N° 4093

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 avril 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LA PROPOSITION DE LOI

 

pour une meilleure reconnaissance et un meilleur accompagnement

des blessés psychiques de guerre ( 4016)

PAR M. bastien LACHAUD

Député

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 Voir le numéro : 4016.


 

 


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SOMMAIRE

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Avant-propos

I. Le parcours du blessé : un « parcours du combattant »

A. Les grandes étapes

1. Faire constater son état de santé et établir le lien au service

2. Obtenir un congé, des soins, obtenir la prise en charge de ses frais de transport

3. Obtenir une réparation des préjudices subis

4. Obtenir la reconnaissance de la Nation

5. Se reconstruire et revenir à la vie active

B. Un maquis de dispositifs difficilement lisible

1. Une multitude d’acteurs

2. Des difficultés à accéder à l’information pour les militaires ayant quitté l’institution ou les familles

C. Une charge administrative insupportable pour beaucoup de blessés

1. Une lassitude face à des demandes parfois qualifiées de « vexatoires »

2. Des délais de traitement devenus intolérables après la RGPP

II. Une meilleure prise en compte de la blessure psychique qui renforce encore l’impératif de simplification

A. Une prise de conscience récente, une question d’actualité

1. De nombreuses initiatives de prévention et d’accompagnement

2. Un nombre de blessés psychiques en augmentation

B. Le parcours médico-administratif du blessé est particulièrement ardu en cas de blessure psychique

1. Des blessures qui se révèlent parfois des années après le fait générateur

2. Des expertises médicales successives particulièrement traumatisantes

3. Un malaise vis-à-vis de l’institution

C. La proposition de loi : une mesure parmi d’autres mais essentielle

1. Un domaine qui se prête peu aux interventions législatives

2. Un engagement en faveur de la simplification et de l’automaticité

Compte-rendu des débats

Article 1er (art. L 121-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) Reconnaissance simplifiée de l’imputabilité au service des blessures psychiques constatée en opérations

Article 2 Recevabilité financière

Annexes

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe  2 : Le continuum du parcours du militaire blessé


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   Avant-propos

 

 

Mesdames et Messieurs,

 

La prise en charge des militaires blessés est un enjeu majeur pour l’efficacité de nos opérations militaires, la cohérence du statut militaire, la cohésion de nos armées et pour la solidarité nationale. Le 20 novembre 1917, Georges Clémenceau déclarait à la tribune de notre assemblée, la phrase fondatrice de notre politique de réparation et de reconnaissance : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous ».

Pourtant la représentation nationale n’a porté qu’une attention tardive au suivi des militaires blessés. Il a fallu en effet attendre 2014 et le rapport d’information sur la prise en charge des blessés des députés Émilienne Poumirol et Olivier Audibert-Troin ([1]) pour qu’un état des lieux soit dressé et des lacunes identifiées. Ce premier rapport a été suivi par un état des lieux non moins indispensable de la part de nos collègues, Anissa Kheder et Laurence Trastour-Isnart ([2]), qui ont dû réaffirmer l’évidence : la sédimentation multiséculaire de privilèges royaux, de décisions jurisprudentielles et d’initiatives avantageuses mais non coordonnées, pour généreuse qu’elle soit, ne forment pas un droit simple, accessible et opposable, et faute de moyens suffisants, tous les plans de prévention, d’accompagnement et de prise en charge, fussent-ils des joyaux d’orfèvrerie administrative, ne constituent pas une politique. C’est ainsi au prix d’efforts considérables et dans des délais insupportables que nombre de blessés ont accédé à des dispositifs d’indemnisation obtenus de haute lutte par leurs prédécesseurs ou sont rentrés dans les subtiles catégories de titres et de décorations différenciées selon les circonstances des souffrances qu’ils ont endurées.

Depuis 2004, la générosité qui a inspiré l’enrichissement des dispositifs n’a pas été au point d’offrir la paix de l’esprit à laquelle tous les blessés aspirent en premier lieu. Avec les meilleures intentions du monde, le nombre d’interlocuteurs et d’aides s’est accru, tout comme le nombre de formulaires. Les efforts de rationalisation engagés en 2010 dans le cadre de la Révision générale des politiques publique n’ont eu pour objectifs que des gains financiers surestimés et pour effet que la détresse croissante de ceux qui ont servi la France au prix de leur santé. Aujourd’hui, la myriade d’acteurs institutionnels et associatifs fait davantage pour manifester la reconnaissance de la Nation aux blessés de guerre que la loi ou le règlement. À l’heure où le « Dites-le nous une seule fois ! » est devenu le principe cardinal des relations entre l’État et les entreprises et où ceux-ci bénéficient de tous les égards d’une administration qui leur met à disposition des coffres-forts numériques, cette devise doit résonner tristement aux oreilles de nos militaires tant le ministère des Armées semble un adepte du « Répétez-le nous à chaque fois ! ».

Le rapporteur souscrit bien évidemment aux démarches actuellement engagées par le ministère des Armées pour améliorer l’accès des blessés à l’indemnisation, aux aides sociales, mieux les accompagner, leur proposer de nouvelles opportunités de reconversion ou de reconstruction, notamment par le sport. Il regrette néanmoins ses réticences à modifier le droit existant. Les tentatives de simplification du droit à réparation et à reconnaissance se heurtent à la crainte de fragiliser un édifice ancien, celui du droit des pensions, ou de remettre en cause des prérogatives de commandement jugées importantes pour la cohésion des armées, ainsi qu’à la crainte d’une remise en cause des droits acquis. Cette simplification est pourtant nécessaire pour éviter qu’une dématérialisation n’aboutisse à un nouveau fiasco comme celui du logiciel de calcul de la solde Louvois. Elle a commencé aussitôt après la parution du rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire de juillet 2019 intitulé La mort, la blessure, la maladie, notamment avec l’harmonisation des dispositions infra réglementaires relatives à l’homologation de la blessure de guerre. Mais ce rapport, s’il décrit et reconnaît l’effarante complexité qui entoure le droit à réparation et à reconnaissance des blessés, n’en tire pas toutes les conclusions en termes de simplification du droit.

La part croissante des blessés psychiques en opérations justifie un changement de paradigme. La blessure psychique reste, en effet, une blessure différente, invisible. La reconnaissance de son existence par une médaille ou un titre participe du processus de guérison. Si le rapporteur veut bien admettre que le récit répété de l’événement traumatique dans un contexte thérapeutique peut-être une des étapes du chemin de la guérison, il semble douteux que cette répétition afin de faire simplement valoir ses droits soit de nature à apporter une quelconque amélioration à la souffrance et à l’état de santé des blessés. En tout état de cause, la procédure n’a pas été pensée à des fins thérapeutiques mais pour répondre aux besoins d’instruction de l’administration. Le renversement de la charge de la preuve, introduit par la loi du 13 juillet 2018, qui a créé une présomption d’imputabilité au service pour certaines blessures et maladies constatées en opérations, n’a pas eu l’effet simplificateur escompté. Le rapporteur propose donc d’aller plus loin et de rendre automatiques la reconnaissance du lien au service des blessures psychiques en opération et l’homologation de la blessure de guerre pour les militaires blessés en opérations extérieures bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité.


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I.   Le parcours du blessé : un « parcours du combattant »

Le parcours du blessé est double voire triple : au parcours de soins, des soins aigus jusqu’à la consolidation des blessures, en passant par les soins de rééducation, réadaptation et de réhabilitation physique et psychique, s’ajoute un parcours médico-administratif dont chaque étape emporte des conséquences importantes. Il est décrit, par tous les blessés, comme un « parcours du combattant », une lutte « comme au front, sans relâche, 24h/24, 7j/7 », un « chemin de croix » ou un « mur administratif ».

A.   Les grandes étapes

Le guide du parcours du militaire blessé et de sa famille, édité en 2015 et actualisé en 2018, en témoigne : même s’il est réputé soutenu et accompagné, tant par le commandement que par toute une galaxie d’acteurs institutionnels ou associatifs, toutes les démarches ou presque doivent être à l’initiative du blessé.

1.   Faire constater son état de santé et établir le lien au service

Le militaire blessé encore en service doit d’abord rendre compte à son supérieur hiérarchique. Son dossier devra en effet contenir un rapport circonstancié exposant les circonstances de la blessure et un extrait du registre des constatations qu’il doit penser à demander mais aussi veiller à conserver sans limitation de durée.

Le militaire doit ensuite faire constater son état de santé par un médecin du centre médical des armées le plus proche. Si les premiers soins ont été délivrés en milieu civil, il doit quand même faire constater son état par un médecin militaire. Ce dernier établit alors une déclaration d’affection présumée imputable au service (DAPIAS). La DAPIAS est renouvelée semestriellement après consultation d’un médecin militaire jusqu’à la guérison ou la consolidation des blessures, voire jusqu’à l’obtention d’une pension militaire d’invalidité (PMI) pour l’affection concernée.

Enfin, il doit penser à avertir son assureur et sa mutuelle.

2.   Obtenir un congé, des soins, obtenir la prise en charge de ses frais de transport

Le militaire malade ou blessé a accès à des dispositifs d’aide tout au long de son parcours. Mais ceux-ci se ramifient en une kyrielle de sous-dispositifs conditionnés à tout un éventail de critères et s’accompagnent donc d’une lourde charge mentale, qui paraît insurmontable à beaucoup de militaires ou à leurs proches. En cas d’accident, de blessure ou de décès, un militaire et sa famille ont à leur disposition au moins huit voies de recours possibles pour accéder à une indemnisation financière, sans entrer dans les subtils distinguos que l’on peut retrouver au cœur de chacune de ces voies.

PluralitÉ des voies conduisant à un soutien ou à une indemnisation financiÈre

Source : HCECM, La mort, la blessure, la maladie, 13e rapport thématique, juillet 2019.

S’il est inapte au service, le militaire blessé peut bénéficier de différents congés : un congé maladie de six mois, puis le congé du blessé, attribué après épuisement des droits à congé maladie aux militaires blessés en opérations extérieures (OPEX) et dans certaines opérations intérieures (OPINT), de dix-huit mois maximum, puis un congé de longue maladie, attribué tous les six mois, jusqu’à trois ans, pour les affections cancéreuses, les déficits immunitaires graves et acquis et les troubles mentaux ou du comportement, ou un congé de longue durée pour maladie, attribué tous les six mois, jusqu’à huit ans, pour les autres pathologies. Un blessé doit donc prendre l’initiative d’être réévalué tous les six mois.

Le militaire malade ou blessé peut aussi bénéficier de nombreux dispositifs pour favoriser son accès aux soins ou mieux vivre avec sa blessure. Mais si les frais de transport ou d’aménagement du véhicule et du logement peuvent être pris en charge, par exemple, ils imposent de nombreuses formalités, comme en témoigne le guide précité : « mon transport doit toujours être le moins onéreux, le mieux adapté à mon état de santé, et la structure médicale choisie doit être la plus proche de mon domicile, si je veux être intégralement remboursé de mes frais. La formalité de l’ACCORD PRÉALABLE est OBLIGATOIRE, car la prise en charge de mes frais de transport n’est pas systématique » (majuscules originales). Outre les factures, il faut adresser des formulaires Cerfa, une prescription médicale ou une attestation d’affection présumée imputable au service (APIAS).

3.   Obtenir une réparation des préjudices subis

Le parcours de réparation se déroule simultanément et en lien étroit avec l’évolution du parcours de soins, mais à la demande expresse du blessé. Il s’agit de la pension militaire d’invalidité et/ou de l’indemnisation de préjudices complémentaires de droit commun relevant de la jurisprudence dite Brugnot, du nom de l’arrêt du Conseil d’État du 1er juillet 2005 reconnaissant au demandeur le droit à indemnisation de son préjudice esthétique, moral ou sexuel, ainsi que des fonds de prévoyance. Toutes ces indemnisations imposent la constitution de dossiers différents mais pour partie identiques.

Les Étapes pour la rÉparation du prÉjudice

Source : extrait du guide du parcours du militaire blessé et de sa famille, 2018.

Pour l’attribution d’une pension militaire d’invalidité, le militaire doit d’abord faire constater sa blessure par un médecin du service de santé des armées. Une autre expertise évaluera ensuite le préjudice subi. Ce dernier n’est en effet indemnisable que si le taux d’invalidité est reconnu supérieur à 10 % pour les blessures et 30 % pour les maladies. Si la blessure ou la maladie n’est pas stabilisée, le blessé devra faire réévaluer l’ampleur de celle-ci chaque fois qu’il le jugera souhaitable pour obtenir une réévaluation de sa pension. C’est pourquoi la première expertise médicale est souvent suivie de beaucoup d’autres, liées à l’évolution de l’état de santé du militaire. À ces expertises strictement médicales s’ajoutent des contre-expertises liées à l’application d’un principe de contradictoire par l’administration, qui va chercher à s’assurer de la réalité de la blessure par l’argumentation d’un autre expert. Enfin, le service des pensions s’appliquera à vérifier le lien avec le service et demandera pour cela au blessé le rapport circonstancié exposant les circonstances de la blessure et un extrait du registre des constatations. La pension initiale concédée l’est à titre temporaire pour une période de trois ans. Elle doit, le cas échéant, faire l’objet d’une demande de renouvellement six mois avant l’échéance à l’initiative du pensionné. Elle peut alors être réévaluée, diminuée ou supprimée en l’absence de séquelles. Son montant ne pourra plus être minoré par la suite. Le rapport de Mmes Kheder et Trastour-Isnart précité suggère qu’aucun rappel ne leur est adressé. Il est étonnant de constater en revanche que le renouvellement de la carte de circulation SNCF des généraux en deuxième section ne nécessite aucune demande particulière.

