—  1  —

N° 3990

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 mars 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE
SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à lutter contre les individus violents lors de manifestations (n° 3848)

PAR M. Pascal BRINDEAU

Député

——

 

Voir le numéro : 3848

 

 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-Propos......................................................... 5

I. les black blocs : un danger pour la liberte de manifester

A. Les black blocs : un mouvement relativement récent en France

B. Des méthodes caractéristiques

C. Des actions violentes en recrudescence

II. le renforcement progressif mais insuffisant de l’arsenAl législatif

Examen de L’article UNIQUE

Article unique (art. L. 211–4–1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Création d’une interdiction administrative de manifester

Compte rendu des débats

LISTE des personnes entendues


—  1  —

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

 

Inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe UDI en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution, la présente proposition de loi a été déposée le 9 février dernier. Elle vise à mieux lutter contre les individus violents lors de manifestations en instaurant une interdiction administrative de manifester.

Depuis plusieurs années, trop de manifestations sont en effet émaillées de phénomènes de violence et de dégradations commises par de petits groupes d’individus se mêlant aux cortèges pacifiques. Ces individus nuisent au libre exercice du droit de manifester sur notre territoire. Ils représentent en outre un danger pour la sécurité de nos forces de l’ordre, chargées d’assurer le bon déroulement des manifestations et la protection des manifestants.

Notre ancien collègue Pascal Popelin, député socialiste, avait justement pointé le fait qu’ « il est des comportements individuels délictueux qui ne peuvent être assimilés à l’exercice d’une liberté constitutionnelle et doivent au contraire être prévenus, afin que les libertés publiques et l’ordre républicain soient conjointement préservés » ([1]).

Force est  de constater que plusieurs pays européens, notamment la Belgique et l’Allemagne ont d’ailleurs instauré un cadre législatif permettant à l’autorité administrative d’interdire à un individu de manifester ([2]).

C’est la raison pour laquelle la proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, devenue la loi n° 2019–290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, prévoyait initialement en son article 3 la création d’une telle interdiction.

Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, considérant que ses modalités portaient au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’était pas adaptée, nécessaire et proportionnée ([3]). Prenant acte de cette décision, le groupe UDI a donc modifié la rédaction de l’article tel qu’il avait été adopté par nos deux assemblées pour renforcer les garanties prévues et assurer un meilleur équilibre entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la protection des libertés constitutionnellement garanties.

La création de ce nouvel instrument de police administrative serait d’autant plus utile qu’il est trop souvent complexe, comme l’ont indiqué plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, d’interpeller les casseurs lors d’une manifestation. Une action résolue des pouvoirs publics, en amont des manifestations, est donc indispensable.

 

*

*     *


—  1  —

I.   les black blocs : un danger pour la liberte de manifester

Si les débordements dans le cadre des manifestations ont toujours existé, les forces de police et de gendarmerie sont confrontées, depuis quelques années et désormais de manière quasi systématique quelle que soit la nature de la manifestation, à l’émergence d’un phénomène nouveau d’une ampleur et d’un niveau de violence inédits.

A.   Les black blocs : un mouvement relativement récent en France

D’après une note du centre de recherche de l’école des officiers de la Gendarmerie nationale (CREOGN) de juillet 2016, les black blocs « désignaient initialement des groupes d’autonomes (Autonomen) installés dans des squats du Berlin-Ouest des années 80. (…) La technique du black bloc s’est développée progressivement grâce à des fanzines, à des sites Internet spécialisés ou encore à la contre-culture punk. Cela a permis sa diffusion à travers le monde, en particulier dans les grands rassemblements internationaux tels que les sommets de l’Organisation Mondiale du Commerce, de l’Union européenne, du Fonds Monétaire International ou encore de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Du fait de cette diffusion transnationale, on constate la présence de personnes étrangères (Allemands et Italiens entre autres) lors de manifestations nationales. La forte mobilité des participants aux black blocs a permis ensuite la diffusion des tactiques au niveau national. Ces groupes (…) sont remarqués en France à la fin de l’année 2000 à l’occasion du sommet de l’Union européenne à Nice, puis refont surface de manière flagrante lors des événements de Notre-Dame-des-Landes en 2014 et sont encore d’actualité en 2016 avec la Loi Travail. » ([4])

M. Rémy Piperaud, auteur d’un mémoire sur le sujet à l’université Versailles-Saint-Quentin estime que ce « mouvement [est] constitué essentiellement de squatteurs et d’étudiants » ([5]) .

B.   Des méthodes caractéristiques

● L’anonymat

Pour masquer leur identité, les participants s’habillent en noir et dissimulent leur visage avec un vêtement – foulard, écharpe, cagoule. Ils prennent le soin de se munir d’habits de rechange leur permettant de se fondre dans le reste du cortège de manifestants une fois leurs exactions terminées.

Pour passer à l’action offensive, ils apportent certains outils mais n’hésitent pas non plus à utiliser du mobilier urbain, des pavés, des caddies et à s’en servir comme projectiles. Ils confectionnent également leurs propres armes, se servant notamment d’engins incendiaires. Il leur arrive également de récupérer les grenades lacrymogènes lancées dans leur direction pour les relancer.

 La méthode du « coucou »

Le plus souvent, dès la formation d’un black bloc, les participants utilisent la méthode dite « du coucou ». Comme cet oiseau qui investit le nid des autres volatiles, ils s’infiltrent dans le cortège avant de tenter ensuite de se séparer du cortège, en le dépassant par l’avant ou en le quittant sur les côtés dans le but d’atteindre plus facilement les cibles visées.

Toutefois, il arrive également qu’ils privilégient la méthode de l’affrontement direct. Ainsi, lors de la manifestation du 1er mai 2018 à Paris, le black bloc, beaucoup plus nombreux que d'habitude, a formé un groupe indépendant du cortège syndical dès le début de la manifestation ([6]).

 La méthode de « l’essaimage »

Lors de la phase offensive, le black bloc passe ensuite à la méthode de l’essaimage qui consiste à d’abord se disperser en petits groupes au moment des actions violentes pour empêcher une action efficace des forces de l’ordre, puis à se rassembler au sein du bloc pour assurer une défense de manière solidaire. Cette tactique leur permet d’être à la fois mobiles et soudés pour se défendre puisque cette recomposition représente un défi pour les forces de l’ordre ([7]).

C.   Des actions violentes en recrudescence

Les black blocs ont connu au cours des dernières années une montée en puissance inquiétante. Leur présence s’est systématisée au cours des grandes manifestations nationales, comme en ont par exemple témoigné les manifestations en mai 2016 contre la « loi travail », les manifestations des 1er mai 2017 et 2018 à Paris, ou encore celles du mouvement des gilets jaunes à l’hiver 2018–2019.

Par ailleurs, le nombre de personnes participant ou se greffant à ces black blocs a considérablement augmenté, principalement en raison d’une large communication sur les réseaux sociaux. Au cours de la seule manifestation parisienne du 1er mai 2018, ce sont 1 200 black blocs qui ont ainsi été dénombrés au sein et en marge des cortèges officiels à Paris, et près de 300 individus ont été interpellés par les forces de l’ordre.

Enfin, comme le soulignait la rapporteure du Sénat sur la loi du 10 avril 2019, Mme Catherine Troendlé : « leur action paraît à la fois s’être radicalisée et perfectionnée sur le plan organisationnel, leur assurant une plus grande réactivité et une plus grande facilité à échapper aux forces de l’ordre » ([8]) .

II.   le renforcement progressif mais insuffisant de l’arsenAl législatif

A.   Une prise en compte en amont des casseurs

La gestion du maintien de l’ordre au cours des manifestations a évolué au cours du temps afin d’intervenir le plus en amont possible des actions commises par les casseurs.

La loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation pour la sécurité a ainsi créé la peine complémentaire d’interdiction de manifester, susceptible d’être prononcée par un juge à l’encontre de toute personne condamnée pour des faits de violence ou de dégradations commis à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique ([9]).

En outre, le décret n° 2009-724 du 19 juin 2009  punit d’une contravention de la 5e classe la dissimulation volontaire du visage, par toute personne se trouvant au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public ([10]).

Enfin, la loi n° 2010-201 du 14 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public a introduit un nouveau délit incriminant les actes préparatoires à la commission en réunion de faits de violence ou de dégradations dans le cadre d’une manifestation ([11]).

Cependant, comme l’ont souligné les personnes entendues par votre rapporteur, le renforcement de l’arsenal judiciaire s’est heurté à deux obstacles majeurs.

D’abord, l’engagement de poursuites judiciaires est rendu complexe à l’égard des black blocs du fait de leur capacité à se fondre rapidement, une fois les faits commis, parmi les manifestants pacifiques. Leur identification a posteriori, via des images de vidéoprotection par exemple, est difficile dès lors qu’ils agissent masqués et vêtus de la même manière. À cet égard, votre rapporteur considère que l’expérimentation de produits de marquage par les forces de l’ordre, pouvant traverser les vêtements et rester plusieurs semaines sur la peau, est particulièrement intéressante ([12]).

