstabilisateur. Les États économiquement les plus développés aujourd’hui ont tous bénéficié, à un moment où à un autre, de protections de leur économie. La France accepterait ainsi que d’autres pays puissent à leur tour en bénéficier.

L’idée est de sortir de ce grand commerce mondialisé : l’Afrique et les pays en question partent de si loin qu’ils ne profiteront pas, au moins à court terme, de ces accords de libre-échange, sauf à adopter un modèle économique destructeur pour l’autosuffisance alimentaire.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je ne suis pas totalement convaincu par le lien entre commerce et développement ou réduction de la pauvreté : avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Défavorable également. Je signale que les Africains eux-mêmes ont mis en place une zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA).

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE405 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement AE473 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il vise à ce que la France s’engage, avec ses partenaires internationaux, à ce que les investissements privés soient compatibles avec les objectifs de développement durable (ODD) ainsi qu’avec le respect du devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs filiales.

Les opérateurs publics de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales sont tenus par une obligation de vigilance. Cela revient, pour l’ensemble des partenaires publics, à devenir en quelque sorte des lanceurs d’alerte ou des sentinelles de la mise en œuvre de ce devoir, novation juridique française.

Je souhaite que l’amendement soit retenu.  Très précis, il a été rédigé auprès des acteurs qui ont participé à la création du projet de loi. Simplement, il intervient en toute fin de partie alors que ce sujet est certainement ce qui permet à la marque France d’être le plus repérée au niveau international. Je suggère, par la suite, de consacrer un chapitre entier à ce devoir de vigilance dans le CPG. Nous sommes en train de le rédiger ; il redirait la nécessité de l’enracinement de la loi en France, la responsabilité des pouvoirs publics, le plaidoyer européen et l’engagement à former et accompagner les filières des territoires et pays tiers avec lesquels nous travaillons pour qu’ils répondent aux logiques de RSE promues par la loi.

Alors qu’une directive européenne est en discussion, je n’imagine pas que la France méprise cette question et la réduise à deux mots à la fin d’un document. Il faut remuscler un discours clair et fort, qui soutiendra la Président de la République dans les négociations européennes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. D’une part, une partie de l’amendement est satisfaite ; d’autre part, nous nous sommes engagés hier à vous laisser rédiger quelque chose à propos du devoir de vigilance.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE428 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous sous-traitons souvent nos prêts à des banques privées nationales, internationales ou françaises, qui ne sont pas toutes d’une grande éthique, pratiquent parfois l’usure ou sont présentes, de façon éhontée, dans les paradis fiscaux.

L’amendement que je propose est novateur. Il s’agirait que la France inscrive dans sa politique la promotion de réseaux bancaires mutualistes, comme ceux nés après-guerre en France, qui ont financé ménages, entreprises et infrastructures. En Afrique, une telle solution de banques régionales coopératives et éthiques pourrait être une voie entre le financement du microcrédit et le système des banques internationales.

M. Hervé Berville, rapporteur. Défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je reconnais une intention intéressante, même si, en l’état de sa rédaction, le Gouvernement ne peut accepter l’amendement. Avis défavorable à ce stade.

M. Jacques Maire. Une bonne partie des activités de financement et de refinancement des entreprises, parfois même des particuliers, de l’AFD dans les pays en voie de développement passe régulièrement par l’allocation de crédits et de capitaux au secteur bancaire local. Inciter les banques mutualistes locales à devenir partenaires de ces opérations serait un message intéressant, qui devrait trouver sa place quelque part dans le texte.

M. Dominique Potier. Je retiens que l’idée peut prospérer : le solidarisme de Léon Bourgeois peut donc également prendre une forme bancaire ! Je propose que nous travaillions, notamment avec Jacques Maire, à une proposition de banque coopérative éthique, en Afrique ou ailleurs, qui soit encouragée et qui donne lieu à des transferts de savoir-faire. Le système bancaire pourrait coopérer sous une autre forme que capitaliste.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Sous l’égide de l’inventeur du solidarisme et prix Nobel de la paix, cela ne peut fonctionner que de façon très heureuse.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE427 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier.  J’avais difficilement obtenu de Pascal Canfin l’esquisse de critères de RSE dans les marchés publics de l’aide publique au développement (APD). On peut les renforcer, me semble-t-il.

Un exemple : Pont-à-Mousson, qui fabrique de la fonte ductile depuis sept générations, affronte aujourd’hui sur les marchés africains des concurrents redoutables qui n’ont ni la même éthique du commerce ni le même bilan carbone. Quand l’APD est en jeu, on peut faire entrer en ligne de compte des critères relatifs à la RSE.

On pourrait inscrire dans le projet de loi que seront favorisées, non pas les entreprises françaises, mais les multinationales ou les entreprises dont les pratiques RSE sont louables en matière de corruption, de bilan carbone ou de localisation dans les paradis fiscaux. Nous pourrions adopter cet amendement et retravailler une formule qui favorise la bonne industrie par rapport à la mauvaise finance.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il est plus facile de négocier avec La République en Marche qu’avec Les Verts : ce sera un triple oui ! Il s’agit d’un très bon amendement, beaucoup de travail a été accompli sur ces sujets et l’AFD s’est largement améliorée. Il faut renforcer les critères actuels.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Notre esprit civique nous pousse à dire oui.

La commission adopte l’amendement.

La commission est saisie des amendements identiques AE316 de M. Jean-Paul Lecoq et AE533 de M. Hubert Julien-Laferrière, le premier faisant l’objet d’un sous-amendement AE693 de M. Jean François Mbaye.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit d’associer les populations à la politique de développement solidaire en les considérant comme des acteurs à part entière – en France, on parlerait de « démocratie participative ».

M. Jean François Mbaye. Le sous-amendement précise qu’il s’agit des populations des pays partenaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement AE316 sous-amendé. L’amendement AE533 tombe.

L’amendement AE472 de Mme Laurence Dumont est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE272 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. La taxe sur les transactions financières est un serpent de mer : on en parle sans cesse, on en débat chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances. Les députés communistes souhaitent une taxe étendue aux opérations intrajournalières et avec une assiette élargie et un taux supérieur. Lorsque nous déposons des amendements en ce sens, on nous rétorque systématiquement que la taxe est très bien comme elle est et qu’il faut simplement la promouvoir à l’échelon européen.