La réparation du préjudice moral, esthétique ou sexuel relevant de la jurisprudence dite Brugnot donne lieu à la même procédure avec des critères différents et donc des pièces à fournir en partie différentes. Entre autres subtilités, cette indemnisation est assortie d’un délai de prescription, contrairement à la PMI. La demande d’indemnisation complémentaire doit être formulée dans un délai de quatre ans à compter du premier jour de l’année suivant celle de la date de consolidation des blessures, c’est-à-dire la date à laquelle le médecin considère que les séquelles n’évoluent plus, ou du décès, sous peine d’être prescrite. Ce délai de prescription est évidemment très mal ressenti par les blessés.

Il existe enfin des secours spécifiques pour les militaires affiliés aux fonds de prévoyance (fonds de prévoyance militaire et fonds de prévoyance de l’aéronautique), sous réserve que l’infirmité soit consolidée et qu’une PMI temporaire ou définitive ait été attribuée.

Enfin, si son invalidité est reconnue supérieure à 25 %, le blessé pourra obtenir une carte d’invalidité de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG).

4.   Obtenir la reconnaissance de la Nation

Une fois son préjudice indemnisé, le militaire blessé peut demander l’homologation de sa blessure de guerre, pour avoir le droit de porter la médaille du blessé, et déposer des demandes pour obtenir le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) ou la carte du combattant délivrés par l’ONACVG.

La notion de blessure de guerre est ancienne. Elle est citée dans le code de la défense, dans le CPMIVG et le code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) sans qu’elle ait fait pendant longtemps l’objet d’une définition précise, chaque armée conservant une définition propre et la jurisprudence du Conseil d’État ayant longtemps été considérée comme suffisante pour résoudre les cas litigieux. Face à l’insatisfaction générale provoquée par l’absence d’harmonisation des pratiques de chaque armée, une concertation interarmées a été engagée à l’initiative de la DRHMD. La circulaire signée du chef d’état-major des armées et de la secrétaire générale pour l’administration du ministère portant grille de critères harmonisés n’a cependant pas encore été publiée au Journal officiel.

Le TRN est accordé aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles qui, pendant au moins 90 jours, consécutifs ou non, ont participé à un conflit ou à une ou plusieurs opérations extérieures qualifiées comme telles et aux demandeurs évacués pour blessure reçue ou maladie contractée au cours des opérations et aux titulaires de la carte du combattant. Il ouvre droit à la constitution d’une rente mutualiste majorée par l’État qui bénéficie d’avantages fiscaux, à la qualité de ressortissant de l’ONACVG, au privilège de recouvrir le cercueil d’un drap tricolore et au port de la médaille de reconnaissance de la Nation.

La carte du combattant est accordée aux militaires des forces armées qui ont participé pendant au moins 4 mois à des conflits armés, à des opérations ou à des missions menées conformément aux obligations et aux engagements internationaux de la France mais aussi à ceux qui ont appartenu trois mois à une unité combattante, ou à une unité ayant connu neuf actions de feu ou de combat, ou ont pris part individuellement à cinq actions de feu ou de combat, ou ont été évacués pour blessure ou maladie contractée en service alors qu’ils appartenaient à une unité combattante, sans durée de séjour dans cette unité, ou ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre ou ont été détenus par l’adversaire et privés de la protection accordée par les conventions de Genève. La carte du combattant ouvre droit à la retraite du combattant, au port de la croix du combattant, au titre de reconnaissance de la Nation, à la constitution d’une rente mutualiste majorée par l’État qui bénéficie d’avantages fiscaux, à une demi-part d’impôt sur le revenu à partir de 74 ans, à la qualité de ressortissant de l’ONACVG, et au privilège de recouvrir le cercueil d’un drap tricolore.

Ces conditions élaborées contrastent avec la simplicité de celles exigées par les Forces armées canadiennes pour accéder au statut de vétéran. Comme le rappelait Mme Trastour-Isnart dans le rapport précité : « les Forces armées canadiennes considèrent […] tous les anciens militaires comme des anciens combattants et leur remettent lorsqu’ils sont libérés, le terme qu’emploient les canadiens pour réformés, une “carte de service des anciens combattants” portant la mention de vétéran et leur permettant d’accéder aux nombreuses prestations destinées aux anciens militaires dans le cadre de leur transition vers la vie civile. Point n’est besoin pour cela de dérouler son passé militaire, il suffit d’avoir “réussi l’instruction de base et été libéré honorablement des Forces armées canadiennes” ».

L’homologation de la blessure de guerre, au-delà de la médaille du blessé, conditionne l’attribution de la qualité de grand mutilé de guerre, à laquelle sont associées des allocations complémentaires de la pension militaire d’invalidité. Le fait d’avoir une blessure de guerre homologuée permet aussi, dans le code des pensions militaires de retraite, de disposer d’un minimum garanti de pension de retraite, même si l’on n’a pas atteint la durée légale pour la pension de retraite à jouissance immédiate. Le fait d’être blessé de guerre permet aussi d’obtenir une campagne double, soit trois fois la bonification standard en opération extérieure.

Le DRHMD a indiqué au rapporteur que ces dispositions étaient de niveau infra réglementaire, ce qui offrait une grande latitude au ministère pour adapter ces textes, si nécessaire.

Les opérations extérieures qui ouvrent droit à l’homologation de la blessure de guerre sont reconnues par un arrêté interministériel ad hoc qui n’est parfois pas publié – une exemption a été obtenue par le ministère des Armées – pour éviter de troubler les relations diplomatiques que la France entretient avec certains des pays concernés. Le caractère interministériel se justifie par les conséquences budgétaires de cette reconnaissance, compte tenu des bonifications afférentes pour la solde des militaires projetés. Un arrêté ministériel fixe par ailleurs les opérations ouvrant droit à la carte du combattant : il faut avoir servi quatre-vingt-dix jours dans ces opérations pour avoir le statut d’ancien combattant. Il est néanmoins possible par exception qu’un militaire blessé dans une zone qui n’est pas définie comme « OPEX » – par exemple un militaire de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) qui intervient dans une zone qui n’est pas ouvertement reconnue comme une zone de conflit – puisse prétendre à la carte d’ancien combattant dès lors que la situation a pu être objectivée et que le lien avec l’ennemi était matérialisé. Les OPEX sont en fait reconnues par le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des armées (EMA) qui apprécie les contextes d’engagement des forces et demande au Gouvernement, s’il y a lieu, de classer la zone en OPEX. Le Parlement n’intervient pas dans la procédure mais contrôle l’action du Gouvernement a posteriori. Selon le DRHMD, la définition des zones OPEX est néanmoins régulièrement actualisée, selon un rythme mensuel, avec une prise de décision interministérielle qu’il a qualifiée d’assez rapide.

Le rapporteur a pourtant rencontré plusieurs anciens militaires en état de stress post-traumatique dont la blessure psychique n’a pu être homologuée faute d’avoir été reçue dans le cadre d’une opération reconnue. Beaucoup d’opérations de maintien de la paix ne sont pas, en effet, reconnues comme des OPEX, a admis le DRHMD. Le degré de dangerosité de ces opérations n’est en effet pas constaté ou admis par l’EMA dans la plupart des cas. Il y a là une piste d’amélioration à explorer.

5.   Se reconstruire et revenir à la vie active

Parallèlement au parcours de soins et au parcours administratif, soit le blessé reprend son travail, éventuellement sur un poste adapté, soit il est réformé, soit il va jusqu’au bout de son congé. Une fois qu’il a quitté l’institution, il peut se tourner soit vers l’ONACVG, s’il en est ressortissant, soit vers l’action sociale de la défense s’il ne l’est pas. Il peut entreprendre un parcours d’accompagnement par le sport dans le cadre du Centre national des sports de défense. Il peut simultanément recourir sans limite de temps aux prestations de Défense Mobilité.

Le parcours de réadaptation et de réinsertion des blessés proposé par Défense mobilité, l’agence de reconversion des militaires, s’accompagne désormais d’une meilleure sécurisation administrative et juridique après qu’il a été constaté que les blessés en congé de longue durée pour maladie ou en congé de longue maladie, qui ont une solde réduite pendant une durée qui peut aller jusqu’à huit ans, n’étaient pas assurés ni défrayés pour leurs déplacements ou en stage de réinsertion.

Selon le DRHMD, Défense Mobilité a fait des progrès dans le domaine de la réinsertion des blessés psychiques. L’effet de l’insertion de clauses sociales dans les marchés du ministère des Armées, comme cela se fait dans les collectivités pour la réinsertion des jeunes, devra être évalué. Un élan a été donné depuis deux ans. Reste à progresser dans le domaine des emplois réservés. L’ONACVG a désormais la responsabilité de la gestion des emplois réservés autrefois gérés par le service des pensions. La dernière loi de programmation militaire a permis une simplification des dispositifs de reconversion des militaires dans les emplois réservés au profit des blessés. Mais les résultats ne sont toujours pas très satisfaisants. Le DRHMD n’est pas certain que la solution soit législative. Des problèmes d’homologation de compétences serait peut-être plutôt en cause. Une meilleure coordination entre la fonction publique territoriale et les armées serait certainement souhaitable par ailleurs.

Il faut saluer l’initiative récente des maisons ATHOS portée par l’armée de terre en partenariat avec l’Institution de gestion sociale des armées (IGESA). L’expérimentation porte actuellement sur deux maisons destinées à la réadaptation et à la réinsertion des blessés psychiques dans le Var et en Gironde.

B.   Un maquis de dispositifs difficilement lisible

À la complexité des dispositifs légaux et réglementaires s’ajoute une complexité inhérente à la multitude d’acteurs qui se succèdent au chevet des blessés ou proposent un accompagnement. S’il faut s’en féliciter, ce foisonnement crée une complexité. Entre 2004 et 2018, selon le HCECM, dans son rapport précité, l’enrichissement significatif des mesures d’accompagnement s’est accompagné d’une multiplication des interlocuteurs et des procédures.

1.   Une multitude d’acteurs

Les acteurs qui se relaient autour du blessé sont extrêmement nombreux, ce qui ne contribue pas à la lisibilité des dispositifs. L’accompagnement des blessés est un enjeu de cohésion pour le commandement qui s’implique donc dans le suivi des blessés, via les cellules d’aide aux blessés constituées dans chaque armée mais aussi des présidents de catégorie, des bureaux facteurs humains ou condition de l’aviateur et des aumôniers.

La coordination des acteurs n’est pas évidente », a reconnu le DRHMD, car les armées ont parfois un sentiment d’appropriation à l’égard de leurs blessés et créent aussi des dispositifs pour les accompagner au mieux. Le commandement souhaite jouer un rôle actif et positif dans l’accompagnement du blessé pour témoigner une reconnaissance à celui-ci.

En outre, les assistants sociaux des armées, la caisse nationale militaire d’assurance maladie, l’ONACVG et Défense Mobilité interviennent à des degrés divers tout au long du parcours du blessé. Les blessés sont aussi en relation avec deux services du ministère pour leur indemnisation : le dossier de demande de PMI est déposé devant le service des pensions militaires d’invalidité quand les demandes d’indemnisation complémentaires doivent être déposées devant la sous-direction du contentieux.

Enfin, de nombreuses associations complètent l’action institutionnelle ou essaient de proposer un guichet unique dans ce paysage d’une rare complexité, souvent qualifié de « maquis ».

Les acteurs institutionnels de l’accompagnement des blessÉs

Source : extrait du guide du parcours du militaire blessé et de sa famille, 2018.

2.   Des difficultés à accéder à l’information pour les militaires ayant quitté l’institution ou les familles

Le militaire en activité peut faire sa demande de PMI de manière très simplifiée depuis trois ans grâce au portail intranet e-PMI, portail qui, pour l’instant, n’est accessible qu’à partir d’un poste connecté au réseau sécurisé du ministère. L’objectif de la DRHMD, en 2022, est de créer un pendant Internet de ce portail pour les militaires blessés à domicile, ceux ayant quitté l’institution et les familles. Il faut pour cela un sas sécurisé dont la conception prend du temps. Ce portail contribue d’ores et déjà à accélérer le traitement des dossiers, même si toutes les pièces ne peuvent pas être dématérialisées eu égard à des considérations telles que le secret médical, selon le DRHMD, ou la nécessité de réunir des commissions pour apprécier le taux d’invalidité.

Pour les blessés au combat qui ont quitté leur armée, l’ONACVG reçoit un dossier médical transmis par le SSA, avec un passeport unique qui a été normalisé et dématérialisé. Cette amélioration a toutefois été décidée récemment et n’a pas encore pleinement porté ses fruits, d’après le DRHMD.

C.   Une charge administrative insupportable pour beaucoup de blessés

Le rapport de nos collègues Anissa Kheder et Laurence Trastour-Isnart se faisait déjà l’écho de la lassitude des blessés face aux nombreuses pièces à fournir, certaines identiques, à différents services, face à la nécessité de répéter sans cesse la même histoire : « “chaque nouveau papier remet le blessé face à un échec”, “sentiment de se battre contre le système”, “se justifier d’être blessé”, “cette complexité administrative, les délais associés, la multitude des acteurs, le manque d’informations sur l’état d’avancée du dossier génèrent de l’inquiétude, de la frustration et de la colère qui nuisent au soin et à la reconstruction”, “des procédures administratives rebutantes” ».

1.   Une lassitude face à des demandes parfois qualifiées de « vexatoires »

Le rapporteur a entendu les mêmes témoignages, ainsi que les pleurs de militaires faisant à nouveau l’effort de lui raconter l’origine de leur traumatisme. Il est aussi question de comptes rendus d’expertise perdus, qu’il faut donc refaire, au prix d’un nouvel entretien, de la formulation « vexatoire » des lettres « sollicitant le bon vouloir » du commandement ou du directeur des ressources humaines de telle ou telle armée pour l’homologation de la blessure de guerre, ou de pièces à aller récupérer au groupement de gendarmerie le plus proche.