Ensuite, le syndicat Alliance a fait observer que les magistrats se saisissaient relativement peu de l’outil de la peine complémentaire d’interdiction de manifester. Il a indiqué qu’en 20 ans, 32 peines complémentaires d’interdiction de manifester avaient été prononcées.

B.   La loi du 10 avril 2019 : une indéniable avancée

Le groupe Les Républicains du Sénat a déposé en juin 2018, après les violents débordements apparus dans les manifestations du 1er mai de cette même année, une proposition de loi visant à renforcer l’arsenal judiciaire et administratif à la disposition des pouvoirs publics. Cette proposition de loi a ensuite été mise à l’ordre du jour du Sénat puis de l’Assemblée nationale dans le contexte des violences commises dans le cadre des manifestations du mouvement des « Gilets jaunes » à l’hiver 2018. Après une navette parlementaire ayant conduit à rapprocher les vues des deux chambres, le Sénat a adopté la proposition de loi de manière conforme le 12 mars 2019.

L’article 1er simplifie les modalités de déclaration des manifestations sur la voie publique auprès de l’autorité administrative, afin d’encourager les organisateurs à procéder à leurs déclarations.

L’article 2 créé un régime ad hoc de contrôles de police judiciaire, applicable aux manifestations se déroulant sur la voie publique. Il autorise les officiers de police judiciaire et, sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire, à procéder, sur réquisitions écrites du procureur de la République, à des inspections visuelles et à des fouilles de bagages, ainsi qu’à des visites de véhicules circulant ou stationnant sur la voie publique, sur les lieux d’une manifestation et à ses abords immédiats ([13]).

L’article 3 tendait à permettre aux préfets d’interdire, par arrêté, à toute personne susceptible de représenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public de participer à une manifestation sur la voie publique. Il a néanmoins été censuré par le Conseil constitutionnel dans le cadre de sa saisine a priori et n’a donc pas pu entrer en vigueur (voir infra).

L’article 4 ajoute à la liste des décisions judiciaires inscrites au fichier des personnes recherchées (FPR) ([14]) la peine complémentaire d’interdiction de participer à des manifestations. Il prévoit également que puissent figurer au FPR les mesures d’interdiction de manifester prononcées dans le cadre d’un contrôle judiciaire, comme cela est déjà le cas pour d’autres modalités de contrôle judiciaire.

L’article 5 organise les modalités du contrôle parlementaire renforcé sur les premiers articles de la loi.

L’article 6 instaure un délit de dissimulation du visage au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique ([15]).

L’article 7 a étendu le champ d’application de la peine complémentaire d’interdiction de manifester.

L’article 8 complète la liste des obligations et interdictions auxquelles une personne peut être astreinte dans le cadre d’un contrôle judiciaire, en ajoutant l’interdiction de manifester dans certains lieux déterminés.

L’article 9 consacre la possibilité par l’État d’exercer une action récursoire contre les manifestants à l’origine des dommages.

C.   La censure du Conseil constitutionnel rend nécessaire l’adoption d’un nouveau texte

Par sa décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur certaines dispositions de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, dont il avait été saisi par le Président de la République, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs.

La liberté de manifester

 

La liberté de manifester, consacrée par le Conseil constitutionnel au travers du « droit d’expression collective des idées et des opinions » ([16]), est garantie, en droit international, sous la forme de la « liberté de réunion pacifique » ([17]). Elle peut toutefois subir des limitations en raison de strictes nécessités d’ordre public, qui revêtent également une valeur constitutionnelle et conventionnelle.  

Le Conseil constitutionnel a validé les dispositions permettant certains contrôles et fouilles sur réquisition judiciaire ainsi que la répression pénale de la dissimulation volontaire du visage mais il a censuré celles relatives au prononcé d’interdictions administratives individuelles de manifester. 

Il a en effet considéré que « compte tenu de la portée de l’interdiction contestée, des motifs susceptibles de la justifier et des conditions de sa contestation, le législateur [avait] porté au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée. » ([18])

Le groupe UDI a pris en compte cette jurisprudence et modifié le dispositif adopté en 2019 par notre assemblée afin d’assurer un meilleur équilibre entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la protection des libertés constitutionnellement garanties. C’est l’objet de l’article unique de cette proposition de loi, qui est d’une « importance capitale », pour les forces de l’ordre, comme l’a indiqué l’un des représentants de la direction générale de la police nationale, entendu par votre rapporteur.


—  1  —

   Examen de L’article UNIQUE

Article unique
(art. L. 211–4–1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Création d’une interdiction administrative de manifester

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article crée la possibilité pour le préfet de prononcer une interdiction administrative de manifester à l’encontre d’une personne constituant une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. Il peut s’agir de l’interdiction de participation à une manifestation précise ou à toute manifestation pendant une durée qui ne peut excéder 10 jours. La violation de ces interdictions est constitutive d’un délit.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté cet article.

A.   l’État du droit

1.   L’interdiction judiciaire de manifester

L’interdiction de manifester existe exclusivement, en droit commun, sous la forme d’une peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge pénal à l’encontre d’une personne s’étant rendue coupable, lors de manifestations sur la voie publique, de violences sur des personnes, de détérioration de biens ou de diffusion de procédés visant à élaborer des engins de destruction. Cette peine complémentaire est prévue par l’article 131–32–1 du code pénal. L’interdiction de manifester s’applique dans des lieux fixés par la décision de condamnation et ne peut excéder trois ans.

2.   L’interdiction de séjour de l’état d’urgence

Dans le cadre de l’état d’urgence, les préfets peuvent interdire, en application du 3° de l’article 5 de la loi n° 55-385 du 5 avril 1955 relative à l’état d’urgence, « le séjour dans tout ou partie du département à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. »

L’arrêté doit énoncer la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s’applique, qui ne peut inclure le domicile de la personne intéressée.

3.   Droit comparé

Le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain a montré que des pays voisins de la France se sont dotés de législations autorisant les interdictions administratives de manifester ([19]).

En Belgique, la loi sur la fonction de police du 5 août 1992 a organisé un régime d’arrestation administrative préventive se traduisant par une privation de liberté temporaire. L’arrestation peut se fonder sur « des motifs raisonnables de croire, en fonction de son comportement, d’indices matériels ou des circonstances, qu’elle se prépare à commettre une infraction qui met gravement en danger la tranquillité ou la sécurité publiques, et afin de l’empêcher de commettre une telle infraction. » Elle obéit au cadre général des mesures de privation de liberté et ne peut excéder douze heures.

En Allemagne, dans le cadre du maintien de l’ordre et de la sécurité publique, la police dispose d’un éventail de mesures à valeur d’actes administratifs qu’elle met en œuvre de manière autonome, parmi lesquelles la « rétention policière ». Il s’agit, pour les forces de police, de retenir une personne ou un groupe en vue de prévenir la commission ou la poursuite d’infractions ou d’atteintes à l’ordre public présentant une certaine gravité. Cette rétention est également fondée lorsque l’identité de la personne ne peut être prouvée autrement. Sa durée ne peut généralement pas excéder une journée.

4.   La création d’une interdiction administrative de manifester par la loi du 3 avril 2019 a été censurée par le Conseil constitutionnel

L’article 3 de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations aurait permis aux préfets d’interdire, par arrêté, à toute personne susceptible de représenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public de participer à une manifestation. Dans sa décision du 4 avril 2019 précitée, le Conseil constitutionnel a censuré cet article ([20]).

Il n’a toutefois pas mis en cause l’objectif que le législateur entendait poursuivre, estimant que l’adoption de cette disposition visait à prévenir la survenue de troubles lors de manifestations sur la voie publique et que le législateur avait ainsi « poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public » ([21]).

La censure de la disposition est en revanche justifiée par plusieurs fragilités, énumérées par le Conseil constitutionnel dans sa décision :

– l’interdiction administrative de manifester dépendait d’agissements dans le cadre de manifestations ayant occasionné « des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ou des dommages importants aux biens » et d’« actes violents » lors de ces manifestations. Le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur n’avait pas établi de lien entre le comportement de l’individu et les atteintes aux personnes et dégâts matériels ayant eu lieu pendant la manifestation ([22]) ;

– le dispositif n’exigeait pas que la manifestation visée par l’interdiction administrative soit susceptible de donner lieu à des atteintes à l’intégrité physique des personnes ou à des dommages ([23]) ;

– tous les agissements, y compris non violents, pouvaient entraîner le prononcé d’une interdiction de manifester ([24]) ;

– aucune limite dans l’ancienneté des comportements susceptibles d’entraîner le prononcé de l’interdiction de manifester n’était prévue ([25]) ;

– l’arrêté d’interdiction de manifester pouvait, lorsque la manifestation n’avait pas été déclarée ou avait été déclarée tardivement, être notifié à tout moment ([26]) ;

– l’autorité administrative pouvait interdire à l’individu de prendre part à toute manifestation sur l’ensemble du territoire national pendant une durée d’un mois ([27]).