À la suite des discussions qui ont eu lieu il y a quelques semaines, on a indiqué qu’avec l’emprunt de 750 milliards d’euros contracté à l’échelle européenne, il faudrait accroître les ressources propres de l’Union européenne. Miraculeusement, la question de la création d’une taxe sur les transactions financières à l’échelle de l’Union européenne a fait sa réapparition dans le débat. Seulement, un doute subsiste : comment cette taxe pourra-t-elle être rapidement mise en œuvre à l’échelle européenne alors qu’elle est rejetée par un grand nombre d’États membres ? C’est pourquoi il nous semble nécessaire de mentionner dans la loi l’importance de la taxe sur les transactions financières et la nécessité de garantir la contribution du secteur bancaire à la politique de développement, car les ravages de la finance doivent être limités, contraints et taxés au bénéfice des peuples qui en souffrent le plus.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE407 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE572 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. L’alinéa 105 comporte deux volets importants et complémentaires : d’un côté, la transparence, la redevabilité et la lutte contre la corruption ; de l’autre, le renforcement des capacités. Des institutions faibles n’ont pas la capacité d’assurer une bonne gouvernance et de lutter contre la corruption ; il faut donc des institutions fortes.

Parmi celles qui jouent un rôle majeur en matière de contrôle, il y a évidemment le Parlement. Si le renforcement des capacités de contrôle des parlements est une question relativement ancienne, elle n’a jamais été jugée prioritaire par la France, contrairement à l’Union européenne et à de nombreuses fondations internationales. La coopération administrative entre le parlement français et les parlements des pays membres de la francophonie est une coopération technique, qui s’apparente davantage à une sensibilisation qu’à une réelle formation au contrôle, notamment budgétaire. Il serait intéressant d’adresser un appel au renforcement du contrôle budgétaire, en particulier pour ce qui concerne les financements internationaux, car leur transparence dans les budgets est extrêmement inégale.

Il est difficile de retracer les financements internationaux, notamment français, dans les budgets des pays bénéficiaires : on n’en retrouve que 20 % environ dans les comptes publics – non que les autres aient disparu en raison de la corruption, mais ils n’apparaissent pas. C’est pourquoi nous proposons d’indiquer qu’il faut renforcer les capacités de contrôle des parlements des pays bénéficiaires, notamment dans le domaine des financements internationaux.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable, en suggérant tout de même la suppression de la mention : «, y compris relevant des financements internationaux », qui me paraît superflue. C’est surtout la coopération parlementaire qui importe, par exemple à travers l’Assemblée parlementaire de la francophonie, avec l’appui d’administrateurs de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable.

Mme Frédérique Dumas. Je souhaiterais un éclaircissement. Si je suis, bien entendu, favorable au renforcement des pouvoirs des parlements, il me semble difficile de décider ce qu’il doit en être dans les autres pays. Concrètement, de quelle latitude d’action disposons-nous ? Nous n’allons pas conditionner l’aide au renforcement du pouvoir parlementaire !

M. Jacques Maire. Il faut bien distinguer les deux aspects de la question : le renforcement des capacités de contrôle, d’une part ; les institutions et la constitution locale, d’autre part. Pour ce qui est de ce dernier point, chacun des parlements dispose déjà de pouvoirs de contrôle, en général fortement inspirés des institutions françaises par suite d’années de coopération. Le cadre juridique existe donc – quoique les lois organiques ou les lois de finances puissent parfois faire défaut.

En revanche, la mise en œuvre de ces outils de contrôle nécessite des capacités administratives qui sont aujourd’hui insuffisantes. De ce point de vue, la coopération interparlementaire, même si elle est utile car c’est là que se trouvent les compétences, paraît nettement insuffisante, le budget des parlements nationaux ne permettant pas, à lui seul, d’engager des actions sérieuses et durables. Pour prendre un exemple, une opération de renforcement des capacités parlementaires du parlement burkinabè pendant une durée de trois ou quatre ans requerrait 5 à 6 millions d’euros, ce qui dépasse largement les capacités d’un parlement national. Il est, par conséquent, nécessaire de faire appel à des financements de la part des opérateurs du développement, ainsi qu’à des acteurs pour mettre en œuvre les opérations. Aujourd’hui, ces derniers ne sont pas français ; il serait bon que la France s’y intéresse.

J’accepte votre suggestion, monsieur le rapporteur. Par conséquent, l’amendement est ainsi rédigé : « Elle soutient le renforcement des capacités de contrôle des parlements des pays bénéficiaires, en particulier dans le domaine budgétaire. », la suite étant supprimée, car cela va de soi.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle adopte les amendements rédactionnels AE406 et AE408 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AE551 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Dans la logique de l’amendement adopté aux alinéas 75 et 76, nous proposons l’inscription d’une septième priorité sectorielle : le renforcement de la mobilité des étudiants et des talents entre la France et les pays partenaires.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable : l’amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE409 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AE410 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Suppression d’une référence inexacte.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE574 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. Le conseil local du développement a une charge de travail importante puisqu’il lui revient d’élaborer un projet de stratégie, ce qui suppose des échanges nourris avec les parties prenantes. Il est curieux d’indiquer qu’il se réunit « chaque année » : cela apparaît comme une précision limitative. Il se réunira quand l’ambassadeur le souhaitera.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE642 de Mme Valérie Thomas.

Mme Valérie Thomas. Dès lors que le conseil local du développement entend réunir autour d’une table l’ensemble des acteurs en vue de définir la politique de développement locale, ce qui est une très bonne chose, il serait bon de ne pas oublier les organisations locales de la société civile.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AE547 de M. Frédéric Petit et AE627 de M. M’jid El Guerrab.

M. Frédéric Petit. Par cohérence avec ce que nous avons voté ce matin, il convient d’intégrer les élus locaux des Français établis hors de France aux conseils locaux de développement. Leur présence est d’autant plus importante qu’ils sont aussi une vitrine des actions engagées et qu’étant depuis très longtemps intégrés dans la communauté, jusqu’à bénéficier parfois de la double nationalité, ils peuvent rendre compte de ce qui se passe dans les sociétés civiles.

M. M’jid El Guerrab. Il faut en effet impérativement les inclure dans la nouvelle instance : ce sont de bons connaisseurs du terrain, et ils sont nos relais ainsi que ceux des autorités consulaires locales, notamment auprès des associations. Si l’on s’interroge parfois sur le rôle des uns et des autres – conseiller départemental, conseiller régional, conseiller communautaire, conseiller municipal… – dans ce qui peut apparaître comme un millefeuille administratif, les conseillers des Français de l’étranger sont, pour leur part, un maillon indispensable de notre représentation dans le monde. Les inclure dans les différentes instances locales serait une forme de reconnaissance de leur action.