ModÈle de courrier suggéré
pour demander l’homologation d’une blessure de guerre

Source : extrait du guide du parcours du militaire blessé et de sa famille, 2018.

Comme l’indique le récent rapport de Mmes Anissa Kheder et Laurence Trastour-Isnart, « la LPM 2019-2025 a introduit la notion de présomption d’imputabilité au service, renversant ainsi la charge de la preuve. C’est donc dorénavant au service des pensions de La Rochelle d’apporter, le cas échéant, la preuve de l’absence de lien avec le service. Le demandeur n’est toutefois pas dispensé de prouver la matérialité des faits tant médicaux que circonstanciels. Cette mesure n’a donc pas contribué à l’allègement de la charge administrative pour le blessé. »

L’administration est très attachée au principe du contradictoire. Le blessé doit ainsi subir des expertises mais aussi des contre-expertises. Il peut être interrogé par trois experts différents, avant de passer devant une commission d’attribution de la PMI. Il doit refaire ces démarches si son état se dégrade : demande expresse, expertise, contre-expertise, etc. Des démarches presque similaires doivent être faites à nouveau pour chaque dispositif de réparation ou de reconnaissance.

Le principe-phare de la simplification du code des marchés publics et de la modernisation des relations entre l’État et ses administrés doit résonner tristement aux oreilles des militaires blessés. Si les fournisseurs de l’État peuvent désormais se féliciter d’avoir accès à des coffres-forts numériques, la fusion du dossier de demande de PMI et du dossier dit « du Brugnot », envisagée encore à l’époque où Mmes Kheder et Trastour-Isnart présentaient leur rapport, a finalement achoppé sur des écarts de critères non surmontés de crainte d’une remise en cause « par Bercy » des possibilités de cumul actuelles entre les deux dispositifs. La perspective d’un coffre-fort numérique était également citée dans le rapport de Mmes Kheder et Trastour-Isnart mais cette réforme n’a toujours pas été mise en œuvre. D’après le DRHMD, l’ambition d’un dossier entièrement dématérialisé demeure en dépit de trois difficultés. Après la dématérialisation du processus de versement de la solde, le ministère s’est engagé dans la dématérialisation du processus d’attribution de toutes les pensions, d’invalidité comme de retraite, « une gageure », selon le DRHMD, qui a souligné à nouveau la complexité du CPMIVG. Cette difficulté est réelle et le rapporteur a en mémoire l’échec du logiciel Louvois dont l’élaboration avait précédé une remise à plat des conditions de versement de la solde. C’est pourquoi une simplification de ce code lui paraît opportune. Elle n’est toutefois pas envisagée. Ensuite, les anciennes générations du feu ne seraient pas à l’aise avec l’outil informatique. » Les commissions n’ont pu être dématérialisées que depuis le début de la crise sanitaire liée au coronavirus », a rappelé le DRHMD. « Toutes les précédentes tentatives s’étaient heurtées aux réticences des demandeurs. » Enfin, il conviendrait de préserver le secret médical. Le rapporteur ne comprend pas cette dernière objection, les coffres-forts numériques permettant normalement de définir des droits d’accès différenciés selon les personnes. Il est étonnant que les réformes réalisées dans le domaine des échanges entre l’administration de l’État, notamment fiscale, et les citoyens, ne puissent avoir leur pendant au ministère des Armées. Le rapporteur suspecte un manque de moyens financiers et déposera des amendements en conséquence au moment de l’examen de la prochaine loi de finances.

2.   Des délais de traitement devenus intolérables après la RGPP

La révision générale des politiques publiques (RGPP) a profondément désorganisé l’attribution des PMI causant une souffrance considérable aux blessés.

Le réseau des médecins experts qui dépendait autrefois de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) a en effet été dissous dans les années 2010 dans le cadre de la RGPP. La mission a été transférée à la sous-direction des pensions et des risques professionnels, service de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD) installé à La Rochelle, qui, tout en supprimant des effectifs, a dû absorber un stock considérable de dossiers en souffrance concernant des blessés ou des retraites des anciennes communautés (RAC), c’est-à-dire des victimes des conflits dans les anciennes colonies françaises du Maghreb et de l’Afrique.

Selon le DRHMD entendu par le rapporteur, le service des pensions commence seulement à « sortir la tête de l’eau » après douze ans d’efforts, rythmés par les interpellations régulières des élus et des représentants associatifs, qui se faisaient l’écho de la détresse et de la colère des blessés. Il parvient presque, désormais, à traiter le flux des 8 000 nouveaux dossiers de demandes de pension par an, grâce à un réseau de médecins experts répartis sur l’ensemble du territoire national, au plus près du domicile des blessés, payés par le service, et des médecins-experts installés à La Rochelle au sein du service pour réaliser des contre-expertises. Une dizaine de ces médecins-experts a été recrutée. Ils ont dû reconstituer un socle de compétences et s’approprier la philosophie des textes, car « le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est complexe et d’origine ancienne », a reconnu le DRHMD.

En outre, des problèmes d’accès à l’expertise médicale ont été déplorés du fait que les montants de prise en charge par le service des pensions dans le cadre de ce tiers-payant étaient significativement inférieurs à ceux pris en charge pour les accidents du travail de personnels civils d’autres ministères, par exemple. La tarification des médecins-experts a depuis été revalorisée, ce qui a permis de fidéliser un réseau d’experts sur tout le territoire. L’expertise est donc gratuite pour les intéressés, sous réserve d’une actualisation régulière des tarifs à laquelle le DRHMD a dit veiller.

En dépit de ces progrès, comme le soulignait le rapport de nos collègues Anissa Kheder et Laurence Trastour-Isnart, « l’absence de réponse institutionnelle, déplorée dans certains cas, tient souvent à l’ignorance de certains états de détresse par les structures prévues à cet effet. C’est notamment en cela que le tissu associatif est extrêmement précieux car il peut contribuer à orienter vers l’accompagnement et le soin un blessé ou une famille qui ont perdu tout contact avec les armées. Il arrive également que le système se grippe et génère des délais d’instruction ou une absence de réponse insupportables. »

Le DRHMD a reconnu qu’il existait encore des progrès possibles en matière de simplification administrative. Pendant la crise sanitaire liée au coronavirus, les procédures télé médicales se sont parfois révélées très favorables en réduisant l’appréhension liée au fait d’aller voir un médecin. Elles seront dorénavant plus systématiquement proposées même si les téléconsultations ou les commissions en visioconférence suscitent aussi la réticence de personnes âgées. Beaucoup seraient attachées au fait de venir à Paris et de se présenter devant la commission chargée d’examiner leur situation.

II.   Une meilleure prise en compte de la blessure psychique qui renforce encore l’impératif de simplification

Si le parcours médico-administratif est une épreuve pour tous les militaires, il l’est plus particulièrement pour les blessés psychiques.

A.   Une prise de conscience récente, une question d’actualité

La redécouverte des blessures psychiques, après une première définition en 1992, date de l’Afghanistan, qui a inauguré un nouveau durcissement des conflits. C’est à cette époque qu’ont été recensées de nombreuses victimes de syndromes post-traumatiques et qu’ont été mis en place la plupart des plans de préparation des soldats à la violence des conflits.

1.   De nombreuses initiatives de prévention et d’accompagnement

Auparavant, le décret du 10 janvier 1992 avait déjà déterminé des règles et un barème pour la classification et l’évaluation des troubles psychiques de guerre, en les qualifiant de blessures, avec un seuil indemnisable de 10 % contre 30 % pour les maladies, ce qui est favorable, puisqu’au départ, les syndromes post-traumatiques avaient été considérés comme des maladies. Ensuite, une circulaire du 18 juillet 2000 a assoupli les conditions de reconnaissance des psycho traumatismes avec une expertise qui a rang de preuve pour l’imputabilité médicale. Pour le reste, l’instruction d’une blessure ou d’une maladie psychique est la même que celle du droit commun des pensions militaires d’invalidité. Dès 2014, le Conseil d’État avait d’ailleurs préconisé que la jurisprudence soit la même pour les blessures physiques et psychiques.

« La DRHMD n’est pas restée immobile », a souligné le DRHMD. « En particulier, il a fallu réfléchir à l’adaptation de la procédure pour la blessure psychique ainsi qu’au parcours du blessé, pour essayer de coordonner les acteurs.

Toutes les formations militaires initiales des trois armées prévoient désormais des modules de sensibilisation à la blessure psychique. Avant la prise de commandement, l’armée de Terre prévoit, dans les cours des futurs commandants d’unités, des modules de sensibilisation aux états de stress post-traumatique. Parce qu’elle est parfois confrontée à des désastres à la mer au cours desquels les militaires prennent conscience du risque de mort, comme les naufrages, la Marine accorde elle-aussi une importance croissante à ce sujet. Deux évènements ont été particulièrement décisifs : le drame du vol Airfrance 447 au large du Brésil, le 1er juin 2009, après lequel des marins ont dû aller récupérer des centaines de corps ou de morceaux de corps, et l’actuelle crise d’accueil des réfugiés, qui conduit régulièrement les bateaux qui patrouillent en Méditerranée ou dans le Golfe de Guinée à repêcher des corps ce qui a causé plusieurs syndromes de stress post-traumatique chez des marins et des médecins embarqués. « Le rapport à la mort fait partie des premières choses que l’on aborde avec les jeunes dans les écoles militaires », a rappelé le DRHMD, « parce qu’il faut tout de suite les faire réfléchir aux conséquences de l’engagement. »

La préparation opérationnelle dans les trois armées inclut une phase de mise en condition finale qui prévoit une sensibilisation au risque de traumatisme psychique voire un entraînement et une mise en condition avec des experts. Un suivi médical comprenant un accompagnement psychologique doit avoir lieu en OPEX. Les opérations doivent être suivies d’un passage en « sas de décompression ». Les médecins du SSA sont formés et sensibilisés, d’autant mieux qu’un grand nombre de blessés psychiques sur les théâtres d’opérations sont, en réalité, des soignants. « L’expérience montre qu’on peut très rarement réinsérer dans l’active un blessé psychique au combat, qu’il soit soldat ou personnel soignant », a souligné le DRHMD, « la prévention est donc un souci constant ». Un blessé peut rester en service quoiqu’absent pendant huit ans : une raison de plus pour la DRHMD et le commandement d’être sensible à la prévention.

D’après des témoignages recueillis par le rapporteur, la mise en œuvre de l’accompagnement psychologique après les opérations mériterait cependant d’être plus attentivement vérifiée. Compte tenu de l’ampleur des relèves de l’opération Barkhane, trop de militaires rentreraient chez eux sans sas de décompression et sans occasion d’évoquer les scènes difficiles auxquelles ils ont pu assister avec des médecins.

2.   Un nombre de blessés psychiques en augmentation

Comme l’indiquait le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) dans son rapport thématique de 2019 intitulé La mort, la blessure, la maladie, les militaires sont donc 4,5 fois plus exposés à des troubles psychiques qu’à une blessure par arme ou par engin explosif. Le nombre de blessés psychiques a connu une progression très nette entre 2017 et 2020, avant d’atteindre un plateau en 2021 sans qu’il soit possible d’en déterminer la cause avec certitude. En outre, comme l’indique le HCECM dans sa Revue annuelle de la condition militaire, dont le rapporteur reproduit ici les statistiques, il est indispensable de prêter attention, non seulement aux troubles psychiques déclarés mais aussi, et surtout, à des indicateurs de tendance comme le bilan des appels au numéro « Écoute défense ».

Un flux de 300 blessés psychiques par an en moyenne constitue un stock de patients considérable à diagnostiquer et traiter pour le service de santé des armées. Certains blessés psychiques entendus par le rapporteur lui ont rapporté que la fréquence de leurs rendez-vous avait été revue à la baisse. Le rapporteur suspecte que le niveau actuel d’engagement des médecins du service de santé des armées est la cause de cette révision. Comme l’a indiqué le médecin en chef Virginie Vautier au rapporteur, lors de ses auditions, il convient d’être attentif aux besoins du SSA et cohérents avec la décision qui fut prise d’hyperspécialisation de l’avant, qui s’est traduite par l’envoi de psychiatres sur les théâtres d’opérations. La surprojection des personnels du SSA pourrait remettre en cause la qualité des soins destinés aux blessés psychiques.

nombre de cas de troubles psychiques en relation avec un ÉVÉnement traumatisant au sein des forces armÉes et services dÉclarÉs pour la premiÈre fois (depuis 2016) et nombre de primo prises en charge (2010-2015)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : service de santé des armées.

Champ : militaires des forces armées et formations rattachées.

Nota : depuis 2016, il ne s’agit plus du nombre de « primo prises en charge » mais du « nombre de cas déclarés pour la première fois ».

(1) Consolidation des données publiées en 2018.

(2) La force armée ou le service n’est pas répertorié pour deux de ces cas.

Source : Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, 14e rapport, Revue annuelle de la condition militaire, décembre 2020, page 45.

Bilan des appels au numÉro « Écoute dÉfense »
de militaires en activitÉ, ou de proches, en 2019

Source : Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, 14e rapport, Revue annuelle de la condition militaire, décembre 2020, page 45.

 

Bilan des appels au numÉro « Écoute dÉfense »
d’anciens militaires ou de proches, en 2019

 

 

Terre

Marine

Air

Gend.