En conséquence, il a considéré que « compte tenu de la portée de l’interdiction contestée, des motifs susceptibles de la justifier et des conditions de sa contestation, le législateur [avait] porté au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée. » ([28])

 

II.   Les dispositions de la proposition de loi

Le présent article crée une interdiction administrative de manifester, à l’article L. 211–4–1 (nouveau) du code de la sécurité intérieure, dont les modalités répondent aux objections soulevées par le Conseil constitutionnel.

L’alinéa 2 permet au préfet de prononcer, par arrêté motivé, une interdiction de manifester à l’encontre de toute personne constituant une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.

Cette menace doit être caractérisée par les agissements de la personne ou par le fait qu’elle ait commis un acte violent, ayant entraîné des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ou des dommages importants aux biens à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique organisée il y a moins d’un an.

En outre, la manifestation concernée doit être susceptible de faire l’objet de débordements pouvant donner lieu à des atteints à l’intégrité physique des personnes ou aux biens.

Cet alinéa permet d’établir un lien très clair entre le comportement de l’individu et les atteintes aux personnes et les dégâts matériels ayant eu lieu pendant la manifestation, répondant ainsi à l’objection soulevée par le Conseil constitutionnel. De même, il établit une limite temporelle s’agissant de l’ancienneté des comportements susceptibles d’entraîner le prononcé d’une telle interdiction.

L’alinéa 3 indique que l’arrêté précise la manifestation concernée ainsi que l’étendue géographique de l’interdiction, qui doit être proportionnée aux circonstances et qui ne peut excéder les lieux de la manifestation et leurs abords immédiats ni inclure le domicile ou le lieu de travail de la personne intéressée.

Il répond ainsi à l’impératif de proportionnalité et d’adaptation qui s’impose à toute mesure de police administrative.

L’alinéa 4 prévoit que, sous certaines conditions, l’interdiction administrative de manifester peut concerner l’ensemble des manifestations se déroulant en France pendant une période déterminée.

Cette interdiction ne peut être prononcée que lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que la personne est susceptible de participer à toute autre manifestation concomitante ou à une succession de manifestations et peut entraîner des atteintes aux personnes ou des dommages aux biens.

Dans ce cas, elle est prononcée pour une durée qui ne peut excéder dix jours. Cette durée, dans un souci de proportionnalité, a été réduite par rapport à l’article censuré qui prévoyait un mois.

L’alinéa 5 instaure une obligation de pointage pour la personne visée par une interdiction de manifester, de manière à exercer un contrôle effectif sur le respect de la mesure. Il est toutefois précisé que ce pointage est proportionné à la menace que constitue par la personne.

L’alinéa 6 organise les modalités de notification de l’arrêté à la personne concernée. Lorsque la manifestation a fait l’objet d’une déclaration, l’arrêté est notifié à la personne concernée au plus tard quarante‑huit heures avant son entrée en vigueur. Lorsque le défaut de déclaration ou son caractère tardif a empêché l’autorité administrative de respecter ce délai, l’arrêté est notifié à la personne concernée par tout moyen avant le début effectif de la manifestation et entre en vigueur au moment de sa notification.

L’alinéa 7 prévoit que les arrêtés prévoyant une interdiction de manifester sont susceptibles de faire l’objet d’une procédure de référé–liberté sans que la condition d’urgence ne soit requise.

Ces deux alinéas visent à assurer l’effectivité du droit au recours des personnes concernées.

Aux termes des alinéas 8 et 9, la violation d’une interdiction de manifestation est punie de trois ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende et la violation d’une obligation de pointage est punie d’an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.


—  1  —

 

   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 17 mars 2021, la Commission examine la proposition de loi visant à lutter contre les individus violents lors des manifestations (n° 3848) (M. Pascal Brindeau, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10505657_6051bc2d0493c.commission-des-lois--lutter-contre-les-individus-violents-lors-de-manifestations--lutter-contre-la-17-mars-2021

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe UDI et Indépendants, mes collègues et moi-même avons choisi de vous soumettre cette proposition de loi visant à lutter contre les individus violents lors des manifestations, en instaurant une interdiction administrative de manifester. Personne, ici, ne découvre cette disposition : elle formait l’article 3 de la proposition de loi défendue par le sénateur Bruno Retailleau – devenue la loi no 2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer le maintien de l’ordre public lors des manifestations, dite loi anticasseurs. Cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel, celui-ci considérant que les modalités de cette interdiction administrative portaient au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’était ni adaptée ni nécessaire ni proportionnée. Tirant la leçon de l’ensemble des griefs ainsi exprimés, le texte qui est soumis répond point par point aux préconisations du Conseil Constitutionnel, et assure un meilleur équilibre entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la protection des libertés constitutionnellement garanties.

En l’état actuel, notre droit comporte seulement deux types d’interdiction de manifester. La première est une interdiction judiciaire, prévue par l’article 131- 32-1 du code pénal. Le juge peut la prononcer comme peine complémentaire à l’encontre d’une personne qui s’est rendue coupable, lors de manifestations sur la voie publique, de violences sur des personnes, de détérioration de biens ou de diffusion de procédés visant à élaborer des engins de destruction. La seconde est l’interdiction de séjour prévue dans le cadre de l’état d’urgence issu de la loi no 55-385 du 5 avril 1955.

Dans ses attendus censurant l’article 3 de la proposition de loi Retailleau, le Conseil constitutionnel reconnaît que le législateur entendait prévenir la survenue de troubles lors de manifestations sur la voie publique et poursuivait l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. Il ne remet donc pas en cause le principe de l’établissement d’une interdiction administrative de manifester, mais les modalités de la mise en œuvre de celui-ci.

Il relève que le législateur n’a pas établi de lien entre le comportement de l’individu et les atteintes aux personnes et dégâts matériels ayant eu lieu pendant la manifestation ainsi qu’entre le prononcé de l’interdiction et le fait que la manifestation soit susceptible de donner lieu à des atteintes à l’intégrité physique des personnes ou à des dommages aux biens. Il pointe également que tous les agissements, y compris non violents, peuvent entraîner le prononcé d’une interdiction administrative et qu’aucune limite d’ancienneté des faits reprochés n’est posée pour prononcer l’interdiction. Il a considéré que l’interdiction prononcée à l’encontre d’un individu pouvant aller jusqu’à un mois était disproportionnée. Enfin, la notification de l’interdiction par l’autorité administrative pouvait être prononcée à tout moment, y compris lors du déroulement de la manifestation non déclarée.

La proposition de loi remédie à l’ensemble de ces griefs.

Je proposerai notamment un amendement tendant à fixer une limite de quarante-huit heures avant le début d’une manifestation pour les notifications d’interdiction de participer aux manifestations déclarées, afin de respecter strictement le droit de recours des individus.

Je vous proposerai également un amendement pour porter à quinze jours l’interdiction de participer à des manifestations – après avoir auditionné des représentants des syndicats de police et des représentants de la gendarmerie nationale, nous pensons que ce délai rendrait la disposition opérante en cas de manifestations à répétition, même déclarées ou connues.

La proposition de loi est constituée d’un article unique.

L’alinéa 2 permet au préfet de prononcer une interdiction à l’encontre de toute personne constituant une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. Cette menace doit être caractérisée par des agissements ou par la commission d’un acte violent ayant entraîné des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ou des dommages importants aux biens, à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique organisée il y a moins d’un an. Nous proposerons un amendement tendant à étendre ce délai à un an, notamment pour pouvoir prendre en compte des comportements violents dans des manifestations récurrentes. Je pense aux manifestations du 1er mai, dont les centrales syndicales craignent désormais qu’elles ne soient émaillées d’actes de casseurs, en particulier de la part de black blocs, que les forces de l’ordre ont beaucoup de difficultés à appréhender. La rédaction de l’alinéa 2 établit un lien très clair entre le comportement de l’individu et les atteintes, répondant ainsi à l’objection soulevée par le Conseil constitutionnel vis-à-vis de la rédaction de la proposition de loi Retailleau.

À l’alinéa 3, l’arrêté précise la manifestation concernée ainsi que l’étendue géographique de l’interdiction, qui doit être proportionnée aux circonstances et qui ne peut excéder les lieux et abords de la manifestation.

L’alinéa 4 prévoit que, sous certaines conditions, l’interdiction administrative de manifester peut concerner l’ensemble des manifestations se déroulant en France pendant une période déterminée. Nous visons les manifestations telles que celles qui ont eu lieu pendant la crise des gilets jaunes. Dans ce cas, l’interdiction ne peut être prononcée pour une durée supérieure à dix jours – que nous proposons donc de porter à quinze jours.