M. Hervé Berville, rapporteur.  Ces amendements ne sont-ils pas satisfaits par l’alinéa 22 ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je m’interroge, moi aussi. Les conseillers des Français établis à l’étranger ont effectivement déjà été mentionnés à l’alinéa 22. Le conseil local du développement est une instance qui a vocation à être opérationnelle. Dans la mesure où il sera appelé à se réunir plusieurs fois dans l’année, est-il raisonnable de l’élargir à ce point ? L’ambassadeur aura plutôt besoin d’organiser des réunions de travail « pratico-pratiques ».

D’un autre côté, il serait bon qu’il y ait, une fois par an, un échange plus large avec les élus. Je m’en remets donc à votre sagesse.

M. Frédéric Petit. Il s’agit de mentionner, à deux endroits du texte, la présence des élus locaux des Français établis hors de France dans les instances que l’ambassadeur doit réunir au moins une fois par an. C’est un fonctionnement en miroir, avec la même liste de participants ; ce que nous avons adopté ce matin, nous devons l’adopter ce soir.

M. Jean François Mbaye. Je signale que j’ai déposé un amendement AE 662 qui va dans le même sens, mais qui, contrairement à ceux-ci, ne mentionne pas les élus locaux des Français établis hors de France en premier, avant même les services de l’État. Ne serait-il pas préférable de l’adopter ?

Les amendements sont retirés.

L’amendement AE635 de M. M’jid El Guerrab est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement AE662 de M. Jean François Mbaye.

Elle examine l’amendement AE266 de Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. Cet amendement vient en complément de celui que nous venons d’adopter, puisqu’il vise à intégrer au conseil local du développement tant les élus locaux des Français de l’étranger que les représentants nationaux des Français d’étrangers, lesquels sont chargés, en leur qualité de parlementaires, de voter les politiques publiques. Cela permettrait de s’assurer que celles-ci sont correctement appliquées et de rendre plus efficace encore notre politique publique de développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Sagesse.

M. Frédéric Petit. Cela concerne beaucoup de pays… Ça va faire du boulot !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement AE607 de Mme Mireille Clapot.

Elle est saisie de l’amendement AE663 de M. Jacques Maire.

M. Jacques Maire. On parle beaucoup des opérateurs et des ONG, alors que le principal moteur du développement, au-delà de l’agriculture familiale, c’est l’entreprise – aux côtés de l’État. Par conséquent, il serait bon que les entreprises puissent participer au conseil local du développement dès lors qu’elles apportent une contribution au développement du pays, soit du fait de leur activité propre – je pense évidemment aux grandes entreprises françaises du secteur des utilities –, soit à travers leur engagement en matière de responsabilité sociale, environnementale et de gouvernance.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

L’amendement AE421 de Mme Valérie Thomas est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE273 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit d’un amendement de précision visant à rappeler que l’objectif de 0,7 % provient de la résolution 2626 du 24 octobre 1970 des Nations unies.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AE411 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement AE412 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit d’indiquer que la France s’engage à tenir l’engagement collectif de l’Union européenne de consacrer 0,15 % à 0,20 % de son revenu national brut aux pays les moins avancés, conformément au consensus européen pour le développement de 2017.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie des amendements AE471 et AE470 de Mme Laurence Dumont.

M. Alain David. L’amendement AE471 tend à dédier à des actions de promotion de l’enregistrement des naissances et d’établissement d’états civils fiables une partie de l’enveloppe annuelle du fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) et de celle de la coopération décentralisée.

L’amendement AE470 vise à intégrer systématiquement un volet enregistrement des naissances et aide à la mise en place d’états civils fiables aux projets humanitaires liés à la santé, à l’éducation, à l’accès au droit et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les deux amendements.

La commission est saisie de l’amendement AE647 de Mme Liliana Tanguy.

Mme Liliana Tanguy. À travers leur action extérieure, les collectivités territoriales jouent un rôle majeur dans les dynamiques de développement. Elles conduisent plus de 10 000 projets dans 134 pays. En 2018, le Président de la République a exprimé la volonté de renforcer ces coopérations en doublant les fonds de soutien dédiés d’ici à 2022. En dépit de ces efforts, le ministre Le Drian a relevé l’insuffisante coordination entre les actions de coopération menées par les collectivités.

L’amendement répond à une double préoccupation : encourager la conclusion de partenariats entre les collectivités et favoriser leur coopération pour déployer des projets déterminants pour le développement local des territoires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE651 rectifié de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet. Il s’agit de mettre à disposition des collectivités territoriales les outils et l’expertise des opérateurs, consacrant ainsi la mission d’appui de l’État à l’action extérieure des collectivités territoriales.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement sur le fond mais il faudra vérifier que les collectivités territoriales puissent solliciter Expertise France.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE267 de Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. Il vise à rappeler les canaux d’utilisation de notre aide publique au développement et à réaffirmer notre attachement au multilatéralisme à travers les agences onusiennes dont le mandat porte sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques AE60 de M. Bertrand Pancher, AE317 de M. Jean-Paul Lecoq et AE535 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit de contrôler les flux des entreprises privées.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Elle examine les amendements AE274, AE646, AE652, AE653, AE655, AE656 et AE275, tous de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est indispensable que la France s’engage fermement dans la lutte contre l’évasion fiscale, l’opacité financière et les flux financiers illicites. L’amendement AE274 des députés communistes prévoit plusieurs mesures l’obligeant en ce sens.

Premièrement, pour les entreprises multinationales dont le siège est en France, elle devra rendre obligatoire la publication annuelle d’un état financier public, pays par pays, où seront indiqués le chiffre d’affaires et les bénéfices réalisés, les impôts payés et le nombre de salariés. Une fois l’obligation instaurée sur son sol, la France soutiendra son extension aux entreprises du monde entier.

Deuxièmement, chaque entreprise qui sollicitera un soutien de l’État devra justifier n’avoir fait aucun bénéfice dans un État ayant des pratiques fiscales déloyales. Cela permettra de renforcer le contrôle sur les pratiques d’évitement fiscal et contribuera concrètement à la lutte contre ce fléau international.

Troisièmement, la France créera une taxe sur les entreprises du numérique, en légiférant sur la notion d’établissement stable numérique.

Par la suite, deux autres chantiers plus vastes et plus complexes devront aboutir, l’un, à l’établissement d’un taux d’imposition universel sur les entreprises, l’autre, à mener à terme des réflexions sur les ménages et les patrimoines. L’idée est de supprimer tous les « trous dans la raquette » de la politique fiscale internationale pour en finir avec l’évasion et l’évitement fiscaux, qui représentent des centaines de milliards de dollars dans le monde – un montant incroyable alors que l’endettement des États s’envole pour contrer les effets dévastateurs de la crise sanitaire et sociale.