SSA, SEA, SCA, DGA

Non déterminé

Proches de

(3)

Total

 

 

 

 

 

Anciens militaires

78

3

2

2

4

32

56

177

 

 

 

 

 

dont appels avec souffrance psy

76

2

2

2

4

28

51

165

 

 

 

 

 

dont HDV(1)

0

1

0

0

0

1

1

3

 

 

 

 

 

dont ESPT(2)

49

1

2

2

3

11

35

103

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rappel 2018

59

1

8

2

0

30

66

166

 

 

 

 

 

Rappel 2017

61

6

2

0

0

23

47

139

 

 

 

 

 

Rappel 2016

74

2

10

2

1

22

1

112

 

 

 

 

 

Rappel 2015

19

0

0

0

1

3

n.d.

23

 

 

 

 

Source : service de santé des armées.

Champ : usagers du numéro vert « Écoute défense » en 2019.

(1) HDV : harcèlement, discriminations, violence.

(2) ESPT : état de stress post-traumatique.

(3) Famille, amis, etc. d’anciens militaires.

Commentaire : les motifs d’appels recensés se basent sur les déclarations des appelants, et non sur un diagnostic clinique. Le total des appels concernant les HDV et les ESPT n’est pas égal aux appels avec souffrance psychologique, qui recouvrent toutes les formes de cette dernière, quelle qu’en soit la cause.

Source : Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, 14e rapport, Revue annuelle de la condition militaire, décembre 2020, page 45.

B.   Le parcours médico-administratif du blessé est particulièrement ardu en cas de blessure psychique

Le rapporteur n’a pas été convaincu de la réalité des vertus cathartiques ou libératrices prêtées par les représentants de l’administration aux nombreuses étapes de la procédure pour l’obtention d’une PMI ou pour l’homologation de la blessure de guerre. Après avoir entendus plusieurs blessés psychiques, il est convaincu qu’en dépit des garanties d’équité apportées par la procédure, celle-ci est particulièrement pénalisante pour les blessés psychiques au point qu’une distinction en droit se justifierait.

1.   Des blessures qui se révèlent parfois des années après le fait générateur

Les états de stress post-traumatiques surviennent parfois plusieurs années après le fait générateur. Le rapporteur a rencontré M. G. qui a quitté l’état militaire il y a dix ans. En 2005, à son retour d’Afrique, après l’attaque de Bouaké, il n’a bénéficié d’aucun suivi. Il a pris ses permissions comme d’habitude. Il est même reparti en OPEX plusieurs fois jusqu’en 2010. Son syndrome de stress post-traumatique s’est déclenché en 2015 : agoraphobie, hyper vigilance… Son quotidien est alors devenu difficile à gérer dans les centres commerciaux ou avec ses enfants au 14‑Juillet. Les démarches administratives pour la reconnaissance de sa blessure ont été d’autant plus difficiles qu’il avait quitté l’institution.

Ancien légionnaire, M. A. a, pour sa part, connu de nombreux moments tragiques. Il a notamment perdu beaucoup de camarades au Tchad. Sur le point de partir en retraite, il a accepté d’être engagé en Bosnie, où il a été blessé physiquement par des éclats de balle dans la jambe. À Sarajevo, il était chargé, avec d’autres camarades, de distribuer de la nourriture et des vêtements aux enfants, tous les vendredis. Ils ont ainsi développé une relation. Tous ces enfants ont été tués sous ses yeux dans l’explosion d’une bombe, à l’exception d’une petite fille. Autrefois montré en exemple dans son régiment, il s’est vu perdre pied. Il a commencé à hurler sur ses enfants quand ceux-ci ne voulaient pas manger à table. Il a fait une chute de dix mètres. Les valeurs d’endurance et de courage qu’il associait à son identité militaire l’ont d’abord incité à masquer ses sentiments et ses difficultés. Il a été diagnostiqué à l’hôpital mais a préféré fuir, d’abord dans la rue, puis dans la forêt. Des camarades sont allés le chercher. Il buvait et s’est battu avec beaucoup d’entre eux. Aujourd’hui, il souffre encore d’aigreurs d’estomac, de psoriasis, en lien avec sa blessure psychique. Plusieurs de ses anciens camarades confrontés au même type de souffrance que lui se seraient donnés la mort. M. A. a attendu quinze mois l’homologation de sa blessure parce que la commission ne se réunit qu’une fois par an.

Beaucoup de ces anciens militaires dont l’ESPT s’est révélé des années après leur engagement en opérations ont eu des difficultés à collecter tous les documents nécessaires à l’instruction de leurs dossiers. Ils ne bénéficient pas de la priorité conférée aux dossiers de retours d’OPEX par le service des pensions et n’ont pas connu les plans d’action et les dispositifs de prévention mis en œuvre depuis 2011. A contrario, ils ont subi l’allongement des délais de traitement des dossiers après 2010. Comme anciens militaires, ils n’ont pas eu accès aux cellules d’aide aux blessés mises en place dans chaque armée.

2.   Des expertises médicales successives particulièrement traumatisantes

Contrairement à ce qu’ont affirmé les représentants du ministère des Armées entendus par le rapporteur, certains blessés affirment que la succession d’expertises et de contre-expertises leur ont parfois « fait perdre pied ». M. R. a été diagnostiqué atteint d’un syndrome post-traumatique (SPT) en 2017, après des opérations en Afghanistan en 2012. Il qualifie les démarches administratives de « chemin de croix » qui imposent de réexpliquer constamment ses symptômes.

Certains militaires ou anciens militaires attribuent souvent l’explosion de leur cellule familiale à la longueur de la procédure et aux rechutes qui suivent certaines contre-expertises.

3.   Un malaise vis-à-vis de l’institution

La blessure psychique demeure encore aujourd’hui une blessure différente, invisible, excluante. Parmi les blessés entendus, beaucoup se sont sentis « lâchés comme de vieilles chaussettes » par l’institution. Un sentiment de rejet serait en partie normal, selon les représentants du ministère des Armées entendus par le rapporteur. Néanmoins, les efforts de sensibilisation actuellement conduits dans les unités se justifient pleinement.

Reconnu atteint d’un ESPT après l’Afghanistan, M. L. dit avoir d’abord été considéré comme un « cas-soc’ » par ses camarades, comme un simulateur, quelqu’un qui s’est trompé de voie. Revenu en garnison quelque temps après une séparation, son état s’est alors dégradé. Il s’est alcoolisé et les pompiers l’ont secouru, inconscient sous le monument aux morts. Il n’a aucun souvenir de la soirée. En tout état de cause, le lendemain, aucun de ses camarades n’a appelé ou n’est venu le voir. Il a estimé qu’il aurait pu se suicider dans l’indifférence générale. Prêt à donner sa vie pour son pays, il se dit profondément déçu aujourd’hui. Il s’imaginait qu’il serait davantage soutenu mais n’a jamais rencontré la bienveillance escomptée, ni de la part de ses camarades, ni de la part de l’institution.

Le DRHMD a confirmé que les blessés eux-mêmes pouvaient avoir un sentiment de honte, celui de n’être pas en adéquation avec les valeurs de courage, de solidarité et de résistance à tout prix devant l’ennemi prônées par le régiment. Mais les armées ont dépassé le cap du déni de la blessure psychique depuis de nombreuses années, notamment après l’Afghanistan, a assuré le DRHMD, qui ne pense pas qu’il y ait de lassitude ou de sarcasme à l’égard des blessures psychiques qui représente un problème de plus en plus prégnant pour lequel les chefs d’état-major s’investissent pleinement.

Le rapporteur estime que la peur de la blessure psychique peut expliquer en partie le rejet ou le déni dont certains blessés font l’objet. La blessure psychique est, à maints égards, un défi pour la cohésion. Il convient donc de poursuivre les efforts pour mieux accompagner et reconnaître ces blessés.

C.   La proposition de loi : une mesure parmi d’autres mais essentielle

Du fait des dispositions constitutionnelles et réglementaires qui régissent les initiatives des groupes d’opposition au Parlement, cette proposition de loi ne peut avoir qu’une ambition restreinte. Le rapporteur la considère néanmoins comme une profession de foi et une occasion de relancer le débat sur la simplification du code des pensions militaires d’invalidité et des blessures de guerre ainsi que sur l’ensemble des dispositions infra réglementaires relatives à l’accompagnement et à la reconnaissance des blessés, fruit, en partie, de la jurisprudence des tribunaux spécialisés.

1.   Un domaine qui se prête peu aux interventions législatives

Comme le relevait le HCECM en juillet 2019, comprendre le droit afférent aux militaires blessés impose de se plonger dans 19 codes, ainsi que dans plusieurs lois et règlements non codifiés. Les règles applicables aux blessés et à leurs familles sont régies par des dispositions issues d’avancées successives apparues dans le temps et sédimentées.

Codes consultés pour l’Étude du sujet de ce rapport en fonction de la spÉCIFICITÉ militaire, de la proximitÉ avec le thÈme et du nombre de citations contenues dans le rapport

Source : HCECM, La mort, la blessure, la maladie, 13e rapport thématique, juillet 2019.

Pour certains interlocuteurs institutionnels entendus par le rapporteur, cette multitude de textes de niveau réglementaire ou infra réglementaire est le gage d’une meilleure prise en compte de toutes les difficultés des blessés et d’une grande souplesse puisqu’il n’est pas nécessaire de demander au Parlement une modification. Toutes les conditions relatives aux décorations et aux médailles sont considérées comme autant d’actes de commandement.

Le rapporteur ne saurait souscrire à cette vision dans laquelle la loi est une contrainte et le Parlement un obstacle. La sécurité juridique et l’intelligibilité du droit doivent primer la souplesse alléguée. C’est selon lui le sens profond de la formule de Clémenceau du 20 novembre 1917.

L’initiative législative du rapporteur fait donc irruption délibérément dans des matières communément considérées comme réglementaires, pour mieux souligner les progrès qui restent à réaliser en matière de simplification et faire prévaloir l’intérêt des blessés dans leur ensemble sur les subtils distinguos d’origine jurisprudentielle.

2.   Un engagement en faveur de la simplification et de l’automaticité

La proposition de loi, que le rapporteur propose de modifier par deux amendements, poursuit la démarche commencée par la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018 dont tous les acteurs du dossier admettent qu’elle a trouvé ses limites.

À la présomption d’imputabilité au service de l’article L. 121‑2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, le rapporteur ajoute donc un principe de reconnaissance automatique sur la base de critères simplifiés. Ainsi, le diagnostic médical du service de santé des armées suffira à établir la réalité médicale et l’imputabilité au service de toutes les blessures psychiques constatées en OPEX. Cette automaticité ne lui paraît pas créer une rupture d’égalité disproportionnée au regard de l’objectif de simplification et eu égard aux caractéristiques des blessés psychiques rappelés supra.

Le rapporteur propose également d’ajouter un article additionnel permettant que l’homologation de la blessure de guerre soit automatique. Tous les militaires bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité en OPEX recevraient donc automatiquement la médaille des blessés de guerre, qui doit aujourd’hui faire l’objet d’une demande écrite. Les conditions de réparation et de reconnaissance ne seront pas substantiellement modifiées par la proposition

Le taux d’agrément des blessures psychiques est en augmentation : de 87 % en 2017, il est de 93 % en 2020. Il n’y a que dans 7 % des cas que l’administration, par son contradictoire, définit que le taux d’invalidité est insuffisant, le plus souvent, ou qu’il n’y a pas de lien au service. Ce taux d’agrément est sensiblement supérieur à celui des blessures physiques. « Il n’y a pas de volonté de traquer des simulateurs potentiels de blessures psychiques », a assuré le DRHMD. Les blessures psychiques sont donc prises très au sérieux. En 2020, plus de 627 PMI ont ainsi été accordées pour des blessures psychiques, 47 dossiers étant rejetés, la plupart parce que le taux d’invalidité n’excédait pas 10 %. Le DRHMD a conclu de l’énoncé de ces chiffres que le dispositif fonctionnait même s’il comprend que des militaires ou anciens militaires puissent en être insatisfaits ou avoir un ressenti à l’égard de l’institution.

Le rapporteur en conclut, pour sa part, que l’attribution d’une PMI pour une blessure psychique avérée en OPEX est d’ores et déjà quasiment assurée. Faire reposer la décision sur le service de santé des armées n’exclut pas que le commandement transmette des éléments au SSA sur les circonstances de la blessure et que le service de santé des armées crée un parcours de soins et de réparation en faisant intervenir des médecins différents.

En ce qui concerne, l’homologation de la blessure de guerre, le rapporteur indique que le ministère des Armées vient enfin d’adopter une circulaire unifiant, pour les trois armées, les conditions d’octroi de la médaille des blessés. Le présent amendement confère une existence législative à cette médaille et dispense le blessé de la demander. Bien évidemment, celui-ci pourra toujours la refuser s’il le souhaite.


—  1  —

   Compte-rendu des débats

 

La commission de la défense nationale et des forces armées examine, sur le rapport de M. Bastien Lachaud, la proposition de loi n° 4016 de M. Bastien Lachaud et plusieurs de ses collègues pour une meilleure reconnaissance et un meilleur accompagnement des blessés psychiques de guerre, au cours de sa réunion du mercredi 14 avril 2021.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi n° 4016 de M. Bastien Lachaud et plusieurs de ses collègues pour une meilleure reconnaissance et un meilleur accompagnement des blessés psychiques de guerre, dont M. Bastien Lachaud est le rapporteur.

Cette proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 6 mai, à l’occasion de la niche parlementaire réservée au groupe de La France insoumise.

Comme son titre l’indique, ce texte vise à supprimer les obstacles administratifs à la reconnaissance de la situation des blessés psychiques de guerre. Concrètement, elle vise à tirer toutes les conséquences de la présomption d’imputabilité au service des blessures psychiques, en conditionnant l’ouverture des droits à indemnisation et l’octroi de la médaille des blessés de guerre au seul diagnostic de la blessure, établi par le médecin du service de santé des armées.