L’alinéa 5 instaure, pour la personne visée par une interdiction de manifester, une obligation de pointage auprès de l’autorité désignée par le préfet, à savoir les services de police ou de gendarmerie.

L’alinéa 6 organise les modalités de notification de l’arrêté à la personne concernée. Dans le cadre des manifestations déclarées, l’autorité administrative notifie au moins quarante-huit heures à l’avance à l’individu son interdiction administrative de manifester, ce qui permet à celui-ci d’emprunter les voies de recours habituelles. Dans le cadre des manifestations non déclarées, nous avons tenté de trouver une solution opérante pour l’autorité administrative tout en essayant de préserver la possibilité de recours. Après les auditions que nous avons menées, nous souhaitons renoncer à cette deuxième disposition, pour préserver les voies de recours.

L’alinéa 7 prévoit que les arrêtés puissent faire l’objet d’une procédure de référé-liberté, sans que la condition d’urgence soit requise.

Les alinéas 8 et 9 déterminent les quantums de peine applicables en cas de violation de la mesure d’interdiction. Je vous proposerai un amendement pour revenir au quantum de peine voté en 2019. Nous avions initialement imaginé un quantum de peine supérieur mais, comme nous souhaitons parfaitement garantir la constitutionnalité de la proposition, nous revenons à la disposition de la proposition de loi votée il y a deux ans par notre assemblée.

M. Pacôme Rupin. Nous avons tous pu constater, ces dernières années, que de plus en plus de manifestations donnaient lieu à des délits graves, qu’il s’agisse de violences sur des personnes, de dégradations de biens ou d’affrontements avec les forces de l’ordre. Ces délits sont malheureusement le fait d’une petite minorité d’individus violents, qui n’ont aucunement l’intention de défendre des revendications citoyennes et de débattre, mais qui cherchent le chaos.

Face à ces agissements, les premières victimes sont la majorité de manifestants qui souhaitent pacifiquement faire valoir leurs idées et leur liberté d’expression. Ces violences les privent, d’une certaine manière, de leur liberté de manifester, ce qui est grave. En tant que député de Paris, dont la circonscription couvre le parcours République-Bastille, je confirme que ces événements sont très mal vécus, par les habitants, les commerçants, mais aussi par les Parisiens en général, qui souhaitent participer à ces manifestations dans une forme de tranquillité.

Notre majorité a toujours tenté de préserver un équilibre entre, d’une part, la garantie du droit de manifester, qui découle directement de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et, d’autre part, la garantie de l’ordre public et la protection de nos forces de l’ordre. À cet égard, nous partageons le diagnostic posé par cette proposition de loi. L’état d’avancement des travaux proposé par le rapporteur décrit bien le fonctionnement des black blocs, mouvement qui incarne cette spoliation des causes par une minorité violente.

L’objectif du texte est d’introduire une mesure administrative d’interdiction de manifester. Cette interdiction concernerait une personne constituant une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, par ses agissements ou par la commission d’un acte violent ayant entraîné des atteintes graves à l’intégrité des personnes ou des dommages importants aux biens, à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique organisée il y a moins d’un an. Le préfet pourrait lui interdire, par arrêté motivé : d’une part, de participer à une manifestation sur la voie publique ; d’autre part, de participer à toute manifestation sur le territoire pour une durée de dix jours.

L’article unique de ce texte reprend donc l’article 3 de la loi du 10 avril 2019, aussi appelée loi anticasseurs, issue d’une proposition de loi venant du Sénat. Cet article, à l’époque, a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’il laissait à l’autorité administrative une latitude excessive dans l’appréciation des motifs susceptibles de justifier l’interdiction. L’atteinte à la liberté de manifester a donc été jugée disproportionnée, compte tenu de la portée de l’interdiction contestée, des motifs susceptibles de la justifier et des conditions de sa contestation.

Le groupe UDI-I et vous-même, monsieur le rapporteur, avez tenté de tenir compte de cette censure, en revoyant l’écriture de cet article. Nous pouvons saluer ce travail. Cependant, l’équilibre proposé entre préservation de l’ordre public et liberté de manifester reste incertain. Il continue à faire débat, notamment au sein du groupe La République en marche.

Pour l’instant, prendre du recul sur le reste de la loi du 10 avril 2019 semble nécessaire. Elle donne déjà des outils forts au juge judiciaire, gardien des libertés individuelles. L’article 7 permet de prononcer une interdiction judiciaire de participer à des manifestations sur la voie publique, qui ne peut excéder une durée de trois ans. L’article 8 a ajouté la possibilité d’interdire à la personne placée sous contrôle judiciaire de participer à des manifestations sur la voie publique, dans des lieux déterminés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention (JLD). Ainsi, avant de penser à légiférer de nouveau, nous devons examiner l’efficacité de ces mesures.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche, tout en partageant la volonté du rapporteur de répondre aux violences au sein des manifestations, tire les enseignements de la censure du Conseil constitutionnel et se prononcera majoritairement contre ce texte.

M. Arnaud Viala. Cette proposition de loi vise à lutter contre les individus violents lors de manifestations – sujet ô combien important et d’actualité. Les manifestations en France connaissent, ces derniers temps, une montée des violences : des individus agressent les forces de l’ordre, brûlent le mobilier urbain et pillent les commerces qui ont le malheur de se trouver sur leur parcours. Ces destructions et affrontements sont devenus quasi systématiques ; ils relèguent désormais au second plan les revendications des manifestants pacifiques. Prenons l’exemple des black blocs, qui utilisent un mode opératoire visant à causer le plus de dégâts possible. Ils ont laissé plusieurs fois derrière eux des paysages de désolation, lors de manifestations contre la loi Travail, célébrant le 1er mai ou encore celles des gilets jaunes. Depuis le quinquennat de François Hollande, ce constat est devenu la norme à chaque manifestation.

Le Gouvernement et la majorité ne sont pas toujours très à l’aise avec ces questions. Elles appellent pourtant des réponses de bon sens, garantissant la sécurité et l’ordre public. La liberté de manifester et la liberté d’expression ne permettent pas tout. Agresser un fonctionnaire de police ou de gendarmerie n’est pas faire usage de sa liberté de manifester. Brûler un abribus ou un engin de chantier, piller un magasin ou saccager un lieu public n’est pas faire usage de sa liberté d’expression. C’est de la violence pure et simple. Le rôle de l’État est de tout faire pour l’empêcher, ce qui revient précisément à garantir le droit de manifester et la liberté d’expression.

Depuis les manifestations contre la loi Travail, les médias n’ont plus qu’un seul axe d’information lorsqu’il s’agit de couvrir une manifestation : le nombre de dégradations et d’interpellations. Or cela contrevient à l’intérêt des manifestants, dont les revendications ne sont plus reprises, ou alors de manière anecdotique. La sécurité des manifestants pacifiques est également mise en danger par les agissements de ces individus violents, dont le seul but est de casser et de défier les forces de l’ordre. Voter en faveur de mesures de lutte contre les violences commises pendant les manifestations, c’est s’engager pour le droit à manifester et la liberté d’expression.

Devant l’urgence d’agir, pour ne pas laisser les mains libres aux casseurs et aux pilleurs, le groupe Les Républicains au Sénat a déposé, en 2018, une proposition de loi. Alors qu’elle avait été adoptée, le Conseil constitutionnel a décidé de la censurer partiellement avant son entrée en vigueur, l’année suivante. Ce texte avait pourtant pour objet de renforcer et de garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, en donnant des instruments légaux aux autorités pour mettre hors d’état de nuire les casseurs et les agresseurs des forces de l’ordre.

Cette proposition de loi prévoyait, entre autres dispositions, de donner la possibilité aux policiers, en cas de risque de trouble à l’ordre public, de contrôler les effets personnels des passants ainsi que les véhicules circulant ou stationnant à l’entrée d’un périmètre délimité, pendant les six heures précédant le début de la manifestation et jusqu’à sa dispersion. L’objectif était d’empêcher l’accès à une manifestation aux personnes détenant, sans motif légitime, des objets pouvant constituer une arme. Il en était de même pour le fait de détenir ou de faire usage, sans motif légitime, de fusées d’artifice ou de toute arme par destination. Ce délit devait être puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Enfin, selon le principe du casseur-payeur, le texte prévoyait la possibilité pour l’État de se retourner contre les auteurs des dommages.

En première lecture à l’Assemblée nationale, des modifications ont été adoptées. Elles concernaient la suppression du périmètre de sécurité lors des manifestations, l’allègement des procédures de déclaration préalable d’une manifestation, la création d’un fichier de personnes interdites de manifester et la suppression de l’article relatif aux fusées d’artifice –article finalement incorporé dans la proposition de loi relative à la sécurité globale.