Le nombre des propositions contenues dans cet amendement global pourrait effrayer le rapporteur et le Gouvernement, mais il se peut que certaines trouvent grâce à leurs yeux. C’est pourquoi les six amendements de repli suivants les reprennent une par une. J’espère que le rapporteur saura les utiliser.

M. Hervé Berville, rapporteur. Malgré leur qualité, je ne retiens aucun amendement. La plupart sont satisfaits dans d’autres parties du CPG, d’autres ne relèvent pas de ce texte, mais de dispositions relatives à la coopération internationale ou à la fiscalité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le rapporteur, vous m’aideriez à approfondir mon travail d’argumentation en vue de la séance si vous m’indiquiez quels amendements sont satisfaits.

M. Hervé Berville, rapporteur. S’agissant, par exemple, des flux financiers ayant un impact sur le développement, vos amendements sont satisfaits par l’alinéa 104 : « […] la France approfondit sa coopération internationale, en particulier sur la fiscalité, la mobilisation des ressources intérieures publiques et privées, la lutte contre les flux financiers illicites et l’évasion fiscale, et la bonne gestion des revenus tirés de l’exploitation des ressources extractives. »

M. Jean-Paul Lecoq. Cela vaut pour un amendement. J’en ai présenté sept, qui appellent autant de réponses.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il appartient au rapporteur de décider de la manière dont il répond. Nous avons débattu longuement de ce sujet, et je vous ai donné un exemple de ce en quoi vos amendements sont satisfaits.

La commission rejette successivement les amendements AE274, AE646, AE652, AE653, AE655 et AE656.

Elle adopte l’amendement AE275.

M. Jean-Paul Lecoq. L’amendement AE275 n’a pas d’autre implication que de supprimer le mot « révolution », qui laisse entendre que les pays d’Afrique n’ont pas connu l’innovation et l’entreprenariat. C’est nier leur histoire. Les mathématiques, par exemple, ont été créées sur ce continent. L’amendement appelle la rédaction du projet de loi à davantage de modestie. Je vous remercie de l’avoir adopté.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il est intéressant qu’un amendement proposé par un député communiste supprime le mot « révolution ».

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous étions favorables à l’amendement AE275 car, même si c’est assez violemment, vous avez mis en avant un élément pertinent.

La commission est saisie de l’amendement AE276 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Comme à d’autres endroits du texte, je souhaite substituer un autre concept de la croissance, dans le cadre d’une politique d’aide au développement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AE29 de M. Bertrand Pancher et AE536 de M. Hubert Julien-Laferrière ainsi que l’amendement AE537 de M. Hubert Julien-Laferrière.

Mme Françoise Dumas. En 2019, les frais d’écolage et les coûts d’accueil des réfugiés représentaient 15 % du total de l’APD, contre à peine 10 % pour la santé, qui est pourtant une priorité du CICID. Leur comptabilisation en APD est contestée, car ces flux ne bénéficient pas aux populations dans les pays en développement mais sont dépensés sur le sol français. Afin d’éviter cet écart sensible entre l’aide mobilisée et les priorités définies par le CICID, une programmation de la ventilation de l’aide par secteur prioritaire est indispensable. De cette façon, l’alignement de l’aide française avec les priorités du CICID, ainsi que son évolution, pourront être mesurés.

L’amendement A29 vise à compléter les informations qui devront être détaillées dans le tableau afin d’y intégrer une ligne présentant, pour chacun des secteurs prioritaires de l’aide, sa répartition en valeur absolue.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Le tableau serait trop volumineux. Du reste, les informations figurent chaque année dans le document de politique transversale alors que le tableau ne serait réalisé qu’une fois tous les cinq ans dans le cadre de la loi de programmation.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AE277 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les chiffrages que nous avons été nombreux à proposer à l’article 1er. Le projet de loi a été pensé avant la crise pandémique, que nous subissons toujours aujourd’hui. Les États menacent de s’effondrer, les systèmes de santé sont au bord du gouffre et la pauvreté et l’extrême pauvreté sont en train d’exploser. La situation mondiale est complexe et nous n’avons peut-être jamais eu autant besoin d’aide publique au développement et d’aide humanitaire.

C’est la raison pour laquelle je vous propose d’ajouter 1 milliard d’euros au budget de l’année 2022. Nous étions très nombreux à défendre cette idée dans la discussion. À plusieurs reprises, nous avons été renvoyés à la discussion sur le CPG : nous y sommes ! Je vous invite donc à voter cet amendement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ce n’est pas vraiment cette idée que nous avions renvoyée au CPG... Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE278 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est un amendement de repli qui s’inscrit dans la philosophie que j’ai défendue à l’article 1er d’une véritable loi de programmation allant jusqu’à 2025. Puisque vous avez refusé mes amendements en ce sens, j’espère enfin vous faire entendre raison, et je vous donne là une seconde chance de la prolonger au-delà de 2022.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE279 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. En cohérence avec la volonté des députés communistes, à défaut d’avec le texte, je propose de faire de cette loi une véritable loi de programmation qui coure jusqu’en 2025. Dans cette conception, les opérations d’allègement ou d’annulation de dettes pourraient intervenir d’ici à 2022 « et après ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE601 de Mme Mireille Clapot.

M. Hervé Berville, rapporteur. Demander la production de données désagrégées en fonction de l’âge en plus du sexe compliquerait la tâche dans des endroits où il est déjà très difficile d’accéder à des données, et pèserait sur les ONG locales. C’est un travail de dentelle inadapté à la réalité du terrain. Avis défavorable

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. La désagrégation des données est déjà prévue par sexe à l’alinéa 165. La nouvelle rédaction proposée par l’amendement AE601 paraît acceptable. Sagesse.

M. Jean François Mbaye. Notre vote doit être cohérent avec les amendements, pourtant pertinents, que nous avons rejetés. Laurence Dumont a rappelé l’enjeu de l’enregistrement des enfants. Il faudrait d’abord régler ce problème, avant de fixer une autre contrainte de production de données désagrégées par âge et par sexe.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AE61 et AE62 de M. Bertrand Pancher.

La commission est saisie de l’amendement AE280 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous vous proposons d’intégrer dans la loi le huitième ODD visant à promouvoir une croissance économique soutenue, partagée, durable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous. Cela vise plus particulièrement les cibles 8,4 et 8,8. L’amendement permettrait d’insérer cet objectif dans le tableau. Dans sa dimension communiste et écologiste, notre groupe souhaite insister sur l’importance du respect permanent du droit du travail et de l’écologie, ainsi que des organisations internationales qui travaillent sur ces sujets.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous avons terminé l’examen du cadre de partenariat global.