Notre commission a abordé à plusieurs reprises cette question, trop longtemps ignorée. Ainsi, Mmes Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart ont remis en septembre 2019 un rapport en conclusion des travaux d’une mission d’information sur le suivi des blessés. La proposition de loi de M. Lachaud fait d’ailleurs référence à ce rapport qui consacre une section aux blessures psychiques, dans laquelle est dressée la liste des progrès accomplis ces dernières années, en particulier le lancement d’un plan d’action ministériel 2019-2022. Les auteurs de ce rapport constatent cependant que la multiplication des initiatives ne permet pas de dissiper tous les malentendus.

Je remercie le rapporteur de nous offrir l’occasion de débattre à nouveau de ce sujet.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Au service de la Nation, le militaire expose sa vie. Soumis au statut général des militaires, il s’engage avec un esprit de sacrifice qui mérite le respect et la considération de la Nation. « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous », résuma ainsi Clemenceau le 20 novembre 1917 dans un discours de politique générale qui fit date.

Après le rapport de nos collègues Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart de l’an dernier, qui faisait suite à un premier rapport d’Olivier Audibert-Troin et Émilienne Poumirol sur la prise en charge des blessés, en 2014, je crois que nous sommes tous conscients, ici, de l’engagement indéfectible des forces armées pour soutenir leurs blessés. Entendons-nous bien, je ne remets aucunement cela en cause. Il me semble cependant que nous ne leur avons pas suffisamment simplifié la tâche.

Vous connaissez certainement de nombreux blessés, chacun, dans vos circonscriptions. Et vous avez certainement à l’esprit, comme moi, le récit de leurs souffrances, comme ce légionnaire chargé de distribuer des vêtements et de la nourriture tous les vendredis à des enfants de Sarajevo, qu’il a vus périr sous ses yeux dans l’explosion d’une bombe. Vous savez le parcours administratif semé d’embûches qu’ils ont parcouru.

L’exercice des droits à la réparation et à la reconnaissance consacrés par le statut général des militaires repose largement, en effet, sur leur capacité d’initiative. Blessé, le militaire doit être encore suffisamment en possession de ses moyens pour avoir les bons réflexes administratifs. Le guide du parcours du militaire blessé et de sa famille, édité en 2015, actualisé en 2018, en témoigne : le militaire doit rendre compte à son supérieur hiérarchique, il doit faire constater son état de santé, se procurer et conserver tous les documents utiles à l’examen futur des circonstances de sa blessure, et s’engager dans le long parcours de réparation et de reconnaissance.

Le militaire malade, ou blessé, a accès à d’utiles dispositifs d’aide tout au long de son parcours. Mais ceux-ci se ramifient en une kyrielle de sous-dispositifs conditionnés à tout un éventail de critères et de subtiles distinctions pour lesquelles la France semble parfois avoir un talent particulier. À cet égard, je vous renvoie à la comparaison avec le modèle des forces armées canadiennes, cité plusieurs fois dans l’excellent rapport de Mmes Khedher et Trastour-Isnart.

L’obtention d’une pension militaire d’invalidité repose sur de très nombreuses expertises : celle qui établit le diagnostic médical, celle qui permet d’évaluer le préjudice subi, la contre-expertise réalisée par l’administration en application d’un principe de contradictoire qui place d’emblée la procédure sous le signe du contentieux, voire du soupçon, plutôt que de la bienveillance et du soutien. Les expertises doivent être renouvelées si l’état de santé du militaire évolue. À ces expertises s’ajoutent celles requises pour l’indemnisation complémentaire, dite Brugnot, du nom d’une jurisprudence favorable du Conseil d’État, indemnisant des préjudices non fonctionnels comme le préjudice esthétique ou sexuel. La procédure est quasiment la même et requiert, en partie, les mêmes pièces. En partie seulement. La présomption d’imputabilité au service, introduite par la loi de programmation militaire de 2018 n’a guère réduit la charge administrative portant sur les blessés, de l’avis des deux rapporteures que j’ai citées.

Une fois indemnisé, le militaire blessé doit encore solliciter la reconnaissance de la Nation. S’ils ont des droits sur nous, nos blessés sont contraints, toutefois, de les réclamer avec force. Parmi les blessés que j’ai entendus, beaucoup n’ont jamais été reconnus comme blessés de guerre, soit parce qu’ils ont participé à des opérations de maintien de la paix non reconnues comme des opérations extérieures (OPEX), au sens de l’état-major des armées, soit parce qu’ils sont des militaires « isolés insérés » dans une mission multinationale. Par ailleurs, les modèles de courriers fournis par le ministère invitent les blessés à « solliciter de la haute bienveillance » de leur commandement « l’homologation de leur blessure » de guerre. La procédure relève en effet de la seule initiative du blessé. D’après nos collègues, plus de 10 % des blessés de l’armée de terre ne demanderaient jamais la carte du combattant ou le titre de reconnaissance de la Nation, par méconnaissance, négligence, ou par une réticence que certains qualifieraient peut-être de phobie administrative.

Vous m’objecterez sans doute que nos blessés sont bien accompagnés par une galaxie d’acteurs institutionnels et associatifs. Vous aurez raison et je rends hommage à leurs efforts et à leur dévouement. Ce sont ces acteurs plutôt que nos dispositifs, fruits d’une sédimentation centenaire, qui manifestent le plus directement et chaleureusement à nos blessés la reconnaissance de la Nation. Aussi devons-nous nous atteler à la simplification de ces dispositifs, poursuivre la codification de la jurisprudence, afin de dématérialiser les procédures, les automatiser, et les rendre plus transparentes. J’ai compris que les réticences actuelles du ministère des armées étaient guidées par la peur que cette simplification se fasse au détriment de l’indemnisation des blessés. Bercy pourrait vouloir en profiter pour réduire les aides qui leur sont accordées. Mais faut-il se satisfaire que l’opacité seule protège les droits de nos blessés de guerre ? Peut-on seulement l’accepter ?

« Dites-le nous une seule fois ! » Le principe phare de la simplification du code des marchés publics et de la modernisation des relations entre l’État et ses administrés doit résonner tristement aux oreilles des militaires, surtout blessés. Si les fournisseurs de l’État peuvent désormais se féliciter d’avoir accès à des coffres-forts numériques, la devise du ministère des armées semble devoir rester : « Répétez-le-nous à chaque fois ! » Comment ne pas s’en indigner ?

Je voudrais appeler votre attention sur une population croissante aux besoins particuliers, celle des blessés psychiques. Plus de 12 500 militaires de l’armée de terre ont été blessés pour la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation depuis 1993. L’écrasante majorité d’entre eux souffre de blessures psychiques. D’après les statistiques du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) de juillet 2019, dans son rapport intitulé La mort, la blessure, la maladie, les militaires seraient 4,5 fois plus exposés à des troubles psychiques qu’à une blessure par arme ou engin explosif.

La procédure précitée est plus ardue pour ces blessés, pour trois raisons. Tout d’abord, les états de stress post-traumatique surviennent parfois plusieurs années après le fait générateur, cinq, dix ans, voire quinze ans plus tard. Lorsque les troubles psychiques surviennent, les militaires ont donc souvent quitté l’institution. Ils se sont éloignés des acteurs institutionnels de l’accompagnement, n’ont pas toujours demandé leur carte du combattant, n’ont plus la même information et ne peuvent accéder au portail e-PMI mis en place pour dématérialiser la demande initiale de pension militaire d’invalidité. La plupart des blessés psychiques que j’ai rencontrés n’avaient pas bénéficié des mesures mises en place progressivement dans le cadre des plans d’action dédiés à une meilleure prise en charge de la blessure psychique, adoptés à partir de 2011. Ils se sentent terriblement abandonnés par l’institution. Certains signalent que la fréquence des rendez-vous prévus dans leur protocole de soins a été réduite, apparemment du fait d’un manque de personnel et des difficultés de fidélisation du service de santé des armées, en lien notamment avec le taux de projection important des praticiens du service en OPEX.

Ensuite, si je peux admettre que le récit répété de l’événement traumatique, dans un contexte thérapeutique, peut être l’une des étapes du chemin de la guérison, il me semble douteux que cette répétition destinée simplement à faire valoir ses droits soit de nature à apporter une quelconque amélioration à la souffrance et à l’état de santé des blessés. Ceux que j’ai rencontrés me disent plutôt que la succession d’expertises et de contre-expertises leur a parfois fait perdre pied, bouleversant leur vie personnelle, entraînant parfois des séparations, brisant leur famille. Le rapport de nos collègues témoignait déjà de la lassitude des blessés, contraints de fournir de nombreuses pièces, certaines identiques, à différents services, de répéter sans cesse la même histoire. J’en rappelle quelques termes : « Chaque nouveau papier remet le blessé face à un échec », « sentiment de se battre contre le système », « se justifier d’être blessé », « cette complexité administrative, les délais associés, la multitude des acteurs, le manque d’informations sur l’état d’avancement du dossier génèrent de l’inquiétude, de la frustration et de la colère qui nuisent au soin et à la reconstruction », « des procédures administratives rebutantes ». J’ai entendu les mêmes témoignages, ainsi que les pleurs de militaires faisant à nouveau l’effort de me raconter l’origine de leur traumatisme. Il est aussi question de comptes rendus d’expertise perdus, qu’il faut donc refaire, au prix d’un nouvel entretien.

Enfin, je pense que la blessure psychique est par nature excluante. Invisible, elle demeure une blessure « différente », pour reprendre l’expression utilisée par le HCECM. Lorsqu’il se révèle, le trouble psychique pousse souvent le blessé à s’isoler, à rejeter l’institution, et parfois à adopter des comportements dangereux, qui l’isolent de ses proches, de ses anciens camarades. Ils éprouvent souvent un sentiment de honte, celui de ne pas être en adéquation avec les valeurs de courage, de solidarité, de résistance à tout prix devant l’ennemi, prônées par leur unité.

Les militaires blessés psychiques ont donc, selon moi, un besoin aigu de reconnaissance et la nature de leurs troubles renforce encore la nécessité impérieuse de simplifier la procédure.

C’est l’ambition de cette proposition de loi.

M. Jacques Marilossian. Vous voulez améliorer la reconnaissance et l’accompagnement des blessés psychiques. Nous partageons tous, ici, vos objectifs. En effet, toute personne est vulnérable face à la souffrance psychique et le militaire n’y échappe pas. Pour lui, exprimer sa souffrance psychique ne va pas de soi. Cette souffrance peut être stigmatisée. Elle peut aussi entraîner son exclusion. Tous ces aspects ont été abordés dans l’excellent rapport sur le suivi des blessés rédigé, en 2019, par Mmes Khedher et Trastour-Isnart. Malheureusement, nous devons rejeter votre proposition de loi, pour des raisons de fond et de forme.

Commençons par le fond. L’accompagnement des blessés psychiques est, depuis plusieurs années, une priorité du ministère des armées. L’article 54 de la dernière loi de programmation militaire a créé une présomption d’imputabilité au service pour tous les blessés physiques et psychiques. Sur le plan pratique, de nombreux dispositifs et procédures ont été instaurés pour améliorer la prise en charge des blessés psychiques. Le guide du parcours du militaire blessé et de sa famille a été actualisé et amélioré. La maison numérique des blessés et des familles, lancée en 2018 dans le cadre du plan Famille, simplifie l’accès aux principaux droits à réparation, dont la pension militaire d’invalidité. Elle permet également un gain de temps significatif dans le traitement des demandes des intéressés. Le plan ATHOS, lancé en 2019, que vous saluez d’ailleurs dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, met en place des structures dédiées à l’accompagnement psycho-social des blessés psychiques. Enfin, le service des pensions et des risques professionnels est mobilisé pour traiter plus humainement et rapidement les différents dossiers. En 2020, 93 % des demandes de pension d’invalidité déposées pour des blessures psychiques ont ainsi été agréées.

Pour ce qui est de la forme, même si l’on réécrivait l’article 1er, ce texte continuerait de poser de nombreux problèmes du fait de l’ignorance de la procédure de reconnaissance des blessures. Il confond imputabilité au service et lien avec le service. Il introduit une inégalité de traitement entre blessés psychiques et physiques, ce qui pourrait être inconstitutionnel. Il ignore la procédure rigoureuse du service des pensions et des risques professionnels, la nécessité d’une double expertise pour établir le lien entre la blessure et l’invalidité, ce qui pourrait porter préjudice au blessé lui-même. Surtout, il ignore la nécessité d’établir un lien avec le service qui doit demeurer un acte de commandement.

Nous rejetterons donc votre texte, non parce qu’il viendrait de l’opposition mais parce qu’il est satisfait sur le fond et que, sur la forme, il crée davantage de problèmes qu’il n’en résout. Nous souhaitons tous que nos forces armées poursuivent les efforts pour améliorer l’accompagnement des blessés, en particulier les blessés psychiques.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de M. le rapporteur pour ce texte qui met en avant, après notre rapport, les difficultés que peuvent éprouver les blessés, physiques ou psychiques, à être reconnus. Ils doivent remplir de nombreux documents administratifs, se soumettre à des expertises médicales. Le parcours est encore plus compliqué pour un blessé psychique qui a besoin d’oublier ce qu’il a vécu, les images qui l’ont traumatisé. Or, un blessé psychique doit subir des expertises médicales au moment où sa blessure se révèle, puis trois ou six mois après, puis chaque année, au moment de la réévaluation de la pension. C’est très éprouvant.