Le texte adopté par le Parlement prévoyait également la possibilité, pour le préfet, d’interdire à une personne constituant une menace pour l’ordre public de manifester. Cette interdiction pouvait s’étendre à tout le territoire national. C’est cette disposition que le Conseil constitutionnel a décidé de censurer, jugeant que le législateur portait au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’était pas adaptée, nécessaire et proportionnée.

Afin de répondre à cette censure, le groupe UDI-I a déposé la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui. Elle vise à lutter contre les individus violents lors de manifestations, en introduisant la possibilité d’une interdiction pour ces derniers de participer à une ou plusieurs manifestations. Concrètement, les personnes constituant des menaces particulièrement graves pour l’ordre public et dont les agissements auront conduit à des violences ou des dégradations pourront se voir interdire, par un arrêté motivé du préfet, de participer à une manifestation au cours de laquelle de telles atteintes seraient susceptibles d’avoir lieu. Ces personnes pourront également se voir interdire de prendre part à toute manifestation sur l’ensemble du territoire national, pour une durée ne pouvant excéder dix jours. Le non-respect de ces interdictions sera puni de trois ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Au moment de ces manifestations, ces personnes, à l’image des mesures prises à l’égard des hooligans dans le monde du football, pourront être amenées à pointer au commissariat de police.

Cette proposition de loi de nos collègues UDI-I reprend la volonté et le dispositif inclus dans la loi dite anticasseurs de nos collègues sénateurs du groupe LR. Les députés du groupe LR voteront donc pour cette proposition visant à renforcer le dispositif législatif existant.

Mme Marietta Karamanli. Cette proposition de loi revient sur un sujet dont nous avons déjà débattu. Elle vise à donner à l’autorité administrative le pouvoir d’interdire de manifestation toute personne présentant une menace pour l’ordre public, en raison de ses agissements ou de la commission d’actes violents. Elle est cousine d’un texte dont le Conseil constitutionnel, en 2019, avait censuré une disposition analogue, la jugeant non conforme à la Constitution en ce qu’elle donnait une latitude excessive à l’autorité administrative dans l’appréciation des motifs susceptibles de justifier l’interdiction. Selon les termes de l’article jugé non conforme, cette interdiction ne pouvait frapper que les personnes ayant commis des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ainsi que des dommages importants aux biens, ou encore un acte violent lors de manifestations précédentes.

Cette nouvelle proposition appelle de ma part deux observations sur le fond. D’une part, les termes pour déterminer et caractériser les motifs de l’interdiction restent larges et sujets à interprétation par l’autorité administrative. De façon subsidiaire, l’interdiction elle-même a une durée non circonstanciée à une manifestation donnée. Elle peut donc atteindre dix jours et être accompagnée d’une convocation au commissariat.

D’autre part, l’autorité administrative ne dispose d’aucune indépendance, alors que le droit de manifester est une liberté fondamentale. En aucune façon la proposition ne prévoit les conditions de contestation d’une telle décision. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2019, avait in fine considéré qu’il était porté au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’était ni adaptée ni nécessaire ni proportionnée.

Cette proposition ne nous paraît ni opportune ni conforme à notre droit, tel qu’il est interprété par le Conseil constitutionnel. Notre groupe est opposé à son adoption.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cette proposition de loi vise à instaurer une interdiction administrative de manifester à l’encontre de personnes pouvant constituer une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique. Avec mes collègues Démocrates, nous comprenons le but de ce texte. Nous avons tous été témoins des violences et des dégradations commises par des individus ultra-violents, notamment les black blocs, qui viennent se mêler à des manifestations pacifiques, mettant en danger les manifestants, les passants, les riverains, les commerçants et les forces de l’ordre. Tous, nous avons été choqués par ces violences, qui ont été largement reprises et diffusées dans les médias.

La loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, issue de la proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau, visait à prévenir ces violences et à en sanctionner les auteurs. Son article 3 prévoyait la création de l’interdiction de manifester. Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, au motif qu’elle portait atteinte au droit d’expression collective des idées et des opinions.

L’article unique que vous nous proposez prévoit de nombreuses interdictions. Or, n’oubliant pas que le droit de manifester est un droit fondamental, essentiel à l’expression collective et publique des opinions et revendications, les membres du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés sont défavorables à son adoption. Même si vous nous dites avoir tenu compte des observations du Conseil constitutionnel, ce texte reste trop attentatoire au droit d’expression collective des idées et des opinions. L’équilibre entre sécurité et libertés publiques n’est pas suffisant.

M. Dimitri Houbron. L’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure permet d’interdire administrativement une manifestation, mais pas à des individus de manifester. C’est le juge judiciaire qui peut, en vertu de l’article 131-32-1 du code pénal, prononcer une interdiction individuelle de manifester pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans, dans le cadre d’un jugement faisant suite à des violences en manifestation.

Il nous est proposé ici de créer une interdiction administrative individuelle pour les personnes violentes de participer aux manifestations, en dehors de tout jugement judiciaire. Cette mesure serait prononcée par le préfet du département ou le préfet de police. Au regard des précédentes interventions, cette proposition de loi fait naître un débat sur sa constitutionnalité.

L’exposé des motifs fait explicitement référence à la décision du Conseil constitutionnel censurant l’article 3 de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre lors des manifestations, pour préciser que la proposition de loi en tient compte. Les sages avaient en effet estimé que cette mesure portait atteinte au droit d’expression collective des idées et des opinions, et violait ainsi l’article 11 sur la liberté d’expression de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel écrit : « le législateur n’a pas imposé que le comportement en cause présente nécessairement un lien avec les atteintes graves à l’intégrité physique ou les dommages importants aux biens ayant eu lieu à l’occasion de cette manifestation ». En définitive, les dispositions contestées laissent à l’autorité administrative une latitude excessive dans l’appréciation des motifs susceptibles de justifier l’interdiction. Autrement dit, les atteintes aux libertés publiques prises au nom du maintien de l’ordre n’étaient ici ni proportionnées ni suffisamment encadrées.

À la lumière de cette décision, ce n’est pas tant, semble-t-il, le principe d’une interdiction individuelle de manifester décidée par le préfet qui est jugé inconstitutionnel, mais les modalités de cette interdiction. C’est l’interprétation que semble faire le rapporteur, analysant – à tort ou à raison – que le Conseil constitutionnel pourrait juger l’interdiction constitutionnelle si les modalités en étaient adaptées. La proposition de loi est la traduction de cette interprétation.

Il est toujours délicat d’anticiper une décision du Conseil constitutionnel, sauf quand les mesures sont manifestement inconstitutionnelles. Nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises surprises. Nous en avons déjà fait l’amère expérience, d’autant plus que nous nous appuyons sur une décision déjà rendue, et que chacune et chacun se livre à sa propre interprétation. Toutefois, à titre personnel, il ne me paraît pas opportun de rejeter le texte de M. Brindeau au seul motif d’une supposée contrariété à la Constitution.

S’agissant de la philosophie de ce texte, nous partageons toutes et tous la volonté de lutter contre les individus qui confisquent aux manifestants la défense de la cause pour laquelle ils ont choisi de se réunir. Néanmoins, je voterai contre cette proposition de loi, pour deux raisons.

D’une part, notre Constitution prévoit, en son article 66, que c’est bien le juge judiciaire, indépendant, qui est le seul garant des libertés individuelles. Il ne faut déroger à ce grand principe que dans des cas très spécifiques et encadrés, par exemple par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT.

D’autre part, l’effectivité de la mesure pose des difficultés. Pour reprendre de nouveau l’exposé des motifs, « ces interdictions administratives très encadrées permettront de toucher les individus violents que nos forces de l’ordre n’ont pas réussi à appréhender. » Il est compliqué d’imaginer la faisabilité concrète et matérielle d’une interdiction frappant une personne qui a réussi à ne pas être appréhendée. C’est au regard de ce point, et non du supposé caractère inconstitutionnel de la proposition, que je voterai contre.

Mme Agnès Thill. Je tiens tout d’abord à remercier et à féliciter notre collègue Pascal Brindeau pour sa ténacité et son courage. S’il n’avait pas permis, par son excellent travail, de faire revenir à l’Assemblée nationale l’article 3 de la proposition de loi de nos collègues sénateurs, que le Conseil constitutionnel avait censuré, ces dispositions, pourtant nécessaires et attendues, auraient certainement terminé dans les oubliettes de l’Histoire. La présente proposition de loi constitue donc un message et un symbole forts envoyés à nos concitoyens, ainsi qu’à nos forces de l’ordre.