Titre du projet de loi

La commission examine l’amendement AE130 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit de mettre en évidence le manque de sincérité d’une loi dite de programmation qui, en réalité, ne programme rien du tout. Ladite programmation est censée apparaître en chiffres, à l’alinéa 5 de l’article 1er, sous forme d’un tableau à trois colonnes. Or la première concerne l’exercice budgétaire révolu ; la deuxième, l’exercice budgétaire en cours et voté ; seule la troisième est concernée par la loi, mais seulement pour 2022. Je vous propose de supprimer le mot « programmation » du titre de la loi afin d’être plus cohérent avec l’objectif et les ambitions du texte. Celui-ci – et ce n’est pas grave – semble plus orienté vers l’ancrage de principes politiques dans le droit et la mise en avant des ambitions françaises pour son aide publique au développement, tout en organisant cette dernière, avec l’AFD, Expertise France et les acteurs de la coopération décentralisée. Le travail réalisé est louable, et là n’est pas le problème. L’objet de l’amendement est plutôt d’en appeler à la cohérence et au sérieux, y compris vis-à-vis de nos partenaires. L’adopter permettrait de créer les conditions d’un débat sincère.

Pour comprendre ce qu’est une vraie loi de programmation, je vous renvoie à la loi de programmation militaire : déclinée sur sept ans, elle va bien au-delà d’un mandat présidentiel et établit les différentes étapes de la programmation. C’est heureux, car cela permet à chacun des acteurs de se projeter. On ne peut pas fabriquer un porte-avions en s’arrêtant au bout d’un an après avoir démarré la construction de la cale ! On programme sa construction jusqu’à la finalisation de la piste d’atterrissage. Un projet de loi de programmation sur l’aide au développement doit être rédigé avec le même sérieux. Avec la modification que nous vous proposons, le projet de loi sera cohérent, intéressant, sans annoncer ce qu’il n’est pas.

M. Hervé Berville. Je comprends le raisonnement, mais ne le partage pas. Certes, on ne parle pas de sept ans ou de quinze, mais le projet de loi décline bien nos financements sur deux ans et nos objectifs sur cinq ans. C’est donc, factuellement, une programmation.

Certes, celle-ci est d’une nature différente d’une loi de programmation militaire ou pour la recherche, car nous nous sommes fixé un objectif de dépenses en APD de 0,7 % de notre revenu national brut. Du fait qu’il est en pourcentage, le volume correspondant ne peut être déterminé précisément chaque année. En fonction des trajectoires, il était différent en 2017 et en 2019. D’ailleurs, vous-même et d’autres collègues avez fait des propositions tantôt en volume, tantôt en pourcentage. C’est une autre logique que celle qui consiste à financer, dans le cadre du budget français, la construction de bateaux ou d’avions par le ministère des armées. En tout cas, le Conseil d’État a validé juridiquement cette loi de programmation comme telle.

Après 2022, qui sait, si vous arrivez au pouvoir ou si nous formons une coalition, nous pourrons reprogrammer sur une période plus longue. Je comprends votre déception, néanmoins, on peut se satisfaire de ce que, pour la première fois en France, on débatte d’un projet de loi de programmation sur le développement pour essayer de donner un maximum de prévisibilité à nos partenaires, en nous engageant sur le long terme. S’attaquer au développement durable, à la réduction de la pauvreté, à la lutte contre les inégalités et à la préservation des biens publics mondiaux est bien une tâche à long terme.

Je vous invite donc à retirer votre amendement. Sinon, j’y serai défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. À chaque loi sur le développement, on progresse. Il n’y avait pas du tout de programmation dans celle de 2014 ; nous l’introduisons dans le présent projet de loi ; elle sera sans doute déclinée sur une durée plus longue dans la prochaine. Il y a bel et bien une ambition et, de fait, une programmation. Avis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je soutiens l’amendement. Ce n’est absolument pas un projet de loi de programmation, ou alors de programmation rétroactive ! Vous auriez même pu commencer en 2018 ! Seule l’année 2022 est de programmation, les budgets des autres années étant déjà votés.

Vous avez raison, il y a différents types de loi de programmation, mais leur intérêt commun, le seul, est de donner une visibilité aux objectifs qu’elles déclinent, avec des jalons chiffrés. On ne peut parler de visibilité sur le long terme avec une « programmation » à un an ! De fait, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas une loi de programmation, et l’honnêteté commande de supprimer ce terme.

M. Jean-Paul Lecoq. Je vais voler au secours du rapporteur, même si je ne suis pas d’accord avec lui. Ce projet de loi, nous l’attendons depuis deux ans ; les tableaux reflètent ces deux ans d’attente. Si le texte avait été examiné il y a deux ans, on aurait bien eu une programmation sur trois ans, avec une clause de revoyure en 2022 pour passer aux étapes suivantes en 2023, 2024 et 2025.

Le projet de loi fixe des objectifs de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ; il n’est donc pas inutile – cela a même déjà de l’allure, en termes de communication ! Je souhaite simplement vous éviter le ridicule. Il serait dommage qu’on retienne seulement du texte qu’il ne s’agit pas d’une loi de programmation.

M. Dominique Potier. C’est une forme d’hommage indirect à la loi ; sur le plan symbolique, c’est la vérité qui la servira. M. Lecoq a raison !

La commission rejette l’amendement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur Lecoq, vous n’avez pas perdu une bataille : avec le grand talent qu’on vous connaît, vous nous avez fait réfléchir.

Nous avons examiné 600 amendements en vingt-trois heures quarante-cinq. C’est un très beau résultat ! Je suis très fier d’avoir eu l’honneur de présider la commission. Vous avez fait preuve de beaucoup de discipline, sans que cela nous empêche de traiter les problèmes. Tout le monde a pu débattre des sujets essentiels. Ce climat exemplaire est conforme à celui que Marielle de Sarnez s’était toujours attachée à faire régner au sein de notre commission.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le projet de loi est adopté à une très confortable majorité ; aucune opposition n’a été exprimée, seulement des abstentions. C’est bien que, quelles que soient nos divisions ou nos oppositions, les fondamentaux de ce texte font consensus.

Mme Frédérique Dumas. Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que Mme la vice-présidente Rauch, pour votre présidence.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mme Rauch a été une excellente présidente pendant l’intérim de Mme de Sarnez et m’a rendu un immense service lorsque je ne pouvais pas être présent.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans ce projet de loi issu de nos débats en commission, il reste une multitude de points à réécrire ou à intégrer. Il ne faut donc pas faire comme si la loi avait été votée, car le processus n’est pas terminé et beaucoup de travail nous attend pour ce beau week-end.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez parfaitement raison. Nous ne sommes pas au bout de notre chemin, nous en sommes bien conscients.