Le témoignage d’une jeune femme, que j’ai rencontrée, m’a beaucoup touchée. À tout juste 20 ans, elle s’est retrouvée sauveteur de premier niveau, sur le terrain. Traumatisée par ce qu’elle a vu, elle a été hospitalisée durant huit mois et on devinait bien qu’elle aurait du mal à s’en sortir. J’ai échangé avec elle, en présence de son médecin. Elle voudrait devenir infirmière mais son médecin doutait que ce projet puisse se réaliser. Cette jeune fille passait ses journées à faire des origamis pour effacer les images qu’elle avait vues. Il me semble, par conséquent, qu’il n’est pas adapté de demander à ces personnes de répéter, inlassablement, ce qu’elles ont vécu.

Je remercie Bastien Lachaud d’avoir déposé cette proposition de loi mais j’ai entendu les critiques de la majorité. Il serait souhaitable qu’elle se saisisse de ce sujet et présente un texte plus complet afin d’améliorer l’accompagnement de ces hommes et de ces femmes qui, tous les jours, s’investissent pour nous, quitte à y laisser une partie de leur vie, si ce n’est leur vie elle-même. Nous leur devons cette reconnaissance. Nous devons leur simplifier l’existence lorsqu’ils reviennent en France. Nous ne pouvons pas ignorer leurs attentes. Ils souhaitent une reconnaissance de leurs blessures, par une médaille, par un avancement. Des avancées ont été faites, je ne le nie pas, mais nous devons continuer dans cette voie.

Notre groupe s’abstiendra mais, à titre personnel, je voterai pour.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Permettez-moi tout d’abord de préciser deux points. Il arrive que le terme de victime soit employé. Mettons-nous bien d’accord : les militaires peuvent être des blessés de guerre, des héros morts à la guerre, mais pas des victimes. Par ailleurs, les blessures physiques sont souvent opposées aux blessures psychiques. Or, les deux peuvent se cumuler.

Cela étant dit, le rapport d’Olivier Audibert-Troin de 2014, déjà très complet, a permis d’élaborer la loi de programmation militaire et a nourri nos travaux. Il a également servi de base aux différents rapports budgétaires que j’ai pu vous présenter concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. En particulier, un budget de 55 millions d’euros, répartis entre plusieurs exercices, était dédié à la transformation de l’Institution nationale des invalides (INI) en institut spécialisé dans la prise en charge du post-traumatique, pour les militaires mais aussi pour d’autres corps constitués comme la police ou les pompiers. L’INI a vocation à devenir la maison du post-traumatisé en France. L’armée est sans doute le corps constitué qui aura le mieux pris en compte le traumatisme invisible parce que non physique. Les traumatisés crâniens souffrent d’un handicap lourd qui n’est que rarement reconnu.

C’est pour cette raison que Florence Parly et Geneviève Darrieussecq ont souhaité, dans la loi de programmation militaire, mieux prendre en compte l’aspect humain et transformer l’INI. C’est notre approche de la question qui a été modifiée en profondeur pour mieux accompagner les blessés de guerre. Ce souci va jusqu’à prévoir la présence d’un psychologue ou d’un psychiatre lors de l’opération d’un blessé grave, mutilé, pour évaluer le niveau du traumatisme psychique du blessé et le prendre en charge dès son réveil. C’est dire les progrès que nous avons accomplis dans ce domaine.

N’oublions pas, par ailleurs, le programme ATHOS, qui est un dispositif de réhabilitation psychosocial dédié à l’accompagnement des militaires souffrant de blessures psychiques, ni le développement des centres ATLAS (Accès en tout temps, tout lieu, au soutien) ou les mesures prises pour renforcer le soutien à l’ONACVG (Office national des anciens combattants et victimes de guerre) rappelées par Mme Darrieussecq dans l’ensemble du territoire.

Certes, des progrès restent à faire, notamment pour éviter au blessé de se répéter ou de multiplier les procédures mais gardons à l’esprit deux chiffres. En 2019, 91 % des dossiers ont été acceptés, et en 2020, 93 %. Des problèmes demeurent, bien sûr, mais globalement, le dispositif fonctionne bien. Nous rejetterons votre proposition mais nous suivrons de près l’application de la loi de programmation militaire.

M. David Habib. Mme Tristour-Isnart l’a rappelé avec beaucoup d’émotion : notre Assemblée se doit de répondre aux militaires blessés psychiquement et confrontés à un parcours de reconnaissance difficile. Un rapport a été établi et M. Bastien Lachaud nous présente aujourd’hui cette proposition de loi, que nous voterons. J’ai bien compris les réserves qui ont été émises quant à la constitutionnalité de certaines dispositions mais il nous appartient justement, en commission et en hémicycle, de les corriger pour les rendre conformes à la Constitution. Nous n’avons pas déposé d’amendements car cette proposition de loi se suffit à elle-même, quitte à être enrichie par le rapporteur lui-même. Le débat qui se tiendra en hémicycle nous donnera l’occasion de rendre hommage au service de santé des armées et à ceux qui apportent les soins médicaux nécessaires.

M. Thomas Gassilloud. Je remercie Bastien Lachaud pour avoir mis en avant un sujet aussi important. J’ai suffisamment critiqué son groupe précédemment pour saluer aujourd’hui sa mobilisation. Je rends également hommage à l’action du ministère des armées dans ce domaine, depuis 2017 notamment. Il est essentiel de prendre en charge immédiatement le blessé car ce sont souvent les premières minutes qui comptent. La CABAT (cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre) est également un dispositif très important.

Cependant, notre groupe ne votera pas ce texte, pour deux raisons principales. Tout d’abord, le système actuel, même s’il est perfectible, est déjà performant, comme en témoignent les taux d’agrément – 91 % en 2019 et 93 % en 2020. L’existence d’un mur administratif ne semble donc pas avérée. Surtout, l’adoption de cette proposition de loi pourrait saturer le service de santé des armées. Le ministère des armées s’appuie sur un vivier d’experts civils constitués de plus de 400 médecins experts et de plus de 50 psychiatres, implantés au plus près des territoires, alors que la médecine des forces ne dispose que d’une vingtaine de psychologues. Ainsi, au regard des besoins face aux blessures psychiques, le Service de santé des armées (SSA) aurait du mal à gérer en interne l’homologation nécessaire. Au-delà, le Gouvernement a récemment pris des mesures importantes pour les blessés, au travers, notamment, du plan d’action ministériel 2019-2022, dont l’un des trois axes prioritaires était d’améliorer la réhabilitation psychosociale des blessés psychiques.

Enfin, le dispositif ATHOS, qui vise à améliorer la réhabilitation psychosociale, est piloté par l’armée de terre pour l’année d’expérimentation 2021.

Les objectifs de cette proposition de loi sont louables mais ses mesures ne permettront sans doute pas de les atteindre. Voyons-la comme un appel à progresser pour mieux prendre en charge les blessés de guerre, notamment les blessés psychiques.

Mme Danièle Obono. Cette proposition de loi se veut une pierre modeste mais utile à l’édifice de la reconnaissance et de la réparation que la Nation doit à ses soldats blessés.

Ils exposent leur vie, consentent de nombreux sacrifices, obéissent aux autorités civiles et font leur devoir. Lorsque le malheur les frappe, la Nation doit donc tout mettre en œuvre pour être à la hauteur. Cette conviction, nous la partageons. En tant que législateurs, nous devons donc trouver les moyens d’agir le plus systématiquement et le mieux possible. C’est la raison d’être de ce texte. Nous le savons modeste et nous le voulons de bon sens.

La prise en compte et la compréhension de la blessure psychique se sont imposées comme une préoccupation universellement partagée ces dernières années. Pourtant les travaux déjà cités de nos collègues Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart ont montré encore récemment qu’en la matière les intentions n’étaient pas toujours suivies d’effet, et surtout pas assez rapidement. Donnons au Gouvernement et à l’administration un coup de pouce, afin d’améliorer rapidement la situation de ceux qui sont peut-être parmi les plus vulnérables parmi nos blessés : les blessés psychiques.

Vous savez en quoi consiste cette blessure, le rapporteur et plusieurs collègues ayant pudiquement évoqué la situation de personnes rencontrées ou auditionnées. Je vous renvoie également au rapport thématique du HCECM en 2019, indiquant que la blessure psychique est « différente », privant la personne atteinte de la plupart des ressources dont elle a besoin pour faire valoir ses droits face à une administration encore trop complexe, avec une perte de l’estime de soi, un amenuisement de la volonté et un sentiment d’isolement qui rendent parfois la personne dangereuse pour elle-même. Tout cela rend quasiment insurmontable l’accomplissement de démarches administratives.

Nous proposons donc de dessiner les contours d’une procédure simplifiée, dont des centaines de personnes pourraient bénéficier chaque année. Grâce à elle, un blessé psychique pourrait voir un médecin du service de santé des armées afin de faire diagnostiquer sa blessure. Il n’aurait plus à craindre de devoir sans cesse faire le récit de ce qu’il a vécu et qui l’a profondément ébranlé, que son dossier soit incomplet, de devoir solliciter l’aide et la reconnaissance auxquels il a automatiquement droit, ou qu’on doute de la sincérité de son propos ou de la gravité de son mal.

Pour les blessés psychiques moins que pour quiconque, faire valoir ses droits ne devrait pas conduire à s’engager dans une procédure contentieuse. Comme l’a rappelé le rapporteur en s’appuyant sur les propos du vice-amiral d’escadre Hello, plus de 90 % des demandes de pensions militaires d’invalidité (PMI) sont validées administrativement. Assurons-nous donc désormais qu’aucun de ceux qui y ont droit ne renonce à l’obtenir ; près de 10 % d’entre eux baissent les bras ou n’osent la demander, et ce sont encore 10 % de trop.

Quant à l’obtention de la médaille des blessés de guerre, je rappelle qu’elle est de droit et qu’il n’y a donc aucune raison de la conditionner à un acte douloureux de sollicitation.

Nous savons que de nombreuses pistes d’amélioration existent et que ce texte ne traite qu’une toute petite partie du problème. Mais ce petit peu est déjà bon à prendre. Il envoie aux blessés le signal que la représentation nationale et à leurs côtés, et au Gouvernement que nous sommes disponibles pour l’aider à travailler à la grande réforme nécessaire. Je vous propose donc d’adopter cette proposition de loi.

M. André Chassaigne. Pendant longtemps les blessures psychiques ont été minorées par l’institution militaire, soit parce qu’elle fermait les yeux, soit parce que les victimes refusaient d’en parler, soit enfin parce qu’il était très difficile de définir une blessure psychique. Aujourd’hui, il est dit que la blessure psychique résulte souvent d’un événement hors du commun, confrontant directement le sujet à la mort. Elle se manifeste au travers de différents symptômes constitutifs d’un trouble de stress post-traumatique.

J’ai en tête les échanges avec des anciens d’Algérie, qui m’avaient beaucoup bousculé. Quand ils sont rentrés de ce conflit qui ne portait pas encore le nom de guerre, ils n’en parlaient jamais, y compris dans leurs familles, contrairement à ce qui s’était passé lors des précédents conflits. Lorsqu’un ami m’a fait part des expériences qu’il avait vécues, j’ai compris à quel point il était marqué, 40 ans après.

Depuis 2011, les pouvoirs publics ont manifesté leur volonté de mieux prendre en compte les blessures psychiques. Le ministère de la défense a mis en œuvre des plans d’action sur le sujet, je tenais à le rappeler. En 2013 le numéro vert « Écoute défense » a été créé. Fonctionnant en permanence, il a été ouvert aux familles de militaires en situation de harcèlement. Entre 2010 et 2019, le SSA a recensé 2 800 cas de militaires atteints de blessures psychiques, liées à un événement traumatisant. La période de l’engagement en Afghanistan a augmenté considérablement le nombre de cas.

Le ministère de la défense a aussi fait des progrès notables en matière de reconnaissance de ces blessures. Un nouveau plan d’action ministériel 2019-2022 a été mis en place, avec trois axes prioritaires : le renforcement des actions de sensibilisation et de prévention en faveur des militaires et de leurs familles ; un effort pour une meilleure réhabilitation psychosociale des blessés psychiques ; la consolidation des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi. En outre, depuis janvier, deux maisons expérimentales ont été ouvertes dans le cadre du dispositif ATHOS, l’une à Toulon et l’autre à Cambes, afin d’accompagner des militaires blessés psychiques vers une nouvelle vie.

La proposition de loi s’inscrit dans le sens d’une meilleure prise en compte des souffrances psychiques des militaires. Il est en effet impératif d’accompagner ce mouvement. De très nombreux travaux historiques ont montré l’importance des blessures psychiques subies silencieusement par les soldats du fait de la multiplication des opérations. Plus récemment, Pierre Lemaître a mis en évidence la question dans son magnifique roman Au revoir là-haut, prix Goncourt en 2013, en évoquant le désarroi psychologique et psychique des poilus à la fin de la première guerre mondiale.

Le taux d’agrément des blessures psychiques est en constante augmentation : il est passé de 87 % en 2007 à 93 % en 2020. Autrement dit, l’administration refuse l’agrément dans seulement 7 % des cas, soit parce que le taux d’invalidité est inférieur à 10 %, soit parce que le lien avec le service n’est pas établi. Se passer de la procédure administrative en s’en remettant à la seule décision médicale facilitera indéniablement la reconnaissance de la souffrance des militaires, tout en leur permettant de passer à une nouvelle étape dans le processus de guérison.

Le groupe GDR votera en faveur de cette proposition de loi, tout en s’interrogeant sur les modalités de fixation du taux d’invalidité, sur l’absence de contre-expertise et sur la reconnaissance du lien avec le service. Je sollicite le rapporteur à ce propos.