Depuis plusieurs années, toutes les manifestations d’envergure pâtissent de la présence d’individus qui font incursion dans les cortèges pour détruire, brûler, casser, piller et s’en prendre violemment à nos policiers et à nos gendarmes. Or, en raison de leur mode d’action, l’interpellation de ces extrémistes, dont beaucoup prennent part au mouvement des black blocs, demeure particulièrement complexe. Si les débordements lors de manifestations ont toujours existé, il n’en demeure pas moins que nos forces de l’ordre sont confrontées depuis quelques années à l’émergence d’un phénomène nouveau, d’une ampleur et d’un niveau de violence intolérables.

Cette évolution inacceptable prend racine dans deux vices originaux : d’une part, la violence entraînant la violence, une montée vers les extrêmes, alliée au sentiment général d’impunité qu’éprouvent les casseurs et que ressentent nos concitoyens ; d’autre part, l’actuelle doctrine française de maintien de l’ordre, héritée du traumatisme de l’affaire Oussekine, en 1986, et dont le principe cardinal est simple : éviter au maximum tout contact direct entre les forces de l’ordre et les manifestants, et contenir la violence plutôt que la réprimer, pour éviter à tout prix un nouveau drame. Si l’intention est juste, certaines conséquences sont inévitables, telle la montée de la violence publique lors des manifestations. Les exemples sont nombreux : protestations contre la loi Travail, célébrations du 1er mai, samedis des gilets jaunes et, plus récemment, manifestations contre la proposition de loi relative à la sécurité globale. Ces phénomènes n’épargnent aucun territoire, pas même la ruralité. Ils sont devenus tellement récurrents qu’ils n’étonnent malheureusement plus personne et passent pour des faits divers aux yeux tant des médias que de nos concitoyens.

Les députés du groupe UDI et Indépendants refusent cette fatalité, tout comme ils refusent que les messages et les revendications des manifestants pacifiques soient constamment confisqués et relégués au second plan par les agissements subversifs d’individus haineux et violents ne désirant que le chaos. En France, chacun doit pouvoir manifester et exprimer librement ses opinions et ses convictions, sans que des petits groupes d’individus en mal d’action ou de notoriété viennent faire obstacle à ce droit fondamental. Les députés du groupe UDI et Indépendants refusent également l’état de terreur dans lequel se trouvent les commerçants, les banques et les restaurateurs qui, au passage du cortège, craignent pour leur vitrine, leurs locaux, leurs produits et parfois même pour leurs clients. Enfin, nous refusons que nos forces de l’ordre soient constamment prises pour cible par des individus ne cherchant qu’à les combattre, les blesser, les lyncher ou les tuer. Où sont l’État et le droit, quand nos policiers et gendarmes viennent à craindre pour leur vie en assurant le maintien de l’ordre ?

Il serait naïf de croire que cette proposition de loi mettra définitivement un terme à ces phénomènes de violence et à ces dégradations ; nous sommes néanmoins convaincus qu’elle constituera un outil pertinent et efficace pour en limiter l’ampleur. Comme nous l’ont dit tous les représentants de nos forces de l’ordre lors des auditions menées par le rapporteur, l’objet de ce texte est, pour eux, d’une importance capitale. Ces interdictions administratives de manifester, très encadrées, couplées au renforcement des échanges européens entre les services de police, à l’utilisation accrue de produits de marquage par les forces de l’ordre et à l’utilisation de matériel permettant une meilleure diffusion des sommations, porteront un coup sévère à ces scènes de guérilla urbaine, que nos concitoyens souhaitent voir disparaître de leurs écrans ou des journaux du soir. Alors que la Belgique et l’Allemagne ont d’ores et déjà instauré un cadre législatif permettant de prendre de telles interdictions de manifester à l’encontre des individus les plus violents, la France se doit de suivre ce chemin.

Cette proposition de loi, qui fait siennes les observations du Conseil constitutionnel, permettra justement de lutter contre ces individus dangereux, qui entravent les droits fondamentaux des vrais manifestants. Alors que les Français ne supportent plus ces scènes de guérilla urbaine, le devoir du législateur est de donner à nos forces de l’ordre et aux représentants de l’État les moyens d’y mettre un terme. Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et Indépendants, particulièrement fier de défendre cette proposition de loi dans le cadre de sa niche parlementaire, vous invite à l’adopter.

M. Paul Molac. Notre groupe avait voté contre la loi anticasseurs de 2019 et avait saisi le Conseil constitutionnel. Celui-ci avait été particulièrement implacable, puisqu’il avait souligné que le législateur avait porté au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’était ni adaptée ni nécessaire ni proportionnée.

La nouvelle rédaction de l’article 3 ne lève pas un certain nombre d’inquiétudes. D’une part, le préfet peut prononcer une interdiction de manifester sur l’ensemble du territoire et, d’autre part, bien que cette interdiction soit limitée à dix jours, il n’y a pas de limite dans les reconductions. Nous savons très bien, s’agissant, par exemple, des interdictions de stade, que les préfets peuvent prendre des interdictions les unes à la suite des autres, sans limite. Ces mesures issues de l’ancien article 3 sont disproportionnés et elles constituent une restriction de liberté trop importante.

La rédaction de l’alinéa 4 pose aussi problème. Sont évoquées des « raisons sérieuses de penser que la personne […] est susceptible de participer à toute autre manifestation. » Quelles sont ces raisons sérieuses ? Quels sont les faits avérés, probables ou prétendus ? Autant de questions qui ne nous permettent pas d’y voir clair. Ces dispositions donneraient beaucoup trop de pouvoir aux préfets.

Le problème est aussi là : on décharge le juge judiciaire de ses prérogatives pour donner aux préfets et à l’administration un rôle judiciaire. Nous craignons que cette disposition ne porte une atteinte manifeste au respect des droits de la défense, voire au principe de la présomption d’innocence. Les interdictions seraient prononcées au cas où des personnes pourraient être violentes. Mais, dans notre droit, on ne condamne les gens que s’ils ont commis un délit ou un crime, et non sur une simple intention ! Par ailleurs, le code pénal permet de prononcer des peines complémentaires et ainsi de réprimer de tels actes.

Je crains, d’ailleurs, que nous ne fassions une erreur. La difficulté, avec les black blocs, ce n’est pas de les empêcher de manifester, c’est tout simplement de savoir qui ils sont et de les repérer ! Cette loi ne peut s’appliquer que s’ils sont identifiés, et c’est bien là le problème !

Nous ne pouvons pas, évidemment, soutenir cette proposition de loi, qui nous paraît aller beaucoup trop loin dans la restriction des libertés. Cette mesure, ne l’oublions pas, vient de l’état d’urgence sécuritaire. Subrepticement, on est en train de transférer des mesures de nature sécuritaire dans le droit commun. Or je ne pense pas qu’une société de type sécuritaire soit souhaitable. Il faut chercher à lutter contre les violences dans les manifestations, mais par d’autres moyens que cette proposition de loi. Nous ne la soutiendrons pas.

M. Stéphane Peu. La niche parlementaire du groupe UDI et indépendants contient des choses intéressantes. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi l’UDI-I vient au secours du soldat Retailleau – à moins que cela ne soit la manifestation du syndrome centriste de faire la balance dans ses textes législatifs – pour sauver une loi inefficace et liberticide, qui a d’ailleurs été, à juste titre, retoquée par le Conseil constitutionnel à la suite de la saisine des trois groupes parlementaires de gauche de l’Assemblée nationale et du Président de la République lui-même.

Les premières victimes des violences dans les manifestations sont, bien sûr, ceux qui en subissent les dégâts, mais aussi les manifestants eux-mêmes qui se voient entravés dans leur liberté de manifester et d’exprimer ainsi leur désaccord. Je sais de quoi je parle, contrairement à M. Retailleau, qui est sans doute plus coutumier des processions que des manifestations, à part en 1984 ….

J’avais déposé une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête sur les stratégies de maintien de l’ordre, mais cette proposition n’a malheureusement pas été retenue. Agnès Thill a dit que nous sommes victimes d’une stratégie de maintien de l’ordre qui, depuis Malik Oussekine, refuserait le contact. Je suis désolé, c’est l’inverse qui s’est produit lors des manifestations des gilets jaunes : les forces de police allaient au contact des manifestants. Il y a donc bien eu une rupture dans la stratégie de maintien de l’ordre, dont on n’a pas encore fait le bilan. Ce bilan me paraît d’autant plus nécessaire que, selon les syndicats, les policiers n’ont pas été formés pour cela, ce qui explique les blessés et les dérapages constatés.

Aujourd´hui, l’interdiction de manifester est une peine complémentaire décidée par un juge judiciaire. Elle ne repose pas sur la simple suspicion d’un préfet. On ne peut que s’en féliciter quand on voit le préfet de police de Paris, Didier Lallement, s’adresser à une manifestante gilet jaune pacifiste de 60 ans en lui disant : « Madame, nous ne sommes pas dans le même camp ». Comment oser donner un tel pouvoir à un préfet qui a une conception aussi faible de la République ?