M. Jean François Mbaye. Je salue la qualité de nos échanges. Je vous remercie, monsieur le président, notamment pour vos mots d’une grande sagesse. Je remercie également Mme Isabelle Rauch. Si la perfection est insupportable, vous nous avez tout de même invités à frôler l’excellence !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ayons une pensée de gratitude, et surtout de grande compassion pour le rapporteur, qui s’apprête à vivre des journées de travail absolument harassantes.

J’indique que le délai pour le dépôt des amendements est fixé à 17 heures, samedi.

M. Dominique Potier. Le groupe socialiste n’imagine pas voter contre le projet de loi, qui s’inscrit dans la continuité de convictions partagées et constitue un chemin d’amélioration. Beaucoup de rendez-vous ont été pris, qui comptent énormément pour nous, car il s’agit de faire aboutir des combats historiques et d’en inscrire les novations dans la loi. Notre vote final dépendra de la qualité de l’ouverture et de la capacité à fabriquer des solutions lors de la séance.

En tous cas, je me réjouis qu’après des débuts marqués par la défiance, un climat de confiance ait fini par s’instaurer, auquel chacun a contribué ; je vous en remercie.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous n’en sommes qu’à la moitié, sinon au tiers, d’un beau chemin. Je salue tous les députés de tous les groupes qui ont participé à nos débats, et ont contribué à leur qualité. Les sujets internationaux n’intéressent pas forcément toujours nos concitoyens, mais nous avons essayé de les raccrocher à leur quotidien, afin qu’ils prennent conscience que ces problématiques ne sont pas totalement déconnectées de ce qu’ils vivent, tout en portant une vision programmatique et des valeurs fortes.

Je remercie le ministre et le secrétaire d’État de leur présence, ainsi que l’équipe du Quai d’Orsay ; leur soutien est précieux. Je remercie également l’administration de l’Assemblée nationale pour son travail d’excellence et sa très grande réactivité, ainsi que mes collaborateurs parlementaires.

Enfin, je vous remercie, madame la vice-présidente, monsieur le président, pour votre présidence efficace. Il n’était pas simple de reprendre le flambeau de la commission après Marielle de Sarnez. Vous l’avez excellemment fait, avec beaucoup d’humour et avec la grande intelligence qu’on vous connaît. Nos débats se sont déroulés dans un climat serein, ce qui nous a permis d’améliorer le projet de loi. Je suis sûr que de nombreux et beaux débats nous attendent encore dans l’hémicycle pour enrichir ce beau texte du quinquennat, utile pour la France, pour ceux qui mènent les combats contre la pauvreté et pour l’éradication des inégalités et la préservation des biens mondiaux. Nous en avons bien besoin en cette période propice au protectionnisme, au nationalisme et à l’égoïsme.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je joins aux vôtres mes remerciements à Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez été absolument formidable par votre totale disponibilité et votre impressionnante connaissance des dossiers. Je rends hommage à la constance, à la force et à la qualité de la contribution à nos débats du Gouvernement, en les personnes de M. Le Drian et de vous-même, dans le souci de nous aider à progresser, même si nous n’étions pas toujours d’accord. Ensuite, bien sûr, à chacun d’apprécier le résultat, selon ses convictions.

 

 


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   Annexe n° 1 : contribution de Mme Bérengère Poletti, corapporteure sur la mise en application de la loi
en application de l’article 145-7 du règlement

L’aide publique au développement a connu une évolution considérable. Autrefois très fortement liée à la coopération, donc à la forte mobilisation de l’expertise française, cette aide s’est transformée dans sa forme et dans ses moyens, pas toujours pour le meilleur.

La première évolution proposée aujourd’hui est de passer de la position d’aide à la position plus symétrique de développement solidaire.

L’aide publique au développement a évolué défavorablement de 0,5 % du RNB en 2011, à 0,36 % du RNB en 2016. Par ailleurs, le montant total de l’APD française en 2007 s’élevait à près de 10 milliards d’euros pour atteindre plus de 12 milliards d’euros en 2012. La proportion de l’aide bilatérale, quant à elle, a malheureusement progressivement baissé ces trente dernières années, voire s’est effondrée : en 1990, elle représentait 78 % de l’aide totale pour ne représenter que 55% en 2018. En 2020, l‘aide bilatérale est portée par les annulations de dettes et l’augmentation des dons. L’APD Française est trop souvent tournée vers le prêt plutôt que le don et malheureusement ne priorise pas suffisamment les pays pauvres et partenaires de la France vers qui l’aide publique devrait prioritairement se tourner. D’autre part, elle ne soutient pas suffisamment les petits projets.

Nous avons donc favorablement accueilli la volonté politique de la majorité en 2017 de refaire de cette politique un sujet de fierté humaniste et de nouvelle influence dans le monde face à des enjeux énormes dont celui du changement climatique ou de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le Président de la République a affiché des ambitions lors du CICID du 8/12/2018, fixant ainsi cette politique parmi les priorités du gouvernement. Priorités thématiques, géographiques et leurs déclinaisons budgétaires notamment celle d’atteindre 0,55 % du RNB en 2022. Un texte de loi d’orientation et de programmation a été annoncé. Celui-ci avait été proposé par notre rapport pour la Commission des Affaires étrangères : « les nouvelles approches de l’aide publique au développement » Rodrigue KOKOUENDO – Bérengère POLETTI en juin 2018 ainsi que par le rapport dit de « modernisation de la politique partenariale de développement » d’Hervé BERVILLE en septembre 2018.

Nous y voici enfin, alors que finit le mandat présidentiel, mais il faut néanmoins reconnaitre que les crédits ont été augmentés entre 2017 et 2021. La loi d’orientation et de programmation s’inscrit dans la suite logique des valeurs de l’aide publique au développement pour la plupart déjà inscrites dans la loi 2014.

Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales en cours d’examen au Parlement ne programme en réalité qu’une seule année budgétaire c’est-à-dire 2022. Nous avons par ce texte l’immense privilège de connaitre la programmation budgétaire de la dernière année du mandat, 2022, avec 8 mois d’avance !

Nous aurions pu pourtant prendre connaissance d’un projet ambitieux menant la politique de développement solidaire vers les 0,7 % recommandés par l’OCDE.

Certes, ce chiffre de 0,7 % n’est pas l’alpha et l’oméga d’une bonne politique de soutien au développement international. Il est un guide, un objectif, un moyen de se comparer et garde, en cela, un intérêt certain. Il a d’ailleurs été repris par le Président de la République comme un objectif pour 2025.  L’ambition de ce texte est plus portée par le cadre de partenariat global (CPG) non normatif, que par le texte lui-même qui manque de corps. Ainsi, nous laissons par ce texte, des décisions importantes par voie d’ordonnance et de décrets à venir.