Pour conclure, la proposition de loi ne pourra suffire à elle seule. Comme le font remarquer nos collègues Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart dans leur rapport d’information de 2019 sur le suivi des blessés, il convient de mettre l’accent sur la prévention des blessures psychiques et de s’assurer au moment du recrutement que la personnalité des postulants ne présente pas de caractéristiques rédhibitoires. Elles ont insisté à juste raison sur la nécessaire augmentation des moyens à accorder à la médecine des forces armées, laquelle dispose de seulement vingt et un psychologues, ce qui est très insuffisant.

M. Jean Lassalle. Le problème des blessures psychologiques ne date pas d’aujourd’hui. L’anecdote qui va suivre n’a pas pour objet une quelconque mise en valeur par procuration. En 1920, mon grand-père est venu faire pacager ses brebis sur le Champ-de-Mars, et a passé tout l’hiver à Paris. Bien longtemps après, je lui en ai demandé la raison. Il m’a expliqué qu’alors qu’il était en permission et attendait la correspondance à la gare Montparnasse – comme mon autre grand-père il avait fait toute la première guerre mondiale –, il fit un tour dans le quartier. C’était le printemps ; des couples dansaient sous les tonnelles et à la terrasse des bistrots tandis qu’il avait vécu l’enfer à 170 kilomètres de là. Un homme l’apostropha en ces termes : « Espèce de salopards de troufions, quand allez-vous arrêter vos jeux ? Vous ne voyez pas que vous êtes en train de détruire le pays ? » En 1920, mon grand-père a eu besoin de vérifier si tous les Français étaient pareils.

Comme beaucoup de collègues, j’ai rencontré un certain nombre de traumatisés. Mais un profond changement a eu lieu avec le passage de l’armée de conscription à celle de métier. C’est toute une nation qui avait appris au fil du temps à prendre en charge, bien ou mal, les générations successives de conscrits. Aujourd’hui il n’y a plus rien de comparable. Une prise de conscience populaire est donc nécessaire, et il faut voter ce texte afin de faire un pas de plus. Parce que ces hommes, à un moment donné, ont fait don de leur corps à la Patrie. Le groupe LT votera pour cette proposition de loi et ne déposera pas d’amendements, parce que le texte se suffit à lui-même.

M. Fabien Gouttefarde. À mon sens, il ne faut surtout pas voter ce texte pour trois raisons.

En tant que membre du conseil d’administration de l’ONACVG, je peux vous assurer qu’au mieux deux associations d’anciens combattants ont été consultées à une ou deux reprises, et que les autres ne l’ont pas été. Ces deux associations, notamment l’Union des blessés de la face et de la tête, n’ont à ma connaissance pas donné leur approbation à ce texte. Elles ne soutiennent pas le pouvoir exorbitant qui serait donné au seul diagnostic médical si cette proposition de loi était votée.

Vous avez fait état de la complexité administrative, et on a même pu parler de mur administratif. Les difficultés découlent de la multiplicité des régimes de réparation applicables – vous avez très justement cité la jurisprudence Brugnot – et des types de congés liés à l’état de santé du militaire – congé maladie, congé du blessé, congé longue durée. L’important, c’est que l’imputabilité d’une blessure ne résulte pas du seul constat médical, comme vous le demandez dans votre proposition, mais de deux constats. Il faut établir le lien entre un fait et le service, ce qui relève du commandement, et le lien entre ce fait et la blessure, qui relève en effet du SSA. Autrement dit, le commandement et le SSA sont conjointement compétents pour statuer sur le lien au service. Il ne faut pas s’y tromper, mes chers collègues, cette proposition de loi revient sur cette conjonction.

Enfin, le rapport de nos collègues Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart comprend trois recommandations qui portent sur les pensions militaires d’invalidité et deux sur le lien de la blessure avec le service. Aucune d’entre elles ne correspond à ce que vous proposez.

S’il existe encore des difficultés, ce n’est pas avec cette proposition de loi qu’on arrivera à les résoudre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Si l’article 54 de la LPM avait résolu tous les problèmes, cela se saurait ; ce n’est malheureusement pas le cas. Les rapporteures Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart ont très clairement dit que la reconnaissance de la présomption d’imputabilité n’avait pas eu l’effet escompté.

Je l’ai indiqué dans mon propos introductif et dans mon rapport : bien entendu il existe des dispositifs de soutien qui permettent aux blessés d’avancer dans le parcours de reconnaissance et de réparation. M. Marilossian a évoqué la maison numérique des blessés ou le dispositif ATHOS. Très bien. Mais ce que vous n’avez pas dit, c’est que les anciens militaires n’en bénéficient pas. Et c’est un problème car on sait que le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) peut se déclarer après cinq ou dix ans, et donc quand le blessé a déjà quitté l’institution.

En effet, une simplification de la procédure est assumée dans cette proposition de loi, au détriment de certaines subtilités. La question de sa constitutionnalité a été évoquée. Il est exact qu’une distinction entre blessés psychiques et blessés uniquement physiques est opérée, sachant qu’en pratique beaucoup de blessés physiques sont également des blessés psychiques. Mais cette distinction ne me paraît pas disproportionnée au regard de l’objectif de simplification. Je fais le pari que le juge constitutionnel aurait également cette lecture, parce que cette distinction ne change que la procédure et ne fait perdre de chance de réparation ou de reconnaissance à aucun blessé.

Pour répondre aux questions du président Chassaigne, l’évaluation du taux d’invalidité se ferait de la même manière qu’actuellement et la proposition de loi n’interdit pas au commandement de faire parvenir au SSA des éléments circonstanciés pour établir la justification du lien avec le service. La modification porte sur le fait qu’il n’appartiendrait désormais plus au blessé de s’inscrire dans deux procédures, l’une médicale, l’autre administrative ; mais rien n’empêche que le SSA demande les pièces justificatives du lien avec le service. Le commandement n’est donc évidemment pas privé de son rôle en la matière.

De nombreux orateurs, notamment de la majorité, ont utilisé l’argument du taux d’agrément de 93 % des dossiers pour dire que le système fonctionne. Je n’ai jamais dit que les blessés n’obtenaient pas l’indemnisation ou la reconnaissance qui leur est due. Mais le parcours qu’ils doivent suivre pour cela est trop complexe et générateur de souffrances pouvant empêcher ou gêner leur reconstruction. Votre argument ne s’applique donc pas s’agissant de cette proposition de loi, qui traite du parcours de reconnaissance et d’indemnisation. La multiplication et la sédimentation des dispositifs depuis 1918, voire avant, ne font que complexifier les choses et rendre encore plus touffu le code des pensions militaires d’invalidité – et il ne s’agit en aucun cas au travers de cette observation de remettre en question leur qualité ou leur générosité.

M. Gouttefarde a critiqué la proposition de loi au motif qu’elle porterait sur des détails de niveau réglementaire et infraréglementaire. Rappelons-le, notre assemblée a tout de même voté l’interdiction du téléphone mobile à l’école, ce qui relève à mon sens du domaine réglementaire. S’il est possible d’exonérer le requérant de fournir lui-même toutes les pièces justificatives, pourquoi cela n’est-il pas déjà fait ? Si une loi n’est pas nécessaire, pourquoi un texte réglementaire relevant du ministre de la défense n’est-il pas publié pour résoudre ce problème ? Faisons-le. Chiche !

 

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

 

Avant l’article 1er

 

Amendement DN3 de Mme Sereine Mauborgne.

Mme Sereine Mauborgne. Cet amendement a pour but de dépoussiérer l’article qu’il est proposé de modifier, en supprimant la mention « pendant la durée légale du service national ».

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Le service national sous la forme de la conscription a été simplement suspendu. Il pourrait être rétabli, et dans ce cas la mention en question serait nécessaire. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN4 de Mme Sereine Mauborgne.

Mme Sereine Mauborgne. L’amendement vise à étendre aux réservistes opérationnels le dispositif de présomption d’imputabilité de la blessure.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Lorsqu’ils sont régulièrement convoqués dans le cadre d’un engagement à servir dans la réserve, les réservistes sont considérés comme des militaires à part entière. Cet ajout n’est donc pas nécessaire. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Article 1er
(art. L 121-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre)
Reconnaissance simplifiée de l’imputabilité au service des blessures psychiques constatée en opérations

 

Amendements identiques DN5 de Mme Laurence Trastour-Isnart et DN7 du rapporteur.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Mon amendement prévoit que soient automatiquement considérés comme des blessures imputables au service les troubles psychiques diagnostiqués par le SSA à l’occasion d’opérations extérieures ou de guerre. Il a été rédigé en collaboration avec le rapporteur pour simplifier le dispositif initialement prévu par la proposition de loi et le rendre plus opérationnel.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. À la suite de mes auditions, j’ai souhaité réécrire l’article 1er pour le rendre plus lisible. Cette nouvelle rédaction est le fruit d’un travail commun avec Laurence Trastour-Isnart.

L’amendement prévoit que les troubles psychiques constatés en opérations extérieures ou sur des théâtres de guerre et diagnostiqués par le SSA sont automatiquement considérés comme des blessures psychiques imputables au service.

Cet amendement ne modifierait pas substantiellement les conditions d’indemnisation des militaires. Comme l’a indiqué la direction des ressources humaines, le taux d’agrément des blessures psychiques, en constante augmentation, était de 93 % en 2020 ; dans 7 % des cas seulement, l’administration définit par son contradictoire que le taux d’invalidité est inférieur à 10 %, seuil d’obtention de la PMI. Il est rarissime que l’administration considère que la maladie diagnostiquée n’est pas liée au service.

La médecin en chef du SSA a précisé lors de son audition qu’un SSPT pouvait avoir des origines dans l’enfance ou la vie civile, mais que la scène traumatique obsédante était alors clairement identifiée et que nul ne la confondait, ni ne souhaitait la confondre, avec un épisode de la vie militaire.

Le bénéfice pour nos militaires blessés justifie cette simplification et le choix d’une telle automaticité. Vous m’objecterez peut-être que cela prive le commandement d’un rôle important dans la réparation et la reconnaissance du blessé, mais la formulation retenue n’exclut pas que le commandement transmette des éléments au SSA sur les circonstances de la blessure.

Quant à la relation entre le médecin et le soignant qui serait inévitablement perturbée par cette nouvelle responsabilité conférée au SSA, rien n’empêche le service de créer un parcours de soins et de réparation en faisant intervenir des médecins différents pour diagnostiquer, évaluer et soigner.

Il s’agit simplement de réduire la charge mentale pesant sur le blessé. M. Marilossian ayant jugé que cette réécriture était utile, je ne doute pas que vous adopterez cet amendement.

M. Jacques Marilossian. La réécriture est utile car l’article 1er ne pourrait, en l’état, passer tous les obstacles juridiques.

Il me semble important de rappeler le processus d’une demande de PMI, qui commence bien sûr par une demande, se poursuit par l’imputabilité administrative puis passe par l’expertise et l’analyse médicale.

L’imputabilité au service exige de réunir deux éléments de façon simultanée : l’imputabilité administrative, qui nécessite d’établir un fait précis de service et l’imputabilité médicale, qui établit un lien direct, certain et déterminant entre l’infirmité et le fait de service.

Seul le commandement peut établir l’imputabilité administrative, en affirmant qu’il existe bien un lien direct avec le service. Il a été noté qu’on pouvait faire la distinction entre un soldat traumatisé par le suicide d’un proche alors qu’il était en OPEX et un soldat ayant développé un SSPT après avoir été confronté à une action de combat. Il revient donc bien au commandement d’établir l’existence et le lien avec le service.

L’imputabilité médicale nécessite que le SSA effectue des examens et que le médecin-conseil guide l’analyse afin de fixer un taux d’invalidité en fonction du barème des PMI, à la date de la demande. Cette demande peut avoir lieu plusieurs années après le fait générateur. S’agissant des états de stress post-traumatique, la complexité du diagnostic nécessite souvent une seconde expertise.

Je voterai contre ces amendements qui prévoient que le diagnostic médical du SSA est suffisant. Or on ne peut laisser au seul SSA la responsabilité de l’imputation du service.

M. Fabien Gouttefarde. Il faut reconnaître que, sans ces amendements de réécriture, votre dispositif ne serait pas opératoire, Monsieur le rapporteur. L’article, dans sa rédaction initiale, prévoit en effet que « les bénéficiaires du droit à pension établissent le lien au service », alors que cela relève bien sûr de l’administration.

J’estime, comme Jacques Marilossian, que le diagnostic médical, fut-il posé par le SSA, ne suffit pas à établir la réalité d’un fait de service. Je voterai donc contre ces amendements.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Sans revenir sur les propos de M. Marilossian, je précise que le diagnostic médical intervient, dans la procédure, avant l’imputabilité administrative. S’agissant des cas de SSPT, il faut regarder les choses un peu plus en détail. Il est évident, au vu des taux attribués et des récits, qu’il est très rare que le SSPT développé par un soldat de retour d’OPEX ne soit pas lié au service. Par ailleurs, je rappelle que ce dispositif ne supprime pas le rôle du commandement dans la procédure.

M. Jacques Marilossian. Mais si !

M. Bastien Lachaud, rapporteur. M. Marilossian a commencé son intervention en disant que la procédure débutait « bien sûr » par une demande. Je ne vois pas en quoi la procédure devrait forcément commencer par une demande écrite du blessé. Pourquoi le SSA ne serait-il pas plus proactif ? Pourquoi le diagnostic, une fois posé, ne lancerait-il pas automatiquement la procédure ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Il faut faire confiance à l’encadrement pour évaluer ce qui s’est passé. Il est fréquent, en effet, que le récit d’un affrontement, d’un assaut ou d’un accrochage varie selon les participants. Seul l’encadrement est à même de garder une distance avec le récit et de mieux appréhender les conditions dans lesquelles l’événement s’est déroulé.