Cette proposition de loi instaure un régime d’exception qui, en plus d’être attentatoire aux libertés, est totalement inefficace. Je connais le problème des black blocs ; j’ai proposé ici des résolutions pour lutter efficacement contre eux. Que l’on arrête la mansuétude à l’égard de ces groupes et les stratégies de maintien de l’ordre qui favorisent leurs exactions. Je pourrais vous en donner plusieurs exemples, mais je me contenterai de celui de la manifestation du 1er mai 2018 : des policiers fouillant les poussettes des mamans et les cabas des mamies alors qu´ils laissaient 1 000 black blocs se regrouper en toute liberté sur le pont d’Austerlitz, sans intervenir. Et au milieu de tout ça, Benalla !

Ayons un recul sur la stratégie du maintien de l’ordre et soyons efficaces pour lutter contre ces groupes et pour garantir le droit de manifester, mais, surtout, prenons garde à ne pas bafouer le droit sacro-saint de manifester et de s’exprimer librement.

M. Sacha Houlié. Tous les groupes reconnaissent la nécessité de lutter contre la violence dans les manifestations, car elle porte préjudice tant aux manifestants eux-mêmes qu’aux commerçants et aux habitants. J’ai plusieurs raisons d’être défavorable à cette proposition de loi, outre le fait qu’elle reprend des dispositions qui ont pourtant été fermement condamnées par le Conseil constitutionnel.

L’interdiction de participer à une manifestation prévue par cette proposition de loi est inspirée par les dispositions sur les interdictions de stade, à propos desquelles Marie-George Buffet et moi-même avons rédigé un rapport d’information. Les interdictions de stade, introduites dans le code du sport par une loi relative à la lutte contre le terrorisme, sont gravement attentatoires aux libertés et doivent donc être strictement proportionnées et nécessaires. Il y aurait d´ailleurs beaucoup à dire sur leur champ d´application, sur les obligations qui pèsent sur les intéressés ainsi que sur leur durée.

Les modifications que vous avez apportées à votre texte à la suite de la censure du Conseil constitutionnel n’épuisent pas toutes les objections possibles, ainsi qu´en témoigne la formule « sans qu´il soit besoin d´examiner les autres griefs » utilisée dans sa décision.

Par ailleurs, je trouve curieux de vous retrouver, vous qui vous êtes posé en grand défenseur du juge judiciaire lors des débats sur la loi de programmation pour la justice, dans le rôle de celui qui consacre l’autorité administrative.

Enfin, je vous invite au pragmatisme : les black blocs, ce sont par définition des gens que la police ne parvient pas à interpeller. Comment, dans ces conditions, vouloir leur interdire de participer à une manifestation ? Cela pose un grave problème d’efficacité de l’action publique.

Mme Emmanuelle Ménard. Je tiens à remercier M. le rapporteur pour son travail qui a le mérite de prendre à bras le corps l’important sujet de la violence dans les manifestations. Les Français ne supportent plus de voir ces scènes de guérilla urbaine et c’est le devoir de l’État, non seulement d’assurer que les manifestations puissent se dérouler sans que les commerçants soient obligés de se barricader pour ne pas voir leurs vitrines saccagées ou leurs magasins pillés, mais aussi de permettre à nos forces de l’ordre d’exercer leur mission sans craindre pour leur propre sécurité.

Cette proposition de loi est un texte équilibré qui répond de manière ferme à ce phénomène de violence qui exaspère les Français, tout en prenant en compte les objections prononcées par le Conseil constitutionnel à l’article 3 de la proposition de loi présentée par Bruno Retailleau.

Comme le rapporteur l’a rappelé, le Conseil constitutionnel ne remettait pas en cause le principe de l’interdiction de manifester lors de menaces d’une particulière gravité pour l’ordre public, mais seulement les modalités de sa mise en œuvre. Ce texte y remédie. Je n’ai d’ailleurs que quelques amendements rédactionnels à proposer dans cette discussion.

Je ne comprends pas ceux d’entre nous qui sont défavorables à ce texte. Il ne faudrait donc rien faire et subir la loi de ces casseurs ultra-violents sans réagir ? Pourquoi ne pas proposer d’amender ce texte plutôt que de le rejeter ?

Je suis très attentive à la protection de nos libertés fondamentales, mais, lorsqu’il s’agit de mettre en balance deux libertés, je préfère protéger celles des citoyens respectueux de la loi plutôt que celles des casseurs. Samedi dernier, à Béziers, les forains ont manifesté pour réclamer la réouverture de leurs attractions sans qu’une chaise soit renversée ou un pot de fleur cassé ; ils ont distribué pommes d’amour et barbe-à-papa à tout le monde. Malheureusement, tous les manifestants ne sont pas aussi pacifiques que les forains et il est urgent d’agir ! Je voterai donc pour cette proposition de loi.

M. Philippe Gosselin. On ne parle pas ici de porter atteinte aux libertés publiques et individuelles, bien au contraire, puisque, comme je ne cesse de le répéter, et plus encore dans un contexte d’état d’urgence sanitaire, nous en sommes les gardiens. Il ne s’agit pas d’empêcher de braves citoyens de manifester, mais bien de lutter contre une guérilla urbaine menée par des bandes organisées pour terroriser celles et ceux qui veulent manifester dignement et pour casser – du flic, des vitrines, tout. Plusieurs centaines d’individus sont clairement identifiés, mais tous n’ont pas fait l’objet de mesures judiciaires. Il faut donc accélérer le processus judiciaire, même si cela ne résoudra pas le problème des black blocs qui, grâce à leur organisation et à leur anonymat, se jouent des forces de police.

Je comprends donc que l’on puisse reprocher à ce texte de ne pas répondre à tous les problèmes posés par la violence dans les manifestations et je comprends également qu’il suscite des interrogations sur sa constitutionnalité, sur les moyens mis en œuvre ou sur la question de l’autorité administrative qui n’est pas, en France, la gardienne légitime des libertés, mais il faut bien proposer quelque chose ! Le texte qui a été censuré par le Conseil constitutionnel, d’une certaine façon, désarme la démocratie. Que compte faire le Gouvernement pour permettre aux manifestants pacifiques de s’exprimer librement et éviter la chienlit ?

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Je n’interprète pas la décision du Conseil constitutionnel : dans ses attendus, il considère que le législateur poursuivait l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. Cet objectif doit, bien sûr, être concilié avec celui de la préservation de la liberté collective d’expression des opinions et avec le droit de chaque individu de contester une décision administrative prise à son encontre. Je pense que ce texte, qui est proportionné et équilibré, y parvient.

« Sans qu´il soit besoin d´examiner les autres griefs » est une formule classique employée par le Conseil constitutionnel et ne signifie pas que le législateur ne puisse réécrire une loi dès lors que le Conseil a rendu une décision à son sujet.

Je ne vois pas, dans le texte, de contradiction entre le rôle de l’autorité administrative et celui du juge judiciaire puisque seul ce dernier peut prononcer une peine complémentaire. L’interdiction de manifester ne peut être prononcée sur la base d’une simple suspicion : elle doit reposer sur la constatation d’actes de violence dont l’auteur a été identifié. Cela pose la question très importante de l’identification des auteurs de violence. Nous devons aider les forces de l’ordre à contrer les systèmes de dissimulation très efficaces utilisés par les black blocs, grâce notamment à l’utilisation des traçages chimiques et la vidéosurveillance.

En conclusion, que Stéphane Peu se rassure, je ne suis pas devenu le porte-voix de Bruno Retailleau. Le groupe UDI-I entend utiliser sa niche parlementaire pour répondre à de vrais besoins de faire évoluer notre droit. Nous entendons ainsi être les porte-voix des commerçants et des riverains qui subissent ces exactions ; des manifestants – les représentants des centrales syndicales nous ont dit combien ils étaient meurtris par les violences commises lors de leurs manifestations pacifiques du 1er mai ; et, bien sûr, des forces de l’ordre, qui n’en peuvent plus d’être prises à partie et de voir leur doctrine de maintien de l’ordre être remise en question.

Face au phénomène des black blocs, les interdictions judiciaires et les mesures d’identification ne suffisent plus. C´est donc notre devoir collectif de compléter l’arsenal juridique à disposition des forces de l’ordre et de l’autorité administrative.