En tant que co-rapporteure avec Hervé BERVILLE de la mise en application de la loi j’aurai donc avec lui, dans les mois à venir à évaluer et exiger la parution de ces décrets et ordonnances.

Les efforts de transparence déclinés dans l’article 2 du texte, transparence dont nous manquons tant actuellement, devront nous permettre, à nous parlementaires, aux acteurs de la société civile, aux  ONG et à nos concitoyens d’avoir accès plus facilement aux informations suivantes : les montants engagés, les crédits dépensés, les stratégies développées, les pays partenaires, les équilibres entre le multi et le bilatéral, les équilibres entre les prêts et les dons, les priorisations concrètes pour les pays les plus pauvres, les aides budgétaires, les effacements de dettes et enfin et surtout les montants réellement engagés pour l’éducation, l’égalité femme homme, la santé et l’accès aux soins, l’accès à l’emploi, la lutte contre la corruption,  le tout dans un contexte de changement climatique particulièrement menaçant.

La mise en place d’une commission indépendante d’évaluation est proposée par l’article 9.

Dans un premier temps, clairement adossée à la Cour des comptes puis rejetée par la Cour elle- même et pour finir à nouveau préconisée pour les fonctions support de la Commission auprès de la Cour des comptes. Cette commission constitue le cœur de la réforme de l’APD française dans ce texte.

Les Français ne pourraient pas comprendre ni consentir à l’effort budgétaire de 15 milliards d’Euros annuels s’il n’est pas accompagné d’une totale transparence tant pour les élus qui les représentent au Parlement que pour eux-mêmes. Ils doivent savoir : si ce sont bien les pays les moins avancés qui bénéficient des aides, si ce sont bien les pays pauvres proches de la France, notamment sur le continent africain qui sont ciblés, si l’effort français est bien connu et reconnu, si les thématiques essentielles au développement sont clairement favorisées.

Ainsi, l’éducation, l’accès aux soins notamment pour les femmes, sont des sujets cruciaux et centraux. Comment une famille africaine peut-elle espérer une promotion sociale et une participation au développement économique de son pays, si leurs filles ne peuvent pas aller à l’école, si elles commencent à faire des enfants dès 14 ans, si leurs enfants ne peuvent accéder à la formation et à l’emploi, si leur famille doit quitter le village, voire le pays, car elle n’a pas accès à l’eau, à la nourriture, ou aux soins médicaux, si les dirigeants de ces pays ont plus le souci d’eux-mêmes que de leur peuple et si les efforts que la France déploie pour la sécurité des peuples comme au Sahel sont bien reconnus.

Il en va de même pour la question des laissez-passer consulaires. Nos concitoyens ne peuvent comprendre que certains pays aidés n’acceptent pas de reprendre sur leur territoire leurs concitoyens en situation irrégulière sur le sol français.

Tout cela ne peut être garanti aux Français que dans le cadre d’une commission d’évaluation totalement indépendante.

La Cour des comptes doit évidemment participer au contrôle de ces politiques mais au nom de l’indépendance et des compétences elle ne nous semble pas être la meilleure structure pour le pilotage de cette commission.

Enfin, il faut savoir que sans développement économique il ne peut pas y avoir de développement et l’économie développée doit être formelle, ainsi, pour certains pays d’Afrique le pourcentage d’économie parallèle ou informelle est évalué à plus de 80 %.

Pour tous les pays en développement qui sont aidés les enjeux de ces structurations administratives avec une mise en place de fiscalité pour les entreprises, sont énormes. On évoque un potentiel mobilisable s’élevant à 10 fois les montants de l’APD mondiale. C’est dire combien il est important que l’expertise française soit mise à la disposition de la formation de la fonction publique de ces pays.

Enfin, et pour terminer sur un aspect important, les diasporas sont pourvoyeuses d’un montant estimé à 3 fois les montants d’aide publique au développement. Il faut donc accompagner cet engagement de solidarité souvent familial en facilitant ces transferts et surtout en leur permettant de constituer des fonds efficaces dans les pays bénéficiaires.

La France doit revenir sur le devant de la scène internationale en matière d’aide au développement. Elle est très attendue dans les pays où elle a été très présente par le passé notamment les pays francophones. Les besoins de base des populations de ces pays doivent être soutenus et doivent bénéficier en toute clarté de meilleurs financements. Nous devons faire plus et mieux avec une transparence irréprochable et une volonté d’évaluation dans un contexte où des voix s’élèvent contre l’utilité même de l’aide publique au développement.

 


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   annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

   Mme Christine Moro, ambassadeur, déléguée pour l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT)

   Mme Stéphanie Seydoux, ambassadrice pour la santé mondiale

   M. Michel Miraillet, directeur général de la mondialisation

   M. Philippe Lacoste, directeur du développement durable

   M. Christophe Bigot, directeur Afrique et océan Indien

   M. Franck Marchetti, sous-directeur Afrique occidentale à la direction Afrique et océan Indien

   M. Morgan Larhant, sous-directeur de l’action extérieure de l’État, de l’aide publique au développement, des prêts à des États étrangers et de l’agriculture de la direction du Budget 

   M. Christophe Bories, sous-directeur du service des affaires financières multilatérales et du développement au ministère des affaires étrangères

   Mme Virginie Gallerand, cheffe de bureau Aide publique au développement

   M. Paul Teboul, chef de bureau Afrique subsaharienne et AFD

   M. Thomas Garreau, adjoint à la cheffe de bureau Aide publique au développement

   M. Aurélien Roynard, adjoint à la cheffe de bureau Aide publique au développement

   Mme Béatrice di Piazza, adjointe à la cheffe de bureau Aide publique au développement

   M. Pierre Farineau, adjoint au chef de bureau Aide projet

   M. Olivier Mugnier, rapporteur

   Mme Marie Trellu-Kane, rapporteure

   M. Mario Sander, représentant spécial, directeur pour l’Europe

   M. Laurent Zylberberg, directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes

   M. David Willecome, directeur du département relations internationales

   M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

   M. Michel Eddi, président-directeur général

   Mme Élisabeth Claverie de Saint-Martin, directrice générale déléguée à la recherche et à la stratégie