En outre, les blessures graves peuvent survenir parce qu’une consigne de sécurité a été enfreinte. Attribuer au blessé une médaille ou un grade alors que le reste de la troupe a respecté les consignes et s’est battu autrement peut poser problème. D’où l’intérêt que l’encadrement reste maître de la notation et du tableau d’avancement. Je voterai contre ces amendements.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Il ne s’agit en aucun cas d’ignorer l’encadrement – bien souvent, il accompagne la demande de réparation –, mais d’éviter les étapes administratives et médicales, les expertises successives. L’objet de ces amendements est de simplifier la procédure pour les blessés en rendant implicite le lien entre le SSA, le commandement et l’administration. J’ai constaté, avec Anissa Khedher, que dans certains corps d’armée, à la Légion étrangère notamment, les blessés ne rencontraient pas ces tracas administratifs car l’encadrement se saisissait de leur problème et qu’ils faisaient l’objet, dès le début, d’une prise en charge globale. Les blessés doivent être mieux accompagnés et leurs démarches simplifiées.

M. Jacques Marilossian. Le sujet est grave et on doit l’aborder avec rigueur. Contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur le rapporteur, le projet ATHOS est ouvert aux anciens militaires.

Madame Trastour-Isnart, nous sommes d’accord, il faut améliorer la prise en charge et la simplification. Mais ces amendements, qui prévoient que « le diagnostic médical du service de santé suffit à établir l’imputabilité », excluent le commandement. Celui-ci n’est pas consulté. Le président du conseil de la commission consultative médicale a cité un cas récent où un taux de 50 % d’invalidité a été retenu alors que la recherche de l’imputabilité administrative a révélé que le demandeur n’était pas présent lors de l’événement traumatisant allégué ! Il peut donc y avoir aussi des erreurs. Nous devons aux blessés de garantir la justice et l’équité dans le traitement des demandes. L’acte de commandement est là aussi pour assurer l’équité et la cohérence.

Améliorer et simplifier la procédure, oui. Mais supprimer un pan d’une procédure qui nécessite deux actes concomitants administratif et médical n’est pas possible. En ne retenant que le diagnostic du SSA, on risque aussi de nuire aux blessés : pour évaluer des blessures psychiques, il faut bien plus d’un examen.

Mme Sereine Mauborgne. Lorsque la commission m’en laisse le temps, le plus souvent la nuit, j’étudie pour passer un diplôme universitaire (DU) d’expertise médico-légale. À la lumière de ce DU, il me semble que supprimer une partie de la procédure pourrait priver les blessés d’une évaluation individualisée. Or, en matière de préjudice, celle-ci doit prévaloir. Qu’il s’agisse de la perte d’un membre ou d’une blessure psychique, il faut plusieurs étapes pour déterminer les différents préjudices – effets sur la vie quotidienne, sur l’agrément, c’est-à-dire la capacité à gérer seul sa vie, sur la sexualité.

Vous avez raison, simplifier les démarches doit être notre règle ; il conviendrait de reprendre le travail d’Amélie de Montchalin, sur la question des délais de dépôt de dossier par exemple, et de mettre en place un baromètre dans le cadre de l’évaluation de l’action publique. Mais vouloir épargner de supposées épreuves aux blessés, qui ne sont que des étapes dans l’expertise, est une erreur d’appréciation. L’expertise médico-légale recherche non pas à imputer mais à évaluer et à individualiser au mieux l’indemnisation.

Mme Patricia Mirallès. Je vous appelle moi aussi à la prudence. Pour m’être occupée de quelques blessés, je crains que nous ne soyons en train de produire l’inverse de ce qu’il faudrait. Toutes les personnes que j’ai interrogées ont peur que ce système ne conduise à complexifier les choses. C’est un parcours du combattant, il faut un suivi, sur un temps long. Pour un soldat, il peut être compliqué de s’exprimer devant un médecin du SSA – un autre soldat. Il lui faut parfois rencontrer quelqu’un de l’extérieur, de neutre, pour lâcher les chevaux, se mettre à pleurer, délier sa parole. Une bonne expertise nécessite du temps. C’est malheureux, mais c’est ainsi !

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Il y a même des soldats qui ne veulent pas parler à des médecins femmes !

M. Thomas Gassilloud. Cette question nous donne l’occasion de débattre et de réfléchir sur la place du chef, ce dont je me réjouis. Je préciserai, à l’attention de Laurence Trastour-Isnart, que la légion étrangère n’est pas un corps d’armée mais qu’elle fait partie intégrante de l’armée de terre.

Comme l’a dit le rapporteur, lorsqu’un SSPT est déclaré en OPEX, il y a de fortes chances que l’imputabilité de service soit établie. Mais on ne peut pas non plus systématiser la procédure. Par ailleurs, un SSPT peut se déclarer peu de temps après l’arrivée en OPEX, car le stress y est si important que des traumatismes passés peuvent réapparaître. Tant sur le lieu que sur la date, il me semble que l’acte de commandement n’est pas inutile.

Le chef n’est pas un élément supplémentaire qui viendrait complexifier le processus. Responsable de tout, il accompagne au quotidien les soldats, qui peuvent le solliciter en retour – c’est d’autant plus vrai dans l’armée de terre où le commandement est très décentralisé. Il serait utile de faire évoluer les pratiques et de sensibiliser les chefs à la nécessité d’accélérer les processus, mais nier leur rôle dans la procédure risque de supprimer un accompagnement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Je vous ai entendus parler à plusieurs reprises d’un examen unique. Nulle part il n’est écrit que le blessé rencontre le médecin une seule fois ! Le SSA est totalement libre de mettre en place le dispositif qu’il souhaite pour assurer le suivi du blessé pendant plusieurs mois. Dans le texte, rien n’empêche de mener un travail sur le long terme, d’organiser un accompagnement du blessé avant la décision.

Madame Mauborgne, j’entends votre remarque sur le côté cathartique et réparateur des différentes étapes de la procédure. Le problème, c’est que celle-ci n’a pas été pensée en ces termes par un médecin ; elle est le résultat d’une sédimentation législative sur plus d’un siècle. Nous pourrions certes la repenser entièrement, à travers un prisme médical.

Monsieur Gassilloud, il ne faut pas confondre l’accompagnement que peuvent apporter les camarades de régiment et le commandement avec la fonction décisionnelle du SSA. L’automaticité n’empêche pas l’accompagnement.

Monsieur Marilossian, vous avez cité le cas d’un SSPT reconnu au niveau médical alors que la personne n’avait pas assisté à l’événement allégué. Les conditions dans lesquelles un SSPT peut se développer, les différentes formes que cette pathologie peut prendre sont encore mal connues. Rien ne dit que le récit par un camarade de régiment d’un fait traumatisant ne peut pas déclencher un SSPT. Il se peut que ce cas ne constitue pas, malgré les apparences, une erreur. Dans tous les cas, je me garderai bien d’émettre un avis – ni vous ni moi ne maîtrisons ces sujets.

 

La commission rejette les amendements.

Les amendements DN1 et DN2 de Mme Sereine Mauborgne sont retirés.

La commission rejette l’article 1er.

 

Après l’article 1er

 

Amendements identiques DN6 de Mme Laurence Trastour-Isnart et DN8 du rapporteur.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Pour simplifier les démarches des blessés de guerre, il est proposé d’attribuer automatiquement la médaille des blessés à tous les blessés, physiques ou psychiques, dont la maladie ou la blessure a été constatée au cours d’une guerre ou d’une opération extérieure. Actuellement, cette médaille doit faire l’objet d’une demande écrite.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Je précise que le ministère des armées vient tout juste d’adopter une circulaire unifiant les conditions d’octroi de la médaille des blessés dans les trois armées. Cet amendement confère donc une existence législative, et non plus seulement réglementaire, à cette médaille et dispense le blessé de la demander. Néanmoins, ce dernier reste libre de refuser une médaille, en lien avec sa blessure.

M. Jacques Marilossian. Une fois de plus, en créant une automaticité, vous excluez le commandement de l’homologation. Dans la procédure d’homologation et d’attribution des médailles, le commandement intervient d’abord, en employeur responsable, pour protéger l’intérêt des militaires, ensuite pour garantir une équité de traitement entre les différents cas de blessure.

L’automaticité pourrait conduire à homologuer des pathologies sans lien avec la blessure de guerre mais relevant éventuellement de l’accident du travail survenu dans un contexte d’OPEX ou d’une faute personnelle de l’intéressé, voire de maladies anciennes. Par ailleurs, pour conserver une équité de traitement, l’évaluation des blessures doit être individualisée. C’est d’autant plus important que l’homologation de la blessure de guerre, outre le droit de porter la médaille, ouvre le droit à d’autres mesures, comme l’attribution de la qualité de grands mutilés de guerre, la carte du combattant, d’autres mentions ou d’autres droits de pension militaire.

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Merci pour ce cours de droit des blessés et la lecture commentée du code des pensions militaires d’invalidité ! Vous qui êtes dans la majorité, qu’attendez-vous pour simplifier la vie des blessés, que ne demandez-vous pas à la ministre des armées de changer le règlement ? J’ai utilisé la niche parlementaire – une par an ! – de mon groupe pour tenter de faire avancer la question des blessés psychiques, adopter des mesures sans doute symboliques mais qui comptent dans la vie quotidienne des blessés.

Vous expliquez que l’homologation ouvre droit au statut de grand mutilé de guerre. Je rappelle que pour bénéficier de ce statut, il faut remplir un dossier supplémentaire et fournir de nouvelles pièces administratives. Quant à la carte du combattant, nul besoin d’avoir été blessé pour l’obtenir : elle est attribuée à toute personne ayant effectué quatre mois d’OPEX.

Vous pouvez vous cacher derrière l’article 54 et dire que tout fonctionne bien, ce n’est malheureusement pas le cas de milliers de blessés qui se heurtent à cette procédure parfois qualifiée de parcours du combattant. En outre, il faut savoir que le statut de blessé de guerre nécessite une révision tous les trois ans : à chaque fois, le blessé doit refournir les pièces car l’administration ne dispose pas de coffre-fort numérique pour les conserver.

Je tiens à rappeler que 10 % des soldats éligibles à la carte du combattant ne la demandent pas. Vous qui êtes dans la majorité, demandez à la ministre de rendre automatique l’attribution de cette carte, comme au Canada ! Cela permettrait de simplifier la vie de nos troupes.

Mme Sereine Mauborgne. La mission d’information sur le plan Famille permettra d’aborder ce type de questions et de préconiser éventuellement l’attribution automatique de la carte du combattant.

 

La commission rejette les amendements.

 

Article 2
Recevabilité financière

 

La commission rejette l’article 2.

 

La commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

 

M. Bastien Lachaud, rapporteur. Chers collègues, je ne peux que déplorer le rejet de cette proposition de loi. Celle-ci aurait constitué un signal fort en faveur d’une simplification devenue urgente. Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart le savent bien, notre volonté d’améliorer la situation des militaires se heurte systématiquement au caractère réglementaire, voire infra réglementaire de nombreuses dispositions relatives à la réparation et à la reconnaissance des blessés ainsi qu’à la crainte que toute harmonisation n’aboutisse à un nivellement par le bas, imposé par des considérations financières.

Notre assemblée devrait porter une réforme ambitieuse du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Nous le devons aux militaires blessés. Elle doit intervenir avant que le processus de dématérialisation ne débute, sans quoi nous risquons fort de rencontrer un fiasco analogue à celui de Louvois.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Je remercie le rapporteur pour l’excellence de son travail et son implication, qui nous ont permis de débattre à nouveau de la blessure psychique. C’est un long cheminement. Je retiens que l’ensemble des dispositifs de réparation reposent sur la valorisation des actions de combat et qu’il faut se garder de la généralisation de toute automaticité, sauf à remettre en cause la singularité militaire.

Je reprendrai volontiers une phrase du rapport d’information d’Anissa Khedher et de Laurence Trastour-Isnart : « il est toujours possible de faire mieux ». Nous venons de le démontrer, la discussion nous a fait progresser. Dans le cadre du débat sur le plan Famille, nous pourrons prendre position sur ces questions. Le changement ne passera peut-être pas par la voie législative, mais par des mesures beaucoup plus concrètes d’organisation et de simplification de la procédure, issues de l’observation du terrain. Nous avions de nombreux témoignages, certains n’ont pu s’exprimer tant la blessure est encore douloureuse, mais il était intéressant d’avoir ce débat.

*

*      *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42, alinéa 1, de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi, que la Commission demande à l’Assemblée nationale de rejeter.

 

 


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   Annexes

   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(dans l’ordre chronologique)

 

– Mme Mercedes Crepin, présidente de l’association Soutien et protection des troupes (SPT) ;

– M. le vice-amiral d’escadre Philippe Hello, directeur des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD), accompagné de Mme Évelyne Satonnet, administratrice civile, sous-directrice de la fonction militaire, et de la commissaire en chef Aude Ballarin, cheffe du bureau des pensions, de la couverture des risques professionnels, des prestations et des anciens combattants ;

– Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG), accompagné du général de division Éric Maury, directeur général adjoint de l’ONAC-VG ;

– M. Patrick Remm, président de l’Union des blessés de la face et de la tête (UBFT) ;

– Mme le médecin en chef Virginie Vautier, du service de santé des armées (SSA).

 


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   Annexe n° 2 :
Le continuum du parcours du militaire blessé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Office national des anciens combattants et des victimes de guerre.


([1]) Olivier Audibert-Trouin et Émilienne Poumirol, Rapport d’information sur la prise en charge des blessés, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2470, 16 décembre 2014. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2470.asp

([2]) Anissa Kheder et Laurence Trastour-Isnart, Rapport d’information sur le suivi des blessés, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2247, 18 septembre 2019. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b2247_rapport-information