Article unique (art. L. 211–4–1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Création d’une interdiction administrative de manifester

Les amendements CL2 et CL3 de Mme Marie-France Lohro sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement CL23 du rapporteur.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Cet amendement vise à mieux assurer la proportionnalité du dispositif en ne mentionnant que les agissements « répétés » des personnes pouvant faire l’objet d’une interdiction administrative de manifester, ce qui est de nature à mieux caractériser la menace qu’ils représentent. Cet amendement est issu des auditions que nous avons menées.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette les amendements identiques CL24 du rapporteur et CL18 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission examine l’amendement CL25 du rapporteur.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Je ne comprends pas pourquoi le groupe majoritaire vote contre des amendements rédactionnels, qui sont pourtant de pure forme. Cela n’élève pas le débat.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ces amendements ont été rejetés par la majorité des membres présents dans cette salle. Les membres de chaque groupe sont libres d’exprimer un vote qui n’est pas forcément unanime.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Il s’agit ici d’allonger le délai permettant de couvrir, pour l’interdiction, des manifestations récurrentes se tenant à date fixe, telles que les manifestations du 1er mai. Il est nécessaire qu’une personne ayant commis des exactions lors d’une manifestation précise puisse être empêchée d’y participer l’année suivante.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement CL26 du rapporteur.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. En supprimant la possibilité de prononcer une interdiction administrative de participer à des manifestations non déclarées, cet amendement vise à prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel du 4 avril 2019 s’agissant du droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi que des observations faites lors des auditions. Il aurait été préférable de traiter le problème pour toutes les manifestations, déclarées ou non-déclarées, mais ce sont surtout les manifestations déclarées qui subissent les violences des black blocs.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’amendement rédactionnel CL27 du rapporteur.

La commission est saisie de l’amendement CL5 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. La formulation « de leurs abords immédiats » est trop approximative pour être appliquée, notamment en cas de mobilité de la manifestation. S’il pourrait être proportionné de procéder à une interdiction sur le lieu même de la manifestation, interdire les « alentours » de celle-ci ne l’est pas.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Les termes « abords immédiats » sont couramment employés dans le domaine de la police administrative. Par ailleurs, cette disposition n’a pas fait l’objet d’une critique du Conseil constitutionnel. Ces termes me paraissent importants pour garantir son caractère opérationnel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. L’interdiction administrative de manifester reposant sur une simple présomption de participation revient à prêter à un citoyen des intentions politiques particulières. Or, en France, nul ne peut être inquiété pour ses opinions politiques. Cet alinéa va donc à l’encontre des droits les plus fondamentaux des Français et doit être supprimé.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Cet alinéa, qui respecte le principe de proportionnalité, vise les manifestations, comme celles du 1er mai, qui se tiennent simultanément à Paris et en province. Dans ces situations, il est utile de pouvoir étendre l’interdiction de participer à l’ensemble de ces rassemblements. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement CL22 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Il semble qu’il y ait une erreur de décompte d’alinéas : c’est bien le premier alinéa de l’article L. 211-4-1 qui doit être visé.

L’amendement CL22 est retiré.

La commission rejette l’amendement rédactionnel CL28 du rapporteur.

La commission examine l’amendement CL29 du rapporteur.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition prévoyant une durée de trente jours de l’interdiction de manifester. Afin de garantir la proportionnalité, cet amendement tend à porter cette durée à deux semaines, ce qui demeure utile en cas de mouvement revendicatif s’étendant sur une période longue, comme celui des gilets jaunes

La commission rejette l’amendement.

L´amendement CL6 de Mme Marie-France Lorho est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CL30 du rapporteur.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Dans un souci de proportionnalité, cet amendement vise à restreindre l’obligation de pointage à la seule interdiction de manifestation ponctuelle prévue par le premier alinéa de l’article L. 211-4-1 du code de la sécurité intérieure.

La commission rejette l’amendement.

La commission rejette l’amendement de précision CL31 du rapporteur.

Elle rejette les amendements identiques de conséquence CL32 du rapporteur et CL7 Mme Marie-France Lorho.

Les amendement CL8 et CL9 de Mme Marie-France Lorho, et CL19 de Mme Emmanuelle Ménard sont retirés.

La commission examine l’amendement CL33 du rapporteur.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Afin d’assurer la proportionnalité du dispositif, cet amendement vise à revenir au quantum de peine adopté par notre assemblée en 2019.

La commission rejette l’amendement.

L´amendement CL1 de Mme Marie-France Lorho est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements CL21 et CL20 de Mme Emmanuelle Ménard et CL34 du rapporteur.

Mme Emmanuelle Ménard. Je retire les amendements CL20 et CL21 au profit de l´amendement CL34 du rapporteur, qui propose de revenir au quantum des peines de droit commun. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi des peines différentes seraient prononcées à l’encontre d’individus violents selon qu’ils soient interdits de manifester sur un périmètre géographique ou sur tout le territoire national.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Afin d’assurer la proportionnalité du dispositif, cet amendement vise à revenir au quantum de peine adopté par notre assemblée en 2019.

Pour rassurer Mme Ménard, c’est bien la même peine qui est prévue dans les deux cas qu’elle a cités.

Les amendement CL20 et CL21 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CL34.

La commission rejette l’article unique.

Après l’article unique

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL17 de M. Ian Boucard.

L’article unique ayant été rejeté, la proposition de loi n’est pas adoptée.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à lutter contre les individus violents lors des manifestations (n° 3848).


—  1  —

 

   LISTE des personnes entendues

—  M. Thomas Campeaux, directeur

—  M. Christophe Borgus, chef du bureau des polices administratives

—  M. David Foltz, chef du bureau de la liberté individuelle

—  M. Jean-Marie Salanova, directeur central de la sécurité publique

—  Général de corps d’armée Bruno Jockers, major général de la gendarmerie nationale

—  Colonel Sébastien Baudoux, commandant le groupement de gendarmerie de Nevers

—  Lieutenant Michel Rivière, directeur général de la gendarmerie nationale d’Issy-les-Moulineaux

—  Major Frédéric Delcourt, commandant le PSIG de Fontenay-le-Comte

—  Major Laurent Duval, cercle mixte de Beynes

—  Adjudant-Chef Raoul Burdet, Garde Républicaine de Paris 

—  Adjudant-Chef Elodie Lherminier, région Aquitaine Mérignac

—  Adjudant-Chef Régis Poulet, commandant la brigade du Merevillois

—  Adjudant-Chef Erick Verfaillie, région Midi Pyrénées à Toulouse

—  Adjudant-Chef Patrick Beccegato, escadron de la gendarmerie mobile de Thionville

—  Maréchal des Logis Chef Grégory Rivière, groupement de gendarmerie de Rodez

—  Gendarme Justin Lanzeray, groupement de gendarmerie mobile de Hyères

—  M. Jean-Marc Cicuto, membre du conseil confédéral et secrétaire général de l'Union Régional Ile-de-France

—  M. Laurent Diedrich, secrétaire confédéral

—  M. Denis Jacob, secrétaire général

—  M. Sylvain Durante, secrétaire général adjoint

—  Mme Edwige Sylvestre, secrétaire nationale

—  M. Guillaume Ruet, secrétaire national

—  M. Loïc Lecouplier, Secrétaire administratif général adjoint

—  M. Johann Cavallero, délégué national CRS

—  M. Anthony Lope, conseiller technique

—  M. Jean-Paul Megret, secrétaire national

—  M. Jérôme Moisant, secrétaire national chargé des conditions de travail

—  M. Alain Vastel, secrétaire national chargé des Compagnies Républicaines de Sécurité

—  M. Léo Moreau, chargé de mission

 


([1])               Rapport de M. Pascal Popelin fait au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens, p. 110.

([2])              Sénat, rapport n° 51 de Mme Catherine Troendlé sur la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, octobre 2018.

([3])              Conseil constitutionnel, décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations.   

([4])              Alice Cantiteau. Les black blocks : preuves de la mutation de la contestation sociale, les Notes du CREOGN, 2016.  

([5])              https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/01/manifestation-du-1er-mai-2018-qui-sont-les-black-blocs-responsables-des-debordements-a-paris_a_23424702/  

([6])              https://www.leparisien.fr/faits-divers/les-methodes-bien-rodees-des-black-blocs-pour-echapper-a-la-police-02-05-2018-7694193.php  

([7])              Alice Cantiteau, op. cit.

([8])               Sénat, rapport n° 51 de Mme Catherine Troendlé, op. cit.

([9])              Article 131–32–1 du code pénal.

([10])              Article R. 645-14 du code pénal.

([11])              L’article 222-14-2 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende « le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens ». 

([12])              Audition du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

([13])              Article 78-2-5 du code de procédure pénale.

([14])              Article 230-19 du code de procédure pénale.

([15])              Article 431-9-1 du code pénal.

([16])              Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, considérant 16.

([17])              Article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

([18])              Décision n° 2019-780 DC, op. cit., paragraphe 26.

([19])              Rapport de M. Pascal Popelin pour la commission d’enquête chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens (n° 2794), 21 mai 2015.

([20])              Décision n° 2019-780 DC, op. cit. 

([21])              Ibid., paragraphe 21. 

([22])              Ibid., paragraphe 23.

([23])              Ibid.

([24])              Ibid.

([25])              Ibid.

([26])              Ibid., paragraphe 24.

([27])              Ibid., paragraphe 25.

([28])              Décision n° 2019-780 DC, op. cit., paragraphe 26.