   Mme Émilie Klander, déléguée aux affaires publiques

   M. Yann Jounot, préfet, président directeur général

   M. Omar Merabet, conseiller du président directeur général

   M. Daniel Verger, président

   M. Guillaume Nicolas, vice-président et délégué général de la Délégation catholique pour la coopération (DCC)

   M. Sébastien Radisson, coordinateur

   M. Éric David, délégué de la France  

   M. Jérémie Pellet, directeur général

   M. Philippe Messéant, directeur des relations extérieures et du renforcement des capacités

   M. Matthieu Boussichas, responsable du programme Aide au développement

   M. Jacques Godfrain, président

   M. Ismaïla Diagne, secrétaire général

   Mme Anne-Laure Kiechel, directrice

   Mme Corinne Brunon-Meunier, directrice générale déléguée

   M. Momar Nguer

   M. Grégory Clemente, président

   M. Marc-André Feffer, administrateur

   Mme Sara Brimbeuf, chargée du plaidoyer restitution des avoirs

   M. Olivier Bruyeron, président de Coordination Sud

   Mme Claire Baudot, responsable du plaidoyer – Action santé mondiale

   Mme Hélène Dulin, chargée de mission au sein de la délégation générale - CCFD-Terre Solidaire

   Mme Elvira Rodriguez Escudeiro, responsable financements institutionnels - La Chaîne de l’Espoir

   M. Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de mission - Oxfam

   Mme Laura Audouard, chargée de plaidoyer - Plan International

   M. Eric Chevallier, directeur du Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

   M. Xavier Boutin, co-président de Coordination humanitaire et développement

   M. Yves Arnoldy, chef de délégation régionale au Comité international de la Croix-Rouge

   M. Jean-François Riffaud, directeur général d’Action contre la faim

   Mme Béatrice Garrette, directrice de la Fondation Pierre Fabre

   Mme Yvonne Mburu, membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique

   Mme Véronique Jenn-Treyer, directrice de Planète enfants et développement

   Mme Léa Rambaud, coordinatrice de Coalition éducation

   Mme Farah Malek-Bakouche, chargée du plaidoyer international chez Unicef enfance

 

    


([1]) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_674

([2])  Cadre de partenariat global, alinéas 19, 20 et 22.

([3])  Cadre de partenariat global, alinéas 21 et 105.

([4]) Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

([5]) Le prêt à conditions préférentielles, autrement appelé « concessionnel », est un prêt dont le taux d’intérêt est inférieur aux taux du marché.

([6]) Le Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) permet aux ambassades de financer des projets, d’une durée maximale de deux ans et d’un montant pouvant aller jusqu’à un million d’euros. Les projets concernés ont vocation à être repris ensuite à plus grande échelle par une structure locale ou par d’autres acteurs du développement.

([7]) Le cadre de partenariat global ne mentionne pas le nouveau programme 365 (Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement) de la mission APD. Les dépenses du programme 365 permettent de répondre aux besoins croissants de fonds propres de l’AFD, dus à l’application des règles prudentielles, aux conséquences de la crise économique sur les résultats de l’agence et la hausse des activités de cette dernière. Il appartiendra au Gouvernement, par voie d’amendement, d’actualiser le CPG sur ce point.

([8])  Le Fonds d’urgence humanitaire (FUH) est l’instrument pivot de l’action d’urgence de l’État. Il finance les dépenses du Centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Lors du déclenchement d’une crise (telle qu’une catastrophe naturelle), le FUH permet de fournir, en lien avec les ministères concernés (Intérieur, Santé, Défense) et les acteurs humanitaires (ONG, Fondations), une réponse aux besoins les plus urgents des populations touchées.

([9])  L’Aide alimentaire programmée (AAP) est un instrument de financement de la direction générale de la mondialisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Elle vise à soutenir les projets en faveur de la résilience des populations (en termes de sécurité alimentaire, de soutien à l’agriculture) et de la prévention et du traitement de la malnutrition.

([10])  Le Fonds européen de développement (FED), créé en 1957, est le principal instrument européen de coopération au développement à destination des pays de la zone Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP) et des pays et territoires d’outre-mer (PTOM). Il s’agit d’un instrument hors budget européen, financé par les contributions des États membres en fonction de clefs de contribution ad hoc.

([11]) Il s’agit de la lutte contre la pauvreté (1), la lutte contre la faim (2), l’accès à des emplois décents (8), la réduction des inégalités (10) et la justice et la paix (16).

([12]) Il conviendra d’actualiser, dans la mesure nécessaire, ces chiffres établis sur la base des données disponibles en septembre 2020, préalablement à la présentation du projet de loi en Conseil d’État.

([13]) L’initiative ACT-A (Access to Covid-19 Tools Accelerator) vise à permettre le développement et l’accès universel à un vaccin efficace contre le Covid-19.

([14]Global Alliance for Vaccines and Immunization, organisation internationale créée en 2000.

([15]) Créée en 2006, Unitaid est une organisation internationale hébergée par l’OMS, ayant pour objet de  centraliser des achats de médicaments afin d’obtenir les meilleurs prix possibles, en particulier à destination des pays en voie de développement. La France en est le premier financeur.

([16]) Cf. décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 (modifié) sur le fonds de solidarité pour le développement.

([17]) Dite « taxe Chirac ».

([18])  Ce qui a obligé à compenser la perte de recettes par une ouverture de crédits sur la mission APD dans la loi de finances rectificative pour 2020.

([19]) Le rendement de la TTF est très supérieur à ce qui est affecté au FSD.

([20]) Une fois affectée, la taxe ne fait plus l’objet d’autorisation, si ce n’est à travers l’article de plafonnement.

([21]) Les organisations bénéficiaires devant appartenir à des catégories définies par décret.

([22]) Cf. Rapport fixant les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale, annexé à la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014.

([23]) Cf. Rapport sur la modernisation de la politique de partenariats et de solidarité internationale, en particulier p. 38, 52 et 80.

([24]) p. 29.

([25]) Île-de-France Mobilités est l’établissement public (autrefois dénommé Syndicat des transports d’Île-de-France ou STIF), qui est autorité organisatrice des mobilités (AOM) en Île-de-France. Elle est en charge d’organiser et de développer le service public de transport et de coordonner l’ensemble des politiques liées à la mobilité à l’échelle de la région. Son conseil d’administration comprend notamment des représentants de la région Île-de-France et de ses départements ainsi que de la ville de Paris.

([26]) Décret n° 2013-1154 du 11 décembre 2013 créant un Conseil national du développement et de la solidarité internationale.

([27]) Cf. article 15 de la loi du 7 juillet 2014 : « La présente loi s’applique jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation. »

([28]) Dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique (article L.O. 145 (II) : « Un député ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu’en vertu d’une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation (…) ».

([29])  Article 9 de la loi Informatique et Libertés.

([30]) Cf. article 8.

([31]) Rapport d’information sur l’aide publique au développement, déposé par la commission des affaires étrangères  le 12 juin 2018.